SEANCE DU 5 DECEMBRE 2000
M. le président.
Nous poursuivons l'examen des dispositions du projet de loi de finances
concernant les affaires étrangères (et aide au développement).
Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Durand-Chastel.
M. Hubert Durand-Chastel.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, cette année
encore, les crédits attribués au ministère des affaires étrangères me
paraissent nettement insuffisants pour faire face à l'importance croissante de
toutes les missions qui lui incombent.
Certes, en valeur absolue, une augmentation de 1,110 milliard de francs est
prévue, soit une progression de 5,3 %, mais la seule augmentation de la
dotation des contributions obligatoires aux organisations internationales, pour
ne citer que ce point, absorbe 852 millions de francs. Ainsi, les besoins
mondiaux augmentent sensiblement, comme le prouve l'accroissement des
cotisations internationales, alors que le budget français stagne.
La part du ministère des affaires étrangères dans le budget de l'Etat n'a
cessé de s'amoindrir ces dernières années : de 1,73 % en 1981, il est passé à
1,57 % en 1990 et, pour finir, à 1,28 % en 2001. Dans la période actuelle de
mise en place de l'Union européenne et d'interactivité croissante des
différents continents, cette forte baisse constitue une sous-estimation grave
par notre pays de l'importance de l'action extérieure de la France, qui
explique sans doute, en partie, la diminution de notre rayonnement mondial.
Très récemment, l'une des raisons invoquée au remplacement de Bernard Kouchner,
chef de la mission des Nations unies au Kosovo, était la modestie de la
contribution volontaire de notre pays dans cette zone.
Je signale également que le budget pour 2001 a pris comme base le taux de 6,57
francs pour un dollar, alors que le taux réel actuel est voisin de 7,40 francs
par dollar. Pour les paiements en dollars, il en résultera une importante perte
de change, qui réduira encore le budget, comme l'a déjà signalé Jacques
Chaumont.
On aurait pu penser que la réduction sensible du budget de la défense et des
forces armées, avec la limitation des effectifs militaires, aurait permis des
transferts de crédits en apportant à notre diplomatie et à notre coopération
des moyens supplémentaires pour la sécurité et la paix. Je regrette qu'il n'en
ait rien été.
La sécurité collective et le maintien de la paix dans le monde nécessitent, en
effet, de multiples actions, au travers tant de l'ONU et du Conseil de sécurité
que d'actions directes sous commandement national.
L'ONU a pu redresser récemment sa situation et ses opérations portent surtout
sur des problèmes d'envergure moyenne ; dix-sept sont en cours. Notre pays y a
une participation importante de près de 8 %.
Quant au Conseil de sécurité, dont la France, puissance nucléaire, est l'un
des membres, il a confié à des organisations régionales d'autres opérations
pour le règlement des conflits les plus difficiles comme la SFOR en Bosnie, la
KFOR au Kosovo. Neuf mille militaires français y participent.
Enfin, la France mène sous commandement national des opérations correspondant
à sa responsabilité internationale : dix opérations sont ainsi réalisées
actuellement à Djibouti, au Cameroun et en Algérie, notamment, avec sept cents
militaires.
Par ailleurs, la France contribue à l'OTAN ; à l'Union de l'Europe
occidentale, qui va être remplacée par la nouvelle force militaire récemment
décidée à Bruxelles, la PESC, - à la politique étrangère et de sécurité
commune, et à l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe,
l'OSCE, instrument de diplomatie préventive, avec une quote-part française
excessive de 10,24 %.
On peut donc apprécier l'extrême diversité de nos contributions obligatoires
et volontaires extérieures non seulement à l'Union européenne, mais aussi aux
multiples organismes internationaux.
En ce qui concerne notre réseau diplomatique, avec 166 ambassades il occupe la
deuxième position, juste derrière les Etats-Unis - 179 ambassades - et
correspond à une grande puissance d'influence mondiale.
J'insisterai sur un point particulier de nos dépenses en locations
immobilières à l'étranger. Sur 170 résidences diplomatiques, 48 étaient en
location en janvier 2000. Ces locations constituent une mauvaise formule de
gestion de notre ministère, car on ne loue un immeuble que lorsqu'on n'est pas
certain d'en avoir besoin sur le moyen ou le long terme, ce qui n'est pas du
tout le cas, puisque la présence de nos représentations diplomatiques et
consulaires n'est pas précaire.
Les autorisations de programme et, surtout, les crédits de paiement ne peuvent
évidemment pas faire face à des achats massifs immobiliers payés comptant sur
un seul exercice. La formule du crédit-bail autorisée par la loi du 2 juillet
1966 permettrait de remédier à ces locations financièrement désastreuses. Des
banques, si possible françaises et installées dans le pays de location,
seraient en effet heureuses de financer l'acaht en location-vente d'immeubles
adéquats, avec une longue durée d'amortissement de quinze ans par exemple. Une
partie de l'annuité correspondrait aux intérêts de l'opération financière, et
l'autre à un crédit d'investissement.
Cette formule permettrait de procéder immédiatement à de nombreux achats. De
plus, les aménagements nécessaires pourraient être réalisés sans obligation
d'une remise en état à l'expiration du bail. Ce système paraît tout à fait
souhaitable et d'autres pays l'utilisent couramment.
Enfin, j'aborderai le thème de la mise en oeuvre de la culture française à
l'étranger en limitant mon propos à l'enseignement.
Notre pays possède un réseau éducatif très étendu et performant. Sa complexité
est extrême, car l'enseignement relève du domaine national de chaque pays et il
ne peut y avoir un modèle universel unique d'établissement français à
l'étranger : on doit en effet tenir compte des lois et règlements des pays
d'accueil où les établissements sont installés, ainsi que de leurs
organisations syndicales et des spécificités nationales.
Ces établissements sont payants, mais reçoivent une aide du Gouvernement qui
est à peu près équivalente aux montants des droits d'écolage que versent les
parents : soixante-huit établissements sont en gestion directe du gouvernement
français ; deux cent dix sont conventionnés avec l'Agence pour l'enseignement
français à l'étranger, sous la tutelle du ministère des affaires étrangères ;
les autres sont indépendants.
Le corps enseignant comprend des personnels français répartis en différentes
catégories - titulaires ou non du ministère de l'éducation nationale - et des
nationaux des pays d'accueil.
Récemment, des grèves d'enseignants ont eu lieu, les titulaires français
demandant des prestations accordées à leurs collègues en France. Ce mouvement a
surtout été suivi dans les établissements à gestion directe, mais de nombreux
autres établissements s'y sont associés.
Or l'ensemble des enseignants français, y compris ceux qui sont payés
directement à Paris, qui exercent leurs activités à l'étranger, sont soumis aux
lois du travail de leurs pays d'accueil, notamment pour les avis de grève qui
appartiennent aux syndicats nationaux titulaires des contrats.
Des arrêts de travail collectifs ou individuels de travailleurs étrangers sur
recommandation d'organisations étrangères sont donc interdits et pourraient
être sanctionnés par des retraits de permis de travail et même de séjour.
Ces problèmes relatifs à la souveraineté des pays sont très mal ressentis
localement et ne peuvent qu'être très préjudiciables aux établissements
scolaires où ils se produisent. Il convient que tous nos ressortissants
enseignants français détachés, résidents ou recrutés locaux, soient bien
informés de ces principes élémentaires pour tous les expatriés.
Je terminerai en insistant sur l'importance de l'action audiovisuelle
extérieure. D'excellents résultats sont actuellement obtenus par TV5 dans de
nombreux pays. Un effort particulier reste à fournir avec le programme-réseau
sur le continent nord-américain, considéré comme le bastion québécois par la
direction de Montréal. Ce domaine est extrêmement porteur à l'étranger, surtout
grâce aux sous-titres dans les langues des pays de diffusion.
Malgré la faiblesse des crédits pour 2001 et pour tenir compte de l'importance
du ministère des affaires étrangères dans la présente conjoncture, avec une
planète rétrécie et une démographie française en déclin, je voterai, monsieur
le ministre, votre budget des affaires étrangères.
(Applaudissements sur les
travées de l'Union centriste.)
M. le président.
La parole est à M. Mathieu.
M. Serge Mathieu.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, depuis
plusieurs années j'évoque la situation de deux pays qui me tiennent à coeur :
l'Albanie et l'Irak.
Au nom du groupe d'amitié France-Albanie du Sénat, je viens d'effectuer avec
mon collègue Jean Besson une mission dans ce pays. Elle s'est déroulée dans un
climat particulièrement tendu du fait de la contestation des résultats des
récentes élections locales, qui ont conforté la majorité en place. Je vous
rappelle que ce scrutin s'est déroulé sous le contrôle d'observateurs
internationaux qui, en dépit d'irrégularités certaines, ont indiqué qu'il
marquait « un progrès significatif vers la réalisation des normes d'élections
démocratiques ». Cette contestation se traduit par de violents affrontements
lors des manifestations organisées par l'opposition.
Tout cela est naturellement très préoccupant, alors même que l'Albanie, tout
au long des entretiens que nous avons eus avec les plus hautes autorités de
l'Etat et avec les présidents des principaux partis politiques, réaffirme sa
volonté et sa vocation européenne après le sommet de Zagreb.
Ces deux mouvements contradictoires, de désordre intérieur et de volonté
d'intégration européenne, montrent à quel point l'Albanie a besoin d'appui et
d'aide, notamment de la Communauté européenne, et singulièrement de la
France.
Je veux ici en témoigner, l'Albanie est francophone et francophile.
M. Jacques Legendre,
rapporteur pour avis.
C'est vrai !
M. Serge Mathieu.
Ses élites se tournent vers notre pays, tout en ayant le sentiment de le voir
s'éloigner irrésistiblement.
Il en va ainsi de l'enseignement de notre lanque, qui recule devant celui de
l'anglais. Il est très préoccupant que cet enseignement ait été « périphérisé »
vers les établissements de la banlieue de Tirana, alors que les meilleures
élèves et les futures élites sont scolarisés dans les lycées de la ville
même.
Peut-être des contacts entre nos ministères chargés de l'éducation
pourraient-ils remédier à cette situation. Ils devraient être accompagnés, à un
niveau plus politique, de l'accession de l'Albanie au statut de membre à part
entière de la francophonie.
Ces gestes devraient également s'accompagner d'actions concrètes et peu
onéreuses en faveur des bibliothèques, en termes de moyens informatiques ou
d'abonnements aux journaux français.
A ce titre, monsieur le ministre, comment ne pas être préoccupé par la baisse
des moyens donnés à notre poste pour les actions de coopération ? Ils ont été
divisés par deux depuis 1994. Comment ne pas s'interroger également sur le
quasi-abandon du projet de centre culturel français dans le pays le plus
francophone et le plus francophile des Balkans ?
Je peux en témoigner, mes chers collègues, tous nos entretiens se sont
déroulés en français et tous nos interlocuteurs ont regretté l'insuffisance de
notre présence linguistique et culturelle.
Sur le plan économique, tous nos interlocuteurs, sans exception, ont regretté
la place insuffisante de nos entreprises dans le pays, notamment les
entreprises les plus importantes dans le domaine crucial des infrastructures.
Sans sous-estimer les problèmes que posent l'établissement d'un Etat de droit,
et plus encore, son application concrète, nous ne pouvons que constater que
d'autres pays ont une présence très active.
Monsieur le ministre, je crois que, sur ces deux points, il est urgent de
réagir et, dans le cadre de notre politique dans les Balkans, d'aider davantage
l'Albanie.
S'agissant maintenant de l'Irak, la situation que j'ai dénoncée au fil des
années n'est pas en cours d'amélioration, bien au contraire.
Je sais, monsieur le ministre, que le Gouvernement partage nos analyses et nos
inquiétudes. Vos déclarations au Conseil de sécurité, à l'ONU, à l'Assemblée
nationale ou au Sénat en réponse aux questions de parlementaires, en témoignent
suffisamment.
Les conséquences humanitaires de l'embargo décrété voilà maintenant dix ans
sont catastrophiques. Il suffit, pour s'en convaincre, de se reporter aux
rapports des Nations unies ou de ses agences comme l'UNICEF, l'
United
Nations Children's Fund
, le PAM, le programme alimentaire mondial, le PNUD,
le programme des Nations unies pour le développement, ou l'OMS, l'organisation
mondiale de la santé. Ils décrivent la détérioration des conditions de vie de
la population irakienne, qui est la principale victime de cet embargo
injuste.
A un moment où l'on parle beaucoup de génocide, comment qualifier les effets
d'une décision dont les organes spécialisés de l'ONU estiment qu'elle a
entraîné 800 000 morts supplémentaires en dix ans ? Ces victimes sont
particulièrement les enfants, les vieillards, tous ceux qui ne peuvent se
défendre seuls et qui, faute de médicaments, faute d'une nourriture suffisante
et d'infrastructures sanitaires et sociales, meurent.
A titre d'exemple, les hôpitaux de Bagdad manquent de tous les médicaments,
d'anesthésiques en particulier. Les cancers et les leucémies ont
considérablement augmenté après la guerre du Golfe. Les déformations
congénitales, les malformations dues en large partie à la malnutrition, sans
compter les conséquences psychiques sur toute une génération, ne peuvent être
soignées et prises en charge.
La liste serait longue de toutes les conséquences de l'embargo qui affectent
une population innocente.
Les effets politiques de l'embargo sont exactement l'inverse de ceux que ses
promoteurs avaient attendus. Le Gouvernement irakien est sorti renforcé et,
sans doute, légitimé, aux yeux de la population, de ces épreuves supportées
depuis dix ans.
Notre responsabilité morale et politique est directement engagée.
Certes, les dernières résolutions adoptées par l'ONU, notamment la résolution
1284, qui doit beaucoup aux efforts de notre diplomatie, permettent
théoriquement une sortie de crise. Encore faudrait-il pour cela que le veto
opposé par les Etats-Unis et la Grande-Bretagne, en application de la règle de
l'unanimité au comité des sanctions, puisse être levé !
Je ne citerai qu'un seul exemple des refus ubuesques et des blocages : on
refuse l'exportation d'animaux, taureaux ou poussins, sous prétexte qu'ils sont
accompagnés des vaccins nécessaires, lesquels naturellement pourraient être
utilisés pour fabriquer des armes chimiques. Tout cela est absurde, tout cela
vient de la plus grande démocratie du monde...
Si des solutions théoriques de sortie de crise existent, encore faudrait-il
qu'elles soient acceptées. Or, vous le savez, Bagdad rejette cette résolution,
car la question est de savoir si, oui ou non, l'Irak s'est conformé à la
nécessaire destruction de son appareil militaire ; si, oui ou non, les
contrôles qui ont été instaurés dans les sites sensibles ou qui sont effectués
par satellites suffisent à s'assurer de son impossibilité de reconstituer un
appareil offensif.
Si notre réponse est positive, et c'est mon opinion, alors, conformément aux
résolutions de l'ONU, l'embargo doit être levé, et levé totalement. Le
programme actuel « pétrole contre nourriture » n'est qu'une goutte d'eau face
aux besoins de ce pays.
La crise actuelle, le risque de blocage de la production irakienne et ses
conséquences possibles montrent bien qu'aucun des verrous n'a pu être
desserré.
Face à cette situation, et en dépit de ces nombreuses contraintes, nos
entreprises continuent à prospecter activement le marché irakien. Notre
présence économique à la dernière foire de Bagdad en témoigne. Pourtant,
monsieur le ministre, nos entreprises ont ressenti, je les cite, « un sentiment
d'abandon de la part des autorités françaises à un moment crucial », du fait de
l'annulation de la visite du secrétaire d'Etat au commerce extérieur.
Grâce à notre diplomatie et aux liens d'amitié traditionnels entre l'Irak et
la France, nous avons encore une position favorable pour contribuer à la
reconstruction de ce pays. Il convient de conforter cet avantage, alors même
que la concurrence d'autres pays s'accroît.
Voilà, mes chers collègues, les quelques mots que je voulais prononcer à
l'occasion du vote du budget des affaires étrangères. Derrière ces crédits, il
y a des pays amis de la France et des hommes qui attendent de nous aide,
assistance et amitié.
(Applaudissements.)
M. le président.
La parole est à M. Pelletier.
M. Jacques Pelletier.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je souhaite
intervenir sur l'aide publique au développement, en insistant sur le fait que
la France est de moins en moins généreuse et que les crédits budgétaires
affectés à l'aide publique sont très éparpillés.
En 2001, le total des crédits d'aide publique devrait s'élever à 32,5
milliards de francs, l'aide apportée à nos territoires d'outre-mer non
comprise.
La progression de 3,5 milliards de francs en 2001, après une diminution de 1,4
milliard de francs en 2000, résulte, en réalité, presque uniquement de la
progression des crédits de l'aide multilatérale.
Or il est à noter que ce nouveau renforcement de l'aide multilatérale se fait
essentiellement au profit d'un prélèvement communautaire qui ne cesse de
s'alourdir - il est majoré de 38 % en 2001 - représentant 59 % du total de
l'aide multilatérale et un quart du total de l'aide publique française.
Le poids croissant de la contribution française à l'aide au développement mise
en oeuvre au niveau communautaire doit être souligné en bien.
La quote-part française au Fonds européen de développement, le FED, qui
s'établit à 24,3 %, est sans rapport avec la part moyenne de la France dans le
budget de l'Union, qui s'élève à 17,8 %. Mais c'est le prix que nous avons dû
payer en 1995, lors de la renégociation de Lomé, pour obtenir un effort
supplémentaire de l'Europe. La lourdeur des procédures de décisions
communautaires au niveau tant des engagements que des décaissements, ainsi que
le refus persistant du pouvoir exécutif de prendre les choses en main -
via
le conseil des ministres - font qu'il existe aujourd'hui un reliquat
non utilisé de près de 65 milliards de francs non dépensés sur le FED,...
M. Michel Charasse,
rapporteur spécial.
Très bien !
M. Jacques Pelletier.
... soit plus de deux fois le montant annuel global de l'aide française :
c'est inadmissible, monsieur le ministre, d'autant que les besoins des pays
pauvres sont immenses.
M. Jacques Chaumont,
rapporteur spécial.
Très bien !
Mme Monique Cerisier-ben Guiga.
Tout à fait d'accord !
M. Jacques Pelletier.
En outre, nous constatons un manque évident de coordination des pays membres
de l'Union européenne en matière d'aide internationale. L'Europe manque de
cohérence entre aide bilatérale et aide multilatérale. Elle doit améliorer la
coordination entre ses membres.
Les subsides de l'Europe mettent quatre ans en moyenne pour être versés. La
raison principale de ce retard est le très complexe circuit institutionnel de
l'aide humanitaire de l'Union, notamment, la lourdeur des procédures
administratives.
La Commission européenne réfléchit depuis plusieurs mois à une réorganisation
complète de son système d'aide. Monsieur le ministre, j'aimerais connaître
l'action que compte mener notre pays pour faire avancer cette réforme, qui me
semble importante.
Par ailleurs, la réduction spectaculaire des crédits de l'aide publique au
développement - ils ont diminué de 40 % en sept ans - vient confirmer le fait
que notre pays ne joue plus véritablement son rôle dans ce domaine.
A travers les 20 millions de signataires pour l'annulation de la dette des
pays pauvres, puis à Seattle, lors de la conférence de l'organisation mondiale
du commerce, plus récemment, à Bangkok, avec la conférence des Nations unies
pour le commerce et le développement, la CNUCED, après-demain, à Nice, au
sommet européen, les voix de la société civile s'élèvent de plus en plus contre
les risques d'une mondialisation dominée par les rapports marchands qui
aboutirait à l'exclusion d'une partie croissante de l'humanité.
Dans le même temps, les rapports les plus récents du programme des Nations
unies pour le développement signalent une aggravation effrayante des
inégalités.
Quelles stratégies de développement solidaire et durable pourraient réduire
les inégalités dans les pays et entre les pays ?
Comment notre pays va-t-il se positionner pour nouer des alliances, rechercher
de nouvelles synergies, notamment au sein des grandes institutions financières
internationales et, tout d'abord, au sein de l'Union européenne ?
La France doit être un artisan de l'élaboration des nouvelles réponses
qu'appellent ces interrogations.
Le Haut Conseil à la coopération internationale...
M. Michel Charasse,
rapporteur spécial.
Oh là là !
M. Jacques Pelletier.
... propose trois grandes orientations sur lesquelles un consensus s'est
dégagé et que je soutiens volontiers.
Premièrement, il s'agit de donner un sens à la coopération et, par là même, à
la mondialisation, en refusant le
statu quo
présenté souvent comme
inéluctable.
Deuxièmement, il s'agit de jouer la carte de l'Europe et de peser davantage
dans les institutions internationales, en étant plus présents, beaucoup plus
présents dans ces institutions.
Troisièmement, il s'agit de rénover en profondeur notre dispositif de
coopération, pour bâtir un univers plus solidaire et plus humain, en
définissant bien l'objectif central de notre coopération : la recherche d'un
développement solidaire et durable.
L'accès à des médicaments essentiels, spécialement pour les nombreux malades
du sida qui ne peuvent bénéficier des traitements nouveaux, l'assistance à la
négociation internationale et la réduction de l'endettement des pays pauvres,
tels sont les projets que je souhaiterais soutenir.
Je veux attirer maintenant votre attention sur l'assistance technique,
instrument fondamental de notre coopération. En effet, l'enveloppe destinée à
financer les coopérants présente deux traits marquants : une réduction des
moyens et un changement significatif de nomenclature, puisque l'intitulé «
assistance technique » disparaît, pour être remplacé par deux nouvelles
rubriques, à savoir l'expertise de longue durée et les missions d'experts de
courte durée.
Je pense qu'aujourd'hui notre coopération technique, qui, dans l'ensemble,
était remarquable et très appréciée, court deux risques majeurs : en premier
lieu, une nouvelle diminution de notre présence dans les pays bénéficiaires de
notre aide ; en second lieu, un changement de forme de notre coopération qui
pourrait en altérer la capacité.
Je reviens quelques instants sur ces deux risques.
Le premier concerne la baisse des effectifs. Je le rappelle, le nombre des
assistants techniques a baissé de 31 % en quatre ans, passant de 2 898 postes,
en 1997, à 1 979, en 2000. N'oublions pas qu'ils étaient de l'ordre de 30 000
en 1980 et de 15 000 en 1990.
Monsieur le ministre, vous nous aviez indiqué, voilà deux ans, que nous étions
déjà arrivés à l'étiage et que toute réduction supplémentaire remettrait en
cause l'efficacité de notre action. Alors, que devons-nous penser des chiffres
que je viens d'énoncer ?
Le second risque concerne le changement de nature de notre coopération. Les
modifications de nomenclature dans le projet de budget pour 2001 ouvrent la
voie à des missions d'expertise de courte durée. Dans certaines circonstances,
ce type de mission se justifie. Mais on ne peut sous-estimer le risque que les
missions courtes, compte tenu de leur moindre coût, prennent progressivement
une place prépondérante par rapport aux missions longues. Si une telle
évolution devait se confirmer, la coopération française se banaliserait en
s'alignant sur le mode d'action des autres bailleurs de fonds et perdrait l'un
de ses atouts majeurs. En effet, seule une présence prolongée sur le terrain
confère l'expérience et la capacité d'expertise aujourd'hui reconnues à nos
coopérants techniques.
Il faut une réelle immersion dans un pays pour pouvoir bien en comprendre les
problèmes et susciter la confiance des autorités et de la population, condition
indispensable d'une action efficace.
Cette « valeur ajoutée » de la coopération française que l'on nous enviait,
voilà quelques années encore, est aujourd'hui véritablement menacée de
disparaître, et l'on ne peut que le regretter.
L'avenir de la coopération technique apparaît donc d'autant plus préoccupant
que, parallèlement à l'organisation de missions courtes, la durée du séjour
long a été ramenée de six à quatre ans.
L'accélération de la rotation des personnels a un coût certain, mais, de plus,
pose le problème de la réintégration des coopérants dans leurs administrations
d'origine : l'expatriation devrait être considérée comme un « plus » dans la
carrière. Or, c'est loin d'être le cas aujourd'hui. Comment envisagez-vous,
monsieur le ministre, la gestion de ce problème concernant nos assistants
techniques ?
Par ailleurs, je pense que nous devons avoir deux objectifs majeurs afin de
rénover en profondeur notre dispositif de coopération : tout d'abord, le
développement solidaire et durable doit constituer le fil directeur de notre
politique de coopération ; ensuite, l'aide à la démocratie doit être largement
soutenue et encouragée.
Il faudrait, par ailleurs, encourager la démocratie participative, en
associant les collectivités locales, les organisations non gouvernementales et
les entreprises partenaires dans les deux pays à la préparation et aux débats
d'orientation.
Nous savons bien qu'une dizaine d'ONG seulement atteignent, en France, une
taille permettant de jouer un rôle international au milieu d'un archipel de
quelque 2 000 organisations.
Pour finir, j'aimerais aborder la question de l'insuffisance des crédits du
fonds de solidarité prioritaire.
Les dotations prévues pour le fonds de solidarité prioritaire s'élèvent à un
peu plus d'un milliard de francs en autorisations de programme, en diminution
de 24 % par rapport à 2000. Cette diminution des moyens paraît s'expliquer
principalement par le transfert des opérations multilatérales liées à la
francophonie du FSP vers le titre IV.
La dotation du FSP et sa gestion appellent de ma part quelques remarques.
En premier lieu, l'enveloppe dévolue au fonds n'a cessé de se réduire au cours
de la période récente.
Ensuite, la mise en oeuvre des projets souffre encore de nombreux retards :
ainsi, la durée prévue de projets en cours, de l'ordre de trente-cinq mois, se
trouve prolongée en moyenne de onze mois.
Par ailleurs, la nouvelle organisation du fonds de solidarité prioritaire,
fixée par le décret du 11 septembre 2000, se traduit par un affaiblissement du
contrôle parlementaire tel qu'il s'exerçait dans le cadre du fonds d'aide et de
coopération, et cela n'est apprécié ni à l'Assemblée nationale ni au Sénat.
Enfin, ce même décret du 11 septembre 2000 prévoit que le FSP « peut financer,
à titre exceptionnel, des opérations d'aide et de coopération situées, le cas
échéant, hors de la ZSP » ; une telle possibilité avait déjà été utilisée au
Kosovo. Si je suis tout à fait partisan d'aider le Kosovo, je considère
cependant que c'est une dérive dangereuse que de le faire par le biais du FSP,
dont ce n'est pas la vocation.
En conclusion, monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers
collègues, je souhaite souligner le fait que l'évolution des crédits suscite
beaucoup d'inquiétudes.
Tout d'abord, on ne peut que constater le décalage qui s'accroît entre les
ambitions désormais étendues à la dimension de la zone de solidarité
prioritaire et une enveloppe financière réduite.
Par ailleurs, je veux insister sur le fait qu'une place prioritaire doit
rester consacrée à l'Afrique. Il ne faut pas dilapider le capital de confiance,
d'amitié et d'estime que valent à la France sa fidélité aux liens tissés par
l'histoire, mais aussi par une réelle solidarité.
Notre aide, tout en restant concentrée, doit s'adapter, se moderniser, devenir
plus efficace, mais elle ne doit pas disparaître. Il faut, en particulier,
encourager les investissements qui, à terme, restent, sans doute la meilleure
chance de développement pour l'Afrique. A cet égard, notre communauté
française, forte de 150 000 personnes, porte les espoirs d'un véritable
renouveau économique pour le continent. Encore faut-il qu'elle bénéficie de
certaines garanties de la part des pouvoirs publics français.
Mes derniers mots, monsieur le ministre, seront très amers. Le scénario prévu
par les plus pessimistes, au moment de la disparition du ministère de la
coopération, est en train de se réaliser : 40 % d'aides publiques en moins, une
assistance technique squelettique. Cette constation est très dure pour celles
et ceux, nombreux, qui ont touhjours cru et qui croient encore en la mission
humaniste et humanitaire de notre pays.
(Applaudissements.)
M. Michel Charasse,
rapporteur spécial.
Très bien ! Quelle hauteur de vue !
M. Jacques Chaumont,
rapporteur spécial.
Il a parlé comme un ministre
(Sourires.)
M. le président.
La parole est à M. Le Cam.
M. Gérard Le Cam.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, une fois de
plus, le débat sur le budget des affaires étrangères se déroule dans le cadre
d'une situation internationale particulièrement tendue, notamment au
Proche-Orient et en Côte d'Ivoire. Sur ces deux points, l'engagement et
l'attitude de la France seront particulièrement observés.
Un certain nombre de priorités étaient affichées concernant le budget des
affaires étrangères, et nous nous félicitons qu'elles aient été en partie
retenues pour l'exercice 2001. Toutefois, il s'agit moins d'une progression que
d'une stabilisation du budget des affaires étrangères. Si le Gouvernement a
consenti à réajuster un budget qui n'a cessé de décroître régulièrement depuis
1993, de nombreux efforts seront cependant encore nécessaires pour optimiser
les relations bilatérales et multilatérales de la France à l'étranger et sa
coopération active.
Le budget des affaires étrangères a de nouveau progressé ces deux dernières
années pour représenter finalement un peu moins de 1,3 % du budget de l'Etat.
Nous ne pouvons donc qu'approuver la consolidation de cette stabilisation pour
2001. C'est pourquoi le groupe communiste républicain et citoyen s'engagera
vers un vote positif.
Sinon, comment envisager un rôle accru de la France sur la scène politique
mondiale ?
Pour autant, les aspects financiers ne résoudront pas à eux seuls les
objectifs fixés. Face à la mondialisation, qui standardise tous les domaines
économiques, institutionnels, culturels, face au pouvoir du monde économique et
technique, nous défendons l'idée de remettre en valeur, plus aujourd'hui
qu'hier, le rôle du politique. Il s'agit du politique dans le sens grec du
terme, la
polis
, c'est-à-dire la « cité ». J'entends par là
l'implication de la cité dans les affaires de l'Etat, d'autant plus quand il
s'agit de ses rapports avec l'extérieur.
Or, avec la globalisation systématique, il semble qu'on veuille aujourd'hui
restreindre le rôle du politique. Le manque de concertation parlementaire
autour des budgets en est un exemple patent. Les débats se limitent, trop
souvent, à des constatations de faits accomplis.
Le chantier des affaires étrangères mériterait une collaboration de tous les
parlementaires, car il s'agit de valoriser le rayonnement de notre pays à
l'étranger.
La France a sans doute un rôle à jouer politiquement pour entraîner la
Communauté européenne à s'impliquer d'une manière plus importante à l'échelle
planétaire, pour offrir d'autres alternatives et pour proposer une série de
renégociations. Les domaines sont vastes : ils concernent notamment la
coopération, l'organisation mondiale du commerce face aux Etats d'Afrique, des
Caraïbes et du Pacifique, les partenariats euro-méditerranéens, les foyers de
tensions à l'étranger, en particulier en Afrique et au Proche-Orient.
Sans revenir sur les excellents propos tenus par mon ami Jean-Luc Bécart quant
aux crédits affectés à la coopération, comment ne pas s'inquiéter du recul de
la participation française à l'aide publique au développement ? Comment ne pas
s'inquiéter également quand on constate une réduction des crédits d'engagement
pour l'aide alimentaire et pour l'aide humanitaire, ainsi que pour la
coopération avec les pays en développement - Asie, Afrique, Proche-Orient - sur
le prélèvement au titre du budget européen pour l'exercice 2001 ?
L'Union européenne peut-elle jouer un rôle et apporter son équilibrage dans la
résolution d'un certain nombre de foyers de tensions dans le monde ? Si oui,
quels moyens peut-elle se donner pour peser dans les négociations ? Là encore,
vous l'aurez compris, nous défendrons une prise de position claire et ferme de
la France et de l'Europe, afin de faire appliquer, dans tous les cas et sans
parti pris, les décisions de l'ONU et de son Conseil de sécurité.
Le conflit au Proche-Orient doit nous permettre de nous interroger sur notre
rôle à faire appliquer non seulement les résolutions de l'ONU, mais aussi,
peut-être, la convention des droits de l'homme, pour que tous les peuples
accèdent aux mêmes droits, dans un respect mutuel et sans conditions
préalables.
Monsieur le ministre, combien de temps encore devrons-nous attendre pour que
l'Union européenne s'engage avec détermination dans le soutien à la population
palestinienne et aux partisans de la paix qui sont nombreux dans chaque partie
au conflit ?
En matière de politique africaine, je sais, monsieur Josselin, les efforts
financiers et diplomatiques que vous déployez. Les Français gagneraient à mieux
connaître ces efforts et la réalité en ce domaine : « non-ingérence » et «
non-indifférence », comme l'a souligné mon collègue Jean-Luc Bécart. Ainsi, la
France, par votre action, agit pour améliorer le sort de ces pays.
Je formulerai un seul regret : que l'ensemble des pays développés ne
fournissent pas le même effort pour aider l'Afrique à s'en sortir.
Avant de conclure, je tiens à exprimer le souhait que le prochain sommet
francophone, à Beyrouth, en octobre 2001, soit l'occasion d'actualiser les
priorités de notre action multilatérale afin de permettre, à côté des
règlements politiques, d'élargir les crédits visant des coopérations
culturelles. Aujourd'hui, ils sont encore trop restreints. Certaines priorités
sont liées à l'actualité, qu'il s'agisse de la coopération culturelle avec les
pays balkaniques, de la réouverture de nos centres culturels en Algérie, du
développement de l'accueil de boursiers étrangers dans les universités et les
grandes écoles ; sur ce dernier point, on note encore des difficultés pour
l'obtention des visas et la nécessité d'améliorer les conditionsd'accueil.
Je désire enfin pointer deux carences dans ce budget. La première vise la
sous-évaluation des dépenses qui avait été particulièrement notée l'année
passée - 3,14 milliards de francs. Les variations du dollar y jouent un rôle
important, puisqu'on estime qu'une variation de 10 centimes du dollar entraîne
une variation de 15 millions de francs des crédits demandés. Par ailleurs, le
budget des opérations de maintien de la paix, les OMP, est, lui aussi,
susceptible de subir de grandes variations en fonction de l'actualité
internationale.
La seconde carence tient au manque de personnels. Après une forte réduction
enregistrée sur la période 1994-1998, avec la suppression de 625 emplois,
l'année 2001 verra maintenir les effectifs de personnel. Pour autant, ces
derniers nous semblent très inférieurs aux besoins. Face à l'actualité, notre
rôle à l'étranger gagnerait en efficacité en dotant notre diplomatie des outils
nécessaires et adéquats pour permettre à la France de se moderniser en
impliquant les parlementaires dans les débats concernant les affaires
étrangères et en accentuant la place de la solution politique, notamment dans
les conflits.
Pour terminer, monsieur le ministre, je tiens à appeler votre attention sur la
fermeture de la frontière entre l'Italie et la France qui va empêcher des
milliers de salariés et de jeunes de participer à la manifestation du 6
décembre organisée à l'occasion du sommer européen de Nice. Les sénateurs du
groupe communiste républicain et citoyen considèrent cette mesure comme
inacceptable et vous demande, monsieur le ministre, de profiter du débat de ce
soir pour annoncer le retrait de cette décision.
(Applaudissements sur les
travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président.
La parole est à Mme Cerisier-ben Guiga.
Mme Monique Cerisier-ben Guiga.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, avant d'en
venir au projet de budget, je souhaite exprimer mon inquiétude quant à la
situation en Côte d'Ivoire. Les tensions ethniques ont repris de la vigueur.
Qu'entend faire la France dans les jours qui viennent pour tenter d'apaiser ces
tensions ?
Parlons du projet de budget maintenant, et voyons quels sont les motifs de
satisfaction à cet égard.
Tout d'abord, le projet de budget ne baisse pas, au moins en francs courants ;
par ailleurs, il est plus véridique que les précédents puisque les crédits que
Bercy transférait normalement en cours d'année pour les contributions
obligatoires, les cotisations patronales d'assurance maladie du personnel et
autres charges prévisibles sont maintenant intégrés au budget. C'est plus
clair.
Le fonds de concours des droits de chancellerie est consolidé par son
intégration au budget, ce qui est également appréciable.
Pour les Français installés à l'étranger, la création d'une toute petite ligne
de crédits, la ligne FLAM, ou français langue maternelle, et les 2 millions de
francs qui y sont inscrits constituent un premier pas vers la prise en compte
d'une réalité longtemps ignorée. La majorité des enfants français de
l'étranger, scolarisés dans les écoles de leur pays d'accueil, perdent l'usage
du français entre cinq et onze ans, faute d'apprentissage scolaire. Les
familles de Francfort, Zurich, Sydney ou d'ailleurs vont, enfin, bénéficier
d'un soutien à leurs initiatives. Leurs enfants leur répondront peut-être plus
souvent comme ils le souhaitent, en langue française. C'est un progrès pour
l'avenir.
L'action contre l'exclusion sociale dans les communautés françaises à
l'étranger me fournit, malheureusement, une transition vers tout ce qui n'est
pas vraiment satisfaisant dans ce projet de budget pour 2001.
Sous l'impulsion du ministère et grâce à l'action inventive et déterminée de
la direction des Français à l'étranger, la DFAE, à laquelle je rends hommage,
il a été possible, par redéploiement de crédits, de commencer à mettre en
oeuvre, à titre expérimental, quelques-une des propositions que j'avais
formulées en conclusion de mon rapport sur l'exclusion sociale dans les
communautés françaises à l'étranger, et ce en dépit de l'absence de progression
des crédits d'aide sociale.
Mais, si le budget de 2002 ne comporte ni création d'emplois dans les
consulats ni augmentation substantielle des crédits d'aide sociale et de
formation professionnelle à la DFAE, il ne sera pas possible de passer de
l'expérimentation à l'application. Pouvez-vous me donner des assurances pour
l'avenir, monsieur le ministre ? Je sais bien que c'est quasiment impossible,
mais je suis très inquiète.
Le grand perdant de ce budget pour les Français à l'étranger, c'est vraiment
la formation professionnelle. Au moment où le ministère de l'emploi et de la
solidarité, ainsi que l'AFPA, l'association nationale pour la formation
professionnelle des adultes, cessaient de concourir aux actions du ministère
des affaires étrangères en ce domaine, ce qui est proprement injustifiable, il
fallait 6 millions de francs supplémentaires à la mission emploi-formation pour
développer le centre de Tananarive et commencer son action à Dakar. Que faire,
maintenant ? Nous sommes vraiment devant l'impossibilité de poursuivre l'une
des actions les plus prometteuses pour éviter la paupérisation de certaines
communautés françaises dans les pays du Sud.
Dans ce domaine, comme dans ceux que je vais aborder par la suite, la
parlementaire socialiste que je suis regrette que le Gouvernement ne réalise
pas mieux l'adéquation entre les principes qu'il proclame et met en oeuvre,
avec un succès reconnu, au titre de priorités dans sa politique intérieure et
ses choix budgétaires pour l'action internationale, pour l'aide publique au
développement et pour les Français à l'étranger.
Il faut tout de même le dire, la France a changé. Elle est devenue le pays
ouvert sur l'international que les gouvernants de jadis appelaient de leurs
voeux. Les Français s'expatrient en très grand nombre. Des écoles françaises
s'ouvrent partout dans le monde sur des initiatives individuelles ou de
groupes. C'est chose faite, la France est vraiment devenue un pays nouveau,
moderne.
Par ailleurs, sur le plan gouvernemental, la France proclame sa volonté de
rester solidaire avec les pays du Sud, de maîtriser la mondialisation, d'éviter
le creusement du fossé.
Or, quels moyens financiers et humains l'Etat se donne-t-il dans un budget
comme celui qu'on nous présente pour jouer son rôle international et
accompagner le mouvement d'ouverture de la société ?
Comme mes collègues, je dis qu'il s'en donne trop peu. De surcroît, les moyens
sont trop rarement confiés au ministère des affaires étrangères et, concernant
l'aide publique au développement, beaucoup trop laissés à la discrétion du
ministère des finances, en l'absence de tout contrôle parlementaire, alors que
c'est le ministère de la coopération qui devrait être le maître d'oeuvre de
l'aide publique au développement pour la France.
MM. Michel Charasse et Jacques Chaumont,
rapporteurs spéciaux.
Très bien !
Mme Monique Cerisier-ben Guiga.
Je voudrais appeler l'attention sur quelques conséquences très négatives de
l'insuffisance du budget du ministère des affaires étrangères aux yeux de la
parlementaire qui, avec onze autres, représente les Français établis hors de
France.
Il y a d'abord les difficultés des services extérieurs du ministère des
affaires étrangères : la précarité et les bas salaires des recrutés locaux de
ces services - je constate que, cette année, la plupart des rapporteurs en ont
parlé - le sous-financement chronique de l'agence pour l'enseignement français
à l'étranger, même s'il faut reconnaître que la France fait un effort
considérable pour l'enseignement - cela étant, soit on fait un effort, soit on
ne le fait pas, mais, si on le fait, il faut y mettre les moyens. Enfin, il y a
l'étiolement de la diplomatie culturelle et de la coopération, pour lesquels je
ne trouve pas d'euphémisme satisfaisant.
Il y a, en réalité, 2 000 agents de moins en poste, au ministère des affaires
étrangères, qu'il y a dix ans : 1 000 emplois budgétaires et 1 000 emplois non
pourvus sur ces emplois budgétaires, je regrette, cela fait bien 2 000 !
Or, avec 2 000 agents de moins, on ne peut plus faire correctement le travail
dans les missions diplomatiques et dans les chancelleries consulaires. On le
fait encore moins dans les consulats, quel que soit le dévouement des
personnels. Vraiment, cela ne va pas !
Nous, Français de l'étranger, ne voyons l'action gouvernementale qu'au travers
du fonctionnement des consulats. C'est notre seul contact avec l'exécutif. Nous
avons besoin que soit exercée la mission régalienne de l'Etat dans les domaines
fondamentaux que sont pour nous l'état civil, les questions de nationalité, les
questions notariales. En effet, c'est tout bête, mais nous avons des biens pour
lesquels nous avons besoin de services notariaux compétents dans les consulats.
Or, ceux-ci n'ont plus les moyens humains de faire face aux besoins.
La précarité et les bas salaires des recrutés locaux du ministère des affaires
étrangères, tout le monde en a parlé, et c'est heureux !
Je rentre de New York. Franchement, on ne peut qu'avoir honte, lorsqu'on est à
la mission française auprès de l'ONU, de voir que les 25 personnes qui y
travaillent sont aussi mal payées. Même avec la revalorisation de la grille des
salaires à laquelle on vient de procéder, la France restera le plus mauvais
employeur des missions diplomatiques de New York !
Les personnels qui ne sont pas français ne peuvent pas payer d'assurance
maladie. J'ai vu un jeune homme qui logeait dans un foyer de sans-abri parce
qu'il n'avait pas les moyens de payer son logement avec son salaire de 2 500
dollars, en dépit de la fonction qu'il occupait. Il suffit en effet de
qualifier quelqu'un qui a un niveau bac + 6 d'agent de bureau de deuxième
catégorie pour le payer 2 500 dollars par mois. Après quoi on s'étonne de ne
pas garder de personnel ! Ce n'est pas possible, la France ne peut pas
continuer à être le plus mauvais employeur diplomatique des grandes villes
d'Europe et des Etats-Unis ! Cela ne peut pas durer !
Or, je n'ai vu nulle part, dans le projet de budget, de ligne de crédit qui
permettrait d'améliorer cette situation. En 1999, une belle circulaire
diplomatique a donné de très bons conseils à nos chefs de mission diplomatique.
Mais comment ceux-ci pourraient-ils les mettre en oeuvre avec les crédits
qu'ils ont ? Le peu d'augmentation de crédit qu'il y a va être dévoré par
l'appréciation du dollar, puisqu'il n'en est pas réellement tenu compte.
Je ne vois vraiment pas, dès lors, comment on pourrait remédier à la situation
difficile des postes diplomatiques, des consulats, et comment on pourrait
améliorer la situation des recrutés locaux, sans lesquels, maintenant, plus un
seul service ne fonctionnerait à l'étranger.
Car il faut en être conscient : si ces gens s'arrêtent de travailler pour leur
salaire de misère, plus rien ne fonctionnera, ni dans les chancelleries
diplomatiques, ni dans les consultats !
S'agissant de l'agence pour l'enseignement français à l'étranger, il faut
savoir si l'on veut avoir un réseau d'enseignement qui corresponde aux besoins
de la population française telle qu'elle est maintenant à l'étranger,
c'est-à-dire une population qui, majoritairement, n'a pas de sursalaire à
l'expatriation et qui doit prélever sur un budget familial normal le coût élevé
d'une scolarisation privée.
Et que l'on ne vienne pas nous dire que les parlementaires inventent, qu'ils
rêvent ! Voilà trois ans et demi que nous disons qu'il y a le feu dans les
établissements de l'agence ! Parents et enseignants s'accordent sur ce constat
; il n'y a pas la moindre opposition entre eux. Tous voient bien que la
situation se dégrade. Par conséquent, soit on adapte le réseau à la situation
nouvelle à l'étranger, soit on le restreint, mais on ne peut pas faire plus
avec moins d'argent, ce n'est pas vrai !
Par ailleurs, je partage le point de vue de tous mes collègues qui ont
protesté contre le fait que la diplomatie culturelle et l'action pour la
coopération française se restreignaient d'année en année sur le plan budgétaire
et par diminution de l'assistance publique au développement.
La véritable assistance publique, elle est faite par les coopérants,...
M. le président.
Veuillez conclure, madame.
Mme Monique Cerisier-ben Guiga.
... sur le terrain, par ceux qui restent longtemps, qui sont vraiment
impliqués, qui en veulent, et non pas par des gens qui font du tourisme et qui
sont là quinze jours pour faire des missions de courte durée.
Faute de temps, je ne pourrai pas dire tout ce que j'avais à dire. J'ajouterai
simplement qu'il faut cesser d'abonder le FED, qui ne sert pas à grand-chose,
et affecter l'argent à notre coopération bilatérale parce que, elle, nous la
connaissons, nous la faisons marcher. Enfin, augmentons nos contributions
volontaires à l'ONU, faute de quoi la France perdra vraiment sa place dans le
concert des nations.
(Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe
communiste républicain et citoyen, ainsi que que les travées du Rassemblement
pour la République et des Républicains et Indépendants.)
Mme Paulette Brisepierre.
Très bien !
M. le président.
La parole est à M. Hoeffel.
M. Daniel Hoeffel.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'un des
enjeux et, nous l'espérons, l'un des succès du traité de Nice sera de conforter
les institutions d'une véritable défense européenne.
Sans doute est-il nécessaire d'organiser la prévention des crises, et cela
d'abord en Europe même.
Mais puis-je, monsieur le ministre, attirer votre attention sur une
contradiction, à mon avis, inexplicable : l'importance des moyens dégagés pour
organiser la politique étrangère et de sécurité commune de l'Union européenne,
et demain, une politique de défense, constrastant avec le blocage des moyens
nécessaires à la contribution pourtant essentielle qu'apporte le Conseil de
l'Europe à la stabilité démocratique du continent européen ?
Je fais partie de la délégation française qui a participé à l'accompagnement
des Etats d'Europe centrale et orientale sur le chemin de la démocratie, qui
passait d'abord par l'adhésion au Conseil de l'Europe.
Ce rôle de l'organisation de Strasbourg, pour être méconnu, n'en est pas moins
essentiel. Nous avons obtenu l'institution de systèmes électoraux et judicaires
respectueux des droits de l'homme et de l'état de droit à peu près sur tout le
territoire du continent européen, et même le renoncement à la peine de mort.
Nous veillons à la régularité des élections. Nous accompagnons les Etats du
Caucase et des Balkans sur le chemin de la réconciliation et du respect de
leursminorités.
Cela, vous le savez, monsieur le ministre.
Alors, pourquoi appliquer la décision prise il y a plusieurs années d'allouer
à une organisation qui comporte aujourd'hui - nous devons nous en féliciter -
quarante et un Etats membres des crédits bloqués par la règle dite, de la «
croissance zéro en termes réels » ?
C'est le comité des ministres de l'organisation où siège le gouvernement
français qui décide d'inviter de nouveaux Etats à adhérer.
C'est encore le comité des ministres qui a décidé d'ériger la Cour des droits
de l'homme en cour unique et permanente.
C'est, enfin, le comité des ministres qui a décidé la création d'un
commissariat pour les droits de l'homme auprès du Conseil de l'Europe.
Je ne décrirai pas l'influence de ces organes sur l'amélioration des libertés
individuelles, et donc sur la stabilité politique en Europe. Je voudrais
simplement rappeler qu'en dix ans le Conseil de l'Europe est passé de
vingt-trois à quarante et un Etats membres.
En 1998, la Cour européenne des droits de l'homme enregistrait moins de 6 000
requêtes ; en 1999, elle en a enregistré 8 400 et, pour les seuls six premiers
mois de cette année, on en dénombre près de 7 000, ce qui laisse augurer un
quasi-doublement du nombre de requêtes introduites de 1998 à 2000, c'est-à-dire
en l'espace de deux ans.
L'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe a demandé, très logiquement,
la disjonction des crédits de fonctionnement de la Cour européenne des droits
de l'homme, afin que cet organe de contrôle de la convention européenne des
droits de l'homme soit doté d'un budget propre.
Il devrait en être de même des services du commissaire aux droits de
l'homme.
Cependant, comment qualifier l'attitude des cinq plus grands Etats
contributeurs au budget du Conseil de l'Europe - parmi lesquels la France -
dont la part a été ramenée à 12,75 % seulement du budget ordinaire ?
Faisons attention, sur le plan psychologique, à cette attitude de
discrimination des grands pays par rapport aux petits, car ils concourent tous,
chacun à leur manière, à la construction de la grande Europe.
Je vous demanderai simplement si favoriser des élections libres, une justice
bien formée et indépendante, le respect des quelque 180 conventions du Conseil
de l'Europe sur tout le territoire du continent européen, spécialement dans les
Etats qui avaient connu d'innombrables violations des droits de l'homme en
Europe de l'Est, sont sans influence sur l'amélioration de la situation
individuelle des citoyens du Caucase et des Balkans, notamment.
Si la garantie des droits individuels, la loyauté et l'efficacité du
parlementarisme représentatif sont assurées par l'adhésion au Conseil de
l'Europe, à la Convention européenne des droits de l'homme sous le contrôle de
la Cour de Strasbourg, ainsi qu'aux autres conventions, ne peut-on pas espérer
que les crises aiguës qui se sont produites récemment en Europe même perdent de
leur intensité ?
Dès lors, n'est-ce pas, si j'ose cette expression, de l'argent bien placé que
d'aider au fonctionnement du Conseil de l'Europe qui assure ces garanties ?
Aussi, monsieur le ministre, nous comptons sur vous pour que soit réalisée
l'adaptation des crédits alloués au Conseil de l'Europe aux besoins désormais
nécessaires de toutes ses branches, secrétariat général, assemblée
parlementaire, Cour européenne des droits de l'homme et Commissaire aux droits
de l'homme.
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR,
et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du
RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Ferrand.
M. André Ferrand.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues,
permettez-moi à mon tour de vous présenter non pas tout ce qui me paraît
important dans le budget qui nous est proposé mais seulement les points que
j'ai dû sélectionner compte tenu des contraintes de cette intervention.
Ce que je m'apprête à vous dire est principalement fondé sur les observations
que j'ai pu faire sur le terrain à l'étranger, auprès de nos compatriotes, de
nos établissement scolaires, de nos communautés d'affaires et de nos postes
dans les vingt-six pays dans lesquels je me suis rendu pendant ces deux
dernières années comme sénateur représentant les Français de l'étranger ou dans
le cadre d'un voyage d'un groupe d'amitié sénatorial.
J'ai tout d'abord plaisir à vous dire, monsieur le ministre, que, là où je les
ai vus à l'oeuvre, vos troupes font du bon travail. Dans des conditions parfois
difficiles - je pense surtout aux services des visas - j'ai vu des agents
souvent à la peine, mais qui, apparemment, ne savaient pas qu'il existait la
semaine des 35 heures...
(Sourires.)
Au sommet, j'ai vu de plus en plus de chefs de mission non seulement capables
de bien coordonner l'action de tous les agents de l'Etat, y compris ceux qui
dépendent de Bercy, mais sachant aussi, de mieux en mieux, créer autour d'eux
une heureuse et féconde synergie avec les acteurs privés, en particulier ceux
qui appartiennent au monde économique, et je m'en réjouis !
Ce sont là des signes tangibles de la modernisation entreprise par votre
ministère et dont on sait qu'elle porte sur beaucoup d'autres secteurs pour
lesquels je vous souhaite le même succès.
Je voudrais maintenant en venir aux sujets qui me tiennent à coeur. Je
traiterai successivement, au pas de course, compte tenu du temps qui m'est
imparti, de l'enseignement ou, plus généralement, de la formation française à
l'étranger, de la francophonie, de nos consulats et de la coopération.
J'évoquerai, pour terminer, la réforme du conseil supérieur des Français de
l'étranger.
L'enseignement, la formation française à l'étranger, est un sujet énorme, dont
nous n'avons pas pris toute la mesure. Nous n'avons, malgré nos succès, dont
nous nous flattons avec raison, toujours pas su apprécier l'extraordinaire
atout que représente la grande demande de formation française - ou « à la
française » - à l'étranger.
Nous ne nous sommes toujours pas dotés de la politique ambitieuse ni des
moyens qui nous permettraient de profiter d'une telle chance au moment où, à
cause de l'Europe et de la mondialisation, nous craignons de ne voir notre
identité se diluer.
Nous devons arrêter de jouer « petit bras ». Est-il normal que, dans une ville
comme Varsovie, capitale d'un pays qui représente historiquement,
culturellement, économiquement et politiquement autant pour notre pays, nous
soyons réduits, en ce moment même, à la gymnastique que vous savez, afin
seulement d'assurer la sécurité des élèves ?
Les chantiers potentiels sont nombreux ; il est temps de les ouvrir et non
plus de les escamoter. Il faut que tous les enfants français de l'étranger,
quels que soient les revenus de leurs parents, aient accès à notre
enseignement. Il ne faut plus que les responsables de l'Agence pour
l'enseignement français à l'étranger soient contraints de répéter que, faute de
moyens, ils ne pouvent pas s'intéresser aux élèves étrangers qui souhaitent
étudier dans nos écoles, donc dans notre langue et notre culture. Futurs
décideurs, ils sont nos alliés, nos amis de demain.
Or, monsieur le ministre, vous le savez, le budget beaucoup trop modeste qui
vous est alloué à ce titre ne vous permet pas une telle ambition.
Je me félicite donc que vous ayez récemment pris langue avec votre collègue
ministre de l'éducation nationale...
M. Michel Chenasse,
rapporteur spécial.
Pris langue... quel bon mot !
(Rires.)
M. André Ferrand.
... pour mettre en place un groupe de travail commun sur le partage des
responsabilités et des synergies entre vos deux ministères dans la gestion de
l'AEFE.
Quant à la question urgente et difficile du statut et des traitements des
différentes catégories de personnel dans nos établissements d'enseignement à
l'étranger, je souhaite vivement que le directeur général de la coopération et
du développement, président du conseil d'administration de l'AEFE, réussisse
rapidement dans la mission de négociation que vous lui avez confiée.
En effet, s'il est vrai que les nécessités de la gestion sont incontournables,
le grand sentiment d'injustice créé par les trop grandes différences de
traitement et les espoirs nés à l'occasion de la récente enquête effectuée
auprès des personnels recrutés localement imposent, cette fois, une « mise à
plat » de la question et son règlement au fond.
Je reste au chapitre de la formation française à l'étranger pour me féliciter
de l'augmentation substantielle des crédits destinés à financer les bourses
Eiffel. Le principe et les résultats de ce programme semblent unanimement
considérés comme excellents.
Il est enfin une idée, dont je ne suis pas l'inventeur, mais que je
souhaiterais reprendre à mon compte, tant son pragmatisme me paraît devoir être
efficace : il s'agirait de constituer dans chacune de nos ambassades un fichier
qui recenserait tous les nationaux ayant eu affaire à un moment ou à un autre,
où que ce soit et d'une quelconque manière, au système d'éducation français.
Cela constituerait un premier pas dans la nécessaire organisation d'un réseau
d'« anciens », d'«
alumni
» disent les Américains, auquel il s'agirait
ensuite de donner vie et qu'il faudrait animer dans une mouvance favorable à
nos positions.
J'en viens à mon deuxième point, la francophonie. Je serai très bref.
Je suis, bien sûr, très favorable à la francophonie. Je voudrais, moi aussi,
que les crédits qui lui sont alloués soient mieux identifiés. Je rejoins, en
effet, ceux, très nombreux, qui souhaitent que son organisation évolue dans le
sens de la simplification et de la lisibilité des structures et des
affectations de crédits ainsi que d'une meilleure évaluation de ses
résultats.
J'aborde le troisième point, consacré à nos consulats.
Partout, y compris en Europe, leur rôle reste essentiel. Je ne dirai pas que
leurs effectifs, contrairement à certaines administrations hexagonales, sont
pléthoriques. La situation est plutôt inverse et j'en connais un certain nombre
où un renfort serait le bienvenu. La proportion de personnes recrutées
localement, qui sontgénéralement dévouées, y est importante. Mais, malgré le
soin apporté à la formation de ces agents, l'exercice a ses limites. Il est
nécessaire de disposer dans les postes d'un nombre suffisant d'agents
titulaires chargés également d'une mission pédagogique.
Ce budget permet-il d'accroître leur nombre ? Il nous est permis d'en
douter.
Je voudrais maintenant attirer votre attention sur le problème des visas. S'il
semble que le dispositif mis en place pour ne plus décourager les étudiants
étrangers candidats à des études en France ait porté des fruits - on se
félicite de l'accroissement du nombre de visas délivrés cette année à ce titre
- on entend encore trop de critiques à ce sujet. Ceux qui les expriment
n'ont-ils pas actualisé leurs informations, ou bien existe-t-il encore de réels
problèmes ? Ce serait très regrettable, quand de sérieux efforts commencent à
être engagés pour augmenter le nombre d'étudiants étrangers dans nos
universités et nos écoles.
Il existe également une catégorie de demandeurs de visas à laquelle il me
paraît souhaitable, monsieur le ministre, d'accorder une particulière et
bienveillante attention : ce sont les étrangers, de plus en plus nombreux à
mesure que notre économie s'internationalise, qui viennent en France pour
recevoir une formation professionnelle. On me dit qu'il y aurait des problèmes.
N'est-il pas possible d'imaginer que, plus systématiquement, soient simplifiées
et accélérées les formalités d'obtention des visas chaque fois que, localement,
on aurait les moyens de juger que la venue en France du demandeur aurait des
effets positifs, directement ou indirectement, pour nos couleurs ?
M. Aymeri de Montesquiou.
Très bien !
M. André Ferrand.
J'en viens à mon dernier point : la coopération, dont je ne retiendrai que
deux aspects, de nature bien différente.
Le premier concerne l'Afrique francophone.
Je partage tout à fait la conviction qu'il fallait tourner la page de certains
aspects de nos relations avec les Etats qui la composent. Je crois également
qu'on a eu raison d'aller bien au-delà de notre « pré carré », de la notion
trop exclusive de « pays du champ ». Bienvenue donc à la zone de solidarité
prioritaire et au refus de l'interventionnisme trop direct ! Mais je suis
également convaincu qu'il existe entre ces pays et nous des liens d'une telle
nature et d'une telle profondeur qu'ils impliquent pour nous une responsabilité
tout aussi particulière en ce qui concerne leur développement.
Il y va de notre intérêt politique et culturel d'abord, économique ensuite,
bien sûr, mais aussi de notre vérité profonde, de ces choses importantes
auxquelles nous croyons et qui sont ancrées au fond de nous.
Cette Afrique, monsieur le ministre, il n'est pas possible de la banaliser et,
pour qu'elle ne demeure pas « mal partie », il faut non seulement que nous lui
consacrions plus de crédits que ne le permet votre budget mais aussi que nous
lui donnions toute la place qui doit lui revenir, sans tenir compte des
phénomènes de mode géo-économico-politiques...
Enfin, je ne puis quitter l'Afrique sans évoquer, cette année encore, le
douloureux problème de nos compatriotes retraités à qui sont dus par les
caisses locales de pays de la zone CFA des arriérés importants. Si la situation
semble, sur ce plan, s'améliorer en Côte d'Ivoire, au Gabon, au Mali et au
Sénégal, il existe toujours de graves difficultés au Cameroun et au Congo,
alors que la situation se dégrade au Niger.
Nous savons que la solution se trouve, monsieur le ministre, chez votre
collègue de Bercy, vous nous l'avez répété à plusieurs reprises. Que peut-on
faire pour qu'à l'ouverture de la prochaine assemblée plénière du CSFE ou lors
de la discussion budgétaire de l'an prochain nous n'ayons pas, encore une fois,
à évoquer cette malheureuse situation ? Pourquoi le Gouvernement n'agit-il pas
?
Avant de conclure, comment ne pas souligner le rôle joué par la grande
communauté des Français de l'étranger ? Il faut lui apporter toute la
considération qu'elle mérite et mieux la mobiliser.
C'est pourquoi il est nécessaire de donner à l'assemblée qui la représente, le
Conseil supérieur des Français de l'étranger, les moyens de jouer pleinement
son rôle. M. le ministre des affaires étrangères, qui en est le président, sait
mieux que quiconque ce qu'a été sa contribution dans sa double mission : le
service des Français de l'étranger et celui de la France. Le contexte est
aujourd'hui différent, et il faut que le conseil s'adapte. C'est tout le sens
de la réforme dans laquelle nous nous sommes engagés, réforme qu'ensemble nous
saurons, j'en suis sûr, mener à bien.
M. le président.
Il vous faut conclure, monsieur Ferrand !
M. André Ferrand.
Monsieur le ministre, permettez-moi de vous dire que, si nous nous apprêtons à
voter le budget des affaires étrangères, ce sera avec le sentiment que notre
pays ne se donne pas tous les moyens de saisir toutes les nombreuses
opportunités qui s'offrent à lui pour améliorer notre place dans le monde et
mieux y rayonner.
(Applaudissements sur les travées des Républicains et
Indépendants, du RPR et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées
du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. de Montesquiou.
M. Aymeri de Montesquiou.
Monsieur le ministre, l'appréciation critique que je porte sur votre politique
tient plus de la nuance que de l'opposition pugnace. Je soutiens les grands
axes que vous proposez et je reconnais que vous ne vous êtes pas départi,
depuis plus de trois ans, d'une gestion sage des choix de la France. Peut-être
plus d'audace parfois donnerait-elle plus d'audience à notre pays !
En dépit des apparences d'un budget en augmentation, les moyens dont vous
disposez sont inadaptés au potentiel diplomatique de la France.
Cette indigence budgétaire se traduit par une faiblesse d'action et de faibles
moyens en personnel : à peine 10 000 agents pour mettre en oeuvre la diplomatie
française. Lors de l'examen du budget de la fonction publique et de la réforme
de l'Etat, hier soir, je me suis élevé contre l'incohérence budgétaire de la
création nette de plus de 11 000 emplois, l'hypertrophie des administrations
centrales en général et leur mauvais déploiement. Votre ministère constitue une
exception par ses effectifs étiques. Par opposition aux autres ministères, son
antenne à Nantes est un exemple de délocalisation réussie.
Vous n'avez pas les moyens de travailler avec une complète efficacité. J'en
citerai un seul exemple : il y a un an, pour mieux accompagner notre présidence
et affirmer notre rôle de nation chef de file de l'Union, j'avais demandé si
des moyens supplémentaires étaient prévus afin que les effectifs travaillant
sur les questions communautaires puissent être renforcés au Quai d'Orsay, au
SGCI et à notre représentation permanente. Cela n'a pas été le cas.
Pis encore, 625 emplois budgétaires ont été rendus en cinq ans. Dans ce
contexte, la création de 10 misérables emplois cette année est affligeante au
regard des 134 postes redondants créés pour les services du Premier ministre
!
Si « la guerre est la diplomatie prolongée par d'autres moyens », prenons déjà
les moyens financiers de notre diplomatie.
Tous les budgets sont, bien sûr, à considérer à l'intérieur d'une enveloppe
générale, et l'intitulé « commission des affaires étrangères, de la défense et
des forces armées » montre bien l'imbrication constante entre les budgets qui
expriment la protection globale des intérêts de la France.
Voilà pourquoi je dirai quelques mots de notre défense et de ses priorités,
qui sont, d'une part, l'intégration dans une défense européenne opérationnelle,
qui permettra à la France de conserver et de développer ses capacités
techniques et industrielles - à ce propos, félicitons-nous des progrès
accomplis par les industriels de la défense et par les pays de l'Union - et,
d'autre part, la vigueur de nos engagements dans notre pré carré africain.
Axons également nos efforts budgétaires en matière de sécurité nationale sur
la gendarmerie.
Le reste n'est qu'apparence et gâchis de fonds publics, et certaines lignes
budgétaires ne semblent exister que pour faire illusion, ou apparaissent comme
des vestiges nostalgiques d'un grand passé militaire. Cet investissement
militaire-là, inutile, se fait au détriment de la force de frappe diplomatique.
Affectons-le donc à votre ministère !
Comment pouvons-nous peser sur une situation conflictuelle ? Faut-il protéger
- peut-on protéger ? - nos intérêts par la guerre ou par la diplomatie ?
L'avenir de notre pays se forgera davantage avec des bourses pour les
étudiants étrangers qu'avec des débuts de séries d'armes qui ne serviront
jamais et qui n'effraieront personne de par leur petit nombre.
M. Claude Estier.
Très bien !
M. Aymeri de Montesquiou.
Quelques milliards de francs de moins pour notre défense ne nous rendront
guère moins dissuasifs. Quelques milliards de francs en plus pour notre
diplomatie nous rendraient beaucoup plus attractifs.
Monsieur le ministre, ce rééquilibrage budgétaire en faveur des affaires
étrangères a-t-il quelque chance de s'amorcer l'an prochain ? J'imagine que
vous l'appelez de vos voeux laïques.
Comment exploiter l'image de la France pour défendre nos intérêts si ce n'est
par une diplomatie disposant de moyens ? Comment lutter contre le déclin si ce
n'est en nous appuyant sur notre formidable patrimoine culturel, si ce n'est en
accueillant davantage d'étudiants dans nos grandes écoles et nos universités
?
Je voudrais souligner qu'en France, hélas ! le nombre d'étudiants étrangers
issus de pays au fort potentiel économique est très inférieur à celui de nos
concurrents, et que cela constitue un fort handicap pour l'avenir.
Nous devons également développer notre enseignement à l'étranger, nos actions
audiovisuelles à diffusion internationale, qui souffrent, d'une façon
quelquefois vexante, des comparaisons avec celles des autres pays. Sur ce
dernier point, il y a une prise de conscience de votre ministère, puisque le
projet de budget pour 2001 alloue des fonds supplémentaires au Proche-Orient et
au Maghreb. Cette mesure est nécessaire, mais elle n'est pas suffisante.
TV 5 doit avoir l'opportunité et les moyens d'évoluer pour devenir une réelle
chaîne de télévision et non une juxtaposition d'émissions issues des différents
pays francophones. On ne peut considérer aujourd'hui que la France mène une
politique culturelle au travers des programmes de TV 5. Cette chaîne doit se
muer en une véritable chaîne d'actualité ; elle donnerait de la France une
image plus moderne à travers le monde.
Il est très regrettable, outre les problèmes rencontrés par TV 5, qu'il soit
aussi difficile de capter des chaînes publiques françaises à l'étranger.
L'Allemagne, l'Italie et l'Espagne réussissent à proposer plusieurs chaînes
généralistes hors de leurs frontières.
Au Liban, par exemple, les francophones ne peuvent recevoir ni France 2 ni
France 3, alors qu'ils captent des chaînes polonaises ou allemandes, entre
autres. Il est indispensable de prendre des mesures pour faire évoluer cette
situation.
Maintenant, je traiterai de notre politique des visas et de mon souhait de
voir retenues des positions plus audacieuses, notamment au Moyen-Orient.
Pour ce qui est des visas, êtes-vous prêt à mettre en oeuvre et à assumer le
choix d'une immigration sélective fondée sur le pragmatisme économique ? Il
convient de tenir compte de la compétence professionnelle des demandeurs et des
liens économiques que nous voulons développer entre leur pays d'origine et la
France. Des visas devraient être accordés en fonction des formations et de
l'apport des demandeurs à notre économie.
Les Etats-Unis et l'Allemagne n'ont pas procédé autrement. Monsieur le
ministre, êtes-vous prêt à faire ce choix pour la France et à l'assumer en
dehors de toute contingence de politique intérieure et pour le seul intérêt de
notre pays ?
Enfin, notre diplomatie pourrait se risquer à une liberté de choix que de
nombreux pays attendent, au Moyen-Orient en particulier. Vous avez argumenté et
dit que nous avions obtenu le maximum de nos partenaires européens. Mais, au vu
de la situation catastrophique en Palestine, ne pensez-vous pas qu'il serait
bon de déclarer que l'humiliation et le désespoir, donc la révolte, dans
lesquels Israël plonge les Palestiniens alimentent le fondamentalisme islamique
international ?
Mme Paulette Brisepierre.
Très bien !
M. Aymeri de Montesquiou.
Ne serait-il pas opportunde dire que non seulement la présence des colons mais
l'augmentation de leur nombre en territoires occupés avivent en permanence le
conflit ? Cela n'aggraverait pas une situation désastreuse et aurait quelque
chance de la faire évoluer de manière positive.
Je reviens d'Irak, où l'on attend un geste fort de la France aux Nations
unies. Je sais que l'incohérence de la politique irakienne ne vous rend pas la
tâche facile, mais, pour une fois, il n'y a pas à choisir entre l'humanitaire
et la
Realpolitik.
D'une part, des enfants meurent et, d'autre part, nos
entreprises risquent de perdre d'importants marchés le jour de la
réconciliation des Etats-Unis avec ce pays. Des entreprises françaises, sans
doute avec l'accord de notre diplomatie, ont montré le chemin en Iran.
Inspirons-nous de cet exemple.
Messieurs les ministres, je suis persuadé que vous sauriez soit convaincre nos
alliés européens de telles initiatives, soit orchestrer un élan
international.
J'espère que, l'année prochaine, l'utilité pour nos intérêts commerciaux de
votre talent de négociateurs sera mieux reconnue par le ministère de
l'économie, des finances et de l'industrie.
Le groupe du Rassemblement démocratique social et européen vous aiderait
peut-être en ne votant pas votre projet de budget. Mais il est difficile
d'imaginer qu'un soutien passe par un vote négatif. C'est pourquoi je le
voterai.
(Applaudissements sur les travées du RDSE, de l'Union centriste et
du RPR, ainsi que sur les travées socialistes.)
M. le président.
La parole est à M. Rouvière.
M. André Rouvière.
Monsieur le ministre, avec une progression de 5,3 %, votre budget marque une
rupture avec une tradition à la baisse qui s'est répétée pendant plusieurs
années. Votre budget, malgré les critiques qui ont pu, ici et là, se faire
entendre, est globalement un bon budget.
Certes, nous aurions souhaité que vous alliez plus loin, plus haut, dans
l'augmentation des crédits. Mais votre budget, monsieur le ministre, témoigne
clairement de la volonté du Gouvernement de maintenir et, dans certains
domaines, de développer les moyens afin que la France joue le rôle qu'elle a
déterminé, soit directement, soit à travers l'Union européenne, dans le
monde.
Le rôle de l'Union européenne dans ce domaine a besoin d'être éclairé,
expliqué, précisé et, surtout, dynamisé. La mondialisation des échanges de
toute nature, la multiplication des relations internationales, justifient ces
efforts financiers.
Sans entrer dans le détail d'un budget que plusieurs orateurs ont commenté, je
soulignerai l'importance que vous avez accordée à l'aide aux Français résidant
hors de France. Ceux-ci bénéficieront désormais de moyens nouveaux qui ne sont
qu'un début, du moins nous l'espérons, et qui seront, j'en suis persuadé, très
appréciés.
Il y a cependant des domaines où notre effort mérite d'être accru et
reconsidéré.
Il s'agit, tout d'abord, de l'audiovisuel. Lors des émissions auxquelles j'ai
participé à l'étranger, j'ai pu constater que la quasi-inexistence des
émissions de télévision en français est malheureusement un leitmotiv.
Les émissions, lorsqu'elles existent, sont souvent décalées, inadaptées aux
besoins des populations locales. Certes, des progrès sont réalisés, mais ils
sont trop localisés et bien en retrait par rapport à ceux que réalisent
certaines chaînes étrangères.
Il n'est d'ailleurs pas certain que l'insuffisance de nos programmes résulte
d'un manque de crédits. Le souhait de faire autrement est fréquemment exprimé.
Il semble donc que ce soit autant un problème de réorganisation qu'un problème
de crédits.
Je n'insiste pas sur l'importance de l'audiovisuel, tout le monde en est
convaincu. Mais je vous demande, monsieur le ministre, si vous allez prendre
l'initiative d'une nouvelle organisation en ce domaine.
Le second secteur sur lequel je souhaite insister, c'est le parent pauvre de
votre ministère, je veux parler des consultats.
Les ambassades, mais aussi les consulats, sont les vitrines de la France à
l'étranger. Souvent, ils apparaissent les unes comme la lumière, les autres
comme l'ombre de la politique étrangère de la France.
A quelques exceptions près, les consultats manquent de locaux, de personnels
efficaces et de moyens. Les solliciteurs formant d'interminables files
d'attente devant l'entrée de nos consulats. Dans le froid, sous la pluie, ils
attendent d'être reçus par un personnel peu nombreux et qui n'est pas toujours
formé pour répondre aux exigences des situations.
Le personnel est souvent recruté sur place, ce n'est pas toujours une garantie
d'objectivité et de rigueur, notamment pour la délivrance des visas.
Délivrer des visas n'est pas la seule occupation des consulats, mais cela
accapare une très large part de leur activité.
On peut d'ailleurs s'interroger - et vous interroger, messieurs les ministres
- sur l'organisation des autres pays membres de l'Union européenne en matière
de délivrance de visas.
Il est encore beaucoup plus incompréhensible de constater que, pour les pays
du groupe de Schengen, non seulement il n'y a pas un guichet unique, mais que,
de plus, les conditions exigées pour la délivrance des visas ne sont pas les
mêmes d'un pays à l'autre.
Quand pourra-t-on dire enfin : « Une seule Europe, un seul visa, délivré à un
seul et même guichet européen » ? Ce dispositif permettrait de réaliser des
économies et contribuerait à conforter l'image de l'Union européenne.
Je souhaite enfin, monsieur le ministre, vous interroger sur l'accord que vous
avez conclu en 1998 avec votre collègue chargé de l'éducation nationale, accord
visant à faciliter l'accès des étudiants étrangers à nos universités et à nos
grandes écoles. Sur le terrain, le parcours d'obstacles semble être encore une
pesante, une décourageante réalité, car, dans ce domaine aussi, la concurrence
est internationale.
Notre rôle est de faciliter ce parcours du combattant, d'en réduire la
longueur. L'idéal serait de le supprimer. Qu'en pensez-vous, messieurs les
ministres ?
Ces quelques réflexions n'altèrent en rien mon jugement initial. Votre projet
de budget est en progression et, malgré quelques insuffisances, c'est un bon
budget. J'ai constaté d'ailleurs que je ne serai pas le seul, avec mes amis
socialistes, à le voter.
(Applaudissements sur les travées
socialistes.)
M. le président.
La parole est à M. Penne.
M. Guy Penne.
Je souhaite, messieurs les ministres, que vous présentiez un meilleur budget
l'année prochaine, et je peux vous assurer que nous sommes prêts à associer nos
efforts aux vôtres pour livrer bataille à Matignon et à Bercy afin d'obtenir
les arbitrages nécessaires pour que votre budget soit, enfin, à la hauteur des
ambitions de la politique étrangère que vous conduisez avec intelligence.
M. Michel Charasse,
rapporteur spécial.
Et succès !
M. Guy Penne.
Monsieur le ministre, vous avez appelé récemment « à travailler à
l'indispensable refondation de la politique étrangère française ». Mes propos
tenteront d'apporter une modeste contribution à cette tâche rendue nécessaire
par les formidables évolutions que notre planète a connues depuis 1990.
Le nouveau rapport de force issu des décombres du mur de Berlin pose de
nouveaux défis à la politique extérieure de la France, qui entend incarner une
puissance d'influence réelle. Certes, la puissance est une notion plurivoque,
qui évolue au gré des époques. Elle ne se mesure pas seulement en termes de
division. Dans un monde où la technologie assure l'ubiquité de la diffusion de
l'information, le rayonnement culturel en est l'un des facteurs nécessaires.
L'action culturelle doit ainsi être privilégiée par notre politique étrangère,
non seulement comme le vecteur de diffusion d'une certaine image de la France,
mais aussi comme l'expression d'une « grande idée » qu'est la francophonie,
dont notre pays doit demeurer l'un des principaux piliers.
OEuvrer pour la diversité culturelle dans un contexte de mondialisation
requiert que des fonds soient accordés aux instituts et aux centres de
recherche, qui contribuent efficacement à la décision du politique, grâce à
leur travail de conceptualisation qui fournit des clefs de compréhension de
notre monde en constante mutation.
Monsieur le ministre, dans le bref temps qui m'est imparti, je souhaite
évoquer trois aspects d'une réalité internationale qui ne fait pas assez
l'objet de débat, en dehors des cercles de spécialistes.
Le premier est la criminalité organisée. Elle profite des conséquences de la
mondialisation faute de régulations publiques adéquates. Elle bénéficie de
l'affaiblissement de l'Etat de droit, dont la législation ne permet plus de
contrôler des pratiques auparavant tenues pour hautement répréhensibles. Nous
savons tous que le développement des nouvelles technologies permet de
contourner les barrières que constituaient jusqu'à présent les législations de
chaque Etat.
La criminalité organisée est désormais un phénomène transnational, dont la
résorption exige des moyens appropriés que doit mettre en oeuvre la communauté
internationale. L'Union européenne est appelée, ne serait-ce qu'en raison des
traditions juridiques communes à ses différents Etats membres, à mener la lutte
en faveur du renforcement de l'Etat de droit et de la démocratie. Cela
implique, par ailleurs, la conduite d'une action déterminée et concertée contre
la corruption, la criminalité organisée, le blanchiment de l'argent sale et,
surtout, le trafic d'êtres humains.
M. Michel Charasse,
rapporteur spécial.
Vive les juges !
M. Guy Penne.
Monsieur le ministre, il est inconcevable que le troisième millénaire qui
commence connaisse la résurgence de pratiques esclavagistes, comme le rappelle
le développement de la prostitution sur l'ensemble du continent européen.
Dans l'Europe des droits de l'homme, il n'est pas possible que l'absence de
droit la plus tragique demeure une réalité à laquelle nous semblons trop
souvent nous résigner.
Monsieur le ministre, il importe que notre pays demeure exemplaire dans cette
Europe en devenir, qui doit demeurer, unie dans la lutte contre les
conséquences néfastes de la mondialisation que seule la restauration de l'Etat
de droit, accompagnée des moyens nécessaires, permettra de résorber.
Le deuxième aspect que je souhaite évoquer est un problème connexe : celui du
blanchiment de l'argent trop souvent issu de pratiques condamnables. Nous avons
eu récemment à examiner et à adopter plusieurs textes relatifs à la lutte
contre ce fléau. En dépit de l'apparent dispositif juridique visant son
éradication, la lutte contre la corruption dans les transactions
internationales semble désormais suspendue.
Comment assurer la cohésion de la communauté internationale face à ce fléau
lorsque certains Etats, comme la Grande-Bretagne et le Japon, n'ont pas encore
transposé les dispositions les plus importantes de la convention de l'OCDE
relative à la transparence dans les transactions financières ? Il importe avant
tout de promouvoir une réelle régulation du fonctionnement des sociétés qui
sont situées dans les paradis fiscaux et qui drainent la quasi-totalité des
capitaux de provenance trouble.
Enfin, le troisième aspect, corrélat du premier, est la conséquence du
formidable développement des réseaux de télécommunications de la dernière
décennie : la cybercriminalité. Celle-ci assure la propagation à l'échelle de
la planète de pratiques attentatoires aux valeurs de l'Etat de droit. Elle doit
susciter l'attention de l'ensemble de la communauté internationale.
Permettez-moi, monsieur le ministre, de rappeler brièvement les différentes
implications d'un tel phénomène : utilisation frauduleuse des cartes bancaires,
espionnage industriel, piratage des logiciels, escroqueries en matière de
commerce électronique... La liste se confond avec les innovations
technologiques, la constance de celles-ci nourrissant la longueur de celle-là.
Le Gouvernement a déjà avancé plusieurs propositions destinées à lutter
efficacement contre ces nouvelles formes de délinquance, dont l'aspect
transnational exige la mise en oeuvre de mesures globales, en faveur desquelles
la France doit sans cesse s'affirmer.
Monsieur le ministre, alors qu'il faudra bientôt dresser le bilan de la
présidence de l'Union, qui s'est notamment attachée à ces différents problèmes
transnationaux, il est nécessaire que notre pays poursuive ses efforts, en
privilégiant chaque fois la concertation avec ses différents partenaires dans
le dessein de consolider ensemble l'Etat de droit. La coopération au sein de
l'Union européenne, à l'avenir, ne peut que reposer sur l'harmonisation des
différentes procédures nationales d'intervention et sur l'inscription de
l'action préventive et répressive dans un système cohérent et harmonisé.
Je conclurai, monsieur le ministre, sur ce que je nommerai le grand échec de
la mondialisation.
Cette dernière n'est pas, en soi, une nouveauté : l'ampleur des échanges
commerciaux d'aujourd'hui s'inscrit dans la continuité des relations
économiques et commerciales d'avant la Première Guerre mondiale.
Les conséquences sociales de la mondialisation d'aujourd'hui demeurent, en
revanche, inédites : loin de concourir au rapprochement des peuples et des
nations, grâce au partage des technologies impliquées dans l'échange des biens
et services, l'apparente disparition des frontières nationales occulte la
sournoise édification de nouvelles frontières séparant les pays industrialisés
des autres, pour lesquels le rattrapage des niveaux de développement s'avère
compromis.
La mondialisation doit être régulée, afin d'éviter qu'elle ne se traduise par
un acrroissement des inégalités sociales, économiques et politiques, au risque
de reléguer notre communauté internationale au rang de société internationale
où seule la force prime le droit.
L'échec de la conférence de Seattle avive l'urgence de mesures efficaces :
l'ouverture commerciale ne saurait avoir d'autre sens que de garantir aux pays
économiquement fragiles la résorption des difficultés qui contraignent, sinon
interdisent, leur développement.
La France ne doit pas se résigner au triomphe de la loi du plus fort, alors
que la croissance, entretenue par la mondialisation des échanges, semble
profiter, en valeur absolue seulement, à l'ensemble de la planète.
Messieurs les ministres, le continent africain, qui représentait 5 % des
échanges commerciaux dans les années soixante-dix, contre 1,8 % actuellement,
est l'un des grands laissés-pour-compte de la mondialisation. Pouvons-nous
laisser l'Afrique subsaharienne, c'est-à-dire près de 10 % de la population
mondiale, dans cette pauvreté endémique, avec seulement 1 % des investissements
étrangers et 1,5 % du commerce international, soit au total 1 % du PIB mondial
? René Dumont déclarait en 1974 que « l'Afrique était mal partie... ». Plus de
vingt-cinq ans se sont écoulés depuis, et le mouvement vers le rattrapage du
développement semble s'être irrémédiablement arrêté, faute d'un accompagnement
suffisant des pays du Nord.
Je le répète : la régulation de la mondialisation est un impératif. La France
se doit d'être convaincante auprès de ses partenaires européens et de
l'ensemble de la communauté internationale, afin d'honorer pleinement ses
ambitions de puissance, d'influence mondiale que nous tous ici appelons de nos
voeux, afin de contribuer au rapprochement des peuples, que le fossé de la
misère ne doit plus séparer en ce nouveau millénaire qui commence.
Mais pouvez-vous convaincre et jouer un rôle de leader lorsque les moyens de
vos administrations, messieurs les ministres, sont une véritable peau de
chagrin ? Je conclus ainsi, messieurs les ministres, ces réflexions que je
soumets à votre analyse.
Nous voterons votre budget, en espérant que vous obtiendrez à l'avenir les
moyens requis pour conduire la politique extérieure que nous approuvons et que
nous soutenons !
(Applaudissments sur les travées socialistes, sur celles du
groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur certaines travées du
RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Hubert Védrine,
ministre des affaires étrangères.
Monsieur le président, messieurs les
rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, ce débat budgétaire ne doit
pas, me semble-t-il, se limiter à l'examen des crédits et à leur répartition.
J'estime que c'est une occasion - même si elle est brève, compte tenu du temps
qui nous reste - de faire quelques remarques sur des aspects plus généraux de
la politique étrangère.
Je ne voudrais pas laisser passer cette occasion sans vous dire quelques mots
sur le travail que je qualifierai de reconstruction de la politique étrangère
de la France, travail commencé voilà quelques années, depuis que nous sommes
dans un monde unipolaire dont les règles sont tout à fait différentes de celles
que nous avons connues pendant des décennies.
Ce travail comporte des dimensions à la fois théorique et conceptuelle,
sémantique et linguistique, que je voudrais illustrer par quelques exemples
pour éclairer le type d'actions que nous sommes amenés à conduire.
Ainsi, pourquoi ai-je tant insisté, ces derniers temps, sur la notion
d'hyperpuissance américaine ? Tout simplement parce que cela change les règles
du jeu. En effet, être dans un monde où une puissance exerce une domination qui
n'est, historiquement, comparable à rien, qui porte sur tous les plans et qui
prend toutes les formes du pouvoir et de l'influence, ce n'est pas la même
chose que d'être dans un monde bipolaire ! Cela change toutes les tactiques et
toutes les stratégies.
Si nous avons, en France, un objectif qui paraît sympathique à tous, celui
d'un monde multipolaire, la réflexion ne doit pas s'arrêter à un tel slogan,
car un monde multipolaire peut tout à fait être conflictuel, déséquilibré, et
ne pas être automatiquement conforme à nos intérêts. Il nous faut donc aller
plus loin et voir comment un monde multipolaire pourrait être coopératif et
organisé.
Je prendrai un autre exemple : tous les jours, nous lisons des éloges de la
société civile internationale, qui est présentée comme une panacée. Mais, là
encore, il nous faut pousser plus loin l'analyse, car la société civile
internationale se compose de toutes sortes d'organismes, notamment
d'organisations non gouvernementales,...
M. Michel Charasse,
rapporteur spécial.
Quelle horreur !
M. Hubert Védrine,
ministre des affaires étrangères.
... dans lesquelles le pire côtoie le
meilleur ! On y trouve en effet l'expression de tous les intérêts et, en même
temps, de tous les idéalismes.
Nous devons tenir compte de ces phénomènes, sans pour autant abdiquer devant
eux. Les gouvernements surtout, s'ils veulent aller vers plus de régulation -
comme beaucoup d'orateurs, à juste titre, nous y invitent - doivent savoir
garder leurs prérogatives tout en se modernisant.
Je prendrai un exemple qui illustre une des controverses linguistiques : celui
du droit d'ingérence. Il est très populaire dans nos pays, mais il est très mal
perçu dans beaucoup d'autres, où il est associé à une resucée, en quelque
sorte, de l'éternelle loi du plus fort, du pouvoir de l'homme blanc de l'époque
du colonialisme.
La réponse à cette contreverse est le chapitre 7 de la charte des Nations
unies, à condition que l'on parvienne à l'appliquer dans tous les cas et que
son application ne soit pas entravée par une interprétation abusive et
archaïque du droit de veto !
Il nous faut donc évoluer et travailler, non pas en mettant à bas les règles
du droit international telles qu'elles ont été élaborées, ou les coopérations
entre Etats, mais en réussissant à les intégrer dans une perspective
dynamique.
Je vais, là encore, prendre un exemple. Nous avions à coeur de défendre ce que
nous appelions « l'exception culturelle » - c'est encore le cas, avant le
Conseil européen de Nice, s'agissant de l'une des questions sous-jacentes au
débat sur la majorité qualifiée. Mais quand nous parlions, nous Français,
d'exception culturelle, nous n'étions en réalité applaudis que par nous-mêmes,
tant cette présentation des choses était « recroquevillée », narcissique et
donc absolument pas mobilisatrice. En revanche, depuis que nous parlons de «
diversité culturelle », nous éveillons un écho pour d'autres cultures, d'autres
civilisations, d'autres langues dans le monde. Certains s'intéressent
maintenant à notre débat et sont même prêts à former avec nous des
majorités.
Un parlementaire de l'Assemblée nationale a employé une expression que je
trouve très heureuse, en parlant de « désir de France ». Le désir peut être
très fort - je le constate à l'occasion de tous mes déplacements - à condition
que l'on ait le ton et la manière qui correspondent aux relations
internationales d'aujourd'hui.
C'est le même type de travail de décantation et de clarification que l'on doit
faire dans tous les domaines où c'est nécessaire. Ainsi, en matière européenne,
on a parlé pendant très longtemps de « couple franco-allemand ». Pour ma part,
j'ai toujours pensé que cette expression était malheureuse, trop « auto-centrée
», en tout cas qu'elle n'était pas assez parlante. Elle n'a pas la même
puissance dynamique que l'expression « moteur franco-allemand ».
De
facto
, dans l'histoire de la construction européenne, la relation
franco-allemande a été forte quand elle a entraîné les autres dans une vision
commune.
Voilà une série d'exemples - et je n'ai pas fini - qui vous montrent comment
le travail d'analyse, de reconstruction intellectuelle et conceptuelle est
inséparable d'un travail sémantique afin de trouver les mots exacts définissant
les concepts nouveaux et traduisant une réalité qui a changé.
Toujours en matière européenne, l'élargissement a été très longtemps présenté
comme extraordinairement démagogique. Si l'on veut en effet répondre non
seulement aux impatiences très compréhensibles des pays candidats, mais aussi
aux inquiétudes légitimes des pays membres, qui n'ont pas passé trente ou
quarante ans de leur vie politique à construire cette Europe pour la voir se
dissoudre ou se disperser dans un élargissement mal contrôlé, il faut avoir le
courage de dire les choses comme elles sont, à savoir qu'il n'y a pas à être
pour ou contre l'élargissement, comme certaines présentations le laissent
penser. Il faut le réussir, un point c'est tout, faute de quoi on mettrait en
péril la construction européenne proprement dite.
Pour ces questions, on frôle en permanence le piège des malentendus ou des
mots maladroits. Par exemple, la mise en place d'une politique étrangère
européenne commune que nous nous sommes assignée comme objectif est interprétée
par beaucoup comme une volonté de bâtir une politique étrangère unique. On
s'étonne presque qu'il y ait encore des politiques française, britannique...
Pourtant, si l'on regarde de près les mécanismes et les organes qui sont censés
les mettre en oeuvre, on voit bien que, sans la politique étrangère nationale
forte des quelques rares pays d'Europe qui en ont une, il manque le
combustible, les matériaux et le socle nécessaire pour fonder cette politique
étrangère européenne commune, laquelle doit s'ajouter aux politiques étrangères
nationales, qui doivent demeurer fortes. Je le dis en réponse à tous ceux qui
se sont interrogés et qui nous ont fait part de réflexions riches sur la
situation telle qu'elle se présente avant le sommet de Nice.
De même, nous sommes très sensibles aux interrogations qui se développent à
propos de l'aide publique au développement pour savoir comment la rendre la
plus efficace possible, comment l'adapter aux réalités nouvelles. Les pays en
développement eux-mêmes ne nous font pas les mêmes demandes de substitution que
celles qu'ils faisaient dans le passé, et il est tout à fait normal que nous
appliquions à ce pan de notre politique le même effort d'évaluation que celui
que nous voulons appliquer aux autres volets de notre politique étrangère pour
qu'elle soit mieux gérée, mieux contrôlée, constamment perfectionnée. Pour
cela, il faut harmoniser, soupeser, perfectionner, aiguiser l'efficacité de
cette aide au développement, dont beaucoup d'intervenants ont parlé. Je ne peux
les citer tous, mais je sais que c'est l'un des grands soucis de la Haute
Assemblée que de vouloir sans cesse adapter notre aide aux réalités
nouvelles.
En fait, il n'est pas un seul domaine de la politique étrangère de la France
qui puisse être poursuivi mécaniquement comme il l'aurait été il y a quelques
années. Dans tous les domaines, il faut reprendre l'analyse, la vérifier, la
contrôler, l'adapter, trouver les mots nouveaux qui correspondent aux concepts
nouveaux, les faire comprendre pour que le débat démocratique puisse avoir
lieu. Naturellement, nous espérons que nos efforts seront compris et
soutenus.
Dans ce monde global qui n'est pas du tout stabilisé, la globalisation n'est
pas synonyme de résolution automatique de l'ensemble des problèmes posés.
Chacune des questions se présente dans des termes un peu différents.
En fait, ce sont sans doute les relations avec les Etats-Unis qui ont le moins
changé.
Avec les Etats-Unis, il s'agit comme toujours d'être capable, avec une égale
sérénité, de coopérer, d'appuyer, d'approuver, mais, parallèlement, avec la
même tranquillité, de résister, de dire non et de proposer autre chose.
En revanche, par rapport à la Russie, la donne a totalement changé. Il s'agit
aujourd'hui d'accompagner et d'aider à la modernisation économique, sociale,
culturelle et politique de cet immense pays, sans faire l'impasse sur toute une
série de sujets, comme la Tchétchénie. Notre objectif premier est de tout faire
pour favoriser l'existence, à côté de l'Europe, de cette grande voisine pour
qu'elle aille dans le sens que nous souhaitons. C'est à l'aune de ce critère
qu'il faut juger les politiques que nous menons.
Nombre d'entre vous sont intervenus à propos des Balkans, sujet majeur de
l'actualité récente. Notre politique vise à « européaniser » les Balkans. Vous
savez que les pays de la région cherchent un autre terme. Je ne l'emploie que
dans le sens géographique classique.
Avec le changement intervenu à Belgrade, nous avons enfin un contexte nouveau,
qui nous permet d'aller dans le sens de nos ambitions. Il faudra encore de
nombreuses années pour que s'institue la coopération régionale, le bon
voisinage, et pour que le rapprochement vers l'Europe se fasse par les étapes
fécondes que nous avons dessinées à l'intérieur du processus de stabilisation
et d'association.
Plusieurs d'entre vous ont parlé du Proche-Orient. Comment ne pas en parler ?
Comment ne pas avoir le coeur serré devant ce qui se passe et par rapport à ce
que nous avions espéré, par rapport à ce à quoi nous avions participé.
La priorité c'est évidemment que les violences cessent et que le dialogue
reprenne, les deux pouvant être simultanés. Il n'y a pas d'autre solution. Ces
deux peuples seront de toute façon toujours côte à côte, enchevêtrés, avec des
destins communs, mais des destins qui doivent devenir des destins pacifiques,
des destins de coopération.
Nous faisons tout ce que nous pouvons pour les y encourager. Toutes les
puissances qui ont une influence au Proche-Orient le font également. Mais, au
bout du compte, on ne peut pas se substituer à la responsabilité des
protagonistes eux-mêmes.
J'ai l'intention de me rendre, au titre de la présidence française de l'Union
européenne, dans cette région la semaine prochaine.
En Afrique, nous poursuivons la politique que vous connaissez. J'ai eu
l'occasion - Charles Josselin plus encore que moi - de l'évoquer dans cette
enceinte à différentes reprises.
Nous poursuivons notre politique d'engagement, mais il s'agit d'un engagement
différent, fondamentalement respectueux de ces pays qui, indépendants depuis
plusieurs décennies, prennent leurs responsabilités.
Ils mènent leur politique. Ils ont des réussites ; ils font parfois des
erreurs. Ils savent que nous sommes à leur côté, en termes d'amitié, de
coopération, de compréhension, d'échange et d'enrichissement mutuel, mais qu'il
n'est pas question pour nous de nous substituer à eux en matière politique
notamment.
C'est dans ce sens qu'il nous faut continuer à travailler, à affiner et à
moderniser notre politique. Malgré un certain nombre de critiques nostalgiques,
c'est ce que nous faisons, avec les instruments que nous avons entre les mains
et que nous avons modernisés.
Vous sentez bien, mesdames, messieurs les sénateurs, que mes remarques
tournent autour d'une seule idée : nous sommes en fait dans une phase
d'adaptation, de conception nouvelle ; nous vous demandons comment, dans ce
monde globalisé, extraordinairement dur et concurrentiel, en dépit d'une
apparente consensualité sur des valeurs universelles, nous pouvons continuer à
nous inscrire dans une longue chaîne, à défendre nos valeurs et les intérêts de
la France, nos conceptions, nos projets et nos idées, soit directement par
nous-mêmes, soit par le truchement de la construction européenne.
Nous sommes à la veille du Conseil européen de Nice, un des plus importants
depuis très longtemps. Cela se sent à la tension qui a régné dans les opinions
publiques européennes. C'est toujours ainsi à la veille de conseils européens
importants au cours desquels une décision difficile doit être prise. Une
conférence intergouvernementale avait déjà abordé le sujet que nous devons
traiter, mais sans succès. Il n'est donc pas tellement étonnant que la tension
se fasse sentir à nouveau.
Nous allons donc nous rendre à Nice avec la volonté d'aboutir, en étant tout à
fait lucides et vigilants quant à nos intérêts fondamentaux, mais tout aussi
exigeants et ambitieux quant aux intérêts généraux de l'Union européenne, dont
nous avons actuellement la présidence.
Ce sera difficile. Trois cent trente heures de négociation au sein de la
conférence intergouvernementale n'ont pas permis de résoudre les problèmes qui
se posent.
C'est dire à quel point ceux qui, au printemps dernier, disaient que seul
comptait le débat sur l'avenir de l'Europe à long terme et que la CIG de Nice
n'était pas importante se trompaient. Dans deux ou trois jours, les dirigeants
des Quinze seront tous ensemble face à leurs responsabilités : ils ne peuvent
pas échouer.
Voilà les quelques commentaires que je voulais faire sur une politique
étrangère dont je sais, par mes contacts réguliers, que vous suivez avec
attention les développements et les actions, ce qui nous est précieux.
Plusieurs d'entre vous se sont exprimés à propos des débats qui doivent avoir
lieu au Parlement sur la politique étrangère de la France ; je pense à M.
Bécart notamment.
Je voudrais rappeler que nous y sommes attentifs. Un débat a eu lieu au moment
de la guerre du Kosovo ; un débat sur la présidence de l'Union européenne a eu
lieu voilà quelques jours à l'Assemblée nationale ; un débat identique aura
lieu le 14 décembre au Sénat, dans le cadre d'une séance de questions orales
avec débat. Je rappelle également que les ministres les plus directement
concernés, Pierre Moscovici et moi-même, sont très régulièrement auditionnés
par les commissions, que des réponses vous sont régulièrement apportées lors
des questions d'actualité, et je n'oublie pas tout ce qui se passe au sein du
Parlement européen ni le travail qui est mené par le ministère auprès de tous
les parlementaires qui voyagent, qui mènent des missions et qui s'intéressent à
tout ce qui se passe dans ce monde changeant.
Avant de vous dire quelques mots sur les moyens budgétaires, je voudrais
répondre à M. Le Cam, qui a posé une question sur la fermeture de la frontière
franco-italienne. C'est naturellement tout à fait conjoncturel, monsieur le
sénateur, uniquement lié au Conseil européen de Nice et à l'annonce de
manifestations très nombreuses.
Je voudrais compléter ces quelques commentaires généraux, dont vous excuserez
la rapidité, par quelques propos sur le budget.
Tout d'abord, mesdames, messieurs les sénateurs, Charles Josselin et moi-même
sommes très sensibles à vos efforts, à votre soutien, à vos protestations même,
qui ont joué un rôle non négligeable dans le fait que, pour la deuxième année
consécutive, nous avons réussi à stabiliser les crédits. Stabiliser, ce n'est
pas aussi bien qu'augmenter, mais c'est beaucoup mieux que décroître. Nous
avons stabilisé les effectifs et les moyens de fonctionnement du ministère
après plusieurs années de réduction drastique. Je sais que l'action menée par
les sénateurs a été très importante à cet égard.
Je ne vais pas entrer dans le détail des chiffres. Vous savez très bien que la
croissance apparente de 5,3 % s'explique par les contributions obligatoires. Il
n'empêche que, même si l'on fait abstraction de cet apport, les moyens du
ministère sont reconduits avec une augmentation de 40 millions de francs. A
cette légère progression s'ajoute la budgétisation du fonds de concours sur les
droits de chancellerie à hauteur de 119 millions de francs. Ce n'est pas
négligeable.
Avec 9 471 emplois, les effectifs du ministère restent stables. Nous sommes
donc dans une bonne situation.
Même si de nombreux sénateurs ont raison d'observer que les moyens du
ministère restent stables, l'augmentation des crédits consacrés aux
contributions obligatoires ou aux opérations de maintien de la paix traduisent
bien un effort important en faveur de notre action extérieure multilatérale.
Mesdames, messieurs les sénateurs, sur certains points, vous avez été cinq,
six, sept, huit ou neuf à intervenir, ce qui traduit la convergence de vos
analyses, dont nous tenons le plus grand compte. Ainsi, sur la question que
j'évoquais précédemment, MM. de Villepin, Estier, Le Cam, Durand-Chastel,
Chaumont, Dulait sont intervenus. Je ne peux pas vous citer tous à chaque fois,
je vous prie de m'en excuser.
M. Chaumont s'est interrogé sur la dispersion des crédits de l'action
extérieure de l'Etat entre plusieurs ministères. C'est un fait incontestable,
qui résulte de l'histoire administrative du pays. L'essentiel est que nous
ayons, à défaut d'une vraie coordination, ce qui serait meilleur, une action
cohérente, et que les différents moyens soient employés de façon synergique.
C'est mieux qu'auparavant. Nous progressons grâce aux divers organismes, aux
diverses coordinations. Mais j'accepte volontiers que l'on estime que ce n'est
pas suffisant et que la situation peut être améliorée.
Ce qui importe, en tout cas, c'est que ce budget permet de poursuivre la
modernisation du ministère. Il fallait assumer la fusion des deux ministères,
la poursuite de la déconcentration des moyens vers les postes, la poursuite de
la rénovation de la politique immobilière, et je simplifie parce que ce travail
de modernisation s'applique à de très nombreux sujets...
En ce qui concerne la politique immobilière, dont a parlé M. Dulait, je dirai
que le niveau des crédits pour 2001 correspond à un retour aux dotations
antérieures une fois passé le pic dû à la construction de l'ambassade à Berlin.
Ce retour ne nous empêchera pas de poursuivre le travail qui a été fait,
notamment par rapport aux consulats.
M. Dulait s'est encore inquiété de la somme consacrée au projet paysager à
Berlin. Or, sur un total de 370 millions de francs, ce projet ne représente que
9,4 millions de francs. Naturellement, on ne peut pas porter de jugement sur
lui aujourd'hui car il sera réalisé une fois que l'ambassade sera entièrement
construite.
J'indique à ce propos à M. Durand-Chastel, qui nous a suggéré le crédit-bail,
que ce mode d'acquisition n'est pas autorisé par la réglementation domaniale.
Nous examinerons cependant vos suggestions, monsieur le sénateur.
En 2001, nous allons renforcer notre action de service aux usagers et de
formation des diplomates.
Par ailleurs, ce budget consolide les moyens d'intervention de la DGCID ;
Charles Josselin en parlera.
De nombreux sénateurs se sont réjouis des succès d'EduFrance. Je les en
remercie. Nous avons besoin de votre soutien pour poursuivre dans cette voie
mesdames, messieurs les sénateurs, car ce succès n'est pas allé de soi. Il a
fallu bousculer quelques routines administratives. Jack Lang et moi-même avons
demandé des audits pour favoriser les évolutions en cours.
La question des visas abordée par M. Ferrand est très importante. Vous vous
souvenez que, dès que j'ai pris mes fonctions, je m'en suis occupé intensément
; nous les avons multipliés par deux en trois ans.
Il faut poursuivre cet effort, car c'est un élément majeur de l'influence que
nous aurons ou non dans le monde. Là aussi, le soutien du Sénat nous sera très
précieux.
Nos contributions aux organisations poursuivent leur progression. J'ai parlé
de la très forte augmentation des crédits consacrés aux contributions
obligatoires, mais nous poursuivons également l'effort de redressement des
contributions volontaires, dont au moins trois d'entre vous ont parlé, et qui
sont très précieuses pour nombre d'organisations, comme le programme des
Nations unies pour le développement ou le haut-commissariat pour les
réfugiés.
Le quatrième et dernier aspect principal - évidemment je résume beaucoup, car
il s'agit de budgets dont on pourrait parler longtemps - c'est le caractère
prioritaire de l'aide aux Français de l'étranger. Le nombre des interventions
qui ont porté sur ce sujet montre votre attachement à nos 2 millions de
compatriotes. Le rapport qu'avait rédigé Mme Ben Guiga à ce sujet est le
principal instrument de travail des services chargés de l'action sociale en
direction de nos compatriotes qui vivent hors de France. L'effort d'aide
sociale se poursuit. Sur les 5 millions de francs de progression des crédits de
l'action consulaire, nous obtenons plus de 3 millions de francs supplémentaires
pour l'action sociale et la formation professionnelle, soit une augmentation de
3 %.
Bien évidemment, j'aurais souhaité, comme plusieurs d'entre vous l'ont dit,
que ces crédits soient plus importants. On voudrait toujours faire plus en
matière sociale. Mais cette progression est réelle, et elle est supérieure,
monsieur Cantegrit, à la progression des moyens du ministère.
Le budget des bourses scolaires connaît également une augmentation.
Par ailleurs, une question a été posée par plusieurs d'entre vous, dont Mme
Brisepierre et M. Ferrand, sur les retraités qui ont exercé en Afrique et qui
ne parviennent pas à toucher leur pension.
Je connais bien ce problème, il s'agit d'un drame humain dont on me parle
chaque fois que je me rends dans ces pays. Du reste, vous le connaissez aussi
bien que moi. Nous essayons de remédier à cette situation depuis plusieurs
années. Nous y sommes parvenus à peu près pour certains pays. C'est plus
difficile pour d'autres, et je le déplore vivement, ne serait-ce que sur un
plan humain. Nous continuons de travailler sur cette question, en relation avec
les autorités de ces pays et le ministère des finances. Il nous faut faire
valoir plus fermement les intérêts de nos ressortissants auprès de nos
partenaires.
La question de l'indemnisation des victimes d'événements politiques se pose
aussi régulièrement puisque, malheureusement, des tragédies se reproduisent
périodiquement. Effectivement, aucune disposition de la loi française ne permet
de dédommager ces victimes au titre de la solidarité nationale. C'est pourquoi,
à la suite d'un voeu du Conseil supérieur des Français de l'étranger, un groupe
de travail avait été chargé d'examiner cette question voilà deux ans. Il a
réalisé une enquête approfondie, notamment auprès des assureurs et, sur ce
point, nous nous heurtons encore à des difficultés sans fin puisque ceux-ci
n'envisagent pas d'indemniser les biens et n'acceptent que de proposer des
contrats d'aide au retour. C'est insuffisant dans de nombreux cas. Il faut donc
poursuivre l'effort.
Je ne suis pas exhaustif, car il faudrait également parler de l'aide apportée
à nos compatriotes âgés ou handicapés, de l'effort des sociétés de
bienfaisance, de la Caisse des Français de l'étranger.
M. Chaumont, M. Durand-Chastel et d'autres intervenants ont parlé de l'effet
change. Evidemment, l'évolution du dollar a une influence sur le coût de notre
action à l'étranger, mais, lorsqu'on élabore un budget, il faut bien fixer un
chiffre à un moment donné. On ne fait pas nécessairement preuve de malignité
lorsqu'on arrête ce chiffre.
Le niveau de référence retenu pour le dollar est celui qui correspond au cours
constaté au moment de l'élaboration du premier schéma budgétaire, revu à la
hausse ou à la baisse selon les prévisions du ministère de l'économie et des
finances.
Nous constatons aujourd'hui qu'il existe un écart entre le cours qui a été
retenu - 6,56 - et celui qui est pratiqué sur les marchés. Nous l'avons signalé
à Bercy. Toutefois, sans aller jusqu'à reprendre à mon compte les innovations
linguistiques de M. Chaumont, vous savez que ce genre de discussion est
délicat. Nous nous efforçons donc d'obtenir de Bercy une compensation de cet
effet négatif. Je ne peux que soutenir vos souhaits à cet égard. En effet, il
n'y a aucune raison de faire supporter par le budget du ministère des affaires
étrangères les conséquences d'une erreur d'évaluation qui n'est pas de son
fait. Nous persisterons dans ce sens tant que n'aurons pas obtenu une
correction automatique. Nous n'avons pas d'autre objectif en la matière.
Plusieurs d'entre vous ont évoqué la situation des agents qui sont recrutés
localement. Je serai bref afin de pouvoir céder la parole à Charles Josselin.
Avec 11 200 agents, dont près de 6 000 dans le réseau diplomatique et
consulaire et dans le service culturel et de coopération, ce personnel recruté
localement représente 75 % du personnel d'exécution, ce qui signifie que près
de 2 400 Français trouvent un emploi à l'étranger.
Vous savez que j'ai mis un terme à ce type de recrutement, qui doit être
encadré. Je me suis engagé à mettre en oeuvre un plan d'action pour la
valorisation et l'amélioration de la gestion des recrutés locaux. Nous y
travaillons constamment, Charles Josselin et moi-même. Ce plan existe. Nous
avons commencé par réviser à la hausse de nombreuses grilles de salaire, en
particulier s'agissant des rémunérations qui sont touchées par les pertes de
change les plus lourdes. Nous allons poursuivre cet effort, notamment en ce qui
concerne les personnels qui se trouvent aux Etats-Unis, où la distorsion est
importante.
Je ne peux énumérer tout ce que nous faisons, car nous sommes dans une phase
de transformation, de réforme, de modernisation. Ce serait trop long ; je ne
veux pas lasser votre attention, même si je la sens et vigilante et amicale.
(Sourires.)
Je dirai quelques mots sur deux ou trois points qui ont été abordés par
certains d'entre vous.
En ce qui concerne la politique des visas, nous avons déjà énormément amélioré
la situation, je le répète : nous avons augmenté le nombre de visas délivrés de
7,5 % par rapport à 1998. La progression continuera et, naturellement, monsieur
de Montesquiou, nous poursuivrons cette politique visant à attirer en France
ceux qui seront un élément important de notre influence dans le monde dans les
années à venir.
Pour ce qui est de la réforme du CSFE, je me réjouis que la commission
temporaire pour la réforme du Conseil supérieur des Français de l'étranger ait
commencé ses travaux. Il est important que le CSFE retrouve un écho parmi nos
compatriotes, écho qui s'est un peu affaibli ces dernières années. J'ai demandé
à mon cabinet d'apporter à ceux qui sont chargés de cette réforme toute l'aide
nécessaire pour avancer dans cette tâche.
Monsieur Hoeffel, je ne méconnais pas du tout le rôle du Conseil de l'Europe.
Tous les Etats membres sont convaincus de la nécessité d'en stabiliser le
budget ordinaire et d'opérer une pause après plusieurs années de croissance
soutenue. Ce n'est donc pas un raisonnement français critiquable.
Le rôle du Conseil de l'Europe a été encore illustré récemment à propos des
questions de l'Europe centrale et orientale, avec la rencontre entre M.
Kostunica et les membres du Conseil de l'Europe : il jouait là le plus
remarquable de ses rôles.
Il y aurait beaucoup à dire à propos de l'intervention de M. Penne, qui a
parlé de la criminalité organisée et, notamment, de la lutte contre la
cybercriminalité. C'est un vaste sujet, qui a même de l'importance sur le plan
philosophique. A une époque où les Etats sont, sous toutes leurs formes et sur
tous les plans, attaqués, contestés, décrédibilisés, délégitimisés, on ne leur
en demande pas moins constamment l'impossible, à savoir lutter plus
efficacement pour humaniser la mondialisation et introduire une régulation dans
des relations parfois brutales, voire sauvages.
Certains d'entre vous ont cité des chiffres frappants. Je peux en citer
d'autres ! Il faut savoir que les cinq premières entreprises mondiales ont un
chiffre d'affaires qui est l'équivalent du produit national brut de 130 Etats
membres des Nations unies. Face à de tels chiffres, on se demande qui régule
qui !
Nous avons la conviction que, face à cette économie globale de marché, tous
les Etats doivent obéir à des règles et qu'il faut bâtir un nouveau Bretton
Woods à l'échelle de la planète. Même si nous avons parfois du mal à faire
partager cette conviction et à convaincre un nombre suffisant d'autres Etats,
nous continuerons à lutter dans ce sens.
Le problème de la criminalité organisée est lié à ce que je viens de dire, car
celle-ci profite de toutes les failles : là où le pouvoir des Etats recule - ce
qui peut paraître un progrès aux yeux de certains esprits - ce n'est pas un
ordre plus satisfaisant qui s'installe, c'est évidemment autre chose !
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, après des
interventions aussi constructives, aussi amicales, aussi pertinentes, ausi
argumentées, fondées sur une analyse aussi approfondie des documents et des
actions que nous menons, on pourrait dialoguer encore très longtemps. Mais je
ne veux pas être plus long.
Je vous remercie de nouveau des efforts que vous accomplissez, même, et
surtout quand ils sont accompagnés de critiques enrichissantes et instructives
visant à aider la politique étrangère de la France à atteindre les objectifs
que nous nous fixons tous pour notre pays. Merci de votre aide ! Merci à tous
ceux qui ont annoncé qu'ils voteraient ce projet de budget en dépit de
critiques, de réserves ou de regrets. Je serais heureux que ces regrets, fondés
sur l'idée ambitieuse qu'ils se font du rôle de ce ministère, soient entendus
largement.
(Applaudissements sur l'ensemble des travées.)
M. le président.
La parole est à M. le ministre délégué.
M. Charles Josselin,
ministre délégué à la coopération et à la francophonie.
Monsieur le
président, mesdames, messieurs le sénateurs, le monde s'enrichit et les
inégalités n'ont jamais été aussi grandes. Par ailleurs, une révolution a été
introduite par la mondialisation de l'information : aujourd'hui, les pauvres le
savent, quel que soit le pays dans lequel ils vivent, alors que beaucoup de
riches s'accomodent de cette situation.
Le paradoxe, c'est que l'aide au développement, qui devrait participer
massivement à la lutte contre l'inégalité du monde, est mise en question en
raison du rapport entre les sommes investies, les efforts accomplis par des
dizaines de milliers de coopérants depuis quarante ans, et les résultats
observés en termes d'accès à l'école et à la santé. Et je ne parle même pas de
cette catastrophe qu'est le sida, qui est en train de mettre un frein au
développement. Vendredi, j'étais à Windhoek : le nombre d'écoles sans
professeurs croît à une vitesse prodigieuse et le Gouvernement ne sait pas
comment remédier au problème. En effet, quand un professeur est mort, on le
remplace, mais quand il est seulement malade, on le paie, mais on ne le
remplace pas.
M. Michel Charasse,
rapporteur spécial.
Comme en France !
(Sourires.)
M. Charles Josselin,
ministre délégué.
Sauf que, là-bas, les professeurs meurent plus vite du
sida qu'on ne les forme !
Un chef d'entreprise que j'ai rencontré jeudi dernier à Gaborone m'a dit qu'il
était obligé de renouveler 15 % de son personnel chaque année à cause du sida.
Voilà une effroyable réalité dont on mesure mal ici les conséquences en termes
d'espérance de vie. Et je ne parle pas de l'accès aux libertés publiques et aux
droits ! Tout cela est décevant !
Certains en viennent à considérer que l'aide au développement serait, au
mieux, sans effet, au pire, contre-productive. D'autres - parfois les mêmes -
en rendent responsables la mondialisation ou du moins ses institutions
emblématiques - on pense évidemment aux institutions financières
internationales - et, contre toute logique, ils partent en guerre contre les
tentatives engagées pour introduire un peu de régulation publique dans le
désordre planétaire.
Mesdames, messieurs les sénateurs, il ne faut pas perdre la mémoire, mais il
ne faut pas se tromper d'époque. En effet, c'est dans ce monde-là que
l'accélération des échanges a évidemment pour moteur naturel le profit et
oublie les moins solvables, où les investissements directs à l'étranger se
dirigent d'abord vers l'hyperpuissance américaine, pour mieux la conforter sans
doute. C'est le cas des investissements européens qui vont d'abord aux
Etats-Unis, alors que l'Afrique, elle, ne reçoit que 1,5 % des investissements
mondiaux.
C'est dans ce monde-là, et pas dans celui d'hier, que notre politique de
développement a la pressante obligation de se développer pour essayer de peser
sur le destin de la planète. C'est là le pari auquel nous sommes confrontés.
Le débat que nous avons eu cet après-midi était intéressant ; en tout cas,
j'ai écouté avec beaucoup d'attention ce qui a été dit. Mais j'en ai retiré
aussi la conviction qu'en dépit des efforts qui sont faits pour s'informer
mutuellement, en dépit des auditions que votre commission des affaires
étrangères organise pour nous permettre de nous expliquer, il y avait encore un
sérieux déficit entre ce que nous faisons et ce que vous savez. En effet, parmi
les propositions que j'ai entendues, il en est qui ont déjà commencé à être
mises en oeuvre et d'autres qui le seront très rapidement. D'autres
propositions - je le dis un peu brutalement, avec tout le respect que je dois à
la Haute Assemblée - renvoient à un passé qui, même s'il est récent, est
totalement révolu car, en dix ans, l'Afrique a considérablement bougé ; elle a
bougé parce que le reste du monde a bougé, par exemple parce que l'empire
soviétique a explosé.
D'autres solutions proposées supposent que soient réunis des moyens financiers
que nous n'avons pas. Mais je vous remercie de nous aider à en obtenir
davantage et m'associe ici aux remerciements que M. Hubert Védrine vous
adressait à l'instant. Cela dit, encore faut-il savoir utiliser avec
discernement les moyens dont nous disposons.
J'en viens à l'aide publique au développement, l'APD, les observations des uns
et des autres appelant de ma part quelques précisions. Des précisions
chiffrées, d'abord.
Non, l'aide publique au développement n'est pas tombée à 0,35 %, ni à 0,37 %
du PIB ; l'APD officiellement enregistrée par le comité d'aide au développement
de l'OCDE au titre de l'exercice 1999 - dernier à faire l'objet de statistiques
définitives - s'élève à 34,7 milliards de francs, soit 0,39 % du PIB. Il est
important de rappeler que, pour la même année et avec les mêmes références,
l'Allemagne enregistre un taux de 0,26 %, la Grande-Bretagne de 0,23 %,
l'Italie, de 0,15 %, et les Etats-Unis, de 0,10 % !
Il est clair que la faiblesse des participations des uns tire vers le bas les
participations de tous les autres.
Ce taux de 0,39 % marque un recul, regrettable sans doute, mais léger, par
rapport à 1998, quand l'APD s'établissait à 0,40 % du PIB. En valeur absolue,
l'augmentation de 1999 sur 2000 représente 800 millions de francs de mieux.
Non, l'aide multilatérale n'a pas, au sein de notre effort, pris la meilleure
part de progression : l'aide bilatérale a augmenté de 2,9 % et l'aide
multilatérale, elle de 1,3 %.
Contrairement à une idée reçue, la part de l'aide bilatérale reste très
prépondérante au sein de l'APD française, dont elle représente 73 %. Voilà
pourquoi on ne saurait soutenir qu'elle est devenue minoritaire.
On a cité des chiffres de l'APD de 2000, voire de 2001. Il faut rappeler que
l'APD ne se décrète pas : elle se constate en fin d'exercice et tient compte
des situations économiques d'un certain nombre de partenaires.
Les spécialistes que vous êtes, mesdames, messieurs les sénateurs, savent bien
que, en réalité, l'augmentation de l'APD à certaines périodes correspondait à
l'effondrement de l'économie africaine, au moins dans certains pays, et que, si
l'aide budgétaire a diminué, c'est bien parce qu'il s'est produit une
amélioration des « fondamentaux », comme on dit, de certaines économies
africaines, induisant presque mécaniquement une baisse de l'APD.
Il y a d'autres explications, malheureusement, à la baisse de l'APD. C'est
ainsi que les situations de crise, de conflit nous empêchent évidemment de
développer nos programmes dans les pays en guerre.
Il faut compter aussi avec la sous-consommation, dénoncée avec raison
notamment par Jacques Pelletier, qui a beaucoup insisté sur ce point. Nous
avons découvert des montants non consommés à hauteur de 9,5 milliards d'euros
correspondant à des fonds européens de développement qui remontent à des
dizaines d'années pour certains.
M. Michel Charasse,
rapporteur spécial.
Mais oui !
M. Charles Josselin,
ministre délégué.
Ils sont non consommés parce que les procédures ne
permettaient pas, en effet, de les consommer avec la souplesse nécessaire. J'en
veux pour preuve le fait que, dans le cadre des accords de Lomé, les ressources
de l'aide programmable, qui représentaient la moitié du FED, étaient
considérées comme acquises une fois pour toutes. C'est-à-dire que l'on ne
pouvait pas utiliser à d'autres fins des crédits immobilisés, y compris lorsque
la situation de crise ou de conflit dans un pays empêchait de les dépenser.
L'accord de Cotonou, par exemple, introduit une gestion plus souple qui
devrait permettre de remédier à cette situation, puisque les allocations
versées par pays ne seront plus considérées comme acquises et pourront, si
nécessaire, être redistribuées.
Bien sûr, on ne peut pas se satisfaire de la situation, mais il faut dire
quelques mots de la qualité de l'aide. Les marges de manoeuvre offertes par des
procédures plus efficaces sont, à bien des égards, supérieures aux variations
quantitatives qui ont été identifiées.
Je vais vous donner quelques exemples de ce que nous avons entrepris
précisément dans ce domaine.
En ce qui concerne notre aide bilatérale, au titre des moyens que nous avons
mobilisés pour gagner en efficacité, je citerai d'abord la réforme des
commissions mixtes, avec une implication systématique, depuis deux ans et demi,
de la société civile, y compris des entreprises du Nord et du Sud, y compris
des collectivités locales du Nord et du Sud, afin que les populations
s'approprient nos programmes de développement. Il y avait là un vrai problème
déjà bien identifié avant nous.
D'autres efforts ont visé une meilleure adaptation à la demande par le
partenariat et une meilleure articulation entre l'aide bilatérale et l'aide
multilatérale, ce qui était aussi l'une des grosses difficultés que nous
rencontrions dans le développement de nos projets.
Mais nous avons, je crois, gagné aussi en efficacité en ce qui concerne l'aide
multilatérale.
Je crois, en toute modestie, que nos plaidoyers devant les institutions de
Bretton Woods, du Fonds monétaire international ou de la Banque mondiale, pour
prendre mieux en compte les réalités du développement social et aussi les
conséquences sociales de certains programmes d'ajustement structurel, ont été
pour quelque chose dans le recentrage de l'aide de la Banque mondiale en faveur
de la pauvreté et, plus généralement, de la meilleure prise en compte, dans le
programme, des réalités sociales, qu'il s'agisse du fonds ou de la banque.
Je voudrais insister sur la déclaration de politique générale que nous avons
adoptée sous présidence française, à Bruxelles, le 10 novembre dernier. Elle
marque, en quelque sorte, la refondation de la politique européenne de
développement.
M. Michel Charasse,
rapporteur spécial.
Il était temps !
M. Charles Josselin,
ministre délégué
Elle pose le besoin d'un vrai partenariat et d'une vraie
division du travail entre la Commission et les Etats membres, lesquels plaident
pour une décentralisation sur le terrain des moyens et, de plus, expriment le
besoin pour l'Europe de parler d'une seule voix, de façon qu'elle pèse
davantage dans les institutions internationales dont je vous parlais à
l'instant.
Ce qui est insupportable, c'est que nous, l'Europe, les pays membres, nous
comptons pour 55 % de l'aide publique mondiale et que, à l'évidence, nous ne
sommes pas entendus à proportion dans les enceintes internationales. Nous le
serons si l'Europe est capable de plaider d'une seule voix, ce qui signifie une
concertation entre nous. Je crois que Bruxelles, de ce point de vue, a marqué
une étape importante.
M. Michel Charasse,
rapporteur spécial.
Ces 55 %, ce sont des dépenses ou des promesses ?
M. Charles Josselin,
ministre délégué
J'étais hier à Bruxelles pour rencontrer le commissaire
Nielson, afin de voir avec lui quel plan de communication nous allons mettre en
place pour populariser cette déclaration de politique générale et le plan
d'action qui l'accompagne.
Toujours sur l'aide publique au développement, je dois citer, bien sûr, le
remplacement des accords de Lomé par les accords de Cotonou. La réforme très
importante des procédures devrait mettre fin à certaines causes de
non-décaissement de l'aide.
J'ajoute, car c'était l'une de vos préoccupations, que cette aide publique au
développement est maintenue, dans la programmation du ministère des affaires
étrangères en faveur des pays d'Afrique subsaharienne au même niveau que l'an
dernier.
Les moyens mis à disposition des postes pour l'Afrique subsaharienne s'élèvent
à 1,8 milliard de francs, dont 1,2 milliard de francs pour l'assistance
technique et les actions d'accompagnement - les bourses et les stages, en
particulier - et 600 millions de francs, soit un tiers du total, pour le fonds
de solidarité prioritaire affecté aux projets de développement, lequel augmente
de 6,5 %.
Profitant de l'occasion, j'ouvre une parenthèse pour indiquer à M. Jacques
Chaumont que l'expression « l'APD dépouille le département », ne m'agrée guère.
En effet, le président de conseil général que je fus pendant vingt et un ans a
toujours du mal à se faire à l'usage du terme « département », qui pour lui,
renvoie à d'autres réalités.
(Sourires.)
De toute manière, on ne peut
pas dire que l'APD « dépouille le département », car c'est un outil de
coopération. Le « département » a trois représentants au sein du conseil de
surveillance ; le ministère des finances n'en n'a que deux.
M. Michel Charasse,
rapporteur spécial.
Mais ce sont les finances qui commandent ! Un seul
représentant leur suffirait.
M. Charles Josselin,
ministre délégué.
Il nous appartient, et c'est dans ce sens que nous
agissons, d'être plus présents car, je le répète, l'Agence française de
développement est bien l'opérateur de la coopération française et, à ce titre,
elle constitue l'un de nos outils. D'ailleurs, les relations avec les
responsables de l'AFD sont excellentes et, lors de la discussion budgétaire,
nous avons plaidé avec la même force les moyens du fonds de solidarité
prioritaire et les moyens de l'AFD.
L'assistance technique en Afrique subsaharienne, ce sont 1 700 postes, ce qui
constitue évidemment la très grande part de l'assistance technique en général.
D'ailleurs, les chiffres que je donnais à l'instant ne comprennent pas l'effort
en faveur des établissements à autonomie financière - je pense aux centres
culturels - dont le montant a été également maintenu.
Si l'on considère les interventions au titre de l'ajustement structurel et des
aides budgétaires, on note que les décaissements réels devraient être très
significatifs, c'est-à-dire, pour l'année 2000, probablement de l'ordre de 1
milliard de francs.
Des opérations importantes devraient être débloquées en 2001 en faveur du
Cameroun, du Gabon, du Congo et de Madagascar. Un nombre important des pays
éligibles à l'initiative en faveur des pays pauvres très endettés
appartiennent, précisément, à l'Afrique subsaharienne. En effet, à l'exception
des Comores, du Gabon et de la Guinée équatoriale, tous les pays africains de
la zone franc sont éligibles à l'initiative en faveur des pays pauvres très
endettés. Parmi eux, trois ont déjà atteint le « point de décision » de
l'annulation de la dette ; c'est le cas du Bénin, du Burkina Faso, du Sénégal.
En réalité, avant la fin de cette année, d'autres vont l'atteindre, c'est ce
que le ministre des finances, Laurent Fabius, nous précisait ce matin, lors
d'une rencontre avec les ONG. C'est le cas, par exemple, du Tchad, du Niger, du
Mali et de Madagascar.
Autrement dit, l'accélération dans la mise en oeuvre de cette initiative en
faveur du désendettement des pays pauvres va profiter très directement à
l'Afrique subsaharienne. Je rappelle, à cet égard, notre volonté d'additionner
effacement de la dette et aide publique au développement.
Toujours sur l'assistance technique, je regrette que les effectifs budgétaires
aient à nouveau diminué. Déjà, l'an dernier, certains me l'ont rappelé, je
considérais que l'on atteignait le niveau d'étiage. Apparemment, le niveau
d'étiage était un peu plus bas !
Ceux qui regardent de près la manière dont les choses bougent, et notamment
les appels d'offres internationaux, qui nous font obligation de changer
l'assistance technique, savent bien qu'il faudra continuer à faire évoluer ces
métiers-là en trouvant le point d'équilibre entre l'expertise de courte ou de
moyenne durée et la coopération de présence - action que vous trouvez utile et
nécessaire - en évitant les exagérations que nous avons encore observées sur le
terrain. Ainsi, il n'est pas certain qu'un professeur de gymnastique présent
depuis vingt-huit ans dans le même poste ne fasse pas de la substitution.
M. Michel Charasse,
rapporteur spécial.
Et sans doute de l'arthrose !
(Rires.)
M. Charles Josselin,
ministre délégué.
Probablement !
Cela veut dire qu'il y a encore ici ou là des situations à faire évoluer. Nous
devons aussi faire appel à l'expertise locale, à l'encadrement local ; c'est
également dans ce sens que le progrès doit se vérifier.
Je n'entrerai pas - le président ne m'en laissera pas le temps, et il aura
raison - dans le détail des situations matérielles. Je pense aux logements des
assistants techniques.
J'évoquerai cependant l'accord intervenu entre la DGA et la DGCID en vue de
faire coexister pendant quatre ans le régime statutaire du décret de 1992 et
celui du décret de 1967.
La question de l'AEFE a été évoquée par beaucoup d'entre vous. Je voudrais,
puisque des mouvements de grève ont été observés récemment, vous inviter à ne
pas surévaluer les dégâts.
La plupart des établissements n'auront connu que deux ou trois jours de grève.
C'est sans doute beaucoup, mais il faut, là aussi, ramener les choses à leurs
justes proportions et convenir que de mauvaises conditions climatiques auraient
pu tout aussi bien perturber la bonne tenue des cours.
M. Guy Penne.
Cela peut venir !
M. Charles Josselin,
ministre délégué.
Cela peut effectivement se cumuler ; c'est l'ennui !
Mme Monique Cerisier-ben Guiga.
Ce n'est pas le problème !
M. Charles Josselin,
ministre délégué.
Depuis la réunion du 22 novembre entre les
représentants du ministère des affaires étrangères, de l'AEFE et les
organisations syndicales, la tension est progressivement retombée et les
mouvements de grève ont été suspendus dans l'ensemble des postes. A ce jour, on
ne note pas de mouvement perlé.
En tout cas, les relations entre le ministère des affaires étrangères et le
ministère de l'éducation nationale avec l'AEFE reposent d'ores et déjà sur un
partenariat. C'est le ministère de l'éducation nationale qui homologue les
établissements, effectue les missions d'inspection, certifie les examens et
assure, comme cela va de soi, la formation continue du corps enseignant. La
tutelle, il est vrai, est du seul ressort du ministère des affaires étrangères,
qui assure aussi l'intégralité du budget de l'AEFE. Hubert Védrine et moi-même
souhaitons engager avec le ministère de l'éducation nationale une discussion,
qui se traduirait par une double tutelle. Nous avons écrit en ce sens à Jack
Lang le 21 novembre et, à terme, c'est d'un autre partage des responsabilités
dont il faudra discuter avec le ministère de l'éducation nationale.
M. Michel Charasse,
rapporteur spécial.
Cela ne nous rassure pas !
M. Charles Josselin,
ministre délégué.
C'était aussi le souhait de plusieurs d'entre vous.
Je me propose de vous tenir informés plutôt par écrit de l'accord qui est
intervenu le 22 novembre et qui s'inscrit d'ailleurs dans le droit-fil de
l'accord du 14 juin.
Un désaccord demeure - il faut en convenir - sur le mode de financement de la
réforme, les syndicats refusant une diminution du nombre des expatriés et
réclamant un effort budgétaire de l'Etat. Nous en discuterons avec le ministère
de l'éducation nationale.
Sur les autres points, en particulier sur l'augmentation du taux des
majorations familiales servies aux expatriés, l'accord a été confirmé. Il en va
de même pour la mise en place d'une indemnité de résidence versée par l'AEFE,
qui sera un pourcentage, variable par pays, de l'indemnité d'expatriation.
S'agissant du Maroc, en particulier, le ministère et l'Agence s'engagent à
permettre aux recrutés locaux qui le souhaitent de s'affilier à la sécurité
sociale française ou à la caisse des Français de l'étranger dès le 1er janvier
2001. Le versement de droits de scolarité par les résidents bénéficiant
jusqu'alors d'exonérations dégagera des marges de manoeuvre qui seront laissées
à la disposition des établissements pour leur permettre d'améliorer la
situation des recrutés locaux.
Ces mesures représentent un effort financier, tous postes confondus, de 80
millions de francs par an. Elles n'alourdiront pas la charge des parents. Leur
financement sera assuré, en 2001, en partie par un prélèvement sur les réserves
de l'Agence et en partie par la transformation de postes d'expatriés en postes
de résidents.
Je rappelle qu'un groupe commun de travail se met en place entre le ministère
des affaires étrangères et le ministère de l'éducation nationale.
La question du volontariat civil intéresse évidemment de près M. Del
Picchia.
Lors du débat à l'Assemblée nationale, le 7 novembre dernier, à la question
portant sur le nombre de candidatures reçues au centre d'information sur le
volontariat international, j'avais alors répondu « 515 ». Aujourd'hui, ce
nombre est de 2 500, dont 40 % sont à bac + 5 et 60 % sont des jeunes
filles.
M. Michel Charasse,
rapporteur pour avis.
Des demoiselles !
(Sourires.)
M. Charles Josselin,
ministre délégué.
C'est intéressant car cela démontre que ce que nous
pressentions quant au changement de profil des volontaires susceptible
d'intervenir est en train de se vérifier.
En tout cas, je fais observer que les campagnes de presse ont eu un grand
impact,...
M. Michel Charasse,
rapporteur pour avis.
Ah !
M. Charles Josselin,
ministre délégué.
... notamment celles - et j'y suis particulièrement
sensible - de
Ouest-France
.
M. Michel Charasse,
rapporteur pour avis.
Tiens donc !
M. Jacques Chaumont,
rapporteur spécial.
Très bien !
M. Charles Josselin,
ministre délégué.
M. Dulait a posé une question sur la coopération
militaire. Je veux rappeler que, parmi les raisons qui ont pu militer pour la
diminution du budget affecté à la coopération militaire et de défense, figurent
la suspension de la coopération avec les Comores et la Mauritanie - on se
souvient de l'affaire d'Ould Dah, en ce qui concerne la Mauritanie - puis le
gel de la coopération bilatérale avec la Côte d'Ivoire à partir de l'arrivée du
Général Gueï.
Quant à la place du français dans l'Union européenne, c'est évidemment l'une
de nos préoccupations, monsieur Legendre. Il est exact que, si le français a le
statut de langue officielle dans les instances européennes, il recule cependant
au profit de l'anglais. L'usage du français demeure, en pratique, important.
Ainsi, il demeure courant au Parlement européen, au Comité des représentants
permanents, dans les réunions de travail officielles du Conseil. Le français
demeure la langue habituelle des juristes : c'est vrai au Conseil, à la
Commission et à la Cour de justice des Communautés européennes, le français
étant d'ailleurs la langue des délibérés. C'est également le français qui est
langue de travail de la Cour des comptes européenne depuis 1999.
Il est vrai, cependant, que le recul du français comme langue de conception et
de travail est particulièrement sensible depuis les adhésions des pays du Nord,
en 1995, et qu'il a été amplifié par la succession, en 1998 et en 1999, de
présidences anglophones.
Nous observons ainsi que la Commission, dans ses relations avec les pays tiers
et parfois même avec les pays francophones d'Afrique et du Bassin
méditerranéen, recourt trop systématiquement à l'anglais. Il nous faut
évidemment réagir. Nous avons d'ailleurs profité de la présidence française
pour rappeler un certain nombre de règles qui étaient jusqu'à présent
transgressées.
Je n'insisterai pas, faute de temps, sur les actions en faveur de la langue
française. Les sénateurs qui suivent de près ces questions sont bien informés.
Je dirai simplement qu'un programme consiste notamment à intervenir auprès des
fonctionnaires des institutions de l'Union européenne, des Etats membres, des
Etats candidats, qui constituent là un vivier de francophones vers lequel nous
devons nous tourner résolument. La formation des interprètes des pays d'Europe
centrale et orientale, candidats, est également un champ que nous essayons de
couvrir au mieux. Plus généralement, nous essayons de former aussi aux langues
des pays candidats des traducteurs francophones, ce qui est tout à fait
indispensable pour les relations avec ces pays.
La question des brevets européens ayant déjà fait l'objet d'une question dans
cette enceinte, je rappellerai simplement que l'attitude ferme de la France
pour empêcher l'abandon complet des exigences de traduction pour peu que le
brevet soit disponible en anglais - c'était la position adoptée par un certain
nombre de nos partenaires - a permis l'adoption d'un compromis plus
satisfaisant au regard des deux impératifs qui ont guidé notre démarche :
l'amélioration de la compétitivité européenne, c'est-à-dire la baisse du coût
des brevets, et la défense de la langue française. Désormais, l'accord
additionnel facultatif issu des travaux du groupe prévoit un régime fondé sur
les trois langues de travail de l'Office européen des brevets, dont le
français.
S'agissant de RFI, je voudrais rappeler, en réponse à M. Guy Penne notamment -
mais d'autres orateurs sont également intervenus sur ce sujet -, que des moyens
supplémentaires ont été consentis chaque année à RFI depuis trois ans.
M. le président.
Monsieur le ministre, permettez-moi de vous rappeler que nous sommes tenus par
l'horaire.
M. Charles Josselin,
ministre délégué.
Je vais essayer d'accélérer mon propos, monsieur le
président.
Le projet de loi de finances pour 2001 prévoit une augmentation de la dotation
en redevance de 25,6 millions de francs, ce qui doit permettre à RFI
d'affronter à la fois les contraintes sociales mais aussi les développements
techniques. Nous allons étudier la question de l'installation d'un émetteur de
modulation de fréquence à Bruxelles, car cette idée me paraît intéressante. Il
y a d'ailleurs, là-bas, beaucoup d'Africains qui peuvent être intéressés par
l'écoute de cette radio.
J'en viens à TV 5. Après avoir longtemps plaidé la patience, les partenaires
canadiens ont bien fini par reconnaître l'impasse dans laquelle se trouvait la
chaîne aux Etats-Unis, ainsi que la mauvaise qualité du signal émis en Amérique
latine. Lors d'une réunion des ministres de tutelle, nous avons, sur ma
proposition, arrêté le principe d'une réforme en profondeur des structures
gestionnaires de la chaîne. Cette réforme prévoit la création d'une structure
multilatérale de gestion unique, éditant un programme diffusé en réseau, dont
tout porte à penser qu'elle sera constituée à partir du pôle parisien de TV
5.
En tout état de cause, la France a annoncé à ses partenaires son intention,
faute d'accord d'ici à mars prochain, de mettre fin unilatéralement aux
financements actuellement accordés aux signaux de TV 5 Amérique latine et
Etats-Unis et de confier à Satellimages-TV 5 la mission de confectionner un
nouveau signal destiné à l'Amérique latine et, éventuellement, aux
Etats-Unis.
M. le président.
Je suis obligé de vous demander de conclure, monsieur le ministre.
M. Charles Josselin,
ministre délégué.
Je ne pourrai donc parler du statut d'EduFrance.
J'en viens aux crédits consacrés à l'Albanie, qui ont été en très nette
augmentation en 2000, avec 5,5 millions de francs contre 4,2 millions de francs
; cela devrait rassurer ceux qui s'inquiétaient de nos relations avec ce
pays.
Quant à la Côte-d'Ivoire - et c'est ma dernière observation, monsieur le
président - nous sommes bien évidemment très préoccupés par l'évolution de la
situation. Nous mesurons notre appui à la Côte d'Ivoire à la lumière du
processus de retour à la légalité constitutionnelle. C'est dire le soin avec
lequel nous suivons les pourparlers actuellement engagés entre le représentant
du RDR et le ministre de l'intérieur. Nous soutenons bien sûr toute solution
négociée.
Nous ne croyons pas au risque de scission. Nous considérons que ce serait tout
à fait contradictoire avec l'histoire même de la Côte d'Ivoire. Mais, il faut
que celle-ci retrouve les chemins de l'ouverture aux autres, alors que,
actuellement, autour du concept de l'ivoirité, ce sont le rétrécissement et
l'enfermement qui menacent les Ivoiriens.
Telles sont, mesdames, messieurs les sénateurs, les réponses que je souhaitais
vous apporter.
(Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe
communiste républicain et citoyen. - M. Legendre applaudit également.)
M. le président.
Nous allons procéder à l'examen et au vote des crédits figurant aux états B et
C et concernant les affaires étrangères.
ÉTAT B
M. le président. « Titre III : 513 203 263 francs. »