SEANCE DU 6 DECEMBRE 2000
SOMMAIRE
PRÉSIDENCE DE M. GUY ALLOUCHE
1.
Procès-verbal
(p.
0
).
2.
Loi de finances pour 2001.
- Suite de la discussion d'un projet de loi (p.
1
).
Intérieur et décentralisation
SÉCURITÉ (p.
2
)
MM. André Vallet, rapporteur spécial de la commission des finances ;
Jean-Patrick Courtois, rapporteur pour avis de la commission des lois, pour la
police et la sécurité ; Jean-Pierre Schosteck, rapporteur pour avis de la
commission des lois, pour la sécurité civile ; Jean-Claude Peyronnet, Christian
Demuynck, Jean-Jacques Hyest, Bernard Plasait, Paul Girod, Robert Bret,
Jean-Noël Guérini.
MM. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances ; Daniel
Vaillant, ministre de l'intérieur.
MM. le rapporteur spécial, le ministre.
Crédits du titre III (p. 3 )
MM. Robert Bret, Christian Bonnet, Daniel Hoeffel, le ministre.
Vote des crédits réservé.
Crédits du titre IV. - Vote réservé (p.
4
)
Crédits du titre V (p.
5
)
MM. Robert Bret, le ministre.
Vote des crédits réservé.
Crédits du titre VI. - Vote réservé (p.
6
)
DÉCENTRALISATION (p.
7
)
MM. Michel Mercier, rapporteur spécial de la commission des finances ; Daniel Hoeffel, rapporteur pour avis de la commission des lois.
Suspension et reprise de la séance (p. 8 )
PRÉSIDENCE DE M. JEAN FAURE
3.
Candidatures à une commission mixte paritaire
(p.
9
).
4.
Candidature à un organisme extraparlementaire
(p.
10
).
5.
Loi de finances pour 2001.
- Suite de la discussion d'un projet de loi (p.
11
).
Intérieur et décentralisation
(suite)
DÉCENTRALISATION
(suite)
(p.
12
)
MM. Alain Dufaut, Philippe Nachbar, Jean-Pierre Fourcade, Robert Bret, Jean-Claude Peyronnet, Gérard Cornu, Claude Haut, Bernard Fournier, Dominique Leclerc.
Suspension et reprise de la séance (p. 13 )
MM. Yvon Collin, Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur ; Michel Mercier, rapporteur spécial de la commission des finances.
Crédits du titre III. - Rejet par scrutin public (p.
14
)
Crédits du titre IV. - Rejet (p.
15
)
Crédits du titre V (p.
16
)
Mme Hélène Luc.
Rejet des crédits.
Crédits du titre VI. - Rejet (p.
17
)
Article 60
quater.
- Adoption (p.
18
)
6.
Nomination d'un membre d'un organisme extraparlementaire
(p.
19
).
7.
Nomination de membres d'une commission mixte paritaire
(p.
20
).
8.
Communication relative à une commission mixte paritaire
(p.
21
).
9.
Loi de finances pour 2001.
- Suite de la discussion d'un projet de loi (p.
22
).
Education nationale
I. - ENSEIGNEMENT SCOLAIRE (p.
23
)
MM. Jean-Philippe Lachenaud, rapporteur spécial de la commission des finances ;
Jean Bernadeaux, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles
; Mme Hélène Luc, rapporteur pour avis de la commission des affaires
culturelles, pour l'enseignement technique ; MM. Jean-Louis Lorrain, Xavier
Darcos, Jacques Pelletier, Mme Hélène Luc, MM. Jean-Louis Carrère, Jean-Claude
Carle, Francis Grignon, André Vallet, Ivan Renar, Serge Lagauche, Jacques
Legendre, Gérard Delfau, René-Pierre Signé, Daniel Eckenspieller, Pierre
Martin.
10.
Nomination de membres d'une commission mixte paritaire
(p.
24
).
Suspension et reprise de la séance (p. 25 )
PRÉSIDENCE DE M. GÉRARD LARCHER
11. Loi de finances pour 2001. - Suite de la discussion d'un projet de loi (p. 26 ).
Education nationale
I. - ENSEIGNEMENT SCOLAIRE
(suite)
(p.
27
)
MM. Patrick Lassourd, Jean-Luc Mélenchon, ministre délégué à l'enseignement professionnel ; Jack Lang, ministre de l'éducation nationale ; Adrien Gouteyron, président de la commission des affaires culturelles.
Crédits du titre III (p. 28 )
Mme Marie-Claude Beaudeau, MM. Jean-Philippe Lachenaud, rapporteur spécial de
la commission des finances ; Jean-Louis Carrère, Alain Lambert, président de la
commission des finances.
Rejet des crédits.
Crédits des titres IV à VI. - Rejet (p.
29
)
II. - ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR (p.
30
)
MM. Jean-Philippe Lachenaud, rapporteur spécial de la commission des finances ;
Jacques Valade, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles
; André Ferrand, Pierre Laffitte, Ivan Renar, Serge Lagauche, Jacques Legendre,
Jean-Louis Lorrain, André Maman.
M. Jack Lang, ministre de l'éducation nationale.
Crédits des titres III à V. - Rejet (p.
31
)
Crédits du titre VI (p.
32
)
M. Alain Hethener.
Rejet des crédits.
12.
Dépôt d'un projet de loi
(p.
33
).
13.
Dépôt d'une proposition de loi
(p.
34
).
14.
Dépôt de rapports
(p.
35
).
15.
Ordre du jour
(p.
36
).
COMPTE RENDU INTÉGRAL
PRÉSIDENCE DE M. GUY ALLOUCHE
vice-président
M. le président.
La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à neuf heures quarante-cinq.)
1
PROCÈS-VERBAL
M. le président.
Le compte-rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ?...
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.2
LOI DE FINANCES POUR 2001
Suite de la discussion d'un projet de loi
M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2001 (n° 91, 2000-2001), adopté par l'Assemblée nationale. [Rapport n° 92 (2000-2001).]
Intérieur et décentralisation
SÉCURITÉ
M. le président.
Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi de finances concernant
la sécurité.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. André Vallet,
rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et
des comptes économiques de la nation.
Monsieur le président, monsieur le
ministre, mes chers collègues, la sécurité a été élevée au rang de deuxième
priorité du Gouvernement. Cette préoccupation quotidienne et majeure de nos
concitoyens - bon nombre d'entre eux considèrent en effet, nous l'avons
constaté à l'occasion du congrès des maires, qu'elles est maintenant plus
importante encore que les problèmes de l'emploi - mérite l'attention
particulière des responsables de la nation. C'est à l'aune de cette importance
que je souhaite vous présenter les crédits proposés en 2001 pour la sécurité et
estimer aussi la qualité de leur utilisation.
L'année 2000 aura été particulièrement difficile pour le ministère de
l'intérieur.
Elle a vu en effet se succéder bien des événements dramatiques. Je tiens en
premier lieu à saluer la qualité de l'engagement de tous les professionnels
qui, au prix de leur vie - c'est le cas pour quatorze pompiers et plusieurs
fonctionnaires de police - viennent au secours de nos concitoyens et méritent
notre reconnaissance.
Dans le même temps, les policiers ont été confrontés à des réformes
ambitieuses et à une attente toujours plus grande de la population en matière
de sécurité. Les élus et les professionnels taisent de moins en moins l'urgence
d'une réforme de l'organisation des services d'incendie et de secours. Enfin,
l'actualité n'a pas cessé de mettre en exergue, et récemment encore, les
problèmes rencontrés sur certaines parties de notre territoire, à commencer par
la Corse.
Face à ces évolutions, ces problèmes et ces préoccupations, j'avais imaginé
que le projet de budget pour 2001 du ministère de l'intérieur serait marqué du
sceau de l'ambition et de la réforme. Il n'en est rien.
Les effectifs de policiers diminueront. Le sentiment d'insécurité ne devrait
pas reculer. La sécurité civile ne bénéficiera pas des moyens supplémentaires
qui, pourtant - l'actualité l'a montré - font défaut, sauf pour les matériels
dont la livraison a été programmée depuis longtemps. Le projet de budget ne
fait pas état de bien des réformes attendues, comme celle des services
d'incendie. Le personnel de l'administration centrale continuera à vieillir et
à diminuer. Certains thèmes d'importance sont aux abonnés absents.
Le projet de budget de l'ambition et de la réforme n'est en réalité qu'un
projet de budget de reconduction, d'attentisme, pour lequel l'aspect cosmétique
l'emporte sur la réflexion de fond. Il est construit sur une apparence et un
affichage qui sont bien éloignés des préoccupations et des besoins de la
population.
J'aborderai très rapidement les grandes masses.
En dehors des collectivités territoriales, les crédits du ministère de
l'intérieur devraient augmenter de 4,4 % en 2001 pour atteindre 59,28 milliards
de francs. Si l'on ôte les effets de structure, le projet de budget atteint
56,05 milliards de francs, soit une hausse de 2,3 %. Celui de la police
augmente de 1,86 %.
Il s'agit, à 97 %, d'un budget de fonctionnement. A elles seules, les dépenses
de personnel monopolisent quatre cinquièmes des moyens.
Le ministère disposera de plus de 164 500 emplois, soit 1 000 de moins qu'en
2000. Les trois quarts du personnel sont employés par la police nationale. A ce
nombre s'ajoutent les 20 000 adjoints de sécurité.
Monsieur le ministre, vous insisterez sur la marge de manoeuvre dégagée dans
le projet de budget pour 2001. Vous nous parlerez des 918 millions de francs de
moyens supplémentaires. Vous nous direz votre souhait de les affecter à la
police de proximité, à l'achat d'hélicoptères pour la sécurité civile, à des
revalorisations indemnitaires et à un effort informatique. Mais tout cela ne
suffira pas à cacher les insuffisances.
Je présenterai brièvement les quatre agrégats.
L'administration territoriale dispose de plus de 7 milliards de francs. Hors
transferts, les préfectures bénéficieront seulement d'un effort d'amélioration
de leur réseau informatique. Le mouvement de globalisation des crédits
préfectoraux s'accentue avec quatorze préfectures globalisées en 2001.
La sécurité civile présente une forte hausse de 15,8 % de ses crédits avec 1,6
milliard de francs. Mais cette hausse n'est qu'apparente. En effet, quand on
enlève les transferts de cotisations sociales, la professionnalisation des
unités, les hélicoptères programmés depuis des années et la revalorisation
indemnitaire des pilotes, il ne reste rien. En 2001, la sécurité civile ne
bénéficiera pas d'un franc de plus ni pour ses actions ni pour son
fonctionnement. Quant aux réformes, elles se limiteront à la création d'un
nouvel état-major de zone.
Pour la police nationale, c'est le budget de la poudre aux yeux, si vous me
permettez cette expression. En effet, les effectifs budgétaires augmentent de
plus de 700 emplois, mais les effectifs réels diminuent. Les crédits de
fonctionnement augmentent, mais ils vont tous à la police de proximité. Les
dépenses informatiques augmentent, mais le réseau ACROPOL prendra encore du
retard. Plusieurs grosses opérations immobilières seront lancées, mais les
crédits de paiement diminuent.
Par ailleurs, même si cela est marginal, monsieur le ministre, je suis très
intrigué par deux chiffres ; 10 millions de francs iront aux syndicats de
police et 3 millions de francs - c'est le chiffre qui m'a le plus étonné -
correspondent aux « dons » des compagnies d'assurances aux oeuvres sociales du
ministère en contrepartie de la communication par la police à ces compagnies
des fichiers des voitures volées. Il serait intéressant que vous développiez
ces deux points qui n'ont pas manqué de nous étonner.
Enfin, l'administration générale voit ses crédits augmenter de 1,6 milliard de
francs en raison de la hausse de 1,2 milliard de francs des dépenses
d'élections. Les 400 millions de francs restants sont pris par des mesures de
transferts de cotisations sociales et de crédits de pensions. Parallèlement,
les effectifs de l'administration diminuent pour la septième année consécutive.
Cette baisse est accentuée par la mise à disposition de 10 % des effectifs,
soit 216 personnes sur 2 300, au profit d'autres institutions, dont 21
personnes pour les syndicats et 30 pour les oeuvres sociales.
Je ferai quelques courtes observations.
Tout d'abord, le ministère a une politique de globalisation des crédits qui
permet, en interne, plus de souplesse et d'efficacité d'utilisation des sommes,
mais cela se traduit par une autorisation parlementaire biaisée : impossible de
connaître l'évolution de tous les postes de fonctionnement et de dépenses
informatiques, car le directeur de cabinet du ministre fait sa propre
répartition, qui n'a rien à voir avec celle du bleu, en janvier 2001. « Votez
d'abord, vous saurez après ce que l'on a fait de l'argent. » est donc le mot
d'ordre.
On atteint le ridicule quand on apprend que la préfecture du Finistère
dépensera 646 francs pour certaines indemnités, alors que l'on ne sait pas ce
que la police fera des 4 milliards de francs qui lui seront attribués pour son
fonctionnement ! Cela ne peut plus durer.
Nous savons que la globalisation est l'avenir de la gestion publique mais,
pour nous, elle doit aller de pair avec un effort accru, un effort maximum de
transparence. Or, dans les réponses aux questionnaires, vous nous indiquez
vous-même que vous ne savez pas comment seront réparties les sommes que vous
nous demandez de voter. Nous n'acceptons pas cette remise en cause par avance
du « bleu » et du « vert » budgétaires.
Ma deuxième remarque concerne la politique immobilière, qui est conduite en
dépit du bon sens. On commence par réaliser les grosses opérations qui se
chiffrent en plusieurs centaines de millions de francs, et on voit ce qu'il
reste pour les petites opérations. J'illustrerai mon propos par un chiffre que
je juge éloquent.
Vous avez délégué, en 1999, 50 millions de francs aux préfets pour l'entretien
immobilier préfectoral. Les sous-préfectures, beaucoup plus nombreuses que les
préfectures, n'auront bénéficié que du quart de cette somme. Le reste est allé
aux préfectures, aux hôtels et aux jardins des préfets, cela alors que le
ministère convient lui-même que le parc immobilier des sous-préfectures et des
commissariats se dégrade. Ce n'est pas nous qui le disons, c'est vous dans vos
réponses à nos questions et dans les chiffres que vous nous avez
communiqués.
Ma troisième remarque a trait à la sécurité civile. Alors que l'année 2000
aura été marquée par les drames et l'accroissement des charges et des attentes
en matière de sécurité civile, le budget ne retient rien pour la sécurité
civile en 2001 en dehors de mesures indemnitaires pour les pilotes de Canadair,
de l'achat d'hélicoptères prévu de longue date et des crédits nécessaires à la
professionnalisation des armées. Pis, les moyens de fonctionnement diminueront
alors même qu'il faut reconstituer les stocks et réorganiser les
états-majors.
Le Gouvernement estime donc que la sécurité civile n'est pas une priorité. Les
quatorze pompiers morts dans les feux de forêts, les quatre-vingt-douze
victimes des tempêtes, les victimes des inondations et les habitants de la côte
Atlantique souillée par l'
Erika
auraient certainement un avis contraire.
C'est le point le plus noir de votre projet de budget. Vous nous répondrez
qu'un projet de loi est en préparation. Il sera trop tard. Nous voulons des
actes dès maintenant.
Ma quatrième remarque vise la réforme des services départementaux d'incendie
et de secours, les SDIS, qui attendra encore un an. La comparaison de
l'évolution des moyens et de l'intérêt de l'Etat pour les SDIS et de celle des
crédits affectés par les collectivités locales à ces mêmes services serait
pourtant intéressante. Le Gouvernement promet un projet de loi pour la fin de
l'année 2001, alors que le rapport Fleury, qui le préfigure, est déjà paru. Là
aussi, cela fera perdurer un an les problèmes : financement, cohabitation
difficile entre volontaires et professionnels, inégalités injustifiées entre
communes, etc. Le mécontentement gronde, monsieur le ministre.
S'agissant de la police nationale, on peut déjà constater un paradoxe étonnant
: les emplois budgétaires augmentent de 700, mais le nombre de policiers sur le
terrain diminuera en tout de 1 300, en raison de la suppression des 2 000
policiers auxiliaires. Vous ne pourrez pas nous dire, monsieur le ministre, que
le nombre de policiers en tenue sur la voie publique augmente ! Ne cherchez pas
à habiller de mots une réalité comptable que vos chiffres nous révèlent, que la
Cour des comptes confirme et que nous constatons tous sur le terrain, à savoir
que le nombre de policiers diminue.
Parallèlement, un malaise croît chez les personnels : les tâches indues
demeurent lourdes. Où se trouvent d'ailleurs les 5 000 emplois administratifs
prévus par la loi d'orientation et de programmation relative à la sécurité, la
LOPS ? On n'en compte actuellement que 1 300 ou 1 400. Les réformes passent mal
; ACROPOL ne satisfait pas les personnels ; un choc de générations se crée
entre jeunes et anciens. Surtout, tous se plaignent de leurs rapports avec la
justice. Là, le malaise atteint son paroxysme. Les magistrats ne se déplacent
jamais dans les commissariats ; ils notent des officiers de police judiciaire
sans les connaître ; ils ont une conception assez distante de la notion de «
permanence » ; ils font preuve de légèreté dans le traitement quasi automatique
de certaines affaires sans se soucier des conséquences que cela peut avoir pour
les fonctionnaires de police confrontés, par exemple, à des victimes voyant
partir leur agresseur avant même qu'elles n'aient fini leur déposition. Bref,
le tableau est sombre.
Dans le même temps, qu'en est-il du sentiment d'insécurité ? Faute d'outil de
mesure détaillé, puisque l'appareil statistique n'a pas évolué malgré les
réformes profondes de la police nationale, il est délicat de s'appuyer sur des
preuves certaines. Je citerai tout de même vos chiffres. La criminalité
augmente, au premier trimestre 2000, de 2,5 %. Le taux d'élucidation diminue à
environ 26,5 %
(M. le ministre de l'intérieur fait un signe de dénégation.)
Je cite vos chiffres, monsieur le ministre.
Parallèlement, c'est là le plus grave, l'impression d'un retournement notable
de la tendance à l'insécurité ne prévaut pas. Les Français ne se sentent
globalement pas plus en sécurité qu'il y a un an ou deux. Nous le savons bien,
et c'est cet échec que nous vous reprochons. Vous pouvez vous gargariser de la
police de proximité. Nous la voyons à l'oeuvre et pouvons vous dire que
l'insécurité ne recule pas.
Par ailleurs, des problèmes inquiétants persistent dans la police. Que se
passera-t-il en 2002 quand le contrat des adjoints de sécurité arrivera à
échéance ? Le projet de budget fait là une impasse alors que la transition
aurait dû commencer à être gérée dès cette année.
Qu'en est-il du renouvellement du parc automobile ? Combien de véhicules ne
peuvent plus rouler ? Un véhicule sur quatre a dépassé les critères de réforme
et la moitié seulement des besoins seront couverts en 2001, même après l'effort
figurant au collectif budgétaire. Ce sont vos chiffres, monsieur le
ministre.
J'en viens au logement des compagnies républicaines de sécurité, les CRS. Sur
79 casernes et cantonnements, les deux tiers ont besoin de lourds travaux. Là
aussi, ce sont vos chiffres.
Quant au fameux réseaux de l'autocommutateur central répartissant des organes
périphériques pour offrir des lignes éloignées, ACROPOL, vous ne pouvez nier ni
les problèmes techniques, ni la lenteur de mise en place qui en diffère
l'ouverture, sur Paris notamment.
Bref, la modernité de certains hôtels de police, le brillant des vélos tout
terrain, le clinquant des policiers en rollers ne doivent pas cacher que la
paupérisation existe dans de nombreux postes de police qui, n'ayant pas encore
basculé dans la police de proximité, ont le sentiment désagréable de l'oubli et
du délaissement.
Dernière remarque : ce projet de budget est muet sur quatre points
essentiels.
Rien n'est dit sur les contrats locaux de sécurité qui mobilisent pourtant les
élus et les ressources des contribuables locaux.
Rien n'est dit sur la Corse. Il ne me semble pourtant pas que l'inacceptable
terrorisme corse ait disparu ni que les risques de contamination en d'autres
points du terrorisme régressent. C'est tout au moins mon sentiment.
Rien n'est dit sur la mise en place de la loi sur la présomption d'innocence.
Vous avez indiqué que son coût - 70 millions de francs - est couvert par le
collectif budgétaire. Certes, mais que dire sur les problèmes administratifs
que son apparition soulèvera ? Votre ministère m'a indiqué, dans ses réponses à
mes questions, que le surcroît de travail induit par les transferts aux juges
et les délais de présentation augmenteront de 30 % à 50 %, alors que ces tâches
indues prennent déjà environ 25 % du temps de travail des policiers en tenue.
Je crains qu'il ne reste pas grand-chose pour patrouiller sur la voie publique,
surtout avec des effectifs en baisse.
Finalement, ce budget n'est pas transparent puisque le ministère reconnaît
lui-même qu'il le reconstruira en janvier 2001 en interne. Il se traduira par
une baisse des effectifs de policiers sur le terrain. Il ne propose rien pour
la sécurité civile, rien pour les services départementaux d'incendie et de
secours, les SDIS.
Le sentiment d'insécurité de nos concitoyens ne recule pas.
Nous ne pouvons donc nous satisfaire de ce projet de budget de la sécurité et
de l'administration pour 2001. Certes, il y a quelques points positifs,
quelques bonnes intentions, quelques gestes ici ou là. Mais cela ne suffit pas.
La politique menée doit se traduire concrètement. L'argent que la nation
dépense pour la sécurité publique et civile, pour l'administration du
territoire et l'administration générale du ministère est-il employé en toute
transparence, dans un pur souci d'efficacité, avec des conséquences visibles
pour tous les citoyens ? Ce n'est manifestement pas le cas. C'est la raison
pour laquelle votre commission des finances, mesdames, messieurs les sénateurs,
vous propose de rejeter les crédits de la sécurité et de l'administration pour
2001.
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des
Républicains et Indépendants.)
M. le président.
La parole est à M. Courtois, rapporteur pour avis.
M. Jean-Patrick Courtois,
rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de
législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale,
pour la police et la sécurité.
Monsieur le président, monsieur le
ministre, mes chers collègues, avant d'aborder l'examen des crédits de la
police pour 2001, je tiens, après avoir rappelé les conditions souvent très
périlleuses dans lesquelles les policiers se dévouent au service de la sécurité
de notre pays, à rendre hommage aux 4 policiers tués et aux 4 118 policiers
blessés en mission de police au cours de l'année 1999.
Je tiens en outre à souligner que les difficultés de la vie policière restent
injustement méconnues de l'opinion publique. Celle-ci a tendance à ne retenir
que les « bavures » réelles ou supposées, pointées par des médias peu enclins à
l'indulgence à l'égard de la police. S'il importe naturellement de sanctionner
sans faiblesse les dérives, il ne faut pas laisser penser aux policiers que
leur parole a moins de poids que celle de personnes cherchant systématiquement
à mettre en cause leur action.
M. Christian Bonnet.
Très bien !
M. Jean-Patrick Courtois,
rapporteur pour avis.
Dans sa déclaration de politique générale, au mois
de juin 1997, le Premier ministre avait placé la sécurité au rang de « deuxième
priorité du Gouvernement », après l'emploi. Or, dans un contexte d'augmentation
de la criminalité, le budget pour 2001 ne semble pas traduire cette priorité
affichée pour la sécurité.
En 1999, la police a constaté avec la gendarmerie nationale plus de 3,5
millions d'infractions. Elle doit faire face à une délinquance de plus en plus
violente mettant en cause un nombre alarmant de mineurs.
Or le budget de la police pour 2001, qui s'élève à 32 milliards de francs,
augmente de 1,86 % en francs courants, ce qui correspond à une progression à
peine supérieure à celle qui est enregistrée pour l'ensemble des dépenses
civiles de l'Etat.
Dans la ligne des orientations définies au colloque de Villepinte, le
Gouvernement a souhaité procéder à la généralisation de la police de proximité,
expérimentée depuis 1999.
On ne peut que souscrire aux principes.
Une telle orientation nécessite cependant des moyens importants placés au
contact des populations.
Or, du fait des difficultés à placer sur le terrain un nombre suffisant de
policiers, cette politique repose entièrement sur les titulaires
d'emplois-jeunes, mal formés, mal encadrés, dont le recrutement est
problématique et l'avenir incertain. Elle ne rencontre d'ailleurs pas
véritablement l'adhésion des personnels.
De graves hypothèques pèsent donc sur la généralisation de la police de
proximité.
En outre, les moyens d'équipement et de fonctionnement de la police, bien que
présentés en nette progression, resteront notoirement insuffisants pour
permettre à la police d'accomplir normalement ses missions.
La commission des lois constate, dans un premier temps, qu'une véritable
insécurité persiste en France.
Après l'augmentation sensible constatée en 1998, les statistiques de la
criminalité se sont stabilisées en 1999 et se sont dégradées au premier
semestre 2000. Les vols représentent les deux tiers des infractions. Les vols
de téléphones portables, souvent commis avec violence, sont néanmoins en nette
augmentation.
Cependant, les statistiques officielles ne suffisent pas à retracer la forte
insécurité subie et perçue par les citoyens dans leur vie quotidienne.
L'appareil statistique apparaît inadapté, puisque les statistiques recensent
uniquement les crimes et délits transmis à l'autorité judiciaire, ce qui exclut
les contraventions telles les violences entraînant une incapacité de travail de
moins de huit jours ou encore les actes dits d'incivilité, c'est-à-dire des
comportements provoquants, tout à fait susceptibles d'être réprimés
pénalement.
De plus, la faiblesse du taux d'élucidation contribue à alimenter l'insécurité
et à décourager les citoyens de porter plainte. Le taux d'élucidation s'est
établi à 27,63 % en 1999. Il convient d'observer que ce taux est en baisse
constante ces dernières années. Or ce taux moyen cache de profondes disparités.
Si 80,06 % des homicides sont élucidés, seuls le sont 9,02 % des cambriolages
et 3,4 % des vols à la tire, si bien que le taux d'élucidation de l'ensemble de
la délinquance de voie publique s'élève à 9,32 %.
Les infractions subies le plus couramment par les citoyens ont donc une chance
minime d'être élucidées. Une fois élucidées, d'ailleurs, elles ont plus d'une
chance sur trois d'être classées sans suite par les parquets, faute de moyens.
La commission des lois a fréquemment déploré cette rupture de la chaîne
répressive, qui accroît le sentiment d'impunité chez les délinquants et
provoque le découragement des citoyens et des forces de police.
Quant à la délinquance des mineurs, elle apparaît particulièrement
préoccupante.
Par ailleurs, la politique de lutte contre le trafic de stupéfiants et la
toxicomanie s'avère quelque peu ambiguë, puisque l'on constate encore une
augmentation de 5,34 % des interpellations. La consommation d'ecstasy et de
cocaïne a nettement augmenté même si, il convient de le souligner, celle
d'héroïne a baissé, attestant d'un transfert sur les drogues de synthèse.
Le terrorisme, quant à lui, a subi une recrudescence de près de 20 %,
notamment en Corse et en Bretagne.
Quant à la pression migratoire, elle s'avère véritablement mal endiguée, du
fait notamment de la situation dans les Balkans ayant généré une migration
d'origine kurde-kosovare.
Sur 39 855 mesures d'éloignement prononcées par voie judiciaire ou par arrêté
préfectoral, seules 7 821 ont été effectivement exécutées, soit un taux
d'exécution de 19,6 %, ce qui est particulièrement bas. Plusieurs dizaines de
milliers de personnes ont donc eu vocation à devenir des « clandestins
officiels ».
La commission des lois ne peut que souhaiter un éloignement effectif des
personnes n'ayant pas droit de séjour dans notre pays.
Phénomène récent, l'explosion de la « cybercriminalité » ne cesse de
progresser. On peut estimer que 200 000 infractions auraient effectivement été
commises à l'aide ou dans le domaine des nouvelles technologies en 1999.
Les affaires liées au réseau Internet présentent une augmentation importante
du nombre d'escroqueries commises en matière de commerce électronique, grâce à
l'utilisation frauduleuse de références de cartes bancaires. En ce qui concerne
les autres délits commis sur Internet, il a été enregistré onze affaires de
pédophilie en 1999 et cinquante affaires d'incitation à la haine raciale.
Une action menée sur le plan national et international s'avère donc nécessaire
afin de lutter efficacement contre la « cybercriminalité » ; encore faut-il que
la police soit dotée de matériels et de logiciels particulièrement adaptés.
La commission des lois observe, dans un second temps, que la généralisation de
la police de proximité demeure hypothéquée par un véritable manque de
moyens.
Pour lutter contre l'insécurité au quotidien, le Gouvernement a enclenché un
processus de généralisation de la police de proximité.
Cette politique nécessite des moyens importants. Or, si les effectifs de
policiers sont stables depuis 1995, ils sont à l'heure actuelle lourdement
grevés par les vacances de postes résultant du temps de formation des agents
appelés à remplacer les nombreux personnels partant en retraite. En tout état
de cause, il semble que la montée en puissance de la politique de proximité
s'accompagne de difficultés réelles pour mettre en place dans les zones
sensibles les policiers nécessaires à la réussite de cette politique.
Les recrutements de personnels administratifs devant permettre de décharger
les policiers sont intervenus en nombre insuffisant. Il est indispensable de
décharger davantage les policiers de tâches administratives de manière qu'ils
puissent se consacrer pleinement à leurs missions proprement policières sur le
terrain.
De surcroît, la police de proximité repose sur des emplois-jeunes.
Etaient en fonction, au mois d'août 2000, 14 231 adjoints de sécurité, pour un
effectif budgétaire de 20 000 et environ 7 000 agents locaux de médiation
sociale sur les 15 000 prévus. Le recours à ces agents suscite de nombreuses
inquiétudes alors même que les adjoints de sécurité sont appelés à représenter
un cinquième de l'effectif du corps de maîtrise.
Leurs missions sont très variées, mais ils ne peuvent pas participer à des
missions de police judiciaire ou de maintien de l'ordre. Ils portent une arme
quand leurs missions le justifient.
Les adjoints de sécurité ont été affectés majoritairement à des tâches
d'îlotage et d'accueil dans les commissariats et sont le plus souvent dotés
d'une arme. Mais, en pratique, les missions qui leur sont confiées s'écartent
souvent de la lettre et de l'esprit de la réglementation. Faute d'un
encadrement suffisant, il est fréquent de rencontrer sur le terrain des
adjoints de sécurité livrés à eux-mêmes ou simplement confiés à un jeune
stagiaire.
En outre, leur présence en priorité dans les zones sensibles les conduit
fréquemment dans les faits à participer à des opérations de maintien de
l'ordre. Il est tout à fait anormal d'exposer aux risques les plus élevés des
jeunes qui n'y sont pas préparés.
Le tutorat s'est révélé un échec. En outre, des difficultés de recrutement
sont apparues, tirant vers le bas le niveau des personnels.
La formation initiale des adjoints de sécurité se révèle inadaptée et nombre
d'adjoints de sécurité sont ainsi incapables d'accomplir la moindre tâche
administrative.
La commission des lois insiste pour qu'un soin particulier soit apporté à la
sélection des candidats, d'autant plus qu'ils auront vocation à entrer en
nombre par concours spéciaux dans la police.
La commission des lois relève, dans un troisième temps, que le budget de la
police nationale pour 2001 qui lui est soumis ne traduit pas la priorité
affichée pour la sécurité. Il s'élève à 32 milliards de francs et,
contrairement aux intentions affichées, il ne traduit pas une priorité en
faveur de la sécurité des Français.
En effet, les dépenses en personnel connaissent une faible augmentation de 0,9
%.
Les effectifs budgétaires sont en importante diminution par rapport à l'année
précédente alors que se profile une gestion sous tension.
Ainsi, l'effectif budgétaire total de la police nationale régresse de près de
1 %. Cette situation est particulièrement grave dans les commissariats de
villes moyennes comme Mâcon, où vous devez vous rendre samedi.
De plus, le projet de budget prévoit certaines transformations et créations
d'emplois. Deux cents emplois d'officiers seront transformés en emplois de
gardiens et brigadiers majors. Huit cents postes de personnels administratifs
et techniques seront créés. Cependant, ces créations de postes ne suffisent pas
à rattraper le retard sur l'objectif de création en cinq ans de 5 000 emplois
administratifs et techniques.
En outre, l'évolution prévisionnelle des effectifs paraît quelque peu
inquiétante. Du fait des recrutements massifs intervenus à la fin des années
soixante, la police doit faire face à un afflux de départs à la retraite,
aggravé par le phénomène, jusqu'à présent sous-estimé, des prises de retraite
anticipées.
Ainsi, la progression des crédits de fonctionnement et d'équipement sera
insuffisante pour répondre aux retards accumulés ces dernières années.
Les crédits de fonctionnement sont insuffisants à plusieurs égards.
L'inscription prévue au profit des services logistiques ne permettra pas de
rattraper le retard en matière de renouvellement du parc automobile. Enfin, le
budget ne prend pas en compte la loi du 15 juillet 2000 sur la présomption
d'innocence s'agissant de l'enregistrement audiovisuel des auditions des
mineurs. Cette disposition entrera en application le 16 juin 2001. Or il faut
aménager les locaux, acheter du matériel et former du personnel.
En outre, parmi les crédits d'investissement, les crédits d'équipement
consacrés au parc lourd se situent à un niveaux équivalent à celui de 2000. Ils
ne permettront pas de résorber le retard cumulé. De plus, les besoins de
rénovation et de construction de locaux resteront très importants, compte tenu,
là encore, des retards accumulés en la matière. Les crédits consacrés au
logement des policiers demeurent, eux aussi, notoirement insuffisants,
considérant que la politique du logement est un élément essentiel de la
fidélisation des agents dans la région parisienne.
La commission de lois constate donc encore une fois que l'effort en matière de
fonctionnement et d'équipement des services est insuffisant pour permettre à la
police d'accomplir normalement ses missions.
Ces observations l'on donc conduite à donner un avis défavorable sur le projet
de budget de la section police-sécurité pour 2001.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et
de l'Union centriste.)
M. le président.
La parole est à M. Schosteck, rapporteur pour avis.
(M. Jean-Pierre Fourcade applaudit.)
M. Jean-Pierre Schosteck,
rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de
législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale,
pour la sécurité civile.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes
chers collègues, j'assume un difficile héritage puisque j'ai la charge de
reprendre un rapport que préparait depuis de nombreuses années, avec talent et
compétence, mon collègue et ami René-Georges Laurin, auquel, bien entendu, je
rends un hommage tout particulier.
Les crédits du ministère de l'intérieur pour la sécurité civile sont en
croissance de 26 % pour 2001. C'est là, bien entendu, un élément dont il faut
nous réjouir.
Toutefois, cette progression, pour importante qu'elle soit, ne doit pas faire
illusion puisqu'elle résulte de deux facteurs incontournables : d'une part, les
conséquences de la professionnalisation des armées, les personnels appelés du
service national devant être remplacés par des engagés et des volontaires :
d'autre part, l'engagement effectif, mais avec retard, du programme
d'acquisition d'hélicoptères BK 117, neuf livraisons étant prévues en 2001.
Les crédits de l'Etat pour la sécurité civile - 2,7 milliards de francs, dont
1,6 milliard de francs au titre du ministère de l'intérieur - couvrent les
moyens opérationnels lourds : flotte aérienne, unités militaires, service de
déminage. Ils sont à rapprocher des 13 milliards à 15 milliards de francs
engagés par les collectivités territoriales pour le fonctionnement des services
départementaux d'incendie et de secours.
L'attachement constant de l'opinion publique à la qualité de prestations de
plus en plus diversifiées des services de sécurité civile a été conforté par
l'efficacité, le professionnalisme et le dévouement dont les personnels de
sécurité civile ont su faire preuve lors des graves catastrophes qui ont
marqué, ces derniers mois, notre pays.
La commission des lois, évidement unanime, tient à rendre hommage à tous les
secouristes et, en particulier, aux onze sapeurs-pompiers et aux deux démineurs
décédés en service l'an dernier, ainsi qu'aux douze sapeurs-pompiers qui ont
trouvé la mort au cours des huit premiers mois de l'année 2000.
La commission approuve les diverses mesures indemnitaires et statutaires
d'harmonisation prises en faveur des sapeurs-pompiers volontaires et
professionnels, parallèlement à la départementalisation des services d'incendie
et de secours et elle constate leur coût élevé pour les collectivités
territoriales.
Tout en affirmant la nécessité de payer le prix de la sécurité civile - il
s'agit d'un élément incoutournable de la sécurité en général - la commission
des lois souligne la nécessité de procéder à une révision approfondie mais
concertée des conditions de son financement, afin que l'Etat supporte une part
de l'effort qui soit moins éloignée de ses responsabilités en la matière.
La commission souhaite vivement que les élus soient étroitement associés par
le Gouvernement aux réflexions qu'il a engagées dans la perspective d'une
révision des lois de 1996 sur la sécurité civile.
Je souhaite également bien marquer aujourd'hui, mais surtout pour l'avenir,
les enseignements que nous devons tirer de la gestion des catastrophes de
grande ampleur que notre pays a connues. Il importe en effet de s'interroger
avant qu'il ne soit trop tard sur les premiers enseignements que nous pouvons
tirer de la façon dont ont été gérées les conséquences de ces catastrophes.
Nous attendons les conclusions de la mission interministérielle d'évaluation
présidée par M. Gilles Sanson, inspecteur général de l'administration. Mais
nous connaissons déjà ce qu'indiquait fort judicieusement le président
Christian Poncelet devant notre assemblée le 18 janvier dernier : « Nous ne
pourrons pas éluder plus longtemps les questions posées par la multiplication
des phénomènes naturels qui affectent notre pays. Il convient sans aucun doute
de s'interroger sur l'adéquation de notre dispositif de réaction aux situations
d'urgence et sur la nécessité de renforcer une culture de gestion de crise,
dont Jean-Pierre Chevènement soulignait, le 9 février 2000 devant le Sénat,
qu'elle était "très présente chez nos compatriotes de l'outre-mer, confrontés
au retour régulier des cyclones tropicaux" ».
Ainsi, d'une part, les services de la météorologie semblent avoir sous-estimé
l'intensité des tempêtes et, d'autre part, de nombreuses personnes ont eu le
sentiment de n'avoir pas été informées en temps utile des risques encourus et
des précautions à prendre le cas échéant. Chacun a tenu à souligner l'action
exemplaire des agents des services publics et, en particulier, celle des
sapeurs-pompiers, et les événements ont démontré l'impératif d'un service
public de proximité présent en toutes parties du territoire.
Les tempêtes ont illustré tout l'intérêt de disposer de « pompiers citoyens »,
proches de la population et du terrain, même si, par ailleurs, leur action doit
être coordonnée avec celle des services départementaux d'incendie et de
secours, dont l'utilité n'est évidemment pas en cause.
C'est à juste titre qu'a été souligné l'esprit de solidarité dont de nombreux
citoyens ont su faire preuve, ce qui constitue, selon l'expression du président
Christian Poncelet, « la plus belle réponse que les Françaises et les Français
pouvaient apporter à ceux qui dénoncent la frilosité et l'égoïsme de nos
compatriotes ».
Les événements de l'hiver dernier ont aussi démontré la capacité des élus
locaux à faire face à des situations exceptionnelles, à organiser la solidarité
et à mobiliser les énergies.
Comme l'a souligné encore le président Christian Poncelet, « par le maillage
de notre territoire qu'elles assurent, les collectivités locales ont constitué,
face aux intempéries, un formidable filet de sécurité. Une fois de plus, les
élus ont confirmé leur rôle irremplaçable au service des populations. La
décentralisation, c'est bien le service public de proximité ».
Toutefois, les conséquences pratiques des décisions gouvernementales se sont
trop souvent fait attendre et l'on peut parfois regretter un délai excessif
entre l'effet d'annonce et le déblocage effectif des crédits.
Les graves inondations survenues en novembre 1999 dans plusieurs départements
du sud de la France et ayant entraîné la mort de trente-cinq personnes et des
dégâts considérables - 3,5 milliards de francs pour l'indemnisation des
dommages - ne peuvent malheureusement pas être analysées comme des événements
totalement exceptionnels.
Le rapport public de 1999 de la Cour des comptes comporte un développement sur
la prévention des inondations en France. Il rappelle que celles-ci constituent
le risque naturel prédominant dans notre pays, en raison de l'importance de son
réseau de cours d'eau - plus de 275 000 kilomètres - du peuplement sur les
rives - 11 600 communes et 2 millions d'habitants - et de son exposition aux
deux grands types de crues, crues de plaine et crues torrentielles.
Ainsi, en dix-huit mois - de janvier 1999 à juin 2000 - en dehors des effets
des tempêtes de décembre 1999, on a enregistré douze inondations de grande
ampleur ayant provoqué la mort de cinquante et une personnes.
Le rapport de la Cour des comptes souligne, en premier lieu, que
l'insuffisance des dispositifs juridiques successivement mis en place a eu pour
effet, jusqu'à présent, de freiner sensiblement notre connaissance du risque
d'inondation.
La Cour des comptes remarque d'abord que le retard pris pour se doter d'un
instrument juridique unique de prévention - les plans de prévention des risques
naturels - ne permet pas d'espérer une connaissance suffisante des risques sur
l'ensemble du territoire avant un certain nombre d'années, d'autant que les
plans de prévention des risques élaborés à ce jour sont encore trop peu
nombreux : 2 500 communes en sont dotées et, au total, 5 000 communes devraient
en bénéficier d'ici à 2005.
La commission des lois avait souligné l'an dernier que « pour l'essentiel, les
obstacles semblaient provenir d'une information insuffisante des élus locaux
(...), l'Etat ne paraissant pas les associer de manière satisfaisante à la
politique de prévention ».
La Cour des comptes mentionne qu'aucun plan de prévention n'a été prescrit
pour des villes fluviales importantes comme Lyon, Toulouse, Bordeaux, Rouen et
Orléans.
Elle considère que « la situation générale de méconnaissance de ce risque en
Ile-de-France, à l'exception principalement des Yvelines et, depuis peu, de la
Seine-et-Marne, est alarmante »
(MM. Jean-Jacques Hyest et Jean-Pierre Fourcade s'exclament)
et qu'« à
Paris... la protection n'est pas assurée contre une crue de type 1910 ».
Elle souligne la rareté des analyses économiques du risque d'inondation et
l'absence de méthodologie générale adaptée à l'échelon national, rappelant
qu'une étude limitée à l'échelon local ne peut suffire au regard de ce risque,
qui doit être traité au niveau des grands versants.
Elle relève que le dispositif juridique en matière de prévention des
inondations est « inadapté, confus et obsolète », qu'il appelle une réforme
d'ensemble et qu'elle « ne peut aujourd'hui se concevoir en dehors d'une
coopération étroite et d'un financement partagé entre l'Etat et les groupements
de collectivités,... avec une définition claire de toutes les responsabilités
en jeu ».
Enfin, la Cour des comptes signale la complexité de l'organisation
administrative en matière de lutte contre les inondations - cinq directions
relèvent de quatre ministères - et les limites du régime d'assurance, marqué
par la déresponsabilisation des assurés - un taux unique de la surprime liée
aux catastrophes naturelles est fixé sans que soit pris en compte le degré de
vulnérabilité des biens - et par l'indifférence des assureurs, puisqu'il existe
des mécanismes de réassurance auprès de la caisse centrale de réassurance,
elle-même garantie par l'Etat.
C'est ainsi que Jacques Fleury, député de la Somme, a été chargé par le
Premier ministre d'une mission temporaire sur les problèmes rencontrés dans la
mise en oeuvre de la réforme des services d'incendie et de secours. Il a ainsi
suggéré de procéder à une nouvelle répartition des compétences des services
d'incendie et de secours axées sur celles du département et de prévoir un
financement adapté à chaque niveau d'organisation, ainsi que diverses mesures
d'accompagnement. Nous aurons bien entendu l'occasion d'en débattre de façon
plus approfondie lorsqu'un texte nous sera soumis. Nous l'attendons !
La commission pour l'avenir de la décentralisation, présidée par Pierre
Mauroy, a constaté que les services départementaux d'incendie et de secours
fonctionnaient mal, faute d'être placés sous une autorité administrative
clairement identifiée, puisqu'ils sont des établissements publics communs aux
départements, aux communes et aux structures intercommunales. Elle a souligné
que la question du financement des SDIS était une source de conflits entre
collectivités.
La commission Mauroy a envisagé que les services départementaux d'incendie et
de secours, compte tenu de leur vocation territoriale, « soient au minimum
placés sous l'autorité du président du conseil général ».
M. Jean-Jacques Hyest.
Très bien !
M. Jean-Pierre Schosteck,
rapporteur pour avis.
Je n'aurais garde d'oublier, bien entendu, la
mission sénatoriale d'information chargée de dresser le bilan de la
décentralisation et de proposer les améliorations de nature à faciliter
l'exercice des compétences locales. Celle-ci a préconisé un renforcement du
rôle des départements dans le fonctionnement des services d'incendie et de
secours.
Monsieur le ministre, vous avez vous-même annoncé, le 7 octobre dernier, que
les « retours d'expérience des catastrophes naturelles » et les réflexions en
cours devraient conduire au dépôt, dès l'automne 2001, d'un projet de loi sur
la sécurité civile, tandis que « des dispositions notamment plus techniques »
pourraient aussi être soumises au Parlement dans des délais plus proches.
Enfin, le Premier ministre a considéré, le 22 novembre 2000 devant le congrès
de l'Association des maires de France, que la loi de 1996 sur les services
d'incendie et de secours n'avait pas atteint ses objectifs et qu'elle était «
source de confusions et de litiges ». Il a ajouté que la législation en la
matière devait « être révisée dès l'année prochaine ».
La commission des lois demande instamment que les orientations proposées par
le Gouvernement soient précédées d'une étude d'impact approfondie, ainsi que
d'une concertation étroite avec toutes les parties concernées et
particulièrement, bien entendu, les élus locaux.
En conclusion, la commission des lois a estimé qu'elle ne pouvait méconnaître
l'effort sensible réalisé par l'Etat, qui augmente ses crédits de 26 % pour
2001, tout en rappelant les raisons conjoncturelles de cette augmentation. Elle
souhaite vivement que cet effort soit poursuivi plus profondément encore dans
les années qui viennent, car elle est très préoccupée de la menace que fait
courir à nos régions, jusqu'ici, semble-t-il, plutôt épargnées, l'évolution de
la climatologie.
Cette satisfaction relative ne lève donc pas les inquiétudes pour l'avenir et
cette double constatation a conduit la commission à ne pas vouloir rejeter ces
crédits, sans aller toutefois jusqu'à les approuver sans réserve. Elle s'en
remet donc à la sagesse du Sénat pour cet avis, partiel il est vrai, sur les
crédits de la sécurité civile.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des
Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines
travées du RDSE.)
M. le président.
J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la
conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour
cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République, 10 minutes ;
Groupe socialiste, 17 minutes ;
Groupe de l'Union centriste, 11 minutes ;
Groupe des Républicains et Indépendants, 10 minutes ;
Groupe du Rassemblement démocratique et social européen, 5 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 5 minutes.
Mes chers collègues, je vous rappelle qu'en application des décisions de la
conférence des présidents aucune intervention des orateurs des groupes ne doit
dépasser dix minutes.
Par ailleurs, le temps programmé pour le Gouvernement est prévu au maximum
pour quarante minutes.
Compte tenu des anciennes fonctions de M. le ministre de l'intérieur, je suis
sûr qu'il aura à coeur de veiller au strict respect des décisions de la
conférence des présidents.
Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Peyronnet.
M. Jean-Claude Peyronnet.
Monsieur le ministre, vous nous l'avez dit en commission des lois, le budget
de la sécurité que vous nous proposez est un budget de consolidation marqué par
une progression d'ensemble modérée de 1,86 % pour la police nationale, mais une
progression plus significative dans le détail : 5,8 %, soit près de 1 milliard
de francs pour les crédits de fonctionnement.
S'agissant de la sécurité civile, son budget connaît une augmentation très
sensible des crédits d'équipement. Au total, la hausse s'élève à 26 %, soit 1,6
milliard de francs. Je suis néanmoins conscient que, pour procéder à des
comparaisons, la bonne rigueur commande de retirer la part importante que
représentent les cotisations sociales, mais pas les hélicoptères, monsieur le
rapporteur pour avis, car, même si leur acquisition était programmée depuis
longtemps, c'est cette année que les crédits sont inscrits au budget.
Le budget est donc convenable en ce qui concerne la police et très
satisfaisant pour ce qui est de la sécurité civile. Autant dire que c'est sans
le moindre état d'âme que le groupe socialiste votera à l'unanimité le budget
de la sécurité.
On notera que, dans le détail, s'agissant de la police, ce budget est bien
conforme aux priorités identifiées par le Gouvernement depuis trois ans. Il
s'inscrit donc dans la continuité d'une politique qu'il convient de juger sur
la durée et sur sa dynamique. La police de proximité, en particulier, demeure
bien l'une des toutes premières priorités du Gouvernement après la lutte contre
le chômage. Elles a déjà donné des résultats très positifs ; j'y reviendrai.
On notera aussi que, dans le cadre de la poursuite de cette action de
proximité, 1 810 policiers seront affectés dans les 176 circonscriptions
supplémentaires.
On retiendra d'ailleurs que, en ce qui concerne les moyens de fonctionnement,
dont la police de sécurité est un élément, les crédits augmentent de 6,9 % et
même de 10 % si, comme on le doit, on y ajoute les 200 millions de francs du
collectif budgétaire.
On notera enfin que l'équipement en informatique respecte le schéma directeur
informatique, avec une progression de 6,67 % et un agrégat qui augmente de 22 %
si on y ajoute la police technique et scientifique et les transmissions.
De même, en matière d'équipement motorisé, les 65 millions de francs consacrés
au parc lourd semblent satisfaisants. En revanche, la progression de 30 % des
crédits affectés au parc automobile semble un peu juste au regard de l'état de
ce dernier.
Enfin, des mesures catégorielles, qu'il ne faut pas oublier - elles
représentent 160 millions de francs - doivent permettre d'améliorer l'exercice
du métier de fonctionnaire de police. On retiendra tout particulièrement
l'indemnité de police de proximité.
Il s'agit d'un bon budget, donc, et il est mal venu de donner ici ou là des
leçons quand on sait le retard considérable qui avait été pris dans la mise en
oeuvre de la loi de programmation, lors de la législature précédente.
Il reste quelques points que je souhaiterais aborder dans la perspective d'une
amélioration de l'efficacité de la police.
Quoi qu'on en dise, et en préalable, la délinquance sur la voie publique a
diminué. Si l'on constate, en 2000, une progression d'ensemble des infractions,
c'est en raison de la petite délinquance financière, notamment le trafic de
cartes bleues, et de la délinquance économique qui, elle, peut se révéler
beaucoup moins « petite ». Autrement dit, votre police de proximité porte ses
fruits, monsieur le ministre. Cependant, elle doit s'adapter, en collant au
terrain comme elle le fait, mais aussi en prenant en compte les nouvelles
formes, souvent plus sophistiquées, de la délinquance. De ce point de vue, il
est probable que les 100 millions de francs d'investissement réservés aux
locaux - bureaux de police, points contact de police - sont un peu
insuffisants.
Mais la question est surtout celle des hommes, de leur nombre et de leur
comportement. Monsieur le ministre, avez-vous assez de personnels pour mettre
en oeuvre vos légitimes ambitions ? Que va-t-il advenir des adjoints de
sécurité, les ADS, dont les premiers, et les meilleurs, sont entrés dans la
police comme fonctionnaires, ce qui est une bonne chose, mais dont il est,
semble-t-il, de plus en plus difficile d'assurer le remplacement ? Le marché de
l'emploi y est sûrement pour quelque chose, et personne ne s'en plaindra. Mais
est-on sûr de suffisamment informer les jeunes sur les perspectives de carrière
? Est-on sûr de leur donner tous les moyens de formation pour qu'ils puissent
passer dans de bonnes conditions examens et concours ?
Des réponses sur ces points sont souhaitables, car les ADS sont
indispensables, en particulier avec la fin du service national dans le courant
de l'année 2001.
On a l'impression que les policiers dédiés à la voie publique sont quelquefois
bien seuls. Certes, il faut poursuivre l'effort pour que les tâches de
mécanicien, d'électricien, de cuisinier ne soient plus assurées par des
fonctionnaires de police. De même, il faut continuer à réduire les gardes
statiques.
Reste que l'action policière devrait être l'émanation du corps social et, à ce
titre, être essentiellement menée en partenariat avec la justice. Après avoir
signé un contrat local de sécurité, le procureur de la République joue-t-il
bien le jeu de la concertation avec la police ? Je n'en suis pas si sûr. De
même, l'action policière doit se comprendre en partenariat avec l'éducation
nationale, les collectivités locales, les élus et leurs travailleurs sociaux,
voire avec le milieu associatif. Une concertation renforcée avec tous ces
interlocuteurs qui connaissent bien leur circonscription, leur quartier devrait
permettre un meilleur repérage de la délinquance et, partant, une prévention
efficace.
Par ailleurs, tous les services du ministère sont-ils bien utilisés ? La
gestion des CRS n'est-elle pas d'une lourdeur excessive ? Est-il bien
nécessaire de demander aux renseignements généraux des analyses ou des
prospectives politiques, au demeurant assez aléatoires, alors même qu'ils
pourraient jouer un rôle majeur avec la police judiciaire en identifiant, par
exemple, la délinquance, parfois la grande délinquance, cachée dans les
quartiers sous le faux nez de certaines associations, notamment cultuelles ?
Voilà des pistes sur lesquelles j'aimerais avoir votre sentiment, monsieur le
ministre.
Je parlerai maintenant des services de sécurité civile pour lesquels, je l'ai
souligné, vous nous proposez un très important effort d'équipement.
Les services départementaux d'incendie et de secours, les SDIS, font
actuellement l'objet de critiques unanimes, quelquefois même excessives. Je le
dis avec d'autant plus d'objectivité que je n'ai pas voté la loi qui les a
réformés. Que pensez-vous en faire ? Je n'oserai pas vous demander de suivre le
rapport Mauroy en créant un grand service national de sécurité civile sous
l'autorité de l'Etat, mais avez-vous l'intention, comme le préconisent le
rapport Fleury et la commission Mauroy, d'adosser les SDIS aux conseils
généraux et, dans l'affirmative, dans quelles conditions financières ?
Peut-être sommes-nous au début d'un processus, mais quelques éclaircissements
nous seraient utiles.
J'en viens aux méfaits de la tempête. Le projet de loi de finances
rectificative prévoit une « rallonge » de 75 millions de francs pour les
collectivités locales victimes des intempéries de la fin de l'année dernière.
J'ignore si c'est suffisant ; d'ailleurs, personne ne le sait, parce que les
préfectures n'ont pas encore pu clairement et définitivement arrêter les
comptes. Ce qui est certain, monsieur le ministre, c'est que les choses vont
durer. Les dégâts, dans les communes forestières en particulier, sont
considérables et se feront sentir pendant encore deux ans au moins. Ainsi, les
débardages sont toujours en cours et se prolongeront, dans la plupart des cas,
pendant plusieurs années.
Je sais bien qu'en la matière, une part importante des crédits provient
d'autres ministères, en particulier du ministère de l'agriculture. Mais je
voulais attirer l'attention du Gouvernement, que vous représentez tout entier
ici, sur un problème qu'il ne faudrait pas oublier.
Monsieur le ministre, quel confort que d'être dans l'opposition ! On peut sans
vergogne affirmer un certain nombre de choses dans le détail et le contraire
dans la synthèse finale. Mais je ne donne pas de leçons, nous avons fait de
même. (
Sourires.)
Ainsi, nos rapporteurs, toujours excellents, ont cédé
à la tentation du toujours plus, réclamant plus de policiers - et des vrais - ,
plus de police de sécurité, plus d'hélicoptères, plus de crédits
d'investissement pour les locaux et plus de moyens pour les préfectures. Mais
il ne faut pas être grand clerc pour deviner que le Sénat, dans sa majorité,
votera finalement contre le projet de loi de finances, invoquant le laxisme du
Gouvernement et des dépenses prétendument excessives.
Quant à nous, monsieur le ministre, nous voterons ce budget, et sans états
d'âme !
(Applaudissements sur les travées socialistes ainsi que sur celles
du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président.
La parole est à M. Demuynck.
M. Christian Demuynck.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, depuis le
conseil de sécurité intérieure du 27 janvier 1999, nous connaissons le remède
miracle du Gouvernement contre l'insécurité dans nos quartiers : la police
urbaine de proximité.
Expérimentée tout d'abord dans quelques sites pilotes, dont celui de la cité
des Bosquets, à Montfermeil, en Seine-Saint-Denis, elle serait progressivement
généralisée à l'ensemble du territoire en 2002. A l'évidence, nous serions en
droit d'attendre du ministère de l'intérieur qu'il dégage, dès 2001, des moyens
importants en rapport avec les ambitions affichées.
Disons-le clairement : de l'avis des policiers eux-mêmes, la police de
proximité constitue une bonne réforme, mais elle nécessitera des crédits
considérables. Hélas ! ce budget n'apparaît manifestement pas adapté aux
prétentions gouvernementales, laissant même craindre un scandaleux effet
d'annonce à visée électoraliste.
Comment, en effet, imaginer que 800 créations d'emplois administratifs
destinées à libérer les policiers de tâches bureaucratiques et une maigre
augmentation de 7 % des crédits de fonctionnement de la police nationale seront
de nature à financer non plus 62 mais 170 unités de police de proximité ?
Cette réforme d'envergure se traduira par une hausse, jugée exceptionnelle, de
4,4 % des crédits du ministère de l'intérieur, hors concours aux collectivités
locales.
Dès lors, mettre en oeuvre la réforme à effectifs budgétaires presque
constants revient à condamner une bonne idée, faute d'une réelle volonté
politique. Cela revient également à faire de la sécurité urbaine l'apanage de
quelques zones privilégiées, et ce au détriment de bien d'autres, dont les
commissariats seront priés de fournir leurs contingents de fonctionnaires aux «
sites vitrines ».
D'ailleurs, ne voit-on pas aujourd'hui les brigades de roulement dites «
police secours » littéralement dépecées, réduites aux effectifs minimum, à
seule fin d'alimenter ces unités ?
Rien qu'en Seine-Saint-Denis les syndicats de policiers s'accordent tous à
reconnaître la nécessité de recruter plus de 400 fonctionnaires
supplémentaires, non pas pour pallier ces ponctions, mais seulement pour
satisfaire les besoins induits par l'insécurité ambiante.
Tout cela pour vous dire que, si vous ne décidez pas de débloquer des moyens à
la hauteur des enjeux, ces sites pilotes dissiperont difficilement une
impression de tromperie sur la marchandise, tout particulièrement en
Seine-Saint-Denis, département malheureusement toujours en pointe dans les
statistiques de l'insécurité.
Tous les Séquano-Dyonisiens ont compris, hélas ! que les moyens prétendument
énormes déployés par un gouvernement bien présomptueux sont insuffisants. J'en
veux pour preuve l'augmentation irrésistible des crimes et délits entre 1998 et
1999, de l'ordre de 7 %. Le taux de criminalité y est de 87,42 pour mille
habitants, la moyenne nationale étant de 60 pour mille habitants.
Tout cela pour vous dire que la police de proximité ne parviendra pas à
juguler la délinquance et la criminalité quotidiennes, pour la simple et bonne
raison que les crédits sont dérisoires au regard de la réforme souhaitée.
A moins, bien sûr, que, derrière la faiblesse des moyens, ne se cache le désir
de « sous-traiter » de plus en plus de dépenses aux collectivités locales, ce
qui serait proprement scandaleux !
Outre le fait que les contrats locaux de sécurité demeurent les grands absents
de ce projet de loi de finances, force est de déplorer que les relations
quotidiennes entre les municipalités et la police nationale sont complètement
occultées. Pourtant, combien de communes sont-elles amenées à prendre en charge
une partie des dépenses matérielles des commissariat !
Chaque fois que je prends la décision de repeindre le poste de police de ma
ville, Neuilly-Plaisance, d'acquérir une voiture, des VTT, des uniformes pour
les brigades à vélo ou des ordinateurs, je ne peux m'empêcher de repenser aux
mots très forts de votre prédécesseur, M. Chevènement, venant ici proclamer le
caractère fondamental et exclusif de la responsabilité de l'Etat en matière de
sécurité. Je n'aurais rien à redire à de tels propos, si le ministère de
tutelle s'attaquait réellement à la pauvreté des commissariats.
Ma crainte, aujourd'hui, est de voir le Gouvernement ne rien faire pour
remédier à cette situation et continuer de s'appuyer sur les communes à seule
fin de se ménager quelques marges de manoeuvre financières.
Nous avons désormais la preuve que la police de proximité se fera à effectifs
et à budget presque constants. Pour cette raison, les collectivités
territoriales seront, hélas ! contraintes de financer la police nationale,
soucieuses qu'elles sont de garantir la sécurité de leurs administrés.
Pour toutes ces raisons, et parce que votre budget est loin d'être à la
hauteur des véritables enjeux, monsieur le ministre, je ne pourrai que m'y
opposer.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et
de l'Union centriste.)
M. le président.
La parole est à M. Hyest.
M. Jean-Jacques Hyest.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je pourrais
bien évidemment consacrer de longs développements à la sécurité, mais les
rapporteurs l'ont fait excellemment, qu'il s'agisse de la police ou de la
sécurité civile. Aussi, monsieur le ministre, je me contenterai de vous poser
quelques questions et d'évoquer quelques problèmes.
Je commencerai par la police. Dans le pays, et même quelquefois dans la
capitale, monsieur le ministre, on parle beaucoup des relations entre les élus
et la police. Cela vient du fait, selon moi, que les contrats locaux de
sécurité ne sont pas suffisants pour associer réellement les maires à cette
mission de sécurité.
L'erreur, en fait, est de ne pas comprendre que le maire est autorité de
police, aux termes du code général des collectivités territoriales. La police
municipale, dont le maire est responsable, c'est la sûreté, le bon ordre, la
sécurité et la salubrité publiques. Et le maire ne serait pas associé
régulièrement à ce qui se fait au titre du contrat local de sécurité ?
Les contrats locaux de sécurité sont une très bonne idée, à condition,
monsieur le ministre, qu'ils soient structurés autour des maires, d'abord, que
les réunions, que je souhaite régulières, fassent l'objet d'un compte rendu, et
les travaux d'une évaluation. A défaut, c'est risquer de décourager tous les
élus et tous les partenaires. Il reste, de ce point de vue, beaucoup d'efforts
à faire car à quoi bon signer des contrats locaux de sécurité si les
signataires n'y croient bientôt plus ?
En outre, je pense, comme les rapporteurs, qu'il faut associer impérativement
les parquets à cette mission. Sinon, on ne fera diminuer ni l'insécurité ni,
surtout, le sentiment d'insécurité.
D'ailleurs, d'une manière générale, monsieur le ministre, on peut toujours
prétendre que la délinquance diminue ou qu'elle augmente. Mais, sans des outils
vraiment fiables, qu'il reste à trouver, l'exercice est un peu vain, d'autant
que les statistiques de la police et de la gendarmerie ne reposent pas sur les
mêmes bases.
S'agissant du coût des tâches parajudiciaires - je ne parle pas des tâches
indues - il est évident que la police et la gendarmerie consacrent beaucoup de
temps aux transfèrements, notamment. La justice ne compte pas, de ce point de
vue. M. Carraz et moi-même avions demandé, et je pense que ce serait toujours
utile, que l'on procède en la matière comme pour l'assurance maladie : l'assuré
reçoit son relevé de soins sur lequel figure le coût que la collectivité a
assumé pour telle ou telle opération. De même, on pourrait envoyer au
parquetier et au juge une fiche de coût pour le transfèrement demandé. Après
tout, cela ferait peut-être réfléchir certains. Il conviendrait, d'ailleurs,
d'assurer une meilleure coordination de la centralisation des demandes de
transfèrement et d'extraction ; l'expérimentation est en cours. Pour l'heure,
on constate un grand gaspillage, et la police serait mieux utilisée
ailleurs.
M. Gérard Braun.
Très bien !
M. Jean-Jacques Hyest.
Troisième observation, nous savons tous qu'une des difficultés rencontrées
pour la mise en oeuvre du plan de réorganisation de la police et de la
gendarmerie tient à la crainte qu'ont éprouvée les policiers de ne plus pouvoir
être mutés dans des zones un peu moins sensibles que celles où ils ont été
affectés en début de carrière. La raison en est qu'il n'y a pas de politique du
logement. Des crédits sont bien alloués, mais ils sont insuffisants.
Il est évident que, notamment en région d'Ile-de-France, si l'on ne fait pas
un effort très significatif, les policiers continueront à avoir pour objectif
de partir le plus vite possible.
La fidélisation, condition de la police de proximité que vous mettez en place,
monsieur le ministre, nécessite une vraie politique sociale, notamment en
faveur des jeunes fonctionnaires.
Je ne pense pas que cela soit suffisant, même si des efforts sont faits.
Aujourd'hui, nous le savons bien, l'obligation de résidence, qui est pourtant
prévue par le statut de la police nationale, n'est pas respectée. Comment
pourrait-elle l'être ? Les policiers travaillent dans des zones difficiles, ils
ne peuvent pas en plus y être logés. A cet égard, une réflexion doit être menée
sur le plan local avec les préfets pour instaurer une véritable politique du
logement dans la police nationale.
M. Jacques Machet.
Très bien !
M. Jean-Jacques Hyest.
Ma dernière question concerne la sécurité civile. On parle beaucoup de la loi
de 1996. J'ai même entendu dire qu'il fallait des pompiers de terrain. Or tous
les pompiers sont des hommes de terrain. Il ne faut pas séparer les
professionnels et les volontaires. Je crois que la départementalisation malgré
tout le permet, quand elle est menée de manière coordonnée.
J'ai toujours considéré que le département, et pas seulement pour cette
mission, était le lieu où pouvaient s'exercer la solidarité et une bonne
péréquation. Il y a effectivement des problèmes de financement. La loi de 1996
a révélé qu'un certain nombre de collectivités n'avaient pas suffisamment de
moyens pour assurer les secours. La sécurité civile, comme la sécurité
d'ailleurs, a un coût. Si on n'y consacre pas entre 300 francs et 350 francs
par habitant et par an, on n'a pas les moyens réels de mettre en oeuvre une
politique de sécurité civile.
Il faut que l'Etat apporte son aide, car des départements sont très démunis.
Vous avez prévu une petite part de la dotation globale d'équipement pour les
SDIS, les services départementaux d'incendie et de secours. C'est bien. Une
réflexion est en cours. Le rapport Fleury a formulé des propositions
intéressantes. L'Association des maires de France et l'Assemblée des
départements de France en ont fait également.
J'en suis convaincu, il ne faut pas entretenir le climat malsain qui existe
dans certains départements. Nous rencontrons tous des problèmes pour
l'aménagement et la réduction du temps de travail des sapeurs-pompiers. En
effet, compte tenu des conditions d'exercice de leurs missions, ce n'est pas
forcément facile et toutes les dérives peuvent exister dans ce domaine, avec
des risques d'explosion des budgets des SDIS.
S'agissant des budgets, j'évoquerai un point particulier, monsieur le
ministre. Je suis frappé de l'augmentation des interventions des
sapeurs-pompiers au titre du secours médical d'urgence. Il s'agit là d'un vrai
problème. Cette situation résulte à la fois des restrictions de crédits
imposées aux hôpitaux et d'une mauvaise organisation, parfois, avec les
médecins libéraux et les ambulanciers. Par conséquent, il est plus simple
d'appeler les pompiers. S'agissant de ce type d'interventions, j'ai constaté,
dans mon département, une augmentation d'une année sur l'autre de plus de 7 %.
J'ai mis en place un dispositif de vérification de la nature de ces
interventions pour que nous sachions exactement où nous en sommes. Je considère
qu'elles ne relèvent pas des missions des services d'incendie. Si elles leur
sont confiées, car ils sont désormais bien équipés et comptent de plus en plus
souvent parmi eux des infirmiers et des médecins ; ils devraient être
remboursés par les agences régionales de l'hospitalisation,...
M. Paul Girod.
Effectivement !
M. Jean-Jacques Hyest.
... comme le sont les SMUR et les SAMU. En effet, quand les pompiers viennent
chercher un malade à son domicile parce qu'aucun autre service public ne peut
intervenir, il n'y a pas de raison que les frais que cette intervention génère
ne leur soient pas remboursés. (
M. Jacques Machet applaudit.).
C'est
d'ailleurs une des propositions du rapport Fleury. Elle pourrait être mise en
oeuvre très rapidement si les instructions nécessaires étaient données, car
cela ne nécessiterait pas l'intervention du législateur. Les services
d'incendie et de secours verraient ainsi leur rôle conforté et leurs moyens
seraient mieux utilisés.
Telles sont les quelques observations que je souhaitais faire sur ce budget.
J'aime être concret et répugne à me lancer dans de grands débats. S'agissant du
budget de la sécurité, certains affichent un réel optimisme. Pour ma part, je
considère, monsieur le ministre, qu'il règne un profond malaise dans la police
et qu'il est temps de rassurer ces fonctionnaires, d'autant que, d'ici à
quelques années, leurs effectifs connaîtront un profond renouvellement, qui
n'est pas totalement préparé.
(Très bien ! et applaudissements sur les
travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et
Indépendants.)
M. le président.
La parole est à M. Plasait.
M. Bernard Plasait.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, «
l'insécurité n'est pas un fantasme ». La formule est connue ; la réalité
qu'elle recouvre est, hélas ! toujours bien trop occultée. En effet, même si
une partie de la gauche a pu sembler s'y rallier, c'était pour aussitôt en
limiter la portée.
Ce gouvernement ne fait pas exception puisqu'il veut, par tous les moyens,
accréditer l'idée lancée par votre prédécesseur, monsieur le ministre, et selon
laquelle « l'insécurité est parfaitement contenue dans notre pays ». Or, force
est de constater et de déplorer, mes chers collègues, que tel n'est pas le cas.
Bien au contraire ! Les faits sont accablants. La criminalité et la délinquance
augmentent. Depuis 1997, les hausses succèdent aux augmentations.
Ainsi, au premier semestre 2000, le nombre de crimes et de délits constatés en
France s'est établi à 1 844 493, soit une augmentation de 2,5 % par rapport au
premier semestre de 1999. Cette hausse est minime, dira-t-on, avec l'habileté
des mots. Mais elle représente tout de même, excusez du peu, 100 000 actes de
délinquance supplémentaires en année pleine. Ce résultat confirme la tendance
enregistrée depuis l'installation de votre majorité puisque la hausse a été de
2,3 % au premier semestre de 1998 et s'élève à 3,4 % au premier semestre de
1999.
Voilà la dure réalité des chiffres, que masque une présentation officielle
toujours plus habile.
A Paris, monsieur le ministre, le préfet de police fait de la communication
sur la baisse de 7,6 % de la délinquance sur la voie publique au cours des dix
premiers mois de cette année, pour mieux atténuer la hausse de 1,8 % du total
des infractions recensées dans la capitale.
Plus alarmantes encore sont certaines hausses particulières.
Sur le plan national, au cours des six premiers mois de cette année, les
crimes et les délits contre les personnes ont augmenté de 6,1 %, parmi lesquels
on note une progression de 10,2 % des coups et blessures volontaires et de 6,3
% des viols.
Les vols, toutes catégories confondues, sont stables, mais les vols avec
violences progressent de 14,7 % et les vols à main armée de 5,2 %, la palme
revenant aux vols avec violences commis contre des particuliers à domicile, qui
connaissent une hausse de 23,1 %.
Aussi, je ne peux m'empêcher d'avoir une pensée pour toutes les victimes,
fortement traumatisées par ces agressions, de plus en plus violentes.
Le pouvoir des mots est habilement utilisé pour affadir la dramatique réalité.
Les truands ont disparu ; ce ne sont plus que des malfaiteurs, alors même que
les règlements de comptes se multiplient. Les petis délits, pourtant réprimés
par le code pénal, ont cédé la place aux « incivilités », pour mieux signifier
qu'il faut être « gentil » avec ces « pauvres » petits délinquants.
« Vous n'êtes pas tolérants », a-t-on répondu à de téméraires habitants du
XVIIIe arrondissement, qui s'étaient risqués à formuler quelques récriminations
à leurs élus locaux.
La tolérance doit avoir ses limites. Et je suis de plus en plus choqué par
certains faits. Je pense, par exemple, aux dealers qui ne prennent même plus la
peine de ranger leur marchandise au passage d'un véhicule de police.
Mais que l'on se rassure, la sécurité demeure un droit de l'homme.
Le seul problème, si j'ose dire, c'est que le Gouvernement se cache derrière
les mots pour mieux dissimuler son échec en matière de sécurité, pourtant
première mission de l'Etat.
En matière de sécurité, le moins que l'on puisse dire est que l'égalité n'est
pas assurée partout et à tous. Peut-on dire que celle-ci a encore un sens dans
les 818 quartiers sensibles, répertoriés comme tels par les Renseignements
généraux en 1999 ? « Quartiers sensibles », une autre façon habile d'utiliser
le vocabulaire. Les plus faibles de nos concitoyens sont les premières victimes
de la violence qui règne dans ces quartiers à haute délinquance.
Au point que ces victimes n'osent plus porter plainte, de peur des
représailles. Le « chiffre noir de la criminalité » qu'a évoqué le rapporteur
pour avis, notre excellent collègue M. Jean-Patrick Courtois, dont je salue le
parler juste, est d'autant plus noir qu'il est important.
Les mineurs sont également les premières victimes de la violence qu'ils
génèrent. Et ne pas prendre les mesures efficaces d'éloignement de certains
d'entre eux relève réellement de la non-assistance à personne en danger. Les «
sauvageons » - toujours les mots ! - n'ont pas disparu avec le changement de
ministre.
Conclusion, la situation est grave, d'autant plus préoccupante qu'elle ne
cesse de se détériorer. Et que fait le Gouvernement ?
Il se cache, encore et toujours, derrière les mots, monsieur le ministre.
M. Jean-Louis Carrère.
Tu parles !
M. Bernard Plasait.
Et quel est le mot magique ? La proximité ! Un seul mot, remède à tous les
maux.
Je ne discuterai pas du bien-fondé du terme, même s'il me semble relever du
pléonasme et de l'aveu.
M. Jean-Louis Carrère.
Ah bon ?
M. Bernard Plasait.
Pléonasme, car la police doit tout naturellement être proche des gens qu'elle
est censée protéger. Aveu, parce que c'est l'aveu qu'elle ne l'était plus.
L'orientation pourrait être bonne à la double condition de distinguer les
missions de prévention et de répression et de doter la police de proximité des
moyens nécessaires.
Comme le bon sens le commande, pour être efficace, cette police a besoin de
moyens, à commencer par des fonctionnaires, hommes et femmes, nombreux, bien
formés et disponibles.
Malheureusement, je ne peux que partager l'analyse de M. le rapporteur qui
considère que le succès de cette orientation est gravement hypothéqué par le
manque de moyens.
Alors qu'il aurait fallu accroître les effectifs de façon substantielle,
notamment pour anticiper les départs en retraite, le budget que vous nous
présentez pour 2001 consacre une diminution des effectifs de près de 1 %.
Par conséquent, vous en êtes réduit à gérer la pénurie et à ne compter que sur
les 20 000 adjoints de sécurité qui, à terme, seront recrutés.
Votre politique se réume donc à déshabiller Pierre pour habiller Paul, ce qui
ne manquera pas d'avoir de graves répercussions.
Je ne peux que souligner, comme chaque année, les difficultés de recrutement
rencontrées en région d'Ile-de-France et regretter la très faible formation des
adjoints de sécurité - aucun diplôme n'est exigé - ainsi que les défaillances
du système d'encadrement - le tutorat a échoué -, ce qui nous conduit à voir
patrouiller dans la capitale des adjoints de sécurité livrés à eux-mêmes.
Les Français ont besoin de vrais policiers pour assurer leur sécurité, de
vrais professionnels, bien formés, bien rémunérés et considérés à la mesure des
services qu'ils rendent à la nation tout entière.
Et si je m'associe évidemment à l'hommage rendu aux quatre policiers tués et
aux 4 118 fonctionnaires blessés en mission l'an dernier, je déplore que ce
budget, qui ne fait que stagner en francs constants, ne permette pas de
répondre aux premières urgences, juste aux premières urgences, monsieur le
ministre.
Je pense à la persistance dramatique des tâches indues ainsi qu'aux tâches
administratives pour lesquelles vous avez interrompu, dès 1997, le recrutement
des 4 300 emplois que prévoyait la loi de programmation.
De même, je considère qu'une attention toute particulière doit être portée au
corps des officiers de police qui assument aujourd'hui de très lourdes
responsabilités, sans la juste compensation qu'ils méritent.
Enfin, mais c'est aussi devenu un classique depuis trois ans, je ne peux que
dénoncer l'insuffisance chronique des crédits de fonctionnement et
d'équipement.
Cela conduit, notamment, à un retard préjudiciable du réseau ACROPOL, au
maintien en service de près de 7 000 véhicules qui ont dépassé leurs critères
de réformes et à l'insatisfaction des besoins en logements des policiers,
particulièrement en région parisienne.
Or, la première condition de l'efficacité d'une police, c'est la motivation
des hommes et des femmes qui la font.
Pour cela, il faudrait une politique cohérente et ferme qui, pour reprendre la
formule de Raymond Marcellin, consiste « à créer l'insécurité dans le camp de
nos adversaires ».
Je crains fort, monsieur le ministre, que, avec votre politique, nous n'en
soyons bien loin.
(Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et
de l'Union centriste.)
M. le président.
La parole est à M. Paul Girod.
M. Paul Girod.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je tiens
tout d'abord à m'associer à l'hommage rendu tout à l'heure aux pompiers tués en
service commandé, ainsi qu'à tous ceux qui ont été blessés, sans oublier les
membres des autres forces de sécurité qui veillent sur notre population.
S'agissant des pompiers, je regrette que l'Assemblée nationale ait écarté un
certain nombre de dispositions introduites par le Sénat dans le projet de loi
relatif à la résorption de l'emploi précaire dans la fonction publique,
notamment la validation des services accomplis par les sapeurs-pompiers
volontaires qui sont en même temps fonctionnaires publics territoriaux, et
l'augmentation de la pension de réversion et de la pension d'orphelin
attribuées aux ayants cause des sapeurs-pompiers décédés en service
commandé.
Sur ces deux dispositions que le Sénat avait introduites et que l'Assemblée
nationale a supprimées, un mauvais dialogue s'est établi entre les deux
assemblées au sujet d'un corps et d'un groupe d'hommes et de femmes qui
méritent cependant une reconnaissance absolument unanime de la nation.
Monsieur le ministre, je voudrais vous parler quelques instants de la sécurité
civile et de la défense civile pour des raisons que vous connaissez bien et qui
me vaudront d'ailleurs l'honneur de vous recevoir dans quelques jours dans une
autre enceinte.
Je vous avoue éprouver une certaine inquiétude par rapport à la manière dont
l'ensemble de notre pays appréhende actuellement la question : mon inquiétude
est liée non à une insuffisance des réflexions engagées - il y en a, et
beaucoup - non à une absence de prise de conscience au niveau de
l'administration centrale de l'évolution d'un certain nombre de menaces, et en
particulier de la menace latente du terrorisme, sur lequel plusieurs groupes de
travail sont actuellement à l'oeuvre au sein des organismes gouvernementaux,
mais à une tendance de la population française a pour des raisons qui
s'expliquent d'ailleurs facilement, à n'aborder le problème de la sécurité
civile que sous l'angle des grandes catastrophes que nous venons de subir :
inondations, pollutions en tous genres, etc.
C'est effectivement un sujet qui mérite examen et analyse. En ce qui concerne
les grandes tempêtes de l'année dernière, notamment, force est de constater que
notre système de secours a très bien réagi mais par la base, c'est-à-dire par
les élus locaux et les corps de sapeurs-pompiers au contact de la population.
Peut-on en dire autant de certaines grandes administrations ou de certains
grands services, en particulier d'EDF, quant à la rapidité avec laquelle ils
ont fait face aux difficultés auxquelles ils étaient confrontés ? Le moins que
l'on puisse dire, c'est que, malgré les louanges sur le résultat final, un
certain nombre de critiques sont émises ici ou là sur la manière dont les
choses ont été gérées au cours de la période de réparation et de remise à
niveau. Il y a probablement là matière à réfléchir, de même qu'il faut
s'interroger sur l'efficacité de certains grands plans derrière lesquels on se
réfugie un peu facilement ; ainsi, le plan POLMAR-Terre ne semble pas avoir
fait la preuve d'une parfaite efficacité dans l'affaire de l'
Erika
.
Mon propos, monsieur le ministre, sera plutôt axé autour de l'idée
suivante.
Nous avons certes des plans à revoir et un certain nombre de réflexions à
mener. Sommes-nous certains que, dans un certain nombre de cas, nous ne sommes
pas à la recherche du Graal ? Je m'explique.
Actuellement, une réflexion est menée sur l'unification des réseaux de
télécommunications. C'est important. Je sais qu'un certain nombre de solutions
apparaissent. Mais n'a-t-on pas trop attendu avant de prendre une décision
effective ? Churchill disait que la bataille d'Angleterre avait certes été
gagnée par les pilotes, auxquels il rendait un hommage appuyé, mais également
grâce à un vieux militaire chargé du choix des appareils volants, autrement dit
des avions, qui, un jour, stoppant la course au prototype toujours plus
performant, avait décidé de passer au stade de la construction : ce fut le
Spitfire, qui permit la victoire de la bataille d'Angleterre, car il existait
en nombre suffisant.
Ne sommes-nous pas, dans les réflexions que nous menons en matière de
sécurité, à la recherche permanente de l'efficacité la plus parfaite possible
pour l'immédiat ou les prochains mois, ce qui nous empêche de passer à l'action
? Il faudrait, à mon avis, réfléchir sur ce point.
De la même manière, monsieur le ministre, ne devons-nous pas réfléchir à la
façon dont sont menés nos exercices en matière de sécurité civile ? Il est
courant de dire que, lorsque l'on simule un exercice sur un accident de
centrale nucléaire, par exemple, il faut le faire de telle manière que cela
dérange le moins possible la population civile pour ne pas l'affoler.
Je me permets de verser au débat l'expérience américaine : aux Etats-Unis, les
exercices de sécurité civile sont conçus et contrôlés en dehors de
l'administration, par des sociétés dont c'est le métier. Ainsi, le dernier
grand exercice de sécurité civile a mobilisé jusqu'à la Maison Blanche, et à
une date non fixée à l'avance : cet exercice était prévu dans une fourchette de
quatre ou cinq jours, mais personne ne savait exactement à quel moment il
serait déclenché !
M. Jean-Louis Carrère.
C'est plus efficace que pour le décompte des voix !
(Sourires.)
M. Paul Girod.
J'ajoute que la société organisant l'opération a passé son temps à créer des
incidents supplémentaires dans le cadre même de l'exercice !
Je crains que nos exercices ne soient souvent un peu trop littéraux, préparés,
déterminés à l'avance, et que les seuls incidents survenant ne soient dus qu'à
des erreurs de lecture de tel ou tel ayant insuffisamment pris connaissance des
documents préparés d'avance qui, normalement, ont tout prévu. Il y a donc, à
mon avis, une réflexion à mener de ce côté-là.
Monsieur le ministre, je suis de ceux qui regrettent que nous ayons à nous
prononcer par un seul vote sur l'ensemble des crédits du ministère de
l'intérieur. En effet, même si les critiques que je peux formuler ici ou là
sont fortes, j'aurais aimé apporter mon soutien au Gouvernement s'agissant des
tâches régaliennes de l'Etat.
Malgré tout ce qui a été dit tout à l'heure sur la réalité du malaise existant
dans la police, malaise dont je partage l'analyse, et malgré les réflexions que
je viens de faire sur la sécurité civile, j'aurais aimé voter ces crédits.
Malheureusement, le budget de l'intérieur étant un et un seul, la procédure en
vigueur quant au vote de la loi de finances dans notre pays m'amènera à émettre
un vote négatif sur ces deux points, ce que je regrette profondément.
(Applaudissements sur les travées du RDSE, de l'Union centriste et du
RPR.)
M. le président.
La parole est à M. Bret.
M. Robert Bret.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les
sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen ont une appréhension
globalement positive des crédits du ministère de l'intérieur pour la
sécurité.
Ils considèrent en effet que, du point de vue qualitatif, ce budget aborde et
tente de résoudre concrètement un certain nombre de problèmes soulevés les
années passées par les parlementaires et les syndicats de policiers.
Je pense en particulier à la question de la remise sur le terrain de policiers
employés à des tâches administratives. Il était temps ! Déjà la loi
d'orientation sur la police et la sécurité de 1995 avait prévu le recrutement
de personnel administratif à cet effet. Le rapport parlementaire de la mission
d'évaluation et de contrôle de l'Assemblée nationale, remis en 1999, a
constitué, de ce point de vue, l'élément déclencheur qui se traduit
aujourd'hui, dans le budget de la police pour 2001, par la création de 800
postes de personnels administratif et scientifique.
Les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen souhaitent également
souligner les efforts de formation et de reclassement réalisés en faveur des
adjoints de sécurité ; je pense en particulier à la création d'un concours
spécifique « gardien de la paix », même si les choses peuvent et doivent être
encore améliorées, notamment du point de vue de la formation.
De plus, si l'on considère que la profession devient, en période de
croissance, d'autant moins attractive - on en voit d'ailleurs les effets sur le
concours d'officiers -, il convient de veiller particulièrement à maintenir la
qualité du recrutement des adjoints et à leur donner un cadre statutaire
satisfaisant. Ces exigences deviennent impératives si, comme vous nous l'avez
dit en commission, monsieur le ministre, l'on s'oriente vers un élargissement
des compétences des adjoints de sécurité et si ces personnels ont effectivement
vocation à intégrer le corps des gardiens de la paix.
Cependant, il faudra être particulièrement vigilant à ce que l'effort de
qualité en faveur des adjoints de sécurité ne se traduise pas par la
constitution d'un corps de policiers au rabais ; c'est la crainte exprimée par
le corps des gardiens de la paix à laquelle il nous faut répondre.
Ce risque n'est pas aussi fantasmatique qu'on veut parfois bien le présenter,
si l'on considère qu'il faudra, dans les prochaines années, faire face aux
massifs départs à la retraite.
Privilégier une lecture qualitative du projet de budget me conduit également à
avoir une vision plus critique.
La préoccupation des sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen
consiste moins à mesurer l'importance des moyens investis, auquel cas il
faudrait déplorer la hausse somme toute relative des crédits de cette année,
qu'à évaluer l'adéquation des moyens engagés avec la politique qu'ils sont
destinés à mettre en oeuvre. En d'autres termes, s'il est bien de créer et de
redéployer les postes, encore faut-il savoir pour quelles missions !
Je me limiterai, dans le temps qui m'est imparti, à évoquer le défi de la
police de proximité. Le chantier est loin d'être achevé. Si la généralisation
des contrats locaux de sécurité a pu démontrer, s'il en était encore besoin,
l'intérêt de cette redéfinition de la politique de la sécurité qui réconcilie
répression et prévention, prenons cependant garde qu'elle ne soit pas non plus
victime de son succès. Des améliorations notables doivent être notamment
apportées sur la vocation partenariale des contrats locaux de sécurité, qui en
constitue l'un des soubassements. Nombreux sont les syndicats qui ont pu
déplorer qu'elle ne se limite trop souvent qu'à des relations épisodiques entre
élus et chefs de police.
Il faut songer à y associer plus étroitement, dans une logique de
complémentarité, les autres acteurs directs ou indirects de la sécurité, tels
les chefs d'établissement scolaire ou des sociétés de transport, mais également
la gendarmerie et les autres polices : police des douanes, police municipale,
par exemple.
Sur ce dernier aspect, la signature effective ou à venir des conventions
conclues entre les polices municipales et la police nationale doit être perçue
comme une bonne chose, à condition toutefois qu'elle soit faite dans la
complémentarité, sans remise en cause d'aucune sorte du caractère éminemment
national et régalien de la police.
Quoi qu'il en soit, ces précisions ne remettent pas en question l'aspect
positif de ce projet de budget, que nous voterons donc.
(Très bien ! et
applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen et
sur les travées socialistes.)
M. le président.
La parole est à M. Guérini.
M. Jean-Noël Guérini.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, débattre du
budget du ministère de l'intérieur, et plus particulièrement des crédits
consacrés à la police, c'est débattre sur une priorité gouvernementale, retenue
comme telle par le Premier ministre, dès sa déclaration de politique générale :
je veux parler de la sécurité, ce droit fondamental du citoyen dans la
République, un droit égal pour tous et en tous lieux.
Trois ans après, il nous appartient d'examiner les conditions dans lesquelles
cette volonté politique, solennellement exprimée, s'est inscrite et se poursuit
durablement dans les faits.
Elle s'est traduite par l'élaboration et la mise en place des contrats locaux
de sécurité et par le développement concomitant de la police de proximité,
c'est-à-dire, au-delà de l'indispensable développement des moyens, par une non
moins indispensable réorganisation en profondeur des modes d'intervention de la
police.
Une réorganisation ne vise à rien moins qu'à rendre la police plus soucieuse
du citoyen et de ses attentes, plus sensible à la perception de l'insécurité et
mieux impliquée dans les territoires où sa présence est nécessaire. Elle a pour
finalité de la rendre plus efficace.
S'il fallait fournir une illustration concrète de la justesse de la politique
mise en oeuvre par le Gouvernement, je la trouverais dans mon département,
celui des Bouches-du-Rhône, et à Marseille.
En 1999, les chiffres de la délinquance sur la voie publique, génératrice plus
que toute autre du sentiment d'insécurité, y ont enregistré une baisse de 5,6
%, n'en déplaise à M. le rapporteur spécial, André Vallet.
Des chiffres plus éloquents encore ont été enregistrés à Marseille, puisque
cette baisse a été, pour l'ensemble de la ville, de 9,2 % en 1999 et que, pour
les six premiers mois de l'année 2000, une décrue supplémentaire de 8,37 % est
venue s'y ajouter.
M. Jean-Pierre Schosteck,
rapporteur pour avis.
Grâce à Gaudin !
(Sourires.)
M. Jean-Noël Guérini.
Non, grâce au Gouvernement, et non pas grâce à M. Gaudin !
(Nouveaux
sourires.)
Par rapport à la période allant de janvier à juin 1999, les derniers chiffres
connus pour l'année 2000 font état d'une nouvelle baisse de 18,13 %.
Il s'agit là de résultats encourageants, mes chers collègues, qui nous font
enregistrer avec satisfaction l'engagement d'aborder, dès le début de 2001, la
seconde phase du dispositif, qui concernera 11 millions d'habitants, répartis
dans quatre-vingts départements.
L'achèvement définitif du programme étant annoncé pour juillet 2002, atteindre
un tel objectif suppose la création de postes, l'adaptation et la formation des
personnels à ces nouvelles méthodes et un accroissement des moyens
matériels.
Les mesures les plus significatives sont notamment la création de 550 postes
administratifs, qui permettra le retour sur le terrain d'autant de policiers
délivrés de tâches qui ne sont pas les leurs, la mobilisation de 200 millions
de francs supplémentaires, destinés à financer le seul fonctionnement de la
police de proximité, le développement de la formation liée à ce dispositif et
la création d'un régime indemnitaire particulier, mais aussi l'affectation de
700 millions de francs d'autorisations de programme à la rénovation du parc
immobilier et, surtout, à la construction d'hôtels de police.
On peut affirmer objectivement, monsieur le ministre, que votre projet de
budget correspond aux ambitions et à la volonté déjà inscrites dans les budgets
précédents.
Pour autant, ne nous dissimulons pas qu'il reste encore beaucoup à faire.
En effet, le problème des effectifs demeure, avec la délicate question du
nombre important des départs à la retraite dans les prochaines années,
conséquence d'un déséquilibre de la pyramide des âges. Le mouvement de
rééquilibrage amorcé dans ce projet de budget par transformation de postes doit
être impérativement accéléré.
Je tiens en outre à évoquer un autre problème d'effectifs, celui qui est lié à
la pérennisation des ADS dans les années à venir.
Par ailleurs, malgré la création de 150 nouveaux postes, l'insuffisance
numérique des personnels scientifiques et techniques, indispensables à une
police moderne confrontée aux formes nouvelles de la criminalité organisée,
subsiste.
Reste, enfin, l'urgente nécessité qui s'attache à la rénovation et à la
reconstruction des centres de rétention, dont l'état est plus qu'affligeant,
s'agissant notamment de celui de Marseille, ainsi qu'à la modernisation de
nombreux commissariats. Je sais que ces deux dossiers sont pour vous
prioritaires, monsieur le ministre.
Au-delà de ce projet de budget, auquel le groupe socialiste apportera, bien
évidemment, son soutien, c'est donc une lourde tâche qui vous attend encore,
monsieur le ministre.
Cependant, la détermination dont vous avez fait preuve afin d'obtenir de
notables ouvertures de crédits complémentaires en collectif budgétaire nous
incite à penser que vous saurez la mener à bien.
Qu'il me soit permis de déborder un peu du cadre qui m'est imparti et de
souligner, en guise de conclusion, que si, comme je le dis presque
quotidiennement à tous ceux qui viennent me confier leurs inquiétudes, la
sécurité est avant tout affaire de police et relève de vos services, monsieur
le ministre, le sentiment d'insécurité qu'éprouvent nombre de nos concitoyens
procède, quant à lui, de facteurs plus complexes.
S'il repose effectivement sur la délinquance, notamment sur une délinquance de
rue que l'on a eu trop longtemps le tort de sous-estimer, il résulte aussi de
bien d'autres éléments que nous devons prendre en compte.
En effet, un habitat dégradé, des rues malpropres et sombres, des friches sans
avenir au coeur de nos cités, l'éloignement qui coupe certaines personnes âgées
de l'accès aux services publics, des groupes d'adolescents désoeuvrés faute de
lieux de loisirs ou de terrains de sports de proximité sont autant de facteurs
engendrant un malaise ambiant qui suscite l'inquiétude et nourrit parfois des
fantasmes que d'aucuns s'emploient, de façon nauséabonde, à entretenir.
A tous ces problèmes, seule une ambitieuse politique de la ville, comme celle
que s'emploie à mener le Gouvernement, est susceptible d'apporter une
réponse.
Cette politique repose aussi en grande partie sur un partenariat volontariste
avec les collectivités territoriales. Ainsi, le département des
Bouches-du-Rhône s'est engagé à hauteur de plus de 231 millions de francs sur
six ans. Cet effort est lourd, très lourd même, mais chacun aura compris, mes
chers collègues, que nous sommes confrontés à un véritable enjeu de société et
que la réussite est à ce prix.
(Applaudissements sur les travées
socialistes, ainsi que sur les travées du groupe communiste républicain et
citoyen.)
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes
chers collègues, ce débat sur la sécurité est extrêmement intéressant. Beaucoup
d'éléments concrets ont été apportés, même si, monsieur le ministre, le Sénat
ne se prononcera pas immédiatement sur les crédits consacrés à la sécurité,
puisque c'est l'ensemble du projet de budget du ministère de l'intérieur, y
compris les crédits affectés à la décentralisation, qui fera l'objet de notre
vote.
Je voudrais toutefois, s'agissant des crédits alloués à la sécurité, faire
état de mon désappointement, de ma déception eu égard, en particulier, au net
décalage qui me semble exister entre les paroles et la réalité.
Quels sont les indicateurs dont nous disposons en la matière ? Le rapporteur
spécial, M. André Vallet, a très justement souligné que le nombre des crimes et
délits a augmenté de 2,5 % au premier semestre de 2000, que celui des
infractions violentes a progressé de 10 % entre 1998 et 1999 et qu'un sentiment
diffus d'insécurité existe partout, dans toutes nos communes, qu'elles soient
rurales ou urbaines, dans tous les quartiers, qu'ils soient ou non considérés
comme sensibles.
Au regard de ce constat, quel est l'indicateur de l'action de l'Etat, monsieur
le ministre ? C'est tout simplement le nombre de policiers en tenue sur la voie
publique et susceptibles de consacrer leur activité à des tâches de maintien de
l'ordre ou de police, en particulier de proximité. Or l'effectif des agents de
la police nationale était de 149 800 en 2000, et il sera de 148 300 en 2001,
soit un recul de 1 %.
Monsieur le ministre, il est inhabituel que la commission des finances évoque
des variations d'effectifs, car nous nous attachons à prendre en considération
l'évolution globale des masses du budget de l'Etat, mais le décalage entre les
paroles et la réalité est ici trop criant pour que l'on puisse ne pas
réagir.
Ce projet de budget pour 2001 prévoit au total la création de 20 000 emplois
de fonctionnaire, mais aussi, parallèlement, une diminution de 1 % du nombre de
policiers en tenue.
M. Jean-Louis Carrère.
Cela vous fait mal à la bouche !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Monsieur le ministre, quelles sont les priorités du
Gouvernement auquel vous appartenez ? (
M. Machet applaudit.)
La sécurité
est-elle ou non prioritaire ? Bien d'autres choses, naturellement, seraient à
dire quant à la préparation de l'avenir.
Au nombre des personnels en tenue figurent les adjoints de sécurité. Ils sont
encore 20 000, mais leur nombre diminuera inéluctablement, ce qui explique le
recul global des effectifs en tenue disponibles sur la voie publique. Monsieur
le ministre, votre prédécesseur nous avait en quelque sorte « vendu » ces
adjoints de sécurité, dans l'optique des contrats locaux de sécurité, comme
représentant des moyens supplémentaires pour assurer la sécurité dans les rues,
dans les quartiers de nos communes. Or, aujourd'hui, leur nombre diminue. Ces
adjoints de sécurité, très dignes d'estime et sympathiques au demeurant, qui
auront, je l'espère, développé, pendant leur temps de service au sein des
commissariats, une vocation pour ce métier, sont en fait des titulaires
d'emploi-jeune, relativement peu formés et opérationnels. Ils ont, certes, le
mérite de compléter les moyens de la police professionnelle, mais que
deviendront-ils dans l'avenir ?
Bien d'autres sujets ont été abordés, mais je ne voudrais pas trop prolonger
le débat.
Cela étant, la sécurité civile, les rôles respectifs des services d'incendie
et de secours et des établissements hospitaliers constituent autant de
questions qui n'ont pas été traitées, or nous sommes bien là au coeur des
responsabilités de l'Etat, cet Etat de plus en plus dépensier, qui fait de plus
en plus n'importe quoi mais qui ne fait pas son métier essentiel, prioritaire,
qui est d'assurer la sécurité de nos citoyens.
Monsieur le ministre, je crois que, à l'occasion de ce débat budgétaire, il
revient au Sénat, au vu des propositions et des analyses des rapporteurs
spéciaux et des rapporteurs pour avis, de faire état de ce qui à ses yeux est
l'essentiel. Or, dans ce domaine de la sécurité, la situation n'est pas
satisfaisante. Tous les intervenants se sont exprimés en ce sens, c'est notre
devoir de le dire, car il s'agit là d'un problème d'opinion publique, d'un
problème de société, qui touche à l'évolution de la délinquance dans notre
pays, plus spécialement lorsqu'elle concerne les villes et les mineurs.
Ce sujet est donc incontournable, mais rien ne nous est dit sur la manière
dont il sera traité dans l'avenir. Pourtant, nous savons bien qu'il y a là des
risques très graves pour le tissu social, qu'une sorte de gangrène peut gagner
les esprits, affecter les comportements et dégénérer en tensions et en
violences. Nous savons bien que tout cela est dangereux pour l'Etat et notre
société, mais aucune réponse ne nous est faite à ce sujet.
Par conséquent, monsieur le ministre, ne vous étonnez pas que, cette année,
alors que tel n'avait pas été le cas l'année dernière, les commissions du Sénat
saisies au fond ou pour avis appellent à rejeter vos crédits de sécurité. L'an
passé, je le répète, nous n'avions pas adopté la même attitude, nous ne nous
étions pas livrés à la même analyse, mais nous avons examiné en conscience la
situation et cela nous conduit cette fois à la préconisation d'un rejet qui, je
l'espère, mes chers collègues, sera largement suivie sur les travées du Sénat,
de telle sorte que nous marquions nettement notre souci et notre préoccupation
au Gouvernement et que nos concitoyens comprennent bien que nous les avons
entendus !
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et
de l'Union centriste.)
M. Jean-Louis Carrère.
Ce n'est pas la peine de lui répondre, c'est tellement démago !
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Daniel Vaillant,
ministre de l'intérieur.
Monsieur le président, monsieur le président de
la commission des finances, monsieur le rapporteur général, messieurs les
rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, comme convenu, je n'ai pas
l'intention de faire aujourd'hui devant vous une présentation générale du
projet de budget du ministère de l'intérieur pour 2001. En effet, mes auditions
par la commission des finances de votre assemblée, le 16 novembre dernier, puis
par la commission des lois, le 28 novembre, m'ont permis de me livrer à cet
exercice.
Je m'efforcerai donc de répondre le plus précisément possible aux différentes
questions soulevées, à la fois par écrit et oralement, par MM. les rapporteurs,
ainsi qu'aux principales interrogations formulées par les orateurs des
différents groupes parlementaires.
Pour ordonner mon propos, qu'il me soit permis de regrouper ces questions en
trois thèmes : la police, la sécurité civile et l'administration territoriale.
Nous débattrons un peu plus tard, sans doute cet après-midi, des dotations aux
collectivités locales.
Mais avant d'entrer dans le détail de vos questions, vous me permettrez de
vous rappeler quelques données chiffrées sur ce projet de budget. En effet,
j'ai entendu beaucoup de chiffres depuis le début de cette séance, interprétés
en règle générale en la défaveur du Gouvernement, et je crois nécessaire de les
remettre en perspective.
A périmètre constant et hors dotations aux collectivités locales et crédits
pour l'organisation des élections, le budget du ministère de l'intérieur
augmente bien de 4,4 % par rapport à l'année dernière, contre 0,3 % pour
l'ensemble du budget de l'Etat, monsieur le rapporteur général.
Avec plus de 900 millions de francs l'année prochaine, les mesures nouvelles
du ministère de l'intérieur, celles qui représentent notre véritable capacité
d'intervention, sont en hausse de 50 % par rapport à l'an 2000 - 50 %, monsieur
le rapporteur général !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Pas les effectifs !
M. Daniel Vaillant,
ministre de l'intérieur.
Nous bénéficierons notamment de plus de 1
milliard de francs pour l'immobilier et de 1 milliard de francs pour
l'informatique, les transmissions et les nouvelles technologies.
Ce qui est vrai pour les crédits l'est aussi pour les emplois, monsieur le
rapporteur général !
En 2001, après la création nette de 713 emplois, l'effectif global
opérationnel du ministère s'établira à près de 185 000 agents, en intégrant les
unités de sécurité civile et les adjoints de sécurité.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Je parlais des personnels de maintien de l'ordre !
M. Daniel Vaillant,
ministre de l'intérieur.
En outre, le Gouvernement vous proposera de
majorer ces crédits initiaux dans un collectif budgétaire.
M. Jean-Pierre Schosteck,
rapporteur pour avis.
Ce n'est pas sérieux !
M. Jean-Louis Carrère.
Il faut savoir avoir tort !
M. Daniel Vaillant,
ministre de l'intérieur.
Ainsi, 200 millions de francs supplémentaires
seront inscrits pour le fonctionnement de la police nationale, pour renforcer
la police de proximité, assurer un meilleur entretien du parc des véhicules et
tirer les conséquences de la loi sur la présomption d'innocence, ce qui répond
à plusieurs de vos préoccupations ; 175 millions de francs seront également
ouverts pour les grands projets immobiliers de la police.
Par ailleurs, la sécurité civile bénéficiera de 28 millions de francs
supplémentaires à titres divers, notamment pour la reconstitution de ses stocks
et le remplacement de ses véhicules lourds brûlés cet été.
Enfin, les crédits des préfectures seront également majorés de 20 millions de
francs.
Ces quelques chiffres valent de longs discours. Les grandes politiques dont
mon ministère a la charge retrouveront toutes dans ce budget les moyens qui
leur sont nécessaires.
Je le redis devant vous, le budget du ministère de l'intérieur pour 2001 sera
un bon budget, même si, bien évidemment, il faut continuer à aller dans ce sens
dans les années qui suivent.
Au fur et à mesure des réponses que je vous apporterai, vous constaterez que
ce progrès est à comparer avec le tableau des tristes années 1995 et 1996, où
vous étiez, monsieur le rapporteur général, moins disert qu'aujourd'hui.
(Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. Jean-Louis Carrère.
Il a oublié !
M. Daniel Vaillant,
ministre de l'intérieur.
S'agissant de la police, j'ai noté vos
nombreuses questions sur les effectifs de police, notamment sur les adjoints de
sécurité, sur les conditions de travail des policiers, en particulier sur le
programme ACROPOL, sur le logement des personnels de police et sur les
conséquences de la loi relative à la présomption d'innocence. Je vous
apporterai également des précisions sur ma conception de la « coproduction » de
sécurité, qui concerne aussi bien les contrats locaux de sécurité que les
polices municipales, et, enfin, sur la délinquance et l'évolution de certains
types de délinquance, sujet de préoccupations de M. Courtois bien que ce ne
soit pas des questions d'ordre strictement budgétaire.
S'agissant des effectifs de la police nationale, traités notamment par MM.
Courtois, Vallet et Demuynck, il est vrai que la police nationale doit faire
face à un vaste mouvement de départ à la retraite qui n'avait pas été anticipé
par les gouvernements précédents. Il aurait fallu anticiper ces 4 000 départs
par an en 2001 et 2002, selon le principe de la gestion prévisionnelle des
effectifs.
Il aurait fallu s'en préoccuper, monsieur le rapporteur général, dès 1995. Or
je ne me rappelle pas vous avoir entendu à l'époque ! C'est M. Debré, ministre
de l'intérieur, et élu de Paris - je m'adresse également à M. Plasait - qui
avait partiellement « déshabillé » la préfecture de police de Paris.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Vous arrangez les choses à votre convenance !
M. Daniel Vaillant,
ministre de l'intérieur.
La vérité est parfois difficile à admettre.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
C'est votre vérité toute relative !
M. Jean-Patrick Courtois,
rapporteur pour avis.
N'y a-t-il pas eu Chevènement, après M. Debré ?
M. Daniel Vaillant,
ministre de l'intérieur.
Certes, en 2000, les effectifs sont encore bas
mais ils augmenteront progressivement jusqu'en 2005. D'ailleurs, c'est
justement pour pallier l'imprévision des gouvernements qui nous ont précédés
que nous procédons à des embauches en surnombre, ce qui n'est pas, c'est vrai,
dans l'orthodoxie budgétaire.
C'est ainsi que M. le Premier ministre a pris la décision de former 2 400
policiers en surnombre ; j'en ai demandé encore pour 2001. Les écoles de la
police national sont pleines ; elles forment en 2000 plus de 6 500 élèves
gardiens de la paix pour combler les déficits dont nous sommes vos héritiers.
(Protestations sur les travées du RPR.)
Les écoles de police comptent
aujourd'hui 2 000 élèves gardiens de la paix de plus que les années
précédentes.
(Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
C'est trop facile !
M. Daniel Vaillant,
ministre de l'intérieur.
Dans ce contexte très défavorable, le
Gouvernement est néanmoins parvenu à maintenir les effectifs...
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Quelle analyse partisane !
M. Daniel Vaillant,
ministre de l'intérieur.
Non, pas partisane, je dis la vérité !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Pas du tout !
M. Jean-Pierre Schosteck,
rapporteur pour avis.
Vous avez eu quatre ans pour réparer les
erreurs.
M. Daniel Vaillant,
ministre de l'intérieur.
Nous avons donc maintenu les effectifs à leur
niveau de 1995, et nous sommes parvenus à faire face aux deux premières vagues
de généralisation de la police de proximité ; nous sommes en train de la mettre
en place. Le projet de loi de finances pour 2001, avec la création de 800
emplois techniques, scientifiques et administratifs, y contribue fortement.
Dois-je vous rappeler que, dans la loi d'orientation et de programmation
relative à la sécurité - j'étais député à l'Assemblée nationale - de M. Pasqua,
un de mes prédécesseurs, 5 000 emplois administratifs étaient prévus ? En
avez-vous vu la trace dans les budgets de 1995 et de 1996, préparés par les
gouvernements que vous souteniez ? Certainement pas !
M. René-Pierre Signé.
Non !
M. Daniel Vaillant,
ministre de l'intérieur.
Nous, nous le faisons à votre place. Cela nous
demandera un certain temps - 5 000 emplois, ce n'est pas rien ! - mais déjà,
avec 800 emplois créés cette année, nous faisons un premier pas qui va dans le
bon sens.
M. André Vallet,
rapporteur spécial.
Et Chevènement, qu'a-t-il fait ?
M. Daniel Vaillant,
ministre de l'intérieur.
Par ailleurs, nous nous sommes également
organisés pour redéployer 5 000 policiers en trois ans dans les quartiers et
lieux les plus sensibles du territoire. Personne ne peut contester cette
politique de redéploiement menée par le Gouvernement.
Je n'oublie pas le renfort que représentent les adjoints de sécurité dans ce
dispositif, dont il est faux de dire qu'ils sont une police de second rang,
source de problèmes, alors qu'ils constituent - les policiers que je rencontre
sur le terrain le reconnaissent eux-mêmes - un renfort déterminant à la police
de proximité, puisque 90 % d'entre eux sont affectés dans les zones
sensibles.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Personne ne les critique ; nous nous inquiétons
simplement de leur sort !
M. Daniel Vaillant,
ministre de l'intérieur.
J'y viens, monsieur Marini !
En outre, les adjoints de sécurité contribuent à faire évoluer la police. Ils
sont jeunes ; leur moyenne d'âge est de vingt-deux ans ; ils constituent une
police plus proche de la population, notamment de par leur origine, puisqu'on
compte dans leur rang plus de 30 % de femmes, et de nombreux adjoints de
sécurité sont originaires des quartiers où justement des problèmes de sécurité
se posent.
Enfin, affirmer que les adjoints de sécurité forment une police de second rang
n'est pas sérieux. Il faut savoir qu'ils sont amenés à suppléer les policiers
auxiliaires en raison de la suppression du service national. J'imagine que, en
tout cas pas sur les travées de la droite de cet hémicycle, vous n'allez pas
critiquer cette suppression du service national...
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Ce que nous souhaitons, ce sont des policiers
professionnels !
M. Daniel Vaillant,
ministre de l'intérieur.
Il fallait procéder à ces remplacements. Le
recrutement en année pleine de 20 000 adjoints de sécurité est un élément très
important pour faire en sorte que la disparition des policiers auxiliaires
n'affaiblisse pas les moyens d'intervention de la police.
La politique de recrutement d'adjoints de sécurité a été un véritable succès.
Certes, la baisse du chômage, due à la politique menée par le Gouvernement et à
la croissance retrouvée, pose parfois, par endroits, des difficultés de
recrutement. Cela tient également au fait que les adjoints de sécurité, qui se
forment sur le terrain, après deux ans et demi ou trois ans de travail aux
côtés des policiers, aspirent naturellement à passer un concours pour intégrer
les rangs de la police et à suivre une formation en école. Près de 3 000
d'entre eux ont déjà intégré les rangs de la police nationale. Le poste
d'adjoint à la sécurité constitue en quelque sorte une prérecrutement bien
utile pour la police, parce que ce sont des personnes que l'on connaît, que
l'on a vues à l'oeuvre sur le terrain et dont on connaît le cursus, le
comportement et les capacités.
Dès lors, la partie du contrat qui reste à courir n'est plus susceptible
d'intéresser de nouveaux jeunes ; ce sont les rompus de contrat. Je souhaite
que des décisions soient prises, et elles le seront car je m'en occupe très
sérieusement. Chaque fois qu'un jeune quitte son contrat pour intégrer les
rangs de la police nationale, il faut que l'on puisse proposer un nouveau
contrat de cinq ans à un jeune ; on remet en quelque sorte le compteur à zéro
chaque fois qu'un contrat est rompu.
M. René-Pierre Signé.
Très bien ! C'est ce qu'ils n'ont pas su faire !
M. Jean-Pierre Schosteck,
rapporteur pour avis.
Ça, c'est bien !
M. Daniel Vaillant,
ministre de l'intérieur.
Il faut pérenniser la présence des adjoints de
sécurité dans la police nationale.
Dans ce contexte de tension pesant sur les effectifs de police, vous avez
aussi évoqué un certain malaise qui toucherait le corps des officiers. Sachez
que, pour réagir face à ce phénomène, une action d'information est actuellement
engagée dans des journaux spécialisés et une campagne d'affichage est en
préparation pour susciter, bien entendu, les vocations.
Je répondrai maintenant à M. Demuynck. Les effectifs en Seine-Saint-Denis sont
passés, entre le 1er janvier 1999 et le 1er janvier 2001, de 3 339 à 3 570
gardiens de la paix. C'est une simple précision que j'apporte, qui démontre
qu'il n'y a non pas, aujourd'hui, une baisse d'effectifs en Seine-Saint-Denis,
mais au contraire un accroissement d'effectifs qui sera bien sûr
progressif...
Par ailleurs, en Seine-Saint-Denis comme ailleurs, la police de proximité, à
qui, avec le Premier ministre, j'ai rendu visite, fait son travail. Il est bien
utile. C'est vrai pour la Seine-Saint-Denis comme pour d'autres départements,
notamment en zones urbaines denses.
M. Jean-Pierre Schosteck,
rapporteur pour avis.
Elle n'est pas assez nombreuse !
M. Daniel Vaillant,
ministre de l'intérieur.
La police de proximité va s'intensifier. La
première vague compte 63 circonscriptions de police. La deuxième vague - nous
somme en train de la mettre en place - comptera 180 circonscriptions de police.
Quant à la troisième vague, elle est prévue pour être mise en place au tout
début de l'année 2002. A cette date, l'ensemble des Français qui vivent en zone
de police seront concernés par la police de proximité.
Je suis heureux de constater que la police de proximité est un élément positif
qui est acté dans cet hémicycle.
M. Jean-Pierre Schosteck,
rapporteur pour avis.
Elle n'est pas assez dense !
M. Daniel Vaillant,
ministre de l'intérieur.
C'est une bonne politique par rapport à une
vieille conception de la police de maintien de l'ordre, tout à fait efficace.
Mais, aujourd'hui, nos concitoyens demandent une police de proximité afin
qu'elle agisse au plus près de leur vie. C'est là, effectivement, une vraie
révolution, qu'il nous faut réaliser. Les policiers l'ont compris. Aujourd'hui,
dans la police, dans toute la hiérarchie du bas en haut, et du haut en bas,
chacun est convaincu qu'il faut aller vers la police de proximité.
Concernant les conditions de travail des policiers, évoquées par MM. Courtois
et Vallet notamment, un rappel me paraît nécessaire. Je ne peux laisser dire
que les crédits de fonctionnement de la police seront insuffisants en 2001.
Le projet de budget prévoit que la police disposera en 2001, pour la première
fois, de crédits de fonctionnement de plus de 4 milliards de francs, en
augmentation de près de 7 % par rapport à 2000. Les moyens de la police de
proximité seront de 200 millions de francs en 2001, 145 millions de francs
étant réservés au financement et à l'équipement des nouvelles implantations
immobilières nécessaires à la police de proximité. Les crédits informatiques de
la police augmenteront de 33 %, et les crédits immobiliers progresseront de 18
%.
Le réseau ACROPOL par ailleurs, dont les élus ou les policiers eux-mêmes se
plaignent quelquefois au motif qu'il tarde à se généraliser, contribue d'ores
et déjà à l'amélioration des conditions de travail des policiers. Les
performances insuffisantes des réseaux analogiques utilisés par la police
nationale rendaient très difficile la coordination opérationnelle des services.
Ce n'est plus le cas dans les zones couvertes. Progressivement, les zones vont
être couvertes : 80 % du territoire national devrait l'être en 2002. L'ensemble
du programme sera achevé en 2007.
Le coût d'ensemble du programme ACROPOL est de 4,4 milliards de francs. En
2000 comme en 2001, nous disposerons de 400 millions de francs pour ce
programme. Un nouveau marché est en cours de négociation, qui devrait être
signé d'ici à la fin de l'année.
Vous avez également évoqué les conséquences pour les services de police de
l'entrée en vigueur de la loi du 15 juin 2000 sur la présomption d'innocence, à
laquelle M. Hyest, notamment, a fait allusion.
L'obligation d'enregistrer les auditions des mineurs gardés à vue - 3 000
sites d'enregistrement devront être équipés d'ici au 1er juillet 2001 - se
traduira par un coût évalué à 70 millions de francs. La dotation est prévue
dans le projet de loi de finances rectificative qui sera examiné avant la fin
de cette année.
M. Hyest m'a également interrogé sur le logement des policiers. Mon ministère
mène une politique dynamique de réservation : sur les six dernières années, les
crédits consacrés à cet objectif ont atteint un montant cumulé de 760 millions
de francs et un stock de plus de 12 000 logements a été constitué, qui permet
d'assurer un taux de satisfaction des demandes supérieur à 50 %. Néanmoins,
nous sommes confrontés à des problèmes d'adaptation au terrain, problèmes
auxquels le coût du foncier n'est pas étranger.
Bien évidemment, nous allons poursuivre ce travail, en partenariat, là encore,
avec les collectivités, qui peuvent veiller à ce que les programmes de
logements soient bien entrepris.
L'offre totale est supérieure à 15 000 logements. Soucieux d'avoir une
meilleure connaissance des besoins des fonctionnaires dans ce domaine,
notamment en région parisienne, nous avons lancé une enquête très précise
auprès des fonctionnaires eux-mêmes pour déterminer quel est leur souhait. Il
serait en effet mauvais de construire des logements que nous ne pourrions
ensuite attribuer.
MM. Hyest, Courtois et Vallet m'ont questionné sur la coproduction de sécurité
par rapport à la police. Je ne reviens pas sur le contrat local de sécurité,
puisque - il faut quand même le dire - la police et la gendarmerie ne peuvent
pas être les seuls coproducteurs de sécurité. D'ailleurs, beaucoup d'entre vous
l'ont reconnu. L'Etat doit assumer ces tâches mais, bien évidemment, pas toutes
les tâches.
Je répondrai tout à l'heure à M. Plasait, qui évoquait l'augmentation du
nombre de viols. On ne peut pas placer un policier derrière chaque homme pour
l'empêcher de commettre un viol, notamment dans les lieux privés. C'est un
problème de société. La police peut élucider les affaires de viol ; elle peut,
par sa présence sur la voie publique, empêcher que des viols ne s'y commettent.
Mais elle ne peut être partout à la fois ! Il faut ramener les problèmes à leur
juste valeur.
Oui, la sécurité est une affaire de partenariat. C'est pourquoi les contrats
locaux de sécurité ont été créés. Au 1er décembre 2000, le nombre de ces
contrats s'élevait à 457, dont 148 étaient de nature intercommunale et 12
spécifiques au transport public. Par ailleurs, 275 contrats étaient en cours de
préparation.
Ce partenariat concerne aussi les polices municipales. Comme l'écrit de façon
quelque peu critique M. Courtois dans son rapport, à ce jour près de six cents
conventions de coordination entre la police municipale et la police ou la
gendarmerie nationale ont été signées. Le bilan définitif sera supérieur, car
plusieurs conventions seront prochainement signées.
Nous pouvons donc être satisfaits, même si les contrats locaux de sécurité -
et un certain nombre de personnes, notamment une au sein de mon cabinet,
s'occupent de cette question - doivent être relancés et évalués. Il faudra bien
évidemment réexaminer ces questions parce que la police de proximité ne peut se
substituer à l'absence ou à la déficience de ces contrats. Ce partenariat entre
les élus locaux, les acteurs économiques, les services déconcentrés de l'Etat,
la justice et la police doit se renforcer encore.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Beaucoup de mots, beaucoup de réunions, mais peu
d'effectifs !
M. Daniel Vaillant,
ministre de l'intérieur.
Les contrats locaux de sécurité sont une réalité
et quand les élus jouent le jeu, je puis vous dire qu'ils fonctionnent bien
!
J'aborderai maintenant un vaste sujet qui a été évoqué par MM. Vallet,
Courtois, Hyest et Marini, et à propos duquel j'entends ici et là des critiques
récurrentes : les statistiques de la délinquance.
Le système actuel de collecte des statistiques sur les crimes et délits
présente, comme je l'ai dit en commission, l'avantage d'être ancien, puisqu'il
date de 1972. Il fournit donc des séries statistiques longues, très utiles pour
analyser les évolutions de la criminalité, et ses principes n'ont pas été remis
en cause depuis vingt-huit ans. Sur le plan local, ce système est un instrument
essentiel pour l'élaboration des contrats locaux de sécurité. Il est également
très utile pour le redéploiement des autorités de police.
Comme je l'ai indiqué aux autorités de police, notamment au directeur général
de la police qui partage mon opinion, mon objectif est de répondre
objectivement et sans discrimination aux préoccupations là où elles
s'expriment, sans faire intervenir des critères politiques qui conduiraient à
placer des effectifs ici plutôt que là.
(Très bien ! sur les travées
socialistes.)
M. Robert Bret.
Contrairement à ce qui se passait avant !
M. Daniel Vaillant,
ministre de l'intérieur.
Les statistiques viennent théoriquement à
l'appui des décisions prises de la sorte. Elles ne sont bien évidemment pas
figées, car elles doivent s'adapter à l'évolution même de la délinquance.
En 1988 et en 1995, les réflexions qui ont été menées ont fait évoluer l'outil
statistique. Celles qui sont actuellement en cours sur ce sujet le sont sans
tabou et ne sont pas destinées à tripatouiller des chiffres dans les bureaux du
ministère ! Nous réfléchissons à la façon non seulement de retracer le nombre
et la typologie des interventions, mais aussi de mieux évaluer l'efficacité des
interventions de la police, de mieux prendre en compte les évolutions du droit
pénal et celles de la délinquance - je pense notamment à la cybercriminalité,
nouvelle forme de délinquance qu'il nous faut aussi saisir statistiquement - et
de limiter la charge de collecte et de saisie des statistiques dans les
services.
Selon moi, les évolutions de la délinquance ne peuvent être interprétées avec
précision que sur une période suffisamment longue, à savoir l'année entière, et
je parle sous le contrôle d'anciens ministres de l'intérieur. Les statistiques
faites sur un ou trois mois n'ont aucun sens. Elles ne servent qu'à faire
plaisir au ministre ou à déplaire à ceux qui le critiquent, et encore, puisque,
de toute façon, les ministres et les majorités changent !
Voyons donc objectivement comment les choses évoluent en année pleine et
prenons les décisions en fonction des évolutions constatées.
M. Vallet a déploré l'absence dans le projet de loi de finances initiale pour
2001 de moyens supplémentaires pour lutter contre la délinquance en Corse.
Permettez-moi de vous dire qu'en matière de délinquance, en tout cas la
délinquance de voie publique, la Corse enregistre des résultats très
favorables. Je vous informe, au risque de vous surprendre, qu'ils n'ont même
jamais été aussi bons ! Cela est peut-être dû à la présence de nombreux
policiers. Quant à la délinquance, je dirai classique, celle que l'on peut
regretter dans nos quartiers, elle ne se retrouve pas en Corse. Je dispose de
toutes les statistiques, si elles vous intéressent ; je tenais à en informer la
Haute Assemblée.
J'en viens aux critiques émises, notamment dans le rapport de M. Courtois, sur
la délinquance des mineurs. Il s'agit, c'est vrai, d'un problème important et
difficile. Le nombre de mineurs délinquants a malheureusement augmenté de 73 %
en dix ans, soit 72 000 mineurs de plus. Peu importe les gouvernements
concernés, puisque ce ne sont ni les gouvernements ni ceux qui les soutiennent
qui favorisent la délinquance, qu'elle soit le fait de mineurs ou non. Nous
avons en effet tous intérêt à ce que la délinquance diminue.
Certes, une diminution de l'ordre de 1 % est intervenue en 1999, ce qui est
vraiment très faible par rapport à 1998, et, sur la même période, la part des
mineurs dans le nombre total de personnes mises en cause pour des faits de
délinquance a légèrement diminué, de moins de 2 %. Ces mouvements restent donc
fragiles.
Sur les dix premiers mois de l'année 2000 - je réponds à votre question même
si je préfère, comme je l'ai dit, parler en année pleine - le nombre de mineurs
mis en cause a très légèrement augmenté de 0,5 %. La baisse est en revanche
assez nette pour les vols : moins 3 %. Mais restons prudents. Nous observons en
effet une relative stagnation de la délinquance des mineurs depuis deux ans. Ce
phénomène s'explique sans doute pour partie par l'action déterminée des forces
de police et peut-être aussi de la justice avec les mesures concernant
notamment l'éloignement et les centres de réinsertion, de rééducation. Ce
phénomène s'explique aussi par l'amélioration de la croissance et de la
situation économique et sociale. Encore une fois, tout cela reste fragile et
personne ne dispose de solution miracle.
Ce phénomène ne se limite d'ailleurs pas à certaines couches sociales. Il
existe aussi des mineurs délinquants issus de couches sociales auxquelles on ne
penserait pas. Tout montre que l'origine sociale n'est donc pas toujours à
l'origine de la délinquance...
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Si tout le monde avait des papiers, il y aurait moins
de délinquance !
M. Daniel Vaillant,
ministre de l'intérieur.
Il s'agit de questions de société pour
lesquelles le ministère de l'intérieur et la police ne peuvent pas tout régler,
cette dernière n'étant pas, si vous me permettez l'expression, la voiture balai
de la société ! Nous devons nous préoccuper de ces problèmes bien en amont.
Quant aux chiffres relatifs à Paris, monsieur Plasait, il faut les prendre
avec d'autant plus de prudence qu'ils ne portent que sur les dix premiers mois
de l'année 2000. Nous ne disposerons que dans un mois de la totalité des
chiffres de l'année 2000. Je note toutefois que la baisse est de 7,6 % pour la
délinquance, de 19 % pour les cambriolages ; de 14,5 % pour les vols à la
roulotte, de 11 % pour les vols de voitures, de 6 % pour les vols à la tire et
de 2,6 % pour les destructions et dégradations.
Les vols avec violence, sont eux, hélas ! en progression, ainsi que la
délinquance financière et économique, qui a augmenté de 26,5 % ! Si l'on cumule
toutes ces données, on peut toujours faire dire aux statistiques que la
délinquance est en augmentation à Paris, alors que la délinquance sur la voie
publique, par exemple, a baissé, elle, de 7,6 % ! Les infractions commises sur
Internet ou ailleurs n'ont pas lieu sur la voie publique... Vous conviendrez
que tous ces chiffres doivent donc être maniés avec prudence.
Pour en finir avec Paris, monsieur Plasait, mieux vaut éviter d'aborder les
sujets qu'on connaît moins bien et de politiser un sujet qui ne s'y prête
vraiment pas !
Qu'il y ait des problèmes à Paris, c'est sans doute vrai, mais la préfecture
de police fonctionne bien. Elle fait son travail, malgré les attributions qui
lui ont été retirées, notamment en 1995 ; elle retrouve progressivement des
marges et le préfet de police a vocation - il le sait, je le lui ai dit - à
affecter les effectifs en priorité là où les problèmes se posent de manière
objective.
Je crois que Paris, capitale de la France, a bien besoin de la police
nationale, formée avec des règles, avec une déontologie. Je le dis ici très
nettement, je n'ai rien contre les polices municipales dans leur ensemble. Ce
Gouvernement a d'ailleurs traduit dans la loi une idée qui avait pourtant été
émise par MM. Quilès, Pasqua et Debré. Il est vrai que ce dernier l'avait
proposée juste avant la dissolution, et que le projet correspondant avait peu
de chances d'aboutir ! C'est chose faite grâce à M. Chevènement. La police
municipale est encadrée.
Je me permets néanmoins de dire que Paris, compte tenu de sa situation
particulière, a besoin d'une police de proximité dans les arrondissements en
même temps que d'une police de l'ordre public pour assurer le maintien de
l'ordre et la sécurité des manifestations. La préfecture de police et les
policiers font preuve d'une grande maîtrise, d'un grand professionnalisme, je
veux le dire ici devant vous, puisque M. Plasait m'a interpellé en particulier
sur un arrondissement de Paris que je n'aurai pas l'outrecuidance d'évoquer
ici, car ce n'est pas le lieu.
J'en arrive à la question de M. Vallet sur les subventions aux syndicats : 10
millions de francs. Très franchement, il me paraît normal que les syndicats -
que, j'imagine, personne ne récuse ici, ni dans la police, ni ailleurs, car ils
sont bien utiles - puissent être financés par la puissance publique. C'est
mieux que par d'autres méthodes ! Il me semble donc normal d'assurer aux
syndicats représentatifs des personnels les moyens de fonctionnement
nécessaires au dialogue social.
Un amendement parlementaire au projet de budget pour 1997 a souhaité isoler,
dans un chapitre séparé du budget global de la police, les subventions de
fonctionnement des syndicats, soit 8,5 millions de francs en 1997 et 10
millions de francs aujourd'hui.
Ces crédits sont répartis au prorata de la représentativité des syndicats, qui
rendent compte de leur emploi. En contrepartie, le démarchage publicitaire,
souvent source d'abus, a été interdit.
M. Jean-Pierre Schosteck,
rapporteur pour avis.
Très bien !
M. Daniel Vaillant,
ministre de l'intérieur.
Monsieur Vallet, vous émettiez des critiques sur
la non-transparence de mon budget. Très franchement, je ne vous ai pas entendu
adresser ces critiques à mes prédécesseurs, notamment à ceux qui faisaient
partie des gouvernements que vous souteniez.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
C'est qu'il n'était pas rapporteur spécial à l'époque
! C'est une bonne raison !
M. Daniel Vaillant,
ministre de l'intérieur.
Mais les méthodes de présentation n'ont pas
régressé, elles ont même été améliorées dans le sens de la transparence. C'est
notamment vrai pour les syndicats. Je puis vous dire qu'il n'y a vraiment rien
de nouveau qui puisse vous préoccuper par rapport aux périodes antérieures.
M. André Vallet,
rapporteur spécial.
Pourquoi écrire « autres organismes » ?
M. Daniel Vaillant,
ministre de l'intérieur.
J'en viens aux compagnies d'assurance puisque
vous les avez aussi évoquées.
Le ministère de l'intérieur, grâce à un traitement interne des données,
communique aux sociétés d'assurance les informations qui leur permettent de
retrouver rapidement l'identité des propriétaires de véhicules volés. Cette
action de l'Etat est une contribution très précieuse pour les sociétés
d'assurance. Par conséquent, ces dernières ont proposé d'abonder par fonds de
concours le budget du ministère de l'intérieur. Il n'y a là rien de nouveau.
La Cour des comptes a validé ce dispositif à maintes reprises. Le fait nouveau
est que j'ai demandé que l'on mette fin au lien qui existait en effet jusqu'à
cette année entre le versement des sociétés et le budget social du ministère.
Ce sera fait en 2001. Cela vous a échappé, me semble-t-il. Les fonds des
sociétés d'assurance sont versés sur le chapitre du fonctionnement de
l'administration centrale.
Les subventions aux oeuvres sociales sont versées sur un autre chapitre
budgétaire. Il n'y a donc plus de lien entre les deux.
Monsieur Guérini, en ce qui concerne Arenc, nous venons de choisir le terrain
sur lequel doit être reconstruit un bâtiment : 100 millions de francs seront
consacrés à ce projet. En attendant la livraison de ce bâtiment, 2 millions de
francs seront dépensés pour rénover les locaux existants.
J'en arrive au budget de la sécurité civile.
Bien évidemment, mesdames, messieurs les sénateurs, vos questions ont porté
sur les conséquences à tirer des catastrophes de l'hiver dernier, sur les
évolutions envisagées pour assurer un meilleur fonctionnement des SDIS et, plus
largement, sur les conclusions à tirer du rapport Fleury sur la sécurité
civile.
Plusieurs questions, émanant notamment de MM. Schosteck et Paul Girod, ont
porté sur les conséquences de ces catastrophes de l'année dernière.
Le Sénat a déjà eu l'occasion d'étudier cette question par l'intermédiaire de
sa commission spéciale sur le naufrage de l'
Erika.
Le dispositif de lutte à terre et en mer est certes perfectible. M. le Premier
ministre a réuni en effet deux comités interministériels de la mer en février
et en juin 2000. De nombreuses mesures ont été décidées dont la plupart ne
relèvent pas du champ de compétences du ministère de l'intérieur.
Les enseignements tirés du naufrage de l'
Erika
ont été précieux pour la
gestion de l'accident du
Ievoli Sun ;
chacun s'accorde à souligner la
très bonne coordination qui a eu lieu entre la partie maritime et la partie
terrestre du plan POLMAR. Le fait que le préfet de zone ait été chargé de cette
question a sans doute contribué à cette bonne coordination.
Dans le même ordre d'idées, M. Schosteck a souligné l'inadaptation des plans
contre les inondations.
Vous savez que ces domaines relèvent non pas de la sécurité civile, mais des
plans de prévention des risques, les PPR, définis dans la loi de 1995. Le
ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement est pilote dans
ce domaine, mais la direction de la sécurité civile travaille actuellement avec
Météo France et le ministère de l'équipement à une amélioration des procédures
d'alerte. C'est un des enseignements tirés des inondations du Tarn et de
l'Aude.
En ce qui concerne les SDIS, je vous rappelle que la loi de 1996 n'était pas
sans imperfections, imperfections que nous souhaitons gommer.
Dans le cadre du projet de loi sur la décentralisation, le Gouvernement
proposera des dispositions permettant de conforter la place des conseils
généraux au sein des conseils d'administration et de stabiliser les dépenses
des communes en matière de secours et de lutte contre l'incendie. C'est
d'ailleurs ce que j'ai dit lors du congrès de l'Association des maires de
France.
M. Vallet a également regretté le caractère, selon lui, tardif du projet de
loi sur la sécurité civile. Un premier train de mesures liées au financement
des SDIS sera présenté au Parlement dès le premier semestre 2001 ; je viens
d'en parler à l'instant.
Pour le reste, il convient de se donner le temps de la réflexion sur
l'ensemble de la problématique posée par les questions de sécurité civile.
C'est ce que j'ai annoncé lors de mon intervention au congrès des
sapeurs-pompiers de Strasbourg, le 7 octobre dernier. Après une année de
réflexion, le débat sur la loi d'orientation donnera au Parlement la
possibilité de faire part de son expérience et d'aider le Gouvernement à
trouver des solutions à plus long terme.
M. Hyest, ainsi que M. Marini, se sont demandé si une contribution des
hôpitaux pourrait financer les interventions des sapeurs-pompiers. C'est une
hypothèse sur laquelle il nous faut travailler.
Monsieur Girod, vous avez évoqué le problème des exercices. J'en ai parlé dès
le 22 septembre, lors de ma première rencontre avec les préfets. J'ai alors
demandé que des exercices soient régulièrement organisés. Dans ce domaine, les
exercices sont de plus en plus réalistes, la population et les élus étant
associés à leur conception et à leur application.
La méthode est perfectible, certes. Mon ministère et la direction de la
défense et de la sécurité civile y réfléchissent. Il s'agit d'adapter les
exercices auxquels sont soumis les personnels aux évolutions de notre société.
Nous allons donc continuer à faire évoluer les capacités d'intervention,
notamment en nous appuyant sur les exercices.
J'évoquerai maintenant la situation immobilière des préfectures et des
sous-préfectures, en réponse à M. Vallet.
Je vous confirme, monsieur le rapporteur spécial, qu'aucun programme n'est
différé pour des raisons budgétaires. Les crédits immobiliers du ministère au
titre des préfectures et des sous-préfectures atteindront en 2000 leur montant
le plus élevé depuis vingt ans, avec 268 millions de francs.
Je partage votre souci à l'égard des sous-préfectures. J'ai d'ailleurs annoncé
qu'aucune sous-préfecture ne devrait fermer. Elles correspondent à un service
de proximité que l'Etat doit offrir.
M. Paul Masson.
Très bien !
M. Daniel Vaillant,
ministre de l'intérieur.
Toutefois, si aucune sous-préfecture ne doit
fermer, il faut revoir les contours d'un certain nombre de leurs missions. Lors
des assises de modernisation des préfectures qui se sont tenues à Lyon, le 23
novembre, et auxquelles j'ai assisté toute la journée, j'ai pu entendre tous
les personnels s'exprimer du jardinier au préfet, si je puis dire. Nous avons
dressé un bilan de la situation des préfectures et sous-préfectures, qui
restent pour moi des rouages essentiels de la déconcentration de l'Etat, au
service du citoyen.
En 2000, 79 projets concernant des sous-préfectures ont été lancés. Certains
en sont au recrutement du maître d'oeuvre : Lannion, Dunkerque et Dole.
D'autres sont déjà en phase de travaux : Brives, Corte, Tournon et
Oloron-Sainte-Marie. Enfin, de gros dossiers sont devant nous : Torcy,
Sarcelles et Reims. Vous voyez donc que tout cela avance.
Sur l'insincérité de mon budget, j'ai déjà répondu à M Vallet. Il n'y a pas de
changements fondamentaux : la transparence est à l'ordre du jour.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous remercie de
m'avoir écouté avec patience. J'ai peut-être répondu avec quelque vivacité,
mais c'est bien au Parlement que cette vivacité doit s'exprimer, puisque c'est
le lieu de l'échange, de la transparence. Et, quand on présente un bon budget,
on le fait naturellement avec allant !
(Bravo et applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe
communiste républicain et citoyen.)
M. André Vallet,
rapporteur spécial.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. André Vallet,
rapporteur spécial.
Monsieur le ministre, vous venez d'indiquer que c'est
en toute objectivité que vous aviez présenté votre budget. Or je me permets de
vous indiquer que les effectifs de policiers que vous avez communiqués
comportent quelques inexactitudes. Si c'était par rapport à des chiffres que
j'aurais moi-même établis, vous pourriez contester mes dires...
M. Daniel Vaillant,
ministre de l'intérieur.
Mais non !
M. André Vallet,
rapporteur spécial.
... mais, en l'occurrence, je m'appuie sur les
chiffres de la Cour des comptes.
Vous avez indiqué tout à l'heure qu'en 1993, 1994, 1995 et 1996 la situation
n'était pas bien brillante et que les choses se sont redressées ensuite. C'est
exactement le contraire qui s'est produit.
En 1993, il y avait, selon les chiffres de la Cour des comptes, 118 580
policiers sur le territoire national ; en 1994 : 121 000 ; en 1995 : 121 000 ;
en 1996 : 122 000 ; en 1997 : 121 000 ; en 1998 : 121 000 ; en 1999 : 117 000 ;
en 2000 : 115 000. Or, votre budget fait apparaître le chiffre de 113 013.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Où est la vérité ? La Cour des comptes mentirait-elle
?
M. André Vallet,
rapporteur spécial.
Tels sont les chiffres de la Cour des comptes, qui
montrent que ceux que vous avez cités ne sont pas tout à fait exacts.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
C'est grave !
M. André Vallet,
rapporteur spécial.
En tout cas, vous ne pouvez pas dire, en utilisant un
mot que vous nous avez appliqué, que la Cour des comptes « tripatouille » les
chiffres.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
C'est particulièrement grave, cela nécessite une
réponse !
M. Paul Masson.
Oui, le ministre doit répondre !
M. Daniel Vaillant,
ministre de l'intérieur.
Ne vous en faites pas, je vais répondre,
monsieur Marini.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
J'y compte bien !
M. André Vallet,
rapporteur spécial.
Je souhaiterais évoquer un deuxième point un peu plus
polémique. Je ne le ferai que sous forme interrogative car, si je peux garantir
les chiffres de la Cour des comptes, je ne peux pas garantir ceux que je vais
citer.
Vous avez indiqué tout à l'heure qu'il n'y aurait pas d'affectation sur des
critères politiques. Or, un grand journal du matin vient d'indiquer que, dans
la dernière promotion des gardiens de la paix affectés à la préfecture de
police de Paris, sur 111 gardiens, 48 ont été affectés dans le XVIIIe
arrondissement. Est-ce vrai ou non ? Je n'en sais rien.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
On aimerait bien le savoir !
M. André Vallet,
rapporteur spécial.
Votre avis sur ce point est particulièrement
intéressant.
M. Jean Arthuis.
Le ministre se sert en premier !
M. André Vallet,
rapporteur spécial.
Enfin, dernier point : la Cour des comptes indique
que 14 % des effectifs de police ne sont pas affectés à des missions de police
sur le territoire.
M. Daniel Vaillant,
ministre de l'intérieur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Daniel Vaillant,
ministre de l'intérieur.
Il est normal que l'on m'interpelle, mais il est
tout aussi normal que je rétablisse les faits.
Ainsi, monsieur le rapporteur spécial, j'ai dit que je ne voulais pas qu'on
puisse nous accuser de « tripatouillage », ce qui n'est pas exactement
l'interprétation qu'ont fait de mes propos certains sénateurs, me semble-t-il.
Je ne vous ai jamais accusés, vous, de « tripatouillage ».
Par ailleurs, en ce qui concerne les effectifs, j'indique, une bonne fois pour
toutes, que je mets en cause les gouvernements précédents, notamment ceux de
1995 et 1996, qui n'ont pas fait de gestion prévisionnelle, notamment par
rapport aux départs à la retraite. Cette carence pèse lourdement sur les
effectifs de la police nationale.
Monsieur Vallet, bien évidemment, vous prenez des chiffres...
M. André Vallet,
rapporteur spécial.
Ce sont les chiffres de la Cour des comptes !
M. Daniel Vaillant,
ministre de l'intérieur.
D'abord, une politique de surnombres n'est pas
de celles que peut particulièrement apprécier la Cour des comptes ! Ensuite,
dans vos chiffres, vous ne tenez pas compte...
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Il s'agit d'un constat comptable !
M. Daniel Vaillant,
ministre de l'intérieur.
Il n'y a pas que cela ! Il y a aussi la
politique.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Il n'y a pas que cela, mais cela compte. Vous dites
que la Cour des comptes se trompe, dit des mensonges...
M. Daniel Vaillant,
ministre de l'intérieur.
Ce que je veux dire semble vous gêner, monsieur
le rapporteur général, mais la vérité ne devrait pas vous gêner ! Les chiffres
qu'a évoqués M. Vallet ne tiennent compte ni des 2 400 policiers embauchés en
surnombre, ni des adjoints de sécurité, au nombre de 20 000, ni des policiers
auxiliaires, dont le nombre a atteint dans le passé 9 000.
M. Vallet semble m'approuver.
M. André Vallet,
rapporteur spécial.
Absolument pas !
M. Daniel Vaillant,
ministre de l'intérieur.
Mais vous avez opiné du chef, j'ai donc pensé
que vous reconnaissiez le bien-fondé de ma remarque. Le tout forme un ensemble
de policiers qui peuvent être présents sur le terrain.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Nous parlons des policiers professionnels !
M. Daniel Vaillant,
ministre de l'intérieur.
Par ailleurs, les policiers doivent de plus en
plus être relevés des tâches indues qui étaient les leurs. Tel est le sens de
l'embauche, cette année, de 800 personnels administratifs qui seront redéployés
au sein des effectifs de la police nationale, ce qui permettra de remettre des
policiers sur le terrain. C'est la réalité. Vous ne l'avez pas fait, nous si
!
(Protestations sur les travées du RPR et des Républicains et
Indépendants.)
S'agissant du XVIIIe arrondissement, le préfet de police, qui agit en toute
autonomie, a considéré qu'en fonction des départs à la retraite et des
mutations sur la première vague des 110 policiers qui, au mois de novembre,
étaient transférés à la préfecture de police de Paris, 43 agents - et non 48
comme vous l'avez indiqué - devraient être affectés au XVIIIe arrondissement.
Aucun des 160 agents nommés début décembre ne sera affecté dans le XVIIIe
arrondissement ; ils seront répartis ailleurs. Simplement, quand des problèmes
se posent à certains endroits, nous les réglons. Quand des départs à la
retraite ou des mutations interviennent, le préfet de police est normalement
fondé à répondre à la demande et aux besoins.
Tout à l'heure, MM. Vallet et Plasait ont mis en cause les relations que je
pouvais entretenir avec les élus locaux. L'année dernière, un élu local de
l'opposition du XVIIIe arrondissement avait déposé un voeu soutenant que le
ministre des relations avec le Parlement n'avait pas obtenu, de la part du
ministre de l'intérieur et du préfet de police, les effectifs nécessaires pour
ledit arrondissement. Sur ce plan, j'attends les critiques, tout en étant
serein.
(Bravo et applaudissements sur les travées socialistes.)
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Parole de ministre maire !
M. Daniel Vaillant,
ministre de l'intérieur.
D'arrondissement, monsieur Marini !
M. le président.
Je rappelle au Sénat que les crédits concernant la sécurité inscrits à la
ligne « Intérieur et décentralisation » seront mis aux voix aujourd'hui à la
suite de l'examen des crédits affectés à la décentralisation.
ÉTAT B
M. le président. « Titre III : 2 821 438 095 francs. »
Sur ces crédits, la parole est à M. Bret.
M. Robert Bret.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le budget de
la sécurité civile prend, cette année, une résonance particulière. Les unités
de la sécurité civile ont été, en effet, lourdement mises à contribution en
cette fin de millénaire : il leur a fallu faire face aux tempêtes de décembre
dernier, dont les effets continueront à se faire sentir encore longtemps, aux
naufrages coup sur coup du pétrolier
Erika
et de l'
Ievoli Sun
,
qui ont souillé pour de longues années nos côtes et nos fonds marins, ainsi
qu'aux inondations et aux incendies de forêt qui ont coûté la vie à quatorze
sapeurs-pompiers professionnels.
Tous ces événements ont mis au premier plan la sécurité civile et le travail
remarquable de ces professionnels. Ils ont montré également les risques
importants que rencontrent les acteurs et les lacunes de notre sécurité civile,
notamment dans la prévention des risques, mais également dans la gestion des
secours.
Dès lors, on pourrait déplorer que le budget de la sécurité civile ne soit pas
plus ambitieux. Certes, les crédits sont en hausse de 26 % et constituent l'un
des premiers postes bénéficiaires du budget de votre ministère. Cependant,
comme vous l'avez vous-même souligné, monsieur le ministre, il s'agit avant
tout d'un « budget de consolidation ou de continuité, dans l'attente du projet
de loi sur la sécurité civile », dont vous nous avez confirmé le dépôt pour
l'automne 2001.
On peut même se demander si un certain nombre de choix qui semblent d'ores et
déjà acquis, notamment au regard des conclusions du rapport Fleury, n'auraient
pas pu être budgétisés ici. Je me permettrai de citer deux exemples.
Le premier exemple concerne la prise en compte des risques qui pèsent sur les
sapeurs-pompiers au niveau de leur statut. Même si le classement en profession
à risque n'est pas acquis, cela n'hypothèque nullement d'autres réformes
utiles. Tel est le cas de la reconnaissance d'une possibilité de retraite
anticipée, qui peut encore être améliorée. Je pense également aux mesures
proposées par le rapport Fleury sur les sapeurs-pompiers volontaires et à
certains amendements qui ont été débattus ici récemment.
Néanmoins, nous ne ferons pas l'économie d'une réflexion de fond, à laquelle
devrait nous conduire le futur projet de loi. Comme vous l'avez dit, monsieur
le ministre, mettons à profit cette année pour régler les problèmes de façon
cohérente.
Les inconvénients d'une vision partielle ont d'ailleurs été révélés lors de la
discussion d'amendements qui ont été présentés sur le texte relatif à la
résorption de l'emploi précaire dans la fonction publique : il semblerait en
effet que l'octroi du statut de pupille de la nation aux orphelins des
sapeurs-pompiers décédés en service commandé aboutirait à priver les intéressés
de dispositions qui leur sont plus favorables.
Le second exemple concerne le financement des secours. On sait que les
collectivités locales en supportent la majeure partie et que cette situation
est source de problèmes. Certains préconisent l'institution de « services
payants » ; je pense non seulement à la proposition de loi, adoptée par le
Sénat, relative au remboursement des frais de secours, mais également aux
pratiques mises en oeuvre dans certains départements.
Si nous sommes tout à fait convaincus que les missions des sapeurs-pompiers ne
doivent pas être paralysées par les interventions « non urgentes », nous nous
élevons fortement contre la mise en péril de la gratuité des secours qui est,
selon nous, contraire au principe d'égalité, essentiel en matière de sécurité.
Mais cette égalité, il faut bien le dire, est déjà mise en péril par le système
actuel des SDIS.
C'est pourquoi, nous aurions aimé voir dans ce budget un signe fort dans le
sens d'une pérennisation de la contribution de l'Etat. Cela pourrait se faire
au travers d'une DGF ou d'une DGE spécifique. Il apparaît également
indispensable aujourd'hui d'opérer le transfert nécessaire des moyens
financiers de l'Etat pour le fonctionnement des SDIS.
Néanmoins, parce que nous voulons être confiants quant au futur projet de loi
et à la volonté du Gouvernement d'améliorer et de repenser le système de
sécurité civile, nous voterons ce budget de la sécurité civile, qui, au moins
provisoirement, permet de maintenir la qualité des secours.
M. le président.
La parole est à M. Bonnet.
M. Christian Bonnet.
Monsieur le ministre, depuis bientôt vingt ans, je m'interdis, quel que soit
le ministre en charge, d'intervenir dans la discussion des crédits de votre
département. Cela me met très à l'aise pour évoquer une affaire qui me tient
beaucoup à coeur : le délaissement par l'Etat de ses attributs régaliens.
M. Paul Blanc.
Tout à fait !
M. Christian Bonnet.
J'aurai l'occasion d'en parler plus longuement lundi prochain à Mme le garde
des sceaux. Il s'agit d'un phénomène récurrent dont le Gouvernement actuel, je
le reconnais, n'est pas responsable : ce problème existe depuis de nombreuses
années.
Dans le présent projet de loi de finances, les chiffres sont particulièrement
significatifs : avec 29,033 milliards de francs, le budget de la justice
représente 1,62 % du budget de la nation. Et si l'on en retire l'administration
pénitentiaire, à un moment où nous constatons, d'une part, une avalanche de
textes et, d'autre part, une judiciarisation exponentielle de la société, les
chiffres paraissent extravagants, et je doute que la loi, pourtant très
heureuse, renforçant la protection de la présomption d'innocence et les droits
des victimes puisse s'appliquer dès le 1er janvier prochain.
S'agissant de la sécurité, les crédits de la police - je veux croire que mes
chiffres sont bons - s'élèvent à 31,989 milliards de francs, et ceux de la
gendarmerie, car il faut y ajouter les chiffres de la gendarmerie si l'on veut
être honnête, à 23,776 milliards de francs. Par conséquent, au total, 55,765
milliards de francs sont consacrés aux tâches de sécurité de la police et de la
gendarmerie.
Si vous cumulez les crédits de la justice et ceux de la sécurité, vous
aboutissez à moins de 5 % du budget de la nation. Or les milliards, quand on le
veut, on les trouve !
Je passe sur les 85 milliards de francs du FOREC, qui sont supérieurs aux
84,798 milliards de francs de la justice et de la sécurité.
Je vous prends à témoin les uns et les autres, vous le premier, monsieur le
ministre : sitôt qu'une corporation fronce un peu le sourcil, et
a fortiori
si elle occupe les rues, ce qui ne vous est évidemment pas indifférent dans
la charge qui est la vôtre, les milliards sont là, et ils coulent ! Tel n'est
pas le cas pour la justice, qui est apparue au congrès des maires, pour la
sécurité, M. le rapporteur spécial le rappelait tout à l'heure, comme la
préoccupation dominante, avant même l'emploi, sans doute du fait du
redressement de la conjoncture.
Je souhaitais appeler votre attention sur ce point, monsieur le ministre, en
toute objectivité, avec le sens de l'Etat que j'ai chevillé au corps depuis ma
plus tendre enfance et dont je ne doute pas que vous l'ayez vous-même.
Cela étant, et en dépit des insuffisances, hélas ! criantes de ce budget, dont
je ne vous rends pas responsable, d'autant que ce budget n'est même pas le
vôtre, le moment venu, je le voterai
in globo,
comme je l'ai fait depuis
vingt ans.
M. le président.
La parole est à M. Hoeffel.
M. Daniel Hoeffel.
L'exercice des fonctions régaliennes de l'Etat que vient d'évoquer notre
collègue Christian Bonnet me conduit à en présenter une illustration au travers
des problèmes de sécurité qui se posent dans la ville de Strasbourg.
Strasbourg bat des records sur le plan des voitures brûlées : 1 600 depuis le
début de l'année, selon certains médias. Cela illustre la dégradation de la
situation, qui risque de ternir l'image d'une ville où siègent de nombreuses
institutions européennes, qui risque de démotiver ceux qui ont la lourde tâche
d'assurer la sécurité et qui risque de porter en elle les germes d'un certain
nombre de dérives auxquelles, tous ensemble, nous devons être particulièrement
attentifs.
Je ne sous-estime pas, monsieur le ministre - et je partage en cela ce qu'a
dit notre collègue Christian Bonnet - les contraintes qui sont les vôtres. Mais
des mesures d'urgence s'imposent, avant qu'il ne soit trop tard. Mon devoir,
aujourd'hui, était de tirer la sonnette d'alarme. (
Applaudissements sur les
travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et
Indépendants.)
M. Daniel Vaillant,
ministre de l'intérieur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Daniel Vaillant,
ministre de l'intérieur.
Monsieur Hoeffel, vous avez posé un problème
réel. En effet, dans le contexte du débat de ce matin, certaines des situations
qui ont été dénoncées doivent être appréciées à l'aune de l'objectivité de
chacun ; les points de vue énoncés ont pu, quelquefois, être subjectifs.
En revanche, à Strasbourg, il existe de vraies difficultés. Vous l'avez
rappelé, la délinquance s'est accrue de 11 % mais, heureusement, le taux des
faits élucidés a augmenté de 25 %. On peut penser qu'il s'agit là d'un progrès
dans la mesure où, dès lors que des faits sont élucidés, la justice est saisie
et des poursuites sont engagées. Bien évidemment, je n'ai pas à dire ce qu'il y
a lieu de penser sur la suite des événements en matière judiciaire.
C'est la raison pour laquelle nous avons accompli un effort particulier
s'agissant des effectifs de police à Strasbourg : ils ont été portés à 758
grâce à 61 sorties d'école de police en fin d'année, sans parler des
affectations en surnombre décidées par M. le Premier ministre, qui ont permis
47 nominations depuis le 1er janvier 1998.
L'augmentation est donc réelle, mais elle est due à une situation
particulière, qui mérite d'être réexaminée au fur et à mesure que nous pourrons
satisfaire des affectations supplémentaires grâce à des sorties d'école.
Il est vrai que 689 véhicules particuliers ont été incendiés et 60 motos
brûlées en 1999. Je suis bien conscient d'une recrudescence dans ce domaine. La
coopération entre les différents acteurs est d'autant plus nécessaire. Il faut
que la police de proximité prenne à Strasbourg tout son sens.
Il conviendrait par ailleurs d'améliorer le processus en ce qui concerne la
chaîne pénale, donc de favoriser la coopération entre les autorités.
M. Paul Blanc.
Ah !
M. Daniel Vaillant,
ministre de l'intérieur.
Chacun comprendra !
Par ailleurs, j'ai récemment posé la première pierre d'un grand hôtel de
police à Strasbourg. Il devrait non seulement signifier pour les policiers de
meilleurs moyens pour travailler et une meilleure organisation, mais aussi
témoigner d'une forme de reconnaissance de l'Etat, puisque 200 millions de
francs seront consacrés à cet édifice.
Je puis vous assurer, monsieur le sénateur, que tout sera fait pour en finir
avec ces incidents, pour que Strasbourg rentre dans la norme sur le plan de la
sécurité et retrouve la tranquillité. C'est également le souhait des autorités
municipales, notamment de Mme Trautmann, qui ne manque pas de m'alerter sur
cette situation, ainsi que d'autres parlementaires.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Le vote sur les crédits figurant au titre III est réservé.
« Titre IV : 20 114 888 227 francs. »
Personne ne demande la parole ?...
Le vote sur les crédits figurant au titre IV est réservé.
ÉTAT C
M. le président. « Titre V. - Autorisations de programme : 2 031 150 000 francs ;
« Crédits de paiement : 753 069 000 francs. »
Sur ces crédits, la parole est à M. Bret.
M. Robert Bret.
Le projet de loi de finances pour 2001, dans son volet consacré à la sécurité,
a fait ressurgir le dossier du traitement des étrangers en France, avec la
question des centres de rétention et des zones d'attente.
La réalité que dénonce vigoureusement M. Mermaz dans son rapport ne date
malheureusement pas d'hier : des associations comme le GISTI et la CIMADE ou le
collectif ANAFÉ ont maintes fois dénoncé les conditions bien éloignées de notre
conception de la dignité humaine dans lesquelles trop souvent sont retenus les
étrangers.
La réputation du dépôt de Paris n'est plus à faire ; la situation du centre de
rétention d'Arenc, sur laquelle j'ai, à plusieurs reprises, dans cette
enceinte, attiré l'attention de votre prédécesseur, ne s'est pas créée du jour
où j'ai été amené en tant qu'élu local à en connaître la réalité.
Il a fallu quelques scandales et, surtout, une réflexion sur les conditions de
détention en prison pour que l'on se préoccupe de la situation des étrangers
retenus en France. Dès lors que l'on s'attaquait aux conditions d'enfermement,
on ne pouvait faire l'impasse sur la situation dans les centres de rétention et
dans les zones d'attente. Il serait parfaitement inconcevable que des personnes
dont le seul délit est d'être en situation irrégulière soient moins bien
traitées que si elles avaient été condamnées pour vol ou agression.
Oserai-je rappeler que l'ordonnance de 1945 fait état de « prestations de type
hôtelier » concernant l'accueil des étrangers non encore admis sur le
territoire français ? On en est évidemment bien loin dans certains cas, même si
des efforts ont pu être notés, dans les locaux de la zone d'attente de Roissy,
par exemple.
Peut-être le savez-vous, monsieur le ministre, la semaine dernière, les
retenus d'Arenc, excédés par leurs conditions de rétention, ont mis le feu à
leurs matelas. Depuis, une partie des chambres et des parties communes est
devenue inutilisable.
J'ai attiré l'attention de vos services sur la nécessité de procéder
rapidement aux travaux de réfection et au relogement des retenus, de façon à
garantir la sécurité des personnes. En effet, la situation particulière du
centre d'Arenc, perché sur un dock du port, est telle que toute évacuation est
rendue difficile. Je n'ai reçu aucune réponse à ce jour.
Quant à celle qui m'a été fournie par le préfet de police, elle n'a pu que
confirmer les lacunes du système de sécurité, qui ne comprend aucun dispositif
de détection incendie ; quant à l'escalier de secours intérieur, il est
actuellement en cours de réalisation ! Mais, m'a-t-on fait remarquer, « la
proximité du bataillon des marins-pompiers, présent dans l'enceinte même du
port autonome, garantit également une intervention rapide des secours ». Quel
soulagement, monsieur le ministre !
Vous comprendrez que je ne puisse me contenter d'une telle réponse.
Des mesures d'urgence s'imposent, et l'annonce de la construction d'un nouveau
centre de rétention à Marseille, parmi les six centres prévus d'ici à 2004, ne
peut évidemment satisfaire les attentes.
En réponse, il y a un instant, à notre collègue M. Jean Guérini, vous nous
avez annoncé 2 millions de francs de travaux pour la rénovation rapide du
centre d'Arenc ; c'était vraiment nécessaire.
Sur le même chapitre, vous nous avez confirmé, lors de votre audition par la
commission des lois, la rédaction en cours du décret relatif aux centres de
rétention administrative, qui comporterait certains aspects positifs, telle la
distinction des lieux de rétention des zones d'attente ou l'assistance médicale
gratuite.
Cependant, je souhaiterais avoir une réponse claire concernant la présence de
la CIMADE en rétention.
Vous nous avez parlé de « convention passée avec une association à caractère
national de défense des étrangers à laquelle un local serait attribué dans
chaque centre ».
Je souhaiterais que vous me confirmiez que cette mission sera bien confiée à
une organisation indépendante, extérieure à l'administration. Ce ne peut être
l'OMI, qui, quelles que soient la qualité et la neutralité de son travail, ne
peut prétendre à cette mission.
(M. le ministre opine.)
Les sénateurs communistes seraient heureux d'entendre vos explications sur
tous ces points, monsieur le ministre.
M. Daniel Vaillant,
ministre de l'intérieur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Daniel Vaillant,
ministre de l'intérieur.
Je ne peux laisser ces questions sans réponse,
monsieur Bret. Sachez qu'un programme de rénovation systématique et de création
de centres et de locaux de rétention à été engagé depuis 1998, pour un total de
160 millions de francs.
Comme je le disais à votre collègue M. Guérini, s'agissant d'Arenc, le
ministère vient de choisir le terrain et de caler le programme immobilier qui
devra être réalisé d'ici à 2004. Mais, avant cette date, 200 millions de francs
de travaux de rénovation seront réalisés. Par ailleurs, le décret dont vous
avez parlé est à la signature et doit sortir prochainement.
Je vous le confirme, la présence de la CIMADE est maintenue, comme cela lui a
d'ailleurs été notifié. Il n'y a aucune ambiguïté sur ce point.
Nous allons continuer dans ce sens, méthodiquement, mais progressivement
aussi, compte tenu des moyens. Je puis vous assurer, par exemple, qu'à Roissy
tout a été fait pour que l'accueil soit décent. Cela permettra peut-être aux
magistrats de venir y faire leur travail !
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Le vote sur les crédits figurant au titre V est réservé.
« Titre VI. - Autorisations de programme : 11 533 064 000 francs ;
« Crédits de paiement : 6 613 979 000 francs. »
Personne ne demande la parole ?...
Le vote sur les crédits figurant au titre VI est réservé.
Nous avons achevé l'examen des dispositions du projet de loi de finances
concernant la sécurité.
DÉCENTRALISATION
M. le président.
Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi de finances concernant
la décentralisation.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Michel Mercier,
rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et
des comptes économiques de la nation.
Monsieur le président, monsieur le
ministre, mes chers collègues, l'examen des crédits alloués à la
décentralisation vient à une heure fort peu propice à de longs développements,
d'autant que le Sénat a déjà consacré deux longues séances sur cette question.
A cet égard, monsieur le ministre, nous ne pouvons que regretter que la
procédure budgétaire ne vous ait pas permis d'être présent au banc du
Gouvernement auprès de Mme Parly, la semaine dernière. Recommencer aujourd'hui
le débat est quelque peu délicat.
Je serai donc bref, pour être agréable à M. le président,...
M. le président.
Je vous en sais gré !
M. Michel Mercier,
rapporteur spécial.
... pour éviter les redondances et faire en sorte de
ne pas lasser nos collègues avec ces questions relatives aux collectivités
locales.
Monsieur le ministre, comme vous l'avez dit, voilà quelques minutes, à M. le
rapporteur général, la comptabilité n'est pas tout. Sans vouloir trop insister
sur les chiffres, je souhaiterais néanmoins revenir sur quelques questions de
principe à propos des crédits alloués aux collectivités locales.
Dans cette assemblée, nous sommes attachés au principe de la décentralisation,
c'est-à-dire la décentralisation au nom d'une République territoriale. Nous
pensons que la décentralisation est probablement la chance de la République, au
moment où l'on va organiser de plus grands ensembles et au moment où
s'organise, notamment en cette fin de semaine, à Nice, la construction d'une
Union européenne élargie. Sous quelle forme allons-nous construire l'Europe ?
La République y aura-t-elle toute sa place ? Ce sont là des questions
fondamentales. Nous pensons que, si cette République est territoriale, elle
pourra en effet être l'un des acteurs de la construction européenne.
A ne considérer que les chiffres, on pourrait penser que les collectiviés
locales sont comblées. Plus de 44 milliards de francs supplémentaires, c'est le
pactole, monsieur le ministre !
Mais nous savons, les uns et les autres, que cela ne reflète pas la réalité.
L'augmentation des crédits en faveur des collectivités locales n'est que la
compensation d'impôts locaux supprimés et remplacés par des dotations d'Etat ;
ce sont 6,4 milliards de francs qui constituent les crédits supplémentaires.
Je voudrais simplement redire à cette tribune quel doit être le rôle de l'Etat
face aux collectivités locales.
C'est d'abord la confiance qui doit prévaloir dans les relations entre l'Etat
et les collectivités locales. Or, chaque année, le Gouvernement propose de
supprimer des impôts locaux et de les remplacer par des dotations de l'Etat :
est-ce là un signe de cette confiance ? Que le Gouvernement veuille supprimer
des impôts devenus archaïques ou impopulaires est tout à fait normal, mais
alors, qu'il les remplace par des impôts transférés ! Cela traduirait une vraie
relation de confiance entre les collectivités locales et l'Etat.
Les collectivités locales auront donc désormais essentiellement des dotations
à dépenser. Quand on sait qu'en plus on leur indique très largement comment
elles doivent les dépenser - contrats de plan, règlements d'aide sociale - on
peut se demander où est la responsabilisation des collectivités locales.
Le rôle de l'Etat en matière de décentralisation, dès lors qu'il fait
confiance aux collectivités locales et qu'il leur délègue des impôts, est, bien
entendu, d'assurer une relative justice financière entre les diverses
collectivités locales et une égalité de chances entre celles qui ont beaucoup
de ressources fiscales et celles qui en sont démunies. L'Etat doit donc
essentiellement jouer un rôle péréquateur.
Or nous nous apercevons que, d'année en année, ce rôle péréquateur que devrait
jouer la dotation globale de fonctionnement est de plus en plus secondaire.
Certes, cette dotation augmentera cette année de 3,42 %. Il s'agit d'une forte
progression qui résulte, d'ailleurs, de la stricte application de la loi, et
nous n'allons pas nous réjouir de voir le Gouvernement appliquer la loi : c'est
bien normal ! Mais la dotation de solidarité urbaine n'augmentera pas. Sans les
abondements exceptionnels, cette dotation aurait même diminué.
J'en viens à l'intercommunalité, sorte de révolution au quotidien. Les choses
bougent beaucoup dans ce pays, et c'est bien.
Je rappelle que la loi du 12 juillet 1999 a fait l'objet d'un large consensus,
puisqu'elle a été adoptée par les deux assemblées. Cependant, il faut bien le
reconnaître, l'intercommunalité n'est pas véritablement financée. Des efforts
ont été réalisés l'an dernier ; d'autres le sont cette année. Mais il ne s'agit
que de bouts de ficelle. Et nous ne connaissons pas le coût réel de
l'intercommunalité. Le Gouvernement, monsieur le ministre, ne devrait-il pas
soutenir franchement ce grand mouvement qui anime les élus locaux ? Le succès
de la loi du 12 juillet 1999 atteste la volonté des communes de se regrouper.
De ce fait, les communautés de communes, les communautés d'agglomération ainsi
que les communautés urbaines vont devenir les formes nouvelles d'action de
proximité sur le territoire.
Ne pas prévoir un réel financement tout en ignorant si les crédits figurant
dans le projet de budget vont suffire et aller « piocher » dans la DCTP pour
financer l'intercommunalité, c'est condamner cette dotation, instaurée à
l'origine pour compenser des pertes de taxe professionnelle, puis transformée
en variable d'ajustement du contrat de croissance et de solidarité, à diminuer
encore plus cette année, alors que la situation économique devrait au contraire
produire des ressources supérieures, notamment de taxe professionnelle, pour
les collectivités locales.
Je voudrais, enfin, vous interroger sur le contrat qui lie de façon quasi
traditionnelle les collectivités et l'Etat pour le financement de celles-ci sur
une durée de trois ans. Vous nous avez annoncé que le contrat en cours sera
prorogé. On pourrait, à première vue, s'en féliciter et estimer qu'il s'agit
d'une bonne nouvelle pour les collectivités locales. Cependant, cela va
engendrer deux problèmes.
D'abord, le fait de proroger d'une année le contrat posera en quelque sorte un
problème de date. En effet, 2001 est la dernière année qui permettra au
Gouvernement de financer l'intercommunalité sur la DCTP. Il y aura donc un
hiatus à gérer. Comment allez-vous procéder ?
Cette prorogation posera un second problème. Qu'allez-vous faire de ce contrat
? En 2002, ce contrat sera-t-il le même qu'en 2001, alors que nous avions pris
l'habitude de voir le Gouvernement faire des efforts, certes à pas comptés,
pour prendre en compte l'accroissement de la richesse nationale dans la
détermination du taux d'accroissement des concours de l'Etat aux collectivités
locales ?
Prorogation veut-il dire que l'on va cesser de prendre, chaque année, un peu
plus en compte l'accroissement de la richesse nationale, ou allez-vous passer
de 33 % à 50 % pour l'année supplémentaire du contrat ? Nous souhaitons que
vous nous répondiez sur ce point.
Telles sont les questions que je souhaitais poser en cette fin de matinée.
J'ai d'abord posé une question de principe : le moment ne vous paraît-il pas
venu de donner un second souffle à la décentralisation, de donner des signes
forts de confiance aux collectivités locales, de cesser d'octroyer des
dotations, de transférer de vraies responsabilités, de faire en sorte que
l'Etat assume le rôle qui est en l'occurrence le sien, à savoir assurer la
péréquation entre les collectivités locales ? J'ai ensuite posé deux questions
: comment financer l'intercommunalité et comment sera prorogé le contrat qui
lie financièrement l'Etat et les collectivités locales ?
(Applaudissements
sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et
Indépendants.)
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Daniel Hoeffel,
rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de
législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration
générale.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers
collègues, la commission des lois s'est d'abord préoccupée de l'effort de
modernisation des préfectures, engagé depuis plusieurs années, qu'elle
reconnaît. Beaucoup d'élus souhaitent que, face à la complexité croissante de
la règle de droit, les préfectures leur apportent une plus grande expertise
juridique.
Quant à la déconcentration administrative, nous constatons qu'elle se
poursuit, mais d'une manière laborieuse. Or elle ne sera effective que dans la
mesure où le préfet sera le véritable représentant interministériel de
l'ensemble des services de l'Etat.
M. Christian Bonnet.
Vieille affaire !
M. Jacques Machet.
Très bien !
M. Daniel Hoeffel,
rapporteur pour avis.
Nos travaux ont été consacrés, pour l'essentiel,
aux concours de l'Etat et à leur évolution. A ce propos, nous faisons cinq
constatations.
Première constatation : les collectivités locales ne sont pas suffisamment
associées aux fruits de la croissance, à laquelle elles apportent pourtant une
contribution majeure,...
M. Jacques Machet.
Très bien !
M. Daniel Hoeffel,
rapporteur pour avis.
...ce qui, évidemment, se répercute sur la DGF.
Deuxième constatation : le contrat de croissance et de solidarité ne prend pas
en compte les charges des collectivités locales. Or ces charges sont fortement
évolutives, souvent sous l'effet de décisions prises unilatéralement par
l'Etat.
Troisième constatation : l'ajustement de l'enveloppe normée par le biais de la
DCTP aboutit, année après année, à une amputation très forte de cette dotation
pourtant destinée à compenser les pertes de recettes fiscales.
Quatrième constatation, qui rejoint le constat de la commission des finances :
le prélèvement de 1,2 milliard de francs pour financer les communautés
d'agglomération est-il suffisant pour faire face à l'augmentation du nombre de
ces structures ? Cette année, on recense trente communautés d'agglomération
supplémentaires. La même question se pose en ce qui concerne la progression du
nombre des communautés de communes. Or, monsieur le ministre, les engagements
pris dans le cadre de la loi du 12 juillet 1999 doivent être incontestablement
respectés pour accompagner ce mouvement nécessaire vers l'intercommunalité.
Cinquième et dernière constatation : la multiplication des abondements dits
exceptionnels, le poids croissant des compensations d'exonérations de fiscalité
locale affectent les objectifs de prévisibilité et de lisibilité.
A la suite de ces cinq constats, la commission des lois s'est encore consacrée
- c'est ma conclusion - à trois questions essentielles qui portent sur
l'avenir.
La première, c'est le problème du statut, ou ce qui en tient lieu, des élus. A
cet égard, des progrès ont été accomplis sur le plan de la sécurité juridique,
à la suite du vote de la loi Fauchon. Ces progrès doivent être amplifiés par
l'élaboration d'un véritable statut. Cette volonté s'exprime d'ailleurs avec le
livre blanc de l'Association des maires de France et l'annonce, par M. le
président du Sénat, de l'inscription à l'ordre du jour, en janvier prochain,
d'une proposition de loi de notre collègue M. Vasselle.
La deuxième question de fond concerne tout ce qui a trait à
l'intercommunalité. Le mouvement de renforcement de la coopération
intercommunale doit être poursuivi à partir de la libre volonté des communes
dans un cadre juridique simplifié et ménageant la souplesse nécessaire. Le défi
du financement de l'intercommunalité devra être relevé selon des modalités
respectant les dotations existantes.
Enfin, la troisième et dernière question concerne l'avenir du système de
financement local, qui suscite, comme d'habitude, allais-je dire, des
inquiétudes légitimes.
Les recettes fiscales représentent actuellement moins de la moitié des
ressources globales des collectivités. Le Sénat a souhaité mettre un coup
d'arrêt à ce qu'il pense être une dérive, à travers l'adoption de la
proposition de loi constitutionnelle présentée par M. le président Poncelet. La
commission Mauroy, dont plusieurs d'entre nous faisaient partie, s'est
elle-même prononcée très clairement pour la préservation du principe de
l'autonomie fiscale des collectivités locales.
La modernisation de la fiscalité locale doit donc constituer une priorité. En
outre, les incertitudes actuelles sur les nouvelles règles d'évolution des
concours de l'Etat qui seront appliquées à l'échéance du contrat de croissance
et de solidarité, lequel sera prolongé d'une année, devront être levées.
M. Jacques Machet.
Très bien !
M. Daniel Hoeffel,
rapporteur pour avis.
Voilà, monsieur le ministre, mes chers collègues,
quelques-unes des observations, des interrogations et des questions d'avenir
sur lesquelles la commission des lois s'est penchée. S'agissant des grandes
questions de principe, notre commission des lois n'a jamais failli à la
solidarité avec les propositions de la commission des finances.
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des
Républicains et Indépendants.)
.
M. le président.
Messieurs les rapporteurs, je vous remercie de votre précision et de votre
concision !
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les
reprendrons à quinze heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à douze heures cinquante-cinq, est reprise à quinze
heures cinq, sous la présidence de M. Jean Faure.)
PRÉSIDENCE DE M. JEAN FAURE
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
3
CANDIDATURES À UNE COMMISSION
MIXTE PARITAIRE
M. le président.
J'informe le Sénat que la commission des lois constitutionnelles, de
législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale
m'a fait connaître qu'elle a procédé à la désignation des candidats qu'elle
présente à la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les
dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à la résorption de
l'emploi précaire et à la modernisation du recrutement dans la fonction
publique.
Cette liste a été affichée et la nomination des membres de cette commission
mixte paritaire aura lieu conformément à l'article 9 du règlement.
4
CANDIDATURE À UN ORGANISME
EXTRAPARLEMENTAIRE
M. le président.
Je rappelle au Sénat que M. le Premier ministre a demandé au Sénat de bien
vouloir procéder à la désignation d'un sénateur appelé à siéger au sein d'un
organisme extraparlementaire.
La commission des affaires sociales a fait connaître qu'elle propose la
candidature de Mme Nelly Olin, pour siéger, en qualité de suppléante, au sein
du Conseil national du bruit.
Cette candidature a été affichée et sera ratifiée, conformément à l'article 9
du règlement, s'il n'y a pas d'opposition à l'expiration du délai d'une
heure.
5
LOI DE FINANCES POUR 2001
Suite de la discussion d'un projet de loi
M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi de finances pour 2001 (n° 91, 2000-2001), adopté par l'Assemblée nationale. [Rapport n° 92 (2000-2001).]
Intérieur et décentralisation
(suite)
DÉCENTRALISATION
(suite)
M. le président.
Nous reprenons l'examen des dispositions du projet de loi concernant la
décentralisation.
J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la
conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour
cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République, 25 minutes ;
Groupe socialiste, 16 minutes ;
Groupe de l'Union centriste, 14 minutes ;
Groupe des Républicains et Indépendants, 14 minutes ;
Groupe du Rassemblement démocratique et social européen, 12 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 11 minutes.
Je vous rappelle qu'en application des décisions de la conférences des
présidents aucune intervention des orateurs des groupes ne doit dépasser dix
minutes.
Par ailleurs, le temps programmé pour le Gouvernement est prévu au maximum
pour vingt-cinq minutes.
La parole est M. Dufaut.
M. Alain Dufaut.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, dans le
domaine des collectivités locales, il me paraît temps de passer de la parole
aux actes. Mais le constat que l'on peut faire, à la lecture attentive de ce
projet de budget, ne m'incite pas à penser que le Gouvernement a vraiment la
volonté de donner un nouveau souffle à la décentralisation. Ce n'est pas faute,
pourtant, d'insister sur la nécessité de procéder, vingt ans après la grande
réforme décentralisatrice des années quatre-vingt, à un approfondissement de ce
processus législatif. MM. les rapporteurs l'ont d'ailleurs pleinement exprimé
ce matin.
Le Sénat, d'ailleurs, sous l'impulsion de son président, a pris une part plus
qu'active à cette démarche, de la constitution d'une mission commune
d'information au dépôt d'une proposition de loi constitutionnelle relative à la
libre administration des collectivités territoriales et à ses implications
fiscales et financières, en passant par l'organisation de nombreux colloques ou
réunions sur le sujet.
Alors, je m'interroge : le Gouvernement, conscient de l'envergure d'un tel
chantier législatif, osera-t-il enfin ouvrir ce dernier ?
Il semble plus facile de se consacrer à l'inversion du calendrier électoral
plutôt que de passer à « l'acte II de la décentralisation » !
M. Gérard Cornu.
Eh oui !
M. Alain Dufaut.
Il ne s'agit pourtant pas, monsieur le ministre, de tout remettre en cause. La
réforme, en effet, ne consiste pas nécessairement à vouloir brutalement tout
bouleverser pour tout reconstruire ensuite.
Il importe, en revanche, puisque justement la décentralisation est désormais
entrée dans « l'âge de raison » et que l'expérience tirée de bientôt deux
décennies de pratique le permet, de franchir enfin un seuil important dans la
clarification des responsabilités et des compétences.
Or, en fait de réforme, monsieur le ministre, nous avons eu droit, jusqu'à
présent, à une réduction sensible de l'autonomie fiscale des collectivités
locales, c'est-à-dire à une mesure à l'évidence recentralisatrice, puisque tout
à fait contraire au principe de libre administration des collectivités
territoriales et, par conséquent, limitant leur autonomie. Comme le soulignait
tout à l'heure le rapporteur spécial, M. Michel Mercier, c'est contraire à la
relation de confiance souhaitable entre l'Etat et les collectivités locales.
A l'appui de cette affirmation, je n'aurai qu'à signaler les différentes
mesures prises depuis trois ans et frappant durement les collectivités locales
dans leur autonomie : baisse des droits de mutation des départements,
suppression des droits de mutation des régions, suppression de la part
salariale de la taxe professionnelle, de la part régionale de la taxe
d'habitation et, tout récemment, de la vignette, et ce sans concertation
préalable des associations nationales représentatives des collectivités
locales.
Face à ce constat, vous comprendrez, je l'espère, que nous ayons quelques
doutes sur votre capacité à relancer la décentralisation, voire sur votre
volonté de le faire, monsieur le ministre. Et ce ne sont pas les conclusions de
la commission pour l'avenir de la décentralisation, présidée par Pierre Mauroy,
qui nous rassureront pleinement.
Le renforcement de la démocratie locale ainsi que la recherche d'une plus
grande efficacité dans l'action publique locale et d'un développement mieux
équilibré du territoire, le tout dans un cadre financier borné par une loi sur
l'évolution des budgets locaux, s'imposent pourtant à tous avec force.
Parallèlement, il faudra bien effectuer des choix pour éviter les effets
pervers des diverses strates administratives qui se créent au gré des
différentes lois, en clarifiant les compétences, sur la base d'une concertation
avec les structures représentatives des différentes collectivités locales.
Franchement, monsieur le ministre, dans le système actuel, les élus ne savent
plus où ils en sont ! On n'a jamais vu, je crois, une organisation du
territoire aussi compliquée et disparate. La technocratie, parfaitement
incarnée, à mon sens, par la DATAR, la délégation à l'aménagement du territoire
et à l'action régionale, est en train de redessiner le territoire à l'aide de
circulaires, et l'on empile allègrement les structures - établissements publics
de coopération intercommunale, pays, régions, etc. - sans se soucier de la
cohérence, sans rechercher les articulations nécessaires au bon fonctionnement
de l'ensemble et, comme l'a souligné Michel Mercier ce matin, sans mettre en
place les financements nécessaires à l'intercommunalité. Tout cela est bien
dommage !
Pourtant, de nouveaux transferts de compétences dans des domaines comme les
routes, la culture ou l'enseignement supérieur pourraient bénéficier au
département et à la région, lesquels sont prêts à les assumer. Mais, pour cela,
il faut bien sûr, auparavant, en arrêter le principe ensemble et, surtout,
prévoir les transferts de ressources correspondants.
S'agissant de la région, une réforme du mode de scrutin est indispensable pour
rapprocher les citoyens de leurs représentants à ce niveau. Quant à l'échelon
administratif de base, il paraît nécessaire que le développement de
l'intercommunalité, même s'il est souhaitable, ne remette pas en cause le
respect des identités locales.
L'exercice n'est pas facile, nous en convenons, mais il faut trouver le juste
milieu, l'échelon le plus efficace pour procéder à un réel aménagement du
territoire, le « niveau pertinent », selon la formule chère aux dirigeants de
la DATAR. Mais, de grâce ! ouvrons enfin le débat de fond et tranchons une
bonne fois pour toutes.
Nous sommes nombreux, ici, à penser qu'il nous faut passer à une nouvelle
phase de la décentralisation, cet acte II que tout le monde souhaite, une phase
devant impérativement intégrer une clarification des compétences des
collectivités locales, avec, c'est certain, de nouvelles compétences, la
limitation des financements croisés, qui constituent un véritable obstacle à
l'avancée de nos dossiers, l'adoption d'un véritable statut de l'élu, et
l'autonomie fiscale des collectivités locales, laquelle nous obligera à
réformer en profondeur et à moderniser notre fiscalité, comme l'a indiqué ce
matin M. Daniel Hoeffel.
Ce ne sont bien sûr que quelques pistes de réflexion, mais elles me semblent
essentielles en vue d'une bonne maîtrise de l'aménagement du territoire ; nous
souhaiterions qu'elles soient abordées à l'occasion d'un grand débat au
Parlement, en particulier au Sénat.
En attendant, force est de constater que nous devons nous contenter d'un
budget qui n'ouvre aucune perspective de réforme et qui, de plus, confirme,
comme l'a très justement indiqué le rapporteur spécial à l'Assemblée nationale,
M. Gérard Saumade, que « les modalités de financement des collectivités
territoriales ne semblent plus en mesure de leur assurer les moyens nécessaires
pour supporter les charges croissantes qui leur incombent ».
M. Gérard Cornu.
Nous sommes tous d'accord !
M. Alain Dufaut.
Vous ne vous étonnerez pas, par conséquent, monsieur le ministre, que votre
impuissance à résoudre ces questions pourtant essentielles pour l'avenir des
collectivités locales et votre incapacité à présenter les réformes qui
s'imposent nous incitent à refuser de voter les crédits consacrés à la
décentralisation.
M. le président.
La parole est à M. Nachbar.
M. Philippe Nachbar.
Monsieur le ministre, mon intervention portera sur la situation des communes
forestières.
Un an après la tempête qui les a si lourdement frappées, je veux, en ma
qualité d'élu d'un des départements de France les plus sinistrés et au nom de
la fédération nationale des communes forestières, qui m'a demandé de le faire,
et qui a pu, je crois, très utilement travailler avec votre cabinet, vous
alerter avec force sur la gravité de la situation de ces communes et sur les
menaces pesant sur leur avenir pour de nombreuses années.
Le temps du bilan est aujourd'hui venu. Il apparaît aux yeux de tous que la
forêt française a subi la plus grande catastrophe de son histoire en décembre
dernier. Les chiffres - je me limiterai à n'en citer que deux ou trois -
témoignent de l'ampleur du désastre. La forêt française a perdu 115 millions de
mètres cubes, dont 25 millions de mètres cubes pour la seule forêt communale,
qui nous intéresse aujourd'hui.
A titre d'exemple, parce que l'on ne parle bien que de ce que l'on connaît
bien, la Meurthe-et-Moselle a perdu plus de 8 millions de mètres cubes, soit
l'équivalent de dix années de production.
Les conséquences sont lourdes pour le cadre de vie et pour l'environnement.
Elles sont accablantes sur le plan économique pour l'ensemble des
professionnels de la filière bois. Elles vont, enfin, peser durablement sur le
budget des communes forestières, qui se voient confrontées à d'immenses
difficultés tant à court qu'à moyen ou à long terme.
La réponse des élus de ces communes a été exemplaire à double titre. Je veux
invoquer l'effort immense que ces communes ont fait pour exploiter, stocker et
commercialiser dans des conditions très éprouvantes les chablis, mais aussi la
solidarité manifestée par les communes moins touchées ou non touchées, qui ont
soit gelé, en 2000, les coupes vendues et non exploitées, soit purement et
simplement supprimé celles de 2001.
L'inquiétude des communes, monsieur le ministre, est à la mesure de l'effort
qu'elles ont consenti. Pour des centaines d'entre elles, la perte de la forêt
ampute le budget d'une ressource essentielle pour de nombreuses années et
compromet durablement l'équilibre budgétaire.
A titre d'exemple, une nouvelle fois, puisque je me réfère à ce que je vois
tous les jours dans mon département, en Meurthe-et-Moselle, la forêt communale
représentait 163 000 hectares : 90 000 hectares sont endommagés ou à terre,
certaines forêts communales étant détruites à 90 %. Cela signifie que nombre de
communes ont perdu jusqu'à cinquante ans et plus de leurs revenus forestiers.
Pour nombre d'entre elles, cette recette représentait jusqu'à 40 % de leur
budget, alors même qu'elles vont devoir remettre en état leur voirie forestière
et régénérer leur forêt.
C'est tout l'effort d'investissement qu'elles ont consenti qui risque d'être
remis en cause, avec les conséquences qui s'ensuivront pour les entreprises
travaillant pour elles. C'est aussi tout l'avenir de secteurs entiers du monde
rural qui est durablement compromis.
Comment les élus pourront-ils continuer à créer les services et les
équipements publics nécessaires pour attirer une population nouvelle et
revitaliser leurs communes ? Comment ces dernières, qui ont réalisé un effort
d'investissement tout à fait remarquable, pourront-elles faire face aux charges
de fonctionnement et aux annuités d'emprunts pesant sur leur budget ? Il ne
faudrait pas que des années d'effort soient anéantis et que nous voyions
s'aggraver cette fracture géographique qui nous mènerait tout droit à une
France à deux vitesses et à deux catégories de citoyens.
Des dispositions ont été prises par le Gouvernement tout au long de l'année
2000. Deux circulaires très importantes, en date des 20 mars et 16 mai
derniers, ont institué une commission d'aide aux communes forestières dans
chaque département, associant administration et élus - je ne peux que m'en
féliciter - et prévu un dispositif complexe que l'on peut ramener à une
subvention d'équilibre versée après avis de cette commission et soumise à un
certain nombre de conditions qui s'assimilent à l'exigence d'un déséquilibre du
budget de la commune, soit un déséquilibre constaté, si le budget est voté en
déséquilibre, soit un déséquilibre potentiel, si le budget ne peut être
équilibré qu'avec l'imputation de recettes non certaines.
Ce dispositif appelle deux remarques.
Tout d'abord, les conditions d'éligibilité sont, à l'évidence, trop strictes,
car la notion même de budget en déséquilibre ne peut que se heurter aux
objections légitimes des maires, soucieux à la fois de la bonne gestion des
deniers communaux et d'une présentation transparente et sincère - exigence
légale, je le rappelle au passage - des documents budgétaires.
Ensuite, et surtout - ce point est fondamental, monsieur le ministre - ce
dispositif ne vaut que pour 2000 et 2001. Or, dans la plupart des cas, j'y
insiste, c'est à partir de 2002 que les ressources des communes forestières
vont se tarir.
En 2000, la plupart des communes forestières ont retiré de la vente des
chablis, malgré l'effondrement des cours, malgré les difficultés d'écoulement
du bois, les recettes nécessaires pour équilibrer leur budget. Certaines ont
reporté à 2001 la vente d'une partie des bois tombés pendant la tempête.
Encore faut-il noter que ces recettes sont amputées par les frais importants
entraînés par la réfection des chemins et le début des travaux de régénération
des massifs, pour lesquels la charge résiduelle pesant sur la commune est d'au
moins 20 %.
De plus, remarque d'évidence, ces communes n'avaient évidemment pas souhaité
percevoir de telles sommes, qu'elles n'ont pu, je le souligne au passage,
placer comme elles l'auraient souhaité et qui représentent en une seule fois
l'équivalent de nombreuses années de coupe.
Monsieur le ministre, ce qu'attendent les communes forestières, c'est d'abord
que l'Etat considère qu'elles ont été sinistrées, au sens plein du terme, et
que le dispositif actuel, dont je ne critique ni le principe ni les grandes
lignes, soit perfectionné et pérennisé au-delà de 2001.
Le dispositif doit être, tout d'abord, perfectionné car la notion de
déséquilibre budgétaire doit être assouplie pour ouvrir droit à la subvention
d'équilibre. Il serait souhaitable, à cet égard, que soit réalisée une étude
financière sur la situation de chaque commune pour la durée nécessaire à la
régénération et au retour de la ressource forestière.
Dans le cadre de cette étude, des cas particuliers devraient pouvoir être
intégrés. Certaines communes ont en effet subi des dommages tout à fait
exceptionnels et d'une gravité toute particulière. Je citerai le cas d'une
commune de mon département, qui, ignorant, bien sûr, ce qui allait se passer
quelques années plus tard, avait acquis, en 1995, une forêt qui est aujourd'hui
intégralement rasée, alors qu'il reste 1,5 million de francs d'emprunts étalés
sur quinze ans à payer.
Dans ces conditions, une nouvelle circulaire, complétant, en les affinant, les
deux circulaires que je viens de citer, pourrait indiquer de manière très
claire la façon dont les maires pourraient présenter leur budget afin de le
rendre éligible à la subvention d'équilibre.
Une solution, que je vous suggère, pourrait consister à intégrer dans les
prévisions de recettes la subvention d'équilibre correspondant à la perte
constatée. Je rappelle qu'en mars 2000 le Sénat avait adopté une proposition de
loi que j'avais déposée avec mes collègues du groupe des Républicains et
Indépendants, et qui instituait semblable dispositif.
Après avoir évoqué la nécessité de préciser et de perfectionner le dispositif,
je voudrais surtout insister sur ce qui est essentiel, à savoir la
pérennisation de ce dispositif au-delà de 2001, lorsque les communes
traverseront une période très difficile, privées qu'elles seront alors, pour la
plupart d'entre elles, des ressources tirées de la forêt.
Il faut que ce dispositif continue à s'appliquer année après année, à se
perfectionner si nécessaire, en associant les élus et les administrations dans
le seul souci de l'intérêt général.
N'oubliez pas, monsieur le ministre, l'importance des communes forestières
pour l'avenir économique de notre pays. Un seul chiffre : elles produisent, à
elles seules, 40 % du bois d'oeuvre en France.
La forêt communale ouvre également d'intéressantes perspectives pour notre
environnement. Je n'évoquerai que l'usage du bois énergie, qui se développe de
plus en plus dans les réseaux de chaleur.
N'oubliez pas, enfin, monsieur le ministre, que cette exigence de solidarité
nationale pour les communes forestières aujourd'hui, pour d'autres catégories
de communes en difficulté demain, est pour l'Etat une ardente obligation si
l'on veut éviter de voir se creuser le déséquilibre entre les différentes
régions de notre pays.
(Applaudissements sur les travées des Républicains et
Indépendants, du RPR et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées
du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Fourcade.
M. Jean-Pierre Fourcade.
Monsieur le ministre, après les excellents rapports de nos collègues Michel
Mercier et Daniel Hoeffel, qui ont bien expliqué les raisons qui s'opposent à
ce que le Sénat adopte votre budget, raisons qui ont convaincu la grande
majorité des parlementaires de mon groupe, je me bornerai, dans les quelques
minutes qui me sont imparties, à traiter le sujet essentiel, s'agissant des
concours de l'Etat, de la dotation globale de fonctionnement.
Créée en 1978, plusieurs fois réaménagée, notamment lorsque M. Hoeffel était
au Gouvernement, la DGF est aujourd'hui en crise - et ce ne sont pas les
éminents commissaires du Gouvernement qui vous entourent qui contesteront ce
fait !
La DGF a trois rôles distincts : d'abord, assurer à toutes les collectivités
locales, départements et communes, un minimum pour financer leurs dépenses de
fonctionnement ; ensuite, réaliser une péréquation en tenant compte de la
richesse, mesurée par des indicateurs complexes et difficiles à maîtriser,
aussi bien entre les départements qu'entre les communes ; enfin, et ce depuis
quelques années, financer l'intercommunalité.
Ces trois objectifs sont certes louables et intéressants, mais ils aboutissent
à une véritable explosion de la DGF. C'était parfaitement clair quand les
grandeurs économiques sur lesquelles était fondée cette dotation - évolution
des prix et évolution du PIB - étaient relativement faibles.
Le Gouvernement a d'ailleurs reconnu, monsieur le ministre, que ces trois
rôles étaient difficiles à concilier, puisqu'il a pris, depuis deux ans, la
déplorable habitude non pas de majorer le montant total de la DGF, mais
d'ajouter des abondements spécifiques : et tant pour la dotation de solidarité
urbaine, la DSU, et tant pour la dotation de solidarité rurale, la DSR, et tant
pour l'intercommunalité, et tant pour le recensement ! Bref, toute une série de
bricolages qui ne font qu'aggraver le phénomène et qui permettent de tenir une
année de plus. Mais jusqu'à quand ? Je crains vraiment que nous ne soyons au
terme de notre exercice.
Encore une fois, monsieur le ministre, puisque tout ce qu'il fallait dire sur
votre budget a été dit, et parfaitement dit, par les rapporteurs, je me
bornerai à faire trois propositions de clarification.
La première, la plus simple pour vous, consiste à en revenir à la réalité
démographique de nos collectivités, c'est-à-dire à supprimer le système mis en
place par la loi en 1993 et qui veut que l'on ne tienne pas compte de la
population réelle, si bien qu'aujourd'hui certaines communes, dont la
population a baissé, gardent la dotation ancienne, alors que d'autres, dont la
population a augmenté, ont une dotation minorée de façon fictive. Tout cela est
absurde.
Il faut en revenir à la réalité, c'est-à-dire utiliser des données
démographiques réelles, celles du décompte de 1999, et mettre en place un
système de recensement permanent, que l'INSEE prépare, d'ailleurs.
En effet, le fait que les recensements globaux n'interviennent que tous les
neuf ans et que certaines communes procèdent à des recensements partiels
entre-temps introduit de très grandes inégalités.
Je connais l'exemple d'une commune qui, partant de l'indice 100 au recensement
de 1990, a vu, après un recensement partiel - recensement dont chacun connaît
le caractère contestable - intervenu quelques années après, sa DGF
considérablement augmentée parce que l'on a tenu compte de la population alors
recensée. Au recensement réel de 1999, la population décomptée était bien
inférieure, mais, du fait du mécanisme, la commune a gardé la population
fictive supplémentaire qu'elle avait pu obtenir à l'époque du recensement
partiel. Là encore, c'est absurde.
Nous avons, dans ce pays, des principes fictifs partout : on en a en matière
fiscale, en matière sociale ; il est absurde d'en avoir en matière
démographique. Comme nous avons suffisamment de fonctionnaires et d'agents
publics pour décompter les gens, ce qui n'est tout de même pas extraordinaire -
on le faisait déjà au début de notre ère ! - je crois que l'on pourrait revenir
à la réalité des choses.
Deuxième proposition : il faut développer la péréquation de la DGF en partant
de bases sérieuses et de critères objectifs. Ces critères, c'est évidemment
l'effort fiscal demandé aux contribuables de chaque commune. Mais l'effort
fiscal, cela tient compte à la fois des valeurs locatives et des taux de
l'impôt ; et non pas seulement des taux, car il peut y avoir des taux très
élevés avec des bases très faibles ou des taux modérés avec des bases très
fortes. Ce qui est important, c'est le produit par habitant.
On peut développer la péréquation, en essayant de resserrer l'écart entre les
petites communes rurales et les très grandes agglomérations et en faisant un
programme étalé sur plusieurs années pour que le resserrement de cet écart
permette d'arriver à une meilleure péréquation en matière de dotation
totale.
Troisième proposition, la plus importante : il faut accepter de faire trois
parts dans l'enveloppe globale de la DGF : une part pour les départements -
elle existe ; une part pour les communes ; une part pour l'intercommunalité.
C'est sur la part de l'intercommunalité que le Gouvernement pourrait exercer
sa générosité, en faisant des dotations et des abondements particuliers, de
sorte que les départements et l'ensemble des communes bénéficieraient de
l'augmentation réelle des données économiques et l'intercommunalité
bénéficierait, par des dotations ou des abondements particuliers, de la prise
en compte du développement des opérations.
J'attendais beaucoup, mes chers collègues, de la commission Mauroy. Sur ce
sujet, elle n'est pas allée très loin dans le détail.
Mon temps de parole étant épuisé, j'en termine.
Monsieur le ministre, sur ces trois propositions, à mon avis pleines de bons
sens, et que le Gouvernement peut mettre à l'étude, j'attends avec intérêt une
réponse positive de votre part.
(Applaudissements sur les travées du RDSE,
de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président.
La parole est à M. Bret.
M. Robert Bret.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la
décentralisation est un sujet des plus prisés. Elle fait couler beaucoup
d'encre et suscite de nombreuses réactions. Quasiment vingt ans après les
premières lois de décentralisation, tous les partis politiques s'accordent à
dire qu'il faut franchir un nouveau pas pour aller vers plus de
décentralisation.
Les lois de décentralisation sont aujourd'hui reconnues par tous et
apparaissent à chacun comme des éléments majeurs de la modernisation de notre
pays, même à vous, chers collègues de la droite, alors qu'il en allait tout
autrement en 1982, lors du premier débat sur la décentralisation !
M. Michel Mercier,
rapporteur spécial.
C'est un peu usé comme argument !
M. Robert Bret.
Depuis trois ans, de multiples missions, bilans, rapports ont permis de
dégager des orientations de réforme.
C'est le cas de la mission d'information sénatoriale, monsieur Mercier, mais
surtout de la mission Mauroy, chargée de dresser le bilan de la
décentralisation.
La discussion de nombreux textes a également fourni l'occasion aux uns et aux
autres de donner leur point de vue, qu'il s'agisse de la loi relative au
renforcement et à la simplification de la coopération intercommunale, de la loi
d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire, de la loi
relative au fonctionnement des conseils régionaux, de la loi tendant à fournir
l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions
électives ou de la loi relative à la limitation du cumul des mandats électoraux
et des fonctions et à leurs conditions d'exercice.
Un constat unanime se dégage de ce débat collectif, à savoir que les
transferts de compétences consentis depuis 1982 n'ont pas été suivis de
transferts financiers suffisants. Tel est le cas en ce qui concerne le
patrimoine scolaire : de nombreux collèges, écoles et lycées en mauvais état
sont devenus la propriété des collectivités, et l'on constate aujourd'hui que
les sommes consacrées par celles-ci à leur entretien dépassent largement le
montant des transferts financiers consentis au titre du transfert des
compétences scolaires.
D'une façon générale, on observe une déconnexion entre le montant des
dotations et ce que ces dernières sont censées financer ou compenser. Il en est
ainsi pour la dotation de compensation de la taxe professionnelle, qui était
supposée couvrir les moins-values liées à l'abattement généralisé de 16 %, et
pour la compensation du plafonnement des taux de la taxe professionnelle. On
peut estimer,
grosso modo,
la perte actuelle à 20 milliards de
francs.
Les missions des collectivités territoriales se sont énormément diversifiées
et multipliées, alors que leurs budgets n'ont pas augmenté à la raison des
besoins. Cela étant, le Gouvernement montre son attachement à la réussite de la
modernisation des règles de répartition des compétences. Nous nous en
félicitons, tout comme nous mesurons les efforts qui ont été consentis ces
dernières années.
La loi de finances de 1999, par exemple, a permis aux collectivités locales,
avec l'instauration du pacte de croissance et de solidarité, de bénéficier plus
fortement des fruits de la croissance. L'enveloppe normée s'établit aujourd'hui
à 182, 534 milliards de francs, contre un peu plus de 167 milliards de francs
précédemment. Cette augmentation importante est liée au changement de périmètre
global de l'enveloppe, puisque, sur 15,528 milliards de francs de hausse, 12
milliards de francs proviennent de la compensation de la suppression de la
vignette. L'Association des maires de France note que si nous étions restés
sous le régime de l'ancien pacte de stabilité, les budgets des collectivités
auraient encore été amputés de 3,7 milliards de francs.
Quoi qu'il en soit, de nombreuses dotations ont bénéficié de crédits
supplémentaires. Ainsi, cette année encore, la dotation de solidarité urbaine
augmente de 850 millions de francs, et la dotation d'intercommunalité de 1
milliard de francs, ce qui entraîne une majoration de la dotation globale de
fonctionnement de près de 3 milliards de francs.
La situation financière des collectivités locales semble s'améliorer. Pour
autant, nous ne pouvons pas dire que tout va pour le mieux. En effet, la
tendance à la financiarisation des budgets locaux, au détriment de leur
fiscalisation, se confirme.
Au total, en dix-sept ans, au travers de vingt-quatre mesures, pas moins de
167 milliards de francs d'impôts ont été remplacés par des dotations, des
compensations et des dégrèvements. Au terme de la mise en oeuvre de la réforme
relative à la suppression de la part salariale dans l'assiette de la taxe
professionnelle, 53 % du montant des budgets des collectivités territoriales
proviendront du budget de l'Etat. La suppression de la vignette automobile
contribue à cette évolution.
Ce constat renvoie au principe d'autonomie des collectivités posé par
l'article 72 de la Constitution. La commission des lois du Sénat estime qu'il
faut donner une valeur constitutionnelle au principe de libre administration
des collectivités locales, afin de les prémunir contre les tentations
centralisatrices de l'Etat et du législateur et de leur garantir des moyens
suffisants. Pourtant, le corollaire indispensable de l'autonomie financière des
collectivités territoriales ne peut consister en une reconnaissance
constitutionnelle.
Le plus grave, me semble-t-il, est non pas que les ressources des
collectivités locales proviennent pour la plus grande part du budget de l'Etat,
mais qu'elles soient insuffisantes. Le plus inquiétant pour nous est donc non
pas la perte d'autonomie financière, mais la perte de l'autonomie de
gestion.
A notre sens, les collectivités territoriales doivent simplement disposer de
crédits leur permettant d'assumer pleinement leurs missions, sans être
tiraillées entre la satisfaction des besoins et l'accroissement de la pression
fiscale. Comment les communes peuvent-elles répondre à l'ensemble des demandes
sans augmenter les impôts ? Le chômage, la précarité, la violence sont autant
de difficultés à gérer pour les collectivités locales, qui voient également
monter en puissance un certain nombre de contraintes auxquelles elles devront
se plier au prix de lourds investissements, qu'il s'agisse des travaux
d'assainissement, de la récolte et du traitement des déchets ou de la
protection de l'environnement.
La réponse à cette question passe nécessairement par la mobilisation de
nouveaux financements. Le groupe communiste républicain et citoyen propose
d'inclure les actifs financiers dans l'assiette de la taxe professionnelle. Il
s'agit, et nous en avons déjà débattu lors du débat budgétaire spécifique aux
finances locales, de faire participer ces capitaux au financement des dépenses
publiques.
Cette proposition est un élément de régulation des comportements spéculatifs,
qui permettrait d'alléger la contribution, apportée par l'Etat au titre des
compensations, et de mettre un terme aux inégalités territoriales grâce à un
mode de répartition par péréquation. Son adoption permettrait d'entamer, de
façon sereine, une nouvelle étape de la décentralisation, sans se focaliser sur
les questions financières, et de traiter ainsi les autres problèmes en toute
quiétude.
La pyramide institutionnelle française compte trois échelons de collectivités
locales : la commune, le département et la région. Nous considérons que chacun
d'entre eux est pertinent et qu'il ne faut pas en supprimer un, comme certains
le préconisent s'agissant du département, même si, ces derniers temps, un bémol
a été mis à cette suggestion...
En revanche, nous souhaitons faire évoluer le mode de scrutin pour les
élections cantonales, afin de le rendre plus accessible et plus démocratique,
et nous nous réjouissons que le rapport Mauroy fasse sienne cette
proposition.
En ce qui concerne la coopération intercommunale, le rapport Mauroy préconise
l'élection au suffrage universel des conseillers communautaires, ce qui leur
donnerait une légitimité élective et conférerait une assise institutionnelle
aux structures intercommunales.
Par ailleurs, faut-il, mes chers collègues, que les établissements publics de
coopération intercommunale soient érigés en collectivités locales ? Nous ne le
pensons pas : les EPCI doivent être l'un des moyens de fédérer des projets, de
mettre en commun des expériences et de partager des richesses, mais la
coopération intercommunale doit rester un outil au service des communes.
La dernière question, et non des moindres, qui touche directement à la
décentralisation est celle de la démocratie locale.
Le Premier ministre a annoncé, lors du congrès des maires de France, que le
Gouvernement soumettrait au Parlement un projet de loi relatif à la démocratie
locale. Nous nous réjouissons de cette initiative, comme nous apprécions la
rapidité dont vous avez su faire preuve, chers collègues de la majorité
sénatoriale, pour déposer puis faire inscrire à l'ordre du jour de notre
assemblée votre proposition de loi sur le statut de l'élu.
(Sourires.)
Depuis de nombreuses années, les membres du groupe communiste républicain et
citoyen souhaitent l'élaboration d'un véritable statut de l'élu. Nous avons
déposé de nouveau une proposition de loi visant à permettre aux élus de
bénéficier d'une sécurité matérielle et professionnelle, ainsi que d'une
formation et d'une clarification de leur statut juridique et de leur
responsabilité, condition indispensable pour permettre la constitution d'un
tissu électif diversifié et représentatif de notre société. La richesse et la
vitalité de notre démocratie en dépendent.
Nous souhaitons que l'Etat mette tout en oeuvre pour que ces mesures entrent
en vigueur, ce qui soulève également des questions d'ordre financier. Aussi
proposons-nous la création d'un fonds national de compensation destiné à
rembourser les entreprises des absences légales de leurs salariés élus. Cela
permettra de garantir une application réelle des droits d'absence, et la
création d'un tel fonds est donc absolument nécessaire.
Le projet de loi sur la démocratie locale est la première initiative
législative destinée à renforcer le lien entre élus et citoyens. Sur le
terrain, les élus qui en ont eu la volonté politique ont déjà effectué de
nombreuses tentatives d'exercice de la démocratie participative. Ce sont des
expériences riches et intéressantes, aussi approuvons-nous l'initiative
gouvernementale tendant à instaurer des conseils de quartier dans les villes de
plus de 20 000 habitants.
Mes chers collègues, la nouvelle étape de la décentralisation est, à mon sens,
bien engagée, et les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen
pensent que le projet de budget qui nous est présenté correspond aux
engagements pris par le Gouvernement. Pour ces raisons, nous le voterons, sans
pour autant renoncer à une réforme d'ensemble des finances locales.
(Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et
citoyen, ainsi que sur les travées socialistes.)
M. le président.
La parole est à M. Peyronnet.
M. Jean-Claude Peyronnet.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, il est
facile de repérer, dans le budget de l'Etat, les masses financières consacrées
aux collectivités territoriales et à la décentralisation. Pour 2001, ces
crédits s'élèvent à 50,5 milliards de francs.
Pourtant, il est fort difficile, comme d'ailleurs dans nos collectivités,
s'agissant en particulier des départements, à cause de l'évolution de la DGD,
d'établir des comparaisons de budget à budget. Il y faudrait en fait une
présentation simplement comptable, mais aussi à législation ou à réglementation
constante.
Ainsi, la part très importante des dotations de l'Etat destinées à compenser
des impôts levés auparavant par les collectivités locales introduit des
perturbations. Pour 2001, la prise en compte de la compensation de la
suppression de la part régionale de la taxe d'habitation et, surtout, de la
vignette représente 18,5 milliards de francs, ce qui fait que l'augmentation
nominale, qui est de plus de 60 %, doit en fait être ramenée à 3,5 %.
Par parenthèse, ce n'est cependant pas cette gymnastique qui est très gênante,
c'est le principe de cette regrettable évolution à la baisse des recettes
fiscales des collectivités territoriales. Bien entendu, je n'ai guère apprécié
le coup médiatique de nos éminents collègues de droite, qui ont voulu inscrire
dans la Constitution la garantie des ressources des collectivités territoriales
et, surtout, donner au passage des pouvoirs exorbitants au Sénat, mais il n'en
demeure pas moins que, comme l'immense majorité des élus, je déplore cette
longue dérive. Elle n'est certes pas nouvelle, mais elle aboutit aujourd'hui à
une situation qui n'est plus acceptable.
Pourtant, l'évolution des dotations des collectivités territoriales est très
favorable dans la mise en oeuvre du contrat de croissance et de solidarité. En
effet, les indexations prévues sont appliquées, ce qui donne, pour les
collectivités, des résultats nettement meilleurs que ceux qu'a permis d'obtenir
le pacte de stabilité de la législature précédente : l'enveloppe normée croît
ainsi de 2,32 %, contre 1,48 % en 2000. Cette seule évolution suffirait à
justifier sans difficulté notre vote positif, même si je me garderai d'entrer
dans le détail des chiffres, qui ont été présentés par nos excellents
rapporteurs. Cela me dispense de les répéter, d'autant que, la semaine
dernière, nous avons eu un débat important sur les recettes des collectivités
locales, au cours duquel tous ces dossiers ont été largement évoqués.
Cependant, il est remarquable de constater que, afin de prendre acte du succès
inespéré de l'intercommunalité, vous avez prévu, monsieur le ministre,
d'affecter à celle-ci une dotation globale de fonctionnement d'un montant
double de ce qui était prévu initialement, soit un milliard de francs, au lieu
de 500 millions de francs pour les quatre années à venir, dotation qui a même
été portée à 1,2 milliard de francs par l'Assemblée nationale.
Cette décision me semble tout à fait judicieuse et devrait se révéler
suffisante, mais le succès de l'intercommunalité est tel que, sans faire de
procès d'intention, rien ne peut être assuré. Il faudra surveiller
attentivement la courbe du nombre des créations de communauté de communes ou
d'agglomération, pour ne pas limiter, en raison d'un assèchement prématuré des
fonds qui lui sont consacrés, l'ample mouvement qui se dessine.
Comme je l'ai indiqué, le groupe socialiste votera ce projet de budget, qui
nous paraît bon. Certes, M. Hoeffel, rapporteur pour avis de la commission des
lois, peut bien, dans le détail, relever les points qui posent problème et
fonder son jugement négatif sur le fait que la modernisation de la vie publique
locale n'est pas achevée.
Il reste, bien entendu, de l'ouvrage à accomplir en ce qui concerne, par
exemple, le statut de l'élu ou le renforcement de l'intercommunalité.
Néanmoins, M. Hoeffel, comme je le lui ai dit en commission, doit se livrer à
certaines contorsions intellectuelles pour élaborer sa critique, cette remarque
étant faite en toute respectueuse amitié.
Pour ma part, je voudrais simplement formuler quelques observations sur la
future réforme qui est annoncée.
Tout d'abord, j'ai cru comprendre qu'un débat d'orientation se tiendrait au
Parlement au mois de janvier. Pourriez-vous, monsieur le ministre, nous
préciser si le Gouvernement déposera un texte d'orientation ? Dans
l'affirmative, quand le fera-t-il, et quelle échéance prévoyez-vous pour
l'achèvement de ce débat, et donc pour la mise en oeuvre de la nouvelle loi de
renforcement de la décentralisation ?
Par ailleurs, avez-vous déjà des certitudes, monsieur le ministre, quant à la
clarification à apporter en matière fiscale, s'agissant notamment de l'idée,
séduisante mais qui donne lieu à débat, de « spécialiser » les impôts locaux
par collectivités ?
Mais peut-être jugez-vous qu'il est encore trop tôt pour donner des
orientations dans ce domaine.
En ce qui concerne maintenant la vignette, je ne reviendrai pas sur
l'opportunité de la suppression de cet impôt, dont le produit avait de toute
façon tendance à baisser. Cela étant, il serait plus satisfaisant de le
supprimer totalement, ne serait-ce que parce que l'on peut prévoir que la
fraude sera massive. En effet, gendarmes et policiers feront difficilement la
différence entre une voiture de société banalisée, qui devrait afficher la
vignette, et l'automobile d'un particulier. En outre, à la suite de cette
réforme, il deviendra ridicule que les conseils généraux prélèvent, au titre de
leurs propres véhicules, une recette qui ne fera que transiter, en quelque
sorte, sur les pare-brise concernés... Tout cela coûtera cher, pour un profit
qui, à cause notamment de la fraude, va diminuer.
Pour en revenir à des propos plus généraux, je voudrais attirer l'attention
sur l'association des collectivités territoriales aux négociations nationales
relatives aux personnels. Bien sûr, on connaît, dans ce domaine, les accords
nationaux du type des accords « Durafour », mais il existe aussi de nombreuses
négociations, non pas secrètes mais discrètes, qui entraînent, sans que les
collectivités territoriales y participent, des conséquences financières très
fâcheuses.
Je dispose ainsi d'une note relative à la révision de la convention collective
de 1966, pour les cadres des associations soumises à celle-ci. Cette note
indique que le surcoût résultant des augmentations de salaire, payé par les
départements, sera de quelque 2 millions de francs. La convention en question a
été validée par le ministère des affaires sociales, au mois de juillet dernier,
sans que les collectivités aient eu leur mot à dire.
Monsieur le ministre, il faut créer une instance nationale où siège
l'employeur collectif des 1 500 000 fonctionnaires qui finance les
établissements dont le poste principal de dépenses est lié au personnel ; je
pense notamment aux établissements pour handicapés. Les collectivités locales
doivent être associées à la prise de décision.
Il est clair, en outre, que l'approfondissement de la décentralisation doit
être concomitant avec une amélioration des conditions de fonctionnement des
services territoriaux de l'Etat, et sur ce point, je vous poserai trois
questions précises, monsieur le ministre.
Tout d'abord, que comptez-vous faire pour mettre en oeuvre ce véritable
serpent de mer que Gaston Defferre prônait déjà en 1982 : placer tous les
services extérieurs de l'Etat sous l'autorité du préfet, ce qui n'est pas
encore le cas, loin s'en faut ?
Ensuite, ne pensez-vous pas qu'il soit nécessaire de donner au sous-préfet,
par l'intermédiaire d'une instruction adressée aux préfets, outre leur mission
de proximité - vous avez opportunément rappelé que vous ne souhaitiez pas
supprimer les sous-préfectures - des missions transversales à travers le
département, et ce de façon systématique ?
Enfin, vous semble-t-il opportun, ne serait-ce que pour des raisons d'équité,
mais avec un surcoût induit, de supprimer la fusion des fonctions de préfet de
région et de préfet de département ?
Telles sont les questions que je souhaitais vous poser, monsieur le ministre,
en vous précisant bien, mais vous l'avez compris, qu'elles n'étaient pas de
nature à remettre en cause notre vote positif.
(Applaudissements sur les
travées socialistes.)
M. le président.
La parole est à M. Cornu.
M. Gérard Cornu.
Monsieur le ministre ; revenons brièvement, si vous le voulez bien, dix-huit
ans en arrière, et remémorons-nous ce qui constituait le socle de la première
loi de décentralisation : rapprocher les citoyens des lieux de décisions,
renforcer les pouvoirs locaux par rapport au pouvoir central, transférer sans
charges supplémentaires de nouvelles compétences aux autorités élues et
faciliter le développement local sur l'initiative des acteurs de terrain,
enfin, assurer une gestion plus efficace afin de mieux répondre aux besoins.
Le ministre de l'intérieur de l'époque, Gaston Defferre, caractérisait ainsi
ce système intermédiaire entre centralisation et autonomie, en déclarant : «
Désormais, les élus seront libres, libres d'exercer pleinement leur mandat,
libre de prendre leurs responsabilités, sans entraves, sans les limitations,
sans les détournements imposés par les services ministériels. »
M. Michel Caldaguès.
C'est fini !
M. Gérard Cornu.
Il est un fait certain que les lois de décentralisation ont suscité beaucoup
d'espoir, notamment celui de voir renforcer les libertés locales et la
démocratie de proximité. Pour cela, elles ont opéré des transferts importants
de pouvoirs au profit des exécutifs locaux, qu'ils soient régionaux,
départementaux ou communaux, des transferts de compétences et, par voie de
conséquence, des transferts de moyens au travers des dotations de l'Etat vers
les collectivités. Ces transferts ont eu quelque chose de révolutionnaire en ce
qu'ils se sont faits au détriment de l'Etat par la suppression de la tutelle de
celui-ci
a priori.
Mais ces lois ont également nourri des inquiétudes au premier rang desquelles
l'insuffisance des garanties fiscales et financières en matière de compensation
des transferts de compétence.
Vingt ans après, il y a tout lieu de constater que nous avions quelques
raisons d'être inquiets. L'autonomie locale ne va pas sans une certaine
autonomie fiscale, laquelle est depuis quelques années bien malmenée. Le total
des concours financiers de l'Etat aux collectivités locales a connu une
progression très importante.
Le Gouvernement, bien que reconnaissant par la voix du premier ministre que «
le système de financement des collectivités locales est obsolète et injuste »,
supprime toujours plus de recettes fiscales aux collectivités territoriales :
la part salariale de la taxe professionnelle, la part régionale de la taxe
d'habitation, la baisse des droits de mutation en matière immobilière et,
désormais, la taxe différentielle sur les véhicules à moteur. La liste est
connue de chacun d'entre nous, responsables et élus locaux.
Certes, en contrepartie, l'Etat accroît son effort financier en faveur de nos
collectivités : il compense les exonérations fiscales et les dégrèvements
d'impôts locaux par une augmentation de crédits. Mais, en même temps, il porte
de plus en plus atteinte à l'indépendance de nos exécutifs et au principe
constitutionnel de libre administration de nos collectivités locales, le tout
dans le mépris le plus total des élus qu'il place volontairement devant le fait
accompli, en l'absence de toute concertation.
Ces tentatives de recentralisation ne datent certes pas d'aujourd'hui. Si
elles déplaisent, elles n'étonnent plus. Depuis 1997, elles se sont même
accentuées. Ce sont, en effet, près de 80 milliards de francs de produit fiscal
que les collectivités territoriales se sont vu confisquer depuis 1997. La part
des recettes fiscales dans les budgets de fonctionnement des conseils généraux
est ainsi passée de 70 % à 54 %. Ces modalités de financement ne semblent plus
en mesure d'assurer aux collectivités locales les moyens nécessaires pour
supporter les charges croissantes qui leur incombent. Comme l'a très justement
souligné notre rapporteur spécial, M. Michel Mercier, ces crédits constitueront
des dépenses de fonctionnement incompressibles dans le budget national. Qu'en
sera-t-il exactement quand les marges de manoeuvre de l'Etat seront réduites
par un possible ralentissement de la croissance et par une dégradation des
finances publiques ?
Pour donner un nouvel élan à la décentralisation, il est impératif de changer
la nature des relations entre l'Etat et les collectivités territoriales. Les
missions et les responsabilités des élus locaux doivent être mieux respectées,
et la concertation doit redevenir la règle pour mener à bien toute réforme
d'ampleur. Cette réforme s'impose, car la plainte des élus se fait entendre de
plus en plus fort.
Quand les vraies questions seront-elles enfin abordées ? Quand vous
attellerez-vous à la nécessaire modernisation de la fiscalité locale ? Quand
donnerez-vous un signe encourageant aux élus locaux, qui, chaque jour,
subissent les défaillances du système et vivent en direct les lacunes des lois
initiales ?
M. Philippe François.
Très bien !
M. Gérard Cornu.
Une réforme allant au-delà des ajustements ponctuels doit sérieusement être
envisagée. Le rapport Mauroy est une base de travail. Le Conseil économique et
social, dans l'avis qu'il a adopté le 21 juin dernier, s'est lui aussi penché
sur toutes ces questions et formule des propositions tout à fait intéressantes
s'orientant autour de trois axes : mieux équilibrer la libre administration des
collectivités d'un côté et, de l'autre, le rôle régulateur de l'Etat ;
simplifier la répartition des compétences entre des structures modernisées en
conciliant efficacité et démocratie ; réconcilier les élus et les citoyens en
conjuguant démocratie représentative et démocratie participative.
M. Patrick Lassourd.
Ah !
M. Gérard Cornu.
En bref, ces suggestions visent à une gestion plus efficace et plus claire du
territoire en même temps qu'à une participation plus active du citoyen. J'ai
bien conscience que l'examen du projet de budget de la décentralisation ne nous
offrira pas le cadre adapté pour poser les prémices d'une réforme, mais il est
l'occasion de lancer un nouvel appel au Gouvernement, un appel à prendre
conscience de l'urgence qu'il y a à s'attaquer aux difficultés que tous nous
rencontrons dans l'action publique locale.
(Applaudissements sur les travées
du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président.
La parole est à M. Haut.
M. Claude Haut.
La discussion de votre budget, monsieur le ministre, intervient cette année -
le groupe socialiste ne peut que s'en réjouir - dans un contexte favorable,
parce que la croissance économique est et reste au rendez-vous, ce qui a des
conséquences très positives pour nos collectivités locales. Il conviendra
cependant d'être vigilant et d'imaginer pour les années à venir une suite au
pacte triennal de croissance et de solidarité, qui ne pénalise pas nos
collectivités locales.
Mon propos aujourd'hui, monsieur le ministre, consistera, d'une part, à vous
inviter à mettre en oeuvre une véritable réforme d'ensemble des finances
locales déjà annoncée et, d'autre part, à vous sensibiliser à l'urgence qu'il y
a à mettre en oeuvre un véritable statut de l'élu local, moderne et rénové, qui
mettrait notre pays à l'unisson de la plupart de ses voisins européens.
Les finances locales, en tout premier lieu, monsieur le ministre, et les
crédits affectés aux collectivités locales progressent cette année, tous
concours confondus, de 10,5 %. S'agissant des concours sous enveloppe, à
structure constante, leur progression sera de 2,32 %, c'est-à-dire une
évolution supérieure à celle qui a été enregistrée au cours de ces deux
dernières années. La situation sera plus favorable grâce au contrat de
croissance et de solidarité initié en 1998 par votre gouvernement et indexé
pour 2001 sur 33 % du PIB, ce qui donne - on doit bien le reconnaître - une
marge de manoeuvre certaine à nos collectivités pour 2001.
Dans tous les cas, ce contrat de croissance et de solidarité nous change
agréablement du pacte de stabilité, dont je rappelle qu'il n'avait de pacte que
le nom, engagé par le gouvernement précédent.
Pour l'avenir, monsieur le ministre, il faudra respecter l'esprit et la
lettre de ce contrat de croissance et de solidarité : l'esprit tout d'abord,
cela signifie l'importance d'une réelle négociation avec l'ensemble des
associations d'élus, menée largement en amont de la décision ; la lettre
ensuite, c'est-à-dire faire en sorte d'intégrer une part croissante du PIB dans
le calcul des dotations d'Etat aux collectivités locales.
Une inquiétude cependant, monsieur le ministre, vient quelque peu ternir cette
appréciation positive de l'évolution des principales dotations. On ne peut en
effet que regretter le poids croissant du financement de l'intercommunalité qui
pèse sur les dotations de solidarité et sur la DCTP - dotation de compensation
de la taxe professionnelle - qui sont les variables d'ajustement de ce qu'on
appelle dans le jargon de la direction générale des collectivités locales
l'enveloppe « normée », c'est-à-dire les concours de l'Etat aux
collectivités.
Ainsi, en 2001, la dotation des groupements augmente de 16 %, ce qui aurait pu
conduire à une diminution de la dotation de solidarité rurale et de sa fraction
« bourg-centre », si l'Assemblée nationale n'avait pas voté un amendement
majorant cette dotation de 150 millions de francs, à l'instar de ce qui avait
été décidé pour l'année 2000. C'est donc une bonne chose pour ces villes-là.
Je crois donc, monsieur le ministre, que la sortie du pacte de croissance et
de solidarité devra impérativement donner lieu à une réflexion approfondie sur
les modes de financement de l'intercommunalité.
Il faudra peut-être également à cette occasion s'interroger sur cette
disparité persistante qui consiste à opérer deux traitements différents en
termes de DGF supplémentaire pour les communautés de communes et pour les
communautés d'agglomération. Même si j'ai bien compris que la loi de votre
prédécesseur devait en tout premier lieu dynamiser la coopération urbaine, il
serait dommageable pour l'équilibre du territoire de pérenniser cette
situation.
Toutes les discussions, et elles ont été particulièrement nombreuses ces
derniers temps sur le sujet, démontrent le caractère urgent qu'il y a à
procéder à une réforme d'ensemble de la fiscalité locale. Nous sommes en effet
arrivés à l'heure de vérité pour ce qui concerne un système inextricable et
dont les mécanismes subtils ne sont connus que par quelques initiés.
Si l'on se refuse, et c'est ce qui ressort de la position majoritaire des élus
locaux, mais aussi des travaux de la commission présidée par notre collègue
Pierre Mauroy, sur l'avenir de la décentralisation, à envisager la suppression
pure et simple des impôts locaux, comme remède à l'injustice, à l'inefficacité
et à la mauvaise répartition, il faut s'engager résolument dans la
modernisation de notre système de fiscalité locale.
Il est selon moi hors de question de remplacer des impôts dont les
collectivités locales ont la maîtrise par des dotations octroyées par l'Etat
car il est éminemment souhaitable de conserver un lien fiscal, ou plutôt un
lien de citoyenneté, entre les électeurs et les collectivités locales :
supprimer ce lien direct serait, me semble-t-il, une véritable régression
démocratique.
Par ailleurs, il serait dommageable que, catalyseurs et moteurs du
développement local, les collectivités locales ne profitent pas des retombées
fiscales de ce développement. Cette nécessaire réforme, monsieur le ministre,
il faut l'aborder en se fondant sur trois points : l'autonomie, la
simplification et la péréquation.
En ce qui concerne l'autonomie, il faudra faire en sorte que nos collectivités
ne soient plus à la merci d'une simple loi de finances annuelle. Pour cela,
nous avons davantage besoin de règles simples et durables pour pouvoir
anticiper et préparer l'avenir.
Par le terme « simplification » j'entends une clarification des relations
Etat-collectivités locales. Ainsi que le propose la commission Mauroy, la
spécialisation fiscale, qui vient de connaître une rigoureuse avancée avec «
l'intercommunalisation » de la taxe professionnelle, est une voie qui mérite
d'être examinée très sérieusement.
Pour ce qui a trait à l'évolution des dotations de l'Etat à nos collectivités,
ne serait-il pas possible, monsieur le ministre, d'institutionnaliser une
réunion annuelle associant le Gouvernement et les associations d'élus, et qui
serait notamment chargée d'examiner et d'évaluer les mesures ayant un impact
budgétaire pour nos collectivités.
Enfin, monsieur le ministre, il faut renforcer sensiblement nos dispositifs de
péréquation, car les distorsions entre collectivités continuent de s'accroître.
Il faut donc mieux tenir compte des potentiels fiscaux et des critères de
charges.
Je souhaiterais aborder devant vous, monsieur le ministre, un second point qui
préoccupe les élus locaux que nous sommes, au moins autant que la question des
finances locales : le statut de l'élu ou, plutôt, les conditions d'exercice des
mandats locaux, qu'il est urgent de moderniser.
A l'approche des élections municipales et cantonales, ce sujet est d'une
grande actualité : une première proposition de loi a été déposée sur le bureau
de l'Assemblée nationale, une seconde sur celui du Sénat. Toutes ces réflexions
ont le mérite de souligner combien la question des moyens donnés aux élus,
notamment aux maires et à leurs adjoints, est maintenant dans les têtes.
Vous avez, monsieur le ministre, annoncé qu'un projet de loi, qui serait
déposé l'année prochaine, comporterait des dispositions permettant de
progresser dans cette matière.
L'objectif principal d'une telle réforme est d'assurer l'égalité des chances
devant l'éligibilité. Il s'agit d'améliorer la situation des salariés qui
servent leur collectivité en y assumant des fonctions électives, sans quoi la
sur-représentativité des fonctionnaires et, surtout, des retraités, ne pourra
que s'accroître.
Mais, il existe d'autres pistes que le Gouvernement ne doit pas méconnaître :
la formation, la rémunération, la protection sociale.
L'amélioration des conditions dans lesquelles les actifs peuvent assurer les
missions que les électeurs leur ont confiées doit être prioritairement
recherchée dans le cadre du futur « statut de l'élu ». Elle passe aussi bien
par la suppression de la limitation du droit à suspension du contrat de travail
à un seul mandat que par l'augmentation des possibilités d'absence, que ce soit
sous la forme de crédits d'heures pour les salariés ou de compensations pour
pertes de revenus pour les professions libérales.
Garantir à l'élu qu'il ne sera pas, une fois son mandat perdu, écarté du
marché du travail est un autre moyen d'inciter les salariés du secteur privé et
les indépendants à s'engager davantage dans les fonctions électives. Ne faut-il
pas envisager la création d'une indemnité de transition de fin de mandat, qui
équivaudrait à une année de rémunération du mandat, et qui serait versée, selon
les choix de chacun, sous la forme d'une rente ou d'un capital, ce dernier
permettant aux membres de professions libérales de relancer leur activité ?
M. Alain Dufaut.
Très bien !
M. Claude Haut.
Nous souhaitons tous, monsieur le ministre, que notre pays s'engage dans une
deuxième phase de décentralisation. Mais cette volonté restera lettre morte si
les élus des plus petites collectivités, encore trop souvent dépourvus de
personnel hautement qualifié, continuent de se trouver sous la tutelle des
services de l'Etat et des grandes collectivités, faute d'une formation
suffisante.
Il serait urgent de prévoir au moins une multiplication par cinq des jours
pendant lesquels les élus peuvent s'absenter de leur travail pour se former, en
percevant tout de même des compensations. Ce droit est aujourd'hui limité à six
jours : c'est notoirement insuffisant !
M. Alain Dufaut.
C'est en effet ridicule !
M. le président.
Veuillez conclure, mon cher collègue.
M. Claude Haut.
La rémunération des fonctions électives est sans doute, monsieur le ministre,
le point le plus sensible de la question. C'est un point sensible pour les
finances publiques, certes, mais également pour nos concitoyens ; qui sont de
plus en plus nombreux à partager notre point de vue et à considérer que le
niveau de rémunération des maires est notoirement insuffisant.
Vous noterez, mes chers collègues, que j'ai parlé de « rémunération » et non
plus d'« indemnités ». Je crois que le mythe du bénévolat a vécu et que les
vingt dernières années ont considérablement tranformé la fonction de maire :
plus de technicité, de disponibilité et de responsabilité leur sont demandées,
la loi limitant le cumul des mandats en prend d'ailleurs acte.
Je citerai également la protection sociale que doit compléter la loi du 5
avril 2000, ainsi que la retraite des élus, qui, avec 1 000 francs par mois
après vingt ans de cotisations, paraît aujourd'hui ridicule.
M. le président.
Je vous prie de conclure, monsieur Haut, car vous avez largement dépassé votre
temps de parole.
M. Claude Haut.
Le statut de l'élu local rénové et modernisé est donc devenu, monsieur le
ministre, un chantier prioritaire. C'est cette réforme globale de la
décentralisation que j'appelle aujourd'hui de mes voeux par le biais d'un grand
débat que vous avez d'ailleurs annoncé.
En conclusion, je souhaiterais vous dire que le groupe socialiste votera votre
budget parce qu'il va dans le bon sens et parce que nous vous faisons
pleinement confiance pour mettre en oeuvre la deuxième phase de la
décentralisation. Nous savons, en effet, où sont les véritables
décentralisateurs, ceux qui se situent dans la lignée de François Mitterrand,
Pierre Mauroy et Gaston Defferre.
(Applaudissement sur les travées
socialistes.)
M. le président.
La parole est à M. Fournier.
M. Bernard Fournier.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'examen du
budget de la décentralisation me conduit à souligner le
hiatus
dans
lequel le Gouvernement s'enferre et qui transparaît au grand jour.
Les options politiques de la majorité mettent en lumière une volonté
insidieuse de remembrement du territoire, tandis que, sur le plan des moyens,
une logique recentralisatrice, héritière du dogme du système et du « tout à
l'Etat » gouverne.
M. Raymond Courrière.
C'est nous qui avons fait la décentralisation !
M. Bernard Fournier.
Premièrement, nous assistons à un double mouvement d'écartèlement de notre
conception de l'Etat. L'indivisibilité de la République n'est plus qu'un
concept s'effaçant sous les coups de butoir du fédéralisme triomphant.
Cette dérive ne se fait pas au grand jour. Elle rampe dans les arcanes de la
technocratie. On la débusque au gré des « orientations » ou des « programmes »
du Gouvernement.
Le débat est évité, la concertation repoussée, le peuple oublié.
M. Raymond Courrière.
Oh là là !
M. Claude Haut.
Il ne faut pas exagérer !
M. Bernard Fournier.
La tentation fédéraliste est à son comble ! Elle s'observe tant au niveau
supranational qu'au niveau infranational. L'Europe coiffe la République,
laquelle semble être condamnée à se dissoudre en régions autonomes, tranformant
notre pays, au mieux en Etat régional, au pire en fédération d'entités
autonomes. Tout se discute, certes, mais laissez-nous au moins le temps d'un
débat là-dessus : on ne peut pas défaire à coup de discours ce que la
Constitution a établi.
Hiatus, disais-je - ce sera le second point de mon propos -, parce que le
Gouvernement ne manque pas une occasion de procéder à la recentralisation. Vos
lois d'orientation furent le prétexte à une amputation des moyens et des
compétences des collectivités, avec, en arrière-plan, la suppression des
ressources, l'augmentation des contrôles de l'Etat, la défiance et les
sanctions envers les communes, qui sont - faut-il le dire ? - au banc des
accusés.
Vous stigmatisez l'augmentation des besoins des collectivités locales. Ceux-ci
augmentent, car les transferts de charges augmentent et parce que vous
recentralisez les ressources fiscales : faut-il rappeler que, depuis que vous
êtes aux affaires, monsieur le ministre, nous avons perdu deux points en
matière d'autonomie des collectivités locales ?
« Il faut, certes - c'est vrai - une véritable réforme fiscale. Les
propositions de certains de vos collègues de la majorité visant l'affectation
d'un impôt d'Etat aux collectivités ont le mérite d'aller dans le bon sens : je
ne suis pas ingrat, je vous l'accorde.
Malgré ce débat naissant, ce projet de loi de finances n'échappe pas à la
règle en matière de recentralisation. La fiscalité locale est mise à mal. On
supprime des ressources pour les remplacer par des dotations étatiques qui
resserrent la dépendance des communes, des départements et des régions à
l'égard du pouvoir central.
La localisation de l'impôt est symbolique. Elle est importante, aux yeux tant
des contribuables que des gestionnaires.
Les contribuables, d'abord, peuvent ainsi comprendre la destination de leur
impôt : les réalisations des collectivités, notamment en termes d'équipements ;
deviennent palpables.
S'agissant des élus, c'est leur compétence qui est en cause : en localisant
l'impôt, on les responsabilise et l'on peut tabler sur une meilleure conception
de la mission d'intérêt général qu'ils remplissent.
De cela, vous ne voulez plus et vous organisez la reprise en main de l'impôt
par une centralisation dissimulée.
Je mettrai juste l'accent sur le domaine culturel. Le projet de loi de
finances pose les limites de la politique de contractualisation et de
cofinancement menée par le Gouvernement. Le système actuel aboutit à une
inadéquation patente, entre la nature des activités, leur mode de financement
et l'échelon territorial qui en est responsable. L'exigence de sincérité
budgétaire est bafouée et l'on s'y perd dans le dédale des transferts de
charges et de compétences. Dès lors, l'article 72 de la Constitution devient
une coquille vide.
Vous avez oublié que le principe de libre administration a pour corollaire
celui de la libre gestion, c'est-à-dire la possibilité de disposer de
ressources fiscales propres. La proposition de loi de M. le président Christian
Poncelet, adoptée par le Sénat, corrige ces dérives. Le Conseil constitutionnel
l'a maintes fois rappelé et je ne doute pas un instant qu'il le fera une
nouvelle fois. Vous malmenez en quelque sorte la Constitution.
M. le président.
Veuillez conclure, monsieur Fournier.
M. Bernard Fournier.
En conclusion, sur un autre plan, permettez-moi de sourire lorsque je vous
vois vous draper dans le voile de l'indignation parce que nous nous opposons à
votre tripatouillage sur l'inversion du calendrier électoral. Vous vous placez,
alors, en défenseurs des conceptions gaullistes des institutions ! Votre
défense de la Ve République est à géométrie variable. Nous ne sommes pas dupes,
le peuple non plus.
(Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR
et des Républicains et Indépendants.)
M. le président.
La parole est à M. Leclerc.
M. Dominique Leclerc.
Monsieur le ministre, le crédits que nous examinons aujourd'hui enregistrent
une augmentation dont nous nous félicitons tous.
Ce qui devrait nous réjouir, à l'heure où chacun s'accorde à reconnaître qu'il
est grand temps de donner une nouvelle impulsion à la décentralisation, ne nous
leurre pas, car cette augmentation n'est en aucune façon le reflet d'une
politique volontariste du Gouvernement en faveur de la décentralisation.
Bien au contraire, cette hausse des crédits est plutôt, à bien y regarder, la
conséquence d'une politique insidieuse, mais certaine, de recentralisation du
Gouvernement.
Vous ne cessez en effet de supprimer des recettes pour les remplacer par des
subventions d'Etat, et cela non en vue d'alléger les charges des collectivités
locales ou d'améliorer leurs ressources, mais bien pour des raisons
idéologiques.
Par ce biais, vous disposez de moyens de contrainte à l'encontre des
collectivités locales afin qu'elles se conforment bien à votre schéma, à savoir
assurer une égalité dogmatique de traitement des citoyens sur tout le
territoire à l'aide de dispositifs uniformes au niveau national.
Il est clair que, chaque fois que vous supprimez un impôt dont le taux est
librement fixé par des élus locaux pour le remplacer par une dotation allouée
par l'Etat, c'est une part considérable de l'autonomie des collectivités
locales qui disparaît et donc une marge de manoeuvre qui se réduit. Il y a eu,
entre autres, la suppression de la part de la taxe professionnelle assise sur
les bas salaires, qui s'achèvera dans deux ans. En bref, il y a eu cinq
réformes en l'espace de trois années, 85 milliards de francs de fiscalité
locale ont été remplacés par des dotations de l'Etat et la part de la fiscalité
dans les recettes totales des collectivités locales hors emprunts est passée,
en trois ans, en dessous de 50 %.
Ainsi, sous le prétexte d'uniformisation, de lissage des territoires, vous
êtes parvenu à aliéner les initiatives locales en les découplant de leurs
implications budgétaires, ce qui est absolument contraire au principe
d'autonomie fiscale des collectivités locales reconnu par les lois de
décentralisation.
Même le président Mauroy s'est insurgé contre cette pratique, puisqu'il a
souligné que, « si la modernisation des impôts locaux reste une priorité, la
commission estime que celle-ci ne devra plus se faire au détriment de
l'autonomie fiscale des collectivités territoriales ».
Cela pose un réel problème de démocratie locale !
Par ailleurs, on note une certaine recentralisation. En effet, la marge de
manoeuvre des collectivités locales est de plus en plus réduite. En se
défaussant sur ces dernières de certaines obligations par le biais des contrats
de plan Etat-région, le Gouvernement oriente de plus en plus les dépenses de
ces collectivités.
Quant à la liberté locale, la domination de l'Etat ne cesse de se renforcer
sur les actions des collectivités locales, notamment par l'accentuation du
pouvoir de tutelle de préfets dans le cadre de dispositions législatives.
J'en viens aux contrats.
Ces derniers auraient pu constituer un instrument privilégié pour développer
des actions communes entre l'Etat et les collectivités locales.
Malheureusement, c'est une logique contractuelle inégalitaire qui a prévalu,
car l'Etat utilise le contrat pour associer les collectivités locales à des
politiques qui relèvent de sa propre responsabilité, mais qu'il n'était pas en
mesure de financer seul, sans pour autant partager la compétence.
Dans son rapport sur l'exécution des contrats de Plan 1994-1996, après avoir
relevé que, pour cette génération de contrats, les participations locales,
régions comprises, s'étaient élevées à un niveau supérieur à celui de l'Etat,
la Cour des comptes a jugé cet état de fait : « Paradoxal puisque les
principales actions inscrites aux contrats concernent des domaines qui sont de
la responsabilité de ce dernier ». Cela se confirme pour les routes nationales,
les plans universitaires ou encore la sécurité publique.
Je doute fort que le bilan soit moins lourd pour ces collectivités à l'issue
des contrats de Plan conclus pour la période 2000-2006, car il est notoire
qu'ils ne sont que le prolongement de votre vision de la stratégie à tenir dans
les régions, pour laquelle vous avez fixé, dès juillet 1999, lors du comité
interministériel de l'aménagement et de développement du territoire, les
enveloppes ministérielles et régionales de crédits.
Mais, au-delà de ces contrats de Plan qui organisent la cogestion des
compétences dans un cadre inégalitaire assurant la prédominance de l'Etat, vous
êtes également à l'origine de mesures législatives tout à fait contraignantes
pour les collectivités locales. Ces mesures nous les avons largement
combattues, parce qu'elles nous sont apparues en totale contradiction avec le
principe de libre administration des collectivités territoriales fixé par la
Constitution.
Certaines des dispositions de la loi relative à l'accueil et à l'habitat des
gens du voyage sont particulièrement contraignantes, voire coercitives, pour
les collectivités locales. Nous pensons notamment au pouvoir de substitution
reconnu au représentant de l'Etat pour remplir les obligations mises à la
charge d'une commune ou d'un établissement public de coopération.
Peut-on considérer que les collectivités locales sont encore dotées «
d'attributions effectives » si l'Etat peut se passer de leur accord dans ce
domaine de compétences que la loi leur attribue ? Hélas non ! Voilà donc bien
un des nombreux exemples de coups portés à la libre administration des
collectivités locales.
Vous l'aurez compris, monsieur le ministre, nous ne pouvons pas cautionner
votre politique, qui consiste non pas à augmenter les ressources propres des
collectivités locales, mais seulement à compenser les impôts que vous supprimez
pour mieux orienter à votre guise leurs actions.
Pour conclure, j'aimerais vous rappeler que la décentralisation est en réalité
en panne en France. C'est pourquoi nous saluons les efforts de notre président,
Christian Poncelet, qui a engagé toute son énergie pour relancer le débat sur
ce thème majeur. Tout comme lui, nous considérons qu'il est essentiel de
réaffirmer le principe d'autonomie financière de nos collectivités locales.
Nous estimons qu'il faudra, dans le même temps, avoir le courage de clarifier
les compétences, l'enchevêtrement actuel des compétences n'étant plus
supportable tant pour les différentes collectivités terriroriales, et plus
encore pour les communes, que pour nos concitoyens, qui sont en droit de savoir
qui fait quoi et à quoi servent leurs impôts.
Par ailleurs, il me semble essentiel de faire enfin confiance aux
collectivités locales pour mener à bien certaines missions d'intérêt général.
Comme l'a si bien dit notre président, Christian Poncelet, osez faire le pari
du local ! Cela sous-entend que vous transfériez de nouvelles compétences aux
collectivités locales et que ce transfert soit assorti de la possibilité, pour
ces dernières, de gérer, sans interférence de l'Etat, les ressources afférentes
à ces nouvelles compétences.
(Applaudissements sur les travées du RPR, de l'Union centriste et des
Républicains et Indépendants.)
M. le président.
Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures vingt, est reprise à seize heures
trente.)
M. le président.
La séance est reprise.
Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Collin.
M. Yvon Collin.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, au sein de
notre assemblée, l'examen du fascicule budgétaire consacré aux collectivités
territoriales est un moment toujours très attendu, car nous sommes très
nombreux ici à exercer des responsabilités locales.
Cette année, nous avons d'autant plus focalisé notre attention sur la
décentralisation que les maires ont choisi ce thème voilà quelques semaines à
l'occasion de leur congrès annuel. De plus, la commission présidée par notre
collègue Pierre Mauroy a rendu ses conclusions en octobre dernier. Les débats
d'une grande richesse ont permis de dégager douze orientations porteuses
d'espoir pour l'avenir de la décentralisation. L'une d'elles nous concerne plus
directement aujourd'hui. Il s'agit, monsieur le ministre, de la nécessaire
modernisation des financements locaux.
En effet, la commission a longuement débattu sur ce sujet et chaque année,
dans cet hémicycle, le projet de loi de finances nous fournit l'occasion de
revenir sur le problème de l'équilibre entre les dotations de l'Etat et la
fiscalité propre aux collectivités locales.
Monsieur le ministre, la prise en charge croissante de la fiscalité locale par
l'Etat au détriment de la dotation globale de fonctionnement suscite de
nombreuses inquiétudes.
Cette année encore, une série de décisions gouvernementales, bien que louables
dans leur principe, influent considérablement sur la structure de la fiscalité
locale en multipliant les exonérations et leur corollaire : les compensations
de l'Etat.
A la suppression progressive de la part salaire des bases de la taxe
professionnelle, à la disparition de la part régionale des droits de mutation à
titre onéreux et à divers autres dégrèvements s'ajoutent, cette année, la
suppression de la vignette automobile, ainsi que la suppression de la part
régionale de la taxe d'habitation.
Je n'ai bien évidemment, monsieur le ministre, rien contre des mesures qui
visent à diminuer la pression fiscale sur nos concitoyens, mais il faut bien
reconnaître que le cumul de toutes ces dispositions remet en cause l'autonomie
fiscale des collectivités locales, et c'est cela qui préoccupe la plupart des
élus que nous sommes.
En 2001, ce seront 153 milliards de francs qui seront pris en charge par
l'Etat contre 126 milliards de francs en 2000. Comme il ne s'agit pas
d'abondements mais bien de compensations, on ne peut pas spécialement se
satisfaire de cette hausse.
L'exposé des motifs des lois Defferre précisait : il s'agit de faire « des
communes, des départements et des régions des institutions majeures,
c'est-à-dire libres et responsables ». Monsieur le ministre, la responsabilité
ne peut en la matière s'exercer qu'avec des moyens librement fixés. La
légitimité républicaine des échelons locaux implique en outre la faculté pour
les élus de voter l'impôt et de répondre devant les citoyens de son
utilisation. La dépendance croissante des collectivités à l'égard des dotations
contrarie sans doute le mouvement de décentralisation décidé au début des
années quatre-vingt.
Une jurisprudence récente du Conseil constitutionnel fait de l'existence
d'une fiscalité locale un élément du principe de libre administration.
En conséquence, il serait souhaitable que les projets d'approfondissement de
la décentralisation, exposés à Lille par M. le Premier ministre le 27 octobre
dernier, s'accompagnent d'une remise à plat que tout le monde appelle de ses
voeux de la fiscalité locale. Vous vous êtes exprimé en ce sens, monsieur le
rapporteur ; c'est également une orientation fortement souhaitée par la
commission Mauroy.
Mes chers collègues, les lois Defferre auront bientôt vingt ans et il faut
bien admettre que, en favorisant l'initiative locale, la décentralisation a
permis de garantir la cohésion sociale sur notre territoire et d'accroître les
infrastructures et les équipements locaux dans des proportions qu'un Etat
centralisé n'aurait probablement pas permises.
Sans la décentralisation, la crise économique se serait sous doute posée avec
une autre acuité. L'expérience tirée de la proximité et traduite par des
politiques conventionnelles et contractuelles menées avec tous les acteurs de
la vie locale, notamment le tissu associatif, ont donné aux collectivités les
moyens de contenir autant que possible les difficultés économiques et sociales.
La vigilance des départements à l'égard des solidarités entre l'urbain et le
rural et leur volonté inlassable d'aménagement et d'animation du territoire me
font également militer en faveur d'une décentralisation accrue.
Toutefois, je le répète, celle-ci n'a de sens et de force que dans la
perspective d'un rapport de confiance avec l'Etat, ce qui suppose notamment un
cadre de relations financières rénové.
En attendant cette réforme consensuelle, les radicaux de gauche apportent leur
soutien à ce budget parce que le contrat de croissance et de solidarité mis en
place en 1999 permet de partager les fruits de la croissance économique. En
effet, le taux de progression de l'ensemble des dotations incluses dans ce
contrat est de 2,32 %, contre 1,48 % en 2000. Cette augmentation, certes
mécanique, nous invite néanmoins, monsieur le ministre, à voter les crédits de
la décentralisation pour 2001.
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Daniel Vaillant,
ministre de l'intérieur.
Monsieur le président, mesdames messieurs les
sénateurs, comme ce matin, lors de l'examen des crédits relatifs à la sécurité,
je n'ai pas l'intention de faire devant vous un long discours général pour
présenter les dotations de l'Etat aux collectivités locales, voire plus
largement les dispositions qui les intéressent dans le budget spécifique du
ministère de l'intérieur ou plus largement encore dans ce projet de loi de
finances pour 2001. Mes auditions successives devant votre commission des
finances le 16 novembre dernier, puis devant la commission des lois le 28
novembre dernier m'ont permis de le faire. Je vous rappelle d'ailleurs,
monsieur Mercier, que j'étais auditionné par la commission des lois du Sénat le
jour même où se déroulait dans votre assemblée la discussion de la partie «
recettes » du projet de loi de finances pour 2001.
Je vais m'efforcer plutôt, comme ce matin, de répondre le plus précisément
possible aux différentes questions posées par les rapporteurs spéciaux ; je
chercherai également à répondre aux principales interventions des orateurs des
différents groupes parlementaires.
J'évoquerai d'abord l'administration territoriale.
J'ai relevé l'analyse de M. Hoeffel sur « la mise en oeuvre laborieuse » de la
déconcentration ; je cite les termes de son rapport. Je voudrais le rassurer à
ce propos et lui dire qu'au contraire le Gouvernement est bien déterminé à
renforcer la déconcentration.
Ainsi, le comité interministériel pour la réforme de l'Etat du 12 octobre
dernier a annoncé plusieurs mesures qui vont dans ce sens. Le prochain comité
devrait être largement consacré à ce thème. Je citerai ainsi quelques exemples
significatifs de ce renforcement, en réponse notamment aux questions posées par
M. Peyronnet.
L'expérience de globalisation et de contractualisation conduite dans quatre
préfectures sera étendue en 2001 à dix nouveaux départements.
Le mouvement engagé à travers l'élaboration des projets territoriaux de l'Etat
sera poursuivi. Ils ont été préparés sous l'autorité des préfets dans chaque
département avec l'ensemble des services déconcentrés de l'Etat.
Les obstacles à la mise en place des délégations interservices, créées par le
décret du 20 octobre 1999, seront levés, notamment pour la mutualisation de
leurs moyens de financement. Elles permettent aux préfets de confier sous leur
autorité des missions spécifiques à certains chefs de service et renforcent
ainsi l'« interministérialité » au niveau déconcentré de l'Etat.
Les préfets pourront répartir les attributions qu'ils souhaitent déléguer aux
sous-préfets en fonction des situations locales.
Les préfets auront un rôle renforcé dans le dialogue social interministériel
au plan local.
Enfin, s'agissant de la possibilité que les préfectures apportent leur
expertise juridique aux collectivités locales, je dirai simplement qu'elle
s'inscrit tout naturellement dans le rôle de conseil aux collectivités que
jouent les préfectures.
Tout d'abord, vous me permettrez, mesdames, messieurs les sénateurs, de vous
livrer brièvement quelques considérations générales et quelques données
chiffrées, sans m'arrêter aux seules dotations budgétaires de mon ministère.
Le projet de loi de finances pour l'année 2001 respecte les dispositions du
contrat de croissance et de solidarité, plus favorable aux collectivités
locales, dois-je le rappeler, que l'ancien pacte de stabilité.
M. Raymond Courrière.
C'est vrai !
M. Daniel Vaillant,
ministre de l'intérieur.
L'évolution des concours financiers de l'Etat
aux collectivités locales respecte, en 2001, les termes du contrat de
croissance adopté pour les années 1999, 2000 et 2001. Les dotations comprises
dans l'enveloppe de ce contrat représenteront donc près de 170 milliards de
francs, soit 167 milliards de francs hors abondements complémentaires.
La croissance économique sera prise en compte à la hauteur de 33 % pour la
détermination du taux de progression global de cette enveloppe, contre 25 % en
2000.
Je vous rappelle que l'ancien pacte de stabilité était indexé sur la seule
hausse des prix et que l'application des règles du contrat institué par ce
gouvernement aura permis aux collectivités locales de bénéficier de 4 milliards
de francs de plus en trois ans que ce qu'aurait permis l'application des règles
de l'ancien pacte de stabilité.
Le Gouvernement propose une prolongation d'une année, pour 2002, du contrat de
croissance et de solidarité.
M. Hoeffel, rapporteur pour avis de la commission des lois, ainsi que M.
Mercier, rapporteur spécial, ont posé quelques questions sur l'avenir de ce
contrat de croissance et de solidarité au-delà de l'année 2001.
Vous avez même, mesdames et messieurs les sénateurs, anticipé le terme de ce
contrat en votant, mardi 28 novembre dernier, une modification, dès cette
année, des règles en vigueur en augmentant la part de la croissance économique
à prendre en compte en 2001 de 33 % à 50 %.
Le Premier ministre et moi-même devant vous, le 26 octobre dernier, avons
annoncé l'intention du Gouvernement de proposer une prolongation du contrat de
croissance et de solidarité d'un an, lors de la préparation du projet de loi de
finances pour 2002. Cette proposition ne pouvait, dans mon esprit, qu'être liée
à deux éléments importants : d'une part, ne pas retarder plus avant son
annonce, tout en tenant compte des travaux engagés en concertation avec les
collectivités locales sur les voies et moyens de la réforme d'ensemble des
ressources des collectivités locales que le rapport du Gouvernement au
Parlement d'ici à la fin de l'année 2001 permettra de préparer ; d'autre part,
ne pas mettre en oeuvre, à ce stade, une solution toute faite, imposée aux
collectivités locales avant les concertations, discussions et réflexions que
nous aurons avant l'adoption du projet de loi de finances pour 2002.
Je ne peux être favorable à une modification des règles du jeu dès cette année
2001 alors que les intentions du législateur de 1998 étaient claires en la
matière et que l'évolution des concours financiers de l'Etat aux collectivités
locales est, cette année, très favorable.
Vous vous posez, sur ce thème, deux questions spécifiques, monsieur le
rapporteur pour avis, quant à la prise en compte, dans le contrat de croissance
et de solidarité, de l'évolution des charges des collectivités locales. C'est
un long débat sur lequel, depuis 1979, l'Etat - Gouvernement et législateur - a
toujours tenu compte de l'évolution des grandeurs économiques nationales et de
la richesse des collectivités, d'une part, de leurs charges respectives,
caractérisées, notamment, par la population, par la surface, par l'effort
fiscal, d'autre part.
L'évolution des dépenses de fonctionnement dépend de plusieurs éléments, des
choix particuliers des collectivités en termes de recrutement par exemple, et
non pas uniquement de l'évolution des rémunérations des agents des
collectivités locales.
A ce propos, et sur le point évoqué notamment par M. Peyronnet, je précise
simplement qu'il ne faut pas négliger la compétence des collectivités
employeurs, même s'il faut sans doute envisager l'association plus grande
qu'aujourd'hui des collectivités locales aux négociations salariales dans la
fonction publique.
J'en reviens à la présentation chiffrée de ce projet de loi de finances.
En 2001, les collectivités locales bénéficieront donc d'une croissance de
l'essentiel de leurs dotations de 2,32 % par rapport à l'année précédente.
Compte tenu de ses règles d'indexation particulières, la croissance de la DGF
sera de 3,42 %, pour atteindre plus de 115 milliards de francs.
Cette progression, la plus élevée depuis cinq ans, sera également appliquée en
2001 à la dotation spéciale instituteurs, à la dotation élu local et à la
dotation générale de décentralisation.
Par ailleurs, comme vous le savez, la DGF comprend la dotation forfaitaire et
la dotation d'aménagement.
La dotation forfaitaire, versée à toutes les communes, progressera de 1,7 % à
1,9 %, soit plus que l'inflation.
L'intercommunalité, ou, plus exactement, le succès de cette intercommunalité
pèse sur les autes dotations. Cela étant, tout en répondant à plusieurs d'entre
vous, notamment à vos rapporteurs et à M. Duffaut, qui ont évoqué ce sujet, je
voudrais vous convaincre que ce projet de budget contient d'importantes
dispositions en la matière.
Le mouvement de création de nouvelles communautés d'agglomération ainsi que de
communautés de communes à taxe professionnelle unique ne semble pas s'être
ralenti depuis l'adoption de la loi du 12 juillet 1999.
Pour accompagner ce mouvement, qui pourrait aboutir à la création d'une
trentaine de nouvelles communautés d'agglomération au 1er janvier prochain,
même s'il est encore trop tôt pour en être sûr, le projet de loi de finances,
tel qu'il vous avait été transmis après le vote de l'Assemblée nationale,
prévoyait l'ouverture de 1,2 milliard de francs de crédits pour le financement
de leurs attributions. Vous avez porté ce chiffre à 1,6 milliard de francs en
adoptant un amendement proposé par votre commission des finances et tendant,
comme l'a rappelé M. Hoeffel, à assurer le financement des communautés
d'agglomération sans que soit prélevé un quelconque complément sur la dotation
de compensation de taxe professionnelle, conformément aux dispositions de la
loi du 12 juillet 1999.
Je comprends votre souci, mais permettez-moi de vous dire que personne ne peut
établir aujourd'hui avec certitude - voyez le district de Caen - le coût réel
des communautés d'agglomération en 2001. La logique équilibrée du législateur,
dans la loi du 12 juillet 1999, était de prévoir un financement pour partie à
la charge directe du budget de l'Etat et pour partie à la charge des
collectivités.
En tout état de cause, pour l'année 2001, la somme de 1,2 milliard de francs
est supérieure de 700 millions de francs à celle qui avait été retenue pour
2000, alors que le rythme de création de communautés d'agglomération est quand
même moins rapide : 50 créations en 2000 et un peu plus de 30 en 2001.
La diminution éventuelle de la dotation de compensation de la taxe
professionnelle ne pourrait donc qu'être plus limitée. Il s'agit, encore une
fois, de l'accroissement des dotations allant aux groupements de communes, qui
aurait été, sans cet effort de l'Etat, à la charge de la DGF, donc des
dotations de solidarité comme la DSU ou la DSR.
Le Sénat, qui s'est mis d'accord avec l'Assemblée nationale en commission
mixte paritaire lors de l'examen de la loi du 12 juillet 1999 - et qui est un
peu le coauteur de la loi, comme le rappelait M. le rapporteur général le mardi
28 novembre, et comme l'a rappelé M. Michel Mercier aujourd'hui - devrait le
comprendre aisément. Tout était, en effet, inscrit dans la loi, même le
prélèvement sur la dotation de compensation de taxe professionnelle. La somme
de 1,2 milliard de francs prévue initialement dans le projet de loi de finances
me paraît donc représenter un effort tout à fait considérable, et suffisant, du
budget de l'Etat.
Au-delà de cette dotation de solidarité intercommunale, les dotations de
solidarité urbaine et de solidarité rurale n'ont pas été oubliées.
S'agissant de ces dotations de solidarité, qui ne représentent pas à elles
seules la totalité des sommes réservées à la péréquation, mais qui y sont
presque exclusivement consacrées, des majorations ont autorisé, en cette année
2000, des croissances exceptionnelles de la DSU et de la DSR, croissances qui,
vous en conviendrez, ne peuvent être reconduites chaque année.
Le Gouvernement a cependant proposé de majorer de 850 millions de francs au
total la DSU pour 2001 afin que son niveau élevé atteint en 2000 puisse être
maintenu, du moins en masse, et sous réserve des constations à faire lors de la
répartition de la DGF. La DSR devrait connaître, elle aussi, une progression
supérieure à l'inflation.
L'évolution de la DSU comme celle de la DSR dépendront notamment du poids de
l'intercommunalité, hors communautés d'agglomération. Les estimations que je
vous livrais à l'instant ont été réalisées en prévoyant une croissance de la
dotation des groupements de communes de 16 %, un chiffre considérable puisque
cette dotation a crû de 10 % durant l'année 2000.
Je ne peux anticiper non plus les choix du Comité des finances locales, mais
je suis sûr, monsieur le président Fourcade, qu'ils seront, comme d'habitude,
effectués au mieux des intérêts de toutes les collectivités locales.
J'espère que cette donnée permettra de rassurer quelque peu M. Claude Haut et
vous tous, mesdames, messieurs les sénateurs, même si je suis bien conscient de
la réflexion que nous devons mener dans le cadre de la réforme des dotations et
de la prolongation du contrat de croissance et de solidarité pour trouver la
meilleure formule de répartition de la DGF et éviter que le succès de
l'intercommunalité ne se fasse au détriment des collectivités locales.
Pour en revenir à la DSU, le Sénat a souhaité que la somme soit portée à 1
milliard de francs, comme en 2000. S'il est vrai que le maintien en masse peut
se traduire par certaines diminutions individuelles de dotation, un juste
équilibre est à trouver.
La péréquation financière est donc bien assurée dans ce projet de budget.
Je voudrais en outre souligner, notamment à l'intention de M. Hoeffel, que les
dotations réservées à l'intercommunalité, particulièrement aux structures à
taxe professionnelle unique, ont aussi une vocation de solidarité en
permettant, par les attributions qui portent d'ailleurs ce nom, une
redistribution des richesses fiscales en faveur des communes les moins
favorisées de ces groupements.
Bien sûr, je suis d'accord avec vous pour accroître le plus possible la
péréquation dans un système de dotations renouvelé et simplifié, mais vous
conviendrez avec moi que l'augmentation très substantielle qu'ont connue la DSU
et la DSR les années précédentes est consolidée et portera ses fruits en 2001,
comme les années suivantes.
J'ai bien noté que M. Fourcade avait par ailleurs formulé des propositions de
réforme de la DGF. Il aura l'occasion de les faire valoir en 2001, dans la
concertation que je vais organiser. Il sait aussi bien que moi que la
conjugaison de tous les objectifs qu'il a lui-même fixés n'est pas si facile
qu'il y paraît. Evidemment, je le rejoins sur la nécessité de faire beaucoup
plus de péréquation.
Autre élément de la péréquation, le fonds national de péréquation de taxe
professionnelle remplit plusieurs fonctions aussi importantes.
Le fonds national de péréquation de la taxe professionnelle devrait connaître
une croissance significative en 2001. En effet, la dotation de l'Etat
augmentera de 4,7 %, le retour de fiscalité de France-Télécom augmentera de
près de 300 millions de francs, et la cotisation de péréquation ne devrait pas
être fortement affectée en 2001 par la réforme de la taxe professionnelle.
Je sais que vous avez préféré accroître ce fonds de 250 millions de francs
pour éviter de lui faire supporter l'augmentation de la DSR et les
compensations de perte de dotation de compensation de taxe professionnelle.
Etant donné les circonstances que je viens de rappeler, je pense que cette
augmentation ne se justifie pas, d'autant que la diminution de la dotation de
compensation de taxe professionnelle sera, en 2001, moins importante en volume
de crédits qu'en 2000 et qu'elle est essentiellement due à la forte croissance
de la DGF.
Nous ne pouvons pas déplorer une péréquation encore insuffisante, quoique
nettement renforcée ces dernières années, respecter nos engagements en matière
de déficits publics et regretter en même temps que soit favorisée la DGF et les
dotations de péréquation au détriment des dotations les moins péréquatrices
!
Somme toute, les concours financiers de l'Etat aux collectivités locales
connaîtront en 2001 une croissance dont chacun reconnaît l'importance. Elle
devrait permettre aux collectivités de faire face à leurs charges, dont elles
ont d'ailleurs su, il faut le dire, maîtriser les évolutions depuis plusieurs
années, grâce à une excellente gestion, et peut-être aussi grâce à une
évolution favorable de leurs ressources, qui n'est évidemment pas étrangère à
l'amélioration de la situation économique dans notre pays et au retour de la
croissance.
Les sujets intéressant les finances locales ne se limitent pas aux principes
que nous venons d'évoquer et à leurs applications pratiques, et je veux
répondre maintenant aux interrogations ou aux critiques exprimées par certains
orateurs.
Plusieurs d'entre vous - mais plus particulièrement MM. Peyronnet et Nachbar -
n'ont pas manqué de rappeler, à l'approche de l'hiver, les importants sinistres
subis l'hiver dernier par nos concitoyens et leurs collectivités locales,
victimes des inondations dans le sud-ouest de la France et des tempêtes sur la
moitié de notre pays.
Je ne rappellerai pas ici tous les dispositifs mis en place par le
Gouvernement pour faire face, dans des délais records, aux conséquences de ces
calamités. Pour me limiter au champ de mon ministère et à ce qui concerne les
collectivités locales, objet de la discussion de cet après-midi, je veux
réaffirmer que la solidarité nationale continuera de jouer non seulement pour
faire face aux imprévus mais aussi pour accompagner les collectivités en
difficulté quand ce sera nécessaire.
Comme vous le savez, la nature des crédits concernés, qui figurent aux
chapitres 67-54 et 41-52, a pour effet de reporter l'essentiel de leur
discussion à l'examen du projet de loi de finances rectificative, mais soyez
assurés que l'utilisation de ces crédits fait l'objet d'un suivi très attentif
afin de répondre, de la manière la plus adaptée et la plus rapide, aux besoins
identifiés par les préfectures.
Concernant tout particulièrement les communes forestières, je n'oublie pas les
difficultés qu'ont rencontrées certaines d'entre elles à la suite des calamités
auxquelles j'ai fait allusion. Il en est malheureusement, parmi elles, qui ont
également perdu des ressources patrimoniales et subiront encore longtemps -
peut-être pendant plusieurs années - une amputation de leurs moyens de
fonctionnement. Je pense aux communes forestières pour lesquelles des
subventions exceptionnelles ont été dégagées, subventions qui sont attribuées
au plus près du terrain pour mieux les adapter aux besoins. Je veillerai à ce
que la solidarité nationale continue de s'exercer une fois le temps de
l'urgence passé.
Une étude devra être engagée en 2001 afin de définir les besoins des communes
à partir de 2002 et les perspectives d'évolution de leur situation pour les
années ultérieures. L'activité des commissions départementales associant, sous
la présidence des préfets, les principaux services de l'Etat concernés et des
représentants des communes forestières a donné, dans l'ensemble, satisfaction.
Pour cette raison, ces commissions devront être maintenues afin de contribuer à
l'étude précitée et de poursuivre leur rôle d'aide et de conseil auprès des
communes concernées.
Une question m'a été posée par Mme Luc à propos de la commune de
Choisy-le-Roi. Même si le moment n'est peut-être pas le mieux choisi pour y
répondre, je tiens à le faire maintenant, d'autant que je la vois me faire les
« gros yeux ».
(Sourires.)
Certes, madame Luc, l'état immobilier du centre que vous avez évoqué n'est pas
satisfaisant. Voilà maintenant plus d'un an, trois décisions ont été prises,
dont celle de construire un centre neuf à Palaiseau, qui remplacera celui de
Choisy-le-Roi ; ce bâtiment sera livré dans deux ans et demi. Il est prévu de
transformer ; à cette échéance, le centre de Choisy en simple local de
rétention, dans lequel les étrangers séjourneront donc moins de quarante-huit
heures. Dans cette perspective, une rénovation immédiate des locaux actuels va
être entreprise, et 200 000 francs ont été engagés à cet effet voilà quelques
semaines.
J'en viens au projet de loi de finances.
Au-delà des chiffres, il respecte nos engagements passés et prépare l'avenir,
selon une démarche cohérente du Gouvernement, au bénéfice d'une nouvelle étape
de la décentralisation, plus citoyenne.
Le présent projet de budget garde bien le cap fixé depuis trois ans : le
respect du contrat de croissance et de solidarité, le renforcement de la
péréquation et le soutien à l'intercommunalité.
Les ressources des collectivités locales doivent être rénovées et réformées
dans les meilleurs délais, mais non dans la précipitation, car cela pourrait
être préjudiciable.
M. Yvon Collin l'a rappelé, les interventions du Premier ministre ont souligné
la nécessité de revoir les ressources des collectivités locales, qu'il s'agisse
des dotations ou de la fiscalité locale, dans le sens d'une plus grande
simplicité, d'une plus grande lisibilité, d'un lien plus étroit entre le
citoyen et l'élu, au service d'une politique locale. Il s'agit de mettre en
place une fiscalité locale rénovée plus équitable, témoignant d'une plus grande
solidarité, avec une péréquation plus grande qu'aujourd'hui. La tâche n'est pas
simple et doit, vous le savez, faire l'objet d'une étude fouillée ainsi que
d'une très large concertation, impliquant tant les élus nationaux, que les élus
locaux et leurs associations.
J'ai déjà eu l'occasion de le dire devant vous lors de l'examen de la
proposition de loi constitutionnelle relative à l'inscription de l'autonomie
fiscale des collectivités locales dans la Constitution mais je tiens à le
répéter, notamment à l'intention de MM. Fourcade et Leclerc : je suis très
attaché à une fiscalité locale qui présente les qualités que je viens de citer
au bénéfice des collectivités responsables, comme le confirment d'ailleurs
leurs interventions judicieuses dans les procédures contractuelles.
Je ne pense pas que l'autonomie des collectivités locales soit remise en cause
par le Gouvernement et je préfère que ce terme ne soit pas interprété comme le
maintien des avantages acquis par les collectivités les plus favorisées ni
comme le reflet d'une vision trop mathématique ou comptable de la libre
administration des collectivités locales. Notre travail en commun ces prochains
mois le confirmera, j'en suis sûr, M. Cornu devrait être rassuré car son appel
a été entendu.
Dès l'année prochaine, des textes de loi vous seront proposés pour mettre en
oeuvre les dispositions les plus nécessaires au bénéfice des citoyens et des
élus qui les respectent.
Vous le savez, là encore, l'ensemble des sujets intéressant la nouvelle étape
de la décentralisation sera évoqué avec vous, lors du débat d'orientation au
Parlement que nous aurons ensemble au mois de janvier prochain. La date exacte
doit en être fixée très rapidement, en fonction notamment du calendrier
parlementaire, particulièrement chargé à cette époque. C'est Jean-Jack
Queyranne, ministre chargé des relations avec le Parlement, qui en est le
responsable.
MM. Hoeffel, Peyronnet et Haut en ont parlé dans leurs interventions, mais je
souhaite vous rappeler que le Gouvernement déposera au début de l'année
prochaine un projet de loi, suivant en cela les orientations de la commission
présidée par Pierre Mauroy, sur l'approfondissement de la démocratie locale et
sur l'amélioration des conditions d'exercice des mandats locaux. Un accent
particulier sera porté sur l'accès du plus grand nombre aux fonctions
électives, le développement du droit à la formation, la protection sociale et
le reclassement des élus.
(Applaudissements sur les travées socialistes,
ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Michel Mercier,
rapporteur spécial.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Michel Mercier,
rapporteur spécial.
Ce matin, je n'avais pas conclu mon exposé oral parce
que je crois aux vertus du débat. J'espérais que les arguments raisonnables,
avancés sereinement par M. Hoeffel et par moi-même, seraient de nature à vous
convaincre, monsieur le ministre d'améliorer votre projet de budget.
Je vous donne bien volontiers acte des efforts que vous avez faits pour nous
répondre mais, sur trois points au moins, vos réponses ne peuvent pas nous
donner satisfaction.
Vous avez dit que le Sénat avait voté un certain nombre de dispositions,
certes intéressantes, mais dont l'adoption aurait pour conséquence première
d'augmenter le déficit budgétaire, ce qui n'est pas acceptable. Nous sommes
tout à fait d'accord avec vous, monsieur le ministre ! D'ailleurs, nous vous
avons mis en garde, dans nos rapports écrits, contre cette manie du
Gouvernement de remplacer les impôts locaux par des dotations de l'Etat. Cela
conduit à rigidifier le budget de l'Etat et à priver le Gouvernement de la
totale maîtrise de son budget : il est obligé de réduire les dotations aux
collectivités locales s'il ne veut pas augmenter le déficit.
L'appel pour revenir à des ressources fiscales, au lieu des dotations, vous a
été lancé de toutes les travées de cet hémicycle, afin de redonner au
Gouvernement la pleine maîtrise du budget de l'Etat. Ainsi, tous le monde sera
satisfait.
S'agissant de la progression de la dotation de solidarité urbaine, si le
comité de finances locales qui se tiendra le 12 décembre prochain fixe à 50 %
seulement l'augmentation de la dotation forfaitaire, ce qui est le taux le plus
bas qu'il puisse retenir - les années précédentes, il s'élevait à 55 % - cette
année, la DSU comme tous les apports complémentaires qui ont été décidés au
cours du débat parlementaire n'augmenteront pas.
En ce qui concerne l'intercommunalité, celle-ci mérite de la part du
Gouvernement, qui a voulu insuffler cette réforme, un vrai financement. Nous ne
le trouvons pas !
Pour l'ensemble de ces raisons, je dois conclure au rejet de votre projet de
budget.
(Exclamations sur les travées socialistes. - Applaudissements sur
les travées de l'Union centriste, du RPR, des Républicains et Indépendants,
ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
Nous allons procéder à l'examen et au vote des crédits concernant l'intérieur
et la décentralisation et figurant aux états B et C.
Je rappelle au Sénat que les crédits affectés à la sécurité ont été examinés
aujourd'hui même.
ÉTAT B
M. le président. « Titre III : 2 821 438 095 francs. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les crédits figurant au titre III.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant de la commission des
finances.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions réglementaires.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président.
Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
Nombre de votants | 319 |
Nombre de suffrages exprimés | 319 |
Majorité absolue des suffrages | 160 |
Pour l'adoption | 100 |
Contre | 219 |
Le Sénat n'a pas adopté. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants et du RPR.)
« Titre IV : 20 114 888 227 francs. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les crédits figurant au titre IV.
(Ces crédits ne sont pas adoptés.)
ÉTAT C
M. le président. « Titre V. - Autorisations de programme : 2 031 150 000 francs ;
« Crédits de paiement : 753 069 000 francs. »
Je vais mettre aux voix les crédits figurant au titre V.
Mme Hélène Luc.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à Mme Luc.
Mme Hélène Luc.
Pour toutes les raisons que mon ami Robert Bret a énoncées, nous voterons les
crédits relatifs à la sécurité.
Je souhaite saisir cette occasion pour attirer de nouveau votre attention,
monsieur le ministre, sur l'existence du centre de rétention situé dans le
commissariat de Choisy-le-Roi. Vous m'avez répondu par avance, parce que vous
savez que je suis très préoccupée par cette question et je vous en remercie.
Le maire et la municipalité de l'époque avaient exprimé leur désaccord
s'agissant de ce centre, mais c'était la condition pour que le commissariat de
Choisy-le-Roi soit reconstruit, puisque, jusqu'alors, il était abrité dans un
local attenant à l'église et il portait le nom de « salle Jean-Jaurès ». Voilà
pour la petite histoire !
Vous reconnaîtrez avec moi, monsieur le ministre, que la vocation d'un
commissariat de ville n'est pas de servir de prison temporaire pour les
sans-papiers, internés dans de très mauvaises conditions ; le rapport de Louis
Mermaz l'a souligné avec force.
Le fonctionnement de ce centre de rétention absorbe certains moyens du
commissariat. Il manque dix-huit à vingt agents de police et, chaque jour, ce
sont onze heures trente qui sont prises sur des moyens du commissariat et qui
sont utilisées pour le centre de rétention, notamment la nuit.
En outre, la présence de ce centre de rétention donne lieu à de nombreuses
manifestations et crée un climat d'insécurité dans le quartier, notamment pour
les 850 élèves de l'école Saint-André et leurs parents. Il est situé au
carrefour Rouget-de-Lisle, c'est-à-dire à l'intersection de deux routes
nationales.
C'est pourquoi, avec le maire de Choisy-le-Roi, nous demandons la suppression
de ce centre de rétention. Bien évidemment, nous avons saisi le préfet du
Val-de-Marne. La transformation que vous proposez représente un petit progrès,
mais ce centre devrait être purement et simplement supprimé.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix les crédits figurant au titre V.
(Ces crédits ne sont pas adoptés.)
M. le président.
« Titre VI. - Autorisations de programme : 11 533 064 000 francs ;
« Crédits de paiement : 6 613 979 000 francs. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les crédits figurant au titre VI.
(Ces crédits ne sont pas adoptés.)
M. le président.
J'appelle en discussion l'article 60
quater,
qui est rattaché pour son
examen aux crédits affectés à la décentralisation.
Intérieur et décentralisation
Article 60 quater
M. le président.
« Art. 60
quater
. - Le Gouvernement déposera sur le bureau des
assemblées parlementaires, au plus tard le 1er juin 2001, un rapport relatif
aux ponts détruits par faits de guerre et non encore reconstruits en ouvrages
définitifs et à l'exécution du chapitre 67-50. »
- (Adopté.)
Nous avons achevé l'examen des dispositions du projet de loi de finances
concernant l'intérieur et la décentralisation.
6
NOMINATION D'UN MEMBRE
D'UN ORGANISME EXTRAPARLEMENTAIRE
M. le président.
Je rappelle que la commission des affaires sociales a proposé une candidature
pour un organisme extraparlementaire.
La présidence n'a reçu aucune opposition dans le délai d'une heure prévu par
l'article 9 du règlement.
En conséquence, cette candidature est ratifiée et je proclame Mme Nelly Olin
membre suppléant du Conseil national du bruit.
7
NOMINATION DE MEMBRES
D'UNE COMMISSION MIXTE PARITAIRE
M. le président.
Il va être procédé à la nomination de sept membres titulaires et de sept
membres suppléants de la commission mixte paritaire chargée de proposer un
texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à la
résorption de l'emploi précaire et à la modernisation du recrutement dans la
fonction publique.
La liste des candidats établie par la commission des lois constitutionnelles,
de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration général
a été affichée conformément à l'article 12 du règlement.
Je n'ai reçu aucune opposition.
En conséquence, cette liste est ratifiée et je proclame représentants du Sénat
à cette commission mixte paritaire :
Titulaires : MM. Pierre Fauchon, Daniel Hoeffel, Jean-Pierre Schosteck, René
Garrec, Paul Girod, Jacques Mahéas et Mme Nicole Borvo.
Suppléants : MM. Nicolas About, Guy-Pierre Cabanel, Raymond Courtois, Mme
Dinah Dericke, MM. Patrice Gélard, Lucien Lanier et Simon Sutour.
8
COMMUNICATION RELATIVE
À UNE COMMISSION MIXTE PARITAIRE
M. le président. J'informe le Sénat que la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine des transports est parvenue à l'adoption d'un texte commun.
9
LOI DE FINANCES POUR 2001
Suite de la discussion d'un projet de loi
M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi de finances pour 2001.
Education nationale
I. - ENSEIGNEMENT SCOLAIRE
M. le président.
Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi de finances concernant
l'éducation nationale : I. - Enseignement scolaire.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Jean-Philippe Lachenaud,
rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et
des comptes économiques de la nation.
Monsieur le président, monsieur le
ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues ; pour la première
fois succédant à mon collègue M. Delong, je vais présenter les crédits de
l'enseignement scolaire. Je tenterai de le faire de manière brève et
dynamique.
Monsieur le ministre, vous gérez la plus grande entreprise nationale : un
budget de 332 milliards de francs 959 000 emplois budgétaires et 12,5 millions
d'élèves dans les différents niveaux d'enseignement.
En 2001, votre projet de budget progresse à nouveau de 2,82 % en valeur réelle
et à périmètre constant, et prévoit 13 000 créations d'emplois.
A ce moment de mon exposé, je souhaite, à la fois au nom de la commission des
finances et en mon nom personnel, car je connais bien le secteur de
l'éducation, rendre hommage à l'effort fantastique accompli depuis des années
par tous les enseignants et tous les chefs d'établissement face à la
démocratisation de l'enseignement.
Nous avons réellement, en France, un enseignement de qualité.
Monsieur le ministre, quel contraste dans le style et dans l'action entre
votre prédécesseur et vous-même ! A des réformes annoncées de manière parfois
jugées provocatrices, à des déclarations jugées parfois excessives par les
partenaires de l'éducation, ont succédé une volonté et un réel effort de
concertation, de dialogue et d'écoute. Toutefois, certains ont pu y voir aussi
de l'indécision, de l'attentisme, peut-être dans la perspective des un ou deux
ans qui nous séparent d'échéances électorales, c'est-à-dire dans une phase qui
n'est sans doute pas la plus propice à des réformes de l'éducation.
Ce contraste dans le style et dans l'action des deux ministres de l'éducation
nationale successifs s'inscrit pourtant dans un contexte qui, lui, est le même.
C'est d'ailleurs ce qui va conduire la commission des finances à proposer le
rejet de votre budget, comme nous l'avions fait l'année précédente.
M. Jean-Louis Carrère.
Ah !
M. Jean-Philippe Lachenaud,
rapporteur spécial.
Je vois déjà mon collègue Jean-Louis Carrère réagir,
lui qui, depuis cinq ans, apporte, dans ce débat, la contradiction et
l'ironie...
M. Jean-Louis Carrère.
Il y a de quoi !
M. Jean-Philippe Lachenaud,
rapporteur spécial.
... depuis les travées du groupe socialiste, lorsque
je présente mon rapport sur le budget de l'éducation.
(Sourires.)
Ce contexte est toujours marqué par une baisse des effectifs : 270 000 élèves
de moins en cinq ans. Ce nombre est quand même significatif, mais ne croyez
pas, car ce serait caricaturer notre position, que nous en tirions la
conséquence automatique qu'il faut, de ce fait, réduire les effectifs
d'enseignants, non ! Nous estimons simplement que cette baisse des effectifs
d'élèves est l'occasion de réfléchir sur les objectifs généraux de l'éducation
nationale, qui doivent devenir de plus en plus qualitatifs, de travailler à une
meilleure gestion prévisionnelle, à une meilleure mobilité des enseignants et à
une meilleure place des enseignants par rapport aux élèves. Ce phénomène de
réduction des effectifs d'élèves va d'ailleurs très vraisemblablement se
poursuivre au cours de la prochaine décennie.
Par ailleurs, le diagnostic sur l'école n'a pas réellement changé. Tous
s'accordent à reconnaître que l'enseignement à l'école maternelle et à l'école
élémentaire, malgré ses succès, n'arrive pas encore à donner à tous les élèves
des possibilités de maîtriser les savoirs fondamentaux. Tous continuent à dire
que de grandes difficultés existent au collège et que beaucoup d'enfants
s'adaptent très mal la première année. Tous, enfin, espèrent que les réformes
du lycée vont se poursuivre.
M. René-Pierre Signé.
Il y a des progrès !
M. Jean-Philippe Lachenaud,
rapporteur spécial.
En fait, on pourrait dire, s'agissant du milieu
éducatif, qu'il souffre d'une sorte de malédiction de la réforme.
D'une part, lorsque la réforme est amorcée, il arrive que le ministre soit
changé ; d'autre part, quand la réforme est décidée, elle se heurte,
semble-t-il, à une résistance que certains qualifient de corporatiste, mais qui
provient, en réalité, de toute la machine, de sorte que l'on est conduit soit à
présenter la réforme, mais en renvoyant sans fin à des commissions et à des
personnalités pour en étudier tel ou tel aspect, soit, devant la menace de
manifestations, à prudemment la remiser dans les cartons du grand ministère de
l'éducation nationale.
Donc, face à cette véritable malédiction, nous souhaiterions être assurés,
monsieur le ministre, de votre volonté de poursuivre les réformes et de les
mener à bien.
Le contexte étant posé, j'en arrive maintenant à trois questions
fondamentales, que j'ai extraites du rapport.
S'agissant, premièrement, du plan pluriannuel de recrutement, nous approuvons
la démarche prévisionnelle qui doit vous conduire à prévoir les départs,
nombreux, des enseignants au cours des décennies qui viennent et à pourvoir de
manière programmée, discipline par discipline, à leur remplacement.
En revanche, nous regrettons que l'on ne prenne pas mieux en compte les
conclusions à tirer des rapports successifs de la Cour des comptes et de la
commission d'enquête du Sénat sur la gestion de personnels enseignants. Y
a-t-il vraiment 10 000, 15 000, 20 000 ou 30 000 enseignants qui ne sont pas
devant les élèves ? Si cela est vrai, il faut trouver en priorité des méthodes
de gestion qui remettent ces personnels en situation d'enseigner.
M. Patrick Lassourd.
Très bien !
M. Jean-Philippe Lachenaud,
rapporteur spécial.
Deuxièmement, avant même de lancer des recrutements
supplémentaires, qui seront de l'ordre, pour les niveaux d'enseignement dont
nous parlons maintenant, de 7 300 par an, il faut mettre au point leur gestion,
leur mobilité, leur spécialisation et améliorer leur système d'affectation, de
mutation et de mobilité.
Car annoncer ainsi le plan de recrutement demandé par les syndicats, mais
qu'ils jugent aujourd'hui insuffisant, c'est s'exposer à des risques de dérive,
les recrutements successifs des années 2002 ou 2003 venant démentir les
pronostics.
Vous avez, de manière d'ailleurs relativement raisonnable, limité la
proposition à 7 300 recrutements par an pour ces niveaux d'enseignement, mais
je crains que cette logique quantitative et non qualitative de la gestion ne
vous amène à être l'objet de pressions pour que les effectifs soient encore
augmentés, avec toutes les dérives possibles.
Vous me répondrez qu'une telle démarche est encouragée par l'opinion publique
et qu'un sondage montre que plus de 80 % des Français approuvent le recrutement
d'effectifs supplémentaires. Mais c'est évident ! Si on demande aux Français
s'il faut plus de policiers, ils répondront par l'affirmative. Si on leur
demande s'il faut plus d'agents hospitaliers, ils répondront encore par
l'affirmative. Et si on leur demande s'il faut plus d'enseignants, ils
répondront toujours par l'affirmative ! Dans tous ces domaines, un sondage de
cette nature ne peut absolument pas changer notre point de vue. Il faut
améliorer la gestion des effectifs.
Nous souhaiterions donc un effort original et novateur de réforme des méthodes
et des structures de gestion qui combinerait déconcentration, pour la partie de
gestion administrative, et décentralisation, pour les établissements
publics.
Nous vous posons ainsi la question, monsieur le ministre : avez-vous la
volonté de faire progresser les méthodes de gestion et la diffusion de
l'éducation dans notre pays en combinant de nouvelles mesures de
déconcentration et de nouvelle mesures d'autonomie et de décentralisation pour
les établissements ?
M. Jean-Louis Carrère.
Vous êtes devenu un champion de la décentralisation !
M. Jean-Philippe Lachenaud,
rapporteur spécial.
Troisièmement, s'agissant des aides-éducateurs qui,
hors enseignement supérieur, sont au nombre de 70 000, nous vous interrogeons
sur leur formation et sur leur chance de sortir du système éducatif pour aller
dans d'autres secteurs de l'économie et exercer d'autres activités. Nous nous
posons la question fondamentale de leur devenir.
Nous redoutons que la tendance naturelle ne soit à la pérennisation des
emplois en leur donnant une forme de contrat administratif. Nous redoutons
aussi que les titulaires de ces emplois ne soient installés dans leurs
emplois.
Il faut donc distinguer l'emploi du sort de son occupant actuel. Nous
souhaiterions, monsieur le ministre, connaître vos intentions, à cet égard.
Aujourd'hui, ces 70 000 aides-éducateurs représentent aussi 7 milliards de
francs. Nous souhaitons qu'il n'y ait pas de dérive budgétaire, de dérive
financière, et nous espérons que ces emplois nouveaux ne deviendront pas
permanents pour les trente ans à venir.
Nous nous inquiétons également de la situation personnelle de ces jeunes, qui
ont fait un effort et dont le rôle de médiateur et le rôle d'appui à la
diffusion des nouvelles technologies dans le secteur éducatif sont reconnus par
tous. Nous ne contestons ni leur mission ni la manière dont ils l'ont remplie,
mais nous nous interrogeons sur leur devenir.
Telles sont, messieurs les ministres, les quelques observations et les trois
questions que nous souhaitions formuler devant vous aujourd'hui.
Il y a une logique quantitative. Beaucoup d'inégalités subsistent. Nous ne
pensons pas que la maîtrise de la gestion soit réellement assurée. C'est ce qui
a conduit la commission des finances, comme elle l'avait fait l'an dernier, à
proposer le rejet de votre budget.
(Applaudissements sur les travées des
Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.)
M. René-Pierre Signé.
Nous avons l'habitude !
M. le président.
La parole est à M. Bernadaux, rapporteur pour avis.
M. Jean Bernadaux,
rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles.
Monsieur
le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, comme vous le
savez, l'éducation nationale, première ligne budgétaire, représente, en
incluant l'enseignement supérieur, près du quart du budget total de l'Etat.
Pour leur part, les crédits du seul enseignement scolaire s'élèvent à près de
332 milliards de francs en 2001, ce qui représente une progression de 2,82 % à
structure constante, c'est-à-dire de 9 milliards de francs.
Convient-il de se féliciter d'une telle évolution, qui permettrait de
renforcer l'encadrement des élèves, dont le nombre est d'ailleurs en baisse
continue depuis dix ans ? Faut-il, au contraire, s'en inquiéter en considérant
qu'un tel effort budgétaire reste vain s'il ne s'accompagne pas de réformes
pédagogiques ou structurelles de notre système éducatif ?
Je voudrais aussi rappeler que les dépenses de rémunérations représentent 95 %
de ce budget et que près de 4 milliards de francs supplémentaires seront
affectés aux pensions de retraite.
S'agissant de la ventilation des crédits, le coût de la création des 12 838
emplois annoncés, qui représentent les deux tiers des emplois créés dans le
projet de budget, est de 1,9 milliard de francs.
Les mesures catégorielles s'élèveront, pour leur part, à 2,2 millions de
francs, consacrés en particulier à la poursuite du plan d'intégration des
instituteurs dans le corps des professeurs des écoles.
Les crédits de fonctionnement et d'intervention augmenteront de près de 1
milliard de francs, 90 millions de francs étant consacrés à la mise en oeuvre
des nouvelles technologies et 60 millions de francs, à l'apprentissage des
langues vivantes et à la rénovation de l'enseignement des sciences en
primaire.
Je rappellerai pour mémoire que le dernier collectif budgétaire avait prévu
une rallonge de 1 milliard de francs, affecté principalement à l'enseignement
professionnel et à la prévention de la violence.
Pour en revenir aux quelque 13 000 emplois annoncés, la commission des
affaires culturelles tient à préciser que les véritables créations d'emplois ne
concernent, en fait, que 800 professeurs des écoles et 600 enseignants ou
assimilés du second degré.
Dans le même temps, 600 emplois de certifié et 400 emplois de PLP 2 seront
créés par transformation de 18 000 heures supplémentaires ; 1 338 postes
d'enseignant du second degré en surnombre seront consolidés et 3 000 emplois
seront financés au titre de la résorption de l'emploi précaire. J'ajouterai que
4 125 emplois de professeur des écoles stagiaire seront créés pour anticiper
les départs en retraite.
Dans le droit-fil des travaux de la commission d'enquête du Sénat sur la
gestion des personnels de l'éducation, qui avait constaté, au cours des dix
dernières années, une forte croissance des emplois et, dans le même temps, une
réduction importante des effectifs d'élèves, la commission des affaires
culturelles s'est interrogée sur le bien-fondé des créations d'emplois massives
prévues pour 2001, qui répondent sans doute aux voeux des organisations
syndicales et qui procèdent d'ailleurs davantage d'une consolidation que d'une
véritable création.
S'agissant notamment des 3 000 emplois créés en application du plan de
résorption de la précarité, on peut estimer que les modalités des concours
réservés ne garantissent pas nécessairement la qualité de l'encadrement des
élèves.
La commission tient en revanche à souligner la création de 1 675 emplois de
personnel non enseignant, qui devrait permettre de renforcer l'encadrement des
établissements, notamment de ceux qui sont difficiles, mais force est de
constater que cet effort reste très insuffisant pour les médecins scolaires, en
dépit d'une augmentation du nombre des vacations.
Je ne dirai qu'un mot du plan de programmation pluriannuelle annoncé par M. le
ministre : la commission a souhaité qu'il ne s'appuie pas exclusivement sur des
données quantitatives et permette de mieux calibrer les concours de recrutement
en fonction d'orientations pédagogiques précises.
Comme vous le savez, ce plan devrait permettre de créer 33 200 emplois entre
2001 et 2003, tandis que le plan de recrutement sur cinq ans permettrait de
recuter 62 000 nouveaux professeurs des écoles ainsi que 88 000 enseignants du
second degré.
Je rappelle, également pour mémoire, que le récent rapport Vallemont évalue le
nombre des départs en retraite des enseignants à 430 000 jusqu'en 2010, soit 47
% des effectifs, ce qui imposerait de recruter environ 28 000 fonctionnaires
par an pour le premier degré et le second degré.
J'évoquerai ensuite brièvement l'état des réformes engagées pour chaque niveau
d'enseignement.
S'agissant de la réforme de l'école primaire, qui constitue votre priorité,
monsieur le ministre, je ne puis que m'étonner d'une mise en oeuvre aussi
tardive des nouveaux programmes, notamment pour la lecture, alors que les tests
réalisés lors de la dernière journée d'appel de préparation à la défense
révèlent encore une trop forte proportion de jeunes confrontés à de graves
difficultés de lecture. La responsabilité de l'école et du collège en ce
domaine paraît évidente.
Je noterai également les réticences exprimées par les professeurs des écoles,
comme le révèle une enquête récente, pour enseigner des matières non scolaires
et non évaluées, y compris les langues étrangères. Je ne peux, enfin, que
constater la modestie des mesures envisagées pour améliorer la liaison entre
l'école et le collège.
Concernant les langues vivantes à l'école primaire, je voudrais rappeler que
70 % des classes de cours moyen sont d'ores et déjà concernées, mais aussi que
les enseignants du premier degré ne représentent qu'un peu plus de la moitié
des intervenants, et que l'anglais est enseigné dans les trois quarts des
classes.
Il y a donc un effort à mener pour généraliser l'apprentissage de ces langues
à la rentrée prochaine, et pour améliorer la formation des futurs professeurs
des écoles dans une perspective de diversification linguistique, telle que
celle-ci a été préconisée par une mission d'information de notre commission,
présidée par notre collègue M. Jacques Legendre, dont vous connaissez, je
crois, les conclusions.
Pour en terminer avec le primaire, j'indiquerai que la commission a exprimé
des réserves sur le principe de l'inclusion obligatoire de l'enseignement de la
langue corse dans l'horaire scolaire des écoles de l'île.
Je souhaiterais, enfin, monsieur le ministre, que vous précisiez vos
intentions sur la généralisation de l'aménagement des rythmes scolaires, qui
intéresse tout particulièrement les élus locaux que nous sommes. J'aborderai
ensuite la rénovation du collège, qui a été engagée par Mme Ségolène Royal, et
qui est aujourd'hui recentrée autour de quelques priorités.
Comme vous le savez, l'inspection générale a établi un bilan mitigé de ce plan
de rénovation et les enseignants ont émis des réserves à son endroit, ce qui
conduit à formuler des interrogations sur la pertinence du collège dit
unique.
A cet égard, la commission suivra avec attention la reflexion confiée à M.
Joutard sur la réforme du collège « unique, mais non uniforme » et sur les
perspectives d'une orientation plus précoce des collégiens en difficulté.
S'agissant de la réforme controversée du lycée, engagée par votre
prédécesseur, monsieur le ministre, celle-ci a été sensiblement infléchie.
Si vous avez maintenu certaines mesures, comme l'aide individualisée et les
travaux personnels encadrés, vous avez renforcé les horaires dans les matières
générales, vous avez, à bon droit, privilégié la filière littéraire ainsi que
l'enseignement des langues vivantes.
Au total, la commission qui avait accueilli avec une certaine inquiétude le
projet de « lycée allégé » ne peut que se féliciter d'une réhabilitation des
savoirs fondamentaux au lycée, dont la maîtrise commande largement la réussite
dans l'enseignement supérieur.
J'évoquerai, en dernier lieu, trois dossiers préoccupants, et d'abord le
problème de la désaffection à l'égard des fonctions de directeur d'école et de
chef d'établissement. Aujourd'hui, 10 % des écoles maternelles et des écoles
élémentaires ne disposent pas de directeur et 400 postes de chef
d'établissement sont vacants dans le secondaire : cette désaffection ne touche
d'ailleurs pas de la même manière les lycées cotés de centre-ville, les
établissements difficiles et les petits collèges en zone rurale isolée.
Que comptez-vous faire, monsieur le ministre, à l'issue de la concertation en
cours, pour rendre ces responsabilités plus attrayantes, pour clarifier les
missions de ces personnels et pour mieux reconnaître leur fonction ?
S'agissant du problème de la violence scolaire, force est de constater que les
six plans de prévention engagés depuis 1992 par les ministres qui se sont
succédé n'ont enregistré que des résultats décevants : selon les dernières
statistiques, 240 000 déclarations d'incidents de toute nature sont transmises
chaque trimestre par les collèges et les lycées et 6 300 incidents graves sont
signalés au parquet.
Si les faits graves ont baissé dans les sites expérimentaux, il faut noter que
la situation continue à se dégrader, notamment dans la région parisienne, où
les agresseurs sont en outre de plus en plus jeunes. Une mobilisation de tous
les instants s'impose à l'évidence.
Je terminerai en disant un mot des emplois-jeunes. Certes, le projet de budget
ne prévoit aucun recrutement, mais le coût de quelque 70 000 aide-éducateurs a
représenté 7 milliards de francs en 2000.
Notre excellent collègue M. Alain Gournac propose, dans son rapport, des
mesures intéressantes pour préparer la sortie de ceux qui ont un contrat
s'achevant en 2002, pour modifier leur statut juridique, pour renforcer leur
formation qui a été négligée et pour relancer la contractualisation avec les
entreprises afin de faciliter leur sortie de la fonction publique.
Tout en partageant l'essentiel de ses observations et propositions, je noterai
cependant que le rôle des aide-éducateurs a pu également se révéler positif
dans les établissements du second degré. Je souhaiterais, monsieur le ministre,
que vous puissiez nous éclairer sur leur avenir.
Au total, je dirai que ce projet de budget, en dépit de l'augmentation de ses
crédits, manque d'orientations claires, comporte des mesures trop disparates,
ignore la plupart des propositions pourtant réalistes de la commission
d'enquête du Sénat sur l'éducation et, surtout, prévoit des créations d'emplois
au-delà des besoins induits par les départs en retraite.
Sous réserve de ces observations, la commission a émis un avis défavorable sur
les crédits de l'enseignement scolaire pour 2001.
(Applaudissements sur les
travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants, ainsi
que sur certaines travées du RDSE.)
M. Jean-Louis Carrère.
Pas toute la commission, sa majorité !
M. le président.
La parole est à Mme Luc, rapporteur pour avis.
Mme Hélène Luc,
rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, pour
l'enseignement technique.
Monsieur le président, messieurs les ministres,
mes chers collègues, en raison d'une croissance économique enfin retrouvée,
rarement les besoins en formation qualifiée ont été aussi importants : c'est
donc avec une certaine satisfaction que la commission des affaires culturelles
constate que l'enseignement professionnel bénéficiera, en 2001, d'un train de
mesures nouvelles qui se traduisent par un effort budgétaire important.
Cet élan nouveau est marqué, en particulier, par une rénovation pédagogique,
par la première étape du plan pluriannuel de recrutement d'enseignants, ainsi
que par la revalorisation attendue depuis longtemps du statut des professeurs
de lycée professionnel, les PLP.
La commission tient à remarquer que ces engagements reprennent plusieurs
propositions qu'elle formule depuis plusieurs années à l'occasion de l'examen
des crédits de l'enseignement technique.
Cependant, de nombreux secteurs d'activité éprouvent aujourd'hui de grandes
difficultés pour recruter une main-d'oeuvre jeune et qualifiée, et les besoins
sont tels que certains employeurs n'hésitent plus à embaucher des jeunes en
cours de formation, en complétant leur qualification au sein de
l'entreprise.
Convient-il de se satisfaire d'une telle situation ? Je ne le pense pas.
L'enseignement professionnel a un rôle capital à jouer pour répondre à ces
besoins et à l'émergence de nouveaux métiers ; il doit ainsi nécessairement
moderniser ses formations offertes à tous les niveaux et créer de nouveaux
diplômes en concertation avec les professions.
Dans ces conditions, comment ne pas s'inquiéter de la très préoccupante
désaffection des élèves à l'égard de la filière professionnelle, alors que
celle-ci assure pourtant le plus souvent à ses diplômés un taux d'embauche
élevé ?
En dépit des efforts engagés, force est de constater que la voie
professionnelle souffre encore d'un problème d'image et, je le souligne,
qu'elle ne peut, à elle seule, comme le voudraient certains, remédier au
problème de l'échec scolaire qui prend en fait naissance à l'école et qui se
perpétue au collège, noeud de toutes les difficultés.
Par ailleurs, une étude récente de l'INSEE sur les facteurs de réussite
scolaire a mis en évidence le poids prédominant du revenu et des conditions de
vie des familles par rapport à l'influence de l'organisation du système
éducatif et des réformes pédagogiques. L'enseignement professionel a donc un
rôle capital à jouer pour réduire ces inégalités persistantes, notamment en
mettant en place une politique sociale d'envergure en faveur de ses élèves et
de leurs familles. Je pense notamment aux 10 % de nos concitoyens dont la
situation relève du seuil de pauvreté.
Après ce préambule, j'indiquerai que l'enseignement professionnel bénéficiera,
en 2001, d'un milliard de francs de mesures nouvelles, somme qui sera
consacrée, pour l'essentiel, à la création de quelque 2 500 emplois nouveaux de
professeur de lycée professionnel et à des crédits d'heures d'enseignement.
Ces emplois nouveaux se répartissent ainsi : 180 création nettes d'emplois,
400 emplois créés par la transformation d'heures supplémentaires, 1 150 emplois
destinés à résorber l'emploi précaire, 300 emplois de chef de travaux et une
consolidation de 380 emplois en surnombre.
Par ailleurs, l'enseignement professionnel semble devoir bénéficier du quart
des 1 300 nouveaux emplois de personnel ATOS, administratif, technicien,
ouvrier et de service, crées dans le second degré. Pourriez-vous confirmer ce
point, monsieur le ministre délégué ?
Les quelque 550 millions de francs de crédits d'heures d'enseignement
devraient permettre de réduire de vingt-trois heures à dix-huit heures
l'obligation de service des professeurs de lycée professionnel qui dispensent
un enseignement pratique, de financer le suivi pédagogique des stagiaires en
entreprise, ainsi que les heures de soutien dans les matières générales.
J'ajouterai que plus de 30 millions de francs permettront de doubler le
montant de la prime d'équipement des élèves, qui passera à 2 200 francs.
Je voudrais souligner l'importance de cet effort budgétaire, en rappelant, en
outre, que quelque 600 millions de francs de crédits nouveaux ont déjà été
accordés à l'enseignement professionnel dans le dernier collectif.
Pour en terminer avec les emplois, monsieur le ministre délégué, je
souhaiterais vous demander des explications sur l'utilisation et l'affectation
des emplois au sein de l'éducation nationale, en prolongeant en quelque sorte
les travaux de la commission d'enquête du Sénat sur la gestion des personnels
de l'éducation. Selon certaines organisations, que j'ai d'ailleurs reçues,
plusieurs milliers de postes de professeur de lycée professionnel auraient été
transférés dans le cadre d'une globalisation des moyens du second degré, pour
recruter plus de certifiés et d'agrégés et dégager des supports pour les
rémunérer ; dans le même temps, les concours de professeur de lycée
professionnel auraient été sous-calibrés depuis le milieu des années
quatre-vingt-dix, ce qui aurait contribué à entretenir une trop forte précarité
de l'emploi - de l'ordre de 18 % - dans les lycées professionnels.
Pouvez-vous apporter des éclaircissements sur ce problème, monsieur le
ministre, et indiquer au Sénat la part qui reviendra à l'enseignement
professionnel pour les emplois annoncés au titre du plan pluriannuel ?
J'évoquerai, ensuite, le problème très préoccupant de l'évolution des
effectifs dans les lycées professionnels, qui ont perdu près de 50 000 élèves
lors des deux dernières rentrées scolaires, soit trois fois plus que les
filières générales.
La commission s'est interrogée sur les raisons de ce mouvement de reflux des
orientations vers l'enseignement professionnel, qui risque de se poursuivre
jusqu'en 2005.
Cette évolution est d'autant plus inquiétante qu'elle s'inscrit dans une
conjoncture de croissance des embauches : en effet, aujourd'hui, 400 000 ou 800
000 offres d'emplois, selon les sources, ne seraient pas pouvues et plus de la
moitié des industriels feraient état de difficultés de recrutement.
Sauf à assister en spectateur à la reprise économique et à laisser les
employeurs assumer eux-mêmes la qualification de leurs salariés, l'enseignement
professionnel doit être plus réactif aux besoins de l'économie : une réflexion
devrait sans doute être engagée sur ses finalités, en liaison d'ailleurs avec
celle qui est menée sur l'école et le collège.
Je dirai maintenant quelques mots des orientations pédagogiques annoncées, qui
se traduiront notamment par un allégement des horaires des élèves et par
l'introduction des projets pluridisciplinaires à caractère professionnel, les
PPCP, qui devraient permettre de développer le travail des enseignants en
équipe.
Par ailleurs, l'effort engagé en faveur de la formation générale des élèves se
traduira par une aide individualisée en mathématique et en français, ainsi que
par une extension des cours d'éducation civique aux élèves qui préparent un
certificat d'aptitude professionnelle, un CAP, ou un brevet d'études
professionnelles, un BEP.
Je noterai également que 300 millions de francs seront consacrés à
l'amélioration du suivi des stagiaires en entreprise, ce qui était
particulièrement nécessaire.
S'agissant des aides sociales, celles-ci devraient représenter au total 1,5
milliard de francs : je rappellerai à cet égard que 38 % des lycéens
professionnels sont boursiers, contre 17 % dans la filière générale ; le
doublement de la prime d'équipement, déjà évoqué, qui s'ajoute à la prime de
qualification et aux parts supplémentaires des bourses, traduit l'effort engagé
en faveur de ces lycéens.
Vous avez par ailleurs évoqué, monsieur le ministre délégué, le principe d'une
généralisation de la rétribution des stages, qui fait actuellement l'objet
d'une négociation : la commission y est évidemment favorable, une telle formule
devant en effet permettre d'assurer une égalité de traitement entre les lycéens
professionnels et les apprentis ; elle estime cependant que cette solution ne
doit pas avoir pour conséquence de réduire le nombre des stages proposés par
les entreprises, ce qui suppose un financement adapté.
J'en reviens au problème de la reconnaissance attendue de la fonction des
professeurs de lycée professionnel : j'ai déjà évoqué l'alignement de
l'obligation de service pour l'ensemble de ces enseignants, quelle que soit la
discipline enseignée, alignement qui répond à une revendication ancienne.
La commission des affaires culturelles s'est cependant étonnée que les
enseignants du premier degré détachés en sections d'enseignement général et
professionnel adapté, SEGPA, restent à l'écart de cet alignement horaire :
pouvez-vous nous indiquer les raisons d'une telle discrimination et quand ces
enseignants verront leur obligation de service ramenée à dix-huit heures,
monsieur le ministre ?
Cette reconnaissance de la fonction se traduira également par la
titularisation de 1 150 maîtres auxiliaires, contractuels et vacataires, en
application du plan de résorption de la précarité dans la fonction publique,
ainsi que par une revalorisation statutaire.
J'en terminerai par quelques commentaires relatifs aux mesures annoncées pour
conforter l'enseignement professionnel comme voie de réussite, commentaires qui
concernent d'abord l'orientation positive des élèves.
Vous avez annoncé, monsieur le ministre délégué, la mise en place
expérimentale d'un entretien dit « de plan de carrière » à quinze ans, afin de
réduire les sorties du système éducatif sans qualification ni diplôme. Une
telle mesure serait en effet utile, puisque 96 000 élèves sortent encore chaque
année sans aucun diplôme, et 60 000 sans aucune qualification.
Mais il faut prendre garde au risque d'orientations qui forceraient la main
aux familles les plus fragilisées ou les moins au fait des arcanes du système
éducatif.
La commission des affaires culturelles souhaiterait par ailleurs que vous
précisiez le rôle des futures classes d'orientation, dont vous avez annoncé la
création dans chaque lycée professionnel, ainsi que leur articulation avec les
classes de quatrième et de troisième technologiques existantes, que vous
envisagez de rénover. Auront-elles vocation à dispenser une telle formation
générale dans le cadre de la scolarité obligatoire ou seront-elles des
structures autorisant une orientation professionnelle précoce ?
M. le président.
Il vous faut conclure, madame le rapporteur pour avis !
Mme Hélène Luc,
rapporteur pour avis.
J'en ai fini, monsieur le président.
Vous avez également annoncé la création de « lycées des métiers thématiques »
et le regroupement des diverses formations professionnelles sur un même site
pour améliorer la lisibilité et la fluidité de la filière professionnelle,
ainsi que la mise en place de passerelles afin de faciliter la poursuite des
études.
Je rappellerai que 17 % seulement des diplômés professionnels accèdent à
l'enseignement supérieur. Tout doit être fait pour que les diplômés de BEP
puissent accéder à un « bac pro » dans la même filière, puis à des études
supérieures
via
un baccalauréat technologique. Je rappellerai cependant
que les bacheliers professionnels peuvent, d'une part, être tentés par un
emploi immédiat, ce qui est la vocation même de leur diplôme, et, d'autre part,
être dissuadés de poursuivre leurs études
via
des classes de transition,
du fait de leur âge plus élevé.
Sous réserve de ces observations, et compte tenu de l'effort budgétaire prévu
et des perspectives annoncées, la commission des affaires culturelles qui, vous
le savez, accorde une grande importance à l'enseignement professionnel, a
donné, à l'unanimité, un avis favorable à l'adoption des crédits de
l'enseignement technique pour 2001.
(Applaudissements sur les travées du
groupe communiste républicain et citoyen ainsi que sur les travées socialistes.
- M. Pelletier applaudit également.)
M. Jean-Louis Carrère.
C'est une victoire !
M. le président.
J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la
conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour
cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République, 42 minutes ;
Groupe socialiste, 24 minutes ;
Groupe de l'Union centriste, 20 minutes ;
Groupe des Républicains et Indépendants, 19 minutes ;
Groupe du Rassemblement démocratique et social européen, 20 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 13 minutes.
Je vous rappelle que, en application des décisions de la conférence des
présidents, aucune intervention des orateurs des groupes ne doit dépasser dix
minutes.
Mes chers collègues, je vous indique qu'un dépassement de 30 % des temps de
parole prolongerait la discussion budgétaire jusqu'à Noël. Je serai donc très
vigilant et n'hésiterai pas à vous rappeler à l'ordre !
Par ailleurs, messieurs les ministres, le temps programmé pour le Gouvernement
est prévu au maximum pour quarante minutes.
M. Jack Lang,
ministre de l'éducation nationale.
Nous ferons plus court, monsieur le
président !
M. le président.
Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Lorrain.
M. Jean-Louis Lorrain.
Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, le budget
de l'enseignement scolaire augmente de 2,82 %, c'est-à-dire de près de 9
milliards de francs. Il s'établit à 331,9 milliards de francs et reste le
premier budget de l'Etat.
Vous avez indiqué, monsieur le ministre, qu'il s'agissait d'un effort « sans
précédent depuis dix ans ». Vous avez affiché ces chiffres avec satisfaction :
« Une progression aussi forte n'a été enregistrée, en francs constants, qu'une
seule fois depuis le budget que j'avais moi-même fait adopter en 1993 »,
avez-vous déclaré. Avec 14 438 nouveaux emplois budgétaires, vous bénéficiez de
près de 60 % des emplois créés par l'Etat l'année prochaine.
Le temps du dogme affirmé, mais en réalité jamais respecté, du gel de l'emploi
public est donc bien révolu.
Ce projet de budget pour 2001 affiche comme priorité la création d'emplois,
avec 12 838 emplois nouveaux dans l'enseignement scolaire.
J'en dresserai un rapide inventaire.
Dans l'enseignement primaire, aux 800 créations d'emplois nouveaux de
professeurs d'écoles s'ajoute la création de 4 125 emplois de stagiaires.
Dans l'enseignement secondaire, le budget prévoit 900 nouveaux emplois. Par
ailleurs, 1 000 emplois sont créés par la transformation de crédits jusque-là
consacrés aux heures supplémentaires d'enseignement. Enfin, 700 postes
d'assistants de langues étrangères sont créés.
Dans le cadre de la résorption du plan de lutte contre la précarité, 3 000
enseignants sont titularisés.
S'agissant des personnels non enseignants, 1 675 nouveaux emplois sont
créés.
Vous affichez, par ailleurs, quelques priorités.
L'apprentissage des langues vivantes et la rénovation de l'enseignement des
sciences à l'école primaire font l'objet d'un effort particulier : l'objectif
affiché est de généraliser l'enseignement d'une langue en CM 1 à la rentrée
2001 et, d'autre part, d'étendre l'opération pédagogique d'enseignement des
sciences « la main à la pâte ». Enfin, la formation artistique et culturelle
obtient 263 millions de francs de crédits nouveaux.
En ce qui concerne la lutte contre les exclusions en milieu scolaire, le plan
« handiscol » prévoit de porter à 50 000 le nombre d'enfants et d'adolescents
handicapés accueillis en milieu scolaire.
Les bourses destinées aux élèves méritants sont étendues à la classe de
première : 10 000 bourses seront financées. Les mesures sociales inscrites au
budget de l'enseignement scolaire pour 2001 s'élèvent à près de 212 millions de
francs.
Malgré ces points positifs, votre budget n'est pas très innovant. Il s'inscrit
dans le cadre de la poursuite des réformes pédagogiques entamées par votre
prédécesseur.
Ainsi, en ce qui concerne le collège, les dispositifs d'aide personnalisée aux
élèves sont confirmés et étendus. La principale innovation concerne
l'instauration, à titre expérimental, de travaux croisés en classe de
quatrième. Ces travaux en petits groupes autour de plusieurs matières devront
permettre aux élèves de mieux percevoir la cohérence des différents
enseignements. Dès cette année, les élèves de troisième devront passer un
brevet informatique et Internet.
Au lycée, la réforme engagée en 1998 se poursuit doucement : consolidation des
réformes mises en place l'an dernier et mise en oeuvre de mesures concernant
les classes de première, dont la généralisation des travaux personnels
encadrés.
Quant au lycée professionnel, la charge hebdomadaire de cours est allégée. La
principale innovation pédagogique porte sur le projet pluridisciplinaire
professionnel.
Mais ce budget présente des interrogations persistantes.
L'ensemble des mesures en faveur du personnel absorbe la quasi-totalité de la
hausse du budget. De ce fait, seule une petite partie de ces fonds est
consacrée au financement des réformes pédagogiques mises en place par votre
prédécesseur.
L'utilisation des nouvelles technologies de l'information et de la
communication mobilise 90 millions de francs de crédits supplémentaires. Ces
crédits s'inscrivent dans le cadre du plan triennal de développement de
l'information et de la communication dans l'enseignement.
Cependant, les chiffres publiés par votre ministère cachent une réalité
souvent difficile.
Il manque en effet aux professeurs la formation indispensable pour intégrer
les outils multimédias et Internet dans l'enseignement de leur discipline.
Au-delà de la maîtrise des bases de l'informatique, ce sont bien les méthodes
d'intégration des nouvelles technologies qui semblent faire le plus cruellement
défaut.
L'autre point noir reste la médecine scolaire. Le Gouvernement se targue,
cette année, d'avoir fait un effort sans précédent en inscrivant dans le budget
la création de 300 personnels de santé, dont 50 médecins et 150 infirmières.
Cela reste, en tout état de cause, largement insuffisant au regard, d'une part,
de leur nombre particulièrement faible et, d'autre part, de l'accroissement de
leurs responsabilités. On peut s'interroger sur la pertinence de ces choix
budgétaires, alors que le Parlement a voté une proposition de loi donnant de
nouvelles responsabilités aux infirmières scolaires.
Cette proposition de loi risque de rester lettre morte si le Gouvernement ne
se donne pas les moyens de sa politique. Actuellement, le nombre des
infirmières scolaires est de 5 700, réparties sur 7 500 collèges et lycées
publics ainsi que 5 500 établissements primaires. Une infirmière est en charge
en moyenne de 2 240 élèves. A cela s'ajoute la nécessité de leur donner une
formation spécifique.
Cette politique, monsieur le ministre, est, pour nous, une politique
d'affichage des moyens, mais elle semble en négliger la finalité, c'est-à-dire
l'amélioration de la qualité de l'enseignement, laquelle vous tient sans doute
autant à coeur qu'à nous.
En opérant ces choix, vous ne faites que renforcer une certaine rigidité du
budget de l'éducation nationale. Les exemples européens nous montrent pourtant
que la qualité de l'enseignement ne va pas nécessairement de pair avec un
budget pléthorique. On peut, en effet, s'interroger sur la pertinence d'un tel
choix dans un contexte de baisse du nombre d'élèves, du fait de l'évolution
démographique.
Par ailleurs, la hausse des crédits, principalement orientés vers les dépenses
en personnel, est contestable. Une réflexion est d'autant plus urgente à mener
que plus de 80 % des crédits sont des dépenses de personnel, ce qui fait de ce
budget l'un des plus rigides.
Le projet de budget pour 2001 conforte l'argument discutable selon lequel la
priorité accordée à l'éducation nationale doit nécessairement se traduire par
une augmentation des crédits, alors que c'est surtout une meilleure répartition
des moyens et un souci de l'efficacité qu'il faut, en réalité, encourager.
Au-delà des discours d'intention, force est de constater que les réformes
difficiles mais primordiales semblent, pour l'essentiel, repoussées au profit
de groupes de travail, de comités de suivi divers et variés. Le grand chantier
de la rénovation du collège fait l'objet d'une consultation. Du coup, la
question de la lutte contre l'échec scolaire paraît être reportée. Or, chaque
année, on estime à 57 000 le nombre de jeunes qui sortent de l'enseignement
secondaire sans qualification ni diplôme.
On ne peut que faire le constat d'un échec de l'école sur ce point. Même si la
démocratisation de l'enseignement est réelle, il reste que, selon un récent
rapport de l'INSEE, « le risque d'accumuler du retard scolaire dans le primaire
ou au collège est trois fois plus élevé pour les familles les plus modestes que
pour les familles les plus aisées ».
Les décisions en matière d'enseignement technologique ne sont annoncées que
pour la prochaine rentrée. Un conseil national de l'innovation pédagogique a
été créé. Concernant le sport à l'école, là aussi une mission a été constituée.
Mais, l'abondance de consultations ne peut masquer éternellement l'attente
d'actions.
Les grands discours sur la nécessité de réformer de l'intérieur l'éducation
nationale semblent abandonnés. Ainsi, il semble que le projet de réforme des
instituts universitaires de formation des maîtres, engagé par Claude Allègre,
n'est plus d'actualité.
Pourtant, le constat est quasi unanime pour reconnaître les lacunes de cette
formation, notamment en matière de professionnalisation. Comment réformer la
pédagogie sans initier d'abord à la pratique pédagogique ? De même, la question
de l'évaluation du corps professoral, pourtant lagement reconnue comme
insuffisante, n'est pas abordée.
D'autres questions demeurent sans réponse, notamment les revendications des
directeurs d'école en matière de statut. Ces directeurs se recrutent d'ailleurs
de plus en plus difficilement, en raison du poids des responsabilités.
En matière de lutte contre la violence scolaire, la création d'un comité
national de lutte contre la violence scolaire, dont l'une des missions sera de
surveiller onze sites expérimentaux, nous a été annoncée le 24 octobre dernier.
Nous en prenons acte. Toutefois, la représentativité politique de ce comité
national n'est pas des plus percutante.
La situation sur le terrain, loin de s'améliorer, tend plutôt à s'aggraver. Si
l'on prend en compte l'ensemble des établissements, le nombre total d'actes de
violence signalés a progressé de 15,5 %.
Pour avoir étudié de façon très approfondie les problèmes de la violence
scolaire, je ne me risquerai pas à tenir des propos lapidaires sur ce sujet, il
est trop profond, trop vaste. En tout cas, je vous l'accorde, monsieur le
ministre, il ne faut pas s'arrêter aux constats.
Un budget de l'éducation nationale doit avoir un sens et il nous semble devoir
répondre à de grandes missions.
La transmission du savoir profite actuellement à une élite, au prix de combats
féroces entre les meilleurs, pouvant conduire à leur destruction - je vous
renvoie, à cet égard, aux problèmes de santé mentale chez de nombreux
adolescents, en particulier dans les classes préparatoires.
L'orientation scolaire reste le résultat d'un tri face à une impuissance à
mettre en valeur le potentiel de chaque individu et à lui accorder un
avenir.
Donner des signaux, monsieur le ministre, vous savez le faire !
Vous avez encouragé l'enseignement précoce des langues en traitant avec les
collectivités. En Alsace, nous vous en sommes reconnaissants.
Vous avez mis en oeuvre notre souhait commun - nous l'émettions avec vous
depuis longtemps - d'une éducation à la sensibilité face aux violences. C'est
important, au niveau du discours.
La santé scolaire ne relève pas de propos incantatoires et d'annonces
quantitatives. Elle nécessite non pas de nouveaux diagnostics de situation mais
une volonté politique d'organiser une véritable médecine du travail pour nos
enfants, sans oublier les aspects éducatif et préventif.
Mais le sens, c'est aussi la confiance. C'est répondre aux inquiétudes des
directeurs d'école, aux difficultés de recrutement des principaux
d'établissement.
Le sens, c'est encore la sécurité des personnes.
Redonner du sens passe par une démarche de qualité. Bien sûr, la satisfaction
des besoins élémentaires est nécessaire afin de vivre autre chose que
l'urgence. Mais cette démarche de qualité implique également une prise en
compte d'une évolution qui ne nous est pas obligatoirement inspirée par le
haut. Je pense au processus d'auto-évaluation, qui devrait être bien
conduit.
Enfin, une véritable politique de changement passe par une démarche de
régionalisation. Le rectorat peut, entre autres, être l'agence régionale des
établissements et l'acteur d'une véritable habilitation après évaluation.
Au lieu d'un centralisme administratif coûteux sur le plan budgétaire, nous
proposons une déconcentration régionale qui ne doit pas dupliquer, par sa
rigidité, les structures du modèle national.
L'enseignement scolaire a besoin d'une réforme s'inscrivant dans une logique
qualitative. Le budget pour 2001 ne nous semble pas s'inscrire dans une telle
logique.
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et
des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du
RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Darcos
M. Xavier Darcos.
Monsieur le ministre, le 13 novembre dernier, vous avez déclaré, lors de la
présentation à l'Assemblée nationale de votre projet de budget - en
augmentation de 2,8 %, à structure constante, pour 2001 - que vous étiez fier
et heureux d'appartenir à un Gouvernement dirigé par un Premier ministre qui a
eu à coeur, à contre-courant des tendances dominantes, de donner à nos maîtres
les moyens d'accomplir pleinement leur belle mission.
Concernant ces derniers, vous vous exprimiez en ces termes : « Pour ne
froisser personne, je me garderai de revenir sur la façon dont leur mission a
été "maltraitée", ou plutôt "mal traitée", au gré des budgets et des
non-décisions au cours des quinze dernières années. » Qu'ils aient été mal
traités par votre prédécesseur, nul ne le contestera, surtout pas eux-mêmes !
Mais prétendre que rien n'a été décidé pendant les quinze dernières années est
sans doute plus discutable.
Vous me permettrez, au cours de ce bref exposé, plutôt que de revenir sur un
certain nombre de domaines qui ont été largement évoqués, d'indiquer quelque
pistes qui peuvent être utiles à notre réflexion commune.
Vous avez dit que la situation, ce n'était pas
Apocalypse Now
. C'est
vrai, mais sans doute les blocages sont-ils nombreux. En préambule, j'en
citerai un, tout simple : les réponses aux questions que les parlementaires
posent à votre ministère.
Quand il a été mis fin au gouvernement Juppé, en 1997, le nombre des questions
de sénateurs auxquelles il n'avait pas été répondu dans les délais
réglementaires s'élevait à 45.
Dans une circulaire publiée au
Journal officiel
du 7 juin 1997,
relative à l'organisation du travail gouvernemental, M. Lionel Jospin, devenu
Premier ministre, exigea, d'abord, la participation du Gouvernement aux séances
des questions au Gouvernement, mais aussi, de ses ministres, le respect du
délai d'un mois pour répondre aux questions écrites qui leur étaient posées, le
délai accordé d'un mois supplémentaire devant rester exceptionnel.
Or, fait sans précédent dans l'histoire de la République, le nombre de
questions écrites auxquelles le Gouvernement de M. Jospin n'a pas répondu dans
les délais réglementaires s'élève à ce jour à près de 5 000 pour le seul Sénat.
En ce qui concerne votre département ministériel, leur nombre a plus que doublé
par rapport à 1997.
Cet exemple est sans doute secondaire, mais il me paraît significatif de la
complexité des problèmes, de l'inquiétude des élus, qui vous harassent de
questions, peut-être de l'hésitation de vos services à trouver les bonnes
réponses ou de la surcharge d'un ministère que je sais très occupé. Mais
peut-être montre-t-il tout simplement que, moins que d'un personnel
supplémentaire, ce ministère a surtout besoin d'une doctrine.
Pour ce qui est de l'éducation comme pour le reste, il faut donc faire preuve
d'une grande prudence dans les déclarations tant que les problèmes persistent,
et ce malgré les belles augmentations budgétaires.
J'évoquerai maintenant deux sujets : le personnel et les cadres enseignants,
d'abord, l'enfant ou l'élève, ensuite.
Pour ce qui concerne le personnel enseignant, j'ai noté que le budget avait
prévu, pour 2001, des emplois d'enseignants tant dans le premier degré que dans
le second. Je ne reviens pas sur les chiffres. D'ailleurs, je l'avoue, je ne
compte pas m'en plaindre. Tout le monde a intérêt à ce que l'école française
soit le mieux encadrée possible.
Je constate aussi que, dans un protocole signé le 10 juillet dernier, vous
avez accru le nombre de titularisations d'agents non titulaires.
Enfin, vous avez annoncé un plan triennal relatif aux emplois qui prévoit la
création de 33 200 emplois, dont 17 675 créations nettes correspondant à
l'embauche de personnels supplémentaires dans les premier et deuxième degrés,
pour un coût de 4 milliards de francs.
Ne faisons pas la fine bouche, même s'il est faux de dire qu'aucune
programmation n'a jamais été faite en termes de recrutement des enseignants. Je
vous renvoie, à cet égard, à la loi qui instituait un « nouveau contrat pour
l'école ».
Je vous félicite donc, monsieur le ministre, de l'effort accompli en matière
budgétaire. Mais, en même temps, je m'interroge.
Lorsqu'il était ministre de l'économie et des finances, M. Arthuis, pour
connaître le nombre de fonctionnaires de son département ministériel, avait
fait procéder au décompte des lignes téléphoniques.
L'éducation nationale n'a même pas cette chance. En dix ans, les crédits ont
augmenté de 100 milliards de francs. Depuis vingt ans, le nombre d'enseignants
a augmenté de 40 %, alors que les effectifs scolaires ont diminué de 17 %.
Cette situation peut-elle s'éterniser, sachant qu'une enquête du Sénat fait
apparaître, par ailleurs, que quelque 30 000 enseignants ne se sont jamais
présentés devant des élèves ?
Des analyses qualitatives, des recherches logistiques doivent être effectuées
; une meilleure utilisation de vos propres ressources est sans doute
possible.
Nous sommes bien là au coeur de l'immense débat qui agite chaque rentrée
scolaire : là des classes surchargées, ailleurs des classes que l'on ferme ;
ici, des professeurs surchargés par les heures supplémentaires, ailleurs, des
professeurs qui n'ont jamais vu un élève de leur vie ! Personne n'y trouve son
compte. Vous le verrez en préparant la prochaine rentrée et la carte scolaire
2001-2002.
Certes, il faut améliorer la situation des instituteurs. Le général de Gaulle,
en 1958, avait considéré que c'était la première priorité de l'éducation
nationale. Il voyait dans ce métier le meilleur métier du monde puisqu'il avait
pour ambition de former les jeunes.
Mais ces instituteurs, ces professeurs ne sont plus seulement instituteurs et
professeurs. Pour prendre un exemple, estimez-vous normal que des instituteurs
dirigent des établissements médicaux hospitaliers accueillant des enfants
gravement atteints, qui ne seront jamais scolarisés, nécessitant exclusivement
des soins hospitaliers ou de maternage, alors même qu'il existe, à cet effet,
des associations remarquables comme les Papillons blancs, l'UNAPEI, les
Paralysés de France, etc. ?
L'éducation nationale ne devrait-elle pas cibler plus précisément ses missions
?
S'agissant des lieux d'enseignement, je distinguerai plusieurs types de
situations.
Il y a d'abord - cela a été évoqué, dans son excellent rapport budgétaire, par
notre collègue Jean Bernadaux - ces 4 500 écoles qui ne disposent pas
aujourd'hui d'un directeur. Est-ce vrai ? Est-ce possible ? Cela peut-il durer
?
Dans le second degré, 400 postes de direction sont encore vacants.
Or, vous le savez, monsieur le ministre, et votre administration le sait
également depuis longtemps, c'est par l'intermédiaire des personnels de
direction que le pilotage national prendra vie sur le plan territorial. Il nous
faut des chefs d'établissement de grande qualité, bien rémunérés, ayant des
perspectives de carrière, sinon rien ne réussira, ni au niveau de la classe ni
au niveau de l'académie.
M. André Maman.
Très bien !
M. Xavier Darcos.
Je m'interroge sur ce que vous comptez faire des aides éducateurs recrutés en
octobre 1997 pour répondre à des besoins immédiats ou non satisfaits.
Aujourd'hui, ils se sont déjà constitués en lobby pour obtenir des
titularisations. Que fera-t-on des emplois-jeunes lorsque leur contrat arrivera
à expiration ? Avez-vous l'intention de les transformer eux aussi en
maîtres-auxiliaires voués à la titularisation ?
En ce qui concerne la gestion des personnels, le dernier rapport de
l'inspection générale de votre département ministériel exprime les ambitions et
les illusions de la direction des ressources humaines au ministère de
l'éducation nationale. Les pages 76 et 77 de ce rapport me semblent
essentielles. Elles se référent à la complexité des méthodes de gestion
prévisionnelle, que nous connaissons bien, à la sous-estimation des blocages
corporatistes, à l'injustice d'un système qu'il faut réviser.
Permettez-moi d'en citer un extrait : « Ainsi, les référentiels de compétences
ne sont guère utilisés pour le recrutement et la formation ; les instruments
d'évaluation sont parfois mis au point, mais aucune conséquence n'en est tirée
en matière de rémunération et de promotion. »
Est-il normal, monsieur le ministre, que le professeur qui habite à cinquante
mètres de son lycée et qui arrive toujours en retard le matin, devant des
élèves donc démotivés, ait la même carrière que celui qui se passionne pour son
métier et qui se donne à ses élèves avec un dévouement admirable ?
Certes, le corps enseignant doit être soutenu, considéré et équitablement
rémunéré, mais l'avance à l'ancienneté, au grand et au petit choix, ne peut
plus suffire. Il faut la compléter par d'autres formules. Les responsabilités
doivent être définies autrement.
MM. Patrick Lassourd et Jacques Legendre.
Très bien !
M. Xavier Darcos.
A la suite de la publication d'un petit livre que j'ai écrit récemment, j'ai
reçu beaucoup de lettres de professeurs. Ce qui m'a frappé, c'est que, bien
loin d'exiger, comme ils le faisaient naguère, des salaires ou une
reconnaissance sociale plus grande, ils font surtout appel à un pilotage clair.
Ils ont le sentiment d'être aujourd'hui, au sein des établissements, dans une
sorte de barbarie tranquille où l'école s'enfonce doucement, d'être confrontés
à la violence, au désoeuvrement, à un environnement déshumanisé et, finalement,
d'être peu écoutés.
J'ai vu dans ces lettres, essentiellement, le message de professeurs qui
attendent du Parlement et de la nation non seulement des crédits, non seulement
des budgets, mais un véritable projet éducatif.
J'en terminerai en évoquant les réformes que vous souhaitez mettre en place,
monsieur le ministre.
Vous insistez sur l'école primaire, et vous avez raison. Elle doit faire
l'objet de toute notre attention. Il est en effet inacceptable qu'en France, en
2001, 15% des élèves qui arrivent en classe de sixième ne sachent ni lire, ni
écrire, ni compter.
Comment peut-on se satisfaire de cette situation ?
Mais le collège unique risque de prolonger cette situation. Je sais que vous
avez confié un rapport au recteur Joutard portant sur cette question. Je sais
que vous réfléchissez aussi à la réorganisation des programmes, pour laquelle
vous aviez confié un rapport à M. Boissinot.
Tout cela est bien, mais il me semble que nous n'en sommes plus au temps des
réflexions générales. Il y a une réelle volonté de changer la structure
elle-même, d'autant que l'école jamais n'a été aussi inégalitaire.
En effet, les enfants d'ouvriers et d'employés sont de moins en moins nombreux
à intégrer les grandes écoles, qu'il s'agisse de l'Ecole polytechnique, de
l'Ecole nationale d'administration ou de l'Ecole nationale supérieure des mines
de Paris. Certes, telle n'est pas forcément la finalité de l'école, mais cela
constitue cependant, pour les milieux populaires, un recul considérable.
Peut-être l'école devrait-elle, plutôt que d'aligner des chiffres sans cesse en
augmentation, s'interroger sur sa mission ? N'a-t-elle pas perdu de vue la
métaphore si juste du maître et du père de famille que nous devons à Jules
Ferry ? Ne devrait-elle pas viser à être une structure solide, encouragée par
les pouvoirs publics, imposant le travail et la discipline, loin de la
turbulence extérieure ? Ne devrait-elle pas avoir pour ambition de permettre
aux meilleurs de réussir, de se faire valoir par leurs propres mérites et par
leurs efforts personnels et d'accéder, quelle que soit leur origine sociale,
aux plus hauts degrés de la société française ?
Telle est l'école que nous voulons, une école de l'effort, du mérite, avec des
objectifs clairs. Le Parlement et la nation attendent de vous, messieurs les
ministres, que vous vous attaquiez aux problèmes de fond.
Avant de conclure, je voudrais insister une fois encore sur le thème de la
violence, qui est implicitement présent dans mon intervention et à propos
duquel beaucoup de questions vous sont régulièrement posées.
Comme vous le savez, mes chers collègues, il ne suffira pas de rédiger des
rapports pour remédier à la situation présente : il faudra accepter de
reconnaître que l'école doit rester à l'écart de la turbulence extérieure.
Sur ce phénomène de violence se greffent des problèmes de santé. Ainsi, la
couverture médicale et sociale de nos jeunes présente d'immenses lacunes et
nous manquons d'infirmiers et de médecins, la coordination des services étant
insuffisante.
M. le président.
Veuillez conclure, mon cher collègue.
M. Xavier Darcos.
L'école doit donc se concentrer sur ces tâches de portée limitée, mais remplir
toute sa mission. Les postes ne feront rien à l'affaire si un pilotage nouveau
et ambitieux n'est pas clairement proposé à la nation.
(Applaudissements sur
les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste,
ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
Mes chers collègues, je vous rappelle que la conférence des présidents a
limité à dix minutes le temps de parole imparti à chaque orateur. Il faut le
respecter !
La parole est à M. Pelletier.
M. Jacques Pelletier.
Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, le budget
alloué à l'enseignement scolaire est en constante augmentation depuis un
certain nombre d'années. Parallèlement, les effectifs des enfants scolarisés ne
cessent de diminuer. Le moment est donc opportun pour optimiser l'action du
ministère, notamment en ce qui concerne l'enseignement scolaire.
Le siècle à venir sera, nous le savons tous, encore plus exigeant que celui-ci
quant à la formation, qui devra s'adapter constamment aux techniques nouvelles.
C'est pourquoi je me réjouis de l'augmentation des crédits consacrés au
développement des nouvelles technologies de l'information et de la
communication à l'école primaire.
Il y a de moins en moins d'élèves dans nos écoles, et je serais tenté de dire
que c'est tant mieux, car les moyens qui leur seront affectés pourront être
d'autant mieux répartis et profiter prioritairement à ceux qui en ont le plus
besoin.
L'école doit en effet, aujourd'hui plus encore qu'hier, jouer son rôle de
promotion sociale et culturelle. Il nous faut, encore et toujours, démocratiser
l'école, consacrer des efforts très importants à la lutte contre l'échec
scolaire, qui doit être menée dès le plus jeune âge, faire davantage pour les
élèves qui, socialement ou culturellement, sont les plus démunis. Ceux-ci n'ont
pas les mêmes chances que les autres au départ, nous le savons bien, et un
système qui ne leur permet pas de combler leur retard est un mauvais système,
car il ne fait que reproduire le même schéma social, les mêmes disparités et
les mêmes échecs.
Permettez-moi, messieurs les ministres, d'aborder quatre domaines qui
m'apparaissent prioritaires : l'enseignement en milieu rural, l'enseignement
primaire et la nécessaire mise à niveau de tous les élèves avant leur arrivée
au collège, l'éducation physique et sportive et, enfin, l'enseignement des
langues étrangères.
Tout d'abord, l'école est bien souvent le dernier service public présent en
milieu rural ; elle se trouve donc au coeur de l'indispensable projet de
dynamisation de nos campagnes. Pourtant, face à la dépopulation constante de
certains cantons, deux logiques s'affrontent depuis longtemps : la logique du
ministère, qui, à dessein de « rentabiliser » le service public, ferme de
nombreuses écoles en milieu rural, et celle des élus locaux, acteurs de
terrain, qui souhaitent conserver à tout prix leurs écoles.
Il nous faut, je le crois, adopter une position nuancée, trouver un juste
milieu entre les impératifs budgétaires et la nécessaire vitalisation du milieu
rural.
Certes, le maintien d'écoles rurales s'accompagne, bien souvent, d'un
regroupement des élèves dans des classes de même niveau, mais il subsiste de
nombreuses classes à plusieurs niveaux. Des études ont montré que, globalement,
la coexistence dans une même classe d'élèves de niveaux différents pouvait être
bénéfique pour les uns et les autres, mais cela n'est plus vrai quand certains
élèves du groupe sont en difficulté scolaire.
Le critère fondateur de notre école, c'est-à-dire l'égalité des chances, ne
peut pas, dans ce cas, être respecté. Nous devons donc réfléchir à une
amélioration de l'enseignement en milieu rural, en privilégiant les
regroupements intercommunaux avec des niveaux homogènes.
Quel bilan peut être dressé, messieurs les ministres, pour nos écoles rurales
dans ces différents domaines ?
Je voudrais maintenant insister sur l'inadaptation scolaire de nombreux jeunes
qui arrivent en classe de sixième. Quel est le pourcentage de jeunes, messieurs
les ministres, qui achèvent le cycle de l'école primaire sans posséder les
bases indispensables : 10 %, 15 %, davantage encore ? Nous connaissons les
disparités qui se font jour à l'issue de la classe de troisième, mais elles ne
sont que le prolongement d'une situation qui remonte à l'entrée au collège. Si
la plupart de ces jeunes sont voués à un échec certain au collège, que dire de
leurs difficultés futures ! Ils sont condamnés au chômage et au RMI.
Le projet de budget pour l'enseignement scolaire témoigne de ce que ce
problème a été pris en considération. Cependant, il n'y est répondu que
ponctuellement, par l'octroi de crédits au soutien scolaire et à la remise à
niveau des collégiens, et ce dès la classe de sixième. C'est bien, mais
n'est-ce pas déjà trop tard ? Des heures de remise à niveau sont prévues : cet
encadrement me paraît intéressant, mais il devrait débuter, à mon sens, dès
l'école primaire.
En effet, certains jeunes traînent des lacunes depuis le cours préparatoire,
c'est-à-dire depuis leur apprentissage de la lecture et de l'écriture. Ne
vaudrait-il pas mieux ventiler les crédits que le ministère a alloués au
soutien scolaire au collège en élargissant l'application de ce dispositif à
l'école primaire ? C'est en amont qu'il faut agir, et je souhaiterais donc
savoir si une augmentation des crédits a été envisagée afin de financer
l'encadrement et le suivi scolaire dans le primaire.
Sur ce point aussi, des solutions peuvent être trouvées. Je pense, par
exemple, à l'aide aux devoirs : peut-être pourrions-nous encourager de jeunes
retraités volontaires à se consacrer, à raison d'une ou de deux heures par
semaine, au suivi scolaire de jeunes en difficulté ?
Par l'initiation à une langue vivante dès le cours élémentaire première année,
mise en place en 1989 et en 1995, le ministère souhaite préparer activement la
vie future de nos jeunes au sein d'un monde où l'usage des langues étrangères
sera une priorité.
A cet égard, nous savons tous, hélas ! dirais-je, que la langue véhiculaire du
troisième millénaire sera l'anglais. Je regrette beaucoup que ce ne soit pas le
français, mais je crois qu'il faut regarder la vérité en face et accepter le
fait que, sans s'opposer aux langues nationales ou régionales, la pratique de
cette langue est un préalable aux échanges.
Monsieur le ministre, vous souhaitez qu'une langue vivante étrangère soit
enseignée dès le cours préparatoire. Je m'en félicite, mais je m'interroge sur
la possibilité d'étendre cet enseignement indispensable à la totalité de nos
écoles primaires, au premier rang desquelles nos écoles rurales. Il faudrait
pourtant y parvenir très rapidement, en souhaitant que cet enseignement puisse
aussi être dispensé par les professeurs d'école, qui doivent être formés à cet
effet.
Dans le même ordre d'idée, je m'interroge également sur la présence réelle,
partout en France, de l'enseignement de l'éducation physique et sportive, ô
combien important pour l'équilibre corporel et intellectuel de l'enfant. Or,
bien trop souvent, nos communes rurales sont les laissées-pour-compte de
l'application des directives du ministère.
Pour conclure, le budget de l'enseignement scolaire me paraît globalement bon.
Il devrait permettre de remplir les missions que je viens d'évoquer rapidement,
et j'émets donc un avis favorable à son adoption, mais avec l'appréciation
suivante : « doit faire ses preuves ».
(Applaudissements sur les travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à Mme Luc.
Mme Hélène Luc.
Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, à
l'occasion de l'examen de ce quatrième projet de budget de l'enseignement
scolaire présenté par le gouvernement de la gauche plurielle, je veux souligner
une augmentation des crédits s'inscrivant dans le prolongement des années
précédentes et des mouvements sociaux de l'an passé.
Avec dix milliards de francs supplémentaires, ce budget est en hausse de 2,82
% et permet de financer 12 838 nouveaux emplois budgétaires, ce à quoi invite
également une croissance économique revenue. Une nouvelle ère d'écoute et de
dialogue a été ouverte, qui peut redonner confiance dans le travail individuel
et collectif, en vue d'une transformation réelle.
La priorité donnée à l'éducation nationale répond aux attentes profondes d'une
majorité de la population, des parents et des enseignants, soucieux de l'avenir
des enfants.
Ainsi, dans mon département du Val-de-Marne, mais également dans d'autres, ces
attentes sont très fortes, puisqu'il s'agit d'obtenir la mise en oeuvre d'un
plan d'urgence réclamé haut et fort l'année dernière pour simplement rattraper
les retards et respecter l'équité dans l'affectation des moyens.
Je salue donc, au nom des sénateurs du groupe communiste républicain et
citoyen, les créations de postes et les transformations d'heures
supplémentaires et de contrats précaires en postes statutaires, permière étape
d'une rupture avec le dogme du gel de l'emploi public.
Notre appréciation favorable est renforcée par l'annonce d'un plan
pluriannuel, dont nous avions demandé la mise en oeuvre à plusieurs reprises
dans cet hémicycle. Cette projection dans l'avenir nous paraît en effet
essentielle pour sortir d'une logique de gestion dans l'urgence.
L'augmentation de 20 % à 50 % dans les cinq années à venir du nombre de postes
aux concours d'enseignement est indispensable pour faire face au phénomène
massif des départs en retraite entre 2001 et 2008.
Toutefois, ces annonces seront-elles suffisantes pour accompagner les
évolutions indispensables à l'amélioration de la qualité, qu'il s'agisse de la
suppression des classes surchargées, de la prise en charge individuelle des
élèves en difficulté, du travail en équipe des personnels enseignants et non
enseignants - je pense particulièrement ici à la création d'équipes
pluridisciplinaires incluant des médecins, des psychologues, des infirmières,
des personnels ATOS, dont le nombre doit absolument être revu à la hausse - de
la résorption de la précarité, qui est un véritable problème, ou de
l'allégement de la charge de travail des personnels de l'éducation nationale,
qui ont encore trop d'heures supplémentaires à effectuer ?
Les organisations représentatives des enseignants et des parents que j'ai
reçues expriment des préoccupations très fortes dans ce domaine. Il faut les
écouter, messieurs les ministres, ainsi d'ailleurs que les directeurs
d'école.
Par ailleurs, il faut absolument diversifier le recrutement et mieux
professionnaliser la formation. Pour cela, il serait bon d'envisager rapidement
un prérecrutement, comme celui auquel il est procédé dans les IPES, les
instituts de préparation aux enseignements du second degré, et de redéfinir et
d'adapter les missions des IUFM, les instituts universitaires de formation des
maîtres.
J'attire également l'attention sur la situation des surveillants, qui ne sont
pas assez nombreux et qui quittent prématurément le système, faute de temps et
de reconnaissance, ainsi que sur celle des titulaires d'emploi-jeune, qu'il
s'agisse de leur formation ou de leurs perspectives d'obtenir des postes
stables dans l'éducation nationale.
Par ailleurs, je voudrais évoquer la situation de l'éducation physique et
sportive à l'école, en particulier la nécessité de renforcer les horaires dans
cette discipline pour les collégiens et les lycéens. Peut-être ce point
sera-t-il discuté lors des assises nationales du sport, qui doivent se tenir,
me semble-t-il, vers le mois de mars.
Est également positif tout ce qui va dans le sens d'un allégement des charges
financières pour les familles : le doublement de la prime d'équipement versée
aux parents des élèves des lycées professionnels, la gratuité du carnet de
correspondance au collège, qui doit être étendue au lycée, ou le plan Handiscol
visant à améliorer l'accueil en milieu scolaire ordinaire d'enfants et
d'adolescents handicapés.
Je m'arrêterai quelques instants sur certaines priorités et finalités du
système éducatif.
Ainsi perdure avec force la question de l'interdépendance des inégalités
sociales et de l'école. Une étude récente de l'INSEE souligne le poids
prédominant du revenu et des conditions de vie des familles sur la réussite
scolaire, par rapport à l'organisation du système éducatif et des réformes. Il
y a trois fois plus de risques d'échec scolaire pour les enfants des familles
les plus modestes que pour les enfants des familles les plus aisées. Ce n'est
pas tolérable, il faut y remédier, c'est une obligation nationale.
Pour la part dépendant de votre action, monsieur le ministre, il y a
incontestablement matière à une politique et à des mesures sociales
d'envergure, ainsi qu'à une réelle gratuité de l'école, pour réduire, en vue de
l'annuler, l'inégalité des chances à l'école.
A cet égard, nous attendons beaucoup des conclusions du rapport sur ce sujet,
des décisions et des mesures fortes qui s'en suivront, je l'espère. C'est un
chantier essentiel pour les années à venir et je vous demande de l'engager avec
force et conviction, monsieur le ministre.
Mais, dans le même temps, d'un point de vue interne, l'école est en elle-même
génératrice d'inégalités. De nombreux travaux montrent que l'inégalité n'est
pas seulement présente à l'entrée de l'école, mais aussi à la sortie. Des
expériences menées au sein des établissements peuvent renforcer ou au contraire
réduire les inégalités.
Ainsi, d'une école à l'autre, dans le même milieu social et dans la même
région, les taux d'échec et les taux de violence peuvent varier
considérablement, comme si la manière d'aborder les élèves, en petits groupes,
individuellement, en partant de ce qu'ils sont, de leurs identités différentes,
en gommant leur appartenance sociale et culturelle, en bridant leur
individualité, pouvait changer les choses ; je crois qu'elle le peut.
Ce problème de la manière dont on aborde aujourd'hui les élèves, issus de
milieux différents et allant vers des milieux différents, n'est pas seulement
un problème pédagogique, mais aussi une question de contenu des savoirs, de
contenu de la laïcité, de mesures inégalitaires prises pour les aider.
Quelle diversité des savoirs, quelle variété des langues, quel lien entre
toutes les disciplines convient-il d'introduire dans l'enseignement, pour que
l'enfant connaisse et comprenne mieux d'où il vient, pour promouvoir une
ouverture d'esprit, bref pour qu'il se structure et optimise ses potentiels
personnels ?
Je veux rappeler notre attachement à favoriser, au-delà des dépenses, les
efforts faits pour développer l'apprentissage des langues et de l'informatique
avec les moyens nécessaires.
D'évidence, l'école n'est à l'abri ni des évolutions ni des dérives du monde.
Que deviennent les rapports éducateurs-éduqués dans un monde où tout serait
jugé bon à vendre ou à acheter ? Ce problème concerne tous les acteurs de
l'école mais, au-delà, toute la société, et ce n'est pas virtuel, comme en
témoigne l'ordre du jour de la réunion intergouvernementale européenne.
Cette libéralisation prend le visage de l'article 133 du traité d'Amsterdam,
dont la réforme est programmée dans la plus grande discrétion au sommet
européen de Nice. Ce qui est en jeu dans ces négociations et dans cette réforme
du traité d'Amsterdam, c'est « la mise en concurrence sur une base commerciale
» des services d'éducation dans le monde entier, un marché de 1 000 milliards
de dollars en dépenses publiques pour l'ensemble du monde, 50 millions
d'enseignants et plus de 1 milliard d'élèves, répartis dans des centaines de
milliers d'établissements scolaires.
Je suis solidaire des citoyens qui manifestent aujourd'hui à Nice et, s'il n'y
avait pas la discussion budgétaire, je serais là-bas à leur côté.
M. Jean-Luc Mélenchon,
ministre délégué à l'enseignement professionnel.
Merci de le dire !
Mme Hélène Luc.
Avec toutes celles et tous ceux qui ont à coeur une vision humaniste, nous
devons dire haut et clair que « l'école n'est pas une marchandise ».
M. Jean-Luc Mélenchon,
ministre délégué.
Très juste !
Mme Hélène Luc.
Une autre dimension de la société qui pénètre de plein fouet l'école, c'est la
violence, et pas seulement dans les zones d'éducation prioritaire. Alors se
posent avec force la nature et la taille des remèdes. Comment dépasser la seule
réponse répressive à un phénomène encouragé par un climat délétère où le
langage de la force, de la haine, de l'instinct primaire, de l'intérêt
personnel l'emporte trop souvent sur celui du droit, de la raison, de la paix,
du « vivre ensemble », de l'intérêt général ? Comment faire pour que l'école
soit, au contraire, un lieu de respect des autres, d'échanges, de rapports
humains solidaires, de valorisation de la personnalité de l'enfant ?
Je salue, à cet égard, la mise en place du comité national de lutte contre la
violence à l'école, qui devra mener une large réflexion et une action
préventive contre la violence.
Je souhaite également rappeler, parce que des mutations et des enjeux majeurs
sont devant nous, le besoin qui se manifeste d'un vaste débat national sur la
construction de l'avenir du système éducatif, y compris au Parlement, monsieur
le ministre.
Pour toutes les raisons que je viens d'évoquer, et pour la raison principale
que le budget de l'éducation nationale est en hausse de 10 milliards de francs,
qu'il reste le premier budget de l'Etat et qu'il s'inscrit comme la première
étape d'un plan pluriannuel, pour la raison qu'il peut prendre place dans un
projet de transformation globale de l'école, le groupe communiste républicain
et citoyen le votera.
(Applaudissements sur les travées du groupe communiste
républicain et citoyen, ainsi que sur les travées socialistes.)
M. le président.
La parole est à M. Carrère.
M. Jean-Louis Carrère.
Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, le budget
des enseignements scolaires, qui concernent les écoles, les collèges et les
lycées, c'est-à-dire le plus grand nombre de familles, d'élèves et de
personnels, reste, avec 332 milliards de francs, le premier budget de l'Etat et
constitue la concrétisation d'une priorité politique indiscutable.
Si la progression moyenne du budget global s'affiche à un peu plus de 1 %, le
budget de l'enseignement scolaire progresse, lui, à structures constantes, de
2,8 %, ce qui correspond presque à 9 milliards de francs supplémentaires, bien
que la population scolaire continue de diminuer sensiblement.
Je note également avec satisfaction l'abandon du dogme du plafonnement des
effectifs de l'emploi public qui constitue selon moi une réponse à ce que
demandait M. le rapporteur spécial, une meilleure réponse aux besoins, et
surtout une meilleure transparence dans la gestion des personnels, ce que peu
de ministres ont réussi à faire. Peut-être est-ce la bonne voie ?
En termes d'emplois, sont créés 800 postes de professeur des écoles, ainsi que
4 125 postes de professeur des écoles stagiaires. Dans le second degré, je note
la création de 900 emplois d'enseignant et de personnel d'éducation auxquels il
faut ajouter 600 postes de certifié et 400 de professeur de lycée
professionnel, fruit de la transformation maintes fois réclamée d'heures
supplémentaires. Viennent s'y ajouter 3 000 titularisations d'enseignants
précaires, ce qui avait fait l'objet d'une forte demande de notre part, et 1
338 consolidations d'emplois en surnombre.
Je note également avec satisfaction la création de 1 675 emplois de personnels
ATOS. Ce n'est pas encore tout à fait suffisant : les régions font de tels
efforts pour construire des lycées, les conseils généraux pour construire des
collèges qu'ils sont confrontés à un accroissement des besoins. Mais c'est un
point tout de même très positif.
Les crédits consacrés à la formation continue, aux TIC, les technologies de
l'information et de la communication, aux langues et aux sciences, à
l'enseignement artistique dans le premier et le second degré enregistrent
également des progressions substantielles traduisant une volonté politique
claire qui s'inscrit dans le double objectif, messieurs les rapporteurs, de
répondre aux besoins quantitatifs mais également aux besoins qualitatifs.
Parmi plusieurs mesures à caractère social, trois ont retenu mon attention,
très satisfaite : le plan Handiscol, évoqué par Hélène Luc précédemment, je n'y
reviens pas, la création de 10 000 bourses supplémentaires pour les classes de
première et le doublement de la prime d'équipement des élèves des lycées
d'enseignement professionnel.
Monsieur le ministre délégué, c'est très bien ! La région Aquitaine,
d'ailleurs, vous accompagnera dans cet effort et, à la rentrée scolaire, nous
ferons en sorte d'assurer la gratuité de la caisse à outils pour tous les
élèves entrant en LEP.
S'ajoutent également nombre de mesures conjoncturelles.
Dans le premier degré, 20 735 postes d'instituteur sont transformés en postes
de professeur des écoles ; c'était une demande très forte eu égard à la
contrainte des mouvements « en sifflet » qui ne permettait pas une
accessibilité assez grande des instituteurs dans le corps des professeurs des
écoles. Je note également 500 créations d'emploi hors classe pour les
professeurs des écoles.
Dans le second degré, je relève l'achèvement de l'intégration des conseillers
d'éducation dans le corps des conseillers principaux d'éducation ;
l'accroissement de la hors classe des professeurs d'enseignement général de
collèges, les PEGC, et des CE d'éducation physique et sportive avec plus 190
emplois pour les uns et 30 emplois pour les autres ; et, pour les autres corps,
la transformation de 1 428 emplois en hors classe pour atteindre les 15 %
statutaires. Ce sont des mesures attendues, nécessaires et intelligentes.
Cette longue énumération confirme les avancées très positives de votre projet
de budget. Cependant, quelques questions sérieuses demeurent et je tiens à vous
les indiquer. Je n'aborderai ni la question des aides-éducateurs, ni celle,
très importante, de la nécessaire évolution des instituts universitaires de
formation des maîtres, les IUFM, mon collègue Serge Lagauche en traitera.
Simplement, s'agissant du plan pluriannuel, je vous poserai deux questions.
Ne craignez-vous pas, messieurs les ministres, que le recours à la liste
complémentaire ne puisse représenter un petit danger de contractualisation de
l'enseignement pour des raisons que je vous indiquerai concrètement ?
Ne manque-t-il pas, par surcroît, une orientation plus facilement identifiable
à ce plan pluriannuel ? Le plan, c'est très bien ; les moyens financiers, c'est
très bien. Mais il me semble que les enseignants cherchent ce souffle qui
pourrait être impulsé par une tonalité clarifiée.
Maintenant, je vous poserai quatre brèves questions.
S'agissant de l'application des 35 heures, où en est-on ? Qu'est-il prévu dans
ce budget ?
Qu'en est-il de la réforme des rythmes scolaires, et des zones d'éducation
prioritaire, les ZEP ?
Y aura-t-il assez de créations de postes de directeur d'école pour permettre
d'augmenter les décharges ?
A quand l'amélioration de l'indemnisation ?
Qu'adviendra-t-il du protocole Sapin et de la résorption des emplois précaires
et avec quel financement, même si j'ai noté avec satisfaction la résorption
d'un grand nombre de ces emplois ?
Néanmoins, messieurs les ministres, votre projet de budget reste très
largement positif, et nous le soutiendrons avec enthousiasme.
M'adressant aux rapporteurs, en conclusion, j'aurais préféré qu'ils
s'inspirent des conclusions de la commission des finances de l'Assemblée
nationale. Chers amis de la majorité du Sénat, quand le bon exemple vient de
l'Assemblée nationale, de grâce, suivez-le plutôt que de faire des contorsions
à haut risque que vous renouvelez tous les ans lors du débat budgétaire. Vous
n'y parviendrez pas !
(Applaudissements sur les travées socialistes ainsi
que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président.
La parole est à M. Carle.
M. Jean-Claude Carle.
Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, je suis
surpris de la tournure de ce débat. Le budget de l'enseignement scolaire
représente plus de 330 milliards de francs et nous allons en survoler l'examen
en moins de trois heures. Vous me direz que c'est mieux que l'an passé, puisque
nous en avions débattu un dimanche après-midi.
C'est un paradoxe car l'éducation nationale est le premier budget de la
nation, l'éducation étant la priorité des priorités, nous en sommes tous
d'accord. Mais on se rend compte finalement que le Parlement n'en parle qu'une
fois par an, lors de ce débat budgétaire. Peut-on d'ailleurs parler de débat
alors que 95 % des crédits sont consacrées aux salaires ? Quant à l'essentiel,
c'est-à-dire la politique éducative de la France, il échappe totalement au
regard de la représentation nationale.
A partir de là, monsieur le ministre, j'ai deux manières de concevoir mon
intervention, soit un balayage rapide de l'ensemble des sujets que vous
écouterez avec la courtoisie qui vous caractérise et que vous noierez dans une
réponse globale, soit de considérer que c'est la seule occasion qui nous est
donnée de débattre au fond des vraies questions. Cela suppose, je vous le
concède, de ne pas tomber dans la caricature...
Mme Hélène Luc.
Si vous ne disposez pas d'assez de temps de parole, prenez-vous en à la
conférence des présidents !
M. Jean-Claude Carle.
... moi dans la caricature de l'opposant qui ne trouve aucune qualité à votre
budget, vous, monsieur le ministre, dans la caricature du ministre qui prétend
conduire une « révolution pacifique de l'enseignement », qui affirme que
critiquer l'éducation nationale, c'est s'attaquer aux enseignants.
Ce genre de débat, monsieur le ministre, nous l'avons eu trop souvent pour
continuer à nous jouer la comédie. Si nous voulons que ce débat serve à quelque
chose, il faut tomber les masques.
Au fond, quel est votre argument ? C'est de nous dire que l'on ne peut pas
voter contre un budget qui augmente de près de 3 %, « une des plus fortes
augmentations depuis le budget que j'avais présenté en 1993 », avez-vous même
ajouté.
Monsieur le ministre, un budget en augmentation n'est pas forcément un bon
budget. Vous disposez de moyens supplémentaires, encore faut-il s'en servir
efficacement pour répondre à de nouveaux besoins.
Plusieurs de nos collègues ont cerné les limites de l'exercice, il n'est pas
besoin que j'y revienne.
M. René-Pierre Signé.
En bref, c'est un mauvais budget !
M. Jean-Claude Carle.
Permettez-moi de m'en tenir à quelques considérations simples.
Depuis dix ans, le budget de l'éducation nationale a augmenté de 42 % en
volume. Avec 100 francs par jour et par élève, la France est l'un des pays qui
fait le plus.
Dans ces conditions, comment expliquer que les jeunes, les enseignants et,
maintenant, les parents descendent ensemble dans la rue ?
Comment expliquer que, en 1998, 20 % des élèves de sixième ne maîtrisaient pas
la lecture, contre 17 % en 1997, et qu'aujourd'hui 38 % des élèves ne
maîtrisent pas le calcul ?
Comment expliquer que, malgré 18 000 créations de postes depuis 1997 et la
diminution de près de 300 000 élèves, 30 000 enseignants, comme l'a dit M.
Xavier Darcos, ne sont pas devant les élèves, ces élèves perdant une demi-année
de cours entre la sixième et la terminale ?
Comment expliquer que, dans un nombre croissant de départements, y compris
dans des départements défavorisés, une famille sur deux opte désormais pour
l'enseignement privé à un moment ou à un autre de la scolarité de ses enfants
?
Mme Hélène Luc.
C'est l'héritage que vous nous avez laissé !
M. Jean-Claude Carle.
Comment expliquer que l'Etat soit obligé de faire entrer la force publique
dans l'école pour protéger la communauté éducative ?
Comment expliquer que les élites de la République fuient l'enseignement,
pourtant l'une des plus belles missions ?
M. René-Pierre Signé.
C'est vous qui défendez l'école laïque !
M. Jean-Claude Carle.
Que nous le voulions ou non, l'école traverse une crise.
Crise morale des jeunes, qui affirment de plus en plus que l'école n'est pas
celle qu'ils attendent, des jeunes, que l'on met, par manque de courage, en
situation d'échec et qui deviennent agressifs à l'égard du système éducatif.
M. René-Pierre Signé.
C'est vous qui le critiquez !
Crise d'identité des enseignants, qui ne croient plus que l'école peut réduire
les inégalités, des enseignants, qui considèrent toujours le mérite comme une
valeur fondatrice du système scolaire, mais qui ne retrouvent plus cette valeur
dans l'école d'aujourd'hui, des enseignants guettés par la lassitude.
Enfin, crise de confiance des familles, qui s'interrogent sur le choix à
faire, des familles partagées entre la volonté de protéger leurs enfants et le
souhait de les voir dans les meilleurs établissements.
Monsieur le ministre, ce n'est pas rendre service à la France que de nier la
crise dans laquelle se trouve notre système éducatif.
M. René-Pierre Signé.
Excessif !
M. Jean-Claude Carle.
Cessons de nous retrancher derrière des réponses toutes faites qui sont autant
de faux-fuyants : celles qui consistent à céder aux corporatismes ; celles qui
consistent à se comparer avec les pays étrangers ; celles, enfin, qui rendent
hommage au travail admirable des enseignants dans les discours pour mieux les
oublier dans les actes.
M. René-Pierre Signé.
Oh ! là ! là !
M. Jean-Claude Carle.
Cette crise est latente ; elle dépasse le monde de l'enseignement pour toucher
la société dans son entier. Ne pressentez-vous pas que le système va exploser
?
M. René-Pierre Signé.
Il faut raison garder !
M. Jean-Claude Carle.
Pardonnez-moi de m'exprimer sous forme de questions. Si les choses vont aussi
mal, c'est aussi parce que nous ne posons plus, depuis longtemps, les bonnes
questions.
Votre projet de budget en témoigne comme les précédents : vous ne savez
répondre qu'en termes de moyens.
Avant de nous demander « comment », posons-nous d'abord la question
essentielle du pourquoi ?
M. Xavier Darcos.
Très juste !
M. René-Pierre Signé.
C'est faux !
M. Jean-Claude Carle.
L'enseignement, pour quoi faire ?
Qu'est-ce qu'un élève qui réussit ? Un bac + 6 sans emploi ou un CAP avec un
vrai métier ?
Qu'avons-nous à proposer aux jeunes d'aujourd'hui comme espérance, comme
conception de l'homme et de la société ?
Enfin, une même école pour tous reste-t-elle encore possible ?
(Mme Hélène Luc proteste.)
Poser ces questions, c'est s'interroger sur le rôle et les missions de
l'école, sur la cohérence entre le projet et la réalité de chaque
établissement. C'est non seulement transmettre à l'enfant des connaissances,
mais aussi l'aider à développer ses potentialités. C'est oser ouvrir le débat
sur l'idée de l'égalité des chances, sorte de sanctuaire inviolable au nom
duquel on impose un moule unique à tous les enfants. Idée généreuse, je vous
l'accorde, mais idée pervertie !
Messieurs les ministres, la France n'est pas l'addition d'individus tous
identiques et interchangeables. L'égalité n'est pas l'uniformité. A raisonner
ainsi, la démocratisation apparente de l'école a abouti à laisser nombre de
jeunes sur le bord du chemin.
Promouvoir une véritable égalité des chances, c'est permettre à chaque
personne de s'épanouir et de réussir sa vie au mieux de ses propres capacités,
de ses propres talents et, parfois aussi, de ses propres handicaps. C'est
prendre conscience que chaque élève est en soi « une aventure personnelle ».
C'est faire comprendre à un jeune que, quels que soient ses résultats
scolaires, il a un avenir, et qu'il sera utile demain dans la société.
Repenser l'éducation de nos enfants dans un monde qui change, ce doit être le
« pourquoi » de notre débat. Reste maintenant le « comment ».
Je pense qu'avant de dépenser à nouveau nous devrions d'abord faire le point
sur l'existant, en clair, évaluer l'éducation nationale dans toutes ses
dimensions.
Quand nous votons plus de 350 milliards de francs de budget pour l'éducation
nationale, vérifions-nous suffisamment où va cet argent et quelle est son
efficacité ? C'est pourtant notre tâche principale, et tout citoyen est en
droit de nous demander des comptes.
C'est ce qu'a fait le Sénat en évaluant la gestion des personnels de
l'éducation nationale. A cette occasion, nous avons mesuré la difficulté
d'évaluer le fonctionnement de cette grande administration.
Pour beaucoup d'enseignants, être évalués ce serait être jugés. De là, sans
doute, la répulsion naturelle et l'absence de culture française en matière
d'évaluation des politiques publiques.
Dans le prolongement de l'action de votre prédécesseur, monsieur le ministre,
vous avez institué un Haut conseil de l'évaluation de l'école. Le Sénat m'a
désigné pour le représenter au sein de cette nouvelle instance.
Je vous dis « Chiche » monsieur le ministre ! Evaluons. Evaluons de manière
indépendante et objective. Faisons en sorte que le Haut Conseil ne soit pas un
cache-sexe de la direction de la programmation et du développement.
Evaluons les moyens, les structures, les programmes, les politiques engagées,
en intégrant les conséquences de la décentralisation des compétences en matière
d'éducation et d'enseignement supérieur. Nous le faisons depuis six ans dans la
région Rhône-Alpes, je peux vous dire que c'est infiniment profitable.
Evaluons aussi les enseignants, non pour les juger ou les sanctionner, mais au
contraire pour témoigner la considération que nous portons à leur travail et à
leur mission.
Quand je vous entends dire, monsieur le ministre, qu'il existe pour cela une
inspection générale, je ne peux m'empêcher de sourire. Vous savez mieux que
personne comment ce système fonctionne et quelles sont ses limites.
M. René-Pierre Signé.
Alors, il n'y a plus de débat !
M. Jean-Claude Carle.
Quand vous évoquez les indicateurs de performance de l'éducation nationale, je
vous concède qu'ils ont le mérite d'exister. Mais quel crédit accorder à des
données aussi complexes émanant de votre propre administration ?
M. René-Pierre Signé.
Assez !
M. Jean-Claude Carle.
Les parents eux-mêmes ont du mal à s'y retrouver et vont chercher ailleurs
l'information. Témoin le succès des palmarès et autres classements des lycées
publiés dans la presse.
(M. le ministre délégué marque son
étonnement.)
En l'occurrence, c'est bien parce que les parents ont de moins en moins
confiance qu'ils veulent se faire leur propre jugement et faire leur propre
évaluation.
Comme l'a écrit Bernanos : « Quand la jeunesse claque des dents, le monde
entier a froid ». Demain, si le Gouvernement et le Parlement ne prennent pas
les mesures nécessaires pour résorber la crise de confiance et d'adaptation que
traverse l'école, ce sont les enseignants, les élèves et les parents qui s'en
chargeront.
C'est pourquoi nous ne ferons pas longtemps l'économie d'un débat national,
non pas d'un simple débat sans vote au Parlement, mais d'un vrai débat qui
permette aux Français de s'emparer du sujet et de s'exprimer.
Ces remarques me conduisent à présenter deux propositions.
En premier lieu, dans le cadre de l'augmentation de la mission du Parlement,
je souhaite que le budget de l'éducation nationale fasse l'objet d'un débat
d'orientation budgétaire dès l'année prochaine. C'était d'ailleurs l'une des
propositions de la commission d'enquête parlementaire.
En second lieu, je crois qu'il faut organiser un référendum sur l'école, afin
que se dégagent des priorités nationales autour de l'éducation pour les
prochaines années.
M. Daniel Eckenspieller.
Très bien !
M. René-Pierre Signé.
N'importe quoi !
M. Jean-Claude Carle.
Vous craignez la réponse du suffrage universel, mon cher collègue ? La
Constitution le permet.
Au nom de l'égalité des chances, cessons de nous retrancher derrière une «
éthique de façade » pour nier les réalités.
Une crise n'est pas forcément une mauvaise chose, monsieur le ministre, le
débat et l'affrontement des idées non plus. D'un mal, il peut en sortir un bien
et des solutions d'avenir.
Tel n'est pas le cas du projet de budget que vous nous proposez et qui se
situe dans la logique des budgets passés. C'est pourquoi les Républicains et
Indépendants voteront contre.
(Applaudissements sur les travées des
Républicains et Indépendants et du RPR.)
M. René-Pierre Signé.
On s'en doutait.
M. le président.
La parole est à M. Grignon.
M. Francis Grignon.
Monsieur le ministre, votre cabinet à bien voulu nous transmettre les
résultats d'un sondage. La question centrale était : « Le ministre de
l'éducation nationale, Jack Lang, va annoncer un plan pluriannuel de
recrutement d'enseignants et de personnels. Approuvez-vous ou désapprouvez-vous
cette décision ? » La réponse est sans appel : 87 % des Français approuvent un
tel plan.
Dans un premier temps, j'ai pensé qu'il n'était pas sérieux de lancer un
sondage sur une action forcément plébiscitée sans même l'ombre du début d'une
explication sur le pourquoi et le comment de l'action.
Dans un deuxième temps, je me suis quand même dit qu'il ne faudrait surtout
pas rater l'exécution de ce plan pluriannuel. Annoncer c'est bien ; réaliser
avec succès, c'est mieux, c'est même fondamental.
Monsieur le ministre, en tant que parlementaire qui n'a pas été consulté et
alors que le budget de l'éducation nationale mériterait, à mon sens, un débat
d'orientation avant la discussion de la loi de finances, ma question est : «
quels sont les objectifs visés par ce plan pluriannuel ? »
Ce plan va-t-il permettre de diminuer les résultats négatifs encore trop
importants de notre système éducatif ? Je rappelle qu'à l'entrée en CE 2, 23 %
des élèves ne maîtrisent pas les connaissances fondamentales de la lecture, et
qu'à l'entrée en sixième les résultats ne sont guère meilleurs : 33 % des
élèves n'ont pas les connaissances de base du calcul. Ces chiffres, ils ont été
publiés par le ministère de l'éducation nationale et ils figurent dans le
rapport de la commission d'enquête du Sénat !
Ce plan va-t-il améliorer le maillon faible de l'enseignement scolaire qu'est
le collège, avec son cortège de dysfonctionnements dus à une évolution parfois
dangereuse de la société, que nous connaissons bien et qui inquiètent à juste
titre les Français ?
Dans le fond, qu'attendent les Français de l'éducation nationale ? Les
Français veulent tout simplement que leurs enfants réussissent grâce à
l'école.
M. Jean-Louis Carrère.
C'est plutôt bien !
M. Francis Grignon.
Eu égard à l'importance de son budget, qui s'élève à 332 milliards de francs
cette année, je crois qu'ils sont en droit d'exiger des résultats de cette très
grande administration.
Certes, l'école peut apporter la connaissance, la maîtrise du raisonnement et
un ensemble de valeurs qui vont permettre à l'individu de se réaliser et de se
socialiser. Mais son rôle est, au premier chef, de permettre l'acquisition et
l'assimilation des connaissances.
J'ai du mal à imaginer des enfants bien intégrés dans la société sans qu'ils
maîtrisent des savoirs fondamentaux. On ne peut construire un raisonnement et
des valeurs que sur des bases solides. Or ces savoirs se construisent en
classe.
Revenons à la classe, tout le monde en parle ! Parlons donc des enseignants,
des élèves et des programmes.
Les enseignants, tout d'abord : ils doivent à mon sens être les plus qualifiés
et les plus compétents possibles. Des progrès significatifs sont encore à faire
dans ce domaine.
Nous avons donc présenté des propositions dans les conclusions de la
commission d'enquête. Je cite quelques-unes d'entre elles qui me semblent
importantes : le renforcement des exigences des concours permettant de
titulariser les maîtres auxiliaires ; la reconversion disciplinaire des maîtres
auxiliaires en surnombre par une formation complémentaire en IUFM ; un
recrutement plus sélectif des vacataires, privilégiant ceux qui se destinent à
l'enseignement, assorti d'une formation pédagogique ; un calibrage plus fin des
concours dans le cadre d'une véritable programmation pluriannuelle des
recrutements prenant en compte les départs massifs en retraite des enseignants
attendus dans les années à venir.
Très important : votre plan va-t-il modifier la nature des recrutements en
fonction des besoins réels ?
Je citerai encore : un « cadrage disciplinaire » annuel des IUFM et un
contrôle sur le nombre de leurs étudiants acceptés en première année ; une
redéfinition des modalités de recrutement des chefs d'établissement, une
revalorisation de leur fonction, un développement de leurs prérogatives à
l'égard de leur équipe éducative et un élargissement de leur recrutement en
dehors du monde enseignant, dans une perspective de professionnalisation et,
enfin, des possibilités de réorientation des enseignants confrontés à des
difficultés pédagogiques, pour permettre leur reconversion dans d'autres
administrations.
J'ajoute, au-delà de ces propositions, que nous sommes à un tournant crucial
concernant la qualification des enseignants. Sur les 83 000 emplois-jeunes,
beaucoup risquent d'être intégrés à l'éducation nationale. Si c'était le cas,
ne ratons pas leur qualification, de même que celle des milliers d'emplois qui
devront être intégrés à la suite de votre plan pluriannuel et en fonction des
départs massifs à la retraite.
Dans l'entreprise, ce qui condamne à la qualité, c'est la concurrence. Dans
l'éducation nationale, il n'est pas question de concurrence, alors imposons les
concours les plus solides possible, pour avoir les meilleurs enseignants, par
respect pour tous ceux qui ont pris la peine d'être qualifiés d'abord, mais
aussi pour donner les meilleures chances de réussite à nos enfants.
Après les enseignants, dont nous pouvons programmer les qualifications et les
compétences, j'en viens aux élèves dont nous ne changerons pas la diversité. Il
y aura toujours des bons et des moins bons.
La commission d'enquête a fait des propositions très concrètes pour prendre en
compte cette diversité.
Elle a notamment proposé que soit établi un bilan complet des zones
d'éducation prioritaires, les ZEP, faisant apparaître les résultats des élèves,
l'évolution de leur scolarité et le coût réel du dispositif, qu'un usage
approprié des redoublements soit fait, que soient développées des formules
d'aide et de remédiation permettant de s'assurer de l'acquisition des
disciplines fondamentales des élèves pour chaque cycle pédagogique de l'école
et du collège, qu'une formation pédagogique modulée, soit dispensée dans les
IUFM pour répondre à la diversité des besoins des élèves dans les
établissements, qu'un suivi des élèves tout au long de leur scolarité soit
assuré dans le cadre des bassins de formation, que soient mises en oeuvre, à
partir de la classe de cinquième, des séquences consacrées à l'orientation,
enfin que soit assurée une diversification des personnels chargés de cette
éducation dans la perspective d'une orientation « positive », notamment vers
une voie professionnelle revalorisée.
Je m'arrête là pour ne pas prolonger le débat. Car ce rapport comporte
quarante-quatre propositions. J'ai personnellement mis un point d'honneur à
réaliser la mission qui m'avait été confiée sans agressivité et de la façon la
plus objective et la plus constructive possible.
M. René-Pierre Signé.
Très bien !
M. Francis Grignon.
Alors, messieurs les ministres, qu'a-t-on fait de ces propositions ? Est-on
prêt à en débattre ? Qu'attend-on pour les appliquer ? J'aimerais bien des
réponses précises à ces questions.
Dans la classe toujours, après les enseignants et les élèves, il y a les
programmes.
Il est impossible d'entrer dans le détail, tellement la matière est vaste et
variée, mais, de grâce ! évitons les bouleversements intempestifs. Une heure de
changement de programme dans les collèges touche 100 000 divisions et demande
la création ou la suppression de 5 000 emplois, emplois qui, si on les veut
qualifiés, demandent des années de préparation et sont là pour des dizaines
d'années.
A cet égard, je me demande comment vous allez pouvoir gérer les deux heures de
travaux personnels encadrés dans les collèges et lycées. Laissons les
enseignants enseigner, non pas encadrer !
Voilà en quelques mots, messieurs les ministres, et sans entrer dans le
détail, quelques-unes des questions que je me pose à l'occasion de l'examen du
budget de l'enseignement scolaire, à défaut d'un débat parlementaire plus
approfondi et plus complet que j'appelle de mes voeux, sachant qu'en aval il
faudrait peut-être associer plus largement les parents d'élèves de façon à les
motiver dans leur rôle de premier éducateur afin que nos enfants disposent d'un
maximum d'atouts pour réussir dans la vie.
(Très bien ! et applaudissements
sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et
Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Vallet.
M. André Vallet.
Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, M.
Grignon vient d'évoquer la commission d'enquête qui avait été chargée
d'examiner la situation et la gestion des personnels des écoles et des
établissements du second degré. Ayant été l'un des rapporteurs de cette
commission, je peux témoigner de son objectivité et de l'important travail
qu'elle a réalisé.
Ce travail, monsieur le ministre, a été présenté à votre prédécesseur, qui
s'était engagé à reprendre, tout au moins partiellement, nos observations et
nos suggestions. Nous avions notamment proposé, comme certains de nos collègues
ce soir, d'instaurer un débat d'orientation budgétaire concernant l'éducation
nationale. Allez-vous donc, monsieur le ministre, reprendre un certain nombre
de ces observations et suggestions ? Allez-vous organiser enfin, l'année
prochaine, un débat d'orientation budgétaire sur l'éducation nationale, débat
qui nous permettra de discuter plus longuement, dans des conditions différentes
de celles qui nous sont imposées aujourd'hui ?
En considérant simplement la baisse structurelle des effectifs d'élèves, la
commission a mis en lumière la dérive du budget de l'éducation nationale,
puisqu'il apparaît que la décroissance démographique n'a aucun effet
budgétaire. Ce fait a été relevé. Je n'y reviens pas, sinon pour faire
remarquer que, depuis la rentrée de 1996-1997, les effectifs des enfants
scolarisés se sont réduits de 176 000 dans le primaire et de 93 000 dans le
secondaire, que l'enseignement scolaire a bénéficié de la création de 7 700
emplois budgétaires nouveaux, dont 6 000 d'enseignants. Cette tendance n'est
pas près de s'inverser, puisque, selon les prévisions du ministère pour les
trois prochaines années, 30 000 emplois devraient être créés alors que le
chiffre de 200 000 élèves de moins est annoncé par vos services pour les cinq
prochaines années. Je constate que le coût budgétaire d'un élève a augmenté de
près de 13 % au cours des dernières années et qu'il devient peu à peu l'un des
plus importants au monde.
Dans ce contexte, sans doute n'est-il pas vain de s'interroger sur la
situation réelle de cette hausse de crédits. Traduit-elle une priorité ou, plus
prosaïquement, n'est-elle pas le reflet de l'impuissance du Gouvernement face à
des difficultés de gestion qui le dépassent ?
La hausse des crédits n'est pas condamnable en elle-même, dans la mesure où
elle repose sur l'idée selon laquelle la priorité accordée à l'éducation
nationale doit nécessairement avoir une traduction financière mais elle est
préoccupante en ce que la dépense semble loin d'être optimisée.
La commission sénatoriale a enquêté sur la gestion des personnels des écoles
et des établissements professionnels. Elle a notamment démontré qu'une gestion
inadéquate des moyens, plus qu'une véritable pénurie d'emplois, expliquait
largement les dysfonctionnements qu'elle a pu constater.
Cela a été signalé tout à l'heure, mais la commission l'a déjà relevé : 30 000
enseignants sont aujourd'hui sans responsabilité éducative.
Dès lors, force est de considérer que le choix du Gouvernement traduit une
certaine fuite en avant budgétaire, puisqu'il laisse croire que les difficultés
de l'éducation nationale pourront être réglées par une simple augmentation de
crédits.
Pour ma part, je suis convaincu que la plupart des difficultés relèvent
surtout de problèmes structurels. Puisqu'il me reste très peu de temps, je ne
citerai qu'un seul exemple pour appuyer mon propos : celui de la gestion des
maîtres auxiliaires.
Depuis plus de vingt ans, les rectorats pouvaient recruter des maîtres
auxiliaires lorsqu'ils manquaient d'enseignants dans certaines matières. La
crise du recrutement d'enseignants titulaires, de 1985 à 1992, a entraîné un
recours massif aux maîtres auxiliaires.
La crise terminée, de nombreux maîtres auxiliaires se sont retrouvés au
chômage, souvent après de nombreuses années d'enseignement. Afin de régler ce
problème social aigu, le ministère a décidé leur réemploi, mais il a précisé
que tout recours à de nouveau maîtres auxiliaires était exclu.
Les rectorats ne peuvent donc plus utiliser cet élément de souplesse qui
permettait aux établissements d'assurer toutes les heures d'enseignement
prévues, dans quelque discipline que ce soit. La situation est bien souvent
ubuesque, puisque l'on trouve des enseignants titulaires en surnombre dans
certaines matières alors que d'autres cours ne peuvent plus être assurés faute
de personnel qualifié.
Sans doute le réemploi des maîtres auxiliaires était-il socialement une bonne
chose, mais il ne faudrait pas que l'arrêt du recrutement de nouveaux maîtres
auxiliaires, qui vous amène à recruter des vacataires ne pouvant exécuter plus
de 200 heures par an, ce qui ne recouvre pas l'intégralité de l'année scolaire
- autre situation ubuesque - il ne faudrait pas, dis-je, que l'arrêt du
recrutement des maîtres auxiliaires laisse la place à un auxiliariat encore
plus précaire.
Conséquence sans doute de cette mauvaise gestion, conséquence sans doute de la
rigidité des strutures, conséquence sans doute de la centralisation excessive
il apparaît qu'un nombre non négligeable d'élèves - de 15 % à 20 % - ne
maîtrisent pas encore les connaissances de base à l'entrée du cours moyen
deuxième année, voire de la sixième.
En un mot, monsieur le ministre, suffit-il d'engraisser le mammouth pour
régler les dysfonctionnements de l'éducation nationale ? Permettez-moi de
penser que c'est peut-être nécessaire mais que ce n'est sûrement pas
suffisant.
(Applaudissements sur certaines travées du RDSE et sur les travées de l'Union
centriste.)
M. le président.
La parole est à M. Renar.
M. Ivan Renar.
Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, tout en
saluant la qualité du rapport de notre collègue Hélène Luc, dont je partage les
appréciations et les conclusions, je souhaiterais brièvement intervenir dans
les trois minutes de temps de parole qui me restent sur l'enseignement
professionnel, domaine de notre ex-collègue M. Mélenchon et, plus précisément,
sur le devenir des formations professionnelles qui ont, durant de très
nombreuses années, permis à de multiples jeunes, issus souvent de milieux
défavorisés, d'accéder à une formation qualifiante.
Aujourd'hui, la formation professionnelle peine à recruter des jeunes, peine
à recruter des enseignants dans un contexte de reprise économique.
Vous avez évoqué, messieurs les ministres, la fluidité des formations. C'est
là une question qui nous semble essentielle.
En effet, l'enseignement professionnel se doit de tout mettre en oeuvre, avec
l'enseignement général d'ailleurs, pour favoriser les passages d'un
enseignement à l'autre.
Le contenu de la formation est ensuite extrêmement important ; on méconnaît
bien trop souvent les efforts réalisés ces dernières années par les équipes
d'enseignants professionnels confrontés à des publics scolaires très
hétérogènes.
La culture, la culture scientifique naturellement, mais aussi l'ensemble des
arts doivent pénétrer davantage dans les lycées professionnels et techniques.
Il faut briser bien des mythologies qui ont la vie longue ; la place de la
culture et des arts est un élément qui nous semble essentiel pour ce faire.
Au titre de la valorisation de l'enseignement professionnel et de ses jeunes,
la rémunération des jeunes stagiaires nous paraît devoir faire l'objet d'un
véritable encadrement.
Nous souhaiterions donc que s'engage dans la prochaine période une véritable
réflexion sur l'enseignement professionnel, en liaison avec l'enseignement
général. Nous savons que les personnels, les jeunes, mais aussi les
représentants des entreprises ou des syndicats ont, en la matière, de
véritables propositions à formuler.
Votre budget, messieurs les ministres, marque bien des avancées, même s'il
convient de poursuivre la réflexion, l'information, pour donner à
l'enseignement professionnel la place qui lui revient dans notre système
éducatif.
En attendant, nous avons une raison de plus de voter ce budget.
M. le président.
La parole est à M. Lagauche.
M. Serge Lagauche.
Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, en hausse
constante depuis 1997, le budget de l'enseignement scolaire connaît pour
l'année 2001 une augmentation de 2,82 % et atteint presque les 332 milliards de
francs. Cette progression confirme évidemment la priorité accordée par le
Gouvernement à l'éducation nationale.
Cependant, dans son rapport, M. Bernadaux se demande s'il ne faut pas déplorer
cette augmentation dans la mesure où l'évolution démographique des élèves dans
l'enseignement scolaire est à la baisse depuis plusieurs années, mais aussi
dans la mesure où les créations d'emplois sont vaines si elles ne
s'accompagnent pas de réformes pédagogiques ou structurelles.
Les sénateurs du groupe socialiste souscrivent totalement à l'idée que les
créations d'emplois doivent s'accompagner de réformes substantielles et ils
mesurent, parallèlement, l'ampleur de celles qu'a lancées le Gouvernement.
Sur ce point, le rapporteur pour avis ne nous dément absolument pas, puisque,
dès les premières pages de son rapport, il détaille les montants alloués aux
dernières réformes pédagogiques de M. le ministre, montants qui viennent
compléter ceux qu'a mis en place votre prédécesseur.
Ainsi, les nouvelles technologies de l'information et de la communication
bénéficient de 90 millions de francs supplémentaires pour la mise en oeuvre du
brevet informatique et Internet. L'apprentissage des langues et la
modernisation de l'enseignement des sciences voient leurs crédits doubler. De
nouveaux crédits, à hauteur de 263 millions de francs, sont débloqués pour la
formation artistique et culturelle.
M. Jean-Louis Carrère.
Très bien !
M. Serge Lagauche.
Ces éléments démontrent, s'il en était encore besoin, que la hausse du budget
de l'enseignement scolaire est loin d'être vaine. Votre objectif à travers ce
budget, monsieur le ministre, est bien d'accompagner et de rendre effectives
sur le terrain les réformes engagées depuis 1997 par un effort en termes de
créations d'emplois, de crédits de fonctionnement et d'interventions.
Au cours des dix prochaines années, la moitié du personnel de l'éducation
nationale sera renouvelée. Ces derniers temps, au sein du personnel enseignant,
pourtant acquis à la nécessité de moderniser notre système éducatif, certains
ont été heurtés par l'ampleur des réformes : ils ont besoin de temps pour les
assimiler et se les « approprier ».
L'arrivée de nouveaux professeurs sera l'occasion de mieux faire prendre à
l'ensemble du corps enseignant le virage de la modernisation. C'est tout
l'objectif du plan pluriannuel de programmation des moyens, très attendu par
les acteurs du système scolaire, même si, pour l'instant, il se heurte aux
exigences de l'ordonnance de 1959. La voilà, cette meilleure gestion
prévisionnelle des moyens tant attendue, notamment par la majorité sénatoriale.
Vous êtes donc entendus, messieurs ! Mais cela ne vous empêche pas de reprocher
maintenant une anticipation excessive des besoins futurs...
Au demeurant, les créations d'emplois prévues n'absorbent pas à elles seules
l'augmentation du budget pour 2001. D'un coût de 1,126 milliard de francs,
elles sont comparables à l'augmentation des crédits de fonctionnement et
d'intervention destinés au financement des réformes pédagogiques, des mesures à
caractère social en direction des élèves et de l'amélioration des moyens de
fonctionnement. On ne peut pas vouloir que nos enfants maîtrisent mieux, et
plus tôt, les langues étrangères ou les nouvelles technologies de l'information
et de la communication sans dégager de moyens supplémentaires pour cela !
Malgré l'ampleur des créations d'emplois programmées sur trois ans, vous
n'êtes pas sans le savoir, monsieur le ministre, les syndicats enseignants
expriment des inquiétudes : d'abord sur le nombre de créations nettes
d'emplois, ensuite sur les conditions du recrutement.
Le contexte de croissance, dont nous nous réjouissons par ailleurs, rendra les
recrutement plus complexes, tout particulièrement ceux de spécialistes pour
l'enseignement professionnel. N'y aura-t-il pas là des difficultés ?
Le fort renouvellement générationnel à venir doit également s'accompagner
d'une réforme significative de la formation initiale des futurs professeurs,
afin de l'adapter aux nouvelles ambitions pour l'école définies depuis 1997.
Actuellement, les stagiaires ressentent une coupure forte, sinon un fossé,
entre la formation dispensée à l'IUFM et le vécu sur le terrain. Il convient de
prendre aussi en compte leurs attentes pour répondre aux principales
difficultés qu'ils rencontrent une fois placés devant des classes.
Il s'agit, non pas d'ajouter des modules à ceux qui existent déjà, comme cela
a été fait régulièrement, mais bien de revoir l'ensemble de la formation pour
lui donner plus de cohérence et mieux l'articuler avec la formation continue.
Nous devons réfléchir à ce que l'on attend d'un enseignant en début de carrière
et prendre à bras le corps, sans hypocrisie ni faux-semblants, la question de
la première affectation.
(M. Carrère applaudit.)
Enfin, j'aimerais aborder un dispositif important pour l'évolution de notre
système scolaire et pour ses bénéficiaires : les emplois-jeunes. Ils sont très
nombreux dans l'éducation nationale - près de 62 000 - et remplissent des
missions très utiles mais aussi très diverses, ce qui rend plus difficile leur
professionnalisation.
Or la formation des aides-éducateurs, prévue dès le lancement du dispositif à
hauteur de 200 heures annuelles au maximum, pèche par son manque de mise en
oeuvre effective. L'accent doit être mis sur l'élaboration d'un véritable
projet professionnel indidivuel : n'oublions pas que l'échéance est pour 2003
!
Parallèlement, il faut intensifier les efforts en matière de validation des
acquis et de reconversion professionnelle, à l'instar de ce qui est prévu dans
les huit accords nationaux passés entre votre ministère et de grandes
entreprises. Tous ceux qui bénéficient d'un emploi-jeune au sein de l'éducation
nationale n'ont pas vocation à y rester. D'ailleurs, les débouchés n'y seraient
pas suffisants. Or, avec la croissance, ce sont les plus diplômés qui sortent
prioritairement du dispositif.
En vérité, j'ai du mal à comprendre l'avis défavorable de la commission des
affaires culturelles dans la mesure où ses critiques ne portent pas sur le fond
des réformes engagées : au contraire, elle préconise plutôt leur
approfondissement. Nous partageons, me semble-t-il, à gauche comme à droite,
les mêmes objectifs : favoriser la réussite scolaire de tous les élèves et
mieux répondre aux défis du futur.
Concernant l'école primaire, vous approuvez, monsieur le rapporteur pour avis,
la priorité donnée aux acquis fondamentaux, le développement des pratiques
d'évaluation, la rénovation de l'enseignement des sciences et de la
technologie, le développement de l'éducation artistique et culturelle comme de
l'apprentissage des langues vivantes, ainsi que l'intégration des nouvelles
technologies dans les apprentissages.
Nous souhaitons, comme vous, l'amélioration de la liaison entre école et
collège, à travers la polyvalence des professeurs, et des éclaircissements sur
l'avenir de l'aménagement des rythmes scolaires.
S'agissant du collège, après avoir titré : « Une réforme introuvable », vous
reconnaissez son recentrage sur cinq orientations, du fait même d'un manque de
hiérarchisation des objectifs, voire d'implication des inspecteurs d'académie :
aide personnalisée aux élèves, maîtrise des langages, pratiques
interdisciplinaires, enseignement de la technologie et exercice de la
citoyenneté au collège. Là aussi, vous souhaitez simplement la levée des
incertitudes sur l'avenir du collège unique, grâce au rapport demandé à
l'inspecteur général Philippe Joutard.
Vous reconnaissez le maintien d'un grand nombre de mesures concernant le lycée
- aide individualisée, travaux personnels encadrés, éducation civique,
juridique et sociale - et vous vous félicitez de « la fin du lycée allégé ».
Enfin, vous approuvez le protocole d'accord pour les chefs d'établissement du
secondaire et attendez des mesures similaires pour le primaire, tout en
précisant qu'une réflexion est en cours. Vous relevez les effets contrastés des
plans de lutte contre la violence, tout en affirmant que l'association de tous
les personnels, y compris les aides-éducateurs, des parents d'élèves et des
délégués d'élèves permet de meilleurs résultats.
Si les réformes ne sont pas formulées dans le cadre de la loi scolaire
souhaitée par certains dans cet hémicycle, elles en ont l'ampleur.
A considérer ce catalogue de vos appréciations, monsieur le rapporteur pour
avis, on est obligé de reconnaître qu'il ne s'agit pas, de votre part, sur ce
budget, d'une opposition catégorique, justifiée par l'existence de deux points
de vue antinomiques - j'en prends pour preuve le compte rendu qu'a fait la
presse des récentes rencontres nationales pour l'éducation de vos amis du RPR
-, mais que ce n'est qu'un simple positionnement politique, intenable sur le
fond, et qui n'est assorti d'aucune proposition alternative.
Alors, monsieur Bernardeaux, vous qui, comme de nombreux membres de la
commission des affaires culturelles, êtes enseignant et connaissez bien le
milieu scolaire, comment pouvez-vous soutenir un avis défavorable sur ce budget
? Au contraire, vous devriez inviter tous les membres de la majorité
sénatoriale à applaudir ce budget et, par là même, l'excellente proposition de
notre ministre de l'éducation nationale, M. Jack Lang, soutenue par tout le
Gouvernement, à l'invitation du Premier ministre, M. Lionel Jospin.
(Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur celles du
groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président.
La parole est à M. Legendre.
M. Jacques Legendre.
Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, le Sénat
est attaché depuis longtemps au pluralisme linguistique. Il l'a montré en
1993-1994 en créant une mission d'information sur l'enseignement des langues,
qui a, hélas ! constaté - mais sans surprise - le décalage chaque année plus
grand entre les intentions affichées par le ministère - un large choix de
langues proposé aux élèves - et la triste réalité : l'hégémonie de l'anglais en
langue vivante 1, la prépondérance de l'espagnol en langue vivante 2 et le
recul régulier de l'allemand.
Ainsi, la France et l'Allemagne qui, ensemble, construisent l'Europe, se
parleront bientôt en anglais...
Notre mission d'information a également constaté l'abandon de l'italien, le
naufrage du russe, du portugais, du néerlandais, du polonais ; et je ne parle
pas de langues non européennes, aussi importantes que l'arabe, le chinois ou le
japonais !
Est-ce ainsi que nous préparons ce pays à s'ouvrir au monde, à ses cultures,
dans leur richesse et leur diversité ?
Comment pouvons-nous militer officiellement pour le plurilinguisme en Europe
et défendre chez les autres l'enseignement du français si nous montrons le
mauvais exemple en assurant, chez nous, à l'anglais cette situation de monopole
?
M. Xavier Darcos.
Très bien !
M. Jacques Legendre.
Le Conseil de l'Europe, où je représente le Sénat, a décrété que 2001 serait
l'année européenne des langues. Allons-nous, une fois de plus, célébrer la
diversité tout en encourageant la réduction à la langue étrangère unique, ou
presque, l'anglais ?
Votre prédécesseur, monsieur le ministre, semblait s'enchanter du bilinguisme
français-anglais. Nous attendons de vous une réelle rupture avec de tels
errements.
A l'unanimité, en 1994, la mission du Sénat avait adopté des propositions
tendant à favoriser la diversité dans l'apprentissage des langues en France. M.
Bayrou, puis M. Allègre n'en ont guère tenu compte. Accepterez-vous de vous en
inspirer ?
Ces propositions sont maintenant reprises par l'assemblée parlementaire du
Conseil de l'Europe, qui les a adoptées, elle aussi, à l'unanimité.
En France, il nous reste bien du chemin à parcourir. A juste titre, le
ministère de l'éducation nationale veut développer l'apprentissage précoce des
langues étrangères. M. Hagège, qui en est l'ardent propagandiste, s'inquiétait
toutefois de la propension à commencer toujours par l'anglais. Il préconisait,
lui, de ne jamais commencer par l'anglais et de faire de cette langue,
effectivement quasi indispensable, la deuxième langue étrangère enseignée.
Bien entendu, cette proposition n'est pas réaliste, car il faut tenir compte
du choix des parents d'élèves. Cependant vous devez vous attacher, monsieur le
ministre, à mettre en place, dans le primaire, une véritable sensibilisation
des parents au choix linguistique, en leur rappelant en particulier que, lors
des recrutements professionnels, ce qui fera la différence, c'est moins la
bonne connaissance de l'anglais - elle se banalise - que la connaissance d'une
autre langue.
Ainsi pourra être un peu corrigée la situation que me décrivait, voilà
quelques semaines, M. le recteur de l'académie de Lille. L'académie de Lille
est confrontée à une modification, lente mais continue, de la demande des
familles en ce qui concerne le choix de la première langue vivante ; une baisse
régulière du choix de l'allemand est ainsi constatée, au profit de
l'anglais.
Actuellement, 90 % des parents d'élèves de sixième souhaitent que leur enfant
étudie l'anglais en première langue, les autres langues enseignées dans
l'académie n'intervenant que de façon négligeable dans le choix des familles.
La diversité linguistique semble donc se réduire inéluctablement pour ce qui
est de la première langue. Si le choix de la seconde langue est plus ouvert, il
tend lui aussi à un déséquilibre, avec une baisse progressive de l'allemand au
bénéfice de l'espagnol et, plus modestement, de l'italien. On notera que, même
dans le Nord, il n'est question ni du polonais, ni du portugais, ni de l'arabe,
malgré les origines d'une partie de la population.
Je vous donne acte bien volontiers, monsieur le ministre, de la sensibilité
nouvelle et bienvenue dont vous témoignez à l'égard de ces problèmes. Je suis
néanmoins tout proche du constat dressé le 25 octobre 2000 par certains
syndicats et par les associations de spécialistes de langues. Il me faut ici
livrer leurs conclusions :
« Jamais il n'y a eu décalage plus grand entre le discours officiel et la
réalité dans les établissements. Jamais la dégradation n'a été aussi grande.
« L'absence jusqu'ici de politique claire des langues vivantes dans le premier
degré n'a pas favorisé, au collège, une diversification des langues vivantes,
déjà réduite depuis plusieurs années.
« Au collège, la gestion locale des horaires - "les fourchettes" - se traduit,
pour les langues, dans la majorité des cas, par une amputation horaire qui
rogne les quelques moyens qui permettaient encore de mieux prendre en charge la
diversité des rythmes des élèves.
« Au niveau du lycée, la quotité horaire attribuée aux langues vivantes est en
deçà du seuil minimum d'efficacité.
« Le décalage entre langue vivante 1 et langue vivante 2 est accru : la langue
vivante 2 n'est démarrée qu'en quatrième, la langue vivante 1 est commencée en
primaire. Par ailleurs, l'amputation des horaires de langue vivante 2 en lycée
est sensiblement plus forte qu'en langue vivante 1 : l'horaire de l'élève se
trouve réduit à deux heures hebdomadaires.
« A tous les niveaux, les effectifs restent très supérieurs au seuil de quinze
élèves.
« Enfin, l'ensemble des mesures prises depuis trois ans par le ministère
continue de peser fortement et de façon négative sur le choix des langues par
les familles, condamnant de fait l'enseignement d'un certain nombre de langues
vivantes, en réduisant d'autres à une présence toute symbolique, posant de
graves problèmes d'emploi pour les personnels concernés, alors que, dans le
même temps, les classes d'anglais et d'espagnol continuent de s'alourdir. Il
devient d'ailleurs difficile de trouver les personnels pour assurer les
remplacements dans ces deux dernières langues tout particulièrement. »
Certes, monsieur le ministre, les spécialistes de langues reconnaissent que
votre discours a évolué et eux aussi en prennent acte. Mais il faut, bien sûr,
aller au-delà. Ce que nous attendons maintenant de vous, c'est la
concrétisation d'une volonté politique, telle que soit enfin offert à tous les
jeunes Français un véritable plurilinguisme, c'est-à-dire une authentique
ouverture sur le monde
(Très bien ! et aplaudissements sur les travées du
RPR et de l'Union centriste.)
M. le président.
La parole est à M. Delfau.
M. Gérard Delfau.
Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, le budget
de l'enseignement scolaire est le premier budget de l'Etat : il représente,
cette année, 331,04 milliards de francs, soit une augmentation de 7,63 %, ce
qui est considérable. Mais nous savons combien est grande l'inertie de ces
masses budgétaires, composées à plus de 90 % par les dépenses de salaires et
pensions des personnels.
La question centrale est donc : quelles sont les marges ? En quoi ce budget
peut-il contribuer à faire reculer l'échec scolaire et à moderniser l'éducation
nationale, sans affaiblir ce qui est son rôle historique : donner à l'école des
moyens tels qu'elle soit l'école de tous, au service de la nation ?
Rappelons qu'en 1998, selon des statistiques peut-être contestables, 20,7 %
des élèves arrivaient en classe de sixième sans maîtriser la lecture et 38 %
n'avaient pas atteint le niveau minimal nécessaire en mathématique.
Comment améliorer les performances du système éducatif sans baisser le niveau
d'exigence ? Tel est le pari.
Or votre arrivée à la tête du ministère s'est faite dans un climat de crise :
des enseignants du second degré en rébellion ouverte ; des professeurs d'école
et des instituteurs désarçonnés par les à-coups de la gestion précédente et
placés devant des situations très inégalitaires en matière d'encadrement des
enfants et de recrutement. D'où l'ampleur du mouvement de grève qui, durant le
premier semestre 2000, a entraîné, dans le Gard et dans l'Hérault, des
occupations d'école et d'importantes manifestations.
Messieurs les ministres, dans ma commune, j'ai vécu au rythme de l'école
occupée pendant près de deux mois. Deux mois, c'est long ! J'en ai tiré
quelques leçons. Aujourd'hui, l'atmosphère s'est détendue et vous avez su
restaurer le dialogue. C'est un succès qu'il faut porter à votre crédit. Ce
n'était pas évident !
Mais les problèmes de fond demeurent. Je voudrais en énumérer quelques-uns.
Dans le premier degré, il y a eu un déficit d'explications et de gestion du
personnel, se greffant sur un manque ponctuel de postes lié à la croissance
démographique des académies du pourtour méditerranéen. Qu'en est-il du plan
pluriannuel de création de postes, notamment dans les départements du
Languedoc-Roussillon ?
Plus particulièrement, comment répondre aux demandes accrues en personnel
spécialisé dans le soutien aux élèves en difficulté ? Aura-t-on recours à un
nouveau contingent d'aides éducateurs, à partir des emplois-jeunes, alors que
certains groupes scolaires à dix classes n'ont pas reçu la moindre affectation
depuis 1997 ? Tel est le cas de ma commune.
Quels sont vos objectifs en matière d'accueil des enfants de deux ans à
l'école maternelle ? L'ambition de socialiser les jeunes enfants dès que
possible représente un effort important en termes de postes et de locaux. Quel
objectif cherchez-vous à atteindre ?
Il faut aussi mentionner la grève des directeurs d'école, qui se poursuit,
affaiblissant l'ensemble de l'institution. Où en est la négociation que vous
avez ouverte ? Peut-on espérer une détente avant que des solutions de fond
soient apportées, bien sûr, à moyen terme ?
S'agissant du second degré, c'est le collège qui nous préoccupe d'abord. Il
est l'objet des tensions les plus fortes. Les enseignants, de même que les
personnels administratifs et techniques, y assument une mission d'une
exceptionnelle importance pour l'intégration de nos jeunes à la société
républicaine. Il faut leur rendre hommage, comme vous l'avez fait, et donner un
soutien sans équivoque à tous ceux qui innovent dans leur approche pédagogique,
malgré le scepticisme général.
Pouvez-vous nous dire, monsieur le ministre, ce que vous attendez du conseil
de l'innovation pédagogique que vous avez mis sur pied ? Allez-vous favoriser
le transfert des initiatives et, surtout, donner des moyens accrus à ceux qui,
courageusement, sortent des sentiers battus ? Ce serait une révolution !
Vous avez voulu remettre à l'honneur l'enseignement professionnel. Cette
orientation est d'autant plus juste qu'il s'agit d'une voie empruntée par les
enfants des classes populaires qui recherchent un métier stable et qualifié.
L'enseignement professionnel est aujourd'hui la source la plus importante
d'augmentation du nombre de bacheliers à l'échelon national. C'est la voie du
succès, mais l'opinion publique ne le sait pas encore. On constate ainsi une
baisse du nombre d'élèves s'orientant dans cette voie.
Désireux de réagir vous avez décidé, entre autres, l'allégement des horaires
hebdomadaires moyens des élèves, ainsi que la création de projets
pluridisciplinaires à caractère professionnel dans toutes les formations
conduisant aux brevets d'études et aux baccalauréats professionnels.
En outre, vous avez institué le principe de la rétribution des élèves en
période de formation dans les entreprises. C'est une idée que j'avais
préconisée dès 1982 et, aujourd'hui, en période de croissance, on peut espérer
que cette mesure sera mise en oeuvre. Ce sera une grande avancée. Encore
faudra-t-il que l'enseignement professionnel et technique soit implanté de
façon à peu près uniforme, égalitaire allais-je dire, sur le territoire
national.
Tel n'est pas le cas. A la richesse des enseignements professionnels dans les
régions anciennement industrialisées correspond une pénurie en ce domaine là où
le tissu économique est émietté, fait essentiellement de très petites
entreprises plus tournées vers les services que vers la production.
M. Paul Blanc.
C'est vrai !
M. Gérard Delfau.
Peut-on espérer, là encore, un plan pluriannuel ? Ne pourrait-on, à cette
occasion, lancer des structures expérimentales associant formation initiale et
formation continue et s'articulant avec d'autres structures d'animation
économique sans que, bien entendu, l'éducation nationale y perde son
indépendance, ou, surtout, se soumette à des intérêts privés ? Bref, peut-on,
en ce domaine aussi, innover ?
Il faut citer, enfin, parmi les nombreuses mesures positives, l'augmentation
significative du nombre des personnels ATOS. C'est une heureuse inversion de
tendance par rapport à des années de disette. Il est temps de rendre aux
personnels techniques la place qui leur revient dans la communauté éducative.
Le sourire du concierge ou de la concierge à l'entrée de l'établissement le
matin est un élément du bon fonctionnement de l'éducation nationale ; on
l'avait oublié.
M. René-Pierre Signé.
Ce sont des petites choses comme celles-là qui font plaisir !
M. Gérard Delfau.
Voilà quelques considérations, trop rapides, eu égard à l'ampleur du budget -
le premier de la nation - et à son objectif, puisqu'il s'agit d'éduquer nos
enfants pour en faire des citoyens.
Les sénateurs radicaux approuvent l'effort du Gouvernement et vous félicitent
de l'excellence de votre gestion. Ils voteront avec plaisir votre budget.
(Applaudissements sur certaines travées du RDSE, sur les travées
socialistes, ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et
citoyen.)
M. René-Pierre Signé.
Et vous ne serez pas les seuls !
M. le président.
La parole est à M. Signé.
M. René-Pierre Signé.
Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues,
j'aimerais ouvrir mon intervention par une remarque et une observation.
Il ne serait peut-être pas inutile de rappeler en effet que le budget n'est
pas seulement une histoire de sous, mais qu'il renvoie à des orientations
politiques concrètes, à des priorités gouvernementales qui, derrière les
chiffres, indiquent de véritables choix de société.
Cette remarque étant faite, force est d'observer que le projet de budget pour
l'éducation et l'enseignement approche le quart des dépenses de l'Etat. Avec
plus de 332 milliards de francs en crédits de paiement, sa progression avoisine
les 2,8 %. Il s'agit d'un choix résolu en faveur de l'avenir des jeunes, d'un
choix qui a pris acte de la nécessité de réussir notre passage dans la société
du savoir et qui a pris bonne note de la bataille de l'intelligence.
Penchons-nous sur quelques mesures qui traduisent les priorités.
On ne peut manquer de saluer, d'emblée, le fait que, malgré la quasi-stabilité
des effectifs, le dogme du plafonnement des emplois publics se craquelle à la
faveur d'un « dégel ». Ainsi, 90 % des dépenses sont consacrés au personnel. De
même, l'enseignement scolaire bénéficie de la création de 4 375 emplois
budgétaires, qui correspondent à une progression nette des effectifs employés
dans les services académiques et les établissements : 800 professeurs d'école,
1 900 enseignants du second degré et 1 675 non-enseignants.
Le budget prévoit, en outre, la transformation de 18 000 heures
supplémentaires en 1 000 emplois. Notons également que, dans le cadre de la
résorption de la précarité, quelque 3 000 emplois sont disponibles pour les
enseignants non titulaires déjà en poste.
Derrière ces créations de postes, c'est, en fait, toute une politique
éducative qui apparaît. En effet, le budget, par le biais des crédits de
fonctionnement, accompagnera solidement les réformes pédagogiques prévues.
Ainsi, 90 millions de francs sont alloués aux nouvelles technologies et un «
brevet informatique et Internet » va voir le jour d'ici à 2003.
Le recours aux technologies nouvelles est plus qu'une nécessité, c'est un
impératif égalitaire, un impératif qui relève des collectivités locales. Elles
attendent votre soutien, dans leurs initiatives, monsieur le ministre ; elles
sont prêtes à s'y impliquer ; c'est d'ailleurs de l'intérêt des zones rurales
comme la Nièvre.
L'apprentissage des langues vivantes n'est pas en reste, tout comme
l'enseignement des sciences, qui bénéficie de 60 millions de francs.
L'ouverture d'esprit et l'enseignement le plus large seront favorisés, puisque
les crédits consacrés à la formation artistique et culturelle augmentent
sensiblement, avec 263 millions de francs. Les contrats éducatifs locaux sont
une initiative heureuse, avec l'obligation, ligne infranchissable, de limiter
les compétences des bénévoles ou autres associations à un encadrement
périscolaire sans rapport, bien entendu, avec tout enseignement.
Je parlerai maintenant de l'enseignement professionnel. Cet enseignement doit
être renforcé et « rationalisé » dans le sens d'une meilleure continuité entre
BEP et bac professionnel. Les débouchés existent, mais doivent être plus
articulés avec la formation. C'est toute l'idée qui anime le projet de « lycée
de métier », chère à M. Mélenchon.
Saluons, dans un autre registre, la création du plan « Handiscol », doté de 57
millions de francs, qui prévoit de porter en trois ans à 50 000 le nombre
d'enfants et d'adolescents handicapés accueillis en milieu scolaire non
spécialisé.
Un grand pays comme la France ne peut-être en retard par rapport aux pays
scandinaves sur le chemin de l'insertion des jeunes handicapés.
Pourtant, quelques problèmes restent en suspens : la mise en oeuvre des 35
heures - M. Jean-Louis Carrère l'a évoquée - et la délicate question des
directeurs d'école.
Les 4 500 directions vacantes depuis la rentrée 2000 nous renseignent sur
l'ampleur des difficultés rencontrées. Les requêtes ne concernent pas seulement
des problèmes statutaires mais, au-delà, la question des décharges de service
fait référence aux modalités du travail des directeurs d'école.
Autre point sensible, je veux parler du futur professionnel des
emplois-jeunes, les aides éducateurs. Il s'agit là d'un problème important. Ces
jeunes méritent d'être rassurés sur leurs perspectives d'emploi, ne serait-ce
que pour marquer la reconnaissance du travail accompli au sein de l'éducation
nationale.
Au total, messieurs les ministres, des éléments très largement positifs me
conduisent à voter, avec l'ensemble du groupe socialiste, cet excellent budget
qui donne une priorité claire et volontariste à l'éducation.
(Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe
communiste républicain et citoyen.)
M. Paul Blanc.
Trop, c'est trop !
M. le président.
La parole est à M. Eckenspieller.
M. Daniel Eckenspieller.
« Ne manque pas de moyens, devrait faire mieux. »
Cette formule, qui apparaît bien souvent sur le livret scolaire de nos élèves,
situe bien, aussi, me semble-t-il, le contexte dans lequel se place le débat
budgétaire de ce jour.
(M. le ministre délégué sourit.)
Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, au fil
des ans, et par-delà les alternances politiques, l'éducation nationale a vu
croître ses dotations financières.
Cette année encore, et nous le reconnaissons volontiers, l'effort est
significatif. Il l'est d'autant plus que le nombre d'élèves accueillis est en
baisse sensible et continuera de régresser au cours des années à venir.
La question qu'il convient, dès lors, de se poser est celle de savoir si un
accroissement des moyens a nécessairement pour corollaire une amélioration des
résultats.
L'expérience des dix dernières années montre que, si la mise en oeuvre de
moyens appropriés est, certes, une condition nécessaire, elle ne saurait en
aucune manière constituer une condition suffisante.
Le constat est, à cet égard, accablant. Il a suffisamment été évoqué au cours
de ce débat pour que je ne le rappelle pas une fois de plus. Plus préoccupant
encore, la situation a tendance à s'aggraver plutôt qu'à s'améliorer.
Depuis des décennies, les réformes ont succédé aux réformes, déstabilisant
enseignants, parents et élèves. Il y a lieu de revenir à des objectifs simples,
clairs, mais ambitieux et rigoureux, comme il est dans leur contenu nécessaire
pour la mise en oeuvre des actions.
La même réflexion devra présider à l'organisation des collèges, où se
conjuguent actuellement le niveau insuffisant d'un grand nombre d'élèves et
tous les désordres d'une société en déshérence dont, précisément, les
adolescents de 12 à 16 ans portent les signes les plus visibles.
Le collège devra impérativement échapper aux conceptions inadéquates qui
président à son organisation actuelle, conceptions largement inspirées par des
considérations plus dogmatiques et démagogiques que véritablement
pédagogiques.
Il conviendra également de mieux sensibiliser les élèves de nos collèges à
l'utilité de leur travail, afin de leur rendre la motivation qu'ils ont
perdue.
A cet égard, il me paraît tout à fait essentiel que l'orientation soit conçue
d'une manière continue tout au long de la scolarité au collège et largement
ouverte sur le monde économique, avec ses exigences, mais aussi avec ses
potentialités d'insertion et de promotion sociales.
Je salue la volonté exprimée par M. le ministre délégué à l'enseignement
professionnel de revaloriser comme il le mérite cet enseignement envers lequel
la société nourrit de si fortes attentes.
Je suis persuadé que la multiplication des visites d'entreprises, petites et
grandes, et de courts séjours de découverte des métiers ouvrirait à nos jeunes,
plus sans doute que les énormes forums, des horizons nouveaux, ranimant ainsi
une motivation perdue du fait de l'échec scolaire et de l'absence de
perspective.
On a beaucoup parlé des revendications lancinantes des directeurs d'école en
faisant état de la modicité de leurs indemnités de fonction et du relatif
arbitraire qui préside à l'attribution des décharges de service.
Il me semble que ce sont là les aspects les plus visibles d'un malaise
beaucoup plus profond, qui concerne l'ensemble des maîtres de l'enseignement
préscolaire et élémentaire.
Ce malaise tient à l'avalanche de circulaires qu'ils ont à lire, à
interpréter, à transmettre et à mettre en oeuvre. Il tient à l'insécurité
juridique qui entrave leurs initiatives. Il tient au rôle de médiateur et
d'intervenant social qu'ils ont de plus en plus souvent à jouer. Il tient à la
tension extrême dans laquelle trop souvent ils exercent leur métier.
Nous connaissons tous des enseignants « brisés » par leurs conditions de
travail et pour lesquels chaque jour de classe est vécu comme un véritable
cauchemar.
Ils ont impérativement besoin que leur soit restituée la sérénité sans
laquelle il n'y a pas de communication possible entre eux et leurs élèves.
Je me réjouis de la volonté d'intégrer, autant qu'il est possible, les enfants
handicapés dans un milieu scolaire dit normal. Il convient cependant de
souligner ici que les 57 millions de francs consacrés au plan Handiscol
représentent une somme dérisoire par rapport aux besoins correspondant à cette
ambition. Aujourd'hui, ce sont, pour l'essentiel, des associations qui
assurent, avec le concours financier des communes, l'accompagnement des élèves
accueillis en milieu ouvert. Il ne faudrait pas que dans ce domaine, comme dans
beaucoup d'autres, la charge la plus importante du plan Handiscol finisse par
peser surtout sur les collectivités locales.
M. Jean-Louis Lorrain.
Très bien !
M. Daniel Eckenspieller.
Dans le même ordre d'idées et pour terminer, je voudrais évoquer les
déclarations que vous avez faites, monsieur le ministre, à la suite de votre
prédécesseur, concernant l'initiation de nos élèves aux nouvelles technologies
de communication, notamment l'accès aux possibilités offertes par Internet.
Quelle est la réalité ?
Face à la carence de l'Etat, ce sont les collectivités territoriales qui
équipent les écoles, qui les connectent, qui paient les abonnements et les
communications.
M. Paul Blanc.
Eh oui !
M. Daniel Eckenspieller.
Ma ville a dépensé, en 1999 et 2000, environ un million de francs pour ouvrir
l'accès aux nouvelles techniques de communication aux élèves de ses sept écoles
élémentaires et de ses neuf écoles maternelles.
M. Jean-Luc Mélenchon,
ministre délégué.
C'est bien !
M. Jean-Louis Carrère.
Très bien ! Il faut continuer !
M. Daniel Eckenspieller.
Outre le fait que cela ne semble pas conforme à la répartition des compétences
respectives de l'Etat et des collectivités locales, cette situation conduira
inévitablement à d'importantes inégalités territoriales, alors qu'il appartient
précisément à l'école de donner les mêmes chances à tous.
Le chantier que vous avez devant vous, monsieur le ministre, est considérable,
et ses enjeux sont vitaux pour la nation. Les moyens ne vous ont pas été
comptés. Il ne serait pas admissible que le dogmatisme, la démagogie et la
prééminence du verbe sur l'action empêchent de mener avec courage et réalisme
la véritable révolution dont notre système éducatif a tant besoin.
(Très
bien et applaudissements sur les travées du RPR, de l'Union centriste et des
Républicains et Indépendants.)
M. le président.
La parole est à M. Martin.
M. Pierre Martin.
Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, comme
l'année dernière et les années précédentes, le budget scolaire est en
augmentation. Cette augmentation pour satisfaisante qu'elle soit, attirant les
félicitations des uns et des autres, est-elle la seule voie pour améliorer le
fonctionnement de l'éducation nationale ? J'aurai tendance à répondre non !
M. Paul Blanc.
Eh oui !
M. Pierre Martin.
A l'occasion du centenaire du corps de contrôle des assurances, M. le ministre
de l'économie et des finances ne disait-il pas que la France avait besoin de
faire des progrès par rapport à « la culture du toujours plus de dépenses ». Ce
dernier, dans son souci de réformer l'Etat, précisait que notre pays avait
besoin d'accomplir des progrès indispensables vers le toujours plus, mais le
toujours plus d'efficacité !
Pour ces dépenses, la solidarité est indispensable mais, pour être durable, la
charge ne doit pas être reportée sur les générations futures, ce serait une
solution de facilité.
Je ne serai pas de ceux, comme vous l'avez mentionné, monsieur le ministre, à
l'Assemblée nationale, qui trouvent que l'éducation nationale regorge de moyens
et de crédits jusqu'à frôler l'apoplexie. Je ne serai pas non plus de ceux qui
affirment qu'elle en manque toujours.
L'homme de terrain que j'ai été dans l'enseignement scolaire et mes attaches
au monde rural m'ont donné, du moins je l'espère, un certain sens de la mesure.
J'ai appris par expérience qu'il fallait toujours essayer de faire mieux à
partir de ce que l'on avait, avec, parfois, un peu d'imagination.
M. Jean-Louis Carrère.
Il n'est pas normal qu'il soit chiraquien !
(Sourires.)
M. Pierre Martin.
Disposant de plus, si l'opportunité se présentait, on ne pouvait, compte tenu
des bonnes habitudes acquises, que faire encore mieux.
Est-il réaliste d'affirmer, comme ceux qui se contentent de raisonner d'une
façon simpliste concernant l'éducation nationale, que « baisse d'effectifs
égale baisse de moyens » ou « augmentation des problèmes dans l'enseignement
scolaire, donc augmentation des crédits » ? L'objectivité doit toujours nous
conduire à réfléchir pour dégager une solution ménageant un équilibre entre le
quantitatif et le qualitatif et des solutions adaptées.
Il est patent que des problèmes existent dans nos écoles. Ils se multiplient
même. Qu'attendez-vous, monsieur le ministre, pour lancer une véritable, une
vraie réforme de l'éducation national que beaucoup attendent, une réforme
qualitative.
Cette institution, cette vieille dame pleine de noblesse, notre école
républicaine, lorsqu'elle offre à nos enfants la possibilité d'apprendre à
apprendre, d'apprendre à lire, à compter, à écrire, d'apprendre à connaître,
d'apprendre à savoir jouer un rôle dans notre société, elle remplit sa
mission.
M. Jean-Luc Mélenchon,
ministre délégué.
C'est ce qu'elle fait !
M. Pierre Martin.
A travers les propositions et les solutions que vous avez retenues,
pensez-vous que vous accordez à l'éducation nationale les moyens d'assurer sa
vocation ?
M. Jean-Louis Carrère.
Oui !
(Sourires.)
M. Pierre Martin.
Vous vous félicitez de quelque 12 838 emplois supplémentaires pour créer,
notamment, des emplois de stagiaires, pour résorber la précarité de l'emploi
dans le second degré. Les manques ont-ils vraiment bien été ciblés, quand on
sait qu'un enseignant sur trois n'enseigne pas ?
Que penser des titulaires remplaçant en sureffectif dans les lycées...
M. Jean-Louis Carrère.
C'était sous Bayrou !
M. Pierre Martin.
... - dix-sept professeurs dans un lycée de mille deux cents élèves,...
M. Paul Blanc.
C'est vrai !
M. Pierre Martin.
... cinquante dans un lycée de deux mille à trois mille élèves - qui n'ont
aucune obligation pédagogique, qui attendent, disent-ils, tranquillement chez
eux qu'on les appelle et qui, avec le temps, créent une certaine démotivation
chez les titulaires, en trouvant bien sûr à s'occuper par ailleurs ? Plutôt que
l'Etat gérant, ne vaudrait-il pas mieux, monsieur le ministre, parler de l'Etat
garant du service public ?
Ces 332 milliards de francs de crédits que vous nous demandez de voter
aujourd'hui nous font immanquablement penser aux remarques formulées dans le
rapport de la commission d'enquête présidée par M. Adrien Gouteyron et dont le
titre était
Mieux gérer, mieux éduquer, mieux réussir. Redonner sens à
l'autorisation budgétaire.
M. Jean-Louis Carrère.
Il aurait pu les faire à l'inspection générale !
M. Pierre Martin.
Cette politique inflationniste ne précise aucunement les contreparties qui
pourraient être demandées aux enseignants et ne fixe aucun cap précis pour
réformer l'éducation nationale. S'évertuer à décrocher des moyens nouveaux
devrait entraîner une réflexion sur une nouvelle politique éducative. Je ne la
décèle pas trop. Aussi faut-il espérer que l'objectif poursuivi n'est pas à
usage uniquement électoraliste.
Le nombre des enseignants a augmenté de 40 % ces vingt dernières années, alors
que les effectifs d'élèves, eux, n'ont progressé que de 17 %, laissant supposer
une évolution vers une politique plus qualitative.
M. Jean-Louis Carrère.
C'est vrai !
M. Pierre Martin.
Les résultats montrent que ce n'est pas le cas. La démonstration est donc
faite que des moyens supplémentaires n'ont pas toujours les effets attendus sur
l'échec scolaire. Créer des postes, augmenter les crédits, c'est bien ! Savoir
à quoi cela servira, c'est mieux !
N'oublions pas également que ces crédits importants sont abondés par des
participations considérables des collectivités locales sans qu'il y ait un
véritable partenariat entre ces dernières et l'Etat, sur la façon d'aborder les
problèmes de l'éducation nationale. De nouvelles relations pourraient exister
grâce à une poursuite de la décentralisation.
La réussite scolaire est peut-être à ce prix, mais elle est avant tout
l'affaire de tous - parents, professeurs, élus et bénévoles - qui doivent être
en droit d'émettre leur avis sur tous les sujets sans exclusive.
Incontestablement, elle est fonction des ressources humaines de l'éducation
nationale.
M. Jean-Luc Mélenchon,
ministre délégué.
Il faudrait savoir !
M. Pierre Martin.
Monsieur le ministre, qu'en est-il de ces emplois-jeunes, aides-éducateurs
dont on n'a toujours pas défini les horaires exacts ni mis sur pied et réalisé
la formation réglementaire promise ? Plus inquiétant, les années passent, les
questions surgissent et l'on s'interroge sur leur avenir en créant des
observatoires académiques.
Devant le manque d'enseignants volontaires pour assumer les postes de
direction, là aussi, monsieur le ministre, des questions se posent. Dans
l'équipe pédagogique, l'esprit de groupe indispensable existe-t-il encore ?
Supporte-t-on la présence d'un capitaine, le directeur ? Les enseignants
ont-ils la volonté d'être des exemples, des interprètes, des acteurs qui
méritent d'être imités ? La formation en IUFM prépare-t-elle à cela ? J'en
doute !
M. René-Pierre Signé.
Ils apprécieront !
M. Pierre Martin.
Offrir aux enseignants le plaisir d'enseigner, le plaisir d'exercer certes une
profession difficile mais un beau métier, c'est peut-être aussi, au-delà d'une
reconnaissance certaine, leur donner le plaisir de voir leurs élèves réussir
aux examens, pour autant qu'ils existent encore. Mais c'est certainement
contribuer à la réussite scolaire des enfants, car un maître épanoui est une
assurance et bien souvent une garantie pour l'épanouissement de ses élèves, nos
enfants. Soyons toujours à la recherche de cette assurance qui, elle, sera une
garantie pour éviter d'« apprendre à ignorer ».
(Bravo ! et applaudissements
sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
10
NOMINATION DE MEMBRES
D'UNE COMMISSION MIXTE PARITAIRE
M. le président.
M. le président a reçu de M. le Premier ministre la lettre suivante :
« Monsieur le président,
« Conformément à l'article 45, alinéa 2, de la Constitution, j'ai l'honneur de
vous faire connaître que j'ai décidé de provoquer la réunion d'une commission
mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en
discussion du projet de loi portant habilitation du Gouvernement à transposer,
par ordonnances, des directives communautaires et à mettre en oeuvre certaines
dispositions du droit communautaire.
« Je vous serais obligé de bien vouloir, en conséquence, inviter le Sénat à
désigner ses représentants au sein de cette commission.
« J'adresse ce jour à M. le président de l'Assemblée nationale une demande
tendant aux mêmes fins.
« Veuillez agréer, monsieur le président, l'assurance de ma haute
considération.
« Signé : lionel jospin. »
Je rappelle au Sénat que la liste des candidats établie par la commission des
lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et
d'administration générale a été affichée conformément à l'article 12 du
règlement.
Je n'ai reçu aucune proposition.
En conséquence, cette liste est ratifiée et je proclame représentants du Sénat
à cette commission mixte paritaire :
Titulaires : MM. Pierre Fauchon, Daniel Hoeffel, André Jourdain, Denis Badré,
Ladislas Poniatowski, Simon Sutour et Robert Bret ;
Suppléants : MM. Nicolas About, Robert Badinter, Mme Dinah Derycke, MM.
Patrice Gélard, Paul Girod, Lucien Lanier et Philippe Richert.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les
reprendrons à vingt-deux heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à vingt heures, est reprise à vingt-deux heures, sous la
présidence de M. Gérard Larcher.)
PRÉSIDENCE DE M. GÉRARD LARCHER
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
11
LOI DE FINANCES POUR 2001
Suite de la discussion d'un projet de loi
M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi de finances pour 2001.
Education nationale
(suite)
I. - ENSEIGNEMENT SCOLAIRE
(suite)
M. le président.
Dans la suite de l'examen des dispositions du projet de loi de finances
concernant l'enseignement scolaire, la parole est à M. Lassourd.
M. Patrick Lassourd.
Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, comme
chaque année, le bilan de l'enseignement scolaire révèle la même réalité
navrante : l'illettrisme gagne du terrain ; 20 % des élèves de sixième ne
maîtrisent pas la lecture, contre 15 % en 1997 ; 38 % des élèves de sixième ne
maîtrisent pas le calcul, contre 33 % en 1997.
Alors que tout se joue à l'école primaire, force est de constater qu'à
l'entrée du collège un élève sur quatre ne maîtrise pas les compétences de base
de la lecture. Cette non-maîtrise des savoirs fondamentaux conditionne l'avenir
de l'élève et son insertion future dans le monde du travail.
Résultat : un conscrit sur dix ne sait toujours pas lire, et 30 % des 18-35
ans ne peuvent comprendre le sens d'un article de journal portant sur un sujet
simple.
Cet illettrisme latent semble paradoxal, au regard des crédits budgétaires en
constante augmentation. Le problème de fond ne tient donc pas tant au manque de
crédits qu'à leur mauvaise gestion et affectation !
Car, à ce constat qualitatif, la réponse gouvernementale est, une fois encore,
quantitative. On observe en effet une véritable « dérive comptable », avec 332
milliards de francs de crédits, alors que cette augmentation quantitative des
moyens n'a pas eu d'effet sur la qualité de l'enseignement et sur la formation
des élèves. C'est la traditionnelle logique quantitative qui, sous la pression
des tout-puissants syndicats, prévaut rue de Grenelle.
Tout se passe, monsieur le ministre, comme si, malgré l'identification
qualitative des problèmes, l'Etat s'enferrait dans une réponse en termes
d'effectifs, réponse qui a pourtant largement fait la preuve de son
inadaptation.
On ne peut que dénoncer et déplorer cette inadéquation manifeste entre les
choix éducatifs arrêtés par le Gouvernement et la réalité.
L'excellent rapport d'avril 1999 de la commission d'enquête dirigée par notre
collègue Adrien Gouteyron et consacrée au personnel de l'éducation nationale
l'atteste. On y découvre un incroyable gaspillage de moyens humains et
financiers, et l'impuissance des gouvernements, soumis aux pressions
syndicales, à résoudre les dysfonctionnements. Ces derniers ne manquent pas.
Il y a, d'abord, les enseignants qui ne sont pas affectés à des fonctions
d'enseignement. Combien sont-ils ? Dix mille, quinze mille,...
M. Patrick Lassourd.
... vingt mille ?
M. Jean-Louis Carrère.
Un million !
M. Patrick Lassourd.
Je dénonce également les dérives constatées dans la gestion des heures
supplémentaires, manifestement excessives, devenues un outil habituel
d'ajustement fort coûteux.
Les « décharges syndicales » ne sont-elles pas, elles aussi, excessives ?
Par ailleurs, on ne peut que s'indigner des mises à disposition arbitraires,
qui n'ont qu'un lointain rapport avec l'éducation nationale.
Enfin, je souhaite évoquer le développement des emplois précaires, comme les
aides-éducateurs, issus des emplois-jeunes créés à l'automne 1997. Ces
personnels non-titulaires connaissent une augmentation d'effectifs inquiétante
- ils sont aujourd'hui 70 000 - pour un coût budgétaire de 7 milliards de
francs. C'est pratiquer, veuillez m'excuser le barbarisme, de l'« occupationnel
».
J'y vois, en outre, une véritable supercherie, qui consiste à faire croire à
ces jeunes qu'on leur offre une formation, un débouché, un avenir, quand le
Gouvernement cherche avant tout à réduire artificiellement les chiffres du
chômage et à présenter un bilan flatteur de la lutte pour l'emploi.
Il n'existe aucun bilan pour apprécier la contribution de ces jeunes. Un sur
deux n'a reçu aucune formation à faire valoir auprès d'un employeur. Les rares
formations consistent en des prises de contact sans lendemain. Leurs fonctions
restent limitées - aide à l'enseignement, à la documentation, tâches de
surveillance des intercours, etc. - et peu qualifiantes, lorsqu'on sait que «
l'animation » de clubs ou de foyers occupe la moitié d'entre eux ! Leur
formation continue, tardive et insuffisante, ne les arme ni pour l'accès aux
concours des métiers de l'enseignement, ni pour d'autres débouchés au sein de
l'administration, où d'autres jeunes plus compétents auront, suivant la loi de
la concurrence, davantage leur chance.
Une étude a par ailleurs révélé que leurs maigres qualifications seraient
difficilement réutilisables dans le secteur privé marchand.
M. Jean-Louis Carrère.
C'est de la mauvaise graine !
M. Patrick Lassourd.
Pas du tout !
Au regard de ce bilan navrant, on comprend que l'éducation nationale ne
prépare pas ces jeunes à exercer de vrais métiers !
M. René-Pierre Signé.
Oh ! là ! là !
M. Patrick Lassourd.
Le recours excessif à cette « variable d'ajustement » n'est donc favorable ni
aux enfants, car inutile, ni à ces jeunes, car illusoire. On le voit,
l'objectif n'est pas pédagogique mais démagogique.
M. Jean-Louis Carrère.
C'est un expert qui vous parle !
M. Patrick Lassourd.
Quel avenir pouvez-vous donc offrir à ces jeunes, hormis des débouchés
incertains au terme de cinq ans ! C'est à juste titre que le rapporteur de la
commission des finances évoque à leur sujet un véritable « gâchis social ».
M. René-Pierre Signé.
Arrêtez !
M. Patrick Lassourd.
Pour vous montrer quelle est un peu l'ambiance, j'ai envie de vous raconter
comment les choses se passent.
Dans mon canton rural, en Ille-et-Vilaine, à cinquante kilomètres de Rennes,
le choix des professeurs et des instituteurs qui viennent dans ma commune
s'opère par défaut. Pourquoi ?
M. Jean-Louis Carrère.
C'est peut-être à cause du maire !
M. Patrick Lassourd.
Parce qu'il s'agit d'une commune rurale de 4 500 habitants, hélas ! éloignée
de Rennes, capitale des loisirs de ces enseignants. Résultat : nous n'avons que
de très jeunes enseignants inexpérimentés...
M. René-Pierre Signé.
Oh ! là ! là !
M. Patrick Lassourd.
... qui n'habitent jamais dans la commune, qui ne participent jamais à la vie
de la cité, même pas à la fête annuelle organisée par le comité des fêtes des
écoles publiques !
M. René-Pierre Signé.
Ça ne doit pas être drôle de vivre chez vous !
M. Patrick Lassourd.
Bref, nous « récoltons » une grande majorité d'enseignants qui n'ont de cesse
de présenter des souhaits de mutation, et qui ignorent la ville dans laquelle
ils exercent, voire qui ignorent les parents d'élèves.
M. René-Pierre Signé.
Oh ! là ! là !
M. Patrick Lassourd.
Oh ! Vous pouvez rire ! C'est malheureusement la triste réalité !
M. Jean-Louis Carrère.
On ne rit pas !
M. Patrick Lassourd.
Monsieur le ministre, puisque je crois savoir que vous venez à Rennes la
semaine prochaine, je vous invite à venir dans ma commune. Vous verrez quelle
est la situation. Je suis persuadé que vous aurez des surprises.
Nous sommes loin de l'instituteur qui était une référence dans nos communes
!
Dans ces conditions, lorsque l'on sait combien l'accès aux études supérieures
est de plus en plus difficile pour les enfants issus de familles à revenus
modestes, qui plus est originaires de secteurs géographiques défavorisés sur le
plan culturel, comme les sont les territoires ruraux et les territoires urbains
sensibles, on mesure à quel point le système français de l'éducation nationale
peut être un système de ségrégation...
M. René-Pierre Signé.
Oh !
M. Patrick Lassourd.
... qui n'offre pas aux enfants des familles les plus défavorisées les mêmes
chances qu'aux autres !
M. René-Pierre Signé.
N'importe quoi !
M. Patrick Lassourd.
Le fameux principe de l'égalité des citoyens devant les droits fondamentaux
est mis en défaut lorsqu'il s'agit de l'éducation nationale.
Et tout cela, pourquoi ? Parce que, messieurs les ministres, le bien de
l'enfant est passé au second plan, derrière les intérêts, de nature
corporatiste, du personnel de l'éducation nationale.
M. René-Pierre Signé.
Arrêtez !
M. Patrick Lassourd.
Alors, vous voulez, comme vos prédécesseurs, réagir.
Vous allez créer un haut conseil pour l'évaluation. Le 15 novembre dernier,
vous avez déclaré que ce haut conseil avait pour mission « non pas d'évaluer
l'école », mais, je cite, « d'évaluer les évaluations » ! C'est ubuesque ! S'il
ne s'agissait pas de l'avenir de nos enfants, j'en rirais, à cet instant, à
gorge déployée !
M. Jean-Louis Carrère.
Ça ne doit pas vous arriver souvent !
M. Patrick Lassourd.
Pour conclure, je dirai que ce budget souligne tous les paradoxes qui
conduisent tant de nos enfants à l'échec scolaire.
Les effectifs des enseignants augmentent, alors que toutes les formules
d'absentéisme « légalisé » progressent : détachements, disponibilités, congés
divers, etc.
M. Jean-Louis Carrère.
Et même les grossesses ! Car, en plus, elles ont toutes des enfants !
M. Patrick Lassourd.
Alors que les crédits de l'enseignement scolaire ont progressé de 49 % de 1990
à 1999, le ratio personnel/élèves n'aura, lui, progressé que de 10 %, ce qui
révèle une stagnation étonnante du taux d'encadrement. On en est toujours, en
1999, à 25,5 élèves par enseignant en préélémentaire et 22,3 en élémentaire,
contre respectivement 27,1 et 22,6 en 1994.
Le redoublement est en baisse, mais l'illettrisme gagne toujours du terrain
!
La multiplicité des objectifs en primaire - initiation aux nouvelles
technologies, éveil artistique et culturel, etc. - c'est très bien, c'est très
utile, mais on ne recentre pas l'école sur les savoirs fondamentaux que sont la
lecture, l'écriture et le calcul.
M. Alain Joyandet.
Vous avez raison !
M. Patrick Lassourd.
La baisse des crédits de formation des personnels enseignants révèle que
l'éducation nationale dépense beaucoup moins que les grandes entreprises pour
la formation de son personnel. Ce n'est pas cohérent avec l'augmentation du
nombre des postes et prouve que le contenu de ces derniers est moins important,
aux yeux du Gouvernement, que leur nombre !
Monsieur le ministre, au regard de tous ces paradoxes, n'est-il pas temps de
recentrer le système scolaire sur le bien et la réussite de l'enfant, n'est-il
pas urgent de responsabiliser les enseignants et de proposer non pas une
réforme, mais une véritable révolution refondatrice ?
(Applaudissements sur
les travées du RPR, de l'Union centriste et des Républicains et
Indépendants.)
M. le président.
La parole est à M. le ministre délégué.
M. Jean-Luc Mélenchon,
ministre délégué à l'enseignement professionnel.
Monsieur le président,
mesdames, messieurs les sénateurs, le fait d'être de retour à cette tribune
autant que les derniers propos que j'ai entendus auraient tendance à m'inspirer
la houle, que vous connaissez bien, des contre-arguments.
M. Ivan Renar.
Cela rajeunit !
M. Jean-Luc Mélenchon,
ministre délégué.
Mais, en cet instant, tout pousse à la concision :
l'horaire, bien sûr, le respect du temps prévu pour mon intervention, mais
surtout, je dois vous le dire, l'avis si rare rendu à l'unanimité par la
commission des affaires culturelles en faveur de l'adoption des crédits de
l'enseignement technique.
Je n'abuserai pas de cette unanimité ; je la salue parce que je l'apprécie à
sa juste valeur.
La commission des affaires culturelles et son président, Adrien Gouteyron, se
sont assurés du contenu des mesures prises en organisant une séance spéciale
d'audition du ministre. Mme le rapporteur pour avis s'est enquise quasiment
depuis mes premiers pas dans ce ministère de ce qui se faisait. J'ai donc la
faiblesse de penser que cet avis n'a pas été rendu par surprise. Je n'en
abuserai pas.
Je m'en tiendrai au ton qui a été celui aussi bien du président que des
rapporteurs s'exprimant sur cet enseignement professionnel. J'apprécie les mots
qu'ils ont eus pour les enseignants de France qui ont fait leur travail, leur
résistance à la lamentable mode, si typiquement française, de
l'autoflagellation et de l'autodénigrement, si largement répandue et si
abondamment utilisée ce soir, hélas ! Eux n'ont pas eu cette attitude, et j'en
suis heureux.
Sans faire d'autre démonstration, je m'en tiendrai à souligner que la cohorte
d'analphabètes, d'incapables et d'absentéistes qui vient d'être décrite a
réussi à faire de notre patrie la quatrième puissance économique mondiale, le
deuxième pays exportateur par habitant et le détenteur du meilleur rapport
entre la durée des études et les gains de productivité, qui sont les plus
importants au monde. Compte tenu de la concision dont je dois faire preuve, je
me bornerai à affirmer que cet argument est sans réplique, parce que c'est
celui des faits : notre enseignement professionnel est l'un des meilleurs du
monde, si ce n'est le meilleur.
M. Patrick Lassourd.
C'est de l'autosatisfaction !
M. Jean-Luc Mélenchon,
ministre délégué.
Je n'en veux pour preuve que l'intérêt qu'il suscite
partout dans le monde et les missions d'expertise et de conseil que de nobles
peuples, des peuples extrêmement avancés, nous demandent d'effectuer chez eux.
Notre réussite est le meilleur des contre-arguments.
Je me contenterai donc de répondre à quelques questions extrêmement précises
qui m'ont été posées.
Je regrouperai celles qui concernaient la part qui reviendra à mon département
ministériel dans les noyens nouveaux considérables inscrits au projet de budget
pour l'enseignement secondaire - à ce propos, j'indique en particulier que
l'enseignement professionnel bénéficiera de 37 % de l'ensemble des créations de
postes d'enseignant prévues dans le secondaire - et celles qui sont incluses
dans le plan pluriannuel que M. Jack Lang a présenté et que l'opinion, ainsi
que les différents partenaires de l'éducation nationale, ont bien voulu
saluer.
La répartition des moyens nouveaux s'opérera selon des critères objectifs,
c'est-à-dire que les mêmes critères s'appliqueront aux différentes voies
d'enseignement. On tiendra compte par exemple, s'agissant des effectifs des
personnels administratifs, techniciens, ouvriers et de services, les ATOS, du
nombre de mètres carrés de locaux, des constructions nouvelles et des besoins.
A cet égard, madame Luc, votre appréciation est proche de la vérité vers
laquelle nous nous dirigeons, puisque si les arbitrages ne sont pas
définitivement arrêtés, la proportion des postes créés affectés à
l'enseignement professionnel sera en effet de l'ordre du quart. De même, pour
ce qui concerne le nombre des postes, point qui soulève de légitimes
interrogations, le principe de transparence s'appliquera et, le cas échéant, si
la commission des affaires culturelles du Sénat le demande, je prends ici
l'engagement que je viendrai en rendre compte.
Par ailleurs, j'ai été interrogé sur les raisons de l'hémorragie des
effectifs. Il s'agit en effet d'une situation absurde : la croissance reprend,
nous manquons de main-d'oeuvre qualifiée et, parallèlement, nous constatons
que, pour les trois quarts, la baisse démographique affecte l'enseignement
professionnel. C'est intolérable et inadmissible compte tenu de l'effort que
fait le pays au plan des investissements et des besoins qui existent. M. Jack
Lang et moi-même travaillons en étroite concertation sur ce problème. Certaines
causes tiennent à des effets de système, et nous en avons longuement débattu,
mais je reconnais qu'un effort doit être fait, comme l'ont demandé de nombreux
intervenants pour partir, dans notre réflexion, du point de vue qui est celui
des familles et de leurs préoccupations s'agissant de l'avenir de leurs
enfants.
Quoi qu'il en soit, nous sommes déterminés, comme l'a indiqué M. Jack Lang, à
faire en sorte que quiconque confie son enfant à l'enseignement professionnel
soit assuré que celui-ci, en fonction de son talent et de son goût de l'effort,
pourra aller aussi loin que possible dans ses études. La « fluidité » sera donc
garantie par un système, qui n'est pas encore achevé, de passerelles, qui devra
fonctionner à tous les niveaux. Il faut surtout que chaque titulaire d'un BEP
soit assuré de pouvoir préparer le baccalauréat professionnel correspondant et
ait ensuite la possibilité d'accéder, notamment par la voie technologique, à
l'enseignement supérieur, la classe de terminale technologique pouvant servir
de passerelle.
La lisibilité du système doit également être garantie. En effet, cela a été
souligné à plusieurs reprises, nous comptons de nombreux enfants issus des
milieux populaires dans l'enseignement professionnel et nous savons que la «
culture » de l'ambition et du plan de carrière n'est pas la mieux partagée du
monde. L'illisibilité du système est un facteur de discrimination sociale, et
nous devons donc travailler à clarifier les parcours pour les familles et les
jeunes. Nous nous sommes attaqués à cette tâche en demandant le reclassement,
d'après la nomenclature des métiers, de l'ensemble des établissements, et vous
savez, mesdames, messieurs les sénateurs - nous en reparlerons plus en détail
en une autre occasion -, que nous projetons de constituer un « lycée des
métiers » qui regrouperait la voie technologique, la voie professionnelle, les
classes de STS, éventuellement la préparation à la licence professionnelle et
le centre de validation des acquis professionnels. Nous disposerions ainsi de
véritables pôles d'excellence, reconnus comme tels par ceux qui en seront
demain les utilisateurs et qui seraient une voie reconnue menant à la
réussite.
J'évoquerai enfin la crédibilité du système. Je crois qu'elle est assurée,
mais il faut sans relâche en faire la démonstration, réactualiser sans cesse
les diplômes. Nous y travaillons : trente-deux l'ont été l'année dernière, et
plus de quarante autres réactualisations sont prévues. J'ai convoqué pour cela
la conférence interprofessionnelle, qui regroupe l'ensemble des commissions
professionnelles consultatives, car ce n'est pas au Sénat que j'apprendrai,
nonobstant tous ceux qui vont répétant que l'école ne connaît pas l'entreprise,
qu'il n'existe pas un seul diplôme professionnel dans ce pays, je dis bien pas
un seul, dont le référentiel ne soit conçu par l'éducation nationale et les
professionnels, représentants patronaux et ouvriers confondus. Nous devons
travailler sans trêve à moderniser et à densifier les cursus, et nous nous y
employons.
La crédibilité de l'enseignement professionnel est aussi attestée, à mon sens,
par le nombre de branches patronales qui concluent des conventions avec
l'éducation nationale. Cela montre bien qu'elles ont confiance dans ce
magnifique outil que nous faisons fonctionner et qui a produit les résultats
que je viens d'indiquer. Or, ce qui compte, c'est précisément les résultats, et
tout indique que notre enseignement professionnel fonctionne plutôt bien.
Naturellement, nous nous donnons pour objectif d'enrayer la tendance à
l'hémorragie dans les délais les plus courts. A cet égard, je souhaiterais que
nous puissions inverser les flux dès la prochaine rentrée scolaire. Le problème
est réel, j'en conviens, mais il faut tout de même remettre les choses à leur
place : on dénombre 734 000 élèves dans l'enseignement professionnel ; cela
signifie, mesdames, messieurs les sénateurs, que la moitié de chaque classe
d'âge passe par cette filière, apprentissage et enseignement professionnel
confondus. Trop souvent nos compatriotes ne le savent pas, et je crains que
cette ignorance ne soit due à une espèce d'effet, que je qualifierai
d'idéologie, qui, parfois, conduit à nier la réalité sociale du pays. En effet,
rappelons que 60 % de la population active est composée d'employés et
d'ouvriers, qui font l'excellence et la réussite françaises.
Je n'abuserai pas davantage de cette tribune, même si, comme vous l'imaginez,
j'aurais beaucoup de choses à dire à l'honneur de cet ordre d'enseignement,
qu'il s'agisse du secondaire ou du supérieur.
Je voudrais cependant souligner qu'un argument ne doit plus être utilisé : en
effet, que les effectifs enseignés baissent et que l'encadrement se renforce
est une excellente chose.
M. René-Pierre Signé.
Bien sûr !
M. Patrick Lassourd.
Mais cela ne résout pas les problèmes !
M. Jean-Luc Mélenchon,
ministre délégué.
Les Français veulent creuser, notamment dans
l'enseignement professionnel, l'avantage comparatif dont nous disposons, parce
que nous nous dirigeons vers des sociétés de la connaissance,...
M. René-Pierre Signé.
Bravo !
M. Jean-Luc Mélenchon,
ministre délégué.
... parce que l'Europe, à Lisbonne et à Feira, a décidé
que les systèmes éducatifs participaient pleinement du modèle de développement
original européen.
M. Patrick Lassourd.
Bref, cela va très bien !
M. Jean-Luc Mélenchon,
ministre délégué.
Nous avons l'un des meilleurs systèmes d'enseignement,
nous voulons l'améliorer et nous voulons que la main-d'oeuvre française se
maintienne toujours au plus haut niveau, soit éduquée, formée et qualifiée pour
rester la première au monde, comme on constate qu'elle l'est aujourd'hui dans
tant de domaines, si l'on veut bien cesser quelques instants de se battre les
flancs.
Il faut bien sûr prendre conscience des problèmes, mais il ne faut pas en
rester à cette mortification permanente qui nie l'effort que ce peuple a fourni
pour se hisser à ce niveau. Nous, les Français, nous défendons, dans notre pays
et en Europe, un modèle qui, nonobstant toutes les difficultés qu'il a pu
rencontrer, la dérision à laquelle il a pu se heurter, s'avère aujourd'hui être
celui qui réussit sur le long terme. C'est le modèle de la professionnalisation
durable ; l'adaptabilité, l'employabilité - tous ces mots qui ont servi si
souvent à colporter une idéologie hostile à l'école - sont aujourd'hui, nous
pouvons le dire, réellement garanties, avec, en droit, une sécurité
individuelle pour chaque travailleur devant la mutation technologique. Cela a
été rendu possible grâce à un système éducatif global qui n'existe que dans
notre pays et qui comprend la formation initiale, la formation continue et la
validation des acquis professionnels, en sorte que nous disposons d'un modèle
de formation tout au long de la vie. Nous pouvons tous en être fiers : il
permet des performances, je l'ai dit tout à l'heure, et, surtout, il est une
source d'exemples. J'apprécie donc tout particulièrement, sans masquer le fait
que, bien sûr, les problèmes demeurent - ils sont nombreux, et on ne peut
prétendre les régler au travers d'un budget - et que nous continuons à
l'évidence à avoir des divergences d'appréciation sur la manière de les
traiter, que la commission ait voulu marquer que nous méritions d'être
encouragés à poursuivre dans la voie que nous avons choisie.
(Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe
communiste, républicain et citoyen, ainsi que sur certaines travées du
RDSE.)
M. Patrick Lassourd.
Bref, tout va bien !
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Jack Lang,
ministre de l'éducation nationale.
Monsieur le président, mesdames,
messieurs les sénateurs, mon ami et collègue Jean-Luc Mélenchon vient de dire
excellemment, à propos de l'enseignement professionnel, ce que l'ensemble du
Gouvernement, et moi-même en particulier, pense de l'éducation en général. Je
ne reprendrai pas chacune de ses paroles, que j'aurais aimé pouvoir prononcer
devant vous. Il s'est exprimé avec force, avec coeur, avec intelligence et
précision.
Nous avons eu, avec la commission des affaires culturelles et la commission
des finances du Sénat, de larges échanges de vues. L'heure ne me permet pas de
revenir sur chacun des points que nous avons alors analysés et étudiés, sans
que je parvienne toujours à convaincre, mais cela, c'est la règle du jeu !
Si un ou deux orateurs ont employé un ton qui a tranché avec l'atmosphère
générale de cette journée, je voudrais remercier tous les autres intervenants,
en particulier les rapporteurs, d'avoir, avec sagesse, calme et sérénité,
exprimé leurs sentiments, leurs réserves, leurs interrogations. Notre éducation
nationale mérite ce climat, et non pas les analyses caricaturales dans
lesquelles certains peuvent se complaire. J'ai cru comprendre que cette volonté
de compréhension et de sagesse l'a emporté aujourd'hui, dans cette enceinte,
sur d'autres préoccupations plus partisanes.
Toute une série de questions ont été abordées. Je ne puis malheureusement pas
les reprendre dans le détail.
La question des aides-éducateurs a été notamment évoquée par MM. Lachenaud,
Bernadaux, Lagauche, Signé, Darcos, Martin et Lassourd. Je persiste à penser
que cette idée de mon prédécesseur est excellente. Elle a en effet permis
d'enrichir l'éducation nationale et d'apporter aux maîtres, aux chefs
d'établissement et aux directeurs d'école une assistance intellectuelle,
technique et pédagogique si précieuse que nombre d'entre eux auraient bien des
difficultés à s'en passer aujourd'hui. Je crois que, dans l'avenir, nous
devrons essayer de maintenir au moins certaines de ces fonctions. Cette
question n'est pas tranchée, le Gouvernement y reviendra dans les prochains
mois et j'aurai sans doute moi-même l'occasion de vous en reparler.
Certains, parmi ces personnels, s'apprêtent à prendre d'autres orientations,
que ce soit dans des administrations - tel est l'objet de la convention que
j'avais signée avec M. Chevènement pour la police - ou dans le secteur privé.
Ainsi, M. Mélenchon et moi-même signerons dans quelques jours avec de grandes
entreprises, par exemple la SNCF, le groupe Schneider ou le groupe
Suez-Lyonnaise des Eaux, une série de conventions qui se traduiront par
l'engagement d'embauche de 30 000 jeunes, ces conventions venant prendre la
suite de celles que nous avions conclues dans le passé avec le groupe Accor,
Air France ou d'autres grandes entreprises.
La question de la formation de ces aides-éducateurs a été posée. Toute une
série de dispositions ont été prises, depuis huit mois, pour que nous soyons en
mesure d'assurer à chacun de ces jeunes un parcours individualisé qui les
prépare soit à s'orienter vers l'administration ou vers la vie associative,
soit à choisir, comme c'est le cas au travers de ces conventions, les
entreprises privées. M. Mélenchon et moi-même sommes très attentifs à l'avenir
individuel et collectif de ces jeunes.
Les directeurs d'école et les chefs d'établissement ont fait l'objet de
questions assez distinctes qui ont été posées par MM. Grignon, Lorrain, Signé,
Carrère, Bernadaux, Eckenspieller, Darcos, Martin et Delfau.
S'agissant des chefs d'établissement, là encore, j'ai envie de tordre le cou à
certains canards qui sont si aisément propagés ici ou là, que j'ai moi-même
failli croire qu'ils étaient vrais, tant on les répète à l'envi sans jamais, à
aucun moment, vérifier leur authenticité. Il en est ainsi de toute une série
d'affirmations que j'ai entendues proférer tout au long de l'après-midi, et par
certain encore voilà quelques instants... Si je devais rectifier chacune des
erreurs qui ont été énoncées, cela me demanderait beaucoup de temps !
Je l'affirme, tous les postes de chefs d'établissement des collèges et des
lycées sont pourvus. Certes, des postes d'adjoint ne le sont pas encore, mais
pour des raisons qui tiennent, notamment, à l'existence d'un vivier encore
insuffisant ou à certaines carrières qui ne sont pas assez normalement
assurées.
Mais, s'agissant des chefs d'établissement - proviseurs et principaux -
interrogez-les, mesdames, messieurs les sénateurs, ils sont très heureux des
accords que nous avons conclus voilà quelques semaines, qui reconnaissent
pleinement leur fonction, leur statut moral et qui leur permettent
d'entreprendre une carrière reconnue, je crois, comme bonne et heureuse, même
si leur rôle n'est pas toujours facile, nous le savons, certains ayant à
assumer des tâches parfois délicates. Mais ils le font toujours avec beaucoup
d'énergie, d'enthousiasme et d'esprit de responsabilité.
Quant aux directeurs d'école, il s'agit d'une tout autre situation. Il existe
près de 60 000 écoles en France. Les situations sont très inégales, très
différentes. Une école rurale, je ne vous l'apprendrai pas, n'est pas une école
urbaine. Une école à quatre classes n'est pas une école à douze classes.
C'est un sujet sur lequel notre administration travaille très sérieusement, là
encore dans un esprit de responsabilité. Des pistes ont été explorées. Dans le
passé, les mesures prises n'ont pas toujours été cohérentes, je dois le
reconnaître et, aujourd'hui, nous voulons, pour la première fois, introduire un
peu de cohérence en cette matière. Des négociations ont été ouvertes avec les
organisations concernées. J'espère que le bon sens et la sagesse l'emporteront
pour trouver une solution progressive et satisfaisante pour les directeurs
d'écoles.
La question de la formation des maîtres a été posée par Mme Luc, MM. Grignon
et Jean-Louis Lorrain. Il n'est pas question, comme l'ont dit certains,
d'abandonner ce chantier. Ce serait criminel au moment même où nous allons,
dans les dix ans qui viennent, recruter des dizaines de milliers de
professeurs. Nous avons le devoir de leur assurer la meilleure formation, je
veux dire une formation qui leur permette d'aider les jeunes à réussir et à
sortir des difficultés lorsqu'ils y sont confrontés.
Comme je l'ai dit, nous y travaillons sérieusement, et j'ai bien l'intention,
avec M. Mélenchon, d'élaborer une réforme importante. Naturellement, nous
prendrons le temps nécessaire à la concertation, à la confrontation des idées ;
si tel ou tel d'entre vous a de bonnes suggestions à nous faire, elles seront
les bienvenues. Je vous donne rendez-vous au trimestre prochain.
La question de la gratuité a été posée par Mme Luc. J'avais confié à M.
Bernard Toulemonde une mission de réflexion sur ce sujet. Nous devons
poursuivre l'investigation pour essayer, là encore, de trouver des solutions
harmonieuses et dans le cadre, naturellement, de nos possibilités
matérielles.
L'évaluation a fait l'objet de questions posées par MM. Carle, Darcos,
Jean-Louis Lorrain. Nous avons mis en place un Haut conseil de l'évaluation qui
permettra de façon transparente et indépendante, avec des experts originaires
de différentes sensibilités, y compris d'experts d'autres pays, de mieux
évaluer notre système d'enseignement de l'école à l'université. Je considère
que l'évaluation est vitale et nous avons un devoir absolu de réaliser à tous
les étages une évaluation transparente et contradictoire de notre système
d'éducation.
Les élèves qui entrent en sixième sans savoir lire et écrire est un problème
qui a été soulevé par MM. Pelletier, Martin, Vallet, Carle et Delfau. Oui, 10 %
ou 15 % des enfants sortant de l'école primaire - les chiffres sont discutés -
éprouvent des difficultés d'écriture ou de lecture.
Nous ne l'acceptons pas, nous ne voulons pas l'accepter ! C'est pourquoi nous
avons mis au point, au mois de juin dernier, toute une série de mesures à
l'application desquelles je veille personnellement en me rendant dans chaque
académie pour rencontrer les inspecteurs de l'éducation nationale et les
professeurs. J'ai bon espoir que nous allons réussir à gagner peu à peu cette
bataille dans le même temps où nous allons assurer un certain nombre d'autres
enseignements essentiels aujourd'hui tels que l'apprentissage d'une langue
vivante étrangère. Je réponds par là même à la question posée excellemment par
M. Legendre - la diversité linguistique - et par M. Pelletier.
Je ne veux pas faire de l'autosatisfaction qui de plus ne serait pas la
mienne. S'il y a autosatisfaction, elle est nationale, elle est collective.
C'est notre pays qui, de génération en génération, j'ose dire même de
gouvernement en gouvernement, a oeuvré pour que notre éducation nationale soit
en effet, comme l'a indiqué Jean-Luc Mélenchon, l'une des meilleures du monde,
à ce point que nous recevons sans cesse, sans toujours pouvoir y répondre, des
demandes d'assistance technique, d'expertise, de conseils provenant d'un grand
nombre de pays, y compris européens.
Ces chiffres peuvent être inversés. Si 10 % ou 15 % - et je veux faire refluer
ce pourcentage - des enfants entrant au collège ne sont pas au niveau, cela
signifie que 80 % ou 90 % le sont. Cessons donc d'exalter je ne sais quel âge
d'or qui situerait entre les deux guerres ou au début du siècle. A l'époque, où
un très grand nombre d'enfants étaient exclus, mis à l'écart.
Reportez-vous aux documents sur l'histoire du certificat d'études !
Croyez-vous réellement que tous les enfants de France allaient jusqu'au terme
de leur scolarité à l'école primaire et passaient leur certificat d'études ?
Non ! La moitié d'entre eux, avant même l'âge légal de la scolarité obligatoire
étaient envoyés à l'usine ou aux champs. Dieu merci ! les choses ont changé, le
monde s'est transformé.
De même, nous vous entendions dire, voilà encore sept ou huit ans, que 150 000
jeunes sortaient du système scolaire sans qualification. Ce chiffre a été
ramené à 50 000 - encore trop, c'est vrai. C'est pourquoi nous devons
continuer, persévérer. Même si les effectifs diminuent, nous devons assurer un
meilleur encadrement des enfants et une meilleure formation des maîtres.
Tels sont quelques-uns des points sur lesquels je voulais revenir.
Je ne veux pas engager de polémiques à propos des enseignants qui
n'enseigneraient pas. Il faut savoir de quoi l'on parle et être clair et
précis. Ne mettons pas dans le même panier - pardonnez-moi cette expression un
peu triviale - les enseignants qui sont détachés et qui ne coûtent aucun
centime au ministère de l'éducation nationale et les enseignants mis à
disposition, qui ne représentent que 2 000 personnes sur un total de plusieurs
centaines de milliers.
Cessons donc de fantasmer sur ces 2 000 fonctionnaires mis à disposition pour
exercer des activités d'intérêt général, alors qu'ils sont, je le répète, près
d'un million aujourd'hui à enseigner un peu partout, de l'enseignement primaire
à l'enseignement supérieur.
Au collège, vous le savez, nous préparons un certain nombre de
transformations. La question a été posée par MM. Delfau, Bernadaux,
Eckenspieller, et j'aurai l'occasion d'en reparler d'ici à quelques semaines.
C'est un sujet important, et nous avons le devoir, là encore, de procéder à des
transformations et d'avancer.
Déconcentration et décentralisation sont des sujets qui ont été évoqués à
plusieurs reprises, notamment par MM. Lachenaud, Martin et Lorrain ; peut-être
y reviendrons-nous à propos de l'enseignement supérieur dans quelques
instants.
La déconcentration, il faut en reconnaître le mérite à ce Gouvernement - ni à
M. Méchelon ni à moi-même, mais à M. Allègre, qui a pris cette décision
discutée, controversée, qui s'est heurtée à un certain nombre d'objections -,
entre dans les faits. Aujourd'hui, nous essayons d'en dresser le bilan pour
tenter d'améliorer encore les choses mais, d'ores et déjà, on ne s'est pas
contenté de paroles puisque la déconcentration a été réalisée.
Quant à la décentralisation, vous le savez, les lois de 1983 ont permis aux
collectivités locales de prendre toute une série d'initiatives, en particulier
- et dans quelques instants nous y reviendrons - en liaison avec l'Etat, pour
le développement universitaire.
Puisque la question du plan pluriannuel a à nouveau été posée - par MM.
Vallet, Grignon, Delfau et Carrère notamment -, je dirai que ce plan n'est pas
seulement un plan de moyens, un plan de création de postes. Bien sûr, c'est
aussi un plan de création de postes, mais est-il si mirifique ? Il est sage,
raisonnable, pour nous permettre d'accomplir un certain nombre de changements
au lycée, au collège, dans l'enseignement primaire.
Tout à l'heure, j'ai entendu certains d'entre vous, parfois les plus critiques
à l'égard de ce plan pluriannuel, énoncer telle proposition, se faire les
porte-parole de telle catégorie, suggérer telle réforme, et chaque fois je
calcule en moi-même : 5 000 postes, 10 000 postes, 20 000 postes... Est-ce que
chacun d'entre nous, lorsqu'il émet une protestation contre tel ou tel aspect
de notre fonctionnement de l'éducation nationale, en mesure les conséquences
quantitatives ?
Ce plan pluriannuel est beaucoup plus qu'un plan de création d'emplois. C'est
un plan qui exprime une volonté politique forte de soutenir, de moderniser, de
transformer notre service public de l'éducation nationale. Nous croyons en lui.
Nous sommes certains que, même s'il comporte des défauts, nous allons y porter
remède ; même s'il doit être rendu plus efficace, plus juste - et nous y
travaillons -, c'est un système dont nous devrions être fiers
collectivement.
Cette école, c'est la nôtre, c'est celle de notre pays, et je crois qu'il faut
se réjouir qu'un Gouvernement dise au pays que l'éducation nationale n'est pas
une question que l'on peut traiter au petit bonheur la chance, avec des budgets
en dents de scie, en accordéon - un jour on ampute, le lendemain on augmente ;
un jour on avance, le lendemain on recule. Non ! C'est un sujet qu'on saisit à
bras-le-corps. Dans les dix années qui viennent, nous voulons collectivement et
nationalement nous battre pour que ce service public soit transformé,
modernisé, pour que les professeurs qui seront recrutés soient mieux formés,
pour que les élèves puissent réussir et, en même temps, être en mesure de faire
fonctionner l'ensemble de notre société.
Ce que disait Jean-Luc Mélenchon est vrai : si notre pays est à ce point
créatif sur le plan industriel et économique, croit-on que la formation des
élèves n'y est pour rien, que l'intelligence de nos maîtres n'y est pour rien ?
Par quel miracle, par quelle étrange métamorphose ce pays serait-il si
prospère, si créatif, si, dans le même temps, il n'était pas l'un des pays qui
souhaite en effet donner à ses enfants l'une des meilleures formations qui soit
? L'objectif principal de ce plan pluriannuel est bien de travailler dans la
durée pour les prochaines années et de donner à notre éducation nationale les
moyens de son développement.
Je remercie ceux d'entre vous qui, par leur vote ou par leur participation
sereine à ce débat, apportent d'une certaine manière leur soutien à cette
volonté collective.
(Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que
sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. Adrien Gouteyron,
président de la commission des affaires culturelles.
Je demande la
parole.
M. le président.
La parole est à M. le président de la commission des affaires culturelles.
M. Adrien Gouteyron,
président de la commission des affaires culturelles.
Messieurs les
ministres, je vous ai sentis parfois quelque peu irrités par les critiques de
certains de nos collègues. N'y voyez aucune raison, elles témoignent de
l'attachement que tous nous portons à l'éducation nationale. Chacun y va avec
son tempérament, chacun dit les choses comme il les sent, mais, tous, nous
sommes profondément attachés à notre système éducatif, personne ne peut le
nier.
Vous avez bien voulu faire état des conditions dans lesquelles s'était
déroulée la discussion au sein de la commission des affaires culturelles.
M. Jean-Louis Carrère.
Elle s'est fort bien déroulée.
M. Adrien Gouteyron,
président de la commission des affaires culturelles.
Elle a montré la
volonté de faire en sorte que le système progresse encore.
(M. Lassourd
applaudit.)
Messieurs les ministres, vous avez dit que notre système éducatif ne méritait
pas d'être trop durement critiqué, qu'il fallait éviter de décourager les
enseignants et de faire ressortir que ce qui ne va pas. C'est vrai, mais,
inversement, il ne faut pas non plus se cacher les réalités et il en est un
certain nombre sur lesquelles je voudrais insister au terme de cette
discussion.
Monsieur le ministre délégué à l'enseignement professionnel, la réussite dont
vous avez parlé tout à l'heure, elle ne date pas d'hier, elle ne date pas
d'aujourd'hui, elle est en effet le fruit d'une longue histoire, et tout le
monde y a apporté sa pierre, c'est indiscutable.
Il n'en demeure pas moins, comme vous l'avez vous-même reconnu, monsieur le
ministre, que les trois quarts de la baisse des effectifs portent sur
l'enseignement professionnel. C'est un problème grave. C'est aussi un signe. Il
faudra y porter remède.
A cela s'ajoute le fait que, au sein même de l'enseignement professionnel, les
effectifs des classes de type tertiaire gonflent alors que ceux des classes de
type industriel ne croissent pas dans les mêmes proportions et que les
titulaires de baccalauréats professionnels qui continuent leurs études viennent
plus souvent des filières tertiaires que des filières industrielles.
Cela traduit un dysfonctionnement réel, et il appartient au Parlement de vous
inviter à y porter remède.
Ma deuxième remarque portera sur les recrutements massifs d'enseignants. Ils
sont inéluctables et je veux vous dire à mon tour qu'il est indispensable de
profiter de cette opportunité pour redéfinir un certain nombre de données.
Vous avez déclaré, monsieur le ministre, que vous alliez vous attaquer à la
réforme des IUFM. Tant mieux ! Mais il y a aussi un certain nombre d'autres
directions dans lesquelles sans doute il convient de s'engager.
On sait très bien que la définition strictement disciplinaire des services de
nos enseignants ne correspond plus à la réalité de tous les élèves que nous
accueillons. Peut-être serait-il bon de profiter de ces recrutements forcément
massifs pour, enfin, s'engager dans la voie qui est souhaitée par beaucoup.
Mais, pour s'engager dans cette voie, il faut du courage, y compris du courage
politique !
M. Jean-Louis Carrère.
Dans quelle voie ?
M. Adrien Gouteyron,
président de la commission des affaires culturelles.
Et nous souhaitons,
je vous le dis sincèrement, que vous ayez ce courage, dans l'intérêt de notre
éducation nationale.
M. Jean-Louis Carrère.
On en a parlé cet après-midi !
M. Adrien Gouteyron,
président de la commission des affaires culturelles.
Peut-on aussi
profiter de cette circonstance pour redéfinir les carrières,...
M. René-Pierre Signé.
Vous n'allez pas nous donner des leçons !
M. Adrien Gouteyron,
président de la commission des affaires culturelles.
... pour redéfinir
les critères selon lesquels elles se déroulent et les moyens de les évaluer.
Je souhaite que ces questions soient posées et que la réponse leur soit
apportée à l'occasion de ce plan de recrutement.
Ma troisième remarque a trait à la diversité des élèves. Je l'ai évoquée tout
à l'heure à propos des enseignants, de leur formation et de la définition de
leurs services. Vous comptez travailler sur le collège, monsieur le ministre.
Bravo ! Il faut évidemment le faire.
On n'a pas encore trouvé le moyen de conjuguer la nécessaire égalité, qui est
un objectif, et l'évidente diversité, qui est une réalité et une contrainte
forte. Il faudra bien que l'on trouve des moyens. J'espère que les réformes
envisagées le permettront.
Je terminerai mon exposé en commentant les résultats d'un sondage. Messieurs
les ministres, ce sondage, il vaut les autres et je crois qu'il a été réalisé
dans des conditions sérieuses.
M. Jean-Louis Carrère.
Par la mairie de Paris ?
M. Adrien Gouteyron,
président de la commission des affaires culturelles.
Il fait ressortir
une réalité qui mérite que l'on s'interroge. Quand on questionne les Français
sur la confiance qu'ils font aux enseignants, 77 % répondent oui. Mais quand on
les interroge sur la confiance qu'ils font à l'organisation et au système
scolaires, ils ne sont plus que 13 % à répondre par l'affirmative.
M. Jean-Louis Carrère.
Alors cessez de dénigrer les enseignants !
M. Adrien Gouteyron,
président de la commission des affaires culturelles.
Cela veut dire qu'il
faut faire un vrai travail d'explication.
M. René-Pierre Signé.
Vous étiez inspecteur de l'éducation nationale !
M. Adrien Gouteyron,
président de la commission des affaires culturelles.
Permettez-moi,
messieurs les ministres, de profiter de ce débat budgétaire pour vous dire que
nous demandons, dans cette assemblée, quelque chose que nous n'avons pas encore
obtenu. Nous souhaitons qu'ait lieu annuellement, en dehors de la discussion
budgétaire, un grand débat sur l'éducation nationale.
M. Patrick Lassourd.
Très bien !
M. Adrien Gouteyron,
président de la commission des affaires culturelles.
Pourquoi ce sujet ne
le mériterait-il pas ?
(Applaudissements sur les travées du RPR, de l'Union
centriste et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées
du RDSE.)
Nous en organisons beaucoup. L'éducation nationale a tout à y
gagner. Je suis persuadé que vous vous y prêterez parce que c'est un moyen
d'informer les Français sur les problèmes de l'éducation nationale, les efforts
qu'elle fournit, les réformes envisagées. Bref, c'est un moyen de faire
comprendre ce que le pays peut attendre de l'éducation nationale et ce que
l'éducation nationale fait pour lui.
Tels sont, messieurs les ministres, les voeux que je voulais formuler en
terminant. Je suis persuadé que mes collègues qui siègent à gauche de
l'hémicycle, en dépit de leurs interruptions, sont, au fond d'eux-mêmes,
d'accord avec nous. C'est pour cela que je me permets d'insister beaucoup sur
ce point. J'espère que, l'année prochaine, nous pourrons nous féliciter que ce
débat ait eu lieu.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des
Républicains et Indépendants.)
M. Jean-Louis Carrère.
Pas de budget ! Pas de débat !
(Sourires.)
M. le président.
Nous allons procéder à l'examen et au vote des crédits figurant aux états B et
C concernant l'éducation nationale : I. - Enseignement scolaire.
ÉTAT B
M. le président. « Titre III : 17 944 290 999 francs. »
La parole est à Mme Beaudeau.
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Messieurs les ministres, cet été, je vous avais interrogés à propos de la
grave pénurie de personnels IATOSS dans l'éducation nationale. Cette situation
a entraîné - vous le savez - de multiples actions des personnels, car les
problèmes posés sont multiples.
Vos services estiment à 30 000 le nombre de postes à créer d'urgence, sans
compter les emplois précaires à résorber qui constituent aujourd'hui le tiers
des 190 000 agents dont de nombreux emplois-jeunes à l'avenir incertain.
Les conditions de travail de ces personnels se sont fortement dégradées.
J'avais cité l'exemple d'un jardinier entretenant seul un hectare de jardin
dans un lycée parisien. Dans tous les établissements d'enseignement, on observe
des horaires de travail prolongés. Le non-respect des qualifications provoque
des frustrations individuelles et collectives.
Les rémunérations sont calculées sur la base de grilles très faibles. Un
ouvrier d'entretien ou d'accueil, de catégorie C commence sa carrière avec un
traitement mensuel de 5 900 francs pour la terminer à 7 400 francs. Il s'agit
également de métiers où les primes se limitent à une centaine de francs par
mois. L'ouvrier professionnel débute à 6 200 francs pour finir, au mieux, à 9
600 francs. Pour les ouvriers techniciens de catégorie B ayant un niveau
baccalauréat, les salaires de début s'élèvent à 6 700 francs en début de
carrière et vont jusqu'à 10 000 francs en fin d'activité. Un adjoint technique
principal de laboratoire débute à 6 200 francs et termine à 8 800 francs.
Tant au niveau des conditions de travail qu'à celui des rémunérations, la
place et le rôle des IATOSS ne sont pas réellement reconnus dans les
communautés scolaires, du lycée à l'enseignement supérieur. On me signalait
même le cas d'un établissement où était consignée la directive suivante sur le
carnet d'un agent : « ne parler ni aux professeurs ni aux élèves ».
Cette situation, que vous connaissez bien, monsieur le ministre, doit
évoluer.
Cette année, où en sommes-nous ? Les besoins reconnus par votre administration
sont loin d'être satisfaisants. Permettez-moi de citer un seul exemple : vous
estimiez à trente-neuf le nombre de postes supplémentaires à Paris-XIII ;
quinze postes ont été attribués. Des situations plus graves encore concernent
la qualité des services, la suppression de postes statutaires et le recours à
des contrats emploi-solidarité.
Que se passera-t-il demain ? Ne s'agit-il pas d'une fuite en avant avec des
conséquences imprévisibles pour les agents occupant ces emplois précaires et le
service public ?
Je vous avais demandé ce que vous comptiez faire pour transformer les contrats
précaires de IATOSS en postes statutaires et revoir les grilles de
rémunération.
Dans votre réponse, vous reconnaissez l'importance du rôle des IATOSS dans la
communauté éducative. Nous sommes d'accord. Vous me rappelez qu'au titre de
1998 et de 1999, 1 836 emplois ont été créés et 960 emplois supplémentaires ont
été inscrits dans la loi de finances rectificative en 2000. Vous précisez
également qu'une réflexion est engagée pour la modernisation de la filière
ouvrière.
Nous nous félicitons de ces mesures et de la majoration des crédits pour les
travaux et les heures supplémentaires des personnels administratifs.
Dès cette année, 1 000 agents administratifs vont accéder au corps des
agents.
Nous approuvons également lorsque, en conclusion de votre réponse, vous
écriviez « des moyens nouveaux seront demandés à ce titre dans le cadre du
projet de loi de finances pour 2001 ». Vous avez confirmé votre affirmation,
mais les moyens seront-ils suffisants ?
Monsieur le ministre, votre réponse est importante. De nombreuses actions ont
eu lieu, notamment dans les lycées de banlieue. Elles avaient une
caractéristique particulière : au lycée Cassin de Gonesse, par exemple, il
s'agissait non pas simplement d'agents en grève pour obtenir la création de
trois postes, mais de tout un lycée avec parents, professeurs et personnels
administratifs engagés dans l'action et organisant même des piquets de grève
aux portes du lycée. Je pourrais également citer le cas du lycée de Sarcelles
et de bien d'autres.
L'action en faveur des IATOSS est devenue celle de tous les personnels d'un
lycée. Vous le savez, monsieur le ministre, le mal est profond. Votre projet de
budget doit le guérir.
M. Jean-Philippe Lachenaud,
rapporteur spécial.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Jean-Philippe Lachenaud,
rapporteur spécial.
Je rappelle en présence de son président, que la
commission des finances préconise le rejet des crédits des titres III, IV, V et
VI.
M. René-Pierre Signé.
C'est scandaleux !
Mme Hélène Luc.
Comment peut-on rejeter tous ces crédits, même s'ils sont insuffisants !
M. René-Pierre Signé.
C'est n'importe quoi, franchement !
M. Jean-Louis Carrère.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Carrère.
M. Jean-Louis Carrère.
Je suis un peu atterré car je connais l'attachement réel de M. le président de
la commission des affaires culturelles au système éducatif français. Dans le
même temps, je retrouve la pauvreté d'un débat où, par construction
idéologique, on vote contre un budget que, dans les couloirs, on
approuverait.
Et l'on voudrait que le Sénat fasse l'objet d'un traitement spécial, qu'il ait
droit à un grand débat préalable au budget de l'éducation nationale !
M. Jean-Claude Carle.
Absolument !
M. Jean-Louis Carrère.
Pour le moins, mes chers collègues, vous faites preuve d'incohérence !
M. Jean-Claude Carle.
C'est parfaitement cohérent.
M. Jean-Louis Carrère.
Tout au long des procédures budgétaires, vous n'avez pas réussi à trouver le
bon tempo. La preuve : vos collègues des groupes RPR et UDF de l'Assemblée
nationale ont, en commission des finances, voté à l'unanimité le budget de
l'enseignement scolaire. Mais vous n'en êtes pas à une incohérence près !
Pour vous aider à redevenir cohérent, puisqu'il s'agit de la réputation du
Sénat, que vous entendez défendre, je vous conseille de ne pas suivre l'avis de
la commission et de voter le budget de l'enseignement scolaire
(Très bien !
et applaudissements sur les travées socialistes, sur certaines travées du RDSE,
ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes
économiques de la nation.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le président de la commission.
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances.
Notre collègue Jean-Louis
Carrère a de la conviction et il l'exprime avec beaucoup de force. Qui le lui
reprochera ?
M. André Lejeune.
En plus, il a raison !
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances.
Nous ne votons pas autre chose
en cet instant que des mesures nouvelles, je voulais vous le rappeler, mes
chers collègues.
Pourriez-vous me dire, vous qui êtes éloquent, monsieur Carrère, et que
j'écoute souvent, sur quoi nous votons maintenant.
M. Jean-Louis Carrère.
Sur le titre III !
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances.
Non, sur des mesures nouvelles
!
M. Jean-Louis Carrère.
Je n'ai pas compris !
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances.
Mon cher collègue, ce sera sur
les services votés que vous voterez l'essentiel !
Je voudrais que vous soyez bien conscients qu'en ce moment nous votons sur la
politique nouvelle que nous propose le Gouvernement.
M. le rapporteur spécial nous a dit que, malgré les mises en garde que nous
avons réitérées au cours des années qui viennent de s'écouler, ce budget n'est
pas à la hauteur de l'ambition que nous devons avoir pour l'avenir de nos
enfants.
M. René-Pierre Signé.
Qu'avez-vous fait lorsque vous étiez au pouvoir ?
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances.
Ce n'est pas la peine d'exprimer
autant d'indignation, mes chers collègues. Nous émettons nos convictions
respectives en respectant le Gouvernement, en nous respectant les uns les
autres.
En ce qui nous concerne, nous avons décidé d'émettre un avis négatif, et
j'invite la majorité sénatoriale à suivre l'avis du rapporteur spécial.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les crédits figurant au titre III.
(Ces crédits ne sont pas adoptés.)
M. le président.
« Titre IV : 849 484 652 francs. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les crédits figurant au titre IV.
(Ces crédits ne sont pas adoptés.)
M. Jean-Louis Carrère.
Ils ne sont pas fiers !
M. René-Pierre Signé.
Ils sont nuls !
ÉTAT C
M. le président.
« Titre V. - Autorisations de programme : 626 250 000 francs ;
« Crédits de paiement : 390 000 000 francs. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les crédits figurant au titre V.
(Ces crédits ne sont pas adoptés.)
M. le président.
« Titre VI. - Autorisations de programme : 161 040 000 francs ;
« Crédits de paiement : 84 280 000 francs. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les crédits figurant au titre VI.
(Ces crédits ne sont pas adoptés.)
M. le président.
Nous avons achevé l'examen des dispositions du projet de loi de finances
concernant l'enseignement scolaire.
M. René-Pierre Signé.
Heureusement que le Sénat n'a pas de pouvoir !
M. Gérard Delfau.
C'est consternant !
Mme Hélène Luc.
Il n'y a plus de budget !
M. Jean-Louis Carrère.
On le dira partout !
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances.
J'espère bien !
II. - ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR
M. le président.
Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi concernant l'éducation
nationale : II - Enseignement supérieur.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Jean-Philippe Lachenaud,
rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et
des comptes économiques de la nation..
Nous arrivons enfin au budget de
l'enseignement supérieur. Mes chers collègues, je vais laisser régner le
suspense jusqu'à la fin de mon intervention pour que vous deviniez quelle est
la conclusion de la commission des finances sur le budget de l'enseignement
supérieur.
(Sourires.)
Sur ces crédits, que je présente pour la sixième fois, je formulerai trois
observations et poserai quatre questions.
Ce budget s'élève à 56 milliards de francs. Cela, c'est un chiffre sûr. En
revanche, il est un chiffre dont je suis beaucoup moins assuré : il y aurait,
paraît-il, dans l'enseignement supérieur 134 220 emplois budgétaires, mais cela
avec tout le flou et l'incertitude qui caractérisent la dénomination et
l'énumération des emplois budgétaires de l'enseignement supérieur.
Quant aux étudiants, ils seraient 1 518 000 sans compter les STS, sections de
techniciens supérieurs, les écoles d'ingénieurs ou l'enseignement privé.
Messieurs les ministres, l'année 2001 marquera l'entrée dans le troisième
millénaire. De même que les constructions et le plan Université du troisième
millénaire, le budget de cette année aurait donc dû constituer, une étape
importante.
Or, nous considérons que les enjeux de ce budget ont été sous-estimés. Il
devait être l'occasion de rattraper notre retard par rapport à l'Europe, par
rapport aux pays d'Amérique du Nord. Cela devait être facilité par une baisse
relative des effectifs, de 20 000. Alors que la compétition ne cesse de
s'accentuer et que nous plongeons dans un monde de plus en plus dur, où les
évolutions scientifiques, économiques et techniques s'accélèrent, nous aurions
souhaité un budget plus ambitieux.
Sait-on qu'aujourd'hui la collectivité dépense moins pour un étudiant que pour
un lycéen ?
L'objectif est pourtant de constituer des pôles d'excellence, y compris dans
le domaine de la recherche - et je vois que mon collègue, Pierre Laffitte
approuve cet aspect de la politique universitaire.
M. Jean-Louis Carrère.
Il n'approuve pas !
M. Jean-Philippe Lachenaud,
rapporteur spécial.
L'objectif, c'est aussi de mettre en oeuvre de
manière efficace le plan U 3 M avec la coopération des régions, car de bons
locaux, des locaux sûrs, des locaux rénovés constituent un instrument essentiel
de la politique universitaire.
Dans ce domaine également, ce que nous voulions c'est qu'en 2001 une étape
nouvelle soit franchie.
Nous aurions ainsi souhaité que s'amorce une étape supplémentaire dans le sens
de l'autonomie des établissements d'enseignement supérieur. Nous espérions
qu'un nouvel effort soit consenti en faveur de la décentralisation avec en
contre partie une évaluation supplémentaire de l'action des universités.
Enfin, nous nous attendions à ce que le projet de budget pour 2001 marque une
nouvelle avancée dans la démocratisation de l'accès à l'enseignement
supérieur.
Cela me conduit à ma deuxième observation : nous déplorons qu'il n'y ait pas
d'allocation des moyens différente entre l'enseignement secondaire et
l'enseignement supérieur.
Monsieur le ministre, vous avez un ministère unique. C'est une bonne chose.
Mais pourquoi ne pas bousculer les nomenclatures budgétaires, bousculer le
ministère des finances, essayer de faire taire éventuellement les objections
syndicales et présenter des programmes pluriannuels qui feraient porter
l'effort sur l'enseignement supérieur ?
Pensez que 0,1 % du budget de l'enseignement secondaire, cela représente 330
millions de francs. Or, en déplaçant 330 millions de francs vers le budget de
l'enseignement supérieur, vous pourriez multiplier par trois la progression des
subventions à toutes les universités de France.
L'accroissement de ces subventions en 2001 est de 121 millions de francs. Avec
330 millions de francs, vous pourriez donc faire trois fois plus !
Appliquons le même raisonnement aux bibliothèques universitaires, à qui, pour
ma part, je donne le titre de service de documentation et qui ont une
importance scientifique fondamentale pour l'enseignement et pour la recherche.
Sur une masse budgétaire globale de 1 milliard de francs, le présent projet de
budget affiche une progression de 20 millions de francs. Eh bien, ces 20
millions de francs pourraient devenir 30 millions, 40 millions ou 50 millions
de francs si l'on transférait un dix-millième du budget de l'enseignement
secondaire. Je le répète, une réflexion sur les programmes pluriannuels et sur
l'allocation des moyens est absolument indispensable.
Cette année 2001 nous semble marquer une pause dans l'amélioration de
l'encadrement.
En effet, l'effort est stabilisé : sont prévus dans ce budget 1 600
recrutements, toutes catégories de personnels confondues - enseignants,
ingénieurs, personnels administratifs - y compris les attachés temporaires. Il
est vrai que, dans le programme pluriannuel, vous avez annoncé une accélération
de ce recrutement, qui sera porté globalement à 2 000, l'an prochain. Mais nous
regrettons la stabilisation de cette année !
Après ces quelques observations, j'en viens à l'énoncé de quatre questions
qui, pour nous, sont fondamentales.
Premièrement, ne pourriez-vous pas rationaliser l'effort d'investissement et
la mise en oeuvre du plan université du troisième millénaire ?
Les autorisations de programme augmentent plus rapidement que les crédits de
paiement, mais nous commençons à ressentir un certain défaut de clarté dans le
fléchage des opérations qui sont réalisées région par région.
Il va être très difficile pour nous, élus locaux, de savoir ce qui va être
fait en constructions et en rénovations, en plans de sécurité et de maintenance
dans les différentes régions, comment le plan U 3 M va être mis en oeuvre.
Nous croyons déceler un certain retard - peut-être le démentirez-vous - dans
le lancement des opérations. En tout cas, nous sommes inquiets au sujet de cet
effort d'investissement.
Mais notre inquiétude concerne surtout la maintenance et l'entretien des
locaux. En commission, vous m'avez dit que j'exagérais. Peut-être mais,
siégeant au conseil d'administration d'une université nouvelle, née d'une
coopération entre les collectivités locales et votre ministère, je sais
d'expérience que l'effort de maintenance et d'entretien des locaux est tout à
fait insuffisant. Les crédits qui y sont consacrés, soit 1,518 milliard de
francs, sont stables, voire en légère baisse. Or, si l'on appliquait des ratios
normaux d'entretien et de maintenance, avec des délais d'amortissement normaux,
les crédits nécessaires seraient deux ou trois fois plus élevés.
Ma deuxième question est relative aux mesures de décentralisation. Je l'avais
déjà posée l'an dernier, mais je n'avais pas obtenu de réponse. Je la pose donc
à nouveau et, à défaut d'une réponse, croyez bien que je persisterai autant de
fois qu'il le faudra.
Pourquoi ne veut-on pas réformer le système d'attribution et de paramétrage
des subventions aux établissements d'enseignement ? Le système est d'une
incroyable complexité, avec différentes clés, des fléchages, des mécanismes
baptisés de noms des plus baroques. Pourquoi ne voulez-vous pas mettre cela à
l'étude et apporter les changements nécessaires ?
Par ailleurs, pourquoi ne pas renforcer l'autonomie des universités en
augmentant ces crédits et en les globalisant davantage ? Avec le statut
décentralisé des universités, vous allez de toute façon y être contraint en
2001.
Imaginez en effet que, dans le cadre du statut de la Corse, vous transfériez
la responsabilité d'une université à l'Assemblée de Corse et que vous soyez
conduits à prendre une importante mesure de décentralisation dans le domaine de
l'enseignement supérieur...
MM. Jack Lang et Jean-Luc Mélenchon
ministre de l'éducation nationale et ministre délégué à l'enseignement
professionnel.
C'est la Corse !
M. Jean-Philippe Lachenaud,
rapporteur spécial.
Oui, c'est la Corse, mais c'est aussi la France !
Je vous le dis, si on ne prévoit pas dès aujourd'hui des étapes pour une
réforme authentique en vue d'approfondir la décentralisation et l'autonomie des
universités, on manquera l'entrée dans le troisième millénaire et le défi de la
qualité et de l'excellence.
Ma troisième question a trait aux incertitudes qui continuent d'entourer la
mise en place de la filière technologique.
Les élèves issus des lycées professionnels ou techniques ont, à l'évidence,
des difficultés réelles. Bien sûr, elles tiennent à un certain nombre de causes
culturelles ou sociales, au fait que la vie d'étudiant - la vie tout court -
n'est pas exempte de problèmes. Cependant, les taux d'échecs des bacheliers
professionnels et techniques sont tels qu'il faut impérativement instituer une
filière technologique de qualité, et comprenant différents niveaux.
Nous aimerions donc vous entrendre confirmer que les projets de filière
technologique seront menés à bonne fin.
Enfin, nous souhaitons une accélération de la mise en place du plan social.
Vous allez me dire que c'est le verre à moitié plein ou à moitié vide ! Nous
reconnaissons que la croissance des crédits budgétaires est tout à fait
exceptionnelle. Nous reconnaissons aussi que l'objectif qui avait été affiché,
de faire passer en trois ans le nombre des étudiants boursiers à environ 30 %,
va être atteint. Toutefois, lorsqu'on examine plus précisément la répartition
des bourses et leur niveau, on ne peut pas être complètement satisfait.
Là aussi, une meilleure répartition des moyens au sein du budget global de
l'éducation nationale paraît nécessaire.
L'accès plus large des jeunes à l'université, grâce à l'effort de la
collectivité, doit vous conduire à prévoir soit une étape supplémentaire, soit
une accélération de la mise au point du plan social.
Je rappelle que le plan social implique la mobilisation de plus de 10
milliards de francs pour 2001, avec une progression des aides directes de plus
de 8 %, chiffre important dans le contexte budgétaire actuel.
En conclusion, il ne me reste qu'à lever le suspense
(Sourires)
: même
si cela ne fais pas plaisir à notre collègue Jean-Louis Carrère, je suis
conduit à vous confirmer que la commission des finances préconise le rejet de
ce projet de budget.
Nous appelons de nos voeux une grande ambition pour la politique
universitaire. Nous voulons qu'un projet encore plus dynamique soit mis en
oeuvre.
(Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants,
du RPR et de l'Union centriste.)
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Jacques Valade,
rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles.
Monsieur
le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, mon propos ne va
pas être très différent de celui du rapporteur de la commission des finances,
et je lèverai par conséquent le suspense dès maintenant : ainsi, M. Carrère
pourra vaquer, s'il le souhaite, à d'autres occupations.
(Sourires.)
La commission des affaires culturelles avait qualifié, l'an dernier,
l'enseignement supérieur de « parent pauvre » du budget de l'éducation
nationale. Cette année, après examen attentif des crédits et des quelques
mesures proposées, elle a estimé que l'enseignement supérieur, ne faisait
l'objet que d'un « programme minimum ».
Nous notons aussi que votre champ de compétences est aujourd'hui amputé de la
recherche : je n'en tirerai pas de conséquences, car j'ai pu mesurer dans le
passé, aux responsabilités qui étaient les miennes, la difficulté d'organiser
un développement coordonné de l'appareil éducatif et des actions de recherche
conduites ou soutenues par l'Etat. C'est l'éternel problème de savoir s'il y a
une seule éducation nationale, s'il y a une éducation nationale amputée de la
recherche, comme actuellement, ou bien s'il y a une éducation nationale amputée
de l'enseignement supérieur et de la recherche.
Certes, vous avez rappelé votre volonté personnelle, votre passion, et vous
nous en avez encore fait part tout à l'heure.
Certes, les crédits progressent de manière non négligeable - de 2,73 % - et
s'élèveront à 56 milliards de francs en 2001. Je remarque cependant que cette
progression est inférieure à celle des crédits de l'enseignement scolaire, qui
bénéficie des créations d'emplois massives que l'on sait.
Si l'on peut se réjouir de la création de 1 000 emplois non-enseignants, force
est de constater que les enseignants chercheurs sont quelque peu sacrifiés.
La commission des affaires culturelles a estimé que l'insuffisance de cet
effort, en matière d'emplois, ne pouvait être justifiée par la stagnation des
effectifs étudiants ; en effet, la nouvelle population étudiante en premier
cycle, doit impérativement bénéficier d'un encadrement pédagogique renforcé et
de qualité pour qu'y soit réduit l'échec universitaire.
Vous avez sans doute conscience de cette situation, monsieur le ministre
puisque les seules mesures concrètes que vous avez annoncées ont pour objet de
remédier à l'échec dans les premiers cycles. A l'examen, ces mesures modestes
ne font que prolonger les timides réformes engagées par vos prédécesseurs, et
par vous-même au début des années quatre-vingt-dix, qui sont restées largement
lettre morte.
S'agissant des moyens, et notamment des emplois, qui seront mis à la
disposition de l'enseignement supérieur en 2001, je voudrais souligner l'effort
entrepris en faveur des personnels non enseignants - création de 813 emplois de
personnels IATOS et de 150 emplois pour les bibliothèques - en rappelant
toutefois que 1 300 emplois IATOS avaient été créés au cours des deux années
précédentes et que nos bibliothèques universitaires restent trop souvent
sinistrées.
Je serai plus sévère s'agissant des personnels enseignants, qui bénéficieront
seulement de la création de 300 emplois de maître de conférence,et de 300 ATER,
attachés temporaires d'enseignement et de recherche, mais d'aucune création
d'emploi de professeur des universités, alors que 2 700 emplois d'enseignants
chercheurs ont été créés en 1999 et en 2000.
Pouvez-vous, monsieur le ministre, nous fournir des explications sur cette «
pause » ? Résulte-t-elle de difficultés de gestion de ces corps, ou
estimez-vous que l'encadrement des premiers cycles ne relève désormais que des
seuls certifiés et agrégés de l'enseignement secondaire ?
Cette situation est d'autant plus singulière que votre plan triennal de
programmation annonce la création de 1 700 enseignants chercheurs et de 900
ATER que la programmation des recrutements prévoit que près de 3 600 postes
seront mis au concours pour chacune des années du plan, et surtout que 2001 a
été baptisé « l'an I » de la programmation.
Quelle est votre volonté politique spécifique ? Quel type de formation pour
les nouveaux maîtres de l'enseignement supérieur ? Nous espérons que vous nous
donnerez quelques éclaircissements sur la signification réelle de ce plan
triennal.
J'évoquerai maintenant l'évolution de la population étudiante : après un
quasi-doublement en vingt ans, ses effectifs tendent à stagner, notamment dans
les filières non sélectives, et une réduction de quelque 40 000 étudiants est
attendue dans les dix ans à venir, en particulier dans les premiers cycles.
Je souligne également que l'arrivée massive d'une nouvelle population
étudiante, constituée de bacheliers technologiques, mais aussi professionnels,
entretient un fort taux d'échec dans les premiers cycles, cette situation
appelant nécessairement un encadrement pédagogique mieux adapté et un système
d'aides sociales plus efficace.
Il faut rappeler à cet égard que le taux d'accès en deuxième cycle n'est que
de 60 %, tandis que le taux de réussite en DEUG, compte tenu de tous les
redoublements autorisés, est de 70 %, celui-ci évoluant entre 85 % pour les
bacheliers scientifiques et 18,5 % pour les bacheliers professionnels. Il faut
surtout souligner que seulement 37 % des étudiants obtiennent leur DEUG en deux
ans.
Je rappellerai rapidement les mesures que vous avez annoncées, monsieur le
ministre, pour réduire l'échec dans les premiers cycles : directeurs des
études, enseignements pluridisciplinaires permettant des réorientations,
tutorat, contrôle continu, travail en petits groupes, accueil amélioré des
étudiants ; bref, autant de mesures connues, déjà expérimentées dans nombre
d'universités, et qui n'ont donné que des résultats limités.
La commission des affaires culturelles tient à faire observer que l'actuelle
organisation des premiers cycles est de moins en moins adaptée à la population
nouvelle des bacheliers non généraux. Elle estime que l'université ne peut se
contenter aujourd'hui d'accepter l'inscription de tous les bacheliers, sans
offrir des conditions d'insertion satisfaisantes pour ces nouveaux
étudiants.
Je rappellerai à cet égard qu'une mission d'information de la commission des
affaires culturelles, constituée voilà trois ans, a formulé des propositions
réalistes pour améliorer l'information et l'orientation des lycéens et des
étudiants. Il n'en a pas été tenu compte.
J'ajouterai que les premiers cycles universitaires ne sont plus aujourd'hui
épargnés par la violence, comme en témoignent les « incivilités » et les faits
graves constatés dans plusieurs campus, qui ont conduit certains présidents,
comme celui de Nanterre, à remettre en cause le vieux décret impérial de 1811
sur la franchise universitaire.
Par ailleurs, cette nouvelle population étudiante appelle un système d'aides
sociales plus adaptées. Je ne voudrais pas arbitrer entre les conclusions
divergentes des rapports Dauriac et Grignon, qui ont tenté d'évaluer le
phénomène de la pauvreté et de la précarité dans le monde étudiant ; je noterai
seulement que 470 000 étudiants sont dans l'obligation de travailler pour
financer leurs études et que 5 000 d'entre eux ont bénéficié d'une allocation
d'études spécifique en 1999, en raison de leur situation financière
difficile.
Pour m'en tenir aux seuls bénéficiaires du plan social étudiant, dont la
dernière tranche est financée par le projet de budget, 30 % des étudiants
devraient percevoir une aide, dont 440 000 boursiers sur critères sociaux.
Si la commission des affaires culturelles ne peut que souligner l'effort
accompli en ce domaine, puisque le cinquième des crédits de l'enseignement
supérieur est désormais consacré à l'action sociale, elle regrette aussi que le
système d'aide soit encore insuffisamment redistributif, qu'il continue à
privilégier les aides attribuées sans conditions de ressources et qu'aucune
suite n'ait été donnée au projet de statut étudiant.
J'évoquerai rapidement la mise en oeuvre du plan U3M en rappelant que son coût
est évalué à quelque 50 milliards de francs pour la période 2000-2006, et en
soulignant que le cinquième de ses crédits, et près du quart des crédits
d'Etat, seront consacrés aux universités franciliennes.
J'ajouterai que les crédits prévus à ce titre en 2001, dans le cadre des
contrats de plan, s'élèveront à un peu plus de 2 milliards de francs en
autorisations de programme et à un peu plus de 500 millions de francs en
crédits de paiement, et que la mise en sécurité du campus de Jussieu, hors
contrat plan, mobilisera à elle seule 870 millions de francs.
Selon la commission des affaires culturelles, il est nécessaire d'assurer un
pilotage particulièrement fin de ce plan U3M, compte tenu des incertitudes
persistant sur son coût, des perspectives de réduction de la population
étudiante, de besoins en locaux mal appréhendés et de la concurrence qui se
développe entre universités ; dans le cas contraire, nous risquons d'assister à
un gaspillage des deniers publics, notamment de ceux des régions, qui sont une
nouvelle fois sollicitées, au mépris des règles de répartition des
compétences.
Je terminerai en formulant quelques remarques, et d'abord sur le contenu de
nos formations supérieures.
A mon sens, la rénovation des DEUG scientifiques doit être poursuivie afin
d'enrayer la désaffection préoccupante dont ils sont l'objet et la place des
mathmatiques dans l'enseignement de l'économie doit sans doute être
réexaminée.
Par ailleurs, la commission s'est félicitée du développement de la licence
professionnelle, qu'elle estime particulièrement adaptée à l'accueil des
nouvelles populations étudiantes.
Je n'en dirai pas autant des initiatives prises pour ouvrir nos universités
sur l'extérieur du fait, sans doute, de la faiblesse de ses moyens,l'agence
EduFrance n'a joué qu'un rôle résiduel dans l'accueil des quelque 165 000
étudiants étrangers séjournant en France, ainsi que dans la promotion des
universités d'été.
Quant à la mobilité de nos étudiants, seuls 3 % à 4 % d'entre eux
effectueraient des séjours à l'étranger, notamment dans le cadre des programmes
Erasmus et Leonardo, ce qui est très insuffisant.
Pour ma part, je ne suis pas persuadé que le projetd'enseignement supérieur
européen en ligne que vous avez annoncé, monsieur le ministre, pour instituer
une sorte de mobilité virtuelle, constitue le remède immédiat le plus efficace,
compte tenu des rigidités du monde universitaire.
Je soulignerai enfin la nécessité de moderniser la gestion de nos universités.
Cette gestion a fait l'objet de sévères critiques de la part de la Cour des
comptes et d'une récente mission d'information de la commission des finances de
l'Assemblée nationale.
Dans cette perspective, je mentionnerai également les propositions du rapport
de M. Pierre Mauroy,
Pour l'avenir de la décentralisation
, qui suggère
de mettre les pesonnels IATOS à la disposition des collectivités territoriales,
de transférer la construction et l'entretien des établissements aux régions et
d'assurer à ces dernières une représentation spécifique au sein des conseils
d'administration des universités.
Vous savez que ces propositions décentralisatrices ont suscité d'expresses
réserves de la part des intéressés, responsables universitaires ou régionaux.
Je vous serais reconnaissant de nous donner votre sentiment sur ces
propositions, monsieur le ministre.
Au total, la commission des affaires culturelles estime que notre système
universitaire n'offre pas suffisamment de formations adaptées aux nouveaux
métiers, que la transparence dans la gestion y est insuffisante, qu'il ne
supporte pas toujours la comparaison avec les universités étrangères et ne
permet pas une ouverture suffisante sur l'extérieur, s'agissant aussi bien de
l'accueil des étudiants étrangers que de la mobilité internationale de nos
étudiants.
Nous prenons acte de l'augmentation des crédits, mais nous regrettons
l'absence de définition d'une politique nouvelle et mieux adaptée pour
l'enseignement supérieur français.
En conséquence, à l'image de la commission des finances et sous le bénéfice
des observations qui précèdent, la commission des affaires culturelles a donné
un avis défavorable quant à l'adoption des crédits de l'enseignement supérieur
pour 2001.
(Applaudissements sur les travées du RPR, de l'Union centriste,
des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du
RDSE.)
M. le président.
J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la
conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour
cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République, 10 minutes ;
Groupe socialiste, 16 minutes ;
Groupe de l'Union centriste, 14 minutes ;
Groupe des Républicains et Indépendants, 14 minutes ;
Groupe du Rassemblement démocratique et social européen, 6 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 11 minutes.
Je vous rappelle qu'en application des décisions de la conférence des
présidents aucune intervention des orateurs des groupes ne doit dépasser dix
minutes.
Par ailleurs, le temps programmé pour le Gouvernement est prévu au maximum
pour vingt-cinq minutes.
Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Ferrand.
M. André Ferrand.
Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, c'est
très volontiers que j'interviens le premier, après les deux excellents
rapporteurs, mais je dois vous informer d'emblée que mon propos portera sur un
aspect particulier de ce budget.
L'action éducative internationale de la France est-elle une préoccupation
majeure du Gouvernement ? C'est la question que je souhaiterais approfondir au
cours de ce débat, même si nous savons qu'un tel sujet ne relève pas
exclusivement de l'enseignement supérieur mais embrasse l'ensemble du système
éducatif.
En guise, en quelque sorte, d'exposé des motifs, je compte, tout d'abord, nous
rappeler pourquoi il est si important de privilégier cette action ; je me
permettrai ensuite de vous poser trois questions, messieurs les ministres.
Cela a été dit et répété, il y a, de par le monde, et c'est pour nous une
grande chance, une très importante demande de formation française. J'en
témoigne, je l'ai entendue s'exprimer en maintes circonstances et sur plusieurs
continents. J'emploie l'expresssion « formation française » ou « à la française
», plutôt qu'« enseignement », car cela permet de recouvrir l'ensemble de cette
demande.
De quoi s'agit-il ? Pour simplifier, je distinguerai trois catégories de
formation.
Il y a, tout d'abord, l'enseignement scolaire. Il s'agit bien sûr, des
établissements de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger, mais
aussi de toutes les autres écoles, tous les collèges et lycées créés à travers
le monde grâce à des initiatives diverses prises par des groupes de parents,
des entreprises, des organisations, confessionnelles ou non, notamment. Ces
établissements sont au nombre de 450, sur lesquels 416 sont, à ce jour,
homologués par le ministère.
Nous avons toutes les raisons d'être légitimement fiers de ce réseau, qui a
beaucoup contribué à asseoir la réputation d'excellence de notre
enseignement.
L'enseignement supérieur est le deuxième pilier de notre action éducative à
l'étranger.
Il comporte, d'une part, toutes les formes que revêtent nos actions à
l'étranger, qu'il s'agisse des coopérations, des partenariats, des jumelages,
en cours et en projet, entre les universités et nos grandes écoles et leurs
correspondants étrangers.
Il faut également se féliciter chaque fois que nos institutions essaiment à
travers le monde en créant d'autres établissements à leur image.
Et puis il y a, bien sûr, ce volet extrêmement important, stratégique même, de
l'accueil d'étudiants étrangers en France, l'action d'EduFrance commençant,
dit-on, à porter des fruits.
Il est également un troisième pilier dont l'importance croît en même temps que
nos entreprises s'internationalisent. Il s'agit de leur grand besoin de
formation professionnelle et technique, à tous les niveaux et dans toutes les
disciplines, pour leur personnel étranger.
Je pense, monsieur le ministre, que chacun des trois aspects que je viens
d'évoquer, enseignement scolaire, enseignement supérieur et formation
professionnelle et technique, mérite une analyse et un traitement particuliers,
mais tous - c'est le point que je veux ici souligner - représentent pour notre
pays un atout, une chance exceptionnelle que nous serions coupables de
continuer à ne pas savoir exploiter.
Car tel est bien le cas, et je vais vous le démontrer.
Beaucoup d'enfants français à l'étranger n'ont pas accès à nos écoles, car
elles sont trop chères pour leurs parents ou parce qu'elles n'existent pas là
où ils résident.
Beaucoup d'enfants étrangers, y compris ceux, nombreux, dont les parents
seraient prêts à payer à son coût économique leur scolarité, ne sont pas admis
dans nos établissements, faute de place. Vous le savez, ils représentent
pourtant nos amis, nos alliés, souvent les décideurs de demain.
Trop d'élèves quittent nos lycées à l'étranger pour poursuivre des études dans
des universités qui ne sont pas les nôtres, ni liées aux nôtres.
M. Jacques Legendre.
Eh oui !
M. André Ferrand.
Nos entreprises forment trop individuellement, à l'étranger ou en France, le
personnel de leurs filiales étrangères. Une meilleure synergie entre elles et
les pouvoirs publics permettrait des résultats bien supérieurs en termes
d'action collective et d'efficacité pédagogique.
J'en viens maintenant à mes questions.
Tout d'abord, monsieur le ministre, je souhaiterais connaître votre sentiment,
vos réactions, quant au constat que je viens d'effectuer. Partagez-vous cette
analyse ?
J'aimerais, ensuite, savoir comment vous comptez réagir à la proposition que
vient de vous faire votre collègue ministre des affaires étrangères, M. Hubert
Védrine, qui souhaite mettre en place un groupe de travail commun sur le
partage des responsabilités et sur les synergies à rechercher entre vos deux
ministères dans la gestion de l'AEFE.
Il a été question, pour l'Agence, de double tutelle, ici même, hier, au cours
de l'examen du projet de budget des affaires étrangères. Les parents d'élèves,
les représentants des Français établis hors de France, tous ceux qui
souhaitent, comme il paraît normal, un plus grand engagement à leurs côtés du
ministère de l'éducation nationale se réjouissent de cette nouvelle.
Un grand espoir est né, monsieur le ministre.
M. Jack Lang,
ministre de l'éducation nationale.
L'espoir de me dévaliser !
(Sourires.)
M. André Ferrand.
Je suis certain que vous voudrez faire en sorte qu'il ne soit pas déçu.
Ma dernière question porte sur la manière dont nous pouvons créer, à
l'étranger, une synergie entre votre ministère et nos entreprises.
Les médias se sont fait l'écho de votre souhait de progresser, en France, dans
ce sens. Lors du récent salon de l'éducation, à l'Assemblée nationale, vous
avez exprimé votre volonté d'aller de l'avant. Vous avez évoqué des pistes ;
vous avez signé des conventions de partenariat avec certains secteurs
industriels.
Parce que je crois bien connaître les milieux de l'entreprise, dont je suis
moi-même issu, je puis vous l'affirmer, la même volonté de travailler ensemble
existe de leur côté, surtout quand il s'agit de l'international.
Les responsables économiques sont très conscients de l'exceptionnelle
importance de cet enjeu.
Ils le sont par intérêt, parce que les entreprises ont besoin d'écoles pour
les enfants de leurs expatriés, parce qu'elles savent que notre filière
éducative est une véritable pépinière pour leurs cadres internationaux et parce
qu'il leur faut former techniquement leur personnel à l'étranger.
Ils le sont aussi par conviction car, cela doit être répété, plus nos
entreprises s'internationalisent, plus leurs dirigeants savent qu'ils nous faut
lutter ensemble et promouvoir notre culture et notre manière d'aborder le monde
et ses problèmes.
La volonté des deux partenaires étant avérée, monsieur le ministre, il reste à
élaborer les bases et les formes d'un partenariat efficace et fructueux. Ce
n'est certainement pas la partie la plus facile de l'exercice, car il ne suffit
pas, vous le savez, de rédiger un document et de le cosigner ; il faudra donner
vie à cette coopération.
Personnellement, je crois beaucoup à une approche concrète et pragmatique de
projets précis et bien identifiés qu'il est possible de reproduire lorsqu'ils
ont été transformés en succès.
Avec beaucoup d'autres qui partagent cette conviction, je me tiens à la
disposition de vos services si vous souhaitez, comme moi, que nous allions plus
loin dans cette voie. En serez-vous d'accord, monsieur le ministre ?
(Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et
de l'Union centriste.)
M. le président.
La parole est à M. Laffitte.
M. Pierre Laffitte.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je me ferai
l'écho ici de trois préoccupations : l'élan nécessaire pour que la France
aborde au mieux de ses moyens la révolution que l'on appelle parfois la «
révolution de l'intelligence » ou « révolution numérique », bref, cette
révolution que nous sommes en train de vivre ; la rigidité d'un système un peu
trop grand, un peu trop massif ; la certification, notamment dans les
industries, par rapport à la formation diplômante.
Comme l'ont déjà souligné les rapporteurs, il est certain que l'on ne sent
pas, en France, une volonté forte de développer massivement les centres
d'excellence ; ils nous sont pourtant indispensables. Nous en avons déjà, mais
ils ne sont pas au niveau des meilleurs centres d'excellence mondiaux quant aux
moyens matériels et humains dont ils disposent. Il nous faut donc les
développer encore, notamment dans un certain nombre de domaines porteurs, voire
très porteurs de ce qui nous manque le plus, c'est-à-dire d'une dynamique de
croissance.
On estime, par exemple, dans un excellent rapport publié récemment par le
ministère de l'économie, des finances et de l'industrie, que les nouvelles
technologies de l'information et de la communication représenteraient jusqu'à
1,6 point de croissance, soit quasiment la moitié de la croissance française,
alors qu'elles ne correspondent actuellement qu'à quelques centièmes du produit
intérieur brut.
Par conséquent, on doit mettre en oeuvre tout ce qui permet de « booster »,
d'encourager le développement rapide de ces domaines, en particulier dans
l'enseignement supérieur.
J'avais rêvé - on peut toujours rêver - un prélèvement de 10 % sur le produit
de la vente des licences UMTS pour abonder un fonds
ad hoc.
Malheureusement, le ministre des finances et notre commission des finances,
réunis, ont considéré que c'était inadéquat.
Je continuerai à me battre, d'autant que nous avons le temps, les financements
provenant des licences UMTS n'existant pas encore. Il faudra revenir sur ce
chantier. Je pense, monsieur le ministre, que vous et vos collègues chargés
respectivement de la recherche et de l'industrie devriez tout de même vous
interroger : pourquoi le produit d'un prélèvement opéré sur un secteur
particulier ne reviendrait-il pas à ce secteur particulier pour le dynamiser
?
J'en viens à ma deuxième remarque, sur la rigidité du système. La nouvelle
économie va vite, les « jeunes pousses » se développent rapidement, les
entreprises neuves de ce secteur comme les entreprises anciennes ont besoin
d'urgence des compétences nouvelles que l'enseignement supérieur ne peut pas
leur fournir au rythme qui est le leur.
Les enseignants ne sont pas en cause, c'est la lourdeur du système qui empêche
toute réaction suffisamment rapide, à l'échelle de quelques mois. S'il s'agit,
par exemple, de créer une licence à destination professionnelle liée aux
télécommunications ou à d'autres aspects, notamment Internet, il faut d'abord
passer en conseil d'université, puis devant le CPU, le centre polytechnique
universitaire, et enfin devant différentes autres instances. En général, cela
dure deux ans. Et au bout de ces deux ans, il faut recommencer parce que,
entre-temps, la situation a évolué et les programmes doivent être modifiés.
Pour éviter ces délais, on devrait pouvoir trouver des moyens, en liaison avec
l'industrie et sans passer par un système national complexe, de procéder à des
expérimentations rapides. Les groupements d'établissements, les GRETA, le
peuvent parfois. Pourquoi ne pourrait-on pas le faire avec les structures
diplômantes, à titre exceptionnel ? Cette suggestion, qui me paraît logique,
s'inscrirait dans le droit-fil d'autres expériences de rénovation. Lorsqu'il
s'agit de formation de
webmaster
ou d'infographie, on peut s'adapter en
quelques semaines, quitte à trouver des responsables à l'extérieur. En même
temps, on s'aperçoit que des certifications se développent, tantôt à
l'intérieur de l'entreprise, tantôt, c'est mieux, à l'intérieur d'une filière
professionnelle. Lorsque ces certifications se superposent, elles aboutissent
quasiment à un système d'unités de valeur qui peuvent éventuellement
correspondre à des formations de type complémentaire.
Cela se met en place. Il faut éviter que l'université et le milieu éducatif en
général ne soient exclus
de facto
de ce type d'action. Une incitation
serait probablement nécessaire, monsieur le ministre, bien sûr, dans le respect
de l'autonomie universitaire, pour que les ressources humaines puissent être
mobilisées dans ce domaine.
La formation continue, de toute façon, s'impose aux entreprises et aux
responsables économiques. Elle s'appuie sur des modules qui peuvent s'adosser
les uns aux autres. Cette donnée est tellement fondementale que les moyens
financiers qui seront nécessaires pour la nation sont plus importants que ceux
de la formation initiale. Nous savons que la formation initiale est de l'ordre
de 400 à 500 milliards de francs. Si l'on ajoute 400 à 500 milliards de francs
supplémentaires sans une interconnexion forte entre les deux, nous allons dans
le mur, ou alors l'université et le système éducatif seront petit à petit
marginalisés, ce qui ne paraît pas souhaitable.
Telles sont, messieurs les ministres, les trois réflexions sur lesquelles je
tenais à attirer votre attention. J'ajoute, pour être complet, que notre pays
compte des organismes professionnels qui sont spécialisés dans ce type
d'activité. Je citerai plus particulièrement le SITELESC, le Syndicat des
industries de tubes électroniques et semi-conducteurs. Il s'agit d'un secteur
hautement stratégique.
Ces organismes, qui pilotent plusieurs structures de formation certifiantes
dans la région parisienne et dans diverses régions, ont vu diminuer le
financement émanant du ministère de l'éducation nationale et du ministère de
l'industrie. Cette évolution est aberrante au regard de l'immensité des
besoins. Je le sais d'autant mieux que le SITELESC avait un projet de création
à Sophia Antipolis, en liaison avec l'association Telecom Valley, l'université
de Nice et diverses écoles comme Eurecom et l'Ecole nationale supérieure des
mines de Paris. Apparemment, il ne pourra pas le réaliser.
Un petit coup de pouce de quelques millions de francs dans ce cas particulier
et stratégique me paraît nécessaire. J'espère, monsieur le ministre, que vous
pourrez le donner.
(Applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et
Indépendants.)
M. le président.
La parole est à M. Renar.
M. Ivan Renar.
Lors de la commission élargie du 7 novembre dernier à l'Assemblée nationale,
vous annonciez, monsieur le ministre, vouloir « placer les étudiants au coeur
du dispositif d'enseignement supérieur national ». C'est là un dessein qui
retient toute l'attention de notre groupe.
En effet, après avoir dû absorber l'essentiel des efforts de la massification
des études supérieures, l'université doit maintenant parvenir à conjuguer la
démocratisation et la qualité, voire l'excellence, de l'enseignement et des
formations.
Nous prenons donc acte d'une augmentation générale du budget de l'enseignement
supérieure de 2,7 % par rapport à 2000, et d'une amélioration relative, dans un
contexte de stagnation des effectifs étudiants, du taux d'encadrement des
étudiants qui sera de 18,87 étudiants par enseignant en 2001, contre 21,63 en
1997.
Pour autant, les grands axes que sont la lutte contre l'échec à l'université,
l'égal accès de tous aux enseignements de troisième cycle, notamment l'aide
sociale étudiante, l'accueil et la qualité de l'accueil sont des objectifs qui
restent à conquérir.
Le budget pour 2001 prévoit la création de 616 emplois d'enseignant, mais il
ne comporte aucun poste de professeur. Compte tenu de la pyramide des âges des
enseignants, pourquoi n'avoir pas, dès cette année, monsieur le ministre,
anticipé les départs massifs en retraite prévus dès les prochaines années ?
Nous enregistrons très positivement la création de 1 000 postes d'IATOSS, dont
une grande part devrait servir à renforcer les personnels des bibliothèques, à
propos desquelles j'interrogeais très régulièrement votre prédécesseur. Pour en
revenir à l'échec étudiant dans les premiers cycles, nous restons persuadés,
pour notre part, qu'un meilleur encadrement doit être au centre de la
problématique.
Lors des travaux de la mission sénatoriale sur le dossier, il apparaissait de
manière assez évidente que les taux de réussite étaient meilleurs dans les
universités ayant fait des efforts particuliers en termes d'encadrement.
Ainsi, la présence d'enseignants, de nouvelles formes de tutorat et, enfin, de
personnels IATOSS participe, à l'évidence, d'équipes éducatives diversifiées,
permettant de réduire l'échec étudiant.
Comment, en outre, ne pas imputer une part importante de l'échec étudiant aux
conditions sociales étudiantes ?
De ce point de vue, il faut rappeler l'effort fait ces dernières années à
travers, notamment, le plan social étudiant, d'un coût de 2,7 milliards sur
quatre ans. Mais, serais-je tenté de dire, cet effort devrait être reconduit
dans les prochaines années. La création de trente-trois emplois d'infirmière et
de quinze emplois d'assistante sociale est, à cet égard, un pas trop timide
pour parvenir à améliorer réellement la vie dans les campus et, en premier
lieu, tout ce qui touche à la santé des étudiants.
L'ouverture, au sens réel du terme, de l'université ne passe-t-elle pas
également par le renforcement des activités culturelles à l'université - on
peut construire, pour ce faire, de nouveaux partenariats avec les structures
culturelles de nos régions, la région elle-même, les départements, les grandes
villes - le renforcement, encore, des activités sportives et de loisirs, dont
sont exclus, de fait, de très nombreux étudiants aux origines sociales
modestes.
Placer l'étudiant au coeur du dispositif universitaire de notre pays est
ambitieux, mais appelle un effort encore plus soutenu de la nation.
Le plan U3M prévoit une inscription de 42 milliards de francs pour la période
2000-2006, dont 18,3 milliards financés par l'Etat. Il conviendra de veiller à
ce que ce plan ne laisse pas au bord du chemin certaines des régions les plus
pauvres, pour parvenir à un maillage universitaire équilibré de notre
territoire. Peut-être pourriez-vous nous en dire davantage, monsieur le
ministre, sur les mesures inégalitaires toujours indispensables pour mettre
tout le monde au niveau nécessaire.
Au cours de la dernière période, vous avez également beaucoup évoqué votre
volonté de renforcer les dispositifs d'échanges universitaires européens.
Là encore, les mesures que vous annoncerez retiendront toute notre attention,
notamment celles qui pourront s'appliquer aux étudiants les plus modestes. Le
volet international est limité le plus souvent pour eux par de cruelles
réalités financières qui les privent de toute possibilité d'échange.
Cela étant, nous savons bien que, ces quinze dernières années, le système
universitaire a dû faire face à une demande d'éducation sans précédent, ce qui
a conduit les universités à élaborer en urgence des solutions d'accueil de la
demande étudiante.
Au quotidien, les universités doivent souvent faire face à un véritable
étranglement financier. J'en veux pour exemple la situation de l'Université des
sciences et technologies de Lille - mais je pourrais citer une autre université
de ma région ou d'ailleurs - dont je suis membre du conseil
d'administration.
La situation de cette université est en effet symptomatique des difficultés
que rencontrent actuellement les universités françaises.
Les dotations du ministère diminuent, comme l'an passé, alors que les charges
à supporter augmentent tant du fait de l'augmentation des surfaces qu'en raison
du développement des activités de recherche, ou encore en raison du coût des
nouvelles pratiques pédagogiques visant à améliorer la formation et la réussite
des étudiants.
La situation est telle que le conseil d'administration de l'université a pu
parler, dans une motion adoptée à l'unanimité, de véritable étranglement
financier.
Comment, en effet, faire face aux obligations et aux enjeux de la rénovation
des formations, de l'amélioration de la qualité pédagogique quand une part de
plus en plus importante des budgets est consacrée aux dépenses obligatoires de
fonctionnement ?
Sachez que la valorisation du fonctionnement logistique est maintenue à 100
francs par mètre carré alors qu'elle est en réalité supérieure à 200 francs par
mètre carré. S'y ajoute la mauvaise prise en compte des surfaces nouvelles, en
particulier celles qui sont liées à la recherche.
Par ailleurs, si les droits d'inscription des étudiants de Lille-I ont
augmenté de 2,5 millions de francs, ceux-ci ne profitent pas à l'établissement
car ils sont retirés de sa dotation. Cela permet à l'Etat de limiter la
croissance de sa contribution au fonctionnement des universités. Globalement
même, on peut dire que l'augmentation de la dotation globale de fonctionnement
des universités, au moins au cours des deux dernières années, est inférieure à
l'augmentation des droits versés par les étudiants. Cela signifie qu'ils
financent soit d'autres secteurs de l'enseignement supérieur, soit les coûts
d'infrastructure ou de personnels de l'enseignement supérieur.
Il ne s'agit pas, pour moi, de prêcher pour je ne sais quelle paroisse
personnelle. Je souhaite simplement, à travers cet exemple, qui reflète de trop
nombreuses situations, attirer votre attention sur la réalité de la vie
universitaire qui, en l'état, contredit toute réussite du pari de la
démocratisation et du pari de la qualité de l'enseignement supérieur.
Au cours de la prochaine période, nous devrons travailler, monsieur le
ministre, mes chers collègues, à l'attractivité de l'université.
La massification de notre système universitaire a été le défi et la chance de
ces dernières années, à condition, toutefois, que notre enseignement supérieur
ne sacrifie rien de sa double vocation d'enseignement et de recherche.
L'université, quelles que soient les filières, doit rester le lieu qui réunit
en son sein des enseignants-chercheurs et des étudiants, le lieu où la
transmission des savoirs redonne à penser le monde et à l'inventer. C'est là,
selon nous, que réside l'essentiel de l'attractivité de notre système
d'enseignement supérieur. Les aller et retour entre la formation initiale
universitaire et la formation continue doivent être nourris, mais pas seulement
comme source de financement supplémentaire.
Nous devons ensemble, au-delà du plan U3M, concevoir l'université du troisième
millénaire et peut-être en redéfinir les contours en tenant compte
a priori
de la démocratisation de notre enseignement supérieur. Cela appellera
certainement un effort financier sans précédent dans les toutes prochaines
années. En attendant, nous approuverons le projet de budget pour 2001.
M. le président.
La parole est à M. Lagauche.
M. Serge Lagauche.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le budget de
l'enseignement supérieur pour 2001 progresse de 2,73 % par rapport à 2000, soit
une hausse supérieure à celle qu'il a connue l'année dernière, et atteint plus
de 56 milliards de francs, alors même que les effectifs étudiants restent
stables. Ces conditions favorables permettent d'amplifier les priorités
affichées lors des exercices précédents : une amélioration importante des
moyens des établissements d'enseignement supérieur, la poursuite du plan U3M et
la consolidation du plan social étudiant.
Cette année, contrairement au budget pour 2000, les créations de postes visent
prioritairement les emplois non enseignants : 1 000 postes IATOSS, soit le
double par rapport au budget 2000, dont 150 pour les bibliothèques. L'accent
est mis aussi sur la qualité de la vie étudiante avec 30 emplois d'infirmière
et 15 d'assistante sociale. Cependant, les personnels enseignants font aussi
l'objet de nouvelles créations d'emplois : 300 postes de maître de conférence,
256 d'attaché temporaire d'enseignement et de recherche, 60 associés à temps
partiel et 19 élèves des écoles normales supérieures. Toutes ces créations
d'emplois sont à apprécier au regard du plan pluriannuel pour l'éducation que
vous avez annoncé le 15 novembre dernier. Celui-ci prévoit 5 600 emplois pour
l'enseignement supérieur, dont 2 600 enseignants et 3 000 IATOSS, et vient donc
contrebalancer l'appréciation de M. le raporteur pour avis. En effet, les
emplois enseignants ne sont pas sacrifiés, loin de là !
A cela s'ajoutent des mesures d'amélioration des carrières, notamment en
faveur des personnels de recherche et formation. En revanche, il faudra
inclure, dans le budget pour 2002, les allocataires de recherche dans les
mesures catégorielles. Ce sont eux qui constituent les acteurs de la recherche
universitaire de demain : ils méritent une revalorisation de leur allocation.
Fixée en 1991 à 1,34 SMIC, l'allocation de recherche n'a jamais été revalorisée
depuis. Ne pensez-vous pas, monsieur le ministre, qu'elle pourrait être indexée
sur l'évolution du SMIC ? Ce serait un signe en direction des doctorants.
Pour la mise en oeuvre du plan Université du troisième millénaire, 3,6
milliards de francs d'autorisations de programme et 2,7 milliards de francs de
crédits de paiement sont inscrits au budget de l'enseignement supérieur pour
2001.
Ils serviront essentiellement à la poursuite du volet sécurité des
établissements, en particulier du campus de Jussieu, à la maintenance des
établissements ou à la création du musée du quai Branly. Ce n'est pas parce que
le plan U3M est sur les rails qu'il faut désormais oublier son importance. Il
représente un effort d'investissement considérable et bien supérieur au plan
Université 2000 : dans les contrats de plan Etat-région, la part de l'Etat, au
titre du plan U3M, est supérieure de 40 % à la période 1994-1999.
Ce plan intègre non seulement un véritable programme de rattrapage pour la
région d'Ile-de-France, mais aussi la vie étudiante, deux éléments oubliés du
plan Université 2000. Ne serait-ce qu'au regard des crédits destinés à ce plan,
il est injuste et surtout injustifié de dire, à l'instar du rapporteur pour
avis, que « l'enseignement supérieur ne semble faire l'objet, cette année, que
d'un programme minimal de la part de son ministre ».
Outre que sa progression est supérieure à celle de l'année passée, ce budget
assure la poursuite des orientations prises en 1998, à savoir une politique
ambitieuse visant à moderniser notre système d'enseignement supérieur, tout en
veillant à ce que le plus grand nombre d'étudiants puissent y accéder, sans se
heurter à des difficultés financières ou matérielles.
C'est le sens du plan social étudiant mis en place en loi de finances initiale
pour 1999, l'objectif étant, sur quatre ans, d'accroître de 30 % le nombre
d'étudiants aidés et de 15 % le niveau moyen des aides.
Ce sera chose faite à la rentrée 2001, avec 500 000 étudiants aidés grâce à
l'extension de la bourse de cycle au deuxième cycle, à l'augmentation du nombre
des allocations d'études et des bourses sur critères universitaires pour les
étudiants de troisième cycle.
Au final, de 1998 à 2001, les crédits destinés à financer les bourses auront
augmenté de près de 2 milliards de francs. Je ne pense pas non plus qu'on
puisse taxer ce plan et sa finalisation pour 2001 de « programme minimal ».
Cependant et malgré ces importantes mesures, plus on avance dans les cycles
universitaires, moins les critères sociaux sont pris en compte dans
l'attribution des aides. Ne pourrait-on pas envisager, monsieur le ministre, de
développer les bourses sur critères sociaux dans le troisième cycle ?
Mais je suis conscient, contrairement à M. le rapporteur pour avis, qu'on ne
peut pas tout faire en même temps et qu'on ne peut pas avoir tout et tout de
suite, surtout dans un contexte de forte mutation de la population étudiante.
Bien sûr, l'université doit s'adapter : après le temps de la massification
vient le temps de la démocratisation, et le Gouvernement y travaille depuis
1997.
Des mesures ont été prises en ce sens, et encore dernièrement, monsieur Lang,
vous avez annoncé vos orientations afin de réduire l'échec dans les premiers
cycles universitaires. Celles-ci sont axées sur la création de la fonction de
directeur des études, sur le développement de la pluridisciplinarité et de la
réorientation, sur l'appel à des projets pédagogiques et sur un meilleur
accueil des nouveaux étudiants.
En ce qui concerne l'ouverture à l'international et la mobilité étudiante, je
suis contraint de tenir le même discours que l'année dernière, devant votre
prédécesseur : démocratiser la mobilité de nos étudiants, c'est bien ;
développer l'enseignement des langues dans l'enseignement supérieur, notamment
dans cet objectif, c'est mieux !
Vous mettez en oeuvre un plan ambitieux pour faire débuter l'apprentissage des
langues vivantes dès le plus jeune âge, mais l'effort doit être continu tout au
long du parcours scolaire. L'apprentissage et l'approfondissement des langues
étrangères ne doivent pas s'arrêter aux portes de l'université, comme c'est
trop souvent le cas dans certaines formations.
Difficile, actuellement, de s'expatrier pour ses études quand on a arrêté
l'apprentissage d'une langue plusieurs années auparavant ! L'enseignement des
langues à la faculté doit être pleinement intégré à toutes les formations et à
tous les diplômes.
Ensuite, il faudrait revoir le système des bourses. Si seuls 3 % à 4 % des
étudiants français effectuent une mobilité au cours de leurs études, c'est, en
partie aussi, à cause de la faiblesse des bourses ERASMUS,
European
Community Action Scheme for Mobility of University Students
: 786 francs
mensuels pendant sept mois, c'est plus que léger !
Sur ce dernier point, le rôle de la présidence française de l'Union européenne
a été essentiel : elle a fait de la mobilité étudiante une priorité de son
action dans le domaine de l'éducation. Au Conseil « éducation - jeunesse » du 9
novembre dernier, une proposition de recommandation relative à la mobilité des
étudiants, des personnes en formation, des jeunes volontaires, des enseignants
et des formateurs dans la Communauté ainsi qu'un plan de faveur de la mobilité
ont d'ailleurs été présentés.
L'ouverture internationale constitue un des grands enjeux de l'enseignement
supérieur du troisième millénaire. Elle est en marche. Elle s'accélère même,
avec l'harmonisation européenne des
cursus,
effective dès cette année :
4 000 à 5 000 étudiants suivent une licence professionnelle, et l'année
universitaire 2000-2001 connaîtra ses premiers diplômés au grade de mastère.
Monsieur le ministre, le groupe socialiste soutiendra évidemment votre budget,
car, à travers sa hausse continue, il permet la poursuite des ambitieuses
réformes déjà engagées, qui visent à la démocratisation et à la modernisation
de notre système d'enseignement supérieur.
M. le président.
La parole est à M. Legendre.
M. Jacques Legendre.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, mon
intervention portera sur deux points de nature très différente.
Je voudrais d'abord vous interroger, monsieur le ministre, sur l'action de
votre ministère en faveur de l'accueil en France d'étudiants étrangers dans nos
grandes écoles et universités.
C'est un élément essentiel pour le rayonnement de notre langue et de notre
culture, mais aussi un investissement stratégique porteur de dynamisme
économique pour l'avenir.
M. André Ferrand.
Très bien !
M. Jacques Legendre.
Or, la situation s'est dégradée ces dernières années. Le nombre des étudiants
ainsi accueillis en France a diminué. Les causes en sont multiples : nécessité
d'instaurer des visas, diminution du nombre des bourses, renforcement de la
concurrence, les pays anglo-saxons - Etats-Unis, Canada, Grande-Bretagne,
Australie - développant une offre de places dans leurs universités très
importante et très attractive. Car ils ne garantissent pas seulement la qualité
des études ; ils règlent aussi les problèmes administratifs, d'installation,
s'assurent de la qualité de l'hébergement et veillent à l'insertion sportive,
sociale des étudiants étrangers !
Le résultat est là, même dans les pays dits francophones. Les étudiants qui
choisissent de faire leurs études aux Etats-Unis ou au Canada, par exemple, ne
cessent d'augmenter. Pour prendre un exemple, il y a sans doute plus
d'étudiants ivoiriens à Atlanta, New York, Washington ou Montréal que dans les
universités françaises.
Ainsi, même s'ils parlent encore le français, nombreux seront les futurs
dirigeants dont les souvenirs d'étudiants seront orientés outre-Atlantique,
alors que la génération actuelle pense encore au temps de ses études à la
Sorbonne et au quartier Latin.
M. Allègre - il n'avait pas tort sur tout - avait pris la mesure du problème :
avec le ministre des affaires étrangères, il avait créé EduFrance pour faire
connaître l'offre française d'enseignement supérieur. Sans doute les objectifs
chiffrés avancés à l'occasion du lancement d'EduFrance étaient-ils irréalistes,
mais du moins y avait-il là l'expression d'une volonté politique forte.
Sans doute aussi, faut-il saisir l'opportunité d'accueillir des étudiants
étrangers dans nos établissements, alors que la stagnation démographique permet
de disposer des places nécessaires.
Pouvez-vous, monsieur le ministre, nous faire un rapide bilan d'EduFrance ?
Allez-vous faire en sorte que les élèves étrangers des lycées français de
l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger, l'AEFE, puissent, s'ils le
souhaitent, poursuivre leurs études supérieures chez nous, alors qu'ils sont -
ô paradoxe - souvent détournés après le baccalauréat vers des établissements
nord-américains - et surtout quand ils sont bons ?
Qu'envisagez-vous pour que, de manière volontaire et coordonnée, nos grandes
écoles et universités attirent, accueillent, forment ces futures élites
étrangères qui pourront être, demain, autant d'amis de notre culture, de notre
méthode et, pour tout dire, de notre pays ?
Je voudrais maintenant attirer votre attention sur un tout autre sujet : le
financement des grandes écoles d'ingénieurs de l'enseignement privé.
Sans doute connaissez-vous la fédération des écoles d'ingénieurs et de cadres.
Elle fédère vingt-cinq écoles, regroupées en sept pôles régionaux, qui
accueillent actuellement plus de 17 000 étudiants, à qui elles délivrent
quelque 3 200 diplômes par an, habilités par la commission des titres
d'ingénieurs ou visés par votre ministère. Ces écoles emploient d'ailleurs 4
000 salariés. Elles entretiennent des laboratoires de recherche et disposent de
fortes relations avec l'étranger. Actuellement, 110 000 anciens élèves sont en
activité en France.
Or, cette véritable force de formation au service de notre pays ne reçoit de
votre ministère qu'une aide très limitée, environ 6 400 Francs par an et par
étudiant en formation initiale. Cette aide, monsieur le ministre, n'est pas à
la hauteur des besoins. Sa grande faiblesse conduit à demander un effort
exagéré aux familles - en moyenne, 30 000 francs par étudiant et par an - ce
qui entraîne aussi, évidemment, une forte discrimination par l'argent.
Bien sûr, vous répondrez que ces écoles savent se procurer de la taxe
d'apprentissage mais cette dernière, d'environ 10 000 francs par étudiant et
par an, diminue du fait de son redéploiement.
Sans doute, me répondrez-vous aussi : « Contractualisation » ! Et de fait, les
établissements se sont engagés dans ce processus. Mais, à ce jour, deux
contrats seulement auraient abouti et, de toute façon, ils portent sur des
activités périphériques aux activités de base des écoles. En outre, les sommes
attendues sont de l'ordre de 1 000 francs par étudiant. A l'évidence, ce n'est
pas la solution !
Je souhaite donc, monsieur le ministre, que vous puissiez engager avec ce très
utile et très important réseau d'écoles d'ingénieurs une véritable démarche
progressive de prise en charge partielle - toujours partielle - du coût de la
formation des étudiants, qui pourrait, par exemple, leur permettre de recevoir
20 000 francs en 2001, et de poursuivre l'effort les années suivantes, jusqu'à
atteindre, par exemple, 40 000 francs.
Dans le domaine de la formation supérieure, il ne faut pas opposer le public
au privé. Il y a complémentarité dans un effort de formation de qualité.
Je vous demande, monsieur le ministre, sur ce problème aussi de faire en sorte
que les actes soient en rapport avec les intentions et, d'avance, je vous en
remercie.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et
Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président.
La parole est à M. Lorrain.
M. Jean-Louis Lorrain.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la
conférence des présidents d'université a lancé, à la mi-octobre, un appel
particulièrement alarmant : « Face au risque d'éclatement du système
universitaire, nous sommes inquiets de constater, dans nos relations avec
l'administration de l'éducation nationale, des difficultés à mener un pilotage
cohérent et une régulation globale. La stagnation des effectifs étudiants et le
renouvellement considérable des générations d'enseignants aggraveront les
inégalités si l'Etat ne s'engage pas dans une politique nationale forte ».
A la lecture de votre budget, monsieur le ministre, j'aimerais déceler cette
politique forte et le projet mobilisateur qu'appellent de leurs voeux les
professeurs d'université.
L'augmentation des crédits inscrits au projet de loi de finances pour les
dépenses en capital traduit la montée du plan U3M et des autres opérations
d'investissement.
Le plan U3M affiche de hautes ambitions : permettre à l'enseignement supérieur
et à la recherche de contribuer au développement économique, améliorer les
conditions de la vie étudiante et favoriser l'ouverture sur l'international.
Un quart des crédits sont consacrés à l'amélioration de la vie étudiante.
Néanmoins, l'effort paraît encore insuffisant au regard de l'état souvent
critique des structures telles que les bibliothèques universitaires, dont
l'ouverture moyenne est de cinquante-cinq heures par semaine. C'est dérisoire
si l'on se réfère aux bibliothèques des universités américaines, qui sont
ouvertes en permanence.
Le plan social étudiant, engagé à la rentrée de 1998, vise à créer les
conditions d'une meilleure reconnaissance de la place des étudiants dans la
société. L'objectif final est d'augmenter les aides directes, pour accorder un
soutien à 30 % des étudiants, et d'augmenter de 15 % le niveau moyen des
aides.
Ainsi, le budget prévoit, sur le chapitre des bourses, 647 millions de francs
supplémentaires, dont 251 millions de francs au titre des mesures applicables à
la rentrée 2001.
Vous avez annoncé, monsieur le ministre, que les bourses de mérite, jusqu'à
présent réservées aux juristes et aux scientifiques, seront aussi accordées aux
étudiants des grandes écoles de lettres et sciences humaines. C'est une
initiative à laquelle je souscris.
On peut cependant regretter l'abandon du projet, autrefois évoqué, d'un
véritable statut spécifique aux étudiants, avec ses implications fiscales
permettant d'assurer une autonomie aux intéressés.
Par ailleurs, de nombreuses études sont venues souligner les incohérences en
matière d'attribution des aides. En créant, l'an dernier, dans le cadre du plan
social étudiant, une allocation d'études afin de répondre aux situations de
précarité vécues par un grand nombre d'étudiants et au désir d'autonomie
manifesté par d'autres, le Gouvernement a apporté une solution discutable à un
bon diagnostic.
Un rapport établi par le directeur du centre régional des oeuvres
universitaires de Créteil estime à 100 000 le nombre potentiel d'étudiants qui
vivent en-dessous du seuil de pauvreté. Par ailleurs, plus de 70 000 étudiants
sont obligés de travailler pour financer leurs études. Ceux qui travaillent
sont pratiquement exclus de fait des filières les plus sélectives et les plus
contraignantes pour ce qui est de la charge de travail.
L'auteur du rapport se montre très critique à l'égard de l'allocation
d'études. Il estime qu'elle est mal ficelée et que son application, mal
maîtrisée, n'a fait qu'accentuer la confusion existant autour des aides à
l'étudiant.
Enfin, j'évoquerai un phénomène particulièrement inquiétant et qui tend à
prendre de l'ampleur : la désaffection croissante des étudiants pour les études
scientifiques.
Cette diminution, qui affecte d'autres pays, s'accélère, au moment où les
innovations technologiques commandent le développement d'un nombre croissant
d'activités et alors que les ingénieurs et chercheurs sont très demandés sur le
marché des nouvelles technologies.
En cinq ans, le nombre d'inscrits en première année de DEUG de sciences a
diminué de 15 %. Une des origines de cette baisse est la diminution des
bacheliers scientifiques. Cette diminution, qui arrive au moment où les besoins
sont forts, témoigne de la déficience en matière d'information sur les
débouchés des filières. A l'inverse des sciences, la psychologie attire de
nombreux bacheliers.
Face à ce phénomène, il est urgent de mettre en oeuvre un véritable plan
d'action pour mieux informer les élèves, afin de mieux les diriger. Que
comptez-vous faire à ce sujet, monsieur le ministre ?
Pour terminer et afin de permettre au dernier orateur inscrit de mon groupe
d'intervenir plus longuement, je me bornerai à ajouter que le groupe de l'Union
centriste, au vu de ces constats rapides, ne pourra pas voter ce projet de
budget.
M. le président.
La parole est à M. Maman.
M. André Maman.
Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, je serai
donc aujourd'hui le dernier orateur inscrit sur le dernier budget. La journée a
été très très longue, et je suis ravi d'en voir la fin !
(Sourires.)
Avec 56 milliards de francs de crédits demandés pour 2001, le budget de
l'enseignement supérieur, en progression de 2,73 %, représente 14,4 % du budget
de l'éducation nationale.
Toutefois ce budget recouvre moins de la moitié des dépenses publiques en
faveur de l'enseignement supérieur. En effet, les collectivités locales, et
plus particulièrement les régions, contribuent, de manière croissante, au
financement des dépenses d'investissement de l'enseignement supérieur,
notamment dans le cadre des contrats de plan Etat-région. C'est un point que je
tenais à rappeler.
Monsieur le ministre, je veux tout d'abord vous féliciter d'avoir su calmer
les passions qui dominaient beaucoup trop le monde de l'enseignement ces
dernières années, et de nous permettre ainsi de dialoguer avec une certaine
sérénité.
La lutte contre l'échec à l'Université et l'ouverture de l'Université sur
l'international retiendront particulièrement mon attention.
Lors de la présentation à la presse des grandes orientations du budget de
l'enseignement supérieur, vous avez, monsieur le ministre, annoncé un certain
nombre de mesures pour lutter contre l'échec des étudiants des premiers cycles.
En effet, actuellement, seuls 37 % de ces étudiants obtiennent leur DEUG en
deux ans, ce qui est un pourcentage beaucoup trop faible.
Par ailleurs, vous ne traitez pas de la question des 30 % à 40 % de jeunes
inscrits en premier cycle qui quittent l'université sans diplôme, et vous
n'indiquez pas ce que vous comptez faire pour prévenir cette perte de talents
potentiels, insupportable au moment où notre pays a besoin de toutes ses forces
vives.
Parmi les mesures que vous prévoyez pour aider nos étudiants à surmonter les
difficultés du début de leur carrière universitaire, je note l'officialisation
d'une fonction de directeur des études de première année, un appel à projets
pédagogiques, la possibilité offerte aux étudiants de repousser leur choix
d'orientation à la fin de leur première année d'études, la possibilité de
suivre un enseignement bidisciplinaire et l'amélioration de l'accueil. Je
souscris totalement à ces initiatives, dont je connais très bien la teneur pour
avoir longtemps enseigné dans des universités anglo-saxonnes, mais en vérité
elles avaient déjà été préconisées par les deux ministres de l'éducation
nationale qui vous ont précédé. Il faut s'assurer que ces mesures seront bien
appliquées, avec rapidité et efficacité, afin d'enrayer l'augmentation du taux
des échecs universitaires.
Il faut ajouter que l'on ne constate pas de réelle avancée sur la question
essentielle, celle des contenus des enseignements, dont beaucoup devraient être
complètement revus en les adaptant aux besoins du monde moderne. Ce point a
déjà été souligné par plusieurs de mes collègues.
Votre prédécesseur immédiat, M. Claude Allègre, avait commencé à évoquer la
question. Fidèle à votre méthode, vous vous contentez de renvoyer l'étude de
ces problèmes à des groupes de travail. Ils traiteront des sciences, marquées
par une désaffection persistante des étudiants, de l'économie, du deuxième
cycle de médecine et de la diversification des parcours en lettres et sciences
humaines. Quand connaîtrons-nous, monsieur le ministre, le résultat de leurs
travaux ?
Vous ne vous attaquez pas davantage au problème de la redéfinition du métier
des enseignants du supérieur. Comment distinguer, dans le service assuré par un
enseignant, jusque-là défini par un certain nombre d'heures de cours, les
diverses tâches qu'il effectue, qu'il s'agisse des travaux dirigés, des
recherches, des tâches administratives ?... J'aurais aimé que vous nous donniez
des précisions à ce sujet, monsieur le ministre.
A cet égard, on ne peut que regretter que le volet consacré à la validation
des acquis professionnels ait été rejeté, en même temps que le projet de loi de
modernisation sociale. La validation des acquis constitue pourtant une voie
privilégiée pour encourager le retour des adultes à l'université. J'ai vu cette
formule fonctionner à l'étranger, et je sais l'importance qu'elle peut revêtir.
Elle permet de prendre en compte l'expérience professionnelle comme élément de
formation. De même, la formation continue diplômante reste très
insuffisante.
Par ailleurs, la réforme des études médicales, pourtant annoncée à grand
bruit, est à nouveau repoussée
sine die.
Cette réforme doit concerner,
d'une part, le concours d'entrée, d'autre part, le concours d'internat. L'objet
en est multiple : diminuer le phénomène de bachotage, favoriser l'établissement
de passerelles avec d'autres disciplines et revaloriser la fonction de
généraliste, qui en a bien besoin.
J'aborderai maintenant un point qui me tient beaucoup à coeur, celui de
l'orientation préalable des étudiants de premier cycle. Pour éviter les échecs
et les années de frustration que subit un si grand nombre d'entre eux, il
faudrait qu'il soit procédé à une orientation systématique, dans tous les
lycées, à partir de la seconde, afin de sensibiliser les futurs étudiants et de
les aider à choisir la direction universitaire dans laquelle ils
s'engageront.
Cette orientation devrait se faire avec le concours de spécialistes de divers
métiers qui s'adresseraient directement aux élèves pour leur décrire les
différentes carrières possibles. En collaboration avec des spécialistes de
l'enseignement, ils pourraient évaluer les motivations et le potentiel des
élèves, ce que nous ne savons pas faire en France, et, ainsi, les conseiller en
connaissance de cause. Cela se pratique sans trop de difficulté dans d'autres
pays ; pourquoi ne le ferions-nous pas en France, pour éviter de trop nombreux
échecs ? Les bureaux d'admission des universités anglo-saxonnes réalisent
couramment ce travail, avec beaucoup de succès et de transparence. Je suis sûr
qu'en consentant un effort important dans ce domaine nous faciliterions la
tâche de nos futurs étudiants et pourrions ainsi éviter une grande déperdition
de talents.
Je formulerai maintenant une suggestion qui n'engage que moi-même : je propose
que les études universitaires soient rendues payantes en France, comme elles le
sont dans de nombreuses universités étrangères. En effet, autant je défendrais
bec et ongles la gratuité de l'enseignement primaire, élémentaire et
secondaire, autant je suis persuadé que les études universitaires devraient
avoir un coût, fixé selon les revenus des parents. Les étudiants les moins
fortunés recevraient des bourses importantes leur assurant la gratuité de leurs
études et leur permettant de les poursuivre de manière satisfaisante. Il y
aurait ainsi une sorte de redistribution des fonds reçus, et quand on observe
attentivement les résultats de telles politiques dans les universités
anglo-saxonnes, on s'aperçoit que ce système est beaucoup plus démocratique que
le nôtre.
De plus, si l'on n'en arrivait pas peu à peu à prendre de telles mesures, il
deviendrait extrêmement difficile, pour notre pays, de faire face aux exigences
de l'enseignement supérieur du xxie siècle. Je vous renvoie sur ce point aux
propos de notre excellent collègue Ivan Renar, qui a parlé de l'« étranglement
» financier de l'université de Lille.
J'aborderai maintenant un autre sujet qui me paraît particulièrement
important, à savoir l'ouverture de l'université à l'international, qui demeure
encore et toujours insuffisante, surtout quand on observe ce qui se passe à cet
égard dans d'autres pays.
L'enseignement supérieur français, à la différence de ses homologues américain
et britannique, apparaît encore largement centré sur lui-même, très «
franco-français ». Or l'ouverture sur l'étranger du monde universitaire et des
étudiants est aujourd'hui indispensable dans un environnement de plus en plus
mondialisé. Notre collègue Jacques Legendre a mentionné ce fait avec beaucoup
de perspicacité, mais il faudrait y revenir, car c'est un sujet capital qui
nous intéresse tous, sans que nous sachions comment parvenir à des résultats
positifs.
Le nombre des étudiants étrangers en France baisse de façon continue depuis la
fin des années soixante-dix. Le taux d'étudiants étrangers est passé dans notre
pays sous la barre des 10 %, alors qu'il s'élevait à 14 % à cette même époque.
Pourtant, il existe une compétition énorme dans le monde pour attirer des
étudiants venus d'ailleurs. Ainsi, en Nouvelle-Zélande, où je me suis rendu cet
été, près de la moitié des étudiants d'Auckland, soit 12 000 sur un total de 26
000, sont originaires d'Asie. A leur arrivée, on leur remet des brochures
rédigées en coréen, en chinois, en malais, etc.
Nous devons donc faire un effort pour accueillir les jeunes étrangers. Leur
présence contribue évidemment au rayonnement de l'université française, en même
temps qu'elle est, plus prosaïquement, source de revenus. Ces étudiants sont
d'ailleurs surpris de constater que leurs camarades français ne paient pas pour
étudier. A cet égard, j'ai souvent remarqué que si vous affirmez à un étranger
que les études en France sont gratuites, il en déduit immédiatement qu'elles ne
valent rien ! Tel est l'état d'esprit dominant dans le monde des étudiants
étrangers !
Au-delà de vos déclarations d'intention, messieurs les ministres, force est de
constater que les réalisations sont encore très timides et que les orientations
sont marquées par beaucoup d'incertitudes.
Je sais que, dans l'optique de la mise en oeuvre du plan U3M, vous avez
annoncé que 15 % des logements pour étudiants seraient réservés aux étrangers.
On a également confié à M. Elie Cohen une mission, dont l'objet est d'améliorer
l'accueil des étudiants étrangers et d'amplifier la portée des actions
internationales des universités.
Cela étant, on en reste encore aux déclarations d'intention, alors que les
enjeux sont pourtant de taille. Notre pays perd du terrain, depuis plusieurs
années, sur le marché de l'accueil des étudiants étrangers, les Etats-Unis
recevant à eux seuls 34 % de ces étudiants, pour un bénéfice évalué à 7,5
milliards de dollars, tandis que le marché mondial est estimé à 130 milliards
de francs.
M. Jacques Attali a remis, en mai 1999, un rapport portant sur un modèle
européen en matière d'enseignement supérieur. La conférence de Bologne, qui
s'est tenue en juin 1999, a permis de définir les grandes lignes de cette
politique. Certes, en mai 1999, un nouveau grade a été créé, le mastère, dans
l'optique du rapprochement et de l'harmonisation des formations en Europe, mais
il ne s'agit que d'une mesure assez limitée.
Au-delà de l'harmonisation des cursus, de nombreux progrès restent à faire en
matière de mobilité des étudiants et des enseignants. Le projet de budget pour
2001 ne prévoit pas de moyens pour mettre en oeuvre ces réformes. La mobilité
des étudiants français est très faible, cela a déjà été signalé. En 1999, de 3
% à 4 % d'entre eux seulement s'étaient rendus à l'étranger, soit 16 000
étudiants au titre du programme d'échanges Erasmus et 1 500 au titre du
programme Leonardo. Là encore, messieurs les ministres, j'aurais voulu que vous
indiquiez où nous en étions, s'agissant aussi bien des étudiants que des
enseignants. Des statistiques précises seraient bien utiles : que comptez-vous
faire à ce sujet ?
Par ailleurs, j'espère que le Gouvernement soutiendra le projet d'enseignement
supérieur européen en ligne, évoqué par notre excellent rapporteur pour avis,
M. Jacques Valade, qui prévoit d'instituer une sorte de mobilité virtuelle et
qui doit être confirmé lors du prochain sommet européen.
La très faible efficacité des initiatives engagées pour ouvrir nos universités
sur l'extérieur s'explique en grande partie par la modestie des moyens
attribués à l'agence EduFrance. Je rencontre très souvent, lors de mes
déplacements à l'étranger, les responsables de celle-ci. J'ai de l'estime pour
eux, ils font un excellent travail, mais ils ne disposent pas des moyens
nécessaires pour accomplir l'oeuvre qu'ils voudraient réaliser. L'agence
Edufrance a évidemment joué un rôle important dans l'accueil des étudiants
étrangers ayant séjourné en France l'année dernière, ainsi que dans la
promotion des universités d'été. J'aurais aimé, messieurs les ministres, que
vous nous indiquiez les résultats obtenus par EduFrance, comme l'a demandé
notre collègue Jacques Legendre, en nous précisant les budgets et les moyens en
personnels dont elle a disposé depuis sa création.
Pour conclure, votre projet de budget, messieurs les ministres, manque de
souffle et de perspectives. Notre système universitaire n'offre pas
suffisamment de formations de qualité et la transparence de sa gestion est
insuffisante. Il ne supporte malheureusement pas toujours la comparaison avec
les universités étrangères et ne permet pas une ouverture suffisante sur
l'extérieur, qu'il s'agisse de l'accueil des étudiants étrangers ou de la
mobilité internationale de nos étudiants.
En outre, ce projet de budget ne permet pas d'assurer la réussite de la
démocratisation de notre université. Malgré des progrès, qu'il faut
reconnaître, je n'y trouve pas la marque des réformes indispensables, et je ne
pourrai donc pas le voter.
(Applaudissements sur les travées de l'Union
centriste et du RPR.)
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Jack Lang,
ministre de l'éducation nationale.
Monsieur le président, mesdames,
messieurs les sénateurs, nous sommes convenus avec M. Mélenchon de conclure ce
débat par une brève intervention de ma part. L'heure nous invite d'ailleurs à
la sagesse, d'autant que les différents orateurs se sont exprimés sur un ton
qui parfois a tranché avec celui de la discussion précédente et que nous avons
pu constater qu'ils faisaient preuve de compétence, de connaissance des
problèmes et de clarté. Sur toute une série de remarques, nous pouvons
d'ailleurs nous retrouver, même si certains d'entre eux en tirent des
conclusions différentes des nôtres.
Les rapporteurs, MM. Lachenaud et Valade, ont exprimé une volonté, une
ambition. Elles rejoignent les nôtres, même si je ne suis pas d'accord avec un
certain nombre de leurs observations sur quelques points techniques.
Je pense ici en particulier à ce que disait M. Lachenaud, par exemple, à
propos des crédits de maintenance. Certes, leur augmentation reste encore
insuffisante, mais nous nous trouvons désormais dans une situation - je vous le
dis, monsieur Lachenaud, sans esprit de polémique - très différente de celle
qui prévalait dans les années 1987, 1988 et suivantes. Depuis 1998, ces crédits
de maintenance n'ont cessé de s'accroître d'au moins 100 millions de francs par
an, et je m'efforcerai d'obtenir que cette progression soit maintenue pour les
prochains budgets.
M. Ferrand, pour sa part, a développé un point de vue que je fais mien quant à
la dimension internationale de notre action. Je reprends volontiers les
conceptions qu'il a énoncées, visant notamment à une meilleure synergie entre
notre action publique nationale et internationale et les entreprises françaises
qui travaillent hors de nos frontières. Certaines des idées avancées par M.
Ferrand méritent en effet, à mon sens, d'être approfondies, et je lui propose
de rencontrer ceux de mes collaborateurs qui suivent de près ces questions.
M. André Ferrand.
Merci !
M. Jack Lang,
ministre de l'éducation nationale.
M. Laffitte a évoqué des sujets à
propos desquels je suis en plein accord avec lui. J'apporterai simplement une
petite nuance : comme je le lui ai dit, les certifications et les habilitations
sont aujourd'hui accordées avec beaucoup plus de célérité que naguère. Ainsi,
la rapidité qui a présidé notamment à la création des licences
professionnelles, question dont s'occupe activement M. Mélenchon, témoigne
d'une accélération très heureuse des choses.
M. Renar a évoqué, à titre d'illustration, l'université de Lille. Je lui
répondrai dans le détail par écrit, s'il le veut bien. Mais je le rassure : la
répartition des crédits se fait dans un esprit d'équité. Il va de soi que,
comme toutes les grandes villes universitaires, Lille doit être traitée avec un
égard particulier.
Que dire à M. Lagauche, sinon le remercier de me permettre d'être bref
puisqu'il a présenté avec beaucoup d'éloquence et de talent les originalités de
ce budget de l'enseignement supérieur ?
Monsieur Legendre a, tout comme M. Ferrand, insisté sur la dimension
internationale. Je veux lui répondre, ainsi qu'à M. Maman, que nous prenons
cette question à bras-le-corps.
Avec M. Védrine, j'ai ainsi confié une mission à M. Elie Cohen, ancien
président de l'université Paris-Dauphine pour tenter de mieux comprendre - il
ne suffit pas en effet de dire : « il faut » - les difficultés et les
obstacles, tant administratifs et techniques que philosophiques et culturels,
qui expliquent que nos universités soient parfois moins attractives, malgré
leur compétence, que les universités d'autres pays.
Il n'est cependant pas question en confiant une telle mission à M. Elie Cohen
de renoncer à prendre des décisions et à agir. D'ailleurs, de manière générale,
je dirai à M. Maman que, sur tous les sujets qu'il a évoqués, nous avançons.
Libre à lui de penser que réfléchir n'est pas avancer mais, pour ma part, je
n'ai pas l'habitude de décider entre deux portes ! Je ne suis au Gouvernement
que depuis sept ou huit mois. La réflexion sur le métier d'enseignant ne peut
pas se conclure en un seul mois, ou même en quelques mois. Tellement de
changements vont intervenir au cours des prochaines années que ce sujet mérite
d'être traité sérieusement !
Quant à la clarification de la mise en oeuvre du plan U 3 M, évoqué par M.
Valade et, pour le logement, par M. Maman, c'est aussi un dossier qui avance.
S'il est besoin d'infléchir sa mise en oeuvre - j'ai déjà entrepris cette
démarche pour le logement étudiant - nous le ferons.
S'agissant du renforcement de l'autonomie des universités, c'est un des thèmes
sur lesquels les présidents d'universités sont invités à réfléchir au cours de
l'année qui va s'ouvrir.
Je suis prêt à tous les changements, je vous le dis très franchement, à
condition que ce soit une autonomie pleinement assumée avec tout ce que cela
comporte de responsabilité de la part des uns et de la part des autres. On ne
peut pas concevoir un système où l'Etat ne serait là que pour distribuer les
postes et les crédits - car, quand cela va mal, on sait frapper à la porte du
ministère - si, dans le même temps, les présidents d'université ne font pas
preuve d'un véritable esprit de responsabilité. Cela étant, je suis prêt à
étudier toutes solutions nouvelles dans lesquelles chacun assumerait pleinement
sa tâche.
S'agissant du plan social étudiant, chacun a reconnu qu'il avançait, qu'il
progressait ; des améliorations sont à apporter. Certaines des remarques
formulées par MM. Lagauche et Renar méritent d'être retenues.
En ce qui concerne la rénovation des DEUG scientifiques, vous savez que nous
travaillons sur ce sujet. J'ai confié au président de l'Académie des sciences,
M. Haurisson, une mission de réflexion, plus générale d'ailleurs, sur la crise
de l'enseignement des sciences non seulement en France mais dans le monde
entier. Il faut en étudier les causes pour trouver, je l'espère, les
remèdes.
La mobilité des étudiants est un sujet qui a été évoqué par MM. Valade, Renar,
Maman et Lagauche. Comme vous le savez, dans quelques heures, j'espère, à Nice,
notre plan d'action pour la mobilité sera adopté par la conférence des chefs
d'Etat et de gouvernement. Mais cette adoption créera des obligations
politiques avec lesquelles nous devrons nous mettre en conformité par des
actions concrètes que chacun des pays de l'Union devra entreprendre pour son
compte.
Je ne reviens pas sur l'action éducative internationale de la France : la
synergie avec le ministère des affaires étrangères va de soi. J'imagine qu'il
ne s'agit pas d'une synergie qui consisterait simplement à demander au
ministère de l'enseignement supérieur de participer au financement d'actions
extérieures, mais d'une synergie positive, constructive et dynamique.
Dans ce cas, j'en prends note, et j'espère que vous plaiderez dans ce sens
auprès des uns et des autres.
S'agissant du premier cycle, il faut ramener les choses à leurs justes
mesures. Lorsqu'on constate que plus de 70 % des étudiants réussissent leur
DEUG, on peut considérer que c'est un résultat qui n'est pas négligeable. Mais
je souhaite ne pas en rester là et nous réfléchissons à toute une série de
mesures concrètes pour mieux accueillir les étudiants de première année et pour
permettre une réorientation à la fin de la première.
Je me garderai de toute polémique sur la semestrialisation telle qu'elle a été
engagée voilà quelques années et sur le quasi-échec - car c'est bien d'un
quasi-échec qu'il s'agit - de l'orientation après le premier semestre. J'espère
que la réforme que nous allons mettre en place à la rentrée prochaine sera plus
fructueuse que celle qui a été engagée voilà quelques années, et j'entends bien
m'y attacher avec beaucoup d'attention et de volonté.
Par ailleurs, nous souhaitons mieux suivre les étudiants qui quittent
l'université après le DEUG pour se diriger vers d'autres orientations ou vers
d'autres formes d'insertions.
Je ne m'étendrai pas longuement, ce soir, sur les études médicales : nous
avons repris depuis quelques semaines le dossier de la réforme du premier cycle
; nous nous donnons jusqu'au mois de juin prochain - cela réclame des
consultations, des concertations nombreuses - pour aboutir à une conclusion.
Mais c'est un dossier qui, je crois, est reparti sur de bonnes bases.
J'en arrive aux bibliothèques universitaires, question qui a été soulevée par
MM. Vallade et Lorrain. Nous venons de très loin. Pendant très longtemps, ce
fut un secteur abandonné, négligé, sacrifié. Il faut le dire, ce dossier a été
pris en mains par M. Lionel Jospin, ministre de l'éducation nationale, en 1988,
puis poursuivi, ralenti, et repris par M. Allègre. J'ai souhaité moi-même y
apporter un infléchissement particulier, à la fois sous la forme
d'investissements et sous la forme de créations de postes mais aussi dans le
cadre d'une politique d'ouverture des bibliothèques universitaires au-delà de
dix-huit heures et, dans certains lieux, le samedi toute la journée. C'est un
progrès notable qu'il faut poursuivre.
Vous avez évoqué tout à l'heure la répartition des crédits entre
l'Ile-de-France et les autres villes universitaires. Pour les raisons que vous
connaissez, sur lesquelles je ne veux pas insister à cette heure de la nuit,
Paris est très en retard. On ne peut dire que les bibliothèques universitaires
de Paris soient les plus accueillantes, les plus hospitalières, les plus
facilement ouvertes. On comprendra bien que l'Etat sur ce point ait été obligé
de donner un petit coup de pouce - avec succès - pour que la ville de Paris se
réveille - elle s'est enfin réveillée - et apporte sa contribution aux
investissements universitaires, notamment aux bibliothèques.
En ce qui concerne les écoles privées d'ingénieurs, monsieur Legendre, nous
avons engagé tout un système de contractualisation. Deux écoles d'ingénieurs
ont participé et notre porte est ouverte. Un effort est engagé dans l'actuel
budget.
Voilà quelques-uns des points sur lesquels je souhaitais vous apporter des
informations complémentaires. Pour le reste, nous serons en mesure de vous
apporter, au fil des mois, les précisions dont vous pourriez avoir besoin.
Je remercie en tout cas les sénateurs qui ont bien voulu rester si tard et
surtout qui ont bien voulu apporter leur contribution, même critique, mais
toujours positive.
(Applaudissements sur les travées socialistes, sur celles du groupe communiste
républicain et citoyen ainsi que sur certaines travées du RPR et de l'Union
centriste.)
M. le président.
Nous allons procéder à l'examen et au vote des crédits figurant aux états B et
C concernant l'éducation nationale : II. - Enseignement supérieur.
ÉTAT B
M. le président. « Titre III : 3 563 590 118 francs. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les crédits figurant au titre III.
(Ces crédits ne sont pas adoptés.)
M. le président.
« Titre IV : moins 895 284 205 francs. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les crédits figurant au titre IV.
(Ces crédits ne sont pas adoptés.)
ETAT C
M. le président.
Titre V. - Autorisations de programme : 823 000 000 francs ;
« Crédits de paiement : 205 750 000 francs. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les crédits figurant au titre V.
(Les crédits ne sont pas adoptés.)
M. le président.
« Titre VI. - Autorisations de programme : 5 634 700 000 francs ;
« Crédits de paiement : 3 066 230 000 francs. »
Sur ces crédits, la parole est à M. Hethener.
M. Alain Hethener.
Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues,
permettez-moi encore de retenir votre attention pendant quelques instants
encore, même si, à presque une heure du matin, cela peut vous paraître long.
Messieurs les ministres, je dois vous avouer que je ne m'attendais pas, bien
évidemment, à ce que l'université de Metz soit la priorité du Gouvernement
mais, à la lecture de la partie « Crédits correspondant aux engagements de
l'Etat pour les contrats de plan Etat-région », j'ai quelques raisons de penser
qu'en ce qui concerne l'émancipation de l'université de Metz de la tutelle de
Nancy nous devrons encore un peu attendre.
En effet, il semblerait que l'Etat ne voit l'enseignement supérieur en
Lorraine qu'à travers le prisme, je dirai ancien, des enseignements de
l'université de Nancy dont je reconnais bien évidemment que la qualité n'est
plus à faire. Mais, monsieur le ministre, dans une grande région frontalière
comme la Lorraine, il y a, je pense, de la place pour deux universités, mais
aussi deux conceptions de l'enseignement supérieur.
Metz, ville majeure située dans l'arc Saar-Lorr-Lux, doit accueillir des
disciplines enseignées dans la langue du voisin, c'est-à-dire l'Allemagne et le
Luxembourg, car l'attraction de pays comme l'Allemagne joue un grand rôle. Il
serait bon que l'Etat comprenne les spécificités des régions frontalières en
faisant en sorte que des enseignements soient mieux adaptés à l'environnement
international. L'université de Metz n'a pas l'ancienneté et le prestige de
celle de Nancy, mais la ville de Metz a pour elle d'être un carrefour européen
et le nombre d'étudiants étrangers prouve que son université a sa propre carte
à jouer. Il convient à l'Etat d'aider des villes universitaires frontalières à
« coller », je dirai au plus près, aux attentes des entreprises de part et
d'autre de la frontière.
Autrement dit, il est temps que l'Etat admette que l'université de Metz a sa
raison d'être et qu'elle est en mesure de se spécialiser dans des niches. A
l'instar de l'Institut franco-allemand, Metz ne peut pas se développer sans
intégrer les attentes des entreprises allemandes et celles du marché du travail
luxembourgeois qui, bien évidemment, est l'eldorado des jeunes diplômés de
Moselle.
Aussi, monsieur le ministre, il me serait agréable que, dans les mois à venir,
votre ministère étudie les possibilités de développement spécifique des
universités des régions frontalières.
L'international, est une chose, mais le transfrontalier en est une autre.
Enfin, j'accueillerai avec satisfaction de voir l'Etat donner un coup de pouce
à l'université de Metz en jouant la carte de la complémentarité entre Metz et
Nancy. Car, je vous le dis, monsieur le ministre, Metz n'a pas seulement envie
de rattraper son retard, Metz a envie d'offrir des enseignements de qualité et
qui viennent « coller » à son environnement de ville frontalière. Et cela ne
peut pas se faire sans dotation ni reconnaissance de diplômes de troisième
cycle. Nancy a été le phare du dynamisme intellectuel en Lorraine pendant plus
de cinquante ans, et Metz a bien l'intention de jouer sa propre carte dans les
années à venir.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix les crédits figurant au titre VI.
(Ces crédits ne sont pas adoptés.)
M. le président.
Nous avons achevé l'examen des dispositions du projet de loi de finances
concernant l'enseignement supérieur et, par là même, l'examen des dispositions
concernant le ministre de l'éducation nationale.
12
DÉPÔT D'UN PROJET DE LOI
M. le président.
J'ai reçu de M. le Premier ministre un projet de loi autorisant l'approbation
du protocole à l'accord entre le Gouvernement de la République française et le
Gouvernement de la Fédération de Russie relatif à la coopération dans le
domaine de l'exploration et de l'utilisation de l'espace à des fins pacifiques
en date du 26 novembre 1996.
Le projet de loi sera imprimé sous le numéro 127, distribué et renvoyé à la
commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, sous
réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les
conditions prévues par le règlement.
13
DÉPÔT D'UNE PROPOSITION DE LOI
M. le président.
J'ai reçu de MM. Henri de Richemont, Pierre André, Louis Althapé, Louis de
Broissia, Jacques Chaumont, Jean Bernard, Jean Bizet, Dominique Braye, Mme
Paulette Brisepierre, MM. Robert Calméjane, Auguste Cazalet, Gérard César,
Gérard Cornu, Xavier Darcos, Désiré Debavelaere, Jean-Paul Delevoye, Jacques
Delong, Christian Demuynck, Charles Descours, Michel Doublet, Xavier Dugoin,
Daniel Eckenspieller, Michel Esneu, Bernard Fournier, Alain Gérard, François
Gerbaud, Daniel Goulet, Alain Gournac, Hubert Haenel, Emmanuel Hamel, Jean-Paul
Hugot, Gérard Larcher, Lucien Lanier, Patrick Lassourd, René-Georges Laurin,
Jacques Legendre, Serge Lepeltier, Simon Loueckhote, Max Marest, Paul Masson,
Mme Lucette Michaux-Chevry, MM. Bernard Murat, Lucien Neuwirth, Mme Nelly Olin,
MM. Jacques Peyrat, Joseph Ostermann, Jacques Oudin et Jean-Pierre Schosteck,
une proposition de loi relative à l'assistance maritime et à la protection de
l'environnement.
La proposition de loi sera imprimée sous le n° 126, distribuée et renvoyée à
la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage
universel, du règlement et d'administration générale, sous réserve de la
constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues
par le règlement.
14
DÉPO^T DE RAPPORT
M. le président.
J'ai reçu de M. Jean-François Le Grand, un rapport fait au nom de la
commission des affaires économiques et du Plan sur le projet de loi, adopté par
l'Assemblée nationale en nouvelle lecture, relatif à l'élargissement du conseil
d'administration de la société Air France et aux relations de cette société
avec l'Etat, et portant modification du code de l'aviation civile (n° 90,
2000-2001).
Le rapport sera imprimé sous le n° 121 et distribué.
J'ai reçu de M. Pierre Hérisson un rapport fait au nom de la commission des
affaires économiques et du Plan sur la proposition de résolution (n° 89,
2000-2001) présentée en application de l'article 73
bis
du règlement par
MM. Gérard Larcher, Pierre Hérisson, Paul Girod, François Trucy, Louis Althapé
et philippe Adnot sur la proposition de directive du Parlement européen et du
Conseil modifiant la directive 97/67/CE en ce qui concerne la poursuite de
l'ouverture à la concurrence des services postaux de la Communauté (n°
E-1520).
Le rapport sera imprimé sous le n° 122 et distribué.
J'ai reçu de M. Jean-François Le Grand, rapporteur pour le Sénat, un rapport
fait au nom de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur
les dispositions restant en discussion du projet de loi portant diverses
dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine des
transports.
Le rapport sera imprimé sous le n° 123 et distribué.
J'ai reçu de M. Philippe Nachbar un rapport fait au nom de la commission des
affaires culturelles sur la proposition de loi de MM. Josselin de Rohan, Paul
Dubrule, Philippe François et Alain Gérard instituant un droit d'accès aux
communes où sont organisées des manifestations culturelles sur la voie publique
(n° 478, 1999-2000).
Le rapport sera imprimé sous le n° 124 et distribué.
J'ai reçu de M. Alain Gournac un rapport fait au nom de la commission des
affaires sociales sur la proposition de loi de MM. Alain Gournac, Jean Arthuis,
Pierre Laffitte, Henri de Raincourt et Josselin de Rohan permettant de faire
face aux pénuries de main-d'oeuvre et de lever les obstacles à la poursuite de
la croissance économique (n° 44, 2000-2001).
Le rapport sera imprimé sous le n° 125 et distribué.
15
ORDRE DU JOUR
M. le président.
Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment
fixée à aujourd'hui, jeudi 7 décembre 2000, à neuf heures quarante-cinq :
1. Suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2001, adopté par
l'Assemblée nationale (n°s 91 et 92, 2000-2001).
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances, du
contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation.
Deuxième partie. - Moyens des services et dispositions spéciales :
Agriculture et pêche (et articles 49, 49
bis,
50, 50
bis,
50
ter
et 50
quater) :
M. Joël Bourdin, rapporteur spécial (rapport n° 92, annexe n° 3) ;
M. Gérard César, rapporteur pour avis de la commission des affaires
économiques et du Plan (agriculture, avis n° 94, tome I) ;
M. Alain Gérard, rapporteur pour avis de la commission des affaires
économiques et du Plan (pêche, avis n° 94, tome II) ;
M. Henri Revol, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques
et du Plan (développement rural, avis n° 94, tome III) ;
M. Bernard Dussaut, rapporteur pour avis de la commission des affaires
économiques et du Plan (industries agricoles et alimentaires, avis n° 94, tome
IV) ;
M. Albert Vecten, rapporteur pour avis de la commission des affaires
culturelles (enseignement agricole, avis n° 93, tome VII).
A quinze heures :
2. Questions d'actualité au Gouvernement.
A seize heures et le soir :
3. Suite de l'ordre du jour du matin.
4. Suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2001, adopté par
l'Assemblée nationale (n°s 91 et 92, 2000-2001) :
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances, du
contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation.
Deuxième partie. - Moyens des services et dispositions spéciales :
Budget annexe des prestations sociales agricoles :
M. Joël Bourdin, rapporteur spécial (rapport n° 92, annexe n° 42) ;
M. Louis Boyer, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales
(avis n° 96, tome VI).
Défense (articles 33 et 34) :
1. Rapporteurs spéciaux :
Exposé d'ensemble, dépenses en capital : M. Maurice Blin (rapport n° 92,
annexe n° 43) ; dépenses ordinaires : M. François Trucy (rapport n° 92, annexe
n° 44).
2. Rapporteurs pour avis de la commission des affaires étrangères, de la
défense et des forces armées :
Nucléaire, espace et services communs : M. Jean Faure (avis n° 95, tome IV) ;
section Gendarmerie : M. Paul Masson (avis n° 95, tome V) ; section Forces
terrestres : M. Serge Vinçon (avis n° 95, tome VI) ; section Air : M.
Jean-Claude Gaudin (avis n° 95, tome VII) ; section Marine : M. André Boyer
(avis n° 95, tome VIII).
Délai limite pour les inscriptions de parole dans les discussions précédant
l'examen des crédits de chaque ministère
Le délai limite pour les inscriptions de parole dans les discussions précédant
l'examen des crédits de chaque ministère est fixé à la veille du jour prévu
pour la discussion, à dix-sept heures.
Délai limite pour le dépôt des amendements aux crédits
budgétaires pour le projet de loi de finances pour 2001
Le délai limite pour le dépôt des amendements aux divers crédits budgétaires
et articles rattachés du projet de loi de finances pour 2001 est fixé à la
veille du jour prévu pour la discussion, à dix-sept heures.
Délai limite pour le dépôt des amendements aux articles de la deuxième partie,
non joints à l'examen des crédits du projet de loi de finances pour 2001
Le délai limite pour le dépôt des amendements aux articles de la deuxième
partie, non joints à l'examen des crédits du projet de loi de finances pour
2001, est fixé au vendredi 8 décembre 2000, à seize heures.
Délai limite pour les inscriptions de parole
et pour le dépôt des amendements
Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture, relatif à
l'élargissement du conseil d'administration de la société Air France et aux
relations de cette société avec l'Etat et portant modification du code de
l'aviation civile (n° 90, 1999-2000).
Délai limite pour le dépôt des amendements : mardi 12 décembre 2000, à
dix-sept heures.
Personne ne demande la parole ?...
La séance est levée.
(La séance est levée le jeudi 7 décembre 2000, à zéro heure
quarante-cinq.)
Le Directeur
du service du compte rendu intégral,
DOMINIQUE PLANCHON
ORGANISME EXTRAPARLEMENTAIRE
CONSEIL NATIONAL DU BRUIT
Lors de sa séance du mercredi 6 décembre 2000, le Sénat a désigné Mme Nelly Olin pour siéger, en qualité de suppléante, au sein du Conseil national du bruit.
NOMINATIONS DE RAPPORTEURS
M. Jacques Chaumont a été nommé rapporteur du projet de loi n° 62 rectifié
(2000-2001) autorisant l'approbation de la convention entre le Gouvernement de
la République française et le Gouvernement de la République du Botswana en vue
d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion et la fraude fiscales
en matière d'impôts sur le revenu.
M. Michel Mercier a été nommé rapporteur de la proposition de loi n° 85
(2000-2001) de M. Thierry Foucaud et les membres du groupe communiste
républicain et citoyen tendant à l'imposition des actifs financiers au titre de
la taxe professionnelle.
COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES, DE LÉGISLATION, DU SUFFRAGE UNIVERSEL,
DU RÈGLEMENT ET D'ADMINISTRATION GÉNÉRALE
M. Daniel Hoeffel a été nommé rapporteur du projet de loi n° 297 (1999-2000),
adopté par l'Assemblée nationale, portant diverses dispositions statutaires
relatives aux magistrats de la Cour des comptes et des chambres régionales des
comptes et modifiant le code des juridictions financières, dont la commission
des lois est saisie au fond.
M. Jean-Paul Delevoye a été nommé rapporteur de la proposition de loi n° 398
(1999-2000) de M. Jacques Legendre et plusieurs de ses collègues tendant à
assurer le maintien de la proportionnalité des indemnités de tous les élus
municipaux, dont la commission des lois est saisie au fond.
M. Lucien Lanier a été nommé rapporteur de la proposition de loi n° 415
(1999-2000), adoptée par l'Assemblée nationale, modifiant la loi n° 83-583 du 5
juillet 1983 réprimant la pollution par les navires, dont la commission des
lois est saisie au fond.
M. Jean-Paul Delevoye a été nommé rapporteur de la proposition de loi n° 454
(1999-2000) de M. Jean-Claude Carle et plusieurs de ses collègues tendant à
revaloriser les indemnités des adjoints au maire, des conseillers municipaux,
des présidents et vice-présidents d'un établissement public de coopération
intercommunale, dont la commission des lois est saisie au fond.
M. Jean-Paul Delevoye a été nommé rapporteur de la proposition de loi n° 59
rectifiée (2000-2001) de M. André Vasselle et plusieurs de ses collègues
relative au statut de l'élu local, dont la commission des lois est saisie au
fond.
M. Jean-Paul Delevoye a été nommé rapporteur de la proposition de loi n° 98
(2000-2001) de M. Jean Arthuis visant à créer une indemnité de retour à
l'emploi pour les élus locaux, dont la commission des lois est saisie au fond.
Le Directeur du service du compte rendu intégral, DOMINIQUE PLANCHON
ANNEXE AU PROCÈS-VERBAL
de la séance
du mercredi 6 décembre 2000
SCRUTIN (n° 23)
sur le titre III de l'état B du projet de loi de finances pour 2001, adopté par
l'Assemblée nationale (Intérieur et décentralisation :
décentralisation).
Nombre de votants : | 319 |
Nombre de suffrages exprimés : | 319 |
Pour : | 100 |
Contre : | 219 |
Le Sénat n'a pas adopté.
ANALYSE DU SCRUTIN
GROUPE COMMUNISTE RÉPUBLICAIN ET CITOYEN (17) :
Pour :
17.
GROUPE DU RASSEMBLEMENT DÉMOCRATIQUE ET SOCIAL EUROPÉEN (23) :
Pour :
5. _ MM. François Abadie, Jean-Michel Baylet, André Boyer, Yvon
Collin et Gérard Delfau.
Contre :
18.
GROUPE DU RASSEMBLEMENT POUR LA RÉPUBLIQUE (99) :
Contre :
98.
N'a pas pris part au vote :
1. _ M. Christian Poncelet, président du
Sénat.
GROUPE SOCIALISTE (77) :
Pour :
77.
GROUPE DE L'UNION CENTRISTE (52) :
Contre :
51.
N'a pas pris part au vote :
1. _ M. Jean Faure, qui présidait la
séance.
GROUPE DES RÉPUBLICAINS ET INDÉPENDANTS (46) :
Pour :
1. _ M. Christian Bonnet.
Contre :
45.
Sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe (7) :
Contre :
7.
Ont voté pour
François Abadie
Guy Allouche
Bernard Angels
Henri d'Attilio
Bertrand Auban
François Autain
Jean-Yves Autexier
Robert Badinter
Jean-Michel Baylet
Marie-Claude Beaudeau
Jean-Luc Bécart
Jean-Pierre Bel
Jacques Bellanger
Maryse Bergé-Lavigne
Jean Besson
Pierre Biarnès
Danielle Bidard-Reydet
Christian Bonnet
Marcel Bony
Nicole Borvo
André Boyer
Yolande Boyer
Robert Bret
Claire-Lise Campion
Jean-Louis Carrère
Bernard Cazeau
Monique Cerisier-ben Guiga
Gilbert Chabroux
Michel Charasse
Marcel Charmant
Yvon Collin
Gérard Collomb
Raymond Courrière
Roland Courteau
Marcel Debarge
Bertrand Delanoë
Gérard Delfau
Jean-Pierre Demerliat
Dinah Derycke
Rodolphe Désiré
Marie-Madeleine Dieulangard
Claude Domeizel
Michel Dreyfus-Schmidt
Josette Durrieu
Bernard Dussaut
Claude Estier
Léon Fatous
Guy Fischer
Thierry Foucaud
Serge Godard
Jean-Noël Guérini
Claude Haut
Roger Hesling
Roland Huguet
Alain Journet
Philippe Labeyrie
Serge Lagauche
Roger Lagorsse
Dominique Larifla
Gérard Le Cam
Louis Le Pensec
Pierre Lefebvre
André Lejeune
Claude Lise
Paul Loridant
Hélène Luc
Philippe Madrelle
Jacques Mahéas
François Marc
Marc Massion
Pierre Mauroy
Gérard Miquel
Michel Moreigne
Roland Muzeau
Jean-Marc Pastor
Guy Penne
Daniel Percheron
Jean-Claude Peyronnet
Jean-François Picheral
Bernard Piras
Jean-Pierre Plancade
Danièle Pourtaud
Gisèle Printz
Jack Ralite
Paul Raoult
Ivan Renar
Roger Rinchet
Gérard Roujas
André Rouvière
Claude Saunier
Michel Sergent
René-Pierre Signé
Simon Sutour
Odette Terrade
Michel Teston
Pierre-Yvon Tremel
Paul Vergès
André Vezinhet
Marcel Vidal
Henri Weber
Ont voté contre
Nicolas About
Philippe Adnot
Louis Althapé
Jean-Paul Amoudry
Pierre André
Philippe Arnaud
Jean Arthuis
Denis Badré
José Balarello
René Ballayer
Janine Bardou
Bernard Barraux
Jacques Baudot
Michel Bécot
Claude Belot
Georges Berchet
Jean Bernadaux
Jean Bernard
Daniel Bernardet
Roger Besse
Jacques Bimbenet
Jean Bizet
Paul Blanc
Maurice Blin
Annick Bocandé
André Bohl
James Bordas
Didier Borotra
Joël Bourdin
Jean Boyer
Louis Boyer
Jean-Guy Branger
Gérard Braun
Dominique Braye
Paulette Brisepierre
Louis de Broissia
Guy-Pierre Cabanel
Michel Caldaguès
Robert Calmejane
Jean-Pierre Cantegrit
Jean-Claude Carle
Auguste Cazalet
Charles Ceccaldi-Raynaud
Gérard César
Jacques Chaumont
Jean Chérioux
Marcel-Pierre Cleach
Jean Clouet
Gérard Cornu
Charles-Henri de Cossé-Brissac
Jean-Patrick Courtois
Charles de Cuttoli
Xavier Darcos
Philippe Darniche
Désiré Debavelaere
Luc Dejoie
Robert Del Picchia
Jean Delaneau
Jean-Paul Delevoye
Jacques Delong
Fernand Demilly
Christian Demuynck
Marcel Deneux
Gérard Deriot
Charles Descours
André Diligent
Jacques Dominati
Jacques Donnay
Michel Doublet
Paul Dubrule
Alain Dufaut
Xavier Dugoin
André Dulait
Ambroise Dupont
Jean-Léonce Dupont
Hubert Durand-Chastel
Daniel Eckenspieller
Jean-Paul Emin
Jean-Paul Emorine
Michel Esneu
Hubert Falco
Pierre Fauchon
André Ferrand
Hilaire Flandre
Gaston Flosse
Jean-Pierre Fourcade
Bernard Fournier
Alfred Foy
Serge Franchis
Philippe François
Jean François-Poncet
Yves Fréville
Yann Gaillard
René Garrec
Jean-Claude Gaudin
Philippe de Gaulle
Patrice Gélard
Alain Gérard
François Gerbaud
Charles Ginésy
Francis Giraud
Paul Girod
Daniel Goulet
Alain Gournac
Adrien Gouteyron
Francis Grignon
Louis Grillot
Georges Gruillot
Hubert Haenel
Emmanuel Hamel
Anne Heinis
Marcel Henry
Pierre Hérisson
Rémi Herment
Alain Hethener
Daniel Hoeffel
Jean Huchon
Jean-Paul Hugot
Jean-François Humbert
Claude Huriet
Jean-Jacques Hyest
Pierre Jarlier
Pierre Jeambrun
Charles Jolibois
Bernard Joly
André Jourdain
Alain Joyandet
Roger Karoutchi
Christian de La Malène
Jean-Philippe Lachenaud
Pierre Laffitte
Alain Lambert
Lucien Lanier
Jacques Larché
Gérard Larcher
Patrick Lassourd
Robert Laufoaulu
Edmond Lauret
René-Georges Laurin
Henri Le Breton
Jean-François Le Grand
Dominique Leclerc
Jacques Legendre
Guy Lemaire
Serge Lepeltier
Marcel Lesbros
Jean-Louis Lorrain
Simon Loueckhote
Roland du Luart
Jacques Machet
Kléber Malécot
André Maman
Max Marest
Philippe Marini
René Marquès
Pierre Martin
Paul Masson
Serge Mathieu
Louis Mercier
Michel Mercier
Lucette Michaux-Chevry
Jean-Luc Miraux
Louis Moinard
René Monory
Aymeri de Montesquiou
Georges Mouly
Bernard Murat
Philippe Nachbar
Paul Natali
Lucien Neuwirth
Philippe Nogrix
Nelly Olin
Paul d'Ornano
Joseph Ostermann
Georges Othily
Jacques Oudin
Lylian Payet
Michel Pelchat
Jacques Pelletier
Jean Pépin
Jacques Peyrat
Xavier Pintat
Bernard Plasait
Jean-Marie Poirier
Guy Poirieux
Ladislas Poniatowski
André Pourny
Jean Puech
Jean-Pierre Raffarin
Henri de Raincourt
Jean-Marie Rausch
Victor Reux
Charles Revet
Henri Revol
Henri de Richemont
Philippe Richert
Yves Rispat
Louis-Ferdinand de Rocca Serra
Josselin de Rohan
Michel Rufin
Jean-Pierre Schosteck
Bernard Seillier
Raymond Soucaret
Michel Souplet
Louis Souvet
Martial Taugourdeau
Henri Torre
René Trégouët
François Trucy
Alex Türk
Maurice Ulrich
Jacques Valade
André Vallet
Alain Vasselle
Albert Vecten
Jean-Pierre Vial
Xavier de Villepin
Serge Vinçon
Guy Vissac
N'ont pas pris part au vote
Christian Poncelet, président du Sénat, et Jean Faure, qui présidait la
séance.
Les nombres annoncés en séance ont été reconnus, après vérification, conformes
à la liste de scrutin ci-dessus.