SEANCE DU 27 MARS 2001
M. le président.
La parole est à Mme Beaudeau, auteur de la question n° 984, adressée à M. le
ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Monsieur le ministre, je voudrais tout d'abord souligner les excellents
résultats obtenus dans le secteur du tourisme en l'an 2000 : près de 75
millions de touristes sont venus visiter notre pays, laissant près de 100
milliards de francs de bénéfices pour notre balance commerciale.
Mme la secrétaire d'Etat au tourisme envisage d'améliorer ces résultats en
2001 grâce à un meilleur équilibre des flux touristiques entre les vingt-six
régions françaises et à l'accroissement de la fréquentation en basse saison.
Cet objectif, s'il est atteint, entraînera donc une augmentation des recettes
et du nombre d'emplois.
Pour cela, le produit « France » doit être mieux connu, mieux valorisé ; il a
besoin d'une action renforcée à l'étranger, que ce soit par la presse, par les
salons, par les études diverses ou par les expositions.
Le rôle de Maison de la France, dont la mission est de mieux faire connaître à
l'étranger notre pays, ses richesses et son patrimoine, est essentiel. Se pose
alors, par voie de conséquence, la question de la situation des personnels
travaillant au siège, à Paris, et dans les différentes agences à l'étranger :
tous les rapports établis, dont celui de la Cour des comptes, font état d'une
gestion qualifiée d'anarchique, faite d'injustices. Elle doit donc évoluer pour
pouvoir être plus efficace.
Maison de la France a été créée le 20 mars 1987, par décision du secrétariat
d'Etat au tourisme de l'époque, sous forme d'un groupement d'intérêt
économique, un GIE. Il s'agit donc d'une décision gouvernementale visant à
associer dans un partenariat l'Etat et les organismes professionnels ou
d'entreprises liés au secteur du tourisme. Un GIE - vous le savez, monsieur le
ministre - doit être géré selon les dispositions de l'ordonnance du 23
septembre 1967.
La commission des finances m'a confié une mission de contrôle, dont le rapport
est en cours d'élaboration ; mais, sans attendre, que pouvons-nous dire
aujourd'hui du personnel ?
En 1987, 279 personnes travaillaient à Maison de la France : 82 au siège, à
Paris, et 197 à l'étranger. Ces chiffres ont peu évolué, si l'on excepte une
légère diminution des effectifs au siège central.
Une première remarque s'impose : la qualité du travail des personnels s'avère
exceptionnelle et se traduit par une amélioration sensible - tout le monde le
reconnaît - de la productivité : le ratio chiffre d'affaires - nombre d'agents
est passé de 0,67 en 1987 à 1,40 en 1997, et cette progression se poursuit.
Deuxième remarque : ces personnels relevant des services français du tourisme
à l'étranger, ils dépendent des règles de la comptabilité publique. Le
transfert au GIE, à partir de 1994, des charges de personnel ne s'est pas
accompagné du basculement des crédits d'Etat nécessaires vers le GIE, dont la
gestion financière n'était alors soumise à aucun contrôle reconnu et qui
n'apportait pas de réponse aux véritables besoins.
Des personnels ont été recrutés localement. L'Etat n'acquittant pas toujours
les cotisations sociales dues, des agents ont été recrutés au-dessous du prix
du marché et moyennant une non-imposition partielle de leurs revenus. Les
titulaires contractuels de l'Etat de droit français, soit 141 personnes en
1997, continuent d'être payés par l'Etat. Une telle situation, voire, je dois
le dire, un tel désordre, nous obligent à constater qu'il n'existe aucune unité
de gestion.
Enfin, troisième remarque, les statuts des personnels sont multiples, variés,
avec parfois des différences de rémunérations étonnantes.
A la fin de l'année 1997, la répartition était la suivante : sur un total de
267 personnes, 89 agents de l'Etat étaient mis à disposition, dont 82
contractuels, 51 agents étaient sous contrat GIE de droit français et 126
agents sous contrat GIE de droit local ; enfin, un agent privé était mis à
disposition.
Ma première question est simple : que comptez-vous faire, monsieur le
ministre, pour aboutir à une unité de recrutement et de gestion du personnel,
dont les statuts doivent être uniformisés ? Comme vous le voyez, il ne s'agit
pas d'un mince problème !
Une enquête réalisée en 1998 faisait apparaître des différences entre les
agents du siège et ceux de l'étranger, ainsi qu'entre les agents publics et les
agents privés. Je citerai deux exemples : au siège, un agent public perçoit 220
000 francs, contre 160 000 francs pour un agent privé ; un agent public en
poste à l'étranger perçoit 350 000 francs, un agent privé 170 000 francs. Le
taux d'encadrement n'est pas non plus le même : au siège, on compte six cadres
pour quinze agents du secteur public, alors que, sur cinquante et un agents du
secteur privé, dix sont cadres. Enfin, suivant les pays et leur niveau de vie,
les différences de rémunération vont du simple au double : à Copenhague, le
salaire moyen brut est de 143 900 francs, contre 322 214 francs à Tokyo.
Comme vous pouvez le constater, monsieur le ministre, la gestion du personnel,
déjà confuse, s'est dégradée avec l'entrée en vigueur du décret de 1993
applicable aux fonctionnaires travaillant à l'étranger : afin de favoriser la
mutation périodique de ces agents - ce que l'on appelle la « mobilité » - un
abattement progressif sur l'indemnité de résidence est prévu. Ainsi, les
salaires des personnes en poste à Londres n'ont pas évolué.
Ne faudrait-il pas, monsieur le ministre, organiser une négociation générale
sous la responsabilité de la direction centrale de Maison de la France ? A mes
yeux, c'est la seule façon d'uniformiser la situation des personnels et
d'assurer une gestion convenable de la fonction publique.
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Michel Sapin,
ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.
Madame la
sénatrice, je vous remercie d'avoir souligné l'efficacité du travail des
personnels de Maison de la France au cours des années passées, et nous
souhaitons tous que les années à venir voient la confirmation de la réussite de
cette institution.
Maison de la France est un groupement d'intérêt économique créé en 1987, qui
réunit l'Etat, les collectivités locales, les associations et des entreprises
de tourisme pour assurer la promotion du tourisme en France et l'information y
afférente. Ce GIE, qui comprend plus de 900 adhérents, dispose d'une
quarantaine de représentations employant environ 200 personnes dans vingt-neuf
pays.
En tant que GIE, personne morale de droit privé, Maison de la France peut
embaucher, conformément au code du travail et aux conventions collectives qui
lui sont applicables, les personnels nécessaires à l'exécution de ces
missions.
A ces personnels de droit privé s'ajoutent des agents publics non titulaires
de la direction du tourisme. Parmi ces derniers, il convient de distinguer la
situation des agents contractuels de l'Etat en service à l'étranger de celle
des agents recrutés localement et, de ce fait, soumis au droit local.
Ceux d'entre eux qui ont la qualité d'agent contractuel de l'Etat sont
éligibles au dispositif de résorption de l'emploi précaire prévu au titre Ier
de la loi du 3 janvier 2001 dès lors qu'ils sont en situation de précarité,
c'est-à-dire recrutés pour une durée déterminée, et qu'ils assurent des
fonctions correspondant aux missions dévolues à des agents titulaires.
De la même façon, ceux de ces agents qui étaient en fonction antérieurement au
14 juin 1983 ont vocation à être titularisés en application des dispositions de
la loi du 11 janvier 1984, ce dont certains ont d'ailleurs d'ores et déjà pu
bénéficier.
Il en va autrement des recrutés locaux qui, comme je viens de le rappeler,
sont régis par le droit local. Le Gouvernement a engagé une réflexion
d'ensemble sur la situation des agents recrutés localement, conformément aux
engagements pris dans le cadre de la loi du 12 avril 2000 relative aux droits
des citoyens dans leurs relations avec les administrations.
Le rapport sur la situtation financière et sociale de ces personnels qui est
actuellement élaboré par le ministère des affaires étrangères sera
prochainement déposé sur le bureau des assemblées. Il faudra notamment
rechercher pour ces personnels, qu'ils travaillent pour Maison de la France ou
pour tout autre organisme administratif, une plus grande harmonisation des
conditions de rémunération et de protection sociale.
S'agissant maintenant des conditions de recrutement et d'emploi des agents
contractuels de l'Etat de la direction du tourisme, qu'ils exercent ou non
leurs fonctions dans les services de Maison de la France, j'observe qu'ils sont
placés dans une situation identique à celle des autres agents contractuels de
l'Etat et relèvent des mêmes textes réglementaires, d'une part, lorsqu'ils
exercent sur le territoire français et, d'autre part, lorsqu'ils sont en
service à l'étranger.
Mon attention a d'ailleurs été particulièrement attirée sur certains aspects
liés à la rémunération des agents en service à l'étranger.
Cette dernière, vous le savez, découle des dispositions d'un décret du 28 mars
1967, modifié en 1993. Les agents en service à l'étranger perçoivent une
indemnité de résidence destinée à compenser les charges liées aux fonctions et
aux contraintes attachées à l'expatriation. Ceux qui ont été recrutés sur place
ne s'inscrivent pas, par définition, dans la catégorie des expatriés. C'est en
ce sens que le décret de 1993 a introduit une distinction. Toutefois, afin de
préserver la situation des personnels alors en place, une indemnité
différentielle a été instaurée pour compenser la réduction de l'indemnité de
résidence. Ce mécanisme protecteur est appelé, bien entendu, à se résorber
progressivement au rythme des évolutions de carrière et des mobilités.
De la même façon, comme mon collègue des affaires étrangères l'a fait savoir à
Mme la secrétaire d'Etat au tourisme, une réflexion est engagée en vue de
réviser le décret du 18 juin 1969 qui fixe le statut des agents contractuels de
l'Etat en service à l'étranger, et notamment leurs catégories de
rémunération.
Plus généralement, je tiens à rappeler que, en application du protocole
d'accord du 10 juillet dernier sur la résorption de l'emploi précaire et sur
une meilleure gestion de l'emploi public, des groupes de travail associant les
organisations syndicales ont été constitués pour procéder à un réexamen de la
situation des agents non titulaires, notamment de leurs conditions de
recrutement et d'emploi. J'attache une particulière attention, madame la
sénatrice, à ce que les réflexions engagées dans ce cadre débouchent sur des
décisions concrètes.
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à Mme Beaudeau.
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Je vous remercie, monsieur le ministre, de toutes les précisions que vous
m'avez apportées.
Je me permettrai toutefois de vous faire remarquer que les négociations,
lorsqu'elles existent, sont engagées soit avec la direction du personnel du
siège, soit avec le directeur de l'agence à l'étranger. Or je persiste à penser
qu'une négociation générale s'impose pour que les principes de justice sociale
soient respectés sur divers points : adéquation entre les rémunérations
offertes et les responsabilités exercées ; revalorisation générale des salaires
avec inscription, en conséquence, des crédits au budget du GIE ;
non-application du décret de 1993, les personnels ne pouvant pas être assimilés
à des personnels d'ambassade puisqu'il n'y a pas de mobilité ; détermination
d'une indemnité spécifique tenant compte du coût de la vie dans le pays
d'accueil, la baisse du pouvoir d'achat de ces personnels étant criante dans
certains pays ou dans certaines villes comme Londres ou New York.
Il faut obtenir une intégration réelle de ces personnels parmi les personnels
de la fonction publique. Cela est d'autant plus logique que, depuis le 28
septembre 2000, le GIE est soumis par décret au contrôle économique et
financier de l'Etat.
SORT DES INSTITUTS FRANÇAIS EN ALLEMAGNE