SEANCE DU 17 AVRIL 2001
SOMMAIRE
PRÉSIDENCE DE M. GUY ALLOUCHE
1.
Procès-verbal
(p.
0
).
2.
Message aux victimes des inondations
(p.
1
).
3.
Fin de mission d'un sénateur
(p.
2
).
4.
Demande d'autorisation d'une mission d'information
(p.
3
).
5.
Organismes extraparlementaires
(p.
4
).
6.
Date d'expiration des pouvoirs de l'Assemblée nationale.
- Rejet d'une proposition de loi organique en nouvelle lecture (p.
5
).
Rappel au règlement (p. 6 )
MM. Jacques Larché, président de la commission des lois ; le président.
Discussion générale (p. 7 )
MM. Jean-Jack Queyranne, ministre des relations avec le Parlement ; le président de la commission, ChristianBonnet, rapporteur de la commission des lois.
Rappel au règlement (p. 8 )
MM. Henri de Raincourt, le ministre.
Suspension et reprise de la séance
(p.
9
)
Discussion générale
(suite)
(p.
10
)
MM. Guy Cabanel, Josselin de Rohan, Jean Arthuis, Henri de Raincourt, Robert
Bret, Robert Badinter, le président de la commission.
Clôture de la discussion générale.
Question préalable (p. 11 )
Motion n° 1 de la commission. - MM. le rapporteur, Robert Badinter, le
ministre. - Adoption, par scrutin public, de la motion entraînant le rejet de
la proposition de loi organique.
7.
Modification de l'ordre du jour
(p.
12
).
Suspension et reprise de la séance (p. 13 )
PRÉSIDENCE DE M. JACQUES VALADE
8.
Agence française de sécurité sanitaire environnementale.
- Adoption d'une proposition de loi en nouvelle lecture (p.
14
).
Discussion générale : MM. Bernard Kouchner, ministre délégué à la santé ;
Claude Huriet, rapporteur de la commission des affaires sociales ; Guy
Fischer.
Clôture de la discussion générale.
Intitulé du titre II (p. 15 )
Amendement n° 1 de la commission. - MM. le rapporteur, le ministre délégué. - Adoption de l'amendement modifiant l'intitulé.
Article 2 (p. 16 )
Amendement n° 2 de la commission. - MM. le rapporteur, le ministre délégué.
- Adoption.
Amendement n° 3 de la commission. - MM. le rapporteur, le ministre délégué.
- Adoption.
Amendement n° 4 de la commission. - MM. le rapporteur, le ministre délégué.
- Adoption.
Adoption de l'article modifié.
Article 2 bis A (supprimé) (p. 17 )
Amendement n° 5 de la commission. - MM. le rapporteur, le ministre délégué. - Adoption de l'amendement rétablissant l'article.
Article 3. - Adoption (p.
18
)
Article 4 A (p.
19
)
M. Henri Revol.
Amendement n° 6 de la commission. - MM. le rapporteur, le ministre délégué.
- Adoption.
Amendement n° 7 de la commission. - MM. le rapporteur, le ministre délégué.
- Adoption.
Adoption de l'article modifié.
Article 5. - Adoption (p.
20
)
Vote sur l'ensemble (p.
21
)
Mme Gisèle Printz, MM. Michel Doublet, le rapporteur, le ministre délégué.
Adoption de la proposition de loi.
9.
Egalité professionnelle entre les femmes et les hommes.
- Rejet d'une proposition de loi en nouvelle lecture (p.
22
).
Discussion générale : Mmes Nicole Péry, secrétaire d'Etat aux droits des femmes
et à la formation professionnelle ; Annick Bocandé, rapporteur de la commission
des affaires sociales ; M. Roland Muzeau.
Clôture de la discussion générale.
Question préalable (p. 23 )
Motion n° 1 de la commission. - Mmes le rapporteur, Gisèle Printz, M. Michel
Doublet. - Adoption de la motion entraînant le rejet de la proposition de
loi.
10.
Texte soumis au Sénat en application de l'article 88-4 de la Constitution
(p.
24
).
11.
Retrait d'un texte soumis au Sénat en application de l'article 88-4 de la
Constitution
(p.
25
).
12.
Dépôt de rapports
(p.
26
).
13.
Dépôts rattachés pour ordre au procès-verbal de la séance du 5 avril 2001
(p.
27
).
14.
Ordre du jour
(p.
28
).
COMPTE RENDU INTÉGRAL
PRÉSIDENCE DE M. GUY ALLOUCHE
vice-président
M. le président.
La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à seize heures.)
1
PROCÈS-VERBAL
M. le président.
Le procès-verbal de la séance du jeudi 5 avril 2001 a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ?...
Le procès-verbal est adopté.
2
MESSAGE AUX VICTIMES DES INONDATIONS
M. le président.
Au nom du Sénat tout entier, et comme l'a souhaité notre président, je veux,
mes chers collègues, exprimer notre profonde sympathie aux populations des
régions durement touchées par les inondations.
Pour ne prendre que l'exemple de la vallée de la Somme, près de quatre-vingts
communes sont sinistrées et plus de neuf cents personnes ont été évacuées grâce
à la diligence et au dévouement des sapeurs-pompiers professionnels ou
volontaires.
Saluons également le concours précieux des nombreux bénévoles, sans oublier le
rôle essentiel des élus locaux, qui, une fois de plus, se trouvent en première
ligne.
Pour les familles ainsi frappées, cette catastrophe naturelle apparaît comme
un véritable drame qui, bien souvent, réduit à néant de nombreuses années de
travail consacrées à la construction d'un « chez-soi ». A ceux qui ressentent
la terrible injustice de cette catastrophe, c'est la nation tout entière qui
doit manifester sa solidarité.
Aussi me paraît-il souhaitable, et même indispensable, que tout soit mis en
oeuvre pour simplifier l'instruction des dossiers et accélerer les procédures
d'indemnisation. La gravité de la situation est telle qu'elle appelle des
réponses d'urgence.
Sur la proposition du président du Sénat, le conseil de questure a décidé ce
matin même d'accorder aux collectivités sinistrées un secours financier.
M. Robert Badinter.
Très bien !
M. le président.
Si ce geste symbolique n'est pas à la mesure du préjudice humain causé par ces
inondations, il apportera le témoignage sincère de la solidarité du Sénat
envers les victimes.
(Applaudissements sur l'ensemble des travées.)
3
FIN DE MISSION D'UN SÉNATEUR
M. le président. M. le président a reçu de M. le Premier ministre la lettre suivante :
« Paris, le 13 avril 2001.
« Monsieur le président,
« Par lettre du 16 février 2001, je vous avais fait part de ma décision de
placer Mme Dinah Derycke, sénatrice, en mission temporaire auprès de la
ministre de l'emploi et de la solidarité.
« Cette désignation, intervenue en application des dispositions de l'article
LO 297 du code électoral, a fait l'objet d'un décret en date du 16 février
2001, publié au
Journal officiel
du 17 février.
« Par lettre en date du 28 mars 2001, Mme Derycke m'a fait savoir qu'elle ne
pouvait, dans l'immédiat, mener à bien cette mission.
« Aussi, j'ai décidé de mettre fin à cette mission.
« Je vous prie, d'agréer, monsieur le président, l'assurance de ma haute
considération.
« Signé : Lionel Jospin »
Acte est donné de cette communication.
4
DEMANDE D'AUTORISATION
D'UNE MISSION D'INFORMATION
M. le président.
M. le président a été saisi par M. Jean François-Poncet, président de la
commission des affaires économiques, d'une demande tendant à obtenir du Sénat
l'autorisation de désigner une mission d'information sur la lutte contre
l'épizootie de fièvre aphteuse.
Le Sénat sera appelé à statuer sur cette demande dans les formes fixées par
l'article 21 du règlement.
5
ORGANISMES EXTRAPARLEMENTAIRES
M. le président.
J'informe le Sénat que M. le Premier ministre a demandé au Sénat de bien
vouloir procéder à la désignation de sénateur appelés à siéger au sein du
conseil d'orientation du comité interministériel de prévention des risques
naturels majeurs.
Conformément à l'article 9 du règlement, j'invite la commission des affaires
économiques, la commission des lois et la commission des affaires culturelles à
présenter chacune une candidature.
J'informe également le Sénat que M. le Premier ministre a demandé au Sénat de
bien vouloir procéder à la désignation de sénateurs appelés à siéger au sein du
comité des finances locales.
En conséquence, j'invite la commission des finances et la commission des lois
à présenter chacune deux candidats appelés à siéger l'un en qualité de
titulaire, l'autre en qualité de suppléant.
Les nominations au sein de ces organismes extraparlementaires auront lieu
ultérieurement, dans les conditions prévues par l'article 9 du règlement.
6
DATE D'EXPIRATION DES POUVOIRS
DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE
Rejet d'une proposition de loi organique
en nouvelle lecture
M. le président.
L'ordre du jour appelle la discussion, en nouvelle lecture, de la proposition
de loi organique (n° 225, 2000-2001), adoptée par l'Assemblée nationale en
nouvelle lecture, modifiant la date d'expiration des pouvoirs de l'Assemblée
nationale [Rapport n° 270 (2000-2001).]
Rappel au règlement
M. Jacques Larché,
président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du
suffrage universel, du règlement et d'administration générale.
Je demande
la parole pour un rappel au règlement.
M. le président.
La parole est à M. le président de la commission des lois.
M. Jacques Larché,
président de la commission des lois.
Monsieur le président, monsieur le
ministre, mes chers collègues, je crois nécessaire de faire un rappel au
règlement en cet instant, avant que s'engage la discussion de la proposition de
loi organique.
Ce rappel au règlement se fonde sur les articles 70 et 71 du règlement, qui
traitent de la convocation et de la réunion de la commission mixte paritaire,
ainsi que sur l'article 29 du même règlement, qui est relatif à la fixation de
l'ordre du jour du Sénat.
La conférence des présidents, qui s'est réunie normalement, le 27 mars
dernier, a décidé, à la demande du Gouvernement, d'inscrire à l'ordre du jour
prioritaire de la présente séance soit les conclusions de la commission mixte
paritaire, soit la nouvelle lecture de la proposition de loi organique
modifiant la date d'expiration des pouvoirs de l'Assemblée nationale.
Cette procédure ayant suscité chez nous quelques doutes, nous aurions aimé
pouvoir nous entourer des avis nécessaires. Mais nous constatons - cela a déjà
été dit à plusieurs reprises - qu'il n'y a aucun organe que nous puissions
consulter et qui serait en état de nous dire, de manière préalable en quelque
sorte, ce qui lui paraît être le droit. Le Conseil constitutionnel, notamment,
ne peut pas être consulté, alors que, nous le savons tous - toutes ses
décisions le montrent - il porte une attention particulière aux lois
organiques, il vérifie scrupuleusement ce qui constitue leur nature, qu'il
s'agisse de la procédure ou du fond.
Lorsque nous avons adopté le texte dont nous débattons aujourd'hui en première
lecture, j'ai déjà fait constater que nos collègues des différents groupes
avaient usé du droit normal qui leur appartient de proposer des amendements, et
ce d'autant plus que nous étions saisis d'une proposition de loi, mode
d'initiative parlementaire à l'égard duquel on peut estimer que le droit
d'amendement s'exerce avec une particulière vigueur.
Nous avions d'ailleurs noté que, puisqu'il s'agissait d'une proposition de
loi, nous n'étions pas en état - nous aurions pu le faire s'il s'était agi d'un
projet - de demander un référendum.
Les interrogations que j'ai formulées alors demeurent.
Selon le quatrième alinéa de l'article 46 de la Constitution, les lois
organiques relatives au Sénat doivent être votées dans les mêmes termes par les
deux assemblées. Or, c'est ce qu'est devenu le texte dont nous débattons
aujourd'hui. Et lorsqu'il est saisi d'un texte de ce genre, le Gouvernement ne
provoque pas la réunion d'une commission mixte paritaire, puisque celle-ci ne
peut déboucher que sur le vote en dernière lecture par l'Assemblée
nationale.
Néanmoins, le Gouvernement a demandé la réunion d'une commission mixte
paritaire. Nous avons d'ailleurs désigné nos représentants et, par courtoisie
envers le président Roman, dont les propos nous laissent penser parfois que
nous ne sommes pas, en ce domaine, toujours payés en retour,...
Un sénateur du RPR.
C'est le moins que l'on puisse dire !
M. Jacques Larché,
président de la commission des lois.
... nous nous sommes rendus à son
invitation.
Le président Roman, dans le silence de la commission mixte paritaire, où il ne
pouvait pas donner à ses propos le lustre qu'il leur a donné à certaines autres
occasions, a reconnu que notre démarche était légitime, qu'il s'agissait en
quelque sorte d'une « commission mixte paritaire virtuelle ».
Au cours de cette commission mixte paritaire, nous avons exposé nos points de
vue. Nous avons donc dit, une fois de plus, qu'il n'y avait pas lieu de réunir
une commission mixte paritaire, qu'il fallait s'orienter vers une deuxième
lecture à l'Assemblée nationale.
Compte tenu je ne dirai pas de l'entêtement des députés, mais en quelque sorte
du maintien de leur position, nous avons dû quitter la commission mixte
paritaire. Nous n'avons donc pas participé à la discussion qui aurait pu
s'engager, mais qui n'a pas eu lieu. Le président Roman a constaté que la
commission mixte paritaire avait échoué sans se conformer aux termes mêmes de
la Constitution, selon lesquels, avant de constater l'échec, la commission
mixte paritaire doit au moins se livrer à un certain examen des dispositions
qui restent en discussion.
Voilà, monsieur le président, les quelques observations que je tenais à faire.
Nous maintenons notre point de vue. Nous verrons bien ce qu'il en sera. Nous
n'avons aucune certitude, car cette situation devant laquelle nous sommes
placés ne connaît pas de précédent. Nous ne pouvons, dans l'état actuel des
choses, que continuer une discussion qui, en quelque sorte, nous est imposée
dans des conditions que, avec un certain nombre de mes collègues, je considère
comme anormales.
Je ne sais d'ailleurs pas en cet instant, monsieur le président, s'il s'agit
d'une deuxième lecture ou d'une nouvelle lecture. Par la décision qu'il
prendra, le Conseil constitutionnel précisera peut-être un jour ce point.
(Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR
ainsi que sur certaines travées de l'Union centriste et du RDSE.)
M. le président.
Monsieur le président de la commission des lois, le regretté président Dailly
avait coutume de bien faire la distinction entre deuxième et nouvelle
lecture.
M. Jacques Larché,
président de la commission des lois.
Je suis incapable de la faire en cet
instant !
M. le président.
Quoi qu'il en soit, je vous donne acte de ce rappel au règlement. Le débat qui
va suivre permettra peut-être d'éclaircir la situation, mais permettez-moi de
vous faire remarquer - m'adressant à vous avec beaucoup de scrupule - que si le
Gouvernement fixe les priorités de l'ordre du jour, c'est le président du Sénat
qui convoque la conférence des présidents.
Voilà ce que je tenais, avec beaucoup de modestie, à vous dire, monsieur le
président de la commission des lois.
Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre des relations avec
le Parlement.
M. Jean-Pierre Raffarin.
Où est le ministre de l'intérieur ?
M. Louis Moinard.
A l'extérieur !
M. Jean-Pierre Raffarin.
C'est une manoeuvre subalterne !
M. Jean-Jack Queyranne,
ministre des relations avec le Parlement.
Monsieur le président,
mesdames, messieurs les sénateurs, le 3 avril dernier, l'Assemblée nationale a
confirmé en nouvelle lecture son vote initial du 20 décembre 2000...
M. Hilaire Flandre.
Sans surprise !
M. Jean-Jack Queyranne,
ministre des relations avec le Parlement.
... et a rétabli le texte de la
proposition de loi organique modifiant la date d'expiration des pouvoirs de
l'Assemblée nationale qu'elle avait déjà adopté.
Je ne reviendrai pas sur les nombreuses interventions qui été prononcées en
première lecture au Sénat.
M. Jean-Pierre Raffarin.
C'est dommage !
M. Jean-Jack Queyranne,
ministre des relations avec le Parlement.
Je voudrais simplement rappeler
les principaux éléments qui, aux yeux du Gouvernement, doivent conduire à
l'adoption de cette proposition de loi.
Quelle est la justification de ce texte ?
M. Jean-Pierre Raffarin.
Il n'y en a aucune !
M. Jean-Jack Queyranne,
ministre des relations avec le Parlement.
La proposition de loi organique
est fondée, monsieur Raffarin, sur un principe clair : l'élection
présidentielle est, depuis la réforme de 1962, l'acte politique essentiel. Elle
est ressentie comme telle par les Français, ainsi que le montre d'ailleurs
l'examen comparé des taux de participation aux différentes élections : c'est à
cette occasion que nos compatriotes s'expriment le plus largement.
Les circonstances que vous connaissez, mesdames, messieurs les sénateurs, ont
conduit à un calendrier étrange et inédit, où l'élection présidentielle serait
précédée de quelques semaines par l'élection de l'Assemblée nationale.
Cette conjoncture ne sera d'ailleurs pas propre à 2002. En effet,
l'instauration du mandat de cinq ans pour l'élection du Président de la
République crée les conditions d'une situation où le calendrier de 2002
pourrait se reproduire à chaque échéance, en 2007, en 2012 et au-delà.
Cette situation comporte de graves inconvénients, du point de vue tant
institutionnel que technique.
Tout d'abord, la clarté du choix des Français conduit à ce que ceux-ci élisent
un Président et, par cette élection, choisissent les grandes options du
quinquennat qui doit suivre, sans que les élections législatives servent, par
accident, de primaires à l'élection présidentielle, puisqu'elles sont
organisées dans le cadre de 577 circonscriptions.
Par ailleurs, la clarté du choix des Français peut-elle supporter la
désignation d'un Premier ministre et la formation d'un gouvernement au mois
d'avril, quelques jours avant l'élection présidentielle ? Quelle validité
aurait le programme de ce gouvernement réduit à expédier les affaires courantes
dans l'attente du résultat de l'élection présidentielle ?
M. Hilaire Flandre.
Il serait en vacances !
M. Jean-Jack Queyranne,
ministre des relations avec le Parlement.
La logique de nos institutions
consiste donc à permettre aux Français d'effectuer un choix politique logique
et clair, et non à maintenir leur expression dans un calendrier générateur de
confusion.
C'est ce qu'ont compris les promoteurs de la proposition de loi organique,
qui, je le rappelle, sont des personnalités connaissant bien la pratique de nos
institutions au plus haut niveau et appartenant à des formations politiques
diverses.
Ce n'est pas pour autant une vision présidentialiste de nos institutions qu'il
s'agit de promouvoir.
M. Hilaire Flandre.
Ah !
M. Jean-Jack Queyranne,
ministre des relations avec le Parlement.
Le Gouvernement est, pour sa
part, très attaché au respect des prérogatives du Parlement, et il en a fait la
démonstration depuis le début de cette législature.
(Exclamations sur les
travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. Henri de Richemont.
L'urgence appelle l'urgence !
M. Jean-Pierre Raffarin.
Une seule règle : l'urgence !
M. Jean-Jack Queyranne,
ministre des relations avec le Parlement.
L'initiative parlementaire,
mesdames, messieurs les sénateurs, n'a jamais été aussi forte, sous la Ve
République, qu'au cours de ces dernières années ; les textes législatifs, pour
un tiers d'entre eux, sont d'origine parlementaire, et quand ils sont d'origine
gouvernementale, le droit d'amendement s'exerce pleinement,...
M. Jean-Pierre Raffarin.
Heureusement !
M. Jean-Jack Queyranne,
ministre des relations avec le Parlement.
... ce qui est la règle
constitutionnelle.
M. Jean-Pierre Raffarin.
Merci !
M. Jean-Jack Queyranne,
ministre des relations avec le Parlement.
Je rappellerai également que le
Gouvernement n'a jamais recouru aux dispositions de l'article 49, alinéa 3, de
la Constitution pour imposer ses vues à l'Assemblée nationale. Cette lecture
parlementaire de la Constitution ne conduit cependant pas à négliger une
réalité, celle de la logique de nos institutions, qui impose de restituer au
calendrier électoral une cohérence que les circonstances lui ont fait
perdre.
Outre la question de l'équilibre et de la logique institutionnelle, il faut
souligner que, si l'ordre rationnel du calendrier électoral n'était pas
rétabli, les difficultés techniques du calendrier actuel, soulignées d'ailleurs
par le Conseil constitutionnel,...
M. Henri de Richemont.
Jospin disait le contraire !
M. Jean-Jack Queyranne,
ministre des relations avec le Parlement.
... seraient, en ce qui
concerne l'organisation de l'élection présidentielle, pérennisées et aggravées,
comme le Gouvernement l'a démontré en premièrelecture.
La solution à ces difficultés existe, puisque la proposition de loi organique
votée par l'Assemblée nationale ouvre la possibilité de résoudre le problème
posé par un calendrier électoral qui n'est pas viable.
Ce texte prévoit, dans la rédaction issue de l'amendement déposé par M.
Blessig, député du groupe UDF, et votée en première lecture par l'Assemblée
nationale, de fixer la date d'expiration des pouvoirs de l'Assemblée nationale
au troisième mardi de juin de la cinquième année qui suit son élection.
Cette formulation permet de séparer les opérations électorales des deux
scrutins présidentiel et législatif, tout en respectant les impératifs de
clarté politique qui veulent que, dans une telle configuration, les candidats
aux élections législatives connaissent, au moment du dépôt des candidatures, le
résultat de l'élection présidentielle.
Cette rédaction présente donc l'avantage de permettre que les dépôts de
candidatures aux élections législatives s'effectuent non seulement après que
seront connus les résultats officieux de l'élection présidentielle, mais
également après la proclamation officielle du résultat par le Conseil
constitutionnel. Elle offre donc, sur ce plan, toutes les garanties.
J'ajoute qu'il ne saurait être fait reproche à l'Assemblée nationale de
reculer excessivement la date d'expiration de ses pouvoirs, puisque l'assemblée
actuelle a été élue les 25 mai et 1er juin 1997 et que ses pouvoirs
expireraient le 18 juin 2002 : il s'agirait donc d'une législature complète de
cinq ans, de juin 1997 à juin 2002.
M. Hilaire Flandre.
Cinq ans et trois semaines !
M. Jean-Jack Queyranne,
ministre des relations avec le Parlement.
Nul ne sait bien sûr ce qui ce
passera en 2002 lors de ces élections.
M. Gérard César.
Eh oui !
M. Serge Vinçon.
Vous serez battus !
M. Jean-Jack Queyranne,
ministre des relations avec le Parlement.
Je voudrais reprendre ici les
propos qu'a tenus M. Arthuis devant cette assemblée : « Seules comptent
aujourd'hui la préservation, la consolidation même de nos institutions - le
reste n'est qu'illusion. »
M. Jean Chérioux.
Quel noble projet de votre part !
M. Jean-Jack Queyranne,
ministre des relations avec le Parlement.
Cette appréciation, qui a été
développée au Sénat mais qui n'a pas été retenue lors de la première lecture,
est également celle du Gouvernement.
En première lecture, le Sénat a souhaité compléter cette proposition de loi
organique par différentes dispositions qui, comme le président Jacques Larché
vient de l'indiquer dans son rappel au règlement, modifiaient sa nature même et
en faisaient un texte relatif au Sénat.
A cet égard, je voudrais simplement formuler quelques observations.
Tout d'abord, le recours à l'article 46 de la Constitution ne fait pas
obstacle à l'article 45 de celle-ci, c'est-à-dire à la prérogative qu'a le
Gouvernement de faire jouer la procédure de la commission mixte paritaire. Je
l'avais rappelé à l'occasion des débats.
Par ailleurs, les dispositions que le Sénat a adoptées en première lecture
sont incontestablement des « cavaliers » législatifs qui ne concernent pas
directement la proposition de loi en question. Si l'on suivait le raisonnement
qui a été présenté à cette occasion, le Sénat pourrait ainsi, en introduisant
des dispositions qui le concerneraient, paralyser l'adoption de toute
proposition organique et empêcher l'Assemblée nationale d'avoir le dernier mot.
Ce serait là, en quelque sorte, l'exercice d'un droit de veto sur tout texte
organique. Je ne crois pas que le constituant ait voulu, dans ce domaine, aller
en ce sens.
M. Jacques Larché nous a dit que l'on ne pouvait avoir, à ce stade de la
procédure, un avis sur cette question, puisque le Conseil constitutionnel ne
sera saisi - s'il l'est - qu'
a posteriori.
MM. Jacques Larché,
président de la commission des lois
et
Guy Cabanel.
Il le sera !
M. Jean-Jack Queyranne,
ministre des relations avec le Parlement.
Dans le cours de la procédure,
aucun avis ne peut donc être donné sur la qualification de loi organique
relative au Sénat.
Faut-il alors se reporter à la doctrine ? De ce point de vue, je vous invite,
mesdames, messieurs les sénateurs, à consulter un excellent article intitulé :
« Le Conseil constitutionnel, organe du pouvoir d'Etat ». L'auteur de cet
excellent article rejette justement « l'idée que serait une loi organique
relative au Sénat toute loi qui concernerait entre autres sujets le Sénat ou
les sénateurs, donc par exemple la loi relative aux incompatibilités
parlementaires ». Il ne s'agit ici, de ma part, que d'une citation.
Cet excellent auteur...
M. Jean-Pierre Raffarin.
Lequel ?
M. Jean Chérioux.
Des noms !
(Sourires.)
M. Jean-Jack Queyranne,
ministre des relations avec le Parlement.
... poursuit ainsi son
raisonnement : « Toute loi - organique, bien sûr - concernant le Sénat nous
paraît donc devoir être soumise à l'interrogation suivante : le projet
modifie-t-il la situation actuelle d'une assemblée par rapport à l'autre ?
Etablit-il des prérogatives ou une organisation particulière pour l'une ou
l'autre des deux assemblées ? Alors, elle doit être considérée comme relative
au Sénat ».
Avouez, mesdames, messieurs les sénateurs, que nous ne sommes pas dans un tel
cas. Le texte que nous examinons aujourd'hui ne prévoit en effet ni
dispositions ni prérogatives particulières relatives au Sénat, puisque, si
l'Assemblée nationale avait retenu les dispositions introduites par le Sénat,
il se serait agi d'une proposition de loi organique relative à l'ensemble du
Parlement.
C'est d'ailleurs l'interprétation qui a été retenue par le Conseil
constitutionnel dans sa décision du 11 juillet 1985, quand il estimait que
l'augmentation du nombre des députés, qui minorait le poids du Sénat au
Congrès, ne pouvait être considérée comme une disposition relative au Sénat,
dans la mesure où elle ne privait d'aucun droit ou prérogative les sénateurs en
tant que tels.
Quant à l'identité de l'excellent auteur que j'évoquais, je puis maintenant
vous indiquer que cet article, paru en 1972 dans
L'Actualité juridique,
était signé par M. Jacques Larché, professeur associé de droit public à
l'université de Paris - Val-de-Marne.
(Sourires.)
M. Henri de Raincourt.
Ah !
M. Jean-Jack Queyranne,
ministre des relations avec le Parlement.
Démonstration est donc faite
par la doctrine, monsieur Larché, que nous ne pouvons, en l'occurrence, retenir
la qualification de « texte relatif au Sénat ».
M. Henri de Raincourt.
Il a bien appris son cours !
M. Jean-Pierre Raffarin.
Vous devriez lire les écrits de M. Jacques Larché plus souvent !
M. Jacques Larché,
président de la commission des lois.
Puis-je vous interrompre, monsieur
le ministre ?
M. Jean-Jack Queyranne,
ministre des relations avec le Parlement.
Je vous en prie, monsieur
Larché.
M. le président.
La parole est à M. le président de la commission, avec l'autorisation de M. le
ministre.
M. Jacques Larché,
président de la commission des lois.
Je vous remercie, monsieur le
ministre, de m'avoir si abondamment cité et d'avoir,
in fine,
rappelé
que cet article datait de 1972.
M. Gérard César.
Trente ans après !
M. Jacques Larché,
président de la commission des lois.
Permettez-moi de formuler une double
remarque.
En premier lieu, j'ai été, mais d'une manière cinglante ! démenti par le
Conseil constitutionnel en 1985. Je m'en suis relevé, mais enfin...
(Sourires.)
En second lieu, en 1972, je n'étais pas sénateur !
M. Henri de Raincourt.
Et voilà !
M. Jean Delaneau.
Cela change tout !
M. Jean-Pierre Raffarin.
Tout s'apprend !
M. le président.
Veuillez poursuivre, monsieur le ministre.
M. Jean-Jack Queyranne,
ministre des relations avec le Parlement.
Après cette intervention du
président Jacques Larché, après avoir rappelé les bons auteurs, comme nous
disions à l'Université, je me permets de vous demander, au nom du Gouvernement,
mesdames, messieurs les sénateurs, pour le bon fonctionnement de nos
institutions mais aussi pour l'expression claire du suffrage des Français,
c'est-à-dire du peuple souverain, de voter le texte qui a été adopté en
nouvelle lecture par l'Assemblée nationale.
(Applaudissements sur les
travées socialistes.)
M. Jean Delaneau.
Voilà un voeu pieu !
M. Jean-Pierre Raffarin.
Jospin à la manoeuvre !
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Christian Bonnet,
rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du
suffrage universel, du règlement et d'administration générale.
Monsieur le
ministre, nous sommes heureux de vous voir parmi nous tout en regrettant
l'absence de M. le ministre de l'intérieur, paraît-il, occupé ailleurs.
M. Hilaire Flandre.
La Somme !
M. René-Georges Laurin.
C'est très bien !
M. Christian Bonnet,
rapporteur.
Nous en sommes d'autant plus heureux que vous avez suivi
notre débat de première lecture presque de bout en bout.
Il m'avait été donné, en première lecture, de marquer ma surprise face aux
propos tenus tant par M. le président de l'Assemblée nationale que par M. le
ministre des relations avec le Parlement. Ils ont en effet l'un et l'autre
constesté au Sénat le droit d'exercer ses prérogatives à propos d'un texte
relatif à l'Assemblée nationale.
Le président de la commission des lois de l'Assemblée nationale s'est cru
cette fois autorisé à porter, dans le rapport dont il a la charge, une
appréciation plus globale sur notre assemblée en des termes que les diplomates,
familiers de la litote, qualifieraient d'inamicaux. Je ne résiste pas au désir
de livrer à votre appréciation ce morceau d'anthologie citoyen.
« On peut s'interroger, écrit M. Bernard Roman - car c'est bien d'un écrit
qu'il s'agit et non d'un dérapage verbal sans conséquence - sur la légitimité
d'une assemblée qui ne peut mettre en cause la responsabilité du Gouvernement
ni davantage être dissoute, à défendre l'équilibre même du régime parlementaire
dans lequel elle ne joue à l'évidence qu'un rôle second. On pourrait ajouter
que son élection au suffrage universel, qui ne lui donne qu'une représentation
relative, ne l'habilite guère à se draper dans le voile de la vertu
républicaine outragée ni à revêtir les habits de défenseurs des institutions.
»
M. Henri de Raincourt.
C'est charmant !
M. Henri de Richemont.
C'est scandaleux !
M. Jean-Pierre Raffarin.
La stratégie est claire !
M. Christian Bonnet,
rapporteur.
Tant qu'à s'interroger, je me suis posé la question de savoir
si notre estimé collègue n'avait pas puisé, au fil de ses lectures, son
inspiration dans un propos tenu un jour à la Chambre des députés. Permettez-moi
de vous citer ce propos ; « La Chambre Haute, qui est nommée au suffrage
restreint par des électeurs sans mandat
(Exclamations sur les travées du
RPR),
se trouve néanmoins investie du privilège de résister à la
représentation directe du suffrage universel. Il y a, dans cette institution,
une dérogation criante aux principes du droit démocratique qui est notre droit
commun. »
Et de qui émanait cette philippique ? Je vous le donne en mille... du général
Boulanger lui-même, le 4 juin 1888 très précisément !
(Applaudissements sur
les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste,
ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Le président Mitterrand, Pierre Mendès-France, pour leur part, dépassant, en
homme d'Etat qu'ils étaient, eux, le déplaisir que pouvaient leur causer
parfois certaines des prises de position de notre institution, n'hésitaient pas
à porter sur elle une tout autre appréciation, dont on pourra trouver trace
dans mon rapport écrit.
Avant eux, Georges Clemenceau, grand pourfendeur de la Seconde Chambre
lorsqu'il siégeait sur les rives de la Seine, avait tôt fait de réviser son
jugement après avoir été élu sénateur du Var. « Les événements m'ont appris,
écrivait-il, qu'il fallait donner au peuple le temps de la réflexion... Le
temps de la réflexion, c'est le Sénat ! »
Et qui sait si, un jour, M. Roman ne trouvera pas, lui aussi, comme notre
illustre prédécesseur, son chemin de Damas après avoir pris place dans cet
hémicycle !
M. Hilaire Flandre.
Dieu nous en préserve !
(Sourires.)
M. Christian Bonnet,
rapporteur.
A dire le vrai, venant d'une personnalité d'ordinaire
courtoise, un tel manquement à la bienséance de règle entre nos deux assemblées
ne saurait s'expliquer qu'en réaction à la pertinence de notre argumentation,
développée ici même en première lecture.
(Bravo ! et applaudissements sur
les travées des Républicains et Indépendants, du RPR ainsi que sur certaines
travées de l'Union centriste et du RDSE.)
Cette argumentation, balayée le 3 avril dernier sans avoir été réellement
contredite, les trois mois écoulés depuis la première séance consacrée ici même
à la proposition de loi organique ont permis à votre commission des lois de la
conforter, mieux même, de la nourrir, à l'endroit d'un texte qui, trouvant sa
source dans une considération de pure opportunité, se heurte à des difficultés
pratiques et pose des problèmes juridiques d'importance.
Sans autres précédents que ceux de 1917 et de 1940, justifiés l'un et l'autre
par des raisons de force majeure, l'initiative parlementaire d'inspiration
gouvernementale aurait pour effet de prolonger l'existence de l'assemblée élue
en 1997 de plus de deux mois, cette durée dépassant de quelques jours,
nonobstant, sur ce point, les affirmations des membres du Gouvernement, la
période de cinq ans prévue pour le mandat des députés.
M. Jean-Pierre Raffarin.
De trois semaines !
M. Christian Bonnet,
rapporteur.
Appel est alors fait pour justifier une telle mesure
d'exception, à l'esprit des institutions, à leur prétendue logique.
A en croire M. le ministre de l'intérieur, à en croire M. Roman, qui ont
plaidé la thèse de la prééminence présidentielle avec l'ardeur propre aux
néophytes, cet esprit, cette logique interdiraient que des élections
législatives aient lieu avant le scrutin présidentiel. Or - maints orateurs
l'ont souligné ici même voilà quelques semaines - il existe deux lectures de la
Constitution.
A l'appréciation de M. Michel Debré, exégète contesté aujourd'hui par le
pouvoir, bien que père fondateur, est venue s'ajouter, en février 1993, celle
du comité consultatif pour la révision de la Constitution mis en place par le
président Mitterrand et présidé par le doyen Vedel.
« De l'avis général - lit-on dès le début de ce rapport - la Constitution de
1958 est grammaticalement susceptible de plusieurs lectures. Le comité ne s'est
pas cru investi de la mission de les trancher. Il n'a voulu ni réinterpréter ni
réinventer la Constitution. Une interprétation aurait méconnu une donnée
juridique fondamentale : les institutions politiques d'un pays ne se
définissent pas seulement par la Constitution écrite et les lois qui la mettent
en oeuvre, mais aussi par la pratique politique. »
Or, point n'est besoin d'être un constitutionnaliste distingué pour constater
que, depuis 1986, l'une et l'autre lecture se sont équitablement partagées le
temps. Au demeurant, et ce n'est pas là le moindre des paradoxes, M. le Premier
ministre, arc-bouté sur l'article 20 de la Constitution, ne cesse de rappeler,
par le verbe et le comportement, que la réalité des pouvoirs se trouve à
l'hôtel Matignon, évidence difficilement contestable aujourd'hui.
Aussi bien le texte en discussion constitue-t-il une authentique
réinterprétation, pour des raisons de pure opportunité, de la
Constitution,...
M. Henri de Richemont.
D'opportunité, en effet...
M. Christian Bonnet,
rapporteur.
... une réinterprétation qui ne saurait en aucun cas répondre
aux objectifs qui lui sont assignés.
L'organisation des élections législatives en juin ne permettrait pas d'éviter
un nouveau bouleversement du calendrier en cas d'interruption prématurée du
mandat d'un président de la République.
Mieux encore, comme je l'ai déjà souligné en première lecture, dès 2007, la
concomitance d'élections municipales, cantonales, législatives, présidentielles
viendra mettre à bas cette belle construction dont on voit bien qu'elle a pour
seule et unique motivation l'échéance de 2002.
(Très bien ! et
applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants et du
RPR.)
Le président Badinter a démontré, lors du débat relatif au quinquennat, que
seul le décès du président Georges Pompidou faisait que l'élection
présidentielle avait lieu au mois de mai. Dès lors, si l'on veut que le scrutin
présidentiel précède durablement les élections législatives, c'est pour
l'expiration du mandat du Président de la République qu'il convient de prévoir
une date fixe.
Cette solution, tous les constitutionnalistes - le doyen Vedel, le professeur
Carcassonne, le président Maus - l'ont faite leur, les deux premiers allant
jusqu'à proposer la date du 15 mars.
Mais une telle modification, de nature constitutionnelle, eût impliqué la
recherche d'un consensus - authentique, celui-là ! - et n'aurait pu être
appliquée dès l'an prochain, d'où la préférence donnée à une formule purement
circonstancielle, génératrice de difficultés pratiques non négligeables.
Le choix du troisième mardi de juin comme date d'expiration des pouvoirs de
l'Assemblée nationale ne peut que compliquer l'élaboration du budget, déjà fort
avancée, comme en témoigne un lumineux rapport de notre rapporteur général
Philippe Marini, publié le 29 septembre dernier. Les lettres de cadrage
n'ont-elles pas été adressées cette année aux différents ministères dès le
vendredi 13 avril !
De surcroît, la très grande proximité de la date retenue avec celle de la
clôture de la session ordinaire laisse augurer la convocation de l'une de ces
sessions extraordinaires qu'une réforme constitutionnelle avait précisément eu
pour ambition d'écarter.
La disposition proposée en première lecture par le Sénat avait, elle, le
mérite de la simplicité. Lorsque des élections législatives sont organisées
avant une élection présidentielle, le second tour ne peut précéder de moins de
vingt-huit jours le premier tour de l'élection présidentielle. Cela permettait
à la fois d'éviter tout bouleversement de nos règles institutionnelles et de
tenir compte des recommandations faites, le 23 juillet 2000, par le Conseil
constitutionnel à propos des parrainages.
Le plus piquant de l'affaire est que, sur ce point, contrairement aux
certitudes affichées le 3 avril par M. le ministre de l'intérieur à la tribune
de l'Assemblée nationale, la formule adoptée par cette dernière est de nature,
précisément, à poser un problème sur ce point.
Les dernières élections municipales ont en effet mis en lumière que l'élection
des maires n'intervenant qu'à la fin du mois de mars, il sera, dans ces
conditions, matériellement impossible en 2007 aux maires nouvellement élus de
renvoyer au Conseil constitutionnel dans les premiers jours d'avril un
formulaire de parrainage qui ne pourra leur être adressé qu'après leur élection
à la première magistrature.
Mais, de toute évidence, ni le Gouvernement ni l'Assemblée nationale n'étaient
décidés à reculer devant les difficultés.
(Exclamations sur les travées du
RPR.)
Les difficultés sont de deux ordres car aux difficultés d'ordre pratique qui
viennent d'être énoncées s'en ajoutent d'autres - et de poids ! - de nature
juridique.
Elles tiennent tout à la fois à la procédure pour l'adoption de la proposition
de loi organique, à l'absence de tout motif d'intérêt général et à des
conséquences qui ne semblent pas avoir été perçues sur deux aspects non
négligeables intéressant précisément les membres de l'Assemblée nationale.
Pour ce qui est, d'abord, de la procédure, le Sénat ayant adopté plusieurs
amendements relatifs à ces inéligibilités applicables aux députés et donc aux
sénateurs, en vertu de l'article LO 296 du code électoral, la proposition de
loi relevait de l'article 46, alinéa 4, de la Constitution, comme l'a rappelé
précédemment le président de la commission des lois.
Il a toujours été admis qu'en pareil cas l'article 45 de la Constitution,
prévoyant notamment la tenue de commissions mixtes paritaires, n'est pas
applicable et que la navette doit se poursuivre jusqu'à ce qu'intervienne un
accord entre les deux assemblées.
Le Conseil constitutionnel, dans une décision datant du 11 janvier 1990, a
bien marqué la distinction fondamentale entre les prescriptions des troisième
et quatrième alinéas de l'article 46 de la Constitution, les dispositions de
caractère organique non relatives au Sénat étant seules justiciables de la
procédure prévue à l'article 45.
La convocation d'une commission mixte paritaire par le Gouvernement apparaît,
dès lors, pour ce qu'elle est : une tentative de « passage en force », faute,
pour lui - j'insite sur ce point - d'avoir songé, comme il en avait la
possibilité, à recourir sur l'instant à la procédure dite du « vote bloqué »
sur un texte excluant tous les amendements relatifs au Sénat.
M. Claude Estier.
Qu'auriez-vous dit à ce moment-là !
M. Christian Bonnet,
rapporteur.
A ce vice de procédure s'ajoute l'absence de tout motif
d'intérêt général.
Comme il avait été rappelé en première lecture, le Conseil constitutionnel a
admis à trois reprises - en 1990, en 1994 et en 1996 - la prolongation de la
durée d'un mandat électif. Mais, outre qu'il s'agissait d'assemblées locales,
les décisions positives de cette haute instance prenaient appui sur des
considérations d'intérêt général.
Ainsi en allait-il de la volonté de favoriser une plus forte participation au
scrutin ou d'assurer la continuité de l'administration préfectorale, d'éviter
des difficultés de mise en oeuvre d'une élection présidentielle, ou bien
d'éviter la concomitance du recrutement des membres d'une assemblée
territoriale et de l'examen, par le Parlement, d'une réforme du statut du
territoire en cause.
Or, dans le cas présent, une lecture attentive des exposés des motifs des
propositions de loi fait apparaître que l'unique justification de la réforme
souhaitée est la « logique » des institutions, qui voudrait que l'élection
présidentielle précédât les élections législatives. Vous en conviendrez, mes
chers collègues, une interprétation de la Constitution ne saurait constituer un
motif d'intérêt général justifiant une dérogation au principe d'égalité.
Certes, M. le ministre a tenté, au cours du débat, d'invoquer des difficultés
pour le parrainage des candidats à l'élection présidentielle en se référant aux
observations présentées en juillet 2000 par le Conseil constitutionnel.
Or, indépendamment du fait que, comme cela a été indiqué précédemment, la mise
en oeuvre de cette recommandation ne soulève aucune difficulté, il est plaisant
de noter que non seulement le projet de loi organique déposé en septembre
dernier - dont nous avons débattu ici quelques mois plus tard - pour y donner
suite ne prévoyait aucune mesure relative aux dates des élections, mais que,
mieux encore, le Gouvernement s'est opposé, lors de la discussion de ce texte
au Palais-Bourbon, à un amendement tendant à modifier le calendrier électoral
de 2002 !
Quant à la justification de l'inversion par le souci de satisfaire une
prétendue préférence du Conseil constitutionnel pour un parrainage par des
députés nouvellement élus plutôt que par des sortants, elle prête à sourire
car, en tout état de cause, seuls ces derniers pourront, à l'évidence,
parrainer un candidat à l'élection présidentielle, que les élections
législatives aient lieu avant ou après l'élection présidentielle.
Tout cela démontre à l'envi qu'en un tel domaine la précipitation est mauvaise
conseillère et qu'à revêtir subitement du noble vêtement d'une préoccupation
constitutionnelle une motivation de pure opportunité on s'expose à ce qu'il
faut bien appeler des bévues.
L'examen, par le Conseil d'Etat, d'un projet de loi eût offert une garantie de
sérieux et - qui sait ? - ouvert la voie, comme l'indiquait tout à l'heure le
président de la commission, à la possibilité d'un référendum permettant au
peuple souverain, que vous avez invoqué tout à l'heure, monsieur le ministre,
seul mandataire des députés, de se prononcer sur la prolongation éventuelle de
leur mandat.
Vice de procédure, absence de tout motif d'intérêt général ne sont pas les
seules faiblesses d'ordre juridique de la proposition de loi organique.
S'y ajoutent, en effet, deux conséquences sérieuses que, dans sa hâte d'en
finir avec cette méchante affaire, l'Assemblée nationale paraît n'avoir pas
même perçues. Elles ont trait, l'une au financement des campagnes électorales,
l'autre au remplacement des députés démissionnaires pour cause de cumul.
Aux termes de l'article L. 52-4 du code électoral, la période d'un an au cours
de laquelle une association de financement ou un mandataire financier peuvent
recueillir des fonds est d'ores et déjà ouverte, dans la perspective
d'élections législatives devant se dérouler en mars 2002.
Si cette date devait être modifiée, les opérations déjà intervenues ou à
intervenir entre mars et juin 2001 se trouveront frappées d'illégalité.
En 1990, en 1994, lors de la prolongation de la durée du mandat d'élus locaux,
le législateur prenait, lui, le temps de la réflexion, et avait prolongé
d'autant la période de collecte des fonds.
Rien de tel ici, si bien que l'adoption du texte pourrait placer bon nombre de
candidats potentiels en situation d'illégalité.
Cette grave négligence n'est pas la seule.
Il en existe une autre, sur laquelle plusieurs démissions d'ores et déjà
intervenues pour cause de cumul - celle de M. Santini, celle de M. Douste-Blazy
pour le siège des Hautes-Pyrénées - jettent une lumière crue.
L'article LO 178 du code électoral emporte - on le sait - qu'aucune élection
partielle ne peut avoir lieu dans les douze mois qui précèdent l'expiration des
pouvoirs de l'Assemblée nationale.
De valeur organique, cette disposition a pour origine cette idée que
l'Assemblée nationale doit être au complet et que le Gouvernement ne doit avoir
aucune influence sur sa composition. Elle se caractérise par son
automaticité.
La date d'expiration des pouvoirs de l'Assemblée nationale étant, en l'état,
fixée au 1er mardi d'avril 2002, la dernière date possible pour l'organisation
d'élections partielles était le 1er avril 2001, et, de fait, trois ont eu lieu
à cette date.
Si la proposition dont nous dénonçons les failles entre en vigueur, le délai
ne courra qu'à dater du 18 juin 2001. Or un délai de cinq semaines - délai
minimal - est requis pour la convocation des électeurs.
En pratique, la date d'entrée en vigueur de la proposition de loi organique
sera fonction de la demande, ou non, par le Premier ministre, de son examen en
urgence par le Conseil constitutionnel comme de l'utilisation, ou non, par le
Président de la République du délai de promulgation que lui octroie la
Constitution.
La possibilité d'organiser ou non les élections dans les circonscriptions
privées de représentants dépendra donc d'une décision du pouvoir exécutif.
En première lecture, la commission des lois vous avait, mes chers collègues,
proposé des modifications à la proposition de loi organique.
Vous les aviez faites vôtres.
Or, non seulement elles n'ont pas été retenues par l'Assemblée nationale - ce
qui était son droit le plus strict - mais elles n'ont pas même été examinées,
et cette culture du mépris à l'endroit du Sénat est pour le moins fâcheuse.
Le dialogue entre les deux assemblées prévu par la Constitution s'étant
trouvé, de ce fait, rompu, il vous est proposé cette fois de marquer qu'il n'y
a pas lieu de poursuivre la délibération et d'adopter, de ce fait, une motion
tendant à opposer la question préalable.
(Très bien ! et applaudissements
sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR, ainsi que sur
certaines travées de l'Union centriste et du RDSE.)
Rappel au règlement
M. Henri de Raincourt.
Je demande la parole pour un rappel au règlement.
M. le président.
La parole est à M. de Raincourt.
M. Henri de Raincourt.
Monsieur le président, je souhaite faire un rappel au règlement après
l'intervention en tous points remarquable, comme d'habitude, de notre
rapporteur et ami Christian Bonnet.
M. René-Georges Laurin.
Très bien !
M. Henri de Raincourt.
Comme la plupart des sénateurs présents dans cette enceinte cet après-midi,
j'ai écouté ce qu'il nous a dit, en particulier les propos tenus par le
président de la commission des lois de l'Assemblée nationale qu'ils nous a
rapportés.
Nous ne pouvons pas ne pas réagir une nouvelle fois à ce que le président de
la commission des lois de l'Assemblée nationale s'est permis de dire s'agissant
de la dignité, de la légitimité et de l'honorabilité du Sénat.
(Très bien !
et applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et
de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Je rappelle que le Sénat tire sa légitimité de la Constitution ratifiée par le
peuple français et qu'à deux reprises, certes sous des régimes constitutionnels
différents, en 1946 et en 1969, si ma mémoire ne me fait pas défaut, nos
compatriotes, interrogés sur l'opinion qu'ils avaient du Sénat, ont manifesté
leur attachement à cette assemblée.
(Applaudissements sur les travées des
Républicains et Indépendants.)
C'est sans doute qu'elle revêt à leurs yeux
une certaine utilité pour la République !
Le fait que les propos du président de la commission des lois de l'Assemblée
nationale aient été écrits ajoute, selon moi, à la gravité de ce dérapage
verbal. On aurait pu imaginer que, dans le feu d'une discussion, il s'était
quelque peu emporté et que ses propos avaient dépassé sa pensée. En
l'occurrence, tel n'a pas été le cas, puisque ses propos ont été rédigés et
prononcés délibérément. Je considère par conséquent que le Sénat est offensé !
(Très bien ! et applaudissements sur les travées des Républicains et
Indépendants, du RPR et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées
du RDSE.)
Ce n'est pas la première fois que le président de la commission des lois de
l'Assemblée nationale se livre à ce genre d'exercice. Je rappelle simplement
pour mémoire, à l'attention de mes collègues sénateurs qu'il avait aussi tenu à
l'égard de notre assemblée des propos qui n'étaients pas très amènes lorsque
nous avions discuté de la réforme du cumul des mandats. Il se trouve d'ailleurs
que, dans ce domaine, le Sénat n'avait pas si mal vu non plus puisque, à ma
connaissance, le Conseil d'Etat vient de relever un certain nombre de
faiblesses dans le dispositif qui a été voté par la majorité et qui a fait
l'objet d'une circulaire d'ailleurs condamnée par cette juridiction. Mais je
referme cette parenthèse.
Quoi qu'il en soit, monsieur le ministre, je ne souhaite pas prolonger les
débats, mais il faut que les choses soient claires entre nous : soit le
Gouvernement considère que les propos de M. Roman sont des propos personnels et
qu'ils doivent, à ce titre, être condamnés ; soit le Gouvernement, au fond, n'a
pas de commentaire particulier à faire, ce qui serait une marque de défiance
tout à fait inacceptable à notre égard.
Je me permets par conséquent de vous demander, monsieur le ministre, quelle
est l'interprétation que vous donnez de cette déclaration du président de la
commission des lois de l'Assemblée nationale. En fonction de la réponse que
vous aurez l'obligeance, compte tenu de votre courtoisie habituelle, de bien
vouloir nous faire, je demanderai ou non une suspension de séance pour marquer
d'une manière quelque peu solennelle le fait que nous n'avons aucune leçon de
légitimité démocratique à recevoir d'un ancien candidat à la mairie de Lille !
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants
et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Jean-Jack Queyranne,
ministre des relations avec le Parlement.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Jack Queyranne,
ministre des relations avec le Parlement.
Monsieur le président, c'est
bien volontiers que je vais répondre à l'invitation de M. de Raincourt.
Le Parlement, en l'occurrence chaque assemblée, est libre de ses propos comme
de ses écrits, puisque c'est en effet à un rapport écrit que vous avez fait
allusion, monsieur le sénateur. Chaque assemblée est libre de porter des
jugements sur le Gouvernement et sur le fonctionnement des institutions. Cela
fait partie de l'indépendance de jugement des parlementaires.
Par conséquent, le Gouvernement n'a pas, ici, à porter d'appréciation sur le
document en cause. Il est présent et participe à la discussion. Il a notamment
participé à la longue discussion qui a été organisée au sein du Sénat au cours
des mois de janvier et de février. Il le fait dans le respect absolu des
institutions. Voilà ce que je tenais à dire à M. de Raincourt.
(Applaudissements sur les travées socialistes ainsi que sur celles du groupe
communiste républicain et citoyen. - Exclamations sur les travées des
Républicains et Indépendants et du RPR.)
M. Jean-Pierre Raffarin.
On peut recommencer !
M. Henri de Richemont.
Nous sommes prêts !
M. Henri de Raincourt.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. de Raincourt.
M. Henri de Raincourt.
Monsieur le ministre, je suis franchement très déçu de la réponse que vous
venez de nous apporter. Elle justifie totalement la demande de suspension de
séance que j'ai évoquée.
Monsieur le président, je demande une suspension de séance de dix minutes pour
manifester notre hostilité à ces dérives verbales.
(Bravo ! et
applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de
l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
Nous allons donc interrompre nos travaux quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-sept heures, est reprise à dix-sept heures
dix.)
M. le président.
La séance est reprise.
Discussion générale (suite)
M. le président.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Cabanel.
M. Guy Cabanel.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je n'éprouve
guère d'enthousiasme pour monter à la tribune après l'intervention de M. le
ministre et l'exposé très clair de M. le rapporteur compte tenu de l'atmosphère
dans laquelle se déroule ce débat.
A la fin de la discussion générale va nous être soumise une motion opposant la
question préalable, et je tiens à dire d'emblée, sans faire attendre mes
collègues, qu'avec la majorité du groupe du RDSE je voterai cette motion.
En effet, le débat auquel nous sommes conviés me paraît tout à fait
surréaliste. Je ne vois guère les conséquences heureuses que pourrait avoir la
réforme qui nous est proposée. D'un intérêt limité, elle se verra contredite
par le hasard, comme le hasard a déjà plusieurs fois troublé le rythme
électoral.
Au demeurant, je n'accepte pas - je l'ai déjà dit lors de la première lecture
- que soit donnée une inflexion présidentielle à la Ve République au gré d'un
aménagement très circonstanciel du calendrier électoral. Je ne l'accepte pas
parce que je crois que l'originalité de la Ve République réside en sa dualité
d'interprétation - d'autres l'ont dit avant moi - et cette dualité justifie
l'existence d'une lecture parlementaire et d'une lecture présidentielle.
Comme beaucoup, j'ai vainement cherché dans les textes, dans les commentaires
qui ont pu être faits de nos institutions dans les analyses mêmes qu'avait
provoquées François Mitterrand en vue de la réforme de ces institutions, une
indication selon laquelle priorité devait être donnée à l'élection
présidentiellle. Sur ce point, mon désaccord est fondamental avec le texte
proposé.
Pour ma part, je pense que, le peuple français ayant voté le quinquennat, même
si ce fut à une majorité extrêmement limitée, avec une participation elle-même
très limitée, nous devons nous décider à devenir une démocratie véritable. Et
pour cela, il nous faut tourner le dos au Second Empire et aux candidats
officiels, tourner le dos à la IIIe République et à certaines de ses astuces
électorales, accepter que le peuple français vote simultanément pour le
Président de la République et pour ses députés. Cela exige une réforme
constitutionnelle importante, réforme qui est déjà souhaitée par un certain
nombre. Le Gouvernement et l'opposition s'honoreraient de tirer les
conséquences de la réduction du mandat présidentiel à cinq ans en s'engageant
dans cette voie.
Pour l'heure, il ne me semble pas opportun de voter un texte qui sera démenti
par le premier accident venu, qui sera démenti par la première dissolution, un
texte qui ne me semble pas à la dimension du problème.
Il est temps de considérer les Français comme majeurs, c'est-à-dire soit de
les interroger par référendum sur des modifications à discuter, soit tout
simplement d'engager l'évolution des institutions de la Ve République vers leur
accomplissement terminal en décidant la simultanéité de l'élection
présidentielle et des élections législatives, puisque la durée des mandats est
désormais la même, ce qui n'exclut pas, bien sûr, nombre d'aléas à surmonter et
exigera l'inscription dans la Constitution de dispositions d'accompagnement.
Ne voyant donc aucun intérêt à allonger un débat dont nous connaissons tous
les tenants et les aboutissants, je me prononcerai purement et simplement pour
la notion tendant à opposer la question préalable.
(Applaudissements sur
certaines travées du RDSE, de l'Union centriste, ainsi que sur les travées du
RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président.
La parole est à M. de Rohan.
(Applaudissements sur les travées du
RPR).
M. Josselin de Rohan.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je tiens
tout d'abord à rendre hommage à M. le rapporteur de la commission des lois,
notre collègue Christian Bonnet, pour sa jeunesse d'esprit, la pertinence et le
caractère percutant de ses analyses, la justesse de ses propos et l'excellence
de ses rapports. Nous aurions certes préféré le voir rapporter un autre texte
que celui que nous discutons, un texte qui fût plus digne de ses grandes
qualités.
(Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR, des
Républicains et Indépendants, de l'Union centriste et sur certaines travées du
RDSE.)
Son talent nous a toutefois permis de mieux discerner les faiblesses
et les artifices de celui-ci ; il aura dominé nos débats. Qu'il en soit
remercié !
Les dernières consultations électorales comme les récents mouvements sociaux
jettent une lumière plus crue sur la proposition de loi que nous examinons
aujourd'hui. Ils font bien ressortir la manoeuvre dont elle est le support.
Un échec de la gauche plurielle aux élections législatives n'était pas
seulement plausible : il était probable. Que resterait-il des chances du
candidat Jospin aux élections présidentielles si les urnes étaient défavorables
au chef de la majorité sortante ? C'est pourquoi il devient urgent de changer
le calendrier électoral. Elémentaire, dirait Sherlock Holmes !
A côté de cette considération, toutes les démonstrations, justifications ou
explications ne sont que littérature.
Le Gouvernement s'étant assuré, au-delà de sa majorité, des soutiens
nécessaires pour mener à bien son projet, la messe est dite.
Cette peu glorieuse entreprise nous aura tout de même ménagé quelques épisodes
curieux et apporté certains enseignements.
Nous aurons entendu successivement le Premier ministre se refuser à modifier
le calendrier électoral, toute initiative de sa part ne pouvant être
interprétée que « de façon étroitement politique, voire politicienne », puis
opérer une complète volte-face. Il avait entre-temps obtenu des soutiens
extérieurs et même, comme aurait déjà pu dire à ce propos M. Vincent Peillon, «
une contribution intéressante ». Nous aurons vu Lionel Jospin nous administrer
des leçons de gaullisme et invoquer, pour nous confondre, l'esprit de ces mêmes
institutions qui, selon ses propres termes, n'ont jamais constitué pour lui une
référence.
Que dirait-on si le président d'une ligue de libre pensée en remontrait au
pape sur le dogme de la Sainte Trinité, sinon que nous marchons la tête à
l'envers ? Mais c'est justement la tête à l'endroit que d'anciens Premiers
ministres entendent nous faire voter grâce à l'inversion du calendrier.
Pouvons-nous demander « à ces grandes puissances que nous regardons de si bas »
comment faire obstacle au décès, à la démission d'un chef de l'Etat ou aux
conséquences d'une dissolution qui, de toute évidence, viendraient bouleverser
le calendrier qu'on entend rétablir ? La proposition de loi organique n'apporte
aucune réponse sur ce point et ne nous dit pas comment conjurer le hasard ou la
malchance.
Des défenseurs patentés des prérogatives du Parlement nous ont
sentencieusement expliqué que l'élection du Président de la République dominait
toutes les autres consultations et qu'elle était la clef de voûte de notre
édifice constitutionnel. En élisant en premier le chef de l'Etat, on serait
presque assuré d'avance de la coïncidence entre la majorité législative et la
majorité présidentielle : curieuse conception, qui consacre la subordination du
législatif à l'exécutif, laquelle n'est absolument pas la caractéristique d'un
régime parlementaire.
Mais, qu'en serait-il dans le cas où un mode de scrutin proportionnel
empêcherait l'apparition d'une véritable majorité à l'Assemblée nationale ?
Qu'en serait-il dans l'hypothèse d'une dissolution manquée ? Ce n'est plus le
calendrier qui serait « dingo » mais la situation politique qui deviendrait «
dingote » si, dès les premiers moments de la législature, le Président de la
République entrait en conflit avec l'Assemblée. Que serait cette cohabitation
qui durerait tout un quinquennat ?
M. Claude Estier.
C'est déjà arrivé !
M. Josselin de Rohan.
Aussi, quelques commentateurs chez qui l'exercice des responsabilités n'a pas
étouffé toute franchise sont sortis du bois pour nous faire part de leurs
arrière-pensées : M. Jack Lang, que l'éducation nationale n'occupe pas à plein
temps, ou M. Bernard Roman, le très discourtois président de la commission des
lois de l'Assemblée nationale.
M. Paul Blanc.
Tout à fait !
M. Josselin de Rohan.
Ces deux Saint-Jean Chrysostome de la gauche plurielle n'ont pas caché que le
véritable but était le changement de la Constitution et même le changement de
constitution.
M. René-Georges Laurin.
Exactement !
M. Josselin de Rohan.
Le Sénat figure en bonne place dans leurs projets et serait sans doute amené à
redevenir une sorte de Conseil de la République, où de vieux hiérarques
politiques achèveraient leur carrière dans l'aisance matérielle et financière.
Mais il s'agit aussi de bien d'autres choses et, plus probablement, de nous
préparer une VIe République qui ressemblerait comme une soeur à la IVe grâce à
la partitocratie, la polysynodie et l'abaissement de l'exécutif.
Au fond, ce n'est pas ce que disent les ministres ou les auteurs de la
proposition de loi qui nous importe, c'est ce qu'ils nous dissimulent et que
laissent entendre leurs amis trop bavards. Qu'entendent-ils faire de nos
institutions, quelles orientations veulent-ils leur donner, quelle est leur
conception du pouvoir ? Quelle vision de la République partagent-ils avec leurs
alliés Verts et communistes, qui appellent de leurs voeux un gouvernement
d'assemblée, et leurs alliés « citoyens », qui demandent une République
présidentielle ?
Nous avons bien compris, quant à nous, que le débat sur les institutions
serait au centre de la prochaine élection présidentielle. L'auteur du
Coup
d'Etat permanent
a respecté une constitution qu'il avait combattue mais,
pour certains de ses disciples, cette constitution fait sans doute partie de
l'inventaire...
On concevra que, devant le défi qui nous est lancé, nous ne nous attardions
pas sur une proposition de loi qui n'apportera guère de gloire à ses auteurs.
La peu reluisante manoeuvre sur laquelle on nous demande de nous prononcer
n'est rien à l'égard de ce qu'on nous prépare et contre quoi nous devons nous
mobiliser. Il appartiendra bientôt au peuple français, dans quelques mois à
peine, de choisir entre les partisans d'une Constitution qui a su faire la
preuve de son efficacité, de sa souplesse, de sa solidité et ceux qui lui
ouvrent la voie de l'instabilité, de la fragilité et de l'aventure.
(Applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et
Indépendants, ainsi que sur certaines travées de l'Union centriste et du
RDSE.)
Vous voulez que l'élection du Président de la République précède celle de
l'Assemblée nationale. Soit. Nous vous combattrons sur le terrain que vous avez
choisi. Nous ne manquons ni d'arguments, ni de faits, ni de candidats à vous
opposer. Notre détermination est sans faille. Nous avons confiance dans le bon
sens et le jugement des Français. Ils savent bien que les petits moyens
n'annoncent pas les grandes causes, les combinaissons de hasard les grandes
politiques.
Pour cette raison, je serais presque tenté de donner raison à M. le ministre
de l'intérieur quand il dit ne pas savoir, en définitive, à qui profitera cette
combine. Si, comme nous l'entrevoyons désormais, nos concitoyens jugent qu'il
ne faut pas confier la magistrature suprême pour cinq années à celui qui n'a
pas pu ou pas su répondre à leurs attentes ces cinq dernières années, les
expédients et les lois de circonstance n'auront servi à rien, sinon à retourner
la manoeuvre contre son auteur.
Voilà pourquoi le groupe du RPR repoussera la proposition de loi sans
hésitation et de toute la force de sa conviction en votant la notion tendant à
opposer la question préalable.
(Vifs applaudissements sur les travées du
RPR, des Républicains et Indépendants et sur certaines travées de l'Union
centriste et du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Arthuis.
M. Jean Arthuis.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le temps est
à nouveau venu pour nous de débattre de la modification éventuelle du
calendrier électoral.
A mon tour, je voudrais saluer la force de conviction et le talent de
Christian Bonnet, alors même que je ne partage pas les conclusions qu'il a
formulées au nom de la commission des lois.
Cette nouvelle lecture d'un texte, d'apparence simple mais de grande
conséquence sur l'équilibre institutionnel de notre pays, nous fait mesurer
l'ampleur du chemin à accomplir en France pour rénover notre vie politique.
Depuis plus d'un an maintenant, l'encre a coulé, les mots ont fusé et
l'étonnement premier s'est mué chez nos concitoyens en une attente résignée
d'un hypothétique arrêt de batailles politiques d'arrière-garde.
Des événements sont intervenus - je pense évidemment aux dernières élections
municipales et cantonales, qui ont eu les résultats que l'on sait - et
l'opposition nationale peut à juste titre, désormais, travailler solidairement,
dans le respect des convictions de chacun, à organiser sa marche en avant.
Je sais donc que la discussion que nous reprenons au Sénat aujourd'hui
s'inscrira dans la tradition parlementaire, celle qui exclut les anathèmes, les
diatribes et les pensées politiciennes réductrices ; celle qui construit
l'avenir sans en restreindre les chemins.
Je l'avais souligné en janvier dernier, en première lecture : débattre de
cette proposition de loi représente pour nous un moment essentiel de la vie
politique française. Elle s'inscrit en effet, doit-on le rappeler, dans le
prolongement de la discussion menée en juin 2000 sur l'adoption du mandat de
cinq ans pour le Président de la République. Le quinquennat est maintenant
gravé dans notre Constitution, et le simple souci de la cohérence républicaine
devrait nous conduire à y ajouter la prééminence, dans les dates, de l'élection
du chef de l'Etat.
A cet égard, je ne peux que déplorer de nouveau l'absence de véritable grand
débat, mené en toute clarté et ouvert à l'ensemble des citoyens, sur
l'équilibre institutionnel de notre pays. L'occasion de présenter sereinement
les enjeux du XXIe siècle politique pour la France, sans laisser place au
dérisoire de vaines querelles politiciennes, sans encourager la tentation de
retouches successives qui masquent trop souvent l'absence de vraies réformes,
n'a décidément pas encore été saisie.
Peut-être est-ce manifester trop d'audace que de formuler un tel souhait ? Je
ne le crois pas. Dessiner un horizon politique et institutionnel est une grande
ambition que nous ne devons jamais abandonner. Il en va probablement de la
place de notre pays dans le monde ouvert et rapide du troisième millénaire.
Aussi évoquerai-je brièvement, car je me suis déjà pleinement exprimé sur ce
sujet en janvier dernier, dans cette enceinte, la position du groupe de l'union
centriste. Elle n'a pas varié : elle s'appuie en effet sur une cohérence, des
convictions et des principes. La survenue d'épisodes électoraux, aussi heureux
soient-ils pour les familles de l'opposition, est indéniablement un élément de
grande importance. Elle n'invite pas, cependant, à délaisser une réflexion
institutionnelle s'appuyant sur la recherche d'un équilibre durable des
pouvoirs.
Tout d'abord, nous avons de la cohérence.
Dès juin 2000, à cette tribune, j'avais expliqué le soutien du groupe de
l'Union centriste à l'adoption du quinquennat. Cette modification de la
Constitution nous apparaissait comme l'un des facteurs d'un réel progrès
républicain et comme un moyen de réduire les risques de cohabitation.
Mais l'évolution qu'elle laissait présager se heurtait, dès l'année 2000, à
l'incongruité du calendrier électoral. Dois-je souligner encore que ce dernier
est né de hasards politiques - le décès du président Pompidou, la dissolution
de 1997... - et n'est nullement le fruit d'une vision réfléchie de notre régime
politique ? Mes chers collègues, la nature du régime doit-elle à ce point
dépendre des circonstances ?
Dès juin 2000 donc, j'avais mentionné que nous soutiendrions une initiative
visant à réaménager ce calendrier électoral « à l'envers » - comme certains
l'ont parfois qualifié - afin que soit réaffirmée la primauté de la fonction
présidentielle. C'est donc bien en toute cohérence que nous prenons position,
aujourd'hui encore, en faveur d'un calendrier remis « à l'endroit ».
En plus de la cohérence, nous avons des convictions.
Depuis ce débat sur le quinquennat, vous le savez, plusieurs propositions de
loi émanant de députés de l'UDF et déposées à l'Assemblée nationale ont
brusquement bénéficié, de manière fort étonnante, du ralliement du Premier
ministre et d'une partie de sa majorité.
(Exclamations sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
Nous ne nous sommes pas laissé abuser par ce revirement ; il ne devait
pas non plus nous amener à remettre en cause une réforme de cette envergure.
Il en va de même, pour des raisons opposées, du résulat des récentes élections
des 11 et 18 mars 2001. Aller de l'avant, avec constance et cohérence, ne
consiste certainement pas à obliquer dans ses convictions en fonction du sens
du vent ou du temps qui passe...
Le débat doit évoluer entre le respect, la revitalisation même de nos
institutions, et l'immobilisme, l'absence de perspectives pour les Français
demain. Il porte sur la date d'une élection, pas sur sa forme. Il est ici
question de l'esprit des institutions, et non d'hypothétiques manoeuvres.
Ainsi, je voudrais, une dernière fois, dissiper les doutes : il ne peut y avoir
matière à bataille au sein de notre propre camp, dans l'opposition nationale.
Ne nous trompons pas de combat !
J'ai parlé de cohérence, de convictions : nous sommes aussi attachés à des
principes.
Refuser d'examiner le calendrier de l'élection présidentielle, n'est-ce pas
nier un peu la construction même, la solidité d'un régime toujours approuvé par
les Français ? L'élément moteur, l'axe central en est bien le Président de la
République. Je crois que, sur ce point, l'accord se forme spontanément.
Le Président définit les grandes orientations politiques qui vont déterminer
le destin du pays pour les cinq années à venir. C'est sur ses propositions que
les électeurs se prononcent, en confiant les rênes de la France à l'homme qui
les a formulées. C'est un moment phare, très intense, de la vie politique ;
c'est l'instant où la participation des citoyens y est la plus forte, la plus
flagrante.
Il apparaît légitime, dans ces conditions, que le Président de la République,
qui réunit sur sa fonction une telle manifestation de confiance, soit élu le
premier, avant les députés.
C'est ainsi, nous le savons tous, que peut se nouer le pacte majoritaire,
socle sur lequel repose notre démocratie parlementaire et condition du
fonctionnement le plus harmonieux possible de nos institutions.
C'est ce pacte majoritaire qui garantit la stabilité politique du régime et
qui donne la latitude d'action nécessaire au Gouvernement chargé de mettre en
oeuvre les orientations préalablement fixées.
C'est enfin ainsi que l'on peut espérer voir s'estomper le redoutable
dévoiement institutionnel que constitue la cohabitation.
Non, décidément non, il est difficile, voire dangereux, de prétendre retirer
aux Français, même indirectement, ce pouvoir de décision éminemment républicain
qui leur est attribué dans notre système actuel.
Comment les inciter à s'investir dans la vie publique, à réagir, à participer,
si, parallèlement, on les dépouille d'une prérogative essentielle ?
Comment également imaginer élire des parlementaires qui ne pourront se
rattacher à aucune grande orientation politique définie par le chef de l'Etat
et rencontreront de grandes difficultés à se positionner vis-à-vis de leurs
électeurs ?
Ce serait entraîner une fragilisation de nos institutions et un
affaiblissement inutile de la fonction présidentielle, portant un coup rude au
besoin indéniable de permanence et de responsabilité, si nécessaire à la valeur
et à l'efficacité de l'action politique.
Revenir à l'esprit des institutions de la Ve République, en réaménageant
rapidement le calendrier électoral et en redonnant au Président de la
République la plénitude de sa fonction, n'implique pas pour autant d'évoluer
vers un régime quasi autocratique, marqué par la forte concentration des
pouvoirs entre les mains d'un seul homme. N'ayons aucune crainte à cet égard,
nous en sommes loin ! Je le redis ici, moi qui suis - vous voudrez bien m'en
donner acte - particulièrement attentif à l'équilibre des pouvoirs et à la
bonne santé du Parlement.
Je tiens à le souligner, la réaffirmation du rôle du Président de la
République n'a évidemment pas pour corollaire l'affaiblissement du Parlement,
bien au contraire. Le renforcement de cette dynamique de contre-pouvoir et de
contrôle que peut imprimer un Parlement actif y répond naturellement. Ce
dernier est alors un contrepoids solide aux éventuels abus de la puissance
publique.
J'ajouterai que dans ce rééquilibrage harmonieux de notre système politique,
se glissent également le développement de la démocratie de proximité et la
recherche d'une intégration la plus naturelle possible dans l'Europe politique
de demain.
A nous, parlementaires, de travailler à enrayer le processus d'érosion de nos
institutions. Et nous y parviendrons d'autant mieux que nous aurons su redonner
au Parlement toutes ses forces qui nous ont paru parfois bien chancelantes. La
reviviscence du Parlement dépend indéniablement de nos seuls efforts. C'est une
question de volonté politique parlementaire.
En conclusion, je rappellerai simplement qu'il n'est pas trop tard pour
consolider les institutions de la Ve République qui régissent notre vie
publique. Un pas significatif peut être franchi dans cette voie, en procédant
au réaménagement du calendrier életoral de 2002. C'est en tout cas le souhait
manifesté, dans sa majorité, par le groupe de l'Union centriste. C'est pourquoi
il ne pourra, à regret, suivre les propositions de la commission des lois.
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste.)
M. le président.
La parole est à M. de Raincourt.
M. Henri de Raincourt.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, aujourd'hui,
à l'occasion de la discussion en nouvelle lecture de cette proposition de loi
organique, je réitère l'opposition de mon groupe à l'inversion du calendrier
électoral.
L'excellent travail qui a été réalisé depuis déjà de nombreux mois par notre
ami, Christian Bonnet, au nom de la commission des lois, nous y incite.
L'argumentaire qu'il a développé voilà quelques instants avec talent est
implacable et convaincant. Merci et bravo, cher Christian Bonnet !
Cette proposition de loi est un véritable poison pour notre démocratie.
Pourtant, le 19 décembre dernier, le président du groupe socialiste à
l'Assemblée nationale avait cru déceler dans ce poison-là un remède contre
l'abstention !
Je l'invite aujourd'hui à méditer ce propos de Léon Blum : « Les poisons sont
quelquefois des remèdes, mais certains poisons ne sont pourtant que des poisons
».
(Sourires.)
Et la proposition de loi organique appartient selon moi à
la seconde catégorie.
Notre conviction - contrairement à celle du Premier ministre - n'a pas varié
depuis le début. Et les problèmes que pose cette inversion demeurent, dans la
mesure où le texte que le Sénat avait voté en première lecture a été rejeté par
l'Assemblée nationale dans les conditions et avec l'élégance que l'on
connaît...
C'est pourquoi je souhaiterais revenir sur les principales interrogations que
cette proposition de loi organique ne manque pas de susciter.
L'initiative de ce texte est-elle convenable ? Evidemment non ! On habille du
vêtement respectable de la Constitution ce qui n'est qu'une mesure
d'opportunité politique.
M. Josselin de Rohan.
C'est vrai !
M. Henri de Raincourt.
Certains affirment que le Président de la République, au nom de son statut
institutionnel, doit être élu le premier.
Rien dans la Constitution ne prévoit une telle disposition. De plus, comme l'a
rappelé tout à l'heure Christian Bonnet, Michel Debré lui-même a précisé qu'il
y avait en fait deux lectures possibles - l'une plus présidentielle, l'autre
plus parlementaire - de notre Constitution, ce qui conférait une certaine
souplesse à cette dernière.
Et il me semble que Michel Debré n'était sans doute pas le moins qualifié pour
expliciter le texte constitutionnel !
Il est spécieux de se livrer à une séance de spiritisme institutionnel et
d'invoquer l'esprit de notre Constitution en espérant que celui-ci parlera en
faveur de l'inversion du calendrier électoral.
Une telle inversion résisterait-elle au moins à l'épreuve du temps ? Là
encore, il n'est pas possible de répondre par l'affirmative. L'inversion du
calendrier électoral, si elle est adoptée, entraînera dès 2007, cela a été
démontré, un télescopage entre les élections locales couplées avec les
élections législatives.
Je m'arrête un instant sur le sentiment que peuvent éprouver les Françaises et
les Français à l'égard de cette inversion du calendrier.
Cette proposition de loi organique est-elle en effet de nature à rétablir,
dans l'esprit public, le crédit de la classe politique ?
M. Josselin de Rohan.
Sûrement pas !
M. Henri de Raincourt.
Je ne le pense pas, car l'opinion publique rejette tout ce qui a l'aspect
d'une manoeuvre politicienne.
M. Serge Vinçon.
C'est vrai !
M. Jean-Pierre Schosteck.
C'en était une au départ !
M. Henri de Raincourt.
Elle le sent intuitivement.
Rappelons-nous les propos tenus sur l'inversion du calendrier par le Premier
ministre au mois d'octobre 2000 et cités tout à l'heure par M. de Rohan : «
Toute initiative de ma part serait interprétée de façon étroitement politique,
voire politicienne. Moi, j'en resterai là, et il faudrait vraiment qu'un
consensus s'exprime pour que des initiatives puissent être prises. »
Quelques semaines plus tard, les initiatives ont bien été prises, mais
personne n'a vu venir le consensus !
Il n'y a donc pas lieu d'inverser un calendrier qui ne constitue nullement -
lui ! - une anomalie, car aucun ordre chronologique n'a jamais été fixé, ni par
la Constitution ni par la pratique des institutions.
La Constitution, d'ailleurs, en prévoyant à l'origine une durée différente
pour le mandat de Président de la République et celui de député, disposait
implicitement que les élections présidentielles pouvaient avoir lieu avant ou
après les élections législatives. Je ne rappelle pas tous les événements qui
ont eu lieu, tous les cas de figure qui se sont présentés.
Il ne faut donc pas chercher plus longemps de justification à cette
proposition de loi organique. C'est une initiative des députés, initiative «
téléphonée » à l'invitation du Premier ministre, qui pense avoir besoin de
cette inversion de calendrier en vue des élections présidentielles.
Nous savons très bien, parce que nous sommes réalistes, qu'en lecture
définitive, l'Assemblée nationale se prononcera sur un texte qui n'aura pas été
adopté en termes identiques par le Sénat. Cette manière de procéder est
regrettable.
De notre point de vue, elle n'a pas de fondement politique, au sens fort du
terme. Tout au plus, on peut lui trouver un fondement politicien, ce qui est
loin de constituer un motif valable pour l'approuver.
D'ailleurs, elle n'a même pas de fondement logique, car il n'y a pas lieu de
modifier un ordre chronologique qui n'a jamais été institué
(M. Paul Blanc
sourit.)
Le but de cette proposition de loi est donc bien de servir les intérêts
électoraux du Premier ministre.
En janvier dernier, le Sénat a développé les arguments démontrant que la
proposition de loi visant à prolonger le mandat des députés en 2002 était une
manoeuvre de bien basse politique, et nous avons eu bien raison de le faire
sous la forme que nous avons choisie à l'époque.
M. Paul Blanc.
Très bien !
M. Henri de Raincourt.
Compte tenu de la position réaffirmée par l'Assemblée nationale, et sous
réserve bien sûr de la décision du Conseil constitutionnel, on peut penser
qu'elle sera définitivement adoptée. Le Gouvernement a le nombre et une
majorité de circonstance pour un texte lui-même de circonstance.
On pourrait d'ailleurs reprendre, pour définir cette situation, une
formulation qui avait été utilisée par un ancien Président de la République et
l'appliquer à l'instant présent : il parlait de « la force injuste de la loi ».
Eh bien, nous aurons, à la sortie, la « force injuste » de l'inversion du
calendrier électoral par « tripatouillage » politicien !
(Applaudissements
sur les travées des Républicains et Indépendants et du RPR. - M. le président
de la commission des lois applaudit également.)
Grâce au Sénat, cette discussion s'inscrit dans un tout autre contexte : les
élections municipales et cantonales sont passées par là et la France donne
manifestement des signes de fatigue économique et de crispation sociale. Si
nous avions adopté cette proposition de loi au mois de janvier, si,
aujourd'hui, tout était fini, l'environnement serait bien différent et on ne
parlerait plus de ce texte. Or, à la lumière des événements qui se déroulent,
on voit que l'inversion du calendrier est un paramètre, parmi d'autres, qui
jalonne un chemin bien tracé, du moins son auteur le croyait-il.
Débattre d'un sujet qui concerne les ambitions présidentielles - légitimes ! -
de tel ou tel alors que la SNCF est en crise,...
M. Alain Gournac.
Eh oui !
M. Henri de Raincourt.
... que les agriculteurs sont dans une situation tragique, que les
sages-femmes sont dans la rue, que les fonctionnaires grognent, que la Bourse
patine, que la croissance ralentit, que la sécurité n'est pas suffisamment
assurée, que la justice est malade, que l'éducation nationale parle d'avenir
avec des mots fades par la voix d'une étoile déclinante
(Sourires sur les
travées des Républicains et Indépendants et du RPR),
débattre de la
prolongation du mandat des députés paraît dérisoire, hors du temps ; c'est même
de la provocation au regard des difficultés que rencontrent un certain nombre
de nos compatriotes, qui, semble-t-il, ont le plus grand mal à se faire
entendre des pouvoirs publics.
(Applaudissements sur les travées des
Républicains et Indépendants et du RPR.)
La tragédie arithmétique de l'avenir des retraites, du financement des 35
heures et du devenir des emplois-jeunes est devant nous. Le Gouvernement, qui
est le plus mauvais employeur qui soit,...
M. Louis Althapé.
C'est vrai !
M. Henri de Raincourt.
... est-il le mieux à même de donner des leçons de morale à des entreprises
privées confrontées à la dure réalité de la compétition internationale ?
M. Alain Gournac.
Bravo !
M. Louis Althapé.
Très bien !
M. Henri de Raincourt.
Le Gouvernement - nous le voyons bien de séminaire en séminaire -
manifestement à bout d'idées, écartelé par les contradictions internes de sa
majorité, n'a pu, de ce fait, apporter aucun début de solution à ces questions
qui sont bien plus essentielles que l'inversion du calendrier électoral de
2002.
(Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants et
du RPR, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Le Premier ministre en vient à douter, non pas de lui-même - cela semble hors
de sa portée
(Sourires sur les travées du RPR)
- mais de sa candidature
à l'élection présidentielle.
(M. François Marc s'exclame.)
J'ai été mal
élevé ? Non !
(Nouveaux sourires sur les mêmes travées.)
Je ne m'appelle
pas M. Roman ! Devant des journalistes de la presse régionale, M. le Premier
ministre n'affirmait-il pas récemment qu'il n'avait pas décidé d'être candidat,
et qu'il pouvait d'ailleurs très bien ne pas l'être ?
M. François Marc.
Et alors ?
M. Henri de Raincourt.
Ses interrogations sur ce sujet, comme sa fausse modestie, relèvent d'une
stratégie pensée, qui se déroule jour après jour avec des hauts ou avec des
bas. Il semblerait qu'on soit plutôt en ce moment dans la période basse.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Pas du tout !
M. Henri de Raincourt.
En réalité, son chemin était bien tracé : l'inversion du calendrier électoral
et les élections municipales devaient le baliser. Or le Sénat, en fin
éclaireur, a déjoué la manoeuvre en janvier dernier.
De plus, l'onde de choc des élections municipales tarde à se dissiper.
Ces échéances devaient apporter l'oxygène nouveau permettant à la gauche de se
mettre en ordre de bataille pour 2002. Patatras ! cette belle construction se
révèle être en réalité un château de cartes.
Dans ce genre d'exercice, il ne faut donc pas être perfectionniste, il faut
simplement accomplir son devoir. En la matière, la loi est toujours
l'expression de la volonté générale. Pour nous, cette volonté générale ne
saurait s'incliner devant la volonté particulière, et on ne saurait jouer avec
les institutions de notre République. C'est pourquoi notre groupe suivra les
conclusions de la commission des lois et votera tout naturellement la motion
tendant à opposer la question préalable.
(Applaudissements sur les travées
des Républicains et Indépendants et du RPR, ainsi que sur certaines travées du
RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Bret.
M. Robert Bret.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je ne
surprendrai personne en estimant d'entrée que beaucoup, sinon tout, a été dit
sur le sujet. Une chose est certaine : nous connaissons parfaitement le point
de vue de la majorité sénatoriale, qui s'est exprimée seule durant de longues
semaines, examinant sous toutes les coutures le thème de l'inversion du
calendrier électoral.
D'emblée, je tiens à réaffirmer l'opposition des sénateurs communistes à cette
proposition de loi de circonstance au caractère politicien marqué.
(Très
bien ! et applaudissements sur les travées du RPR et sur plusieurs travées des
Républicains et Indépendants.)
Mais cette opposition sans ambiguïté ne
signifie pas approbation des contre-manoeuvres de la droite.
(Sourires sur
les mêmes travées.)
M. Jean-Patrick Courtois.
Cela avait pourtant bien commencé !
M. Robert Bret.
Nous avons regretté avec force non pas le droit normal d'intervention de tout
parlementaire, mais le temps perdu au mois de janvier. En effet, il reste tant
à faire pour améliorer les conditions de vie de nos concitoyens.
(Eh oui !
sur plusieurs travées du RPR.)
Monsieur de Raincourt, n'aurait-il pas mieux valu, par exemple, prendre des
mesures législatives pour empêcher les licenciements qui déferlent en ce moment
?
M. Serge Vinçon.
Eh oui !
M. Robert Bret.
N'aurait-il pas mieux valu débattre de la santé pour prendre en compte les
justes revendications des sages-femmes et du personnel hospitalier ?
(Bravo
! et applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et
Indépendants.)
N'aurait-il pas mieux valu que le Parlement national
s'organise et prenne des décisions pour protéger et promouvoir le service
public face à la déferlante libérale en Europe ?
M. Jean Delaneau.
C'est le Gouvernement qui doit faire cela !
M. Robert Bret.
N'aurait-il pas mieux valu, enfin, échanger sur les meilleurs moyens de
répondre à la détresse d'un monde paysan frappé par des catastrophes
successives ?
(Applaudissements sur les mêmes travées.)
Malheureusement, le Gouvernement et la majorité sénatoriale ont préféré
croiser le fer durant plus d'un mois à l'Assemblée nationale, puis au Sénat,
sur un sujet éloigné au plus haut point des préoccupations de nos
concitoyens.
Comment s'étonner, ensuite, de l'abstention massive qui a marqué les derniers
scrutins locaux, notamment dans des quartiers populaires ?
M. Jean Delaneau.
Vous avez payé cher !
M. Robert Bret.
Lors de mon intervention au cours de la première lecture, le 17 janvier
dernier, le déphasage entre le citoyen et la politique constituait le leitmotiv
de mon propos. Les résultats des 11 et 18 mars derniers ne font que conforter
ma conviction et la conviction de mes amis.
Comment s'étonner de l'approfondissement de la crise de la politique, qui
relève, selon moi, de la crise entre le représentant et le représenté, et qui
relève d'un éloignement constant des centres de décision ? Bien entendu, la
proposition de loi sur l'inversion du calendrier électoral n'est pas
responsable de tous ces maux, mais elle est symptomatique d'une déconnexion
entre les préoccupations d'une certaine élite politique et les préoccupations
du peuple.
Plusieurs sénateurs du RPR.
Très bien !
M. Jean Delaneau.
Qu'avez-vous fait depuis quatre ans ?
M. Robert Bret.
La droite sénatoriale a changé de tactique à l'occasion de cette nouvelle
lecture. Renonçant à l'opération escargot, elle a opté pour l'urgence en
déposant une motion tendant à opposer la question préalable, par
l'intermédiaire de la commission des lois. Cette utilisation diamétralement
opposée du règlement du Sénat...
M. Jean Delaneau.
Comment ?
M. Robert Bret.
... marque bien l'aspect procédurier de la méthode.
M. Jean Delaneau.
Ce n'est pas contraire au règlement !
M. Robert Bret.
Les sénateurs communistes ne participeront pas au vote sur cette motion, car
ils entendent renvoyer dos à dos les parties de cette joute parlementaire qui,
finalement, n'aura intéressé que les participants. Le vrai débat sur les
institutions est ailleurs, comme je vais à nouveau, mais plus brièvement que
lors de la première lecture, m'attacher à le démontrer.
M. Hilaire Flandre.
Cela commençait pourtant bien !
M. Robert Bret.
Les réformes à objectif politicien que sont l'adoption du quinquennat et
l'inversion du calendrier électoral ne répondent en rien aux exigences
populaires.
(Applaudissements sur plusieurs travées du RPR.)
Bien au
contraire, elles auront pour conséquence principale de rétrécir l'exercice du
pouvoir, de l'éloigner.
(Très bien ! sur les mêmes travées.)
Après ces quelques propos que, selon moi, l'actualité exigeait, je rappellerai
les quelques traits essentiels de notre opposition à l'inversion du calendrier
électoral et le sens qui devrait être celui d'une réforme institutionnelle à la
hauteur des enjeux politiques, économiques et sociaux de l'heure.
A la suite de la réforme sur le quinquennat, la présente proposition de loi
tend à accentuer gravement le caractère présidentialiste de la Constitution.
Les partisans de cette réforme entendent placer l'ensemble de la vie politique
sous la coupe de l'élection présidentielle. Je ne partage pas le point de vue
de M. Raymond Barre...
Plusieurs sénateurs du RPR.
Nous non plus !
M. Robert Bret.
... qui évoque « un choix éclairé des Français » par l'élection présidentielle
à l'occasion des élections législatives. Je ne partage pas non plus le point de
vue du rapporteur de l'Assemblée nationale...
Plusieurs sénateurs du RPR.
Nous non plus !
M. Robert Bret.
... selon lequel « ceux qui font mine de croire que l'élection présidentielle
n'est pas ce grand rendez-vous démocratique qui rythme notrre vie politique
depuis trente ans » se trompent. Je pourrais partager le constat de notre
collègue, M. Bernard Roman, si ce dernier ne s'en prévalait pour accentuer la
présidentialisation de nos institutions.
Pourquoi redouter un régime plus présidentiel, me rétorquera-t-on ? Mes amis
et moi-même considérons que cette voie tourne le dos à la démocratisation de
nos institutions. C'est bien la personnalisation à outrance des choix
politiques qui peu à peu vide la démocratie de sa substance. Le système
politique américain en est l'exemple frappant. L'éventuelle élection d'un
candidat dépend de sa capacité à mobiliser les fonds pour financer son image,
et, ensuite, à vendre celle-ci par le biais de shows médiatiques d'une pauvreté
inquiétante sur le plan intellectuel.
Oui, le système présidentiel pousse à la bipolarisation de la vie politique,
une bipolarisation qui réduit le débat politique à la portion congrue.
Mes chers collègues, quel triste avenir pour la démocratie que celui d'une
alternance éternelle entre deux forces tournées vers la seule conquête du
pouvoir ! Ce modèle, c'est le modèle de la désillusion et, à terme, du
désintérêt de la plus grande masse à l'égard de la vie politique.
La Constitution de 1958 porte en son sein cette dérive présidentialiste. Elle
offre la possibilité de l'affirmation du pouvoir personnel. C'est pourquoi nous
l'avons contestée et nous la contestons toujours. Mais elle conserve également
des caractéristiques parlementaristes héritées de la tradition
constitutionnelle française qui se sont révélées durant les périodes de
cohabitation, notamment.
C'est à cette dualité que certains veulent s'attaquer en ne préservant que les
racines présidentialistes de la Ve République. Pourtant, ce système accentue
sans nul doute la délégation de pouvoir. Il tend à limiter les possibilités
d'intervention du peuple qui se trouve privé des niveaux intermédiaires de
pouvoir auprès desquels intervenir.
La crise de la politique est réelle dans notre pays, mais cela ne signifie en
rien une perte d'intérêt pour la chose publique. Bien au contraire, la
multiplication des conflits sociaux, la montée du sentiment anti-libéral
montrent bien la volonté de notre peuple de participer aux décisions. C'est
justement là que le bât blesse. Comment participer aux décisions ? Qui décide
et où ?
La perte de confiance à l'égard des partis politiques, de leurs élus provient
pour une bonne part de l'impuissance, parfois avouée - rappelons-nous les
lendemains de l'affaire Michelin - de ceux-ci pour agir sur la réalité.
Comment les élus peuvent-ils convaincre de l'engagement politique lorsqu'ils
se réfugient derrière la mondialisation ou l'indépendance de la Banque centrale
européenne pour justifier leur absence de réponse forte à tel ou tel problème
?
Comme je l'ai rappelé le 17 janvier, la souveraineté est exercée par le peuple
par l'intermédiaire de ses représentants. C'est le fondement même de l'idéal
républicain. Mais que devient cet idéal lorsque la souveraineté du représentant
est remise en cause ? L'exemple du débat budgétaire qui marque la
toute-puissance des arbitrages bruxellois en référence constante aux critères
incontournables de Maastricht nous le rappelle.
Que devient l'idéal républicain face à ces nouveaux dogmes qui n'ont qu'un
but, affirmer que l'avenir de l'humanité se limite à cette seule logique
financière, cette course au profit qui brise les femmes et les hommes ?
L'actualité est édifiante sur ce point.
Comment convaincre les salariés de l'utilité du vote si les promesses en
matière de contrôle des licenciements ne sont pas tenues par la gauche
plurielle et quand nous assistons à un déplacement rapide du pouvoir politique
vers le pouvoir économique ? L'intervention de plus en plus forte du baron
Ernest-Antoine Seillière dans la vie politique en constitue un symptôme
significatif !
C'est bien à ce niveau que se situe l'une des clefs de la réconciliation des
Françaises et des Français avec la vie politique.
C'est la raison pour laquelle le renforcement du rôle du Parlement est une
question centrale de la réforme institutionnelle si nécessaire à notre pays.
Cette réforme doit intervenir dans deux directions, que je rappellerai
brièvement : un pouvoir accru pour les représentants, sous le contrôle
permanent des représentés.
Renforcer les pouvoirs du Parlement induit logiquement une réduction des
prérogatives de l'exécutif. Cela nécessite également de donner des nouveaux
droits au Parlement national dans le cadre du processus d'élaboration des
normes européennes. Nous persistons à proposer la possibilité pour le Parlement
national de conférer au ministre compétent un mandat impératif dans le cadre
des négociations sur telle ou telle norme.
Renforcer le pouvoir du Parlement exige la révision de la procédure du
contrôle de constitutionnalité. Il n'est pas possible de maintenir en l'état un
Conseil constitutionnel dépourvu de légitimité démocratique, qui pourtant peut
défaire ce que les représentants du peuple ont élaboré.
Enfin, pour renforcer les représentants du peuple, il faut que ces derniers le
représentent réellement. La proportionnelle est une nécessité dans cette
perspective. Nous regrettons le refus persistant du Gouvernement de mettre en
oeuvre cette promesse électorale, facteur essentiel de vivification de la
démocratie.
A ceux qui me rétorqueront : « Mais que faites-vous de l'efficacité, qui exige
la constitution de majorités ? », je répondrai que la démocratie nécessite deux
étapes : d'abord, les électeurs choisissent et, ensuite, les majorités se
constituent. Nous ne pouvons maintenir une aberration qui a permis en 1995,
rappelez-vous, la confiscation de 80 % des sièges de députés par une majorité
ne recensant que 44 % des suffrages.
Il est malheureusement significatif que la priorité ait été donnée à la
présidentialisation du régime, au détriment de sa démocratisation, dont la
proportionnelle constitue une clef. Mais tout cela est logique car, si l'on
veut présidentialiser, il ne faut surtout pas conforter le Parlement en le
dotant d'un mode de scrutin qui le placerait en harmonie avec le peuple.
Lors de la première lecture, j'ai rappelé l'urgence pour le Sénat de se
réformer en profondeur pour ne pas devenir un frein au développement de la
démocratie. Les Français savent-ils qu'un sénateur élu en 2001 représentera en
2010 - oui, en 2010 ! - une France de 1975, une France vieille de trente-cinq
ans, date de la dernière organisation de la répartition des sièges ?
Comment restaurer l'image du Parlement au vu de ces données ?
Renforcer les capacités d'intervention du représenté constitue le second axe
de la véritable révolution qu'appellent nos institutions, comme je le
développais le 17 janvier dernier.
La démocratie participative, dont il est souvent question ces temps-ci, ne
doit surtout pas être conçue comme un gadget que l'on offre au peuple pendant
que les choses importantes se décident ailleurs entre initiés. La démocratie
participative ne mérite son appellation que s'il s'agit d'un moyen
d'interaction permanent entre le « bas » et le « haut » et entre le « haut » et
le « bas ». Ce doit être le moyen d'un bouillonnement permanent d'idées,
d'expériences qui influent véritablement sur les choix. Pour cela, il faut
réfléchir à de nouveaux modes d'intervention, comme la proposition d'initiative
populaire. La politique de décentralisation doit être approfondie dans cet
esprit, afin de mieux répartir les acquis de la République et, surtout, de ne
pas les affaiblir.
Enfin, et je tiens à conclure sur ce point comme lors de mon intervention en
première lecture, il ne peut y avoir de renouveau démocratique sans l'émergence
de droits nouveaux d'intervention dans les entreprises. Il ne serait pas
concevable que, là où les citoyens passsent l'essentiel de leur vie, la
démocratie ne vive pas.
Cette aspiration est forte et se renforce à la découverte de nouveaux coups
bas contre ceux qui vivent du fruit de leur travail. Danone,
Marks &
Spencer
, AOM, Air Littoral...
Plusieurs sénateurs du RPR.
Et l'
Humanité !
M. Robert Bret...
sont des noms qui donnent à réfléchir sur le sens de l'action politique
aujourd'hui. Ils rendent bien dérisoire un projet de loi comme celui dont nous
discutons aujourd'hui et ils renvoient bon nombre d'hommes et de femmes
politiques à un questionnement sur le sens de leur action politique.
Je confirme donc l'opposition sans ambiguïté des sénateurs communistes à cette
proposition de loi, qui confond transformation politique et manoeuvre
politicienne.
(Très bien ! Sur les travées du RPR et des Républicains et
Indépendants.)
M. le président.
La parole est à M. Badinter.
M. Robert Badinter.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le moins que
l'on puisse dire à l'issue de ce qui demeurera dans les annales comme l'un des
grands marathons de l'éloquence parlementaire, c'est que tout a été dit et
parfois même redit. Je porte d'ailleurs ma part de griefs. J'ai vérifié :
trente heures de débat ont été consacrées à la discussion générale ; moi-même,
j'ai dépassé de onze minutes le temps de parole qui m'était imparti, grâce à la
bienveillance de M. le président du Sénat. Je dois dire que c'était rétablir
faiblement l'équilibre, tous calculs effectués. Sur les soixante orateurs qui
se sont succédé, cinquante-cinq sont intervenus contre le texte.
Alors, puisque tout a été dit et que nous en sommes arrivés au stade de la
motion tendant à opposer la question préalable, je souhaite consacrer le temps
de parole qui m'est imparti à ce qui demeure aujourd'hui l'essentiel : la
question de la constitutionnalité de la proposition de loi. Chacun mesure qu'en
vérité, pour le reste, il est vain de revenir sur nos propos antérieurs.
Les griefs, à ce stade, sont de deux ordres ; notre éminent rapporteur y a
déjà fait allusion. Les uns concernent le contenu même de la proposition de loi
organique ; certains ont déjà été évoqués et je n'y reviendrai donc que très
brièvement. D'autres ont été singulièrement avancés à l'Assemblée nationale au
cours de la nouvelle lecture ; j'aurai l'occasion de les analyser. Nous avons
cependant vu apparaître un moyen, je dois dire plus original, qui touche à la
procédure parlementaire. Il n'a pas été évoqué ici et je vais en priorité m'y
attacher.
Chacun sait que le Sénat a adopté, à l'issue de la discussion en première
lecture, divers amendements tendant à insérer des articles additionnels qui
modifient le régime d'inéligibilité applicable aux conseillers municipaux, aux
conseillers généraux et, à certains égards, aux députés. Chacun sait dans cet
hémicycle que, selon l'article L.O. 296 du code électoral, les règles
d'inéligibilité peuvent être ainsi étendues des députés aux sénateurs. Le
Gouvernement s'est opposé à ces amendements qui constituaient des cavaliers
législatifs et qui étaient donc, par nature, irrecevables. La majorité
sénatoriale, ce qui était tout à fait son droit, les a néanmoins votés.
C'est dans ces conditions que le Gouvernement a convoqué une commission mixte
paritaire le 29 mars dernier. Lors de sa réunion, notre éminent président de la
commission des lois, M. Jacques Larché, a indiqué que les sénateurs n'étaient
présents que par simple courtoisie. Je regrette de n'avoir pu être présent,
mais je me trouvais à ce moment-là au Québec. Pour être sûr de ne pas trahir
les propos de M. Jacques Larché, je me suis référé à un document indiscutable,
à savoir le rapport rédigé en commun par M. Christian Bonnet et M. Bernard
Roman. On peut donc dire qu'il fait foi ! Voici ce que déclarait M. Jacques
Larché : « La proposition de loi telle qu'elle ressortait de la première
lecture était à ce stade relative au Sénat compte tenu des modifications
apportées au texte initial et elle devait en conséquence être votée dans les
mêmes termes par les deux assemblées en application de l'article 46, alinéa 4,
de la Constitution. »
M. Jacques Larché est trop fin juriste pour s'en être tenu à cette seule
affirmation, car admettre que le Sénat pourrait transformer à son gré une
proposition de loi organique qui ne le concernerait pas en une proposition de
loi organique qui le concernerait, et qui serait donc soumise à son accord, par
la simple adjonction d'amendements étrangers à l'objet du texte, serait tout
simplement donner au Sénat un droit de veto sur tout projet ou toute
proposition de loi organique. A l'évidence, une telle interprétation ou
extension serait contraire à la Constitution.
Tout à l'heure, il a été fait allusion à d'excellents auteurs. Vous me
permettrez d'en citer un, bien connu dans le Sénat et fort estimé, M. Bruno
Baufumé, qui a évoqué cette hypothèse dans une thèse excellente intitulée
Le
droit d'amendement et la Constitution sous la cinquième République
, publiée
à la LGDJ 1993. Aux pages 223 et 224, on peut lire ceci : « Considérons
l'hypothèse d'un projet de loi organique non relative au Sénat déposée sur le
bureau de l'Assemblée nationale : » - c'est exactement notre cas - « celle-ci
l'adopte mais le Sénat y introduit une disposition rendant le texte relatif au
Sénat. Un processus identique se reproduit en deuxième lecture » - ici, chacun
le comprend, la question ne se pose pas - « la réunion d'une commission mixte
paritaire est-elle possible ?
Si la réponse est négative, il faut admettre que le Sénat dispose par
amendement du pouvoir d'empêcher l'adoption de toute loi organique, ce qui
excède manifestement l'esprit et la lettre de la Constitution. »
M. Claude Estier.
Très bien !
M. Robert Badinter.
Nul ne peut contredire cette analyse ! C'est l'élémentaire vérité des
choses.
Aussi, le président Jacques Larché, trop fin juriste, je le répète, pour s'en
tenir à cette première affirmation, a avancé une théorie plus subtile, plus
fine, mais pour aboutir au même résultat : « Il n'y aurait pas de droit de veto
conféré au Sénat dès lors que le Gouvernement peut s'opposer à l'adoption des
amendements sénatoriaux transformant la portée du texte en une proposition de
loi relative au Sénat en usant de la procédure du vote bloqué qui a été
évoquée, prévue par l'article 44, troisième alinéa, de la Constitution ».
La situation serait donc la suivante : le Gouvernement dispose de la procédure
du vote bloqué en vertu de l'article 44, troisième alinéa, de la Constitution.
Il n'utilise pas cette faculté ! Il serait donc acquis que le texte en
discussion concernerait dorénavant le Sénat, d'où la procédure habituelle : la
réunion d'une commission mixte paritaire ne serait pas possible à ce stade de
la discussion ; il faudrait procéder à une deuxième lecture du texte, au cours
de laquelle, devant le Sénat, le Gouvernement pourrait alors utiliser l'article
44, troisième alinéa, pour s'opposer au vote des amendements sénatoriaux, une
nouvelle commission mixte paritaire pourrait alors se réunir, dont l'échec
serait évidemment prévisible ; en conséquence, il y aurait lieu de procéder à
une troisième lecture à l'Assemblée nationale puis au Sénat et, enfin, à une
lecture ultime à l'Assemblée nationale. C'est fort simple.
Fouette cocher ! D'autres auraient dit : « En voiture Simone ! »
(Sourires.)
Nous voilà repartis pour des semaines ou des mois de
procédure parlementaire !
Monsieur le président de la commission des lois, au nom de notre vieille
amitié et de l'habitude que nous avons de nos confrontations juridiques depuis
bientôt - il m'en souvient - près de vingt ans, vous me permettrez d'avancer la
critique de cette argumentation pour des motifs constitutionnels.
Je ferai d'abord une simple remarque préliminaire : il serait pour le moins
paradoxal de reprocher au Gouvernement de ne pas recourir au vote bloqué, alors
que chacun sait que son usage suscite - à mon avis, tout à fait avec raison -
de la part des assemblées, et notamment du Sénat, les plus vives protestations.
Rappelez-vous ce qu'il est advenu lorsque Mme Guigou en a fait usage. Donc je
ne crois pas qu'à cet égard il faille recommander au Gouvernement de recourir à
la procédure du vote bloqué.
En droit maintenant : le Premier ministre, car c'est bien de lui qu'il s'agit,
tient de la Constitution, plus particulièrement de l'article 45, deuxième
alinéa, le pouvoir de susciter la réunion d'une commission mixte paritaire.
Comment peut-on imaginer qu'un pouvoir constitutionnel donné au Premier
ministre serait implicitement - artificieusement serait, à mon avis, l'adverbe
convenable - conditionné par un recours préalable à l'article 44, troisième
alinéa, pour interdire au Sénat de voter des amendements qui changeraient la
portée du texte ? Rien dans la Constitution, rien dans les articles 45 et 46
n'impose cette exigence ou cette condition pour la convocation d'une commission
mixte paritaire.
M. Jacques Larché,
président de la commission des lois.
Rien ne dit le contraire !
M. Robert Badinter.
C'est une condition mise à l'exercice d'un pouvoir constitutionnel.
M. Jacques Larché,
président de la commission des lois.
Me permettez-vous de vous
interrompre, monsieur Badinter ?
M. Robert Badinter.
Je vous en prie, monsieur le président.
M. le président.
La parole est à M. le président de la commission des lois, avec l'autorisation
de l'orateur.
M. Jacques Larché,
président de la commission des lois.
Je vous écoute, mon cher collègue,
avec l'intérêt que je porte toujours à vos propos.
M. Robert Badinter.
Et réciproquement !
M. Jacques Larché,
président de la commission des lois.
Je constate qu'en l'espèce vous vous
aventurez à donner une interprétation qui correspond à ce que vous souhaitez
démontrer.
Rien n'interdit de faire ce qui est suggéré. Il est tout à fait possible pour
le Gouvernement d'agir de telle sorte qu'il atteigne le but qu'il s'est fixé, à
savoir mettre l'Assemblée nationale en situation de prendre la décision en
dernier ressort.
Vous avez l'air d'oublier que notre Constitution est dominée par un principe
fondamental, celui du parlementarisme rationalisé, qui veut que le
Gouvernement, dans la lecture parlementaire du texte, ait à sa disposition un
certain nombre de moyens pour obtenir ce qu'il estime souhaitable et conforme à
l'interprétation qu'il se fait de la Constitution.
J'ajoute que votre théorie repose sur un principe qui, lui non plus, n'est pas
inscrit dans la Constitution, celui d'une limitation
a priori
du droit
d'amendement.
Nous avons le droit d'amendement. Ce droit, il n'est dit nulle part que nous
n'avons pas le droit de lui donner la portée que nous entendons lui donner.
Bien sûr, vous tentez de vous réfugier derrière la théorie du cavalier
législatif. Mais en quoi ces textes sont-ils des cavaliers législatifs ? Nous
sommes en train de discuter de dispositions qui intéressent le fonctionnement
du Parlement, puisqu'elles prévoient à quel moment tel ou tel peut se
présenter, dans la mesure où, évidemment, des dispositions ont été prises en ce
sens. Je ne vois donc vraiment pas comment vous pouvez justifier qu'il s'agit
de cavaliers.
J'ai été cité. J'ai dit dans quelles conditions j'avais écrit ce texte en son
temps. Mais les choses évoluent. En 1985, le Conseil constitutionnel a
sévèrement condamné la théorie qui était la mienne, et je m'incline toujours
devant les décisions du Conseil constitutionnel.
M. Robert Badinter.
Vous aurez encore l'occasion de le faire !
(Sourires.)
M. Jacques Larché,
président de la commission des lois.
Nous verrons bien ! Je ne préjuge
jamais une décision du Conseil constitutionnel.
Puisque nous savons bien que nous ne pourrons pas présenter de recours - la
Constitution ne nous le permet pas et le Conseil constitutionnel a dit que nous
ne pourrions pas le faire - nous exposerons purement et simplement au Conseil
constitutionnel les théories qui sont les nôtres.
Le droit d'amendement est un droit souverain du Parlement, à la condition
qu'il ne contrevienne pas aux règles essentielles qui régissent les rapports
entre les deux assemblées.
Après tout, le recours au vote bloqué est une procédure comme une autre.
(M. Michel Dreyfus-Schmidt s'exclame.)
Nous ne l'aimons pas. Mais si
nous ne faisions que ce que nous aimons et si nous n'appliquions que ce que
nous aimons dans la Constitution, nous serions peut-être, vous comme moi,
parfois dans l'embarras.
Mieux vaut donc s'en tenir à une interprétation stricte du texte, une
interprétation stricte du droit d'amendement et laisser le Conseil
constitutionnel en tirer les conséquences.
M. le président.
Veuillez poursuivre, monsieur Badinter.
M. Robert Badinter.
Au moment où, comme c'est votre droit, vous avez souhaité m'interrompre,
monsieur le président de la commission des lois, je traitais de la convocation
d'une commission mixte paritaire et non de la liberté du droit d'amendement. Je
relevais que vous aviez ajouté une condition nouvelle à l'exercice par le
Premier ministre du pouvoir qui lui est reconnu par la Constitution en vertu de
l'article 45, deuxième alinéa, de convoquer une commission mixte paritaire.
Selon votre argumentation, que j'ai rappelée, dès l'instant où le Gouvernement
ne s'était pas opposé au cours du débat par la procédure du vote bloqué à ces
amendements, ceux-ci devenaient des amendements qui touchaient aux droits du
Sénat.
Avant d'en venir à ces amendements je tenais donc à rappeler que la
convocation d'une commission mixte paritaire est une prérogative du Premier
ministre.
M. Jacques Larché,
président de la commission des lois.
En matière constitutionnelle ?
M. Robert Badinter.
Dès lors, on ne saurait ajouter des conditions à l'exercice de cette
prérogative constitutionnelle, serait-ce par l'arguement selon lequel le texte
changerait de nature par l'adoption d'amendements non repoussés par le
Gouvernement au moyen du vote bloqué !
C'est au niveau de la réunion de la commission mixte paritaire qu'il faut se
placer. L'échec de la commission mixte paritaire n'est plus, ensuite, bien
évidemment, que le fait de ceux qui y siègent.
M. Jacques Larché,
président de la commission des lois.
Me permettez-vous de vous
interrompre de nouveau, monsieur Badinter ?
M. Robert Badinter.
Je vous en prie, monsieur le président.
M. le président.
La parole est à M. le président de la commission des lois, avec l'autorisation
de l'orateur.
M. Jacques Larché,
président de la commission des lois.
Monsieur Badinter, si j'ai bien
compris votre raisonnement, vous admettez que la commission mixte paritaire
peut être réunie en matière constitutionnelle.
M. Robert Badinter.
Dois-je vous rappeler qu'il s'agit ici d'une loi organique et non d'une loi
constitutionnelle ?
M. Jacques Larché,
président de la commission des lois.
Une loi organique relative au Sénat
!
M. Robert Badinter.
J'ai évoqué la prérogative constitutionnelle qu'a le Premier ministre de
provoquer la réunion d'une commission mixte paritaire parlementaire, qu'il
s'agisse de lois ordinaires ou de lois organiques. Nous sommes, je crois,
d'accord sur ce point.
M. Jacques Larché,
président de la commission des lois.
Mais la Constitution prévoit que la
loi organique relative au Sénat et la révision constitutionnelle sont traitées
de la même manière. Si donc vous admettez que la loi organique relative au
Sénat peut faire l'objet d'une commission mixte paritaire, vous admettez par
là-même qu'une commission mixte paritaire peut être réunie pour une loi
constitutionnelle.
M. le président.
Veuillez poursuivre, monsieur Badinter.
M. Robert Badinter.
Je crains, monsieur le président Larché, qu'à cet égard vous ne fassiez une
confusion.
(M. Michel Dreyfus-Schmidt s'exclame.)
M. Jean Delaneau.
Le troisième juriste s'en mêle !
(Sourires.)
M. Robert Badinter.
Nous parlons ici de la réunion de la commission mixte paritaire ; nous en
viendrons, dans un instant, au problème de la nature des amendements et de ses
conséquences.
Je poursuis donc mon analyse concernant la commission mixte paritaire.
Quel est, mes chers collègues, l'objet d'une commission mixte paritaire ?
M. Hilaire Flandre.
Et si on laissait au peuple le soin de choisir !
M. Robert Badinter.
Pourquoi la réunit-on ?
Son objectif unique est de tenter une conciliation entre les deux assemblées à
partir de textes divergents qu'elles ont adoptés. C'est sa raison d'être.
Je pose la question : au nom de quelle extraordinaire logique faudrait-il que
le Gouvernement, avant de pouvoir susciter, dans le domaine dont nous parlons
aujourd'hui, une conciliation entre les deux assemblées, use du vote bloqué
pour contraindre l'une des chambres à adopter un texte conforme à ses désirs
déjà satisfaits par le texte de l'autre ou à rejeter l'intégralité du texte ?
Dans ces conditions, que resterait-il à concilier, et à quoi bon une commission
mixte paritaire ?
A ce stade, étant rappelé que c'est une prérogative constitutionnelle reconnue
au Premier ministre de convoquer une commission mixte paritaire lorsque les
deux assemblées ne sont pas arrivées à un accord et qu'on essaie de le
susciter, se pose alors, c'est vrai, la question de la nature des
amendements.
Que ces amendements introduits par le Sénat constituent autant de cavaliers
selon la jurisprudence du Conseil constitutionnel, je ne surprendrai personne
en le disant. Qu'a fait le Sénat ? Il a instauré toute une série de nouveaux
cas d'inéligibilité concernant d'ailleurs aussi bien les élections municipales
que régionales et visant une série hétéroclite de personnalités, allant du «
défenseur des enfants » - c'est l'article 3 - au « vétérinaire inspecteur
chargé des fonctions de directeur des services vétérinaires » - c'est l'article
5.
Je suis le premier à dire que le sort de ces personnes, s'agissant de leur
capacité à se présenter aux élections, est en effet tout à fait digne
d'attention. Mais enfin, quel rapport ces inéligibilités peuvent-elles avoir
avec l'objet même du texte, qui, à l'évidence, passionne la Haute Assemblée, à
savoir la fixation de la date d'élection de l'Assemblée nationale ?
Entre le sort du défenseur des enfants et celui du vétérinaire inspecteur
chargé des fonctions de directeur des services vétérinaires, je dirai qu'il n'y
a pas adéquation. Et il en va de même pour les autres cas d'inéligibilité.
La vérité, c'est qu'en introduisant par la voie de ces amendements des
dispositions aussi étrangères à l'objet du texte, dont on a débattu pendant des
dizaines d'heures, le Sénat a tout simplement méconnu - c'est essentiel ! - la
véritable portée de l'article 46, quatrième alinéa, de la Constitution.
Au travers de cet article, le constituant voulait, à juste titre - on ne
saurait trop l'en féliciter ! - protéger les droits du Sénat contre un
empiètement éventuel de la part de l'Assemblée nationale. C'est bien qu'il en
soit ainsi.
L'article 46, en son quatrième alinéa, fait référence aux « lois organiques
relatives au Sénat », et je veux rappeler ce que le Conseil constitutionnel a
entendu par là dans sa décision de principe du 10 juillet 1985 : « ... les
dispositions législatives qui ont pour objet, dans les domaines réservés aux
lois organiques, de poser, de modifier ou d'abroger des règles concernant le
Sénat. » Et d'ajouter : « ou qui sans se donner cet objet à titre principal
n'en n'ont pas moins pour effet - même formule - de poser, de modifier ou
d'abroger les règles le concernant ».
A partir de là, il n'a jamais été envisagé par le constituant que le Sénat,
sous couvert de protéger ses droits, puisse transformer à son gré une
proposition de loi organique concernant la seule Assemblée nationale en un
texte de loi organique relatif au Sénat, simplement en adoptant des amendements
de son initiative, véritables cavaliers législatifs irrecevables complètement
étrangers au texte.
Cela n'a plus rien à voir avec le problème du pouvoir du Premier ministre de
convoquer la commission mixte paritaire !
Il faut y prendre garde, car, si on se laissait aller, il y aurait là une
véritable méconnaissance des principes constitutionnels qui régissent les
pouvoirs respectifs et les rapports des deux assemblées. Je l'ai dit : les
constituants - et ils ont bien fait - ont voulu protéger le Sénat contre toute
atteinte portée à ses droits par l'Assemblée nationale à la faveur de la
discussion d'un projet ou d'une proposition de loi organique où celle-ci aurait
le dernier mot ; mais ils ne peuvent pas avoir voulu que le Sénat puisse
bloquer le vote d'un tel texte concernant la seule Assemblée, parce que
politiquement sa portée lui déplairait, en insérant, de sa propre initiative,
des amendements relatifs au Sénat qui seraient sans rapport avec l'objet de la
proposition ou du projet de loi organique en question.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Ce n'est pas une loi !
M. Robert Badinter.
En outre, je rappellerai que, en recourant à ce procédé, on en arriverait à
contredire jusqu'aux dispositions de l'article 46 de la Constitution. En effet,
le deuxième alinéa de cet article prévoit, pour les projets ou propositions de
loi organique, des exigences procédurales particulières : « Le projet ou la
proposition n'est soumis à la délibération et au vote de la première assemblée
saisie qu'à l'expiration d'un délai de quinze jours après son dépôt. »
Si donc la majorité de la Haute Assemblée désire inscrire dans une loi
organique des cas d'inéligibilité concernant directement, ou même
indirectement, le Sénat, il lui appartient - c'est son droit - de déposer une
proposition de loi organique respectant bien évidemment les dispositions du
deuxième alinéa de l'article 46. Or le procédé utilisé en l'espèce aboutit au
contraire au contournement de cette exigence constitutionnelle par l'adoption
d'amendements étrangers, de par leur nature et leur portée, à la proposition de
loi organique issue de l'Assemblée nationale et qui ne concerne que cette
dernière. Le Gouvernement, en s'opposant à ces amendements, a d'ailleurs invité
leurs auteurs à déposer, s'ils le souhaitaient, une autre proposition de loi
organique.
Par conséquent, dès l'instant où le Sénat avait voté un texte différent de
celui de l'Assemblée nationale et contenant des amendements visant, à
l'évidence, à modifier la portée du texte par des dispositions étrangères à
celui-ci, le Premier ministre était parfaitement fondé à convoquer une
commission mixte paritaire, eu égard à ce qui était un désaccord éclatant entre
les deux assemblées, pour tenter de susciter la conciliation. Cela n'a rien à
voir, encore une fois, avec une sorte de prétendue obligation de recourir à la
procédure du vote bloqué pour pouvoir utiliser cette prérogative
constitutionnelle !
Voilà comment les choses se sont passées.
Mais, en vérité, je pense que ce que les auteurs des amendements en question
voulaient surtout, sachant quel sort serait réservé
in fine
à leurs
propositions, c'était soulever une discussion procédurale sur la possibilité de
réunir valablement une commission mixte paritaire à ce stade de la discussion,
afin de nourrir un moyen de censure de la procédure parlementaire par le
Conseil constitionnel.
Or ce moyen, je crois profondément qu'il ne prospérera pas : la commission
mixte paritaire a bien été convoquée, conformément aux prérogatives du Premier
ministre, l'échec de celle-ci a été patent et dûment constaté, hélas ! et dès
lors il ne restait plus qu'à revenir devant l'Assemblée nationale, ce qui a été
fait. Celle-ci a rétabli le texte initial, qui doit de nouveau être étudié par
le Sénat.
Il ne reste donc plus, après ce détour procédural un peu long - mais
reconnaissons que son originalité justifiait qu'on le fît ! - qu'à examiner les
questions de constitutionnalité qui ont été soulevées, au fond, par la teneur
de la proposition.
J'annonce tout de suite que je ne reprendrai pas encore une fois le long
développement que j'avais eu l'honneur de consacrer devant vous, mes chers
collègues, à la jurisprudence du Conseil constitutionnel en matière de
prorogation du mandat d'une assemblée. Je redirai simplement que cette
jurisprudence est claire, constante et peut se résumer en trois principes.
Le premier principe, c'est que le Conseil constutionnel ne s'est jamais
reconnu le pouvoir d'apprécier ou de contrôler les finalités politiques qui
conduisent le législateur, dès l'instant où celui-ci exerce le pouvoir que la
Constitution lui accorde, et qu'il n'entend pas non plus lui suggérer d'autres
moyens pour les atteindre. Il s'agit là de la souveraineté du Parlement
agissant dans le cadre de ses pouvoirs, et il n'appartient pas au Conseil
constitutionnel de se substituer à lui.
Dans la présente proposition de loi organique, la finalité visée par le
législateur est très claire : il s'agit de faire en sorte que l'élection
présidentielle précède l'élection législative. C'est là un choix politique ; à
l'évidence, il n'est pas unanimement approuvé, mais c'est un choix politique,
et il s'inscrit, je le rappelle, dans la conception originelle des institutions
de la Ve République. Quoi qu'il en soit, si le Parlement en décide ainsi et si
le dernier mot revient à l'Assemblée nationale, le Conseil constitutionnel ne
peut pas censurer des motifs ou une finalité politiques. Il ne peut pas
davantage imposer son appréciation sur ce que pourrait être, pour le Parlement,
le meilleur choix politique. J'ajoute qu'il n'en a jamais eu, heureusement !
l'intention. Je rappelle à cet égard le considérant du Conseil constitutionnel,
toujours énoncé depuis 1975, selon lequel « la Constitution ne confère pas au
Conseil constitutionnel un pouvoir général d'appréciation identique à celui du
Parlement ». Il est fort bien qu'il en soit ainsi !
Le deuxième principe, c'est que la fixation de la durée du mandat des
assemblées relève du pouvoir des législateurs. Cela résulte d'ailleurs de la
Constitution et s'inscrit dans le texte de loi organique, et quand il s'agit de
la législature de l'Assemblée nationale, il revient
in fine
à cette
dernière d'en déterminer elle-même la durée.
Le troisième principe, enfin, c'est que toute prorogation de l'Assemblée doit
satisfaire à la double exigence posée par le Conseil constitutionnel,
c'est-à-dire qu'elle doit être à la fois exceptionnelle - cette condition est
remplie dans le cas qui nous occupe, puisqu'elle ne vise que la seule assemblée
élue en juin 1997 - et transitoire - il en est bien ainsi en l'occurrence
puisque, à compter de la promulgation de la loi, les pouvoirs de l'Assemblée
nationale expireront régulièrement le troisième mardi de juin. Les conditions
toujours posées par le Conseil constitutionnel s'agissant de la prorogation des
mandats sont donc ici parfaitement satisfaites, et il est vain d'ajouter autre
chose.
Je conclurai par deux observations relatives à des points qui ont été évoqués
de manière inopinée à l'Assemblée nationale.
En premier lieu, un brillant orateur de l'opposition a soutenu que la
proposition de loi organique serait inconstitutionnelle parce que contraire à
l'article 12 de la Constitution. Selon cet intervenant, l'exercice du droit de
dissolution de l'Assemblée nationale par le Président de la République ferait
de ce dernier le « maître des horloges électorales ».
J'avoue mon étonnement ! Cette analyse a au moins le mérite de l'originalité :
en effet, aucun constitutionnaliste n'a jamais soutenu, à ce jour, que le
Président de la République aurait la prérogative de fixer la durée du mandat de
l'Assemblée nationale. Cela tient à une raison évidente : il suffit de lire la
Constitution pour constater que cela relève, comme chacun le sait maintenant,
de la loi organique, donc du Parlement et plus précisément de l'Assemblée
nationale elle-même en dernier ressort. Quant à la date des élections, je n'ai
pas besoin de rappeler ici qu'elle est fixée par un simple décret, sans même
que le concours du Chef de l'Etat soit requis.
En second lieu, un dernier motif d'inconstitutionnalité a été soulevé par
l'opposition à l'Assemblée nationale, selon lequel modifier le code électoral à
moins d'un an d'une échéance prévue serait contraire à un principe
constitutionnel.
A ce propos, je ferai d'abord observer que, à ce jour, rien ne permet
d'affirmer que la loi ne sera pas promulguée avant le troisième mardi du mois
de juin de l'année 2001.
Cependant, même si c'était le cas, cela resterait sans conséquence
constitutionnelle. Certes, on a avancé que la loi du 11 décembre 1990 aurait
posé pour principe, en son article 7, que l'on ne pouvait opérer de changement
de date électorale à moins d'un an des élections. J'ai lu cet argument, et j'ai
repris le texte de la loi précitée pour procéder, comme toujours, à des
vérifications. Or, bien entendu, il ne s'agissait nullement des dates
électorales et de la durée des mandats : ce texte vise en fait le découpage des
circonscriptions et, en effet, il n'est pas permis que celui-ci ait lieu moins
d'un an avant les élections. On comprend aisément pourquoi, mais la prorogation
des mandats est une autre question ! Quant à la décision du Conseil
constitutionnel qui a été mentionnée, je n'ai pas besoin de vous dire, mes
chers collègues, qu'elle n'invoque ni de près ni de loin un tel principe
constitutionnel.
Voilà ce que je tenais
in fine
à rappeler. J'ajouterai, puisque nous
parlons de délais, que si, pour une raison ou pour une autre, la loi n'était
pas promulguée un an avant la date des élections, le Sénat, reconnaissons-le,
n'y serait pas tout à fait étranger !
(Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur certaines travées
du RDSE.)
M. le président.
Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Question préalable
M. le président.
Je suis saisi par M. Bonnet, au nom de la commission, d'une motion n° 1
tendant à opposer la question préalable.
Cette motion est ainsi rédigée :
« Considérant que les conditions d'examen par le Parlement de la proposition
de loi organique, marquées notamment par la brusque volte-face du Gouvernement,
l'exclusion d'un éventuel référendum, l'usage de la procédure d'urgence et la
convocation d'une commission mixte paritaire sur un texte organique relatif au
Sénat, ne sont pas acceptables ;
« Considérant que le mandat des députés n'a été prorogé qu'à deux reprises au
cours du xxe siècle, en 1918 et 1940, dans des circonstances historiques que
contrastent avec les motifs invoqués à l'appui de la proposition de loi
organique ;
« Considérant que le choix du troisième mardi de juin comme date d'expiration
des pouvoirs de l'Assemblée nationale pourrait conduire à la convocation
systématique de sessions extraordinaires du Parlement les années d'élections
législatives et perturber le processus d'élaboration du projet de budget ;
« Considérant que la proposition de loi organique, contrairement à l'objectif
que semblait se fixer le législateur, n'est pas à même d'éviter de nouveaux
bouleversements du calendrier électoral en cas de dissolution de l'Assemblée
nationale ou d'interruption prématurée du mandat d'un Président de la
République ;
« Considérant que l'adoption de la proposition de loi organique compromettrait
l'application des règles du code électoral relatives au financement des
campagnes électorales et à l'organisation d'élections partielles en cas de
vacance d'un siège de député ;
« Considérant que la prolongation, par sa seule volonté, de la durée du mandat
de l'Assemblée nationale élue en 1997 ne repose sur aucun motif d'intérêt
général comparable à ceux qui ont pu justifier par le passé la prolongation de
la durée du mandat d'assemblées locales ;
« Décide qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération sur la proposition
de loi organique modifiant la date d'expiration des pouvoirs de l'Assemblée
nationale, adoptée avec modifications par l'Assemblée nationale en nouvelle
lecture (n° 225, 2000-2001). »
Je rappelle que, en application du dernier alinéa de l'article 44 du règlement
du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l'auteur de l'initiative
ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d'opinion contraire, pour
quinze minutes, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond
et le Gouvernement.
En outre, la parole peut être accordée pour explication de vote, pour une
durée n'excédant pas cinq minutes, à un représentant de chaque groupe.
La parole est à M. le rapporteur, auteur de la motion.
M. Christian Bonnet,
rapporteur.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers
collègues, le texte retourné - c'est le terme qui convient en l'occurrence,
puisqu'il s'agit de la même rédaction que celle qui nous avait été soumise en
première lecture - au Sénat par l'Assemblée nationale ne saurait être adopté
par notre assemblée, en raison d'un certain nombre de difficultés d'ordre tant
pratique que juridique qu'il m'a été donné de souligner tout à l'heure.
Ce retour ou ce renvoi, si vous préférez ce terme, du texte primitivement
adopté par l'Assemblée nationale valait rupture de tout dialogue entre les deux
assemblées. C'est pour cette raison que la commission des lois préconise
l'adoption de la motion tendant à opposer la question préalable dont je vais
maintenant vous donner lecture :
Considérant que les conditions d'examen par le Parlement de la proposition de
loi organique, marquées notamment par la brusque volte-face du Gouvernement,
l'exclusion d'un éventuel référendum, l'usage de la procédure d'urgence et la
convocation d'une commission mixte paritaire sur un texte organique relatif au
Sénat, ne sont pas acceptables ;
Considérant que le mandat des députés n'a été prorogé qu'à deux reprises au
cours du XXe siècle, en 1918 et en 1940, dans des circonstances historiques qui
contrastent avec les motifs invoqués à l'appui de la proposition de loi
organique ;
Considérant que le choix du troisième mardi de juin comme date d'expiration
des pouvoirs de l'Assemblée nationale pourrait conduire à la convocation
systématique de sessions extraordinaires du Parlement les années d'élections
législatives et perturber le processus d'élaboration du projet de budget ;
Considérant que la proposition de loi organique, contrairement à l'objectif
que semblait se fixer le législateur, n'est pas à même d'éviter de nouveaux
bouleversements du calendrier électoral en cas de dissolution de l'Assemblée
nationale ou d'interruption prématurée du mandat d'un Président de la
République ;
Considérant que l'adoption de la proposition de loi organique compromettrait
l'application des règles du code électoral relatives au financement des
campagnes électorales et à l'organisation d'élections partielles en cas de
vacance d'un siège de député ;
Considérant que la prolongation, par sa seule volonté, de la durée du mandat
de l'Assemblée nationale élue en 1997 ne repose sur aucun motif d'intérêt
général comparable à ceux qui ont pu justifier par le passé la prolongation de
la durée du mandat d'assemblées locales ;
Décide qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération sur la proposition
de loi organique modifiant la date d'expiration des pouvoirs de l'Assemblée
nationale, adoptée avec modifications par l'Assemblée nationale en nouvelle
lecture. »
(Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, ainsi que
du RPR.)
M. le président.
La parole est à M. Badinter, contre la motion.
M. Robert Badinter.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je serai
d'une brièveté extrême, à l'image du rapporteur de la commission des lois. Tout
a été dit en effet, et ce qu'il a à l'instant énoncé n'était que la reprise
d'arguments déjà évoqués.
Il aurait peut-être été bienvenu que la question préalable fût déposée avec la
même argumentation dès la première lecture, mais on a choisi le chemin long.
Quoi qu'il en soit, nous sommes maintenant au terme de cette discussion.
J'indiquerai simplement, au nom du groupe socialiste que nul ne peut dire que,
dès le départ, nous n'avons pas souhaité le changement du calendrier. Dès
l'origine, en effet, avant même que cette question fût évoquée au plan
gouvernemental, j'avais ici même, en juin 2000, lors de la discussion sur le
quinquennat, au nom du groupe socialiste, rappelé que l'on devait absolument
songer à remédier à la situation que créerait le quinquennat si on ne modifiait
pas le calendrier des élections.
Je m'étais alors appuyé sur trois considérations.
Première considération, que l'élection présidentielle est, dans la Ve
République, pour tous nos concitoyens, l'élection essentielle et il n'est pas
possible de faire de l'élection législative le premier tour des
présidentielles.
Deuxième considération également très importante : en faisant se succéder
l'élection présidentielle puis l'élection législative, nous avons, au regard de
ce que l'expérience a enseigné, infiniment moins de chance d'engendrer une
cohabitation qui n'est pas considérée par le constituant comme un régime
normal. Il s'agit d'une pathologie de nos institutions.
Troisième considération -, et non la moindre, dans le monde où nous vivons,
dans les démocraties contemporaines, à l'exigence première de la séparation des
pouvoirs et à l'exigence tout aussi importante de l'équilibre des pouvoirs
ajoute une troisième exigence, mal perçue et, à mon avis, déterminante :
l'harmonie des pouvoirs. C'est à la mesure de l'harmonie entre l'exécutif et le
législatif qu'une démocratie est véritablement efficace à une époque difficile
où les problèmes, notamment internationaux, sont complexes. Or, la cohabitation
est la dissociation du pouvoir exécutif et, de ce fait, l'absence d'harmonie
entre le législatif et l'exécutif.
Tout commande donc, sauf peut-être des intérêts politiques conjoncturels,
qu'on remédie à la situation, créée d'ailleurs par des événements fortuits,
c'est-à-dire les élections législatives précédant les élections
présidentielles. Revenons à la logique de nos institutions, ou alors
changeons-les.
(Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Jack Queyranne,
ministre des relations avec le Parlement.
Monsieur le président,
mesdames, messieurs les sénateurs, l'objet de cette proposition de loi est bien
de rétablir le calendrier des élections à l'endroit et de respecter ainsi la
logique de nos institutions.
Ce texte relève d'une appréciation souveraine du Parlement sur laquelle le
Conseil constitutionnel ne peut porter qu'un contrôle réduit de l'erreur
manifeste d'appréciation en vertu d'une jurisprudence constante depuis sa
décision du 15 janvier 1975, M. Badinter l'a évoqué. Le choix de la proposition
de loi et de la voie organique se justifient, compte tenu de la diversité des
auteurs des propositions de loi déposées à l'Assemblée nationale. Pas moins de
six propositions de loi ont été déposées, sur lesquelles la commission des lois
de l'Assemblée nationale est parvenue à un texte de synthèse.
On ne peut déplorer le manque d'initiative parlementaire dans le domaine
législatif et ne pas se réjouir qu'une proposition commune venant de la
majorité à l'Assemblée nationale, ainsi que d'une partie de l'opposition, ait
vu le jour après un travail approfondi.
Le choix du législateur, qui est souverain, ne peut être contesté dès lors
qu'« il s'inscrit dans le cadre d'une réforme dont la finalité n'est contraire
à aucun principe non plus qu'à aucune règle de valeur constitutionnelle ». Je
cite ici une décision du Conseil constitutionnel, du 11 décembre 1990, lorsqu'a
été soumise à son examen la concordance du renouvellement des conseils généraux
et régionaux.
Personne ne peut donc sérieusement soutenir que le respect de la logique
interne de la vie politique française depuis 1962, c'est-à-dire la primauté de
l'élection présidentielle, aurait pour finalité la violation d'un principe
constitutionnel.
Assurer par un calendrier cohérent des scrutins la prééminence de l'élection
présidentielle me paraît conforme à l'intérêt général parce que cela correspond
à la place donnée à cette élection par les citoyens eux-mêmes. C'est pour cela
que j'invite le Sénat à repousser la notion tendant à opposer la question
préalable.
(Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix la motion n° 1, tendant à opposer la question préalable.
Je rappelle que l'adoption de cette motion entraînerait le rejet de la
proposition de loi organique.
En application de l'article 59 de notre règlement, le scrutin public est de
droit.
Il va y être procédé dans les conditions fixées par l'article 56 du
règlement.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président.
Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président.
Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 46 :
Nombre de votants | 297 |
Nombre de suffrages exprimés | 288 |
Majorité absolue des suffrages | 145 |
Pour l'adoption | 170 |
Contre | 118 |
En conséquence, la proposition de loi organique est rejetée.
7
MODIFICATION DE L'ORDRE DU JOUR
M. le président.
M. le président a reçu de M. le ministre des relations avec le Parlement une
lettre en date de ce jour par laquelle le Gouvernement retire de l'ordre du
jour prioritaire de la séance du jeudi 19 avril la discussion, en deuxième
lecture, de la proposition de loi tendant à la reconnaissance de la traite et
de l'esclavage en tant que crimes contre l'humanité.
Acte est donné de cette communication.
L'ordre du jour de la séance du jeudi 19 avril est modifié en conséquence.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les
reprendrons à vingt et une heures trente.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures, est reprise à vingt et une heures
trente-cinq.)
PRÉSIDENCE DE M. JACQUES VALADE
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
8
AGENCE FRANÇAISE
DE SÉCURITÉ SANITAIRE
ENVIRONNEMENTALE
Adoption d'une proposition de loi
en nouvelle lecture
M. le président.
L'ordre du jour appelle la discussion, en nouvelle lecture, de la proposition
de loi (n° 216, 2000-2001), adoptée par l'Assemblée nationale en nouvelle
lecture, créant une Agence française de sécurité sanitaire environnementale.
[Rapport n° 250 (2000-2001).]
Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.
M. Bernard Kouchner,
ministre délégué à la santé.
Monsieur le président, monsieur le
rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, nous sommes réunis pour traiter
de la création de l'Agence française de sécurité sanitaire environnementale.
Les travaux menés par votre rapporteur, deux lectures dans votre enceinte et
trois lectures à l'Assemblée nationale, ont permis à chacun de faire entendre
son point de vue et de nourrir un débat fondamental sur cette agence.
Sa création s'inscrit dans une nouvelle étape de la sécurité sanitaire.
La politique de sécurité sanitaire constitue sans doute l'évolution la plus
originale des politiques de santé. Les crises sanitaires des vingt dernières
années ont en effet conduit notre pays à engager une réflexion sur la réduction
des risques, puis à mettre en place des dispositifs d'évaluation, de
surveillance et d'intervention.
En particulier, les lois du 4 janvier 1993 et du 1er juillet 1998 ont permis
de constituer un dispositif institutionnel important avec la création des
agences de sécurité sanitaire et de l'Institut de veille sanitaire. Le Conseil
national de sécurité sanitaire, instance de coordination, se réunit désormais
sous ma présidence pour examiner les grands enjeux de cette politique. Dans le
même temps, des réglementations nouvelles fixent les conditions dans lesquelles
chacun des acteurs du système de santé doit veiller à limiter les risques et
intervenir en cas de besoin.
Cet apport considérable, auquel la Haute Assemblée a, je tiens à le souligner
devant vous, mesdames, messieurs, fortement contribué, s'est réalisé dans un
laps de temps relativement court.
Il est temps aujourd'hui de franchir une nouvelle étape dans la construction
de la sécurité sanitaire.
Nous avons mis en place des institutions et des réglementations de sécurité
sanitaire qui encadrent désormais strictement les produits de santé. Nous avons
développé dans le même temps une politique de qualité des soins grâce notamment
à l'instauration des procédures d'accréditation et au dispositif de lutte
contre les infections nosocomiales dans le milieu hospitalier, bien que cette
lutte ne soit jamais gagnée d'avance, les personnes lucides savent même que
nous ne parviendrons pas, hélas ! à contrôler complètement les infections.
Les sécurités sanitaires alimentaire et environnementale se développent de
manière concomitante. C'est le sens de la création en 1999 de l'Agence
française de sécurité sanitaire des aliments ainsi que de nos débats de ce soir
sur l'Agence française de sécurité sanitaire environnementale. Tout le monde
s'accorde, je crois, sur les principes qui doivent guider notre action dans ce
domaine et sur l'objectif que nous poursuivons. Les principes sont clairs :
qualité et indépendance de l'expertise, renforcement des missions d'évaluation
et de gestion des risques, transparence des décisions et priorité donnée à la
protection de la santé publique. L'objectif est de pouvoir compléter rapidement
le dispositif mis en place en 1998. La création de l'Agence française de
sécurité sanitaire environnementale - l'AFSSE - doit permettre tout à la fois
d'organiser et d'assurer l'indépendance de l'évaluation des risques dans ce
domaine, et de donner en amont une vraie priorité à la recherche et à
l'expertise sur ces sujets.
Le souci que nous avons tous de renforcer la sécurité sanitaire dans le
domaine de l'environnement laissait espérer qu'un accord unanime pourrait se
dégager sur ce texte. Tout comme votre rapporteur, je regrette dans ce contexte
l'échec de la commission mixte paritaire. Je ne crois pas utile ici de
détailler à nouveau les raisons qui ont conduit le Gouvernement à se prononcer
contre certains amendements que vous proposez, notamment ceux qui sont relatifs
à l'intégration dans l'AFSSE de l'Institut national de l'environnement
industriel et des risques, l'INERIS. Tout a été dit sur le sujet par Mme
Voynet.
Le premier constat qu'il faut dresser est un constat de carence. Nous ne
disposons pas, en France, des équipes et des laboratoires nécessaires pour
alimenter le travail d'expertise.
Le second constat est celui de la dispersion et du manque de cohérence.
C'est le souci du Gouvernement de répondre à ce double constat, dans cet
ordre, qui a pu créer quelques différences d'approche.
Ce que nous souhaitons faire, c'est créer des moyens qui n'existent pas
aujourd'hui, mettre en place un cadre qui accueille et développe de nouvelles
équipes et s'appuie, en les fédérant, sur les efforts de prise en compte des
impacts environnementaux sur la santé de multiples organismes de recherche et
d'expertise.
La question de l'intégration de tel ou tel organisme devra de nouveau être
envisagée et discutée sur la base du rapport prévu à l'article 3. Mais j'ai le
sentiment qu'il est temps maintenant, après un an de débats parlementaires, de
rassembler nos volontés pour oeuvrer de concert à combler les carences que nous
avons tous constatées : il faut créer l'agence sans délai, la doter des moyens
lui permettant de se mettre en place et procéder aux recrutements de qualité
qui lui permettront de répondre aux questions qui, n'en doutons pas, lui seront
posées très rapidement.
S'agissant des moyens du nouvel établissement public que nous vous proposons
de créer, le Gouvernement a souhaité doter l'AFSSE dès cette année de 37
millions de francs et créer une quarantaine d'emplois nouveaux. Ce n'est, bien
sûr, qu'un début et les moyens consacrés à l'agence devront croître rapidement
à l'avenir, comme ce fut d'ailleurs le cas pour les autres agences que nous
avons eu l'occasion et le plaisir de créer ensemble.
La proposition du Gouvernement approuvée par le Parlement de mette en place
les crédits permettant de créer l'AFSSE avant même la fin du débat
parlementaire témoigne de la volonté commune de l'exécutif et de la
représentation nationale d'avancer rapidement sur ce sujet.
Mme Voynet et moi-même avons demandé à nos services de travailler, dès le vote
de la loi, à l'élaboration des textes nécessaires pour que l'agence soit mise
en place avant l'été et procède aux recrutements prévus dès cette année, car il
y a effectivement urgence en la matière. On peut en effet rappeler non
seulement les attentes fortes de l'opinion publique en matière de sécurité de
l'environnement, mais aussi la nécessité de rattraper le retard pris en matière
d'évaluation des risques liés aux substances chimiques, cela aussi bien en
France que dans les autres pays de l'Union européenne.
Force est de constater que certains produits chimiques nuisent gravement à la
santé humaine en entraînant des souffrances et des morts prématurées. Parmi les
nombreux exemples bien connus, il faut citer l'amiante, notoirement responsable
de cancers du poumon et de mésothéliomes, ou le benzène, qui provoque des
leucémies. Bien que ces substances aient été totalement interdites ou aient
fait l'objet d'autres restrictions, ces mesures sont trop souvent intervenues
alors que leurs conséquences néfastes étaient malheureusement déjà apparues.
L'incidence de certaines maladies, comme le cancer testiculaire chez les
jeunes hommes et les allergies, a considérablement augmenté au cours des
dernières décennies, et les causes sous-jacentes n'ont pas encore été
déterminées.
Le manque de connaissances concernant les effets de nombreux produits
chimiques sur la santé humaine est une source de préoccupation. La population
s'inquiète - et cela se conçoit aisément - lorsque l'on évoque l'exposition des
enfants à certains phtalates libérés par les jouets, ou les concentrations de
dioxines et furanes mesurées dans le lait maternel. Ces exemples trahissent
l'insuffisance de nos connaissances actuelles en matière de substances
chimiques existantes.
C'est pourquoi je considère, tout comme votre commission, que l'Agence de
sécurité sanitaire environnementale aura un rôle fondamental à jouer sur
l'évaluation du risque chimique.
En ce qui concerne le risque nucléaire, vous avez approuvé le principe de
fusionner l'Office de protection contre les rayonnements ionisants, l'OPRI, et
l'Institut de protection et de sûreté nucléaire, l'IPSN, dans le cadre d'un
établissement public autonome chargé de la sûreté nucléaire et de la
radioprotection, l'IRSN. Cette solution, suggérée par le rapport que M.
Jean-Yves Le Déaut a remis au Premier ministre le 7 juillet 1998 - je m'en
souviens - a été retenue après un long travail de concertation. Je dois dire
que les choses n'ont pas évolué très vite depuis la remise de ce rapport !
Cette réforme doit être l'occasion, à mes yeux, d'accroître les moyens de la
radioprotection, dans la continuité des importants efforts de remise à niveau
mis en oeuvre depuis trois ans et dont l'OPRI avait principalement
bénéficié.
Trop souvent, le débat sur les risques sanitaires radioactifs sert de prétexte
pour introduire d'autres débats connexes sur l'avenir et sur les options
techniques du nucléaire.
La radioprotection est une discipline de santé publique, ce qui sous-entend
une doctrine et une éthique propres.
En ce qui concerne la tutelle du futur IRSN, le Gouvernement a décidé qu'elle
sera assurée par les ministères chargés de la recherche, de l'industrie et,
bien sûr, de l'environnement et de la santé.
M. Claude Huriet,
rapporteur de la commission des affaires sociales.
Pas de la défense !
(Sourires.)
M. Bernard Kouchner,
ministre délégué à la santé.
Ces tutelles seront précisées dans le décret
pris en application de l'article 4 A.
Le Gouvernement a également décidé de maintenir en dehors du futur IRSN les
activités de contrôle réglementaire qui sont actuellement exercées par l'IPSN
et l'OPRI. Il s'agit là d'un souci de cohérence avec le principe de ne pas
confier au même organisme les fonctions d'exploitation, d'évaluation et de
contrôle. Les activités que mène actuellement l'IPSN dans les domaines relatifs
à la défense et au contrôle du désarmement chimique seront maintenues au sein
du Commissariat à l'énergie atomique. Le décret pris en application de
l'article 4A permettra également de traduire ces décisions du Gouvernement.
Mais, au-delà des structures et de leur organisation, il importe aujourd'hui
de mener une réflexion comparative sur ces différents domaines, sur les
méthodologies retenues comme sur les risques pris en compte. Les actions de
sécurité sanitaire méritent également une évaluation comparative avec les
risques comportementaux majeurs, comme les accidents de la route, les conduites
addictives ou les accidents de la vie domestique.
En effet, les décisions de sécurité sanitaire comportent toujours le risque de
leur disproportion. Elles peuvent même s'avérer contraires aux objectifs
recherchés si elles n'établissent pas une hiérarchie des risques et des moyens
dont dispose la collectivité et qui sont par nature limités. Cette hiérarchie
est nécessaire pour l'application stricte et intransigeante du principe de
précaution - chaque fois qu'un risque est présent ou plausible et que les
conséquences sont graves, durables ou irrémédiables - mais aussi pour
l'affirmation du principe de responsabilité : responsabilité du politique pour
les risques collectifs, responsabilité partagée pour les risques
individuels.
Cette responsabilité partagée suppose un effort majeur de pédagogie du risque
auquel je tiens particulièrement.
Il nous faut assurer l'information des citoyens et permettre l'exercice d'un
droit de choisir : risque acceptable ou inacceptable, ressenti ou objectif. Il
y a place pour une démarche de responsabilité des experts et des hommes
politiques certes, mais aussi des citoyens.
Comment proportionner un danger alimentaire ou un risque sur l'environnement ?
Comment comparer le coût de mesures destinées à réduire un risque hypothétique,
mais potentiellement très grave, à celui de mesures qui viseraient à endiguer
un risque moins grave mais plus probable ? Cela suppose des approches
différenciées et adaptées à chaque secteur. Cette réflexion est d'autant plus
nécessaire que le déploiement de moyens considérables sur certains risques peut
conduire à négliger des risques éventuellement plus menaçants dans d'autres
domaines.
Le Conseil national de sécurité alimentaire a mandaté plusieurs groupes de
travail sur ces sujets. Il rendra plublic la synthèse de ces travaux.
J'organiserai, dans ce cadre, une journée nationale de réflexion sur ce thème,
et l'un des sujets majeurs que je retiendrai sera à l'évidence cette nécessaire
pédagogie du risque.
(Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Claude Huriet,
rapporteur de la commission des affaires sociales.
Monsieur le président,
monsieur le ministre, mes chers collègues, après l'échec de la commission mixte
paritaire sur la proposition de loi tendant à la création d'une agence
française de sécurité sanitaire environnementale, l'Assemblée nationale a
rétabli, le 6 février 2001, son texte en nouvelle lecture.
Les divergences de fond entre l'Assemblée nationale et notre assemblée portent
principalement sur le contenu de la future agence de sécurité sanitaire. Les
débats en commission mixte paritaire se sont cristallisés sur cette question et
celle-ci a échoué sur l'article 2, relatif aux missions et aux moyens de cette
agence.
Au cours de la première comme de la deuxième lecture, la commission a mis en
évidence les défauts de conception et le manque de moyens de la nouvelle
agence, qui jouerait « le rôle de tête de réseau » en « assurant une meilleure
coordination entre les organismes existants » et en fédérant les compétences.
Ce dispositif apparaît inadapté pour plusieurs raisons.
De même que pour la sécurité sanitaire des produits de santé et celle des
aliments avant le vote de la loi du 1er juillet 1998, il manque en France, en
matière de sécurité sanitaire de l'environnement, une véritable instance
d'évaluation des risques susceptible d'éclairer les pouvoirs publics pour
assurer la prévention et la gestion des crises.
Les interactions entre la santé et l'environnement, qu'il soit naturel ou
transformé par l'homme, font intervenir encore plus de facteurs que dans le
domaine alimentaire. Ce simple constat conduit déjà à plaider pour une
structure forte.
En deuxième lieu, les attentes de l'opinion publique auxquelles vous venez de
faire référence à l'instant, monsieur le ministre, sont aussi importantes dans
le domaine des relations entre la santé et l'environnement qu'elles le sont
dans celui de la sécurité sanitaire alimentaire et dans celui de la sécurité
des produits de santé.
En troisième lieu, la future agence devrait avoir vocation à jouer un rôle
majeur à l'échelon européen. Pensez-vous, monsieur le ministre, que la « tête
de réseau » pourra imposer la France comme partenaire auprès des pays de
l'Union européenne, dans un domaine si sensible ?
Le règlement du Conseil européen du 23 mars 1993 a prévu une procédure
d'évaluation des risques sur la sécurité, l'environnement et la santé humaine
pour près de 100 000 substances chimiques existantes et nouvelles
commercialisées en Europe. La tâche est immense même s'il n'est pas nécessaire
de « doublonner » les travaux d'expertise conduits par les industriels
eux-mêmes. La France ne peut demeurer en retrait alors que certains de nos
voisins sont déjà dotés d'organismes puissants et efficaces, tels que
l'Institut national de la santé et de l'environnement hollandais, le RIVM, que
j'ai eu l'occasion de visiter en tant que rapporteur. La visite était
particulièrement instructive et je regrette que certains membres du
Gouvernement n'aient pas pris le temps de se rendre aux Pays-Bas pour voir
quelle pouvait être la dimension d'un organisme puissant susceptible de
répondre aux attentes de l'opinion. On ne se contente pas là d'une simple tête
de réseau !
Enfin, en quatrième lieu, il est essentiel de respecter la cohérence
d'ensemble du dispositif de sécurité sanitaire mis en place par la loi du 1er
juillet 1998, et je remercie M. le ministre d'avoir rappeler comment, dans un
souci de collaboration, par une approche commune des problèmes posés et une
recherche de solutions concertées, nous avons pu en commun apporter des
réponses adéquates. Permettez-moi de déplorer qu'il n'en ait pas été de même
cette fois-ci.
Les deux agences ont chacune été bâties autour d'un « noyau dur », même si
cette démarche, en ce qui concerne l'AFSSA, a parfois rencontré des
résistances, ce qui ne fut pas le fait du ministre délégué à la santé ou de son
administration, je dois le dire.
Suivant la même démarche, le Sénat a proposé de bâtir la future AFSSE à partir
de l'établissement public qui, par sa taille, par les compétences qui lui sont
déjà attribuées et par son expérience, est le mieux à même de fournir un «
socle » adéquat : l'Institut national de l'environnement industriel et des
risques, l'INERIS.
Nous nous sommes efforcés de montrer, au cours de notre deuxième lecture, que
les objections de certaines catégories de personnels de l'INERIS ne tenaient
pas si l'on faisait preuve de volonté.
Le fait que l'INERIS soit doté d'attributions en matière de sécurité
environnementale, et non pas seulement de sécurité sanitaire, apparaît en effet
comme un atout plutôt que comme un handicap, dans la mesure où la bonne
perception du risque sanitaire en matière d'environnement nécessite de prendre
en compte sans restriction tous les facteurs susceptibles d'intervenir. En
outre, comme on l'a vu, les directives européennes plaident pour une conception
large de la mission de la nouvelle agence.
Par ailleurs, les prestations commerciales actuellement assurées par l'INERIS
auprès des entreprises, et dont la Cour des comptes s'est émue, peuvent
progressivement être reconverties ou adaptées, prolongeant ainsi le mouvement
que vous avez vous-même amplifié.
Les questions relatives au statut de droit privé des personnels ne semblent
pas constituer un obstacle dirimant dans la mesure où le législateur est
parfaitement habilité à garantir, en tant que de besoin, le maintien des droits
acquis et même à déroger aux règles traditionnellement imposées par la
jurisprudence au pouvoir réglementaire pour définir le caractère d'un
établissement public.
Le Sénat, au cours de la deuxième lecture, a donc recherché une possibilité de
compromis.
La définition de la mission de la nouvelle agence, utilement précisée avec le
concours précieux - irremplaçable allais-je dire - de notre collègue François
Autain, a été encore complétée afin de recouvrir les risques « directs et
indirects » que les facteurs environnementaux peuvent faire courir à la santé
de l'homme.
Corollaire de cet élargissement d'approche, la dénomination de l'agence
intègre, sans ambiguïté, la notion de « prévention des risques industriels et
chimiques ».
Par ailleurs, il a été garanti au niveau de la loi que les moyens, droits et
obligations de l'INERIS seraient intégralement transférés à la nouvelle agence
afin d'éviter tout risque de découpage artificiel de l'organisme au détriment
des compétences des personnels.
Enfin, le Sénat a explicitement autorisé la nouvelle agence à poursuivre,
pendant trois ans, les activités de prestations aux entreprises actuellement
assurées par l'INERIS, afin de ménager la période de transition nécessaire pour
permettre l'élaboration du nouveau cadre déontologique d'exercice de ces
activités.
La position du Sénat est apparue respectueuse des droits de chacun et je n'en
veux pour preuve que la lettre adressée par le syndicat de l'encadrement de
l'INERIS, le 3 avril, à M. Bernard Kouchner lui demandant son appui. Je cite
quelques passages de cette lettre qui, certainement, vous est parvenue,
monsieur le ministre.
« Nous ne pouvons que faire un constat d'échec sur la création d'une agence
qui aurait dû apporter beaucoup à la population française dans la prévention de
la santé liée à des phénomènes environnementaux.
« Nous ne comprenons pas que l'INERIS ne soit pas intégralement dans la
nouvelle agence dont les objectifs seraient élargis. »
« Nous ne comprenons pas la volonté gouvernementale de créer une troisième
agence aussi réduite sur un sujet aussi vaste. »
Il est donc faux de dire, monsieur le ministre, comme certains membres du
Gouvernement l'ont fait, qu'une opposition des personnels de l'INERIS se
manifestait à l'encontre de la proposition sénatoriale ; acte doit nous en être
donné.
Notre démarche est sans doute celle qui protège le mieux les personnels de
l'INERIS d'un risque de démantèlement, car la période dans laquelle nous
entrons, période de préparation d'un nouveau rapport sur la rationalisation du
système d'expertise dans le domaine de la sécurité environnementale, ne protège
pas totalement l'INERIS d'un risque de « dépeçage ».
Enfin, la démarche suivie par le Gouvernement pour la création de l'Institut
de radioprotection et de sûreté nucléaire, l'IRSN, à partir de la fusion de
deux organismes existants, suffirait à montrer que celui-ci n'hésite pas, à
l'occasion, à restructurer en profondeur des établissements publics, quelles
que soient les contraintes ou les inquiétudes qui en résultent pour les
personnels.
Concernant l'IRSN, qui constitue en quelque sorte un deuxième volet à ce
texte, volet qui n'était d'ailleurs pas prévu dans la proposition de loi, le
Sénat a accepté le principe de la fusion entre l'Office de protection contre
les rayonnements ionisants et l'Institut de protection et de sûreté
nucléaire.
Comme l'ont souligné plusieurs de nos collègues membres de la commission des
affaires économiques, la mesure aurait dû être examinée lors de la discussion
du « projet de loi relatif à l'information en matière nucléaire, à la sûreté et
à la protection contre les rayonnements ionisants ». D'ailleurs, l'intitulé
même de ce projet de loi montre que c'est dans ce dernier, et non dans celui
dont nous délibérons ce soir - vous avez dit tout à l'heure, monsieur le
ministre, que cette restructuration faisait écho à certaines propositions du
rapport Le Déaut, lequel date de 1998 -, qu'il eût été logique de faire figurer
ces propositions.
Je précise que le secrétaire d'Etat à l'industrie a confirmé, le 29 mars dans
cet hémicycle, le dépôt dans les prochains mois de ce texte autrement
ambitieux.
Par ailleurs, le Sénat a procédé à l'adoption de deux amendements concernant
deux problèmes particuliers, sur l'initiative de nos collègues membres du
groupe d'études sur l'énergie, présidé par M. Henri Revol, ainsi que des
membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Concernant les activités de recherche en sûreté sur les réacteurs, qui
garantissent la fiabilité des futures centrales nucléaires, le Sénat a estimé
qu'elles devaient continuer à ressortir aux activités de recherche conduites
par le CEA.
S'agissant par ailleurs des ministères de tutelle, le Sénat a souhaité que
lesdites activitées soient inscrites dans la loi de manière analogue à ce qui
est prévu dans la proposition de loi pour l'AFSSE. Il a donc indiqué que le
futur IRSN serait placé sous la tutelle conjointe de quatre ministères, à
savoir ceux de l'industrie, de la défense, de l'environnement et de la
santé.
L'Assemblée nationale, en nouvelle lecture, a tenu à revenir intégralement à
son texte de deuxième lecture, y compris en rejetant les quelques amendements
sénatoriaux qui avaient fait l'objet d'un avis favorable ou de sagesse, de la
part du Gouvernement, concernant la définition des missions de l'agence et son
rôle d'appui technique et scientifique.
S'agissant de l'IRSN, la situation apparaît particulièrement paradoxale en ce
qui concerne la définition des tutelles puisqu'on nous affirme qu'elles ont été
tranchées par arbitrage tout en refusant de transcrire cet arbitrage dans la
loi, montrant ainsi que celui-ci est bien précaire.
La commission mixte paritaire a échoué, dans un climat qui contrastait, aux
yeux de chacun d'entre nous, avec le climat consensuel de travail en commun -
je l'ai évoqué après vous-même, monsieur le ministre - qui avait présidé à
l'élaboration de la loi du 1er juillet 1998.
J'avais vu un signe positif dans le fait que, à l'issue de notre deuxième
lecture, Mme la ministre ait dit espérer de tout coeur que l'on arrive à
dégager une solution qui, quelle qu'elle soit, permettrait la mise en place de
l'agence dans les meilleurs délais.
Cette proposition de loi nous offrait l'occasion de franchir une étape
importante en érigeant une agence de sécurité sanitaire environnementale digne
de ce nom et qui ne soit pas seulement une « coquille vide ».
Aussi, je ne peux que regretter que, à deux reprises, lorsque des voix
soutenant la majorité gouvernementale exprimaient une divergence à propos d'un
refus de compromis, des suspensions de séance aient été demandées, chacune
aboutissant à un retour strict à la « discipline de groupe ».
J'ai ainsi proposé que l'appellation d'« institut » soit substituée dans un
premier temps à celle d'« agence », et ce dans l'attente du rapport, déjà prévu
dans la proposition de loi elle-même, qui doit déterminer de manière définitive
le contour des futurs transferts d'organismes et de laboratoires. Il s'agit de
l'article 3, selon lequel l'Agence française de sécurité sanitaire
environnementale remet au Gouvernement, dans un délai de deux ans à compter de
l'entrée en vigueur de la loi, un rapport sur la rationalisation du système
national d'expertise dans son domaine de compétence.
Monsieur le ministre, je vous fais confiance, à vous personnellement. Mais la
démarche suivie actuellement en ce qui concerne la révision des lois dites de
bioéthique de 1994 constitue un précédent qui me laisse pensif, voire
dubitatif. En effet, le législateur avait exprimé sa volonté et le Premier
ministre avait pris un engagement lors de la séance d'ouverture des journées
publiques du Comité consultatif national d'éthique, engagement aux termes
duquel le conseil des ministres devait être saisi, avant la fin du mois de
mars, d'un projet de loi visant à modifier la loi de 1994, afin que le
Parlement puisse commencer à en débattre au cours du deuxième trimestre 2001.
Or nous sommes à la mi-avril et personne, pas plus M. le Premier ministre qu'un
autre membre du Gouvernement, ne rappelle cet engagement. Je doute, dès lors,
que celui-ci pourra être tenu.
Voilà pourquoi, monsieur le ministre, je suis de plus en plus sceptique quant
à la capacité ou à la volonté du Gouvernement - sauf changement politique
intervenant d'ici là - de tenir le rendez-vous que, deux ans auparavant, il
aura lui-même proposé de faire figurer dans la loi.
En commission mixte paritaire, l'amendement lui-même a bien été adopté dans un
premier temps ; toutefois, après une suspension de séance demandée par M. Jean
Le Garrec, le vote définitif sur le texte modifié de l'article 2 n'a pas
recueilli de majorité, ce qui témoigne de la volonté de faire échouer la
commission mixte paritaire.
Le refus du compromis est d'autant plus flagrant que la proposition de loi
inclut un nouvel organisme en matière de radioprotection et de sûreté nucléaire
qualifié lui-même d'Institut ; M. Aschieri, rapporteur du texte à l'Assemblée
nationale, admet au demeurant - il a répondu affirmativement à la question que
je lui posais à ce sujet - que la création de l'IRSN préfigure bien celle d'une
« quatrième agence » de sécurité sanitaire chargée du nucléaire. La démarche en
deux étapes ne s'applique donc pas dans tous les cas.
Par ailleurs, on ne peut que regretter que nos collègues de l'Assemblée
nationale aient confirmé que la future « Agence » de sécurité sanitaire
environnementale ne prendrait pas en considération le risque lié aux ondes
électromagnétiques, alors que l'on connaît l'importance que revêt ce risque
pour nos concitoyens.
Ce comportement contraste donc bien avec ce que nous avons vécu voilà quelques
années.
Il convient de rappeler qu'en septembre 1997 le Gouvernement de M. Lionel
Jospin avait accepté l'inscription à l'ordre du jour prioritaire des deux
assemblées de la proposition de loi relative au renforcement de la veille
sanitaire et du contrôle de la sécurité sanitaire des produits destinés à
l'homme, issue des travaux de notre commission menés par Charles Descours et
moi-même, et déposée le 22 avril 1997, au moment où le gouvernement de M. Alain
Juppé était en fonctions.
A l'époque, M. Hervé Gaymard, alors secrétaire d'Etat à la sécurité sociale,
avait approuvé les propositions sénatoriales, ce qui ne devait pas vous
empêcher, monsieur le ministre, alors que vous étiez devenu secrétaire d'Etat à
la santé, de les reprendre pour en faire la base de discussion entre le Sénat
et l'Assemblée nationale.
S'agissant de la discussion elle-même, malgré des divergences parfois fortes
entre l'Assemblée nationale et le Sénat, notamment sur la nature des pouvoirs
de contrôle et d'inspection qui devaient être attribués à l'AFSSA, la
commission mixte paritaire réunie le 12 mai 1998 devait finalement réussir dans
un esprit très constructif.
Autres temps, autres moeurs...
Trois ans après, force est de constater que le climat a changé. Le
Gouvernement se montre plus soucieux d'afficher la création d'une nouvelle
agence que de lui donner les moyens d'avoir une réelle autorité.
Je ne peux qu'être frappé par la modicité des moyens prévus pour la future
agence : 38 millions de francs, avez-vous dit, avec création de quelques
dizaines d'emplois. Incluez-vous, monsieur le ministre, dans les quarante
emplois créés, les emplois qui seront détachés de l'INERIS, ce qui constitue, à
l'évidence, le début d'un dépeçage. Votre réponse m'intéressera.
J'ajoute que, comme le souligne notre collègue Philippe Adnot, à la suite d'un
récent contrôle, l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie,
l'ADEME, dispose de près de 2 milliards de francs de trésorerie inutilisés par
suite de défaut de prévision et d'un surdimensionnement volontaire des crédits.
D'une part, cela montre bien qu'il existe déjà une agence qui a une vocation en
matière d'environnement, même si ses attributions sont quelque peu différentes
et, d'autre part, cela permet de rapprocher ces 2 milliards de francs de
trésorerie des 37 millions de francs accordés « généreusement » par le
Gouvernement dans la loi de finances pour 2001.
Faute d'une volonté de répondre en profondeur à la réalité des enjeux, le
nouveau dispositif apparaît pour ce qu'il est : un collège d'experts
supplémentaire qui alourdira les structures administratives sans les améliorer.
En matière d'environnement, la réforme de la sécurité sanitaire sera une
réforme en trompe-l'oeil !
Je vous proposerai donc, mes chers collègues, de rétablir les amendements
adoptés par notre assemblée en deuxième lecture, laissant ainsi encore une
chance à l'Assemblée nationale de choisir une meilleure solution.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et
de l'Union centriste.)
M. le président.
La parole est à M. Fischer.
M. Guy Fischer.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, depuis de
nombreux mois, nous débattons, sans parvenir à un accord, de la création d'une
Agence française de sécurité sanitaire environnementale. Quand tous les
éléments semblaient réunis pour obtenir, dans des délais acceptables,
l'adoption rapide d'un texte permettant la création de cette agence, de
multiples obstacles sont apparus, notamment dans la définition du périmètre de
compétence de cette dernière.
A présent, pour notre groupe, deux obstacles subsistent : d'une part,
l'intégration au sein de l'AFSSE de l'Institut national de l'environnement
industriel et des risques l'INERIS ; d'autre part, le débat sur le champ des
compétences et des tutelles de l'Institut de radioprotection et de sûreté
nucléaire, qui résulterait de la fusion de l'Office de protection contre les
rayonnements ionisants et de l'Institut de protection et de sûreté nucléaire ;
sur ce dernier point, nous préférons la rédaction proposée par notre Haute
Assemblée.
Les difficultés surgies de ce texte résultent d'une insuffisance de débat sur
des enjeux extrêmements importants pour notre pays.
Ainsi, l'absence d'accord s'agissant du périmètre des compétences de
l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire révèle combien un débat
est nécessaire sur le nuclèaire dans notre pays, notamment sur son utilisation
énergétique.
Comme nous l'indiquions lors de la deuxième lecture de ce texte, il n'est pas
acceptable que ce qui relève de la sûreté nucléaire ne fasse pas l'objet d'un
débat associant l'ensemble des acteurs de la filière et le Parlement, mais
aussi, plus largement, tous nos concitoyens. Les vides du texte concernant les
tutelles de l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire révèlent
l'absence de transparence sur cette question.
Enfin, le transfert de l'Institut national de l'environnement industriel et
des risques nous semble bien précipité et nous préférerions que cette décision
intervienne à l'issue de la mise en place de la future Agence française de
sécurité sanitaire environnementale.
Compte tenu des éléments qui précèdent, le groupe communiste républicain et
citoyen s'abstiendra sur le texte qui nous est proposé en souhaitant qu'un
accord intervienne dans les meilleurs délais, afin de doter notre pays d'un
instrument que nous souhaitons efficace dans le domaine de la sécurité
sanitaire environnementale.
L'actualité apporte chaque jour la preuve qu'il est plus que jamais nécessaire
d'oeuvrer à une meilleure investigation en matière de risques, notamment de
risques sanitaires liés à l'environnement. Aussi souhaitons-nous la mise en
place de cette agence dans les meilleures délais.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion des articles.
Je rappelle que, aux termes de l'article 42, alinéa 10, du règlement, à partir
de la deuxième lecture au Sénat des projets ou propositions de loi, la
discussion des articles est limitée à ceux pour lesquels les deux chambres du
Parlement n'ont pas encore adopté un texte identique.
TITRE Ier
SÉCURITÉ, VEILLE
ET ALERTE SANITAIRES ENVIRONNEMENTALES
TITRE II
AGENCE FRANÇAISE
DE SÉCURITÉ SANITAIRE ENVIRONNEMENTALE
M. le président.
Par amendement n° 1, M. Huriet, au nom de la commission, propose :
I. - Dans l'intitulé de cette division, de remplacer le mot : «
environnementale », par les mots : « de l'environnement et de prévention des
risques industriels et chimiques ».
II. - En conséquence, dans l'ensemble des autres dispositions de la
proposition de loi, de remplacer les mots : « Agence française de sécurité
sanitaire environnementale » par les mots : « Agence française de sécurité
sanitaire de l'environnement et de prévention des risques industriels et
chimiques ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Claude Huriet,
rapporteur.
En nouvelle lecture, l'Assemblée nationale a rétabli la
dénomination de l'agence adoptée par elle en première lecture.
La commission propose de rétablir, dans cet intitulé et dans l'ensemble de la
proposition de loi, la dénomination adoptée par le Sénat en deuxième lecture :
« Agence française de sécurité sanitaire de l'environnement et de prévention
des risques industriels et chimiques » ; elle permet de mettre l'accent sur
toutes les composantes de l'action de la future agence, en cohérence avec les
missions actuelles de l'INERIS.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Bernard Kouchner,
ministre délégué.
La création de cette agence vise à combler un vide du
dispositif de veille sanitaire. En matière de risques liés à l'environnement la
dénomination retenue jusqu'ici pour cette agence renvoie explicitement aux
missions générales qui découlent de ce constat : assurer la sécurité sanitaire
dans le domaine de l'environnement. Ajouter la prévention des risques
industriels et chimiques brouille le message concernant les fonctions de cette
nouvelle agence, d'autant plus que je ne suis pas d'accord pour intégrer ces
fonctions dans les missions de la nouvelle agence ; j'y reviendrai lors de la
discussion des amendements portant sur les missions. C'est pourquoi je suis
défavorable à cet amendement.
M. Claude Huriet,
rapporteur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Claude Huriet,
rapporteur.
Monsieur le ministre, j'ai bien entendu votre réponse, qui ne
me surprend pas. Toutefois, je souhaiterais que vous précisiez les intentions
ou les contre-propositions du Gouvernement permettant de répondre à un objectif
qui, à nos yeux, n'est pas sur le point d'être atteint, à savoir la prévention
des risques industriels et chimiques. Qui a ou va avoir en charge la prévention
des risques industriels et chimiques, puisque vous avez confirmé à l'instant
qu'elle n'entrait pas dans les attributions de la future agence ?
M. Bernard Kouchner,
ministre délégué.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Bernard Kouchner,
ministre délégué.
Je réponds avec plaisir à M. le rapporteur : pour le
moment, le rôle de prévention est dévolu à l'INERIS. Cela paraît clair.
(M.
le rapporteur sourit.)
M. le président.
Monsieur le rapporteur, êtes-vous satisfait par la réponse de M. le ministre
?
M. Claude Huriet,
rapporteur.
Je suis moyennement satisfait. En effet, la réponse de M. le
ministre apporte, à l'évidence, de l'eau à mon moulin. Si l'INERIS a bien cette
attribution, M. le ministre devrait reconnaître, en son for intérieur tout au
moins, qu'en toute logique l'INERIS doit entrer dans l'agence.
M. Bernard Kouchner,
ministre délégué.
Je reconnais que mon for intérieur tremble.
(Sourires.)
M. le président.
Mais le for est solide !
(Nouveaux sourires.)
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 1, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, l'intitulé du titre II est ainsi modifié.
Article 2
M. le président.
« Art. 2. - I. -
Non modifié
.
« II. - Dans le titre III du livre III de la première partie du code de la
santé publique, après le chapitre V, il est inséré un chapitre V-1 ainsi rédigé
:
« Chapitre V-1
« Agence française
de sécurité sanitaire environnementale
«
Art. L. 1335-3-1
. - L'Agence française de sécurité sanitaire
environnementale est un établissement public de l'Etat placé sous la tutelle
des ministres chargés de l'environnement et de la santé.
« Dans le but d'assurer la protection de la santé humaine, l'agence a pour
mission de contribuer à assurer la sécurité sanitaire dans le domaine de
l'environnement et d'évaluer les risques sanitaires liés à l'environnement.
« Elle a pour vocation de fournir au Gouvernement, par tout moyen, l'expertise
et l'appui scientifique et technique nécessaires à l'élaboration et à la mise
en oeuvre des dispositions législatives et réglementaires, y compris les
mesures d'adaptation au droit applicable dans les départements d'outre-mer, des
règles communautaires et des accords internationaux relevant de son domaine de
compétence, et instruit, pour son compte et sous l'autorité du directeur
général, les dossiers que le Gouvernement lui confie.
« Elle procède ou fait procéder à toute expertise, analyse ou étude
nécessaires, en prenant appui sur les services et établissements publics
compétents, avec lesquels elle noue des relations contractuelles de partenariat
durable.
« Un décret en Conseil d'Etat fixe la liste des établissements publics de
l'Etat qui apportent leur concours permanent à l'agence. Dans un délai d'un an
au plus tard après la publication de la loi n° du créant une Agence
française de sécurité sanitaire environnementale, chacun de ces établissements
négocie avec l'agence la mise à la disposition de celle-ci de ses compétences
et moyens d'action.
« Le rapport prévu à l'article 3 de la loi n° du précitée rend compte en
particulier de la mise en place de ces conventions de concours permanent.
« Ce décret en Conseil d'Etat fixe également les modalités selon lesquelles
l'agence coordonne et organise les missions d'évaluation conduites par les
autres organismes intervenant dans son champ de compétence.
« Pour l'accomplissement de ses missions, l'agence s'assure du concours
d'organismes publics ou privés de recherche ou de développement, d'universités
ou d'autres établissements d'enseignement supérieur, de collectivités
territoriales ou de personnes physiques. De même, elle s'assure de tout
concours nécessaire pour définir et financer des programmes de recherche
scientifique et technique ou inciter à leur développement.
«
Art. L. 1335-3-2 à L. 1335-3-5
. -
Non modifiés.
»
Par amendement n° 2, M. Huriet, au nom de la commission, propose, après les
mots : « les risques sanitaires », de rédiger comme suit la fin du deuxième
alinéa du texte présenté par le II de cet article pour l'article L. 1335-3-1 du
code de la santé publique : « directs et indirects de nature physique, chimique
ou biologique relatifs à l'environnement naturel, professionnel et domestique.
»
La parole est à M. le rapporteur.
M. Claude Huriet,
rapporteur.
Cet amendement vise à rétablir la définition précise et
exhaustive des missions de l'agence que le Sénat a élaborée au cours des
deuxprécédentes lectures à partir d'un amendement de M. François Autain et des
membres du groupe socialiste. Cet amendement avait d'ailleurs reçu un avis de
sagesse du Gouvernement. On ne peut qu'être surpris qu'il ait fait l'objet de
la « commission de la hache » qu'a constituée la commission mixte paritaire,
qui a finalement échoué.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Bernard Kouchner,
ministre délégué.
Je considère que la formulation adoptée par l'Assemblée
nationale est pleinement satisfaisante, car elle est suffisamment générale pour
ne pas exclure
a priori
un domaine auquel nous n'aurions pas pensé. Mme
Dominique Voynet avait cependant émis un avis favorable sur l'amendement
proposé par M. Autain, le 4 octobre dernier, car la liste proposée présentait
un caractère suffisamment large pour permettre d'éviter cet écueil. Ce qui
importe, en effet, c'est que le champ d'intervention de l'agence ne soit pas
défini de façon trop restrictive. L'amendement que vous me proposez me semble,
lui aussi, suffisamment large. Je m'en remets donc à la sagesse du Sénat.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 2, pour lequel le Gouvernement s'en remet à
la sagesse du sénat.
Mme Gisèle Printz.
Le groupe socialiste s'abstient.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Par amendement n° 3, M. Huriet, au nom de la commission, propose de compléter
le troisiène alinéa du texte présenté par le II de l'article 2 pour l'article
L. 1335-3-1 du code de la santé publique par la phrase suivante : « L'agence
peut également fournir une expertise et un appui technique et scientifique pour
la mise en oeuvre des mesures prévues notamment par les livres II et V du code
de l'environnement. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Claude Huriet,
rapporteur.
Cet amendement vise à réablir la précision introduite pour
permettre à la nouvelle agence, en cohérence avec la mission impartie
actuellement à l'INERIS, de fournir une aide et un appui techniques au
Gouvernement pour l'application de diverses dispositions du code de
l'environnement. Cet amendement avait donné lieu à un avis de sagesse du
Gouvernement.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Bernard Kouchner,
ministre délégué.
Persister dans la sagesse ne peut pas m'être reproché !
Bien que cet amendement me paraisse un peu redondant, je reste sage.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 3, pour lequel le Gouvernement s'en remet à
la sagesse du Sénat.
Mme Gisèle Printz.
Le groupe socialiste vote contre.
M. Guy Fischer.
Le groupe communiste républicain et citoyen également.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Par amendement n° 4, M. Huriet, au nom de la commission, propose, après le
quatrième alinéa du texte présenté par le II de l'article 2 pour l'article L.
1335-3-1 du code de la santé publique, d'insérer deux alinéas ainsi rédigés
:
« Un décret en Conseil d'Etat prévoit les conditions dans lesquelles les
moyens, droits et obligations de l'Institut national de l'environnement
industriel et des risques sont transférés intégralement à l'agence.
« Il garantit le maintien des droits des personnels de cet établissement tels
qu'ils résultent du code du travail. Ces personnels conservent le bénéfice de
leur contrat de travail de droit privé ainsi que leur régime de retraite
complémentaire et de prévoyance. Une commission paritaire consultative assure
le suivi des droits des personnels transférés. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Claude Huriet,
rapporteur.
Cet amendement vise à garantir le transfert intégral de
l'INERIS à la future agence, en protégeant les salariés en poste, qui
conserveront leur statut de droit privé et leurs avantages complémentaires. Cet
amendement avait traduit le souci du Sénat, d'un bout à l'autre de son apport à
ce texte, de préserver les droits acquis des personnels afin d'éviter la
critique, qui, pourtant, ne lui a pas été épargnée, de faire totalement
abstraction de l'intérêt des personnels de l'INERIS.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Bernard Kouchner,
ministre délégué.
Comme vous le savez, le Gouvernement n'est pas
favorable à l'intégration totale de l'INERIS dans l'agence. L'expertise de
l'INERIS est, en effet, indispensable au Gouvernement quand il s'agit d'évaluer
des risques qui ne sont pas de la compétence de la future agence.
Cette intégration ne serait pas non plus une solution satisfaisante pour
l'agence française de sécurité sanitaire environnementale elle-même, qui doit
disposer
a priori
de moyens lui permettant d'aborder tous les milieux
sans en privilégier aucun.
Dans cette perspective, le législateur doit avoir le souci d'ouvrir au maximum
le champ d'investigation de l'agence, en anticipant sur les sujets nouveaux
dont elle pourrait être amenée à se saisir. Seule une agence jouant le rôle de
tête de réseau peut drainer l'ensemble des capacités d'expertise qui
interviennent déjà dans la décision publique. Cette tâche de coordination entre
les organismes existants qui doit être pleinement efffective nécessite un
décret d'application. Celui-ci mettra en évidence le premier cercle
d'organismes qui, de par leur activité, auront vocation à apporter une
expertise permanente. Le Gouvernement est donc défavorable à cet amendement.
Je rappelle cependant les conditions dans lesquelles Mme Voynet a été amenée à
préciser les moyens qui, aujourd'hui, à l'INERIS, sont d'ores et déjà affectés
à des sujets relevant de la compétence de la future agence. Deux laboratoires
de l'INERIS travaillent actuellement sur ces questions, ce qui représente
vingt-cinq personnes et vingt-deux millions de francs de crédit. Ces vingt-cinq
personnes que j'évoquais et les budgets correspondants pourront être engagés de
façon plus claire aux côtés de l'agence par le biais d'une convention. On peut
imaginer aussi que des laboratoires de l'Institut national de la recherche
agronomique, l'INRA, de l'Institut national de la santé et de la recherche
médicale, l'INSERM, et de l'Institut français de recherche pour l'exploitation
de la mer, l'IFREMER, puissent connaître le même sort. Il est nécessaire que
l'agence puisse disposer de moyens importants et mobiliser, en tant que de
besoin, des experts qui ne devront pas considérer que la commande de l'agence
en est une parmi d'autres traitée en fonction des desiderata des uns et des
autres. Il devrait s'agir d'une mission privilégiée, prioritaire, définie sur
la base d'un contrat.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 4, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 2, modifié.
(L'article 2 est adopté.)
Article 2 bis A
M. le président.
L'article 2
bis
A a été supprimé par l'Assemblée nationale.
Mais, par amendement n° 5, M. Huriet, au nom de la commission, propose de le
rétablir dans la rédaction suivante :
« Par dérogation à l'article L. 1335-3-5 du code de la santé publique, pendant
une durée de trois ans à compter de la publication de la présente loi, l'Agence
française de sécurité sanitaire de l'environnement et de prévention des risques
industriels et chimiques peut bénéficier au titre de ses ressources du produit
des rémunérations pour services rendus d'expertise et d'essais en matière de
risques industriels et chimiques. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Claude Huriet,
rapporteur.
C'est à la suite de la suppression intervenue à l'Assemblée
nationale que nous proposons, par cet amendement, de permettre à la future
agence, constituée à partir de l'INERIS, de continuer à percevoir pendant une
durée de trois ans des rémunérations au titre des expertises et essais
effectués pour le compte des entreprises.
Nous ne doutons pas de la position du Gouvernement. Si, comme on peut s'y
attendre, elle est négative, quelle suite le Gouvernement envisage-t-il de
réserver aux observations, à nos yeux tout à fait pertinentes, de la Cour des
comptes concernant l'INERIS ?
M. Emmanuel Hamel.
Elles sont toujours pertinentes !
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement.
M. Bernard Kouchner,
ministre délégué.
S'agissant de la pertinence des avis de la Cour des
comptes, je ne me prononcerai pas, sauf à dire que je respecte infiniment cette
institution. Nous tiendrons bien sûr largement compte de ses observations.
M. le président.
M. Emmanuel Hamel a satisfaction !
M. Bernard Kouchner,
ministre délégué.
Cela étant dit, n'oubliez pas que je suis défavorable
au retour de l'intégration de l'INERIS dans l'agence.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 5.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, l'article 2
bis
A est rétabli dans cette rédaction.
Article 3
M. le président.
« Art. 3. - L'Agence française de sécurité sanitaire environnementale remet au
Gouvernement, dans un délai de deux ans à compter de l'entrée en vigueur de la
présente loi, un rapport sur la rationalisation du système national d'expertise
dans son domaine de compétence. » -
(Adopté.)
TITRE III
DISPOSITIONS DIVERSES
Article 4 A
M. le président.
« Art. 4 A. - L'Office de protection contre les rayonnements ionisants et
l'Institut de protection et de sûreté nucléaire sont réunis au sein d'un
établissement public industriel et commercial dont le personnel est régi par
les dispositions du code du travail, dénommé Institut de radioprotection et de
sûreté nucléaire.
« Un décret en Conseil d'Etat détermine les modalités du transfert de ces
organismes et le statut du nouvel établissement public. Il précise quelles
sont, parmi les missions exercées par les deux organismes réunis, celles qui
doivent revenir à l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire.
« Dans un délai de trois ans à compter de la date d'entrée en vigueur du
décret prévu à l'alinéa précédent, les agents contractuels de droit public de
l'Office de protection contre les rayonnements ionisants transférés à
l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire optent entre le maintien
de leur contrat de droit public ou l'établissement d'un contrat de droit
privé.
« Les personnels transférés à l'Institut de radioprotection et de sûreté
nucléaire sont électeurs et éligibles au conseil d'administration et aux
instances représentatives du personnel prévues au code du travail.
« Les personnels, collaborateurs occasionnels et membres des conseils et
commissions de l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire sont tenus,
sous peine des sanctions prévues à l'article 226-13 du code pénal, de ne pas
divulguer les informations liées aux données dosimétriques individuelles
auxquelles ils ont accès.
« Les personnels, collaborateurs occasionnels et membres des conseils et
commissions de l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire adressent
au directeur général de l'institut, à l'occasion de leur nomination ou de leur
entrée en fonction, une déclaration mentionnant leurs liens, directs ou
indirects, avec les entreprises ou organismes dont l'activité entre dans le
champ de compétence de l'institut. Cette déclaration est actualisée à leur
initiative. »
Sur l'article, la parole est à M. Revol.
M. Henri Revol.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, j'ai tenu à
prendre brièvement la parole sur l'article 4 A de la présente proposition de
loi afin d'insister sur toute l'importance que mes collègues et moi-même,
membres du groupe d'études de l'énergie, que j'ai l'honneur de présider,
attachons à ce texte, qui, selon moi, ne méritait pas de figurer comme simple
cavalier législatif dans une proposition de loi consacrée à l'Agence française
de sécurité sanitaire environnementale.
Comme l'a fort justement souligné notre excellent rapporteur, M. Huriet, on
nous avait en effet annoncé un projet de loi sur la transparence dans le
domaine nucléaire, puisant, comme vous l'avez rappelé, monsieur le ministre,
dans le rapport de M. Jean-Yves Le Déaut, en date du 7 juillet 1998. Le sort de
l'IPSN et de l'OPRI devait y être largement traité et débattu. Monsieur le
ministre, votre collègue M. Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie, annonce
inlassablement depuis trois ans la sortie imminente de ce texte en disant :
dans deux mois vous l'aurez, il va sortir. Or, on ne voit rien venir, sauf ce
cavalier.
Mais puisque ce cavalier est là, comme le cheval à côté de l'alouette - c'est
à peu près la proportion entre le budget de l'AFSSE et les budgets de l'IPSN et
de l'OPRI - je souhaite, en particulier, souligner notre double souci de donner
au Commissariat à l'énergie atomique les moyens de poursuivre dans de bonnes
conditions ses recherches en matière de sûreté des réacteurs nucléaires et de
définir dans la loi les modalités de la tutelle qui s'exercera sur le nouvel
organisme : l'IRSN.
C'est pourquoi je me réjouis que notre commission des affaires sociales ait,
sur la proposition de son rapporteur, adopté un amendement visant à rétablir
cet article dans la rédaction votée par le Sénat en deuxième lecture. Je
souhaite que notre assemblée adopte cet amendement dans quelques instants.
M. le président.
Par amendement n° 6, M. Huriet, au nom de la commission, propose, dans le
premier alinéa de l'article 4 A, après les mots : « protection et de sûreté
nucléaire », d'insérer les mots : « , à l'exception de ses activités de
recherche en sûreté sur les réacteurs, ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Claude Huriet,
rapporteur.
Cet amendement vise à exclure du champ d'intervention du
futur IRSN la recherche en sûreté sur les réacteurs nucléaires, qui demeurerait
donc sous la responsabilité du Commissariat à l'énergie atomique. Cela va dans
le sens de l'intervention que vient de faire notre collègue M. Revol.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Bernard Kouchner,
ministre délégué.
Monsieur Revol, j'ai bien entendu ce que vous avez dit,
concernant cette loi de transparence, nécessaire.
S'agissant de l'amendement n° 6, la recherche de l'IPSN porte non pas sur les
réacteurs, mais sur la sûreté, la radioécologie et la radioprotection.
L'individualisation, décidée en 1976 et confirmée par tous les gouvernements
successifs, d'un institut spécifique à l'intérieur du CEA visait à rendre
autonome un ensemble cohérent allant de la recherche à l'expertise. Le rapport
de M. Le Déaut confirme la justesse de cette approche et propose de la
compléter par le rapprochement de l'OPRI et de l'IPSN en un établissement
indépendant du CEA.
Vouloir revenir en partie sur ces orientations serait, à notre avis, un retour
en arrière en ce qui concerne la maîtrise du risque et la qualité de
l'expertise française en ces domaines. Bien entendu, la responsabilité
d'exploitant nucléaire des réacteurs de recherche dédiés à la sûreté restera au
CEA, comme c'est le cas des installations de Technicatom.
Par ailleurs, des conventions seront établies entre le CEA et l'IRSN pour la
conduite en commun de certains programmes de recherche.
Aussi, le Gouvernement est défavorable à cet amendement.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 6, repoussé par le Gouvernement.
Mme Gisèle Printz.
Le groupe socialiste vote contre.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Par amendement n° 7, M. Huriet, au nom de la commission, propose de compléter
in fine
le premier alinéa de l'article 4 A par une phrase ainsi rédigée
: « L'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire est placé sous la
tutelle conjointe des ministères de l'industrie, de la défense, de
l'environnement et de la santé. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Claude Huriet,
rapporteur.
Cet amendement détermine une liste de quatre ministères de
tutelle pour le futur IRSN : les ministères de l'industrie, de la défense, de
l'environnement et de la santé.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Bernard Kouchner,
ministre délégué.
Défavorable.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 7, repoussé par le Gouvernement.
Mme Gisèle Printz.
Le groupe socialiste vote contre.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 4 A, modifié.
(L'article 4
A
est adopté.)
Article 5
M. le président.
« Art. 5. - Aux articles L. 221-1, L. 221-6 et L. 222-7 du code de
l'environnement, les mots : "du Conseil supérieur d'hygiène publique de France"
sont remplacés par les mots : "de l'Agence française de sécurité sanitaire
environnementale". » -
(Adopté.)
Les autres dispositions de la proposition de loi ne font pas l'objet de la
nouvelle lecture.
Vote sur l'ensemble
M. le président.
Avant de mettre aux voix l'ensemble de la proposition de loi, je donne la
parole à Mme Printz pour explication de vote.
Mme Gisèle Printz.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, améliorer
notre dispositif de sécurité sanitaire par la création d'une nouvelle agence
chargée de la sécurité sanitaire environnementale apparaît aujourd'hui comme un
impératif incontournable.
En effet, les interactions entre la santé de l'homme et l'environnement ne
sont plus à démontrer. Tout concourt désormais à une prise de conscience
collective des risques environnementaux et à une inquiétude bien légitime de la
population.
L'actualité récente, avec son lot de crises environnementales, et nos lacunes
évidentes en matière de connaissance et d'évaluation de ces risques rendent
chaque jour plus pressante la mise en place d'un dispositif adéquat afin de
prévenir comme de prémunir.
Cependant, bien que nous nous accordions tous sur la nécessité de compléter
dans le champ de l'environnement notre dispositif de sécurité sanitaire, nous
en sommes encore, après deux lectures et l'échec d'une commission mixte
paritaire, à tergiverser sur les meilleurs moyens d'y parvenir.
Certes, je ne peux nier sans mauvaise foi les conciliations nées des
divergences ni l'apport des navettes successives, la création de l'IRSN en est
d'ailleurs l'exemple le plus significatif. Mais je crois qu'il convient
maintenant de raisonner en termes d'urgence et d'efficacité.
En ce qui concerne le contenu de la future agence, il peut sembler à première
vue extrêmement séduisant d'y intégrer l'INERIS en tant que noyau dur, comme le
CNEVA l'avait été pour l'AFSSA. Mais si nous ne voulons pas que notre agence
santé-environnement devienne une agence environnement-santé, il faudra
nécessairement orienter petit à petit les compétences de ce modeste organisme,
presque exclusivement centré sur la sécurité environnementale et limité aux
seuls risques industriels, afin de développer la partie sanitaire. Cela
signifie également qu'il faudra procéder à un aménagement statutaire de la
structure et de son personnel.
Non seulement tout cela prendra du temps, mais il n'est pas dit pour autant
que, par cette intégration, l'agence gagnera en efficacité. En effet, si nous
voulons une agence dotée d'un champ de compétence le plus large possible, afin
de répondre à des facteurs multiples touchant à une variété de milieux, nous
devons absolument éviter d'orienter dès le départ l'agence vers des risques
spécifiques au détriment de tous les autres.
En outre, compte tenu du caractère hétérogène et incohérent des organismes qui
interviennent à différents niveaux dans le domaine de l'environnement, notre
priorité doit être d'ordonner et d'organiser l'existant en vue d'une efficacité
optimale.
C'est pourquoi il est essentiel que le rôle premier de la nouvelle agence soit
celui de coordinateur en matière de sécurité sanitaire environnementale. Elle
doit donc être un moteur pour le renforcement de la recherche en ce domaine.
Cela n'exclut pas qu'une fois le système national d'expertise rationalisé, elle
puisse intégrer en son sein plusieurs de ces organismes.
Enfin, s'agissant des compétences de l'Institut de radioprotection et de
sûreté nucléaire, à un moment où il apparaît de plus en plus inopportun de
distinguer le contrôle de la sûreté des installations nucléaires et celui de
leur incidence sur la santé, il semble nécessaire de privilégier des domaines
de recherche plus larges et indépendants, afin de doter cet institut d'une
capacité d'expertise la plus grande possible.
Il convient donc de ne pas exclure la recherche en sûreté sur les réacteurs,
étant entendu que celle-ci porterait non pas sur les réacteurs eux-mêmes, mais
bien sur la sûreté de ceux-ci, la radioprotection et la radioécologie.
Pour toutes ces raisons, le groupe socialiste sera contraint d'émettre un vote
négatif.
M. le président.
La parole est à M. Doublet.
M. Michel Doublet.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le groupe du
Rassemblement pour la République avait, lors des deux premières lectures, suivi
le raisonnement de notre excellent rapporteur qui avait l'ambition de donner
davantage de poids à la nouvelle agence française de sécurité sanitaire
environnementale en la dotant d'un noyau dur constitué à partir de deux
établissements publics existant, l'INERIS et l'OPRI.
En effet, les insuffisances de la conception et le manque de moyens du nouvel
organisme ne pouvaient pas lui permettre de mener à bien les missions qui lui
étaient confiées par cette proposition de loi.
Nous pensons au contraire que, à l'heure où les Français sont de plus en plus
sensibles à la qualité de leur environnement, qu'il soit naturel, professionnel
ou domestique, au moment où les législations européennes ont vocation à se
rapprocher, il est essentiel de créer une structure forte. Ainsi que l'a
souligné M. le rapporteur, la France ne peut rester en retrait sur un sujet
aussi majeur. Or la majorité plurielle de l'Assemblée nationale a de nouveau
repoussé les dispositions que le Sénat avait adoptées et a opté, en nouvelle
lecture, pour une agence d'objectifs aussi privée de moyens que de
financements.
Notre groupe partage la volonté de M. le rapporteur de s'opposer à la création
d'un énième collège d'experts, dont nous ne dénigrons pas la qualité, mais qui
risque d'alourdir les structures existantes, sans pour autant améliorer la
sécurité sanitaire en matière d'environnement.
Notre groupe approuve donc les propositions du rapporteur de la commission des
affaires sociales de garantir de nouveau l'intégration de l'INERIS dans
l'agence tout en préservant le statut des personnels, de préciser l'intitulé de
l'agence concernant ses compétences en matière de prévention des risques
industriels et chimiques et de lui donner des compétences d'évaluation et
d'expertise.
Quant à la création de l'institut de radioprotection et de sûreté nucléaire,
résultat de la fusion de l'OPRI et de l'IPSN, introduite en deuxième lecture à
l'Assemblée nationale, nous ne pouvons que réitérer nos regrets quant à la
procédure employée.
Le Gouvernement met ainsi en place la première étape du projet de réforme du
système français de radioprotection, de contrôle et de sécurité sanitaire
annoncé il y a quelques mois dans un texte qui concernait un tout autre débat.
Notre groupe renouvelle sa désapprobation à l'égard de cette méthode tout à
fait contestable sur la forme.
Quant au fond, la précipitation du Gouvernement a engendré une grande
confusion dans la rédaction du dispositif. Si nous approuvons cette fusion,
nous ne pouvons accepter un texte imprécis et ambigu. Notre groupe approuve
donc la volonté de la commission de rétablir le texte adopté en deuxième
lecture, qui améliore considérablement la proposition de loi, en excluant
notamment les activités de recherche en sûreté sur les réacteurs nucléaires du
nouvel établissement et en précisant la nature des tutelles qui auront vocation
à s'exercer sur ce nouvel organisme.
Pour toutes ces raisons, notre groupe votera ce texte de loi tel qu'il ressort
des travaux de notre Haute Assemblée.
(Applaudissements sur les travées du RPR.)
M. Claude Huriet,
rapporteur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Claude Huriet,
rapporteur.
Je veux d'abord remercier notre collègue Michel Doublet et
ceux qui ont voté les amendements de la commission des affaires sociales.
Je veux aussi dire à Mme Printz qu'elle m'a donné un moment de satisfaction,
hélas ! très fugitif. En effet, je ne sais pas à quoi elle faisait référence
lorsqu'elle a souligné l'apport des navettes successives. Peut-être
s'agissait-il de l'introduction, au travers d'un cavalier, de l'institut de
radioprotection et de sûreté nucléaire.
Il faut se souvenir que cette volonté tardive du Gouvernement de répondre
partiellement aux propositions du rapport Le Déaut procédait d'une initiative
du Sénat. C'est bien parce que nous avons introduit en première lecture l'OPRI
comme l'une des structures porteuses de la future agence que le Gouvernement,
au travers de différents amendements de l'Assemblée nationale, est parvenu à
l'IRSN. Il est d'ailleurs assez curieux de voir que l'objectif premier n'a pas
été atteint et que, en revanche, un objectif fixé ultérieurement a, lui, été
atteint, montrant par là même certaines incohérences dans l'attitude et la
volonté politique du Gouvernement et de la majorité qui le soutient.
Permettez-moi de vous dire, madame Printz, que j'ai regretté que vous n'ayez
pas été membre de la commission mixte paritaire lorsque vous avez dit que la
situation actuelle était caractérisée par un manque de cohérence. Vous avez
parlé d'organismes hétérogènes et incohérents. Je vous applaudis !
Vous avez également dit que les propositions du Sénat, dans sa majorité,
tendaient à mettre en place une structure extrêmement séduisante eu égard à
l'organisme voulu par le Gouvernement, que vous avez qualifié de « modeste ».
Je ne doute pas que si vous aviez été présente en commission mixte paritaire
vous auriez pu exprimer la voix qui nous a manqué pour parvenir à un accord.
C'est donc sur cette satisfaction mitigée et sur ce regret que je termine mon
intervention, non sans vous remercier, monsieur le ministre, d'avoir bien voulu
participer au débat que vous avez pris, hélas ! en cours de route. En effet, si
vous aviez pu exercer les fonctions et les responsabilités qui sont désormais
les vôtres, peut-être auriez-vous été plus écouté que la majorité sénatoriale
et peut-être aurions-nous eu davantage de chances de parvenir au résultat dont
chacun de nous s'est prévalu ce soir au travers de la création des agences qui
ont doté la France de dispositifs enviables. Il est dommage que ces dispositifs
n'aient pas pu être complétés, ce soir, par une véritable Agence de sécurité
sanitaire environnementale.
M. Bernard Kouchner,
ministre délégué.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Bernard Kouchner,
ministre délégué.
Je souhaite tous vous remercier. Les compliments de M.
le rapporteur me sont allés droit au coeur, même si les suppositions sont
faciles.
En réalité, tout cela me paraît très positif, parce que nous menons ce combat
ici, ensemble, depuis dix ans...
M. Claude Huriet,
rapporteur.
Depuis l'Agence du médicament !
M. Bernard Kouchner,
ministre délégué.
Effectivement, depuis l'Agence du médicament, qui a été
créée, vous vous en souvenez, dans des circonstances un peu rapides, et qui est
très efficace. Des centaines de personnes y travaillent, à la satisfaction
générale et pour le plus grand bien de l'idée de santé publique.
Ensuite, a été créée l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments,
puis, maintenant, cette agence française de sécurité sanitaire
environnementale.
Sans votre travail, sans votre obstination, monsieur le rapporteur, mesdames,
messieurs les sénateurs, notre pays serait moins bien doté en matière de
sécurité et de santé publique. Je tiens à vous en remercier.
Rien n'est terminé ! Nous allons faire évoluer ces agences à partir d'un
effectif que vous jugez, pour le moment, trop réduit. Quarante postes sont
prévus. Il y en aura d'autres ! Vous verrez que, dans les années, voire les
mois à venir, nous développerons ce travail pour le bien de tous.
M. le président.
Monsieur le ministre, nous apprécions les paroles d'espoir que vous venez de
prononcer.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble de la proposition de loi.
(La proposition de loi est adoptée.)
9
ÉGALITE PROFESSIONNELLE
ENTRE LES FEMMES ET LES HOMMES
Rejet d'une proposition de loi
en nouvelle lecture
M. le président.
L'ordre du jour appelle la discussion, en nouvelle lecture, de la proposition
de loi (n° 208, 2000-2001), adoptée avec modifications par l'Assemblée
nationale en nouvelle lecture, relative à l'égalité professionnelle entre les
femmes et les hommes. [Rapport n° 251 (2000-2001).]
M. le président.
Dans la discussion générale, la parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Nicole Péry,
secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, la proposition de
loi relative à l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes vient
en discussion en nouvelle lecture devant votre assemblée.
Le texte, dans son état actuel, reflète l'importance du travail accompli par
les deux chambres, et je me réjouis que des compromis aient pu être trouvés en
ce qui concerne les conjoints collaborateurs, la protection de la maternité des
femmes travaillant la nuit, la représentation équilibrée des femmes et des
hommes aux élections prud'homales.
Malheureusement, de nombreux points de désaccord demeurent, et un accord
global n'a pu être dégagé.
En déposant une question préalable aujourd'hui, la commission des affaires
sociales marque l'arrêt du débat sur un texte qui traite à l'évidence d'un
sujet majeur de société.
Je souhaite réaffirmer ici la position du Gouvernement, en revenant, de façon
évidemment synthétique, sur les axes essentiels de l'égalité professionnelle
entre les femmes et les hommes, à savoir la négociation collective sur
l'égalité professionnelle, la représentation des femmes et des hommes dans les
élections professionelles et l'encadrement du travail de nuit, après quoi, au
nom de Michel Sapin, j'évoquerai brièvement les dispositions relatives à la
fonction publique.
En ce qui concerne, tout d'abord, la négociation, la proposition de loi vise à
renforcer les dispositions de la loi du 13 juillet 1983, en développant le
dialogue social sur l'égalité professionnelle dans la branche et dans
l'entreprise. Je tiens d'ailleurs à rappeler que ce texte a fait l'objet d'une
large concertation avec les partenaires sociaux au sein du conseil supérieur de
l'égalité professionnelle.
II s'agit de donner aux syndicats les moyens de négocier véritablement
l'égalité professionnelle au sein de la branche et de l'entreprise de la façon
la plus adaptée.
C'est ce rôle déterminant qui est conféré au rapport annuel de situation
comparée sur les conditions générales d'emploi et de formation des femmes et
des hommes dans l'entreprise. Grâce à des indicateurs pertinents, définis par
décret, l'ensemble des négociateurs disposeront d'une plus grande lisibilité
des informations, qu'il s'agisse de l'embauche, de la formation ou de la
rémunération. Une large information des salariés sera assurée par voie
d'affichage.
Il m'apparaît important de maintenir, dans cette nouvelle lecture, une
périodicité triennale en la matière, et ce aussi bien dans la branche
professionnelle que dans l'entreprise. Je reste convaincue que cette
négociation, pour être effective, doit être assortie de sanctions en cas de
manquement.
De plus, l'assouplissement des conditions de conclusion des contrats d'égalité
de la loi de 1983, qui a reçu un accueil favorable des deux assemblées,
complète l'ensemble de ces dispositions et permet de conforter l'action des
négociateurs en matière d'égalité professionnelle.
J'évoquerai maintenant, de façon tout aussi synthétique, la représentation
équilibrée des hommes et des femmes dans les élections professionnelles.
Les travaux du Conseil supérieur de l'égalité professionnelle, dont je veux
ici, une fois encore, souligner l'excellence, ont permis d'avancer vers une
représentation équilibrée des femmes et des hommes dans les instances
prud'homales. Lors du prochain scrutin de 2002, les listes présentées par les
organisations professionnelles vont réduire d'un tiers le déficit actuel du
nombre de femmes.
A cet égard, le Gouvernement s'engage à remettre au Parlement un rapport
évaluant la mise en oeuvre effective de ces dispositions et proposant, le cas
échéant, de nouvelles mesures pour une représentation véritablement équilibrée
en 2007.
J'évoquerai d'un mot la situation des conjoints collaborateurs, ou plutôt,
devrais-je dire, des conjointes collaboratrices des artisans, des commerçants
et des agriculteurs, qui pourront dorénavant devenir électrices et éligibles
aux élections prud'homales en lieu et place du titulaire, si celui-ci le
souhaite.
Le troisième chapitre de cette proposition de loi a introduit un volet relatif
au travail de nuit, qui fait dorénavant l'objet d'un chapitre spécifique dans
le code du travail.
L'objectif du Gouvernement est d'améliorer les conditions de travail de tous
les salariés, hommes et femmes, qui exercent leur activité professionnelle la
nuit.
Comme l'a souligné l'Assemblée nationale, le travail de nuit doit rester
exceptionnel. L'accord collectif qui conditionne sa mise en place doit être
justifié par la nécessaire continuité de l'activité économique ou par des
services d'utilité sociale.
Je me réjouis que ce texte permette une définition du travail de nuit et
intègre des dispositions qui confèrent des garanties et des contreparties à
l'ensemble des salariés travaillant de nuit.
Ce texte apporte aussi de nouvelles garanties aux femmes enceintes. Elles
pourront être affectées à un poste de jour, à leur demande ou à la demande du
médecin du travail, à n'importe quel moment de leur grossesse. En cas
d'impossibilité pour l'employeur de reclasser la salariée, celle-ci bénéficiera
d'une allocation maternité, versée par la sécurité sociale et complétée par
l'employeur. Je me félicite que votre proposition visant à instaurer une
indemnité journalière au titre de la maternité, proposition soutenue par le
Gouvernement, ait recueilli une très large approbation à l'Assemblée
nationale.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je souhaite
réaffirmer devant vous les aspects novateurs de ce texte sur l'égalité
professionnelle entre les femmes et les hommes. J'ai présidé toutes les séances
du conseil supérieur de l'égalité professionnelle. Comme je m'y étais engagée,
nous avons su allier des propositions issues du dialogue social avec des
dispositions législatives issues de la volonté politique. La démarche mérite,
me semble-t-il, d'être soulignée.
Vous me permettrez, au nom de Michel Sapin, d'évoquer brièvement l'égalité
professionnelle dans la fonction publique.
Je rappelle l'objectif du Gouvernement : faire évoluer les pratiques dans les
administrations et favoriser les conditions d'une égalité en marche entre les
hommes et les femmes.
Je note avec satisfaction la réelle convergence de vues entre le Sénat et
l'Assemblée nationale sur ces objectifs. Nombre d'articles ont ainsi été
adoptés conformes par les deux assemblées. Quelques articles reviennent devant
vous.
L'Assemblée nationale est revenue à son texte concernant le contenu du rapport
évaluatif biannuel remis par le Gouvernement au Parlement.
Pour moderniser le recrutement et la gestion de la fonction publique et
permettre aux femmes d'y trouver leur juste place, il est nécessaire de
diversifier la composition des jurys pour assurer la prise en compte de points
de vue et de profils différents.
De même, le Parlement doit pouvoir disposer de l'information la plus complète
sur la situation professionnelle comparée des hommes et des femmes.
L'ensemble de ces mesures doit permettre de rééquilibrer la structure
hiérarchique des administrations afin qu'elle reflète davantage la composition
de la société.
Je l'avais déjà dit devant nous en deuxième lecture : l'Etat employeur doit, à
cet effet, montrer l'exemple.
(Applaudissements sur les travées
socialistes.)
M. le président.
La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Annick Bocandé,
rapporteur de la commission des affaires sociales.
Monsieur le président,
madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le Sénat est amené à se
prononcer aujourd'hui, en nouvelle lecture, sur la proposition de loi relative
à l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes. La commission mixte
paritaire, réunie le 16 janvier dernier, n'a en effet pas pu se mettre d'accord
sur un texte commun.
Cet échec témoigne de l'ampleur des divergences entre nos deux assemblées. Il
ne doit pas masquer, pour autant, l'importance du travail déjà accompli.
La navette a progressivement permis d'enrichir une proposition de loi
initialement modeste et, somme toute de portée très restreinte, pour en faire
aujourd'hui, grâce aux apports des deux assemblées, un texte plus dense,
passant de vingt-deux à quarante-deux articles.
Cet exemple illustre,
a contrario,
les risques que fait peser l'urgence
sur la qualité des travaux parlementaires. La navette a, dans le cas présent,
permis d'instaurer un réel dialogue entre les deux chambres et de trouver des
compromis satisfaisants sur certains points, même si un accord global n'a pu se
dégager. Je me félicite donc qu'une véritable discussion se soit engagée sans
avoir été escamotée par une déclaration d'urgence, qui n'aurait, à l'évidence,
pas permis d'aboutir aux mêmes avancées.
Il semble pourtant que ce dialogue touche aujourd'hui à son terme. Ainsi,
vingt articles restaient en discussion à l'issue de la deuxième lecture au
Sénat. L'Assemblée nationale, en nouvelle lecture, est revenue, pour
l'essentiel, à son texte de deuxième lecture. Nous sommes donc saisis, en
nouvelle lecture, de vingt et un articles restant en discussion.
Quantitativement, le bilan de la navette apparaît donc, pour la nouvelle
lecture, on ne peut plus mince. L'Assemblée nationale n'a voté conforme aucun
article adopté par le Sénat. Elle est revenue mot pour mot à son texte de
deuxième lecture pour dix-huit articles. Elle a modifié deux articles et a
adopté un nouvel article additionnel.
Qualitativement, cependant, le bilan de la navette est plus nuancé. Certes,
les principaux compromis avaient déjà eu lieu avant la réunion de la commission
mixte paritaire. Je pense, notamment, aux mesures en faveur d'une meilleure
représentation des conjoints collaborateurs ou d'une meilleure représentation
des femmes dans les élections prud'homales.
J'observe toutefois que cette nouvelle lecture n'a pas été totalement stérile.
Je constate en effet avec satisfaction que deux importantes dispositions votées
par le Sénat en deuxième lecture ont été adoptées par l'Assemblée nationale.
Il s'agit d'abord - vous l'avez rappelé, madame le secrétaire d'Etat - de la
nouvelle allocation d'assurance maternité versée à la salariée enceinte ou
venant d'accoucher, médicalement inapte à occuper un poste de nuit et ne
pouvant être affectée à un poste de jour.
Il s'agit également de la prolongation, pendant un mois si le médecin du
travail le juge nécessaire, de la période d'affectation de la salariée
travaillant généralement la nuit à un poste de jour ou de la période de
suspension du contrat de travail à l'issue du congé de maternité.
Ces mesures, très concrètes, permettront d'assurer une réelle protection de la
maternité des femmes travaillant la nuit. Je me félicite que le Sénat soit à
l'origine de ces dispositions, et je tenais à rendre hommage à votre soutien
constructif sur ce point, madame le secrétaire d'Etat.
M. Emmanuel Hamel.
Très bien !
Mme Annick Bocandé,
rapporteur.
Pour autant, ces convergences ne peuvent occulter l'ampleur
des désaccords qui séparent les deux assemblées.
Ces désaccords sont au nombre de cinq.
Le premier touche au coeur du contenu initial de la proposition de loi, à
savoir la négociation collective sur l'égalité professionnelle. Sur ce point,
il est clair que les deux assemblées ne partagent pas la même conception du
rôle de la négociation collective. Le Sénat estime en effet que la mise en
place d'obligations de négocier doit rester compatible avec la nécessaire
autonomie des partenaires sociaux. Nous considérons ainsi que la loi n'a pas à
fixer le socle, le rythme et le déroulement de ces négociations. Nous estimons
surtout que l'introduction d'une sanction pénale directe et immédiate n'est pas
un moyen approprié pour ouvrir un dialogue social serein et constructif en
matière d'égalité professionnelle.
Le deuxième désaccord concerne la question cruciale de l'articulation entre
vie familiale et vie professionnelle, qui n'est pas abordée par la présente
proposition de loi. Or, ce sont pourtant bien souvent les difficultés que
rencontrent les femmes à concilier vie familiale et vie active qui alimentent
les inégalités professionnelles.
Les femmes restent encore trop fréquemment dans l'obligation d'interrompre
leur carrière pour élever leurs enfants et se heurtent à d'importantes
difficultés pour revenir sur le marché du travail. Aussi, le Sénat a fait sur
ces points, sur l'initiative de la commission, deux propositions concrètes et
raisonnables. L'Assemblée nationale les a supprimées, et je le déplore.
Le troisième désaccord concerne la représentation des femmes dans le monde
professionnel. Le Sénat, sur proposition de notre collègue, Gérard Cornu, avait
pris de fortes initiatives en la matière. S'inscrivant dans cette perspective,
la commission avait souhaité affirmer le principe d'une représentation
équilibrée des femmes et des hommes dans la constitution des listes de
candidature pour les élections des délégués du personnel et aux comités
d'entreprise. L'Assemblée nationale a choisi une autre voie, dénuée de portée
normative, se contentant d'affirmer ce principe sans pour autant en préciser
les moyens d'application. Cette démarche, preuve d'un évident embarras, me
semble insuffisante.
Le quatrième désaccord, sans doute celui qui sépare le plus profondément les
deux assemblées, tient à la question du travail de nuit. Si l'Assemblée
nationale et le Sénat se rejoignent sur la nécessité d'une modernisation du
cadre juridique actuel, d'ailleurs largement inexistant, ils s'opposent, en
revanche, sur le contenu de ce nouveau régime légal.
La rédaction issue des travaux de l'Assemblée nationale est en effet loin
d'être satisfaisante, car elle se révèle paradoxalement à la fois inutilement
contraignante pour les entreprises et insuffisamment protectrice pour les
salariés.
Certes, l'Assemblée nationale a repris, lors de la nouvelle lecture, les
propositions du Sénat pour une meilleure protection des femmes enceintes ou
venant d'accoucher et travaillant la nuit, mais elle n'a pas suivi le Sénat
dans sa volonté de garantir une plus grande autonomie aux partenaires sociaux.
Or il me semble indispensable de renforcer ce qui relève du dialogue social par
rapport à ce qui est fixé trop uniformément par la loi. Il me semble également
nécessaire de privilégier la négociation d'entreprise, qui a le mérite d'être
plus proche des réalités du terrain et plus respectueuse des intérêts des
salariés.
Sur ce point, un exemple me paraît très significatif de la rigidité de la
position de l'Assemblée nationale et des conséquences dommageables que cela ne
manquera pas d'entraîner : je veux parler de la question des contreparties au
travail de nuit.
L'Assemblée nationale a rendu obligatoire l'octroi, au titre de ces
contreparties, d'un repos supplémentaire, la majoration de rémunération n'étant
qu'optionnelle. L'intention est certes louable, mais la mesure apparaît
pourtant peu appropriée. En effet, elle ne prend pas en compte le mouvement
actuel de réduction du temps de travail, qui permet déjà aux salariés de
bénéficier de temps de repos supplémentaires, et elle ne répond pas aux
aspirations de ces derniers, qui souhaitent généralement des majorations de
rémunération. Mais, surtout, elle oblige à renégocier la grande majorité des
accords sur la réduction du temps de travail signés ces derniers mois et qui
abordent, pour la plupart d'entre eux, la question du travail de nuit.
Dès lors, une telle disposition devient une grande source d'insécurité
juridique pour les entreprises et oblige celles-ci à reprendre les négociations
dans un contexte difficile. Elle ne prend pas non plus en compte les efforts
réalisés par de nombreuses entreprises pour organiser le travail de nuit. C'est
pourquoi j'estime plus pertinent de laisser aux partenaires sociaux le soin de
déterminer eux-mêmes la nature des contreparties au travail de nuit.
Le dernier point de désaccord, peut-être le moins important d'entre eux,
concerne le volet du texte relatif à la fonction publique. Le Sénat est
favorable à l'inscription dans la loi de la « clause de sauvegarde » qui
permettrait d'assurer exceptionnellement la mixité, dans les jurys, par la
présence d'un seul membre de l'un ou l'autre sexe. L'Assemblée nationale y est
opposée, alors que la démarche du Sénat se veut très pragmatique : il s'agit
simplement de prendre en compte les difficultés d'application qui pourraient
survenir dans certains corps dont la composition par sexes est très
déséquilibrée.
Au total, les désaccords restent profonds. Les chances d'aboutir à un
compromis sur l'un ou l'autre de ces points semblent aujourd'hui, en l'état
actuel du débat, inexistantes. En effet, en nouvelle lecture, l'Assemblée
nationale a confirmé la quasi-totalité des positions qu'elle avait adoptées en
deuxième lecture. Elle a donc ainsi clairement signifié qu'elle avait d'ores et
déjà dit son dernier mot.
Dans ces conditions, la commission considère qu'il n'y a pas lieu de
poursuivre la délibération. Elle propose en conséquence au Sénat d'adopter une
motion tendant à opposer la question préalable à la présente proposition de
loi.
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et du
RPR.)
M. le président.
La parole est à M. Muzeau.
M. Roland Muzeau.
Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, cette
nouvelle lecture au Sénat de la proposition de la loi relative à l'égalité
professionnelle entre les femmes et les hommes ne va certes pas faire
progresser la condition des femmes dans le monde du travail, mais elle aura au
moins le mérite de mettre en lumière les profondes divergences qui nous
opposent à nos collègues de la majorité sénatoriale.
D'une façon générale, ceux-ci se sont attachés, et les débats l'ont montré, à
supprimer tout droit nouveau accordé aux salariés et toute contrainte imposée
aux entreprises, afin de ne pas entraver la recherche effrénée du profit
maximal.
Le
leitmotiv
d'une loi du marché déterminant toutes les relations
économiques et sociales n'a cessé de résonner dans cette enceinte. Il a été
considéré une nouvelle fois que toute intervention de l'Etat dans l'économie
serait une hérésie et toute référence à un cadre légal général dans le domaine
de la négociation collective une aberration.
Dans cette optique, nos collègues de la majorité sénatoriale estiment que le
texte issu des débats à l'Assemblée nationale induit trop de rigidité dans la
négociation entre partenaires sociaux et trop de contraintes pour les
employeurs ayant recours au travail de nuit. Ils préfèrent que ces questions se
règlent à l'échelon de l'entreprise, sans référence à un quelconque cadre
général inscrit dans la loi.
C'est une vision de la société que nous ne partageons pas.
Nous pensons au contraire qu'il est urgent de s'engager dans une tout autre
démarche visant à réguler par la loi les effets dévastateurs, sur le plan
social, de la recherche d'une rentabilité de plus en plus élevée des
capitaux.
Les derniers exemples en date, à cet égard, qu'il s'agisse de Philips, de
Moulinex, de Danone, de Marks & Spencer ou de Delphi General Motors, montrent,
avec la plus grande acuité, que nous ne pouvons plus nous contenter de tenir un
discours compatissant à l'adresse de salariés qui perdent leur emploi pour que
des actionnaires touchent des dividendes encore plus forts, et qu'il nous faut
désormais imposer par la loi que des pratiques aussi nocives ne puissent plus
avoir cours.
Vous vous placez, chers collègues de la majorité sénatoriale, sur une ligne
bien différente, puisque le dépôt de votre motion tendant à opposer la question
préalable a pour objet de signifier que, à vos yeux, le texte ne va pas assez
loin dans la libéralisation du travail de nuit et engendrera des contraintes
trop importantes pour les entreprises.
Au nom de l'égalité entre les femmes et les hommes, ce qui est recherché,
c'est la banalisation du travail de nuit pour les hommes comme pour les femmes,
et ce afin de satisfaire aux impératifs économiques fixés par le patronat.
Or on ne dira jamais assez que le travail de nuit est nocif pour la santé des
salariés qui sont contraints de l'exercer. Et que l'on ne nous parle pas de
liberté pour les femmes de choisir de travailler la nuit ! Lorsque des femmes
émettent le souhait d'effectuer un travail de nuit, il s'agit uniquement pour
elles de tenter d'augmenter un peu leurs rémunérations et, en aucun cas,
d'opérer un choix de vie pouvant déboucher sur un épanouissement personnel ou
professionnel.
La généralisation du travail de nuit témoigne de la volonté du patronat
d'utiliser au mieux la main-d'oeuvre disponible pour faire tourner à plein
régime l'appareil de production et dégager une meilleure rentabilité. Elle
s'inscrit dans une démarche qui vise à introduire davantage de flexibilité dans
le monde du travail.
A cet égard, la référence aux « contraintes économiques de l'entreprise » dans
le texte issu de la deuxième lecture au Sénat ou à « la nécessité d'assurer la
continuité de l'activité économique » dans la rédaction adoptée par l'Assemblée
nationale en nouvelle lecture pour justifier le recours au travail de nuit
montre bien que, sur le fond, le danger est réel pour tous les salariés, hommes
et femmes, de devoir subir « l'économique ».
Telle n'est pas notre façon de voir les choses. Nous sommes favorables à une
interdiction du travail de nuit pour les femmes et pour les hommes et nous
pensons qu'il ne faudrait accorder des dérogations à cette règle qu'en raison
d'impératifs sociaux ou techniques.
Il est donc très regrettable que la majorité sénatoriale ait décidé de refuser
la discussion et déposé une motion tendant à opposer la question préalable,
d'autant que le texte aurait pu être encore amélioré sur de nombreux points.
En ce qui nous concerne, nous nous opposerons bien sûr à l'adoption de cette
motion. Si le débat n'a plus lieu dans notre hémicycle, il émergera de toute
façon tôt ou tard grâce aux luttes sociales, et les salariés, hommes et femmes,
pourront alors, comme toujours, compter sur notre soutien dans leur combat pour
leur dignité.
(Applaudissements sur les travées du groupe communiste
républicain et citoyen)
.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Question préalable
M. le président.
Je suis saisi par Mme Bocandé, au nom de la commission, d'une motion n° 1
tendant à opposer la question préalable.
Cette motion est ainsi rédigée :
« En application de l'article 44, alinéa 3, du règlement, le Sénat,
« Considérant que la présente proposition de loi n'apporte que des réponses
partielles et inadaptées au souci légitime de promouvoir et de renforcer
l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes ;
« Considérant que le texte adopté en nouvelle lecture à l'Assemblée nationale
témoigne d'une conception archaïque et autoritaire de la place de la
négociation collective dans les relations sociales ; que l'instauration de
nouvelles obligations de négocier strictement encadrées apparaît difficilement
compatible avec la nécessaire autonomie des partenaires sociaux ; que
l'introduction d'une nouvelle sanction pénale ne constitue pas, à l'évidence,
le moyen approprié pour ouvrir un dialogue social serein et constructif en
matière d'égalité professionnelle ;
« Considérant que la présente proposition de loi n'aborde pas l'importante
question de l'articulation entre vie familiale et vie professionnelle qui
apparaît pourtant comme l'un des principaux vecteurs des inégalités entre les
femmes et les hommes dans le monde du travail ; que l'Assemblée nationale a,
par deux fois, repoussé les propositions concrètes et raisonnables du Sénat en
faveur d'une meilleure conciliation entre vie familiale et vie professionnelle
;
« Considérant que la présente proposition de loi, dans la rédaction adoptée
par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture, ne prévoit pas de dispositions
réellement susceptibles d'améliorer la représentation des femmes lors des
élections professionnelles ; qu'elle se contente d'énoncer de simples
déclarations de principe ;
« Considérant que le nouveau régime légal pour le travail de nuit se révèle
paradoxalement à la fois inutilement contraignant pour les entreprises et
insuffisamment protecteur pour les salariés ; qu'il n'accorde qu'une place trop
restreinte au dialogue social ; que les propositions constructives du Sénat en
la matière ont pour la plupart été ignorées par l'Assemblée nationale ;
« Considérant que le Sénat, en première et deuxième lecture, a tenu à
améliorer, à enrichir et à compléter la proposition de loi ; que les
améliorations, enrichissements et compléments du Sénat ont été pour l'essentiel
écartés par l'Assemblée nationale ;
« Considérant que l'Assemblée nationale, en nouvelle lecture, a ainsi entendu
signifier qu'elle avait d'ores et déjà dit son dernier mot ;
« Décide qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération sur la proposition
de loi, adoptée par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture, relative à
l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes (n° 208, 2000-2001).
»
Je rappelle que, en application du dernier alinéa de l'article 44 du règlement
du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l'auteur de l'initiative
ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d'opinion contraire, pour
quinze minutes, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond
et le Gouvernement.
La parole est à Mme le rapporteur, auteur de la motion.
Mme Annick Bocandé,
rapporteur.
Je crois m'être déjà largement exprimée sur les raisons du
dépôt de cette motion. Je n'en dirai donc pas davantage.
(Applaudissements
sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et
Indépendants.)
M. Emmanuel Hamel.
Très bien !
M. le président.
La parole est à Mme Printz, contre la motion.
Mme Gisèle Printz.
Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le
dépôt d'une motion tendant à opposer la question préalable à l'occasion de la
nouvelle lecture d'un texte sur lequel il n'y a manifestement pas d'accord
possible entre les deux assemblées du Parlement apparaît comme une solution
technique d'une efficacité incontestable, permettant de ne pas prolonger
inutilement le débat. Voilà qui peut se comprendre aisément !
Il est néanmoins dommage que cette procédure soit utilisée dans le cas
présent, s'agissant d'un texte qui traite à la fois de l'égalité
professionnelle et de la protection des salariés qui travaillent la nuit.
En effet, il est fondamental que le travail de nuit soit strictement encadré
et, surtout, qu'il ne puisse y être recouru qu'à la condition qu'un accord
collectif ait été conclu. Il serait tout à fait choquant que l'on puisse se
passer de l'aval des représentants du personnel pour mettre en oeuvre une forme
de travail portant durablement atteinte, on le sait, à la santé des salariés
qui y sont soumis.
En cette matière, il est indispensable qu'une contrainte pèse sur l'employeur
pour protéger
a minima
la santé et la sécurité des travailleurs. La
limitation de la durée maximale du travail de nuit, l'instauration d'une
surveillance médicale renforcée, particulièrement en direction des femmes
enceintes, sont tout aussi nécessaires.
Il est également évident que, en l'absence d'association des représentants du
personnel, la mise en oeuvre de contreparties en termes de temps de repos et,
éventuellement, de salaire risquerait fort de rester lettre morte.
Ces garanties n'ont pu être inscrites lors du débat parlementaire que grâce à
la réflexion et à la contribution de chacun d'entre nous. Par conséquent, il
est toujours regrettable d'abréger, fût-ce pour des raisons de commodité, un
débat qui peut se révéler fructueux, même s'il est fondé sur la confrontation
d'idées nettement différentes.
En ce qui concerne l'égalité professionnelle, nous défendons en effet des
idées, voire des projets de société, tout à fait opposés. Il ne s'agit plus ici
de préciser les modalités du dialogue social, comme nous pouvons en débattre de
manière toujours intéressante avec Mme le rapporteur ; il s'agit, en
définitive, du rôle et de la place de la femme dans la société et, le cas
échéant, au sein de la famille qu'elle aura créée.
Nous estimons, en particulier, que la question de l'articulation entre la vie
professionnelle et la vie familiale, qui est fondamentale, ne doit pas être
traitée au détour d'un texte relatif à l'égalité professionnelle. Ce n'est pas
le même sujet : il convient d'assurer aux femmes, d'une part, l'égalité
professionnelle avec les hommes, et, d'autre part, un déroulement correct des
deux aspects, professionnel et familial, de leur vie.
En effet, de notre point de vue, si l'on mêle les deux éléments, les femmes
seront perdantes, et ce pour une raison simple : on nous dira, ou pis on ne
nous dira rien mais c'est ainsi que les choses se passeront, que, en raison de
la nécessité de mieux articuler vie professionnelle et vie familiale, nous les
femmes ne pourrons jamais prétendre à l'égalité professionnelle. Seules les
femmes de condition aisée, qui auront les moyens de faire accomplir par
d'autres qu'elles-mêmes les tâches ménagères, y parviendront peut-être. Cette
dichotomie ne ferait que renforcer les inégalité sociales, et ce n'est
évidemment pas ce que nous voulons.
Si la question de l'égalité professionnelle
stricto sensu
doit donc
faire l'objet d'une intervention législative, c'est un risque de vouloir agir
en même temps sur le second aspect que j'évoquais, sauf peut-être lors de
l'élaboration de la loi de finances, pour obtenir que des moyens suffisants
soient dégagés afin de favoriser le renforcement et la diversification des
modes de garde des enfants dont les deux parents travaillent.
Il est maintenant important d'inciter à une vraie prise de conscience au sein
de notre société. Les hommes sont, comme les femmes, responsables de
l'éducation des très jeunes enfants : c'est l'affaire autant du père que de la
mère. Ce que nous revendiquons, et que les pouvoirs publics doivent mettre en
place, c'est non pas seulement l'égalité professionnelle, mais aussi l'égalité
familiale.
Cette notion est en effet beaucoup plus juste et moins pernicieuse pour les
femmes que celle d'« articulation », qui ne sera jamais satisfaisante, car, pas
plus que les hommes, nous les femmes ne pouvons faire tenir deux vies en une
seule.
Il convient donc d'instaurer une égalité de droits mais aussi de devoirs et,
s'il le faut, rendre obligatoire la prise d'une partie du congé parental par le
père, comme cela se pratique déjà dans d'autres pays. Certes, et cela est
rassurant, les mentalités des jeunes parents évoluent, mais le poids des
traditions et la pression sociale, poussant notamment les pères à ne prendre
aucune fraction du congé parental, restent forts.
De même, les statistiques montrent que, en général, une femme qui est en congé
ou qui travaille à temps partiel accomplit la totalité des tâches ménagères.
Elle revient alors à son rôle traditionnel, dans lequel elle risque d'ailleurs
de s'enliser si elle reste trop longtemps éloignée du versant professionnel de
sa vie.
Sans doute aurions-nous pu poursuivre ce débat. Malheureusement, la motion
tendant à opposer la question préalable que la majorité du Sénat s'apprête à
voter va y mettre un terme. Nous le regrettons et nous voterons donc contre, ce
qui ne nous empêche pas d'exprimer notre accord, sur le fond, avec la
proposition de loi qui nous est soumise.
M. le président.
Je rappelle qu'en application du dernier alinéa de l'article 44 du règlement
la parole peut être accordée pour explication de vote, pour une durée
n'excédant pas cinq minutes, à un représentant de chaque groupe.
La parole est à M. Doublet.
M. Michel Doublet.
Monsieur le président, madame le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, ainsi
que madame le rapporteur l'a souligné ce soir, le Sénat a une haute conception
du rôle des partenaires sociaux qu'à l'évidence la majorité de l'Assemblée
nationale ne partage pas.
Il aurait sans nul doute été plus judicieux de laisser les partenaires sociaux
entamer des négociations sur le thème de l'égalité professionnelle entre les
femmes et les hommes, ainsi qu'ils s'y sont engagés, plutôt que de mettre en
place une lourde procédure de négociation punie par une nouvelle sanction
pénale, ce qui n'est pas le moyen le plus approprié pour ouvrir un dialogue
social serein et constructif en matière d'égalité professionnelle.
Néanmoins, ce texte aborde un sujet essentiel, même s'il ne semble pas
apporter les réponses adéquates. Si les femmes sont de plus en plus prises en
considération dans de nombreux secteurs d'activité, les terrains à conquérir
restent très importants.
Concernant notamment les salaires, si l'écart de rémunération entre les deux
sexes à poste équivalent se réduit dans le privé, il demeure cependant élevé :
17 %.
Dans la fonction publique, il est frappant de constater que de telles
disparités sont au moins aussi importantes que celles qui existent dans le
privé, les femmes occupant bien souvent les emplois où les carrières sont
bloquées.
Notre groupe regrette que l'Assemblée nationale n'ait pas considéré que
l'égalité des femmes dans le monde du travail passait tout d'abord par la
recherche de l'égalité en dehors de l'entreprise, là où naissent les
difficultés pour concilier harmonieusement vie familiale et vie
professionnelle.
Nous déplorons donc que les amendements défendus par la commission des
affaires sociales et adoptés par le Sénat lors des deux premières lectures, qui
allaient dans le bon sens en ouvrant de nouvelles pistes pour améliorer
véritablement la situation des femmes, aient été écartés trop rapidement.
Quant aux articles concernant le secteur public, il est également regrettable
que les dispositions tendant à améliorer le texte afin de tenir compte des
éventuelles difficultés d'application du principe de mixité dans certains corps
dont la représentation par sexe est très déséquilibrée aient été repoussées par
pur dogmatisme.
S'agissant de l'examen des dispositions portant sur le travail de nuit des
femmes, nous avons été plusieurs sur ces travées à dénoncer les méthodes
employées par le Gouvernement, qui ont été bien désinvoltes à l'égard de la
Haute Assemblée.
S'il est effectivement nécessaire de moderniser le cadre juridique actuel, il
est regrettable que la rédaction de l'Assemblée nationale aboutisse à mettre en
place des contreparties du travail de nuit qui contraignent les entreprises à
renégocier l'ensemble des accords conclus sur le temps de travail. Remettre en
cause des accords signés par les partenaires sociaux ne nous paraît pas de
nature à favoriser la paix sociale au sein d'une entreprise.
Pour toutes ces raisons, le groupe du Rassemblement pour la République votera
la question préalable présentée par Mme le rapporteur de la commission des
affaires sociales.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix la motion n° 1, repoussée par le Gouvernement.
Je rappelle que son adoption entraînerait le rejet du projet de loi.
(La motion est adoptée.)
M. le président.
En conséquence, la proposition de loi est rejetée.
10
TEXTE SOUMIS AU SÉNAT EN APPLICATION
DE L'ARTICLE 88-4 DE LA CONSTITUTION
M. le président.
J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le
Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
Deux projets d'instruments juridiques prévoyant d'éventuelles modifications de
la convention Europol ainsi qu'une extension du mandat d'Europol :
- Initiative du Royaume de Suède en vue de l'adoption d'un acte du Conseil
établissant, sur la base de l'article 43, paragraphe 1, de la convention
Europol, le protocole modifiant l'article 2 de ladite convention ;
- Initiative du Royaume de Suède en vue de l'adoption d'une décision du
Conseil étendant le mandat Europol à la lutte contre les formes graves de
criminalité internationale énumérées à l'annexe de la convention Europol et
ajoutant des définitions de ces formes de criminalité à ladite annexe : note de
la présidence au groupe « Europol ».
Ce texte sera imprimé sous le numéro E-1719 et distribué.
11
RETRAIT D'UN TEXTE SOUMIS AU SÉNAT
EN APPLICATION DE L'ARTICLE 88-4
DE LA CONSTITUTION
M. le président.
M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre une communication,
en date du 17 avril 2001, l'informant du retrait du texte soumis en application
de l'article 88-4 de la Constitution suivant :
E 1710. Lettre de la Commission européenne du 2 février 2001 relative à une
demande de dérogation présentée par l'Allemagne en application de l'article 30
de la sixième directive du Conseil du 17 mai 1977 en matière de la TVA
(construction d'un pont frontalier).
12
DÉPÔT DE RAPPORTS
M. le président.
J'ai reçu de M. Christian Bonnet un rapport fait au nom de la commission des
lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et
d'administration générale sur la propositon de loi organique, adoptée par
l'Assemblée nationale en nouvelle lecture, modifiant la date d'expiration des
pouvoirs de l'Assemblée nationale (n° 255, 2000-2001).
Le rapport sera imprimé sous le numéro 270 et distribué.
J'ai reçu de M. Georges Othily, un rapport fait au nom de la commission des
lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et
d'administration générale sur la proposition de loi de MM. Jean-Jacques Hyest
et Guy-Cabanel relative aux conditions de détention dans les établissements
pénitentiaires et au contrôle général des prisons (n° 115, 2000-2001).
Le rapport sera imprimé sous le numéro 271 et distribué.
13
DÉPÔTS RATTACHÉS POUR ORDRE
AU PROCÈS-VERBAL DE LA SÉANCE
DU 5 AVRIL 2001
DÉPÔT D'UN PROJET DE LOI
M. le président.
M. le président du Sénat a reçu, le 11 avril 2001, de M. le Premier ministre
un projet de loi portant habilitation du Gouvernement à prendre, par
ordonnances, les mesures législatives nécessaires à l'actualisation et à
l'adaptation du droit applicable outre-mer.
Ce projet de loi sera imprimé sous le numéro 269, distribué et renvoyé à la
commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel,
du règlement et d'administration générale, sous réserve de la constitution
éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le
règlement.
DÉPÔT D'UNE PROPOSITION DE LOI ORGANIQUE
M. le président du Sénat a reçu, le 11 avril 2001, de MM. Charles Descours,
Jean Delaneau, Jacques Bimbenet, Jean Chérioux, Dominique Leclerc, Jean-Louis
Lorrain, Jacques Machet, Lucien Neuwirth, Philippe Nogrix, Bernard Seillier et
Alain Vasselle une proposition de loi organique relative aux lois de
financement de la sécurité sociale.
Cette proposition de loi organique sera imprimée sous le numéro 268,
distribuée et renvoyée à la commission des affaires sociales, sous réserve de
la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions
prévues par le règlement.
DÉPÔT DE PROPOSITIONS DE LOI
M. le président du Sénat a reçu, le 6 avril 2001, de M. André Vallet une
proposition de loi modifiant les articles L. 162, L. 210-1 et L. 264 du code
électoral concernant les conditions de maintien des candidatures au second tour
d'une élection.
Cette proposition de loi sera imprimée sous le n° 263, ditribuée et renvoyée à
la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage
universel, du règlement et d'administration générale, sous réserve de la
constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues
par le règlement.
M. le président du Sénat a reçu, le 6 avril 2001, de MM. Georges Mouly,
Bernard Murat, Louis Althapé, Pierre André, Georges Berchet, Jean Bernard,
Roger Besse, Laurent Beteille, Jacques Bimbenet, Jean Bizet, Mme Paulette
Brisepierre, MM. Louis de Broissia, Michel Caldaguès, Robert Calmejane, Auguste
Cazalet, Jacques Chaumont, Jean Chérioux, Gérard Cornu, Xavier Darcos, Désiré
Debavelaere, Jacques-Richard Delong, Fernand Demilly, Christian Demuynck,
Charles Descours, Michel Doublet, Paul Dubrule, Daniel Eckenspieller, Michel
Esneu, Jean François-Poncet, Bernard Fournier, Alfred Foy, Alain Gérard,
François Gerbaud, Francis Giraud, Paul Girod, Georges Gruillot, Hubert Haenel,
Bernard Joly, André Jourdain, Roger Karoutchi, Lucien Lanier, Patrick Lassourd,
Robert Laufoaulu, René-Georges Laurin, Dominique Leclerc, Jacques Legendre,
Jean-François Le Grand, Aymeri de Montesquiou, Paul Natali, Lucien Neuwirth,
Mme Nelly Olin, MM. Joseph Ostermann, Jacques Pelletier, Martial Taugourdeau,
René Trégouët et André Vallet une proposition de loi relative à la réforme de
l'atelier protégé et au statut d'entreprise adaptée.
Cette proposition de loi sera imprimée sous le numéro 266, distribuée et
renvoyée à la commission des affaires sociales, sous réserve de la constitution
éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le
règlement.
TEXTES SOUMIS AU SÉNAT EN APPLICATION
DE L'ARTICLE 88-4 DE LA CONSTITUTION
M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre le texte suivant,
soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la
Constitution :
- Proposition de règlement du Conseil modifiant le règlement (CE) n° 1267/1999
établissant un instrument structurel de préadhésion.
Ce texte sera imprimé sous le numéro E 1712 et distribué.
M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre le texte suivant,
soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la
Constitution :
- Proposition de règlement du Conseil autorisant l'offre et la livraison à la
consommation humaine directe de certains vins importés susceptibles d'avoir
fait l'objet de pratiques oenologiques non prévues par le règlement (CE) n°
1493/1999.
Ce texte sera imprimé sous le numéro E 1713 et distribué.
M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre le texte suivant,
soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la
Constitution :
- Proposition de décision du conseil portant attribution d'une nouvelle aide
financière exceptionnelle au Kosovo.
Ce texte sera imprimé sous le numéro E 1714 et distribué.
M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre le texte suivant,
soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la
Constitution :
- Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif au
relevé statistique des transports par chemin de fer.
Ce texte sera imprimé sous le numéro E 1715 et distribué.
M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre le texte suivant,
soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la
Constitution :
- Lettre de la Commission européenne du 16 mars 2001 relative à une demande de
dérogation présentée par le Danemark conformément à l'article 8, paragraphe 4
de la directive 92/81/CEE du Conseil, du 19 octobre 1992, concernant
l'harmonisation des structures des droits d'accises sur les huiles
minérales.
Ce texte sera imprimé sous le numéro E 1716 et distribué.
M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre le texte suivant,
soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la
Constitution :
- Proposition de directive du Conseil modifiant la directive 92/79/CEE, la
directive 92/80/CEE et la directive 95/59/CE en ce qui concerne la structure et
les taux d'accises applicables aux tabacs manufacturés.
Ce texte sera imprimé sous le numéro E 1717 et distribué.
M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre le texte suivant,
soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la
Constitution :
- Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil concernant les
contrats de garantie financière.
Ce texte sera imprimé sous le numéro E 1718 et distribué.
DÉPÔT D'UN RAPPORT
M. le président du Sénat a reçu le 6 avril 2001 un rapport déposé par M. Henri
Revol, président de l'office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques
et technologiques sur le contrôle de la sûreté et de la sécurité des
installations nucléaires, deuxième partie : la reconversion des stocks de
plutonium militaire, l'utilisation des aides accordées aux pays d'Europe
centrale et orientale et aux nouveaux Etats indépendants, établi par M. Claude
Birraux, député au nom de l'office parlementaire d'évaluation des choix
scientifiques et technologiques.
Ce rapport sera imprimé sous le numéro 264 et distribué.
DÉPÔT DE RAPPORTS D'INFORMATION
M. le président du Sénat a reçu le 6 avril 2001 de MM. Jean Delaneau, Jacques
Bimbenet, Louis Boyer, Mme Marie-Madeleine Dieulangard, MM. Claude Domeizel,
Guy Fischer, Alain Gournac, Jean-Louis Lorrain et Alain Vasselle un rapport
d'information fait au nom de la commission des affaires sociales à la suite
d'une mission effectuée du 5 au 13 septembre 2000 par une délégation chargée
d'étudier la réforme des systèmes de retraite en Suède et en Italie.
Ce rapport d'information sera imprimé sous le numéro 265 et distribué.
M. le président du Sénat a reçu le 7 avril 2001 de M. Claude Huriet un rapport
d'information fait au nom de la commission des affaires sociales sur le
fonctionnement des comités consultatifs de protection des personnes dans la
recherche biomédicale.
Ce rapport d'information sera imprimé sous le numéro 267 et distribué.
14
ORDRE DU JOUR
M. le président.
Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment
fixée au mercredi 18 avril 2001.
A quinze heure :
- Discussion en nouvelle lecture du projet de loi (n° 201, 2000-2001), adopté
avec modifications par l'Assemblée nationale, en nouvelle lecture, relatif aux
nouvelles régulations économiques.
Rapport (n° 257, 2000-2001) de M. Philippe Marini, fait au nom de la
commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de
la nation.
Aucune inscription de parole dans la discussion générale n'est plus
recevable.
Le délai limite pour le dépôt des amendements est expiré.
En outre, le soir :
- Examen de la demande présentée par la commission des affaires économiques,
tendant à obtenir du Sénat l'autorisation de désigner une mission d'information
sur la lutte contre l'épizootie de fièvre aphteuse.
Délai limite pour les inscriptions de parole
et pour le dépôt des amendements
- Deuxième lecture de la proposition de loi, adoptée avec modifications par
l'Assemblée nationale en deuxième lecture, relative à la répression des rejets
polluants des navires (n° 207, 2000-2001).
Délai limite pour le dépôt des amendements : mercredi 18 avril 2001, à
dix-sept heures.
- Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence,
de modernisation sociale (n° 185, 2000-2001).
Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale :
lundi 23 avril 2001, à dix-sept heures.
Délai limite pour le dépôt des amendements : ouverture de la discussion
générale.
Personne ne demande la parole ?...
La séance est levée.
(La séance est levée, à vingt-trois heures vingt.)
Le Directeur
du service du compte rendu intégral,
DOMINIQUE PLANCHON
ORDRE DU JOUR PRÉVISIONNEL
(Application de l'article 29, alinéa 3 bis,
du règlement)
En application de l'article 29, alinéa 3
bis,
du règlement du Sénat, M.
le ministre des relations avec le Parlement a communiqué à M. le président du
Sénat, le 13 avril 2001, la lettre suivante :
Monsieur le président,
J'ai l'honneur de vous communiquer, en application de l'article 29, alinéa 3
bis,
du règlement du Sénat, le calendrier prévisionnel de travail du
Sénat jusqu'à la fin de la présente session.
Comme il est d'usage, et conformément à la décision du Conseil constitutionnel
du 15 décembre 1995, j'assortirai ce calendrier des réserves relatives au
caractère indicatif de cette programmation, qui ne saurait lier le Gouvernement
dans l'exercice de ses prérogatives mentionnées à l'article 48, alinéa premier,
de la Constitution.
Outre diverses navettes et projets de loi autorisant l'approbation de
conventions internationales, le Sénat sera saisi des sujets suivants :
Deuxième quinzaine d'avril
Nouvelle lecture de la proposition de loi organique modifiant la date
d'expiration des pouvoirs de l'Assemblée nationale.
Nouvelle lecture de la proposition de loi tendant à la création d'une Agence
française de sécurité sanitaire environnementale.
Nouvelle lecture de la proposition de loi relative à l'égalité professionnelle
entre les femmes et les hommes.
Nouvelle lecture du projet de loi relatif aux nouvelles régulations
économiques.
Deuxième lecture de la proposition de loi modifiant les dispositions du code
de l'environnement relatives à la répression des rejets polluants des
navires.
Projet de loi de modernisation sociale.
Première quinzaine de mai
Suite du projet de loi de modernisation sociale.
Conclusions de la commission mixte paritaire ou nouvelle lecture du projet de
loi portant création d'une prime pour l'emploi.
Projet de loi portant règlement définitif du budget de 1999.
Deuxième lecture du projet de loi organique relatif au statut des magistrats
et au Conseil supérieur de la magistrature.
Nouvelle lecture du projet de loi relatif à l'interruption volontaire de
grossesse et à la contraception.
Projet de loi relatif à la réalisation d'un itinéraire à très grand gabarit
entre le port de Bordeaux et Toulouse.
Projet de loi portant diverses dispositions statutaires relatives aux
magistrats de la Cour des comptes et des chambres régionales des comptes et
modifiant le code des juridictions financières.
Deuxième lecture de la proposition de loi tendant à renforcer la prévention et
la répression à l'encontre des groupements à caractère sectaire.
Deuxième lecture de la proposition de loi tendant à la reconnaissance de la
traite et de l'esclavage en tant que crime contre l'humanité.
Projet de loi portant habilitation du Gouvernement à prendre par ordonnances
les mesures législatives nécessaires à l'actualisation et à l'adaptation du
droit applicable outre-mer.
Deuxième quinzaine de mai
Projet de loi relatif à la prise en charge de la perte d'autonomie des
personnes âgées et à l'allocation personnalisée d'autonomie.
Deuxième lecture de la proposition de loi relative à la lutte contre les
discriminations.
Proposition de loi organique relative aux lois de finances.
Projet de loi relatif à la sécurité quotidienne.
Projet de loi portant diverses mesures d'ordre social.
Projet de loi portant diverses mesures urgentes à caractère économique et
financier.
Première quinzaine de juin
Conclusions de la commission mixte paritaire ou nouvelle lecture du projet de
loi de modernisation sociale.
Projet de loi relatif au statut de Mayotte.
Conclusions de la commission mixte paritaire ou nouvelle lecture du projet de
loi relatif à la réalisation d'un itinéraire à très grand gabarit entre le port
de Bordeaux et Toulouse.
Deuxième lecture du projet de loi d'orientation sur la forêt.
Conclusions de la commission mixte paritaire ou nouvelle lecture du projet de
loi relatif à la sécurité quotidienne.
Proposition de loi relative aux droits du conjoint survivant.
Proposition de loi relative à la mise en place d'une allocation d'autonomie
pour les jeunes de seize à vingt-cinq ans.
Proposition de loi relative à l'assurance des non-salariés agricoles contre
les accidents du travail et les maladies professionnelles.
Deuxième quinzaine de juin
Conclusions de la commission mixte paritaire ou nouvelle lecture du projet de
loi relatif à la prise en charge de la perte d'autonomie des personnes âgées et
à l'allocation personnalisée d'autonomie.
Déclaration du Gouvernement suivie d'un débat sur la coopération
internationale.
Déclaration du Gouvernement suivie d'un débat sur les orientations
budgétaires.
Conclusions de la commission mixte paritaire ou nouvelle lecture du projet de
loi portant diverses mesures d'ordre social.
Conclusions de la commission mixte paritaire ou nouvelle lecture du projet de
loi organique relatif au statut des magistrats et au Conseil supérieur de la
magistrature.
Conclusions de la commission mixte paritaire ou nouvelle lecture du projet de
loi d'orientation sur la forêt.
Conclusions de la commission mixte paritaire ou nouvelle lecture de la
proposition de loi relative à la lutte contre les discriminations.
Deuxième lecture de la proposition de loi tendant à moderniser le statut des
sociétés d'économie mixte locales.
Conclusions de la commission mixte paritaire ou nouvelle lecture du projet de
loi relatif au statut de Mayotte.
Projet de loi tendant à autoriser la ratification du traité de Nice.
Deuxième lecture de la proposition de loi organique relative aux lois de
finances.
Je vous prie d'agréer, Monsieur le président, l'expression de ma haute
considération.
Signé : Jean-Jack Queyranne
Le Directeur du service du compte rendu intégral, DOMINIQUE PLANCHON QUESTIONS ORALES REMISES À LA PRÉSIDENCE DU SÉNAT (Application des articles 76 à 78 du réglement)
Mise en place du contrat local
de sécurité à Rambouillet
1049.
- 9 avril 2001. -
M. Gérard Larcher
attire l'attention de
M. le ministre de l'intérieur
sur les difficultés rencontrées pour la mise en oeuvre du contrat local de
sécurité signé entre l'Etat et la ville de Rambouillet, le 13 juillet 1999, et
la mise en place de la police de proximité telle que prévue par le
Gouvernement. Malgré les engagements pris en juillet 1999 par le préfet des
Yvelines et lors de la réunion d'évaluation de la mise en oeuvre du contrat
local de sécurité en juillet 2000, la circonscription de police de Rambouillet
est toujours en attente des effectifs nécessaires pour la mise en oeuvre du
contrat local de sécurité, on y constate même un déficit croissant en effectifs
de policiers. En conséquence, il lui demande quelles dispositions il compte
prendre pour mettre réellement en place les moyens nécessaires à la sécurité
publique qui se dégrade depuis trois ans de manière significative, tant au plan
de la circonscription de police de Rambouillet que sur la voie ferrée (ligne
Montparnasse-Rambouillet-Chartres).
Réglementation du transport routier de marchandises
1050.
- 9 avril 2001. -
M. Jean Chérioux
souhaite appeler l'attention de
M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement
sur les conséquences de l'application du décret n° 99-752 du 30 août 1999 qui a
profondément modifié la réglementation du transport routier de marchandises. Ce
texte prévoit, notamment, l'inscription au registre des transporteurs et des
loueurs de toutes les entreprises de transport public routier de marchandises
exerçant leur activité à l'aide de véhicules d'au moins deux essieux. Cette
inscription est soumise à trois conditions : l'honorabilité, la capacité
financière et la capacité professionnelle. Or cette dernière condition pose de
graves problèmes d'application aux professionnels qui, dotés d'une longue
expérience, doivent passer un examen destiné à apprécier leur qualification,
alors même qu'ils exercent leur métier depuis plusieurs dizaines d'années. Nul
ne saurait contester l'intérêt de renforcer le niveau de qualification des
dirigeants d'entreprises de transport. Cependant, la réglementation actuelle
contraindra certains dirigeants, en exercice depuis de nombreuses années, à
mettre la clé sous la porte. C'est pourquoi il serait souhaitable de
n'appliquer le décret précité qu'aux « nouveaux entrants » du secteur du
transport.
Rôle des services régionaux de l'archéologie
1051.
- 10 avril 2001. -
M. Philippe Richert
attire l'attention de
Mme le ministre de la culture et de la communication
sur le rôle des services régionaux de l'archéologie et s'étonne qu'en
application des circulaires des 2 et 9 avril 1999 des services régionaux de
l'archéologie attribuent un monopole aussi bien pour les études archéologiques
du sol que pour les élévations. Certains services régionaux de l'archéologie
vont jusqu'à affirmer qu'« une étude des élévations, non réalisée par
l'Association pour les fouilles archéologiques nationales (AFAN) aujourd'hui
(et demain par le futur établissement public) ou réalisée sans autorisation
expresse du SRA à partir d'un dossier de demande d'opération archéologique ou
de repérage, constitue une infraction à la loi validée du 27 septembre 1941
modifiée et peut l'objet d'un procès-verbal transmis au procureur de la
République » ! Des « refus conservatoires » sur des demandes de permis de
construire ont été été notifiés pour réaffirmer ces principes. En conséquences,
il lui demande de lui indiquer s'il y aura monopole (sauf dérogation) de
l'établissement public, malgré les assurances fournies par le sous-directeur de
l'archéologie, le 14 septembre 1999, lors des entretiens juridiques du
patrimoine qui se sont tenus au Sénat, entretiens au cours desquels il a été
assuré que le décret en cours de préparation ouvrirait une concertation avec
les universités, les archéologues territoriaux, le centre national de la
recherche scientifique (CNRS) et les associations. Il aimerait savoir si le
nouvel établissement public aura également un monopole pour le relevé des
élévations dans le cadre des études préalables aux travaux et, enfin, quels
sont les textes qui autorisent les services de l'Etat à notifier des « refus
conservatoires » à l'occasion d'instruction des demandes d'autorisation de
travaux pour la restauration des éléments en élévation des immeubles non
classés au titre de la loi du 31 décembre 1913 sur les monuments
historiques.
Difficultés de gestion
de l'office public d'HLM de Périgueux
1052.
- 12 avril 2001. -
M. Xavier Darcos
appelle l'attention de
Mme le secrétaire d'Etat au logement
sur les difficultés de gestion auxquelles est sérieusement confronté l'office
public d'HLM de Périgueux, et qui résultent de deux causes majeures. D'une
part, cet office doit faire face à des locataires indélicats qui quittent leur
logement sans préavis, sans remettre les clefs qui leur ont été confiées et,
bien entendu, sans payer leur loyer. Plusieurs années sont parfois nécessaires
pour que l'office soit en mesure de récupérer matériellement le logement
abandonné. L'article 14 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 stipulant qu'« en
cas d'abandon de domicile, tout contrat de location continue à bénéficier à un
certain nombre d'ayants droit », ce qui encourage les mauvais payeurs, il lui
demande de bien vouloir lui faire connaître les dispositions susceptibles
d'être prises afin de mieux définir cette notion d'abandon, et de prévoir qu'en
cas de relance de loyers impayés par lettre recommandée restée sans réponse, la
clause résolutoire du bail s'applique aussitôt. D'autre part, l'office
rencontre des difficultés de gestion dues à des logements laissés vacants après
le décès d'un locataire. L'article 1324 du nouveau code de procédure civile
dispose qu'« un mois après le décès d'un locataire, lorsqu'il n'y a pas de
successible connu, le juge d'instance peut autoriser le propriétaire des locaux
sur lesquels ont été apposés les scellés à procéder à ses frais à l'enlèvement
des meubles ». Or, en l'état, cet article est inapplicable : des biens vacants
sont gelés parfois plus d'un an sans que l'office puisse pénétrer dans les
lieux ou les récupérer, alors même que les demandes de logements sociaux
déposées auprès de l'office public d'HLM de Périgueux et non satisfaites
s'élèvent à plus de mille par an. Il souhaite donc connaître sa position sur
une amélioration de la rédaction de l'article 1324 précité tendant ainsi à
prévoir : un délai maximum de six mois permettant au bailleur d'un bien locatif
laissé vacant à la suite du décès du preneur de récupérer ce bien ; une clause
stipulant qu'en cas d'héritier connu et après relance par lettre recommandée
demeurée infructueuse, la clause résolutoire du bail s'applique également
aussitôt en cas de non-paiement des loyers. Il lui demande enfin de lui faire
connaître les conditions d'indemnisation d'un bailleur qui ne perçoit plus de
loyer pour un bien sur lequel ont été apposés les scellés, et de lui confirmer
que les services des domaines chargés de la gestion de ce bien continuent à
l'assurer après le décès du locataire. En effet, il paraît difficile d'exiger
d'un bailleur de se substituer aux obligations locatives d'assurance qui sont
imposées au preneur.
Indemnisation des réparations des dégâts causés
par les tempêtes de décembre 1999
1053.
- 13 avril 2001. -
M. Jean-Claude Peyronnet
attire l'attention de
M. le secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à
l'artisanat et à la consommation
sur l'application des articles L. 114-1 et L. 114-2 du code des assurances aux
sinistres consécutifs à la tempête de décembre 1999. L'article L. 114-1 du code
des assurances prévoit que les actions dérivant d'un contrat d'assurances sont
prescrites au terme de deux ans à compter de l'événement qui y donne naissance.
La difficulté réside dans certaines polices d'assurance, qui prévoient que le
versement de l'indemnité ne sera dû qu'une fois les travaux réalisés. Ainsi, en
application de cet article combiné à ces dispositions contractuelles, les
personnes sinistrées ne pourront se voir indemniser des travaux consécutifs à
la tempête si ces derniers ne sont pas réalisés avant fin décembre 2001.
Certes, l'article L. 114-2 dispose que la prescription est interrompue par
lettre recommandée avec accusé de réception adressée par l'une des parties au
contrat à l'autre. Là encore, des difficultés apparaissent, puisque les
personnes sinistrées ont le plus grand mal à trouver des entrepreneurs pouvant
réaliser rapidement les travaux. En effet, cette tempête, qui a touché notre
pays les 26 et 27 décembre 1999, a provoqué de nombreux et conséquents dégâts.
L'importance et l'ampleur des travaux à réaliser ne permettront pas aux
artisans, malgré des efforts indéniables, de mener à bien l'ensemble des
chantiers qui leur sont confiés avant cette date butoir. Dans ces conditions,
la lettre recommandée avec accusé de réception pourra-t-elle, malgré les
efforts de l'assuré, produire ses pleins effets ? En conséquence, il aimerait
connaître dans quelles conditions l'article L. 114-2 est applicable aux
hypothèses envisagées ci-dessus. Dans le cas où cet article serait applicable,
il souhaiterait savoir si le Gouvernement entend mener une campagne
d'information en direction des assurés. Dans le cas contraire, quelles
dispositions le Gouvernement entend-il prendre afin que la prescription
biennale ne puisse être opposée aux sinistrés n'ayant pu s'assurer le concours
d'un entrepreneur avant la fin de décembre 2000 ?
Internat scolaire pour les enfants
des Français expatriés
1054.
- 14 avril 2001. -
M. André Ferrand
attire l'attention de
M. le ministre de l'éducation nationale
sur la situation de l'internat scolaire dans notre pays et, plus spécialement,
des facilités d'accueil réservées aux enfants de Français expatriés. En effet,
nombre de ces enfants ne peuvent suivre leurs parents, soit parce qu'ils sont
appelés à l'étranger pour des missions de courte durée, soit lorsqu'aucune
école française n'existe sur place ou qu'elle n'offre pas la section
correspondant au choix de l'élève. A la suite de l'annonce gouvernementale d'un
plan sur cinq ans de création d'un internat par département, il lui demande de
bien vouloir lui préciser quelles mesures seront prises pour favoriser
l'accueil dans ces lieux des enfants de Français expatriés et faciliter leur
prise en charge lors des congés de courte durée et de fin de semaine quand ils
seront éloignés de toute famille capable de les accueillir.
Réhabilitation du parc naturel régional
du Lubéron
1055.
- 17 avril 2001. -
M. Claude Haut
attire l'attention de
M. le ministre de l'agriculture et de la pêche
sur deux événements aux conséquences particulièrement dramatiques pour
l'environnement et l'écosystème du département de Vaucluse. Les 27 et 28 août
2001, 187 hectares au coeur du parc naturel régional du Lubéron étaient ravagés
par un incendie. Aujourd'hui, des travaux sont nécessaires pour permettre la
réhabilitation et la sécurisation du site. Le conseil régional Provence - Alpes
- Côte d'Azur a déjà signifié son engagement dans ce dossier, le conseil
général de Vaucluse participera au montage financier de cette opération. M. le
préfet de Vaucluse a sollicité une enveloppe exceptionnelle auprès de ses
services pour que cette opération de réhabilitation soit menée à son terme dans
les meilleurs délais. Ce soutien financier est également destiné à faire face
aux dégâts exceptionnels occasionnés sur l'ensemble du département par les
fortes chutes de neige que nous avons connues en Provence - Alpes - Côte d'Azur
et particulièrement dans le Vaucluse, au début du mois de mars. A l'approche de
la période estivale, la situation est explosive, nos bois et nos forêts étant
jonchés d'arbres cassés, déracinés par le poids de la neige. Il lui demande si
des moyens supplémentaires seront dégagées pour permettre de traiter au mieux
et dans l'urgence les sites concernés.
Baisse de la TVA dans le secteur de la restauration
1056.
- 17 avril 2001. -
M. Daniel Goulet
interroge
M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie
sur les problèmes qui se posent aux restaurateurs, en particulier ceux liés au
taux de TVA (taxe sur la valeur ajoutée). En effet, un arrêt récent a entraîné
l'application du taux de 5,5 % de TVA à la restauration collective. Il y a donc
une inégalité devant l'impôt qu'il faut corriger en ramenant à 5,5 % le taux de
la TVA pour les restaurateurs, et ce d'autant qu'ils sont contraints de
financer les 35 heures. Bien que la question ait été posée à de multiples
reprises, le problème demeure. C'est pourquoi il lui demande pour quelles
raisons il n'abaisse pas le taux de TVA applicable à la restauration.
ANNEXE AU PROCÈS-VERBAL
de la séance
du mardi 17 avril 2001
SCRUTIN (n° 46)
sur la motion n° 1, présentée par M. Christian Bonnet au nom de la commission
des lois, tendant à opposer la question préalable à la proposition de loi
organique, adoptée par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture, modifiant la
date d'expiration des pouvoirs de l'Assemblée nationale.
Nombre de votants : | 295 |
Nombre de suffrages exprimés : | 287 |
Pour : | 170 |
Contre : | 117 |
Le Sénat a adopté.
ANALYSE DU SCRUTIN
GROUPE COMMUNISTE RÉPUBLICAIN ET CITOYEN (17) :
Contre :
2. _ MM. Jean-Yves Autexier et Paul Loridant.
N'ont pas pris part au vote :
15.
GROUPE DU RASSEMBLEMENT DÉMOCRATIQUE ET SOCIAL EUROPÉEN (23) :
Pour :
14.
Contre :
6. _ MM. Jean-Michel Baylet, André Boyer, Yvon Collin, Gérard
Delfau, François Fortassin et Jean-Pierre Fourcade.
N'ont pas pris part au vote :
3. _ MM. Jacques Bimbenet, Pierre
Laffitte et Georges Mouly.
GROUPE DU RASSEMBLEMENT POUR LA RÉPUBLIQUE (99) :
Pour :
96.
N'ont pas pris part au vote :
3. _ M. Christian Poncelet, président du
Sénat, et MM. André Jourdain et Paul d'Ornano.
GROUPE SOCIALISTE (77) :
Contre :
76.
N'a pas pris part au vote :
1. _ M. Guy Allouche, qui présidait la
séance.
GROUPE DE L'UNION CENTRISTE (51) :
Pour :
8. _ MM. Jacques Baudot, Daniel Bernardet, André Dulait, Jean
Faure, Pierre Hérisson, Jean-Jacques Hyest, Jean-Marie Poirier et Xavier de
Villepin.
Contre :
33.
Abstentions :
8. _ MM. Maurice Blin, Jean-Guy Branger, Serge Franchis,
Daniel Hoeffel, Jean Huchon, Henri Le Breton, Louis Moinard et Philippe
Richert.
N'ont pas pris part au vote :
2. _ MM. Jean-Paul Amoudry et Jean-Pierre
Cantegrit.
GROUPE DES RÉPUBLICAINS ET INDÉPENDANTS (46) :
Pour :
46.
Sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe (7) :
Pour :
6.
N'a pas pris part au vote :
1. _ M. Philippe Adnot.
Ont voté pour
Nicolas About
Louis Althapé
Pierre André
José Balarello
Janine Bardou
Jacques Baudot
Georges Berchet
Jean Bernard
Daniel Bernardet
Roger Besse
Laurent Béteille
Jean Bizet
Paul Blanc
Christian Bonnet
James Bordas
Joël Bourdin
Jean Boyer
Louis Boyer
Gérard Braun
Dominique Braye
Paulette Brisepierre
Louis de Broissia
Guy-Pierre Cabanel
Michel Caldaguès
Robert Calmejane
Jean-Claude Carle
Auguste Cazalet
CharlesCeccaldi-Raynaud
Gérard César
Jacques Chaumont
Jean Chérioux
Marcel-Pierre Cleach
Jean Clouet
Gérard Cornu
Charles-Henride Cossé-Brissac
Jean-Patrick Courtois
Charles de Cuttoli
Xavier Darcos
Philippe Darniche
Désiré Debavelaere
Luc Dejoie
Robert Del Picchia
Jean Delaneau
Jean-Paul Delevoye
Jacques Delong
Fernand Demilly
Christian Demuynck
Charles Descours
Jacques Dominati
Jacques Donnay
Michel Doublet
Paul Dubrule
Alain Dufaut
André Dulait
Ambroise Dupont
Jean-Léonce Dupont
Hubert Durand-Chastel
Daniel Eckenspieller
Jean-Paul Emin
Jean-Paul Emorine
Michel Esneu
Hubert Falco
Jean Faure
André Ferrand
Hilaire Flandre
Gaston Flosse
Bernard Fournier
Alfred Foy
Philippe François
Jean François-Poncet
Yann Gaillard
René Garrec
Jean-Claude Gaudin
Philippe de Gaulle
Patrice Gélard
Alain Gérard
François Gerbaud
Charles Ginésy
Francis Giraud
Paul Girod
Daniel Goulet
Alain Gournac
Adrien Gouteyron
Louis Grillot
Georges Gruillot
Pierre Guichard
Hubert Haenel
Emmanuel Hamel
Anne Heinis
Pierre Hérisson
Alain Hethener
Jean-Paul Hugot
Jean-François Humbert
Jean-Jacques Hyest
Charles Jolibois
Bernard Joly
Alain Joyandet
Roger Karoutchi
Christian de La Malène
Jean-Philippe Lachenaud
Lucien Lanier
Jacques Larché
Gérard Larcher
Patrick Lassourd
Robert Laufoaulu
Edmond Lauret
René-Georges Laurin
Jean-FrançoisLe Grand
Dominique Leclerc
Jacques Legendre
Guy Lemaire
Serge Lepeltier
Simon Loueckhote
Roland du Luart
Max Marest
Philippe Marini
Pierre Martin
Paul Masson
Serge Mathieu
LucetteMichaux-Chevry
Jean-Luc Miraux
Aymeri de Montesquiou
Bernard Murat
Philippe Nachbar
Paul Natali
Lucien Neuwirth
Nelly Olin
Joseph Ostermann
Georges Othily
Jacques Oudin
Lylian Payet
Michel Pelchat
Jacques Pelletier
Jean Pépin
Jacques Peyrat
Xavier Pintat
Bernard Plasait
Jean-Marie Poirier
Guy Poirieux
Ladislas Poniatowski
André Pourny
Jean Puech
Jean-Pierre Raffarin
Henri de Raincourt
Jean-Marie Rausch
Victor Reux
Charles Revet
Henri Revol
Henri de Richemont
Yves Rispat
Louis-Ferdinand de Rocca Serra
Josselin de Rohan
Michel Rufin
Jean-Pierre Schosteck
Bernard Seillier
Raymond Soucaret
Louis Souvet
Martial Taugourdeau
Henri Torre
René Trégouët
François Trucy
Alex Türk
Maurice Ulrich
Jacques Valade
André Vallet
Alain Vasselle
Jean-Pierre Vial
Xavier de Villepin
Serge Vinçon
Guy Vissac
Ont voté contre
Bernard Angels
Philippe Arnaud
Jean Arthuis
Henri d'Attilio
Bertrand Auban
François Autain
Jean-Yves Autexier
Robert Badinter
Denis Badré
Bernard Barraux
Jean-Michel Baylet
Michel Bécot
Jean-Pierre Bel
Jacques Bellanger
Claude Belot
Maryse Bergé-Lavigne
Jean Bernadaux
Jean Besson
Pierre Biarnès
Annick Bocandé
André Bohl
Marcel Bony
Didier Borotra
André Boyer
Yolande Boyer
Claire-Lise Campion
Jean-Louis Carrère
Bernard Cazeau
Monique Cerisier-ben Guiga
Gilbert Chabroux
Michel Charasse
Marcel Charmant
Yvon Collin
Gérard Collomb
Raymond Courrière
Roland Courteau
Marcel Debarge
Gérard Delfau
Jean-Pierre Demerliat
Marcel Deneux
Gérard Deriot
Dinah Derycke
Rodolphe Désiré
Marie-Madeleine Dieulangard
André Diligent
Claude Domeizel
Michel Dreyfus-Schmidt
Josette Durrieu
Bernard Dussaut
Claude Estier
Léon Fatous
Pierre Fauchon
François Fortassin
Jean-Pierre Fourcade
Yves Fréville
Serge Godard
Francis Grignon
Jean-Noël Guérini
Claude Haut
Marcel Henry
Rémi Herment
Roger Hesling
Roland Huguet
Claude Huriet
Pierre Jarlier
Alain Journet
Philippe Labeyrie
Serge Lagauche
Roger Lagorsse
Alain Lambert
Dominique Larifla
Louis Le Pensec
André Lejeune
Marcel Lesbros
Claude Lise
Paul Loridant
Jean-Louis Lorrain
Jacques Machet
Philippe Madrelle
Jacques Mahéas
Kléber Malécot
André Maman
Jean-Yves Mano
François Marc
René Marquès
Marc Massion
Pierre Mauroy
Louis Mercier
Michel Mercier
Gérard Miquel
René Monory
Michel Moreigne
Philippe Nogrix
Jean-Marc Pastor
Guy Penne
Daniel Percheron
Jean-Claude Peyronnet
Jean-François Picheral
Bernard Piras
Jean-Pierre Plancade
Danièle Pourtaud
Gisèle Printz
Paul Raoult
Roger Rinchet
Gérard Roujas
André Rouvière
Claude Saunier
Michel Sergent
René-Pierre Signé
Michel Souplet
Simon Sutour
Michel Teston
Pierre-Yvon Tremel
Albert Vecten
André Vezinhet
Marcel Vidal
Henri Weber
Abstentions
MM. Maurice Blin, Jean-Guy Branger, Serge Franchis, Daniel Hoeffel, Jean
Huchon, Henri Le Breton, Louis Moinard et Philippe Richert.
N'ont pas pris part au vote
Philippe Adnot
Jean-Paul Amoudry
Marie-Claude Beaudeau
Jean-Luc Bécart
Danielle Bidard-Reydet
Jacques Bimbenet
Nicole Borvo
Robert Bret
Jean-Pierre Cantegrit
Guy Fischer
Thierry Foucaud
André Jourdain
Pierre Laffitte
Gérard Le Cam
Pierre Lefebvre
Hélène Luc
Georges Mouly
Roland Muzeau
Paul d'Ornano
Jack Ralite
Ivan Renar
Odette Terrade
Paul Vergès
N'ont pas pris part au vote
M. Christian Poncelet, président du Sénat, et M. Guy Allouche, qui présidait
la séance.
Les nombres annoncés en séance avaient été de :
Nombre de votants : | 297 |
Nombre des suffrages exprimés | 288 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 145 |
Pour : | 170 |
Contre : | 118 |
Mais, après vérification, ces nombres ont été rectifiés conformément à la liste ci-dessus.