SEANCE DU 16 JANVIER 2001
M. le président.
La parole est à M. Dufaut, auteur de la question n° 962, adressée à M. le
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
M. Alain Dufaut.
Vous le savez, monsieur le ministre, l'interview accordée à un quotidien
régional par M. Bernard Val, président de la société des Autoroutes du Sud de
la France, ASF, le 5 décembre dernier, a littéralement mis le feu dans le sud
de la vallée du Rhône.
En effet, l'intéressé a préconisé un élargissement à deux fois cinq voies de
l'autoroute A 7 entre Valence-Sud et Orange, en ajoutant deux voies latérales
supplémentaires réservées aux poids lourds, pour faire face à l'augmentation du
trafic routier sur le tronçon qui est le plus sensible de l'itinéraire de la
vallée du Rhône.
Cette déclaration a provoqué un tollé des élus locaux, qu'ils soient du
département de la Drôme, de celui du Vaucluse, en particulier des élus locaux
des communes directement concernées de Bollène, Mondragon, Mornas et Piolenc,
mais aussi de l'ensemble des populations riveraines.
Les élus, monsieur le ministre, toutes tendances politiques confondues, les
associations représentatives également rejettent catégoriquement cette
proposition d'ASF, considérant à juste titre que le seuil des nuisances
tolérables est largement dépassé dans ce secteur.
En effet, le goulet d'étranglement de la vallée du Rhône, situé entre Bollène
et Orange, accumule les nuisances de la voie PLM, de la voie TGV, de la RN 7,
de l'autoroute A 7 et du canal de Donzère-Mondragon. Il paraît donc totalement
irréaliste d'envisager d'augmenter l'emprise de l'A 7 de quatre voies et de
remodeler tous les échangeurs pour les adapter à ce nouveau profil en travers.
De plus - et je connais bien les lieux - à certains endroits, le tissu urbain
est tel que tout élargissement impliquerait des contournements importants
d'agglomérations ou des démolitions d'habitations en grand nombre.
Soyez pourtant assuré, monsieur le ministre, que le membre du conseil
d'administration d'ASF que je suis, comprend tout à fait la légitime inquiétude
de la société concessionnaire et sa volonté de relancer le débat au regard non
seulement des prévisions qui font état d'un chiffre de 130 000 passages
quotidiens à l'horizon de l'été 2010 sur cet axe autoroutier, mais également de
la situation actuelle particulièrement critique, avec un seuil de 80 000
véhicules par jour - seuil à partir duquel ASF considère que les conditions de
circulation sont dégradées - franchi soixante-quatorze jours par an, un seuil
de 100 000 véhicules par jour, conditions de circulation très dégradées,
franchi quarante-deux jours par an et surtout une part des poids-lourds en
augmentation régulière : encore 6 % par an ces dernières années.
Ces conditions de circulation, associées à une hausse du trafic similaire sur
la RN 7, font peser de graves risques sur l'activité économique de toute une
région.
De plus - vous le savez aussi, monsieur le ministre - le risque d'accident
majeur que représente le transport de matières dangereuses, chimiques ou
nucléaires, particulièrement denses dans ce corridor, est aussi à prendre en
considération, surtout si l'on veut bien se rappeler cette statistique : un
poids lourd par mois franchit le terre-plein central sur l'A 7 !
Pour autant, il convient que vous preniez conscience, monsieur le ministre, du
rejet massif de la solution préconisée. Comme je l'avais expliqué au directeur
des routes au mois d'avril 1999, nous sommes nombreux à penser que la vraie
solution consiste à rechercher d'autres tracés alternatifs, et même si les
délais seront inévitablement plus longs - nous le savons - la sagesse invite à
créer des itinéraires de divergence du trafic en amont de Valence.
Pour l'Est, le bouclage de l'A 51 aurait pu offrir une solution de délestage
vers la Côte d'Azur à partir de Lyon. Je considère donc, pour ma part, qu'il
est totalement aberrant que le Gouvernement ait renoncé, de fait, à assurer le
délestage de l'A 7, en abandonnant le projet de construction de l'autoroute A
51 le 27 octobre 2000.
Pour l'Ouest, l'idée de rechercher un itinéraire à travers l'Ardèche, entre
Valence et Montpellier, est certainement une solution dont on ne fera pas
l'économie sur le moyen terme, le tout conjugué à une prise en compte réelle du
ferroutage, avec la multimodalité : rail-route, et un accroissement de
l'utilisation de la voie fluviale. Là encore, la décision gouvernementale
consistant à abandonner le projet de canal Rhin-Rhône a des conséquences
catastrophiques.
Aussi, devant le rejet massif de la solution préconisée par ASF - et je
suppose cautionnée par la direction des routes -, je souhaiterais connaître,
monsieur le ministre, votre position personnelle sur ce problème très délicat
de l'augmentation du trafic dans la vallée du Rhône.
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Monsieur le
sénateur, vous pouvez reconnaître, je crois, que le Gouvernement fait un effort
indiscutable pour rééquilbrer les différents modes de transport et donc
favoriser des modes alternatifs à la route.
Il s'agit là d'une des priorités du Gouvernement. C'est ainsi que nous nous
sommes fixé comme objectif le doublement du trafic de marchandises par le rail
dans les dix ans qui viennent. D'ailleurs, si le rythme de croissance actuel se
poursuit, ce que je crois, nous atteindrons cet objectif avant dix ans. On en
est là ! Ceux qui prétendaient voilà peu de temps encore que nous étions dans
l'incapacité de développer de façon importante le trafic marchandises sur le
rail peuvent mesurer aujourd'hui à quel point ils se trompaient !
Comme rien n'avait été prévu auparavant, nous nous heurtons aujourd'hui à des
difficultés d'ordre matériel : la SNCF devra acquérir très rapidement quelque
600 locomotives, pour un coût de près de 9 milliards de francs, pour répondre à
la demande.
Voilà déjà un élément de réponse à votre question, puisque vous avez profité
de celle-ci pour exprimer une opinion guère favorable sur la politique générale
des transports conduite par le Gouvernement.
Cette orientation stratégique du projet de schéma de services collectifs de
transport, adopté par le Gouvernement le 26 octobre dernier - je l'ai indiqué
tout à l'heure -, doit trouver un point d'application privilégié dans les
grands corridors de transports internationaux, comme la vallée du Rhône,
effectivement, où se concentrent les flux de transports importants.
Pour assurer la fluidité sur ces axes, les schémas prévoient de transférer les
trafics de la route vers d'autres modes, d'optimiser la capacité des voies
existantes et d'aménager des itinéraires alternatifs en privilégiant des
solutions intermodales.
Le Gouvernement a effectivement abandonné le projet de canal Rhin-Rhône, vous
avez eu raison de le dire, monsieur le sénateur. Mais je vous signale que, dans
certains départements concernés par ce projet, les contestations étaient très
fortes, y compris chez certains de vos amis. Toutefois, il est inexact
d'affirmer que le Gouvernement n'a pas retenu le principe d'une liaison sûre et
efficace entre Grenoble et Sisteron, puisqu'elle figure dans le schéma de
services soumis à concertation. Prenez en compte ce qui se dit avant de
critiquer - ce qui est votre droit absolu - et n'ignorez pas ce qui a été
décidé, sinon la discussion est plus difficile !
Je le répète, le principe de cette liaison a été retenu et figure dans le
schéma de services. J'estime cependant que cette liaison sûre et efficace entre
Grenoble et Sisteron n'est pas susceptible de capter une partie du trafic de
marchandises passant dans la vallée du Rhône, pour lequel un report sur le mode
ferroviaire est nettement préférable au passage dans les Alpes.
Les projets de schémas de services sont actuellement soumis à la consultation
des conseils régionaux et d'autres instances. Cette consultation constitue une
opportunité pour les élus concernés de s'exprimer sur les orientations
retenues.
Après l'approbation par décret des schémas de services à la fin de l'été 2001,
des concertations approfondies seront engagées avec l'ensemble des élus et des
représentants des milieux socioprofessionnels et associatifs sur la vallée du
Rhône. Un débat public sera organisé au deuxième semestre 2002, après
l'inventaire détaillé des solutions à mettre en oeuvre et de leurs avantages et
inconvénients respectifs. En ce sens, le Gouvernement ne fait pas sienne la
déclaration du président d'ASF.
J'ai tout à fait conscience des nuisances subies par les riverains de l'A 7 à
Bollène, Mondragon, Monas et Piolenc. J'ai donc demandé à la société des
autoroutes du Sud de la France de procéder dès l'été 2000 à la résorption des
points noirs bruit grâce à des protections phoniques dont la réalisation
débutera cette année.
M. Paul Blanc.
Et le viaduc de Millau ?
M. Alain Dufaut.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Dufaut.
M. Alain Dufaut.
Monsieur le ministre, je vous remercie de votre réponse. J'ai bien pris en
compte le fait que vous ne vous associiez pas aux propos tenus par le président
d'ASF. Pour les élus de la région, c'est très important.
S'agissant de l'A 51, monsieur le ministre, je sais très bien ce qui s'est
passé ! Vous avez retenu, je ne le nie pas, un itinéraire entre Sisteron et
Grenoble au schéma de services collectifs, mais nous regrettons que le
Gouvernement ait renoncé à assurer le délestage de l'A 7 en abandonnant le
projet de construction autoroutier, qui n'a pas du tout les mêmes types de
caractéristiques qu'une voie rapide !
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Deux fois deux
voies !
M. Alain Dufaut.
Mais je parle de l'autoroute. C'est ce qui est important pour nous ! Or le
projet est abandonné !
Enfin, même si je suis tout à fait d'accord avec vous pour reconnaître qu'il
faut travailler de plus en plus au transfert du trafic routier vers d'autres
modes de transport, je suis convaincu que cela ne suffira pas. En effet, pour
prendre en compte l'augmentation permanente du trafic dans la vallée du Rhône,
il faudra bien un jour chercher aussi des itinéraires de délestage en amont de
Valence !
M. Paul Blanc.
L'A 75 et le viaduc de Millau.
CRÉATION D'ÉTABLISSEMENTS PUBLICS D'AMÉNAGEMENT
EN ILE-DE-FRANCE