SEANCE DU 18 AVRIL 2001
M. le président.
« Art. 28. - Au début du titre IV du livre IV du code de commerce, avant le
chapitre Ier, il est inséré un chapitre préliminaire intitulé : "Dispositions
générales" et comprenant un article L. 440-1 ainsi rédigé :
«
Art. L. 440-1
. - Une Commission d'examen des pratiques commerciales
est créée. Elle est composée d'un député et d'un sénateur désignés par les
commissions permanentes de leur assemblée compétentes en matière de relations
commerciales entre fournisseurs et revendeurs, de membres, éventuellement
honoraires, des juridictions administratives et judiciaires, de représentants
des secteurs de la production et de la transformation agricole et halieutique,
ainsi qu'industrielle et artisanale, des transformateurs, des grossistes, des
distributeurs et de l'administration, ainsi que de personnalités qualifiées.
Elle est présidée par un magistrat de l'ordre administratif ou judiciaire. Elle
comprend un nombre égal de représentants des producteurs et des revendeurs.
« Les membres de la commission sont tenus au secret professionnel pour les
faits, actes et renseignements dont ils ont pu avoir connaissance en raison de
leurs fonctions.
« La commission a pour mission de donner des avis ou formuler des
recommandations sur les questions, les documents commerciaux ou publicitaires,
y compris les factures et contrats couverts par un secret industriel et
commercial, et les pratiques concernant les relations commerciales entre
producteurs, fournisseurs, revendeurs qui lui sont soumis. Elle assure, sous la
responsabilité de son président, l'anonymat des saisines et des documents qui
lui sont soumis, y compris vis-à-vis de ses membres.
« La commission est saisie par le ministre chargé de l'économie, le ministre
chargé du secteur économique concerné, le président du Conseil de la
concurrence, toute personne morale, notamment les organisations
professionnelles ou syndicales, les associations de consommateurs agréées, les
chambres consulaires ou d'agriculture, ainsi que par tout producteur,
fournisseur, revendeur s'estimant lésé par une pratique commerciale. Elle peut
également se saisir d'office. Le président de la commission peut décider de
mettre en place plusieurs chambres d'examen au sein de la commission.
« L'avis rendu par la commission porte notamment sur la conformité au droit de
la pratique ou du document dont elle est saisie.
« La commission entend, à sa demande, les personnes et fonctionnaires qu'elle
juge utiles à l'accomplissement de sa mission. Son président peut demander
qu'une enquête soit effectuée par les agents habilités à cet effet par
l'article L. 450-1 du présent code ou l'article L. 215-1 du code de la
consommation, selon les procédures prévues. Le compte rendu de l'enquête est
remis au président de la commission qui s'assure qu'il préserve l'anonymat des
personnes concernées.
« La commission peut également décider d'adopter une recommandation sur les
questions dont elle est saisie et toutes celles entrant dans ses compétences,
notamment celles portant sur le développement des bonnes pratiques. Lorsqu'elle
fait suite à une saisine en application du troisième alinéa, cette
recommandation ne contient aucune indication de nature à permettre
l'identification des personnes concernées. La recommandation est communiquée au
ministre chargé de l'économie et est publiée sur décision de la commission.
« La commission exerce, en outre, un rôle d'observatoire régulier des
pratiques commerciales, des facturations et des contrats conclus entre
producteurs, fournisseurs, revendeurs qui lui sont soumis. Elle établit chaque
année un rapport d'activité, qu'elle transmet au Gouvernement et aux assemblées
parlementaires. Ce rapport est rendu public.
« Un décret détermine l'organisation, les moyens et les modalités de
fonctionnement de la commission ainsi que les conditions nécessaires pour
assurer l'anonymat des acteurs économiques visés dans les avis et
recommandations de la commission. »
Par amendement n° 23, M. Marini, au nom de la commission, propose de rédiger
ainsi cet article :
« Il est inséré au début du titre IV du livre IV du code du commerce, avant le
chapitre Ier, un chapitre ainsi rédigé :
« Chapitre préliminaire
« Dispositions générales
«
Art. L. 440-1
. - Une commission des pratiques commerciales et des
relations contractuelles entre fournisseurs et distributeurs est créée.
« Ses attributions, sa composition et ses modalités de fonctionnement sont
précisées par décret.
« Elle exerce un rôle d'observatoire régulier des pratiques commerciales et
des contrats conclus entre fournisseurs et distributeurs qui lui sont
soumis.
« Elle a, en outre, pour mission de donner des avis ou de formuler des
recommandations sur toute question relative aux relations contractuelles entre
fournisseurs et distributeurs et sur le développement de pratiques commerciales
équitables.
« Cette commission comprend en son sein un collège de magistrats des ordres
administratif et judiciaire et d'experts indépendants. Elle est composée
également d'un nombre égal de représentants, d'une part, des distributeurs et,
d'autre part, des producteurs des secteurs agricoles et agroalimentaires, des
produits de la mer et des secteurs industriels, ainsi que des représentants de
l'administration et des personnes qualifiées.
« Elle peut être saisie par le ministre chargé de l'économie, le président du
Conseil de la concurrence ou toute personne morale, y compris les organisations
professionnelles, les associations de consommateurs agréées et les chambres de
commerce et d'agriculture y ayant intérêt ou souhaitant un avis ou une
recommandation.
« Elle est présidée par un magistrat de l'ordre administratif ou
judiciaire.
« Il revient au collège d'assurer l'anonymat des saisines et des documents
qu'il soumet aux délibérations de l'assemblée plénière, en vue de l'élaboration
des avis et recommandations susvisés, lorsque leur portée est générale.
« Ils ne peuvent comporter, dans ce cas, d'indications de nature à permettre
l'identification de situations individuelles.
« Le collège a aussi la faculté d'émettre des avis et recommandations
spécifiques n'ayant pas force obligatoire, qui ne sont pas portés à la
connaissance des autres membres de la commission mais sont communiqués
seulement aux parties en cause. Le demandeur n'est pas dispensé dans ce cas
d'apporter la preuve du caractère abusif de la pratique contestée et la partie
adverse doit être admise à présenter ses observations en défense.
« Le collège peut se saisir d'office ou saisir, sur le fondement de l'article
L. 442-6, le Conseil de la concurrence. Son président peut demander qu'une
enquête soit effectuée par les agents habilités à cet effet par l'article L.
450-4 du présent code ou l'article L. 215-1 du code de la consommation, selon
les procédures prévues par ces dispositions.
« Les membres de la commission sont tenus au secret professionnel pour les
faits, actes et renseignements dont ils ont pu avoir connaissance en raison de
leurs fonctions.
« La commission établit chaque année un rapport d'activité et propose
éventuellement les modifications législatives ou réglementaires qui lui
paraissent souhaitables. Ce rapport est transmis au Parlement. Il est rendu
public. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Yann Gaillard,
rapporteur.
Cet amendement concerne la commission des pratiques
commerciales et des relations contractuelles. Nous proposons de revenir au
texte adopté par le Sénat en première lecture, qui correspond, pour
l'essentiel, à celui qui avait été proposé par la commission des finances.
Nous partageons la volonté des députés de faire en sorte que la commission des
pratiques commerciales, créée par le présent article, soit plus qu'un simple
observatoire ; mais il s'agit de rendre cette volonté compatible avec le droit
applicable. Comme cette commission est habilitée à se prononcer sur la
conformité au droit de la pratique ou du document dont elle est saisie, nous
proposons d'y introduire un collège spécialisé de magistrats et d'experts
garantissant le respect de l'anonymat et des règles du contradictoire.
Une autre divergence, moins importante, existe entre la position de la
commission des finances et celle de l'Assemblée nationale. En effet, la
commission ne pense pas qu'il soit opportun que des parlementaires siègent dans
cette instance ; c'est une manière de « mouiller » les parlementaires dans des
opérations qui ne sont pas forcément de leurs compétences.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. François Patriat,
secrétaire d'Etat.
Le Gouvernement n'est pas favorable à cet amendement,
qui vise à conférer à la commission une fonction ambiguë qu'elle n'a pas à
assumer.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 23.
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Je demande la parole contre l'amendement.
M. le président.
La parole est à Mme Beaudeau.
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Cet amendement, qui tend à rédiger l'article 28, nous semble particulièrement
discutable. Il illustre, à notre avis, une conception pour le moins critiquable
de ce qu'on peut appeler « la régulation économique ».
En effet, il est l'illustration de ce que peut donner une logique de
dissolution de l'autorité publique dans le cadre de structures et d'autorités
indépendantes, dont l'action, même strictement définie, tend à peser en
dernière instance sur les orientations et les choix de la puissance publique,
dont la légitimité procède pourtant de l'expression du suffrage universel.
En fait, la commission des finances propose la création d'une structure qui,
issue de la société civile et sans légitimité réelle, aurait à connaître et à
donner son avis sur un pan important de la vie économique, en l'occurrence les
relations commerciales et les conflits qui peuvent en découler.
Nous ne pouvons suivre la commission des finances sur cette voie qui dénature
à terme le sens de l'action de la puissance publique et fait de la régulation
le champ d'investigation exclusif des acteurs du marché et de la vie économique
entre eux.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 23, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, l'article 28 est ainsi rédigé.
Article 28 bis A