SEANCE DU 5 DECEMBRE 2000
M. Adrien Gouteyron.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Gouteyron.
M. Adrien Gouteyron.
Après les propos qui ont été tenus par M. le président de la commission des
finances, j'ai quelque scrupule à prendre la parole maintenant. Je pense
toutefois ne pas faire dévier le débat des principes sur lesquels il repose
dorénavant en m'exprimant sur le titre IV. Je vais m'efforcer de ne pas
dépasser les cinq minutes qui me sont imparties.
Madame la ministre, vous nous présentez un projet de budget qui, si on
n'examine pas attentivement les chiffres, continue d'exprimer une volonté forte
du Gouvernement de faire apparaître l'environnement comme l'une de ses
priorités. Si l'on y regarde d'un peu plus près, on s'aperçoit que ce n'est pas
tout à fait le cas. Je ne reprendrai pas ce qu'ont dit mes collègues, en
particulier M. le rapporteur spécial de la commission des finances et M. le
rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, mais je tiens à
relever ce fait.
La présentation du projet de budget, optiquement satisfaisante, n'en est pas
pour autant, dans la réalité, aussi convaincante que nous l'aurions espéré.
Je souhaite moi aussi revenir sur les crédits de l'ADEME, parce que cela me
semble être un sujet suffisamment important et qui préoccupe vivement les
collectivités locales.
Les crédits de paiement connaissent une baisse drastique : ils passent, on le
sait, de 1,7 milliard de francs à moins de 500 millions de francs - très
exactement 492 millions de francs - dans le projet de budget que vous nous
présentez. A l'évidence, c'est un signal négatif qui est adressé aux
collectivités locales.
Je rappelle que l'ensemble des dossiers avaient déjà été gelés en janvier
1999.
Je rappelle également la baisse des subventions relatives aux installations de
collecte, de tri ou aux « compostières ».
Pour nombre de communes et de syndicats intercommunaux, ce signal négatif aura
pour conséquence de reporter des investissements nécessaires, qui avaient
pourtant été votés.
De 1993 à 1998, l'ADEME a inscrit 2 milliards de francs pour 16 milliards de
francs au total d'investissements programmés par les collectivités et les
industriels au cours de cette période. Au terme d'une enquête menée en 1998
pour identifier l'ensemble des projets à réaliser, il est apparu que le montant
des investissements programmés par ces mêmes industriels et collectivités
locales pour la période 1999-2001 atteignait 20 milliards de francs.
Or, si le régime d'aide en faveur de l'ADEME, qui a été établi en 1997 dans un
contexte de faible niveau d'investissements, était reconduit à l'identique, ce
sont 8 milliards de francs au total qui devraient être programmés afin de
soutenir l'ensemble des projets sur cette période.
Ce sont d'ores et déjà 2 milliards de francs que l'ADEME aurait dû attribuer
en 1999, alors que le montant total de sa dotation annuelle ne s'élevait qu'à
811 millions de francs.
Que se passe-t-il ? Eh bien l'ADEME impose aux collectivités un nouveau
régime, qui comporte une baisse des taux. Les taux étaient généralement de 50
%. On est maintenant dans une fourchette comprise entre 20 % et 30 %, et les
plafonds de dépenses subventionnables sont aussi minorés.
Pour les déchetteries - je prendrai l'exemple concret de l'agglomération du
Puy - la dépense excède 1,6 million de francs et la dépense subventionnable est
plafonnée à 1 million de francs. Ce sont donc les collectivités locales qui
sont mises à contribution : d'abord le conseil général, mais aussi, bien
évidemment, les collectivités de base que sont les communes.
Madame la ministre, je voulais mettre l'accent sur cette réalité que vivent
douloureusement les élus locaux et j'ai saisi l'occasion de cette explication
de vote sur les crédits du titre IV pour le faire.
Bien entendu, je ne voterai pas ces crédits.
(Applaudissements sur les
travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union
centriste.)
Mme Dominique Voynet,
ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.
Je demande
la parole.
M. le président.
La parole est à Mme le ministre.
Mme Dominique Voynet,
ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.
Bien que
j'aie le sentiment d'une certaine redite...
(M. Gouteyron s'exclame.),
puisque nous avons cette conversation
rituellement chaque année depuis 1997, je précise, monsieur le sénateur, que,
lorsque je suis arrivée au ministère en juin 1997, j'ai trouvé une ADEME en
panne, à l'équipe exsangue, à la trésorerie énorme. Pour relancer l'activité de
l'ADEME, non seulement nous avons procédé au changement de l'équipe de
direction, mais nous avons également demandé à cette équipe d'élaborer un
projet pour l'établissement qui permet de mobiliser les personnels autour de la
mise en oeuvre des grandes priorités de l'agence, notamment satisfaire aux
exigences du rendez-vous de 2002 pour ce qui concerne la politique des
déchets.
Nous avons engagé une politique systématique de révision et de refonte des
plans départementaux de traitement des ordures ménagères, là où ils n'étaient
pas satisfaisants. Nous avons augmenté les taux d'intervention de l'ADEME pour
permettre non pas tant de consommer la trésorerie - la tâche était énorme ! -
mais de donner un coup de fouet à cette politique de traitement des ordures
ménagères.
Cette stratégie a été satisfaisante : l'ADEME a redémarré. Elle a été
confrontée non pas à un manque de trésorerie - elle dispose depuis des années
d'une trésorerie énorme, je le repète - mais à un défaut d'autorisations de
programme. Ce sont des autorisations de programme que nous avons dû négocier
avec le budget l'année dernière, dans l'urgence, et non pas des crédits de
paiement, que nous avons toujours obtenus au-delà de nos espérances.
Au vu des reports disponibles à la fin de l'exercice 1999, qui était seul
connu avec certitude au moment de l'élaboration du projet de loi de finances
pour 2001 - ces reports s'établissaient à 3 648 millions de francs, sans qu'on
n'ait jamais eu à refuser le moindre paiement aux collectivités quand leurs
projets arrivaient à maturité -, nous avons décidé d'adapter le montant des
crédits de paiement pour 2001 aux besoins effectifs des établissements. Nous
avons décidé de normaliser la situation, pas d'amputer la marge de
fonctionnement de l'ADEME !
L'ADEME n'a pas imposé aux collectivités un nouveau régime drastique en
faisant passer ses subventions de 50 % à 20 % : elle a procédé à un aménagement
des barèmes, compte tenu du fait que nous avions baissé la TVA sur la collecte
et sur le tri, que nous avions révisé les barèmes des sociétés Eco-Emballages
et Adelphe et que nous avions revu les plans départementaux de traitement des
ordures ménagères avec le souci de réduire les coûts de traitement pour les
usagers.
Ainsi, l'adoption d'une stratégie plus fine pour le remplacement d'un
incinérateur surdimensionné s'est souvent traduit par un coût de traitement des
ordures revu très sérieusement à la baisse.
L'Association des maires de France a réalisé une étude qui montre qu'avec ces
nouveaux barèmes, certes inférieurs à ceux de 1998 mais toujours supérieurs à
ce qu'ils étaient en 1997, le coût de traitement des ordures à la tonne a
baissé depuis 1997, monsieur le sénateur.
M. le président.
Je vais mettre aux voix les crédits figurant au titre IV.
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances.
Je demande la parole pour
explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances.
On peut être très satisfait des
nouvelles modalités de discussion budgétaire et porter un jugement négatif sur
les propositions budgétaires. C'est mon cas.
Madame le ministre, votre ministère pourrait porter un beau nom, celui de «
ministère pour les générations futures ». Lorsqu'on examine attentivement les
actions que mène le gouvernement auquel vous appartenez, on constate qu'il
consomme plus que les richesses qui sont créées et qu'il ne renvoie rien aux
générations futures, parce que les dépenses de fonctionnement augmentent et que
les dépenses d'investissement baissent.
Votre ministère est l'exemple même de l'échec du Gouvernement et, pour vous
encourager à nous proposer un projet de budget meilleur une autre fois, notre
devoir est de rejeter les crédits que vous nous soumettez.
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des
Républicains et Indépendants.)
M. Alain Vasselle.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Vasselle.
M. Alain Vasselle.
Je souhaite conforter brièvement les propos tenus par mon collègue Adrien
Gouteyron et par le président de la commission des finances à partir de
l'expérience que je vis en Picardie, notamment dans le département de l'Oise,
s'agissant du concours apporté par l'ADEME aux collectivités locales en matière
d'investissements publics.
Vous avez déclaré, madame le ministre, que le coût de l'incinération des
ordures ménagères avait baissé par rapport à 1997.
Mme Dominique Voynet,
ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.
C'est
exact !
M. Alain Vasselle.
Ce n'est pas ce que nous constatons dans nos régions ! Mon collègue Philippe
Marini pourrait souligner les contraintes réglementaires toujours plus
importantes auxquelles nous nous heurtons s'agissant de l'instruction des
dossiers par vos services et ceux du préfet, lesquelles viennent alourdir le
coût de l'investissement, pour des raisons que nous comprenons et que nous
pouvons partager.
Mais il ne faut surtout pas laisser croire aux Français, à l'occasion de
l'examen de ce projet de budget, que le coût global du traitement des ordures
ménagères tend à diminuer, alors que nous ne cessons de mener des actions de
sensibilisation et de nature pédagogique auprès des Français pour leur faire
comprendre que, malheureusement, ce coût ne cessera de croître au fil des
années.
C'est donc un trompe-l'oeil. Il ne traduit pas la réalité et c'est nous qui
devons au quotidien, sur le terrain, gérer la hausse du coût de ce service.
J'ajoute que ceux qui se réclament du parti auquel vous appartenez ont un
discours tout à fait contradictoire. Ainsi, dans mon département, je les
entends s'opposer à la construction d'usines d'incinération au motif que les
rejets de dioxine mettent en danger la santé des habitants, mais j'entends les
mêmes s'opposer à la formule, que vous suggérez, de centres d'enfouissement
technique. Pas de CET, pas d'incinération. Mais alors, comment allons-nous
traiter les ordures ménagères ?
La vérité, c'est qu'il n'existe pas de solution technique satisfaisante qui ne
soit pas douloureuse pour ceux qui auront à payer ce service.
Aujourd'hui, dans mon département, il en coûte près de 350 francs par habitant
et par an en collecte et traitement. Or, lorsque l'usine d'incinération sera
mise en place, il en coûtera entre 500 francs et 600 francs par habitant et par
an. Et ce prix sera encore très nettement inférieur à ce que paient les
Hollandais ou les Suédois, comme nous avons pu le constater lors d'un
déplacement en Suède, dans le cadre du groupe d'amitié que je préside. Nous
savons que nos partenaires européens pratiquent des prix beaucoup plus élevés
que ceux que nous connaissons en France. Je m'en réjouis, mais ce n'est pas une
raison pour faire croire à nos concitoyens que, demain, en matière de déchets,
on rasera gratis !
Je terminerai mon propos, madame la ministre, en vous demandant quelles
initiatives vous avez l'intention de prendre prochainement pour obtenir de la
part d'Eco-Emballages la révision du barème et le respect de l'engagement, pris
lors de sa création, de financer le surcoût généré par la mise en place de la
collecte sélective.
Je peux vous prouver chiffres en main que Eco-Emballages n'a pas respecté ses
engagements et qu'il est question non plus du tout de prendre en charge le
surcoût mais de partager les coûts. Lorsqu'on lui fait remarquer qu'il n'est
pas au rendez-vous et qu'il ne tient pas les engagements qu'il a pris,
Eco-Emballages répond, par la voix de son président-directeur général, que, de
toute façon, il est limité dans son action par les instructions qu'il reçoit du
ministère de l'environnement.
Autrement dit, il n'a pas les mains libres pour pratiquer le barème que nous
pourrions souhaiter afin d'alléger le coût des investissements et le coût du
service.
Il faudrait que, enfin, une véritable transparence et un langage de vérité
soient pratiqués dans les enceintes parlementaires pour que les Français
sachent réellement à quoi ils doivent s'en tenir en ce qui concerne le coût du
service.
C'est la raison pour laquelle, en ce qui me concerne, je ne voterai pas le
budget qui nous est présenté.
Mme Dominique Voynet,
ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.
Je demande
la parole.
M. le président.
La parole est à Mme le ministre.
Mme Dominique Voynet,
ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.
Je
répondrai sereinement d'une phrase à M. Vasselle, dont je ne comprends pas la
véhémence : je lui conseille de relire au calme, tranquillement, mon
intervention précédente. Il y verra que j'ai évoqué l'enquête faite par
l'Association des maires de France qui a permis d'objectiver une baisse du coût
du traitement des ordures ménagères à la tonne et que je n'ai en aucun cas
évoqué le coût de l'incinération, dont je veux bien admettre avec lui qu'il va
plutôt aller en augmentant.
M. le président.
M. le ministre, c'est la façon naturelle de s'exprimer de M. Vasselle : elle
n'est jamais agressive, elle est nette !
(Sourires.)
M. Alain Vasselle.
Merci, monsieur le président.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix les crédits figurant au titre IV.
(Ces crédits ne sont pas adoptés.)
ÉTAT C
M. le président. « Titre V. - Autorisations de programme : 331 530 000 francs ;