SEANCE DU 18 AVRIL 2001


M. le président. Par amendement n° 91 rectifié, M. Charasse, Mme Pourtaud et les membres du groupe socialiste et apparentés proposent d'insérer, après l'article 54 sexies , un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - La dernière phrase de l'article L. 212-7 du code de la propriété intellectuelle est supprimée.
« II. - Les dispositions de l'article L. 212-7 du code de la propriété intellectuelle :
« 1° Ne sont pas applicables aux actes d'exploitation de l'interprétation d'un artiste-interprète décédé qui ont été autorisés avant la date d'entrée en vigueur de la présente loi ;
« 2° Ne sont pas opposables à l'exploitation des oeuvres, fixations ou programmes en vue de la réalisation desquels les actes d'exploitation mentionnés au 1° ont été autorisés. »
La parole est à M. Charasse.
M. Michel Charasse. Cet amendement ne tombe pas sous le coup des mêmes observations que précédemment, car il a été présenté au Sénat en première lecture. Par conséquent, ce n'est pas une disposition nouvelle.
Il s'agit d'une question qui a été examinée par la Haute Assemblée à trois ou quatre reprises, le Sénat ayant même adopté au moins une fois cette proposition que présente de nouveau le groupe auquel j'appartiens et qui concerne la situation des héritiers de certains artistes-interprètes décédés.
L'article L. 217-7 du code de la propriété intellectuelle a prévu l'extinction, au décès des artistes-interprètes, de leur droit à rémunération pour les modes d'exploitation des oeuvres audiovisuelles qui n'étaient pas prévus par les contrats antérieurs au 1er janvier 1986.
En première lecture - j'avais en effet déjà présenté, avec mon groupe, la même disposition - le Gouvernement avait souhaité différer l'adoption de cet amendement, afin de pouvoir consulter le conseil supérieur de la propriété littéraire et artistique, créé par un arrêté du 10 juillet 2000. Mes amis et moi-même avions accepté le principe de cette consultation et retiré notre amendement.
Or, à ce jour, le conseil supérieur en question n'est toujours ni nommé ni installé. Cela peut donc durer jusqu'à la Saint-Glinglin ! Comme il y a des limites à la plaisanterie, nous avons décidé de présenter de nouveau notre proposition, sous la forme de l'amendement n° 91 rectifié.
Sans revenir sur ce qui a déjà été dit et qui avait conduit le Sénat à adopter notre proposition, je voudrais rappeler que le texte en vigueur lèse gravement les héritiers des artistes disparus avant le terme de leurs droits et qu'il est à l'origine de situations particulièrement injustes. Il n'est pas conforme à la directive européenne du 29 octobre 1993, qui a harmonisé la durée des droits des artistes-interprètes en prévoyant, si nécessaire, le rappel à la protection de certains droits, et son application pourrait donc, de ce fait, être un jour contestée devant la Cour européenne.
Enfin, après un dialogue nourri avec Mme Catherine Tasca, ministre de la culture, je dois dire que nous avions revu notre texte à plusieurs reprises pour éviter de léser ceux qui, du fait de la loi de 1985, ont capté les droits et les utilisent aujourd'hui, notre amendement ne revenant naturellement pas sur cette utilisation, mais prévoyant uniquement pour l'avenir.
Il s'agit donc de mettre un terme à une situation qui fait que, sur un court laps de temps, c'est-à-dire avant le 1er janvier 1986, les héritiers des artistes décédés ont été spoliés, puisque l'on exigeait que figurent dans les contrats conclus avant cette date des dispositions relatives à des modes d'exploitation technique qui, à l'époque, n'avaient pas encore été inventés et dont on ne pouvait imaginer ce qu'ils seraient.
J'insiste vraiment, monsieur le secrétaire d'Etat, compte tenu de la mauvaise volonté de l'administration pour mettre en place le conseil supérieur qui nous a été annoncé, pour que cet amendement soit accepté par le Gouvernement afin de mettre un terme à une situation qui est insupportable.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Yann Gaillard, rapporteur. La commission joint ses prières à celles du sénateur Charasse !
M. le président. Vous joignez-vous à cette double prière, monsieur le secrétaire d'Etat ?
M. François Patriat, secrétaire d'Etat. Monsieur le sénateur, les amendements n°s 92 et 117 qui ont été proposés antérieurement n'étaient pas recevables pour des motifs constitutionnels que vous êtes bien plus expert que moi à appréhender. Néanmoins, je reconnais que les problèmes qu'ils soulèvent sont réels. Ils feront d'ailleurs l'objet d'un examen approfondi dans les semaines qui viennent. La question mérite effectivement d'être posée et nous devons pouvoir ensemble trouver des solutions.
Concernant plus particulièrement l'amendement n° 91 rectifié concernant les ayants droit des artistes disparus, le Gouvernement ne peut pas remettre en cause sans concertation les équilibres choisis par le législateur en 1985, même si, à l'évidence, la solution retenue à l'époque prête à critique au regard de la logistique des droits d'auteurs et droits voisins.
Je voudrais cependant vous dire, monsieur Charasse, que le Conseil supérieur de la propriété littéraire et artistique, qui est constitué, se réunira le 11 mai. Comme Mme Tasca s'y est engagée, il pourra alors se saisir de cette question.
Je ne peux donc, monsieur Charasse, qu'émettre un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. L'amendement n° 91 rectifié est-il maintenu, monsieur Charasse ?
M. Michel Charasse. La première fois que j'ai présenté cet amendement, on m'a dit qu'il fallait une concertation. La deuxième fois que je l'ai présenté, c'était parce qu'il n'y avait pas eu de concertation, et on m'a dit qu'il y aurait un Conseil supérieur de la propriété littéraire et artistique. La troisième fois que je le présente, c'est parce qu'il n'y a toujours pas de Conseil supérieur !
M. François Patriat, secrétaire d'Etat. Mais si !
M. Michel Charasse. Mais non !
Le Conseil supérieur fait dire aujourd'hui qu'il s'installera le 11 mai. Certes, et, dans la même journée, il se réunirait pour élire son président, arrêter son mode de fonctionnement et... s'occuper de cette affaire ! J'ai du mal à le croire !
Quoi qu'il en soit, monsieur le secrétaire d'Etat, vous n'êtes pas le ministre directement concerné par ce sujet et je ne vous ferai pas une chicanerie à cette heure-ci. Je ne veux pas être désagréable avec vous, compte tenu de nos liens anciens. Je vais donc faire un geste.
Mais je préviens charitablement le Gouvernement : un projet de loi portant DDOEF sera bientôt discuté, et je reprendrai cet amendement lors de son examen si je n'ai pas eu satisfaction ; et, je le dis tout de suite, ce sera la dernière fois !
J'aime beaucoup les promenades, monsieur le secrétaire d'Etat, mais généralement dans des compagnies que je choisis et qui sont d'une autre qualité que celle des marchands de promesses ! (Sourires.)
Bref, c'est le printemps, et nous pouvons nous balader ensemble sur les chemins. Mais vous m'excuserez de préférer choisir mes partenaires ! (Nouveaux sourires.)
Il n'empêche, monsieur le secrétaire d'Etat, que, par amitié à votre égard et parce que je vous fais confiance - une dernière fois - je retire mon amendement n° 91 rectifié. Mais à bon entendeur, salut !
M. le président. L'amendement n° 91 rectifié est retiré.
M. François Patriat, secrétaire d'Etat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. François Patriat, secrétaire d'Etat. Je remercie M. Charasse et de sa position de sagesse et de son invitation. Pour ma part, je réponds à celle-ci : j'ai entendu ses arguments, je suis sensible à sa volonté d'aboutir, et je souscris à la façon qu'il préconise pour aboutir. Sur ce chemin-là, j'entends marcher à ses côtés pour aboutir avec lui.
M. Michel Charasse. Je vous en remercie !
M. le président. Par amendement n° 93, M. Charasse propose d'insérer, après l'article 54 sexies , un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - L'article L. 321-1 du code de la propriété intellectuelle est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Les droits prescrits en application de l'alinéa précédent, ainsi que les produits de leur immobilisation, et les droits qui n'ont pu être versés à leurs titulaires en application des conventions internationales auxquelles la France est partie sont ajoutés, à la fin de chaque exercice, aux droits perçus pendant cet exercice. »
« II. - L'article L. 321-9 du même code est ainsi modifié :
« 1° Les trois premiers alinéas de cet article sont remplacés par un alinéa ainsi rédigé :
« Ces sociétés utilisent à des actions d'aide à la création, à la diffusion du spectacle vivant et à des actions de formation des artistes 5 % des sommes provenant de la rémunération pour copie privée, après déduction des frais de gestion.
« 2° La première phrase du quatrième alinéa de cet article est supprimée. »
La parole est à M. Charasse.
M. Michel Charasse. Pour les mêmes motifs que ceux que j'ai indiqués tout à l'heure, je retire également cet amendement, qui n'avait pas été présenté en première lecture.
J'en profite cependant, si vous le permettez, pour recommander au ministère de la culture de ne pas donner suite au projet de décret qui est en préparation pour revenir sur l'arrêt du 8 décembre dernier du Conseil d'Etat, parce ce que ce projet de décret est illégal !
M. le président. L'amendement n° 93 est retiré.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures vingt, est reprise à vingt et une heures quarante.)