SEANCE DU 5 DECEMBRE 2000
M. le président.
Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi concernant les affaires
étrangères (et aide au développement).
La parole est à M. Chaumont, rapporteur spécial.
M. Jacques Chaumont,
rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et
des comptes économiques de la nation, pour les affaires étrangères.
Au
printemps dernier, inquiets des menaces qui pesaient sur votre budget, monsieur
le ministre, le président de la commission des finances du Sénat, M. Alain
Lambert, le président de la commission des affaires étrangères M. Xavier de
Villepin, tous les représentants des Français établis hors de France et tous
les rapporteurs du budget des affaires étrangères ont fait connaître au
Président de la République, au Premier ministre et au ministre des finances
leur volonté qu'il soit mis fin à l'érosion de ce budget afin que celui-ci soit
digne de la politique étrangère de la France.
Cette démarche, monsieur le ministre, était aussi une marque d'estime à votre
égard en même temps que la reconnaissance de l'ampleur des efforts accomplis
par votre administration pour améliorer la gestion et le financement de votre
grande maison.
Cette démarche aurait pu porter ses fruits si le ministère des finances ne
s'était pas contenté d'inscrire en loi de finances initiale les crédits qu'il
aurait fini par inscrire en cours d'exercice. Par conséquent, vous ne
disposerez, monsieur le ministre, non pas de moyens supplémentaires mais sans
doute de moyens moindres. Je m'explique.
Les crédits proposés pour 2001 au titre du ministère des affaires étrangères
s'élèvent à 22 milliards de francs, ce qui représente 1,3 % du total du budget
général et 0,2 % du produit intérieur brut.
Ce montant de 22 milliards de francs marque une progression affichée de 5,3 %
par rapport au projet de budget pour 2000.
Apparemment très favorable, cette évolution recouvre, en réalité, une
gesticulation financière, une « emBercyfication », qui ne résiste pas à
l'analyse. Cette hausse ne correspond, en effet, qu'à une prise en compte
partielle de la hausse du dollar et à des mouvements divers de transferts.
Si le titre III progresse apparemment de 5,4 %, la prise en compte de
l'ajustement change-prix et l'effet des différents transferts conduisent à
évaluer à 0,4 % seulement en francs courants la progression des moyens, ce qui
équivaut, en réalité, à une diminution de 0,8 % en francs constants.
Si les crédits d'intervention du titre IV progressent de 9,6 %, cette forte
majoration est uniquement liée à celle des contributions obligatoires et
volontaires, pour lesquelles la France avait accumulé des retards et des
arriérés considérables, notamment en ce qui concerne les opérations de maintien
de la paix.
Si les moyens affectés aux actions de coopération sont globalement reconduits
en francs courants, cela correspond, là aussi, à une diminution en francs
constants.
Enfin, les opérations immobilières financées sur le titre V et les moyens
affectés au financement des projets de développement sur le titre VI diminuent
clairement en francs courants.
Monsieur le ministre, ces turpitudes variées m'amènent à vous poser une
question fondamentale. Au moment où une importante revue américaine vient de
définir notre politique étrangère comme le « védrinisme », j'aimerais savoir si
le « védrinisme » est compatible avec le « Ber-cynisme ».
(Sourires.)
M. Michel Charasse,
rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et
des comptes économiques de la nation.
Que va dire l'Académie ?
M. Jacques Chaumont,
rapporteur spécial.
Mme Carrère d'Encausse n'est pas là pour répondre
!
Le cours du dollar, cette « contrainte » qui est propre au budget des affaires
étrangères, doit cesser d'être à chaque exercice budgétaire un élément d'«
arbitrage » qui « pollue » le débat. D'après les calculs que j'ai faits, on
peut estimer à 45 % la part de votre budget qui est sous l'influence du taux de
change.
Il faut préciser que le principe de la compensation en gestion n'est accepté
que pour les rémunérations des expatriés et pour les contributions
internationales obligatoires. En revanche, les dépenses de fonctionnement, les
salaires des recrutés locaux - qui représentent tout de même près de 6 000
personnes, soit 60 % du total de vos effectifs budgétaires - les dépenses
d'intervention en monnaie locale et l'essentiel des contributions
internationales doivent être financés, en cas d'évolution défavorable du
change-prix, par des économies sur les moyens de votre ministère. Autant dire
que si le dollar se maintenait au niveau actuel, c'est-à-dire à un niveau très
supérieur à 6,50 francs, retenu par Bercy, vous devriez restreindre encore vos
moyens en 2001.
J'ajoute que ces combats constants qui sont menés pour la réévaluation des
indemnités de résidence ou de mission finissent par occuper au-delà du
raisonnable le temps, l'énergie et les capacités de réflexion de nos chefs de
poste.
Ma deuxième remarque porte sur le réajustement nécessaire, me semble-t-il, des
contributions multilatérales.
Votre budget comporte, en effet, une importante majoration de crédits - 868
millions de francs - en faveur des contributions multilatérales.
L'essentiel de cet effort - 723 millions de francs - est consacré aux
institutions spécialisées des Nations unies, et en particulier aux opérations
de maintien de la paix. Toutefois, ce mouvement correspond à l'inscription en
loi de finances initiale des crédits qui sont normalement accordés en cours
d'année.
Or en 2000, il aura fallu abonder le chapitre concerné - et ce chiffre est
significatif - de 1 312 millions de francs pour tenir compte de la hausse du
dollar et des arriérés qui s'accumulaient. Par conséquent, aujourd'hui, rien ne
permet de supposer que le montant inscrit pour 2001 sera suffisant.
Vous avez consenti un petit effort pour les contributions volontaires : 15
millions de francs, contre un effort de 58 millions de francs en 1999 et de 29
millions de francs en 2000.
La faiblesse des contributions volontaires de la France continue d'être
dénoncée, d'ailleurs souvent avec une certaine mauvaise foi, par la communauté
internationale. Nous ne dépassons jamais le dixième, voire le quatorzième ou le
quinzième rang des pays donateurs pour les contributions volontaires. Les
divers entretiens que j'ai pu avoir à l'occasion de la 55e assemblée générale
des Nations unies ont été, à cet égard, délicats. Le Haut-Commissariat des
Nations unies pour les réfugiés, le HCR, souligne que la contribution française
ne suffit même pas à couvrir les salaires des Français qui y travaillent. Si
l'UNICEF se félicite de la générosité des Français, elle regrette que les dons
collectés auprès du public soient près de cinq fois supérieurs à la
contribution du gouvernement français.
Monsieur le ministre, il faudrait procéder à un réexamen d'ensemble des
contributions multilatérales versées par la France.
En effet, si, de 1999 à 2001, l'aide bilatérale a diminué de plus de 1,2
milliard de francs, l'aide multilatérale a progressé dans le même temps de près
de 4 milliards de francs.
Mais cette progression s'est faite uniquement au profit de l'aide
communautaire, c'est-à-dire de Bruxelles, pour laquelle le « prélèvement » est
passé à près de 8 milliards de francs, et au profit d'une kyrielle de fonds et
banques de développement gérés par le ministère de l'économie et des finances,
pour un montant de près de 3,5 milliards de francs.
Mes chers collègues, ni l'aide européenne, ni ces fonds et banques de
développement divers, ni la facilité d'ajustement structurel du Fonds monétaire
international n'ont fait la preuve de leur efficacité, sinon cela se saurait.
Ils ont plutôt prouvé leur inefficacité. La « lisibilité » de l'effort français
n'apparaît plus dans ces actions.
M. Michel Charasse,
rapporteur spécial.
Très bien !
M. Jacques Chaumont,
rapporteur spécial.
M. Charasse y reviendra dans son rapport,
l'importance du prélèvement communautaire au titre de l'aide européenne, à
savoir 8 milliards de francs en 2001, mérite une réflexion. En effet, est-il
acceptable qu'il existe aujourd'hui un reliquat non utilisé de près de 65
milliards de francs sur le Fonds européen de développement, soit plus de deux
fois le montant annuel de l'aide publique française au développement ?
M. Michel Charasse,
rapporteur spécial.
Ces casques à boulons ne sont bons à rien !
(Sourires.)
M. Jacques Chaumont,
rapporteur spécial.
Je me bornerai maintenant à quelques réflexions, en
premier lieu sur la direction générale de la coopération internationale et du
développement, la DGCID. Il est beaucoup trop tôt pour dresser le bilan de la
réforme. On peut cependant se demander s'il n'aurait pas été préférable de
créer, une bonne fois pour toutes, une véritable agence de développement. Mais
il est clair que l'Agence française de développement, l'AFD, qui est le bras
séculier du Trésor, devient l'opérateur « pivot » de notre politique d'aide au
développement et dépouille, lentement mais sûrement, le département de ses
possibilités d'action dans ce domaine.
D'ailleurs, la répartition de l'enveloppe allouée à la DGCID va dans ce sens.
En effet, la priorité demeure la coopération culturelle et linguistique, qui
dispose de la moitié de l'enveloppe, tandis que l'aide au développement peut
faire figure de « parent pauvre » avec moins du quart de l'enveloppe.
Une claire prééminence est accordée aux secteurs culturels classiques, mais
l'audiovisuel semble ne pas être prioritaire puisqu'il ne se voit attribuer que
15 % des moyens, 24 millions de francs seulement étant affectés à l'exportation
des programmes. Sur ce point précis, j'aimerais, monsieur le ministre,
connaître votre point de vue et vos intentions en ce qui concerne la situation
de TV 5 au Canada et aux Etats-Unis. Etes-vous partisan d'une indépendance
totale de la chaîne, en laissant les Canadiens livrés à leur sort, ou
préférez-vous que l'on renégocie avec nos partenaires canadiens une autre
solution ?
Nos collègues sénateurs représentant les Français établis hors de France sont
très sensibles, vous le savez, monsieur le ministre, au fait qu'une part
importante du réseau de l'AEFE, l'Agence pour l'enseignement français à
l'étranger, connaît actuellement une agitation profonde, et d'une ampleur sans
précédent. Les enseignants et les parents d'élèves contestent le plan de
réforme du 14 juin 2000, qui prévoit la suppression de 600 postes d'expatriés
en six ans, un niveau insuffisant des rémunérations, la hausse des droits
d'écolage et la diminution du nombre de bourses.
En réalité, je me demande s'il ne serait pas raisonnable de considérer que la
mission confiée à l'AEFE, la scolarisation des enfants français à l'étranger,
doit être assurée conjointement avec le ministère de l'éducation nationale,
certainement mieux armé, en tout cas, pour gérer les questions relatives aux
enseignants.
M. André Maman.
Très bien !
M. Jacques Chaumont,
rapporteur spécial.
Monsieur le ministre, quelle est votre position sur
ce sujet et quelle est la position du ministère de l'éducation nationale, avec
lequel des discussions sont en cours ?
Comme les années précédentes, j'émets de vives réserves à l'égard des
conditions de sécurité d'un certain nombre d'établissements du réseau,
notamment le lycée de Varsovie - qui a fait l'objet d'une publicité dans la
presse - celui de Bangkok - qui a connu quelques travaux - ou celui de Damas,
et je ne parle pas de ceux dans lesquels la situation est encore plus
difficile. Quelle que soit la nature juridique du mode de gestion des
établissements, monsieur le ministre, il est clair qu'en cas de sinistre grave
la responsabilité qui sera retenue sera celle de l'Etat français, et c'est
votre ministère qui sera en première ligne.
En réalité, je ne suis pas convaincu par le mode de fonctionnement actuel de
l'AEFE. Il y a une trop grande diversité entre les établissements du réseau,
les législations qui leur sont applicables étant très différentes d'un pays à
l'autre. Aussi, je me demande s'il ne faudrait pas avoir un recours accru à la
gestion directe, ce qui nous permettrait de nous mettre en conformité avec le
préambule de la Constitution de 1946, aux termes duquel les enfants ont droit à
un égal accès à l'instruction, une instruction gratuite, laïque et
obligatoire.
M. Michel Charasse,
rapporteur spécial.
De nos jours, ce sont presque des gros mots !
(Sourires.)
M. Jacques Chaumont,
rapporteur spécial.
Ou bien, si l'on veut garder un système différent,
je pense qu'un recours accru à un système de fondation pourrait sans doute être
retenu. En tout cas, monsieur le ministre, vos explications sur l'avenir de
l'AEFE seront certainement suivies avec beaucoup d'attention.
Monsieur le ministre, je voudrais en conclusion, saluer les efforts que vous
avez faits pour obtenir, avec le concours actif du Parlement, une augmentation
de votre budget pour 2001, et pour ne pas être toujours, au sein du
Gouvernement, le « Petit Chose ».
Cet effort cependant reste à poursuivre, car les moyens réels qui ont été
consentis pour soutenir l'action extérieure de la France ne sont pas à la
hauteur des objectifs affichés, auxquels nous souscrivons. Par conséquent, nous
serons attentifs aux conditions d'exécution de votre budget, notamment à la
prise en compte de l'évolution du cours du dollar.
Je me suis appliqué à démontrer toutes les incertitudes qui pèsent sur ce
budget et les singeries « bercyniesques » qui le menacent, avec l'espoir que
nous serons entendus et que, comme le diraient les militaires, notre
dénonciation préemptive sera dissuasive.
(Exclamations.)
Parce que le pire n'est pas toujours sûr et parce qu'à la veille de la
Conférence intergouvernementale de Nice rejeter votre budget ne serait pas un
bon symbole, parce que nous apprécions votre compétence, monsieur le ministre,
la commission des finances propose au Sénat d'adopter votre budget, en espérant
que les errements actuels ne seront pas reproduits en 2002. Comme pourrait le
dire Woody Allen, vis-à-vis de Bercy, les sénateurs sont naïfs... mais pas
trop.
(Sourires et applaudissements sur les travées du RPR, de l'Union centriste et
des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Charasse, rapporteur spécial.
M. Michel Charasse,
rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et
des comptes économiques de la nation, pour l'aide au développement.
Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, l'aide
publique française aux pays en développement et aux organismes multilatéraux
s'inscrit, en 2001, dans une tendance durablement orientée à la baisse, qui
caractérise, il est vrai, la quasi-totalité des grands pays donateurs ou
donneurs, comme on voudra, à l'exception notable du Royaume-Uni.
Depuis 1982, notre aide a clairement régressé, tant en montant absolu - moins
2 milliards de dollars - qu'en pourcentage du PIB - de près de 2 % à moins de
0,6 %. Cette chute est surtout considérable à partir de 1996. Aussi, monsieur
le ministre, vous n'êtes concerné qu'en partie par mes observations. Cette
baisse résulte certes, en grande partie, du retrait massif des capitaux privés
de ce secteur, mais elle recouvre également une sensible diminution de la seule
aide publique qui entre 1996 et 1998, a été réduite de près d'un tiers. Dans ce
domaine, la France est, parmi les pays de l'Organisation de coopération et de
développement économiques l'OCDE, l'un de ceux qui a le plus régressé.
L'aide publique française se caractérise, en outre, par un apport relativement
important et croissant aux pays à niveau élevé et à revenu intermédiaire - elle
leur consacre plus de la moitié du total de son aide - au détriment des pays
les moins avancés. Le niveau de revenu par habitant des principaux
bénéficiaires de l'aide française en 1999 est, à cet égard, assez révélateur.
Je vous renvoie, à ce sujet, à mon rapport écrit, si vous réussissez à le lire.
En effet, les tableaux sont de plus en plus illisibles compte tenu de
l'exiguïté des rapports. Peut-être pourriez-vous en faire la remarque, monsieur
le président. Il faudra bientôt une loupe pour lire ce qui est écrit, mais
c'est sans doute pour que nous ayons enfin des raisons de ne pas les lire !
(Sourires.)
En résumé, plus on est pauvre, moins on est aidé.
Parallèlement, la prééminence accordée à l'Afrique subsaharienne diminue
clairement - elle passe de 55 % du total de l'aide publique en 1988 à 48 % en
1998 - alors même que le « monopole » français y est aujourd'hui de plus en
plus vivement concurrencé. Ainsi, la Grande-Bretagne y consacre 46 % de son
aide, les Etats-Unis, 34 % et le Japon, qui n'est pourtant pas dans sa zone
d'influence, 18 %.
L'aide française est enfin caractérisée par le maintien absolu de la priorité
historique accordée à l'enseignement - soit 30 % du total de l'aide bilatérale
- alors que la France apparaît relativement peu présente, par rapport à ses
partenaires, dans les secteurs de la santé et du développement économique, à
savoir l'eau, l'assainissement, les transports, les télécommunications et
l'énergie.
De fait, la comparaison attentive des communiqués des deux seules réunions du
Comité interministériel de la coopération internationale et du développement,
le CICID, les 29 janvier 1999 et 27 juin 2000, me laisse un peu perplexe. Début
1999, la France entendait, selon le communiqué, maintenir des flux «
substantiels » d'aide publique au développement ; à la mi-2000, il ne
s'agissait plus que de maintenir des flux « importants ».
Certes, en 2001, l'effort français est optiquement marqué par une reprise
importante, comme M. Chaumont l'a souligné tout à l'heure. Il devrait s'élever,
en effet, à 32,5 milliards de francs, non compris l'aide apportée à nos
territoires d'outre-mer.
Mais cette progression importante de 3,5 milliards de francs en 2001, après
une diminution de 1,4 milliard de francs en 2000, résulte en réalité presque
uniquement de la progression de l'aide multilatérale - plus 3,2 milliards de
francs - tandis que l'aide bilatérale n'augmente que de 340 millions de
francs.
Or, ce nouveau renforcement de l'aide multilatérale se fait essentiellement au
profit d'un prélèvement communautaire - M. Jacques Chaumont en a parlé - qui ne
cesse de s'alourdir, échappant à tout contrôle, tant du législatif que de
l'exécutif, ainsi qu'au bénéfice de divers fonds et banques de développement
régionaux gérés directement, non par le ministère des affaires étrangères, mais
par celui de l'économie et des finances. En 2001, le total des contributions «
sous gestion Bercy » atteindra près de 5 milliards de francs, soit six fois le
montant des contributions aux institutions des Nations unies, grâce à une
progression globale d'un milliard de francs, bien supérieure à celle qui a été
obtenue par le ministère des affaires étrangères pour les contributions qu'il
gère directement.
Dans les deux cas, la lisibilité de l'action de la France est inexistante, et
l'efficacité des fonds mis en oeuvre est souvent aléatoire, sinon nulle, faute
précisément de mise en oeuvre.
Le poids croissant de la contribution française à l'aide au développement mise
en oeuvre au niveau communautaire doit être souligné. Il atteindra en effet
près de 8 milliards de francs en 2001, soit 24 % du total de l'aide publique
française aux Etats étrangers.
Or la lourdeur des procédures de décisions communautaires, au niveau tant des
engagements qu'à celui des décaissements, et le refus persistant du pouvoir
exécutif, depuis toujours, de prendre les choses en main
via
le Conseil
des ministres - malgré, monsieur Josselin, un excellent conseil tenu récemment
sous votre présidence, qui a tenté de faire le point sur cette gabegie
européenne - font qu'il existe aujourd'hui à Bruxelles un reliquat non utilisé
de près de 65 milliards de francs - 9,5 milliards d'euros - non dépensés sur le
Fonds européen de développement, le FED, soit plus de deux fois le montant
annuel global de l'aide française. Cela paraît absolument inadmissible.
Ceux d'entre vous, mes chers collègues, qui auront la curiosité d'examiner les
documents budgétaires constateront que, en France, les autorisations de
programme en stock s'élèvent à près de 50 milliards de francs, alors que les
crédits de paiement en stock se montent à près de 30 milliards de francs.
M. Guy Penne,
rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense
et des forces armées.
Très bien !
M. Michel Charasse,
rapporteur spécial.
Vous imaginez un peu ce qui nous arriverait aux
élections cantonales si nous gérions nos budgets comme cela ! Fort
heureusement, la Commission n'est pas soumise à réélection.
(Rires.)
Ceci expliquant sans doute cela !
De même, les quelque 4,2 milliards de francs affectés au programme MEDA I,
destiné à financer l'adaptation des pays sud-méditerranéens à la
mondialisation, ne sont, au terme de leur « durée de vie », mis en oeuvre qu'à
peine à hauteur du tiers de façon globale, voire pas du tout dans certains
pays.
Il paraît donc très regrettable, d'une part, que nous ne puissions pas
contrôler l'utilisation de ces fonds et, d'autre part, que la présidence
française n'ait pas suffisamment mis à profit son mandat pour remettre de
l'ordre dans ce dossier et faire respecter la volonté de l'Europe d'aider les
pays en développement.
Il y a une volonté politique de l'Europe. Ce n'est pas à la Commission
d'empêcher sa mise en oeuvre.
En tout état de cause, la décision du premier CICID de janvier 1999 de
privilégier la « subsidiarité » et, « dans les pays où l'action de la France
n'est pas prioritaire », de « choisir le canal de l'aide multilatérale, et
notamment communautaire », mérite sans doute d'être mieux mesurée à l'aune de
cette inefficacité européenne.
Au total, la part de l'aide publique au développement par le ministère des
affaires étrangères, après fusion, soit 9,2 milliards de francs, est à peine
supérieure à celle du ministère de l'économie et des finances - 8,2 milliards
de francs -, tandis qu'une dizaine d'autres ministères interviennent dans ce
secteur de façon croissante et souvent très autonome, sans qu'on dispose d'une
vision précise des instruments mis en oeuvre et de leurs objectifs, pour un
montant total de près de 2 milliards de francs. Il faut également prendre en
compte la multiplicité d'organismes publics divers - l'ORSTOM, le CIRAD,
l'INSERM, par exemple - qui interviennent dans ce secteur, eux aussi, de façon
autonome.
La commission des finances a décidé qu'à partir de cette année le rapporteur
spécial serait le rapporteur de l'aide publique au développement, et non plus
seulement celui des crédits de la coopération. Je n'ai pas eu le temps d'aller
voir en dehors des crédits du ministère des affaires étrangères. Mais si les
circonstances le permettent, je compte m'en occuper activement l'année
prochaine.
En tout cas, cela ne peut, en aucune façon, contribuer à la cohérence du
dispositif et de la politique suivie.
La mise en place du comité interministériel de la coopération internationale
au développement, qui se réunit une fois tous les dix-huit mois, constitue,
certes, une étape importante. Mais elle demeurera insuffisante tant qu'elle ne
sera pas systématiquement dupliquée au niveau des administrations centrales et
des services à l'étranger, sous l'autorité effective de nos ambassadeurs.
J'en viens maintenant à l'analyse des crédits d'aide publique au développement
spécifiquement gérés par le ministère des affaires étrangères. Je dois dire,
monsieur le président, que ma position n'a, à l'usage, hélas ! guère évolué.
Désormais effective, l'intégration de l'ancien ministère de la coopération au
sein du Quai d'Orsay s'est traduite, à mon sens, par une illisibilité accrue de
l'instrument « aide au développement » - et les hommes, monsieur le ministre,
ne sont pas en cause -, illisibilité qui ne parvient pas néanmoins à pleinement
masquer la diminution de cette aide.
Le projet de loi de finances pour 2001 se caractérise, en effet, par la
banalisation définitive de la composante « coopération technique et aide au
développement », qui devient l'un des trois « outils » de l'agrégat «
coopération internationale », au même rang que la « coopération culturelle et
scientifique » et l'« action audiovisuelle extérieure ».
A cette occasion, la coopération militaire a été sortie de l'agrégat «
coopération internationale » pour être intégrée dans l'« action diplomatique »,
avec des moyens nettement diminués et un champ d'intervention géographique
devenu illimité.
Les crédits d'intervention du titre IV enregistrent, pour leur part, hors
transferts francophonie, une baisse globale de 3 %, qui affecte, pour
l'essentiel, les intruments de la « coopération » traditionnelle.
Ainsi, les effectifs de l'assistance technique, dont vous aviez, vous-même,
monsieur le ministre délégué, estimé à juste titre l'année dernière qu'ils
avaient atteint l'« étiage », continuent de diminuer. Pourtant, vous l'avez
vous-même reconnu, cette spécificité du système français est considérée comme
un incontestable « avantage comparatif » par les autres bailleurs bilatéraux et
multilatéraux. Elle constitue enfin un élément concret de cette « présence
française à l'étranger » que vous vous évertuez à maintenir. Or ce choix de
poursuivre la réduction des coopérants, joint à une politique de gestion du
personnel qui aboutit à rigidifier à l'extrême le processus de recrutement et
de mobilité et se traduit aujourd'hui par l'existence de près de 300 postes
vacants, ne paraît vraiment pas de nature à conforter la place de la France à
l'étranger.
En réalité, l'impression retirée des différentes missions que j'ai menées sur
le terrain et dont vous avez toujours, messieurs les ministres, reçu les
conclusions m'amène à conclure que, au sein de l'aide au développement, l'outil
« projets de coopération » est progressivement supprimé et ses moyens
confondus, sinon transférés, avec ceux de la coopération culturelle et
linguistique, qui n'a pas nécessairement les mêmes objectifs.
Parallèlement, les crédits de subventions à « divers organismes concourant à
la coopération et au développement » progressent, confortant la prolifération
d'associations et d'organismes divers servant d'« opérateurs » souvent chers,
parfois « frimeurs » et fréquemment inefficaces.
(Sourires.)
On passe ainsi clairement d'une logique de « projets » à une logique de «
subventions ». L'efficacité, la cohérence et la lisibilité de l'action
française de coopération n'y gagnent pas nécessairement, pas plus d'ailleurs
que la garantie de bon usage des deniers publics.
L'observation que je fais sur les organisations non gouvernementales ayant été
modulée en commission des finances en ce qui concerne certaines ONG citées par
notre collègue Jacques Chaumont, je profite du fait que mon aimable ami
Jean-Louis Bianco, qui n'a que cela à la pensée, ne siège pas parmi nous pour
me montrer sévère.
(Rires.)
M. le président.
Il est déjà cumulard !
M. Michel Charasse,
rapporteur spécial.
A l'administration centrale, la mise en place de la
nouvelle direction générale de la coopération internationale au développement,
sorte de Léviathan administratif, ne s'est pas faite sans heurts ni critiques,
malgré les mérites éminents du premier directeur qui a été nommé, M.
Nicoullaud, qui s'est un peu tué à la tâche dans cette affaire.
Le jugement porté sur le bilan de cette direction, certes extrêmement récent,
reste mitigé. Les « ajustements » de structure et les nombreux changements de
titulaires de postes de responsabilité attestent de la nécessité de certains
réajustements.
Il me paraît en outre regrettable que l'intégration des personnels au sein du
ministère des affaires étrangères se soit accompagnée parallèlement d'une
réduction massive des personnels contractuels, qui constituaient pourtant une
spécificité précieuse et originale de la « coopération française ».
Pour terminer, l'avenir de cet instrument longtemps priviligié, voire «
emblématique », qu'est le fonds de solidarité prioritaire suscite les plus
grandes inquiétudes, qui vont bien au-delà de la réserve suscitée par les
modifications de procédure, réserve que vous connaissez bien, monsieur
Josselin, pour en avoir assez longuement entendu parler à l'Assemblée
nationale, cette année, et ici, l'année dernière. Mais j'espère que vous allez
faire à la représentation parlementaire des propositions dignes de sa fonction
de contrôle.
A cet égard, monsieur Josselin, je tiens à vous remercier de m'avoir fait
parvenir, conformément à votre engagement, la première liste des projets qui
seront bientôt soumis au comité de décision du fonds, liste que j'ai reçue ce
matin. J'ai seulement noté que le comité d'orientation n'avait pas encore été
mis en place, tant et si bien que ces projets se seront pas éclairés par
l'aimable bavardage auquel ce comité nous conviera lorsqu'il sera installé !
Certes, pour préserver la pluriannualité et le caractère contractuel des
projets mis en oeuvre sur ces crédits, l'inscription en titre VI est
inévitable. Mais, depuis qu'ont été transférées à l'Agence française de
développement les compétences d'investissement sur les secteurs santé et
éducation, la régularité budgétaire des projets présentés au FSP devient de
plus en plus fragile, en ce qu'ils correspondent de moins en moins à des
opérations ressortissant au titre VI et de plus en plus à des opérations
relevant du titre IV, il est vrai soumis à « portion congrue ».
Mais la méthode n'est pas bonne. Persister à vouloir inscrire des projets au
FSP, en diminuant souvent à due concurrence les crédits du titre IV, risque de
les faire tomber en fin de parcours sous le couperet du contrôle financier pour
non-conformité à l'ordonnance organique, ce qui est peut-être, après tout, la
forme d'euthanasie qu'attend tout un chacun. Pour éviter ce danger, il me
semble indispensable de « graver dans le marbre », ce qui n'a pas été fait
jusqu'à présent, la nature exacte des opérations susceptibles d'être financées
sur le FSP.
Je sais, monsieur le ministre, que vos services y réfléchissent, et je ne peux
que vous inciter à poursuivre la réflexion pour ne pas avoir d'ennuis avec le
contrôle financier.
J'ajoute que je suis préoccupé de constater les difficultés inhérentes à la
mise en place de projets dans les nouveaux pays de la ZSP, la zone de
solidarité prioritaire, en raison du manque de connaissance des procédures
idoines par les équipes en place. Ce serait l'occasion d'envoyer de Paris des
missions - enfin utiles ! - pour finaliser ces projets de façon plus
opérationnelle que par des aller et retour fastidieux de télégrammes
diplomatiques policés. Enfin, la durée excessive d'exécution des projets, très
supérieure souvent à la durée de vie politique des partenaires, me paraît
également un défaut à corriger.
Je suis aussi inquiet de voir se diluer notre « zone de solidarité prioritaire
», dont les moyens servent de plus en plus à la satisfaction d'autres besoins
sans cesse multipliés, alors même que le niveau global de notre aide diminue.
Il y a là une vraie incohérence qui risque de nous rendre rapidement
parfaitement incrédibles.
Définie par M. le Premier ministre, en février 1998, comme « la zone dans
laquelle l'aide au développement bilatérale doit être sélective et concentrée »
et où « la France peut disposer d'un effet significatif en termes économiques
ou politiques », la ZSP est censée comprendre « les pays les moins développés
en termes de revenu et n'ayant pas accès aux marchés des capitaux ». A ce
titre, les pays de la ZSP devraient notamment être les seuls à bénéficier des
interventions financées sur le FSP ou par l'intermédiaire de l'Agence française
de développement.
Or l'analyse de l'affectation des différents instruments de l'aide publique
française montre que ce principe de « concentration » n'est pas respecté.
Ainsi, le redéploiement des crédits de coopération militaire vers de nouveaux
partenaires, en particulier les pays d'Europe centrale, est clairement
engagé.
De même, si très peu de projets ont pu être mis en oeuvre au titre du FSP pour
les nouveaux partenaires de la zone de solidarité prioritaire - à peine 7 % de
l'enveloppe 2000 - il est apparu facile d'y inscrire un projet de 30 millions
de francs pour la mise en oeuvre du pacte de stabilité dans les Balkans. De
toute façon, le nouveau décret du 11 septembre 2000 prévoit désormais la
possibilité de financer, « à titre exceptionnel », des projets hors ZSP. Mais
qui sera juge, messieurs les ministres - vous sans doute, le ministère de
l'économie et des finances peut-être - du caractère « exceptionnel » des
interventions en cause et, en termes d'enveloppe budgétaire, jusqu'où ira-t-on
dans l'exception ? Au fond, les crédits de la ZSP ne vont-ils pas devenir
l'argent de poche du Gouvernement pour financer des petits coups ici, là ou
ailleurs ?
(Sourires.)
De même encore, la totalité des crédits d'aide budgétaire exceptionnelle sur
le titre VI ont été affectés à des pays hors zone de solidarité prioritaire.
Enfin, si l'Agence française de développement a réussi à mettre en oeuvre dès
1999 un volume important de projets en faveur des nouveaux pays de la zone de
solidarité prioritaire, elle a également financé des opérations au Kosovo et en
Albanie pour près de 40 millions de francs.
Au total, le décompte de l'aide accordée à la région des Balkans, qui ne
figure pas dans la zone de solidarité prioritaire, sur les deux exercices 1999
et 2000, à travers l'ensemble des instruments d'aide publique au développement,
s'élève, selon mes calculs faits sur un coin de table, par conséquent avec la
modestie qui doit les caractériser, à plus de 750 millions de francs.
Loin de moi et de la commission des finances, naturellement, l'idée de
critiquer la politique de la France dans les Balkans et les interventions que
notre pays y mène. Mais si nous le faisons sans le dire clairement, en plus sur
le dos de nos partenaires traditionnels, il me semble que nous risquons de
perdre sur tous les tableaux. Des moyens pour les Balkans, d'accord, mais pas
financés « sur la bête », qui est déjà un peu maigre !
Aucune décision politique, mes chers collègues, n'a de sens, si elle n'est pas
accompagnée des moyens budgétaires pour la financer.
En fait, notre aide au développement apparaît de plus en plus comme une caisse
au couvercle toujours ouvert pour puiser, au fil de la conjoncture, de quoi
intervenir ici ou là, pour briller un instant dans les instances
internationales et les scènes des grandes controverses mondiales - aujourd'hui,
les Balkans, mais demain qui ? - sans trop savoir qui on aide, qui on nourrit
et de qui on se fait parfois, sans le savoir, le complice.
Au total, le projet de budget pour 2001 conforte les inquiétudes de la
commission des finances, quant à la disparition qui paraît un peu programmée,
quoi qu'on en dise, des coopérants, du FAC, le fonds d'aide et de coopération,
et même d'une zone d'intervention privilégiée. L'aide publique française y
trouvera-t-elle, à terme, véritablement son compte ? Il y a longtemps que je me
pose la question, mais je m'aperçois, au fil des années qui passent, que je
suis de moins en moins seul à m'interroger en ce sens.
Cela étant, messieurs les ministres, mes chers collègues, comme l'a indiqué
tout à l'heure notre collègue Jacques Chaumont, au terme de sa brillante
intervention, la commission des finances a estimé qu'il ne serait pas
convenable de ne pas proposer au Sénat, pour des raisons de responsabilité
tenant à la présence de la France dans le monde, d'adopter les crédits des
affaires étrangères.
(Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi
que sur les travées du RDSE, de l'Union centriste, du RPR et des Républicains
et Indépendants.)
M. le président.
La parole est à M. Dulait, rapporteur pour avis.
M. André Dulait,
rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense
et des forces armées, pour les affaires étrangères.
Monsieur le président,
messieurs les ministres, mes chers collègues, les deux excellents rapports que
viennent de présenter les éminents rapporteurs spéciaux de la commission des
finances me permettront de ne pas revenir sur des chiffres que chacun ici
connaît parfaitement, me bornant à souligner, au travers de deux ou trois
remarques, combien leurs réflexions vont dans le sens de celles de la
commission des affaires étrangères.
Tout d'abord, bien entendu, nous avons tous constaté que ce budget était un
budget en trompe-l'oeil, puisque les argumentations affichées ne prenaient en
compte que ce qui était globalement répercuté dans des lois de finances
rectificatives.
Au total, on ne peut que constater une confirmation de la stabilisation des
crédits enregistrés l'an passé, qui s'inscrivent, heureusement, après plusieurs
années de baisse, mais qui ne permettent pas au ministère des affaires
étrangères de faire face à tous ses besoins.
J'en viens aux trois remarques que je veux formuler.
La première concerne les personnels recrutés locaux. Nous avons observé que,
depuis le rapport Amiot de mars 1999, un « plan d'action pour la valorisation
et la modernisation de la gestion du recrutement local » a été adopté, en
novembre 1999, conduisant à la suppression nette de quatre-vingt-treize emplois
en 2000 et à la révision de quarante et une grilles de salaires et douze
régimes complémentaires dont bénéficient 25 % des 5 800 agents recrutés locaux
à l'étranger.
Ces éléments sont très positifs, mais ce plan souffre d'une faiblesse : son
volet financier. La dotation supplémentaire de 40 millions de francs accordée
en 1999 n'a pu être pérennisée en 2000 et 2001 que contre la non-prise en
compte, sauf cas exceptionnel, de l'effet change et la maîtrise des effectifs.
Résultat, sur le terrain, l'évolution est particulièrement lente et ses effets
se font encore peu sentir. Monsieur le ministre, quelles mesures comptez-vous
prendre pour remédier à ces difficultés ?
Ensuite - c'est ma deuxième remarque - il me semble indispensable de souligner
la faiblesse des moyens d'intervention du ministère dans au moins deux domaines
: nos contributions volontaires, d'une part, au système des Nations unies,
d'autre part, au fonds d'urgence humanitaire.
Le niveau des contributions volontaires, avec 322 millions de francs, reste
inférieur à celui de 1997 et il est près de deux fois plus faible qu'en 1993.
Progressant de 15 millions de francs en 2001, il ne permet toujours pas à la
France, membre permanent du Conseil de sécurité et quatrième contributeur
obligatoire, de tenir partout le rang qui devrait être le sien dans les
nouveaux programmes et la réforme de l'ONU. Toutes contributions confondues,
nous sommes dépassés par le Royaume-Uni, l'Italie et les Pays-Bas. A titre
d'exemple, nous sommes le quinzième bailleur de fonds au Haut-Commissariat pour
les réfugiés, le HCR, qui est une des principales organisations. Monsieur le
ministre, peut-être peut-on voir là la raison de l'échec de la candidature
récente d'un compatriote éminent à la tête de cette organisation !
Je note, par ailleurs, que d'autres pays, qui souhaitent marginaliser l'action
de l'ONU, sont de plus gros contributeurs que nous.
Va-t-on parvenir à dégager les moyens indispensables à la cohérence de notre
politique et à l'influence de la France ?
En outre, la dotation initiale dévolue au fonds d'urgence humanitaire baissera
à nouveau en 2001, de telle sorte que, entre 1993 et 2001, de baisses en gels
de crédits, elle aura chuté de près de 60 %. Ainsi, sauf crise humanitaire de
très grande envergure, comme le Rwanda, le cyclone Mitch ou le Kosovo, les
moyens que la France consacre à son action humanitaire d'urgence sont toujours
moins importants, victimes de la faiblesse globale des crédits du ministère.
Le fonds d'urgence humanitaire souffre d'une sous-dotation structurelle. A
titre de comparaison, là encore, le Royaume-Uni, l'Allemagne ou l'Italie y
consacreront, pour leur part, entre 200 et 300 millions de francs. C'est dire,
messieurs les ministres, l'importance de l'effort budgétaire qu'il nous
faudrait consentir.
Enfin - c'est ma troisième remarque - nous constatons une diminution
substantielle, de près de 88 millions de francs, des crédits immobiliers du
ministère, malgré l'intégration qu'il faut d'ores et déjà remarquer des 59,5
millions de francs provenant du fonds de concours des droits de chancellerie.
Il est dommage, alors que diminuent les besoins de financement de notre
ambassade à Berlin, sujet dont nous avons parlé les années passées, que
l'occasion n'ait pas été saisie de réorienter nos investissements vers les
services des visas ou les lycées français, qui sont l'objet d'une demande
criante de la part de ceux que nous rencontrons lors de nos déplacements à
l'étranger.
M. Jacques Chaumont,
rapporteur spécial,
et Guy Penne,
rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères.
Très bien
!
M. André Dulait,
rapporteur pour avis.
Je demeure également très attentif au fait que ces
crédits ne se trouvent pas phagocytés par de très grandes opérations dont on a
peine à maîtriser les coûts. Si j'approuve totalement la gestion qui a été
faite des crédits pour l'ambassade de Berlin, je regrette toutefois, monsieur
le ministre - c'est peut-être anecdotique, mais cela mérite d'être dit - que
près de 8 millions de francs - vous me confirmerez la somme - aient été
consacrés, à Berlin, aux espaces verts. Peut-être y avait-il là matière à
réorientation !
Mes chers collègues, vous aurez compris, à bien des égards, ce budget ne donne
pas satisfaction à votre commission des affaires étrangères.
Toutefois, par rapport à l'an passsé, le niveau des crédits est préservé, les
effectifs sont stabilisés, le ministère fera un nouvel effort de gestion des
crédits de fonctionnement, et des moyens seront dégagés en faveur des
contributions volontaires ou des personnels recrutés localement.
C'est pourquoi, malgré les très fortes réserves émises en son sein, après un
long débat, compte tenu également des avis émis par mes deux éminents collègues
qui m'ont précédé à la tribune, afin, en outre, de ne pas affaiblir encore
notre politique étrangère et l'action que vous menez, messieurs les ministres,
et dont nous nous félicitons tous, la commission des affaires étrangères
propose au Sénat d'adopter le présent budget.
(Applaudissements sur les
travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants, ainsi
que sur les travées socialistes.)
M. le président.
La parole est à M. Penne, rapporteur pour avis.
M. Guy Penne,
rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense
et des forces armées, pour les relations culturelles extérieures et la
francophonie.
Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers
collègues, les efforts consacrés à l'action culturelle extérieure par le
ministère des affaires étrangères témoignent de la constante volonté des
pouvoirs publics de renforcer cet aspect important de l'influence
internationale de la France.
Les priorités retenues de l'action culturelle s'inscrivent également dans le
projet de rationalisation de notre dispositif extérieur énoncé par M. Hubert
Védrine en 1998.
Notre action culturelle extérieure incombe, en ce qui concerne le ministère
des affaires étrangères, à la direction générale de la coopération
internationale et du développement, la DGCID, dont les crédits pour 2001
s'élèvent à 9,27 milliards de francs.
La poursuite du développement de l'audiovisuel extérieur, la promotion de nos
filières d'enseignement supérieur ainsi que la restructuration de notre réseau
d'établissements scolaires de l'étranger constituent les trois priorités de ce
projet de budget. La maîtrise des nouvelles technologies de l'information
permet de relayer dans le monde entier notre action culturelle extérieure. Le
rôle de l'opérateur TV 5, troisième chaîne mondiale, est ainsi essentiel ;
présente sur 38 canaux et reçue par plus de cent trente millions de foyers, la
chaîne francophone a réussi, sous l'impulsion du plan de reprise défini en 1998
par son président, M. Jean Stock, sa mutation.
Aussi, je ne peux que me féliciter de la dotation de dix millions de francs
supplémentaires pour 2001 dont bénéficiera notre opérateur télévisuel.
Cependant, cette évolution est encore inégale, comme le rappellent les
vicissitudes du développement de la chaîne en Amérique du Nord, qui
impliqueront, en avril prochain, la recomposition de notre partenariat avec nos
homologues canadiens, afin de proposer une grille de programmes renouvelée.
Parmi les autres opérateurs de notre action audiovisuelle extérieure, j'attire
votre attention, messieurs les ministres, sur la situation de Radio France
internationale, aujourd'hui confrontée à une situation financière difficile,
l'obligeant à restreindre son développement - je pense en particulier à la mise
en service d'un émetteur situé à Chypre et au développement de son site
Internet, faute d'une dotation adéquate.
J'en viens à présent à la promotion de nos filières d'enseignement
supérieur.
Messieurs les ministres, la formation des élites étrangères d'aujourd'hui
façonne le visage de la francophonie de demain. Il fallait enrayer la chute de
près de 17 % enregistrée en dix ans par les budgets consacrés aux bourses
d'enseignement supérieur, grâce, notamment, à la promotion internationale de
nos filières dans les domaines de haute technicité.
Deux acteurs contribuent aujourd'hui à ce nécessaire redressement : l'agence
EduFrance, d'une part, le programme Eiffel, d'autre part.
Associant les ministères des affaires étrangères, de l'éducation nationale, de
la culture et du commerce extérieur, avec cent trente-cinq établissements
d'enseignement supérieur, EduFrance a organisé l'accueil de près de trois cent
cinquante étudiants, et a ainsi procuré une recette de vingt-cinq millions de
francs.
La dotation de dix millions de francs octroyée par le présent budget est une
bonne chose et contribuera notamment à développer l'offre de séjours proposée
sur le réseau Internet. Toutefois, messieurs les ministres, pourriez-vous nous
indiquer quel sera le prochain statut de l'agence EduFrance, pour le moment
groupement d'intérêt public, mais limité dans le temps ?
En outre, le programme Eiffel permet d'accueillir des étudiants ressortissants
des pays émergents pour un séjour de longue durée dans nos filières à haute
technicité. A ce titre, je ne peux que me réjouir de l'inscription de quinze
millions de francs supplémentaires, qui permettront d'atteindre, à l'horizon
2001, un budget global de près de 100 millions de francs, et ainsi de
poursuivre ce programme de formation de la prochaine génération de
décideurs.
J'en viens, enfin, à mon troisième point : le devenir du réseau de l'agence
pour l'enseignement français à l'étranger, qui recevra cette année une
subvention de près de deux milliards de francs.
Je reviendrai messieurs les ministres, non pas, sur les difficultés
rencontrées par la gestion du parc immobilier de l'agence mais plutôt sur les
mouvements sociaux déjà évoqués par messieurs Chaumont et Dulait, qui ont
jusqu'à présent bouleversé le fonctionnement régulier de nos établissements
scolaires de l'étranger, qui accueillent près de 160 000 élèves, dont 67 000
Français.
Messieurs les ministres, le réseau est confronté à plusieurs types de
problèmes, le plus grave étant celui des recrutés locaux, souvent dans une
situation difficile de précarité et de rémunération. Des personnels titulaires
de certains établissements sont en grève, car ils estiment que les mesures
annoncées pour 2001 sont insuffisantes.
Les élèves et les parents d'élèves craignent des retards dans le déroulement
des programmes, car ils sont confrontés aux échéances académiques et redoutent
des grèves administratives qui les priveraient de résultats au moment où ils en
ont besoin pour les préinscriptions ou inscriptions dans les filières
universitaires.
Vous n'avez pas, messieurs les ministres, créé une mauvaise situation dans le
réseau ; force est de constater que vous en avez hérité. Mais, dix ans après
l'élaboration du statut de l'agence, il faut, ensemble, avec les représentants
des usagers et les parlementaires, redéfinir les missions de notre enseignement
et refondre les modalités de fonctionnement de l'agence. Pour atteindre ces
buts, la cotutelle avec l'éducation nationale, qui a pour vocation de se
préoccuper du domaine de l'enseignement en général, semble à beaucoup d'entre
nous une bonne idée.
M. Jacques Chaumont,
rapporteur spécial.
Très juste !
M. Guy Penne,
rapporteur pour avis.
La partagez-vous ? Dans le cas où votre réponse
serait affirmative, pourriez-vous nous faire le bilan des approches entre les
deux ministères ?
Aussi, en fonction de progrès réels et malgré certaines insuffisances
budgétaires sur lesquelles j'ai souhaité attirer votre attention, je vous
propose, mes chers collègues, au nom de la commission des affaires étrangères,
de la défense et des forces armées, de voter le budget du ministère des
affaires étrangères pour 2001.
(Applaudissements.)
M. le président.
La parole est à Mme Brisepierre, rapporteur pour avis.
Mme Paulette Brisepierre,
rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense
et des forces armées, pour l'aide au développement.
Monsieur le président,
messieurs les ministres, mes chers collègues, je ne peux malheureusement que
redire ici les vives inquiétudes que la commission des affaires étrangères, de
la défense et des forces armées a exprimées à l'occasion de l'examen des
crédits consacrés à l'aide au développement. Nous souscrivons pleinement, à cet
égard, aux analyses que le rapporteur spécial, M. Michel Charasse, a présentées
au nom de la commission des finances.
Pour ma part, j'insisterai sur quatre sujets de préoccupation majeurs.
En premier lieu, l'effort que nous consacrons à l'aide publique au
développement s'est encore réduit entre 1999 et 2000, passant de 20,4 milliards
de francs à 18,9 milliards de francs, soit une nouvelle contraction de l'ordre
de 7,5 %.
L'aide publique française ne représente plus que 0,33 % du PIB, contre 0,39 %
en 1995. L'évolution des dotations prévue pour 2001, même s'il est parfois
difficile d'en prendre une juste mesure, compte tenu des changements de
nomenclature récurrents depuis trois ans, confirme malheureusement ces
tendances. Je ne peux que constater que la baisse des crédits coïncide avec la
mise en oeuvre de la réforme de la coopération et en contredit point par point
les objectifs. Les moyens financiers ont été réduits, alors même que le champ
de notre coopération s'est ouvert à soixante et un pays, au titre de la zone de
solidarité prioritaire, la ZSP. La mise en oeuvre de moyens diminués dans un
champ d'intervention géographique élargi conduit à la dispersion de notre
action et à l'affaiblissement de notre influence. Pouvez-vous nous indiquer,
messieurs les ministres, ce que vous envisagez de faire pour mieux accorder les
moyens financiers aux objectifs de la réforme ?
En deuxième lieu, la situation paraît d'autant plus paradoxale que nos
instruments d'aide au développement, dont les enveloppes sont progressivement
rognées, tendent à être mis au service de pays situés hors de la zone de
solidarité prioritaire. L'an passé, le fonds de solidarité prioritaire avait
ainsi financé des opérations au Kosovo. Cette année, c'est au tour de l'aide
budgétaire, pourtant destinée en priorité aux pays africains, d'être utilisée
pour financer des interventions en Macédoine.
Je ne veux pas me prononcer sur l'opportunité de ces opérations, mais j'estime
inadmissible qu'elles soient financées au détriment de pays de la ZSP. Si le
mot solidarité a un sens, il implique une priorité en termes d'aides
financières. Il est indispensable, aujourd'hui, de mettre fin aux dérives qui
affectent la cohérence même de notre politique de coopération.
En troisième lieu, nous courons aujourd'hui deux risques majeurs s'agissant de
l'aide technique.
D'une part, la diminution continue des effectifs pourrait entraîner un
amoindrissement de notre rôle sur le continent africain. Près du tiers des
postes auront été supprimés en quatre ans ! Vous nous aviez pourtant affirmé
l'an passé, monsieur Védrine, que nous étions parvenus à l'étiage et qu'il ne
pourrait plus y avoir de nouvelle diminution sans risquer de compromettre
gravement l'efficacité de notre action. Pouvez-vous nous dire s'il est dans les
intentions du Gouvernement de permettre de nouvelles suppressions de postes
?
D'autre part, le changement de nature de notre coopération représente
également un risque. Le projet de budget pour 2001 voit la suppression de
l'intitulé « assistance technique », remplacé par deux nouvelles rubriques : «
expertise de longue durée » et « missions d'experts de courte durée ». On peut
craindre que les missions courtes ne prennent progressivement une place
prépondérante au détriment des missions longues. Si une telle évolution devait
se confirmer, la coopération française perdrait l'un de ses principaux atouts,
que nous envient d'ailleurs la majorité des autres bailleurs de fonds. Seule
une présence prolongée sur le terrain confère l'expérience et la compétence
indispensables à l'efficacité de notre action. L'avenir de l'assistance
technique ne peut se décider à la faveur d'obscurs arbitrages budgétaires ; il
faut un grand débat public, auquel le Parlement prendra part. Pourriez-vous,
messieurs les ministres, nous donner des garanties quant au recours à ces «
expertises courtes » ?
En quatrième lieu, et j'en terminerai pas là, il faut aussi favoriser le
développement en encourageant les investissements dans la zone de solidarité
prioritaire, en particulier en Afrique. Il faut inciter nos compatriotes à
s'expatrier, et ce serait sans doute plus facile si les Français installés à
l'étranger bénéficiaient, de la part des pouvoirs publics français, d'un
minimum de garanties qui n'existent pas encore aujourd'hui.
Ainsi, quand nos compatriotes se trouvent ruinés à la suite d'événements
politiques dans lesquels ils n'ont aucune part de responsabilité, rien n'est
fait pour leur assurer des conditions d'indemnisation ou des aides comparables
à celles dont bénéficient à juste titre, en cas de circonstances
exceptionnelles, les Français restés sur notre territoire !
La question récurrente des pensions des retraités français n'est pas moins
invraisemblable et douloureuse. J'insiste pour que les futurs accords qui
seront conclus dans l'optique des opérations d'annulation de dettes bilatérales
comprennent des dispositions relatives à la remise en ordre des régimes
africains de caisses de retraite, afin de restaurer un paiement normal et
régulier des pensions dues à nos compatriotes. Pouvez-vous également, messieurs
les ministres, nous donner des assurances sur ce sujet ? Défendre les Français
en Afrique, c'est aussi, ne l'oublions pas, favoriser le développement de ce
continent.
Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues,
l'évolution des crédits d'aide au développement détermine la place que la
France accorde à l'Afrique. Or, à travers l'Afrique, c'est notre rayonnement
international qui est en jeu. Il convient donc de peser les conséquences, à mon
sens désastreuses pour notre influence dans le monde, de la réduction de notre
effort en faveur du développement. Une véritable prise de conscience de la
réalité de la situation, qui se dégrade d'année en année, est aujourdhui
indispensable si nous voulons conserver à la France le rang qui doit être le
sien dans le monde.
M. Jacques Legendre,
rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles.
Très bien
!
Mme Paulette Brisepierre,
rapporteur pour avis.
Nous savons que tel est aussi votre objectif,
monsieur Védrine. C'est pourquoi nous vous faisons confiance, et, en dépit, je
dois le dire, de nombreuses réticences, la commission des affaires étrangères a
décidé, eu égard à votre personnalité
(Sourire.),
d'adopter votre projet
de budget.
(Applaudissements.)
M. le président.
La parole est à Mme Pourtaud, rapporteur pour avis.
Mme Danièle Pourtaud,
rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, pour les
relations culturelles, scientifiques et techniques.
Monsieur le président,
messieurs les ministres, mes chers collègues, il me faut d'abord rappeler que
les crédits de la DGCID, à partir desquels, depuis l'année dernière, nous
envisageons globalement l'évolution de la politique des relations culturelles,
scientifiques et techniques, ne permettent pas d'avoir une image homogène des
moyens consacrés à celle-ci.
Je noterai donc simplement que les crédits de la DGCID subiront un très léger
repli en 2001, avant de montrer que cela ne met pas en cause le dynamisme d'une
politique dont nous approuvons les orientations et la mise en oeuvre. Je
regrette toutefois, au nom de la commission des affaires culturelles, la
régulation de 80 millions de francs opérée sur l'exercice 2000. Le Parlement,
vous le savez, messieurs les ministres, n'aime pas les régulations ; s'agissant
d'un budget aussi réduit que celui de l'action culturelle extérieure, elles
sont d'autant plus difficiles à accepter.
M. Jacques Legendre,
rapporteur pour avis.
C'est vrai !
Mme Danièle Pourtaud,
rapporteur pour avis.
Le premier domaine ressortissant à la compétence de
notre commission est l'action audiovisuelle extérieure. Elle bénéficiera à
nouveau, en 2001, de la priorité affirmée en 1999. Nous saluons cette
continuité indispensable à la montée en puissance et en efficacité de
l'instrument clé de toute action culturelle performante dans le monde
d'aujourd'hui.
Il a été décidé de maintenir en 2001 la totalité des moyens qui avaient été
alloués en 2000 à l'action audiovisuelle extérieure. Une mesure nouvelle de 10
millions de francs a en outre été accordée à TV 5 afin d'améliorer, en
coordination avec France Télévision, la couverture télévisuelle francophone du
Maghreb. Il s'agit de pallier les conséquences de l'arrêt, sur décision des
autorités tunisiennes après les dernières élections présidentielles, de la
diffusion de France 2 par voie hertzienne terrestre sur le territoire
tunisien.
Ainsi, TV 5 est confirmée dans son rôle de pivot de notre action télévisuelle
extérieure. Je note que son plan d'entreprise de 1999 est mis en oeuvre de
façon satisfaisante. La déclinaison en cinq signaux régionaux des émissions
diffusées à partir de Paris est achevée et, à la fin de cette année, la
numérisation de l'ensemble du processus de production et de diffusion, qui
était l'un des éléments principaux de la modernisation de TV 5, sera elle aussi
parvenue à son terme.
Cela permet une très bonne réactivité en matière d'information. C'est ainsi
que TV 5 a pu se transformer, pour l'Afrique, en chaîne d'information continue
et a largement participé à l'information de la population sur le déroulement
des crises récentes sur le continent, en particulier en Côte d'Ivoire.
Je tiens à citer deux chiffres illustrant cette réussite : les écrans
publicitaires ouverts l'année dernière sont utilisés à plein et procureront 12
millions de francs de recettes à la chaîne en 2001 ; quant au potentiel de
réception, il a augmenté de 50 % entre juin 1998 et août 2000, ce qui montre
l'intérêt des câblo-opérateurs et des opérateurs de plates-formes satellitaires
pour la nouvelle formule. Ainsi, il est bon de rappeler que TV 5 est devenue la
première chaîne mondiale de service public, devant la BBC.
J'ajoute que la crise de de TV 5 Amérique est en train d'évoluer. Peut-être
pourrez-vous, monsieur le ministre, nous apporter des précisions à cet égard.
Je rappelle que TV 5 Amérique, gérée par l'entité canadienne, est un échec du
point de vue tant du nombre des abonnés aux Etats-Unis que du contenu des
programmes, plutôt inadaptés s'agissant de l'Amérique latine.
Mais je voudrais insister sur l'importance qu'il y a à faire de TV 5 Amérique
une vitrine attractive de la francophonie. C'est sans doute difficile dans une
zone aussi saturée d'images et aussi peu ouverte aux programmes étrangers que
les Etats-Unis, mais cette difficulté est une raison supplémentaire d'exiger un
double dynamisme de la part des gestionnaires de TV 5 Amérique.
C'est pour susciter une relance, à l'image de celle qui a été réussie en
Europe, que les ministres responsables de TV 5 ont décidé, le 27 octobre
dernier, de créer à l'échelon mondial une entité unique, gérée par un seul
conseil d'administration, éditrice d'un programme-réseau. La France a annoncé à
cette occasion son intention de confier à TV 5-Satellimages, c'est-à-dire à TV
5 Europe, le signal pour l'Amérique latine, et elle a réservé sa position sur
l'avenir du signal destiné aux Etats-Unis. Messieurs les ministres, la
commission des affaires culturelles se réjouit de votre fermeté sur ce dossier,
qu'il ne faut pas laisser s'enliser.
Avant de conclure sur l'audiovisuel extérieur, je voudrais faire part de mon
inquiétude en ce qui concerne les conditions de la collaboration entre TV
5-Satellimages et son nouvel actionnaire majoritaire, France Télévision.
Cet adossement au secteur public, que nous avons souhaité afin d'améliorer
l'accès aux programmes pour TV 5, ne doit en aucun cas, à mon sens, remettre en
question l'autonomie et les missions de cette dernière. Il serait en outre
inacceptable que nous retrouvions une situation à laquelle vous avez su mettre
fin et que nos opérateurs publics se fassent concurrence.
Par ailleurs, je ne sais pas si vous êtes en mesure de nous dire quel sera le
sort de Canal France International, qui me semblait être un outil utile,
complémentaire de TV 5.
Enfin, eu égard à l'arrêt programmé des activités de la Sofirad, la Société
financière de radiodiffusion, pouvez-vous nous indiquer ce que deviendront les
opérateurs radios Medi I et Africa n° 1 ?
Pour respecter le temps de parole qui m'est imparti, je dois maintenant
évoquer très rapidement les autres dossiers.
En ce qui concerne l'enseignement français à l'étranger, je note que la
dotation de l'AEFE progressera en 2001 de 2,08 % par rapport à 2000. Cela
inclut une mesure nouvelle de 10 millions de francs en faveur des bourses
scolaires destinées aux enfants français, et une mesure de 2 millions de francs
pour le développement des nouvelles technologies de la communication dans les
établissements scolaires. La préoccupation d'équité sociale et le souci de
modernité pédagogique restent ainsi au coeur de notre politique dans ce
domaine.
Sur le plan social, l'un des problèmes à résoudre reste la réforme des
rémunérations. Un groupe de travail a été constitué afin de réfléchir à la
refonte des statuts d'enseignants. Il a permis d'obtenir quelques avancées
partielles, dans l'attente de la refonte des statuts, qui devrait être achevée
pour la rentrée de 2001. Comme vous le savez, messieurs les ministres, il est
urgent de trouver des solutions, car l'impatience monte. Les personnels des
établissements français du Maroc ont ainsi lancé une grève pour demander que
les promesses du ministère concernant la prise en charge partielle de la
couverture sociale des recrutés locaux soient tenues. Pouvez-vous nous dire ce
qu'il en est de cette question ?
Je voudrais terminer ce bref exposé en évoquant l'action de l'Association
française d'action artistique, l'AFAA, qui a connu un nouveau départ en janvier
2000 avec un changement de statut lié à l'absorption d'« Afrique en créations
», l'ancienne agence culturelle du ministère de la coopération.
Je rappelle que l'AFAA joue depuis 1992 le rôle d'opérateur de l'action
artistique extérieure, sous la tutelle conjointe du ministère des affaires
étrangères et du ministère de la culture. Sa compétence s'étend au spectacle
vivant, aux arts plastiques, à l'architecture et au patrimoine.
Le changement de statut de l'AFAA a été l'occasion de préciser ses missions.
L'AFAA n'est plus exclusivement tournée vers l'« exportation » de nos artistes,
mais est aussi chargée de la promotion des cultures étrangères en France. Je
songe en particulier ici au programme des saisons culturelles étrangères, dont
la dernière a été le « Temps du Maroc », en 1999. L'AFAA s'occupe aussi, dans
l'optique de sa mission de coopération culturelle, de favoriser la diffusion de
la création africaine à l'étranger.
Dans le domaine de l'action artistique extérieure, comme pour l'audiovisuel et
pour l'enseignement du français, nous voyons les choses bouger, les
institutions s'adapter, les ambitions de la politique extérieure épouser
l'évolution du contexte international et l'apparition de nouvelles logiques
d'actions.
C'est en fonction de ce dynamisme probant qu'il me reste, au terme de cette
brève présentation, à proposer au Sénat, au nom de la commission des affaires
culturelles, d'approuver les crédits des relations culturelles, scientifiques
et techniques, globalement maintenus en 2001, orientés selon des priorités que
la commission a approuvées les années passées et utilisés avec un constant
souci d'efficacité maximale.
(Applaudissements sur les travées socialistes,
ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen et sur
certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Legendre, rapporteur pour avis.
M. Jacques Legendre,
rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, pour la
francophonie.
Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers
collègues, les crédits consacrés à l'action en faveur de la francophonie
proviennent de différents budgets, ce qui n'en facilite pas toujours
l'analyse.
Il s'agit d'abord de crédits gérés par le service des affaires francophones du
ministère des affaires étrangères. Ils sont reconduits, pour 2001, au même
niveau qu'en 2000, soit 61,6 millions de francs ; mais ils font l'objet d'une
nouvelle ventilation : les 53,5 millions de francs versés au fonds multilatéral
unique pour assurer l'exécution des décisions prises par les sommets
francophones sont désormais regroupés sur un chapitre unique, avec les autres
versements effectués par le ministère au profit de ce fonds.
Le fonds multilatéral unique assure le financement de quatre opérateurs de la
francophonie : l'Agence internationale de la francophonie, dont le budget
s'élève à 122,5 millions de francs ; l'Agence universitaire de la francophonie,
dont le budget est de 137,5 millions de francs ; l'université Senghor
d'Alexandrie et l'Association internationale des maires francophones, dont les
budgets avoisinent la douzaine de millions de francs.
L'enveloppe globale du FMI est décidée pour deux ans - un biennum - par chaque
sommet de la francophonie. Pour 2001, comme en 2000, elle s'élève à 366
millions de francs. La France en finance plus des trois quarts, soit 283,5
millions de francs.
Le cinquième opérateur, TV 5, fait l'objet d'un financement distinct : la
contribution de la France s'élèvera en 2001 à 377,5 millions de francs, soit 10
millions de francs de plus qu'en 2000.
La contribution globale de la France à la francophonie multilatérale s'est
élevée à près de 750 millions de francs en 2000 et se maintiendra au même
niveau en 2001. Il est donc clair que l'apport financier de la France à la
francophonie est et restera déterminant.
A la suite d'une demande formulée jadis par notre regretté collègue Maurice
Schumann, un jaune budgétaire récapitule chaque année l'ensemble des crédits
concourant au développement de la langue française et à la défense de la
francophonie.
Cet exercice est difficile à réaliser, et le ministère de l'économie et des
finances ne manifeste jamais beaucoup de bonne volonté à s'y plier. Mais on
peut estimer ces crédits pour 2001 à 5 727 millions de francs, contre 5 652
millions de francs en 2000, soit une hausse de 1,3 %.
La France, on peut le constater, consacre chaque année à son action en faveur
de la francophonie des crédits importants, et elle remplit son rôle de premier
pays de la francophonie.
Pourquoi faut-il donc qu'elle suscite néanmoins la perplexité, voire le doute,
quant à sa volonté de jouer pleinement son rôle aux côtés des autres pays de la
francophonie ? Il y a là un paradoxe français sur lequel il faut nous
pencher.
Il tient tout d'abord à la légèreté avec laquelle des responsables publics et
privés français négligent leur langue.
Les exemples abondent.
C'est un journal français qui, en octobre 2000, rapporte qu'une conférence de
presse s'est tenue au ministère des finances à Paris sur l'aide occidentale à
la Yougoslavie et que cette conférence de presse s'est tenue en anglais à la
demande des officiels présents et contre le souhait des journalistes
interloqués.
M. Michel Charasse,
rapporteur spécial.
Ah ! Pour une fois que l'on me faisait part de ce que
voulaient les journalistes !
(Sourires.)
M. Jacques Legendre,
rapporteur pour avis.
C'est le groupe Hachette, fleuron de l'édition
française, qui croit nécessaire de rebaptiser « Relay », avec un y, ses «
Relais H » et qui répond à votre rapporteur, qui s'en étonne, que ce groupe a
fait ce choix parce que c'est « simple, concis, compréhensible et prononçable
en tout pays », tout en appelant à l'aide Jean Desmarets de Saint-Sorlin, poète
héroïque du xviie siècle qui utilisait lui aussi l'y à « relay » !
(Sourires.)
C'est Air France, au nom tellement symbolique, qui accepte de baptiser
Skyteam
son alliance avec
Aeromexico, Delta Airlines,
et
Korean Airlines,
et explique, pour justifier son choix, que « le caractère
universel du regroupement de compagnies appartenant à des cultures et des pays
divers impose une appellation fédératrice ». L'appellation fédératrice est
évidemment anglophone !
C'est notre ministère de la défense - eh oui, là aussi, quel symbole ! - qui
reconnaît à l'anglais le statut de « langue opérationnelle dans la perspective
d'un engagement au sein de l'OTAN, dont la première langue utilisée, l'anglais,
doit être pratiquée par tous ».
M. Michel Charasse,
rapporteur spécial.
Sur le
Charles-de-Gaulle,
tout est écrit en
anglais, paraît-il !
M. Jacques Legendre,
rapporteur pour avis.
C'est la
Nouvelle Revue aérospatiale
qui
décide de changer son nom en
Planet Aerospace
dans son numéro de ce
mois-ci - là encore, je cite - tout simplement « pour symboliser une unité dans
la diversité et aussi parce que les mots, dans la langue de Shakespeare, sont
compris dans le monde par tous les professionnels et passionnés des
technologies aéronautiques et spatiales ».
Ces faits sont graves. Le Président de la République disait, à juste titre, en
1995, que « l'avenir du français se jouerait en Europe ». Mais, précisément, le
français ne cesse de reculer en Europe au profit de l'anglais, et les faits que
je viens de citer ne peuvent que renforcer cette tendance.
C'est la Cour de justice des Communautés européennes qui semble reconnaître
que l'anglais « langue universelle comprise par tous » pourrait suffire à
informer le consommateur.
C'est l'Office européen des brevets, où il faut livrer combat - la menace
n'est pas définitivement écartée - pour garder sa place à la langue française
dans l'information comprise dans les brevets.
Sans doute me direz-vous, monsieur le ministre, que tout cela n'est pas de
votre compétence. Il est vrai que la défense et l'illustration du français en
France et à l'étranger est par essence interministérielle. Je ne manquerai pas
de le rappeler bientôt à M. le ministre de l'éducation nationale, comme je l'ai
rappelé samedi dernier à Mme le ministre de la culture.
Mais il est plus que jamais nécessaire que cette volonté politique se
manifeste avec force, et cela n'est pas seulement une affaire d'argent.
Voilà pourquoi, mes chers collègues, la commission des affaires culturelles
vous propose d'adopter les crédits de la francophonie, car ils sont au même
niveau que ceux de l'an dernier, mais en assortissant cette approbation d'un
certain nombre de recommandations et en demandant :
- que le Gouvernement s'engage à ce que le développement des nouvelles
missions confiées à la délégation générale à la langue française en matière de
sauvegarde des langues de France soit assuré par l'octroi d'effectifs et de
crédits supplémentaires, et non par une redistribution interne qui se ferait au
détriment des actions en faveur de la défense de la langue française ;
- que le Gouvernement s'engage dans les démarches nécessaires pour s'assurer
que la réglementation européenne ne remettra pas en cause les dispositions de
la loi Toubon, et plus particulièrement son article 2, et que, ainsi, les
consommateurs pourront toujours disposer sur notre territoire national d'une
information en français pour l'étiquetage des denrées alimentaires, nonobstant
une évolution préoccupante de la jurisprudence de la Cour de justice des
Communautés européennes ;
- que le Gouvernement s'engage à prendre les dispositions nécessaires, le cas
échéant par la voie législative, pour assurer la protection des salariés contre
le risque d'un recours excessif par certaines sociétés à une langue étrangère
dans leur fonctionnement interne en France ;
- que le Gouvernement prenne toutes les dispositions qui s'imposent pour
rappeler à la communauté financière qu'aucune langue ne saurait se substituer
au français sur notre territoire en matière financière ;
- que le Gouvernement maintienne une position commune avec les Etats qui ont
refusé jusqu'à présent la réforme du brevet européen et continuent en
conséquence de subordonner la portée juridique des brevets sur leur territoire
à la production d'une traduction dans leur langue nationale ;
- que le Gouvernement entreprenne auprès de ses partenaires de la francophonie
les démarches qui s'imposent pour ne pas laisser perdurer la déception légitime
qu'inspire la mauvaise diffusion de TV 5 en Amérique et qu'il indique au
Parlement, dans l'hypothèse où la recherche d'une solution multilatérale
s'enfoncerait dans une impasse, les options qu'il envisage pour assurer la
présence d'un audiovisuel francophone de qualité sur un territoire aussi
stratégique que le territoire américain ;
- enfin, que le Gouvernement intervienne auprès de la Commission européenne,
autant de fois qu'il le faudra pour que, dans les négociations relatives à
l'élargissement de l'Union, le recours au français soit utilisé dans des
conditions comparables au recours à l'anglais et que la représentation
française réagisse avec la plus grande fermeté contre des dérives qui tendent à
accréditer l'idée que l'anglais aurait vocation à devenir la langue
internationale de l'Union européenne.
(Applaudissements sur les travées du
RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président.
La parole est à M. le président de la commission des affaires étrangères.
M. Xavier de Villepin,
président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des
forces armées.
Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers
collègues, l'avis favorable exprimé par la commission des affaires étrangères,
de la défense et des forces armées à l'adotion des crédits du ministère des
affaires étrangères pour 2001 ne l'a pas été sans réserves. A structure
constante, l'augmentation réelle des moyens du ministère par rapport à la
dotation 2000 s'interprète, en fait, comme une stagnation, d'une année sur
l'autre, des moyens consentis à notre action diplomatique.
Cette simple reconduction des ressources nous conduit à déplorer, une fois de
plus, que le budget du ministère des affaires étrangères ne constitue toujours
pas une priorité gouvernementale, alors même que l'importance des enjeux
internationaux, en Europe et dans le monde, sollicite toujours davantage notre
outil diplomatique.
Je ne peux également que regretter que les efforts importants de modernisation
de la gestion, de simplification des procédures et de réduction des effectifs,
consentis depuis plusieurs années par l'administration du ministère des
affaires étrangères, soient tenus, par le ministère de l'économie et des
finances, pour quantité négligeable. Les gains de productivité dans
l'administration ne semblent profiter qu'à ceux qui les ordonnent et non à ceux
qui les réalisent.
M. Jacques Chaumont,
rapporteur spécial,
et Mme Monique Cerisier-ben Guiga.
Très bien !
M. Xavier de Villepin,
président de la commission des affaires étrangères.
C'est sans doute là
un autre aspect de l'exception française.
Dans ce budget globalement reconduit, un sujet est cependant de nature à
attirer plus particulièrement notre attention : je veux parler de l'érosion de
notre aide publique au développement, qui se traduit par l'éloignement continu
de l'objectif affiché d'y consentir 0,7 % de notre PIB ; nous en sommes
aujourd'hui à 0,37 %.
M. Michel Charasse,
rapporteur spécial.
Exact !
M. Xavier de Villepin,
président de la commission des affaires étrangères.
Cette tendance à la
baisse, conjuguée à la réduction brutale du nombre de nos coopérants, risque
d'accréditer la perception d'un certain désengagement de notre pays,
singulièrement en Afrique où se joue aujourd'hui le combat du développement.
Vous pourrez faire valoir, monsieur le ministre, qu'une grande partie de notre
aide transite désormais à travers des canaux multilatéraux, en particulier
celui de la Communauté européenne. Mais pourrez-vous nous éclairer sur les
procédures de mise en oeuvre des aides communautaires dont la lourdeur, la
lenteur, en bref, la relative inefficacité, c'est un euphémisme, sont relevées
par nombre d'entre nous, sénateurs ? Une réforme de ces procédures vient,
semble-t-il, d'être engagée, notamment par le commissaire Patten ; nous vous
serions reconnaissants de nous indiquer ce que l'on peut en attendre.
J'évoquerai brièvement, monsieur le ministre, par-delà les considérations
budgétaires, certains aspects de notre politique étrangère que vous avez la
charge de conduire.
Après-demain, s'ouvrira le Conseil européen de Nice. Je suis de ceux qui
pensent que la présidence française de l'Union a été fondée sur une réelle
ambition pour l'Europe.
Les questions institutionnelles, parce qu'elles sont, avec les négociations
d'élargissement, au coeur du projet européen, ne pouvaient manquer de susciter
de délicats débats au sein des Quinze, dont l'arbitrage sera à Nice, jusqu'à la
dernière heure, un exercice difficile.
Au risque de simplifier à l'excès, il semble que, de la solution apportée aux
quatre grandes questions institutionnelles - notamment à deux d'entre elles :
l'effectif de la Commission et la pondération des voix au Conseil - dépendra
l'appréciation générale que l'on pourra porter sur les résultats du Conseil de
Nice. Pouvez-vous, monsieur le ministre, à ce stade d'une négociation très
complexe, nous donner quelques indications à cet égard ?
Je traiterai en deuxième lieu de la place de l'Union sur la scène
internationale. Il se trouve que la présidence française a été confrontée,
entre autres dossiers importants, à celui, capital, de la situation au
Proche-Orient. Je crains que, sur ces événements tragiques qui se déroulent
dans cette région, l'Union, en dépit des impulsions positives que vous avez pu
souhaiter, ici ou là, y apporter, ne peine à formuler une position cohérente et
ambitieuse de nature à recueillir l'intérêt des deux parties.
On comprend bien que chaque pays membre entende préserver, sur des sujets
aussi complexes et graves, une appréciation souveraine. Il reste que si la PESC
continue de reposer sur les structures actuelles, l'Union n'aura guère le
choix, sur la scène internationale, qu'entre le silence collectif et la
division.
Vous nous direz, monsieur le ministre, si, à votre avis, l'application des
coopérations renforcées à la PESC pourrait - aurait pu ? - être une solution à
ce délicat problème ou si vous entrevoyez, là aussi, une « troisième voie » de
nature à affermir une véritable diplomatie européenne.
Ma dernière interrogation concernera l'évolution dans les Balkans, quelques
jours après le sommet de Zagreb.
La chute de Milosevic et son remplacement par M. Kostunica, le déroulement
satisfaisant des élections municipales au Kosovo, ont entraîné un soulagement
légitime de la communauté internationale. Cependant, ces évolutions positives
n'ont pas dissipé le maintien d'une inquiétante réalité : celle des
nationalismes ethniques, qui perdurent, en particulier, au Kosovo, où le
changement de régime à Belgrade n'a pas, et de loin, atténué une revendication
d'indépendance dont la satisfaction entraînerait les conséquences que l'on
imagine au Monténégro, en Macédoine et au-delà.
En Bosnie-Herzégovine, ce sont les partis de la guerre et de l'exclusion
ethnique qui ont remporté les élections, repoussant d'autant la mise en oeuvre
complète des accords signés il y a cinq ans.
Dans les deux cas, qu'il s'agisse des accords de Dayton ou de la résolution
12-44, les constructions de paix proposées par la communauté internationale se
trouvent fragilisées. Ces deux textes ont eu le grand mérite de mettre un terme
aux combats, mais leur capacité à installer durablement la paix est moins que
certaine, en dépit des efforts méritoires déployés sur le terrain par ceux qui
en ont la responsabilité.
Quelle option choisir ? Devons-nous aménager ces textes, au risque d'ébranler
tout l'édifice, ou tenter, malgré tout, de traduire dans les faits, ici,
l'unité de la Bosnie et, là, l'objectif d'autonomie substantielle du Kosovo
dans une Serbie démocratique ?
L'attraction exercée par l'Union européenne suffirat-elle à cimenter la
réconciliation entre les peuples, qui conditionne le nécessaire développement
de la coopération régionale ?
Qu'il s'agisse de la France, de l'Europe, et peut-être des Etats-Unis, notre
présence dans la région, dans les domaines militaire, civil et financier, est
donc destinée à durer. Nous devons en tirer toutes les conséquences, notamment
budgétaires, qui ne seront sans doute pas plus lourdes que celles
qu'entraînerait une brutale dégradation de la situation.
Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, c'est
pour qu'ils continuent d'être placés au service d'une diplomatie d'ambition
pour notre pays et pour l'Europe que nous voterons, malgré les insuffisances
qui ont été relevées par tous mes collègues et amis, les crédits du ministère
des affaires étrangères pour 2001.
(Applaudissements.)
M. Michel Charasse,
rapporteur spécial.
C'est la responsabilité du Sénat !
M. le président.
J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la
conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour
cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République : 45 minutes ;
Groupe socialiste : 38 minutes ;
Groupe de l'Union centriste : 29 minutes ;
Groupe des Républicains et Indépendants : 26 minutes ;
Groupe du Rassemblement démocratique et social européen : 18 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen : 16 minutes ;
Réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe :
8 minutes.
Je vous rappelle qu'en application des décisions de la conférence des
présidents aucune intervention des orateurs des groupes ne doit dépasser dix
minutes.
Par ailleurs, le temps programmé pour le Gouvernement est prévu pour soixante
minutes au maximum.
M. Michel Charasse,
rapporteur spécial.
C'est en se fondant sur quel article de la
Constitution qu'on limite ainsi le temps de parole des ministres ?
M. le président.
Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Bécart.
M. Jean-Luc Bécart.
Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, les
sénateurs de mon groupe approuveront les crédits inscrits au titre de la
coopération, tout en étant conscients des points forts et des faiblesses de ce
projet de budget.
Un premier point fort se dégage. On est loin de la politique africaine du
passé, parfois obscure, souvent décidée de l'Elysée et dont certaines dérives
furent dommageables, tant à l'« époque Foccard » que dans un passé plus
récent.
Pendant des décennies, la politique africaine de la France a été conçue et
dirigée par le Président de la République. Depuis l'arrivée du gouvernement de
Lionel Jospin, cette politique est dirigée, pour une large part, du Quai
d'Orsay et de la rue Monsieur, ce qui tendrait à rappeler, pour l'avenir, que
ce « domaine réservé présidentiel » n'avait ni fondement constitutionnel, ni
raison d'être.
Nous approuvons les principes de votre politique que résument deux formules,
la « non-ingérence » et la « non-indifférence », qui permettent le
développement de relations plus respectueuses et plus équilibrées que par le
passé.
Vous rappelez souvent, messieurs les ministres, que la première responsabilité
de la sécurité des Africains revient aux Africains eux-mêmes, avec, certes, le
soutien de la France.
Cette politique porte ses fruits et ne manquera pas d'en porter d'autres.
Je voudrais que cette évolution politique positive intègre un autre élément,
comme l'a indiqué mon ami Jean-Claude Lefort à l'Assemblée nationale, celui de
la meilleure implication du Parlement en amont des réflexions et des choix,
singulièrement au niveau de l'Union européenne.
Mis à part le débat suscité l'an dernier par la question orale avec débat de
notre collègue socialiste M. Serge Lagauche, il est vrai que le Sénat, et moins
encore l'Assemblée nationale, n'ont eu à discuter, par exemple, du problème
décisif de la renégociation des accords de Lomé, désormais accords de
Cotonou.
Je ne dis pas cela pour marquer une défiance à l'égard de la position
française défendue lors de ces négociations entre l'Union européenne et les
pays ACP, les Etats d'Afrique, des Caraïbes et du Pacifique. Au contraire ! Je
pense que vous y avez développé des positions justes et constructives.
Mon souhait vaut également concernant la tenue, voilà deux semaines, de la
conférence euro-méditerranéenne de Marseille.
Je ne dis pas non plus que chaque fois que des ministres de notre gouvernement
participent à des conférences internationales, ils devraient venir
préalablement en débattre au Parlement.
Evidemment non ! Mais pour des événements aussi structurants que les deux que
je viens de citer, cela peut se concevoir.
Il n'est pas non plus inutile de se servir de ce type de débat parlementaire
pour sensibiliser un peu mieux l'opinion publique française et pour mobiliser
un peu plus notre société civile et nos collectivités territoriales.
Trop peu de parlements européens marquent un intérêt pour l'Afrique. Fort
heureusement, ce n'est pas le cas de la France. Profitons-en !
Comme chaque année, nous ne pouvons que constater que l'écart entre le Nord et
le Sud ne fait que se creuser.
En 1960, les 20 % de la population mondiale vivant dans les pays les plus
riches avaient un revenu trente fois supérieur à celui des 20 % les plus
pauvres. En 1995, leur revenu était quatre-vingt-deux fois supérieur.
Ce fossé est plus spectaculaire encore si l'on rapporte la misère du plus
grand nombre aux biens accumulés par une poignée de privilégiés : la fortune
des trois personnes les plus riches de la planète dépasse le PIB cumulé des
quarante-huit pays les plus pauvres, celle des quinze plus riches égale la
production de toute l'Afrique subsaharienne, les avoirs des quatre-vingt-quatre
personnes les plus riches dépassent ceux de la Chine et de ses 1,2 milliard
d'habitants. Trois milliards de personnes vivent avec moins de deux dollars par
jour. La consommation d'un ménage africain moyen est en recul de 20 % par
rapport à ce qu'elle était il y a vingt-cinq ans.
Le nombre de personnes sous-alimentées a presque triplé ces trente dernières
années en Afrique subsaharienne.
Ces quelques chiffres donnent le vertige.
L'ennemi mondial s'appelle la pauvreté. C'est un mal implacable qui engendre
violence, anarchie et drames à grande échelle.
C'est un mal qui est constamment attisé par l'ordre économique mondial, fait
d'iniquités et de rapports de force qui conduisent à un marché aux lois
injustes et cyniques.
Depuis longtemps, le Sud subit cette loi. Producteur de matières premières, il
a toujours été tenu à l'écart des lieux de décision où est fixé le prix de ses
produits.
Pendant que le prix des matières premières subissait des baisses aux
conséquences dramatiques, celui des produits finis que le Nord lui vend
enregistrait en revanche des hausses continues.
Au moment de la décolonisation du début des années soixante, la part de
l'Afrique dans le commerce mondial était en valeur de 6 %. Elle est aujourd'hui
inférieure à 2 %. Et, si l'on retire le pétrole, ce chiffre tombe à moins de
0,5 %.
C'est d'abord de plus de justice dans les rapports internationaux que les
habitants du Sud, et singulièrement les Africains, ont besoin pour inverser
cette logique infernale.
Je sais bien que, sur cette question de fond, nous sommes d'accord sur
l'essentiel, messieurs les ministres. Je sais bien que l'action gouvernementale
française pèse dans le bon sens.
Mais je sais bien aussi que notre pays ne peut, à lui seul, inverser
totalement cette logique. Le niveau européen est, à l'évidence, le mieux adapté
dans ce domaine, comme dans d'autres, pour tenter de construire un monde
multipolaire, plus humain et plus respectueux des pays les plus pauvres.
Nous avons apprécié les efforts que vous avez déployés particulièrement durant
cette année 2000, pour jeter les bases d'une identité européenne d'aide au
développement plus en rapport avec la hauteur des enjeux.
Où en sommes-nous aujourd'hui ? Quelle est votre appréciation sur les progrès
réalisés et les blocages persistants sur ce sujet ?
Plus de 2 milliards d'euros dorment dans les tiroirs du fonds européen de
développement faute d'avoir été consommés.
Cette lourdeur de fonctionnement qui confine à la négligence - le mot est
faible - face aux immenses besoins posés par l'extrême pauvreté est
complètement intolérable.
L'exercice de la présidence de l'Union européenne par la France a-t-il permis
de faire prendre les mesures tendant à redynamiser le fonctionnement du fonds
européen de développement et, plus largement, d'engager les réformes
nécessaires tendant à limiter les travers bien connus de la bureaucratie
européenne ?
L'existence de cette cagnotte - une vraie celle-là - du FED, auquel la France
contribue à hauteur de 25 %, affaiblit la portée des remarques qui doivent être
faites face à l'érosion continue du budget de la coopération au cours de ces
dernières années.
Il est vrai que la France est encore le premier pays du G 7 quant au niveau de
son effort, qu'elle se situe au sixième rang mondial en pourcentage de son
PIB.
Il est vrai que la France a fait beaucoup en faveur de l'annulation de la
dette des pays les plus pauvres et les plus endettés.
Mais il est vrai aussi que de 41,9 milliards de francs d'aide publique au
développement en 1994, nous sommes passés à 28,9 milliards de francs en 2000 et
que nous y consacrons désormais 0,37 % de notre PIB contre 0,64 % en 1992 !
Nous nous éloignons de l'objectif auquel la France a souscrit à l'ONU, comme
les autres pays industrialisés, de consacrer 0,7 % de son PIB à l'aide au
développement.
Cette tendance à la baisse va, me semble-t-il, poser des problèmes
difficilement surmontables quant à l'ambition légitime d'élargir le champ
d'intervention de la France, singulièrement aux pays de l'Afrique anglophone et
lusophone.
Les dangers de la dispersion et du saupoudrage, déjà perceptibles, ne vont-ils
pas s'accentuer ?
Le peu de temps qui m'était imparti s'achevant, je ne pourrai entrer plus
avant dans l'analyse des nombreux autres éléments de ce budget, mais, M. le
rapporteur spécial, l'a fait excellement.
Nous soutenons les fondements de la politique que vous menez et en espérant la
prise en compte de nos remarques, qui rejoignent les voeux de tous ceux qui
sont sincèrement attachés à l'oeuvre de solidarité de la France dans le monde,
nous voterons pour votre projet de budget.
(Très bien ! et applaudissements
sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen et sur travées du
groupe socialiste.)
M. le président.
La parole est à M. Estier.
M. Claude Estier.
Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, quelques
mots d'abord - c'est bien le moins - sur le budget des affaires étrangères.
Il connaît une modeste progression, qui tranche heureusement avec la pénurie
connue pendant les années quatre-vingt-dix et qui confirme la remontée des
crédits amorcée en 1999 et surtout en 2000. Le groupe socialiste l'approuvera,
comme d'ailleurs la commission des affaires étrangères l'a fait à
l'unanimité.
Pour 2001, les crédits du ministère des affaires étrangères s'élèveront à
22,08 milliards de francs. Ils représentent 1,28 % du budget de l'Etat. Il est
vrai que la Quai d'Orsay ne gère pas la totalité des moyens dévolus à notre
politique extérieure. Ces derniers atteindront 55,49 milliards de francs, soit
un peu plus de 3 % du budget de la nation, ce qui conduit néanmoins à dire que,
pour la France, en termes budgétaires, l'action internationale du pays n'est
pas prioritaire.
Le projet de budget pour 2001 progresse de 5,3 % par rapport à celui de l'an
dernier. Il s'agit en réalité de la forte augmentation des crédits destinés au
financement des opérations de maintien de la paix, soit 4 milliards de francs
dus en particulier d'abord à l'augmentation du nombre de ces opérations et
surtout à la forte appréciation du dollar par rapport au franc. En réalité, à
structure constante, les crédits pour 2001 progressent modestement de 40
millions de francs. Je n'entrerai pas dans le détail. Les intervenants
précédents l'ont fait. Mais je veux encore noter que l'action extérieure, en ce
qui concerne les moyens politiques de coopération, semble avoir été transférée
en grande partie au ministère de l'économie, des finances et de l'industrie,
qui manie des sommes considérables. Au total, nous sommes en présence d'un
budget limité pour des ambitions élevées. La chute des crédits destinés à
l'action extérieure de la France est enrayée. Il faudrait maintenant faire en
sorte que 2001 soit l'année de la reprise budgétaire que la politique du
Gouvernement et de vous-mêmes, messieurs les ministres, mérite amplement.
J'en viens maintenant, comme il est d'usage dans ce débat, à quelques
réflexions sur la politique internationale. Notre monde globalisé est loin
d'être un monde pacifié. De nombreux conflits se déroulent sur presque tous les
continents.
Certains de ces conflits, notamment au Proche-Orient, existent déjà depuis des
décennies. D'autres, je pense surtout à la Tchétchénie, sont le produit de
l'effondrement de la puissance soviétique. D'autres, enfin, en Afrique,
trouvent leurs origines dans le sous-développement et dans les sursauts
dramatiques d'une décolonisation inachevée ou mal conduite.
J'évoquerai d'abord le Proche-Orient.
Les engagements pris par les dirigeants palestiniens et israéliens à Charm
el-Cheikh, voilà sept semaines, et à Gaza, le 2 novembre dernier, n'ont pas été
respectés. L'interruption brutale du processus de paix allonge chaque jour la
liste des morts, israéliens et surtout palestiniens.
Qui pourra à nouveau, dans cette région meurtrie, reprendre le drapeau de la
paix et lancer un vibrant « Ça suffit ! Arrêtons de nous entretuer. Redonnons
une chance à la vie. » Qui pourra reprendre le travail d'Yitzahk Rabin,
assassiné voilà cinq ans, et auquel on vient de rendre hommage ?
Nous savons que la France a multiplié les intitiatives pour la paix. L'Union
européenne n'a pas cessé d'oeuvrer dans ce sens. Le président Clinton s'est
beaucoup dépensé mais, arrivé en fin de mandat, il ne peut plus guère peser.
Sur place, la désespérance s'accroît chaque jour davantage. Sur ce dossier, le
Conseil de sécurité a semblé paralysé. L'idée d'une mission d'observation de
l'ONU dans les territoires a tardé à se concrétiser, mais il semble que le
Premier minsitre insraélien l'accepte désormais.
L'urgence réside actuellement dans l'arrêt des violences, puisqu'il n'est pas
envisageable de revenir au
statu quo ante
pour les Palestiniens. Les
colonies et la question de Jérusalem restent au coeur du conflit. Il faut que
la paix soit fondée sur les résolutions 242 et 338 du Conseil de sécurité, sur
les principes adoptés lors de de la conférence de Madrid - le principe de la
terre contre la paix - et sur les accords conclus à Oslo. Mais ce processus
a-t-il encore une réalité ?
La France et l'Union européenne ont réaffirmé leur soutien au droit des
Palestiniens à disposer d'un Etat. Israël, de son côté, traverse l'une des
crises les plus graves de son existence. Pour les uns comme pour les autres, il
n'y a pas d'alternative à la négociation et à la paix. Les deux peuples sont
là, sur cette terre qu'ils auront, d'une façon ou d'une autre, à se partager.
La négociation est donc inéluctable ; il reste à savoir combien de sang sera
versé avant que la raison l'emporte.
Autre sujet de préoccupation les Balkans.
Au moment où il s'apprête à quitter son poste, je voudrais d'abord saluer le
remarquable travail accompli dans des conditions particulièrement difficiles
par Bernard Kouchner au Kosovo, où il faut rappeler que la France est
actuellement le deuxième contributeur en ce qui concerne la mise à disposition
de personnels.
Aujourd'hui, on peut faire preuve d'un certain optimisme, même s'il convient
de rester prudents. Mais on peut regarder avec espoir l'évolution de la Serbie
depuis la mise à l'écart de Milosevic, qui demeure cependant présent sur la
scène politique de Belgrade. Nous verrons, aux élections législatives du 23
décembre prochain, si les démocrates conduits par le président Kostunica
confirment leur progression.
Au Kosovo, les élections municipales ont donné l'avantage aux modérés et, en
Bosnie, le dialogue semble remplacer d'un manière durable les invectives et
l'usage de la force.
Cependant, comme vient de le rappeler le président de Villepin, en plusieurs
lieux la tension demeure. Le chemin à parcourir est encore long et
l'européanisation des Balkans, pour utiliser une formule que vous affectionnez,
monsieur le ministre des affaires étrangères, n'est pas pour demain. Mais les
choses évoluent et, dans les Balkans, elles évoluent parfois rapidement.
Restons vigilants en essayant d'apporter une contribution positive au processus
enclenché par les forces démocratiques sur place.
Nous pouvons remarquer que, sous présidence française, les Européens parlent
aujourd'hui d'une seule voix quand il s'agit du sud-est de l'Europe. Le récent
sommet de Zagreb l'a montré. Pensez-vous, monsieur le ministre, qu'il s'agit
d'un phénomène durable ? Si oui, ce serait une grande avancée pour la politique
extérieure de l'Union européenne.
J'en viens maintenant à ce qui nous préoccupe en premier lieu dans le moment
présent, à savoir ce que pourront être les conclusions de la présidence
française de l'Union européenne.
Auparavant, je tiens à dire mon inquiétude devant le contraste entre les
succès indéniables que sont l'instauration d'une monnaie unique ou les progrès
enregistrés dans la construction d'une défense européenne et le désintérêt des
citoyens de nos pays vis-à-vis de la construction européenne,...
M. Michel Charasse,
rapporteur spécial.
Ah !
M. Claude Estier.
... un désintérêt que confirment tous les sondages et qui provient à la fois
d'une difficulté de compréhension des enjeux, des intérêts et des rapports de
force tels qu'ils apparaissent dans les négociations sur la réforme des
institutions, donc un sentiment d'immatérialité de l'Union européenne, dont les
activités leur semblent loin de leur préoccupations quotidiennes.
Les négociations menées depuis des mois sur la conférence intergouvernementale
ne contribuent pas à la clarification nécessaire des objectifs de l'Union.
Cela est particulièrement vrai de la négociation sur la composition de la
Commission : alors que cette instance centrale est censée représenter l'intérêt
européen, beaucoup d'Etats membres semblent croire que le maintien d'un
commissaire par Etat assurerait une plus grande lisibilité, imposant la
représentation nationale comme seule légitime et susceptible de remporter
l'adhésion de leurs concitoyens.
Il y a là un brouillage des cartes qui pourrait avoir des conséquences sur la
manière d'élaborer les politiques de l'Union avec le risque de se retrouver
devant le paradoxe suivant : une plus grande intégration par le recours à des
coopérations renforcées, comme si toute nouvelle initiative pour un
approfondissement de la construction européenne ne pouvait passer désormais que
par des actions organisées dans un cadre parallèle ou en tout cas plus
restreint.
J'ai dit le succès que représente, à mes yeux, l'existence de l'euro, qui
connaît d'ailleurs, ces jours-ci, une remontée intéressante. Mais, là encore,
les citoyens ont du mal à saisir le rôle positif de cette monnaie unique, tant
il leur paraît que sa valeur et ses fluctuations sont conditionnées par des
phénomènes qu'ils ne maîtrisent pas. Un grand travail pédagogique reste à
accomplir avant que l'euro remplace le franc dans un peu plus d'un an, et je
sais que le Gouvernement y veille.
Sur un autre plan, on peut regretter que l'inscription dans le traité d'une
référence à la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ne semble
plus d'actualité immédiate, alors que cette charte, qui a, en tout cas, le
mérite d'exister, est destinée à rendre les droits des citoyens plus lisibles
et à susciter leur adhésion par une réponse à des problèmes qui les concernent
directement.
La réconciliation entre l'Europe et ses citoyens passe par une meilleure
information, non seulement sur ce que fait l'Europe, mais aussi sur la valeur
ajoutée d'actions engagées à l'échelon européen et sur ce que l'Europe a encore
à nous apporter.
Quelles que soient les conclusions du prochain sommet de Nice, il faut donc
insister sur les nombreuses décisions, dans tous les domaines, qui ont été
prises sous la présidence française.
Je citerai notamment les accords sur la fiscalité de l'épargne et la lutte
contre le blanchiment de l'argent sale ; l'agenda sur la politique sociale, qui
prévoit une série d'actions à engager sur une période de cinq ans avec une
stratégie de lutte contre l'exclusion sociale ; le plan de mobilité des
étudiants, des chercheurs, des enseignants et des formateurs ; le programme
d'action de lutte contre les discriminations ; la reconnaissance mutuelle des
décisions de justice en matière civile et commerciale ; l'accord sur la
sécurité générale des produits et la création d'une autorité alimentaire
européenne.
Enfin, les quinze Etats membres ont pris, hier, une décision sans précédent en
prohibant les farines animales dans l'Union européenne à compter du 1er janvier
2000, pour une durée de six mois éventuellement renouvelable.
Ainsi, la protection des consommateurs est érigée comme l'une des priorités de
l'Union, comme un phénomène ne connaissant plus de frontières. Plusieurs de ces
décisions - j'y insiste - sont dues à l'initiative directe du gouvernement
français. On doit souhaiter qu'à l'avenir les Etats s'attachent davantage à
cette dimension pratique parce que c'est elle qui fonde la légitimité de la
construction européenne dans la mesure où elle touche les citoyens plus que les
débats institutionnels, certes essentiels, mais trop souvent abstraits. Dans
ces débats, dont l'issue commande le futur élargissement de l'Union, qu'il
s'agisse de la composition de la Commission, des votes à la majorité qualifiée,
de la repondération des voix ou du développement des coopérations renforcées,
des compromis restent encore à trouver d'ici à samedi ou à dimanche. Ce ne sera
pas chose facile, mais je sais que vous restez optimiste, monsieur le ministre.
L'expérience a d'ailleurs souvent prouvé que c'est au dernier moment que les
situations les plus complexes se dénouent. Nous faisons donc confiance à la
présidence française pour trouver ces compromis et pour que le sommet de Nice
marque une étape décisive pour la constructioon européenne à laquelle nous
n'avons cessé d'être attachés.
(Bravo ! applaudissements sur les travées
socialistes, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Del Picchia.
M. Robert Del Picchia.
Monsieur le ministre, en ce qui me concerne, je vous dis tout de suite que je
voterai votre projet de budget pour l'an prochain, même si, à l'instar du
président de la commission des affaires étrangères, Xavier de Villepin, des
rapporteurs et des collègues qui m'ont précédé, j'émets de fortes réserves, non
pas seulement sur la dotation, car un bon budget n'est pas forcément celui dont
les dépenses s'accroissent,...
M. Michel Charasse,
rapporteur spécial.
Ah !
M. Robert Del Picchia.
... mais pour ses contraintes.
Je le voterai non pas seulement en raison de la présidence française de
l'Union européenne - je vous l'ai déjà dit -, mais parce que, à titre
personnel, j'apprécie la politique étrangère menée par le Quai d'Orsay sous
votre direction et que, contrairement à ce qu'a dit l'un des collègues qui m'a
précédé, j'ai la faiblesse de penser qu'elle est en accord avec celle du
Président de la République.
Monsieur le ministre, en tant que rapporteur de la loi sur le volontariat au
Sénat, je me réjouis de la publication toute récente au
Journal officiel
des décrets d'application de cette loi qui va permettre de remplacer les
anciens coopérants par des volontaires civils à l'étranger. En revanche, je
reste perplexe sur la diversification des crédits à la francophonie.
J'ai bien remarqué que des progrès avaient été accomplis. Mais, malgré les
bonnes explications de mon collègue Jacques Legendre, je ne sais pas très bien
où l'on va, les recoupements et les diversifications de l'organigramme de la
francophonie restant toujours pour moi incompréhensibles. Ne pourrait-on pas
avoir un véritable état des lieux de la francophonie, de tous les organismes
qui ont en charge la francophonie et, bien entendu, de leur budget ?
Sans vouloir reprendre les sujets déjà évoqués, je me dois de vous rappeler
quelques points et de vous poser quelques questions que nous interpellent.
S'agissant de l'Europe, je commencerai par l'avenir de la CIG. La moitié des
Français de l'étranger résident en Europe. Ceux qui vivent dans l'Union
européenne sont intéressés par le devenir de l'Union. Ceux qui résident dans
les pays candidats sont inquiets du retard de l'élargissement. Pouvez-vous
renseigner les premiers et rassurer les seconds ?
Permettez-moi, s'agissant de politique étrangère, de vous poser une question à
deux titres : en tant que sénateur des Français de l'étranger représentant
quelque 20 000 Français qui y résident et en tant que président délégué du
groupe France-Afrique de l'Ouest, plus particulièrement chargé de la Côte
d'Ivoire.
J'aimerais d'abord connaître votre position sur la situation politique dans ce
pays.
Ecarté, pour non-ivoirité, de la course à la présidence, sous le régime du
général Gueï, M. Ouattara a vu cette impossibilité confirmée pour les
législatives. N'est-ce pas une occasion manquée pour un apaisement politique
dans ce pays troublé ?
Je sais bien, monsieur le ministre, que vous allez me répondre que la France
ne s'immisce pas dans les affaires intérieures des autres pays, y compris les
pays africains. Mais vous pouvez me répondre sur une estimation, une analyse
politique. Il existe une menace à peine voilée des partisans d'Alassane
Ouattara. En clair, existe-t-il un risque de sécession en Côte d'Ivoire ?
A-t-on eu suffisamment de contacts avec le président Laurent Gbagbo ?
En Afrique justement, monsieur le ministre, Radio France internationale, RFI,
est un grand moyen d'information et, dans certains pays, le plus écouté. C'est
une très bonne chose pour notre pays. RFI est la radio mondiale de la France ;
c'est un des éléments de son rayonnement.
RFI a réalisé ces dernières années un développement important et nécessaire
pour maintenir sa place face à une forte concurrence, en particulier de la BBC
world service
. Or le budget de RFI ne bouge pas depuis trois ans : il
s'élève à 763 millions de francs, dont 452 millions attribués par votre
ministère, le reste étant attribué par le ministère de la culture.
Ce budget, qui peut paraître élevé, est stable, mais il connaît des
contraintes : la disparité des salaires avec le reste de l'audiovisuel, ses
charges en personnel ; les 35 heures y sont appliquées aussi... En définitive,
le budget est trop étroit et le développement en souffre, en particulier, le
développement d'Internet. Certes, le site existe et fonctionne bien, mais il
doit être amélioré de façon à ne pas avoir un train de retard. La radio de
demain, c'est aussi Internet, surtout pour une radio qui se veut mondiale. Ce
développement est donc urgent.
Cette stabilité budgétaire freine aussi le développement de RFI à Chypre sur
le Proche-Orient, région du monde troublée, où la France devrait aussi faire
entendre sa voix.
Enfin, monsieur le ministre, j'attire votre attention sur un trou noir de RFI
- et des autres stations françaises d'ailleurs. Il s'agit tout simplement de
Bruxelles. En effet, à Bruxelles, aucune station française n'est reçue en
modulation de fréquence. Avec de grandes difficultés, on perçoit entre deux
rafales parasites France Inter sur ondes longues.
Bien sûr, on me dira : « Mais vous avez la radio belge en langue française ! »
Oui, mais ne pensez-vous pas qu'il est important pour la France d'avoir aussi
un rayonnement sur une ville où se trouve la Commission européenne, l'OTAN et
d'autres organisations internationales, dans une ville où se tiennent tant de
conférences ministérielles ? Et puis, il ne faut pas oublier que plus de 100
000 Français vivent en Belgique. Ne trouveriez-vous pas agréable, voire utile,
pour vous et vos collègues qui s'y rendent souvent, d'entendre, dans la voiture
qui vous conduit, ou à votre hôtel, les dernières nouvelles de France et du
monde ? Eh bien, monsieur le ministre, vous le pourriez si RFI installait un
émetteur de modulation de fréquence à Bruxelles. Pour ce faire, il suffit
d'augmenter légèrement le budget : un émetteur FM ne coûte que 200 000 francs.
Une grande partie de la population française qui réside à Bruxelles vous en
serait reconnaissante, monsieur le ministre.
Sans revenir dans le détail sur l'Agence pour l'enseignement du français à
l'étranger, je me contenterai, monsieur le ministre, de déplorer un léger
défaut de communication sur ce sujet.
On nous a d'abord dit que la réforme se ferait à prix coûtant, puisque ce
seront 167 millions sur six ans. De fait, ce manque d'information et peut-être
une consultation et une concertation trop tardives - je dis bien « peut-être »
: vous pourrez me démontrer le contraire - ont conduit, nous le savons tous, à
des mouvements de grèves des enseignants très mal perçus par les parents
d'élèves.
Les parents d'élèves sont sceptiques. Ils craignent que la baisse du nombre
d'enseignants expatriés, aggravée par la suppression des postes de coopérants -
que l'on ne remplacera que très partiellement par des volontaires civils - ne
conduisent à deux résultats très négatifs : d'une part, la baisse de la qualité
de l'enseignement par manque de renouvellement, mais aussi en raison de ces
modifications - résidents ou recrutés locaux -, d'autre part, l'augmentation
des frais de scolarité.
Je me dois en effet de le rappeler à mes collègues sénateurs de métropole à
l'étranger, l'école publique française est privée et, de surcroît, payante !
Seul un enfant français sur trois à l'étranger y est scolarisé, les autres n'y
allant pas tout simplement parce que cette école est trop chère !
Mme Paulette Brisepierre.
Très bien !
M. Robert Del Picchia.
Monsieur le ministre, vous avez parlé de l'AEFE. Etant donné la situation que
je viens de décrire et que vous connaissez bien, je vous poserai seulement une
question : pouvez-vous nous affirmer que la réforme engagée par l'AEFE
n'amènera pas d'augmentation du prix de la scolarité payée par les parents ?
M. Xavier de Villepin,
président de la commission des affaires étrangères.
Très bonne question
!
M. Robert Del Picchia.
En revanche, avec M. le rapporteur pour avis de la commission des affaires
étrangères pour les relations culturelles extérieures et la francophonie, je me
réjouis du résultat d'EduFrance.
J'ai assisté la semaine dernière à Athènes à une opération conjointe de
l'ambassade de France et d'EduFrance. Je dois dire que les résultats ont été
très positifs. Grâce à cette opération, plusieurs dizaines d'étudiants grecs se
rendront, par exemple, dans les universités grenobloises.
Enfin, monsieur le ministre, je veux parler de TV5. Ici même, l'année
dernière, j'avais émis des mises en garde sur la situation au Canada. Je me
réjouis donc qu'un accord ait pu être trouvé, mais je souhaiterais avoir
quelques éclaircissements sur cet accord et des précisions en qui concerne les
opérations de TV5.
Je tiens à féliciter Jean Stock et son équipe des résultats qu'ils ont
obtenus.
Pour conclure, je souhaite évoquer brièvement le Conseil supérieur des
Français de l'étranger pour remercier M. le ministre d'avoir, avec ses services
de la DFAE, la direction des Français à l'étranger assurée par M. Lafon, et le
secrétariat général du CSFE, compris l'importance et l'urgence d'une réforme du
Conseil supérieur des Français de l'étranger, en créant par un arrêté pris en
septembre dernier une commission temporaire de la réforme, dont j'ai l'honneur
et la charge d'être le rapporteur.
Avec mon collègue Guy Penne, qui la préside, nous avons entrepris un sondage
grandeur nature auprès des membres du CSFE sur les souhaits préalables à cette
réforme. Nous allons maintenant travailler au sein de cette commission. Dès la
semaine prochaine, nous ferons des propositions pour parvenir, par étapes, à
réformer en profondeur cette assemblée représentative des Français de
l'étranger, et ce, bien entendu, dans le consensus, comme vous l'avez souhaité,
d'autant que nous sommes persuadés que c'est la seule façon de réformer le
CSFE.
M. Guy Penne.
Très bien !
M. Robert Del Picchia.
Nous espérerons, monsieur le ministre, que vous saurez entendre les
représentants des Français de l'étranger pour mettre en oeuvre les
modifications législatives nécessaires à la réalisation de cette réforme. En
tout cas, je vous remercie par avance des réponses que vous voudrez bien
m'apporter.
(Applaudissements.)
M. le président.
La parole est à M. Cantegrit.
M. Jean-Pierre Cantegrit.
Monsieur le ministre, l'aspect social du ministère des affaires étrangères en
faveur de nos compatriotes expatriés va être l'objet de mon intervention. C'est
dans ce contexte que je poursuis l'action à laquelle je me suis attaché depuis
que je représente nos compatriotes au Sénat en vue de leur assurer une
couverture sociale similaire à celle dont ils bénéficieraient en France,
notamment par l'intermédiaire des crédits du fonds d'assistance créé en 1977,
ce qui permettrait d'accorder aux Français expatriés âgés ou handicapés des
aides similaires au minimum vieillesse et à l'allocation aux adultes
handicapés.
Après avoir connu deux années de hausse - en 1999, plus 10 millions de francs,
en 2000, plus 4,7 millions de francs, auxquels il convient d'ajouter 1 million
de francs que j'ai obtenu au titre de la réserve parlementaire - ces crédits
marquent le pas dans le projet de budget que vous nous proposez pour 2001.
Certes, globalement, les crédits réservés à l'action sociale de votre
ministère connaissent une hausse sensible - plus 3,14 millions de francs -,
mais la plus grande partie de cette augmentation - un peu plus de 2 millions de
francs - sera consacrée à l'emploi et à la formation de nos compatriotes
expatriés, ce dont je ne peux que me féliciter, cet aspect de l'expatriation
ayant besoin d'être développé.
Néanmoins, je m'inquiète pour nos compatriotes âgés ou handicapés notamment :
les hausses successives de 1999 et 2000 avaient permis non seulement de relever
le montant de l'ensemble des allocations de solidarité ou aux handicapés, mais
également - c'était là un point qui me tenait particulièrement à coeur et sur
lequel j'étais intervenu à plusieurs reprises - de prendre des mesures
spécifiques pour les enfants handicapés souffrant d'un handicap lourd ;
parallèlement, des aides ponctuelles avaient pu être mises en place pour
distribuer des médicaments ou pour aider les familles les plus défavorisées
ayant des enfants scolarisés.
Toutes ces actions doivent être poursuivies et amplifiées, et les décisions
prises l'an dernier dans le cadre de la commission permanente pour la
protection sociale des Français de l'étranger doivent être maintenues.
Or il est à craindre que, après deux années bénéfiques dans ce domaine, 2001
s'annonce de façon plus restrictive. Je souhaite qu'il ne s'agisse que d'une
pause avant la reprise, en 2002, d'un effort significatif en vue d'apporter à
nos compatriotes expatriés les plus démunis toute l'aide dont ils ont besoin et
qu'ils sont en droit d'attendre.
Certes, l'une de mes demandes, réitérée chaque année depuis 1985, devrait
connaître prochainement un début de réponse : il s'agit de la couverture
maladie des Français expatriés les plus défavorisés, notamment de celle des
allocataires du fonds d'assistance de votre ministère. Bien que n'apparaissant
pas encore au budget de ce dernier puisque le projet de loi relatif à la
modernisation sociale n'a pas encore été examiné par le Parlement, il est prévu
de créer une ligne budgétaire spécifique au sein des crédits d'assistance en
vue de la prise en charge d'une partie de la cotisation maladie de la caisse
des Français de l'étranger - CFE - d'un certain nombre de nos compatriotes
expatriés. Cette ligne budgétaire bénéficierait d'un abondement annuel de 95
millions de francs.
Je ne peux que me réjouir que, plus de quinze ans après ma première demande,
le Gouvernement fasse ainsi droit à ce souhait constant de voir la solidarité
nationale s'exprimer à l'égard de tous les nationaux français sans
discrimination par rapport à leur lieu de résidence.
Je m'interroge toutefois sur la portée de cette prise en charge, car il nous a
été indiqué, dans le cadre de la commission des affaires sociales du Conseil
supérieur des Français de l'étranger, que cet abondement annuel de 95 millions
de francs serait limitatif et ne pourrait être dépassé. Or il semble que, sur
cette base, seuls 25 000 Français, dont 10 000 sont déjà adhérents à la CFE,
pourront bénéficier de la prise en charge partielle par l'Etat de leur
cotisation maladie. Il est certain qu'une large diffusion sera donnée - cela
est souhaitable - à cette mesure, et je crains que l'on ne fasse naître de faux
espoirs parmi certains de nos compatriotes. Je pense en particulier à certains
titulaires de l'allocation de solidarité aux adultes handicapés qui, comme à
Pondichéry ou à Madagascar, perçoivent uniquement 600 francs ou 700 francs par
mois et qui auront les plus grandes difficultés à payer la partie demeurant à
leur charge, dont le montant devrait se situer autour de 300 francs par
mois.
Il convient donc de réfléchir pour l'avenir à la mise en oeuvre de mesures
complémentaires spécifiquement destinées aux allocataires du fonds d'assistance
de façon que, comme en France, où les minima sociaux tels que le minimum
vieillesse ou l'allocation handicapés sont assortis de prestations
complémentaires diverses, notamment de la couverture maladie en application de
la CMU, les allocations consulaires soient accompagnées des mêmes droits qu'en
métropole. Le plus simple dans ce domaine, puisque c'est votre ministère qui
représente l'Etat vis-à-vis des Français résidant à l'étranger, serait que les
crédits d'assistance ou, plus largement, les crédits destinés à l'action
sociale soient augmentés de façon significative.
Avant de conclure, je souhaite aborder la question des sociétés françaises de
bienfaisance, pour lesquelles l'évolution du crédit du fonds d'assistance est
également très importante puisque les subventions qu'elles reçoivent de votre
ministère sont fonction de ces crédits.
Je m'explique : le fonds d'assistance attribue en premier lieu à nos postes
diplomatiques les fonds correspondant aux demandes faites au titre des
allocations de solidarité et de l'allocation aux adultes handicapés. Ce n'est
qu'après que les sommes restantes sont distribuées aux sociétés françaises de
bienfaisance. Dans un contexte de hausse budgétaire, il ne fait nul doute que,
comme en 1999 et en 2000, ces associations caritatives bénéficieront de
subventions d'un montant de 5 millions de francs. En revanche, dans la
perspective du projet de budget pour 2001, je m'interroge sur l'aide qui pourra
leur être apportée compte tenu de sa très faible progression - pour ne pas dire
de son immobilisme - car je crains que une fois les aides distribuées à nos
consulats, il ne reste plus grand-chose pour nos sociétés de bienfaisance.
Or vous n'êtes pas sans savoir, messieurs les ministres, qu'elles jouent un
rôle important auprès de nos compatriotes expatriés les plus défavorisés, à qui
elles apportent une assistance morale et surtout matérielle : achat de matériel
pour handicapés, frais annexes de scolarité, achat de vêtements, prise en
charge de soins ou de frais de voyage, etc.
Devant le nombre de plus en plus important de Français en difficulté et devant
l'incapacité de nos postes à aider ces derniers en raison du gel en francs
constants des crédits d'assistance, elles sont amenées à intervenir de plus en
plus fréquemment et sont devenues un complément indispensable des aides
consulaires. Elles ont donc besoin de financements plus importants.
Vous comprendrez, messieurs les ministres, à travers ces réflexions, que
l'action envers les Français de l'étranger les plus démunis doit constituer une
priorité.
Certes, une augmentation plus marquante est prévue en 2001 pour l'emploi et la
formation à l'étranger, ce qui n'avait pas été le cas auparavant, et je m'en
réjouis. Certes, en 1999 et en 2000, vous aviez soutenu l'effort de solidarité
vis-à-vis de nos compatriotes, mais je regrette qu'aujourd'hui ceux-ci doivent
pâtir du fait que, pour mieux en aider certains, vous ne poursuiviez pas cet
effort.
Je veux croire qu'il ne s'agit là que d'une pause, comme je l'ai dit
précédemment, et que, dès l'an prochain, les crédits d'assistance connaîtront
de nouveau une forte progression. Je serai très vigilant sur ce point et
veillerai en particulier à ce que l'inscription de la ligne budgétaire nouvelle
de 95 millions de francs insérée dans le projet de loi de modernisation
sociale, qui, je l'espère, d'ici là aura été voté par le Parlement, ne
constitue pas la seule augmentation des crédits sociaux de votre ministère,
puisque son utilisation aura été définie, et qu'elle soit accompagnée d'une
hausse des crédits destinés à alimenter les allocations de solidarité et les
allocations aux adultes handicapés afin de répondre aux attentes de l'ensemble
de nos compatriotes.
Monsieur le ministre, sous réserve des remarques que je viens de formuler et
en souhaitant que des réponses soient apportées aux demandes que j'ai
formulées, je voterai votre projet de budget.
(Applaudissements.)
M. le président.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les
reprendrons à vingt et une heures trente.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures trente, est reprise à vingt et une
heures trente, sous la présidence de M. Paul Girod.)