SEANCE DU 16 MAI 2001
M. le président.
Par amendement n° 71, MM. Fischer, Muzeau et les membres du groupe communiste
républicain et citoyen proposent d'ajouter, avant l'article 1er, un article
additionnel ainsi rédigé :
« I. - Après le titre II du livre III du code de la sécurité sociale, est
insérée une division additionnelle ainsi rédigée :
« Titre... - Allocation Prestation autonomie.
«
Art. L. ... -
Toute personne assurée sociale, résidant en France ou
dans un pays avec lequel existe une convention internationale de sécurité
sociale, qui se trouve dans l'incapacité d'assumer les conséquences du manque
ou de la perte d'autonomie liées à son état physique ou mental a droit à une
évaluation de sa situation et à la proposition d'un plan d'aide individualisé
et adapté, réalisé par une équipe médico-sociale.
« Cette évaluation gérontologique ouvre droit au versement d'une allocation
permettant une prise en charge adaptée à ses besoins. Cette allocation est à la
charge des organismes de sécurité sociale. Elle est servie en nature, déduction
faite d'un ticket modérateur fixé en proportion des ressources selon un barème
arrêté par voie réglementaire. »
« II. - Après le cinquième alinéa de l'article L. 241-2 du même code, il est
inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Le taux de ces cotisations est modulé par chaque entreprise selon la
variation de la masse salariale dans la valeur ajoutée. »
La parole est à M. Fischer.
M. Guy Fischer.
Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, comme
je l'ai indiqué hier dans la discussion générale, les choix que nous faisons
pour appréhender la prise en charge de la dépendance nous paraissent de
véritables choix politiques et de société. C'est pourquoi nous attachons un
intérêt tout particulier à l'amendement que je m'apprête à vous présenter.
Sans aucun doute, le projet de loi instituant l'allocation personnalisée
d'autonomie, ou APA, ambitionnant de créer un véritable droit à l'autonomie,
constitue un progrès par rapport à la prestation spécifique dépendance, ou PSD,
qui s'inscrivait dans une stricte logique d'aide sociale de la dépendance.
Pour autant, et même si, d'une part, la prestation se situe bien, pour le
Gouvernement, dans la philosophie d'un cinquième risque et, d'autre part, il
sera possible, lors de la clause de rendez-vous fixée au terme de l'année 2003,
d'aller plus loin, en fonction du bilan tant quantitatif que qualitatif, nous
regrettons, comme un grand nombre d'associations, que, dès à présent, le
Gouvernement n'ait pas opté pour l'idée d'une vraie prestation de sécurité
sociale.
Comment ouvrir à tous ceux qui en ont besoin un droit universel, objectif, et
garantir la pérennité de son financement, si ce n'est en reconnaissant qu'il
appartient à la solidarité nationale de prendre en charge la perte d'autonomie
?
A ce titre, nous préconisons de confier aux organismes de sécurité sociale le
soin de gérer et de financer, au même titre d'ailleurs que la maladie
notamment, l'APA, dont le montant serait déterminé au regard de l'évaluation
individuelle des besoins et de la situation de la personne, sur la base du plan
d'aide.
Cette solution n'exclut nullement les interventions éventuelles des conseils
généraux pour assurer le suivi grâce aux réseaux de proximité et aux
partenariats créés.
Notre choix est clair : notre amendement vise à inscrire la dépendance dans le
cadre de la protection sociale. La modulation des cotisations sociales en
fonction de la part des salaires dans la valeur ajoutée permettra un
accroissement des recettes de nature à couvrir le dispositif.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Vasselle,
rapporteur de la commission des affaires sociales.
L'avis de la
commission sera probablement le même que celui du Gouvernement, ou vice
versa.
La commission des affaires sociales n'a pas jugé opportun de remettre en cause
l'architecture et l'économie générales du dispositif relatif à la prestation
spécifique dépendance. Cette prestation - je vous le rappelle, mes chers
collègues - a été mise en place sur l'initiative du Sénat, et nous nous
félicitons de constater que le Gouvernement a reconnu le bien-fondé de ce
dispositif puisqu'il s'en est très largement inspiré pour nous présenter
aujourd'hui le projet de loi sur l'allocation personnalisée d'autonomie.
M. Fischer veut nous engager vers la prise en compte du cinquième risque. Ce
serait, mon cher collègue, passer par pertes et profits l'ensemble des
résultats obtenus, grâce à la coordination et au travail considérable effectué
par les départements sur le terrain. La gestion de proximité et en partenariat
de la prestation spécifique dépendance et, demain, de l'allocation
personnalisée d'autonomie par les départements, les caisses et l'Etat a en
effet apporté la preuve de son efficacité.
Par ailleurs, les caisses primaires d'assurance maladie, qui ont déjà du mal à
faire face à la charge nouvelle résultant de la couverture maladie universelle,
ou CMU, et à instruire l'ensemble des feuilles de maladie, sont-elles prêtes
aujourd'hui à prendre en charge ce cinquième risque, qui constituerait une
charge non négligeable, en sus des cotisations supplémentaires qui seraient
nécessaires pour financer la prestation autonomie que M. Fischer veut imposer à
la sécurité sociale ?
La commission des affaires sociales ne le pense pas, et c'est pourquoi,
monsieur Fischer, elle a émis un avis défavorable sur l'amendement n° 71.
M. Guy Fischer.
Je le regrette vivement !
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Paulette Guinchard-Kunstler,
secrétaire d'Etat aux personnes âgées.
J'ai bien compris, monsieur
Fischer, que vous souhaitiez manifester clairement votre souci de voir pris en
compte un risque nouveau.
A cet égard, il faut indiquer nettement que, avec l'allocation personnalisée
d'autonomie, le Gouvernement a fait le choix d'une prestation universelle sans
plafond de ressources, traduisant la reconnaissance d'un droit objectif,
également accessible à tous et reposant sur la solidarité nationale, comme en
témoigne le recours à la CSG pour assurer l'équilibre de son financement.
L'approche retenue en termes de risque social, synonyme d'égalité de droits et
d'universalité, ne peut être réduite à un mode de gestion exclusif de tous les
autres par les organismes de sécurité sociale. L'Etat définit un droit au plan
national, il en délègue la mise en oeuvre aux échelons de proximité et il en
assure le contrôle : il s'agit bien là, à notre sens, de la prise en charge
d'un nouveau risque.
Par ailleurs, Mme Guigou et moi-même avons souligné hier soir que lorsque le
bilan sera dressé, en 2003, nous pourrons procéder ensemble dans de bonnes
conditions à l'analyse du dispositif et apprécier si, comme nous l'espérons, il
permet réellement, entre solidarité nationale et suivi de proximité, la prise
en charge du nouveau risque.
C'est pourquoi je vous propose, monsieur Fischer, de retirer votre amendement
; si tel n'était pas le cas, le Gouvernement émettrait un avis défavorable.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 71.
M. Roland Huguet.
Je demande la parole contre l'amendement.
M. le président.
La parole est à M. Huguet.
M. Roland Huguet.
Nous sommes assez largement d'accord, sur le plan des principes, avec la
proposition de notre collègue Guy Fischer.
Cependant, comme vient de le rappeler Mme la secrétaire d'Etat, le texte que
nous examinons porte déjà les prémices de la reconnaissance d'un cinquième
risque, avec l'ouverture de droits égaux à l'APA pour tous sur une base
objective et sans condition de ressources, l'absence de subsidiarité par
rapport à la mise en oeuvre de droits sociaux, l'universalité de la prestation
et la suppression probable de la récupération sur succession.
L'objectif est donc déjà en partie atteint, au moins sur le plan des
principes. A cela s'ajoute la recherche de l'efficacité par une gestion de
proximité, à laquelle les départements sont maintenant habitués avec la PSD et
qui peut être encore améliorée.
Nous sommes donc dans l'obligation de voter contre l'amendement de M. Fischer.
Cela nous inspire d'ailleurs quelques regrets, mais notre collègue veut sans
doute aller trop vite. De nombreux orateurs ont indiqué hier que la PSD avait
été une première étape ; soyons un peu patients, et nous finirons bien par
aboutir à la reconnaissance du cinquième risque. En attendant, ne brûlons pas
les étapes et soyons prudents.
M. le président.
Monsieur Fischer, l'amendement n° 71 est-il maintenu ?
M. Guy Fischer.
Je regrette que M. Huguet ait cru devoir doubler l'argumentation de Mme la
secrétaire d'Etat, que j'avais fort bien comprise.
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
C'est ça, la majorité plurielle !
M. Guy Fischer.
Pourtant, il faut parfois être impatient, se risquer à l'utopie et aussi être
attentif aux souhaits de nos concitoyens.
Certes, nous ne nous faisions pas d'illusions quant au devenir de cet
amendement, mais je crois qu'il était important de poser aujourd'hui un jalon.
Nous souhaitons persévérer dans cette voie, même si nous sommes actuellement
isolés, convaincus qu'un jour sera reconnu le cinquième risque.
Par conséquent, je maintiens l'amendement n° 71.
M. Henri de Raincourt.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. de Raincourt.
M. Henri de Raincourt.
Je voudrais exposer brièvement les raisons pour lesquelles je ne voterai pas
l'amendement de M. Fischer, bien que nous soyons au moins deux à partager le
même objectif et le même idéal.
En effet, comme je l'ai indiqué hier, je suis moi aussi favorable à la
reconnaissance du cinquième risque. Cependant, les sources de financement
retenues par M. Fischer ne peuvent me convenir, et je voterai donc, à regret,
contre l'amendement n° 71.
M. Paul Blanc.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Blanc.
M. Paul Blanc.
Je voudrais signaler à mon excellent collègue Henri de Raincourt que nous
sommes non pas deux, mais trois à partager le même point de vue !
(Sourires.)
En effet, compte tenu des progrès de la médecine et du fait que l'être humain
vit de plus en plus vieux, j'estime que chacun a vocation à devenir un jour
dépendant et qu'il faut donc assurer ce risque.
En revanche, je ne pense pas, comme M. Fischer, que cela doit se faire par le
biais de la sécurité sociale et de la reconnaissance du cinquième risque.
Cela étant, je regrette un peu que la discussion de ce projet de loi
intervienne à l'approche d'échéances électorales. Vous me permettrez de penser,
madame le secrétaire d'Etat, qu'il y a tout de même là, de la part du
Gouvernement, quelques petites arrière-pensées électoralistes ! A mes yeux, ce
débat aurait mérité d'avoir lieu dans d'autres conditions et, surtout, en
dehors de toute période électorale.
Ma conviction est donc qu'il faudra un jour revenir sur ce problème et que, de
la même façon que tous les automobilistes sont aujourd'hui obligés de souscrire
une assurance pour leur véhicule, il faudra dans l'avenir que tous nos
concitoyens s'assurent contre le risque de devenir dépendants, sans que le
dispositif repose sur la sécurité sociale.
Pour les plus défavorisés, les cotisations pourraient éventuellement être
acquittées par le département, à l'instar de ce qui se pratiquait lorsque
l'aide médicale et le tiers payant, ou du moins le ticket modérateur, étaient
pris en charge par celui-ci.
Je crois donc que ce débat devra être tenu un jour, et je rejoins en ce sens
M. de Raincourt. Pour autant, même si je suis moi aussi favorable sur le
principe, monsieur Fischer, à la reconnaissance du cinquième risque, je ne
voterai pas l'amendement n° 71, car je ne souhaite pas qu'il soit couvert par
la sécurité sociale.
M. Henri de Raincourt.
Très bien !
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 71, repoussé par la commission et par le
Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
TITRE Ier
DISPOSITIONS MODIFIANT LE CODE DE L'ACTION SOCIALE ET DES FAMILLES ET RELATIVES
À L'ALLOCATION PERSONNALISÉE D'AUTONOMIE
Article 1er