SEANCE DU 4 AVRIL 2001
M. le président.
« Art. 3. - I. - Le livre III du code forestier est complété par un titre VII
intitulé : "Accueil du public en forêt" et comprenant un article L. 370-1 ainsi
rédigé :
«
Art. L. 370-1
. - Dans les forêts relevant du régime forestier et en
particulier dans celles appartenant au domaine privé de l'Etat et gérées par
l'Office national des forêts en application de l'article L. 121-2, l'ouverture
des forêts au public doit être recherchée le plus largement possible. Celle-ci
implique des mesures permettant la protection des forêts et des milieux
naturels, notamment pour garantir la conservation des sites les plus fragiles
ainsi que des mesures nécessaires à la sécurité du public.
« Dans les espaces boisés et forestiers ouverts au public, le document
d'aménagement arrêté dans les conditions prévues aux articles L. 133-1 ou L.
143-1 ou le plan simple de gestion approuvé en application de l'article L.
222-1 intègre les objectifs d'accueil du public. »
« II. - Le code de l'urbanisme est ainsi modifié :
« 1° Au sixième alinéa de l'article L. 142-2, les mots : "appartenant aux
collectivités locales" sont remplacés par les mots : "appartenant aux
collectivités publiques" ;
« 2° La première phrase du premier alinéa de l'article L. 130-5 est remplacée
par trois phrases ainsi rédigées :
« Les collectivités publiques ou leur groupement peuvent passer avec les
propriétaires de bois, parcs et espaces naturels des conventions tendant à
l'ouverture au public de ces bois, parcs et espaces naturels. Dans le cas où
les bois, parcs et espaces naturels sont situés dans des territoires excédant
les limites territoriales de la collectivité contractante ou du groupement, le
projet est soumis pour avis à la ou aux collectivités intéressées ou à leur
groupement. Cet avis est réputé favorable si un refus n'est pas intervenu dans
un délai de trois mois. »
« III. - Le premier alinéa de l'article 1716
bis
du code général des
impôts est complété par les mots : "ou d'immeubles en nature de bois, forêts ou
espaces naturels pouvant être incorporés au domaine forestier de l'Etat".
« IV. - Tout bail portant sur l'utilisation par le public de bois et forêts
peut prévoir que le preneur est responsable de l'entretien de ceux-ci. »
Je suis saisi de trois amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion
commune.
Par amendement n° 48, M. François, au nom de la commission des affaires
économiques, propose de supprimer le premier alinéa du texte présenté par le I
de cet article pour l'article L. 370-1 à insérer dans le code forestier.
Les deux amendements suivants sont présentés par M. Poniatowski et les membres
du groupe des Républicains et Indépendants.
L'amendement n° 254 vise, dans la première phrase du premier alinéa du texte
présenté par le I de l'article 3 pour l'article L. 370-1 du code forestier,
après les mots : « domaine privé de l'Etat », à insérer les mots : « situées en
zone périurbaine ».
L'amendement n° 255 tend à compléter la première phrase du premier alinéa du
texte présenté par le I de l'article 3 pour l'article L. 370-1 du code
forestier par les mots : « , dans le respect de leurs autres fonctions. »
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 48.
M. Philippe François,
rapporteur.
L'article 3 du projet de loi modifie diverses dispositions du
code forestier, du code de l'urbanisme et du code général des impôts, afin de
renforcer l'ouverture au public des espaces boisés et des forêts. On ne peut
que souscrire à cet objectif dès lors que les charges et les contraintes qui en
résultent sont correctement identifiées et prises en compte.
Néanmoins, il vous est proposé, par cet amendement, de supprimer un alinéa
ajouté par l'Assemblée nationale, affirmant le principe d'une large ouverture
au public des forêts relevant du régime forestier, et en particulier de celles
qui appartiennent à l'Etat.
Outre le faible caractère normatif de cette disposition, cette affirmation de
principe a déjà été faite, à plusieurs reprises, dans le livre préliminaire
introduit dans le code forestier par l'article 1er du projet de loi. L'article
L. 370-1 précise seulement les conditions de mise en oeuvre de ce principe, à
travers les documents d'aménagement.
De plus, cet ajout crée une certaine confusion : certes, il ne concerne que
les forêts publiques, mais le second alinéa de l'article L. 370-1 traite
également des forêts privées, en mentionnant le plan simple de gestion, ce qui
pourrait laisser croire que l'obligation de développer largement l'accueil du
public leur est également applicable.
Pour toutes ces raisons, il vous est donc proposé de supprimer cet alinéa.
M. le président.
La parole est à M. Poniatowski, pour présenter les amendements n°s 254 et
255.
M. Ladislas Poniatowski.
En l'occurrence, il s'agit du volet relatif à l'accueil du public en forêt.
Nous savons tous que c'est un élément important du projet de loi. Nous sommes à
une époque où les habitudes changent. Même si cela déplait à certains, il faut
se faire une raison. En effet, la nouvelle vocation sociale de la forêt est
incontournable.
Pour ma part, je souhaite travailler dans le sens du maintien de cette
rédaction de l'article L. 370-1 du code forestier, en essayant de l'adapter de
différentes manières, notamment par ces deux amendements. Je préfère jouer le
jeu, plutôt que de supprimer la disposition concernée. En effet, si nous la
supprimons, il n'y aura plus de débat et chacun sait qu'elle sera rétablie à
l'Assemblée nationale. Ou bien, c'est le dialogue de sourds ; ou bien on
travaille pour tenter de voir comment on peut améliorer cet accueil du public,
où il va avoir lieu et ce qu'on y fait.
Compte tenu de l'amendement n° 254, la première phrase du texte proposé pour
l'article L. 370-1 se lirait ainsi : « Dans les forêts relevant du régime
forestier et en particulier dans celles appartenant au domaine privé de l'Etat
et situées en zone périurbaine et gérées par l'Office national des forêts... ».
Le fait de préciser qu'il s'agit des forêts « en particulier situées en zone
périurbaine » ne signifie pas que l'ouverture au public sera interdite
ailleurs. En effet, aux termes de la rédaction, l'ouverture au public doit être
recherchée « en particulier » dans les forêts appartenant au domaine privé de
l'Etat et situées en zone périurbaine.
On sait que c'est là que va avoir lieu cette activité sociale. En effet, si,
parmi les citadins, quelques-uns souhaitent aller en forêt de Tronçais,
monsieur le ministre, la plupart d'entre eux veulent aller dans les forêts
périurbaines pour y faire du jogging, de la bicyclette ou pour se promener.
D'ailleurs, si nous voulons éviter le problème soulevé par M. le rapporteur,
au second alinéa de l'article L. 340-1, en ce qui concerne les forêts privées,
il faut tenter d'apporter des améliorations dans les forêts périurbaines pour y
favoriser l'accueil du public.
Monsieur le ministre, l'ajout que je propose, à savoir les mots « situées en
zone périurbaine » n'interdit absolument pas que des choses soient faites pour
accueillir le public ailleurs. En l'occurrence, il s'agit en quelque sorte de
donner une priorité aux forêts situées en zone périurbaine.
J'en viens à l'amendement n° 255. Il s'agit de préciser que l'ouverture des
forêts doit être recherchée « dans le respect de leurs autres fonctions ». En
effet, il ne faut pas oublier les anciennes activités de la forêt, et je songe
là, bien sûr, à la chasse. Il faut y penser, sinon se produiront des heurts et
des conflits. Or il est parfaitement possible, notamment dans une forêt
périurbaine, d'accueillir, dans certains endroits des promeneurs ou des
personnes qui font de la bicyclette et, dans d'autres, des chasseurs.
C'est pourquoi je souhaiterais que le texte précise que l'ouverture des forêts
au public se fera dans le respect de leurs autres fonctions, à savoir les
fonctions traditionnelles, qu'il ne faut pas oublier.
M. Roland du Luart,
rapporteur pour avis.
Très bien !
M. le président.
Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s 254 et 255 ?
M. Philippe François,
rapporteur.
L'amendement n° 48 vise à supprimer le premier alinéa du
texte proposé pour l'article L. 370-1 du code forestier. S'il était adopté, les
amendements n°s 254 et 255 n'auraient plus d'objet. La commission ne peut donc
qu'émettre un avis défavorable sur ces deux amendements.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s 48, 254 et 255 ?
M. Jean Glavany,
ministre de l'agriculture et de la pêche.
Le Gouvernement émet un avis
défavorable sur ces trois amendements.
Il est encore plus défavorable à l'amendement n° 48, qui tend à supprimer le
premier alinéa du texte proposé pour l'article L. 370-1 du code forestier. En
effet, la disposition que cet amendement tend à supprimer a pour objet
d'affirmer de façon incontestable le principe d'une large ouverture au public
des forêts qui relèvent du régime forestier, plus particulièrement de celles
qui appartiennent au domaine privé de l'Etat, qui est géré par l'Office
national des forêts. Le principe affiché en tête de nouveau chapitre III
intitulé « L'accueil du public en forêt » est beaucoup plus précis que le
principe, plus large, de satisfaction des demandes sociales énoncé à l'article
1er. Tel est donc l'esprit de cet ajout en première lecture à l'Assemblée
nationale. Le libellé du texte montre clairement que cette affirmation concerne
les seules forêts appartenant aux collectivités publiques.
De plus, l'article 3 précise les dispositions générales de l'article 1er en ce
qu'il impose la prescription de mesures nécessaires à la protection des milieux
et à la sécurité publique. Cette indication permettra de donner un fondement
juridique aux limites apportées à l'ouverture au public pour limiter les
risques d'accidents en forêt. L'article 3 est donc indispensable et je souhaite
le rejet de l'amendement n° 48.
J'en viens aux amendements n°s 254 et 255, défendus par M. Poniatowski, qui me
paraissent plus acceptables mais également inutiles.
L'amendement n° 254 a malgré tout pour objet, quoi qu'en dise M. Poniatowski,
de limiter l'accueil du public dans les forêts du domaine privé de l'Etat aux
seules forêts périurbaines. M. Poniatowski s'oppose au principe affirmé dans
l'article 3 de la recherche la plus large possible de l'ouverture au public
pour les forêts soumises au régime forestier, disposition qui se rattache à
l'un des objectifs du présent projet de loi énoncé à l'article 1er.
Pour répondre à la préoccupation exprimée par les auteurs de cet amendement,
je rappelle que l'article 3, dans la phrase suivante, impose aussi aux
gestionnaires des mesures pour la protection des milieux naturels et la
sécurité du public, pour tenir compte de l'ouverture au public des forêts
concernées.
Mais, comme nous l'avons dit précédemment dans le débat à plusieurs reprises,
citer certaines forêts reviendrait à exclure les autres.
L'amendement n° 255, quant à lui, vise à conditionner le rôle d'accueil du
public et des forêts soumises au régime forestier au respect des autres
fonctions de la forêt. Cela va de soi puisque cela est expressément énuméré à
l'article 3, qui indique que les mesures nécessaires à la protection et à la
conservation des sites ainsi qu'à la sécurité du public doivent être mises en
place dans les forêts de l'Etat et des collectivités locales pour tenir compte
de leur ouverture au public. Je considère donc que cet amendement n'est pas non
plus nécessaire.
Telles sont les raisons pour lesquelles le Gouvernement émet un avis
défavorable sur ces trois amendements.
Au fond, vous êtes certes d'accord avec le principe d'une large ouverture au
public, mais simplement dans le discours ! En effet, ensuite, vous supprimez
tout ce qui peut faciliter cette ouverture...
M. Philippe François,
rapporteur.
Non !
M. Jean Glavany,
ministre de l'agriculture et de la pêche.
D'une manière ou d'une autre,
vous restreignez la portée de l'article par vos amendements.
Je crois, pour ma part, qu'il ne faut pas commettre cette erreur. Il s'agit là
d'une demande sociale à laquelle nous devons répondre par une large ouverture
au public. C'est pourquoi je m'oppose à toute mesure restreignant cette
dernière.
M. Philippe François,
rapporteur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe François,
rapporteur.
Monsieur le ministre, le texte adopté par l'Assemblée
nationale pour l'article L. 370-1 prévoit que « l'ouverture des forêts au
public doit être recherchée le plus largement possible », alors que le texte
initial du projet de loi indiquait que, « dans les espaces boisés et forestiers
ouverts au public, le document d'aménagement arrêté dans les conditions prévues
aux articles L. 131-1 ou L. 143-1 ou le plan simple de gestion approuvé en
application de l'article L. 222-1 intègrent les objectifs d'accueil au public
».
Cela signifie que l'on met dans le même régime la forêt privée et les forêts
de l'ONF.
M. Jean Glavany,
ministre de l'agriculture et de la pêche.
Mais non !
M. Philippe François,
rapporteur.
Mais si, monsieur le ministre ! Il y a là une confusion entre
les deux, qui ne peut pas être acceptée.
Nous avons créé, cet après-midi, un outil remarquable, qui est la convention ;
dans ces conditions, restons-en là ! La convention peut être permanente. Nous
invitons à la plus large ouverture au public d'abord la forêt publique, puis la
forêt privée. Mais laissons les gens se mettre d'accord entre eux pour ouvrir
de telle ou telle façon, ou ne pas ouvrir, leurs forêts. Il y a quelquefois des
nécessités. Ainsi, la chasse, par exemple, pose beaucoup de problèmes.
Il existe certes la forêt périurbaine, qui est un cas un peu particulier. La
forêt domaniale de Fontainebleau, par exemple, qui est située dans mon
département, peut être considérée comme une forêt périurbaine : même si elle
est à cinquante kilomètres de Paris, elle est sillonnée par treize millions de
visiteurs tous les ans. Donc, le problème est pratiquement résolu.
Le même département de Seine-et-Marne abrite un certain nombre de grands
massifs forestiers, telle la forêt de Meaux : les uns appartiennent à l'Etat,
les autres à des particuliers. Ils peuvent être soumis à un régime
différent.
Par conséquent, je suis partisan d'en rester au système de conventions que
nous avons établi cet après-midi, sans entrer dans le détail. C'est pourquoi je
propose de supprimer cet alinéa.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 48.
M. Ladislas Poniatowski.
Je demande la parole contre l'amendement.
M. le président.
La parole est à M. Poniatowski.
M. Ladislas Poniatowski.
Je suis contre l'amendement n° 48, car je pense sincèrement que, en 2001,
c'est une erreur de se déclarer hostile à l'accueil du public dans les
forêts.
M. Philippe François,
rapporteur.
Nous n'y sommes pas hostiles !
M. Ladislas Poniatowski.
Je crois que c'est une erreur ! Bien sûr, quand une convention existe, toute
une série de conditions sont établies, et j'en propose notamment un certain
nombre. Mais je crois que l'on a tort, à notre époque, de ne pas ouvrir les
forêts au public. D'ailleurs, la venue du public est déjà une réalité.
Certes, il existe - vous en connaissez tous, dans vos régions - des forêts
situées dans des zones assez isolées où la nature prédomine complètement ; et
il y en a d'autres, plus proches de certaines villes, où le public pénètre. Je
pense qu'en le niant ou en l'ignorant, on est à côté de la plaque !
M. Philippe François,
rapporteur.
Nous ne l'ignorons pas !
M. Ladislas Poniatowski.
A mon avis, le Sénat devrait plutôt se déclarer favorable à l'accueil du
public. C'est pourquoi je suis hostile à cet amendement.
Monsieur le ministre, vous avez tort de vous déclarer hostile à mes deux
amendements. Je vous renvoie aux craintes exprimées par M. le rapporteur :
elles existent partout. Par conséquent, mieux vaut être convaincant et accepter
la mise en place d'un certain nombre de barrières. Les forêts périurbaines
existent, et c'est là qu'il convient de favoriser l'accueil du public.
Il est un autre argument que je n'ai pas encore avancé : l'accueil du public
va coûter de l'argent. Qui va payer ? L'ONF bien sûr ! Mais cet organisme n'est
pas actuellement demandeur dans la mesure ou son budget est déjà totalement
déficitaire ; il est, de plus, confronté au bilan de la forêt et aux rentrées
moins importantes que d'habitude. Il n'a donc pas la possibilité de faire face
aux charges importantes, tel, notamment, l'équipement de parkings, de campings,
d'étapes et autres qui lui seraient imposées. Par conséquent, en favorisant
l'accueil du public dans les zones périurbaines, nous rendons indirectement
service à l'ONF.
Je pense qu'il faut à la fois être favorable à l'accueil du public et mettre
en place un certain nombre de protections afin que l'espace puisse être partagé
entre les divers usagers de la forêt : comme dans le projet de loi relatif à
l'urbanisme, à l'occasion de la discussion duquel nous avions mis en avant la
nécessité, pour les divers intervenants - piétons, motards, automobilistes - de
se respecter, il faut rappeler aux nouveaux usagers de la forêt, qui sont de
plus en plus nombreux, qu'ils doivent respecter les anciens usagers que sont,
notamment, les chasseurs.
M. Gérard Braun.
Très bien !
M. Ladislas Poniatowski.
Cela, à mon avis, n'a rien de choquant.
Voilà pourquoi, monsieur le ministre, il faut que vous teniez compte de ces
craintes et de ces réticences qui existent - j'en veux pour preuve
l'intervention de M. le rapporteur - et que vous acceptiez la mise en place de
certains garde-fous.
M. Gérard Braun.
Très bien !
M. Ladislas Poniatowski.
Je suis hostile à l'amendement n° 48, car, si ce dernier était adopté, mes
amendements n'auraient alors plus de raison d'être. Mais en acceptant l'accueil
du public et en mettant certains garde-fous, nous allons, je crois, dans le bon
sens.
M. Daniel Hoeffel.
Il a raison !
M. Philippe François,
rapporteur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe François,
rapporteur.
Je veux rappeler à M. Poniatowski que la commission a déposé
cinq amendements que nous examinerons en suite et qui prévoient justement
l'organisation de l'accueil en forêt. Elle n'est donc pas du tout hostile à
celui-ci.
Cependant, nous sommes convenus, à l'un des articles précédents, d'établir des
systèmes de convention. Même pour l'ONF, ces systèmes présentent un avantage
puisqu'ils lui permettent de se dégager, partiellement en tout cas, de ses
charges.
Cela ne veut pas dire que l'ONF est hostile aux visites du public ; cela
signifie seulement que notre conception de la méthode à employer pour les
organiser est différente de la vôtre : nous considérons que mieux vaut laisser
les gens libres de faire ce qu'ils veulent faire par convention, avec des
filets de sécurité que nous allons proposer tout à l'heure sur le plan
notamment des assurances et des responsabilités pénales et civiles. Cela n'a
rien d'une entrave, au contraire, à l'accueil du public.
M. Jean-Marc Pastor.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Pastor.
M. Jean-Marc Pastor.
J'avoue franchement que je suis gêné quand je constate que l'on veut empêcher
la société de pouvoir profiter de ces espaces boisés. J'ai certes entendu les
propos de M. le rapporteur, qui nous a expliqué que d'autres amendements visent
à coordonner, à organiser cet accueil en forêt. Néanmoins, si nous supprimons
l'accueil du public dans les espaces boisés, ce sera au détriment de l'image du
Sénat, qui, dira-t-on, n'a pas voulu suivre la société.
M. Ladislas Poniatowski.
Bien sûr !
M. Jean-Marc Pastor.
Par conséquent, cessons de fermer les yeux face à l'évolution de notre
société. Cette dernière attend que les forêts lui soient ouvertes.
Acceptons-le, quitte, ensuite, par amendements - et il y en a - à corriger, à
harmoniser, à recadrer un peu cette utilisation de l'espace forestier et cette
ouverture au public.
Monsieur Poniatowski, je vous rejoins quand vous dites que vous êtes hostile à
cet amendement n° 48 : nous le sommes aussi.
Vous avez défendu également deux amendements, sur lesquels je voudrais dire
quelques mots.
S'agissant tout d'abord de l'amendement n° 254, le problème de l'accueil du
public ne se pose pas seulement dans les forêts situées en zone périurbaine,
même si ces dernières sont certainement plus sollicitées que des forêts plus
éloignées de l'espace urbain. En effet, des gens se promènent, le week-end,
dans toutes nos forêts. Il faut donc permettre un partage du territoire entre
tous les utilisateurs, que ce soit les chasseurs, les promeneurs, les enfants,
voire les jeunes des quartiers difficiles que l'on va retirer du monde urbain,
et mieux vaut donner du Sénat l'image d'une assemblée mettant tout en oeuvre
pour les accueillir que celle d'une assemblée voulant supprimer l'ouverture des
forêts au public.
Par ailleurs, s'agissant de l'amendement n° 255, qui vise à tenir compte de
toutes les fonctions des forêts, c'est effectivement une notion qu'il faut
prendre en compte, monsieur Poniatowski.
M. Gérard Le Cam.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Le Cam.
M. Gérard Le Cam.
Je suis également défavorable à l'amendement n° 48.
La loi d'orientation sur la forêt va être perçue par des millions de Français
à travers ce prisme-là. Il est vrai que le volet économique de ce texte, avec
la relance de la filière bois, est très important ; mais l'accès du public à
l'ensemble des forêts est tout à fait essentiel.
Nous savons tous que le pire service que nous pourrions rendre à nos forêts
serait de laisser chacun venir y faire n'importe quoi, n'importe quand et
n'importe comment : ce serait anti-écologique. Donc, bien sûr, il faudra que
les conventions viennent encadrer cet accès du public. C'est un apprentissage
de la relation de l'homme avec la nature. C'est là une très bonne expérience
que les Français vont pouvoir approfondir, en tout cas dans le cadre de leur
temps libre et de leurs congés.
Il est vrai que toutes les forêts, qu'elles soient périurbaines ou de
montagne, par exemple, qui sont fréquentées par des centaines de milliers de
personnes chaque été, doivent s'ouvrir au public moyennant, bien sûr, des voies
d'accès et des réglementations précises. C'est ainsi qu'il faut concevoir cette
nouvelle ouverture des forêts à l'ensemble du public français.
Voilà pourquoi je voterai contre l'amendement n° 48.
M. Daniel Hoeffel.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Hoeffel.
M. Daniel Hoeffel.
Dans le fond, les arguments respectivement présentés par M. le rapporteur,
d'une part, et par M. Poniatowski et d'autres de ses collègues, d'autre part,
sont complémentaires.
Lorsque notre collègue Philippe François propose que, par voie de convention,
on puisse encadrer l'exercice de la liberté, il a raison : la forêt ne doit pas
être un espace que l'on puisse utiliser de manière anarchique. Il est bon que
des conventions fixent un certain nombre de règles. Mais il faut qu'au
préalable le principe de la liberté d'accès à la forêt soit très clairement
exprimé. A défaut, nous en arriverions à une situation où, selon les lieux,
selon les villes, il y aurait, d'un côté, libre accès et, d'un autre côté,
interdiction d'accès. Plus que jamais, la population urbaine et périurbaine
ressent le besoin de pouvoir utiliser cet espace de liberté que représente la
forêt.
Je suis persuadé que M. le rapporteur sera en définitive d'accord, l'esprit
commun exprimé par les uns et les autres étant de ne pas persévérer dans la
présentation de son argument. Dans le fond, lorsque ses arguments relatifs à la
possibilité de recourir à des conventions auront été acceptés, il aura eu, pour
l'essentiel, gain de cause. Mais il faut d'abord affirmer le principe de la
liberté d'accès avant d'encadrer ensuite cette liberté ! Il n'y a pas en cela
contradiction !
M. Philippe François,
rapporteur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe François,
rapporteur.
Je souhaite simplement rappeler que nous avons voté
aujourd'hui à l'article 1er, s'agissant des dispositions préliminaires, les
mesures suivantes : « Les forêts publiques satisfont de manière spécifique à
des besoins d'intérêt général, soit par l'accomplissement d'obligations
particulières dans le cadre du régime forestier, soit par une attention
soutenue à des activités telles que l'accueil du public, la conservation des
milieux, la prise en compte de la biodiversité et la recherche scientifique. »
En aucun cas nous n'avons imaginé de ne pas en admettre le principe.
M. Jean-Louis Carrère.
C'est pourquoi il faut le laisser !
M. Philippe François,
rapporteur.
Mon combat est un peu un baroud d'honneur, mais je défends la
position de la commission.
Il est proposé, par cet amendement n° 48, de supprimer un alinéa, introduit
par l'Assemblée nationale, affirmant le principe d'une large ouverture au
public des forêts relevant du régime forestier, en particulier celles qui
appartiennent au domaine de l'Etat. Il s'agit non pas de la suppression du fait
d'affirmer, mais de la suppression de la forme d'affirmer.
Je dis cela, car je souhaite que l'on revienne à la notion de convention, qui
me paraît essentielle. Il faut laisser les gens libres de faire ce qu'ils
entendent ! Je sais que notre proposition ne sera pas retenue. Il est donc
inutile de discuter plus longtemps.
M. Jean Glavany,
ministre de l'agriculture et de la pêche.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Jean Glavany,
ministre de l'agriculture et de la pêche.
Je voudrais tout d'abord être
sûr que les divergences qui nous opposent sont importantes.
M. Philippe François,
rapporteur.
Il n'y a pas de grandes divergences !
M. Jean Glavany,
ministre de l'agriculture et de la pêche.
Peut-être pas, mais il faut
alors que nous nous entendions et que nous échangions nos arguments. Ne vous
considérez pas battu d'avance, monsieur le rapporteur. Nous verrons !
Dans un premier temps, nous affichons des objectifs généraux ; vous venez de
les rappeler. Ensuite, nous les déclinons les uns après les autres dans le
texte. Il ne peut donc pas y avoir de contradiction. Ou alors il est inutile de
faire une loi !
En l'occurrence, le présent projet de loi décline des objectifs, en
particulier au sein de ce chapitre consacré à l'accueil du public en forêt,
qui, comme le soulignait Jean-Marc Pastor, revêt tout de même une valeur
symbolique très forte.
Par conséquent, premier point, on ne peut pas se contenter d'afficher les
objectifs généraux ; il importe de les décliner.
Deuxième point : quelles sont les mesures qui posent problème ? Je veux qu'il
soit bien clair entre nous que, dans le premier alinéa, on ne mentionne que la
forêt publique, c'est-à-dire soit les forêts relevant du régime forestier et en
particulier celles appartenant au domaine privé de l'Etat et gérées par l'ONF,
soit les forêts qui appartiennent aux communes, soit certaines forêts
appartenant à des établissements publics de type caisse d'épargne.
Il ne s'agit que de cela ! Et, pour ces forêts-là, on affiche un principe. Ce
n'est pas une obligation ! On est quand même prudent. « L'ouverture des forêts
au public doit être recherchée le plus largement possible » : ce principe a un
effet d'affichage. Ce n'est ni une obligation, je le répète, ni une contrainte
! On affiche un cap !
Ensuite, dans un alinéa suivant, monsieur le rapporteur, on fait référence aux
forêts publiques et privées. Là, on entre dans la logique de la convention, et
les amendements que vous me proposerez je les accepterai parce qu'ils ne me
posent aucun problème.
Peut-être n'y a-t-il pas de réelles divergences entre nous. Votre inquiétude
est sans doute due au fait que vous craignez que le premier alinéa ne concerne
aussi des forêts privées. Je vous rassure : il s'agit uniquement des forêts
publiques pour lesquelles on affiche un cap : rechercher - ce n'est pas une
obligation - le plus largement possible, l'ouverture des forêts au public.
Je crois que M. Poniatowski m'a bien compris. C'est la raison pour laquelle
ces amendements s'inscrivent dans la logique du texte, même si tout à l'heure,
j'ai émis un avis défavorable à leur encontre. D'ailleurs, s'agissant de
l'amendement n° 255, c'est presque un problème d'ordre rédactionnel.
M. Poniatowski a compris la logique du texte, me semble-t-il, alors que vous,
monsieur le rapporteur, vous exprimez une crainte qui n'est pas fondée.
M. Roland du Luart,
rapporteur pour avis.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Roland du Luart,
rapporteur pour avis.
Peut-être y a-t-il un malentendu entre nous sur
cette affaire.
L'article 3 a un effet d'affichage. Je ne suis pas persuadé que la mention de
ces dispositions dans cet article ait un fondement juridique. Il s'agit surtout
d'un effet d'annonce !
Ce que l'on veut, c'est bien préciser que la forêt domaniale ou communale
s'ouvre au public et l'on codifie les conditions de son accès, car on sait très
bien que l'Office national des forêts n'est pas toujours très disposé à
accepter l'ouverture au public des forêts d'Etat. C'est ainsi ! Toutefois, les
propos tenus par notre collègue Gérard Le Cam me laissent quelque peu
sceptique.
M. Jean Glavany,
ministre de l'agriculture et de la pêche.
Il n'avait pas bien compris
!
M. Roland du Luart,
rapporteur pour avis.
Pour les forêts privées, cela ne peut être retenu
que s'il y a eu, dans le cadre du plan simple de gestion - il s'agit de
l'article L. 222-1 - accord du propriétaire. Sinon, il y a spoliation.
M. Jean-Louis Carrère.
Bien sûr !
M. Roland du Luart,
rapporteur pour avis.
Et le ministre l'a clairement dit !
M. Jean Glavany,
ministre de l'agriculture et de la pêche.
Très clairement !
M. Roland du Luart,
rapporteur pour avis.
On peut donc rapprocher les points de vue !
En revanche, Ladislas Poniatowski a raison lorsqu'il évoque, dans ses
amendements, la notion périurbaine, car c'est là où la pression est la plus
forte et il n'est pas inutile de le préciser.
Par ailleurs, sur le plan cynégétique, et je pense que mon ami Jean-Louis
Carrère partagera mon point de vue - il est très important de préciser que les
us et coutumes des forêts sont sauvegardés. Je parle ici à titre personnel,
mais je suis membre de la commission des finances. Je sais combien les
locations de terrains de chasse sont importantes pour l'équilibre financier de
l'Office national des forêts. Il est toujours possible de maintenir les
activités qui existaient dans le passé, à la condition de bien travailler avec
les responsables de l'ONF, de façon que la chasse ne se pratique pas là où
c'est dangereux pour le public et pour éviter que le public ne pénètre pas sur
les terrains de chasse. On devrait parvenir à un accord.
Je prie mon collègue Philippe François, dont je respecte beaucoup l'honnêteté
intellectuelle, de m'en excuser, mais je crois véritablement que l'on s'égare
un peu dans cette affaire, dans la mesure où le ministre nous a bien assuré
que, pour ce qui est de la forêt privée, les mesures relatives à l'ouverture au
public ne peuvent s'appliquer que lorsqu'une convention a été conclue. Il faut
en effet respecter celui qui paie l'impôt. Ou alors, l'Etat doit payer l'impôt
à la place du particulier !
Si l'on entre dans la logique du maintien de l'article, les deux amendements
présentés par M. Poniatowski me paraissent judicieux.
M. Jean Glavany,
ministre de l'agriculture et de la pêche.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Jean Glavany,
ministre de l'agriculture et de la pêche.
M. le rapporteur me dit à voix
basse : « confirmation et je retire ». Alors, je confirme totalement !
D'ailleurs, si je ne confirmais pas, vous pourriez déposer un recours devant le
Conseil constitutionnel pour atteinte à la propriété privée. Je ne veux pas
vous inciter à vous livrer à de telles exactions, encore que saisir le Conseil
constitutionnel ne soit pas une exaction ; cela m'est arrivé.
Je confirme donc que les forêts privées ne sont concernées par ces mesures que
lorsqu'une convention a été conclue.
M. Daniel Hoeffel.
Très bien !
M. le président.
Monsieur le rapporteur, l'amendement n° 48 est-il maintenu ?
M. Philippe François,
rapporteur.
Ce débat méritait d'être tenu. Compte tenu des explications
des uns et des autres, de la confirmation de M. le ministre, et de
l'approbation des propositions de M. Poniatowski, je retire cet amendement.
M. le président.
L'amendement n° 48 est retiré.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 254.
M. Ladislas Poniatowski.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Poniatowski.
M. Ladislas Poniatowski.
Je défends aussi ardemment l'amendement n° 254 que l'amendement n° 255. J'ai
compris, monsieur le ministre, que vous n'étiez pas hostile à l'amendement n°
255.
Je reviens sur l'amendement n° 254. Je vais vous donner lecture de la première
phrase du première alinéa du texte proposé par le I de l'article 3, telle
qu'elle serait rédigée si cet amendement était adopté : « Dans les forêts
relevant du régime forestier et en particulier dans celles appartenant au
domaine privé de l'Etat situées en zone périurbaine. » Cela veut dire que c'est
d'abord dans les forêts situées en zone périurbaine qu'il faut favoriser cet
accueil du public ; mais cela ne veut pas dire que, dans les autres forêts, il
faut pas favoriser l'accueil du public. C'est là qu'il faut dépenser de
l'argent prioritairement. L'accueil du public aura un coût, il faut le savoir.
C'est pourquoi l'amendement n° 254 est, à mes yeux, aussi important. Bien
entendu, il n'interdit en aucun cas l'accueil du public dans les autres forêts
domaniales.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 254, repoussé par la commission et par le
Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 255, repoussé par la commission et par le
Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Je suis maintenant saisi de trois amendements qui peuvent faire l'objet d'une
discussion commune.
Par amendement n° 49, M. François, au nom de la commission des affaires
économiques, propose de rédiger comme suit le second alinéa du texte présenté
par le I de l'article 3 pour l'article L. 370-1 à insérer dans le code
forestier :
« Dans les espaces boisés et forestiers ouverts au public, le document
d'aménagement arrêté dans les conditions prévues aux articles L. 133-1 ou L.
143-1 intègre les objectifs d'accueil du public. Le plan simple de gestion
agréé en application de l'article L. 222-1 intègre ces mêmes objectifs
lorsqu'il concerne des espaces boisés ouverts au public en vertu d'une
convention signée avec une collectivité publique, notamment en application de
l'article L. 130-5 du code de l'urbanisme. »
Les deux amendements suivants sont présentés par M. Poniatowski et les membres
du groupe des Républicains et Indépendants.
L'amendement n° 256 a pour objet, dans le second alinéa du texte proposé par
le I de l'article 3 pour l'article L. 370-1 du code forestier, de supprimer les
mots : « ou le plan simple de gestion approuvé en application de l'article L.
222-1 ».
L'amendement n° 257 tend à compléter le second alinéa du texte proposé par le
I de l'article 3 pour l'article L. 370-1 du code forestier par les mots : «
dans le respect du droit de propriété. »
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 49.
M. Philippe François,
rapporteur.
Le second alinéa de l'article L. 370-1 du code forestier
prévoit d'inscrire dans les documents de gestion des espaces boisés ouverts au
public les objectifs d'accueil qui sont fixés.
Dans la mesure où les propriétés forestières privées ne sont ni closes ni
expressément interdites au public par leur propriétaire, l'accès du public y
est toléré ; c'est le cas le plus général.
Si cette tolérance souhaitable devait conduire les propriétaires à supporter
des contraintes administratives supplémentaires et des surcoûts de gestion, ils
seraient inévitablement incités à interdire l'accès du public à leur forêt, ce
qui irait à l'encontre du but recherché.
Il convient donc de ne prévoir la prise en compte obligatoire dans le plan
simple de gestion des objectifs d'accueil du public que lorsque c'est un
objectif auquel le propriétaire s'est expressément engagé par convention avec
une collectivité publique, ce contrat permettant, le cas échéant, de
l'indemniser des surcoûts qui en résultent.
Un amendement semblable avait été présenté par la commission compétente de
l'Assemblée nationale lors de l'examen du projet de loi et il avait reçu un
avis favorable du Gouvernement. Mais il est devenu sans objet en raison du vote
préalable d'un autre amendement sur le même article.
M. le président.
La parole est à M. Poniatowski, pour présenter les amendements n°s 256 et
257.
M. Ladislas Poniatowski.
Ces amendements sont complètement satisfaits par l'amendement n° 49 de la
commission. Par conséquent, je les retire.
M. le président.
Les amendements n°s 256 et 257 sont retirés.
Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 49 ?
M. Jean Glavany,
ministre de l'agriculture et de la pêche.
Compte tenu de l'engagement que
j'ai pris tout à l'heure, je ne peux qu'émettre un avis favorable sur cet
amendement. Je confirme d'ailleurs qu'à l'Assemblée nationale j'avais donné un
accord explicite à cette rédaction. Ce n'est qu'en raison d'une mauvaise
manoeuvre parlementaire qu'elle n'a pas été adoptée. Je suis donc heureux
qu'elle soit maintenant rétablie.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 49, accepté par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Par amendement n° 126 rectifié, MM. Delong, Althapé, Braun, César, Cornu,
Doublet, Gaillard, Murat, Nachbar, Neuwirth, Joyandet et Valade proposent de
compléter le texte présenté par le I de l'article 3 pour l'article L. 370-1 du
code forestier par deux alinéas rédigés comme suit :
« Le plan départemental des espaces, sites, itinéraires de sports de nature ne
peut inscrire des terrains situés dans les forêts dotées d'un des documents de
gestion visés à l'article L. 4 du présent code qu'avec l'accord express du
propriétaire ou de son mandataire autorisé, et après avis de l'Office national
des forêts, pour les forêts visées à l'article L. 141-1 du présent code ou du
Centre régional de la propriété forestière pour les forêts des particuliers.
« Toute modification sensible du milieu naturel forestier, due à des causes
naturelles ou extérieures au propriétaire, à ses mandataires ou ayants droit,
notamment à la suite d'un incendie ou de toute autre catastrophe naturelle,
impliquant des efforts particuliers de reconstitution de la forêt ou
compromettant la conservation du milieu ou la sécurité du public, permet le
retrait du plan départemental des espaces, sites et itinéraires de sports de
nature des terrains forestiers qui y avaient été inscrits dans les conditions
prévues à l'alinéa précédent, sans pouvoir imposer au propriétaire la charge
financière et matérielle de mesures compensatoires. »
Cet amendement est assorti d'un sous-amendement n° 304, présenté par le
Gouvernement et tendant, dans le second alinéa du texte proposé par
l'amendement n° 126 rectifié, après le mot : « permet », à insérer les mots : «
au propriétaire de demander, après avis de la commission départementale des
espaces, sites, itinéraires relatifs aux sports de nature, prévue à l'article
50-2 de la loi n° 84-610 du 16 juillet 1984 relative à l'organisation et à la
promotion des activités physiques et sportives, ».
La parole est à M. Althapé, pour présenter l'amendement n° 126 rectifié.
M. Louis Althapé.
La fonction sociale de la forêt française est aujourd'hui une réalité certaine
et incontestée. La forêt publique, en particulier la forêt domaniale, doit
jouer un rôle pilote en la matière, conformément aux dispositions de l'article
3 du présent projet de loi.
Les articles 51 et suivants de la loi n° 2000-627 du 6 juillet 2000, modifiant
la loi n° 84-610 relative à l'organisation et à la promotion des activités
physiques et sportives, viennent de mettre en lumière l'importance croissante
des attentes de notre société en matière de sports de nature.
Toutefois, cela ne doit pas se faire sans tenir compte, d'une part, des
intérêts des propriétaires, notamment pour la forêt privée dont les
propriétaires n'ont pas vocation particulière à servir l'intérêt général et,
d'autre part, de la fragilité de certains sites forestiers particulièrement
sensibles aux risques d'érosion en cas de trop forte fréquentation et de
catastrophe naturelle.
M. le président.
La parole est à M. le ministre, pour défendre le sous-amendement n° 304.
M. Jean Glavany,
ministre de l'agriculture et de la pêche.
Le Gouvernement estime que
l'amendement n° 126 rectifié permet d'apporter des garanties nécessaires aux
propriétaires privés ouvrant leurs forêts aux sportifs de nature.
Toutefois, ma collègue ministre de la jeunesse et des sports a attiré mon
attention sur le fait qu'une procédure administrative relative à ce type de
situation avait été prévue dans la loi du 16 juillet 1984 modifiée, en
particulier à l'article 50, alinéa 2. Par souci de cohérence, je crois donc
souhaitable de compléter l'amendement n° 126 rectifié, mais cela ne change rien
sur le fond.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 126 rectifié, ainsi que
sur le sous-amendement n° 304 ?
M. Philippe François,
rapporteur.
La commission est favorable à l'amendement et au
sous-amendement.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix le sous-amendement n° 304, accepté par la commission.
(Le sous-amendement est adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix, ainsi modifié, l'amendement n° 126 rectifié, accepté par la
commission et par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Par amendement n° 328, M. François, au nom de la commission des affaires
économiques, propose, dans la première phrase du texte présenté par le 2° du II
de l'article 3 pour remplacer la première phrase du premier alinéa de l'article
L. 130-5 du code de l'urbanisme, de remplacer le mot : « publiques », par le
mot : « territoriales ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe François,
rapporteur.
Il s'agit d'un amendement rédactionnel.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean Glavany,
ministre de l'agriculture et de la pêche.
Favorable.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 328, accepté par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Par amendement n° 258, M. Poniatowski et les membres du groupe des
Républicains et Indépendants proposent, au début de la première phrase du texte
présenté par le 2° du II de l'article 3 pour remplacer la première phrase du
premier alinéa de l'article L. 130-5 du code de l'urbanisme, après les mots : «
Les collectivités publiques », de supprimer les mots : « ou leur groupement
».
La parole est à M. Poniatowski.
M. Ladislas Poniatowski.
Je retire cet amendement.
M. Jean Glavany,
ministre de l'agriculture et de la pêche.
C'est dommage, c'était une
bonne idée !
M. le président.
L'amendement n° 258 est retiré.
Par amendement n° 131 rectifié, MM. Jourdain, Braun, César, Cornu, Neuwirth,
Joyandet et Valade proposent de compléter
in fine
le dernier alinéa du
II par une phrase ainsi rédigée : « La responsabilité civile des propriétaires
ayant signé ces conventions ne saurait être engagée par l'ouverture au public
de leurs propriétés qu'en raison d'actes fautifs de leur part. »
La parole est à M. Braun.
M. Gérard Braun.
Les propriétaires de bois, de parcs et d'espaces naturels sont réticents à les
ouvrir au public, notamment parce qu'ils craignent une mise en cause de leur
responsabilité en cas d'incidents indépendants de leur volonté.
Cet amendement a donc pour objet de leur apporter les garanties nécessaires,
comme la loi du 2 février 1995 relative au renforcement de la protection de
l'environnement l'a fait pour les propriétaires riverains de cours d'eau.
Cet amendement participe de la même philosophie que celui que nous avions
déposé, avec M. Delevoye, lors de l'élaboration de la loi tendant à préciser la
définition des délits non intentionnels, et qui avait trait à la responsabilité
des maires.
M. Roland du Luart,
rapporteur pour avis.
C'est très important !
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe François,
rapporteur.
Cet amendement prévoit d'écarter le régime de la
responsabilité du fait des choses pour les propriétaires ayant signé une
convention d'ouverture au public.
Je rappelle que le régime de responsabilité du fait des choses, fixé par les
articles 1382 et 1384 du code civil, est d'ordre public. En conséquence, toute
disposition dérogatoire, y compris celle qui pourrait être inscrite dans la
convention définie à l'article L. 135 du code de l'urbanisme, est inopposable
aux tiers. En cas d'accident survenant à un promeneur, cette disposition ne
pourrait donc pas s'appliquer.
C'est pourquoi la commission, très consciente du fait que ce problème de
responsabilité constitue l'un des obstacles majeurs à l'ouverture des espaces
naturels privés au public, entend privilégier la voie de la convention, non pas
pour écarter le régime de la responsabilité du fait des choses, mais pour faire
prendre en charge le coût de l'assurance qui en résulte par la collectivité qui
souhaite que ces espaces soient ouverts au public. Tel est l'objet de
l'amendement n° 50 de la commission.
Bien sûr, cela ne réglera pas tous les problèmes de responsabilité des
propriétaires d'espaces naturels, notamment quand ceux-ci sont parcourus par le
public mais ne font pas l'objet d'une convention. Je considère néanmoins que
l'adoption de l'amendement de la commission favoriserait la montée en puissance
de la voie conventionnelle entre propriétaires et collectivités
territoriales.
Cela étant, l'amendement n° 131 rectifié a fait l'objet de nombreux débats au
sein de la commission, qui a souhaité entendre le Gouvernement et s'en remettre
à la sagesse du Sénat. Si le Gouvernement confirmait mon interprétation des
textes et approuvait la position défendue par la commission, qui, sur le fond,
répond aux attentes des auteurs de l'amendement n° 131 rectifié, je demanderais
alors le retrait de celui-ci.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean Glavany,
ministre de l'agriculture et de la pêche.
Le Gouvernement confirme
totalement l'interprétation de M. le rapporteur. Il s'agit d'un problème
juridique réel, que je ne balaie pas d'un revers de la main, mais je crois que
le dispositif proposé ne constitue qu'une apparence de solution et pourrait
aisément être tourné.
Selon la chancellerie, qui a évidemment été consultée sur cet amendement -
même si elle ne peut pas préjuger les décisions des juges, elle peut avoir une
idée de ce qu'ils feront ! - soit les juges saisis d'un litige tendront à
retenir une conception très extensive de la notion de faute, dans la mesure où
le caractère particulièrement dangereux de la fréquentation des forêts sera
très difficile à justifier, soit les usagers victimes d'accidents saisiront
plus souvent le juge pénal. La protection ne sera donc qu'apparente.
Dans ces conditions, je pense que l'amendement n° 50 de la commission, sur
lequel j'émettrai un avis très favorable, permettra, en instaurant une logique
contractuelle par la voie de conventions, de régler sinon tous les problèmes,
du moins nombre d'entre eux, et donc d'améliorer singulièrement la
situation.
Par conséquent, je souhaite moi aussi que l'amendement n° 131 rectifié soit
retiré.
M. le président.
Monsieur Braun, l'amendement n° 131 rectifié est-il maintenu ?
M. Gérard Braun.
J'avoue être très dubitatif. Certes, nous ne referons pas ce soir un débat de
commission, mais je me mets à la place du propriétaire privé qui accepte que
des promeneurs ou des sportifs parcourent sa forêt. En l'état actuel des
choses, il n'est donc pas garanti en cas d'accident, et si par exemple
quelqu'un se casse une jambe sur sa propriété et se retourne contre lui, il
risque d'en subir toutes les conséquences. Cela me paraît tout à fait
impensable !
Un problème de fond se pose donc dans notre droit général, et cela rejoint
quelque peu les débats que nous avons eus à propos de la définition des fautes
non intentionnelles des élus. En effet, s'en remettre uniquement au bon vouloir
des juges pour décider si M. Untel, qui a ouvert sa forêt au public, est
responsable ou non de tel ou tel accident n'est pas du tout acceptable. Les
propriétaires privés, ou même publics, comme les communes, doivent pouvoir
disposer de garanties et être couverts par une assurance en cas d'accident.
Cela est d'autant plus nécessaire que nous vivons dans une société où les
particuliers auront de plus en plus recours à la justice dans l'avenir : parce
qu'ils seront atteints par le cancer du fumeur, ils attaqueront la SEITA ;
parce qu'ils auront une cirrhose du foie, ils attaqueront tel ou tel négociant
en vins. Nous en arriverons à une société tout à fait irresponsable, or on
offre ici à certains la possibilité d'intenter des procès à des personnes qui
auront simplement eu la gentillesse d'ouvrir leur propriété au public.
Au-delà du problème qui nous préoccupe ce soir, monsieur le ministre, le
Gouvernement doit à mon sens conduire une véritable réflexion de fond sur
l'ensemble de ces questions car, si nous persistons dans cette voie, plus
personne ne voudra prendre de responsabilités et notre société deviendra
complètement ingérable et inhumaine.
M. Roland du Luart,
rapporteur pour avis.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Roland du Luart,
rapporteur pour avis.
Les arguments qu'a développés notre collègue sont
assez frappants, mais je dois reconnaître que, juridiquement, M. le rapporteur
a tout à fait raison. Cependant, qu'il me soit permis de souligner que, en
l'état actuel du droit, nous nous heurtons à une sorte de blocage sociétal.
Monsieur le ministre, vous faites un effet d'annonce en affirmant qu'il faut
ouvrir les forêts au public mais, si jamais une branche tombe sur un promeneur,
ce qui peut arriver facilement à la suite d'une tempête, car les arbres sont
déstabilisés, le propriétaire sera condamné par les tribunaux.
Excusez ce mauvais jeu de mots, monsieur le ministre, mais vous devriez
profiter du fait que l'actuel garde des sceaux s'appelle Mme Lebranchu pour lui
demander de revoir le droit (
sourires.
), parce que l'on ne peut rester
dans cette situation. Il faudrait organiser une réflexion : nous avons tous ici
la volonté de faire avancer les choses, mais nous nous trouvons complètement
bloqués, car il y a contradiction entre l'annonce et la réalité.
Je me rallie donc à M. le rapporteur pour estimer que l'on peut difficilement
voter l'amendement n° 131 rectifié en l'état, mais je souhaiterais que le
Gouvernement prenne devant nous l'engagement d'essayer de faire évoluer la
situation afin que l'on puisse sortir de l'impasse. Alors, les forêts privées
françaises s'ouvriront beaucoup plus facilement au public.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 131 rectifié, repoussé par le
Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les
reprendrons à vingt-deux heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures cinquante-cinq, est reprise à
vingt-deux heures, sous la présidence de M. Paul Girod.)