SEANCE DU 24 AVRIL 2001
M. le président.
La parole est à M. Othily, auteur de la question n° 1048, transmise à M. le
secrétaire d'Etat à l'outre-mer.
M. Georges Othily.
Je souhaite attirer l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur la
situation extrêmement difficile que connaît la Guyane sur le plan de la
sécurité publique.
Les personnes âgées de notre grande ville de Cayenne hésitent à se rendre en
ville à partir d'une certaine heure, les jeunes se voient proposer en
permanence des substances illicites et les phénomènes de prostitution se
développent.
Les services de police, en particulier à Cayenne - je n'oublie pas, bien
entendu, la délinquance qui est constatée à Kourou -, ont du mal à faire face à
l'accroissement d'une délinquance de plus en plus violente, d'autant que les
effectifs manquent ou ne sont pas adaptés aux tâches de police de proximité. En
effet, le nombre actuel de policiers en service en Guyane se semble pas tenir
compte de la densité réelle de population dans une région où la porosité des
frontières favorise l'immigration clandestine.
Dans les zones urbanisées, la mise en place de la police de proximité
nécessite - le ministre de l'intérieur l'a indiqué à plusieurs reprises - une
fidélisation des personnels et une connaissance approfondie du terrain. En
Guyane, cela suppose de limiter autant que faire se peut le recours à des
personnels qui vivent leur affectation comme une expatriation ou une expérience
exotique limitée dans le temps et qui ne restent en poste que deux ou trois ans
avant de retourner en métropole, le retour se faisant au moment même où la
maîtrise du terrain d'intervention commence.
Il me semblerait plus judicieux de faire appel à des fonctionnaires
originaires de la Guyane, qui, pour la plupart, souhaitent retourner dans leur
département d'origine. L'efficacité de la police de proximité en Guyane serait
renforcée par la présence de femmes et d'hommes connaissant tout
particulièrement le terrain.
La formation du personnel dans la pratique des langues guyanaises - le créole,
le brésilien, le taki-taki et le sranatango - serait de nature à faciliter et à
renforcer l'efficacité des actions sécuritaires.
Dans ma commune, qui se trouve à plus de 250 kilomètres de Cayenne, il
m'arrive souvent d'être arrêté par des fonctionnaires de police qui ignorent
qui est le sénateur ou le maire de telle ou telle commune.
M. Jean-Jacques Hyest.
Il n'y a pas que chez vous !
(Sourires.)
M. Georges Othily.
Cela commence à devenir un peu agaçant !
Quelles dispositions comptez-vous prendre pour que les fonctionnaires de
police guyanais en affectation provisoire sur le territoire hexagonal puissent,
au bénéfice d'une mutation, retourner chez eux dans les meilleurs délais, afin
que la sécurité soit retrouvée et que la Guyane connaisse un climat beaucoup
plus serein ?
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Jean-Pierre Masseret,
secrétaire d'Etat à la défense chargé des anciens combattants.
Monsieur
le sénateur, M. Christian Paul, secrétaire d'Etat à l'outre-mer, vous prie de
l'excuser ; il est en déplacement au Antilles.
Mais avant de vous livrer la réponse qu'il m'a prié de vous communiquer, je
veux vous dire que, les uns et les autres, il nous arrive de faire l'objet de
contrôles dans nos départements et que les fonctionnaires de police ou les
gendarmes ne connaissent pas forcément les députés ou les sénateurs. Aussi, le
sort que vous avez évoqué vous concernant est largement partagé tant par
l'ensemble de vos collègues que par les membres du Gouvernement.
S'agissant de l'insécurité publique en Guyane, vous le savez, monsieur le
sénateur, la sécurité est une priorité de l'action gouvernementale. Le Premier
ministre l'a réaffirmé à plusieurs reprises, notamment à l'occasion de ses
déplacements outre-mer, rappelant la nécessité du respect des lois, ainsi que
celle de la lutte contre la délinquance, à la fois par le renforcement des
moyens de police, mais aussi par une action globale qui s'attaque aux causes du
problème.
Il convient de souligner que, statistiquement, en Guyane, le total des
infractions constatées par la police et la gendarmerie a chuté de près de 7 %
en 2000, même si la délinquance de voie publique se caractérise par une poussée
des vols à main armée et des vols avec violences. En outre, les infractions à
la législation sur les stupéfiants ont diminué de plus de 20 %. C'est le trafic
de stupéfiants qui enregistre le plus net recul : 52 %.
Ces résultats trouvent leur source dans les efforts engagés sur place.
En ce qui concerne les effectifs de la gendarmerie nationale, 382 militaires
sont actuellement répartis en trois compagnies, auxquelles s'ajoutent trois
escadrons de gendarmes mobiles, soit 270 hommes. Ces effectifs pourraient être
renforcés dans le cadre de la future loi de programmation militaire, qui est
actuellement en cours de finalisation.
Pour ce qui est des effectifs de police, des efforts importants ont été
accomplis pour mieux maîtriser l'évolution de la délinquance et lutter contre
l'immigration irrégulière. Ainsi, depuis 1997, les effectifs de police ont
progressé de 25 % en Guyane, passant, tous corps confondus, de 368 à 459
fonctionnaires. Une section d'intervention a notamment été créée en 1998 et 62
adjoints de sécurité y ont été affectés.
Par ailleurs, le recrutement de 37 adjoints de sécurité supplémentaires
préfigure la mise en place d'une véritable police de proximité sur laquelle la
direction départementale de la sécurité publique travaille d'ores et déjà.
Il convient de noter, en réponse à vos interrogations, monsieur le sénateur,
que 75 % des adjoints de sécurité sont originaires de Guyane. Cette volonté de
favoriser la présence de forces de sécurité connaissant parfaitement le terrain
trouvera également son expression dans le concours délocalisé pour le
recrutement de 30 gardiens de la paix qui sera organisé dans le courant du
second semestre 2001.
Résultat de ces efforts, la lutte contre l'immigration clandestine s'est
intensifiée : le taux de reconduites à la frontière s'est accru de 12,35 %.
Cette action s'organise autour de deux axes : le contrôle des frontières et la
lutte contre l'emploi des clandestins, pour laquelle une antenne de l'Office
des migrations internationales a été mise en place à Cayenne dès 1990.
L'Etat, les élus locaux et les socio-professionnels, notamment dans le secteur
du bâtiment et des travaux publics, oeuvrent en étroite concertation pour un
meilleur contrôle des flux migratoires. De plus, un projet de coopération avec
le Surinam concernant la police, la justice et les douanes est à l'étude ; il
devra permettre, à partir de 2002, de consolider les actions menées en matière
de sécurité.
Il convient toutefois de noter que, en matière de contrats locaux de sécurité,
le bilan dans le département n'est pas à la hauteur des attentes. En effet,
seulement un contrat intercommunal - celui qui concerne Cayenne, Matoury et
Rémiré-Montjoly - a été signé le 6 juin 1998 et un autre est au stade du
diagnostic à Saint-Laurent-du-Maroni.
Aussi, au travers de cette réponse à votre question, monsieur le sénateur, le
Gouvernement encourage les maires de Guyane à s'attacher, avec l'aide du
préfet, qui a reçu toutes instructions en ce sens, à la mise en oeuvre de cet
outil privilégié de définition des priorités locales et de l'action
gouvernementale, afin de donner une nouvelle dynamique à la démarche
contractuelle.
M. Georges Othily.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Othily.
M. Georges Othily.
Monsieur le secrétaire d'Etat, je prends acte de votre réponse, qui, bien sûr,
ne me donne pas entièrement satisfaction.
Je ne parlerai pas des forces de l'ordre qui constituent la gendarmerie : à la
limite, on pourrait dire que, derrière chaque Guyanais, il y a un gendarme.
S'agissant des forces de sécurité, vous m'annoncez qu'un concours sera
organisé durant le second semestre 2001. Je me permets d'attirer votre
attention - vous voudrez bien transmettre mon propos à M. le secrétaire d'Etat
à l'outre-mer - sur le fait que ma question concernait la possibilité
d'intégrer dans la police de proximité des femmes et des hommes de Guyane qui
parlent les langues guyanaises, et ce pour une meilleure efficacité des actions
de sécurité.
Il serait souhaitable que, dans le concours régional qui sera organisé pour le
recrutement de trente policiers, vous puissiez prévoir la langue pratiquée dans
notre région, ce qui permettrait de consolider, sinon de fidéliser, cette
fonction de policier
in situ.
M. le président.
En tout cas, il y a quelqu'un qui reconnaît M. Othily, c'est l'évêque de
Cayenne. Comme il est de Marseille, il ne se trompe pas !
(Sourires.)
MAINTIEN DU PERSONNEL DE LA POLICE
DE L'AIR ET DES FRONTIÈRES DU PORT D'OUISTREHAM