SEANCE DU 10 MAI 2001
M. le président.
La parole est à M. Cléach.
M. Marcel-Pierre Cléach.
Ma question s'adresse à M. le ministre de la défense. Elle porte sur la
situation des dépôts d'armes du type de celui de Vimy qui sont implantés sur le
territoire national.
L'actualité récente a mis en relief de façon spectaculaire l'insuffisance de
la politique nationale en matière de dépollution des munitions conventionnelles
et chimiques.
Comment peut-on accepter que, plus de quatre-vingts ans après la fin de la
Première Guerre mondiale, un problème aussi grave, connu, identifié, n'ait pas
été résolu ?
Comment ne pas être stupéfait qu'il faille attendre pour réagir - dans la hâte
et l'improvisation - la révélation de risques mortels immédiats pour la
population ?
Comment admettre une telle carence de l'Etat, une telle impéritie de ses
services, quand la santé, la vie même de nos compatriotes sont en jeu ?
Un grand nombre de maires, un grand nombre de nos compatriotes, très inquiets
de la situation révélée par l'évacuation de Vimy, ne comprennent pas cette
inaction ou, en tout cas, l'action insuffisante qui est menée et l'absence
significative de transparence dans la manière dont ce problème est abordé.
Les mises en garde adressées par la représentation nationale sont restées
lettre morte. Ainsi, la proposition de loi visant à instaurer une politique
nationale de neutralisation des engins de guerre et à dresser une liste des
communes susceptibles d'être concernées, déposée il y a tout juste deux ans par
notre collègue député Arthur Paecht, n'a eu aucun écho.
Plus grave encore, le projet de construction d'une usine de retraitement pour
les gaz toxiques n'a toujours pas vu le jour, en dépit de l'engagement pris par
M. Queyranne en février 1999, devant notre Haute Assemblée. L'ouverture de
cette usine aurait été repoussée à 2007. Or les experts estiment que, d'ici là,
entre 90 et 120 tonnes de munitions potentiellement toxiques auront été
retrouvées sur l'ensemble du territoire.
Du fait de l'ampleur prise par l'épisode de Vimy, on ne nie plus le risque,
mais la problématique de la neutralisation des armes chimiques reste
entière.
Il faut non seulement déminer les obus chimiques, afin d'éviter qu'ils
n'explosent inopinément, mais aussi retraiter cet arsenal. La France,
contrairement à la Belgique ou à l'Allemagne, n'a pas d'usine de retraitement.
C'est pourquoi, avant d'être dramatiquement rattrapé par l'actualité, l'Etat
doit rapidement mettre en oeuvre une politique de prospection et de
neutralisation des dépôts d'armes chimiques et conventionnelles.
Aussi, ma question est-elle précise, monsieur le ministre : j'aimerais que
vous informiez la représentation nationale sur l'existence ou non d'un
inventaire précis des sites pollués, sur l'existence ou non d'un programme de
dépollution et sur l'existence ou non d'un calendrier de mise en oeuvre.
(Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR
et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Alain Richard,
ministre de la défense.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les
sénateurs, cette réponse nous est commune à Daniel Vaillant et à moi-même
puisque, comme vous le savez, la compétence de repérage, de collecte, puis de
traitement des munitions, qu'elles soient pyrotechniques ou chimiques, relève,
jusqu'au stockage, de la sécurité civile, c'est-à-dire du ministère de
l'intérieur, et, en ce qui concerne la suppression ou l'élimination de
munitions, des spécialistes du ministère de la défense.
Il ne me paraît pas tout à fait conforme à la réalité de décrire une
situation d'ignorance ou d'improvisation, monsieur le sénateur, puisque
l'ensemble des sites où sont stockées et maintenues des munitions anciennes est
inventorié : c'est le travail des préfectures et de la sécurité civile. Chacun,
dans son département respectif, a accès à ces données, qui sont publiques.
Le problème de Vimy était un problème ponctuel, limité, de coexistence de
munitions pyrotechniques, avec un potentiel explosif ou incendiaire, et de
munitions chimiques. Leur disposition sur le site de Vimy n'était pas
satisfaisante ; c'est ce qui a conduit à le transporter vers un autre site.
Pourquoi y avait-il une telle accumulation à Vimy ? Tout simplement parce que
cette commune se trouve dans la zone de France où la densité d'arrivée de ces
munitions pendant le premier conflit mondial a été la plus élevée. La collecte
dans les champs environnants étant quasiment quotidienne, il faut que les
munitions ainsi récupérées puissent aboutir dans un site intermédiaire comme
Vimy.
La question du danger causé par la proximité de deux types de munitions a donc
été traitée comme elle devait l'être.
En ce qui concerne l'élimination des munitions chimiques, nous sommes au
travail ; cette tâche relève du ministère de la défense. Le travail technique a
déjà commencé voilà plusieurs années, et c'est dans les semaines qui viennent
que nous pourrons procéder à la mise en concurrence des industriels pouvant
réaliser l'ouvrage.
Pourquoi le processus a-t-il été long ? Parce que les traitements conformes à
nos engagements internationaux sur les munitions chimiques et aux règles
d'environnement pour éliminer définitivement les munitions chimiques sont très
complexes à réaliser. Pour vous être intéressé au sujet, monsieur Cléach, vous
devez savoir que les deux précédents, c'est-à-dire l'usine qui a été construite
par nos amis belges et celle qui a été réalisée à Münster par nos amis
allemands, présentent de très sérieux défauts de fonctionnement et ne
parviennent pas à tout traiter.
Nous sommes à la veille d'avoir à choisir entre deux procédés de traitement
différents ; nous le ferons dans la transparence. Nous pensons pouvoir choisir
l'opérateur de cette installation au début de l'année 2002 et la mettre en
fonctionnement à la fin de l'année 2005.
(Applaudissements sur les travées
socialistes.)
STRATÉGIE INDUSTRIELLE DU GROUPE RENAULT