SEANCE DU 16 MAI 2001
M. le président.
Je suis saisi de trois amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion
commune.
Par amendement n° 56, MM. Adnot, Belot, du Luart, Michel Mercier et Ostermann
proposent de rédiger ainsi le texte présenté par l'article 1er pour l'article
L. 232-19 du code de l'action sociale et des familles :
«
Art. L. 232-19
. - Les sommes servies au titre de l'allocation
personnalisée d'autonomie font l'objet d'un recouvrement sur la succession du
bénéficiaire, sur le légataire et, le cas échéant, sur le donataire, lorsque la
donation est intervenue postérieurement à la demande d'allocation personnalisée
d'autonomie dans les dix ans qui ont précédé cette demande. Toutefois, le
recouvrement ne s'exerce que sur la partie de l'actif net successoral qui
excède un seuil fixé par décret, et, lorsque le légataire ou le donataire est
le conjoint, un enfant, ou une personne qui a assumé de façon effective la
charge de la personne dépendante, du montant du legs ou de la donation qui
excède le même seuil. »
Par amendement n° 53, M. Charasse propose de compléter le texte présenté par
l'article 1er pour l'article L. 232-19 du code de l'action sociale et des
familles par les dispositions suivantes : « lorsque la valeur de cette
succession est inférieure à la somme de 300 000 F. Cette somme varie chaque
année comme l'inflation. »
Par amendement n° 39, M. Michel Mercier, au nom de la commission des finances,
propose de compléter le texte présenté par l'article 1er pour l'article L.
232-19 du code de l'action sociale et des familles par un alinéa ainsi rédigé
:
« La perte de recettes correspondante est compensée pour les départements par
une augmentation à due concurrence de la dotation globale de fonctionnement et
corrélativement pour le budget de l'Etat par la création d'une taxe
additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des
impôts. »
La parole est à M. Adnot, pour présenter l'amendement n° 56.
M. Philippe Adnot.
Le fait que je dispose de peu de temps pour m'exprimer dans les discussions
générales me fait paraître quelquefois un peu abrupt dans mes positions.
Naturellement, ceux qui me connaissent bien savent que cela n'est pas le cas.
(Sourires.)
M. Henri de Raincourt.
Bien sûr !
M. Philippe Adnot.
L'objet de cet amendement est de rétablir le recours sur succession. Le texte
aura naturellement en la matière des conséquences financières. Quelqu'un va
bien finir par payer : que ce soit au niveau de l'Etat ou du département, un
contribuable va payer. Par la suppression du recours sur succession, on va
finalement substituer à la solidarité familiale la participation des
contribuables, quels qu'ils soient.
Or, pour ma part, je trouve regrettable que l'on accélère ainsi le processus
de désintégration de la solidarité familiale et que l'on substitue les
contribuables à ceux qui ont les moyens de régler ce qui va leur être demandé
en termes de solidarité. Elu d'un département comptant de nombreux salariés du
secteur textile, je ne vois pas pourquoi ce serait à ces salariés de faire un
effort supplémentaire.
Ce n'est pas normal. L'impôt départemental est constitué par la taxe
d'habitation, le foncier bâti et la taxe professionnelle. Il repose donc sur
les emplois ou les particuliers.
Notre amendement tend donc à revenir au texte initial du projet de loi. Nous
devons tous réfléchir sur cette question. J'ai rencontré de nombreux députés
qui m'ont affirmé qu'ils ne sont pas d'accord et qu'ils souhaitent que l'on en
revienne à un dispositif plus correct.
Il serait en effet difficile d'expliquer à un contribuable que ses impôts vont
augmenter alors que le propriétaire d'une maison d'une valeur de 2 millions à 3
millions de francs ne se verrait pas appliquer le recours sur succession. Il
faut donc revenir sur cette mesure : c'est une question d'équité fiscale.
M. Philippe Marini.
Très bien !
M. Philippe Adnot.
Nous pouvons certes débattre - mais tel n'est pas l'objet de la discussion -
du seuil actuel de 300 000 francs. Il pourrait être porté à 700 000 francs et
ainsi tous les problèmes seraient quasiment résolus.
M. le président.
La parole est à M. Charasse, pour défendre l'amendement n° 53.
M. Michel Charasse.
Cet amendement, que je présente à titre personnel - il n'est en effet pas
cosigné par mes collègues du groupe socialiste - s'inspire des mêmes
préoccupations que celles qui sous-tendent l'amendement n° 56, même s'il est
rédigé en termes différents et s'il est beaucoup plus concis.
Mes chers collègues, revenons-en au niveau des principes. En matière d'action
sociale, existent deux catégories d'interventions : les régimes obligatoires et
l'aide sociale.
Les régimes obligatoires font l'objet de cotisations obligatoires, qui sont
créées par la loi, leur taux étant fixé par voie réglementaire. Lorsqu'il n'y a
pas cotisation, il n'est pas question d'une prestation sociale au sens des
régimes de sécurité sociale ; il s'agit de l'aide sociale.
En l'occurrence, nous sommes dans un système très simple : il n'y a pas de
cotisation. On pourrait d'ailleurs discuter longtemps pour connaître la nature
de l'APA. En tout cas, si la future loi est envoyée devant le Conseil
constitutionnel, il faudra bien qu'il se prononce sur le point de savoir si
elle est conforme aux grands principes de la sécurité sociale, dont une partie
est certainement de valeur constitutionnelle.
Bref, puisqu'il n'y a pas de cotisation, on se trouve dans un système
quasiment voisin de l'aide sociale. Dans ce cas, l'obligation alimentaire joue.
Au nom de cette obligation - article 205 du code civil - intervient la
récupération sur succession, qui n'est qu'un élément de cette obligation.
La loi de 1975 a créé une exception en faveur des handicapés, exception qui
s'est trouvée étendue aux personnes âgées dans des conditions telles que nous
avons été conduits à créer la PSD. Cette prestation a rétabli la récupération
sur succession et les choses sont à peu près rentrées dans l'ordre. Il y a
peut-être eu d'autres difficultés par ailleurs, mais elles n'étaient pas si
nombreuses que cela et ne concernaient que quatre ou cinq départements.
Revenons donc à l'APA.
Madame le secrétaire d'Etat, je ne mets pas le Gouvernement en cause dans
cette affaire puisque vous aviez très heureusement, dans votre projet de loi
initial, maintenu la récupération sur succession.
Or l'Assemblée nationale, dans un accès...
M. Henri de Raincourt.
De démagogie !
M. Michel Charasse.
... disons de générosité
(sourires),
terme auvergnat plus prudent, a décidé de supprimer tout
cela.
Je crois que, sur ce point, l'Assemblée nationale n'a pas fait preuve de la
même prudence que le Gouvernement et que nous risquons d'aller vers de très
graves déconvenues parce que, non seulement, la récupération sur succession en
matière de PSD avait permis de freiner un peu les abus ou d'éliminer un certain
nombre d'abus, mais, en outre, parce que sa suppression va entraîner des pertes
de recettes importantes pour les collectivités locales. Surtout, on va
introduire une grave inégalité en croyant faire plaisir.
En effet, sur toutes les autres formes d'aide sociale, la récupération sur
succession demeure. Aussi, selon qu'on sera malin ou non, selon qu'on prendra
le bon chemin ou le mauvais pour s'occuper de la personne âgée - grand-père,
grand-mère, mère ou autre ascendant, peu importe - selon qu'on ira vers l'aide
sociale classique ou vers l'APA, on bénéficiera d'un régime excluant le recours
sur succession ou non.
Donc, madame la secrétaire d'Etat, le Gouvernement était très avisé, et je le
soutiendrai particulièrement en l'occurrence, de maintenir la récupération sur
succession. Nos collègues députés ont procédé, disais-je, par un excès de
générosité, dont il ne faut pas qu'ils pensent d'ailleurs qu'il leur rapportera
beaucoup aux élections parce que les bénéficiaires ne se rendent pas toujours
vraiment compte de ce qui se passe
(Sourires)...
M. Philippe Marini.
Absolument !
M. Michel Charasse.
... et ceux qui sont concernés ont d'autres préoccupations que de savoir
comment ils voteront s'ils sont toujours là l'année prochaine !
Quoi qu'il en soit, comme je le disais à mes amis, et nous étions en phase sur
ce plan : ou l'on va jusqu'au bout, on supprime complètement toute
récupération, et ce sont alors 4 milliards de perte pour les départements -
c'est le chiffre qu'a rappelé M. Mercier dans son rapport - ou l'on maintient
les règles actuelles, qui sont, comme le disait M. Adnot, des règles d'équité
et de bon sens.
Il y a des gens fortunés qui ne veulent pas s'occuper des personnes âgées. Il
y a des personnes âgées qui ont des biens. Il est quand même normal, à partir
du moment où l'on fait payer les personnes modestes pour l'impôt départemental,
qu'à un moment ou à un autre le millionnaire ou le multimillionnaire contribue
un peu, dès lors qu'il a remis la personne âgée tout bonnement entre les mains
de la société, à l'entretien de ladite personne âgée et que la société récupère
quelque chose à la sortie.
Monsieur le président, sous le bénéfice de ces explications, je vais retirer
mon amendement au profit de celui de M. Adnot. Cela étant, je voudrais attirer
son attention sur un point.
Il me semble que la loi doit fixer le chiffre parce que cela touche au droit
de propriété. C'est donc par erreur que, depuis de nombreuses années, on a
laissé au décret le soin de fixer le montant de la récupération sur
succession.
D'ailleurs, le Gouvernement avait été très avisé puisqu'il avait lui-même
inscrit le montant de un million de francs dans son texte.
Par conséquent, je soutiens l'amendement n° 56 à l'exception du renvoi à un
décret, mais c'est une question de détail.
L'essentiel, c'est le principe moral de solidarité. Et la solidarité
nationale, cela veut quand même dire quelque chose ! Cela veut dire que ceux
qui peuvent payer doivent payer pour ceux qui ne le peuvent pas ! Or, là, on se
trouve dans une situation où ceux qui peuvent à peine payer vont être obligés
de payer pour des gens plus fortumés qu'eux. C'est quand même totalement
immoral !
C'est pourquoi, ayant retiré le « Charasse », je voterai l'« Adnot ».
(Sourires et applaudissements sur les travées des Républicains et
Indépendants, du RPR, de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du
RDSE.)
M. le président.
L'amendement n° 53 est retiré.
La parole est à M. le rapporteur pour avis, pour défendre l'amendement n°
39.
M. Michel Mercier,
rapporteur pour avis.
Dans l'hypothèse où l'amendement n° 56 ne serait
pas adopté, nous proposons de prendre au moins une précaution financière.
Parce qu'il n'appartient pas aux départements de supporter les conséquences de
la suppression du recours sur succession, par cet amendement, nous prévoyons un
mécanisme tendant à faire supporter par la solidarité nationale le poids de
cette suppression.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s 56 et 39 ?
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
L'amendement n° 56 est extrêmement important. C'est
certainement l'une des dispositions qui retiendront le plus l'attention. En
effet, quel que soit par ailleurs l'intérêt de ce projet de loi, force m'est de
répéter qu'il reprend, en définitive, l'essentiel du dispositif relatif à la
prestation spécifique dépendance.
L'amendement n° 56 tend à revenir sur un amendement adopté, avec l'assentiment
du Gouvernement, par l'Assemblée nationale.
Permettez-moi, mes chers collègues, avant de formuler l'avis de la commission
sur cet amendement, de procéder à quelques rappels.
Premièrement, la semaine dernière, alors que nous examinions le projet de loi
dit « de modernisation sociale », les groupes de la majorité sénatoriale - le
groupe des Républicains et Indépendants par la voix de M. About, le groupe de
l'Union centriste par celle de M. Hoeffel et le groupe du RPR par celle de M.
Rohan - ont déposé des amendements tendant la suppression du recours sur
succession concernant les handicapés. J'ajoute que des amendements tout à fait
comparables avaient été déposés par le groupe socialiste et par le groupe
communiste républicain et citoyen.
Il y avait donc une quasi-unanimité au sein de la Haute Assemblée pour
considérer que, dans un souci d'harmonisation avec l'initiative prise par
l'Assemblée nationale lorsqu'elle a examiné le projet de loi que nous discutons
aujourd'hui, il convenait de prendre une décision symétrique concernant les
handicapés.
Or, aujourd'hui, nous sommes conduits à examiner un amendement, déposé par M.
Adnot, qui prend le contrepied de ce qui a été voté par l'Assemblée nationale
et que nous avons confirmé dans le projet de loi de modernisation sociale.
Deuxièmement, j'ai reçu une lettre du président de l'Association des maires de
France, m'indiquant que cette dernière s'était prononcée en faveur de la
disparition du recours sur succession en ce qui concerne l'APA. Je précise
également au passage que, à l'Assemblée nationale, une seule voix, celle de M.
Guillaume, s'est prononcée contre la disparition du recours sur succession.
Troisièmement, l'allocation personnalisée d'autonomie n'est pas une prestation
d'aide sociale. Il s'agit d'une nouvelle prestation, une prestation
sui
generis
en quelque sorte, dont on ne sait pas trop à quoi elle se
rattache.
M. Henri de Raincourt.
A rien !
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Elle paraît relever un peu de la même inspiration que le RMI.
Toujours est-il que ce n'est pas une prestation d'aide sociale.
Quatrièmement, M. Michel Mercier a indiqué devant la commission des affaires
sociales que l'ensemble des recours sur succession représentait pour les
départements, qu'il s'agisse des prestations d'aide sociale au titre de
l'hébergement ou d'autres prestations, une masse financière de 4 milliards de
francs.
Cinquièmement, comme l'a rappelé M. Charasse, le recours sur seccession était
maintenu par le Gouvernement dans son texte initial. Le Gouvernement avait
simplement annoncé qu'il relèverait le plafond. Un montant de un million de
francs avait même été avancé.
Selon les calculs qui ont été effectués, avec un tel plafond, les possibilités
de recours pour les départements représenteraient des sommes négligeables par
rapport à ce qu'ils doivent verser.
Sixièmement, la récupération sur succession est tout à fait inégalitaire sur
l'ensemble du territoire national : certains départements récupèrent, d'autres
ne récupèrent que partiellement et d'autres se fixent à eux-mêmes des
plafonds.
M. Michel Charasse.
Ce qui est interdit !
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Ce matin, MichelMercier a expliqué à la commission des
affaires sociales que le département du Rhône commençait à récupérer à partir
de un million de francs.
Mais il existe une autre inégalité. Lorsque nous avons adopté le texte sur la
prestation spécifique dépendance, nous avons également créé une inégalité de
fait en ce qui concerne le recours sur succession : il n'était pas le même,
déjà, selon qu'il s'agissait de handicapés ou de personnes âgées.
En effet, avant la réforme, les uns et les autres bénéficiaient du même
système, celui de l'ACTP. Ce n'est que lorsque nous avons créé la PSD que nous
avons instauré une frontière entre les handicapés, d'une part, et les personnes
âgées dépendantes, d'autre part, frontière impliquant une différence quant à la
récupération sur succession.
Septièmement, le minimum vieillesse - et, là, je rejoins une observation
pertinente qui a été faite par notre collègue Michel Charasse, ce qui n'est pas
pour nous surpendre - est financé par le produit de la CSG, donc par l'impôt
qui vient financer la sécurité sociale.
Il y a donc, en ce qui concerne le minimum vieillesse, une possibilité de
recours touchant les personnes les plus démunies, alors que l'on veut la faire
disparaître pour les personnes âgées dépendantes sans prise en considération de
leur actif successoral. Cela signifie que l'on récupérerait de l'argent sur
l'actif successoral des plus pauvres tandis que l'on ne récupérerait rien sur
ceux qui laisseraient un actif successoral beaucoup plus important, pouvant se
chiffrer à plusieurs millions de francs.
Devant ces différents constats, la commission des affaires sociales a essayé
de trouver un point d'équilibre.
Nous avons bien conscience que tout ce qui a été décidé jusqu'à présent, soit
à l'Assemblée nationale soit au Sénat, n'est pas très satisfaisant et que le
recours sur succession nécessite sans doute une réflexion plus approfondie.
Il y a un point sur lequel nous semblons tous d'accord, mais nous n'avons pas
trouvé la solution.
Il est clair que, sur un plan strictement comptable, s'il y a, de la part du
Gouvernement, une volonté politique d'assurer la compensation de la perte de
recettes que cela représente pour les départements, le problème financier peut
être facilement réglé.
Mais le problème est aussi, comme cela a été souligné par M. Adnot, puis par
M. Charasse, d'ordre moral, voire philosophique. Peut-on couper le lien qui
doit exister entre les générations, entre les enfants et les parents, entre les
petits-enfants et les grands-parents ? Je sais bien que, du fait de
l'allongement de la durée de la vie, on voit maintenant des personnes qui ont
déjà atteint un certain âge et qui ont à leur charge à la fois leurs parents et
leurs enfants. Il faudrait donc sans aucun doute tirer des enseignements de
cette situation. Cependant, la sagesse qui fait la réputation du Sénat doit
conduire celui-ci à envisager une réflexion plus générale, dont la future
révision de la loi de 1975 fournira peut-être l'occasion, sur ce problème du
recours sur succession. Dès lors, sans doute vaut-il mieux, pour l'heure, en
rester au dispositif législatif actuel.
Il est apparu à la commission des affaires sociales qu'il lui était difficile
de trancher dans un sens ou dans un autre. Il lui semble également difficile
d'émettre un avis favorable compte tenu de l'attitude qui a été adoptée par la
Haute Assemblée au moment de l'examen du texte de modernisation sociale et
d'émettre un avis défavorable, car les arguments qui ont été développés par les
uns et par les autres ne sont pas sans pertinence ni sans fondement.
C'est la raison pour laquelle j'ai été chargé de m'en remettre à la sagesse
sur l'amendement n° 56.
Permettez-moi d'apporter, à titre personnel, une nuance dans l'approche de cet
aspect du projet de loi.
Je fais partie de ceux qui pensent qu'il faut établir une distinction entre
les personnes âgées qui deviennent dépendantes avec l'âge et les personnes
handicapées qui sont dépendantes à la naissance ou qui le deviennent à la suite
d'un accident.
M. Henri de Raincourt.
Evidemment !
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Je comprendrais mieux, en ce qui me concerne, que le recours
sur succession disparaisse pour les personnes handicapées. Il m'apparaît
légitime que la solidarité nationale s'exprime en leur faveur encore un peu
plus qu'elle ne s'est exprimée jusqu'à présent.
M. Henri de Raincourt.
C'est la logique !
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
En revanche, si nous avions le courage politique, quelle que
soit l'origine de l'initiative qui pourrait être prise, d'imaginer et de mettre
en place un dispositif d'assurance, accompagné d'un dispositif fiscal, rien ne
s'opposerait à ce que, du temps de son activité, chacun puisse contracter une
assurance pour prévenir la dépendance dans laquelle il risque de se retrouver à
un âge avancé et bénéficier, par ce biais, d'une prise en charge des frais
générés par la dépendance, une fois la vieillesse venue.
Un dispositif fiscal permettrait à celles et ceux qui le souhaiteraient de
contracter une telle assurance. Quant à celles et ceux qui ne peuvent pas
bénéficier d'un avantage fiscal, ils pourraient entrer dans le champ d'un
dispositif s'apparentant à celui de l'assurance personnelle, avec une prise en
charge au titre de l'aide sociale.
Un tel dispositif coûterait, à mon avis, beaucoup moins cher aux départements
que ce que va leur coûter l'APA.
M. Yves Fréville.
Absolument !
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Si une personne, pendant le temps de sa vie active, refusait
de contracter un contrat d'assurance et attendait le dernier moment pour faire
appel à la solidarité départementale ou nationale, alors le recours sur
succession se justifierait pleinement.
M. Henri de Raincourt.
Absolument !
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
En effet, cette personne, n'ayant pas fait l'effort de
souscrire un contrat d'assurance, se reposerait sur la collectivité pour
prendre en charge sa situation de dépendance. Bien sûr, la collectivité devrait
néanmoins intervenir mais, au moment de son décès, le recours sur succession
jouerait.
J'en viens à l'amendement n° 39. La commission y est favorable, étant entendu
que, si l'amendement n° 56 est adopté, il n'aura plus d'objet.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s 56 et 39 ?
Mme Paulette Guinchard-Kunstler,
secrétaire d'Etat.
Vos interventions le montrent, dans ce débat complexe
et délicat, les lignes de partage ne correspondent pas aux clivages politiques
classiques.
Le Gouvernement s'en est remis à la sagesse de l'Assemblée nationale,
lorsqu'elle a supprimé le recours, sur succession, mais il a par ailleurs
affirmé son attachement à une appréciation des ressources prenant en compte le
patrimoine non productif de revenus.
Cette approche permet de tenir compte de l'importance de l'inégalité des
patrimoines dans la tranche d'âge des plus de soixante ans - préoccupation que
vous avez exprimée, monsieur Charasse - et d'alléger la charge des départements
sans pour autant créer une restriction dans l'accès au droit à prestation.
On sait fort bien qu'une des raisons - certains ont parlé de « frein
psychologique » - pour lesquelles la PSD n'est pas demandée par tous ceux qui y
auraient droit tient à l'existence du recours sur succession. Il ne faut pas le
nier, c'est la réalité. Il suffit pour s'en convaincre de se référer aux
observations des conseils généraux et des professionnels dans le domaine
médico-social.
Vous avez parlé d'inégalité, monsieur Charasse. Je suis tentée de rétorquer
qu'il y a d'autres inégalités auxquelles il faut être attentif. Les gens âgés
qui s'en vont sans handicap et sans dépendance ont de ce fait la chance de
pouvoir transmettre un patrimoine complet.
M. Michel Charasse.
Oui, mais ils ne coûtent rien à personne !
Mme Paulette Guinchard-Kunstler,
secrétaire d'Etat.
Monsieur Charasse, je vous ai écouté avec grand
intérêt, laissez-moi terminer !
Ceux qui ont la malchance d'avoir un handicap auraient aussi la malchance de
ne pas pouvoir transmettre leur patrimoine ?
M. Philippe Marini.
On ne voit pas pourquoi il n'y aurait pas recours sur succession si c'est la
collectivité qui paie !
Mme Paulette Guinchard-Kunstler,
secrétaire d'Etat.
Permettez-moi aussi d'apporter, comme le fait M.
Vasselle, quelques éléments de réflexion au débat.
On a parlé de frein psychologique à propos du recours sur succession pour la
PSD.
Les gériatres et, plus généralement, tous ceux qui accompagnent les personnes
âgées le savent, le sens principal de la vieillesse, ce qui permet aux gens de
s'en aller en maîtrisant leur départ, c'est la possibilité de transmettre :
transmettre son savoir, son expérience, l'ensemble des valeurs auxquelles on
tient, mais aussi son patrimoine. De ce point de vue, le dispositif du recours
sur succession est une atteinte au sens même de la vieillesse, à son rôle.
Cette considération aussi doit être entendue et c'est pourquoi je souhaite le
retrait de l'amendement n° 56.
MM. Vasselle et Mercier ont cité la somme de 4 milliards de francs pour
l'ensemble des dispositifs, mais on ne sait pas réellement quelle est dans
cette somme la part qui correspond à la récupération sur l'hébergement et celle
qui correspond à la récupération sur la prestation spécifique dépendance.
M. Michel Mercier,
rapporteur pour avis.
Je l'ai d'ailleurs dit.
Mme Paulette Guinchard-Kunstler,
secrétaire d'Etat.
Or on touche là à une chose essentielle. Je l'ai dit
la semaine dernière lors du débat sur le projet de loi de modernisation
sociale, je le redis : il me semblerait complètement anormal de modifier le
dispositif de recours sur succession et d'appel à la solidarité familiale quand
il s'agit de l'hébergement.
M. Henri de Raincourt.
Pourquoi ?
M. Michel Mercier,
rapporteur pour avis.
On ne transmettra plus le patrimoine !
Mme Paulette Guinchard-Kunstler,
secrétaire d'Etat.
Je crois pour ma part que l'essence même de la
solidarité familiale et de l'obligation alimentaire est la prise en charge « du
gîte et du couvert ».
En ce qui concerne, en revanche, le recours sur succession en cas de
dépendance, question qui a largement été débattue à l'Assemblée nationale, je
crois qu'il est de ma responsabilité de vous demander le retrait de
l'amendement n° 56, monsieur Adnot. Je sais qu'il soulève certaines questions
mais, comme je l'ai dit à l'Assemblée nationale et ici-même, la semaine
dernière et hier soir, Mme Guigou et moi-même souhaitons mettre en place une
étude complète du dispositif de recours, sur succession et d'obligation
alimentaire.
Vous avez dressé des listes : on voit bien que des dispositifs d'aide et
d'accompagnement sont très différents selon qu'il s'agit d'hébergement - la
règle de base étant alors la capacité à vivre de façon autonome - ou de prise
en charge de la perte d'autonomie et de la dépendance.
La proposition retenue par l'Assemblée nationale me paraît de nature à
permettre une mise à plat de l'ensemble du dispositif et elle me semble sage et
juste.
Pour ce qui est de l'amendement n° 39, je comprends ce que propose M. le
rapporteur pour avis...
(Sourires)
M. Michel Mercier,
rapporteur pour avis.
C'est facile !
Mme Paulette Guinchard-Kunstler,
secrétaire d'Etat.
... mais cet amendement ne me paraît pas opportun dans
la mesure où il se réfère à un ajustement automatique de la dotation globale de
fonctionnement. On ne peut pas multiplier ce type de procédure spécifique
d'ajustement si l'on veut garder à la DGF son caractère global.
M. Philippe Marini.
Il faut donc un transfert de charges.
Mme Paulette Guinchard-Kunstler,
secrétaire d'Etat.
Vous êtes bien d'accord avec moi, monsieur Mercier,
vous l'avez dit vous-même, dans les 4 milliards de francs récupérés,...
M. Philippe Marini.
C'est l'argent de la décentralisation !
Mme Paulette Guinchard-Kunstler,
secrétaire d'Etat.
... on ne sait pas concrètement ce qui correspond à la
récupération sur la prestation spécifique dépendance.
Dans ces conditions, le Gouvernement n'est pas favorable à l'amendement n°
39.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 56.
M. Paul Blanc.
Je demande la parole contre l'amendement.
M. le président.
La parole est à M. Blanc.
M. Paul Blanc.
Mes chers collègues, que ma position ne vous étonne pas, Mme la secrétaire
d'Etat l'a dit, la question dépasse très largement les clivages politiques
habituels.
Tout d'abord, je tiens à dire que, si les conclusions de notre collègue Alain
Vasselle avaient été adoptées - autrement dit, si l'on s'était orienté vers une
assurance pour couvrir le risque de dépendance - le débat d'aujourd'hui
n'aurait pas eu lieu et le problème aurait été mieux résolu.
Que notre collègue Michel Charasse me permette de lui dire que la générosité
n'est pas uniquement le fait de l'Assemblée nationale ; elle peut être aussi
celui du Sénat.
M. Michel Charasse.
Un autre mot a été employé !
M. Philippe Marini.
L'Assemblée nationale fait plus souvent preuve de démagogie !
M. Paul Blanc.
Laissez-moi terminer, mes chers collègues. Chacun peut avoir son opinion sur
cette question.
Si je suis très favorable au recours sur succession en matière d'hébergement,
parce qu'il fait effectivement partie des obligations familiales, j'y suis
hostile dans les autres cas parce qu'il crée une grande injustice. Or les
personnes devenues dépendantes n'y peuvent strictement rien : il s'agit d'un
aléa de la vie.
M. Roland Huguet.
Bien sûr !
M. Paul Blanc.
Puis se pose le problème du recours sur succession selon que l'on est plus ou
moins fortuné. Mais il s'agit d'un faux débat.
Lorsque les départements paient, ils le font en effet avec l'argent des
contribuables. Et quels contribuables paient le plus ? Ce sont ceux qui
acquittent la taxe d'habitation, le foncier bâti, la taxe professionnelle les
plus élevés.
M. Michel Charasse.
Des dizaines de milliers de francs !
M. Paul Blanc.
L'injustice n'est donc pas aussi flagrante qu'on pourrait le croire, puisque,
en réalité, ceux qui ont le plus de biens seront déjà pénalisés à travers la
fiscalité locale. Je ne crois pas bon de leur imposer en plus des prélèvements
sur succession.
C'est la raison pour laquelle je voterai contre l'amendement n° 56 : j'en
resterai au texte adopté par l'Assemblée nationale.
Mme Marie-Madeleine Dieulangard.
Vous avez raison.
M. Philippe Marini.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Marini.
M. Philippe Marini.
Le recours sur succession est un sujet de principe. MM. Adnot et Charasse ont
rappelé les origines de la législation en la matière.
Si, à la différence du dispositif que nous avions fait prévaloir dans cette
enceinte pour la prestation spécifique dépendance, le présent dispositif
prévoit la suppression du recours sur succession, ce dernier sera remis en
cause pour toute une série d'autres prestations qui relèvent de l'aide
sociale.
Si l'on accepte d'aller dans le sens de l'Assemblée nationale, c'est-à-dire
dans le sens de la facilité, on doit avoir conscience que cela aura des
conséquences au-delà de l'allocation personnalisée d'autonomie : ce serait une
remise en cause fondamentale des prestations d'aide sociale.
Cela a été rappelé, il y a deux grandes catégories : les risques couverts par
la sécurité sociale, qui sont financés par des cotisations, et les prestations
d'aide sociale, qui sont non contributives. Ne pas en rester à cette
distinction simple, mes chers collègues, c'est faire n'importe quoi.
Pour résoudre le difficile problème de la dépendance des personnes âgées, le
présent projet de loi n'est pas, contrairement à ce qui est dit, un réel
progrès par rapport à la loi de 1997. Nous devons en être conscients : le
système sera beaucoup plus centralisé, il niera l'autonomie de la collectivité
départementale et créera un emballement de la dépense publique que nous ne
sommes pas du tout certains de pouvoir contrôler dans l'avenir.
Il ne s'agit pas de se donner bonne conscience en traitant avec « générosité »
- pour reprendre le terme de M. Charasse - un vrai problème de société. En tout
cas, il ne s'agit pas seulement de cela. Il s'agit de voir que nous ouvrons
pour l'avenir - et pour longtemps - un très important flux de dépenses.
Aussi devons-nous faire preuve d'esprit de responsabilité parce que, madame le
secrétaire d'Etat, mes chers collègues, d'ici à quelques années, la croissance
ne sera peut-être pas aussi bonne qu'aujourd'hui et nous aurons de lourdes
charges. Nous aurons à payer la dette d'hier et la dette d'aujourd'hui ; nous
aurons à payer les emplois-jeunes d'aujourd'hui - dont il faudra bien faire
quelque chose demain -, les 35 heures dans les entreprises, la revalorisation,
déjà décidée, des traitements de la fonction publique, sans parler des dépenses
inéluctables de retraite, qui seront à la charge de ceux qui, un jour, géreront
dans des conditions économiques plus difficiles qu'aujourd'hui notre pays.
Aussi, faisons bien attention, et je le dis solennellement au nom de la
commission des finances. Mes chers collègues, avec l'aide de nos amis, MM.
Philippe Adnot et Michel Mercier, de tous ceux qui, au sein de notre
commission, sont sensibilisés à ces questions globales d'évolution des finances
publiques, soyons vigilants, mettons en place des garde-fous, créons en effet,
madame la secrétaire d'Etat, quelque frein psychologique pour faire en sorte
que la machine de la dépense publique ne s'emballe pas. Sinon, un jour, il
faudra remettre en cause ce que vous nous invitez à voter aujourd'hui.
Nous devons, dans l'intérêt de l'Etat, des départements et de la société,
demeurer responsables, refuser la démagogie, et donc voter l'amendement de
notre collègue M. Adnot.
M. le président.
Mes chers collègues, la liste des demandes d'explication de vote s'allonge.
J'ai le devoir de vous dire que si les orateurs ne sont pas concis, je serai
dans l'obligation de suspendre la séance à l'heure prévue et de renvoyer la
suite des explications de vote à mardi matin.
M. Jean Chérioux.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Chérioux.
M. Jean Chérioux.
S'agissant du problème de la récupération sur succession, M. le rapporteur a
parlé d'or, en particulier lorsqu'il s'est exprimé à titre personnel, et il a
bien posé le problème.
Il est certain que la solution, qui avait d'ailleurs été évoquée lorsque nous
avions créé la PSD, consistant en une assurance, et qui avait été rejetée,
était sans doute la meilleure. C'est d'ailleurs celle que propose notre ami M.
Paul Blanc. Mais je pense que nous n'avons pas le temps ni les moyens d'y
revenir aujourd'hui et d'incorporer cette solution dans ce texte. Dans ces
conditions, c'est un voeu pieux.
Il faut essayer de corriger ce qui a été fait par l'Assemblée nationale, dans
un grand élan de générosité. L'Assemblée nationale a toujours tendance à jouer
l'émotion. Nous, nous avons cette particularité d'être une chambre de
réflexion. Aussi, au lieu de jouer l'émotion, essayons de réfléchir un peu.
Que faut-il faire ? A l'évidence, il faut nous prémunir contre les dérapages
financiers que M. le rapporteur général a évoqués voilà quelques instants. Par
conséquent, il est souhaitable de voter cet amendement, qui n'est peut-être pas
parfait, mais qui a l'avantage de poser le problème et de donner la possibilité
d'en rediscuter.
On met toujours en avant - c'est d'ailleurs ce qui a été dit lors de la
réunion de la commission des affaires sociales - le vote que nous avons émis à
propos des handicapés. Or, les handicapés, c'est un autre problème. Certes, il
y a un tronc commun entre l'allocation compensatrice pour tierce personne,
l'ACTP, en faveur des handicapés et l'allocation personnalisée d'autonomie dont
nous discutons aujourd'hui, mais le problème n'est pas le même.
En ce qui concerne les handicapés, la tradition a toujours été - c'est ainsi
avec la loi de 1975 - de ne pas recourir à l'obligation alimentaire et de ne
jamais mettre en cause les familles. En effet, avait été prévue la reprise sur
succession, mais pas l'obligation alimentaire. En matière d'aide sociale, il y
avait l'obligation alimentaire. En l'occurrence, on avait renoncé à
l'obligation alimentaire, mais on avait admis une reprise sur succession.
Nous ne devons pas nous considérer comme engagés par le vote que nous avons
émis à propos des handicapés. Nous l'avons émis, et nous avons bien fait. Dans
le cas qui nous préoccupe aujourd'hui, il s'agit d'un problème de solidarité
familiale. En revanche, le handicap concerne la solidarité nationale. Nous ne
devons pas mettre un terme à la mise en oeuvre de la solidarité familiale.
C'est pourquoi je suivrai la position qu'a exprimée également notre collègue
et ami M. Charasse, qui a parlé d'or. Indiscutablement, nous ne pouvons pas
renoncer à cela, non seulement pour des raisons financières, mais aussi pour
des raisons morales.
M. Philippe Marini.
Très bien !
M. Roland Muzeau.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Muzeau.
M. Roland Muzeau.
Il semble que la suppression ou non du recouvrement sur succession soit une
question qui, au sein de notre assemblée, divise. Après l'examen d'un
amendement, présenté au nom de la commission des finances, validant la
suppression par nos collègues de l'Assemblée nationale - à la quasi-unanimité,
je le rappelle - de tout recours sur succession et donation dans le cadre de
l'APA, mais prévoyant des compléments de financement nécessaires pour les
départements, nous examinons un autre amendement visant à rétablir le principe
de recours.
Une nouvelle fois, je tiens à rappeler la position de notre groupe qui, elle,
n'a pas changé. Tout au long des débats, nous avons eu à coeur non seulement
d'affirmer mais également de renforcer le caractère universel de la prestation,
qui relève du domaine de l'aide sociale.
En conséquence, l'abandon de toute procédure de recours sur succession
s'impose et doit être confirmé par notre assemblée. Nous voterons, bien sûr,
contre les deux amendements qui nous sont soumis.
Si nous voulons assurer la solidarité - et nous le voulons, personne ne peut
nous faire de mauvais procès à cet égard - il convient de porter notre
attention sur les modes de financement. La solidarité, nous l'exprimons par
notre proposition de création d'un cinquième risque ; la solidarité, nous
l'appliquons par une série de propositions visant à alimenter les caisses de la
sécurité sociale, en imposant, par exemple, les revenus financiers et en
instaurant une cotisation au titre de l'impôt sur la fortune. La solidarité
nationale doit se faire par le haut, et non de façon secondaire, comme l'a
rappelé tout à l'heure notre collègue M. Michel Charasse, avec quelques
exemples concernant les riches.
J'en viens aux autres prestations donnant lieu éventuellement à un recours, je
dis bien « éventuellement » car, si j'ignore s'il y a autant de situations que
de départements, je sais que, en ce qui concerne tant la PSD qu'un certain
nombre de prestations sociales, l'attitude est sinon à géométrie variable, en
tout cas très différente selon les départements. En effet, dans certains
départements, cette attitude tient à des raisons financières, car les
ressources dont ils disposent sont extrêmement faibles. Dans d'autres
départements, ce n'est pas le cas, cela relève de simples questions de choix de
la majorité, quelle qu'elle soit.
S'agissant de ces autres prestations donnant lieu à un éventuel recours, la
commission des affaires sociales a eu un débat très intéressant. Elle a retenu
la nécessité d'étudier les problèmes posés et de leur trouver des solutions
dans un avenir qui ne devrait pas être trop lointain.
Je le répète : nous voterons donc contre l'amendement n° 56 rectifié, et
contre l'amendement n° 39.
M. Roland Huguet.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Huguet.
M. Roland Huguet.
Nous voterons, nous aussi, contre l'amendement n° 56 rectifié. J'évoquerai
brièvement les raisons de notre position, afin de répondre à votre appel à la
concision, monsieur le président.
S'il n'est pas supprimé, le recours sur succession risque de constituer un
frein psychologique. Il a limité le recours à la PSD, il limitera le recours à
l'APA.
Tout le monde a le droit - Mme le secrétaire d'Etat l'a rappelé - de
transmettre ses biens à ses descendants sans être culpabilisé par les accidents
de la vie, qu'il s'agisse de la maladie ou de la dépendance qui souvent découle
de la maladie.
La dépendance peut être assimilée à un délitement du mental ou du physique
indépendant de la volonté de la personne et souvent inéluctable. Pourquoi les
personnes valides auraient-elles la possibilité de transmettre leurs biens et
pas les personnes en perte d'autonomie ?
Comment expliquer que, sous le régime de l'ACTP, il n'y ait pas de
récupération et que, à partir de soixante ans, sous le régime de l'APA, on ait
le droit de récupérer ?
Par ailleurs, cela a déjà été dit, la récupération accentue la différence
entre départements riches et départements pauvres. Pour certains départements,
le coût de la récupération est plus onéreux que son produit.
La récupération sur la prise en charge de l'hébergement persiste - on l'a
également souligné - et la réforme de la tarification va bien délimiter le
champ de la sécurité sociale, de la dépendance et de l'hébergement.
L'APA porte les prémices du cinquième risque.
Dernier argument, et ce point n'a pas encore été évoqué dans cette enceinte,
ceux qui seraient soumis à la récupération sur succession sont les personnes
les plus riches. Dans ces conditions, le montant de l'APA qui sera accordé sera
faible. Donc, la récupération serait faible. Au-delà de tous les aspects
auxquels il ne faut pas céder, comme l'a dit mon collègue M. Chérioux
s'agissant de la sensibilité, il y a également l'efficacité.
Nous sommes donc contre cet amendement et contre le recours sur succession.
(Applaudissements sur plusieurs travées socialistes.)
M. Patrice Gélard.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Gélard.
M. Patrice Gélard.
Quitte à surprendre, j'irai dans le même sens que les deux derniers orateurs,
mais en me fondant sur d'autres arguments.
Premier arguement : le préambule de la Constitution de 1946 comporte une
obligation de solidarité et il n'est pas question de récupération.
Deuxième argument : j'ai vécu, en tant que conseiller général, les drames que
représente, dans de nombreux cas, la saisie sur succession. Ainsi, une petite
maison de 450 000 francs a dû être vendue, la fille qui s'était occupée de sa
mère handicapée ou fragilisée ayant été obligée de quitter l'endroit où elle
avait sacrifié sa vie.
Troisième argument : l'obligation alimentaire des enfants à l'égard de leurs
parents n'est pas appliquée correctement.
M. Michel Charasse.
Jamais !
M. Patrice Gélard.
Le dispositif date du xixe siècle et n'est pas appliqué ou est mal appliqué.
Nombre de fois, les hôpitaux s'adressent en retard pour demander l'obligation
alimentaire. Nombre de fois, le département réagit avec beaucoup de retard. Et
chacun sait que l'obligation alimentaire n'est jamais rétroactive, qu'elle vaut
toujours pour le futur. De nombreux enfants savent compter et utilisent les
possibilités offertes par la loi pour demander à leurs parents, avant que
ceux-ci soient un peu trop âgés, de faire une donation de 300 000 francs à
chacun des enfants. Au moment où la personne concernée devient à son tour non
autonome, elle ne possède plus de fortune, et la récupération sur succession ne
sera pas possible puisqu'il n'y aura pas d'héritage.
Selon moi, la proposition adoptée par l'Assemblée nationale est celle qui
convient, même si nous savons qu'elle posera certainement des problèmes sur le
plan financier.
M. Paul Blanc.
Très bien !
M. Henri de Raincourt.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. de Raincourt.
M. Henri de Raincourt.
Madame le secrétaire d'Etat a eu raison de dire que le débat est extrêmement
complexe. Il ne peut sûrement pas être tranché en disant : « On est pour le
recours sur succession » ou « On est contre le recours sur succession ». En
effet, les éléments qui composent cet ensemble sont divers, voire
contradictoires, et il est certainement très difficile de modifier un des
paramètres sans changer les autres, pour essayer, comme cela a été exprimé par
un certain nombre de nos collègues, de tendre vers la meilleure égalité
possible entre les uns et les autres.
Je reprends aujourd'hui les propos que j'ai tenus hier lors de la discussion
générale : si on considère qu'il faut, pour des raisons qui peuvent se
défendre, supprimer le recours sur succession pour l'APA, je vois mal comment
on pourra, devant les familles, continuer à défendre longtemps ce principe du
recours sur succession pour l'hébergement.
M. Michel Charasse.
Voilà !
M. Henri de Raincourt.
Nous ne tiendrons pas longtemps !
La sagesse, aussi bien pour l'Assemblée nationale que pour le Sénat, eût été
de poser le problème et d'essayer de l'aborder dans sa globalité.
(M. le
rapporteur applaudit.)
M. Michel Mercier,
rapporteur pour avis.
Très bien !
M. Henri de Raincourt.
Madame le secrétaire d'Etat, je vous le dis : là, nous allons dans le mur !
Pour ma part, je n'en fais pas une affaire de gauche ou de droite, je m'en «
fiche » éperdument ! Ce que je sais, c'est qu'en voulant faire le bien on va
mettre en relief des effets pervers qui se retourneront contre l'intention
louable qui s'est manifestée.
Comme le disait M. Jean Chérioux, il ne faut pas mettre sur un même plan les
handicapés et les personnes âgées. La vieillesse est naturelle ; le handicap,
c'est un accident. La société peut parfaitement admettre d'apporter deux
réponses différentes à la vieillesse et au handicap.
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Très bien !
M. Henri de Raincourt
C'est un point qui peut être discuté.
J'évoque un dernier élément.
Si les 300 000 francs, montant qu'il faut sans doute revoir, ont été prévus,
c'est parce que cela correspond à des plafonds à partir desquels bien d'autres
prestations donnent lieu à récupération.
M. Philippe Marini.
Exactement !
M. Henri de Raincourt.
C'est également à partir de ce montant, l'exemple venant d'en haut, que l'Etat
lui-même impose les successions.
Nous allons donc arriver à cette situation tout à fait extraordinaire - et je
sais que ce n'est pas ce que vous recherchez - selon laquelle il n'y aura plus
de recours sur succession pour l'APA, mais l'Etat, lui, empochera les droits de
succession pour la somme qui excédera 300 000 francs.
Tout cela n'est pas logique et manque de cohérence. C'est la raison pour
laquelle je voterai l'amendement de mon ami M. Philippe Adnot, en espérant que
cela sera considéré par l'Assemblée nationale et par le Gouvernement, dans
cette discussion si brève, comme un appel à une réflexion générale, que
justifie l'importance de ce texte non seulement sur le plan financier, qui
n'est pas négligeable, mais également sur le plan psychologique et au regard de
la vie et de l'équilibre des familles.
(Applaudissements au banc des
commissions.)
J'indique, pour terminer, qu'il faudrait, à mon avis, rectifier l'amendement
afin d'ajouter le mot « ou » après le mot « autonomie ». La phrase se dirait
alors ainsi : « lorsque la donation est intervenue postérieurement à la demande
d'allocation personnalisée d'autonomie ou dans les dix ans qui ont précédé
cette demande ». Cela correspond d'ailleurs au texte du projet de loi.
M. le président.
Monsieur Adnot, que pensez-vous de la suggestion de M. de Raincourt ?
M. Philippe Adnot.
Je l'accepte, et je rectifie mon amendement en ce sens.
M. le président.
Je suis donc saisi d'un amendement n° 56 rectifié, présenté par MM. Adnot,
Belot, du Luart, Michel Mercier et Ostermann, et tendant à rédiger ainsi le
texte proposé par l'article 1er pour l'article L. 232-19 du code de l'action
sociale et des familles :
«
Art. L. 232-19. -
Les sommes servies au titre de l'allocation
personnalisée d'autonomie font l'objet d'un recouvrement sur la succession du
bénéficiaire, sur le légataire et, le cas échéant, sur le donataire, lorsque la
donation est intervenue postérieurement à la demande d'allocation personnalisée
d'autonomie ou dans les dix ans qui ont précédé cette demande. Toutefois, le
recouvrement ne s'exerce que sur la partie de l'actif net successoral qui
excède un seuil fixé par décret, et, lorsque le légataire ou le donataire est
le conjoint, un enfant, ou une personne qui a assumé de façon effective la
charge de la personne dépendante, du montant du legs ou de la donation qui
excède le même seuil. »
Je vais mettre aux voix cet amendement.
M. Michel Charasse.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Charasse.
M. Michel Charasse.
La question est beaucoup plus vaste que le sujet que nous abordons aujourd'hui
et mériterait, comme l'ont dit plusieurs intervenants avant moi, d'être posée
sur un plan d'ensemble.
Mes chers collègues, au moment où le pays traverse une crise que je juge
grave, avec l'abstention massive dans les élections, la violence, etc.,
combattre l'égoïsme et l'indifférence de la société, notamment des enfants, à
l'égard des ascendants victimes des misères de la vie, me paraît quand même
constituer un devoir.
(Exclamations sur les travées de l'Union
centriste.)
Chers amis, dans ce genre d'affaires, ceux qui nous posent des problèmes sont
non pas les pauvres,...
M. Jean Chérioux.
Absolument !
M. Henri de Raincourt.
Très bien !
M. Michel Charasse.
... mais les gens favorisés ou très fortunés : ce sont les pires, et ils ne
veulent rien lâcher !
M. Philippe Adnot.
C'est la vérité !
M. Michel Charasse.
Je voudrais simplement formuler deux remarques.
La première a trait aux propos que tenait, je crois, Mme la secrétaire d'Etat
tout à l'heure, en évoquant le fait qu'un certain nombre de personnes âgées ne
sont ni dépendantes ni handicapées et qu'elles ont donc la chance, à leur mort,
de pouvoir transmettre complètement leur patrimoine. Je crois que, si l'on
entre dans ce genre de discussion, on n'en sort pas !
Madame la secrétaire d'Etat, simplement, qu'est-ce qui a conduit le
Gouvernement à changer de position devant l'Assemblée nationale ? C'est tout de
même là un point important ! Et quand on est un peu familier des discussions
gouvernementales, on imagine que ce point a dû être discuté et rediscuté en
long et en large dans les cercles gouvernementaux avant d'arriver au texte qui
a été présenté au Conseil d'Etat puis à l'Assemblée nationale.
Pour ma part, je ne comprends pas comment le Gouvernement en est arrivé à sa
position actuelle alors que non seulement le projet de loi initial maintenait
le principe du recouvrement sur succession et que, de plus, le seuil avait été
porté à 1 million de francs, ce qui répondait aux objections qui ont pu être
faites par les uns et par les autres, et un peu d'ailleurs à celles qu'a
avancées tout à l'heure notre collègue Patrice Gélard, dont l'intervention
concernait plutôt le problème des seuils et de l'organisation de
l'insolvabilité.
M. Patrice Gélard.
Oui !
M. Michel Charasse.
Mais c'est là un autre problème.
Alors, madame le secrétaire d'Etat, qu'est-ce qui vous a conduit à changer de
position ? Permettez-moi de vous dire à cette heure tardive que je ne peux que
m'étonner de voir dans ce débat, qui est assez amusant, les positions des uns
et des autres.
La gauche a toujours dit, avec Jaurès, que l'héritage, c'est le vol. C'est, si
je puis dire, l'héritage du socialisme. Et, aujourd'hui, ce sont les
socialistes qui défendent l'héritage et le patrimoine,...
M. Patrick Lassourd.
Eh oui !
M. Michel Charasse.
... et c'est une partie de la droite qui déclare qu'il faudrait peut-être
regarder les choses d'un peu plus près !
M. Michel Charasse.
Croyez-moi, mes chers collègues, le pays respecte ceux qui ont le courage de
lui dire la vérité...
M. Henri de Raincourt.
Voilà !
M. Michel Charasse.
... plutôt que ceux qui, par naïveté ou par angélisme, posent des bombes à
retardement qu'il faudra piteusement désamorcer d'ici à deux ou trois ans,
quand la fiscalité départementale menacera d'exploser.
Un sénateur de l'Union centriste.
C'est exact !
M. Michel Charasse.
Je me méfie, mes chers collègues, de l'unanimité et de l'enthousiasme tels que
ceux qui ont prévalu lors de la nuit du 4 août 1789. On sait ce qu'il est
advenu ensuite !
(Applaudissements sur certaines travées du RPR et des
Républicains et Indépendants.)
M. Bernard Seillier.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Seillier.
M. Bernard Seillier.
Je voterai cet amendement, mais je voudrais au préalable apporter quelques
précisions et éclaircissements sur le débat concernant la loi de modernisation
sociale dont j'avais l'honneur d'être le rapporteur, voilà moins de huit
jours.
Nous nous sommes trouvés, s'agissant des handicapés, face à un certain nombre
d'amendements qui avaient pour objectif de rétablir une justice à leur égard :
en effet, à la suite de dérives constatées dans l'utilisation de l'ACTP pour
les personnes âgées, avaient été instituées, dans les départements, des
pratiques de recouvrement à l'occasion de ce que l'on appelle « le retour à
meilleure fortune », c'est-à-dire lorsqu'une personne hérite de ses parents, au
décès de ces derniers. Ce recouvrement sur succession était appliqué aux
personnes handicapées, et il fallait donc mettre fin à cette pratique.
Nous nous sommes alors trouvés dans la situation historique suivante : alors
que l'Assemblée nationale avait déjà adopté ce projet de loi, relatif à
l'allocation personnalisée d'autonomie, nous risquions de nous auto-censurer et
d'accorder aux handicapés moins que ce que les personnes âgées avaient déjà
obtenu à l'Assemblée nationale.
C'est dans ce contexte que quatre amendements ont été discutés : un amendement
du groupe de l'Union centriste, un amendement du groupe du RPR, un amendement
du groupe socialiste, qui tendait uniquement à supprimer, à l'occasion du
retour à meilleure fortune, la récupération pour l'ACTP, et un amendement du
groupe communiste républicain et citoyen, qui ne changeait pas grand-chose ; un
cinquième amendement, déposé par M. About, n'avait pas été soutenu.
J'ai proposé - et c'est bien, monsieur le rapporteur, le contexte de ce débat
- de ne pas trancher définitivement et, face au vote de l'Assemblée nationale
sur l'allocation personnalisée d'autonomie, de garder en quelque sorte un débat
ouvert, une marge de manoeuvre pour l'avenir, pour ne pas avoir l'air mesquin
vis-à-vis des personnes handicapées et pour leur montrer, par un signal fort,
que nous entendions les traiter en toute dignité : nous ne voulions donc pas
leur donner des droits subsidiaires ou dérivés de ceux qu'avaient obtenus les
personnes âgées.
Madame le secrétaire d'Etat, vous m'avez alors répondu que « l'adoption en
première lecture par l'Assemblée nationale du projet de loi relatif à
l'allocation personnalisée d'autonomie, qui contient de nouvelles dispositions
relatives à la récupération, crée un contexte favorable pour faire évoluer des
dispositions de même nature concernant l'allocation compensatrice pour tierce
personne ».
« Vous comprendrez sûrement que le Gouvernement veuille attendre l'examen du
projet de loi relatif à l'APA par la Haute Assemblée avant d'envisager les
ajustements visant à une plus grande cohérence entre les différents dispositifs
d'aide sociale », avez-vous ajouté.
Vous avez ainsi justifié l'exclusivité de votre position favorable à
l'amendement du groupe socialiste, alors que je préconisais le contraire,
c'est-à-dire de garder le débat ouvert. Je n'ai d'ailleurs pas dit à M.
Chabroux, lorsqu'il défendait son amendement, que sa position était
inconvenante. Au contraire, je lui ai indiqué que son amendement pourrait
certainement, si la situation évoluait, constituer le socle sur lequel nous
pourrions nous accorder.
C'est pourquoi, pour des raisons de cohérence et d'honnêteté, je voterai
l'amendement n° 56 rectifié, car vous avez tenu, aujourd'hui et voilà moins de
huit jours, madame le secrétaire d'Etat, deux propos discordants !
(Applaudissements sur certaines travées du RPR et de l'Union
centriste.)
M. Yves Fréville.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Fréville.
M. Yves Fréville.
N'ayant pas l'habitude d'être démagogue, je ne voterai pas cet amendement.
Le problème dont nous débattons est très complexe. En matière d'hébergement,
l'obligation alimentaire doit jouer et le recouvrement sur succession doit
s'exercer. Il s'agit d'un point fort, et je ne voterai jamais un texte
supprimant l'obligation alimentaire et son corollaire, le recouvrement sur
succession.
Inversement, lorsqu'une personne est atteinte d'une maladie prise en charge à
100 % par la sécurité sociale, rien n'est demandé aux familles. Le problème
très complexe que nous avons à résoudre tient au fait que nous nous situons
entre ces deux cas de figure. Une personne atteinte de la maladie d'Alzheimer,
qui n'est pas reconnue comme une maladie par la sécurité sociale, relève de la
dépendance et, par conséquent, si l'amendement était adopté, le recouvrement
sur succession pourrait s'exercer.
Cette inégalité n'est pas compréhensible pour nos concitoyens. Il ne s'agit
pas uniquement d'une question financière. Nos concitoyens ne comprennent pas
que, dans certains cas, le remboursement s'effectue à hauteur de 100 % et que,
dans d'autres cas un peu similaires, pour des raisons médicales qu'ils ne
connaissent pas bien, un recouvrement sur succession est exercé.
La deuxième inégalité que nos concitoyens ne comprennent pas plus, tient au
fait que les conseils généraux mènent des politiques très différentes. Des
départements relativement prospères - pardonnez-moi, monsieur le rapporteur
pour avis -...
M. Michel Mercier,
rapporteur pour avis.
Il s'agit d'un problème de volonté politique !
M. Yves Fréville.
... peuvent décider d'élever le seuil. Dans d'autres, qui sont plutôt des
départements pauvres - je comprends très bien que c'est peut-être plus le cas
de l'Aube -...
M. Philippe Adnot.
Je ne revendique pas ce titre !
(Sourires.)
M. Yves Fréville.
... on est obligé de le faire.
La troisième inégalité, que nos concitoyens ne comprennent pas non plus, tient
à l'importance des droits de succession actuels. Ainsi, s'agissant de la
succession de personnes collatérales, les droits sont déjà extrêmement élevés.
Si s'ajoute à cela le recouvrement sur succession, les droits seront encore
plus importants.
Si ces trois inégalités pouvaient être levées, le problème serait alors
résolu. Mais, comme elles existent, je préfère qu'il n'y ait pas de
recouvrement sur succession, et je ne voterai pas l'amendement n° 56 rectifié.
Naturellement, je voterai l'amendement n° 39, déposé par M. Mercier, au nom de
la commission des finances, car il ne faudrait pas que l'Etat fasse des
bénéfices sur les départements.
M. Henri de Raincourt.
C'est bien ce qu'il va faire !
M. Yves Fréville.
Comme corollaire, il faudrait absolument reprendre cette partie des droits de
succession pour financer l'APA.
(Applaudissements sur les travées de l'Union
centriste et du RPR.)
M. Michel Mercier,
rapporteur pour avis.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Michel Mercier,
rapporteur pour avis.
Il est vrai que cette question est complexe dans
son économie pratique et difficile parce qu'elle fait appel à un certain nombre
de principes.
Je voudrais expliquer pourquoi j'ai cosigné l'amendement n° 56 rectifié. C'est
tout simplement parce qu'il reprend intégralement le texte du projet de loi
initial, ce qui nous permet d'avoir un débat. Ainsi, nous constatons que, les
uns et les autres, nous ne sommes pas très à l'aise et que nous avons envie de
pencher d'un côté et de l'autre.
La question est vraiment compliquée ; elle met en jeu des principes graves.
Ainsi, pour l'APA, ce qui compte, c'est non pas le problème financier - les
sommes en jeu sont minimes -, mais le principe, qui aura des conséquences
ultérieurement.
Madame la secrétaire d'Etat, j'ai beaucoup apprécié ce que vous avez dit sur
le sens de la vieillesse et de la mort.
La mort, c'est se continuer par ce que l'on a transmis ; encore faut-il avoir
quelque chose à transmettre, et je comprends mal votre position selon laquelle
le recouvrement sur succession ne s'appliquerait pas à l'APA mais serait exercé
pour l'hébergement et les retraites versées par le fonds de solidarité
vieillesse, lorsque les personnes, ayant perçu de trop faibles salaires, ont
bénéficié de l'allocation compensatrice.
Madame la secrétaire d'Etat, nous ne parviendrons pas à clore ce débat ce
soir, en tout cas nous le clorons mal par un vote dans un sens ou dans l'autre,
et un autre vote interviendra ultérieurement, qui ne portera que sur une partie
de la question. Le recouvrement sur succession est à la fois un problème de
civilisation au vrai sens du terme...
M. Michel Charasse.
De morale !
M. Michel Mercier,
rapporteur pour avis.
... et un problème d'organisation générale de notre
vie en commun. Il n'appartient pas à des collectivités territoriales de
supporter les conséquences d'un éventuel recouvrement sur succession. Le
problème des handicapés est un vrai problème, mais, comme l'a dit M. Seillier,
pour eux, c'est plus le problème du retour à meilleure fortune que le sort
réservé, à leur décès, à leurs héritiers qui se pose. En effet, c'est au moment
où ils reçoivent l'héritage de leurs parents qu'il est douloureux pour eux de
voir le prélèvement qui est opéré pour rembourser la collectivité. Je crois
qu'il faut bien regarder les choses.
Je pense donc, madame la secrétaire d'Etat, qu'il appartient au Gouvernement
de prendre l'initiative d'essayer d'étudier globalement la question du
recouvrement sur succession. Votre responsabilité est de ne pas laisser traiter
ce problème par morceaux : un jour pour les handicapés, aujourd'hui pour l'APA,
dans deux jours pour le recours sur l'hébergement. Le Gouvernement doit prendre
l'initiative.
Si je vote l'amendement de M. Adnot, que j'ai cosigné, c'est parce qu'il
reprend votre texte initial ; or, en votant votre texte initial, je vous donne
les moyens de prendre l'initiative nécessaire en vue de traiter globalement la
question du recouvrement sur succession. Je crois qu'on ne peut pas aller plus
loin.
M. Emmanuel Hamel.
Très bien !
M. Philippe Adnot.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Adnot.
M. Philippe Adnot.
Je crois que nous ne devons pas raisonner comme si toute cette affaire ne
devait pas avoir de conséquences financières entraînant un alourdissement de la
charge fiscale supportée par nos concitoyens. Nous ne devons pas faire semblant
de croire que personne ne paiera au bout du compte !
Aujourd'hui, la dépense représente environ huit milliards de francs, demain
elle atteindra vingt-quatre milliards de francs. Qui financera la différence ?
Pour l'essentiel, le contribuable local.
En outre, nous allons peut-être décider d'engager quatre milliards de francs
supplémentaires, puisque, comme cela a été souligné, personne ne peut imaginer
que l'on supprime le recours pour recouvrement sur succession pour les
personnes classées en GIR 4 tout en le maintenant, par exemple, pour celles qui
bénéficient de l'aide sociale. Cela ne sera pas tenable !
Il faudra donc prévoir quatre milliards de francs de plus, et ce sont les
contribuables locaux qui devront payer ! Il faut que chacun d'entre nous garde
ce fait présent à l'esprit.
Nous devrons, mes chers collègues, expliquer à nos concitoyens que quelqu'un
qui possède par exemple une propriété d'une valeur de 2 millions de francs
pourra décider de la garder pour ses petits-enfants et faire appel en même
temps à la solidarité, laquelle devra être à sens unique ! Eh bien non, je m'y
refuse ! Il faut affirmer la responsabilité des enfants vis-à-vis de leurs
parents, mettre l'accent sur la solidarité et ne pas faire supporter par le
contribuable local une charge que l'on peut assumer soi-même.
Je crois, madame le secrétaire d'Etat, que vous avez quelque peu exagéré en
vous faisant l'ardente avocate de la transmission du patrimoine, alors que vous
savez pertinemment que si la suppression du recours pour recouvrement sur
succession est décidée, c'est le Gouvernement qui empochera, au taux le plus
élevé, des droits de succession supplémentaires. Je trouve que c'est quand même
très fort !
Mme Paulette Guinchard-Kunstler,
secrétaire d'Etat.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Paulette Guinchard-Kunstler,
secrétaire d'Etat.
Je voudrais rappeler à M. le rapporteur pour avis ce
que j'ai déjà dit à trois ou quatre reprises devant la Haute Assemblée : le
Gouvernement s'engage à tout mettre à plat, à assurer une connaissance complète
du dispositif. Je tenais à le réaffirmer.
Par ailleurs, monsieur Seillier, je ne crois pas du tout tenir des propos
différents d'une semaine à l'autre.
Enfin, il me semble essentiel que la Haute Assemblée, où le débat est riche et
d'une grande qualité, on le voit, exprime clairement sa position sur ce
dossier.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 56 rectifié, repoussé par le Gouvernement et
pour lequel la commission s'en remet à la sagesse du Sénat.
(Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par
assis et levé, n'adopte pas l'amendement.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 39, accepté par la commission et repoussé par
le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix, ainsi modifié, le texte proposé pour l'article L. 232-19 du
code de l'action sociale et des familles.
(Ce texte est adopté.)
M. le président.
La suite de la discussion est renvoyée à une séance ultérieure.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les
reprendrons à vingt-deux heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures cinquante, est reprise à vingt-deux
heures cinq, sous la présidence de M. Jacques Valade.)