SEANCE DU 19 DECEMBRE 2000
M. le président.
La parole est à M. Richert, auteur de la question n° 955, adressée à Mme le
secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés.
M. Philippe Richert.
Je souhaitais interroger Mme le secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés
à propos du projet de soins infirmiers, le PSI.
Face à l'ampleur de la mobilisation tant des infirmières libérales concernées
que des personnes soignées, l'application des mesures prévues a été différée,
et je m'en félicite. Néanmoins, différer n'est pas remettre en cause, et ce
projet me paraît porter en germe tant d'effets pervers qu'il devrait être soit
complètement abandonné, soit très largement amendé. C'est le genre de fausses
bonnes idées qui font effet sur le papier, en théorie, mais qui ne résistent
pas un instant à la réalité du terrain.
Ceux qui l'ont concocté n'ont pas l'expérience de l'accompagnement d'une
personne âgée, handicapée par la vieillesse ou par les séquelles d'un accident,
pour imaginer qu'un auxiliaire de vie pourrait remplacer des infirmières. Le
travail de ces dernières, qui est complémentaire de l'engagement familial, est
admirable ; elles sont bien plus que des administratrices de piqûres. Elles
sont dévouées, compétentes, et constituent des soutiens indispensables pour les
familles qui acceptent d'être ces auxiliaires de vie que le projet souhaite
généraliser.
Il peut être tentant de décréter que l'état d'une personne est stabilisé et
qu'il justifie la suspension de l'intervention des infirmières, qui sont alors
remplacées par des « auxiliaires de vie ». Ces termes, s'ils sont généreux,
cachent mal l'objectif fixé, qui est de réduire les dépenses. L'interdiction du
remboursement des actes des infirmières au-delà de certaines périodes de soins
va encore pénaliser ces infirmières qui, pourtant, sont essentielles pour le
maintien à domicile et pour les services aux personnes, en milieu rural
notamment. Ce dispositif engendrera aussi des inégalités d'accès au système de
santé au moment même où le Gouvernement fait de cette question son cheval de
bataille.
J'aimerais savoir si, sur ce dossier, le Gouvernement entend agir pour
détourner ce projet de la voie qui est actuellement retenue et qui est
préjudiciable aux personnes fragiles, aux infirmières et à la cohésion
sociale.
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. François Patriat,
secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à
l'artisanat et à la consommation.
Monsieur le sénateur, assurément, les
infirmières sont le pivot de la prise en charge des personnes dépendantes ou
handicapées. Je rejoins tout à fait votre analyse sur le rôle primordial,
humain et économique qu'elles jouent, que ce soit dans le tissu urbain ou
rural.
Un effort approfondi a été fait ces dernières années pour mieux définir, et
donc valoriser, la nature et la diversité des soins infirmiers.
C'est ainsi qu'a été proposé, conjointement par la CNAMTS et par la Fédération
nationale des infirmiers, le projet de soins infirmiers, le PSI, qui instaure
une démarche de soins coordonnés et confie aux infirmières un rôle central, à
savoir l'établissement d'un bilan des besoins et d'une liste des actions de
soins à entreprendre. Aussi, loin de remettre en question le rôle des
infirmières auprès des personnes dépendantes, le PSI permet de mettre en valeur
les compétences propres de ces infirmières et devrait déboucher sur une
meilleure coordination des soins.
Le Gouvernement a reconnu la pertinence de cette démarche issue du dialogue
entre l'assurance maladie et les représentants des infirmiers libéraux.
Toutefois, face aux inquiétudes et aux incompréhensions exprimées par une
partie de la profession, il a décidé de prolonger la concertation et
d'approfondir le débat sur la mise en place du PSI. Il s'agit d'une réforme de
grande ampleur qui demande l'adhésion de la plus grande partie des infirmiers
et qui doit être également comprise par les patients.
Le maintien à domicile est une solution qui, humainement, socialement et
économiquement, est bonne pour la collectivité ; vous le constatez chaque jour
lorsque vous gérez des établissements et que vous rencontrez les membres des
associations d'aide à domicile et les infirmiers.
La politique du Gouvernement vise à permettre à toutes les personnes
dépendantes qui le souhaitent et qui le peuvent de rester à leur domicile. Ces
personnes doivent pouvoir bénéficier d'une prise en charge de l'ensemble de
leurs besoins, et recevoir, en particulier, les soins infirmiers qui leur sont
nécessaires et que seules les infirmières sont à même de dispenser. Ces soins
complémentaires des interventions des professionnels sont destinés à les aider
dans la vie courante.
S'agissant de la prise en charge financière de la dépendance à domicile, il
est vrai que la prestation dépendance ne donne pas satisfaction. A la suite du
rapport de M. Sueur, Mme Gillot défendra au printemps un texte de loi relatif à
l'aide à l'autonomie.
Enfin, la question relative aux tarifs des séances des soins infirmiers et de
l'indemnité kilométrique ne peut être évoquée indépendamment des autres
déterminants et de la rémunération des infirmiers. Cette profession a bénéficié
en 1999 d'avancées importantes. Ainsi, la valeur de la lettre clé AMI, qui
rémunère les actes techniques, a été portée de 16,50 francs à 17,50 francs,
soit une augmentation de 6 %. Le Gouvernement a pris, s'agissant de la
nomenclature, plusieurs mesures favorables aux infirmiers en mars puis en
décembre 1999.
Comme vous le constatez, monsieur le sénateur, la profession des infirmières
et des infirmiers fait l'objet d'une attention particulière du Gouvernement. Il
paraît essentiel, compte tenu des réticences provoquées par le PSI, que la
concertation soit poursuivie afin que nous puissions obtenir l'adhésion du plus
grand nombre.
M. Philippe Richert.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Richert.
M. Philippe Richert.
Je veux remercier M. le secrétaire d'Etat de sa réponse et saluer l'arrivée de
Mme Gillot.
Je reste perplexe, car j'ai l'impression que l'on continue de décliner sur le
papier un certain nombre d'éléments qui ne correspondent pas tout à fait à la
réalité.
J'ai eu l'occasion de suivre en fin de vie des personnes gravement atteintes.
A deux, nous nous sommes relayés en permanence auprès d'un proche qui, pendant
des semaines, des mois, a lutté.
Nous avons été ces auxiliaires de vie, formés par les médecins, par les
infirmières, pour être présents aux côtés de cette personne qui a lutté. Mais
nous n'aurions pas pu continuer à faire ce travail si quotidiennement, matin et
soir, les infirmières n'étaient pas passées pour dispenser les soins, y compris
les soins corporels, travail que personne ne peut faire à leur place.
Soyons un petit peu moins administratif et regardons les choses en face !
Si vous enlevez à ces infirmières cette partie essentielle de leur tâche, qui
est faite de contacts, de conseils, mais aussi d'interventions médicales et
paramédicales, vous allez complètement déstabiliser cette profession, en
particulier en milieu rural, là où la population n'a pas accès aux soins
hospitaliers de proximité.
M. Pierre Laffitte.
C'est vrai !
M. Philippe Richert.
Faisons attention ! Certes, vous avez procédé à une revalorisation de 6 %,
voilà un ou deux ans, mais savez-vous comment les intéressés doivent organiser
leur vie quotidienne pour pouvoir vivre décemment ?
Je le répète : faisons attention et revoyons ce projet qui, pour l'instant,
est trop loin de la réalité !
Mme Dominique Gillot,
secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Dominique Gillot,
secrétaire d'Etat.
Mesdames, messieurs les sénateurs, M. François Patriat
vous a fait part de la philosophie qui anime le Gouvernement en ce qui concerne
l'organisation des soins infirmiers. Je le remercie de m'avoir suppléer en
attendant mon arrivée - il est rare que le Sénat gagne du temps sur son horaire
lors des questions orales.
Je souhaiterais apporter à monsieur Richert quelques précisions
supplémentaires compte tenu des observations qu'il vient de faire.
Il n'est pas du tout question de faire peser sur la famille ou sur des
personnes bénévoles non formées la prise en charge des malades, notamment de
ceux qui sont dans la situation que vous venez d'évoquer, c'est-à-dire la prise
en charge des soins palliatifs.
Vous le savez, la prise en charge des soins palliatifs fait l'objet d'une
procédure de réseau, obéissant à une réglementation particulière qui confère un
rôle essentiel aux médecins, aux soignants, aux infirmiers et infirmières et
aux bénévoles, qui bénéficient d'une formation pour aider, soutenir la famille
dans sa démarche d'accompagnement.
Le projet de soins infirmiers vise précisément à redonner à l'infirmier et à
l'infirmière leur rôle de coordonnateurs de l'ensemble des soins qui sont
nécessaires à une personne maintenue à domicile.
C'est l'infirmier qui fera le bilan des besoins et qui indiquera les actes
nécessaires pour répondre à ces besoins.
Ces actes vont du soin infirmier pris en charge par l'assurance maladie aux
aides à domicile qui rendent possible le maintien de cette personne dans son
milieu de vie ordinaire.
Il n'est absolument pas question d'interrompre la prise en charge sanitaire
des personnes qui en ont besoin.
En fait, le projet de soins infirmiers a suscité bien des commentaires qui ont
véhiculé un certain nombre d'incompréhensions, voire de désinformations, et ont
suscité l'inquiétude tant des professionnels que des usagers, inquiétude
fortement relayée par les parlementaires. Le Gouvernement a donc décidé de
surseoir à l'application effective du plan de soins infirmiers de façon à
mettre en place la concertation nécessaire pour que ce projet soit
véritablement porté, comme le disait François Patriat, par l'ensemble des
acteurs : soignants et bénéficiaires.
IMPUTATION DU MONTANT DES BOURSES D'ÉTUDE
SUR LE RMI