SEANCE DU 24 AVRIL 2001
M. le président.
La parole est à M. Taugourdeau, auteur de la question n° 1046, adressée à M.
le ministre délégué à la santé.
M. Martial Taugourdeau.
En 1980, Mme Simone Veil, alors ministre de la santé, avait supprimé la
vaccination antivariolique chez les enfants. Cette décision était intervenue
après plusieurs accidents provoqués par des encéphalites varioliques. On avait
jugé à l'époque que le risque causé par la vaccination était plus grand que
celui d'être atteint par la maladie.
Cependant, la crise grave créée par l'épizootie de fièvre aphteuse ne
devrait-elle pas nous amener à nous interroger sur notre attitude face à la
variole chez l'homme ?
En effet, certains vétérinaires avaient très tôt prévu, dès 1990, une
réapparition de la fièvre aphteuse vers 1998-2000, considérant qu'alors il n'y
aurait plus d'animaux vaccinés, la durée de vie d'un animal non vacciné étant
de cinq à six ans. Le nombre de sujets immunisés tend vers zéro assez
rapidement et on en arrive à la situation actuelle !
De la même manière, s'agissant, pour l'homme, de la variole, on peut
considérer qu'il y a peu de risques chez les adultes de plus de vingt-cinq ans,
qui ont tous été vaccinés. Ne pensez-vous pas, en revanche, madame le
secrétaire d'Etat, que d'ici à quinze ou vingt-cinq ans, s'il subsiste
toujours des foyers endémiques, il existera alors un risque de réapparition de
la variole chez l'homme, maladie qui est malheureusement mortelle dans un cas
sur deux ?
Par ailleurs, Mme Veil avait indiqué, à l'époque, que quelques centaines de
milliers de doses de vaccins seraient conservées à Genève. Pouvez-vous nous
confirmer que ces stocks existent bien et sont renouvelés ?
M. le président.
La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Paulette Guinchard-Kunstler,
secrétaire d'Etat aux personnes âgées.
Monsieur le sénateur, je vous prie
de bien vouloir excuser mon collègue Bernard Kouchner, ministre délégué à la
santé, qui, comme je l'ai déjà dit tout à l'heure, ne pouvait être présent ce
matin.
S'agissant de la vaccination antivariolique chez l'homme, je souhaite vous
apporter certaines précisions qu'il m'a communiquées.
La vaccination contre la variole a été, en France, tout d'abord interrompue en
1979, avant d'être supprimée en 1984. L'arrêt de la vaccination contre la
variole n'a donc été décidé que longtemps après la survenue du dernier cas de
variole dans le monde, en 1977, en Somalie, et surtout après que l'éradication
totale de la variole eut été officiellement déclarée par la trente-troisième
assemblée mondiale de la santé, en 1980.
Cette décision est intervenue en France alors que, hormis l'Albanie, tous les
pays adhérant à l'Organisation mondiale de la santé, l'OMS, avaient également
cessé de vacciner systématiquement contre la variole. L'arrêt de la vaccination
contre la variole ne peut donc, sur ce plan, être comparé à l'arrêt de la
vaccination contre la fièvre aphteuse, décidé alors que la maladie était encore
endémique dans certains pays.
De fait, l'interruption de la vaccination contre la fièvre aphteuse a été mise
en oeuvre dans les pays de l'Union européenne, dont la France, pour des raisons
d'ordre essentiellement économique. En effet, la vaccination induit une
séropositivité chez les animaux vaccinés qui ne peut être distinguée d'une
séropositivité provoquée par la maladie elle-même.
Or, selon les règles de l'Organisation mondiale du commerce, les animaux
séropositifs ne peuvent être exportés vers des pays indemnes de fièvre
aphteuse. En conséquence, considérant qu'il n'y avait plus d'épidémie de fièvre
aphteuse dans l'Union européenne, bien que des foyers persistent dans certains
pays, il a été décidé de ne plus vacciner les animaux, afin de pouvoir accéder
au marché des pays n'acceptant que des animaux séronégatifs vis-à-vis du virus
de la fièvre aphteuse. Il est également important de prendre en compte le fait
que le virus de la variole touche uniquement l'homme. Cette caractéristique est
essentielle au regard de l'éradication de cette maladie, qui a pu être obtenue
grâce notamment à la campagne mondiale de vaccination contre la variole. Le
seul réservoir potentiel du virus de la variole étant l'homme, le risque de
voir réapparaître cette maladie est extrêmement faible, voire inexistant. C'est
à ce point vrai que l'OMS conduit périodiquement une réflexion afin de
déterminer s'il ne serait pas opportun de détruire les seuls stocks de virus
existant officiellement et qui se trouvent aux Etats-Unis et en Russie.
Compte tenu des modalités particulières de production du vaccin
antivariolique, laquelle ne correspond plus aux exigences pharmaceutiques
actuelles, il n'y a pas eu de renouvellement du stock de cinq millions de doses
de vaccin antivariolique détenu sous la responsabilité de l'Agence française de
sécurité sanitaire des produits de santé. Ces vaccins, qui sont régulièrement
contrôlés, sont toujours actifs et efficaces. Par ailleurs, le laboratoire
Aventis-Pasteur dispose d'un stock de semence et de préparation intermédiaire
du vaccin.
M. Martial Taugourdeau.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Taugourdeau.
M. Martial Taugourdeau.
S'agissant de la fièvre aphteuse, je relève qu'il existe désormais une méthode
permettant de déterminer si la séropositivité est due au vaccin ou à la
maladie.
Cela étant, je ne comprends pas pourquoi nous importons en France de la viande
d'Argentine, alors que la vaccination contre la fièvre aphteuse a repris dans
ce pays : les règles interdisant à l'Union européenne d'exporter de la viande
provenant d'animaux vaccinés n'empêchent-elles donc pas, réciproquement, de
telles importations ?
Par ailleurs, madame le secrétaire d'Etat, vous m'avez rassuré en m'indiquant
que des stocks de vaccin antivariolique existent encore. Toutefois, personne ne
peut jurer qu'il ne subsiste pas un foyer endémique dans le monde. Ainsi, voilà
quelques années, j'avais lu dans une revue médicale qu'il restait encore un
foyer de variole en Ethiopie et un autre en Corée du Nord. Comme ces pays ne
sont pas très accessibles aux médecins étrangers, j'estime qu'il vaudrait mieux
rester prudents : si une épidémie de variole d'une ampleur comparable à celle
de la fièvre aphteuse se déclenchait, ce serait une catastrophe.
A cet égard, je me rappelle que, en 1956, le décès, dû à la variole, d'un
médecin militaire rentrant de Guyane avait provoqué une campagne de
vaccination, et il avait été très difficile de convaincre certaines personnes
âgées de ne pas se faire vacciner. Ainsi, l'une de mes patientes, âgée de
quatre-vingt-sept ans et diabétique, voulait absolument que je la vaccine.
J'ai dû lui assurer que, le foyer d'infection étant éloigné de près de 1 000
kilomètres, elle ne courait vraiment aucun danger. Une épidémie susciterait
donc un affolement général, même si je comprends que l'on ait cessé de
pratiquer la vaccination, les accidents provoqués par celle-ci devenant plus
graves que la maladie elle-même.
M. le président.
Mes chers collègues, l'ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons
maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à seize heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à douze heures dix, est reprise à seize heures quinze,
sous la présidence de M. Jean Faure.)