SEANCE DU 18 JANVIER 2001
M. le président.
Avant de mettre aux voix l'ensemble des conclusions de la commission des lois,
je donne la parole à M. Vasselle pour explication de vote.
M. Alain Vasselle.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, je
constate avec satisfaction que, grâce au travail considérable effectué par la
commission des lois et par son rapporteur, nous avons réalisé un certain nombre
d'avancées.
On peut considérer qu'il s'agit au moins d'appels très pressants adressés au
Gouvernement pour que ces avancées se retrouvent dans le futur projet de loi
relatif à la décentralisation. Mais nous avons la prétention de penser que les
dispositions que nous avons adoptées aujourd'hui sont tout à fait cohérentes et
qu'elles pourraient trouver leur application immédiatement si le Gouvernement
en avait la volonté et faisait examiner ce texte par l'Assemblée nationale,
comme il souhaite faire examiner par le Sénat la proposition de loi sur le
statut de l'élu qui émane du groupe communiste de l'Assemblée nationale et que
cette dernière a votée le 14 décembre dernier.
J'espère donc que, dans la cohérence qu'il revendique en permanence, le
Gouvernement acceptera de demander au président de l'Assemblée nationale
l'inscription à l'ordre du jour du texte que le Sénat s'apprête, j'en suis
convaincu, à adopter.
Les avancées que j'ai évoquées concernent les domaines les plus divers :
formation des élus, indemnités des élus, disponibilité de ceux-ci dans
l'exercice de leur mandat, couverture des frais supportés par eux dans leurs
fonctions, couverture sociale. S'y ajoute une autre avancée, considérable :
l'allocation de fin de mandat liée à la perte d'emploi.
Reste à imaginer le financement de ces dispositions. Je l'avais prévu dans
l'article 26 de la proposition de loi que j'avais déposée, en prévoyant des
contributions financières des collectivités territoriales selon un système
mutualisé, ainsi qu'une contribution de l'Etat pour que la solidarité nationale
joue en faveur des élus. Cette disposition n'a pas été retenue, mais j'ai cru
comprendre qu'elle pourrait l'être dans un deuxième temps, au printemps
prochain, lors de l'examen du futur projet de loi.
Monsieur le rapporteur, vous me permettrez de marquer mon désaccord avec l'une
de vos remarques. Vous avez dit qu'on ne pouvait considérer l'indemnité à
verser à l'élu comme une assurance sur le revenu qu'il perdrait en accédant à
la fonction élective, alors que paraît tout à fait justifié le financement
d'une perte de revenu liée à la perte de la fonction.
Il me semble que, pour avoir un dispositif cohérent qui permette à l'ensemble
de nos concitoyens de se trouver sur la même ligne, nous devons réfléchir à
l'égal accès de l'ensemble de nos concitoyens, quel que soit leur métier,
quelle que soit leur profession, quelle que soit la couche sociale à laquelle
ils appartiennent aussi bien à l'entrée qu'à la sortie du mandat.
A défaut de ce dispositif, il subsistera toujours dans les différentes
assemblées une disparité et une mauvaise représentation de toutes les couches
sociales de la société. En effet, certains n'y accèderont pas car le niveau des
indemnités ne compensera pas la perte d'emploi, et donc de revenus, qu'ils
subiraient pour accéder à cette fonction.
Par conséquent, je me permets d'insister sur ce point pour que vous y
attachiez l'importance qu'il se doit. Toutefois, compte tenu de ces avancées
tout à fait intéressantes - même si, comme certains de mes collègues, je reste
sur ma faim, mais dans l'attente d'être rassasié prochainement -, bien
évidemment, l'ensemble du groupe du RPR approuvera le texte de la commission
amendé par nombre de nos collègues.
Je remercie, une nouvelle fois, M. le rapporteur, les membres de la commission
des lois et toutes celles et tous ceux qui ont permis au Sénat de se prononcer
enfin aujourd'hui sur un texte relatif au statut de l'élu.
Soyez persuadés, mes chers collègues, que, ce faisant, le Sénat a fait oeuvre
utile en répondant à une très longue attente de l'ensemble des maires.
J'espère qu'ils seront satisfaits au moins pour partie et que nous ne pourrons
que nous féliciter d'avoir adopté ce texte.
(Applaudissements sur les
travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union
centriste.)
M. le président.
La parole est à M. Carle.
M. Jean-Claude Carle.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues,
comme je l'ai dit ce matin, le groupe des Républicains et des Indépendants
votera avec enthousiasme ce texte. Auparavant, je voudrais féliciter notre
rapporteur du travail qu'il a accompli.
Ce texte important, encore amélioré par les amendements votés tout au long de
cette journée, n'est certes pas définitif. Il constitue toutefois un point de
départ, une prise de conscience du rôle important de l'élu local et des
difficultés que rencontrent un certain nombre de nos collègues pour exercer
leur mandat, difficultés morales mais aussi difficultés matérielles, en
particulier pour celles et ceux qui ne sont pas issus de la fonction
publique.
S'il est aujourd'hui un problème majeur auquel est confrontée notre
démocratie, c'est bien celui de l'égal accès des hommes et des femmes à la vie
publique, quelle que soit leur origine sociale ou professionnelle.
Sur ce point, nous sommes tous d'accord. Mais je relève une différence majeure
entre l'attitude du Gouvernement et celle du Sénat : alors que le Gouvernement
dresse le constat de la situation pour la dénoncer, le Sénat agit.
L'éthique, la morale ont, bien sûr, leur importance mais, pour avancer, encore
faut-il tenir compte des réalités. Or, je crois que le texte que vous nous
proposez, monsieur le rapporteur, concilie l'éthique, la morale et les
réalités. C'est pourquoi nous le voterons.
M. le président.
La parole est à M. Hyest.
M. Jean-Jacques Hyest.
Voter une proposition de loi, c'est parfois voter ce qui deviendra la loi.
C'est parfois aussi exprimer la volonté d'une assemblée dans un certain nombre
de domaines. C'est ainsi qu'en architecture, on parle des « pierres d'attente
», par référence à celles qu'on laissait naguère en érigeant une construction
pour pouvoir la poursuivre.
Je pense que notre travail d'aujourd'hui n'a pas été inutile. Il faut en
remercier les auteurs des propositions de loi qui avaient réfléchi à ces divers
sujets et, bien entendu, M. le rapporteur, expert en la matière en sa qualité
de président de l'Association des maires de France, qui a pu en faire la
synthèse.
Un certain nombre de mesures s'inscrivent dans le prolongement de lois
antérieures puisque nous sommes revenus à plusieurs reprises sur
l'indemnisation des élus locaux ou sur la formation. M. Debarge sait que
plusieurs lois, dont certaines récentes, sont le fruit de son travail.
Les indemnités souffraient d'un manque de cohérence pour avoir été modifiées
sans vision d'ensemble.
Quant au droit à la formation, nous avons été plus loin que ce qui avait été
initié en 1992, même si toutes les collectivités n'ont pas encore exploité
l'ensemble des possibilités en la matière. Je pense qu'il faut rechercher la
cause de cet attentisme dans la disponibilité insuffisante des élus, voire -
soit dit tout à fait entre nous - dans l'offre de formation. Certains des
organismes qui assurent la formation des élus devraient être plus attentifs à
la qualité de la formation qu'ils fournissent. En matière de formation
professionnelle aussi, on sait bien que nombre d'organismes ne répondent pas
totalement aux besoins de ceux auxquels ils s'adressent !
Ce texte comporte donc des éléments réellement positifs.
Le Gouvernement nous objecte qu'il veut avoir une vue d'ensemble de la
démocratie participative, au-delà du simple cas des élus locaux. Je n'ai rien
contre ce vocabulaire, mais je lui préfère les choses concrètes. Nous savons
trop ce que valent les grands systèmes...
Ne demandons pas trop de participation et commençons par assurer le bon
fonctionnement des collectivités locales par les représentants élus ! Bien
entendu, il y a urgence.
La proposition de loi qui a été votée par l'Assemblée nationale la semaine
dernière prend en compte une difficulté liée à la parité en prévoyant la garde
d'enfant. Cela dit, avant la parité, il pouvait arriver que certains pères
gardent les enfants ! Je ne vois pas pourquoi, au nom du principe de parité, il
faudrait brusquement voter une nouvelle loi pour répondre à un problème qui se
posait sans doute depuis longtemps.
Monsieur le secrétaire d'Etat, les élections prochaines rendent l'adoption de
ce texte d'autant plus urgente que certains élus, qui s'étaient consacrés
totalement à leur mandat, vont se retrouver, à la fin du mois de mars, sans
ressources ! N'était-il pas également utile et nécessaire de régler
immédiatement ce problème-là ? Je ne comprends pas qu'on nous dise que ce sera
pour l'année prochaine !
Il y a donc deux poids, deux mesures. Je trouve un peu curieux que l'on dise,
dans un cas, qu'il y a urgence et, dans l'autre - pourtant susceptible de
concerner des élus - que l'on peut attendre...
C'est pourquoi le groupe de l'Union centriste votera les conclusions de la
commission telles qu'elles ont été amendées par notre assemblée.
M. Jean-Paul Delevoye,
rapporteur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Paul Delevoye,
rapporteur.
A l'issue de cette discussion, je ferai quelques commentaires
pour démontrer qu'il serait erroné de voir dans ce texte une brutale
accélération de la part du Sénat.
En réalité, le Sénat a une vision d'ensemble de l'articulation des relations,
notamment financières, entre l'Etat et les collectivités locales et des
situations que vivent les acteurs de la démocratie locale.
Les travaux de sa mission commune d'information, les rapports qu'il a rédigés,
les dispositions législatives qu'il a adoptées, le démontrent, et cette vision
d'ensemble contribuera, j'en suis persuadé, à la réflexion du Gouvernement sur
le chantier, aujourd'hui ouvert, de la modernisation de nos institutions et de
la recherche d'une efficacité accrue de l'action publique.
Je crois donc qu'il faut éviter tout procès de calcul ou d'arrière-pensée.
Nous devons au contraire, me semble-t-il - cela a d'ailleurs été souligné par
nos collègues - nous réjouir que, dans cette assemblée représentative des
collectivités locales, ait pu aujourd'hui se tenir un débat aussi riche et
pertinent.
Malgré des différences d'appréciation, que l'on peut comprendre, en
particulier les abstentions, nous avons aujourd'hui un très large consensus sur
le fond. Nous n'avons pas apporté une pierre à un corporatisme nouveau, celui
des élus locaux. Nous avons apporté une pierre à une respiration plus forte de
la démocratie locale, et nous nous en réjouissons.
Puisque nous avons souvent évoqué la notion d'équité, voire d'égalité -
Jean-Jacques Hyest y a encore fait allusion à l'instant - je terminerai,
monsieur le secrétaire d'Etat, en m'interrogeant sur l'égalité de traitement
que vous envisagez de réserver à toutes les propositions de loi qui ont le même
objet.
Une proposition de loi de l'Assemblée nationale, qui concerne uniquement les
élus municipaux, portant donc un regard partiel sur la décentralisation, étant
inscrite à l'ordre du jour du Sénat de la semaine prochaine, je suis convaincu
que vous aurez à coeur d'inscrire à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale la
proposition de loi que le le Sénat va adopter, et qui élargit le problème et
qui mériterait, bien évidemment, une égalité de traitement.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants, et
de l'Union centriste.)
M. le président.
M. le secrétaire d'Etat ne peut pas manquer de le faire, compte tenu de ce
qu'a dit M. le ministre de l'intérieur voilà deux jours !
M. Christian Paul,
secrétaire d'Etat.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Paul,
secrétaire d'Etat.
Monsieur le président, monsieur le rapporteur,
mesdames, messieurs les sénateurs, au terme de ce débat, je voudrais vous
rappeler, bien sûr, l'importance qu'attache le Gouvernement au sujet que nous
avons traité cet après-midi, importance sur laquelle s'accordent tous ceux qui
se sont exprimés : votre rapporteur, les auteurs des propositions de loi, mais
aussi d'autres - je pense notamment à Marcel Debarge, qui est, chacun le sait,
l'un des inspirateurs en France de cette réflexion.
Le Premier ministre l'a dit hier devant l'Assemblée nationale, le ministre de
l'intérieur l'a rappelé ici ce matin : l'amélioration des conditions d'exercice
des mandats locaux est bien l'une des conditions d'une démocratie locale de
proximité, mais elle n'est pas la seule.
Vous savez que le Gouvernement ne souhaite pas traiter séparément, d'une part,
les préoccupations des élus, qui portent quotidiennement la décentralisation -
ces préoccupations, bien sûr, sont légitimes - et, d'autre part, les besoins
d'une plus grande participation des citoyens. Nous parviendrons à la
décentralisation citoyenne souvent évoquée en faisant la synthèse de ces
attentes et, bien sûr, en y apportant des réponses.
Le débat d'aujourd'hui, organisé autour des cinq propositions de lois
rassemblées par votre commission des lois - travail ardu ! - était utile, je le
redis et j'en conviens à mon tour volontiers. Il a permis, monsieur le
rapporteur, de dégager des convergences sur des points importants, au moins sur
les principes : les garanties à offrir afin que les mandats ne portent pas
préjudice à ceux qui ont le courage de les exercer, l'idée que la démocratie
locale a des exigences qu'il nous faudra savoir mieux assumer.
D'autres propositions très concrètes me paraissent recueillir un accord de
principe ; c'est le cas de l'allocation de fin de mandat sous réserve, d'une
définition précise des modalités de son financement. J'ai bien noté votre souci
d'éviter d'aller vers ce qui s'apparenterait à une « fonctionnarisation » des
élus. Cette idée est, je crois, également largement partagée. La discussion a
aussi fait apparaître les points sur lesquels un approfondissement souvent
d'ordre technique est encore nécessaire. Il faudra donc là encore un travail en
commun entre le Gouvernement et le Parlement, je pense notamment aux questions
de répartition de la charge financière des mesures envisageables. Et je suis
sûr que, sur ce point, le président de l'Association des maires de France
relaiera les préoccupations du rapporteur.
La discussion a néanmoins également confirmé un certain nombre de divergences.
Je pense ici à la qualification des indemnités et aux conséquences que certains
d'entre vous souhaitent en tirer, en excluant la prise en compte des indemnités
de tout calcul de plafond de ressources pour l'attribution ou non de
prestations sociales ou du RMI.
Je réaffirme que le Gouvernement est d'accord avec vous pour estimer que les
indemnités de fonction ne doivent pas être des salaires. Pour autant,
l'attribution de certaines prestations - je pense encore une fois au RMI - peut
être soumise à des plafonds de ressources de toute nature n'incluant pas
seulement des salaires.
C'est bien au regard de ces exigences qu'il faut analyser au cas par cas la
situation des indemnités, afin d'éviter un traitement qui serait inéquitable
par rapport à l'ensemble des citoyens de notre pays.
S'agissant de la nature des indemnités, je voudrais rappeler que celles-ci ont
une double vocation, et l'on n'a peut-être pas assez insisté sur ce point cet
après-midi.
C'est d'abord un mode de compensation, ou de défraiement forfaitaire des
charges ou du manque à gagner liés à l'exercice d'un mandat local ; mais c'est
aussi, pour les élus qui cessent leur activité professionnelle, un substitut de
revenu, et c'est bien sous ce double éclairage qu'il faudra les analyser.
Ce sont des questions sur lesquelles nous reviendrons, bien entendu, lors du
débat général sur la décentralisation qui se tiendra ici, au Sénat, à la fin de
janvier, puis lors de l'examen du projet de loi qui sera déposé par le
Gouvernement très prochainement. Ce texte portera sur la démocratie locale
citoyenne. Les convergences qui ont émergé cet après-midi devront être
consolidées et les divergences pourront être aplanies. J'en forme en tout cas
le souhait devant vous. Nous sommes là face à des mesures d'amélioration de la
décentralisation, concrètes et applicables assez rapidement, dont les citoyens
autant que les élus pourront tirer bénéfice. Je vous rappelle, en effet, que
notre objectif est bien de favoriser la démocratisation des mandats.
C'est en tout cas, pour la décentralisation, une démarche plus sûre que
certaines propositions un peu surprenantes, et que je qualifierai volontiers
d'« aventureuses », exprimées hier à la tribune de l'Assemblée nationale. Je
pense, par exemple, à la « fusion-acquisition » des départements par les
régions, telle que M. Fillon l'a décrite.
M. Jean-Jacques Hyest.
Oh !
M. Christian Paul,
secrétaire d'Etat.
Nous nous plaçons très clairement dans une autre
logique.
Mesdames, messieurs les sénateurs, le débat d'aujourd'hui a contribué à
nourrir, et sans doute à l'enrichir, la concertation entre le Gouvernement et
le Sénat sur ce sujet, concertation initiée, bien sûr, dans d'autres lieux,
notamment au sein des assemblées représentant les élus de notre pays.
A ce double titre, je dois d'ailleurs remercier le rapporteur, M. Jean-Paul
Delevoye, en raison du travail de synthèse et d'approfondissement qu'il a
réalisé entre ces différentes propositions.
Nous aurons l'occasion d'en débattre à nouveau prochainement, quand le
Gouvernement vous soumettra son projet de loi. Celui-ci traduira la volonté
réformatrice qui anime le Gouvernement et sa majorité en matière de
décentralisation.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix, modifiées, les conclusions rectifiées de la commission des
lois sur les propositions de loi n° 59 rectifié (2000-2001), 398 (1999-2000),
454 (1999-2000), 443 (1999-2000) et 98 (2000-2001).
(Ces conclusions sont adoptées.)
M. le président.
Je donne acte au groupe socialiste et au groupe communiste républicain et
citoyen qu'ils n'ont pas pris part au vote.
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