SEANCE DU 30 MAI 2001
SOMMAIRE
PRÉSIDENCE DE M. JACQUES VALADE
1.
Procès-verbal
(p.
0
).
2.
Modification de l'ordre du jour
(p.
1
).
3.
Sécurité quotidienne.
- Suite de la discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence (p.
2
).
Article 22 (p. 3 )
Amendement n° 64 de la commission. - MM. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur de
la commission des lois ; Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur. -
Adoption.
Adoption de l'article modifié.
Article 23 (p. 4 )
Amendement n° 65 de la commission. - MM. le rapporteur, le ministre. - Adoption de l'amendement rédigeant l'article.
Article additionnel après l'article 23 (p. 5 )
Amendement n° 66 de la commission. - MM. le rapporteur, le ministre, Christian Bonnet. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Articles 24 à 26. - Adoption (p.
6
)
Articles additionnels après l'article 26 (p.
7
)
Amendement n° 1 rectifié
ter
de M. Jacques Baudot, repris par la
commission. - MM. le rapporteur, le ministre. - Adoption de l'amendement
insérant un article additionnel.
Amendement n° 132 rectifié de M. Nicolas About, repris par la commission. - MM.
le rapporteur, le ministre. - Adoption de l'amendement insérant un article
additionnel.
Division additionnelle avant l'article 27 (p. 8 )
Amendement n° 67 de la commission. - MM. le rapporteur, le ministre. - Adoption de l'amendement insérant une division additionnelle et son intitulé.
Article 27 (p. 9 )
Amendement n° 68 de la commission. - MM. le rapporteur, le ministre. -
Adoption.
Amendement n° 69 de la commission. - MM. le rapporteur, le ministre. -
Adoption.
Adoption de l'article modifié.
Article 28. - Adoption (p.
10
)
Article 29 (p.
11
)
Amendement n° 113 de M. Robert Bret. - Mme Nicole Borvo, MM. le rapporteur, le
ministre. - Retrait.
Amendement n° 114 de M. Robert Bret. - Mme Nicole Borvo, MM. le rapporteur, le
ministre. - Retrait.
Amendement n° 70 de la commission. - MM. le rapporteur, le ministre. -
Adoption.
Adoption de l'article modifié.
Article 30 (p. 12 )
Amendement n° 71 de la commission. - MM. le rapporteur, le ministre. -
Adoption.
Adoption de l'article modifié.
Articles 31 et 32. - Adoption (p.
13
)
Division additionnelle après l'article 32 (p.
14
)
Amendement n° 72 de la commission. - MM. le rapporteur, le ministre. - Adoption de l'amendement insérant une division additionnelle et son intitulé.
Articles additionnels après l'article 32 (p. 15 )
Amendement n° 73 de la commission. - MM. le rapporteur, le ministre. - Adoption
de l'amendement insérant un article additionnel.
Amendement n° 95 de M. Roger Karoutchi. - MM. Roger Karoutchi, le rapporteur,
le ministre, Christian Bonnet. - Adoption de l'amendement insérant un article
additionnel.
Suspension et reprise de la séance (p. 16 )
4.
Candidature à un organisme extraparlementaire
(p.
17
).
5.
Sécurité quotidienne.
- Suite de la discussion et adoption d'un projet de loi déclaré d'urgence
(p.
18
).
M. le président.
Intitulé du chapitre III (précédemment réservé) (p. 19 )
Amendement n° 159 de la commission. - MM. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur de la commission des lois ; Christian Paul, secrétaire d'Etat à l'outre-mer. - Adoption de l'amendement modifiant l'intitulé.
Article 7 (précédemment réservé) (p. 20 )
Amendements identiques n°s 107 de M. Robert Bret et 115 de M. Gérard Delfau ;
amendements identiques n°s 45 de la commission et 97 de M. André Vallet,
rapporteur pour avis. - Mme Nicole Borvo, MM. Gérard Delfau, le rapporteur,
Philippe Adnot, en remplacement de M. André Vallet, rapporteur pour avis de la
commission des finances ; le secrétaire d'Etat. - Retrait des amendements n°s
107 et 115 ; adoption des amendements n°s 45 et 97.
Amendement n° 116 de M. Gérard Delfau. - MM. Gérard Delfau, le rapporteur, le
secrétaire d'Etat. - Retrait.
Adoption de l'article modifié.
Article 7 bis (précédemment réservé) (p. 21 )
Amendements identiques n°s 46 de la commission et 98 de M. André Vallet, rapporteur pour avis. - MM. le rapporteur, le rapporteur pour avis, le secrétaire d'Etat. - Adoption des deux amendements supprimant l'article.
Article 7 ter (précédemment réservé) (p. 22 )
Amendements identiques n°s 47 de la commission et 99 de M. André Vallet,
rapporteur pour avis. - MM. le rapporteur, le rapporteur pour avis, le
secrétaire d'Etat. - Adoption des deux amendements.
Amendements n°s 117 de M. Gérard Delfau et 108 de M. Robert Bret. - M. Gérard
Delfau, Mme Nicole Borvo, MM. le rapporteur, le secrétaire d'Etat. - Rejet des
deux amendements.
Amendements identiques n°s 48 de la commission et 100 de M. André Vallet,
rapporteur pour avis. - MM. le rapporteur, le rapporteur pour avis, le
secrétaire d'Etat, Gérard Delfau. - Adoption des deux amendements.
Amendements identiques n°s 109 de M. Robert Bret et 118 de M. Gérard Delfau. -
Devenus sans objet.
Adoption de l'article modifié.
Article 7 quater (précédemment réservé) (p. 23 )
Amendements identiques n°s 49 de la commission et 101 de M. André Vallet, rapporteur pour avis ; amendement n° 119 de M. Gérard Delfau ; amendements identiques n°s 111 de M. Robert Bret et 120 de M. Gérard Delfau ; amendements identiques n°s 110 de M. Robert Bret et 121 de M. Gérard Delfau. - MM. le rapporteur, le rapporteur pour avis, Gérard Delfau, le secrétaire d'Etat. - Adoption des amendements n°s 49 et 101 rédigeant l'article, les autres amendements devenant sans objet.
Article 7 quinquies (précédemment réservé) (p. 24 )
Amendements n°s 50 de la commission, 102 de M. André Vallet, rapporteur pour avis, et 122 de M. Gérard Delfau. - MM. le rapporteur, le rapporteur pour avis, Gérard Delfau, le secrétaire d'Etat. - Retrait des amendements n°s 50 et 122 ; adoption de l'amendement n° 102 rédigeant l'article.
Article 7 sexies (précédemment réservé) (p. 25 )
Amendements identiques n°s 51 de la commission et 103 de M. André Vallet, rapporteur pour avis. - MM. le rapporteur, le rapporteur pour avis, le secrétaire d'Etat. - Adoption des deux amendements rédigeant l'article.
Article 8 (précédemment réservé) (p. 26 )
Amendement n° 123 rectifié de M. Gérard Delfau. - MM. Gérard Delfau, le
rapporteur, le secrétaire d'Etat. - Rejet.
Amendement n° 124 de M. Gérard Delfau. - MM. Gérard Delfau, le rapporteur, le
secrétaire d'Etat. - Rejet.
Amendement n° 104 de M. André Vallet, rapporteur pour avis. - MM. le rapporteur
pour avis, le rapporteur, le secrétaire d'Etat. - Adoption.
Adoption de l'article modifié.
Articles 9 et 9
bis (précédemment réservés). -
Adoption (p.
27
)
Article 10
(précédemment réservé)
(p.
28
)
Amendement n° 125 de M. Gérard Delfau. - MM. Gérard Delfau, le rapporteur, le
secrétaire d'Etat. - Retrait.
Adoption de l'article.
Articles 11 et 12
(précédemment réservés)
. - Adoption (p.
29
)
Article 16
(précédemment réservé)
(p.
30
)
Amendements n°s 58 de la commission, 152 rectifié bis du Gouvernement, 126 de M. Gérard Delfau, 105 et 106 de M. André Vallet, rapporteur pour avis. - MM. le rapporteur, le secrétaire d'Etat, Gérard Delfau, le rapporteur pour avis. - Adoption de l'amendement n° 58 supprimant l'article, les autres amendements devenant sans objet.
Article additionnel après l'article 32 (précédemment réservé) (p. 31 )
Amendement n° 74 de la commission et sous-amendement n° 151 de M. Gaston Flosse. - MM. le rapporteur, Alain Vasselle, le secrétaire d'Etat. - Retrait du sous-amendement ; adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Vote sur l'ensemble (p. 32 )
MM. Jean-Claude Peyronnet, Robert Bret, Jean-Jacques Hyest, Gérard Delfau,
Roger Karoutchi, Henride Raincourt, le secrétaire d'Etat, le rapporteur.
Adoption du projet de loi.
6.
Nomination de membres d'une commission mixte paritaire
(p.
33
).
7.
Nomination d'un membre d'un organisme extraparlementaire
(p.
34
).
8.
Diverses dispositions d'ordre social, éducatif et culturel.
- Discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence (p.
35
).
Discussion générale : MM. Guy Hascoët, secrétaire d'Etat à l'économie solidaire
; Jean Delaneau, président de la commission des affaires sociales ; Louis
Souvet, Alain Vasselle, André Jourdain, Jean-Louis Lorrain, rapporteurs de la
commission des affaires sociales.
Suspension et reprise de la séance (p. 36 )
PRÉSIDENCE DE M. GÉRARD LARCHER
MM. James Bordas, Jean-Paul Hugot, Jacques Valade, rapporteur pour avis de la
commission des affaires culturelles ; Francis Grignon, François Trucy, Roland
Muzeau, Claude Domeizel, Louis de Broissia, Serge Lagauche, René Trégouët,
Alain Gournac.
Renvoi de la suite de la discussion.
9.
Dépôt d'un projet de loi
(p.
37
).
10.
Transmission d'un projet de loi
(p.
38
).
11.
Dépôt d'un rapport d'information
(p.
39
).
12.
Ordre du jour
(p.
40
).
COMPTE RENDU INTÉGRAL
PRÉSIDENCE DE M. JACQUES VALADE
vice-président
M. le président.
La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à quinze heures.)
1
PROCÈS-VERBAL
M. le président.
Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ?...
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.
2
MODIFICATION DE L'ORDRE DU JOUR
M. le président.
M. le président a reçu de M. le ministre des relations avec le Parlement la
lettre suivante :
« Paris, le 30 mai 2001.
« Monsieur le président,
« J'ai l'honneur de vous informer qu'en application de l'article 48 de la
Constitution et de l'article 29 du règlement du Sénat le Gouvernement modifie
l'ordre du jour du Sénat comme suit :
« Jeudi 31 mai, le matin, après les questions au Gouvernement, l'après-midi et
le soir :
« - suite du projet de loi portant diverses dispositions d'ordre social,
éducatif et culturel.
« Mardi 5 juin, l'après-midi et le soir :
« - projet de loi portant mesures urgentes de réformes à caractère économique
et financier.
« Mercredi 6 juin, l'après-midi et, éventuellement, le soir :
« - projet de loi autorisant la ratification du traité entre la République
française et la principauté d'Andorre ;
« - suite de l'ordre du jour de la veille.
« Je vous prie d'agréer, monsieur le président, l'expression de ma haute
considération.
«
Signé :
Jean-Jack Queyranne. »
Acte est donné de cette communication.
L'ordre du jour des séances des 31 mai, 5 et 6 juin est modifié en
conséquence.
3
SÉCURITÉ QUOTIDIENNE
Suite de la discussion d'un projet de loi
déclaré d'urgence
M. le président.
L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi (n° 296,
2000-2001), adopté par l'Assemblée nationale, après déclaration d'urgence,
relatif à la sécurité quotidienne. [Rapport n° 329 (2000-2001) et avis n° 333
(2000-2001)].
Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus à l'article 22.
Article 22
M. le président.
« Art. 22. - Dans le premier alinéa de l'article 41-2 du code de procédure
pénale, la référence : "222-13 (1° à 10°)" est remplacée par la référence :
"222-13 (1° à 11°)". »
Par amendement n° 64, M. Schosteck, au nom de la commission des lois, propose,
à la fin de cet article, de remplacer les références : « (1° à 11°) » par les
références : « (1° à 12°) ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Pierre Schosteck,
rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du
suffrage universel, du règlement et d'administration générale.
Il s'agit
d'un amendement de coordination.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Daniel Vaillant,
ministre de l'intérieur.
S'agissant d'un amendement de coordination avec
l'amendement n° 14, auquel le Gouvernement a donné un avis défavorable, la
logique veut que je sois également défavorable à cet amendement n° 64.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 64, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 22, ainsi modifié.
(L'article 22 est adopté.)
Article 23
M. le président.
« Art. 23. - I. - Il est inséré, avant l'article 706-54 du code de procédure
pénale, une division et un intitulé ainsi rédigés : "Titre XX. - Du fichier
national automatisé des empreintes génétiques". »
« II. - Au premier alinéa de l'article 706-54 du même code, les mots : "des
infractions visées à l'article 706-47 en vue de faciliter l'identification et
la recherche des auteurs d'infractions sexuelles" sont remplacés par les mots :
"des infractions visées à l'article 706-55 en vue de faciliter l'identification
et la recherche des auteurs de ces infractions". »
« III. - Au quatrième alinéa du même article, les mots : "à l'article 706-47"
sont remplacés par les mots : "à l'article 706-55". »
« IV. - Il est inséré, après ce même article, un article 706-55 ainsi rédigé
:
«
Art. 706-55
. - Le fichier national automatisé des empreintes
génétiques centralise les traces et empreintes génétiques concernant les
infractions suivantes :
« 1° Les infractions de nature sexuelle visées à l'article 706-47 ;
« 2° Les crimes d'atteintes volontaires à la vie de la personne, de torture et
actes de barbarie et de violences volontaires prévus par les articles 221-1 à
221-5, 222-1 à 222-8, 222-10 et 222-14 (1° et 2°) du code pénal ;
« 3° Les crimes de vol, d'extorsion et de destructions, dégradations et
détériorations dangereuses pour les personnes prévus par les articles 311-7 à
311-11, 312-3 à 312-7 et 322-7 à 322-10 du code pénal ;
« 4° Les crimes constituant des actes de terrorisme prévus par les articles
421-1 à 421-4 du code pénal. »
Par amendement n° 65, M. Schosteck, au nom de la commission des lois, propose
de rédiger comme suit cet article :
« I. - Il est inséré, avant l'article 706-54 du code de procédure pénale, une
division et un intitulé ainsi rédigés : "Titre XX. - Du fichier national
automatisé des empreintes génétiques". »
« II. - Au premier alinéa de l'article 706-54 du même code, les mots : "des
infractions visées à l'article 706-47 en vue de faciliter l'identification et
la recherche des auteurs d'infractions sexuelles" sont remplacés par les mots :
"des infractions visées à l'article 706-55 en vue de faciliter l'identification
et la recherche des auteurs de ces infractions". »
« III. - Au quatrième alinéa du même article, les mots : "à l'article 706-47"
sont remplacés par les mots : "à l'article 706-55". »
« IV. - Après les mots : "incluses au fichier", la fin du quatrième alinéa est
ainsi rédigée : "et y être conservées". »
« V. - Il est inséré, après ce même article, un article 706-55 ainsi rédigé
:
«
Art. 706-55. -
Le fichier national automatisé des empreintes
génétiques centralise les traces et empreintes génétiques concernant les
infractions suivantes :
« 1° Les infractions de nature sexuelle visées à l'article 706-47 ainsi que le
recel de ces infractions ;
« 2° Les infractions d'atteintes volontaires à la vie de la personne, de
torture et actes de barbarie, de violences volontaires, de trafic de
stupéfiants, d'enlèvement et de séquestration prévues par les articles 221-1 à
221-5, 222-1 à 222-10, 222-14 (1° et 2°), 222-34 à 222-37, 224-1 à 224-5 du
code pénal ;
« 3° Les infractions de vol, d'extorsion et de destructions, dégradations et
détériorations dangereuses pour les personnes prévues par le dernier alinéa de
l'article 311-4, les articles 311-7 à 311-11, 312-2 à 312-7 et 322-6 à 322-10
du code pénal ;
« 4° Les crimes constituant des actes de terrorisme prévus par les articles
421-1 à 421-4 du code pénal. »
« VI. - Il est inséré, après ce même article, un article 706-56 ainsi rédigé
:
«
Art. 706-56. -
Le fait de refuser de se soumettre à un prélèvement
aux fins d'identification par empreintes génétiques, dans les conditions
prévues aux articles 706-54 et 706-55, est puni de trois mois d'emprisonnement
et de 3 750 euros d'amende. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Pierre Schosteck,
rapporteur.
Cet amendement traite du fichier national automatisé des
empreintes génétiques.
Actuellement, on ne peut insérer dans ce fichier que les empreintes des
personnes définitivement condamnées pour infraction sexuelle.
L'Assemblée nationale, qui a bien cerné le problème, a déjà élargi ce fichier
aux empreintes des personnes ayant commis certains crimes contre les personnes
et les biens, ou des crimes de terrorisme.
Il convient d'aller encore plus loin et de donner à la police de véritables
moyens de lutte contre la délinquance et la criminalité, adaptés aux nécessités
d'aujourd'hui et au monde moderne.
Cet amendement tend donc à élargir encore le fichier aux nouvelles infractions
suivantes : trafic de stupéfiants, enlèvement et séquestration, violences ayant
entraîné une infirmité permanente, recel des infractions sexuelles... on peut
en trouver d'autres.
Il vise aussi à permettre d'inclure dans le fichier les empreintes des
suspects, comme on le fait depuis toujours pour le fichier des empreintes
digitales. Il n'existe pas de risque, puisque les segments de gènes utilisés
sont dits « non codants », ce qui signifie qu'ils ne donnent aucune information
sur la personne, notamment sur son état de santé.
Enfin, cet amendement a pour objet de prévoir une sanction pour ceux qui
refusent de se livrer à un prélèvement. Rien n'est actuellement prévu. En règle
générale, je rappelle qu'il s'agit simplement d'un prélèvement buccal.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Daniel Vaillant,
ministre de l'intérieur.
Je remercie M. le rapporteur d'avoir dit que
l'Assemblée nationale avait déjà sensiblement élargi le champ d'application du
fichier des empreintes génétiques avec l'accord de Mme la garde des sceaux.
Aller au-delà, alors que ce fichier est en cours de préparation, avec les
difficultés techniques que cela représente, n'apparaît pas souhaitable. Cela
pourrait même, paradoxalement, entraîner des retards supplémentaires.
L'étape qui a été franchie et qui a rassemblé l'Assemblée nationale est utile,
mais je préfère en rester là. Le Gouvernement n'est donc pas favorable à
l'amendement n° 65.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 65, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, l'article 23 est ainsi rédigé.
Article additionnel après l'article 23
M. le président.
Par amendement n° 66, M. Schosteck, au nom de la commission des lois, propose
d'insérer, après l'article 23, un article additionnel ainsi rédigé :
« Après le premier alinéa, il est inséré dans l'article 62-1 du code de
procédure pénale deux alinéas ainsi rédigés :
« Lorsque l'enquête porte sur une infraction punie d'au moins trois ans
d'emprisonnement et que la sécurité d'une personne mentionnée au premier alinéa
est menacée, le juge des libertés et de la détention peut l'autoriser à
conserver l'anonymat au cours de la procédure. Lors de l'audience de jugement,
les avocats des parties peuvent faire poser des questions à la personne par le
président de la juridiction, qui donne lecture à l'audience des réponses qui
lui ont été faites. La personne peut également être interrogée en utilisant
tout dispositif technique permettant la conservation de l'anonymat.
« Aucune condamnation ne peut être prononcée sur le seul fondement de
déclarations recueillies dans les conditions prévues à l'alinéa précédent. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Pierre Schosteck,
rapporteur.
Il s'agit de prévoir que l'anonymat d'un témoin peut être
préservé à l'égard de l'accusé ou du prévenu.
Cet amendement tend à permettre au juge des libertés d'autoriser un témoin à
garder l'anonymat lorsque sa sécurité est menacée. Les questions des avocats
pourraient alors être posées à ce témoin soit par l'intermédiaire du président
de la juridiction lors de l'audience, soit grâce à un dispositif technique
approprié.
Très souvent aujourd'hui, si la police et la justice connaissent les auteurs
d'infractions, ils ne parviennent pas à réunir les témoignages nécessaires, les
témoins redoutant des représailles.
La possibilité de témoigner anonymement existe déjà dans plusieurs pays,
notamment aux Pays-Bas. Il est intéressant de le souligner, car ce pays ne
passe pas pour être particulièrement répressif. Cette possibilité est également
admise par la Cour européenne des droits de l'homme, qui exige seulement qu'une
condamnation ne soit pas fondée exclusivement sur la déposition d'un témoin
anonyme.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Daniel Vaillant,
ministre de l'intérieur.
Je comprends l'intérêt d'une telle disposition.
Sur le fond, elle ne me choque pas, puisque tout ce qui peut concourir à la
vérité est une bonne chose. Toutefois, j'ai envie de dire que, si je comprends
l'idée et que je la partage plutôt, j'entrevois en même temps les difficultés
de mise en oeuvre que cela suppose sur le plan technique. Une telle réforme de
fond est donc, à ce stade, assez difficilement envisageable.
En outre, s'agissant d'une modification très importante du code pénal, elle
nécessiterait de revoir d'autres procédures, en matière d'audience publique
notamment.
Pour être très clair, je m'en remets à la sagesse de la Haute Assemblée.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 66.
M. Christian Bonnet.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole et à M. Bonnet.
M. Christian Bonnet.
Je considère qu'il s'agit là d'un amendement tout à fait essentiel. Au
demeurant, il semble qu'un premier pas ait été fait par l'Assemblée
nationale.
Monsieur le ministre, vous avez fait allusion à des difficultés techniques,
mais ces dernières peuvent toujours être surmontées, et nous pouvons faire
confiance aux experts en la matière pour qu'elles le soient et assez
rapidement.
M. le rapporteur a dit que, « très souvent », les témoins ne se manifestent
pas. Je trouve l'adverbe insuffisant. Il aurait fallu dire qu'ils n'osent pas
se manifester « le plus souvent », car ils ont peur des représailles.
Je considère par conséquent que ce dispositif, qui prévoit l'anonymat possible
du témoignage, est essentiel et que l'amendement devrait donc être voté par
l'ensemble des sénateurs ici présents.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 66, pour lequel le Gouvernement s'en remet à
la sagesse du Sénat.
M. Jean-Claude Peyronnet.
Le groupe socialiste s'abstient.
Mme Nicole Borvo.
Le groupe communiste républicain et citoyen également.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet
de loi, après l'article 23.
Articles 24 à 26
M. le président.
« Art. 24. - I. - Il est créé un établissement public de l'Etat à caractère
administratif dénommé "Institut national de police scientifique", placé sous la
tutelle du ministre de l'intérieur.
« Cet établissement comprend les laboratoires de la police scientifique de
Lille, Lyon, Marseille, Paris et Toulouse, le laboratoire de toxicologie de la
préfecture de police et le service central des laboratoires.
« Il a pour mission de réaliser tous les examens, recherches et analyses
d'ordre scientifique et technique qui lui sont demandés par les autorités
judiciaires ou les services de police et de gendarmerie aux fins de
constatation des infractions pénales et d'identification de leurs auteurs. Il
développe et promeut, aux plans national et international, les techniques et
les procédés mis en oeuvre à cette fin. »
« II. - Le conseil d'administration de l'Institut national de police
scientifique comprend, pour la moitié au moins de ses membres, des
représentants de l'Etat ainsi que des personnalités qualifiées et des
représentants élus des personnels.
« Un conseil scientifique assiste le président du conseil d'administration et
le directeur de l'établissement sur les aspects scientifiques et techniques de
l'activité de l'institut.
« Les services de l'établissement sont dirigés par un directeur nommé par
décret. »
« III. - Les ressources de l'établissement sont constituées par des
subventions de l'Etat ou des autres personnes publiques, par les honoraires
d'expertise et autres redevances pour services rendus, par les produits des
emprunts, par les dons et legs et par le produit des ventes qu'il effectue dans
le cadre de ses missions. »
« IV. - A compter de l'entrée en vigueur de la présente loi, les
fonctionnaires et agents non titulaires de la ville de Paris qui exercent leurs
fonctions dans le laboratoire de toxicologie mentionné au deuxième alinéa du I
sont mis de plein droit à disposition de l'Etat, à titre individuel, dans les
conditions fixées par l'article 125 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984
portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique
territoriale.
« Les fonctionnaires de la ville de Paris mentionnés ci-dessus peuvent, dans
un délai d'un an et dans les conditions fixées aux II et III de l'article 123
de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 précitée, opter pour le statut de
fonctionnaire de l'Etat. A l'issue de ce délai, les dispositions du IV de cet
article s'appliquent aux fonctionnaires qui n'ont pas fait usage de leur droit
d'option. Toutefois, le délai de deux ans mentionné au cinquième alinéa de ce
IV est, pour l'application du présent article, ramené à un an.
« Les agents non titulaires de la ville de Paris mentionnés au premier alinéa
peuvent, sur leur demande présentée dans un délai d'un an, se voir reconnaître
la qualité d'agent non titulaire de l'Etat, dans les conditions prévues aux
quatre premiers alinéas du II de l'article 123-1 de la loi n° 84-53 du 26
janvier 1984 précitée. Le délai de deux ans prévu pour faire droit à leur
demande est ramené à un an. »
« V. - La loi du 27 novembre 1943 portant création d'un service de police
technique est abrogée. »
« VI. - Un décret en Conseil d'Etat fixe les modalités d'application du
présent article. »
- (Adopté.)
« Art. 25. - Il est inséré, après l'article L. 10 A du livre des procédures
fiscales, un article L. 10 B ainsi rédigé :
«
Art. L. 10 B
. - En outre, les agents de la direction générale des
impôts concourent à la recherche des infractions réprimées par les articles
222-38, 222-39-1, 225-5, 225-6, 321-1, deuxième alinéa, et 321-6 du code pénal
dans le cadre des enquêtes menées sur instructions du procureur de la
République. A cette fin, ils procèdent à des recherches de nature fiscale
permettant de contribuer à la preuve desdites infractions. Ils en portent le
résultat à la connaissance du procureur de la République. »
- (Adopté.)
« Art. 26. - Dans le dernier alinéa de l'article 225-5 du code pénal, le mot
: "cinq" est remplacé par le mot : "sept". »
- (Adopté.)
Articles additionnels après l'article 26
M. le président.
Par amendement n° 1 rectifié
bis
, MM. Baudot et Hyest proposent
d'insérer, après l'article 26, un article additionnel ainsi rédigé :
« Après l'article 16 de la loi n° 83-629 du 12 juillet 1983 précitée, il est
inséré un article ainsi rédigé :
«
Art.
... . - Est injustifié, tout appel des services de la police
nationale ou de la gendarmerie nationale par les personnes physiques ou morales
exerçant des activités de surveillance à distance des biens meubles ou
immeubles qui entraîne l'intervention indue de ces services, faute d'avoir été
précédé d'une levée de doute consistant en un ensemble de vérifications, par
ces personnes physiques ou morales, de la matérialité et de la concordance des
indices laissant présumer la commission d'un crime ou délit flagrant dans les
locaux surveillés.
« L'autorité administrative peut prononcer à l'encontre des personnes
physiques ou morales mentionnées à l'alinéa précédent qui appellent sans
justification les services de la police nationale ou de la gendarmerie
nationale, une sanction pécuniaire d'un montant qui ne peut excéder quatre cent
cinquante euros par appel injustifié.
« La personne physique ou morale à l'encontre de laquelle est envisagée la
sanction pécuniaire prévue au précédent alinéa est mise en mesure de présenter
ses observations avant le prononcé de la sanction, et d'établir la réalité des
vérifications qu'elle a effectuées mentionnées au premier alinéa.
« Cette sanction pécuniaire est recouvrée comme les créances de l'état
étrangères à l'impôt et au domaine. Elle est susceptible d'un recours de pleine
juridiction. »
Cet amendement est-il soutenu ?...
M. Jean-Pierre Schosteck,
rapporteur.
La commission le reprend, monsieur le président.
M. le président.
Il s'agit donc de l'amendement n° 1 rectifié
ter
.
Vous avez la parole, monsieur le rapporteur, pour le défendre.
M. Jean-Pierre Schosteck,
rapporteur.
Cet amendement tend à donner une définition de l'appel
injustifié aux forces de l'ordre par des sociétés de télésurveillance, appel
qui était susceptible d'entraîner l'application de sanctions administratives
pécuniaires. Cela mettra fin à une situation de conflit qui perdure depuis un
arrêt du tribunal administratif du 14 avril 1999, qui avait annulé la sanction
administrative.
Nous pensons qu'il s'agit d'une bonne mesure. Elle était envisagée dans le
projet de loi sur la sécurité privée, que nous attendons toujours. Il est donc
opportun de l'intégrer dans ce texte.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Daniel Vaillant,
ministre de l'intérieur.
Cet amendement apporte une réponse satisfaisante
au problème des appels injustifiés des services de police ou de gendarmerie par
les entreprises de télésurveillance.
Je rappelle qu'en échange de l'attribution d'un numéro d'appel téléphonique
des services de police et de gendarmerie, qui leur est réservé, ces entreprises
ont l'obligation de procéder à une levée de doute, c'est-à-dire à un ensemble
de vérifications de la pertinence des indices d'effraction avant d'appeler les
services de sécurité publics. Pour mettre un terme à la fois à ces appels
injustifiés et à des contentieux à répétition sur le bien-fondé des textes
réglementaires qui régissent la matière, il est souhaitable d'inscrire dans la
loi la définition de l'appel injustifié. Le Gouvernement est donc favorable à
cet amendement n° 1 rectifié
ter
.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 1 rectifié
ter
, accepté par le
Gouvernement.
(L'amendement et adopté.)
M. le président.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet
de loi, après l'article 26.
Par amendement n° 132, M. About et les membres du groupe des Républicains et
Indépendants proposent d'insérer, après l'article 26, un article additionnel
ainsi rédigé :
« L'article L. 4223-1 du code de la santé publique est complété par cinq
alinéas ainsi rédigés :
« Les personnes morales peuvent être déclarées pénalement responsables dans
les conditions prévues par l'article 121-2 du code pénal de l'infraction
définie au présent article.
« Les peines encourues par les personnes morales sont :
« 1° L'amende, suivant les modalités prévues par l'article 131-38 du code
pénal ;
« 2° Les peines mentionnées aux 2° à 9° de l'article 131-39 du même code ;
« L'interdiction mentionnée au 2° de l'article 131-39 du code pénal porte sur
l'activité dans l'exercice ou à l'occasion de laquelle l'infraction a été
commise. »
Cet amendement est-il soutenu ?...
M. Jean-Pierre Schosteck,
rapporteur.
La commission le reprend, monsieur le président.
M. le président.
Il s'agit donc de l'amendement n° 132 rectifié.
Vous avez la parole pour le défendre, monsieur le rapporteur.
M. Jean-Pierre Schosteck,
rapporteur.
Il s'agit en effet d'un point tout à fait important.
Cet amendement vise à réparer une erreur matérielle commise à propos d'une
disposition de la proposition de loi sur les sectes, qui pourrait, d'après ce
que je crois savoir, être adoptée sans modification par l'Assemblée
nationale.
Lors de l'examen de cette proposition de loi, le Sénat avait souhaité prévoir
la responsabilité des personnes morales en cas d'exercice illégal de la
pharmacie. En deuxième lecture, à la suite d'une erreur de rédaction, cette
disposition a disparu. Il est donc tout à fait nécessaire de la rétablir.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Daniel Vaillant,
ministre de l'intérieur.
Sur le fond, la mesure est sans doute opportune
puisqu'il s'agit d'instaurer une responsabilité des personnes morales en cas
d'exercice illégal de la pharmacie.
En termes de procédure, disons que cet article n'a guère sa place dans le
présent projet de loi, d'autant qu'il s'agit d'anticiper sur le vote de
l'Assemblée nationale à propos de la proposition de loi sur les sectes, que le
Gouvernement soutient.
En la circonstance, je m'en remets donc à la sagesse du Sénat.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 132 rectifié, pour lequel le Gouvernement
s'en remet à la sagesse du Sénat.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet
de loi, après l'article 26.
Division additionnelle avant l'article 27
M. le président.
Par amendement n° 67, M. Schosteck, au nom de la commission des lois, propose
d'insérer, avant l'article 27, une division additionnelle ainsi rédigée : «
Chapitre V. - Services de sécurité de la SNCF et de la RATP ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Pierre Schosteck,
rapporteur.
Nous abordons des dispositions qui émanent d'un projet de loi
que nous aurions déjà dû discuter, dont j'avais ébauché le rapport, rapport que
j'ai d'ailleurs été très frustré de ne pouvoir présenter. Il est par conséquent
normal de retrouver quelques rémanences de ce texte dans celui dont nous
discutons actuellement.
Il s'agit, en l'occurrence, de créer un chapitre spécifique regroupant les
dispositions relatives aux services internes de sécurité de la SNCF et de la
RATP, que l'Assemblée nationale a adopté.
Ces dispositions, comme je le disais, sont issues du projet de loi sur la
sécurité privée, dont l'examen - on peut le regretter - n'a pas été inscrit par
le Gouvernement à l'ordre du jour du Sénat.
Une fois de plus, en raison du manque de cohérence de l'activité législative
du Gouvernement - pardonnez-moi, monsieur le ministre - il a fallu reprendre
des dispositions qui sont contenues dans un autre texte.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Daniel Vaillant,
ministre de l'intérieur.
Je me suis déjà exprimé sur le regret que j'ai,
moi aussi, que ce texte n'ait pu être soumis comme prévu au Sénat. Je tiens
d'ailleurs à dire que c'est l'examen fort long d'une proposition de loi mise à
l'ordre du jour prioritaire du Sénat qui a empêché le ministre des relations
avec le Parlement d'inscrire, comme le Gouvernement l'aurait souhaité, le
projet dont vous parliez à l'instant, monsieur Schosteck.
Mais tout cela est derrière nous puisque la loi organique modifiant la date
d'expiration des pouvoirs de l'Assemblée nationale a été adoptée et actée par
le Conseil constitutionnel...
Je regrette donc, moi aussi, ce retard. Mais, ne souhaitant pas que le présent
texte soit désorganisé, j'émets un avis défavorable sur cet amendement... ce
qui ne veut pas dire que je suis contre les dispositions prévues dans le projet
de loi sur la sécurité privée.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 67, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, une division additionnelle ainsi rédigée est insérée dans le
projet de loi, avant l'article 27.
Article 27
M. le président.
« Art. 27. - Après l'article 11 de la loi n° 83-629 du 12 juillet 1983
réglementant les activités privées de surveillance, de gardiennage et de
transport de fonds, il est inséré un article 11-1 ainsi rédigé :
«
Art. 11-1
. - Sans préjudice des dispositions prévues par la loi du
15 juillet 1845 sur la police des chemins de fer, la Société nationale des
chemins de fer français et la Régie autonome des transports parisiens sont
autorisées à disposer d'un service interne de sécurité.
« Les services internes de sécurité de la Société nationale des chemins de fer
français et de la Régie autonome des transports parisiens sont chargés, dans
les emprises immobilières nécessaires à l'exploitation du service géré par
l'établissement public et dans ses véhicules de transport public de voyageurs,
dans le cadre d'une mission de prévention, de veiller à la sécurité des
personnes et des biens, de protéger les agents de l'entreprise et son
patrimoine et de veiller au bon fonctionnement du service.
« Les agents des services internes de sécurité de la Société nationale des
chemins de fer français et de la Régie autonome des transports parisiens
peuvent, sans avoir à solliciter une autorisation préfectorale, exercer sur la
voie publique les missions définies au présent article, dans des conditions
fixées par décret en Conseil d'Etat.
« Les services internes de sécurité de la Société nationale des chemins de fer
français et de la Régie autonome des transports parisiens sont soumis aux
dispositions des premier et deuxième alinéas de l'article 3 et des articles 4,
8 et 10. »
Par amendement n° 68, M. Schosteck, au nom de la commission des lois, propose,
dans l'avant-dernier alinéa du texte présenté par cet article pour l'article
11-1 de la loi n° 83-629 du 12 juillet 1983, de supprimer les mots : « , sans
avoir à solliciter une autorisation préfectorale, ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Pierre Schosteck,
rapporteur.
Monsieur le ministre, me voici soulagé : je me demandais à
quel moment, compte tenu des références historiques que vous vous plaisez à
évoquer, vous parleriez de la raison que vous donnez au retard apporté à
l'examen du projet de loi sur la sécurité privée !
M. Daniel Vaillant,
ministre de l'intérieur.
Vous m'en avez donné l'occasion, et je vous en
remercie !
M. Jean-Pierre Schosteck,
rapporteur.
Je savais bien que vous y viendriez, même si j'ai une autre
opinion !
(Sourires.)
Il s'agit de mettre en place les missions des services de sécurité de la SNCF
et de la RATP. Il ne nous semble pas utile en l'occurrence de préciser qu'il ne
faut pas d'autorisation préfectorale pour exercer sur la voie publique. Cette
précision représenterait une dérogation aux dispositions prévues pour
l'ensemble des services de sécurité par le projet de loi sur la sécurité
privée, toujours en instance d'examen, comme chacun sait. Elle n'est pas
nécessaire dans le cadre de la loi de 1983, dans laquelle s'inscrivent pour le
moment les présentes dispositions.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Daniel Vaillant,
ministre de l'intérieur.
Votre commission a considéré que, si la mention
de la dispense d'autorisation préfectorale pour l'exercice des missions sur la
voie publique par les agents de sécurité des deux entreprises était utile dans
le projet de loi relatif aux activités privées de sécurité dont est extrait
l'article 27, elle était en revanche inutile ici puisque cet article est
incorporé dans la loi du 12 juillet 1983 réglementant les activités privées de
surveillance, de gardiennage et de transport de fonds. Elle propose donc la
suppression de cette mention qu'elle estime redondante.
Je reconnais que cette suppression n'est pas dépourvue de logique juridique.
Cependant, je suis réservé car, si on ne peut exclure que les dispositions sur
les services internes de sécurité de la SNCF et de la RATP figurant dans le
projet de loi relatif à la sécurité quotidienne soient insérés un jour dans la
loi sur les activités privées de sécurité, dont le projet est déposé sur le
bureau du Sénat depuis le 17 mai 2000, celui-ci abroge la loi du 12 juillet
1983. La cohérence veut donc que l'on puisse maintenir tel quel le dispositif
que nous examinons.
Je crois préférable en conséquence de conserver la rédaction en l'état ; elle
apporte une précision utile aux conditions d'exercice des missions des agents
de ces deux entreprises qui sont dérogatoires sur ce point.
Au demeurant, compte tenu de la complexité de cette affaire, je m'en remets à
la sagesse de la Haute Assemblée.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 68.
M. Jean-Pierre Schosteck,
rapporteur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Pierre Schosteck,
rapporteur.
J'ai bien noté en effet la liaison qu'il y avait entre les
deux textes. Il est bien évident que, lorsque nous supprimerons la loi de 1983,
nous supprimerons aussi la disposition dont il s'agit. Mais, en attendant, elle
est la bienvenue.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 68, pour lequel le Gouvernement s'en remet à
la sagesse du Sénat.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Par amendement n° 69, M. Schosteck, au nom de la commission des lois, propose,
à la fin du dernier alinéa du texte présenté par l'article 27 pour l'article
11-1 de la loi n° 83-629 du 12 juillet 1983, de remplacer les mots : « des
premier et deuxième alinéas de l'article 3 et des articles 4, 8 et 10. » par
les mots : « du premier alinéa de l'article 3 et de l'article 4. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Pierre Schosteck,
rapporteur.
Il s'agit d'un amendement qui permettra d'éviter de rendre
applicables à la SNCF et à la RATP des articles de la loi de 1983 qui leur
correspondent mal. C'est ainsi que seraient supprimées les références au
deuxième alinéa de l'article 3, qui indique que la dénomination des entreprises
doit faire apparaître leur caractère privé. Cela ne peut évidemment pas être le
cas ni pour la SNCF ni pour la RATP.
A l'article 8, il est indiqué que l'autorisation administrative ne confère
aucun caractère officiel au service. En l'occurrence, c'est la loi qui autorise
ce service.
Enfin, l'article 10 autorise l'armement des services de sécurité en général,
alors que des dispositions spécifiques sont prévues à ce sujet, pour ces deux
entreprises, dans un nouvel article 11-4 de la loi susmentionnée.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Daniel Vaillant,
ministre de l'intérieur.
Favorable.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 69, accepté par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 27, modifié.
(L'article 27 est adopté.)
Article 28
M. le président.
« Art. 28. - Dans l'article 15 de la loi n° 83-629 du 12 juillet 1983
précitée, les mots : "ou l'employé de l'entreprise visée aux articles 1er, 2 ou
11", sont remplacés par les mots : "ou l'employé de l'entreprise visée aux
articles 1er, 2, 11 ou 11-1". »
- (Adopté.)
Article 29
M. le président.
« Art. 29. - Après l'article 11 de la loi n° 83-629 du 12 juillet 1983
précitée, il est inséré un article 11-2 ainsi rédigé :
«
Art. 11-2
. - Les agents des services internes de sécurité de la
Société nationale des chemins de fer français et de la Régie autonome des
transports parisiens qui ont fait l'objet d'une condamnation à une peine
correctionnelle ou à une peine criminelle inscrite au bulletin n° 2 du casier
judiciaire ou, pour les ressortissants étrangers, dans un document équivalent,
ne peuvent être affectés ou maintenus dans ce service interne de sécurité. Il
en va de même :
« 1° Si l'agent a fait l'objet d'un arrêté d'expulsion non abrogé ou d'une
interdiction du territoire français non entièrement exécutée ;
« 2° S'il a commis des actes, éventuellement mentionnés dans les traitements
automatisés de données personnelles gérés par les autorités de police,
contraires à l'honneur, à la probité ou aux bonnes moeurs ou de nature à porter
atteinte à la sécurité des personnes ou des biens, à la sécurité publique ou à
la sûreté de l'Etat. »
Par amendement n° 113, M. Bret, Mme Borvo et les membres du groupe communiste
républicain et citoyen proposent, dans le premier alinéa du texte présenté par
cet article pour l'article 11-2 de la loi n° 83-629 du 12 juillet 1983, de
supprimer les mots : « ou, pour les ressortissants étrangers, dans un document
équivalent, ».
La parole est à Mme Borvo.
Mme Nicole Borvo.
Grâce à cet amendement, nous souhaitons attirer l'attention sur les
difficultés d'application qui pourraient résulter de l'application littérale de
cet article. Bien entendu, je ne conteste pas la nécessité de recruter un
personnel irréprochable pour exercer des activités de surveillance et de
sécurité à l'intérieur des services publics de la RATP et de la SNCF, mais je
pense que la rédaction mériterait d'être améliorée. C'est la raison d'être de
notre amendement.
En particulier, la référence à un « document équivalent » au bulletin n° 2 du
casier judiciaire pour le recrutement de ressortissants étrangers me semble un
peu elliptique.
Certes, cette rédaction est la reprise quasi-identique des dispositions
actuelles du statut du personnel de la sécurité générale de la SNCF. Cependant,
comme cela nous a été rappelé, elle vise expressément les ressortissants
communautaires, les seuls pouvant être recrutés à l'heure actuelle.
Or, si nous pouvons supposer que les pays de l'Union européenne disposent de «
document équivalent » au casier judiciaire français - je n'en suis même pas
tout à fait sûre, s'agissant des trois niveaux retenus en France ou du régime
juridique applicable -, le problème devient autrement plus complexe s'agissant
des ressortissants extérieurs à l'Union européenne.
Faut-il interpréter alors l'article comme une simple demande aux pays
d'origine ? Qu'en sera-t-il éventuellement des réfugiés ? Comment jugera-t-on
des condamnations s'agissant d'ordres juridiques très différents ? Autant de
questions soulevées par le caractère très général de la rédaction de cet
alinéa, sur lesquelles je souhaiterais connaître l'avis du Gouvernement.
En outre, je m'interroge sur le cas des ressortissants français ayant séjourné
à l'étranger et qui pourraient y avoir commis des infractions. La logique de
l'article ne voudrait-elle pas en effet que l'on puisse demander aux autorités
du pays étranger un document attestant de l'absence de condamnation criminelle
ou correctionnelle ?
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Pierre Schosteck,
rapporteur.
Madame Borvo, je suis au regret de vous dire que la
commission n'a pas considéré que cet amendement apportait de la clarté dans le
débat.
En effet, on voit mal comment la SNCF pourrait ne pas soumettre le recrutement
des ressortissants étrangers aux mêmes règles que celui des ressortissants
français. Comment pourrait-elle être plus laxiste à l'égard des étrangers que
des Français, même s'il peut y avoir, c'est vrai, quelques difficultés
administratives à obtenir un document pour un étranger ! Ce serait tout de même
un peu fort de café, si vous me permettez cette expression.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Daniel Vaillant,
ministre de l'intérieur.
Je voudrais d'abord rectifier une erreur
figurant dans l'argumentaire de l'amendement.
L'exigence de contrôle d'un document équivalant au casier judiciaire pour les
ressortissants étrangers employés dans les services internes de sécurité de la
SNCF ou de la RATP figure bien dans le projet de loi relatif aux activités de
sécurité privée dont est extrait l'article que nous étudions, mais ce par un
jeu de renvoi d'articles qui a sans doute échappé à la vigilance des auteurs de
l'amendement.
Par ailleurs, il n'y a aucune mesure discriminatoire dans cette exigence : la
plupart des pays étrangers disposent d'un équivalent de notre casier
judiciaire.
En outre, il est évidemment souhaitable que l'on puisse s'assurer que les
agents qui exercent des missions de surveillance et qui peuvent être armés
soient exempts de condamnation. Cela me paraît même indispensable.
Dans ces conditions, j'émets un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président.
Madame Borvo, l'amendement n° 113 est-il maintenu ?
Mme Nicole Borvo.
Je le retire, monsieur le président.
M. le président.
L'amendement n° 113 est retiré.
Par amendement n° 114, M. Bret, Mme Borvo et les membres du groupe communiste
républicain et citoyen proposent de supprimer le deuxième alinéa (1°) du texte
présenté par l'article 29 pour l'article 11-2 de la loi n° 83-629 du 12 juillet
1983.
La parole est à Mme Borvo.
Mme Nicole Borvo.
Cet amendement a un tout autre objet que celui que je viens d'évoquer à
l'instant.
Il vise à supprimer le 1° de l'article 29, qui interdit l'embauche dans un
service de sécurité interne de la SNCF ou de la RATP et le maintien dans son
poste d'un agent qui « a fait l'objet d'un arrêté d'expulsion non abrogé ou
d'une interdiction du territoire français non entièrement exécutée ».
Je dois dire que la lecture de cette disposition m'a laissée pour le moins
perplexe. Rappelons en effet le droit applicable : l'arrêté d'expulsion ou la
mesure d'interdiction du territoire empêchent la délivrance ou le
renouvellement d'un titre de séjour ou emportent son retrait. Par conséquent,
ils entraînent l'impossibilité d'embauche et l'annulation du contrat de
travail.
En outre, ces deux mesures sont inscrites au bulletin n° 2 du casier
judiciaire.
Il est donc clair que toute personne qui a fait l'objet de l'une ou l'autre de
ces mesures ne peut être employée dans un service de sécurité de la RATP ou de
la SNCF : cette disposition apparaît donc redondante et inutile eu égard à
l'état actuel du droit.
La seule explication me semble donc résider dans la volonté d'éviter les
situations dans lesquelles une personne faisant l'objet d'une mesure
d'interdiction du territoire français ou d'un arrêté d'expulsion pourrait, en
infraction à la législation sur les étrangers, se maintenir illégalement dans
son poste, faute pour l'entreprise d'avoir eu connaissance de ladite mesure.
Les sénateurs communistes sont pour le moins surpris qu'on demande à
l'entreprise publique de se faire juge de l'applicabilité ou de l'exécution
d'une mesure d'éloignement du territoire français !
C'est aux préfectures ou aux parquets qu'il revient de s'assurer de
l'exécution des mesures administratives ou judiciaires prises à l'encontre des
ressortissants étrangers sur le fondement de l'ordonnance de 1945.
Il ne nous semble donc pas judicieux de faire de la direction de la SNCF ou de
la RATP des auxiliaires de la police des étrangers.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Pierre Schosteck,
rapporteur.
La commission est défavorable à cet amendement parce que les
renseignements concernant les mesures d'éloignement du territoire peuvent tout
à fait être recueillis auprès des préfectures. Celles-ci disposent des moyens
pour le faire. Par conséquent, l'entreprise ne se transforme pas en juge.
En tout état de cause, dans un amendement qui viendra ultérieurement en
discussion, nous avons prévenu les inconvénients qui pourraient résulter de
cette situation en disant que l'employeur ne peut être sanctionné que s'il a
recruté en connaissance de cause.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Daniel Vaillant,
ministre de l'intérieur.
Il s'agit d'une règle générale qui me paraît
aller de soi.
Par ailleurs, contrairement à ce qu'indiquent les auteurs de cet amendement,
ce ne sont pas la SNCF ou la RATP qui seront juges de l'applicabilité ou de
l'inexécution d'une mesure d'éloignement du territoire. Ce contrôle sera non
pas le fait des entreprises mais celui des services de l'Etat auxquels les
entreprises s'adresseront pour contrôler les conditions d'honorabilité et de
moralité.
Je pense donc que les auteurs de cet amendement ont toutes assurances leur
permettant de le retirer.
M. le président.
Madame Borvo, l'amendement est-il maintenu ?
Mme Nicole Borvo.
Je le retire, monsieur le président.
M. le président.
L'amendement n° 114 est retiré.
Par amendement n° 70, M. Schosteck, au nom de la commission des lois, propose,
dans le dernier alinéa (2°) du texte présenté par l'article 29 pour l'article
11-2 de la loi n° 83-629 du 12 juillet 1983, après les mots : « traitements
automatisés », d'ajouter les mots : « et autorisés ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Pierre Schosteck,
rapporteur.
L'article 29 interdit notamment de recruter comme agents des
services de sécurité internes de la SNCF ou de la RATP des personnes ayant
commis certains actes, « éventuellement mentionnés dans les traitements
automatisés de données personnelles gérés par les autorités de police ».
La commission a admis l'idée selon laquelle certains faits, même s'ils n'ont
pas donné lieu à condamnation, peuvent empêcher le recrutement dans des
services de sécurité très sensibles. Mais elle a souhaité qu'au minimum on ne
puisse se référer qu'à des traitements de données autorisés selon les formes
légales et réglementaires.
On rappellera à cet égard que le système de traitement de l'information
criminelle n'a pas encore fait l'objet d'une autorisation réglementaire.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Daniel Vaillant,
ministre de l'intérieur.
Il va de soi que les fichiers de police visés ne
sont et ne peuvent être que les fichiers autorisés au sens de la loi de 1978
relative à l'informatique et aux libertés. Je pense donc que tous les éléments
sont réunis pour donner un avis favorable.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 70, accepté par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 29, ainsi modifié.
(L'article 29 est adopté.)
Article 30
M. le président.
« Art. 30. - L'article 13 de la loi n° 83-629 du 12 juillet 1983 précitée est
complété par deux alinéas ainsi rédigés :
« Est puni d'un an d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende le fait
d'employer une personne dans un service interne de sécurité de la Société
nationale des chemins de fer français ou de la Régie autonome des transports
parisiens en violation des dispositions prévues à l'article 11-2.
« Est puni de six mois d'emprisonnement et de 7 500 euros d'amende le fait
d'être employé d'un service interne de sécurité de la Société nationale des
chemins de fer français ou de la Régie autonome des transports parisiens en vue
de participer à son activité en violation des dispositions prévues à l'article
11-2. »
Par amendement n° 71, M. Schosteck, au nom de la commission des lois, propose,
dans le premier alinéa du texte présenté par cet article pour compléter
l'article 13 de la loi n° 83-629 du 12 juillet 1983, après les mots : «
d'employer », d'insérer les mots : « en connaissance de cause ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Pierre Schosteck,
rapporteur.
Cet article prévoit de sanctionner le fait d'avoir recruté
dans les services de sécurité de la SNCF ou de la RATP une personne ne
répondant pas aux conditions légales.
Or les autorités de ces deux entreprises peuvent ne pas être au courant d'un
fait commis par une personne qu'ils ont embauchée. Elles ne doivent donc être
sanctionnées que dans le cas où elles l'auraient fait en connaissance de cause
; dans le cas contraire, il ne serait pas convenable de les condamner.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Daniel Vaillant,
ministre de l'intérieur.
Avis favorable.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 71, accepté par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 30, ainsi modifié.
(L'article 30 est adopté.)
Articles 31 et 32
M. le président.
« Art. 31. - Après l'article 11 de la loi n° 83-629 du 12 juillet 1983
précitée, il est inséré un article 11-3 ainsi rédigé :
«
Art. 11-3
. - La tenue et la carte professionnelle dont les agents
des services internes de sécurité de la Société nationale des chemins de fer
français et de la Régie autonome des transports parisiens sont obligatoirement
porteurs dans l'exercice de leurs fonctions ne doivent entraîner aucune
confusion avec celles des autres agents des services publics, notamment des
services de police.
« Dans des cas exceptionnels définis par décret en Conseil d'Etat, ils peuvent
être dispensés du port de la tenue. »
- (Adopté.)
« Art. 32. - Après l'article 11 de la loi n° 83-629 du 12 juillet 1983
précitée, il est inséré un article 11-4 ainsi rédigé :
«
Art. 11-4
. - Les agents des services internes de sécurité de la
Société nationale des chemins de fer français et de la Régie autonome des
transports parisiens peuvent être nominativement autorisés par l'autorité
préfectorale à porter une arme, au maniement de laquelle ils reçoivent une
formation.
« Un décret en Conseil d'Etat précise les catégories et les types d'armes
susceptibles d'être autorisés, leurs conditions d'acquisition et de
conservation par l'entreprise, les modalités selon lesquelles cette dernière
les remet aux agents de son service interne de sécurité et les conditions dans
lesquelles ces armes sont portées pendant le service et remisées en dehors du
service. »
- (Adopté.)
Article additionnel après l'article 32
M. le président.
Par amendement n° 133, M. Plasait propose d'insérer, après l'article 32, un
article additionnel ainsi rédigé :
« Après le paragraphe 5° de l'article L. 33-3 du code des postes et
télécommunications, sont insérés deux alinéas ainsi rédigés :
« ...° Les installations radioélectriques permettant de rendre inopérants dans
les salles de spectacles, tant pour l'émission que pour la réception, les
téléphones mobiles de tous types dans l'enceinte des salles de spectacles.
« Les salles de spectacles sont tout lieu dont l'aménagement spécifique est
destiné à permettre la représentation ou la diffusion au public d'une oeuvre de
l'esprit. »
Cet amendement est-il soutenu ?...
Division additionnelle après l'article 32
M. le président.
Par amendement n° 72, M. Schosteck, au nom de la commission des lois, propose
d'ajouter, après l'article 32, une division additionnelle ainsi rédigée : «
Chapitre VI. - Dispositions relatives à l'application de la loi ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Pierre Schosteck,
rapporteur.
Il s'agit toujours de restructurer le texte et d'insérer une
nouvelle division, celle-ci regroupant les dispositions relatives à
l'application de la loi dans le temps ainsi qu'à son application dans les
collectivités d'outre-mer.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Daniel Vaillant,
ministre de l'intérieur.
Défavorable, dans la logique de sa position
concernant l'architecture du texte.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 72, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, une division additionnelle ainsi rédigée est insérée dans le
projet de loi, après l'article 32.
Articles additionnels après l'article 32
M. le président.
Par amendement n° 73, M. Schosteck, au nom de la commission des lois, propose
d'ajouter, après l'article 32, un article additionnel ainsi rédigé :
« Les dispositions du III de l'article 2 et celles de l'article 15-1 du décret
du 18 avril 1939 précité, dans leur rédaction résultant des articles 1er et 3
de la présente loi, entreront en vigueur deux mois après la publication des
décrets mentionnés à ces articles et au plus tard le 1er janvier 2002. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Pierre Schosteck,
rapporteur.
Il s'agit de rétablir à la fin du texte la disposition
retardant l'application de la mise en oeuvre de l'autorisation préfectorale des
établissements de commerce de détail et des prescriptions relatives à la
conservation des armes par les particuliers.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Daniel Vaillant,
ministre de l'intérieur.
Il s'agit d'un amendement de coordination, et
j'y suis favorable.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 73, accepté par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet
de loi, après l'article 32.
Par amendement n° 95, M. Karoutchi propose d'ajouter, après l'article 32, un
article additionnel ainsi rédigé :
« Les articles 27 à 32 du présent texte sont applicables en l'état en
Ile-de-France jusqu'à la mise en place d'un service de police régionale des
transports, couvrant l'ensemble du territoire régional - ville de Paris incluse
-, sous l'autorité du préfet de police qui l'organise et le coordonne en sa
qualité de préfet de zone de défense d'Ile-de-France. »
La parole est à M. Karoutchi.
M. Roger Karoutchi.
Il s'agit de tirer concrètement les leçons d'un certain nombre d'incidents
graves qui se sont produits dans les transports publics d'Ile-de-France.
Nous savons tous que les transports publics en Ile-de-France, en raison de la
densité des réseaux et de l'intensité de la fréquentation, sont les plus
dangereux de France. De fait, nous assistons, depuis une dizaine d'années, à
une recrudescence considérable des agressions.
Les articles que nous venons d'examiner concernent les services de sécurité
interne des entreprises. Mais, en réalité, la sécurité n'est plus assurée dans
les transports publics d'Ile-de-France parce qu'il n'y a pas de coordination
entre les différents services concernés. Y interviennent en effet
conjointement, outre les services de sécurité de la RATP et de la SNCF, des
effectifs de la préfecture de police et du ministère de l'intérieur, de la
gendarmerie nationale, de la police de l'air et des frontières et des services
des douanes. Or il n'y a aucun poste de commandement commun à ces différentes
forces.
Ce défaut de coordination est une des raisons qui expliquent que des bagarres
très graves aient pu se produire récemment à la Défense. On se souvient que des
délinquants sont venus de Mantes-la-Jolie et de Chanteloup-les-Vignes sans que
personne ait été prévenu dans les trains qu'ils ont empruntés, alors même que
des policiers étaient présents dans les gares de départ.
Ma proposition est relativement simple : compte tenu de la situation
particulière de l'Ile-de-France, n'est-il pas possible d'envisager, sous
l'autorité du préfet de police, préfet de la zone de défense - il n'est pas
question de créer ni une police régionale au sens institutionnel ni une police
privée -, la création d'une police régionale des transports qui assurerait la
coordination de l'ensemble des forces de sécurité engagées dans la surveillance
des transports publics d'Ile-de-France.
Il n'est pas possible de continuer à avoir des forces insuffisantes en nombre
et ne faisant l'objet d'aucune coordination.
Le préfet de police de Paris a déjà annoncé qu'il était en contact à la fois
avec les deux grandes entreprises et avec les préfets de la région parisienne.
Il faut avancer sur ce dossier. Nos concitoyens ne peuvent plus tolérer
l'augmentation considérable de la délinquance. L'Etat se doit de les rassurer
en apportant une vraie réponse.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Pierre Schosteck,
rapporteur.
La commission est très sensible aux arguments qu'a développés
mon collègue et ami M. Karoutchi. Le remords que j'éprouve à émettre un avis
défavorable sur son amendement est tempéré par l'avancée qu'il a lui-même
effectuée en insistant beaucoup sur la nécessaire coordination.
Cette idée d'une police régionale des transports a semblé séduisante ; mais la
commission n'a pas bien compris comment elle pourrait être mise en oeuvre dans
la pratique. S'agirait-il de fusionner dans un corps unique, placé sous
l'autorité du préfet de police, les agents de la SNCF, de la RATP et les
policiers nationaux appartenant aux brigades des chemins de fer ?
En tout état de cause, cette idée met l'accent sur la nécessité absolue d'une
coordination entre les différents intervenants, mais cette coordination ne
nécessite peut-être pas la création d'un corps unique.
La commission n'a donc pas souhaité retenir cet amendement en l'état, mais
elle reconnaît, avec M. Karoutchi, qu'il faut impérativement, monsieur le
ministre, mener une réflexion sur ce sujet et adopter un traitement spécial
pour l'Ile-de-France.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Daniel Vaillant,
ministre de l'intérieur.
L'article 6 de la loi d'orientation et de
programmation relative à la sécurité du 21 janvier 1995 - la LOPS - a confié au
préfet de police de Paris, dans le domaine de l'ordre public, un pouvoir de
coordination des actions entreprises dans toute l'Ile-de-France.
Ce dispositif a été concrètement appliqué, pour les transports publics, par la
circulaire du 24 février 1998, qui renforce, sous l'autorité du préfet de
police, la coordination opérationnelle entre les différents services concernés
par la sécurité dans les transports de la région d'Ile-de-France, à savoir : le
service de protection et de surveillance des réseaux ferrés parisiens, relevant
de la préfecture de police et dont dépendent 502 policiers ; la brigade des
chemins de fer, qui dépend de la police aux frontières et qui représente 643
policiers ; les directions départementales de la sécurité publique de petite et
grande couronnes ; enfin, en tant que de besoin, les services de sécurité de la
RATP - groupe de protection et de sécurité du réseau, ou GPSR - et de la SNCF -
surveillance générale, ou SUGE.
Cette coordination se concrétise, notamment, par l'échange d'informations et
la mise en place d'opérations communes en fonction des évolutions de la
délinquance constatées sur les réseaux.
La salle d'information et de commandement du service de protection et de
surveillance des réseaux ferrés, dite PC 2000, installée dans les locaux de la
RATP, constitue le pivot opérationnel de ce dispositif de sécurité.
Dans le courant du second semestre de cette année, cet outil sera complété par
un PC rapproché, en gare du Nord, entre la brigade des chemins de fer de la
police de l'air et des frontières et la surveillance générale de la SNCF.
Le préfet de police qui vient de prendre ses fonctions a, par ailleurs,
engagé, à ma demande, une réflexion avec le président du conseil régional
d'Ile-de-France, la SNCF et la RATP, en vue de renforcer la dimension régionale
de l'action des différents services, ce qui constitue l'une de ses priorités
d'action.
Il faut aussi souligner que le développement de la police de proximité et les
contrats locaux de sécurité spécifiques aux transports signés dans les
départements de la région Ile-de-France contribuent également à mieux assurer
la sécurité des gares, stations et lignes.
En tout état de cause, il ne saurait être question de rassembler dans un seul
et même service des fonctionnaires de la police nationale et des personnels de
la SNCF et de la RATP.
Pour toutes ces raisons, il me paraît préférable de renforcer la coordination
opérationnelle, notamment dans des postes de commandement commun, et le travail
en partenariat, plutôt que de s'engager dans la voie proposée par M. Karoutchi.
C'est en ce sens que travaille, à ma demande, M. le préfet de police.
Je souhaite que ces explications permettent à l'auteur de l'amendement de le
retirer, faute de quoi je devrai émettre un avis défavorable.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 95.
M. Roger Karoutchi.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Karoutchi.
M. Roger Karoutchi.
Monsieur le ministre, dans votre propos, je relève des éléments extrêmement
intéressants et d'autres qui me paraissent quelque peu contradictoires.
Ce que je critique dans le dispositif actuel, c'est justement le manque de
volonté des entreprises, et peut-être d'autres partenaires, de mettre en place
un PC unique. Il est complètement aberrant qu'il existe un PC quai de la Rapée
pour la RATP et un autre à la gare du Nord pour la SNCF.
Il eût été beaucoup plus cohérent qu'il y ait pour l'ensemble de
l'Ile-de-France un PC unique, placé sous l'autorité du préfet de police. Quand
vous prenez le RER, vous ne savez pas si vous roulez avec la RATP ou avec la
SNCF ! Or, lorsque vous passez d'un réseau à l'autre, vous changez de centre de
contrôle !
En réalité, je souhaite que le préfet de police soit l'autorité unique sur la
sécurité dans les transports publics en Ile-de-France. Je ne demande pas la
création d'un corps unique : je sais bien que les membres de la SUGE ont le
statut de cheminot ; je ne demande pas qu'ils deviennent policiers !
Vous dites parfois, monsieur le ministre, que nous voulons un peu trop
régionaliser ou municipaliser la police nationale. Eh bien, moi, je ne suis pas
franchement partisan d'une discussion entre l'autorité régionale - président du
conseil régional ou autre - et le préfet de police sur la mise en place de
cette police régionale des transports. Pour moi, l'expression « police
régionale » ne signifie en aucun cas que la collectivité régionale doit avoir
une autorité sur la police : elle n'en a ni la capacité ni la compétence. La
police doit rester sous l'autorité absolue de l'Etat, sous l'autorité du préfet
de police.
Que le conseil régional intervienne pour équiper la police régionale des
transports, lui apporter une aide à l'investissement, c'est une chose. Mais
tout le reste doit dépendre uniquement du préfet de police.
Mon sentiment est que, si cet amendement est adopté, cela ne changera rien au
statut des personnels mais tout le monde sera incité à discuter avec le préfet
de police pour enfin se mettre d'accord et parvenir à une autorité unique.
M. Christian Bonnet.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Bonnet.
M. Christian Bonnet.
Monsieur le ministre, vous avez évoqué une réflexion. Dans votre esprit, cette
réflexion doit-elle aboutir à ce que le préfet de police soit le seul
responsable dans ce domaine ?
Par ailleurs, les autorités de la SNCF et de la RATP acceptent-elles cette
autorité unique que nous appelons tous de nos voeux ?
M. Daniel Vaillant,
ministre de l'intérieur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Daniel Vaillant,
ministre de l'intérieur.
Je croyais avoir été assez explicite, mais il
semble préférable de repréciser les choses. Il est clair que M. le préfet de
police a l'autorité de coordination sur l'ensemble de ces services.
Les mots ont un sens, monsieur Karoutchi ! Je suis contre la création d'une
police régionale, ou d'un corps de police régionale au sens habituel du terme.
Mais il n'y a aucune ambiguïté : le préfet de police est responsable de la
rationalisation et de la coordination. Il en allait ainsi lorsque M. Massoni
était préfet, il en ira de même avec M. Proust.
En outre, la coordination sera renforcée, puisque le PC police-SNCF et le PC
police-RATP travailleront ensemble, toujours sous autorité de M. le préfet de
police.
Dans la pratique, la coordination et l'homogénéité de commandement que vous
souhaitez existent sans qu'il soit nécessaire d'aller jusqu'à la création d'un
service de police régionale. Ma réponse est extrêmement claire et vaut
engagement.
Le dispositif actuel ne pose pas de problème. On en a d'ailleurs éprouvé
l'efficience dans une circonstance particulière - je pense aux incidents qui se
sont produits à la Défense - même si elle nous a valu des critiques : en trente
minutes, l'ensemble des policiers concernés ont pu être présents et régler la
difficulté ! Restait à savoir où les jeunes viendraient et où ils
s'arrêteraient, mais c'est une autre question.
En règle générale - je touche du bois ! - à Paris, les manifestations et les
divers incidents sont réglés avec la coordination souhaitable.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 95, repoussé par la commission et par le
Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet
de loi, après l'article 32.
Mes chers collègues, avant d'aborder l'examen des articles qui ont été
précédemment réservés, nous allons interrompre nos travaux pendant quelques
instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à quinze heures quarante-cinq, est reprise à seize
heures.)
M. le président. La séance est reprise.
4
CANDIDATURE À UN ORGANISME
EXTRAPARLEMENTAIRE
M. le président.
Je rappelle au Sénat que M. le Premier ministre a demandé au Sénat de bien
vouloir procéder à la désignation du sénateur appelé à siéger au sein du
conseil de surveillance du fonds de financement de la protection complémentaire
de la couverture universelle du risque maladie.
La commission des affaires sociales a fait connaître qu'elle propose la
candidature de M. Jean-Louis Lorrain pour siéger au sein de cet organisme
extraparlementaire.
Cette candidature a été affichée et sera ratifiée, conformément à l'article 9
du règlement, s'il n'y a pas d'opposition à l'expiration du délai d'une
heure.
5
SÉCURITÉ QUOTIDIENNE
Suite de la discussion
et adoption d'un projet de loi déclaré d'urgence
M. le président.
Nous reprenons la discussion du projet de loi relatif à la sécurité
quotidienne.
J'informe le Sénat que la commission des lois m'a fait connaître qu'elle a
d'ores et déjà procédé à la désignation des candidats qu'elle présentera si le
Gouvernement demande la réunion d'une commission mixte paritaire en vue de
proposer un texte sur les dispositions restant en discussion sur le projet de
loi actuellement en cours d'examen.
Ces candidatures ont été affichées pour permettre le respect du délai
réglementaire.
Mes chers collègues, nous allons maintenant examiner les articles qui ont été
précédemment réservés.
Chapitre III
Dispositions modifiant le code monétaire et financier
et le code de la consommation
M. le président.
Par amendement n° 159, M. Schosteck, au nom de la commission des lois,
propose, dans l'intitulé du chapitre III, de supprimer les mots : « et le code
de la consommation ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Pierre Schosteck,
rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du
suffrage universel, du règlement et d'administration générale.
Il s'agit
d'un amendement de coordination avec la décision de la commission des lois de
réintégrer tous les articles sur les cartes de paiement dans le code monétaire
et financier qui a été codifié le 14 décembre dernier. En effet, la commission
considère que ces articles n'ont pas leur place dans le code de la
consommation.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Paul,
secrétaire d'Etat à l'outre-mer.
Le Gouvernement émet un avis favorable,
car il s'agit d'un retour au texte initial.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 159, accepté par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, l'intitulé du chapitre III est ainsi modifié.
Article 7
(précédemment réservé)
M. le président.
« Art. 7. - Le second alinéa de l'article L. 132-2 du code monétaire et
financier est ainsi rédigé :
« Il ne peut être fait opposition au paiement qu'en cas de perte, de vol ou
d'utilisation frauduleuse de la carte ou de ses numéros, de redressement ou de
liquidation judiciaires du bénéficiaire. »
Je suis saisi de quatre amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion
commune.
Les deux premiers sont identiques.
L'amendement n° 107 est présenté par M. Bret, Mme Borvo et les membres du
groupe communiste républicain et citoyen.
L'amendement n° 115 est déposé par M. Delfau.
Tous deux tendent, dans le texte proposé par l'article 7 pour le second alinéa
de l'article L. 132-2 du code monétaire et financier, à supprimer les mots : «
ou de ses numéros ».
Les deux amendements suivants sont, eux aussi, identiques.
L'amendement n° 45 est présenté par M. Schosteck, au nom de la commission des
lois.
L'amendement n° 97 est déposé par M. Vallet, au nom de la commission des
finances.
Tous deux ont pour objet, dans le texte présenté par l'article 7 pour le
second alinéa de l'article L. 132-2 du code monétaire et financier, de
remplacer les mots : « de ses numéros » par les mots : « des données liées à
son utilisation ».
La parole est à Mme Borvo, pour défendre l'amendement n° 107.
Mme Nicole Borvo.
Comme l'a fait remarquer M. Brard, rapporteur pour avis de la commission des
finances de l'Assemblée nationale, la carte de paiement comporte des références
alphanumériques. Avec la puce, elle comporte au recto non seulement des
numéros, mais également les nom et prénom du titulaire, une date de péremption,
et au verso la signature du titulaire, ainsi qu'un autre numéro placé au-dessus
de la bande magnétique côté gauche, qui est le numéro de série de la carte
éditée par l'opérateur, dont le nom est inscrit en haut à droite, avec le
numéro d'habilitation reçu.
Pour ne pas tomber dans l'excès, ne faut-il pas en rester à la définition
générale d'une carte de paiement ou de retrait, telle qu'elle a déjà été
précisée par l'ancien article 57-1 de la loi n° 91-1382, qui a fait l'objet
d'une abondante discussion voilà dix ans ?
M. le président.
La parole est à M. Delfau, pour défendre l'amendement n° 115.
M. Gérard Delfau.
Nous sommes perplexes devant l'ajout, par l'Assemblée nationale, des mots « ou
de ses numéros » s'agissant de l'utilisation frauduleuse de la carte bancaire.
Il est évident, pour tout utilisateur, que la carte bancaire comporte bien
d'autres données permettant de la singulariser. Commencer à énumérer une de ces
données, c'est ouvrir le champ à des litiges. C'est pourquoi nous proposons de
supprimer cet ajout, et donc de conserver le texte précédent, à l'instar de ce
qui se fait pour le chèque, à propos duquel il n'est spécifié rien d'autre que
l'instrument bancaire lui-même.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 45.
M. Jean-Pierre Schosteck,
rapporteur.
Cet amendement permet précisément de répondre aux objections
judicieuses formulées par ceux qui ont présenté les deux amendements
précédents.
En effet, nous nous sommes bien rendu compte que l'expression « de ses numéros
» posait quelques problèmes et était ambiguë. Néanmoins, nous avons considéré
qu'il convenait d'apporter une précision. C'est pourquoi nous proposons de
remplacer l'ajout de l'Assemblée nationale par les mots : « des données liées à
son utilisation ». Le fait que les députés aient prévu que l'opposition au
paiement par carte pourrait être effectuée en cas d'utilisation frauduleuse de
la carte ou de ses numéros prête à confusion car une carte ne comporte qu'un
numéro. Il s'agit donc de viser tous les éléments qui sont liés à l'utilisation
de la carte et qui peuvent être utilisés par un fraudeur : le nom, la validité,
le cryptogramme, le numéro de la carte, voire le code secret.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur pour avis, pour défendre l'amendement n°
97.
M. Philippe Adnot,
en remplacement de M. André Vallet, rapporteur pour avis de la commission des
finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation.
Cet amendement a le même objet que celui que vient de présenter la commission
des lois.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission sur les amendements identiques n°s 107 et 115
?
M. Jean-Pierre Schosteck,
rapporteur.
La commission ayant elle-même présenté un amendement, elle
émet, par voie de conséquence, un avis défavorable sur les amendements n°s 107
et 115,
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s 107, 115, 45 et 97
?
M. Christian Paul,
secrétaire d'Etat.
Le texte actuel du projet de loi inclut le cas
d'opposition non seulement pour l'utilisation frauduleuse de la carte mais
également pour l'utilisation des seuls numéros de la carte, comme vous l'avez
évoqué. Cette précision ne semble pas excessive. Elle est tout à fait utile car
elle permet de couvrir le cas où le titulaire de la carte n'est pas
physiquement dépossédé de celle-ci et où la fraude a été commise sans
l'utilisation physique de ladite carte mais simplement en utilisant un certain
nombre de ses paramètres.
Ces raisons, qui me paraissent en effet tout à fait importantes au regard de
ce que sont aujourd'hui les formes de la criminalité liées à l'utilisation
frauduleuse de la carte bancaire, conduisent le Gouvernement à demander à Mme
Borvo et à M. Delfau de bien vouloir retirer leurs amendements.
J'en viens aux amendements identiques n°s 45 et 97.
Le Gouvernement constate qu'ils élargissent en effet le champ des cas
d'opposition, ce qui permettra de répondre aux évolutions de ces technologies.
La mention des données liées à l'utilisation de la carte, qui ne sont pas
seulement de nature numérique, vous l'avez rappelé à juste titre, enrichit le
texte. Aussi, le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.
M. le président.
L'amendement n° 107 est-il maintenu, madame Borvo ?
Mme Nicole Borvo.
Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président.
L'amendement n° 107 est retiré.
L'amendement n° 115 est-il maintenu, monsieur Delfau.
M. Gérard Delfau.
Je reconnais la pertinence de l'observation de M. le secrétaire d'Etat.
L'objectif que je poursuivais est atteint par l'amendement de la commission. Je
me rallie à ce dernier et je retire donc mon amendement.
M. le président.
L'amendement n° 115 est retiré.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les amendements identiques n°s 45 et 97, pour lesquels le
Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président.
Par amendement n° 116, M. Delfau propose de compléter
in fine
le texte
présenté par l'article 7 pour le second alinéa de l'article L. 132-2 du code
monétaire et financier par les mots : « , également appelé titulaire ».
La parole est à M. Delfau.
M. Gérard Delfau.
Cet amendement concerne une formulation qui, en l'état, nous paraît peu
claire.
En effet, si on parle régulièrement de « bénéficiaire » pour les chèques, on
parle en général, y compris dans ce projet de loi, de « titulaire » pour une
carte de paiement. Afin d'éviter toute confusion, je propose de compléter
in
fine
l'article 7 par les mots « , également appelé titulaire ».
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Pierre Schosteck,
rapporteur.
La commission est perplexe car, à ses yeux, cet amendement
procède d'une confusion entre les deux notions de titulaire de la carte et de
bénéficiaire du paiement. Elle émet donc un avis défavorable.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Paul,
secrétaire d'Etat.
Monsieur Delfau, peut-être était-il, en effet, utile
de clarifier ce point. Vous me permettez de le faire grâce à votre
amendement.
Il y a peut-être un malentendu sur ce point. Le projet de loi vise le
redressement ou la liquidation judiciaires non pas du titulaire de la carte
bancaire mais, bien sûr, du bénéficiaire du paiement. Cette précision pourrait
vous conduire à retirer votre amendement, monsieur le sénateur.
M. le président.
L'amendement n° 116 est-il maintenu, monsieur Delfau ?
M. Gérard Delfau.
A la lumière des explications de M. le secrétaire d'Etat, qui permettent de
clarifier un point qui aurait pu prêter à contestation, je retire cet
amendement.
M. le président.
L'amendement n° 116 est retiré.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 7, modifié.
(L'article 7 est adopté.)
Article 7 bis
(précédemment réservé)
M. le président.
« Art. 7
bis
. - Après l'article L. 121-82 du code de la consommation,
sont insérés une division et un intitulé ainsi rédigés : "Section 11. - Contrat
de titulaire d'une carte de paiement ou d'une carte de retrait". »
Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 46 est présenté par M. Schosteck, au nom de la commission des
lois.
L'amendement n° 98 est déposé par M. Vallet, au nom de la commission des
finances.
Tous deux tendent à supprimer l'article 7
bis
.
La parole et à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 46.
M. Jean-Pierre Schosteck,
rapporteur.
Nous proposons de supprimer cet article, qui a été introduit
par l'Assemblée nationale.
En effet, il crée, dans le code de la consommation, une nouvelle section, pour
regrouper les dispositions relatives à la protection contre la fraude du
titulaire d'une carte de paiement ou de retrait. Il convient, comme je l'ai dit
tout à l'heure, de laisser les dispositions relatives aux cartes dans le code
monétaire et financier dont la codification a été achevée au mois de décembre
dernier, plutôt que de créer une nouvelle section dans le code de la
consommation.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur pour avis, pour présenter l'amendement n°
98.
M. Philippe Adnot,
rapporteur pour avis.
La commission des finances considère, elle aussi,
que le titulaire d'une carte sera mieux protégé si ces dispositions figurent
dans le code monétaire et financier.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements identiques n°s 46 et 98
?
M. Christian Paul,
secrétaire d'Etat.
Favorable.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les amendements identiques n°s 46 et 98, acceptés par le
Gouvernement.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président.
En conséquence, l'article 7
bis
est supprimé.
Article 7 ter
(précédemment réservé)
M. le président.
« Art. 7
ter
. - Après l'article L. 121-82 du code de la consommation,
il est inséré un article L. 121-83 ainsi rédigé :
«
Art. L. 121-83
. - Le titulaire d'une carte mentionnée à l'article L.
132-1 du code monétaire et financier supporte la perte subie, en cas de perte
ou de vol, avant la mise en opposition prévue à l'article L. 132-2 du même
code, dans la limite d'un plafond qui ne peut dépasser 400 euros, sauf s'il a
agi avec une négligence constituant une faute lourde ou si la mise en
opposition a été effectuée plus de deux jours francs après la perte ou le vol,
auxquels cas le plafond prévu n'est pas applicable.
« Le plafond visé à l'alinéa précédent est porté à 275 euros au 1er janvier
2002 et à 150 euros à compter du 1er janvier 2003. »
Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 47 est présenté par M. Schosteck, au nom de la commission des
lois.
L'amendement n° 99 est déposé par M. Vallet, au nom de la commission des
finances.
Tous deux tendent à rédiger comme suit le début de cet article :
« Après l'article L. 132-2 du code monétaire et financier, il est inséré un
article L. 132-3 ainsi rédigé :
«
Art. L. 132-3. -
Le titulaire... ».
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l'amendement n° 47.
M. Jean-Pierre Schosteck,
rapporteur.
Cet amendement traite de la responsabilité du titulaire d'une
carte de paiement en cas de perte ou de vol de sa carte. Là encore, nous paraît
s'imposer une codification dans le code monétaire et financier, plutôt que dans
le code de la consommation.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur pour avis, pour présenter l'amendement n°
99.
M. Philippe Adnot,
rapporteur pour avis.
Je n'ai rien à ajouter au propos de M. le
rapporteur.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements identiques n°s 47 et 99
?
M. Christian Paul,
secrétaire d'Etat.
Favorable.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les amendements identiques n°s 47 et 99, acceptés par le
Gouvernement.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président.
Je suis saisi de trois amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion
commune.
Par amendement n° 117, M. Delfau propose, dans le premier alinéa du texte
présenté par l'article 7
ter
pour l'article L. 121-83 du code de la
consommation, de remplacer les mots : « dans la limite d'un plafond qui ne peut
dépasser 400 euros » par les mots : « dans la limite d'un plafond fixé par
décret, ».
Par amendement n° 145, M. Leclerc propose, dans le premier alinéa du texte
présenté par cet article pour l'article L. 121-83 du code de la consommation,
de remplacer les mots : « d'un plafond qui ne peut dépasser 400 euros » par les
mots : « d'un plafond fixé par un décret pris en Conseil d'Etat ».
Par amendement n° 108, M. Bret, Mme Borvo et les membres du groupe communiste
républicain et citoyen proposent, dans le premier alinéa du texte présenté par
cet article pour insérer un article L. 121-83 dans le code de la consommation,
de remplacer les mots : « 400 euros », par les mots : « 150 euros ».
La parole est à M. Delfau, pour présenter l'amendement n° 117.
M. Gérard Delfau.
Nos collègues de l'Assemblée nationale ont ajouté dans le texte qui a été
proposé par le Gouvernement pour l'article L. 121-83 du code de la consommation
les mots « dans la limite d'un plafond qui ne peut dépasser 400 euros ». Même
si nous connaissons l'origine de cette somme, il ne nous semble pas de bonne
méthode de fixer dans la loi un montant. Cela relève manifestement d'un décret,
et donc du domaine réglementaire. Evidemment, en disant cela, je ne voudrais
pas qu'il y ait le moindre risque de voir le plafond fixé ultérieurement
excéder cette somme. Je fais au contraire remarquer que c'est une somme déjà
très importante pour les particuliers et les très petites entreprises,
commerçants et artisans.
Voilà pourquoi je propose, par l'amendement n° 117, de faire figurer les mots
: « dans la limite d'un plafond fixé par décret », et j'invite M. le secrétaire
d'Etat à nous dire qu'en tout état de cause la somme sera plutôt plus basse que
plus haute.
M. le président.
L'amendement n° 145 est-il soutenu ?...
La parole est à Mme Borvo, pour présenter l'amendement n° 108.
Mme Nicole Borvo.
Monsieur le président, si vous le permettez, et dans un souci de cohérence, je
défendrai en même temps les amendements n°s 108 et 109, qui portent sur la
question des frais liés à la perte ou au vol d'une carte de paiement.
Le texte actuel de l'article 7
ter
du projet de loi prévoit la mise en
oeuvre d'un allégement progressif de ces frais, conformément aux orientations
fixées en matière de sécurité des moyens de paiement par les directives
européennes.
Le point de départ de ce mouvement est aujourd'hui constitué par la teneur
d'un accord passé entre les établissements de crédit et les groupes de
distribution commerciale, accord passé sans l'avis et la signature des
organisations de consommateurs agréées ou encore des professions du commerce de
détail et de l'artisanat.
Pour notre part, nous estimons nécessaire d'opter pour un strict respect de ce
qui est aujourd'hui recommandé, c'est-à-dire le plafonnement à 150 euros des
frais encourus.
On ne peut en effet oublier qu'un plafond plus important - 400 euros, cela
fait quand même environ 2 500 francs - pourrait constituer dans les faits un
facteur d'exclusion bancaire supplémentaire, exclusion dont le débat que nous
avons aujourd'hui et celui que nous aurons la semaine prochaine à l'occasion de
l'examen du projet de loi portant mesures urgentes de réformes à caractère
économique et financier, dit « MURCEF », permettent de mesurer l'importance.
Plusieurs millions de nos compatriotes sont en effet aujourd'hui privés du
droit à l'utilisation des moyens de paiement.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s 117 et 108 ?
M. Jean-Pierre Schosteck,
rapporteur.
La commission est défavorable à l'amendement n° 117. Le
plafond de responsabilité en cas de perte ou de vol aurait certes pu être fixé
par décret. Mais de très longs débats à l'Assemblée nationale ont abouti à
modifier le montant résultant de la charte signée par les banques le 22 février
2001, et il ne nous a donc pas semblé opportun de confier la fixation de ce
plafond au décret.
La commission est également défavorable à l'amendement n° 108. Il convient en
effet, nous semble-t-il, non pas d'abaisser directement à 150 euros le plafond
de responsabilité - à l'heure actuelle, les montants fixés contractuellement
sont plus élevés - mais plutôt d'aboutir progressivement à un tel montant, qui
est d'ailleurs conseillé par la Commission européenne.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Paul,
secrétaire d'Etat.
S'agissant de l'amendement n° 117 et du renvoi à un
décret du soin de fixer le montant de la franchise, le Gouvernement s'en remet
à la sagesse du Sénat, sans y voir pour autant une autolimitation de ses
pouvoirs.
S'agissant de l'amendement n° 108, qui prévoit une franchise de 150 euros, le
Gouvernement - vous l'avez sans doute compris à la lecture des débats de
l'Assemblée nationale - est soucieux d'un partage équilibré des responsabilités
liées au coût de la fraude due à la perte ou au vol de la carte. Si le
Gouvernement est favorable au principe d'une diminution progressive de la
franchise laissée à la charge des porteurs, il souhaite également inciter à la
prudence dans la conservation et l'utilisation du code confidentiel de cette
carte et à une déclaration rapide de la perte ou du vol de celle-ci. A cet
égard, le texte de l'Assemblée nationale me paraît équilibré, et j'émets donc
un avis défavorable sur l'amendement n° 108.
J'indique pour mémoire que le seuil de 150 euros émane d'une recommandation
européenne et non d'une directive, et concerne des niveaux hétérogènes de
sécurité pour les cartes de paiement.
Par ailleurs, je rappelle que le plafond de 400 euros prévu dans le projet de
loi résulte d'une très large concertation avec l'ensemble des parties
prenantes. Dès lors, l'abaissement de ce plafond ne peut être que progressif.
En d'autres termes, monsieur Delfau, s'il revient au Gouvernement de fixer
ensuite par décret ce plafond, le passage au-dessous du montant de 400 euros
qui, dans un premier temps, paraît raisonnable, ne pourra se faire que
progressivement.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 117, repoussé par la commission et pour
lequel le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 108, repoussé par la commission et par le
Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 48 est présenté par M. Schosteck, au nom de la commission des
lois.
L'amendement n° 100 est déposé par M. Vallet, au nom de la commission des
finances.
Tous deux tendent, après les mots : « 400 euros », à remplacer la fin du
premier alinéa du texte proposé par l'article 7
ter
pour l'article L.
121-83 du code de la consommation par les dispositions suivantes : « Toutefois,
s'il a agi avec une négligence fautive ou si, après la perte ou le vol de
ladite carte, il n'a pas effectué la mise en opposition dans les meilleurs
délais, compte tenu de ses habitudes d'utilisation de la carte de paiement, le
plafond prévu à la phrase précédente n'est pas applicable. »
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l'amendement n° 48.
M. Jean-Pierre Schosteck,
rapporteur.
Il s'agit de la responsabilité financière du titulaire d'une
carte perdue ou volée. Cet amendement tend à une nouvelle rédaction des
conditions d'inopposabilité du plafond de limitation de responsabilité du
titulaire.
Cette rédaction diffère de celle de l'Assemblée nationale sur deux points.
Elle vise, d'une part, la « négligence fautive » du titulaire au lieu de la «
négligence constituant une faute lourde » comme condition de non-application à
son égard du plafond. Il ne convient pas, en effet, de déresponsabiliser le
titulaire de la carte : il a la garde de cette carte et doit prendre toutes les
mesures de précaution à cet égard. La notion de « négligence constituant une
faute lourde » est à notre avis excessive. J'ajoute que cette notion nous a
également semblé difficile à cerner dans la mesure où il s'agirait un peu d'une
innovation dans ce secteur du droit.
D'autre part, la rédaction proposée par cet amendement ne se réfère plus à un
délai d'opposition supérieur à « deux jours francs » mais exige une opposition
« dans les meilleurs délais », en tenant compte des situations
individuelles.
Le délai de deux jours francs prévu par le projet de loi pour effectuer une
opposition après la perte ou le vol de la carte semble à la fois trop long,
dans la mesure où les centres d'opposition sont ouverts vingt-quatre heures sur
vingt-quatre, et trop court, dans le cas où la personne ne s'aperçoit pas tout
de suite du vol de sa carte. C'est la raison pour laquelle nous souhaitons
faire référence aux « habitudes » des personnes.
A l'heure actuelle, le contrat du Groupement économique cartes bancaires vise
l'opposition tardive. La jurisprudence apprécie d'ailleurs le caractère tardif
en fonction, précisément, de la situation de l'espèce. La notion d'opposition
non effectuée dans les meilleurs délais, compte tenu des habitudes du titulaire
quant à l'utilisation de la carte, semble donc plus appropriée que la fixation
d'un délai arbitraire.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur pour avis, pour défendre l'amendement n°
100.
M. Philippe Adnot,
rapporteur pour avis.
Monsieur le président, ainsi que vous l'avez
souligné, cet amendement est identique à l'amendement n° 48 de la commission
des lois.
Nous nous sommes interrogés sur la nécessité de fixer un délai limite pour la
déclaration d'opposition au-delà duquel le titulaire ne bénéficie plus du
plafond de la franchise fixé à 400 euros.
En effet, la fréquence d'utilisation des cartes de paiement varie fortement
d'un titulaire à l'autre. En conséquence, le délai de deux jours francs peut
apparaître à la fois excessif, lorsque le titulaire de la carte l'utilise très
régulièrement, et insuffisant, lorsque le titulaire n'en fait qu'une
utilisation ponctuelle.
Selon les informations que nous avons pu obtenir, la Cour de cassation, pour
apprécier si l'opposition était tardive, tient compte notamment de la fréquence
d'utilisation de la carte, de la réception des relevés de compte sur lesquels
figurent les opérations effectuées à l'aide de la carte ainsi que des
circonstances de l'espèce.
Nous vous proposons donc de supprimer le délai de deux jours francs et
d'exiger du porteur qu'il effectue la mise en opposition « dans les meilleurs
délais, compte tenu de ses habitudes d'utilisation de la carte de paiement
».
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements identiques n°s 48 et 100
?
M. Christian Paul,
secrétaire d'Etat.
Comme vous l'avez compris, nous recherchons ensemble
sur ces sujets difficiles des solutions équilibrées dans le partage des
responsabilités.
Si le Gouvernement pourrait tout à fait soutenir le remplacement de la notion
de négligence constituant une faute lourde par celle de négligenc fautive -
cette initiative permettrait en effet de ne pas exonérer les cas d'imprudence
manifeste dans la détention mais aussi dans la tabulation du code confidentiel
-, en revanche, il se montre plus réservé face à la notion d'opposition «
compte tenu des habitudes d'utilisation de la carte de paiement », qui paraît
un peu imprécise, en tout cas difficile à qualifier dans le cas d'un
contentieux, et qui ne semble pas répondre à notre objectif d'une mise en
opposition immédiate de la carte après sa perte ou son vol.
Aussi le Gouvernement est-il défavorable aux amendements n°s 48 et 100.
Toutefois, si leurs auteurs les rectifiaient pour en limiter le champ au
remplacement de la notion de négligence constituant une faute lourde par celle
de négligence fautive, le Gouvernement serait alors prêt à soutenir cette
nouvelle formulation.
M. Jean-Pierre Schosteck,
rapporteur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Pierre Schosteck,
rapporteur.
Monsieur le secrétaire d'Etat, pardonnez-moi d'insister, mais
je voudrais vous rendre attentif à un point sur lequel nous nous sommes
beaucoup interrogés : nous avons en effet pris en compte le cas d'une personne
ne se servant pas habituellement de sa carte - cela doit nous arriver à tous,
et, personnellement, je reste parfois une semaine sans l'utiliser - et qui se
la fait dérober. Comment peut-elle savoir qu'on lui a volé sa carte ? Il faut
donc laisser du temps. La jurisprudence l'a d'ailleurs parfaitement bien
compris puisqu'elle tient compte précisément du cas de l'espèce.
Je crains donc qu'une rigueur trop grande dans ce domaine n'entraîne une
iniquité envers le malheureux qui aura été floué, ce qui me paraît tout à fait
malvenu.
M. Christian Paul,
secrétaire d'Etat.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Paul,
secrétaire d'Etat.
Après avoir entendu l'ensemble des arguments avancés
en faveur de cet amendement, le Gouvernement s'en remet finalement à la sagesse
de la Haute Assemblée.
M. Jean-Pierre Schosteck,
rapporteur.
Merci !
M. le président.
Je vais mettre aux voix les deux amendements identiques n°s 48 et 100.
M. Gérard Delfau.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Delfau.
M. Gérard Delfau.
Je partage complètement le point de vue de M. le rapporteur et, en même temps,
je crains que la formule « compte tenu de ses habitudes d'utilisation de la
carte de paiement » n'enclenche toute une série de contestations possibles si
l'émetteur bancaire ne se révèle pas vraiment disposé à faciliter la prise en
charge.
L'expression « dans les meilleurs délais » me paraît à la fois tenir compte
des souhaits de M. le rapporteur et offrir plus de garanties à l'utilisateur
intermittent.
Vous pouvez constater, monsieur le président, mes chers collègues, que j'en
suis encore à m'interroger !
(Sourires.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les deux amendements identiques n°s 48 et 100, pour lesquels
le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président.
Je suis saisi de trois amendements identiques.
L'amendement n° 109 est présenté par M. Bret, Mme Borvo et les membres du
groupe communiste républicain et citoyen.
L'amendement n° 118 est déposé par M. Delfau.
Enfin, l'amendement n° 146 est présenté par M. Leclerc.
Tous trois tendent à supprimer le second alinéa du texte proposé par l'article
7
ter
pour l'article L. 121-83 du code de la consommation.
Compte tenu des votes précédemment intervenus, ces amendements n'ont plus
d'objet.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 7
ter,
modifié.
(L'article 7
ter
est adopté.)
Article 7 quater
(précédemment réservé)
M. le président.
« Art. 7
quater
. - Après l'article L. 121-82 du code de la
consommation, il est inséré un article L. 121-84 ainsi rédigé :
«
Art. L. 121-84
. - La responsabilité du titulaire d'une carte
mentionnée à l'article L. 132-1 du code monétaire et financier n'est pas
engagée si la carte a été utilisée frauduleusement sans présentation physique
ou sans identification électronique. La seule utilisation d'un code
confidentiel ou de tout élément d'identification similaire n'est pas suffisante
pour engager la responsabilité du titulaire, sauf s'il a agi avec une
négligence constituant une faute lourde. En conséquence, dans ces deux cas, si
le titulaire de la carte conteste par écrit avoir effectué un paiement ou un
retrait, les sommes contestées lui sont recréditées sur son compte par
l'émetteur de la carte ou restituées, sans frais, au plus tard dans le délai
d'un mois à compter de la réception de la contestation. »
Je suis saisi de sept amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion
commune.
Les deux premiers sont identiques.
L'amendement n° 49 est présenté par M. Schosteck, au nom de la commission des
lois.
L'amendement n° 101 est déposé par M. Vallet, au nom de la commission des
finances.
Tous deux tendent à rédiger comme suit cet article :
« Après l'article L. 132-2 du code monétaire et financier, il est inséré un
article L. 132-4 ainsi rédigé :
«
Art. L. 132-4. -
La responsabilité du titulaire d'une carte
mentionnée à l'article L. 132-1 n'est pas engagée si le paiement contesté a été
effectué frauduleusement sans présentation physique de la carte ou sans
identification électronique.
« De même, sa responsabilité n'est pas engagée en cas d'utilisation
frauduleuse du code confidentiel ou de tout élément d'identification, sauf s'il
a agi avec une négligence fautive.
« Dans les cas prévus aux deux alinéas précédents, si le titulaire de la carte
conteste par écrit avoir effectué un paiement ou un retrait, les sommes
contestées lui sont recréditées sur son compte par l'émetteur de la carte ou
restituées, sans frais, au plus tard dans le délai d'un mois à compter de la
réception de la contestation. »
Par amendement n° 119, M. Delfau propose, au début de la dernière phrase du
texte présenté par l'article 7
quater
pour l'article L. 121-84 du code
de la consommation, de remplacer les mots : « En conséquence » par le mot : «
Toutefois, ».
Les deux amendements suivants sont identiques.
L'amendement n° 111 est présenté par M. Bret, Mme Borvo et les membres du
groupe communiste républicain et citoyen.
L'amendement n° 120 est présenté par M. Delfau.
Tous deux tendent, dans la dernière phrase du texte proposé par l'article 7
quater
pour l'article L. 121-84 du code de la consommation, à supprimer
les mots : « par écrit ».
Les deux amendements suivants sont également identiques.
L'amendement n° 110 est présenté par M. Bret, Mme Borvo et les membres du
groupe communiste républicain et citoyen.
L'amendement n° 121 est présenté par M. Delfau.
Tous deux tendent à compléter le texte proposé par l'article 7
quater
pour l'article L. 121-84 du code de la consommation par un alinéa ainsi
rédigé :
« Le titulaire d'une carte victime d'une utilisation frauduleuse de celle-ci
doit immédiatement confirmer à la banque ou institution financière émettrice
son opposition par écrit, quel que soit le support de cet écrit. Tout banquier
ou institution financière émettrice doit informer par écrit les titulaires des
cartes des sanctions encourues en cas d'opposition fondée sur une autre cause
que celles prévues à l'article L. 132-2 du code monétaire et financier. »
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 49.
M. Jean-Pierre Schosteck,
rapporteur.
Il s'agit de la responsabilité du titulaire d'une carte en
cas de fraude.
Sur la forme, cet amendement opère une codification dans le code monétaire et
financier plutôt que dans le code de la consommation, et chacun, je crois, a
bien compris l'utilité de ce classement.
Sur le fond, cet amendement tend à proposer une nouvelle rédaction de
l'article, faisant ressortir les deux cas dans lesquels le titulaire peut
demander à sa banque d'être recrédité : d'abord, le paiement effectué sans
présentation de la carte ou sans identification électronique par le code ou
tout autre moyen d'identification à venir, comme la signature électronique ;
ensuite, l'utilisation frauduleuse du code confidentiel.
La possibilité de contestation est explicitement liée à ces deux cas. Le
caractère frauduleux de l'utilisation du code est indiqué pour éviter de
revenir sur le principe français d'irrévocabilité des paiements par carte. En
outre, une simple négligence fautive et non une négligence constituant une
faute lourde est suffisante pour restituer toute responsabilité au titulaire
même en cas d'utilisation frauduleuse de son code.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur pour avis, pour défendre l'amendement n°
101.
M. Philippe Adnot,
rapporteur pour avis.
Nous partageons le souci de dégager la
responsabilité du titulaire de bonne foi en cas d'utilisation frauduleuse par
un tiers des éléments d'identification de sa carte de paiement. Il nous paraît
en effet légitime qu'il n'ait pas à supporter les conséquences financières de
la fraude et que son compte puisse être recrédité des sommes contestées.
Nous nous inquiétons toutefois des conséquences qui pourraient résulter de la
rédaction retenue par l'Assemblée nationale, car la deuxième phrase de
l'article 7
quater
prévoit de dégager le titulaire de sa responsabilité
en cas d'utilisation de son code confidentiel sans préciser qu'il faut limiter
le champ d'application de cette disposition à l'utilisation frauduleuse de
celui-ci. Or l'absence de cette précision tend à remettre en cause le principe
d'irrévocabilité de l'ordre de paiement qui figure au premier alinéa de
l'article L. 132-2 du code monétaire et financier.
M. le président.
La parole est à M. Delfau, pour défendre l'amendement n° 119.
M. Gérard Delfau.
Il s'agit en quelque sorte d'un amendement stylistique. Il m'a semblé en effet
que le texte serait amélioré si les mots « en conséquence » étaient remplacés
par le mot « toutefois ».
M. le président.
La parole est à Mme Borvo, pour présenter l'amendement n° 111.
Mme Nicole Borvo.
Par souci de cohérence, je défendrai conjointement les amendements n°s 110 et
111.
Il s'agit de faire valoir la possibilité, pour les personnes victimes d'une
fraude à la carte de paiement, de recourir à l'ensemble des moyens techniques
existants pour exercer leur droit d'opposition. L'évolution des techniques de
l'information est en effet telle que tout support écrit, y compris l'écrit
électronique, peut aujourd'hui être reconnu comme moyen de faire valoir ses
droits.
Tel est l'objet de ces deux amendements, qui tendent en fait à ouvrir cette
faculté aux titulaires de carte de paiement, alors même que nous devrions
constater, dans les années à venir, une utilisation de plus en plus large des
modes récents de transmission des données.
M. le président.
La parole est à M. Delfau, pour défendre les amendements n°s 120 et 121.
M. Gérard Delfau.
L'amendement n° 120 tend à préciser la formulation d'un texte qui sera
évidemment lu et commenté et qui donnera lieu à une abondante jurisprudence. Je
propose donc la suppression des mots « par écrit », car la modalité de la
contestation doit être scindée et renvoyée à la fin de l'article 7
quater
pour une plus grande clarté.
L'amendement n° 121 est quant à lui un amendement de cohérence et de
coordination.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s 119, 111, 120, 110 et
121 ?
M. Jean-Pierre Schosteck,
rapporteur.
La commission est défavorable à l'amendement n° 119, qui
recèle, me semble-t-il, un contresens. En effet, c'est bien parce que la
responsabilité du titulaire n'est pas engagée en vertu des alinéas précédents
que celui-ci peut demander à sa banque de le recréditer des sommes débitées à
la suite d'une fraude. Les mots « En conséquence » doivent donc être maintenus
dans le texte de l'article 7
quater.
En ce qui concerne les amendements identiques n°s 111 et 120, la commission y
est également défavorable. Ils tendent en effet à susciter une confusion entre
l'opposition préalable à un paiement et la réclamation consécutive à un
paiement déjà effectué, or il s'agit de deux choses différentes et c'est bien
la seconde qui est visée par le présent article.
S'agissant des amendements identiques n°s 110 et 121, ils induisent eux aussi
une confusion entre opposition et réclamation, et la commission y est donc
défavorable.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement sur l'ensemble de ces amendements ?
M. Christian Paul,
secrétaire d'Etat.
Le Gouvernement a une lecture tout à fait positive de
cette « brassée » d'amendements.
Les amendements identiques n°s 49 et 101 soulèvent une question
essentielle.
L'article 7
quater
vise à traiter les cas de fraude survenue en
l'absence de perte ou de vol de la carte, ce qui représente donc un cas de
figure tout à fait important dans l'optique du débat qui nous occupe cet
après-midi. Concrètement, il s'agit de dégager la responsabilité du porteur
lorsqu'il a été victime d'une utilisation frauduleuse de certaines données de
la carte, et les amendements déposés par les commissions tendent à répondre à
cette préoccupation en apportant des clarifications qui me paraissent tout à
fait utiles.
En ce qui concerne le dégagement de responsabilité en cas d'utilisation du
code confidentiel, la rédaction présentée par ces amendements est en effet
meilleure que celle du texte actuel. Néanmoins, j'appelle votre attention,
messieurs les rapporteurs, sur la nécessité de s'assurer que la loi ne va pas
inciter les banques à réduire leur effort d'investissement en matière de
sécurité, alors que l'on sait bien que celui-ci est, dans notre pays, tout à
fait essentiel, s'agissant d'un système qui a fait ses preuves mais qui mérite
d'être encore consolidé.
Nous avons par ailleurs l'opportunité, par cet article, de transposer
l'article 8 de la directive 97/7/CE, qui porte sur ce sujet. Il est important
que la rédaction de l'article permette d'opérer cette transposition dans de
meilleures conditions, et le Gouvernement est donc tout à fait disposé à s'en
remettre à la sagesse du Sénat sur les amendements identiques n°s 49 et 101.
En ce qui concerne l'amendement n° 119, la logique de l'article est
d'identifier les cas où la responsabilité du porteur doit être entièrement
dégagée, celui-ci ayant alors droit à une recréditation intégrale. Il convient
donc, à mon sens, de maintenir les mots « En conséquence », ce qui implique que
le Gouvernement n'est pas favorable à l'amendement n° 119.
En revanche, les amendement identiques n°s 110 et 121 visent à introduire dans
le texte un élément intéressant, cohérent avec les évolutions récentes du droit
de la preuve, et le rapporteur de la loi sur la signature électronique que je
fus à l'Assemblée nationale dans une vie antérieure y est tout à fait sensible.
Par conséquent, le Gouvernement s'en remettra à la sagesse du Sénat sur ces
amendements.
Nous sommes, en conclusion, tout à fait d'accord pour enrichir le texte sur la
base des propositions de la Haute Assemblée.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les amendements identiques n°s 49 et 101, pour lesquels le
Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président.
En conséquence, l'article 7
quater
est ainsi rédigé et les amendements
n°s 119, 111, 120, 110 et 121 n'ont plus d'objet.
Article 7 quinquies
(précédemment réservé)
M. le président.
« Art. 7
quinquies.
- Après l'article L. 121-82 du code de la
consommation, il est inséré un article L. 121-85 ainsi rédigé :
«
Art. L. 121-85
. - En cas d'utilisation frauduleuse d'une carte
mentionnée à l'article L. 132-1 du code monétaire et financier, l'émetteur de
la carte rembourse à son titulaire la totalité des frais qu'il a supportés.
»
Je suis saisi de trois amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion
commune.
Par amendement n° 50, M. Schosteck, au nom de la commission des lois, propose
de rédiger comme suit cet article :
« Après l'article L. 132-2 du code monétaire et financier, il est inséré un
article L. 132-5 ainsi rédigé :
«
Art. L. 132-5. -
En cas d'utilisation frauduleuse d'une carte
mentionnée à l'article L. 132-1, l'émetteur de la carte rembourse à son
titulaire les frais d'opposition et d'émission d'une nouvelle carte ainsi que
les éventuels frais liés au fonctionnement du compte, tels que les agios, les
frais de dossier et les frais d'incidents sur moyens de paiement qu'il a
supportés à raison de la fraude. »
Par amendement n° 102, M. Vallet, au nom de la commission des finances,
propose de rédiger comme suit l'article 7
quinquies :
« Après l'article L. 132-2 du code monétaire et financier, il est inséré un
article L. 132-5 ainsi rédigé :
«
Art. L. 132-5. -
En cas d'utilisation frauduleuse d'une carte
mentionnée à l'article L. 132-1, l'émetteur de la carte rembourse à son
titulaire les frais d'opposition et d'émission d'une nouvelle carte ainsi que
les éventuels frais liés au fonctionnement du compte, c'est-à-dire les agios,
les frais de dossier et les frais d'incidents sur moyens de paiement qu'il a
supportés à raison de la fraude. »
Par amendement n° 122, M. Delfau propose, à la fin du texte présenté par
l'article 7
quinquies
pour l'article L. 121-85 du code de la
consommation, de remplacer les mots : « la totalité des frais qu'il a supportés
» par les mots : « les frais de toute nature qu'il a supportés ».
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 50.
M. Jean-Pierre Schosteck,
rapporteur.
Après examen, nous avons jugé que l'amendement de la
commission des finances était mieux rédigé que le nôtre. Par conséquent, je
retire à son profit l'amendement n° 50.
M. le président.
L'amendement n° 50 est retiré.
La parole est à M. le rapporteur pour avis, pour présenter l'amendement n°
102.
M. Philippe Adnot,
rapporteur pour avis.
Je remercie la commission des lois. Nous avons
enfin trouvé une petite différence entre nos propositions !
(Sourires.)
Tout en étant favorables à ce que le titulaire soit remboursé par l'émetteur
d'une carte de paiement ou de retrait de la totalité des frais qu'il aura
supportés en cas d'utilisation frauduleuse de celle-ci, nous nous interrogeons
sur la portée pratique de l'article 7
quinquies.
En effet, il faut éviter que la rédaction retenue n'autorise certains porteurs
indélicats à exiger le remboursement de frais qui ne seraient pas directement
liés à l'utilisation frauduleuse de la carte.
Lors des débats à l'Assemblée nationale, M. le secrétaire d'Etat aux petites
et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat et à la consommation a
précisé que la notion de remboursement intégral devait être interprétée au sens
où l'entend le rapport du Conseil national de la consommation, et couvrir les
frais liés aux agios, à l'interdiction bancaire, à la mise en opposition et au
renouvellement de la carte.
Dans ces conditions, nous ne comprenons pas le refus de l'Assemblée nationale
et du Gouvernement de préciser qu'il s'agit du remboursement des frais
bancaires. Ce terme figure dans la charte et n'avait soulevé, au moment de la
signature de celle-ci, aucune critique de la part du Gouvernement.
Toutefois, afin de trouver un compromis avec ce dernier, nous proposons de
préciser exactement la nature des frais que les établissements de crédit ont le
devoir de rembourser en cas d'utilisation frauduleuse d'une carte. La liste
nous paraît exhaustive, et c'est la raison pour laquelle nous avons proposé de
remplacer les mots : « tels que » par le terme : « c'est-à-dire ».
M. le président.
La parole à est M. Delfau, pour défendre l'amendement n° 122.
M. Gérard Delfau.
Je me suis interrogé à propos de la formule : « la totalité des frais qu'il a
supportés » figurant dans le texte actuel, parce que le sens du mot : «
totalité » est à la fois très large et très imprécis.
Dans un souci d'amélioration du texte, je propose donc de retenir plutôt la
formule suivante : « les frais de toute nature qu'il a supportés ».
Je serai cependant très attentif à l'avis qu'exprimera M. le secrétaire d'Etat
au sujet de l'amendement de la commission des finances...
M. le président.
Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 122 ?
M. Jean-Pierre Schosteck,
rapporteur.
La commission y est défavorable, car elle estime que le
remboursement assuré par l'émetteur d'une carte utilisée frauduleusement doit
être limité aux frais spécifiquement bancaires qui sont énumérés dans son
amendement.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s 102 et 122 ?
M. Christian Paul,
secrétaire d'Etat.
Le Gouvernement pense qu'il est en effet utile de
préciser la nature des frais dont le banquier doit assurer le remboursement aux
porteurs victimes d'une fraude.
De ce point de vue, les amendements distinguent bien les deux séries de frais
: ceux qui sont perçus, c'est-à-dire les frais d'opposition et d'émission d'une
nouvelle carte, et ceux qui sont susceptibles de l'être dans le cadre de la
convention de compte bancaire, c'est-à-dire les frais liés au fonctionnement du
compte.
Le Gouvernement est donc favorable à l'amendement n° 102.
J'ajoute cependant, au risque de diviser la commission des lois et la
commission des finances, que l'expression : « tels que », qui avait été retenue
par la commission des lois, était peut-être de nature à éviter une limitation
trop restrictive de l'énumération et à mieux rendre compte de la diversité des
situations.
Toutefois, le Gouvernement, je le répète, n'est nullement défavorable à
l'amendement n° 102.
Je pense avoir répondu par ailleurs à la préoccupation de M. Delfau, qui, sous
le bénéfice de ces explications, pourrait sans doute retirer son amendement.
M. le président.
Monsieur Delfau, l'amendement n° 122 est-il maintenu ?
M. Gérard Delfau.
Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président.
L'amendement n° 122 est retiré.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 102, accepté par la commission et par le
Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, l'article 7
quinquies
est ainsi rédigé.
Article 7 sexies
(précédemment réservé)
M. le président.
« Art. 7
sexies
. - Après l'article L. 121-82 du code de la
consommation, il est inséré un article L. 121-86 ainsi rédigé :
«
Art. L. 121-86
. - Le titulaire d'une carte de paiement ou de retrait
a la possibilité de déposer une réclamation dans un délai de cent vingt jours
au maximum et qui ne peut être inférieur à soixante-deux jours à compter de la
date de l'opération contestée. »
Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 51 est présenté par M. Schosteck, au nom de la commission des
lois.
L'amendement n° 103 est déposé par M. Vallet, au nom de la commission des
finances.
Tous deux tendent à rédiger comme suit cet article :
« Après l'article L. 132-2 du code monétaire et financier, il est inséré un
article L. 132-6 ainsi rédigé :
«
Art. L. 132-6.
- Le délai légal pendant lequel le titulaire d'une
carte de paiement ou de retrait a la possibilité de déposer une réclamation est
fixé à soixante-dix jours. Il peut être prolongé contractuellement, sans
pouvoir dépasser cent vingt jours. »
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 51.
M. Jean-Pierre Schosteck,
rapporteur.
Il s'agit d'apporter une petite précision et d'introduire une
garantie supplémentaire.
Sur la forme, tout d'abord, je redis que nous estimons que ces dispositions
ont davantage leur place dans le code monétaire et financier.
Sur le fond, nous pensons qu'il conviendrait de porter le délai légal de
réclamation à soixante-dix jours, et non plus soixante-deux jours, comme en
avait décidé l'Assemblée nationale, pour tenir compte du délai correspondant à
l'envoi de deux relevés de compte.
Nous pensons qu'il est plus prudent d'ajouter les délais d'acheminement par la
poste. C'est là une précaution qui n'est pas fondamentale mais qui sera plus
sûre.
Ce délai légal pourra être allongé contractuellement à cent vingt jours, comme
l'a prévu l'Assemblée nationale.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur pour avis, pour défendre l'amendement
identique n° 103.
M. Philippe Adnot,
rapporteur pour avis.
Nous sommes en parfait accord avec la commission
des lois et faisons nôtres ses observations.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Paul,
secrétaire d'Etat.
Favorable.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les amendements identiques n°s 51 et 103, acceptés par le
Gouvernement.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président.
En conséquence, l'article 7
sexies
est ainsi rédigé.
Article 8
(précédemment réservé)
M. le président.
« Art. 8. - L'article L. 141-4 du code monétaire et financier est complété par
trois alinéas ainsi rédigés :
« La Banque de France s'assure de la sécurité des moyens de paiement tels que
définis à l'article L. 311-3, autres que la monnaie fiduciaire, et de la
pertinence des normes applicables en la matière. Si elle estime qu'un de ces
moyens de paiement présente des garanties de sécurité insuffisantes, elle peut
recommander à son émetteur de prendre toutes mesures destinées à y remédier. Si
ces recommandations n'ont pas été suivies d'effet, elle peut, après avoir
recueilli les observations de l'émetteur, décider de formuler un avis négatif
publié au
Journal officiel
.
« Pour l'exercice de ces missions, la Banque de France procède aux expertises
et se fait communiquer, par l'émetteur ou par toute personne intéressée, les
informations utiles concernant les moyens de paiement et les terminaux ou les
dispositifs techniques qui leur sont associés.
« Il est institué un observatoire de la sécurité des cartes de paiement, qui
regroupe des parlementaires, des représentants des administrations concernées,
des émetteurs de cartes de paiement et des associations de commerçants et de
consommateurs. L'observatoire de la sécurité des cartes de paiement assure, en
particulier, le suivi des mesures de sécurisation entreprises par les émetteurs
et les commerçants, l'établissement de statistiques de la fraude et une veille
technologique en matière de cartes de paiement, avec pour objet de proposer des
moyens de lutter contre les atteintes d'ordre technologique à la sécurité des
cartes de paiement. Le secrétariat de l'observatoire est assuré par la Banque
de France. Le président est désigné parmi ses membres. Un décret en Conseil
d'Etat précise sa composition et ses compétences. »
Par amendement n° 123, M. Delfau propose, dans la dernière phrase du premier
alinéa du texte présenté par cet article pour compléter l'article L. 141-4 du
code monétaire et financier, après les mots : « après avoir recueilli les
observations de l'émetteur », d'insérer les mots : « dans un délai de trente
jours après signification ou notification effective, ou en l'absence de réponse
dans ce même délai, ».
La parole est à M. Delfau.
M. Gérard Delfau.
Tout d'abord, s'agissant de l'article 8, je me réjouis, comme l'ensemble de
nos collègues, de ce que la Banque de France soit très précisément chargée de
la sécurité de ce moyen de paiement.
Mon amendement n'a d'autre objet que de conforter la procédure et de la rendre
plus sûre en introduisant ce délai de réponse de trente jours.
Chacun comprend l'intérêt de ce délai : il permet à la personne lésée de
recevoir, par le biais de la Banque de France, une réponse à son attente.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Pierre Schosteck,
rapporteur.
La commission n'est pas favorable à cet amendement.
En effet, elle ne souhaite pas enfermer la Banque de France dans un délai
quelconque. Il peut y avoir urgence pour la Banque de France à signaler
l'insuffisance de sécurité d'un moyen de paiement. Il faut donc lui laisser une
souplesse. En tout état de cause, la Banque aura déjà fait à l'émetteur des
recommandations non suivies d'effet.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Paul,
secrétaire d'Etat.
Le Gouvernement est favorable à cet amendement très
judicieux qui vise à sécuriser le dispositif en évitant que la Banque de France
ne se trouve démunie face à un émetteur récalcitrant ou de mauvaise foi.
Je me demande d'ailleurs si un délai de quinze jours ne contribuerait pas à
renforcer davantage encore la protection du public en la matière.
M. Gérard Delfau.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Delfau.
M. Gérard Delfau.
Je souhaite rectifier mon amendement en ce sens et remplacer les mots : «
trente jours » par les mots : « quinze jours ».
Je demande à nos deux rapporteurs de bien voir l'intérêt, pour la crédibilité
du système, de cet amendement modeste.
M. le président.
Je suis donc saisi d'un amendement n° 123 rectifié, présenté par M. Delfau, et
tendant, dans la dernière phrase du premier alinéa du texte proposé par
l'article 8 pour compléter l'article L. 141-4 du code monétaire et financier,
après les mots : « après avoir recueilli les observations de l'émetteur », à
insérer les mots : « dans un délai de quinze jours après signification ou
notification effective, ou en l'absence de réponse dans ce même délai, ».
Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Pierre Schosteck,
rapporteur.
Avis défavorable sur le délai !
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 123 rectifié, repoussé par la commission et
accepté par le Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
Par amendement n° 124, M. Delfau propose de rédiger comme suit la dernière
phrase du dernier alinéa du texte présenté par l'article 8 pour compléter
l'article L. 141-4 du code monétaire et financier :
« Un décret en Conseil d'Etat précise sa composition pouvant être élargie à
des personnalités qualifiées, l'étendue de ses compétences et les moyens de
fonctionnement dont elle sera dotée. »
La parole est à M. Delfau.
M. Gérard Delfau.
Cet amendement se justifie par son texte même.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Pierre Schosteck,
rapporteur.
La commission n'a pas cru devoir retenir les précisions
proposées, étant rappelé que le décret fixera déjà la composition et les moyens
de fonctionnement de l'observatoire.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Paul,
secrétaire d'Etat.
Le Gouvernement est favorable à cet amendement.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 124, repoussé par la commission et accepté
par le Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
Par amendement n° 104, M. Vallet, au nom de la commission des finances,
propose de compléter le texte présenté par l'article 8 pour compléter l'article
L. 141-4 du code monétaire et financier par un alinéa ainsi rédigé :
« L'observatoire établit chaque année un rapport d'activité remis au ministre
chargé de l'économie, des finances et de l'industrie et transmis au Parlement.
»
La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Philippe Adnot,
rapporteur pour avis.
Favorables à sa création, nous estimons cependant
nécessaire de demander à cet observatoire de remettre, chaque année, un rapport
d'activité au ministre et au Parlement.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Paul,
secrétaire d'Etat.
Favorable.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 104, accepté par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 8, ainsi modifié.
(L'article 8 est adopté.)
Articles 9 et 9 bis
(précédemment réservés)
M. le président.
« Art. 9. - Après l'article L. 163-4 du code monétaire et financier, sont
insérés deux articles L. 163-4-1 et L. 163-4-2 ainsi rédigés :
«
Art. L. 163-4-1
. - Est puni de sept ans d'emprisonnement et de 750
000 EUR d'amende le fait, pour toute personne, de fabriquer, d'acquérir, de
détenir, de céder, d'offrir ou de mettre à disposition des équipements,
instruments, programmes informatiques ou toutes données conçus ou spécialement
adaptés pour commettre les infractions prévues au 1° de l'article L. 163-3 et
au 1° de l'article L. 163-4.
«
Art. L. 163-4-2
. - La tentative des délits prévus au 1° de l'article
L. 163-3, au 1° de l'article L. 163-4 et à l'article L. 163-4-1 est punie des
mêmes peines. »
- (Adopté.)
« Art. 9
bis
. - Le Gouvernement remet chaque année au Parlement un
rapport décrivant les mesures prises au niveau international et européen pour
lutter contre les crimes et délits se produisant à l'aide ou sur les réseaux
numériques. Ce rapport décrit, notamment, les efforts entrepris pour aboutir à
l'élaboration d'une convention réprimant ou prévenant de tels agissements. »
- (Adopté.)
Article 10
(précédemment réservé)
M. le président.
« Art. 10. - L'article L. 163-5 du code monétaire et financier est ainsi
rédigé :
«
Art. L. 163-5
. - La confiscation, aux fins de destruction, des
chèques et cartes de paiement ou de retrait contrefaits ou falsifiés est
obligatoire dans les cas prévus aux articles L. 163-3 à L. 163-4-1. Est
également obligatoire la confiscation des matières, machines, appareils,
instruments, programmes informatiques ou de toutes données qui ont servi ou
étaient destinés à servir à la fabrication desdits objets, sauf lorsqu'ils ont
été utilisés à l'insu du propriétaire. »
Par amendement n° 125, M. Delfau propose de compléter le texte présenté par
cet article pour l'article L. 163-5 du code monétaire et financier par un
alinéa ainsi rédigé :
« La confiscation, aux fins de destruction, du matériel visé au présent
article se fait en présence d'un officier ministériel habilité qui place les
scellés et dresse un inventaire détaillé et exhaustif, pouvant être utilisé
ultérieurement lors d'une confrontation en justice. Les frais de scellé et du
dressé d'inventaire restent à la charge de la Banque de France. »
La parole est à M. Delfau.
M. Gérard Delfau.
Cet article pécise les conditions de la confiscation pour destruction de tous
les moyens de paiement contrefaits ou falsifiés.
Il me semble utile d'inscrire dans la loi que la destruction doit se faire en
présence d'un officier ministériel habilité, qui place les scellés puis dresse
un inventaire détaillé et exhaustif, au cas où il y aurait ensuite une action
en justice.
Si je propose d'ajouter cette précision importante dans le texte, c'est parce
que je me suis souvenu d'une malheureuse affaire judiciaire, que je ne citerai
pas dans cette enceinte, où le GIE carte bancaire a fait procéder à la
destruction d'un matériel falsifié, privant ainsi la justice de tous les moyens
d'investigation nécessaires.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Pierre Schosteck,
rapporteur.
La commission est défavorable à cet amendement. Il apparaît
que la confiscation ou la destruction est une peine complémentaire liée à une
condamnation pour contrefaçon. Cette peine est donc exécutée selon les règles
du code de procédure pénale.
Au cours de la procédure judiciaire pourra être ordonnée une saisie, qui sera
effectuée, selon les règles de la procédure pénale, par un officier de police
judiciaire, soit lors de l'enquête de flagrance, soit sur commission rogatoire.
Les frais seront pris en charge par la justice et n'incomberont pas à la Banque
de France.
En tout état de cause, retenons que les garanties demandées par M. Delfau
existent déjà dans la procédure ordinaire.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Paul,
secrétaire d'Etat.
Je souscris aux observations de M. le rapporteur.
Le Gouvernement comprend la préoccupation exprimée à l'instant par M. Delfau,
qui souhaite voir placés sous main de justice les matériels et les programmes
ayant servi ou pouvant servir à des contrefaçons, afin de permettre toutes les
investigations nécessaires. Néanmoins, les dispositions de droit commun du code
de procédure pénale, comme vous l'avez souligné, monsieur le rapporteur,
offrent d'ores et déjà toutes les garanties souhaitables.
Pour éviter toute difficulté en la matière, il conviendra que l'autorité
judiciaire soit saisie le plus rapidement possible des faits de contrefaçon de
chèques ou de cartes de paiement afin de lui permettre de prendre en urgence
des mesures conservatoires. Des instructions en ce sens seront d'ailleurs
données aux services de police ainsi qu'aux procureurs de la République.
Enfin, les frais occasionnés dans le cadre d'une procédure pénale, notamment
ceux de mise sous scellés, constituent des frais de justice criminels, et n'ont
donc pas à revenir à la Banque de France. Nonobstant toutes dispositions
contraires, c'est bien à l'Etat de les supporter.
Compte tenu de l'ensemble de ces éléments, le Gouvernement n'est pas favorable
à votre amendement, monsieur Delfau.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 125.
M. Gérard Delfau.
Je le retire, monsieur le président.
M. le président.
L'amendement n° 125 est retiré.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 10.
(L'article 10 est adopté.)
Articles 11 et 12
(précédemment réservés)
M. le président.
« Art. 11. - Le premier alinéa de l'article L. 163-6 du code monétaire et
financier est ainsi rédigé :
« Dans tous les cas prévus aux articles L. 163-2 à L. 163-4-1 et L. 163-7, le
tribunal peut prononcer l'interdiction des droits civiques, civils et de
famille prévue par l'article 131-26 du code pénal ainsi que l'interdiction,
pour une durée de cinq ans au plus, d'exercer une activité professionnelle ou
sociale, en application des dispositions des articles 131-27 et 131-28 du code
pénal. »
- (Adopté.)
« Art. 12. - Après l'article L. 163-10 du code monétaire et financier, il est
inséré un article L. 163-10-1 ainsi rédigé :
«
Art. L. 163-10-1
. - Les personnes morales peuvent être déclarées
responsables pénalement dans les conditions prévues par l'article 121-2 du code
pénal des infractions définies aux articles L. 163-2 à L. 163-4-1, L. 163-7 et
L. 163-10.
« Les peines encourues par les personnes morales sont :
« 1° L'amende, suivant les modalités prévues par l'article 131-38 du code
pénal ;
« 2° Les peines mentionnées à l'article 131-39 du code pénal.
« L'interdiction mentionnée au 2° de l'article 131-39 du code pénal porte sur
l'activité dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de laquelle
l'infraction a été commise. »
- (Adopté.)
Article 16
(précédemment réservé)
M. le président.
« Art. 16. - I. - Sont applicables en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie
française, dans les îles Wallis-et-Futuna et à Mayotte les dispositions des
chapitres II et III, à l'exception des dispositions de l'article 8 qui ne sont
applicables qu'à Mayotte. »
« II. - L'article L. 712-5 du code monétaire et financier est complété par
deux alinéas ainsi rédigés :
« L'institut d'émission d'outre-mer s'assure, en liaison avec la Banque de
France, de la sécurité des moyens de paiement tels que définis à l'article L.
311-3, autres que la monnaie fiduciaire, et de la pertinence des normes
applicables en la matière. S'il estime qu'un de ces moyens de paiement présente
des garanties de sécurité insuffisantes, il peut recommander à son émetteur de
prendre toutes mesures destinées à y remédier. Si ces recommandations n'ont pas
été suivies d'effet, il peut, après avoir recueilli les observations de
l'émetteur, décider de formuler un avis négatif publié au
Journal
officiel.
« Pour l'exercice de ces missions, l'institut d'émission d'outre-mer procède,
ou fait procéder sous son contrôle aux expertises et se fait communiquer les
informations utiles concernant les moyens de paiement et les terminaux ou les
dispositifs techniques qui leur sont associés. »
Je suis saisi de cinq amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion
commune.
Par amendement n° 58, M. Schosteck, au nom de la commission des lois, propose
de supprimer cet article.
Par amendement n° 152 rectifié
bis
, le Gouvernement propose de rédiger
comme suit l'article 16 :
« I. - Les dispositions du chapitre II et des articles 7, 7
quinquies
,
7
sexies
, 8 à 12, 17, 21 à 23 et 26 sont applicables à Mayotte.
« II. - Les dispositions des I et IV de l'article 6, des articles 6
bis
A, 7, 7
quinquies
, 7
sexies
, 9 à 12, 17, 21 à 23 et 26 sont
applicables en Nouvelle-Calédonie et dans les îles Wallis-et-Futuna.
« III. - Les dispositions des I à IV et VI de l'article 6, des articles 6
bis
A, 7, 7
quinquies
, 7
sexies
, 9 à 12, 17, 21 à 23 et 26
sont applicables en Polynésie française.
« IV. - L'article L. 712-5 du code monétaire et financier est complété par
deux alinéas ainsi rédigés :
« L'institut d'émission d'outre-mer s'assure, en liaison avec la Banque de
France, de la sécurité des moyens de paiement tels que définis à l'article L.
311-3, autres que la monnaie fiduciaire, et de la pertinence des normes
applicables en la matière. S'il estime qu'un de ces moyens de paiement présente
des garanties de sécurité insuffisantes, il peut recommander à son émetteur de
prendre toutes mesures destinées à y remédier. Si ces recommandations n'ont pas
été suivies d'effet, il peut, après avoir recueilli les observations de
l'émetteur, décider de formuler une avis négatif publié au
Journal
officiel
.
« Pour l'exercice de ces missions, l'institut d'émission d'outre-mer procède,
ou fait procéder par la Banque de France, aux expertises et se fait communiquer
les informations utiles concernant les moyens de paiement et les terminaux ou
les dispositifs techniques qui leur sont associés. »
« V. - Dans les articles L. 731-1, L. 741-2, L. 751-2 et L. 761-1 du code
monétaire et financier, les références : "L. 131-1, L. 131-2" sont remplacées
par les références : "L. 131-1 à L. 131-3, L. 132-5 et L. 132-6". »
Par amendement n° 126, M. Delfau propose, dans la dernière phrase du premier
alinéa du texte présenté par le II de l'article 16 pour compléter l'article L.
712-5 du code monétaire et financier, après les mots : « après avoir recueilli
les observations de l'émetteur », d'insérer les mots : « dans un délai de
trente jours après signification ou notification effective, ou en l'absence de
réponse dans ce même délai, ».
Les deux derniers amendements sont présentés par M. Vallet, au nom de la
commission des finances.
L'amendement n° 105 tend, dans le second alinéa du texte proposé par le II de
l'article 16 pour compléter l'article L. 712-5 du code monétaire et financier,
à supprimer les mots : « , ou fait procéder sous son contrôle ».
L'amendement n° 106 vise, dans le second alinéa du texte proposé par le II de
l'article 16 pour compléter l'article L. 712-5 du code monétaire et financier,
après les mots : « et se fait communiquer », à insérer les mots : « , par
l'émetteur ou par toute personne intéressée, ».
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l'amendement n° 58.
M. Jean-Pierre Schosteck,
rapporteur.
Cet article prévoyant un dispositif d'extension à l'outre-mer
doit, pour des questions d'ordre, figurer à la fin du projet de loi. Nous
proposons donc de le supprimer ici pour le réintroduire à la fin du texte.
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat, pour présenter l'amendement n° 152
rectifié
bis
.
M. Christian Paul,
secrétaire d'Etat.
Vous vous en doutez, c'est un amendement auquel je
suis particulièrement sensible.
Il convient en effet de modifier l'article 16 figurant dans le présent projet
de loi pour tenir compte des amendements introduits en première lecture par
l'Assemblée nationale aux chapitres II et III et des articles créés au chapitre
IV.
Je précise également que ces dispositions ne sont pas applicables en
Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et dans les îles Wallis-et-Futuna,
où ces matières relèvent de la compétence de la collectivité d'outre-mer.
Les articles introduits au chapitre III dans le code de la consommation ne
peuvent être étendus à Mayotte, en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française
et à Wallis-et-Futuna où ce code n'est pas applicable.
Il convient, par ailleurs, d'apporter des modifications à l'article 16 pour
tenir compte des amendements adoptés au cours de la présente lecture afin de
préciser l'applicabilité d'un certain nombre de dispositions aux territoires et
aux collectivités d'outre-mer.
M. le président.
La parole est à M. Delfau, pour défendre l'amendement n° 126.
M. Gérard Delfau.
C'est un amendement de concordance par rapport à une position que j'ai prise
précédemment.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur pour avis, pour défendre les amendements n°s
105 et 106.
M. Philippe Adnot,
rapporteur pour avis.
Il va de soi, monsieur le président, que, si la
proposition de la commission des lois de reporter à la fin du texte cet article
est retenue, nos amendements seront intégrés à ce stade.
Nous partageons la volonté d'étendre à l'institut d'émission d'outre-mer les
prérogatives données à la Banque de France en matière de sécurité des moyens de
paiement.
Toutefois, nous estimons que leurs prérogatives doivent être identiques. En
conséquence, nous vous proposons, d'une part - c'est l'amendement n° 105 -, de
supprimer la disposition permettant à l'Institut d'émission d'outre-mer de
faire procéder à des expertises, que nous jugeons inopportune, d'autre part -
c'est l'amendement n° 106 -, d'ajouter que ledit institut peut se faire
communiquer par l'émetteur ou toute personne intéressée les informations utiles
pour sa mission.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s 152 rectifié
bis
, 126, 105 et 106 ?
M. Jean-Pierre Schosteck,
rapporteur.
S'agissant de l'amendement n° 152 rectifié
bis
présenté par le Gouvernement, nous ne pouvons qu'émettre un avis défavorable
sur la forme, puisque nous proposons dans l'amendement n° 58 de renvoyer les
dispositions figurant à l'article 16 en fin de texte.
Sur le fond, je pourrais être embarrassé parce que cet amendement n'a pas été
examiné par la commission. Cependant, je peux subodorer l'avis qu'elle aurait
émis : il aurait été défavorable.
Il semble que le Gouvernement a fait son marché dans nos propositions !
S'agissant de l'amendement n° 126, présenté par M. Delfau, la commission y est
également défavorable.
En effet, comme à l'article 8 pour la Banque de France, il importe de laisser
suffisamment de souplesse à l'institut d'émission d'outre-mer pour émettre un
éventuel avis négatif.
Enfin, pour ce qui est des amendements n°s 105 et 106, nous pensons qu'ils
sont satisfaits par l'amendement n° 58 de la commission.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s 58, 126, 105 et 106
?
M. Christian Paul,
secrétaire d'Etat.
Le Gouvernement est favorable à ces quatre
amendements.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 58, accepté par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, l'article 16 est supprimé et les amendements n°s 152 rectifié
bis
, 126, 105 et 106 n'ont plus d'objet.
Article additionnel après l'article 32
(précédemment réservé)
M. le président.
Par amendement n° 74, M. Schosteck, au nom de la commission des lois, propose
d'insérer, après l'article 32, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Sont applicables en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française, dans
les îles Wallis-et-Futuna et à Mayotte, les dispositions des chapitres II et
III, à l'exception des dispositions de l'article 8, qui ne sont applicables
qu'à Mayotte.
« II. - L'article L. 712-5 du code monétaire et financier est complété par
deux alinéas ainsi rédigés :
« L'institut d'émission d'outre-mer s'assure, en liaison avec la Banque de
France, de la sécurité des moyens de paiement tels que définis à l'article L.
311-3, autres que la monnaie fiduciaire, et de la pertinence des normes
applicables en la matière. S'il estime qu'un de ces moyens de paiement présente
des garanties de sécurité insuffisantes, il peut recommander à son émetteur de
prendre toutes mesures destinées à y remédier. Si ces recommandations n'ont pas
été suivies d'effet, il peut, après avoir recueilli les observations de
l'émetteur, décider de formuler un avis négatif publié au
Journal
officiel
.
« Pour l'exercice de ces missions, l'institut d'émission d'outre-mer procède
aux expertises et se fait communiquer, par l'émetteur ou par toute personne
intéressée, les informations utiles concernant les moyens de paiement et les
terminaux ou les dispositifs techniques qui leur sont associés. »
Cet amendement est assorti d'un sous-amendement, n° 151, présenté par M.
Flosse et les membres du groupe du Rassemblement pour la République et
apparentés, et tendant :
« A. - Dans le I du texte proposé par cet amendement pour insérer un article
additionnel après l'article 32, à supprimer les mots : ", en Polynésie
française".
« B. - Après le I du même texte, à insérer un paragraphe additionnel ainsi
rédigé :
« I
bis.
- Sont applicables en Polynésie française, les paragraphes I à
IV et VI de l'article 6 et les articles 7, 9, 10, 11 et 12 de la présente loi.
A cet effet, les dispositions du deuxième alinéa de l'article 805 du code de
procédure pénale sont également applicables. »
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 74.
M. Jean-Pierre Schosteck,
rapporteur.
Il s'agit de la reprise en fin de texte de l'article relatif
à l'applicabilité outre-mer, assortie de quelques coordinations avec le texte
adopté pour la Banque de France.
M. le président.
La parole est à M. Vasselle, pour défendre le sous-amendement n° 151.
M. Alain Vasselle.
A la suite des modifications apportées en première lecture par l'Assemblée
nationale, il n'est pas possible de conserver la rédaction originale de
l'article 16 qui étendait à la Polynésie française toutes les dispositions des
chapitres II et III à l'exception de l'article 8.
En effet, certaines de ces modifications touchent à des dispositions non
applicables en Polynésie française.
Il en est ainsi : de l'article 18-1 de l'actuel code de la route et des
articles L. 224-1, 224-2 et 224-3 du nouveau code ; de la loi n° 70-1301 du 31
décembre 1970 et de l'article L. 325-12 du nouveau code ; de l'article L. 36 de
l'actuel code de la route et de l'article L. 330-2 du nouveau code ; de
l'article 6
bis
, qui relève du code polynésien ; de l'article 6
ter
, qui se rattache à l'article L. 235-1 du nouveau code, non
applicable en Polynésie française ; des articles 7
bis
, 7
ter
, 7
quater
et 7
quinquies
et
sexies
, qui modifient le code de
la consommation, non applicable en Polynésie française.
Enfin, il paraît utile de rappeler la règle posée au deuxième alinéa de
l'article 805 du code de procédure pénale sur les références aux dispositions
non applicables localement.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission sur le sous-amendement n° 151 ?
M. Jean-Pierre Schosteck,
rapporteur.
Ce sous-amendement est tout à fait intéressant, mais la
commission ne peut y être favorable.
Ce sous-amendement ne tient pas compte des modifications apportées par le
Sénat au projet de loi. Or, compte tenu de ces modifications, la rédaction que
nous avons adoptée devrait pleinement satisfaire son auteur.
En effet les dispositions du chapitre II relatives au code de la route ont été
reportées dans un chapitre non applicable à la Polynésie française et les
dispositions du chapitre III relatives aux cartes de paiement ont été codifiées
dans le code monétaire et financier, qui, lui, est applicable en Polynésie
française, et non dans le code de la consommation, ce qui dégage M. Flosse de
tous ses soucis.
M. le président.
Monsieur Vasselle, le sous-amendement n° 151 est-il maintenu ?
M. Alain Vasselle.
Je le retire, monsieur le président.
M. le président.
Le sous-amendement n° 151 est retiré.
Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 74 ?
M. Christian Paul,
secrétaire d'Etat.
Il s'agit de l'application outre-mer de dispositions
nouvelles : vous comprendrez que c'est un sujet auquel je suis très
sensible.
Sur le fond, l'amendement n° 152 rectifié
bis
qu'avait proposé le
Gouvernement traitait globalement la question. Je concède que le dépôt de cet
amendement était un peu tardif, au regard notamment de sa grande technicité.
Néanmoins, il répondait globalement à la préoccupation exprimée dans
l'amendement n° 74. Je ne suis donc pas favorable à celui-ci.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 74, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet
de loi, après l'article 32.
Vote sur l'ensemble
M. le président.
Avant de mettre aux voix l'ensemble du projet de loi, je donne la parole à M.
Peyronnet, pour explication de vote.
M. Jean-Claude Peyronnet.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, au
terme de cette discussion assez longue, je dois me féliciter, au nom de mon
groupe, de la qualité du dialogue qui s'est noué entre nous sur des sujets
sensibles à propos desquels nous avons de profondes divergences. Nous avons pu,
et c'est heureux, dialoguer sans invectives. Certes, les invectives, ce n'est
pas l'habitude de cette maison, mais cela aurait pu se faire.
Les arguments échangés m'ont paru riches dans beaucoup de cas, même si
j'aurais préféré que les dispositions qui me paraissaient les plus séduisantes
aient été plus souvent retenues.
Il y a eu, malgré tout, une véritable écoute de la part du rapporteur et, dans
certains cas, de la part de la majorité. On vient de le voir sur les
dispositions financières ; on l'a vu à propos de la délinquance des mineurs,
notamment sur le couvre-feu, que vous avez accepté de placer sous l'égide de la
protection de l'enfance et non plus de la répression, comme c'était
initialement prévu.
Cependant, trop de choses nous divisent. En raison du caractère sécuritaire du
projet de loi, qui modifie trop profondément l'esprit du texte qui est issu des
travaux de l'Assemblée nationale, comme je l'avais laissé entendre lors de la
discussion générale, notre groupe ne le votera pas.
Il ne s'agit pour nous, je le répète, ni de laxisme, ni de la découverte
tardive de la nécessité de renforcer l'action sécuritaire ; nous n'avons pas de
tabou dans ce domaine. S'il est nécessaire de renforcer l'appareil répressif,
nous l'acceptons.
Mais cette idée ne saurait servir de seule politique - ce qui, je vous le
concède, n'est pas votre cas - ni même de politique prioritaire : d'autres
moyens en amont, en matière de prévention en particulier, doivent être mis en
oeuvre.
Vous ne rejetez pas ces moyens, mais nous, nous considérons qu'ils doivent
être prioritaires, et cela constitue entre nous plus qu'une divergence.
Nous considérons en particulier que tous les mécanismes de coordination entre
les différents services de l'Etat ou des collectivités qui concourent à la mise
en oeuvre de cette sécurité doivent être renforcés et que cette coordination
doit être prioritaire. La politique mise en oeuvre par le Gouvernement en
matière de police de proximité nous semble, de ce point de vue, exemplaire.
Dans le projet de loi tel qu'il est issu des travaux du Sénat, deux points
nous semblent particulièrement inacceptables.
Le premier concerne le rôle donné au maire. On lui accorde trop de pouvoir et
pas assez de moyens. Et si les moyens étaient octroyés, nous courrions le
risque de la territorialisation de la police et d'une « shérifisation », si je
puis dire, des maires.
Le deuxième point qui nous paraît tout à fait inacceptable a trait aux
dispositions concernant la délinquance des mineurs, que ce soit le couvre-feu,
auquel j'ai déjà fait allusion, ou la pénalisation des infractions commises par
des jeunes de dix à treize ans.
En contrepoint, nous pourrions citer certaines dispositions qui nous
paraissent quelque peu laxistes, concernant les armes ou les délits de grande
vitesse sur les routes notamment.
Pour toutes ces raisons, nous voterons contre le texte qui émane de nos
débats.
M. le président.
La parole est à M. Bret.
M. Robert Bret.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, au
terme de nos travaux, les sénateurs communistes ne peuvent que regretter que le
débat sur la sécurité quotidienne ait été dominé par les réflexes sécuritaires
d'une partie de la droite sénatoriale, plus soucieuse d'affichage politique que
de solutions effectives et sereines apportées à des problèmes identifiés.
Dans mon intervention lors de la discussion générale, j'étais critique à
l'égard de la méthode des « diverses dispositions » retenue par le Gouvernement
: je me dis aujourd'hui qu'elle est sans conteste bien préférable à la
surenchère parfois caricaturale à laquelle nous avons assisté tout au long du
débat de la part de certains sénateurs de droite - heureusement pas de tous,
d'ailleurs !
Comment adhérer en effet à cette vision simpliste de la délinquance juvénile,
qui persiste à réduire celle-ci aux jeunes voyous des cités, dotés de parents,
sinon criminels, du moins gravement irresponsables, qui vont se droguer dans
des
raves parties
! Vous allez même jusqu'à leur refuser le statut
d'enfant pour les réduire à une entité pénale : le mineur.
Parce que nous sommes très préoccupés, au groupe communiste, de cette
délinquance commise de plus en plus jeune et de manière de plus en plus
violente contre les personnes, nous pensons qu'il faut se garder de toute
vision réductrice qui traiterait au même niveau extrême, sans les hiérarchiser,
les comportements incivils et les violences à l'égard des personnes. Une telle
analyse va à l'encontre de tout objectif de responsabilisation et de
réinsertion.
C'est en partant de l'idée de privilégier la resocialisation et non de rendre
un verdict de condamnation sans appel que l'ordonnance de 1945 avait choisi
d'affirmer la primauté des mesures éducatives sur le répressif. La coercition
n'a de sens en effet que si elle reste un ultime recours.
Les présidents des groupes de la majorité sénatoriale ont décidé de constituer
une commission d'enquête sur l'ordonnance de 1945. Nous ne pouvons qu'approuver
cette démarche, que nous avions nous-mêmes proposée en commission des lois.
Je le redis : il aurait mieux valu commencer par là et nous interroger sur les
conditions d'application de l'ordonnance, d'autant plus que l'ensemble des
professionnels nous disent qu'ils disposent d'une large palette de dispositions
législatives... mais n'ont pas assez de moyens pour les appliquer !
Concernant les autres amendements que vous avez votés, là non plus, nous ne
pouvons pas être d'accord.
Comment accepter le démembrement de la police nationale - car les dispositions
votées reviennent à cela - qui ferait dépendre l'importance des moyens mis en
oeuvre de la richesse d'une commune ? Comment croire que c'est rendre service
aux maires que de les instituer responsables de tout, de leur donner un pouvoir
de constitution de partie civile qui les mettrait en butte aux pressions et
risquerait de les obliger à être présents sur toutes les procédures, sauf à
être jugés négligents ? Comment penser par ailleurs que dresser l'un contre
l'autre le maire et le procureur est une bonne méthode, un bon moyen pour faire
coopérer des acteurs chargés de la sécurité ? Nous ne le pensons pas. Nous
jugeons même que c'est grave.
Pour notre part, nous défendons une conception de la République fondée sur
l'égalité de tous devant la sécurité. Or seul l'Etat peut garantir cette
égalité des citoyens.
Non ! décidément, les sénateurs communistes ne peuvent se retrouver dans le
projet de société que vous avez développé ici : une société manichéenne,
recroquevillée sur elle-même, qui croit que la solution à l'insécurité consiste
à dresser des cordons sanitaires un peu partout.
Nous refusons cette stigmatisation d'une partie de la population, d'une partie
de notre jeunesse. Nous refusons cette société fondée sur la peur et
l'exclusion que vous nous proposez.
En conséquence, nous voterons contre le texte.
M. Jean Chérioux.
Alors, vous refusez le goulag, car c'est le goulag que vous êtes en train de
décrire !
M. le président.
La parole est à M. Hyest.
M. Jean-Jacques Hyest.
Monsieur le président, je pensais que l'adjectif « sécuritaire », qui sonne
comme un reproche dans la bouche de ceux qui ne se sentent pas concernés par
l'insécurité, avait disparu de nos enceintes. Nous avions en effet constaté
avec bonheur que la sécurité devenait une priorité du Gouvernement, ce qui
n'avait pas toujours été le cas, et qu'elle constituait une des conditions,
voire la condition, selon l'Assemblée nationale, de l'exercice des libertés
publiques.
Le débat méritait mieux que des invectives. Celles-ci, c'est vrai, ont été peu
nombreuses et nous avons pu discuter d'un certain nombre de problèmes
importants.
Le terme « sécuritaire » ne me plaît pas beaucoup, mais je suis attaché à ce
que la sécurité soit assurée.
Le texte du Gouvernement comporte des mesures quelque peu disparates. Il en
est qui sont bonnes ; nous l'avons constaté cet après-midi, en particulier sur
la sécurité des paiements par cartes bancaires. Nous avons également réglé
différentes questions relatives à la liaison transmanche, aux animaux errants -
vieux problème qui agitait nos collectivités et que celles-ci ne savaient
comment résoudre -, au statut des agents de la police nationale, notamment des
adjoints de sécurité tués ou blessés en service commandé. Les dispositions
prises dans ces domaines ont fait l'objet d'un consensus.
J'en viens à la préoccupation principale de nos concitoyens : la sécurité.
En dépit des déclarations faites sur la police de proximité, ils ont
l'impression que la sécurité n'est pas toujours parfaitement assurée. Cette
impression est renforcée par les réelles difficultés qu'ils rencontrent tous
les jours, que nous constatons nous-mêmes, et surtout pas des événements
graves, qui sont repris et amplifiés par les médias, mais qui ne sont pas
toujours nouveaux, contrairement à ce que disent certains.
La commission des lois a souhaité introduire dans le projet des mesures
extrêmement précises visant à mieux associer les maires à la sécurité. S'il est
vrai, comme l'a dit le ministre de l'intérieur, que les collectivités et
d'autres organismes doivent être coproducteurs de sécurité, encore leur faut-il
un produit commun, sans lequel il ne peut y avoir de coproduction.
Personnellement, je reste attaché à la responsabilité de l'Etat dans ce
domaine.
En effet, il serait extrêmement dangereux que des distorsions s'instaurent
entre les différentes collectivités, certaines communes bénéficiant, par
exemple, d'une police territoriale, alors que d'autres n'en auraient pas. Je
suis profondément hostile à une coproduction qui irait dans ce sens, car elle
se ferait au détriment de l'égalité des citoyens.
Jusqu'à présent, le maire était un peu considéré comme un partenaire qui
donnait, mais ne recevait rien en contrepartie. Il est indispensable de
l'impliquer davantage dans la définition des politiques en matière de
sécurité.
Cette idée n'est pas nouvelle. En 1998 déjà, dans le rapport que j'avais fait
avec Roland Carraz, j'avais écrit, s'agissant des contrats locaux de sécurité,
que le maire devait être un décideur et non plus un simple partenaire. Il y a
encore des efforts à faire pour que le maire ait vraiment des responsabilités
en matière de sécurité.
J'en viens à un autre thème mis en avant par la commission des lois, celui de
la délinquance des mineurs.
Je l'ai dit et je le répète, les mesures qui ont été votées ne permettront pas
de résoudre les problèmes qui se posent. D'ailleurs, certaines d'entre elles ne
s'intègrent pas dans un ensemble.
Si elles sont un signal pour montrer que nous faisons un travail de fond
sérieux, pourquoi pas ? Il est extrêmement important que nous mettions à plat
ces problèmes, que nous cherchions des solutions appropriées, que nous
réfléchissions à des structures plus adaptées à la détention des mineurs
délinquants que les maisons d'arrêt, même pour une détention provisoire. Si
l'on avait écouté le Sénat et si certains grands délinquants avaient été placés
dans des établissements pour peine plutôt que dans des maisons d'arrêt, le
drame qui s'est produit dernièrement aurait peut-être été évité. Cela prouve
qu'on devrait lire davantage les propositions du Sénat !
Nous devons travailler sérieusement sur ce problème de la délinquance des
mineurs afin d'impliquer tous ceux - ils sont très nombreux - qui interviennent
dans ce domaine et qui me paraissent avoir une efficacité relative. Et si, bien
entendu, nous ne sommes nullement hostiles à la totalité des dispositions qui
ont été adoptées en ce domaine, nous pensons aussi que les mesures proposées
sont tout à fait insuffisantes.
Nous voterons le texte du projet de loi tel qu'il émane des travaux du Sénat,
tout en regrettant qu'un travail de fond n'ait pas été mené depuis longtemps
sur la délinquance des mineurs. « Sécuritaires » ou non, si nous ne réglons pas
les problèmes, le ressentiment de l'opinion publique contre un certain nombre
de phénomènes ne fera que s'aggraver.
Je terminerai en disant que nous aurons beau légiférer à l'infini, si la
justice ne fonctionne pas mieux et plus rapidement, les policiers et les
gendarmes continueront à être découragés et les problèmes de délinquance et de
violence de notre société ne seront pas résolus !
(Applaudissements sur les
travées de l'Union centriste.)
M. le président.
La parole est à M. Delfau.
M. Gérard Delfau.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, il
est difficile de s'exprimer globalement sur un texte qui est composite ; cela a
été dit par beaucoup d'entre nous.
Si je m'en tiens au débat de cet après-midi sur les meilleurs moyens de
renforcer la sécurité des cartes bancaires, je constate que nous sommes
parvenus assez facilement, et très souvent, à un accord, même si je continue à
ne pas bien comprendre pourquoi le rapporteur de la commission des lois s'est
opposé à l'idée d'un délai nécessaire pour que la Banque de France obtienne une
réponse en cas de fraude.
En revanche, et indépendamment de mesures plus ponctuelles, le débat relatif à
la délinquance des mineurs a révélé des divergences profondes, et je voudrais
dire au Sénat qu'il m'a laissé sur ma faim.
Mes propos ne vont sans doute pas être éloignés de ceux que tenait à l'instant
notre collègue M. Hyest : il me semble que nous ne sommes pas partis de la
réalité.
La réalité, elle est toute simple : le système de prévention et de sanction
des mineurs est en panne ; il n'apporte pas de réponse aux problèmes posés.
Ce n'est pas une question de texte de loi, ni encore moins une question de
signal à donner. Comment voulez-vous que les signaux donnés par le Sénat
atteignent les mineurs en situation très difficile qui sont responsables de la
délinquance sur laquelle nous réfléchissons aujourd'hui ?
Non ! la vraie réponse consiste à redonner confiance à chacune des composantes
du système de prévention-sanction et, par exemple, à trouver une solution
concrète à la difficulté bien connue : que fait le juge pour enfants quand il a
en face de lui un mineur délinquant et qu'il ne trouve aucune structure adaptée
où le placer ? C'est en effet bien ainsi que, généralement, la question se
pose, et, indépendamment des engagements ou des convictions des uns et des
autres, c'est ainsi que nous vivons la situation.
J'ai essayé d'amorcer ce débat, sachant bien le risque que je prenais de
froisser des susceptibilités et de heurter certaines institutions.
Mais le débat n'a pas eu lieu, car la majorité du Sénat campe sur l'idée qu'il
suffit de durcir encore l'ordonnance de 1945, dont plusieurs articles, comme je
l'ai démontré, donnent au juge la faculté de prononcer la sanction la plus
grave qui soit, la prison.
Quant au Gouvernement, qui avait délégué le ministre de l'intérieur et non le
garde des sceaux, il n'a pas non plus vraiment voulu entrer dans le débat, je
le regrette.
Toutefois, contrairement à ce qui aurait pu être mon opinion initiale, ce
débat n'a pas été vain, car nous avons échangé des arguments et chacun a pris
davantage conscience de la nécessité de dépasser les clivages actuels.
Mais, bien évidemment, la logique des groupes a prévalu, et nous aboutissons
donc à un texte que je ne peux pas voter en l'état, car il ne sera pas
efficace. En outre, et surtout, j'en récuse la philosophie : je veux parler de
toutes les mesures sécuritaires - et j'emploie volontairement ce mot - qui ont
été adoptées, faute de chercher les vrais moyens d'améliorer la situation.
Dès lors, il reste deux espoirs : que la commission d'enquête parlementaire se
saisisse de l'ensemble de la question et qu'elle se prémunisse - et je lance un
appel solennel à nos collègues de la majorité sénatoriale - contre la tentation
de travailler dans la perspective d'une échéance électorale. Le sujet est trop
grave et trop pressant pour l'ensemble de nos concitoyens pour que nous en
fassions un argument de campagne pré-présidentielle.
J'espère que cette commission d'enquête aura la sagesse d'aborder l'ensemble
du sujet avec la hauteur de vue nécessaire pour lui permettre de traiter la
question au fond.
En cette fin de débat, je réitère la demande que j'avais faite au
Gouvernement, sans d'ailleurs obtenir la moindre réponse du ministre de
l'intérieur, à savoir que l'initiative soit prise, peut-être plutôt par
l'entremise de Mme le garde des sceaux, d'inscrire à l'ordre du jour du
Parlement un débat sur la question de savoir où nous en sommes aujourd'hui en
matière de prévention et de sanction de la délinquance des mineurs. C'est un
sujet qui mérite d'être abordé avec hauteur de vue, longuement et
sereinement.
On l'aura compris : je ne peux approuver le texte du projet de loi tel qu'il
émane des travaux du Sénat.
M. le président.
La parole est à M. Karoutchi.
M. Roger Karoutchi.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, mes
propos seront beaucoup plus brefs et beaucoup plus modérés que ceux que je
viens d'entendre.
Notre groupe tient tout d'abord à remercier M. le rapporteur, notre collègue
Jean-Pierre Schosteck, dont le travail a été particulièrement éminent et qui a
été un élément plus modérateur qu'on a bien voulu le dire.
Nous sommes dans une situation hallucinante. En effet, tout le monde, les
médias comme les citoyens, parle d'insécurité et se demande quelles mesures le
Gouvernement va prendre pour résoudre les problèmes. Mais, au sein du
Parlement, il ne faut surtout rien changer, sous peine d'être considéré comme
un shérif, un sécuritaire forcené, voire un « animal » dangereux et
irresponsable !
En la matière, les travaux de notre assemblée ont été à la fois constructifs
et pour le moins très modérés. Très franchement, le texte issu du Sénat est
bien meilleur que le conglomérat initial de non-décisions que constituait ce
projet de loi.
Selon M. Bret, nous avons essayé de modifier le statut de la police nationale
afin que celle-ci soit complètement territorialisée. Pour l'instant, que ce
soit au Sénat ou à l'Assemblée nationale, il n'est pas question de toucher au
statut de la police nationale ! Il faut donc arrêter de dire que la droite
sénatoriale, ou que la droite tout court va faire campagne sur le thème
sécuritaire, sur le retour des shérifs.
Faites plutôt en sorte, monsieur le secrétaire d'Etat, par l'application des
textes, que le retour à la sérénité permette à chacun de nos concitoyens de
faire des choix, des projets de société. Tant que la sécurité n'est pas
assurée, ces choix ne peuvent s'opérer sereinement.
Si nous demandons à légiférer encore, si les propositions du rapporteur ont
été adoptées par la majorité sénatoriale, c'est que nous voulons éviter la
démagogie de certains par la prise de mesures réalistes, concrètes et
efficaces.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et
Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président.
La parole est à M. de Raincourt.
M. Henri de Raincourt.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, je
n'avais pas prévu de prononcer, en cet instant, une explication de vote au nom
de mon groupe, mais, compte tenu de ce que j'ai entendu, je crois nécessaire de
préciser très brièvement quelques points.
Ainsi, on ne peut vouloir promouvoir la sécurité sans être qualifié de
sécuritaire ! Je dois dire que l'emploi de certains mots m'a blessé ! A nos
collègues qui les utilisent en permanence à notre encontre je répondrai qu'ils
ne peuvent caricaturer indéfiniment la démarche que nous avons adoptée.
Quelle est cette démarche ?
Manifestement, le texte du Gouvernement n'avait pas pour ambition - je n'ai
pas entendu M. le ministre de l'intérieur le déclarer - de régler globalement,
dans toute leur diversité, les problèmes de sécurité qui peuvent se poser dans
notre pays. Il avait pour ambition de régler un certain nombre de problèmes
concrets.
Il traduisait donc une ambition assez limitée, qui, néanmoins, méritait d'être
prise en compte ; c'est ce qu'a fait la commission des lois, et je l'en
remercie à mon tour.
La majorité sénatoriale a considéré qu'à l'occasion de l'examen de ce texte,
peut-être pour lui donner un peu plus d'ampleur et un peu plus de densité, il
convenait d'ajouter quelques chapitres relatifs à des sujets qui préoccupent
gravement nombre de nos concitoyens, ceux qui, au quotidien, sont victimes de
ces petits délits, de ces petits méfaits qui témoignent d'une dérive
inquiétante de la délinquance, mais aussi un certain nombre de familles qui
parfois ont du mal à faire face à l'évolution de la situation s'agissant des
mineurs.
Par conséquent, quand j'entends reprocher aux propositions formulées par la
majorité sénatoriale de contenir quoi que ce soit qui s'apparenterait à des
dérives sécuritaires, je me demande comment l'on peut en arriver à déformer de
la sorte notre position !
Autre exemple de caricature : notre position sur les armes de chasse.
Mais qui, aujourd'hui, utilise des armes de chasse ? On les utilise à la
chasse quand on a encore le droit d'y aller ! Peut-être un amant éconduit
prendra-t-il un fusil de chasse !... Mais je ne vois pas tellement les jeunes
s'en servir dans les
rave parties.
Je ne crois donc pas que ce soit avec ce que l'on nous propose qu'on réglera
le problème.
J'aborderai maintenant la proposition de résolution tendant à la création
d'une commission d'enquête sur la situation des mineurs, dont je suis
l'auteur.
MM. Pierre Hérisson et Jean-Jacques Hyest.
Très bien !
M. Henri de Raincourt.
Je veux vous rassurer, mes chers collègues : nous voudrions, à l'occasion de
cette commission d'enquête, remettre à plat l'ensemble de la problématique en
considérant les moyens que nous avons, aujourd'hui, à notre disposition et que
l'on utilise plus ou moins, mon cher collègue Delfau. Cette commission nous
permettra de voir s'il y a concordance entre cette problématique et les moyens
qui sont à notre disposition. Si nous estimons qu'il y a manifestement des
choses à modifier, eh bien nous essayerons de faire des propositions, qui
seront, là encore, extrêmement modérées, extrêmement modestes.
Voulez-vous un exemple ? Je pense, pour ma part, que l'un des problèmes qui se
pose dans nos départements vient de ce que le nombre de juges pour enfants est
le même qu'il y a cinquante ans alors que, bien évidemment, le nombre des
enfants qui ont besoin d'un juge a considérablement augmenté.
Au fil du temps, la discordance entre l'évolution de la société et la réponse
des pouvoirs publics s'est amplifiée.
Eh bien, ce sont des mesures concrètes de nature à régler ce genre de
problèmes qui pourraient sans doute, les unes ajoutées aux autres impulser, un
mouvement propice à l'épanouissement des jeunes !
Comme vous, nous n'avons qu'une seule ambition : faire décroître le nombre
d'enfants passibles de la justice. Plus les enfants présentés aux juges seront
jeunes, plus on courra le risque de les voir s'enfoncer dans une délinquance de
plus en plus grande. Nous souhaitons tous, sur quelque travée que nous
siégions, autre chose pour notre société que cette négation de la promotion et
de la dignité des individus.
Aussi le texte qui sort de nos travaux porte-t-il l'empreinte d'une volonté
forte au service d'une ambition également forte, mais cela dans le souci de
mener des actions modérées, à l'opposé des actions dites « sécuritaires »,
qualificatif que je trouve détestable.
(Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et
de l'Union centriste.)
M. Christian Paul,
secrétaire d'Etat.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Paul,
secrétaire d'Etat.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je souhaite, avant
que le Sénat n'exprime son vote, au terme de cette discussion sur le projet de
loi relatif à la sécurité intérieure, vous faire part de quelques réactions du
Gouvernement.
Oui, mesdames, messieurs les sénateurs, la société française a des problèmes
de sécurité ! Oui, le Gouvernement a souhaité par ce texte, sur des problèmes
essentiels et non pas sur des sujets de détail ou des questions marginales,
apporter des réponses concrètes et, je pense, durables.
A l'issue de cette discussion, quel constat pouvons-nous faire ?
Je voudrais évoquer quelques-uns des points qui nous ont occupés au cours de
ces derniers jours.
Le Gouvernement avait souhaité que ne soit pas modifiée la répartition des
compétences entre l'Etat et les collectivités locales. C'est vrai, tout ce qui
contribue à une meilleure implication des élus locaux, tout ce qui concourt à
une meilleure coordination entre les acteurs de la sécurité, est bon pour la
sécurité parce que la sécurité - plusieurs d'entre vous l'ont rappelé - résulte
bien d'une coproduction, ce terme étant plus qu'un mot, exprimant une façon
d'agir, une stratégie de réponses. Sa sécurité est une donnée, pourquoi
faudrait-il l'oublier ou l'interdire dans cette loi ?
En fait, tout ce qui modifie l'équilibre des compétences, tout ce qui fait de
la police ou de la justice un enjeu de pouvoir, au travers d'une
municipalisation qui ne dit pas son nom, loin de contribuer à la sécurité de
nos concitoyens, ne fait qu'augmenter la confusion.
Or, la majorité sénatoriale a adopté certains amendements qui posent des
problèmes juridiques et pratiques majeurs, dont beaucoup ne garantissent plus
cet équilibre, et ce à l'occasion de débats qui ne me semblent pas avoir révélé
une très grande unité de points de vue.
Le Gouvernement avait également souhaité que la modification de l'ordonnance
du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante - un peu facilement brandie
parfois comme un étendard - ne devienne pas la formule magique par laquelle
tous les problèmes d'insécurité seraient soudainement résolus. J'ai bien
entendu d'ailleurs, dans les explications de vote, que, pour plusieurs d'entre
vous, la seule réponse législative n'était pas suffisante.
Mesdames, messieurs les sénateurs, le Gouvernement, je veux le rappeler, est
attaché à la primauté des réponses éducatives parce que, pour reprendre la
belle formule de l'un de vos collègues - je veux parler de Robert Badinter -, «
l'enfant n'est pas un adulte en réduction ».
L'affirmer, ce n'est pas nier la nécessité de la sanction, c'est simplement
vouloir qu'elle soit adaptée à l'âge de l'enfant.
Or, sur ce point également, au travers d'amendements dont certains peuvent
sembler anodins mais dont l'apparence masque en réalité une approche très
répressive - je n'ai pas employé le mot « sécuritaire » - la majorité
sénatoriale a préféré faire de l'ordonnance du 2 février 1945 la clé de voûte
de son programme - de son programme électoral, devrais-je dire -...
M. Jean-Pierre Schosteck,
rapporteur.
Là aussi, c'est caricatural !
M. Christian Paul,
secrétaire d'Etat.
... sans même attendre les conclusions de la
commission d'enquête qu'elle a elle-même réclamée. Permettez-moi de voir là un
paradoxe.
M. Jean-Pierre Schosteck,
rapporteur.
Mais non !
M. Gérard Delfau.
Eh oui !
M. Christian Paul,
secrétaire d'Etat.
Enfin, les articles concernant le commerce de détail
des armes issus du vote de l'Assemblée nationale ont été trop dénaturés par les
amendements du Sénat et peut-être un peu caricaturés par les propos que vous
avez tenus à l'instant, monsieur de Raincourt,...
M. Henri de Raincourt.
Ah bon ?
M. Christian Paul,
secrétaire d'Etat.
... pour que le Gouvernement y retrouve la
préoccupation de sécurité publique qui était la sienne.
Certes, des avancées ont été réalisées au cours de ce débat.
Il a été procédé à un enrichissement nécessaire du texte, en particulier sur
l'encadrement des
raves parties
- mesure utile à la protection des
jeunes qui y participent -, sur la lutte contre les animaux dangereux, sur la
sécurité des moyens de paiement ou sur l'accompagnement social des adjoints de
sécurité. De nombreux amendements étaient judicieux - le Gouvernement n'a pas
manqué de le souligner -, qu'ils proviennent de votre majorité ou des travées
de la gauche.
En revanche, le Sénat a préféré s'éloigner du texte équilibré du Gouvernement
sur l'intervention des forces de police dans les parties communes des immeubles
ou sur la sécurité dans les transports publics. En effet, au terme de ce débat,
tous ces points nous séparent.
Telles sont les raisons pour lesquelles, au nom du Gouvernement, sans avoir
beaucoup d'illusion sur la portée de cet appel, je ne peux que demander au
Sénat de ne pas adopter en l'état un projet de loi qui est avant tout un texte
d'affichage, qui n'est ni équilibré dans son contenu ni consensuel dans sa
méthode d'élaboration, et dont l'application se révélera, c'est le point de vue
du Gouvernement, tout à fait dépourvue d'efficacité pratique.
M. Alain Vasselle.
Interrogez les Français par référendum ! Vous verrez ce qu'ils en pensent !
M. Christian Paul,
secrétaire d'Etat.
Au nom du réalisme et du pragmatisme qui ont guidé la
démarche du Gouvernement, au nom d'une volonté d'apporter des réponses
concrètes aux attentes de nos concitoyens, au nom du dialogue et de la
concertation, toujours nécessaires lorsqu'on aborde un sujet tel que la
sécurité de nos concitoyens, je vous demande donc de rejeter un texte à propos
duquel la majorité sénatoriale a eu elle-même, sur bien des points, beaucoup de
difficultés à masquer ses divergences...
M. Jean Delaneau.
C'est la poêle qui se moque du chaudron !
M. Jean-Pierre Schosteck,
rapporteur.
Moins que vous à l'Assemblée nationale !
M. Christian Paul,
secrétaire d'Etat.
... alors que, sur ce sujet, tout aurait dû nous
conduire à travailler dans le même sens.
(Applaudissements sur les travées
socialistes, ainsi que sur les travées du groupe communiste républicain et
citoyen.)
M. Jean Chérioux.
De quel côté est l'affichage ?
M. Jean Delaneau.
On demande un report du vote de quinze jours.
(Rires sur les travées du
RPR.)
M. Jean-Pierre Schosteck,
rapporteur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Pierre Schosteck,
rapporteur.
J'avais d'abord eu envie d'intervenir en entendant certains
orateurs de l'opposition sénatoriale caricaturer encore, quoique un peu moins
qu'au début du débat, les propositions que nous avons été amenés à
présenter.
Puis, en entendant les interventions de mes amis Jean-Jacques Hyest, Roger
Karoutchi et Henri de Raincourt, j'ai pensé que c'était superflu, parce qu'ils
ont très bien exprimé ce que nous avons voulu faire.
Enfin, en vous entendant, monsieur le secrétaire d'Etat, j'ai été consterné de
voir que la caricature continuait.
M. Pierre Hérisson.
Eh oui !
M. Jean-Pierre Schosteck,
rapporteur.
Je me suis donc senti obligé de préciser, très rapidement,
quel a été notre souci.
J'ai dit d'emblée, dans mon exposé introductif, que le texte qui nous était
présenté suscitait des reproches non pour ce qu'il contenait mais pour ce qu'il
ne contenait pas.
Le texte que vous nous avez présenté est intitulé : « Projet de loi relatif à
la sécurité quotidienne ». Mais, dans votre propos, monsieur le secrétaire
d'Etat, vous avez abandonné - sans doute est-ce un lapsus révélateur -
l'adjectif « quotidienne », ne parlant que de « sécurité intérieure ». Cela
montre bien que les problèmes quotidiens ne se trouvent pas au coeur des
préoccupations du Gouvernement.
A nos yeux, il ne saurait y avoir de discussion sur la sécurité quotidienne si
sont exclus deux volets qui nous paraissent tout à fait fondamentaux : d'une
part, le rôle des maires ; d'autre part, le traitement plus approprié de la
délinquance juvénile.
Bien sûr, on peut caricaturer nos propositions, mais j'observe que certains
orateurs de gauche ont admis leur caractère plutôt modéré, raisonnable.
Nous avons même été, un moment, saisis d'une sorte d'angélisme. Entendant
parler de coproduction, nous nous sommes dit : « Eh bien soit : coproduisons !
» Comme nous sommes les représentants des élus locaux, qui sont au premier chef
comptables - dans tous les sens du terme - de la délinquance quotidienne, nous
nous sommes mis au travail en nous efforçant de mettre au point des
propositions raisonnables.
Hélas ! telle la vague revenant toujours sur la grève, les caricatures sont
revenues. Ce n'est évidemment guère constructif.
L'ordonnance de 1945 a été régulièrement invoquée. On en fait un véritable
tabou, un texte sacré auquel il ne faudrait surtout pas toucher. Je ferai
simplement observer qu'elle n'a plus de 1945, si j'ose dire, que le nom,
puisque, depuis 1945, elle a été modifiée vingt fois !
En tout état de cause, nous nous sommes strictement situés dans la philosophie
de cette fameuse ordonnance en cherchant à développer les actions éducatives,
notre volonté étant avant tout d'éviter que les jeunes ne s'ancrent dans la
délinquance et de leur permettre d'en sortir.
En dénaturant le sens de nos propositions, vous démontrez que, comme l'a très
bien formulé un orateur lors de la discussion générale, vous vous contentez de
« dire le mot pour ne pas faire la chose ». Vous avez voulu parler de sécurité
mais vous refusez de prendre les mesures de bon sens qui s'imposent pour la
restaurer et la garantir.
Il ne me paraît pas convenable de caricaturer ainsi nos positions. L'attitude
du Gouvernement dans cette discussion m'a beaucoup déçu, je tenais à le dire au
moment où elle s'achève.
(Très bien ! et applaudissements sur les travées du
RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi.
(Le projet de loi est adopté.)
6
NOMINATION DE MEMBRES
D'UNE COMMISSION MIXTE PARITAIRE
M. le président.
M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre la demande de
constitution d'une commission mixte paritaire sur le texte que nous venons
d'adopter.
Il va être procédé immédiatement à la nomination de sept membres titulaires et
de sept membres suppléants de cette commission mixte paritaire.
La liste des candidats établie par la commission des lois a été affichée
conformément à l'article 12 du règlement.
Je n'ai reçu aucune opposition.
En conséquence, cette liste est ratifiée et je proclame représentants du Sénat
à cette commission mixte paritaire :
Titulaires : MM. Jacques Larché, Jean-Pierre Schosteck, Patrice Gélard, Paul
Girod, Jean-Jacques Hyest, Jean-Claude Peyronnet, Robert Bret.
Suppléants : MM. Guy Allouche, Robert Badinter, Laurent Béteille, Christian
Bonnet, Guy Cabanel, Daniel Hoeffel, Lucien Lanier.
7
NOMINATION D'UN MEMBRE
D'UN ORGANISME EXTRAPARLEMENTAIRE
M. le président.
Je rappelle que la commission des affaires sociales a proposé une candidature
pour un organisme extraparlementaire.
La présidence n'a reçu aucune opposition dans le délai d'une heure prévu par
l'article 9 du règlement.
En conséquence, cette candidature est ratifiée et je proclame M. Jean-Louis
Lorrain membre du conseil de surveillance du fonds de financement de la
protection complémentaire de la couverture universelle du risque maladie.
8
DIVERSES DISPOSITIONS
D'ORDRE SOCIAL, ÉDUCATIF ET CULTUREL
Discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence
M. le président.
L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi (n° 322, 2000-2001),
adopté par l'Assemblée nationale, après déclaration d'urgence, portant diverses
dispositions d'ordre social, éducatif et culturel.
Rapport n° 339 (2000-2001) et avis n° 335 (2000-2001).
Dans la discussion générale, la parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Guy Hascoët,
secrétaire d'Etat à l'économie solidaire.
Monsieur le président,
mesdames, messieurs les sénateurs, le projet de loi que j'ai l'honneur de vous
présenter au nom du Gouvernement porte sur un certain nombre de dispositions
dont la mise en oeuvre requérait une certaine urgence et dont la spécificité
appelait le regroupement dans un tel texte. Mon intervention portera sur
l'ensemble des dispositions de ce projet de loi, tandis que mes collègues
auront l'occasion d'intervenir eux-mêmes plus tard dans la discussion générale,
puis dans la discussion des articles.
Le titre Ier du projet de loi porte sur l'indemnisation du chômage et sur les
mesures d'aide au retour à l'emploi.
Au terme d'une longue négociation, les partenaires sociaux ont conclu le 19
octobre 2000 une nouvelle convention relative à l'aide au retour à l'emploi et
à l'indemnisation du chômage.
Depuis cette date, il est important de le rappeler, une réforme des statuts de
l'UNEDIC a été adoptée, à laquelle ont adhéré l'ensemble des organisations
syndicales représentatives, garantissant ainsi la gestion véritablement
paritaire du nouveau régime d'assurance chômage. Je m'en réjouis, car cela
témoigne d'un apaisement des tensions auxquelles avait donné lieu la
négociation de la nouvelle convention.
L'Etat, vous le savez, a pris lui-même une part active à ce difficile
processus de négociation en manifestant son attachement à la prise en compte de
quatre objectifs : premièrement, l'amélioration de l'indemnisation des chômeurs
; deuxièmement, le développement de l'aide personnalisée pour le retour à
l'emploi, dans des conditions respectueuses des droits et obligations fixés par
le code du travail, sans que cela conditionne autrement le droit à
l'indemnisation ; troisièmement, la baisse mesurée et progressive des
cotisations, garantissant l'équilibre à moyen terme du régime d'assurance
chômage ; enfin, quatrièmement, la clarification des relations financières
entre l'UNEDIC et l'Etat.
Dans la mesure où la convention, dans son état final du 19 octobre 2000, ne
contrevenait plus au code du travail et prenait en compte les principes que je
viens de rappeler, elle a été agréée par arrêté du 4 décembre 2000 et publiée
au
Journal officiel
du 6 décembre 2000.
Cette décision est donc intervenue au terme d'une longue procédure et d'une
modification très substantielle du contenu des règles d'assurance chômage.
Je rappelle, en particulier, qu'entre les conventions antérieures non agréées
- celles des 29 juin et 23 septembre 2000 - et la convention qui a été agréée,
un certain nombre de faits sont intervenus.
Tout d'abord, la signature du plan d'aide au retour à l'emploi, le PARE, qui
était conçue comme la souscription d'un contrat d'adhésion et une condition de
droit à l'indemnisation, est devenue une formalité sans conséquence sur le
versement des allocations.
Ensuite, la baisse des cotisations, d'abord fixée à 71,4 milliards de francs
sur trois ans, puis à 56,2 milliards de francs, a finalement été ramenée à 28,4
milliards de francs, les autres baisses éventuelles n'intervenant que si la
situation le permet.
Enfin, toute prétention de contrôle et de sanction de l'obligation de
recherche d'emploi par l'UNEDIC a été abandonnée, seul le service public de
l'emploi restant habilité à y procéder.
Ce rappel étant fait, je crois nécessaire de réitérer l'analyse des apports
positifs de la nouvelle convention qui ont été à la base de la décision
d'agrément.
Cette convention améliore tout d'abord significativement l'indemnisation des
demandeurs d'emploi, avec la suppression de la dégressivité des allocations.
Les fins de contrat précaire sont mieux prises en compte puisque les demandeurs
d'emploi sont indemnisés dès lors qu'ils ont travaillé quatre mois au cours des
dix-huit derniers mois, au lieu des huit derniers mois auparavant. Au total,
près de 200 000 personnes supplémentaires pourront être indemnisées par le
régime d'assurance chômage.
Par ailleurs, l'accompagnement personnalisé des demandeurs d'emploi est
renforcé, comme le Gouvernement en a manifesté le souhait. Les programmes «
nouveau départ » mis en oeuvre par l'ANPE pour les chômeurs les plus en
difficulté ou les programmes TRACE pour les jeunes ont fortement contribué à ce
que la baisse du chômage profite à tous.
La nouvelle convention élargit le bénéfice de cet accompagnement personnalisé
vers l'emploi, grâce à des moyens supplémentaires apportés par le régime
d'assurance chômage. Le PARE informe le demandeur d'emploi de ses droits et
obligations et le PAP, le projet d'action personnalisé, récapitule les actions
convenues avec l'ANPE. Les conditions pour percevoir les allocations
d'assurance chômage restent, dans ce cadre, celles qui sont prévues par le code
du travail. Le refus du demandeur d'emploi de signer ces documents ne constitue
donc pas un motif de refus ou de suppression des allocations de chômage. Elles
comprennent naturellement l'obligation de mener une recherche active d'emploi,
déjà prévue par la loi. La mise en oeuvre de l'accompagnement des chômeurs, le
contrôle de la recherche d'emploi et les sanctions éventuelles restent du
ressort exclusif du service public de l'emploi.
Sur trois ans, les mesures en faveur des chômeurs - indemnisation et aide
personnalisée - représenteront environ 45 milliards de francs. La convention du
19 octobre, contrairement aux textes antérieurs, qui n'avaient pas été agréés,
réserve explicitement 15 milliards de francs pour la mise en oeuvre de
l'accompagnement personnalisé.
La baisse des cotisations sera mesurée et progressive. La première baisse, en
2001, représentera 28 milliards de francs. Les baisses envisagées pour 2002
n'interviendront que sous la condition de l'équilibre financier du régime. La
diminution des cotisations profitera aux entreprises comme aux salariés.
Depuis la publication de l'arrêté d'agrément, nous avons activement travaillé
à la préparation des conventions de partenariat entre l'Etat, l'ANPE et
l'UNEDIC, qui doivent mettre en place les projets d'action personnalisés, en
précisant les modalités d'accompagnement du retour des chômeurs à l'emploi
ainsi que les relations opérationnelles et financières entre les acteurs.
Le service public de l'emploi sera seul responsable de l'accompagnement de
l'ensemble des personnes privées d'emploi, quels que soient leur statut et les
modalités de leur indemnisation. En posant cette exigence, l'Etat veille à ce
que le traitement de tous les demandeurs d'emploi soit égalitaire et il
conforte le rôle pivot dévolu au service public de l'emploi, qui est le
principal garant de l'impartialité et de la non-discrimination des services
offerts à l'ensemble des demandeurs d'emploi.
Les moyens de l'ANPE seront, pour ce faire, renforcés au-delà des dispositions
prévues dans le contrat de progrès triennal 2000-2002. La ministre de l'emploi
et de la solidarité a d'ailleurs déjà autorisé l'UNEDIC à financer 1 000
emplois nouveaux pour que l'ANPE soit en mesure, dès le 1er juillet prochain,
de répondre à ces nouveaux enjeux.
Un deuxième programme de lutte contre les exclusions est en préparation, qui
comportera des mesures encore plus actives en faveur des chômeurs les plus
éloignés de l'emploi, en particulier les bénéficiaires du RMI, dont la
possibilité de cumul entre l'allocation et les revenus d'activités sera
étendue, et les jeunes : un programme TRACE renforcé permettra à 160 000
d'entre eux, contre 60 000 aujourd'hui, de bénéficier d'un accompagnement dans
un itinéraire d'insertion professionnelle.
Ce rappel des étapes récentes de la reconfiguration de notre politique de
lutte contre le chômage et en faveur du retour à l'emploi était nécessaire pour
situer le cadre dans lequel s'inscrit le titre Ier du projet de loi qui vous
est soumis et lui donner tout son sens.
Le titre Ier vise à donner une base législative au financement par l'UNEDIC
des dispositifs d'aide au retour à l'emploi. Jusqu'ici, en effet, l'UNEDIC
n'est habilitée, selon le code du travail, qu'à financer les allocations de
chômage des demandeurs d'emploi relevant du régime d'assurance chômage.
L'article 1er décrit ainsi l'ensemble des mesures d'aide au retour à l'emploi
prévues par la convention relative à l'aide au retour à l'emploi et à
l'indemnisation du chômage du 1er janvier 2001, à l'exception du financement
des contrats de qualification adulte, qui fait l'objet de l'article 2.
Ces mesures sont les suivantes : une aide à la mobilité des demandeurs
d'emploi qui reprennent un emploi ; une aide dégressive à l'employeur qui
embauche un demandeur d'emploi indemnisé par le régime d'assurance chômage
depuis plus de douze mois ; une aide à la formation des demandeurs d'emploi qui
suivent une formation ; le financement d'actions d'évaluation des compétences
professionnelles et le financement des actions d'accompagnement ou de
reclassement au profit des demandeurs d'emploi.
Toutes ces mesures sont destinées à favoriser le retour rapide des chômeurs
vers l'emploi. En conséquence, elles devraient permettre de réduire les durées
moyennes des périodes de chômage, et donc accentuer la forte baisse du chômage
engagée grâce à la politique économique menée par ce gouvernement. Le taux de
chômage - faut-il le rappeler ? - est passé de 12,6 % en juin 1997 à 8,7 % en
mars 2001. Il devrait être de l'ordre de 8,4 % à la fin de cette année.
L'article 2 réforme les conditions du financement du contrat de qualification
adulte. La convention signée par les partenaires sociaux prévoit ainsi de
ménager un accès privilégié au contrat de qualification adulte en faveur des
salariés involontairement privés d'emploi qui ont besoin d'acquérir une
qualification favorisant leur retour à l'emploi.
Cet accès privilégié prendra la forme d'une prise en charge des coûts de
formation correspondants par le régime d'assurance chômage. Cette intervention
financière du régime d'assurance chômage doit être expressément autorisée par
la loi dans la mesure où elle déroge au principe suivant lequel les ressources
de l'UNEDIC sont exclusivement utilisées pour indemniser les salariés
involontairement privés d'emploi.
L'article 3 crée une allocation de fin de formation, l'AFF. Aux termes de la
même convention, les chômeurs bénéficiant d'une formation prescrite par l'ANPE
continueront à percevoir l'allocation de retour à l'emploi dans la limite de la
durée d'indemnisation.
L'allocation de formation reclassement, l'AFR, est donc supprimée à compter du
1er juillet 2001, de même que l'allocation de formation de fin de stage, qui
avait vocation à prendre le relais de l'AFR à l'issue des droits, au titre de
l'assurance chômage.
Alors que la nécessité d'accroître la qualification de la population active
n'est pas contestée, il serait peu opportun de limiter la durée des formations
à celle des droits à l'indemnisation en assurance. L'article 3 vise donc à
créer une allocation afin de répondre à ce besoin. Il renvoie à un décret en
Conseil d'Etat le soin de fixer les conditions d'application de cette
allocation, notamment la durée maximale de versement, les catégories de
bénéficiaires et le montant de l'allocation.
L'article 4 a pour objet, d'une part, d'harmoniser la base légale du régime de
prescription des prestations et des contributions du régime d'assurance chômage
avec celle de la sécurité sociale et, d'autre part, de valider des dispositions
plus favorables tant aux employeurs qu'aux allocataires que celles que contient
la convention d'assurance chômage du 1er janvier 1997.
Enfin, les signataires de la convention du 1er janvier 2001 relative à
l'indemnisation du chômage et à l'aide au retour à l'emploi ont prévu, à
l'article 9 de cette convention, de verser à l'Etat, au titre de la
clarification financière entre ce dernier et le régime d'assurance chômage, 7
milliards de francs en 2001 et 8 milliards de francs en 2002.
L'article 5 du projet de loi vise donc à autoriser l'UNEDIC à procéder à ces
versements, qui sont destinés à soutenir des actions de politique de
l'emploi.
Telles sont, mesdames, messieurs les sénateurs, les mesures qui vous sont
proposées et qui doivent permettre, à compter du 1er juillet prochain, d'offrir
à tous les demandeurs d'emploi, sans distinction, des possibilités plus grandes
d'accès à l'emploi grâce à un accompagnement plus personnalisé et plus
complet.
En les adoptant, vous permettrez de conforter la marche engagée depuis juin
1997 pour le retour de notre pays au plein emploi et vous donnerez aux deux
millions de chômeurs qui nous interpellent toujours l'espoir de bénéficier des
effets de la croissance.
J'en viens maintenant aux dispositions du projet de loi relatives au Fonds de
réserve pour les retraites, qui figurent au titre II, à l'article 6.
La création du fonds de réserve est une étape essentielle de la politique du
Gouvernement pour assurer la pérennité de nos régimes de retraites par
répartition. Il est d'ailleurs à noter que le Sénat avait fait montre d'une
certaine impatience à ce sujet. Il va donc avoir satisfaction !
Notre ambition s'appuie sur deux objectifs : restaurer la capacité financière
de nos régimes de retraite et consulter tous les acteurs afin de trouver la
bonne méthode pour engager les réponses à venir.
La politique économique conduite depuis quatre ans permet d'envisager avec
sérénité et résolution l'avenir de nos régimes de retraite par répartition.
Amélioration du taux d'activité grâce à la baisse du chômage, amélioration des
recettes grâce à une croissance soutenue, telles sont les premières réponses
que le Gouvernement a apportées aux enjeux que constitue l'avenir de ces
régimes. Je rappelle qu'en 1997 le déficit de la branche vieillesse du régime
général atteignait 5 milliards de francs ; elle a connu un excédent de 3
milliards de francs pour l'année 2000.
Cet assainissement de la situation financière des régimes de retraite nous
donne le temps nécessaire pour étudier les mesures complémentaires à la
création du fonds en vue d'assurer leur équilibre financier à long terme.
Ce travail doit faire l'objet d'une large concertation et être préparé dans la
transparence. C'est pourquoi le Gouvernement a créé le conseil d'orientation
des retraites, où siègent les partenaires sociaux et des parlementaires. En
matière de retraites, question qui engage notre avenir, il n'y aura de
solutions durables que si elles sont discutées sereinement, évaluées de façon
approfondie, comprises par tous les acteurs.
Le travail du conseil d'orientation des retraites est essentiel. Le conseil
est un espace de débat sur les défis que doivent relever nos régimes de
retraite. Le récent colloque organisé le 5 avril dernier sur le thème « Age et
travail » a ainsi pu confirmer que l'un des chantiers prioritaires est celui
qui doit conduire à relever les taux d'activité des salariés en fin de carrière
plutôt que d'écarter ceux-ci de l'emploi, comme cela se pratique encore trop
souvent. Cet objectif, s'il est atteint, donnera de nouvelles marges de
manoeuvre aux régimes de retraite.
C'est donc bien une démarche cohérente que met en place le Gouvernement en
matière de retraites, conciliant l'amélioration immédiate de la situation
financière des régimes et l'anticipation des difficultés démographiques
auxquelles ils seront confrontés dans le long terme.
Ce sera le rôle du fonds de réserve pour les retraites que d'apporter cette
garantie pour le long terme. Sa mission sera en effet d'accumuler des réserves
financières jusqu'en 2020 et de les faire fructifier, afin de faciliter le
financement des régimes de retraite par répartition dans les années qui
suivront : les spécialistes parlent de « lissage » des besoins de financement.
L'objectif du Gouvernement est d'atteindre un montant de réserves de 1 000
milliards de francs en 2020.
Parvenir à la constitution de réserves d'un tel montant suppose bien sûr que
le fonds de réserve pour les retraites soit destinataire de ressources
importantes. Le projet de loi soumis à la Haute Assemblée en énumère plusieurs,
ce qui ne fera pas obstacle à ce que d'autres viennent s'y ajouter
ultérieurement.
Ainsi, nous nous donnons les moyens d'atteindre l'objectif fixé par le
Gouvernement de permettre au fonds de réserve pour les retraites d'accumuler 1
000 milliards de francs d'ici à 2020.
Il est vrai que les excédents de la caisse nationale d'assurance vieillesse,
la CNAV, qui doivent être affectés au fonds de réserve pour les retraites
seront sans doute moins importants que prévu. Cela s'explique principalement
par une moindre croissance de la population active et par la revalorisation des
pensions. Il est vrai aussi que le fonds de solidarité vieillesse, le FSV, sera
mis à contribution pour assurer le financement de l'allocation personnalisée
d'autonomie, l'APA.
M. Jean Delaneau,
président de la commission des affaires sociales.
Sans oublier quelques
autres prélèvements !
M. Guy Hascoët,
secrétaire d'Etat.
Les dernières projections concernant la montée en
charge du fonds de réserve pour les retraites ont été présentées le 2 mai
devant le conseil d'orientation des retraites. Elles permettent de bien mesurer
la crédibilité de l'objectif de 1 000 milliards de francs en 2020.
Cet objectif sera atteint, malgré de moindres excédents de la CNAV et le
financement de l'APA. En effet, l'amélioration plus rapide que prévu de la
situation de l'emploi entraîne la révision à la hausse des excédents du fonds
de solidarité vieillesse d'ici à 2020, car les dépenses supportées par le FSV
au titre des cotisations de retraite des chômeurs se trouvent réduites.
L'amélioration de l'emploi provoque aussi une amélioration du niveau moyen des
pensions, ce qui réduit plus rapidement le nombre d'allocataires du minimum
vieillesse. La bonne tenue de la croissance, enfin, permet un meilleur
dynamisme des recettes. L'écart structurellement favorable entre les dépenses
et les ressources du FSV se trouve donc renforcé.
La disposition de la loi de financement de la sécurité sociale prévoyant la
prise en charge progressive des avantages familiaux de retraite par la branche
famille de la sécurité sociale, qui ne figurait pas dans les projections
initiales, conduira également à renforcer la capacité de financement du FSV.
Les hypothèses économiques sur lesquelles sont fondées les projections du
Gouvernement sont raisonnables.
Le Gouvernement a en effet retenu une baisse progressive du taux de chômage,
qui atteindrait 4,5 % en 2010 pour se stabiliser à ce niveau. Je comprends que
certains puissent être désappointés par cette évolution positive !
(M. Alain Vasselle s'exclame.)
M. Jean Delaneau,
président de la commission des affaires sociales.
Ne dites pas cela,
monsieur le secrétaire d'Etat : personne ne se réjouit du chômage en France
!
M. Guy Hascoët,
secrétaire d'Etat.
Tant mieux ! C'est fort bien !
En tout cas, si le taux de chômage est passé de 12,7 % à 8 % en l'espace de
trois ans et demi, il n'est pas déraisonnable de penser qu'il pourra baisser
jusqu'à 4,5 % au cours des sept ou huit prochaines années. Cette donnée ne
paraît pas reposer sur une extrapolation irréaliste.
Les hypothèses de rendement retenues par le Gouvernement pour le placement des
ressources du fonds sont également prudentes : le taux de 4 % qui a été retenu
est en effet nettement inférieur à la moyenne constatée au cours des cinquante
ou des trente dernières années.
Le financement à court terme du fonds de réserve pour les retraites ne sera
que très marginalement affecté par les retards constatés dans la cession des
licences de téléphonie mobile, dites « licences UMTS ». Le fonds de solidarité
vieillesse est doté aujourd'hui de 38 milliards de francs. Une part importante
de la vente des licences UMTS sera affectée au fonds de réserve, lui permettant
d'approcher le montant prévu de 50 milliards de francs à la fin de 2001.
Je voudrais maintenant développer les principes sur lesquels reposera le fonds
de réserve pour les retraites.
Le premier d'entre eux devra être la transparence de la gestion.
La transparence, c'est d'abord la création de cet établissement public
spécifique qu'est le fonds de réserve pour les retraites. Cela permettra
d'individualiser très précisément les comptes.
La transparence, c'est aussi l'association des partenaires sociaux et des
parlementaires à la gestion du fonds de réserve pour les retraites. Celui-ci
aura la charge de l'épargne collective des Français. C'est pourquoi le projet
de loi institue un conseil de surveillance du fonds, dont seront membres des
parlementaires, des représentants des partenaires sociaux et des personnalités
qualifiées, et qui contribuera à la définition de la politique de placement. Il
aura aussi pour mission de contrôler les résultats et d'établir un rapport
annuel public sur la gestion du fonds. Il sera par ailleurs consulté sur la
nomination des membres du directoire, qui sera l'organe exécutif du fonds de
réserve pour les retraites et qui devra rendre compte régulièrement au conseil
de surveillance de la politique de placement.
La transparence s'exercera enfin avec les procédures de contrôle mises en
place. Ainsi, des commissaires aux comptes seront chargés de certifier les
comptes du fonds de réserve et de vérifier la sincérité de l'évaluation des
actifs du fonds. Celui-ci sera également soumis au contrôle de l'inspection
générale des finances et de l'inspection générale des affaires sociales.
La recherche de l'efficacité et de la sécurité des fonds est la deuxième
orientation qui préside à la création du fonds de réserve pour les retraites et
devra guider son action.
L'efficacité, cela signifie que l'on s'appuie sur des professionnels
compétents et que l'on met en place des procédures permettant d'assurer la
sécurité des fonds. C'est pour cette raison que le projet du Gouvernement
associe étroitement la Caisse des dépôts et consignations à la mise en oeuvre
du fonds de réserve pour les retraites.
Depuis 1816, date de sa création, la Caisse des dépôts et consignations a fait
la preuve de son efficacité et de sa capacité à gérer de l'épargne collective
dans le cadre de missions de service public. Le projet de loi lui confie donc
une nouvelle mission de service public : assurer la gestion administrative du
fonds de réserve pour les retraites. Elle devra ainsi assurer la conservation
et le dépôt des titres, contrôler les risques, assurer la bonne tenue des
opérations comptables, participer à la définition de la politique
d'investissement.
Le souci d'efficacité et de sécurité a également conduit le Gouvernement à
préciser dans le projet de loi les grands principes qui devront guider la
politique d'investissement.
Les dirigeants du fonds devront ainsi respecter l'objectif et l'horizon
d'utilisation des ressources du fonds : un investissement pour une durée de
vingt ans n'obéit pas, en effet, aux mêmes règles qu'un placement réalisé à
l'horizon de quelques mois ! Ils devront aussi respecter les principes de
prudence et de répartition des risques. Le fonds de réserve a donc vocation non
pas à être un acteur spéculatif sur les marchés financiers, mais bien à faire
prospérer dans les meilleures conditions l'épargne des Français.
L'efficacité du fonds de réserve pour les retraites suppose également qu'il
dispose d'une réelle indépendance. Il ne doit pas être soumis à des aléas
politiques, aux contingences budgétaires ou aux intérêts des opérateurs sur les
marchés financiers.
Dans cette pespective, le projet de loi instaure des dispositions très
précises.
Le directoire, organe exécutif du fonds de réserve pour les retraites, sera
composé de trois personnes chargées d'élaborer, en concertation avec le conseil
de surveillance, la politique d'investissement et de la mettre en oeuvre. Il
aura une grande indépendance.
Il sera composé non de représentants des administrations - qui siégeront au
conseil de surveillance - mais de professionnels à la compétence reconnue. Il
sera présidé par le directeur général de la Caisse des dépôts et consignations,
en cohérence avec le choix de confier à ce dernier établissement la gestion
administrative du fonds de réserve pour les retraites. Enfin, les membres du
directoire devront déclarer les intérêts ou les fonctions qu'ils peuvent
détenir ou exercer dans toute personne morale ; ils ne pourront pas délibérer
dans une affaire dans laquelle ils ont un intérêt.
Transparence, efficacité, sécurité, indépendance, tels sont donc les maîtres
mots sur lesquels le Gouvernement entend instituer le fonds de réserve pour les
retraites. Je ne doute pas que nous pourrons nous rejoindre sur ces
principes.
J'en viens maintenant à l'article 7 du projet de loi, qui ratifie l'ordonnance
du 19 avril 2001 portant réforme du code de la mutualité.
M. Jean Delaneau,
président de la commission des affaires sociales.
Intéressant !
M. Guy Hascoët,
secrétaire d'Etat.
Cette ratification marque l'aboutissement d'une
réforme qui touche un secteur majeur de la vie sociale de notre pays, puisqu'il
couvre plus d'un Français sur deux et gère 1 300 institutions sanitaires et
sociales.
Lorsqu'il a demandé au Parlement l'autorisation de procéder à cette réforme
par voie d'ordonnance, le Gouvernement s'était engagé à procéder rapidement à
la ratificaiton du texte. La loi d'habilitation du 3 janvier 2001 prévoyait
qu'un projet de loi en ce sens devait être déposé avant le 30 juin prochain.
Tel est précisément l'objet de l'article 7.
Le Gouvernement est soucieux de mener cette réforme à son terme dans les
meilleurs délais. Il s'agit en effet de lever l'incertitude juridique à
laquelle le monde mutualiste est confronté depuis la condamnation de la France
pour la non-transposition à ce secteur des directives « Assurance » de 1992.
Cette situation critique a conduit le Gouvernement à choisir la voie de
l'ordonnance, en raison de sa rapidité. Le Parlement a approuvé ce choix, qui
avait été fait en accord avec le monde mutualiste.
La loi d'habilitation du 3 janvier 2001 donnait au Gouvernement un délai de
quatre mois pour publier ce texte. Conformément aux engagements pris,
l'ordonnance a été publiée au
Journal officiel
le 22 avril dernier.
Comme le Gouvernement l'avait indiqué lors des débats sur la loi
d'habilitation, l'ordonnance reprend les dispositions du projet de loi qu'il
avait préparé au printemps 2000.
Ce texte permet d'assurer la transposition des directives « assurances » dans
ce secteur, tout en respectant son identité propre.
Ce résultat, nous le devons d'abord au travail réalisé par Michel Rocard dans
le cadre de la mission que lui avait confiée le Premier ministre en 1998. Il a
montré qu'il était possible de transposer ces directives tout en confortant les
valeurs de solidarité et de démocratie sociale qui animent le monde mutualiste.
Il a notamment défini comment les mutuelles pourraient continuer à gérer les
oeuvres sanitaires et sociales. C'était là l'une des préoccupations
essentielles du mouvement mutualiste, c'était aussi celle du Gouvernement.
Ce texte assure à la mutualité la sécurité juridique dont elle a besoin et
l'ouvre sur l'Europe ; il lui offre un cadre législatif modernisé et adapté à
ses besoins.
Conformément aux orientations dégagées par le rapport Rocard, ce texte met en
oeuvre le principe de spécialité, qui prévoit que toute entreprise entrant dans
le champ des directives « assurances » doit se limiter à cette activité, à
l'exclusion de toute autre activité commerciale. Dans cette perspective, les
mutuelles de santé devront séparer dans deux structures distinctes leurs
activités d'assurance et leur action sanitaire et sociale.
Tout en respectant l'esprit et la lettre des directives, le futur code
préserve les solidarités institutionnelles du mouvement mutualiste : il prévoit
comment une mutuelle de santé peut continuer à gérer des oeuvres sanitaires et
sociales, dès l'instant où elles représentent une activité accessoire au regard
de son activité d'assurance. Il encadre les tranferts financiers entre la
mutuelle d'assurance et la mutuelle gestionnaire de réalisations sanitaires et
sociales. Il garantit les droits et assure la protection des intérêts des
membres des organismes mutualistes, par le renforcement des règles
prudentielles. Il assure, de ce fait, l'harmonisation des règles techniques et
financières applicables à l'ensemble des organismes qui pratiquent des
opérations d'assurance : organismes mutualistes, institutions de prévoyance et
entreprises d'assurance.
Mais cette ordonnance est également l'occasion de moderniser le code de la
mutualité et de consacrer, par la loi, les principes de solidarité et de
démocratie sociale sur lesquels ce secteur s'est bâti.
L'ordonnance définit ainsi les « principes mutualistes » qui encadrent les
pratiques tarifaires des mutuelles, notamment en interdisant aux mutuelles de
santé de moduler leurs cotisations en fonction de l'état de santé de leurs
adhérents. Elle entend favoriser la démocratie mutualiste, à travers plusieurs
mesures symboliques, comme la création d'un statut de l'élu mutualiste et le
renforcement du rôle de l'assemblée générale des organismes. Elle précise le
rôle des fédérations mutualistes et consacre la place du conseil supérieur de
la mutualité, organe représentatif du milieu mutualiste.
Fruit d'une longue concertation avec l'ensemble des parties concernées, au
premier rang desquelles figurent, bien sûr, les fédérations mutualistes, ce
texte marque l'aboutissement des efforts du Gouvernement sur un dossier que
chacun savait délicat, et que beaucoup pensaient insoluble. Ce résultat est la
démonstration de la justesse de la méthode qui avait été choisie : celle du
dialogue et de la concertation. C'est pourquoi je comprends d'autant moins
l'accusation de « méthode expéditive » que votre commission des affaires
sociales formule dans son rapport. Mais je sais aussi que nombreux sont ceux
qui auraient souhaité un débat plus large.
M. Jean Delaneau,
président de la commission des affaires sociales.
Monsieur le secrétaire
d'Etat, me permettez-vous de vous interrompre ?
M. Guy Hascoët,
secrétaire d'Etat.
Je vous en prie.
M. le président.
La parole est à M. le président de la commission, avec l'autorisation de M. le
secrétaire d'Etat.
M. Jean Delaneau,
président de la commission des affaires sociales.
Vous venez de rappeler
les engagements que le Gouvernement avait pris lors de l'examen du projet de
loi d'habilitation et la large concertation à laquelle vous avez procédé pour
aboutir aux dispositions qui font l'objet du titre III du présent projet de
loi.
Je constate simplement que le Gouvernement a oublié un des engagements, qui
avait été pris par vous-même. Je me souviens de la discussion que nous avions
eue ici même et au cours de laquelle la commission des affaires sociales,
soutenant votre position, s'était opposée à la commission des finances dans des
conditions difficiles, au motif que vous vous étiez engagé à discuter du
contenu de ce code avec la représentation nationale, au moins avec le Sénat -
je ne sais si vous aviez pris les mêmes engagements à l'Assemblée nationale. Or
nous n'avons rien vu venir, si ce n'est, au
Journal officiel
, la
publication du nouveau code de la mutualité. Je veux bien qu'il y ait eu une
concertation ; ce qui m'étonne, c'est que vous ayez méprisé à la fois vos
engagements et la représentation nationale au Sénat.
M. le président.
Veuillez poursuivre, monsieur le secrétaire d'Etat.
M. Guy Hascoët,
secrétaire d'Etat.
Je comprends votre commentaire. Mais compte tenu de
l'obligation de ratifier l'ordonnance, cette ratification intervient à
l'occasion de l'examen d'un texte plus large portant diverses dispositions
d'ordre social, éducatif et culturel.
M. Jean Delaneau,
président de la commission des affaires sociales.
Nous avons été floués
!
M. Guy Hascoët,
secrétaire d'Etat.
Sans doute aurait-il été préférable qu'un large débat
s'organise autour de la mutualité. Mais il y a aussi des impératifs de
calendrier et des impatiences.
M. Jean Delaneau,
président de la commission des affaires sociales.
Si le Sénat est victime
des impatiences...
M. Guy Hascoët,
secrétaire d'Etat.
Si je ne suis pas toujours maître du temps, je ne suis
pas non plus maître de l'ordre du jour...
M. Alain Vasselle,
rapporteur de la commission des affaires sociales.
Le Gouvernement est
maître de l'ordre du jour !
M. Guy Hascoët,
secrétaire d'Etat.
Lorsque survient la possibilité de boucler un chantier
qui se trouve dans une insécurité juridique complète et qui flotte depuis huit
ou neuf ans, l'occasion ne peut être négligée.
Mais nous aurons sans doute l'occasion d'y revenir au cours du débat.
En ratifiant cette ordonnance, vous contribuerez à clore la phase
d'incertitude qui avait été ouverte par la non-transposition des directives «
assurance », et à offrir aux mutuelles un code rénové et modernisé, leur
permettant d'affronter avec confiance les enjeux des années à venir.
Les dispositions de ce projet de loi en matière d'éducation populaire et de
jeunesse, à savoir les articles 8 à 11, sont très attendues par l'ensemble des
acteurs de ce secteur. Ma collègue Marie-George Buffet a tenu à les proposer à
la délibération de la représentation nationale dans les plus brefs délais afin
de répondre à de réels besoins exprimés sur le terrain.
Ces dispositions visent d'abord à moderniser les modalités et les conditions
de l'agrément que le ministère de la jeunesse et des sports peut accorder aux
associations de ce secteur. Il s'agit de préciser les critères que doivent
remplir les associations intervenant dans le secteur de la jeunesse et de
l'éducation populaire pour obtenir cet agrément qui conditionne les subventions
du ministère de la jeunesse et des sports.
Pour des associations qui viennent d'être créées et à certaines conditions, il
est également proposé d'ouvrir la possibilité d'une aide financière du
ministère de la jeunesse et des sports, en attendant qu'elles engagent une
démarche de demande d'agrément. Il s'agit ainsi de répondre avec souplesse et
rapidité à l'expression de nouveaux modes d'engagement qui ne s'inscrivent pas
d'emblée dans la durée et qu'il convient d'accompagner vers la construction de
véritables projets associatifs.
Le projet de loi prévoit également de conforter les instances de concertation
qui existent dans le champ de la jeunesse et de l'éducation populaire. C'est
pourquoi il est proposé d'introduire dans la loi le conseil national de la
jeunesse et de l'éducation populaire, qui existe depuis 1944 sous différentes
appellations. Il vous est également proposé d'accorder cette reconnaissance
législative au conseil national de la jeunesse que le ministère de la jeunesse
et des sports a mis en place au début de l'année 1998 pour répondre à la
demande des jeunes de participer à l'action publique, d'être entendus par les
pouvoirs publics, de faire des propositions et d'assurer le suivi de leur mise
en oeuvre.
Enfin, il s'agit d'améliorer le contrôle exercé dans le but de protéger la
santé et la sécurité physique et morale des mineurs accueillis hors du domicile
parental durant les congés professionnels ou scolaires, ou à l'occasion des
loisirs. Il s'agit également de reconnaître, dans le même temps, la fonction
éducative de ces accueils lorsqu'ils sont réalisés dans le cadre de centres de
vacances ou de centres de loisirs sans hébergement.
C'est ainsi que le texte qui vous est proposé vise à écarter de toute fonction
auprès des mineurs accueillis dans ce cadre les personnes condamnées pour crime
ou pour des délits dont la définition suppose qu'elles présentent un danger
pour ces mineurs. Les incapacités d'exercice et les mesures de police
administrative sont renforcées et élargies en conséquence.
Il est également précisé que les organisateurs de centres de vacances et de
loisirs doivent élaborer, mettre en oeuvre et évaluer un projet éducatif. A
cela s'ajoutent des propositions d'harmonisation avec la loi du 16 juillet 1984
modifiée, relative à l'organisation et à la promotion des activités physiques
et sportives, concernant : l'obligation pour les organisateurs et les
exploitants de locaux de souscrire une assurance en responsabilité civile ; la
possibilité pour les agents du ministère de la jeunesse et des sports d'être
assermentés et de se voir ainsi confier des pouvoirs de police judiciaire les
renforçant dans leurs missions de contrôle ; les sanctions pénales à l'égard de
ceux qui ne respecteraient par les obligations fixées par le texte ou qui
n'exécuteraient pas les décisions prises par l'autorité administrative.
Je tiens, enfin, à préciser que toutes ces mesures sont très attendues par les
acteurs du secteur de la jeunesse et de l'éducation populaire, que Marie-George
Buffet a consultés au préalable.
Le dernier volet du projet de loi traite de dispositions relatives à
l'éducation et à la communication. Il s'agit des dispositions qui figurent aux
articles 12 et 13 du titre V.
Par l'article 12, il vous est proposé de clarifier le cadre juridique dans
lequel s'inscrivent les conventions passées par l'Institut d'études politiques
de Paris avec certains lycées classés en zone d'éducation prioritaire ou en
réseau d'éducation prioritaire, avec l'objectif de concourir à la
diversification des voies d'accès à cet établissement. Cette nouvelle voie
d'accès s'inscrira dans la tradition des « entrées parallèles » dans les écoles
: il en existe déjà à l'Institut d'études politiques de Paris pour l'entrée en
deuxième année, comme il en existe dans les écoles de commerce et
d'ingénieurs.
L'établissement procédera à ces recrutements parallèles en augmentant le
nombre de places ouvertes en première année : il n'y aura donc aucun préjudice
porté à la voie d'accès principale par concours. Cette initiative expérimentale
de la direction de l'Institut d'études politiques de Paris, pleinement
encouragée par mon collègue Jack Lang, constitue un enrichissement pour notre
société : elle permettra de diversifier les voies d'accès à un diplôme ouvrant
à des secteurs professionnels de hautes responsabilités et constituera un
signal fort à destination d'élèves souvent marginalisés, en dépit de leur
parcours scolaire excellent.
Enfin, par l'article 13, il vous est proposé des dispositions relatives au
secteur audiovisuel. Ainsi, cet article a pour objet d'assouplir la règle qui
limite à 49 % la part du capital d'une chaîne de télévision que peut détenir un
même actionnaire. L'enjeu consiste à accompagner et à faciliter le lancement de
la télévision numérique de terre, qui permettra de développer une offre
nouvelle de programmes et de la proposer à l'ensemble de nos concitoyens. Pour
la réussite de ce projet, la présence d'une offre privée importante, à côté de
l'offre publique, est bien évidemment fondamentale. Or, les discussions
engagées à l'occasion du vote de la loi du 1er août 2000 relative à la liberté
de communication ont conduit le Gouvernement à souhaiter faire évoluer un
dispositif qui, appliqué de manière trop générale dans un paysage audiovisuel
appelé lui-même à être profondément modifié, pouvait constituer un frein au
développement de la technologie numérique. Le dispositif qui vous est proposé,
adopté par l'Assemblée nationale en première lecture, ne vise donc pas à
revenir sur un principe général auquel nous sommes attachés en ce qu'il permet
de préserver le pluralisme, mais il permet, selon des modalités simples et
conformes aux principes généraux du droit, de ne pas soumettre à la règle des
49 %, d'une part, les chaînes dont l'audience est inférieure à 2,5 % et,
d'autre part, les chaînes qui ne sont que la duplication d'un programme
principal. Le seuil des 2,5 % concerne, concrètement, les « petites chaînes »,
en particulier les chaînes thématiques, et plus généralement toutes les chaînes
nouvelles pendant la phase de démarrage du numérique.
Il vous est aussi proposé - il s'agit désormais de l'article 15 du projet de
loi - de renforcer le rôle des collectivités locales dans l'établissement des
réseaux de télécommunications afin de favoriser l'essor du haut débit dont la
disponibilité devient un facteur déterminant du développement équilibré de
l'activité économique et de l'emploi sur l'ensemble du territoire, tel que le
souhaite le Gouvernement.
Enfin, il vous est proposé de compléter le dispositif d'encadrement des cartes
d'abonnement illimité au cinéma. Dans le cadre de la loi sur les nouvelles
régulations économiques, des mesures en faveur des ayants droit, d'une part, et
des petits exploitants, d'autre part, ont été adoptées pour éviter que ces
pratiques commerciales ne menacent l'équilibre général de l'économie du cinéma.
Aujourd'hui, il est proposé d'y ajouter une disposition adaptée au secteur de
la moyenne exploitation.
Un certain nombre de dispositions additionnelles ont été ajoutées lors de la
première lecture de ce texte à l'Assemblée nationale. Quelques-unes,
importantes, concernent le secteur de l'audiovisuel : je les ai déjà évoquées.
D'autres concernent des validations de concours, que je vous demanderai
d'approuver comme l'ont fait les députés. Enfin, le nouvel article 21, inséré
sur mon initiative, a pour objet la création, dans le cadre de la loi du 10
septembre 1947 portant statut de la coopération, d'une entreprise ayant un but
social : la société coopérative d'intérêt collectif, la SCIC.
Ce nouveau statut diffère du statut général des sociétés coopératives par sa
finalité altruiste : la SCIC n'a pas pour but la seule satisfaction de ses
propres adhérents ou associés, elle vise aussi à satisfaire d'un plus large
public. C'est pourquoi elle doit être régie par des règles spécifiques
d'organisation et de fonctionnement visant à instaurer une nouvelle logique de
partenariat entre usagers, bénévoles, salariés et financeurs.
Des collectivités locales et des entreprises privées pourront en être membres,
afin de combiner des ressources publiques et privées en faveur d'initiatives
économiques et citoyennes. Les sociétaires seront organisés par collèges -
salariés, usagers, bénévoles, financeurs,... - et le principe « une personne,
une voix » garantira l'efficacité de la société et son caractère
démocratique.
Une association pourra aussi se transformer en coopérative sans perdre la
personnalité morale puisqu'elles auront en commun la non-lucrativité. Pour
autant, le rôle des associations dans le champ économique n'est pas contesté ;
la SCIC n'a pas vocation à s'y substituer : elle complète les entités
juridiques qui sont à la disposition de ceux qui développent des projets
d'économie sociale et solidaire.
Telle est, mesdames, messieurs les sénateurs, la présentation que je
souhaitais faire de ce projet de loi, qui a, dans votre assemblée, mobilisé le
travail de deux commissions et de sept rapporteurs. J'ai conscience de
l'important travail que vous avez dû accomplir dans des délais très brefs, et
je vous en suis reconnaissant.
M. le président.
La parole est à M. le président de la commission des affaires sociales.
M. Jean Delaneau,
président de la commission des affaires sociales.
Monsieur le président,
monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, il n'est pas d'usage que le
président d'une commission saisie au fond s'exprime avant les rapporteurs de
cette dernière et avant les rapporteurs des commissions saisies pour avis. Je
les prie donc de ne pas m'en tenir rigueur.
Je veux simplement formuler quelques brèves observations liminaires.
La commission des affaires sociales, jusqu'à hier du moins, menait
conjointement l'examen de deux projets de loi portant diverses dispositions
d'ordre social.
Le premier, intitulé un peu pompeusement « projet de loi de modernisation
sociale », comportait, dans sa version examinée par l'Assemblée nationale en
janvier dernier, 48 articles. Au moment où l'Assemblée nationale s'apprêtait à
procéder au vote sur l'ensemble du projet de loi en deuxième lecture, il en
comportait 237.
Certes, il est bien naturel que le Parlement souhaite enrichir, au fil de la
navette, les textes soumis à son examen. Mais il est plus étonnant que le
Gouvernement soit l'auteur « direct » - il n'est d'ailleurs pas exclu qu'il ait
inspiré quelques initiatives parlementaires - de 59 articles additionnels.
C'est donc un deuxième projet de loi qui a été inséré par le Gouvernement au
cours de la navette.
Le second projet de loi - qui nous préoccupe aujourd'hui - s'annonce sous le
titre « bénin » d'un « projet de loi portant diverses dispositions d'ordre
social, éducatif et culturel ». Il se caractérise pourtant par la mise bout à
bout de plusieurs projets de loi, dont chacun aurait mérité une discussion
approfondie mobilisant les compétences spécifiques des différentes commissions
permanentes du Sénat et de celles de leurs membres les plus spécialisés dans
les sujets abordés.
Il est significatif que, pour un texte comportant à l'origine 13 articles, la
commission des affaires sociales ait dû nommer quatre rapporteurs, et la
commission des affaires culturelles, saisie pour avis, trois rapporteurs.
Le texte initial du Gouvernement comportait en réalité sept « projets de loi »
abordant successivement : la transcription de l'importante convention UNEDIC du
19 octobre 2000 ; le statut du fonds de réserve des retraites ; la ratification
des 223 articles du nouveau code de la mutualité ; un important dispositif de
réglementation des centres de loisirs accueillant des mineurs relevant de la
ministre de la jeunesse et des sports ; un volet concernant l'Institut d'études
politiques de Paris, introduit à la demande du ministre de l'éducation
nationale, et une réforme de la loi relative à la liberté de communication, à
laquelle la ministre de la culture et de la communication ne saurait rester
indifférente.
En dépit de cette pluralité d'inspiration, le projet de loi n'est présenté, au
nom du Premier ministre, que par la ministre de l'emploi et de la
solidarité.
Lors de l'examen de ce texte à l'Assemblée nationale sont venus de surcroît
s'ajouter, outre quelques dispositions diverses relatives au covoiturage, au
remplacement des pharmaciens d'officine - elles sont étrangement inscrites dans
le titre relatif au fonds de réserve des retraites - ou aux libéralités des
comités d'entreprise, un projet de loi nouveau modifiant profondément la loi du
10 septembre 1947 portant statut de la coopération et créant une nouvelle
catégorie de sociétés anonymes ou de sociétés à responsabilité à capital
variable, les « sociétés coopératives d'intérêt collectif » régies par le code
du commerce sous réserve des douze articles que comporte l'amendement déposé en
séance par le Gouvernement.
Ont également été ajoutés, d'une part, un dispositif concernant l'intervention
des collectivités territoriales en matière de réseaux de télécommunications,
modifiant le code général des collectivités territoriales tel qu'il résulte de
la loi d'orientation pour l'aménagement et le développement durable du
territoire du 25 juin 1999, qui avait été renvoyée pour examen, au Sénat, à une
commission spéciale et, d'autre part, une modification substantielle du code de
l'industrie cinématographique, qui avait d'ailleurs été déjà modifié par la loi
relative aux nouvelles régulations économiques, promulguée le 15 mai
dernier.
Il n'est guère étonnant, dans ces conditions, qu'un orateur à l'Assemblée
nationale ait pu évoquer un climat de « panique législative », comme celles des
gens qui, forcés à un prochain départ, entassent dans leur valise ce dont ils
n'avaient pas eu le temps de se préoccuper et qui meublera leur longue
absence.
La commission des affaires sociales du Sénat constate, pour sa part, un climat
délétère pour le respect des prérogatives les plus élémentaires du Parlement.
Non seulement le Gouvernement multiplie dans l'impréparation des projets de loi
dont il impose ensuite au Parlement une discussion précipitée, mais encore, il
truffe ces textes, en cours de navette, de dispositifs qui sont eux-mêmes des
projets de loi à part entière et qui ne sont ni délibérés en conseil des
ministres ni soumis à l'avis du Conseil d'Etat.
Il n'est guère étonnant que, parfois, la machine s'enraye, comme cela a été le
cas, hier, à l'Assemblée nationale. De ce point de vue, le parcours législatif
de l'« économie solidaire » apparaît particulièrement « exemplaire ».
La réforme du code de la mutualité avait fait l'objet d'une demande
d'habilitation à la va-vite. En dépit des assurances du Gouvernement, le débat
de ratification des 223 articles de ce code va être conduit « à la hussarde
».
Poursuivant dans cette voie expéditive, monsieur le secrétaire d'Etat, c'est
un nouveau projet de loi sur les sociétés coopératives que vous prétendez faire
enregistrer au Parlement sous la forme d'un amendement déposé en séance à
l'Assemblée nationale.
La commission des affaires sociales, pour sa part, a choisi de se
désolidariser de cette méthode, incompatible avec un travail législatif
sérieux. Elle attire avec quelque solennité l'attention du Gouvernement sur les
dangers de l'hypertrophie législative et sur les risques d'insécurité juridique
qui résultent de l'improvisation et de la précipitation.
Les parlementaires représentent, selon l'article 3 de la Constitution, la
souveraineté du peuple lorsque celui-ci ne l'exerce pas directement par voie
référendaire.
A ce titre, et parce que c'est là la mission qui leur a été confiée par le
suffrage universel, les parlementaires, députés ou sénateurs, se doivent de
faire un travail sérieux, réfléchi, parce que la loi qu'ils voteront s'imposera
à tous.
Le Sénat et ses commissions ne sont pas responsables des états d'âme, des
palinodies, des chantages qui perturbent la majorité plurielle. Ils n'ont pas à
épouser les querelles de famille, les insuffisances, les impatiences ou les
faiblesses des ministres qui veulent satisfaire leurs partenaires ou calmer les
exigences de telle ou telle fraction, comme aux plus beaux temps de la IVe
République.
C'est pourquoi soit nous refuserons de discuter des parties du projet de loi
qui nous sont présentées comme « à prendre ou à laisser », soit nous
consacrerons le temps nécessaire à la discussion, à l'examen des amendements
qui, eux, font partie du « droit réservé » des parlementaires.
La commission des affaires sociales a fait un énorme effort pour éviter tout
blocage. Mais nous ne sommes pas prêts à accepter n'importe quoi pour des
intérêts qui ne sont pas les nôtres !
(Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et
de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Souvet, rapporteur.
M. Louis Souvet,
rapporteur de la commission des affaires sociales.
Monsieur le président,
monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le titre Ier de ce projet
de loi vise à donner une base légale à la convention du 1er janvier 2001
relative à l'aide au retour à l'emploi et à l'indemnisation du chômage. Une
telle habilitation législative est en effet nécessaire à son application pleine
et entière à compter - le temps presse - du 1er juillet prochain.
Mais, avant de vous présenter plus en détail les articles de ce titre Ier, il
ne me paraît pas inutile, mes chers collègues, de revenir brièvement sur la
négociation et le contenu de cette convention.
Ces négociations ont en effet constitué un « étrange feuilleton », selon
l'expression de l'un des commentateurs les plus avisés en droit social.
Ouvertes le 17 mars 2000, elles ont été marquées par « maints rebondissements »
et ont donné lieu « aux péripéties les plus extravagantes ». Les partenaires
sociaux ont ainsi, à deux reprises, conclu une convention que le Gouvernement a
refusé d'agréer avant de se résoudre, dans un troisième temps, à prendre en
considération les propositions issues du dialogue social.
Cette convention a finalement été agréée le 6 décembre dernier ; mais les «
péripéties » n'allaient pourtant pas en rester là. Le Gouvernement, sans doute
marqué par ses anciennes réticences, ne déposait que le 25 avril dernier à
l'Assemblée nationale le présent projet de loi. Son adoption demeure pourtant
un préalable à l'application de l'ensemble de la convention à compter, je le
répète, du 1er juillet prochain.
Reste que le feuilleton n'est toujours pas terminé. Deux étapes sont encore à
franchir d'ici au 1er juillet : l'adoption du présent projet de loi et la
signature des deux conventions nécessaires à la mise en oeuvre de la convention
du 1er janvier 2001. Ces deux conventions sont aujourd'hui finalisées et leur
signature semble désormais imminente.
Ces négociations, fort mouvementées, ont néanmoins permis d'aboutir à une
convention très novatrice.
La commission des affaires sociales avait estimé, dès novembre dernier, que «
la nouvelle convention d'assurance chômage constitue une avancée décisive dans
la lutte contre le chômage structurel ». Elle ne peut, bien entendu, que
réitérer ici cette analyse. J'observe à ce propos que, pour l'UNEDIC, les
mesures contenues dans la convention devraient permettre de réduire le nombre
de chômeurs de 125 000 par an sur la durée de la convention.
Cette convention du 1er janvier 2001 présente, en effet, quatre
caractéristiques principales, qui constituent, de l'avis de la commission des
affaires sociales, autant d'évolutions très positives.
Elle permettra d'abord - et c'est le premier point positif - une réelle
activation des dépenses d'indemnisation du chômage en faveur d'un retour rapide
à l'emploi des chômeurs.
L'objectif est ici que les dépenses d'assurance chômage servent en priorité au
retour à l'emploi, et non à une indemnisation, certes nécessaire mais pas
forcément très incitative à la réinsertion professionnelle.
Les partenaires sociaux se sont déjà engagés, depuis quelques années, dans un
tel processus d'activation des dépenses passives d'indemnisation. Je pense, en
particulier, à l'accord du 8 juin 1994 sur les conventions de coopération et à
l'accord du 6 septembre 1995 sur l'ARPE, l'allocation de remplacement pour
l'emploi.
La convention du 1er janvier 2001 s'inscrit dans cette perspective. Mais elle
va beaucoup plus loin. Elle propose en effet un élargissement très sensible des
mesures d'activation ; elle prévoit aussi un accompagnement immédiat et
personnalisé de chaque demandeur d'emploi dans sa démarche de retour à
l'emploi.
La convention permet ainsi la mise en place, à compter du 1er juillet 2001, de
nouvelles aides à l'emploi directement financées par l'UNEDIC, mais prescrites
par l'ANPE. Ces aides, diverses mais complémentaires, sont les suivantes : une
aide dégressive à l'employeur qui embauche un demandeur d'emploi rencontrant
des difficultés spécifiques de réinsertion, cette aide pouvant être versée
pendant trois ans maximum ; une aide à la mobilité géographique pour le
demandeur d'emploi qui accepte un travail dans un autre bassin d'emploi que
celui où il était précédemment occupé ; une aide à la formation ; un accès
privilégié des demandeurs d'emploi ayant besoin d'acquérir une qualification
particulière aux contrats de qualification adulte ; enfin, le financement
d'actions d'évaluation des compétences professionnelles et d'actions
d'accompagnement en vue du reclassement.
La convention prévoit également un soutien personnalisé et immédiat pour tout
demandeur d'emploi indemnisé dans sa démarche de retour à l'emploi. C'est le
plan d'aide au retour à l'emploi, ou PARE.
Le PARE, souvent diabolisé, se présente en réalité comme une généralisation et
un approfondissement des dispositifs d'accompagnement individualisé déjà
existants, comme le programme « Nouveaux départs » ou le programme TRACE, ou
trajet d'accès à l'emploi.
A ce propos, ouvrant une parenthèse, je ne peux que déplorer le développement
d'une polémique aux très forts relents idéologiques sur la nature - obligatoire
ou non - du PARE. Je regrette que le Gouvernement ait, sur ce point, choisi la
voie bien inutile de la dramatisation. Il n'appartient certes pas au
législateur d'interpréter la convention, mais il me semble vain de multiplier
les prises de positions les plus ambiguës alors que la simple lecture de la
convention suffit, à elle seule, à dissiper tout doute à ce sujet.
Pour en revenir au PARE, j'observe qu'il apporte une triple amélioration par
rapport aux dispositifs actuels d'accompagnement : il est immédiat, alors qu'il
n'intervient qu'au bout d'un an de chômage dans le cadre du programme «
Nouveaux départs », par exemple ; il est à la fois progressif et continu ; il
bénéficie de moyens renforcés, 15 milliards de francs étant dégagés à cet effet
par l'UNEDIC.
Voilà pourquoi la commission des affaires sociales ne peut que s'associer à
cette forte initiative des partenaires sociaux.
Deuxième point positif : une amélioration de l'indemnisation des demandeurs
d'emploi.
D'une part, le nombre de chômeurs indemnisés sera plus élevé. La convention
prévoit en effet une révision de la durée minimale d'affiliation exigée pour
ouvrir droit à indemnisation. La durée d'activité minimale est ainsi ramenée -
vous l'avez précisé, monsieur le secrétaire d'Etat - de quatre mois pendant les
huit derniers mois à quatre mois pendant les dix-huit derniers mois. La
convention prévoit également une prise en charge spécifique des créateurs
d'entreprise si l'entreprise doit cesser son activité dans les trois ans qui
suivent sa création.
D'autre part, le niveau de l'indemnisation sera amélioré. La dégressivité des
allocations introduite en 1992 par le dispositif de l'allocation unique
dégressive est supprimée.
Troisième point positif : une baisse significative des cotisations.
Les cotisations d'assurance chômage pourraient en effet diminuer de 43,5
milliards de francs sur la période 2001-2003, si l'évolution de la situation
financière de l'UNEDIC le permet. Leur taux passerait ainsi de 6,18 % en 2000 à
5,40 % en 2002.
La commission des affaires sociales ne peut que se féliciter de cette baisse.
Elle se traduira en effet, pour les entreprises, par une réduction des charges
favorable à l'emploi, à la compétitivité et à la croissance. En outre, elle
implique une amélioration du pouvoir d'achat des salariés.
Quatrième point positif : des moyens financiers considérables, mais
réalistes.
Pour contribuer à la réussite de la nouvelle convention d'assurance chômage,
les partenaires sociaux ont décidé de mobiliser des moyens financiers
considérables, grâce au recyclage des excédents financiers de l'UNEDIC.
Ainsi, 113 milliards de francs seront dégagés sur trois ans : 50 milliards de
francs en faveur des chômeurs, 43 milliards de francs pour la baisse des
cotisations et 20 milliards de francs au profit de l'Etat.
Je tiens ici à souligner l'ampleur de l'effort réalisé par les partenaires
sociaux, mais aussi leur sens des responsabilités. Ils ont en effet prévu une
clause de sauvegarde, afin de garantir l'équilibre financier du régime
d'assurance chômage pour la durée de la convention. Ainsi, si cet équilibre
n'était pas assuré, des mesures de sauvegarde, prenant notamment la forme d'une
révision de l'échéancier des baisses de cotisations, pourraient bien sûr
intervenir.
Ce sont ces quatre appréciations positives qui m'amènent aujourd'hui à porter
un jugement très favorable sur la convention du 1er janvier 2001, et je me
félicite de ce que, après tant d'occasions manquées depuis quatre ans, qu'il
s'agisse des emplois-jeunes, des 35 heures, du financement de l'alternance ou
des licenciements, le Gouvernement et la commission des affaires sociales du
Sénat arrivent enfin à une analyse commune en vue de proposer une réponse aux
problèmes de l'emploi, même si les réticences manifestées par le Gouvernement à
propos de cette convention demeurent évidentes, comme en témoigne sa «
conversion » pour le moins tardive et parfois ambiguë.
Ces appréciations positives resteront cependant lettre morte si la convention
du 1er janvier 2001 n'est pas appliquée, or cela reste aujourd'hui pour partie
subordonné à l'adoption de mesures législatives.
En effet, le code du travail n'autorise pas l'utilisation des ressources de
l'UNEDIC à une autre fin que l'indemnisation des chômeurs. Il est donc
nécessaire de modifier la loi pour permettre la mise en oeuvre de la
convention.
Une telle pratique n'est d'ailleurs pas inédite. Ainsi, la loi du 4 février
1995 a donné une base légale aux conventions de coopération, et la loi du 21
février 1996 a habilité l'UNEDIC à financer le dispositif de l'allocation de
remplacement pour l'emploi, l'ARPE. J'observe que, dans les deux cas, le Sénat
avait adopté ces dispositions à l'unanimité.
J'en viens maintenant aux cinq articles du titre Ier.
L'article 1er autorise le financement par l'UNEDIC des mesures d'aide au
retour prévues par la convention du 1er janvier 2001 : aide à la mobilité, aide
dégressive à l'employeur, aide à la formation, actions d'accompagnement
personnalisées, qui toutes seront prescrites par l'ANPE.
L'article 2 autorise le régime d'assurance chômage à financer les contrats de
qualification pour adultes et prolonge le délai ouvert aux partenaires sociaux
pour pérenniser le dispositif jusqu'au 30 juin 2002.
En effet, il s'agit, je le rappelle, d'un dispositif expérimental introduit
par la loi d'orientation du 29 juillet 1998 relative à la lutte contre les
exclusions. C'est un programme utile qui doit permettre à des chômeurs très
éloignés de l'emploi d'acquérir, par la voie de l'alternance, une qualification
reconnue, mais il fonctionne mal : alors que le Gouvernement visait un objectif
de 25 000 contrats en 2000, moins de 7 000 ont été effectivement signés.
La convention du 1er janvier 2001 devrait permettre une relance de ce
dispositif. L'UNEDIC prévoit en effet de financer, à hauteur de un milliard de
francs par an, les coûts de formation.
J'ajoute que les partenaires sociaux semblent également très proches d'un
accord sur la pérennisation du dispositif, puisque la signature pourrait
intervenir en juin ou en juillet prochains.
L'article 3 institue une allocation de fin de formation, afin de permettre aux
demandeurs d'emploi de continuer à être indemnisés au-delà de la durée des
droits à l'assurance chômage si la formation qu'ils ont entamée, sur
prescription là encore de l'ANPE, n'est pas achevée. Il serait en effet absurde
de devoir limiter la durée des formations proposées aux chômeurs, en l'alignant
sur la durée de leurs droits à l'assurance chômage.
L'article 4, très technique, vise à donner une base légale au nouveau régime
de prescription applicable aux contributions et aux allocations de l'assurance
chômage, qui a été fixé par la convention.
L'article 5, enfin, autorise l'UNEDIC à verser à l'Etat 15 milliards de francs
entre 2001 et 2002.
La convention d'assurance chômage aborde en effet la question dite de la «
clarification des relations financières UNEDIC-Etat ».
Il est vrai que, à défaut d'être véritablement opaques, les relations
financières entre l'Etat et l'UNEDIC sont complexes.
Ainsi, l'aggravation du chômage au début des années quatre-vingt-dix avait
provoqué une dégradation rapide des comptes de l'UNEDIC, et l'Etat avait alors
été dans l'obligation de soutenir financièrement le régime d'assurance chômage.
La situation financière de l'assurance chômage s'est très sensiblement
redressée depuis 1995, et les perspectives financières de l'UNEDIC apparaissent
désormais bien plus favorables.
Dans ces conditions, l'Etat a souhaité que les partenaires sociaux
introduisent dans la nouvelle convention d'assurance chômage une « clause de
retour à meilleure fortune ». Il est d'ailleurs à noter que les deux
conventions que le Gouvernement a refusé d'agréer étaient à la fois moins
explicites et, surtout, moins généreuses pour l'Etat : la première ne
comportait aucune disposition relative à ce sujet ; la seconde comprenait un
article de principe qui allait en ce sens, mais sans prévoir d'engagement
chiffré.
L'article 9 de la convention, article qui n'a d'ailleurs pas été agréé par
l'arrêté du 4 décembre dernier, fixe les règles d'une telle clarification des
relations financières entre l'UNEDIC et l'Etat.
Il prévoit ainsi le versement par l'UNEDIC à l'Etat de 7 milliards de francs
en 2001, puis de 8 milliards de francs en 2002.
Il prévoit également le renoncement de l'UNEDIC au versement d'une subvention
de 5 milliards de francs en octobre 2002, afin de rembourser les emprunts
contractés par le régime d'assurance chômage.
Le présent article vise à donner une base légale à cet article 9 de la
convention. En l'état actuel de la législation, je le rappelle, l'UNEDIC n'est
en effet pas autorisée à verser une contribution au budget de l'Etat. En
conséquence, le présent article autorise - sans l'y obliger, je le souligne -
l'UNEDIC à verser à l'Etat 7 milliards de francs en 2001 et 8 milliards de
francs en 2002.
Ces cinq articles ont été adoptés par l'Assemblée nationale sans véritable
modification, mais dans un climat souvent houleux, on en conviendra. La
commission des affaires sociales proposera d'ici quelques minutes au Sénat de
faire de même, dans un climat, je l'espère, plus apaisé.
Mais je souhaiterais auparavant exprimer deux souhaits, deux craintes et deux
regrets.
Le premier souhait part d'une constatation.
La mise en oeuvre des mesures prévues par la convention - et par le projet de
loi - repose sur la seule ANPE, et leur efficacité dépendra donc, en
définitive, de la capacité de cette dernière à se mobiliser. La commission des
affaires sociales espère que l'ANPE pourra bénéficier du soutien de l'Etat,
afin qu'elle puisse faire face à ses nouvelles missions dans les meilleures
conditions. Il apparaît notamment nécessaire de revoir le contrat de progrès
signé entre l'ANPE et l'Etat, qui porte sur la période 1999-2003, car son
équilibre sera, à mon sens, profondément modifié par la nouvelle convention.
Le second souhait concerne, plus largement, la politique de l'emploi menée par
le Gouvernement.
En signant la convention, les partenaires sociaux ont en effet consenti un
effort tout particulier en faveur des demandeurs d'emploi relevant du régime
d'assurance chômage. Ils ont également fait preuve de leur solidarité vis-à-vis
des autres demandeurs d'emploi en élargissant le champ de l'indemnisation par
l'UNEDIC. En cela, les partenaires sociaux ont amplement épuisé, me
semble-t-il, le domaine de leurs compétences.
Il reste qu'aujourd'hui 58 % des demandeurs d'emploi relèvent non pas de
l'assurance chômage, mais de la solidarité nationale. Il serait donc logique
que l'Etat prenne à son tour ses responsabilités et intervienne vigoureusement
en faveur du retour à l'emploi et de l'amélioration de la situation des
chômeurs non indemnisés par l'UNEDIC. Pour ce faire, la convention du 1er
janvier 2001 lui donne les marges de manoeuvre financières nécessaires, au
titre précisément de la clarification des relations financières entre l'Etat et
l'UNEDIC.
La commission des affaires sociales ne peut donc que souhaiter que l'effort
consenti par les partenaires sociaux en faveur des chômeurs indemnisés
s'accompagne d'un effort de même ampleur de l'Etat en faveur des chômeurs non
indemnisés.
A ce propos, il importe notamment de veiller à une meilleure prise en compte
des agents contractuels des collectivités locales et des autres fonctions
publiques. Ces agents ne sont en effet pas affiliés, sauf exception, au régime
d'assurance chômage. Dès lors, on ne peut que souhaiter qu'ils puissent
également bénéficier des mesures d'aide au retour à l'emploi mises en oeuvre
par l'ANPE, sinon il faudra prévoir une multitude de PARE et un dispositif à
nombreuses vitesses. Se posera là un vrai problème, sauf si l'on décide de
faire bénéficier les agents contractuels des fonctions publiques des mesures
d'aide au retour à l'emploi ou de les priver du PARE et de leur laisser le
bénéfice des indemnités anciennes, ce qui n'améliorerait cependant en rien leur
situation.
Mes craintes rejoignent d'ailleurs mon dernier souhait.
Ma première crainte naît, là encore, d'un constat.
La convention du 1er janvier 2001 se traduit en effet par une substitution
progressive des partenaires sociaux à l'Etat pour le financement de la
politique de l'emploi.
Ainsi, en matière de formation des chômeurs, l'aide à la formation se
substituera à l'actuelle allocation formation-reclassement. Or cette dernière
est actuellement financée à concurrence de 41 % par le budget de l'Etat.
De la même manière, s'agissant du soutien personnalisé aux demandeurs
d'emploi, l'UNEDIC financera l'ANPE en lieu et place de l'Etat : 3,1 milliards
de francs devraient être consacrés à cette fin en année pleine, alors que le
budget de l'agence est actuellement d'environ 8 milliards de francs. Les trois
huitièmes, c'est tout de même beaucoup !
Au travers de ces exemples se profile un risque : celui du désengagement
budgétaire de l'Etat. Il ne faudrait pas que la politique de l'emploi du
Gouvernement en vienne à se résumer à un simple problème de financement des 35
heures.
Ma seconde crainte concerne l'affectation à venir des 15 milliards de francs
versés par l'UNEDIC.
Les partenaires sociaux ont exprimé le souhait, dans le texte de la
convention, que « cette ressource exceptionnelle soit affectée au financement
d'actions en faveur des demandeurs d'emploi relevant du régime de solidarité
».
Je ne peux douter
a priori
de l'engagement du Gouvernement sur ce
point, mais je constate que, en l'état actuel des choses, aucune mesure
d'affectation n'est prévue.
Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité nous a annoncé, lors de son
audition, qu'elle n'envisageait pas de créer un fonds de concours. Cette
procédure, qui relève de la seule initiative du Gouvernement, est pourtant la
seule qui permette d'assurer l'affectation de recettes non fiscales dans la
plus totale transparence et dans le respect du cadre fixé par l'ordonnance
organique du 2 janvier 1959. Je souhaiterais donc demander de nouveau pourquoi
est écartée cette solution du fond de concours.
Aussi, au regard de cette incertitude et à titre conservatoire, la commission
des affaires sociales présentera-t-elle au Sénat un amendement visant à
apporter une réponse, ou tout au moins une précision, s'agissant de l'usage du
versement de l'UNEDIC, afin qu'il soit conforme au voeu exprimé par les
partenaires sociaux.
Si l'examen de ce projet de loi attise quelques craintes, il alimente aussi
des regrets.
Mon premier regret tient aux procédures retenues par le Gouvernement,
procédures qui risquent d'être lourdes de conséquences pour les demandeurs
d'emploi.
Je regrette ainsi que le Gouvernement ait, par deux fois, refusé d'agréer les
conventions conclues par les partenaires sociaux, reportant par là même de six
mois l'application des nouvelles mesures en faveur du retour à l'emploi.
Je regrette également que le Gouvernement ait laissé passer près de cinq mois
entre sa décision d'agréer la convention et le dépôt du présent projet de loi,
alors même que celui-ci doit être définitivement adopté avant la fin de la
session.
Je regrette enfin que le Gouvernement ait choisi de « noyer » ces dispositions
dans un projet de loi portant diverses mesures d'ordre social, comme l'a
rappelé M. le président de la commission des affaires sociales, alors qu'elles
auraient à l'évidence mérité de faire l'objet d'un texte de loi spécifique.
Sans doute faut-il y voir le souci de ménager certains groupes de la majorité
plurielle ou de s'assurer de leur soutien. Il n'en reste pas moins que le dépôt
d'un projet de loi distinct aurait peut-être permis une adoption conforme de
celui-ci par les deux assemblées dès la première lecture ; cela aurait alors
permis l'entrée en vigueur de la convention dans de bien meilleures conditions.
Mon second regret touche à l'interprétation inutilement restrictive de la
convention que fait parfois le projet de loi.
Cette interprétation restrictive est tout particulièrement évidente en ce qui
concerne les conditions d'attribution des aides au retour à l'emploi. La
convention du 1er janvier 2001 renvoyait leur définition au dialogue social,
mais le Gouvernement a choisi d'introduire dans le projet de loi de nouveaux
critères d'attribution non prévus par la convention : ainsi en va-t-il de la
nature des contrats de travail, des conditions de cumul avec d'autres aides à
l'emploi, de la situation de l'employeur vis-à-vis de l'emploi et du
licenciement.
Or non seulement ces critères sont parfois en contradiction avec l'esprit et
la lettre de la convention, mais ils n'apparaissent pas non plus toujours
pertinents.
Ainsi, l'aide à la mobilité et l'aide dégressive à l'employeur sont réservées
aux seules embauches en contrat à durée indéterminée ou en contrat à durée
déterminée d'au moins douze mois. Pourquoi exclure, par exemple, les embauches
sous contrat de travail temporaire d'une durée d'au moins douze mois ? La
cohérence est donc bien incertaine. Le Sénat, monsieur le secrétaire d'Etat,
aimerait vous entendre sur ce point.
De même, s'agissant de l'aide dégressive, la condition de non-cumul avec
d'autres aides à l'emploi apparaît si curieuse que même la commission des
affaires culturelles de l'Assemblée nationale - peu suspecte d'opposition au
dispositif du Gouvernement - avait envisagé, dans un premier temps, de la
supprimer.
Pour autant, dans le souci de garantir l'application rapide de la convention
et après l'audition de l'ensemble des partenaires sociaux gestionnaires de
l'UNEDIC, la commission des affaires sociales n'a pas jugé utile de vous
proposer ici une nouvelle rédaction du projet de loi. Il est vrai que ces
interprétations restrictives, si elles apparaissent à l'évidence abusives, ne
conduisent pas à une dénaturation des propositions issues du dialogue
social.
Voilà pourquoi la commission des affaires sociales vous propose, mes chers
collègues, d'adopter conformes les articles de ce titre Ier ou, tout au moins,
les quatre articles conditionnant l'application des nouveaux dispositifs de
retour à l'emploi dès le 1er juillet prochain puisque, sur le cinquième, vous
le savez, nous avons déposé un petit amendement de précision.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants
et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Vasselle, rapporteur.
M. Alain Vasselle,
rapporteur de la commission des affaires sociales.
Monsieur le président,
monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, l'article 6 du projet de
loi insère neuf nouveaux articles dans le code de la sécurité sociale. Son
importance est majeure, puisqu'il crée le fonds de réserve pour les retraites.
Certes, ce fonds existait déjà depuis la loi de financement de la sécurité
sociale pour 1999, mais sous la forme provisoire d'une « deuxième section »
comptable du fonds de solidarité vieillesse.
La commission des affaires sociales avait considéré, lors de la discussion du
projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2001, qu'il était
urgent de doter le fonds de réserve d'un véritable statut. Elle n'était pas
isolée dans cette démarche, puisque notre excellent collègue Claude Domeizel
avait également déposé un amendement dont l'ambition était similaire. Sur la
démarche à adopter, nous avions donc une position presque consensuelle.
M. Claude Domeizel.
Cela arrive !
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Dans ces conditions, nous ne pouvons que nous féliciter de la
présence du titre II dans ce projet de loi, encore que le sujet aurait mérité
un projet de loi autonome, il faut le reconnaître.
Toutefois, la commission des affaires sociales souhaite rappeler que le fonds
de réserve ne constitue en aucun cas une solution pour contribuer de manière
efficace au financement des retraites : les difficultés que rencontre le
Gouvernement pour l'augmenter ne font que confirmer ce constat.
De plus, le projet de loi, par ses absences et ses déficiences, montre que des
questions fondamentales restent à trancher.
Je souhaiterais d'abord rappeler que le fonds de réserve est une réponse
largement incomplète au défi du financement des retraites.
Monsieur le secrétaire d'Etat, vous le savez bien : « gouverner, c'est prévoir
». Pourtant, le dossier de la réforme des retraites, qui devait reposer sur le
triptyque « diagnostic, dialogue, décision », est désormais enterré...
M. Claude Domeizel.
Comment ça ?
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Monsieur Domeizel, je vais vous rafraîchir la mémoire, si
besoin est !
Le Premier ministre, le 21 mars 2000, a fait connaître ses « grandes
orientations », qui ne répondent en rien au défi majeur du financement des
retraites.
Sous la pression d'un diagnostic - celui du rapport Charpin - qui confirmait,
soit dit en passant, ceux qui avaient déjà été formulés en 1991 et en 1995, le
Gouvernement se devait de prendre des initiatives, sauf à faire apparaître
clairement qu'il avait définitivement renoncé à ouvrir le dossier des
retraites.
La création d'une commission, le « conseil d'orientation des retraites »,
chargée d'être « vigilante » et de remettre un rapport en 2002 ne pouvait, à
l'évidence, à elle seule, persuader les Français que l'avenir de leur retraite
était garanti.
Un rapport tous les trois ou quatre ans, de 1991 à 2002, ne saurait, en effet,
mes chers collègues, être raisonnablement considéré comme une médecine
décisive.
La création d'un fonds de réserve constitue donc, dans l'immédiat, la seule
mesure concrète prise par le Gouvernement depuis 1997 ; et nous sommes en 2001
!
M. Claude Domeizel.
Ce n'est pas la seule !
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Ce fonds, qui devait être alimenté à hauteur de 1 000
milliards de francs selon M. Jospin, devait avoir pour « vertu pédagogique » de
frapper l'opinion et donner ainsi l'illusion que, de rapport en rapport, de
concertation en concertation, le Gouvernement avait engagé une véritable
réforme des retraites.
Mais il convient de rappeler que ce montant, à supposer qu'il soit atteint, ne
correspond en rien aux besoins de financement des régimes.
Ces besoins de financement, ils viennent d'être rappelés, le 17 mai dernier,
par le conseil d'orientation des retraites. Les chiffres communiqués, qui
s'appuient sur une hypothèse d'un taux de chômage de 4,5 %, comme vous l'avez
rappelé, monsieur le secrétaire d'Etat, ne font que confirmer ceux du rapport
Charpin. Il n'y a donc rien de neuf en la matière.
A titre d'exemple, le déficit de la seule caisse nationale d'assurance
vieillesse atteindrait 71,6 milliards de francs en 2020. Je rappelle que son
déficit cumulé serait compris, à cette même date, entre 600 et 920 milliards de
francs, soit la majeure partie des 1 000 milliards de francs annoncés.
Affirmant, tout à l'heure, monsieur le secrétaire d'Etat, que, grâce à
l'action du Gouvernement, la situation de la caisse nationale d'assurance
vieillesse s'était améliorée, vous avez cité deux chiffres : en 1997, à votre
arrivée au pouvoir, la CNAV accusait un déficit de cinq milliards de francs ;
aujourd'hui, en 2001, elle accuse un résultat excédentaire de trois milliards
de francs. Et vous en tirez la conclusion que l'action du Gouvernement a été
tout à fait dynamique et positive, et que les mesures prises ont permis
d'améliorer la situation.
M. Claude Domeizel.
C'est vrai !
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Vous omettez de dire, monsieur le secrétaire d'Etat, que ces
bons résultats sont la conséquence mécanique de l'évolution des différentes
tranches d'âge. Aujourd'hui, ce sont les tranches d'âge les plus creuses qui
arrivent à l'âge de la retraite, ce qui explique l'essentiel de ce résultat
positif. D'ailleurs, il suffit de se tourner vers les représentants de la CNAV,
son directeur ou son président, pour en avoir la confirmation.
Je ne dis pas que l'amélioration de la situation conjoncturelle sur le plan
économique et social n'a pas apporté une part contributive à cette
amélioration, mais elle n'explique pas, à elle seule, cette situation. Il
existe d'autres éléments que vous vous gardez bien d'avancer parce que,
évidemment, ils ne sont pas de nature à valoriser l'action ministérielle sur le
dossier des retraites.
Mes chers collègues, le rapport de contrôle sur le fonds de réserve que j'ai
eu l'honneur de présenter devant la commission le 19 avril dernier a montré que
la perspective des « 1 000 milliards de francs » se fondait sur des hypothèses
macro-économiques favorables, et sous réserve d'une stricte indexation sur les
prix de l'évolution des pensions.
Ce rapport a analysé également les différentes « ponctions » effectuées sur le
fonds de solidarité vieillesse, qui est le principal « contributeur » du fonds
de réserve, pour financer les trente-cinq heures, pour financer l'allocation
personnalisée d'autonomie, l'APA - vous avez eu l'objectivité de le dire,
monsieur le secrétaire d'Etat - mais également - vous ne l'avez pas indiqué,
monsieur le secrétaire d'Etat, et je me permets de le rappeler à nos collègues
- le règlement de la dette de l'Etat à l'égard des régimes complémentaires de
l'association générale des institutions de retraites des cadres, l'AGIRC, et de
l'association des régimes de retraites complémentaires, l'ARRCO.
Tout le mécanisme de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2001 a
été de tenter de compenser ces ponctions par de nombreux abondements. A vous
entendre, vous avez trouvé la formule qui permet de ne pas « déshabiller » le
fonds de solidarité vieillesse. En fait, vous avez transféré sur la branche «
famille » une partie des dépenses qui étaient à la charge du FSV, à savoir les
bonifications pour enfants. Vous n'avez donc fait que déplacer le problème du
fonds de solidarité vieillesse vers la branche « famille », une branche qui est
aujourd'hui excédentaire mais qui sera, à moyen terme et à long terme, dans une
situation déficitaire. Ainsi, vous avez habillé Paul pour déshabiller Pierre et
bouché un trou en un creusant un nouveau !
C'est que la compensation décidée ne va pas égaler la totalité des
prélèvements effectués, et même si la branche « famille » prend en charge les
majorations de retraite pour âge, jusqu'alors financées par la branche «
vieillesse », les ponctions opérées, qui sont de l'ordre de 540 milliards de
francs - sans compter l'effet sur les produits financiers - dépassent les
compensations, qui ne sont que de 415 milliards de francs.
Donc, monsieur le secrétaire d'Etat, la mesure que vous avez prise se traduit
par un manque pour le fonds de solidarité vieillesse, donc pour le fonds de
réserve, puisque celui-ci est alimenté par le produit des excédents du fonds de
solidarité vieillesse.
Dans mon rapport écrit, j'insistais en outre sur le démarrage particulièrement
« poussif » du fonds de réserve, les prévisions affichées par les lois de
financement de la sécurité sociale pour 2000 et 2001 n'étant pas respectées.
Ainsi, le fonds de réserve est en retard sur son plan de marche, puisqu'il
manquera, à la fin de l'année 2001, plus de 15 milliards de francs, en raison,
notamment, de la « déconfiture » des licences UMTS. Or le respect scrupuleux de
l'échéancier des abondements du fonds est fondamental, car le retard ne se
rattrape jamais.
D'ailleurs, monsieur le secrétaire d'Etat, je relève dans vos propos
liminaires que, d'ici à la fin de l'année 2001, grâce au produit des licences
UMTS, nous devrions compter sur 50 milliards de francs, au lieu des 38
milliards de francs affichés en loi de financement de la sécurité sociale. Vous
oubliez de dire que, dans cette même loi de financement, était prévu un
abondement d'un niveau bien supérieur à celui que vous avez annoncé aujourd'hui
! Si ce qu'avait annoncé M. le Premier ministre en mars 2001 avait été
respecté, nous aurions disposé, à la fin de l'exercice 2001, non pas de 50
milliards de francs mais d'environ 76 milliards de francs, voire de 78
milliards de francs.
Donc, non seulement un retard est pris en ce qui concerne l'abondement du
fonds de réserve, mais ce retard va avoir des conséquences négatives sur le
niveau des produits financiers qui auraient dû résulter du placement des sommes
: les 50 milliards de francs ne produiront évidemment pas les mêmes intérêts
que les 78 milliards de francs.
Donc, le montant des produits financiers diminue de dix milliards de francs,
alors même que le montant des abondements augmente de 190 milliards de francs
par rapport à la prévision initiale. C'est bien l'aveu que le fonds de réserve
connaît un retard dans son plan de marche, puisque le montant des produits
financiers sera d'autant plus important que les abondements l'auront été en
début de période, ce qui ne sera pas le cas.
Mais, par un grand mystère, les excédents du fonds de solidarité vieillesse et
de la C3S progressent miraculeusement, passant de 400 milliards de francs à 650
milliards de francs.
M. le Premier ministre n'avait donc pas été informé de cette croissance que
l'on vient de découvrir, comme par hasard, au moment où ce projet de loi vient
en discussion devant le Parlement, à la suite d'ailleurs de l'examen sur pièces
et sur place que nous avons fait effectué tant au ministère de l'économie et
des finances qu'au ministère de l'emploi et de la solidarité...
Lors de son audition par la commission des affaires sociales, Mme Elisabeth
Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité, en est toutefois restée à
l'objectif des 1 000 milliards de francs alors que le chiffre de 1 180
milliards de francs avait été présenté au conseil d'orientation des
retraites.
S'agit-il d'un changement d'hypothèses économiques ?
Les projections de mars 2000 reposaient déjà sur des hypothèses fort
optimistes, notamment un taux de chômage de 4,5 %. Il est donc impossible de
recourir une nouvelle fois à cette explication, censée justifier la « chute »
des cotisations prises en charge par le FSV.
Les excédents du FSV auraient-ils été sous-estimés en mars 2000 ? Leur
affectation au fonds de réserve aurait-elle reposé sur une clef de répartition
demeurée secrète ?
J'ai demandé à Mme la ministre, lors de son audition par la commission, de
présenter en toute transparence ces données ; elle m'a promis de me les
communiquer ultérieurement. J'espère que vous êtes en possession de ces
informations, monsieur le secrétaire d'Etat, mais je ne les ai pas entendues
tout à l'heure. J'imagine que, dans la réponse que vous ferez aux orateurs,
vous nous apporterez les informations que Mme Guigou s'était engagée à fournir
à la commission des affaires sociales au moment de l'examen du texte.
Le seul argumentaire oral dont nous disposons à la date d'aujourd'hui montre
des exédents du FSV multipliables à l'infini. Je suis amené ainsi, mes chers
collègues, à poser la question : s'agit-il d'une forme moderne de la
multiplication des pains ?
M. Jean Delaneau,
président de la commission des affaires sociales.
Il faudrait l'utiliser
en Afrique !
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Je vous renvoie à mon rapport écrit, où vous pourrez lire
avec intérêt les commentaires que je fais à ce sujet.
Venons-en au dispositif lui-même prévu par l'article 6 du présent projet de
loi.
Le texte frappe d'abord par ses déficiences, particulièrement inhabituelles
pour un projet soumis à l'examen des assemblées.
Les régimes bénéficiaires du fonds seraient le régime général et les régimes
alignés, l'ORGANIC, l'organisation autonome nationale d'assurance vieillesse de
l'industrie et du commerce, et la CANCAVA, la caisse autonome nationale de
compensation de l'assurance vieillesse artisanale. Or, mes chers collègues,
l'exclusion des autres régimes d'assurance vieillesse ne repose sur aucun
fondement constitutionnel, compte tenu notamment des sources d'alimentation du
fonds.
Compte tenu notamment des sources d'alimentation du fonds, le Gouvernement
nous explique, dans ses réponses au questionnaire, qu'il s'agit des régimes
ayant engagé une réforme en 1993.
Je me félicite au passage de cet hommage tardif à la loi de 1993, qui avait
été présentée par M. Balladur ! Mais s'agit-il d'un critère suffisamment
efficient ?
Les relations entre le directoire et le conseil de surveillance sont placées
sous de curieux auspices.
L'article L. 135-8 prévoit que, sur proposition du directoire, « le conseil de
surveillance fixe les orientations générales de la politique de placement des
actifs du fonds. » Que se passe-t-il si le conseil de surveillance n'est pas
d'accord ? Presque rien ! Le directoire présente une nouvelle proposition. Et
si cette proposition n'est pas approuvée, « le directoire met en oeuvre les
mesures nécessaires à la gestion du fonds. » Ce mécanisme, en dehors de son
caractère particulièrement subtil, semble parfaitement inadéquat, vous
l'admettrez, pour assurer un réel contrôle.
De manière générale, le conseil de surveillance n'est ni un organisme de
contrôle ni un organisme décideur : est-il prévu - c'est un peu le sentiment
que nous pouvons avoir - par simple souci d'affichage ?
Rien n'est envisagé pour assurer au fonds de réserve un statut « indépendant »
des contingences politiques, contrairement à ce qui est affirmé : le
directoire, qui a de fait tous les pouvoirs, est composé de trois membres
nommés par le Gouvernement, le conseil de surveillance comprend notamment des
représentants de l'Etat, etc.
Le respect des règles de déontologie imposées aux membres du directoire
constitue à l'évidence un monument ; vous allez vous en rendre compte très
rapidement.
L'article L. 135-12 prévoit ainsi, de manière sage, qu'aucun « membre du
directoire ne peut délibérer dans une affaire dans laquelle lui-même ou, le cas
échéant, une personne morale au sein de laquelle il exerce des fonctions ou
détient un mandat ou a un intérêt. » Nous ne pouvons qu'approuver.
Permettez-moi cependant de formuler une première remarque, monsieur le
secrétaire d'Etat, mes chers collègues.
Comme le président du directoire est par ailleurs le directeur général de la
Caisse des dépôts et consignations, il lui sera à mon sens particulièrement
difficile d'exercer pleinement ses fonctions. Les deux autres membres risquent,
dans la plupart des cas, de délibérer seuls.
Mais, surtout, grave incohérence de ce texte, le président du directoire sera
amené à s'informer lui-même des intérêts qu'il détient ou vient à détenir et
des fonctions qu'il exerce ou vient à exercer dans une activité économique et
financière.
Enfin, le respect des obligations et interdictions est du ressort du président
du directoire : il devra ainsi contrôler lui-même s'il s'est informé
correctement et suffisamment à temps ! Vous avouerez que c'est un peu
cocasse.
La notion de « gestion administrative », dans l'acception que semble en donner
le Gouvernement, est particulièrement impropre. En effet, ce dernier mélange
visiblement la gestion interne de l'établissement, qui comprend la gestion
informatique, la gestion des ressources humaines, avec la gestion budgétaire,
la gestion comptable et la conservation des titres. Or, il importe de clarifier
cette notion, afin d'apprécier en toute transparence le champ de l'intervention
de la Caisse des dépôts et consignations.
Le texte frappe également par ses absences.
Il n'aborde pas la question centrale de la répartition entre régimes
bénéficiaires, à partir de 2020, des sommes capitalisées dans le fonds de
réserve. Les 1 000 milliards de francs seront-ils répartis en fonction des
besoins des régimes ou au prorata de l'importance des régimes dans le système
français de retraite ? Cette question pourra être, il est vrai, utilement
précisée d'ici à 2020. Le projet de loi est donc un texte d'attente.
Le texte ne précise pas par ailleurs les règles prudentielles auxquelles doit
obéir ce fonds, ce qui paraît particulièrement grave compte tenu de l'objectif
affiché par le Gouvernement d'obéir aux « principes de prudence et de
répartition des risques ».
La question de l'exercice des droits de vote du fonds de réserve semble «
taboue ». Or elle présente à l'évidence un sens, à partir du moment où le fonds
gérera « 1 000 milliards de francs » et sera
nolens volens
un «
investisseur institutionnel » important.
Dans ces conditions, la commission des affaires sociales a décidé de vous
proposer un schéma alternatif, garantissant au fonds de réserve son
indépendance et sa transparence.
Les quinze amendements qu'elle a adoptés permettent de répondre à la plupart
des questions laissées pendantes par la rédaction du projet de loi.
J'ajoute que ce dispositif sera utilement précisé, sur un certain nombre de
points, par des amendements particulièrement pertinents de notre excellent
collègue Jean Chérioux, que la commission a approuvés ce matin.
Voici les grandes lignes de ce dispositif.
Le fonds serait un établissement spécial, placé, comme la Caisse des dépôts et
consignations, sous la surveillance et la garantie de l'autorité législative,
se substituant à la « tutelle » ministérielle qui caractérise les
établissements publics administratifs.
Sans aller peut-être jusqu'à une loi constitutionnelle, à laquelle faisait
référence, là encore, notre excellent collègue Jean Chérioux, qui a évoqué la
caisse d'amortissement de 1926, un statut « spécial » semble le moins que l'on
puisse faire pour un fonds qui doit garantir les retraites des Français à
compter de 2020.
Il est vrai que, si nous en avions eu le temps et si nous l'avions pu, l'idéal
eût été une réforme constitutionnelle visant à garantir complètement
l'alimentation du fonds, ses placements et le résultat de ceux-ci au profit du
fonds de réserve pour les retraites des différents régimes.
Les régimes bénéficiaires ne seraient pas précisés, afin de n'interdire
a
priori
à aucun Français la possibilité de bénéficier du concours du fonds
de réserve. Si le texte était maintenu en l'état, nous pourrions nous poser la
question du caractère anticonstitutionnel du dispositif prévu.
Les membres du directoire seraient nommés de manière solennelle, en raison de
leur expérience et de leurs compétences professionnelles, par le Président de
la République et les présidents des assemblées. Telle est la proposition que je
vous soumets, au nom de la commission des affaires sociales.
Le conseil de surveillance bénéficierait de véritables pouvoirs de
contrôle.
La notion de gestion administrative serait précisée et celle-ci serait confiée
à la Caisse des dépôts et consignations, établissement placé depuis 1816 sous
le sceau de la « foi publique ». Nous restons donc dans l'esprit souhaité à cet
égard par le Gouvernement.
Nous nous félicitons du choix opéré par le Gouvernement, qui est de nature à
rassurer les Français. Mais, dans ces conditions, il est évident que la caisse
ne pourrait pas participer aux appels d'offre portant sur la gestion financière
des ressources du fonds : ainsi serait-t-il prévu explicitement une véritable «
muraille de Chine » pleinement efficace, à laquelle fait d'ailleurs souvent
référence la Caisse des dépôts et consignations elle-même.
La description des règles prudentielles serait renvoyée à un décret en Conseil
d'Etat, tandis que le texte législatif préciserait une notion de « ratios
d'emprise », empêchant que le fonds ne puisse détenir plus de 5 % des actions
en provenance du même émetteur, afin d'éviter qu'il ne se transforme en un
actionnaire trop zélé du capitalisme français.
Le fonds ne doit servir qu'à une seule mission : contribuer au financement des
retraites des Français. Il ne doit servir à rien d'autre, quels que soient les
arguments utilisés pour faire des « exceptions » à cette règle d'or.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues,
telles sont les principales observations que souhaitait faire la commission des
affaires sociales sur le titre II du projet de loi, relatif au fonds de réserve
pour les retraites.
J'espère que l'argumentation que je viens de développer devant vous aura été
suffisante pour vous convaincre de l'intérêt qu'il y aura à développer le
dispositif alternatif que vous propose la commission des affaires sociales.
J'espère également que le Gouvernement aura été sensible à nombre d'arguments
qui plaident en faveur d'une complète indépendance et transparence de la
gestion du fonds de réserve.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des
Républicains et indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président.
La parole est à M. Jourdain, rapporteur.
M. André Jourdain,
rapporteur de la commission des affaires sociales.
Monsieur le président,
monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le titre III du projet de
loi est composé d'un seul article, l'article 7, qui prévoit de ratifier
l'ordonnance du 19 avril 2001, relative à la transposition des directives «
Assurance » aux mutuelles et à la réforme du code de la mutualité.
Avant d'analyser cette ordonnance, je souhaiterais rappeler en préambule que
cette transposition a été un « long chemin semé d'embûches ».
Tout d'abord, le secteur de la mutualité a demandé dès l'origine son
assujettissement aux directives « Assurance » de 1992.
Ces directives ont été transposées par loi ordinaire, dès 1993 et 1994, aux
compagnies d'assurance et aux institutions de prévoyance, mais elles n'avaient
toujours pas été transposées à la mutualité.
Les gouvernements successifs ont tenté, à de nombreuses reprises, de
transposer ces directives aux mutuelles, en demandant des rapports : le rapport
Bacquet en avril 1994, puis le rapport Rocard en avril 1999 ont ainsi étudié
les pistes d'une transposition « adaptée » à la spécificité mutualiste mais
respectant les règles édictées par Bruxelles.
Le choix d'une transposition « sèche » des directives a été écarté au bénéfice
d'une refonte globale du code de la mutualité, permettant de prendre en compte,
par le même texte, des demandes anciennes émanant du secteur mutualiste.
Alors même qu'un projet de loi avait été enfin préparé par le Gouvernement et
présenté au Conseil d'Etat au début du mois de juillet 2000, la présentation de
ce projet s'est transformé
in extremis
en une « communication relative à
la réforme du code de la mutualité » précisant que le Gouvernement choisissait
de procéder par ordonnances.
Le projet de loi portant habilitation du Gouvernement à transposer par
ordonnances des directives communautaires et à mettre en oeuvre certaines
dispositions du droit communautaire, projet de loi pour lequel la commission
des affaires sociales m'avait fait l'honneur de me nommer rapporteur pour avis,
a été discuté à l'automne au Sénat, puis à l'Assemblée nationale, avant de
faire l'objet d'un accord en commission mixte paritaire.
L'ordonnance dont la ratification nous est demandée a été prise en application
de l'article 4 de la loi du 3 janvier 2001.
Suivant les conclusions de la commission des affaires sociales, le Sénat avait
adopté l'article autorisant l'habilitation. Notre commission avait estimé qu'il
convenait de privilégier « l'impératif de rapidité ».
Mais cet accord s'appuyait sur une condition expresse : l'engagement d'un
véritable débat lors de la ratification. En outre, la commission des lois et
son rapporteur, M. Daniel Hoeffel, avaient été à l'origine d'un amendement à
l'article 5 du projet de loi, devenu l'article 6 de la loi, réduisant de six
mois à quatre mois le délai prévu pour prendre l'ordonnance.
Enfin, selon la loi, « des projets de loi de ratification des ordonnances «
devaient » être déposés devant le Parlement au plus tard le dernier jour du
deuxième mois » à compter de l'expiration des quatre mois précédemment
prévus.
Je suis amené à faire un court développement sur le contenu de l'ordonnance du
19 avril 2001.
Il convient de noter tout d'abord que le Gouvernement a respecté les délais
fixés par la loi du 3 janvier 2001, puisque l'ordonnance a été prise le 19
avril 2001, voilà donc un peu plus d'un mois.
Cette ordonnance comprend neuf articles.
Je citerai plus particulièrement son article 1er, qui renvoie à la partie
législative du code de la mutualité, présentée en annexe de l'ordonnance, les
articles 4 et 5, qui précisent les conditions d'entrée en vigueur du code de la
mutualité, et les articles 6 et 7, qui comprennent des dispositions relatives
aux entreprises d'assurance régies par le code des assurances et aux
institutions de prévoyance régies par le code de la sécurité sociale, qui sont
dotées d'une nouvelle procédure de liquidation spéciale et d'un fonds de
garantie propre au secteur paritaire. Ces articles instituent en outre une taxe
visant à financer les frais de contrôle de la commission de contrôle des
mutuelles et des institutions de prévoyance.
Le nouveau code de la mutualité est composé de six livres, qui comprennent à
la fois certaines dispositions actuellement en vigueur et de nouveaux articles
réformant en profondeur le régime juridique des organismes mutualistes.
La lecture des 223 articles du code montre que ce texte mériterait d'être
enrichi, précisé et modifié par le débat parlementaire. Ce sera le deuxième
point de mon exposé.
La commission des affaires sociales doute tout d'abord de la stricte
conformité du texte de l'ordonnance aux directives « Assurance » au regard de
trois éléments : le principe de spécialité, la liberté de réassurance et la
notion de contrat de substitution.
De manière générale, la délimitation précise des dérogations aux règles
communautaires et, plus particulièrement, la définition des activités
accessoires que pourraient continuer d'assurer les mutuelles d'assurance
relèvent du pouvoir règlementaire. Or ces décrets sont actuellement en cours de
rédaction et n'ont pas été transmis, par voie de conséquence, à Bruxelles. Nous
n'avons aucune assurance sur leur « eurocompatibilité ».
Le Gouvernement a indiqué, en commission, que ces décrets « devraient traduire
très pragmatiquement le dispositif législatif retenu » ; cette traduction «
très pragmatique » risque toutefois d'être difficile à opérer en l'absence de
travaux parlementaires et de tout dialogue, comme celui que vous évoquiez tout
à l'heure, au moins avec notre assemblée.
Deux dispositions me paraissent hautement critiquables : la procédure
d'agrément et la tenue du registre national des mutuelles par le conseil
supérieur de la mutualité.
L'article 5 de l'ordonnance du 19 avril 2001 prévoit ainsi que les mutuelles,
les unions et les fédérations qui ont été créées avant la publication de la
présente ordonnance et qui n'auront pas accompli, dans un délai d'un an, les
démarches nécessaires à leur inscription au registre national des mutuelles,
tenu par le secrétariat général du conseil supérieur de la mutualité, seront
purement et simplement dissoutes.
La sanction est à l'évidence disproportionnée. Il aurait été préférable de
prévoir un mécanisme simplifié, précisé par décret en Conseil d'Etat, pour
l'agrément de mutuelles dont l'existence peut parfois remonter à plus de cent
ans.
Il est en outre curieux de confier cette tâche au Conseil supérieur de la
mutualité, organe consultatif : la tenue d'un registre national par le greffe
des tribunaux de grande instance semblait une solution juridiquement plus
sûre.
Enfin, la composition du nouveau Conseil supérieur de la mutualité est fixée,
selon l'article L. 411-3 du code, par décret en Conseil d'Etat. Il aurait été
préférable de préciser dans la loi cette composition, compte tenu notamment du
nouveau rôle qui est confié à cet organe.
D'autres dispositions appelleraient des modifications. L'articulation entre
les systèmes fédéraux de garantie et le fonds de garantie contre la défaillance
des mutuelles et des unions pratiquant des opérations d'assurance me paraît
ainsi complexe.
S'agissant du fonctionnement des mutuelles, l'article L. 114-19 marque une
confusion entre la notion de dirigeants salariés et celle de mandataires
sociaux. La limite d'âge - soixante-dix ans - posée à l'article L. 114-22
paraît étrange compte tenu du mode d'élection, par l'assemblée générale, des
administrateurs. L'article L. 114-26 me semble aller dans le sens d'une «
professionnalisation excessive » des administrateurs en prévoyant un certain
nombre de dérogations très larges au principe de gratuité des fonctions.
Enfin, et c'est une absence regrettable, le nouveau code de la mutualité ne
comporte aucune disposition relative à la fiscalité des mutuelles.
La question de l'assujettissement des mutuelles à la taxe sur les conventions
d'assurance ou de l'exonération des compagnies d'assurance sous réserve
d'engagements de non-discrimination reste posée. D'autres exonérations fiscales
sont en cause, comme l'a montré la lettre du 14 février dernier adressée par la
commission au gouvernement français.
Monsieur le secrétaire d'Etat, il serait bon, je crois, que vous précisiez les
intentions du Gouvernement sur ce sujet sensible.
Après cette présentation rapide, et nécessairement rapide, de l'ordonnance du
19 avril 2001, il convient maintenant que le Sénat puisse prendre une
décision.
La ratification de cette ordonnance nécessite un accord sur le principe de
cette ratification « à la hussarde », comme l'a dit le président Delaneau, et
un assentiment sur le fond.
Sur le principe, M. Jean-Jack Queyranne avait déclaré au Sénat, lors du débat
sur le projet de loi d'habilitation : « Naturellement, au terme de la
procédure, le Parlement sera amené à se prononcer sur les projets de loi de
ratification que le Gouvernement déposera. Ces projets regrouperont les
ordonnances par matière, ce qui permettra, lors de leur discussion, d'aborder
les questions de façon plus précise encore. A cette occasion, chaque
parlementaire pourra, bien sûr, exercer son droit d'amendement. »
Le Gouvernement n'était pas avare de promesses. Je cite encore : « Le recours
à la procédure de l'ordonnance s'accompagne d'un engagement du Gouvernement à
déposer et à inscrire à l'ordre du jour des assemblées un projet de loi de
ratification donnant ainsi au Parlement la possibilité d'exercer son droit
d'initiative pour réformer le code. »
La commission des affaires sociales doute du respect et du « cahier des
charges » préconisé par M. Queyranne - un projet de loi par thème !...
M. Jean Delaneau,
président de la commission des affaires sociales.
C'est mal parti !
M. André Jourdain,
rapporteur.
... et du Gouvernement, au regard de la présence, au sein
d'un nouveau texte fourre-tout, assorti immédiatement de l'urgence et
intervenant sur un nombre très important de sujets, d'un article autorisant
cette ratification.
Sur le fond, comme j'ai pu vous en donner des exemples, le dispositif pris par
l'ordonnance du 19 avril 2001 appelle un certain nombre d'interrogations et
apparaît, à l'évidence, éminemment perfectible.
Dès lors, la commission des affaires sociales était réduite au choix de
suggérer au Sénat ou la suppression pure et simple de cet article ou l'adoption
d'une série d'amendements sur un certain nombre d'articles « stratégiques ».
Cette dernière option aurait cependant consisté à avaliser le « mauvais coup »
fait au Sénat et à adopter conformes un certain nombre d'articles passés
inaperçus. En effet, compte tenu des délais auxquels le Gouvernement astreint
le Parlement, plus singulièrement les commissions chargées des affaires
sociales, la commission n'a pas pu entreprendre le travail, nécessaire,
consistant à auditionner l'ensemble des acteurs du monde de la prévoyance
complémentaire.
Aussi la commission des affaires sociales a-t-elle été contrainte de revenir à
la première solution, protestant sur le principe de cette atteinte aux droits
du Parlement et montrant, sur le fond, son scepticisme à l'égard de la réforme
engagée.
Telles sont les raisons, monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat,
mes chers collègues, qui conduiront la commission des affaires sociales à
proposer au Sénat l'adoption d'un amendement de suppression de l'article 7.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants
et de l'Union centriste.)
M. le président.
La parole est à M. Lorrain, rapporteur.
M. Jean-Louis Lorrain,
rapporteur de la commission des affaires sociales.
Monsieur le président,
monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, les dispositions du titre
IV du présent projet de loi sont relatives à la jeunesse et à l'éducation
populaire. Celles du titre V traitent de l'éducation et de la communication.
Par ailleurs, et à l'occasion de l'examen du texte en première lecture,
l'Assemblée nationale a adopté, dans le titre V, de nouvelles dispositions
extrêmement variées.
Certains des articles des titres IV et V ont été délégués, au fond, à la
commission des affaires culturelles. Il s'agit, notamment, de l'article 12,
relatif aux compétences du conseil de direction de l'Institut d'études
politiques de Paris, et de l'article 13, aménageant le dispositif
anti-concentration applicable à la télévision numérique hertzienne terrestre.
Comme il est d'usage en ce cas, je céderai la parole, sur ces articles, à nos
éminents collègues de la commission des affaires culturelles.
La commission des affaires sociales est saisie, quant à elle, des articles 11,
15, 19, 20, 21 et 22. Il s'agit d'un ensemble hétéroclite qui, en interdisant
toute tentative de synthèse, favorise, malheureusement, une énumération
peut-être fastidieuse.
J'évoquerai tout d'abord l'article 11, qui vise à définir, dans le code de
l'action sociale et des familles, une législation unifiée et actualisée pour
l'ensemble des centres de loisirs accueillant des mineurs.
En effet, les modalités d'organisation et de fonctionnement de ces centres
sont actuellement régies par des textes réglementaires parcellaires, et souvent
différents selon la catégorie de centres concernés. Il est donc apparu opportun
de procéder à la modernisation de cette réglementation. Les modifications ainsi
proposées concernent à la fois les centres de vacances et de loisirs qui
hébergent les mineurs et les centres de loisirs sans hébergement.
Cette refonte législative renforce ou complète les obligations déjà définies
dans le cadre des textes réglementaires en vigueur. A l'exception des garderies
périscolaires, ces centres de vacances ou de loisirs devront ainsi se doter
d'un projet éducatif.
Par ailleurs, les personnes organisant l'accueil des mineurs seront soumises
au régime de la déclaration préalable, auprès du représentant de l'Etat dans le
département. Elles devront également, ainsi que les personnes exploitant des
locaux où se déroule l'accueil, souscrire obligatoirement une assurance. Elles
seront, de même, tenues d'informer les responsables légaux des mineurs de
l'intérêt de souscrire un contrat d'assurance couvrant les dommages
corporels.
L'article 11 élargit en outre la définition des incapacités professionnelles
interdisant à une personne d'organiser un centre d'accueil pour mineurs, ou de
participer à son organisation. Les infractions concernées sont ainsi définies
de manière plus précise et plus étendue que dans les textes réglementaires
actuels. De plus, ces incapacités professionnelles sont applicables dorénavant
à toute personne intervenant, à quelque titre que ce soit, dans l'accueil des
mineurs.
Par ailleurs, cet article renforce, d'une part, les sanctions pénales
applicables en cas de non-respect de la réglementation et, d'autre part, le
dispositif de surveillance de la conformité des conditions d'accueil des
mineurs à cette réglementation. A l'instar de ce qui est déjà en vigueur en
matière de contrôle des activités physiques et sportives, les inspecteurs de la
jeunesse et des sports pourront ainsi être assermentés afin de procéder au
constat des infractions éventuelles, en liaison, le cas échéant, avec un
magistrat de l'ordre judiciaire, et dans le respect des principes généraux
protégeant le domicile privé.
Enfin, le dispositif proposé dans l'article 11 donne une base légale aux
pouvoirs de police administrative du représentant de l'Etat dans le
département, qu'il s'agisse de prononcer une interdiction d'exercice à
l'encontre des personnes participant à l'accueil des mineurs ou de décider la
fermeture des locaux concernés.
Tel est, nécessairement résumé, le dispositif prévu par l'article 11 du projet
de loi.
A l'occasion de sa discussion en première lecture à l'Assemblée nationale, des
voix se sont élevées pour protester contre les contraintes ainsi mises à la
charge des personnes ou des organismes responsables de centres d'accueil pour
les mineurs. A l'examen, une telle appréciation paraît quelque peu exagérée
dans la mesure où le dispositif législatif qui nous est aujourd'hui soumis
reprend, en grande partie, des textes réglementaires déjà en vigueur.
Par ailleurs, en donnant davantage de cohérence aux règles applicables, cette
législation permettra de répondre aux exigences croissantes des parents en ce
qui concerne la sécurité de leurs enfants.
La commission des affaires culturelles, saisie pour avis sur cet article 11,
partage d'ailleurs cette analyse puisqu'elle soumettra au Sénat d'excellents
amendements visant à améliorer, sur certains points particuliers, le dispositif
prévu.
La commission des affaires sociales vous proposera donc d'adopter cet article
11, sous réserve des amendements présentés par votre commission des affaires
culturelles, auxquels elle souscrit entièrement.
L'article 15 est relatif, quant à lui, au régime juridique des réseaux de
télécommunication à haut débit installés par les collectivités locales.
Puisque la responsabilité de cet article échoit à la commission des affaires
sociales, je souhaiterais en dire quelques mots. Je fais, par avance, appel à
votre indulgence en raison des aspects extrêmement techniques de ce dossier.
Afin de créer un environnement favorable à l'installation d'entreprises sur
leur territoire, et compte tenu de l'absence constatée d'offres par les
opérateurs traditionnels, diverses collectivités territoriales ont décidé, au
cours des dernières années, de procéder elles-mêmes à l'installation de réseaux
de télécommunication à haut débit. Il s'agit d'infrastructures dites de fibres
noires ; cela signifie qu'elles sont installées par les collectivités
territoriales, mais que leur exploitation est ensuite confiée à des opérateurs
de télécommunication.
Afin de donner à ces infrastructures une base juridique incontestable, le
Sénat avait adopté, à l'occasion du débat sur le projet de loi d'orientation
pour l'aménagement et le développement durable du territoire de 1999, et sur
proposition, notamment, de nos collègues Gérard Larcher et Pierre Hérisson, un
dispositif législatif organisant ces installations dans un cadre équilibré.
L'Assemblée nationale n'avait malheureusement pas suivi les propositions du
Sénat : elle avait préféré adopter un autre dispositif, limitant singulièrement
les initiatives des collectivités territoriales en ce domaine.
Devant les difficultés suscités par cette réglementation, le comité
interministériel sur la société de l'information en date du 10 juillet 2000 a
proposé de modifier, dans le cadre du projet de loi sur la société de
l'information, ce dispositif dans un sens moins restrictif et contraignant.
Sans attendre, le Gouvernement a déposé, lors de la première lecture du
présent projet de loi, un amendement visant à procéder aux modifications
nécessaires. Ainsi présentée comme une initiative gouvernementale, cette
nouvelle rédaction s'inspire en fait directement de la disposition adoptée par
le Sénat, en 1999, lors de l'examen du projet de loi d'orientation pour
l'aménagement et le développement durable du territoire.
Deux nouvelles précisions sont toutefois apportées par le nouveau dispositif.
Tout d'abord, autorisation est donnée aux collectivités territoriales de
déduire du coût de location facturé aux opérateurs les subventions publiques
qui peuvent être consenties dans certaines zones géographiques. Par ailleurs,
les collectivités territoriales pourront mettre les infrastructures concernées
à la disposition, non seulement des opérateurs, mais également d'utilisateurs
finals.
La commission des affaires sociales se félicite de l'hommage ainsi rendu par
le Gouvernement à l'initiative de nos collègues Gérard Larcher et Pierre
Hérisson. Elle vous proposera donc d'adopter cet article 15.
Les autres articles adoptés par l'Assemblée nationale à la fin du titre V
forment un ensemble pour le moins disparate. Pour y mettre de l'ordre, la
commission vous proposera, en premier lieu, de les regrouper au sein d'un
nouveau titre VI, intitulé, sans aucune prétention à l'originalité : «
Dispositions diverses ».
(Sourires.)
Le premier article de ce nouveau titre sera l'article 19 du projet de loi, qui
vise à autoriser la prise en compte, dans le cadre des accidents de trajet
définis par le code du travail, des accidents survenus à l'occasion d'un
covoiturage régulier. Il s'agit d'une précision qui, sans être absolument
indispensable, n'est pas contradictoire avec les dispositions du code du
travail ou la jurisprudence définie, en ce domaine, par la Cour de cassation.
En outre, le concept du covoiturage est aujourd'hui parvenu à l'âge de la
maturité législative, notamment depuis le vote de la loi de 1996 sur l'air et
l'utilisation rationnelle de l'énergie. La commission vous proposera donc
d'adopter cet article 19.
Elle vous proposera également d'insérer, après l'article 19, le dispositif
initialement prévu à l'article 6
bis
du projet de loi. Par souci de
cohérence, notre collègue Alain Vasselle, rapporteur du titre II dans lequel
l'article 6
bis
a été introduit à l'Assemblée nationale, vous en
proposera la suppression. En effet, cet article 6
bis,
relatif aux
modalités du remplacement temporaire des pharmaciens titulaires d'officine, n'a
aucun rapport avec l'objet du titre II, à savoir le fonds de réserve des
retraites. En revanche, le dispositif prévu est, en tant que tel, utile et
répond aux voeux des professionnels concernés. La commission des affaires
sociales vous proposera donc de le réintroduire sous forme d'article
additionnel après l'article 19.
En revanche, nous estimons inopportun d'autoriser, comme le prévoit l'article
20, les comités d'entreprise à verser, sur les ressources qui leur sont
affectées, des subventions à des associations à caractère social ou
humanitaire. Cette disposition ne pourrait que susciter les réserves, sinon la
franche hostilité, des salariés dont le comité d'entreprise ne dispose pas
nécessairement de moyens financiers abondants. Elle pourrait, en outre, placer
les entreprises et leurs responsables dans des situations parfois délicates. La
commission vous proposera donc la suppression de cet article 20.
L'article 21, qui résulte de l'adoption par l'Assemblée nationale d'un
amendement du Gouvernement, vise à créer une nouvelle catégorie de société
coopérative, à savoir la société coopérative d'intérêt collectif. Pour se
faire, cet article, complexe et volumineux, introduit douze nouveaux articles
dans la loi du 10 septembre 1947 portant statut de la coopération, qui en
compte actuellement quarante-cinq.
Faute de pouvoir procéder à un examen approfondi d'une innovation aussi
importante pour le mouvement coopératif et associatif, et compte tenu de la
désinvolture ainsi manifestée par le Gouvernement à l'égard du Parlement, la
commission des affaires sociales vous proposera d'adopter un amendement de
suppression de l'article 21. Je reviendrai plus en détail sur ce sujet
important lors de la présentation de l'amendement en question.
Enfin, l'article 22 procède à la validation législative de mesures
individuelles, concernant des enseignants ou des étudiants des écoles
d'architecture, dont le fondement juridique, à savoir divers actes
administratifs, a été annulé pour vice de forme. Il s'agit d'une mesure
technique n'appelant aucune observation particulière, et la commission des
affaires sociales vous proposera de l'adopter.
J'en ai ainsi terminé, monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat,
mes chers collègues, avec la présentation des titres IV et V du projet de loi
portant diverses dispositions d'ordre social, éducatif et culturel.
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des
Républicains et Indépendants.)
M. le président.
Nous allons maintenant interrompre nos travaux. Nous les reprendrons à
vingt-deux heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures cinquante, est reprise à vingt-deux
heures, sous la présidence de M. Gérard Larcher.)
PRÉSIDENCE DE M. GÉRARD LARCHER,
vice-président
M. le président.
La séance est reprise.
Nous poursuivons la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée
nationale, après déclaration d'urgence, portant diverses dispositions d'ordre
social, éducatif et culturel.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Bordas, rapporteur
pour avis.
M. James Bordas,
rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles.
Monsieur
le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le projet de
loi portant diverses dispositions d'ordre social, éducatif et culturel dont
nous débattons aujourd'hui aborde des sujets extrêmement variés, comme en
témoigne le nombre des rapporteurs de la commission des affaires sociales,
saisie au fond, et de la commission des affaires culturelles, saisie pour avis
d'une partie des dispositions de ce texte.
Je m'attacherai pour ma part aux quatre articles qui constituent le titre IV,
et je commenterai brièvement une disposition isolée du titre V, l'article 16
nouveau, qui est consacré à la prorogation de l'homologation de certains
diplômes sportifs et dont je dirai un mot pour commencer.
Cet article additionnel a pour objet de proroger la validité des diplômes
fédéraux homologués avant l'entrée en vigueur de la loi du 6 juillet 2000, de
façon à éviter que certaines fédérations, en particulier la fédération de
voile, n'aient à pâtir d'une pénurie de moniteurs pendant la période estivale.
En effet, la loi du 6 juillet 2000 a substitué au régime antérieur
d'homologation des diplômes délivrés par les fédérations un mécanisme de
validation des expériences acquises qui n'a pu encore entrer en vigueur, le
décret d'application n'étant pas paru.
Nous sommes favorables à cette mesure transitoire, mais nous invitons le
Gouvernement à faire preuve de diligence dans la rédaction du décret
d'application, qui est, paraît-il, prévu pour la fin de l'année.
J'en viens maintenant à l'examen du titre IV du projet de loi.
Deux de ses dispositions, les articles 9 et 10, ont pour objet de conférer un
statut législatif à deux instances consultatives : le conseil national de
l'éducation populaire et de la jeunesse et le conseil national de la
jeunesse.
Le conseil national de l'éducation populaire et de la jeunesse, qui a été créé
par un décret de 1986, réunit des représentants de l'Etat, des collectivités
territoriales, des syndicats et des associations pour émettre un avis sur les
projets de loi et, d'une façon générale, sur les questions qui portent sur
l'éducation populaire et sur la jeunesse.
La consécration législative que lui apportera l'article 8 le placera désormais
sur le même plan que le conseil national des activités physiques et sportives,
son homologue dans le domaine sportif.
Le Conseil national de la jeunesse, institué à l'article 10, est le
prolongement du conseil permanent de la jeunesse, créé par un arrêté du
ministère de la jeunesse et des sports de 1998. Il a vocation à réunir des
jeunes gens, âgés de moins de trente ans, issus des organisations nationales de
jeunes et des conseils départementaux de la jeunesse ; il est appelé à émettre
des avis ou à formuler des propositions sur les questions sociales, économiques
et culturelles - le champ est vaste ! - qui intéressent les jeunes.
Nous savons, monsieur le secrétaire d'Etat, que les problèmes qui ont trait à
l'éducation populaire et à la jeunesse sont importants et sensibles. Il s'agit
donc d'un domaine où l'apport d'organismes consultatifs est certainement
précieux, même s'il faut se garder, dans ce domaine comme dans d'autres, de la
tentation d'abuser de la multiplicité des structures et des consultations trop
générales et trop vagues.
Nous espérons, en revanche, que les dispositions que je vais aborder
maintenant résultent bien d'une concertation approfondie avec les milieux
associatifs concernés, en particulier au sein du conseil national de
l'éducation populaire et de la jeunesse.
L'article 8 procède à la refonte de la procédure de l'agrément des
associations de jeunesse et d'éducation populaire. Cette procédure était
jusqu'à présent régie par un texte qui peut être qualifié d'historique,
puisqu'il s'agit de l'ordonnance du 2 octobre 1943 promulguée à Alger par le
Comité français de la libération nationale et cosignée par les généraux de
Gaulle et Giraud. Ce texte, qui n'aura bientôt plus de valeur qu'historique,
pourra du moins continuer à témoigner de l'importance des questions relatives
aux groupements de jeunesse, même dans les circonstances les plus difficiles de
la vie d'une nation.
Le dispositif que vous nous proposez se démarque sur plusieurs points de cette
disposition vénérable.
Tout d'abord, il subordonne l'agrément à la réunion d'un certain nombre de
conditions, dictées en particulier par le souci de contrer la possibilité de
certaines dérives sectaires. La liste de ces conditions est longue, trop
longue, diront certains, et se veut nuancée puisqu'elle encourage, par exemple,
l'égal accès des hommes et des femmes aux instances dirigeantes - tout en
prévoyant la possibilité de déroger à cette règle lorsquelle serait
incompatible avec l'objet de l'association et la qualité de ses membres.
Par ailleurs, si le projet de loi réserve, en principe, le bénéfice des
subventions du ministère aux seules associations agréées, il prévoit cependant
la possibilité d'exceptions en faveur de certaines associations non agréées.
Il me paraît en effet utile que l'Etat puisse accorder son aide financière,
pour des montants et pour une durée limités, à des associations fraîchement
créées qui ne réunissent pas encore toutes les conditions, en particulier les
conditions techniques, pour mériter un agrément en bonne et due forme.
Mais l'on peut s'étonner de voir un texte législatif prévoir à la fois une
règle et la faculté d'y déroger sans donner plus de précisions sur les
conditions qui seront posées. Je souhaite donc que le décret en Conseil d'Etat
qui devra être pris en application de cette disposition soit exigeant et précis
sur les critères de cette aide et sur les engagements que devront prendre les
associations qui en seront les bénéficiaires.
J'en viens maintenant à la refonte de l'encadrement juridique des centres de
vacances et des centres de loisirs.
Ces deux types d'organismes faisaient l'objet naguère de textes réglementaires
distincts, et parfois lacunaires. Le projet de loi procède à une unification de
leur régime juridique que le Conseil économique et social avait appelée de ses
voeux dans un avis du 28 juin dernier, et qui paraissait en effet nécessaire.
Il conviendra cependant, dans la rédaction des textes réglementaires, de
respecter les spécificités inhérentes à chaque type d'organisation.
Le projet de loi insiste sur la nécessité, pour les centres de vacances comme
pour les centres de loisirs, d'établir un projet éducatif. Il me paraît en
effet important, pour des organismes qui ont vocation à accueillir des jeunes,
de ne pas s'en tenir aux simples exigences de sécurité et d'hygiène qui
inspiraient autrefois l'essentiel de la réglementation. Je partage donc,
monsieur le secrétaire d'Etat, votre souci d'insister sur cette dimension
éducative, et je comprends dans une certaine mesure votre volonté de la
soumettre au contrôle de l'Etat.
Il ne me paraît pas injustifié que le décret en Conseil d'Etat qui doit
définir les conditions dans lesquelles sera établi ce projet éducatif fixe, en
quelque sorte, un cadre de réflexion pour inviter les organisateurs de
l'accueil à énoncer, ne serait-ce que vis-à-vis des familles, les objectifs
qu'ils se proposent, les activités qu'ils comptent organiser et les moyens
qu'ils peuvent y consacrer. Mais je ne voudrais pas qu'une rédaction trop
contraignante vienne brider la liberté et l'imagination des organisateurs, et
je souhaiterais, comme le prévoyait d'ailleurs l'ancien arrêté ministériel de
mai 1975, que les familles puissent continuer d'y être associées.
Le projet de loi généralise l'obligation de déclaration préalable à l'ensemble
des centres, à l'exception des garderies périscolaires, qui en sont dispensées
par un amendement voté à l'Assemblée nationale.
Cette extension me paraît en effet opportune, l'expérience ayant montré que la
limitation de cette obligation aux centres de vacances strictement dits ne
permettait pas de contrôler des formes de séjours organisés parfois très
voisines.
L'Assemblée nationale a souhaité imposer cette obligation aux seuls
organisateurs de l'accueil. Il nous a semblé qu'une telle restriction risquait
d'entraîner un recul par rapport à la réglementation actuelle, formulée dans
l'arrêté de 1975, qui prévoit à la fois une obligation de déclaration des
séjours de vacances, à la charge des organisateurs, et une obligation de
déclaration de première ouverture, imposée aux établissements de vacances.
Celle-ci permet à l'administration, deux mois avant leur ouverture, de
s'assurer de la salubrité et de la sécurité des locaux.
Nous n'avons pas souhaité dispenser les exploitants des locaux de cette
obligation, que nous pensons de nature à apporter des garanties utiles aux
familles, mais aussi aux organisateurs de séjours. Nous avons donc souhaité la
réintroduire par un amendement, en précisant que, dans notre esprit, cette
obligation ne doit évidemment s'imposer qu'aux exploitants des locaux qui
hébergent des mineurs de façon permanente ou périodique.
L'obligation d'assurance imposée aux organisateurs et aux exploitants des
locaux nous a également paru indispensable, et nous avons tenu à préciser
l'étendue des garanties qu'elle doit offrir.
Le souci du Gouvernement de maintenir à l'écart des centres de vacances et de
loisirs des personnes qui ont fait l'objet de certaines condamnations laissant
penser qu'elles seraient susceptibles de nuire aux enfants et aux adolescents
nous paraît justifié, et nous croyons, en effet, que ces « incapacités
professionnelles » doivent s'appliquer à l'ensemble des personnels qui sont au
contact des jeunes. Mais nous souhaiterions que le ministère de la jeunesse ne
s'en tienne pas à ce seul dispositif juridique et qu'il se donne les moyens
d'une politique de prévention plus active, reposant sur une meilleure
identification des personnes frappées par ces interdictions.
Le projet de loi donne une base légale aux pouvoirs de police très étendus du
préfet et confie aux fonctionnaires habilités et assermentés du ministère de la
jeunesse et des sports des missions de surveillance qui occupent une place
centrale dans le dispositif de contrôle.
Toutefois, ce dispositif juridique ne portera son plein effet que si le
ministère dispose également des personnels suffisants pour procéder au contrôle
effectif d'organismes qui, tous centres confondus, accueillent chaque année
entre cinq et six millions d'enfants et d'adolescents.
(Applaudissements sur
les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste,
ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Hugot, rapporteur pour avis.
M. Jean-Paul Hugot,
rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles.
Monsieur
le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, dans le
secteur de la communication audiovisuelle, le projet de loi prévoit
essentiellement de modifier le dispositif anti-concentration de la loi du 30
septembre 1986, afin de faciliter la reprise en numérique de terre de chaînes
du câble et du satellite actuellement détenues à plus de 49 % par les
opérateurs historiques de la télévision hertzienne terrestre.
Avant d'expliquer pourquoi, tout en étant d'accord sur le principe et sur les
objectifs, nous allons proposer une nouvelle rédaction du dispositif, je
voudrais rappeler que le projet de loi tente d'améliorer à la marge un régime
du numérique de terre dont j'ai eu plusieurs fois l'occasion d'analyser les
faiblesses et qui, à l'issue de ce débat, ne garantira toujours pas le
lancement efficace de la télévision numérique de terre avec de bonnes
perspectives de viabilité économique. Je ne reviendrai pas ici sur ce débat,
dont je tiens cependant à rappeler l'importance et dont j'ai mentionné les
principaux éléments dans mon rapport écrit.
M. Louis de Broissia.
C'est dommage ! Ce serait bien de nous faire un résumé !
M. Jean-Paul Hugot,
rapporteur pour avis.
Je vais donc consacrer mon intervention à la
question du plafond de 49 %, qui nous est présenté comme une clef essentielle
du lancement du numérique de terre.
Je souscris sans difficulté à l'idée selon laquelle un recentrage est
nécessaire sur ce point.
Je rappelle que le plafond de détention par une même personne de 49 % du
capital d'une société titulaire d'une autorisation de service de télévision par
voie hertzienne terrestre est devenu, avec l'entrée en vigueur de la loi du 1er
août 2000, applicable à l'ensemble des chaînes qui seront diffusées par voie
hertzienne terrestre numérique, y compris les chaînes existantes du câble et du
satellite, si leurs opérateurs souhaitent les faire migrer vers le numérique de
terre.
Toutes les études économiques, et le simple bon sens, montrent que le
lancement de la télévision numérique de terre se fera largement grâce à la
reprise sur ce support des chaînes créées pour le câble et pour le
satellite.
Or il faut savoir que nombre des chaînes thématiques créées pour le câble et
pour le satellite ont été conçues par les opérateurs traditionnels, TF1, M6 et
Canal Plus, en fonction d'une stratégie globale de développement et de
marketing qui implique souvent, de leur point de vue, la détention de parts de
capital supérieures à 49 %. Ces opérateurs ont alors tout naturellement
repoussé la perspective d'avoir à céder des parts de capital de leurs services
thématiques à seule fin de participer à l'aventure de la télévision numérique
de terre.
L'assouplissement de la règle du plafond de 49 %, que le Gouvernement n'avait
pas proposé lors de l'élaboration de la loi du 1er août 2000, est donc apparu
incontournable dans la perspective du lancement du numérique de terre, et le
Gouvernement s'est résolu à le proposer.
Le I de l'article 13 du projet de loi prévoit donc que le plafond de 49 % sera
à l'avenir appliqué à tout service diffusé par voie hertzienne terrestre, en
mode analogique ou numérique, dont l'audience moyenne annuelle dépasse 2,5 % de
l'audience totale des services de télévision. Le seuil de 2,5 % a été substitué
par l'Assemblée nationale au seuil de 3 % proposé par le Gouvernement.
Ce dispositif a été conçu afin que le plafond de 49 % ne frappe que les trois
chaînes hertziennes privées actuellement diffusées en mode analogique,
c'est-à-dire les seuls services soumis pour le moment à cette règle. Aucune des
chaînes thématiques du câble et du satellite ne dépasse en effet actuellement
le taux de 1 % d'audience.
Ce mécanisme assez astucieux tombe malheureusement sous le coup de la
vigoureuse critique que le Conseil constitutionnel adressait, dans sa décision
du 10 octobre 1984, à d'éventuelles dispositions législatives qui «
imposeraient à tout moment aux personnes possédant ou contrôlant les quotidiens
visés » - il s'agissait de presse écrite - « le respect de plafonds dont le
dépassement peut dépendre du succès auprès du public desdits quotidiens ou des
mécomptes des quotidiens concurrents ». De telles dispositions - je cite encore
le Conseil constitutionnel - « porteraient à la liberté de ces personnes et,
plus encore, à la liberté des lecteurs une atteinte directement contraire à
l'artice II de la Déclaration de 1789 ».
Le jeu du plafond de 2,5 % d'audience résulterait indiscutablement du succès
des services de télévision auprès du public et ferait ainsi manifestement
obstacle à la liberté de création et de développement naturel de ces services
et au libre choix des auditeurs. Il faut donc admettre que - et je cite à
nouveau la décision de 1984 - « ces dispositions seraient évidemment
inconstitutionnelles ».
Je rappelle que le système anticoncentration appliqué aux réseaux
radiophoniques, qui sera sans doute invoqué pour justifier la proposition du
Gouvernement, est parfaitement conforme aux exigences de la jurisprudence
constitutionnelle, et d'ailleurs tout à fait différent de celui que nous allons
examiner.
On objectera aussi à ma démonstration l'idée que le seuil de 2,5 % ou de 3 % a
été calculé pour ne pas être atteint par les services qui, actuellement, ne
sont pas soumis au plafond de 49 %, et que le risque de tomber sous le coup de
la jurisprudence de 1984 est donc quasiment inexistant. C'est une vue de
l'esprit.
La mise en oeuvre du mécanisme de cession obligée d'une part de capital
apparaît en réalité très plausible. Les taux d'audience des chaînes thématiques
actuellement cités sont très éloignés de 2,5 % car ils sont calculés en
fonction d'une population qui, dans sa grande majorité, n'a accès qu'aux cinq
chaînes traditionnelles. Mais, dans le paysage audiovisuel qui surgira du
lancement de la télévision numérique de terre, 80 % de la population aura accès
à plus de trente chaînes, et l'audience se répartira entre les services de
façon totalement différente de la situation actuelle.
Nous pouvons avoir une idée de ce que sera la structure de l'audience dans le
paysage audiovisuel numérique en regardant la façon dont se répartit
actuellement l'audience dans le public qui a accès à l'offre élargie de
télévision. Une chaîne comme RTL 9 représente 3,8 % de l'audience sur
l'ensemble de cette population, et 5,7 % si l'on ne prend en compte que les
auditeurs qui peuvent effectivement recevoir RTL 9.
Si le lancement de la télévision numérique de terre connaît le succès que nous
lui souhaitons, si demain trente-six chaînes sont proposées à l'ensemble ou à
80 % de la population française, la structure de l'audience se rapprochera
nécessairement de ce modèle. Et si ce n'est pas le cas, cela signifiera l'échec
de la télévision numérique de terre. Chacun comprendra que Pathé ou M.
Lagardère ne préparent pas des projets de chaînes gratuites à vocation plus ou
moins généraliste en visant une audience de 1 % de l'offre numérique !
Donc, le seuil de 2,5 % sera nécessairement franchi par certains nouveaux
services, et le mécanisme que le Conseil constitutionnel a explicitement
condamné en 1984 se mettra en branle.
On me rétorquera que j'invoque une vieille jurisprudence - 1984 - et que les
temps ont changé. Je ne suis pas certain que les temps aient vraiment changé en
ce qui concerne la communication audiovisuelle, que nous soyons entrés dans une
période de mesure, de sagesse et de raison qui rendrait inutile le maintien des
précautions instituées voilà dix-sept ans. Pensez, mes chers collègues, au
débat disproportionné que la médiocre émission de télévérité diffusée par M6 a
provoqué ces dernières semaines. Certains commentateurs, autorisés ou non, sont
allés jusqu'à repérer dans cette émission la manifestation d'un « fascisme
rampant » et n'ont pas craint de dénoncer ce qu'ils considèrent comme l'action
pernicieuse d'actionnaires étrangers subrepticement rendus maîtres de la
programmation de la chaîne. Pas moins !
M. Louis de Broissia.
Des noms !
M. Jean-Paul Hugot,
rapporteur pour avis.
Nul besoin de poursuivre la démonstration pour
prouver que la jurisprudence constitutionnelle de 1984 n'a pas pris une ride et
qu'elle demeure une garantie contre l'éventuelle tentation de donner effet à
certains excès conceptuels.
Il n'y aura sans doute pas de revirement jurisprudentiel en faveur des chaînes
thématiques. Même si ce devait être le cas, pourquoi courir le risque sérieux
d'une censure qui affecterait gravement le lancement de la télévision numérique
de terre ? Il y a bien des façons d'atteindre en toute sécurité juridique un
objectif que nous partageons. Nous y reviendrons lors de l'examen de l'article
13.
J'évoquerai également ici l'article 18 qui vient rouvrir le débat sur le
problème des formules d'abonnement au cinéma, et qui me paraît assez
critiquable sur la forme et sur le fond.
La réglementation de ces formules d'accès au cinéma vient d'être débattue
devant l'Assemblée nationale et le Sénat, à l'occasion de la discussion du
projet de loi relatif aux nouvelles régulations économiques, et l'Assemblée
nationale statuant en lecture définitive, le 2 mai 2001, en a fixé le régime
juridique dans l'article 27 du code de l'industrie cinématographique.
Or huit jours plus tard, le 10 mai, le Gouvernement a fait adopter, à
l'occasion de la discussion à l'Assemblée nationale du présent projet de loi,
un amendement qui prévoit une nouvelle rédaction de cet article 27.
M. Louis de Broissia.
Ça fait désordre !
M. Jean-Paul Hugot,
rapporteur pour avis.
Comme la loi sur les nouvelles régulations
économiques n'avait pas encore été promulguée - elle ne l'a été que le 15 mai
-, l'article 18 voté par l'Assemblée nationale n'a pas pu prendre la forme d'un
amendement à un article 27 qui n'était pas encore entré en vigueur. Il a donc
dû se livrer à la réécriture complète du texte.
En réalité, la rédaction de l'article 18 qui nous est proposée ne s'écarte du
texte de l'article 27, maintenant en vigueur, que sur trois points.
Ces trois modifications ne sont d'ailleurs pas entièrement nouvelles,
puisqu'elles s'inspirent de deux amendements et d'un sous-amendement défendus
par le groupe socialiste du Sénat lors de la nouvelle lecture du projet de loi
relatif aux nouvelles régulations économiques. Le Sénat ayant préféré revenir à
son texte, ces deux amendements étaient devenus sans objet, et l'Assemblée
nationale, statuant en lecture définitive, avait retenu son propre texte.
Ces amendements réapparaissent, pour ainsi dire, dans la rédaction de
l'article 18 qui nous est aujourd'hui soumise et que l'on peut donc considérer
en quelque sorte comme une nouvelle « nouvelle lecture » de l'article 27 du
code de l'industrie cinématographique, à cheval sur deux projets de loi !
M. Louis de Broissia.
C'est une façon gentille de dire les choses !
M. Jean-Paul Hugot,
rapporteur pour avis.
Le moins que l'on puisse dire - et cela est
peut-être moins gentil - c'est que ce procédé n'est, au regard de la procédure
législative, ni très classique ni très satisfaisant,...
M. Jacques Valade,
rapporteur pour avis.
Voilà !
M. Jean-Paul Hugot,
rapporteur pour avis.
... et qu'il donne une désagréable impression
d'improvisation.
(Marques d'approbation sur les travées du RPR et des
Républicains et Indépendants,)
J'en viens à l'examen du problème de fond.
Je ne m'attarderai pas sur les deux dispositions nouvelles qui ont trait
respectivement aux modalités de calcul de la rémunération des ayants droit et à
la mention, dans le paragraphe 4, des producteurs et des ayants droit aux côtés
des distributeurs. Elle me paraissent apporter des précisions utiles sans
remettre en question l'économie générale du dispositif, et la première d'entre
elles avait d'ailleurs été adoptée par le Sénat lors de la nouvelle lecture du
projet de loi relatif aux nouvelles régulations économiques. La commission
proposera donc de les insérer dans l'article 27 du code de l'industrie
cinématographique.
Il n'en va pas de même des modifications apportées aux seuils qui tendent à
créer une nouvelle catégorie intermédiaire d'exploitants.
Je rappelle que le système actuel, tel qu'il résulte de l'article 27 en
vigueur, ne distingue que deux catégories d'exploitants.
Les exploitants qui dépassent certains pourcentages d'entrées ou de recettes -
les grands exploitants en quelque sorte - sont tenus, lorsqu'ils mettent en
place une formule d'abonnement d'y associer les petits exploitants qui le
souhaiteraient et de leur garantir en outre un revenu minimal par place. Cette
garantie de revenu, qui résulte du texte adopté par l'Assemblée nationale, vise
à reporter sur les seuls grands exploitants le risque économique afférent à une
forte utilisation de la carte d'abonnement qui réduirait le montant de la
recette par entrée.
Le texte du projet de loi définit une nouvelle catégorie d'exploitants de
taille intermédiaire, en procédant au relèvement de certains des seuils
définissant les grands exploitants.
Ces exploitants intermédiaires sont dispensés des obligations imposées aux
grands exploitants, mais ils ne bénéficient pas non plus des droits et des
garanties reconnus aux petits exploitants : s'ils mettent en place une formule
de carte d'abonnement, ils sont dispensés de l'obligation de l'ouvrir aux
petits exploitants et, dans l'hypothèse où ils accepteraient cependant de les y
associer, ils ne sont pas tenus de leur garantir un revenu minimal par place.
En contrepartie, ils ne peuvent pas non plus revendiquer, s'ils adhèrent à une
carte, la garantie de recettes réservée aux petits exploitants.
D'après les informations communiquées à la commission des affaires
culturelles, il semblerait que les exploitants susceptibles d'entrer dans cette
troisième catégorie puissent se compter sur les doigts de la main, et ce alors
que certains d'entre eux exercent leur activité en province, laquelle est
encore peu touchée par le recours aux formules d'abonnement.
Existe-t-il d'ailleurs une volonté de les encourager à mettre en place des
cartes ? J'ai plutôt eu l'impression que l'objectif du Gouvernement était de
rendre impossible un système qu'il n'a pu interdire.
Etait-il réellement légitime, dans ces conditions, de remettre en question,
quelques jours seulement après son entrée en vigueur, le dispositif adopté dans
la loi du 15 mai 2001, et ce au bénéfice d'un nombre aussi limité de sociétés ?
La commission ne le pense pas. Aussi, elle ne vous proposera pas de retenir
cette disposition dans sa rédaction de l'article 18.
Telles sont les observations que la commission des affaires culturelles m'a
chargé de présenter au Sénat en ce qui concerne les dispositions du projet de
loi relatives à la communication audiovisuelle et au cinéma.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants
et de l'Union centriste.)
M. le président.
La parole est à M. Valade, rapporteur pour avis.
M. Jacques Valade,
rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles.
Monsieur
le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, mon
intervention sera aussi brève que possible, et ce pour deux raisons : d'une
part, elle ne porte que sur le seul article 12 du présent projet de la loi
soumis pour avis à la commission des affaires culturelles ; d'autre part, je
suis le dernier rapporteur à intervenir sur ce texte.
Cet article 12 a d'abord pour objet, dans son paragraphe I, de conférer au
conseil de direction de l'Institut d'études politiques de Paris les compétences
en matière d'admission des étudiants aux formations dispensées par cet
établissement et d'organisation des études, comme vous l'avez d'ailleurs
rappelé dans votre propos liminaire, monsieur le secrétaire d'Etat.
Il a ensuite pour objet, dans un paragraphe II, de valider
a
posteriori,
à titre de précaution dirai-je, les délibérations dudit conseil
prises en mars dernier en vue d'expérimenter une nouvelle procédure d'admission
en première année.
Comme vous le savez - la presse s'en est d'ailleurs fait largement l'écho -,
il s'agit en l'espèce de favoriser la diversification sociale du recrutement
des élèves à Sciences-Po en mettant en place, en vue de la prochaine rentrée
universitaire, une nouvelle voie d'accès à la première année à l'intention des
meilleurs élèves de lycées classés en ZEP, ou zone d'éducation prioritaire, en
réseau d'éducation prioritaire, en zone sensible, ou d'établissements
présentant des caractéristiques socioculturelles analogues.
Le Gouvernement demande donc au Sénat, d'une part, de valider un décret «
fragile », celui de 1985, qui définit l'autonomie de Sciences po concernant les
conditions d'admission des élèves et d'organisation des études et, d'autre
part, de valider un dispositif visant à démocratiser l'IEP de Paris en
l'ouvrant aux bacheliers méritants des zones d'éducation prioritaires, parce
qu'il est aujourd'hui mis en cause par une procédure engagée par un syndicat
étudiant devant le tribunal administratif de Paris.
M. Roland Muzeau.
Un syndicat de droite !
M. Jacques Valade,
rapporteur pour avis.
Un syndicat universitaire !
M. Roland Muzeau.
De droite !
M. Jacques Valade,
rapporteur pour avis.
S'agissant du premier volet, je rappellerai très
brièvement que l'histoire de Sciences Po témoigne du souci constant de cette
institution de renforcer son autonomie, et ce depuis la naissance de l'Ecole
libre des sciences politiques en 1872 : créée par Emile Boutmy à la suite de la
faillite de l'empire libéral et de la défaite de Sedan, sous l'impulsion
d'intellectuels comme Taine et Renan, cette école avait, dès l'origine,
vocation à former les élites politiques, économiques et administratives de la
IIIe République à venir.
Compte tenu de cette vocation, le général de Gaulle, inspiré par Michel Debré
et Jean-Marcel Jeanneney, a pris la décision d'intégrer l'école dans le service
public de l'enseignement supérieur, tout en préservant son autonomie : c'est
l'objet de l'ordonnance du 9 octobre 1945 qui crée l'IEP et la Fondation
nationale des sciences politiques, ou FNSP, fondation de droit privé à qui est
confiée la gestion de l'IEP de Paris.
J'ajouterai que la loi Edgar Faure de 1968 accentue encore l'indépendance de
l'IEP de Paris en détachant celui-ci de l'université de Paris.
Dans le même sens, l'article 37 de la loi Savary du 26 janvier 1984 sur
l'enseignement supérieur range l'IEP de Paris dans la catégorie des grands
établissements, tels l'école des Chartes, le Conservatoire national des arts et
métiers, le Collège de France et l'Ecole nationale supérieure des arts et
métiers, qui échappent au régime de droit commun des universités, comme
d'ailleurs les écoles normales supérieures et les écoles françaises à
l'étranger. Ces établissements bénéficient, aux termes de l'article 37, de «
règles particulières d'organisation et de fonctionnement (...) dans le respect
des principes d'autonomie et de démocratie définis par la présente loi ».
Au titre de l'article 37 de la loi de 1984, l'IEP se voit donc reconnaître une
large autonomie qui est notamment précisée par le décret, aujourd'hui mis en
cause, du 10 mai 1985, et notamment par son article 5, celui-ci conférant au
conseil de direction de l'IEP compétence pour fixer les conditions d'admission
des élèves et l'organisation des études.
Bien entendu, la commission des affaires culturelles n'a pas l'intention de
porter atteinte à l'autonomie de Sciences-Po, qui est consacrée depuis le
milieu du siècle dernier et qui est parfaitement justifiée, compte tenu du rôle
majeur de cette institution qui accueille aujourd'hui - il convient de le
rappeler - quelque 4 000 étudiants, dont 25 % d'origine étrangère, ni de
remettre en cause les procédures actuelles, rigoureuses et diversifiées,
d'admission à tous les stades de la scolarité, ainsi que la situation des
étudiants en cours d'étude.
On pourra cependant s'étonner que la validité du décret du 10 mars 1985 n'ait
pas été évoquée plus tôt et qu'il ait fallu attendre seize ans pour découvrir
sa fragilité : en effet, l'ancien article 14 de la loi de 1984, désormais
codifié à l'article L. 612-3 du nouveau code de l'éducation, précise
explicitement que les modalités de la sélection pour l'accès à certains
établissements, y compris les grands établissements, sont arrêtées par le
ministre de l'enseignement supérieur. Le sort de ce décret était donc devenu
très incertain, après le recours formé par le syndicat étudiant qu'est l'UNI,
ou l'Union nationale interuniversitaire.
La commission des affaires culturelles ne verra donc pas d'objection, dans un
souci de sécurisation juridique, à la validation par le législateur de
l'article 5 dudit décret, en tant que ses dispositions donnent compétence au
conseil de direction de l'IEP de Paris pour fixer les conditions
d'admission.
J'ajouterai que le paragraphe I de l'article 12, qui introduit un nouvel
article L. 621-3 dans le code de l'éducation, précise que ce conseil peut
adopter des procédures d'admission, par voie de conventions passées avec les
établissements d'enseignement secondaire ou supérieur, français ou étrangers,
pour diversifier le recrutement social à Sciences Po : toutes les possibilités
de démocratisation de l'IEP de Paris sont ainsi ouvertes pour l'avenir.
En revanche, la commission des affaires culturelles a émis de sérieuses
réserves s'agissant du second volet du projet, c'est-à-dire de la validation à
titre de précaution des décisions du conseil de direction du 26 mars 2001,
visant à ouvrir, dès la rentrée prochaine, aux meilleurs élèves des ZEP, hors
concours, l'accès en première année.
On voit mal, en effet, pourquoi le Parlement devrait valider
a
posteriori
une procédure juridiquement douteuse, qui risque d'être annulée
par le tribunal administratif, alors que la loi va fournir à Sciences Po un
cadre juridique incontestable.
S'agissant des inégalités sociales à Sciences Po évoquées pour justifier
l'article 12 du projet de loi, elles se sont évidemment réduites depuis
l'époque de l'Ecole libre des sciences politiques ; néanmoins, et même si des
progrès sensibles de diversification sociale ont été enregistrés au cours des
dernières années, elles perdurent : aujourd'hui, les enfants de cadres et de
professions dites intellectuelles supérieures représentent en effet 56 % des
admis, et les catégories sociales dites favorisées, 81 %.
Force est de constater que le concours de Sciences Po continue à favoriser les
enfants des catégories favorisées à fort capital économique et/ou culturel au
détriment des candidats d'origine modeste, l'allongement de la scolarité à cinq
ans n'ayant en outre pas contribué à ouvrir davantage l'IEP à ces candidats, en
dépit du développement des bourses d'études.
Un tel constat ne s'applique malheureusement pas seulement à l'IEP de Paris :
compte tenu de mes responsabilités passées en matière d'enseignement supérieur
et de recherche, je rappellerai que, si les ouvriers représentent encore 20 %
de la population française, leurs enfants - il convient de le déplorer - ne
constituent que 10 % de la population étudiante à l'université, alors que les
enfants de cadres, de professions libérales et d'enseignants constituent 33 %
de la population étudiante totale.
Il convient également de noter que les élèves d'origine populaire ne
constituent que 9 % de la population de nos grandes écoles les plus
prestigieuses - l'Ecole polytechnique, l'Ecole nationale d'administration,
l'Ecole normale supérieure, l'Ecole des hautes études commerciales - et que ces
jeunes ont vingt-trois fois moins de chances que les autres d'intégrer l'une de
ces grandes écoles. Nous sommes là au coeur d'un problème rémanent : l'égalité
des chances et la reconnaissance du mérite de chacun quelle que soit l'origine
des élèves et des étudiants.
La démocratisation réelle de notre enseignement supérieur, qui, certes, a
beaucoup progressé, en particulier grâce aux filières courtes
professionnalisées, doit donc être poursuivie, notamment dans la voie de
l'excellence.
Pour en revenir au paragraphe II de l'article 12, qui tend à faire valider par
le Parlement une procédure « hors concours » visant à accueillir à la rentrée
prochaine une vingtaine de bacheliers méritants de sept lycées classés en ZEP,
choisis d'une manière quelque peu discrétionnaire dans trois académies, la
commission des affaires culturelles a estimé que le dispositif proposé par
l'IEP, outre qu'il met en quelque sorte le Parlement devant le fait accompli,
est critiquable à bien des égards, même s'il s'inspire du principe de la
discrimination positive consacré au début des années quatre-vingt avec la mise
en place des zones d'éducation prioritaires.
Un tel dispositif introduit d'abord incontestablement une inégalité de
traitement entre les bacheliers des lycées classés en zone d'éducation
prioritaire ; il est en outre discriminatoire à l'égard des bons élèves de
lycées hors ZEP n'ayant pas obtenu une mention très bien, et qui seront, eux,
soumis au régime de droit commun du concours d'entrée et dont le profil
socio-économique est souvent proche de celui des élèves des ZEP.
J'ajouterai que l'IEP, qui, pourtant, se livre depuis plusieurs semaines à un
lobbying
insistant sur cette affaire, n'a pas été en mesure de nous
fournir la moindre statistique sur le nombre de ses élèves issus de lycées
classés en ZEP, ne serait-ce que pour la dernière promotion.
On peut également craindre que les lycéens de ZEP retenus dans le cadre de ce
dispositif ne soient surtout en fait des enfants d'enseignants regroupés dans
des classes spécifiques qui disposent, comme le montrent les statistiques, de
tous les atouts pour réussir le concours de Sciences po.
Même après avoir entendu M. Richard Descoings, directeur de l'IEP, l'un de ses
prédécesseurs, M. Alain Lancelot, et le président de la Fondation nationale des
sciences politiques, M. René Rémond, ainsi d'ailleurs que les représentants de
l'UNI, on constate que le dispositif soumis à validation porte
incontestablement atteinte au principe d'égalité devant le concours.
J'ajouterai que la rédaction du paragraphe I de l'article 12, qui, lui,
n'appelle pas d'objection de notre part, donnera désormais toute latitude au
conseil de direction pour proposer, dans le cadre de la loi, de nouveaux
dispositifs destinés à diversifier le recrutement de l'IEP : je pense, en
particulier, à des classes préparatoires à Sciences Po, qui pourraient sans
difficulté être mises en place dans certains lycées d'enseignement général
classés en ZEP, dans le respect du principe d'égalité.
Je rappellerai par ailleurs, comme je le fais depuis plusieurs années lors de
l'examen du projet de loi de finances, que notre enseignement supérieur
scientifique est aujourd'hui l'objet d'une désaffection de plus en plus
préoccupante de la part de nos bacheliers, y compris les plus brillants ; il
conviendrait sans doute d'aider les bacheliers méritants des ZEP à s'orienter
vers des filières scientifiques supérieures, y compris les grandes écoles, qui
ont besoin d'élèves de qualité venant de tous les horizons.
Pour toutes ces raisons, la commission des affaires culturelles vous proposera
de supprimer le paragraphe II de l'article 12.
J'évoquerai enfin rapidement le paragraphe III de l'article 12 du projet de
loi, qui a été introduit par l'Assemblée nationale à la suite d'un amendement
présenté par M. Pierre-Christophe Baguet. Ce paragraphe vise à étendre aux
établissements d'enseignement supérieur, dans un cadre expérimental et sur la
base du volontariat, la procédure prévue pour Sciences Po par le paragraphe I
de l'article 12. Les universités pourraient ainsi passer des conventions avec
les établissements du second degré dans le but de favoriser la diversification
sociale de leur recrutement. Une telle extension s'appliquerait également aux
IEP de province qui relèvent du dispositif universitaire et qui étaient exclus
du projet de loi initial.
La commission des affaires culturelles a estimé qu'une telle disposition,
incontestablement de nature à démocratiser encore davantage l'accès à
l'enseignement supérieur, était aussi susceptible de donner un nouvel élan à
l'autonomie de nos universités qui sont trop souvent confrontées à une
réglementation étouffante.
La commission des affaires culturelles ne peut donc qu'être favorable au
maintien de ce paragraphe III, sous réserve des explications que vous ne
manquerez sans doute pas de nous fournir, monsieur le secrétaire d'Etat.
Naturellement, nous aurions aimé entendre M. le ministre de l'éducation
nationale sur cet élément qui est stratégique en matière de recrutement du
système universitaire français.
Sous réserve de ces observations et du vote de l'amendement tendant à la
suppression du paragraphe II, la commission des affaires culturelles a donné un
avis favorable à l'adoption de l'article 12 du projet de loi.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants
et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la
conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour
cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République, 60 minutes ;
Groupe socialiste, 50 minutes ;
Groupe de l'Union centriste, 38 minutes ;
Groupe de Républicains et Indépendants, 36 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 23 minutes.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Grignon.
M. Francis Grignon.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le
Gouvernement a placé au début de son projet de loi les dispositions
législatives qu'appelait la nouvelle convention de l'UNEDIC.
Comment ne pas s'associer à une réforme qui, au lieu de prévoir une
indemnisation passive, mobilise des moyens en faveur de l'aide à l'évaluation,
de l'aide à la formation, de l'aide à la mobilité, de la suppression du
caractère dégressif des allocations, de l'accompagnement individualisé et,
surtout, de la baisse des cotisations salariales et patronales, toutes avancées
que les membres de mon groupe et moi-même soutenons ?
Sachant que les licenciements économiques sont, dans la majorité des cas, le
fait de petites ou moyennes entreprises qui ne peuvent financer les plans
sociaux qu'organisent souvent les plus grandes, il est nécessaire de mettre à
la disposition des salariés à la recherche d'un emploi des services de l'emploi
et de la formation infiniment plus performants que ceux qui existent
actuellement.
C'est tout l'enjeu de la réforme que les partenaires sociaux ont voulu engager
: rendre plus performants l'ensemble des services qui sont à la disposition des
salariés à la recherche d'un emploi, car notre pays, dans ce domaine, n'offre
que des prestations insuffisantes. Il est indispensable que ces services soient
à la fois étroitement associés aux organismes paritaires et très proches, au
sein des professions, aussi bien des syndicats de salariés que des syndicats
patronaux si l'on veut qu'ils soient plus performants et en harmonie avec les
réalités de l'économie d'aujourd'hui.
Les membres du groupe de l'Union centriste se félicitent de cette initiative
prise par les partenaires sociaux pour revivifier le dialogue social, qui, au
cours des dernières années, a été bien souvent compromis, voire paralysé par un
interventionnisme excessif du Gouvernement.
Nous adhérons donc totalement à la démarche qui a été engagée depuis bientôt
deux ans pour mettre en oeuvre un accompagnement individualisé des demandeurs
d'emploi.
Je me permettrai toutefois de formuler deux observations.
Tout d'abord, le Gouvernement a souhaité que l'ANPE soit partie prenante dans
la mise en oeuvre du PARE. Sera-t-elle capable, même avec les moyens
supplémentaires que l'UNEDIC va lui allouer, de faire face à ce surcroît de
tâches ?
Par ailleurs, pourquoi ne pas consentir le même effort d'accompagnement
individualisé en faveur des personnes appartenant au noyau dur du chômage, à
savoir les RMIstes, dont le nombre n'a pas diminué et devant lesquels les
départements sont manifestement « en panne » ? Dans le budget pour 2001, on a
au contraire restreint le nombre de contrats emploi-solidarité et leur
financement, alors qu'ils étaient justement destinés aux RMIstes.
En ce qui concerne le PARE, il s'agit de donner un fondement législatif aux
résultats d'une grande négociation sociale qui a duré près de deux ans, dans un
climat difficile en raison de l'affrontement entre partenaires sociaux et
Gouvernement.
La validation demandée au Parlement s'accompagne d'une obligation faite à
l'UNEDIC d'améliorer certaines prises en charge. Tout cela va bien sûr dans le
bons sens, celui d'une mobilisation très active contre le chômage.
C'est dire que mes collègues du groupe de l'Union centriste et moi-même
approuvons pleinement cette démarche.
En revanche, il n'en va pas de même pour le second grand volet de ce projet de
loi portant diverses dispositions d'ordre social.
En effet, dans son titre II, qui traite du fonds de réserve des retraites par
répartition ou plutôt de son organisation, le Gouvernement se livre à une
véritable falsification, à laquelle nous ne pouvons bien sûr souscrire, en ce
qui concerne l'avenir des retraites, ainsi que celui des retraités et des
futurs retraités.
Ainsi, le Gouvernement a volontairement noyé dans un DDOS deux dispositions,
l'une faisant l'unanimité, l'autre non. Il nous semble que ces deux sujets sont
abusivement présentés dans le même texte fourre-tout.
M. Jean Delaneau,
président de la commission des affaires sociales.
Tout à fait !
M. Francis Grignon.
S'agissant du fonds de réserve, il fut créé par la loi de financement de la
sécurité sociale pour 1999 et est censé pallier les difficultés du régime par
répartition, le Gouvernement prévoyant de l'alimenter à hauteur de 1 000
milliards de francs d'ici à 2020. Cette somme doit permettre, selon le scénario
du Gouvernement, de couvrir la moitié des déficits des régimes de retraite
entre 2020 et 2040.
Or le Sénat, dans ses observations sur le fonds de réserve pour les retraites
à l'intention du conseil d'orientation des retraites, vient de faire la preuve
que le tiers des recettes manquera pour avoir été d'ores et déjà détourné.
En effet, parce que le Gouvernement a utilisé le fonds de solidarité
vieillesse pour financer les 35 heures, c'est, avec le transfert des droits sur
les alcools et d'une partie des recettes de la CSG, une grande partie de la
capitalisation prévue qui fera défaut, d'autant que les recettes produiront
également des intérêts cumulés.
M. Jean Delaneau,
président de la commission des affaires sociales.
C'est tout à fait exact
!
M. Francis Grignon.
A cela, il faut ajouter les détournements effectués pour financer l'allocation
personnalisée à l'autonomie, pour payer les dettes de l'Etat aux régimes
complémentaires de retraite et pour pallier l'insuffisance des recettes liées à
l'attribution des licences UMTS.
Au total, selon les calculs de notre excellent rapporteur Alain Vasselle, on
en arrive à un déficit cumulé de près de 375 milliards de francs. Nous sommes
donc très loin du compte !
Mais quand bien même le compte y serait, monsieur le secrétaire d'Etat, vous
savez qu'il faudra probablement « éponger » quelques déficits d'ici à 2020. En
effet, vous n'en faites pas état, mais personne n'ignore que, à partir de 2007,
les régimes obligatoires seront déficitaires. Même si vous disposiez des 1 000
milliards de francs que vous avez évoqués, il vous faudrait combler des
déficits qui atteindront dans les années 2020, en l'absence de réforme, au
moins 200 milliards de francs par an.
Le rapport du Sénat le démontre : il manque d'ores et déjà près d'un tiers des
recettes que vous avez annoncées. Dans ces conditions, à l'échéance de 2020, au
moins un tiers de ces fameux 1 000 milliards de francs feront défaut.
Le fonds de réserve pour les retraites n'est en fait qu'une coquille vide,
puisqu'il est ponctionné régulièrement pour assurer le financement des mesures
gouvernementales et que ses ressources ont fondu comme neige au soleil.
L'action du Gouvernement en matière de retraites est inexistante et
constituera, sans aucun doute, l'un des points noirs de son bilan.
M. Claude Domeizel.
N'exagérez pas !
M. Francis Grignon.
Ce fonds apparaît donc comme une nouvelle chimère créée par le Gouvernement en
vue de faire croire à l'opinion publique qu'il agit dans ce domaine.
Les membres du groupe de l'Union centriste ne peuvent cautionner
l'irresponsabilité du Gouvernement en la matière et adopteront les amendements
déposés par notre excellent rapporteur Alain Vasselle, au nom de la commission
des affaires sociales du Sénat, qui propose que le fonds de réserve pour les
retraites, destiné, dans la logique même du Gouvernement, à garantir l'avenir
des retraites à compter de 2020, soit doté, afin d'assurer son indépendance et
sa transparence, d'un statut d'établissement spécial placé sous la surveillance
et la garantie du Parlement, et non d'un statut de simple établissement public
sous tutelle ministérielle.
(Applaudissements sur les travées des
Républicains et Indépendants et du RPR.)
M. le président.
La parole est à M. Trucy.
M. François Trucy.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues,
nous examinons de nouveau ce soir un texte fourre-tout qui, à nos yeux, manque
pour le moins d'unité.
Certes, nous comprenons fort bien que déposer ce genre de texte soit parfois
nécessaire, car les évolutions constantes imposent des ajustements fréquents,
mais le Gouvernement a une fâcheuse tendance à les multiplier ces temps-ci. En
outre, il les fait discuter en urgence et ajoute à la dernière minute des
amendements importants qui mériteraient une étude plus approfondie : je pense
notamment aux douze articles relatifs aux sociétés coopératives d'intérêt
collectif.
Tout cela n'est guère respectueux des droits du Parlement. On a un peu
l'impression que le Gouvernement ne croit guère aux vertus de la discussion
parlementaire pour mettre au jour les enjeux et éclairer les choix. Selon nous,
c'est une regrettable erreur, car on ne fait rien de bon, en matière
législative, dans la précipitation : une loi est destinée à s'appliquer
longtemps et, de par son caractère général, elle régit une infinité de
situations ; la prudence et la réflexion sont donc essentielles en la
matière.
Je n'aborderai ce soir que trois points : la validation de la convention
d'assurance chômage, le fonds de réserve des retraites et l'expérimentation
menée par l'Institut d'études politiques de Paris. Ces points sont tous trois
révélateurs de plusieurs échecs de l'action gouvernementale.
Tout d'abord, la validation de la convention d'assurance chômage marque les
limites de la politique d'uniformisation étatique du Gouvernement.
Ensuite, avec le fonds de réserve des retraites, il signe sa capitulation
devant la réforme de nos régimes de retraite par répartition.
Enfin, l'expérimentation de « Sciences-Po » met cruellement en exergue son
immobilisme en matière d'enseignement : il a poursuivi la massification de
l'enseignement supérieur, mais en oubliant de défendre l'égalité des chances.
Obnubilé par le quantitatif - le slogan « amener 80 % des jeunes au bac » en
témoigne de façon éloquente - il a omis le qualitatif, en négligeant de donner
aux élèves brillants mais handicapés par un environnement social défavorisé les
moyens d'accéder aux établissements supérieurs qu'ils méritent de
fréquenter.
Je vais maintenant revenir plus en détail sur chacun des trois points que j'ai
évoqués.
La nouvelle convention d'assurance chômage témoigne de la créativité des
partenaires sociaux. Elle marque le premier acte de la refondation sociale
voulue par plusieurs syndicats et que nous tenons à saluer.
Après les récriminations tout à fait outrancières de Mme Aubry, le
Gouvernement s'est finalement rallié - de guerre lasse, dirait-on - à ce
dispositif innovant qui permettra à tout chômeur de bénéficier d'une aide
personnalisée au retour à l'emploi.
Nous nous étonnons toutefois des restrictions drastiques que le Gouvernement a
introduites dans cette retranscription législative de la convention.
En effet, il encadre les conditions d'attribution des différentes aides bien
plus strictement que ne l'ont prévu les partenaires sociaux dans la
convention.
Je ne prendrai que deux exemples à cet égard.
S'agissant tout d'abord de l'aide à la mobilité géographique, une embauche en
contrat à durée indéterminée ou en contrat à durée déterminée d'au moins douze
mois conditionne son attribution, ce que ne prévoyait pas la convention.
Par ailleurs, le bénéfice de l'aide est ouvert aux demandeurs d'emploi
acceptant un emploi « dans une localité éloignée de leur résidence habituelle »
et non plus, comme le stipulait la convention, « dans un autre bassin d'emploi
que celui dans lequel ils étaient précédemment occupés ».
Ces restrictions témoignent, une fois de plus, de la méfiance du Gouvernement
à l'égard des partenaires sociaux. D'ailleurs, la lecture de la presse
d'aujourd'hui ne nous apprend-elle pas que, à l'Assemblée nationale, un député
socialiste s'apprête à déposer un texte qui se veut « la vraie solution pour
une refondation sociale » ? A quoi rime ce « ballet », monsieur le secrétaire
d'Etat ?
M. Jean Delaneau,
président de la commission des affaires sociales.
De quel journal
s'agit-il ?
M. François Trucy.
Du
Figaro
! L'article en question se trouve à la page 6.
Venons-en maintenant au fonds de réserve pour les retraites.
Ce fonds, je le rappelle, constitue un expédient dilatoire qui a signé le
recul de M. Jospin devant la réforme des retraites. En matière de concours
hippiques, on appellerait cela un « refus d'obstacle » !
Le Premier ministre croit lui-même si peu aux vertus de ce leurre qu'il a
procédé à un vaste détournement des sommes qui devaient lui être affectées.
(Protestations sur les travées socialistes.)
C'est un point que notre
collègue Alain Vasselle a longuement exposé à plusieurs reprises.
Depuis un an, le Gouvernement s'emploie à assécher ce qui représente la
première ressource du fonds de réserve, à savoir les excédents du fonds de
solidarité vieillesse, qu'il ponctionne pour financer les 35 heures et
l'allocation personnalisée d'autonomie. Cela a souvent été souligné dans cette
enceinte, mais comment ne pas le dire et le redire !
D'ici à 2020, 540 milliards de francs seront ainsi prélevés sur le FSV. Un
dispositif du Gouvernement vient donc en réalité en « cannibaliser » un autre.
On ne risque guère d'atteindre les fameux 1 000 milliards de francs annoncés
comme nécessaires par le Premier ministre le 21 mars 2000,...
M. Claude Domeizel.
Non, ce sera 1 280 milliards de francs !
M. François Trucy.
... somme qui serait déjà insuffisante, nous le savons tous, pour sécuriser
l'avenir des régimes de retraite par répartition.
Le conseil d'orientation des retraites a fait connaître, le 17 mai dernier, de
nouvelles projections qui confirment le constat établi par le rapport Charpin.
Le seul déficit cumulé de la caisse nationale d'assurance vieillesse de 2007 à
2020 représentera de 600 milliards à 920 milliards de francs. Les 1 000
milliards de francs prévus en 2020, s'ils sont réunis, serviront donc à «
éponger » les déficits cumulés de 2007 à 2020. Le problème du financement des
retraites entre 2020 et 2040 restera alors entier.
Je ne reviendrai pas sur les défauts et sur les lacunes qui caractérisent le
dispositif du projet de loi. Les rapporteurs de la commission des affaires
sociales l'ont fait avec brio et nous proposeront des amendements qui
permettront de remédier aux déficiences constatées.
J'évoquerai pour conclure l'ouverture de « Sciences Po » aux étudiants issus
des zones d'éducation prioritaire.
Le groupe des Républicains et Indépendants est tout à fait favorable à
l'expérimentation en tant que telle, d'autant qu'il s'agit de remédier aux
hésitations d'un Etat qui, c'est bien clair, ne sait plus trop quoi faire ni
dans quelle direction se diriger en matière d'enseignement supérieur.
L'initiative de Siences Po en direction des zones d'éducation prioritaire est
donc bienvenu, surtout s'agissant d'un établissement dont l'histoire ne nous a
pas toujours habitués à de tels gestes.
Il ne faut cependant pas demander à cette expérimentation plus que ce qu'elle
peut donner.
Elle n'a pas vocation à devenir la politique de l'Etat en matière
d'amélioration de l'égalité des chances et de lutte contre les inégalités dans
l'enseignement secondaire et elle ne doit pas servir d'alibi pour ne rien faire
d'autre. C'est évident, mais je me permets de le dire puisque, en matière de
retraites, le Gouvernement, usant du même procédé, a enterré la réforme en
agitant le dérivatif du fonds de réserve.
Quant à la position de la commission des affaires culturelles, j'en comprends
les linéaments, mais je m'interroge sur ses effets. Car si nous validons
l'élargissement de la faculté d'expérimenter à l'ensemble des établissements
supérieurs, ne faut-il pas alors craindre que lesdits établissements mettent en
place des procédures similaires, que la commission critique à plusieurs égards
?
Le débat sur l'article 12 nous permettra, nous le pensons, d'éclaircir ce
point.
Le groupe des Républicains et Indépendants, qui se félicite de la qualité des
travaux menés par nos sept rapporteurs, votera le texte tel qu'il ressortira de
la délibération de la Haute Assemblée.
(Applaudissements sur les travées des
Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.)
M. le président.
La parole est à M. Muzeau.
M. Roland Muzeau.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues,
l'examen de ce projet de loi portant diverses dispositions d'ordre social,
éducatif et culturel, intervient dans une période où l'agenda social du
Parlement est plutôt chargé. Nous débattrons, probablement dans les prochaines
semaines, en seconde lecture, du projet de loi de modernisation sociale ...
M. Alain Gournac.
Pas tout de suite !
M. Roland Muzeau.
... que les députés ont examiné et dont le vote final a fort heureusement été
repoussé pour, je le souhaite, parvenir à une meilleure protection des salariés
face aux licenciements économiques.
Je veux aborder ce débat avec un souci d'objectivité et de sérénité, car les
mesures contenues dans le projet de loi ne seront pas sans conséquences sur la
vie quotidienne de beaucoup de nos concitoyens, et souhaite obtenir le plus
d'éclaircissements possible sur des points qui me paraisent flous, quand ils ne
sont pas contradictoires.
Je n'aborderai pas dans la discussion générale les titres IV et V, consacrés à
l'éducation populaire et à la jeunesse ainsi qu'à l'éducation et à la
communication. Mon groupe interviendra sur ces sujets importants à l'occasion
de l'examen des articles.
Je souhaite centrer mon propos sur les trois premiers titres du projet de loi,
et donc sur la ratification du code de la mutualité, sur le fonds de réserve
pour les retraites et, vous n'en serez pas surpris, monsieur le secrétaire
d'Etat, sur le titre Ier concernant l'indemnisation du chômage et les mesures
d'aide au retour à l'emploi.
Autant aborder tout de suite ce qui provoque le plus de débats et de réactions
parfois passionnées : le PARE.
Tout le monde a ici en mémoire le feuilleton, pimenté de multiples
rebondissements, qui a précédé l'agrément par le Gouvernement de la convention
relative à l'aide au retour à l'emploi et à l'indemnisation du chômage.
Cette convention, qui résulte d'un accord entre certains syndicats
minoritaires et le MEDEF, est la dernière évolution d'un projet de refondation
sociale porté par le syndicat patronal et soutenu essentiellement par la
CFDT.
Si le Gouvernement a cru bon de donner son agrément à cette dernière mouture,
c'est qu'elle est sans conteste moins mauvaise que les précédentes, pour les
chômeurs s'entend. La CGT et FO, syndicats majoritaires, ont refusé, vous ne
l'ignorez pas, de signer cette convention.
On peut, à l'occasion, légitimement s'interroger sur l'état de déliquescence
qui affecte aujourd'hui la négociation entre les partenaires sociaux dans notre
pays et sur les améliorations à apporter à un système qui avalise la conclusion
d'accords entre le patronat et des syndicats ne représentant pas une majorité
de salariés. Mais c'est un autre débat, qu'il faudra bien mener sans tarder,
car il y va de la crédibilité du dialogue social que beaucoup souhaitent.
Pour en revenir au PARE, il n'est pas dans mon intention de le rejeter sans
aucun recul et pour des raisons idéologiques.
Je vous accorde, monsieur le secrétaire d'Etat, que la dernière nouvelle
version introduit quelques mesures correctives - je veux parler de la
non-dégressivité des allocations chômage et de la meilleure prise en compte de
la situation des salariés en fin de contrat précaire, puisque l'indemnisation
interviendra dès lors que les demandeurs d'emploi auront travaillé quatre mois
au cours des dix-huit derniers mois, au lieu des huit derniers mois
actuellement - mais elle soulève aussi beaucoup d'interrogations.
Ces interrogations portent sur des problèmes concrets de mise en application
du PARE, mais renvoient aussi à des considérations d'ordre beaucoup plus
général.
Sur la mise en oeuvre du PARE, tout d'abord, je souhaite qu'un point
fondamental soit éclairci, car il provoque de nombreuses polémiques. Il s'agit
de savoir si, oui ou non, la signature du PARE conditionne l'ouverture des
droits à indemnisation pour les travailleurs privés d'emploi. En résumé, le
PARE est-il obligatoire pour percevoir les allocations, et à un niveau
identique ?
Dans son intervention à l'Assemblée nationale, le 9 mai dernier, Mme la
ministre déclarait : « Le PARE, conçu dans les précédents projets comme un
contrat d'adhésion, était une condition du droit à l'indemnisation. Sa
signature est devenue une formalité sans conséquence sur le versement des
allocations. Le PARE ne conditionne plus le versement de ces allocations
chômage. »
Or, lorsque l'on examine le texte de la convention, il est écrit dans le
b
du premier paragraphe de l'article 1er que « dans ce dispositif,
indemnisation et aide au retour à l'emploi sont liés, chaque salarié privé
d'emploi étant, à cet égard, engagé dans un plan d'aide au retour à l'emploi ».
Je cite là le texte de la convention du 19 octobre 2000.
Par ailleurs, le paragraphe 3 de l'article 1er du règlement annexé à la
nouvelle convention prévoit que le versement des allocations et l'accès aux
services facilitant le retour à l'emploi sont consécutifs à la signature du
plan d'aide au retour à l'emploi.
Cette contradiction, ce manque de clarté, risquent vraiment, à mon sens,
d'engendrer un contentieux lié aux différences d'appréciation qui pourraient en
résulter.
L'issue de ces contentieux sera forcément liée à l'état du rapport de force
dans le monde du travail. Je ne pense pas, monsieur le secrétaire d'Etat, que
ce point troublant, mis en lumière par plusieurs syndicats soit de nature à
rassurer les salariés et les chômeurs, et je souhaiterais que le Gouvernement
lève définitivement cette ambiguïté.
Il est en effet mis en avant, dans l'exposé des motifs du projet de loi, que
la nouvelle convention nécessite une habilitation législative pour autoriser
l'UNEDIC à financer des dispositifs qui ne s'inscrivent pas directement dans le
champ de l'indemnisation des demandeurs d'emploi.
A la lecture de la convention, on est en droit de se demander si, par le biais
de ce projet de loi, le Gouvernement ne sollicite pas le Parlement pour faire
valider par le législateur le « PARE obligatoire » avec ses conditions
nouvelles, et non plus seulement ses contreparties financières.
En outre, j'ai bien noté que le PARE prenait en compte la qualification
professionnelle des demandeurs d'emploi. Il n'est en effet pas prévu de
durcissement du système actuel de sanction, qui aurait pu contraindre les
chômeurs - comme contrepartie à la non-dégressivité de leurs allocations - à
accepter des emplois ne correspondant pas à leur qualification.
C'est ce que prévoit l'article 16 du règlement annexé, aux termes duquel les
emplois offerts doivent être compatibles avec la spécialité ou la formation
antérieure des demandeurs d'emploi, ainsi qu'avec leurs possibilités de
mobilité géographique, compte tenu de leur situation personnelle et
familiale.
Le texte prévoit, en outre, que ces emplois doivent être rémunérés à un taux
de salaire normalement pratiqué dans la profession et la région. Soit !
Mais, lorsque l'on poursuit la lecture de ce règlement annexé, notamment de
son article 17, on découvre aussi que, dans le cas où le demandeur d'emploi n'a
pas retrouvé un travail dans les six mois suivant la signature du PARE, l'ANPE
procède à une actualisation du projet d'action personnalisé.
Dans ce cas, les caractéristiques des emplois offerts sont toujours conformes
aux qualifications des chômeurs, mais il est aussi mentionné que le demandeur
d'emploi doit répondre à ces propositions d'embauche conformément au projet
d'action personnalisé ainsi qu'à toute action de formation, de reconversion, de
qualification préconisée lors de l'actualisation du projet d'action
personnalisé.
Je pense, monsieur le secrétaire d'Etat, que ce point peut être lourd de
conséquences dans de nombreux cas. Vous n'ignorez pas que, bien souvent, des
demandeurs d'emploi qui détiennent un savoir-faire, une qualification souvent
élevés et qui n'arrivent pas à retrouver du travail dans leur spécialité ou
dans leur région se retrouvent dans des formations qui, sous prétexte de les
qualifier, ne parviennent, en fait, qu'à les déqualifier par rapport à leur
formation antérieure, et, au bout du compte, à les disqualifier sur le marché
du travail.
Ces personnes, lorsqu'elles retrouvent un emploi - ce qui est loin d'être
toujours le cas, même après plusieurs modules de formation - deviennent souvent
des travailleurs pauvres qui défigurent la vie sociale.
Vous savez très bien, monsieur le secrétaire d'Etat, qu'une pression
s'exercera toujours sur un demandeur d'emploi pour l'inciter à accepter une
formation ou un emploi ne répondant pas à son niveau de compétence, surtout en
période de chômage massif.
Il ne faut quand même pas oublier que le taux de chômage s'élève encore à près
de 9 % de la population active dans notre pays et que, même si la politique de
la gauche plurielle a permis de créer un million et demi d'emplois, la bataille
pour le plein emploi est encore loin d'être gagnée. Par ailleurs, des bassins
d'emploi importants frappés par des désindustrialisations massives comptent des
taux de chômage de 15 % à 20 %, voire plus.
Qu'adviendra-t-il de toutes les mesures contenues dans le PARE si la
conjoncture actuelle, plus favorable à l'emploi que celles de ces dernières
années, se retourne ?
Avec la baisse, consentie au patronat, des cotisations à l'assurance chômage,
l'équilibre financier de l'UNEDIC, pour ne parler que de cet élément, serait, à
notre sens, gravement compromis.
Cela m'amène, monsieur le secrétaire d'Etat, à confirmer plusieurs réserves de
fond sur le PARE.
En premier lieu, il est difficile d'admettre que, les comptes de l'UNEDIC
étant excédentaires grâce à la reprise de l'emploi, la mesure que vous
préconisez consiste à réduire le taux de cotisation à l'assurance chômage, et
non à améliorer l'indemnisation des chômeurs.
Je rappelle que 60 % des chômeurs ne perçoivent aucune allocation de
l'assurance chômage et sont donc tributaires de la solidarité nationale ; quant
à ceux qui sont indemnisés, le montant de leur allocation est en moyenne
inférieur à 4 700 francs par mois, ce qui n'est pas beaucoup !
Je rappelle aussi que, dans le même temps, la part des salaires dans la valeur
ajoutée ne cesse de régresser, pour le plus grand profit des détenteurs de
capitaux.
Quand le capital veut se rémunérer toujours plus, il fait peser une énorme
pression sur les revenus du travail. L'actualité sociale est, à cet égard, très
expressive.
De plus, le PARE présente, à mes yeux, un danger relativement important, en ce
qu'il substitue à une indemnisation pour laquelle une cotisation obligatoire a
été versée pour couvrir le préjudice causé par la perte de l'emploi, une
allocation d'aide au retour à l'emploi qui, elle, est soumise à conditions.
En fait, le PARE supprime un droit collectif au profit d'un contrat individuel
liant le salarié privé d'emploi à l'ASSEDIC et à l'ANPE.
On se situe là pleinement dans le projet de refondation sociale cher au MEDEF,
dont l'ambition est de supprimer toute référence à un cadre légal général dans
la relation de travail au profit d'une négociation au niveau le plus bas. C'est
une façon de voir les choses ; c'est celle de M. Souvet, rapporteur, qui s'est
enthousiasmé sur cet aspect du projet de loi ; ce n'est en tout cas pas la
nôtre.
Je terminerai sur le chapitre du PARE en vous disant, mes chers collègues, que
ces dispositions reflètent bien l'évolution de notre société, ainsi que celle
des mentalités.
L'idée insupportable qui se profile derrière le PARE, c'est que, finalement,
les chômeurs ne se mobiliseraient pas tellement pour retrouver un emploi et
qu'il faut donc les contraindre, même en y mettant les formes, à accepter un
traval coûte que coûte.
Il est facile d'essayer de culpabiliser les chômeurs - confortable, aussi -
car cela permet d'évacuer ses propres responsabilités dans la dégradation de la
situation sociale que nous avons vécue ces trente dernières années.
Vous comprendrez donc, monsieur le secrétaire d'Etat, que, sur cette partie du
texte, vous ne puissiez recueillir notre assentiment.
La suite du projet de loi, notamment le titre II, consacré au fonds de réserve
pour les retraites, m'amène aussi à formuler quelques critiques
fondamentales.
Cet article 6 a pour objet de déterminer la forme juridique, la gestion
administrative et financière et la nature des ressources alimentant le fonds de
réserve pour les retraites.
L'objectif est d'accumuler 1 000 milliards de francs à l'horizon de 2020 pour
faire face à l'augmentation du nombre des retraités liée à la sortie de la vie
active des générations nées lors du
baby boom
et, donc, pouvoir lisser
les taux des cotisations après 2020.
Tout d'abord, je tiens à réaffirmer ici les réticences que les parlementaires
communistes avaient manifestées lors de la création de ce fonds, à l'occasion
de la discussion de la loi de financement pour la sécurité sociale pour
1999.
Seul l'engagement du Gouvernement d'abroger la loi Thomas instituant les fonds
de pension nous avait permis de faire évoluer notre position sur le sujet.
Un problème demeure cependant, et non des moindres, puisqu'il touche à la
pérennité des ressources alimentant le fonds.
On peut légitimement s'interroger sur l'opportunité de financer ce fonds par
le biais de prélèvements sur l'assurance vieillesse, alors qu'il conviendrait
de revaloriser certaines pensions.
Ensuite, la vente des licences UMTS ne rapportera sans doute pas la somme
escomptée au départ dont, qui plus est, on ignore quand elle sera versée.
Ces recettes apparaissent aujourd'hui bien fragiles, tout comme d'ailleurs la
contribution de 8,2 % sur l'abondement patronal des plans partenariaux
d'épargne salariale volontaire, les fameux PPESV.
Cette contribution, qui touche les abondements des entreprises au-delà de 15
000 francs par an et par salarié, risque d'être assez ténue quand on sait que
l'abondement moyen pourrait plafonner à 7 000 francs par an et par salarié.
Cela m'amène à plaider en faveur d'une véritable réforme de l'assiette des
cotisations vieillesse permettant, en tenant compte des richesses produites et
non plus seulement du volume des salaires, qui a une fâcheuse tendance à
diminuer par rapport au PIB depuis quelques années déjà, de financer des
retraites dignes de ce nom en ce début de troisième millénaire.
Nous y reviendrons à l'occasion de la discussion d'un de nos amendements, mais
on ne pourra pas toujours évacuer le débat sur la nécessaire prise en compte de
la valeur ajoutée dans le calcul des cotisations, ni continuer à dire aux
Français qu'il faut diminuer le coût du travail et donc qu'ils se contentent de
retraites plus faibles ou acceptent de travailler plus longtemps, alors que le
PIB augmente régulièrement et que les profits des entreprises explosent.
Mais, d'une façon plus générale, on peut s'interroger sur l'utilité même de ce
fonds de réserve pour les retraites qui n'est, en fait, qu'un fonds de
capitalisation.
Je crains fort que, par cet artifice comptable, on ne cherche délibérément et
idéologiquement à cacher le fait que, dans vingt ou quarante ans, comme
aujourd'hui, les actifs et les retraités se partageront les richesses
produites, la valeur ajoutée créée à ce moment-là, et non une hypothétique
cagnotte à laquelle on se serait refusé à toucher pendant des décennies, ce qui
n'a aucun sens à l'échelle d'un pays.
Je vous renvoie, à cet égard, à l'article de M. Henri Guaino, peu susceptible
de passion à notre égard, ancien commissaire au Plan, article paru dans le
journal
Les Echos
, le 15 mai dernier, et intitulé : « Retraite :
l'illusion comptable » :
« Qu'on le veuille ou non, écrit Henri Guaino, le fonds de réserve n'apporte
aucune solution au problème des retraites parce qu'il ne crée pas de valeur.
Demain comme aujourd'hui, les actifs et les retraités se partageront la valeur
ajoutée. »
Et, plus loin : « Il faut dire que, si la notion de réserve peut avoir un sens
à l'échelle microéconomique, elle ne peut en aucun cas avoir un sens à
l'échelle macroéconomique.
« La réserve des retraites n'est dans aucun fonds de capitalisation, ni dans
aucun coffre, mais dans le potentiel de création de richesse à long terme du
pays. »
Je vous renvoie également à un article de Jean-Paul Fitoussi, économiste à
l'Observatoire français des conjonctures économiques, l'OFCE, paru dans
Le
Monde
au mois de mars dernier.
Voici ce que M. Fitoussi déclare à propos de la retraite par capitalisation :
« J'entends souvent dire que la création d'un régime par capitalisation
permettrait à la fois d'enrichir les actifs, dont l'épargne, et donc le
patrimoine, croîtrait, et de soulager les générations futures dont les
cotisations n'auront pas à augmenter. Un vrai miracle, en ce sens que toute la
chaîne des générations en profiterait.
« Examinons ce tour de force de plus près. Les actifs devront contribuer à des
fonds de pension, ce qui est équivalent à une augmentation des cotisations et
donc à une baisse du revenu disponible. Certes, en contrepartie, ils acquièrent
des droits à pension, c'est-à-dire une part sur la production des générations à
venir. Mais, alors, ces dernières subiront, comme dans un régime par
répartition, un prélèvement sur la production réalisée grâce à leur travail.
C'est ce travail, et lui seul, qui permettra de rémunérer l'épargne des
individus qui auront cessé toute activité de production. »
Vous comprendrez donc que nous soyons très réservés sur ce titre II, monsieur
le secrétaire d'Etat.
Mais il n'en sera pas de même sur le titre III concernant la ratification du
code de la mutualité.
Cette partie du texte a pour objet de ratifier l'ordonnance du 19 avril 2001
relative au code de la mutualité et transposant les directives 92/49/CEE et
92/96/CEE du Conseil des 18 juin et 10 novembre 1992.
Nous avions déjà exprimé, à l'automne dernier, notre forte réticence à
l'encontre de la procédure par ordonnances, qui prive le Parlement de ses
prérogatives et l'empêche de jouer pleinement son rôle. Nous n'avons pas changé
d'avis et considérons toujours que le débat légitime avec la représentation
nationale n'a pas vraiment eu lieu.
Mais nous sommes conscients du fait que le mouvement mutualiste s'inquiète
pour son avenir et souhaite que son statut soit rapidement conforme aux
exigences européennes.
Les principales fédérations mutualistes, pour se mettre à l'abri des décisions
européennes, souhaitent que le code de la mutualité s'inscrive dans le cadre
juridique européen.
Il est notable que les discussions qui ont eu lieu l'an dernier entre le
Gouvernement et les fédérations mutualistes ont permis de faire évoluer ce
dossier de façon positive et de parvenir à une refonte du code de la mutualité
qui préserve la spécificité du mouvement mutualiste.
Cette concertation a permis de satisfaire certaines revendications, telles
l'élaboration d'un statut de l'élu mutualiste et l'intégration de la protection
sociale dans un cadre éthnique.
Nous savons que cette ratification du code de la mutualité est attendue par la
majeure partie du mouvement mutualiste.
Une large concertation a eu lieu et, même si nous avons conscience que
certaines mutuelles ne sont pas vraiment satisfaites, nous soutiendrons
l'opinion de la majorité du mouvement mutualiste et nous approuverons cet
article 7.
En ce qui concerne notre vote sur l'ensemble du projet de loi, nous nous
déterminerons en fonction des débats. Mais la seule présence du titre Ier ne
pourra pas nous conduire à un vote positif.
En tout état de cause, sachez, monsieur le secrétaire d'Etat, que nous
prendrons une part active à ce débat, que nous abordons avec sérénité et dans
esprit constructif.
(Applaudissements sur les travées du groupe communiste
républicain et citoyen.)
M. le président.
La parole est à M. Domeizel.
M. Claude Domeizel.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, mon
intervention portera sur les aspects sociaux de ce projet de loi multiforme.
Voilà qui fournit matière à une large intervention, puisque nous sont
présentés à la fois le plan d'aide au retour à l'emploi, le PARE, le fonds de
réserve pour les retraites, la réforme du code de la mutualité, - il ne s'agit
pas là de minces réformes - et le nouvel article 21 du projet de loi portant
création du statut de la société coopérative d'intérêt collectif, la SCIC.
La nouvelle convention d'assurance chômage créant le PARE a été l'objet de
longues négociations entre les partenaires sociaux avant d'aboutir à son
agrément par le Gouvernement. Il s'agit donc d'un texte issu d'un véritable
dialogue, d'un texte abouti et, pour reprendre l'expression du rapporteur, très
novateur.
Depuis vingt ans en effet, l'UNEDIC a entrepris une politique dite «
d'activation des dépenses », au travers des conventions de conversion, de
l'allocation de formation reclassement, des conventions de coopération et de
l'ARPE. Mais ces dispositifs ne s'adressaient qu'aux chômeurs indemnisés par
l'assurance chômage, soit 42 % du nombre total. Et, parmi ceux-ci, seuls 20 %
par an bénéficiaient jusqu'à présent de ces mesures, soit environ 350 000
demandeurs d'emploi.
A l'évidence, la sélectivité était beaucoup trop forte.
On comprend donc la volonté des partenaires sociaux de mettre en place une
politique plus ambitieuse d'aide au retour à l'emploi.
L'action du Gouvernement dans ce processus a été déterminante : c'est grâce à
son intervention que cette nouvelle politique d'activation, initialement
réservée aux seuls chômeurs indemnisés, a été étendue aux chômeurs dépendant du
système de solidarité.
Le service public de l'ANPE reste ainsi le maître d'oeuvre de la politique
d'aide au retour à l'emploi. Le régime du contrôle et de la recherche d'emploi
n'est pas modifié et reste du ressort exclusif des services de l'Etat.
Il est primordial de rappeler que le principe d'un égal accès des chômeurs aux
mesures pour l'emploi n'était pas, dans les faits, un acquis jusqu'à présent.
Il le devient enfin avec ce texte.
Tous les demandeurs d'emploi qui viendront s'inscrire à l'ANPE auront donc la
faculté, dans le cadre de leur demande d'indemnisation, d'adhérer au PARE.
Il ne faut pas oublier que les chômeurs ne disposent pas tous des mêmes
ressources personnelles - éducatives, sociales et financières - pour organiser
leur recherche d'emploi et leur réinsertion professionnelle. Jusqu'à présent,
on a pu noter que les dispositifs existants ne sont pas tous également utilisés
par les chômeurs.
Pour les chômeurs les plus éloignés de l'emploi, souvent dubitatifs sur leurs
propres compétences et terriblement découragés, la probabilité de demander
spontanément à bénéficier des dispositifs dont ils devraient justement être les
premiers bénéficiaires est très faible. C'est pourquoi la généralisation d'un
dispositif de soutien à l'emploi est une mesure qui va dans le sens d'une plus
grande égalité.
A cet égard, les principes sur lesquels repose le PARE sont difficilement
contestables. Il s'agit, dans le cadre des dispositifs d'aide à l'emploi, de
substituer à une logique de prescription de mesures à dominante administrative,
une autre logique, celle de services reposant sur un accompagnement
personnalisé des chômeurs.
Nous sommes ici dans la continuation et la généralisation du programme «
nouveaux départs-nouveaux emplois », jusqu'alors réservé aux personnes les plus
en difficulté.
Il est vrai que le retournement progressif de la conjoncture et du marché du
travail va sans doute nécessiter, à l'égard des chômeurs, un traitement plus
attentif et personnalisé.
Le demandeur d'emploi se verra engagé dans un parcours d'insertion dont les
étapes seront définies en fonction de son profil socioprofessionnel.
Contrairement à une idée trop vite répandue, ce parcours ne sera pas le
résultat du PARE, mais du projet d'action personnalisé, le PAP.
Ainsi, seront définis les types d'emplois correspondant aux qualifications et
aux souhaits du demandeur d'emploi et les informations éventuellement
nécessaires pour y accéder. Un suivi sérieux est prévu, avec la possibilité
d'un bilan de compétences approfondi après six mois sans reclassement.
L'étape suivante sera le déclenchement du mécanisme d'aide dégressive aux
employeurs embauchant un salarié privé d'emploi depuis plus de douze mois.
Bien évidemment, ce mécanisme appelle le renforcement des moyens du service
public de l'emploi et des aides au retour à l'emploi.
S'agissant de l'ANPE, le Gouvernement s'est déjà engagé à créer mille emplois
nouveaux, pour atteindre 4 000 créations dans les trois prochaines années, et
ce dans le cadre du contrat de progrès entre l'ANPE et l'Etat.
Parallèlement, et c'est l'objet de l'intervention du Parlement, l'UNEDIC
s'engage dans la voie de la participation financière, non plus strictement pour
l'indemnisation, mais aussi pour la réinsertion professionnelle des chômeurs.
La convention consacre 45 milliards de francs supplémentaires sur trois ans aux
demandeurs d'emploi. Il convient d'y ajouter la baisse des cotisations, ramenée
à 28,4 milliards de francs dans la convention agréée, les baisses envisagées
pour 2002 n'intervenant d'ailleurs que sous condition d'équilibre.
Le projet de loi instaure en conséquence l'aide à la mobilité des demandeurs
d'emploi, aspect capital, nous l'avons tous constaté, tant il est vrai que de
nombreux travailleurs français éprouvent des difficultés matérielles et
psychologiques à bouger.
Une aide à la formation et le financement des évaluations de compétences et
des actions d'accompagnement ou de reclassement au profit des demandeurs
d'emploi sont également institués.
L'allocation de fin de formation doit permettre aux chômeurs en formation de
bénéficier de leurs droits à indemnisation jusqu'à la fin de leur formation, ce
qui mettra fin à un système aberrant.
Enfin, l'accès au contrat de qualification adulte, avec prise en charge de la
formation, sera pérennisé et aménagé.
Mais, il faut bien le dire, le premier point, immédiat et crucial pour les
demandeurs d'emploi indemnisés par l'UNEDIC, c'est la fin de l'allocation
unique dégressive, la fin de la dégressivité, qui sonnait, pour beaucoup, comme
un sinistre compte à rebours vers le chômage de longue durée et le RMI.
La mise en place de l'allocation de retour à l'emploi constitue donc un retour
au régime précédent, ce que nous ne pouvons qu'applaudir.
Je n'aurai garde d'oublier la meilleure indemnisation des salariés victimes de
la précarité, avec la modification de la période prise en compte pour ouvrir
droit à indemnisation : quatre mois de travail au cours des dix-huit derniers
mois, au lieu des huit derniers mois auparavant, ce qui permettra - faut-il le
souligner ? - d'indemniser 100 000 personnes supplémentaires.
Il importe à la fois de saluer cette disposition et, nous semble-t-il, de s'en
inquiéter.
La nécessité de prendre cette mesure indique en effet que, si les statistiques
de l'emploi sont excellentes, avec plus de 500 000 emplois créés en un an, dont
124 000 au premier trimestre de l'année 2001, nous devons nous interroger sur
la qualité de ces emplois.
Nous comptons un million de chômeurs de moins qu'en 1997, c'est vrai, grâce au
retour de la croissance et à la politique volontariste du Gouvernement. Mais de
nombreuses créations de postes se sont faites à des salaires qui se situent au
bas de l'échelle.
La quasi-totalité des emplois créés dans le secteurr marchand sont rétribués à
un salaire inférieur à 1,3 SMIC, soit 7 400 francs nets par mois. Et la
précarité, qu'il s'agisse de l'intérim ou des CDD, n'a pas diminué, même si la
loi sur la réduction du temps de travail a permis de pérenniser de nombreux
d'emplois à durée déterminée.
Les questions liées à la résorption de la précarité et à la distribution sous
forme de salaires d'une part convenable des plus-values réalisées constituent
incontestablement le prochain défi que nous devons relever pour maintenir une
réelle cohésion sociale.
Cette remarque m'amène à parler de la création du fonds de réserve pour les
retraites, qui est la deuxième grande mesure sociale de ce projet de loi.
M. Alain Gournac.
Ah !
M. Claude Domeizel.
Je ne peux que me réjouir que ce projet de loi reprenne une proposition que
j'avais, au nom du groupe socialiste, formulée lors du débat sur le projet de
loi de financement de la sécurité sociale en novembre 2000.
Permettez-moi de saluer à nouveau la détermination du Gouvernement pour faire
avancer le délicat dossier des retraites.
(Exclamations sur les travées du
RPR.)
Je citerai, en premier lieu, la création du conseil d'orientation des
retraites, instance appelée à jouer un rôle déterminant dans l'immédiat, mais
aussi jusque dans les années 2020-2040. Lieu de débats entre les divers
partenaires, le conseil d'orientation des retraites, j'en suis persuadé, saura,
comme son nom l'indique, donner les orientations acceptées dans la
concertation.
Après la période nécessaire à la mise en place et aux premiers échanges, après
un premier contact avec l'extérieur grâce à un colloque organisé à son
initiative, tout laisse à penser que le conseil d'orientation des retraites
sera prêt à formuler ses premières propositions dans les prochains mois.
M. Louis de Broissia.
Pour 2002 !
M. Claude Domeizel.
La création du fonds de réserve constitue la deuxième mesure concrète prise
par le Gouvernement que je me plais à souligner.
On peut certes aborder sur un ton polémique les questions de son financement
et des 1 000 milliards de francs à atteindre en 2020,...
M. Jean Delaneau,
président de la commission des affaires sociales.
C'est tout de même
essentiel !
M. Claude Domeizel.
... qui, selon certains calculs, sont de 1 180 milliards de francs, je le
souligne.
J'entends bien les questions qui apparaissent ici ou là sur la nécessité
d'alimenter le fonds de réserve par des ressources pérennes, les questions sur
le déclenchement des versements aux régimes bénéficiaires, leur calendrier et
leur montant.
Le problème du déclenchement des versements est capital, car il est lié à une
question fondamentale : comment ajuster les taux de cotisation pour assurer
l'équilibre des régimes ? Notons, pour ne citer que le principal régime, que la
caisse nationale d'assurance vieillesse devra faire passer son taux de 14,75 %
aujourd'hui à 18 % en 2020 et à un peu plus de 21 % en 2040. C'est justement le
rôle du fonds de réserve de lisser dans le temps les taux pour amortir un effet
désastreux. Aujourd'hui, par-delà toutes les questions justifiées,...
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Les fonctionnaires !
M. Claude Domeizel.
... le fonds de réserve pour les retraites existe grâce à la volonté du
Gouvernement de Lionel Jospin.
(Exclamations sur les travées du RPR.)
On ne peut que s'en réjouir.
Vous connaissez la position du groupe socialiste à propos de ce fonds de
réserve. Depuis sa création, en 1998, nous avons fait preuve de constance dans
nos questions : qui va gérer le fonds ? Comment vont être placées ces sommes
considérables ?
Compte tenu des enjeux du fonds de réserve pour les retraites et des sommes
considérables qu'il devra gérer, nous n'avons plus à démontrer qu'il est
indispensable de créer un établissement public placé sous le contrôle d'un
conseil de surveillance.
Nous trouvons la réponse à notre demande à l'article 6 du projet de loi : le
fonds sera géré en tout indépendance et soustrait du fonds de solidarité
vieillesse où il avait été provisoirement affecté.
Lors de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale
pour 2001, nous avions déposé un amendement qui allait dans le même sens. Après
les promesses formulées par le Gouvernement de faire examiner cette question
par le Conseil d'Etat, j'avais retiré cet amendement que j'avais soutenu au nom
du groupe socialiste.
Tel qu'il est rédigé, l'article 6 s'inspire largement de nos propositions. Il
précise les recettes et les modalités pratiques de gestion.
Nous avions également proposé que l'établissement public soit géré par la
Caisse des dépôts et consignations, sous l'autorité et le contrôle d'un conseil
d'administration comprenant des représentants de l'Etat, des membres du
Parlement, des représentants des organisations syndicales de personnels et des
organisations d'employeurs les plus représentatives à l'échelon national, ainsi
que des personnalités qualifiées.
Il s'agit là d'un dispositif calqué, à une moindre échelle, sur la gestion de
la caisse nationale des retraites des agents des collectivités locales, la
CNRACL, au sein de laquelle j'assure la présidence du conseil
d'administration.
Personne, dans notre assemblée, ne doute de l'efficacité de la Caisse des
dépôts et consignations. Cet établissement public national, à statut légal
spécial, a en effet été institué, au début du xixe siècle pour assurer la
gestion de fonds publics ou privés auxquels la loi veut garantir une protection
particulière.
Dois-je rappeler qu'elle gère, outre les fonds des livrets d'épargne
réglementés, les fonds des professions juridiques, les consignations légales,
mais surtout, pour le sujet qui nous intéresse, près de cinquante caisses de
retraites ou fonds de pension du secteur public ou semi-public, dont la CNRACL,
l'institution de retraite complémentaire des agents non titulaires de l'Etat et
des collectivités publiques, l'IRCANTEC, la Caisse nationale de prévoyance de
la fonction publique, la PREFON, pour plus de 4 millions d'actifs et 3 millions
de pensionnés ?
Quoi de plus naturel que de confier le fonds de réserve pour les retraites à
la Caisse des dépôts et consignations, d'autant que, placée sous le contrôle
d'une commission de surveillance de la Cour des comptes et du Parlement, la
Caisse de dépôts et consignations opère dans des conditions de totale
transparence et de grande sécurité une gestion qui, à notre connaissance, n'a
fait l'objet d'aucune défaillance ni d'aucune malversation depuis un siècle
?
Aussi pensons-nous en toute quiétude que la Caisse des dépôts et consigations,
qui est un observateur attentif et reconnu du monde de la retraite, dispose de
l'ensemble des compétences et des outils nécessaires à une gestion sécurisée et
performante du fonds de réserve pour les retaite pour de tels placements à long
terme.
Je dis « en toute quiétude » car mon expérience de président du conseil
d'administration de la CNRACL peut attester de la qualité des dossiers et de
l'excellent ratio de charge de gestion, qui ne s'élève qu'à 1 %.
Les retraités de la fonction publique territoriale et de la fonction publique
hospitalière ont toujours manifesté leur satisfaction. Les enquêtes
régulièrement demandées par le conseil d'administration le démontrent.
La différence notable par rapport à notre proposition de novembre 2000 réside
dans le fait que le projet de loi dote le fonds d'un directoire.
En effet, la gestion du fonds de réserve, faisant intervenir des masses
financières importantes et, surtout, de multiples acteurs, nécessite une
gestion administrative comprenant notamment la tenue de la comptabilité, les
études économiques, financières et juridiques, le contrôle des risques, afin de
s'assurer de la sécurité des fonds, de la dispersion des risques, de la gestion
des conflits d'intérêts.
Le conseil de surveillance et la Caisse des dépôts et consignations sont
appelés à jouer un rôle conjoint : le conseil de surveillance fixe les
orientations générales de la politique de placement des actifs du fonds,
contrôle les résultats et établit un rapport annuel public sur la gestion du
fonds ; la Caisse des dépôts et consignations assure le rôle d'un gestionnaire
administratif unique, exerçant de manière pleine et entière ses
responsabilités.
L'idée de mettre la Caisse des dépôts et consignations sous l'autorité d'un
directoire répond, à mon sens, aux nombreuses questions posées. Ce directoire
est même indispensable si on veut laisser le conseil de surveillance et la
Caisse des dépôts dans les limites des compétences qui leur sont assignées.
En effet, seul un niveau intermédiaire peut, dans ces conditions, décider des
orientations stratégiques du fonds de réserve pour les retraites, car il faut
bien que quelqu'un décide - et ce serait alors le directoire, après
consultation du conseil de surveillance - sur les points les plus importants :
choix des gestionnaires financiers, examen mensuel des performances, arrêté des
comptes, etc.
Confier la présidence du directoire au directeur général de la Caisse des
dépôts et consignations permet de renforcer l'efficacité de l'exécution de ses
directives à la Caisse des dépôts et consignations et aux gestionnaires
financiers.
Nous nous sommes interrogés quant à la prévention des conflits d'intérêts.
C'est là une question de première importance, qui mérite, monsieur le
secrétaire d'Etat, d'évidentes précautions. Il est en effet indispensable qu'à
tous les stades de la mise en concurrence - rédaction du cahier des charges, de
l'appel d'offres, sélection des gérants, suivi financier - les règles à
respecter soient publiques et transparentes, donc à l'abri d'un risque de
conflit d'intérêts.
Sur cet aspect, l'Assemblée nationale a judicieusement enrichi le texte en
prévoyant que le directeur général de la Caisse des dépôts et consignations ne
pourra pas, comme les deux autres membres du directoire d'ailleurs, participer
à l'examen ou aux délibérations du directoire en présence d'une participation
de la Caisse des dépôts et consignations ou de toute société ou groupe dont il
serait administrateur.
Le dispositif est tout à fait pertinent. Aussi, je me permets de mettre en
garde notre assemblée sur le risque d'inefficacité et de blocage du système
proposé par les amendements adoptés en commission.
Je me réserve la possibilité d'intervenir lors de la discussion de l'article
6, mais, d'ores et déjà, j'indique que le groupe socialiste le soutiendra tel
qu'il nous parvient de l'Assemblée nationale.
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Très original !
M. Claude Domeizel.
J'aurai sans doute quelque difficulté à convaincre M. Vasselle, mais je ne
désespère pas d'y arriver !
J'en viens maintenant à l'article 7 de ce projet de loi, qui ratifie
l'ordonnance du 19 avril 2001 portant réforme du code de la mutualité.
La mutualité joue un rôle majeur dans la vie des Français puisqu'elle protège
plus d'un Français sur deux et gère plus de 1 300 réalisations sanitaires et
sociales.
Or, depuis 1992, la France devait procéder à la transposition des directives
européennes sur les assurances dans le code de la mutualité. La non-exécution
de l'Etat français a d'ailleurs été sanctionnée par la Cour de justice
européenne en décembre 1999.
Lorsqu'il a demandé au Parlement l'autorisation d'utiliser la voie des
ordonnances pour cette réforme, le Gouvernement s'était engagé à faire procéder
rapidement à la ratification de ce texte. La loi d'habilitation du 3 janvier
2001 prévoyait qu'un projet de loi devrait être déposé avant le 30 juin 2001 et
le projet de ratification dans les deux mois suivant ce délai.
Je note donc que le Gouvernement a été soucieux de mener cette réforme dans
les meilleurs délais. Si, compte tenu de l'urgence, le Gouvernement a été
conduit à choisir la voie de l'ordonnance, ce que l'on peut regretter en tant
que parlementaire - et, personnellement, je le regrette -, il faut mettre à son
crédit l'important travail qui a été effectué, en concertation avec les
mutuelles, qui ont examiné et enrichi les dispositions qui leur étaient
soumises.
M. Jean Delaneau,
président de la commission des affaires sociales.
Dommage que, nous
n'ayons pas, nous aussi, améliorer le texte !
M. Claude Domeizel.
Le Parlement, tout particulièrement le Sénat, a déjà approuvé ce choix le 7
novembre 2000. Aujourd'hui, nous serions donc incohérents - quand je dis « nous
», je veux parler de la majorité du Sénat - et fort mal venus de revenir sur
notre position d'hier.
M. Alain Gournac.
C'est vous qui êtes incohérent.
M. Claude Domeizel.
L'incohérence, c'est de défendre des positions différentes de celles qu'on a
défendues il y a six mois auparavant !
M. Jean Delaneau,
président de la commission des affaires sociales.
Les engagements n'ont
pas été tenus.
M. Claude Domeizel.
Dans la mesure où le travail réalisé a été reçu positivement par le secteur
mutualiste, qui a donné son accord sur cette transposition, nous ne pouvons que
donner le nôtre également.
M. Jean Delaneau,
président de la commission des affaires sociales.
Ce ne sont pas les
mutualistes qui font la loi !
M. Claude Domeizel.
C'est la raison pour laquelle le groupe socialiste votera sans état d'âme
cette ratification et ne manquera pas, au cours de la discussion de l'article
7, de s'opposer à l'amendement de suppression proposé par M. le rapporteur.
En effet, dans le code de la mutualité, sont réaffirmés les principes et la
spécificité mutualistes cent ans après la création des mutuelles, dont je
rappellerai les grands principes : absence de sélection médicale et
non-fixation des cotisations en fonction de l'état de santé des adhérents ;
maintien de la gestion des oeuvres sociales au sein des organismes mutualistes
; transparence financière des organismes mutualistes - nous avons souligné ce
point lors du débat qui s'est tenu dans notre assemblée ; redéfinition du rôle
des fédérations ; enfin, mise en place d'un véritable statut de l'élu
mutualiste, que j'appelais de mes voeux lors d'un débat précédent.
Plutôt que la forme, ce sont ces valeurs que nous autres, socialistes,
entendons défendre...
M. Alain Gournac.
Oh là là !
M. Claude Domeizel.
... car l'histoire de la mutualité et celle du socialisme ont cheminé et
continuent de cheminer ensemble.
M. Jean Delaneau,
président de la commission des affaires sociales.
Il ne faut pas exagérer
!
M. Claude Domeizel.
J'en terminerai là,...
M. Alain Gournac.
Il vaut mieux !
M. Claude Domeizel.
... et je sais ce que vous allez dire : vous allez tenir le même discours
qu'il y a six mois !
Je laisserai le soin à mes collègues Danièle Pourtaud et Serge Lagauche
d'intervenir plus tard dans la discussion générale...
MM. Alain Gournac et Louis de Broissia.
Ils n'en auront pas le temps !
M. Claude Domeizel.
... pour donner le point de vue du groupe socialiste sur les parties de ce
projet de loi traitant des dispositions d'ordre éducatif et culturel.
(Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président.
La parole est à M. de Broissia.
M. Louis de Broissia.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues,
avec ce projet de loi portant diverses dispositions d'ordre social, éducatif et
culturel, le Gouvernement illustre, une fois de plus, une méthode de travail
législatif singulière. Faute d'une vision globale, le saucissonnage des textes
prévaut, à travers des projets de loi ponctuels, textes « fourre-tout » à
prédominance démagogique et traitant au coup par coup et selon le sens du vent
- on l'a vu avec la discussion pro-PARE et anti-PARE il y a quelques instants -
de questions qui mériteraient toutes de véritables débats de fond.
Autrefois, nous étions des législateurs de fond, respectés, nous devenons des
législateurs de forme, traitant de sujets divers.
M. Jean Delaneau,
président de la commission des affaires sociales.
Je vous signale que
nous venons de recevoir un nouvel amendement.
M. Louis de Broissia.
Eh oui, voilà la méthode ! J'ai traité tout à l'heure de diverses dispositions
d'ordre sécuritaire, je traite maintenant de dispositions d'un autre ordre :
c'est ainsi !
Aujourd'hui, dans ce DDOSEC - puisque c'est ainsi qu'on l'appelle, ce qui
n'est pas très parlant pour nos concitoyens - diverses dispositions sont
présentées en matière de communication. C'est sur ces dispositions que portera
mon intervention.
Le projet de loi initial traitait plus spécifiquement, à l'article 13, de
l'assouplissement de la règle anticoncentration prévue par la loi du 30
septembre 1986 - une vraie loi - portant sur la liberté de communication.
Dorénavant, ce texte traite également de deux thèmes, introduits à l'Assemblée
nationale par divers amendements, qui m'intéressent plus particulièrement, et
notamment le rôle des collectivités locales dans l'établissement des réseaux de
télécommunication - je sais que M. Trégouët reviendra sur ce sujet.
Je commence donc par l'article 13.
A la veille de l'appel à candidatures que le CSA a prévu d'engager en juillet
prochain - j'en profite pour dire que je suis choqué de voir qu'un membre du
Gouvernement, M. Jack Lang en l'occurrence, critique le CSA ; le CSA est une
autorité administrative indépendante, et j'espère que des questions d'actualité
seront posées au Premier ministre sur ce sujet - le Gouvernement considère, à
juste titre, qu'il est urgent de légiférer afin de faciliter le démarrage du
numérique hertzien de terre, lequel est issu des travaux de notre assemblée,
sous l'égide de notre ami Jean-Paul Hugot, en assouplissant notamment la
fameuse règle anticoncentration.
Vous avez donc souhaité modifier les conditions d'application du système
anticoncentration aux services diffusés par voie hertzienne terrestre numérique
en introduisant un critère d'audience revenant à soumettre à la règle des 49 %
les services diffusés par voie hertzienne terrestre, en mode analogique ou
numérique, dont l'audience est supérieure à 2,5 % ; vous aviez initialement
proposé 3 %, mais, par amendement, l'Assemblée nationale a abaissé ce seuil.
Cette nouvelle règle serait appliquée sous l'autorité du CSA.
Ce dispositif, nous le disons tout net, nous semble malheureusement peu
convaincant à la veille du lancement du numérique.
A l'instar de notre rapporteur Jean-Paul Hugot, je m'étonne de la complexité
du système que vous avez retenu et du choix de ce seuil d'audience, qui
concerne plus précisément des chaînes obtenant une audience particulièrement
faible, des chaînes thématiques dont on ne peut pas dire que les programmes
menacent le pluralisme des courants d'expression socioculturels.
Autrement dit, vous avez tout faux sur la question, et nous espérons que la
sauvegarde du pluralisme sera assurée grâce au vote des amendements que
proposera notre collègue Jean-Paul Hugot, qui répondent mieux aux attentes des
opérateurs souhaitant se lancer dans cette voie nouvelle.
A l'occasion de l'examen de cet article 13 - j'en ai prévenu Jean-Paul Hugot
-, je proposerai un amendement revenant sur les seuils d'intervention d'un même
opérateur sur le câble. Il s'agit, en effet, de modifier l'article 41 non pas
d'un DDOSEC, mais d'une loi - la loi de 1986 sur la liberté de communication -
qui prévoyait qu'un opérateur de réseau ne peut détenir des autorisations
d'exploitation pour des réseaux couvrant une zone desservie de plus de huit
millions d'habitants recensés.
Est-il nécessaire de rappeler l'échec, en France, d'un plan câble, échec que
nous avons tenté de gommer ?
Il faut insister sur la situation particulièrement discriminante que subissent
les opérateurs du câble par rapport aux autres opérateurs de télécommunications
et distributeurs de services audiovisuels par satellite ou hertziens
terrestres.
Quant à l'article 15, il renforce le rôle des collectivités locales dans
l'installation des réseaux de télécommunications à haut débit. Est-il
nécessaire d'insister sur le fait que, faute d'intervention des collectivités
locales - régions, départements, communes ou groupements de communes -, l'offre
proposée à tous les Français sera très insuffisante, très « mitée », très
parcellisée ? Les collectivités locales n'ont pas d'autre choix que de se
lancer dans ces équipements, et le problème est, pour elles, de ne pas laisser
les fractures numériques, technologiques, sociales, terriroriales se
multiplier.
J'ai été le porte-parole, dans cette assemblée, comme dans une autre, du «
quart monde télévisuel ». Si ma collègue Mme Pourtaud, de Paris, me rejoignait,
elle dirait qu'elle m'a entendu. Je souhaiterais ne pas être aussi, demain, aux
mêmes endroits, le porte-parole du quart monde de la téléphonie mobile ou du
quart monde de l'internet à moyen et haut débit.
Les modifications apportées à l'Assemblée nationale nous conviennent, d'autant
qu'elles reprennent une initiative sénatoriale qui figurait déjà dans la loi
d'orientation pour l'aménagement et le développement durable du territoire - et
c'était un emplacement logique.
Permettez-moi simplement, monsieur le secrétaire d'Etat, de vous interroger
sur la classification des dépenses inhérentes à l'installation de ces
infrastructures. Nous sommes en effet de plus en plus sollicités, non pas
seulement pour les dépenses d'investissement - les pylônes, les mâts -, mais
aussi pour les dépenses de fonctionnement, ce qui, à mes yeux, constitue une
dérogation importante aux règles européennes, les collectivités territoriales
devenant
de facto
de simples opérateurs. J'aimerais que vous puissiez
nous répondre dans le cours de cette discussion.
Troisièmement, alors que nous venons d'adopter le texte sur les nouvelles
régulations économiques, qui a réformé d'une manière équilibrée, ce me semble,
la procédure d'autorisation des salles de cinéma multiplexes - une modification
utile et même nécessaire -, vous voulez à nouveau ouvrir le débat dans un élan
suspect de démagogie ou de partialité. L'encre de la loi sur les nouvelles
régulations économiques n'est pas encore sèche que, déjà, vous proposez de la
réécrire ! D'ailleurs, lorsque j'ai déposé un amendement, le service de la
séance m'a dit que je devrais en faire un sous-amendement : les textes ont en
effet changé quasiment dans la nuit !
Vous considérez le dispositif existant comme insuffisant. Vous souhaitez le
compléter et vous voulez créer un système « sur mesure » pour une catégorie
très marginale - chacun sait de qui l'on parle - d'exploitants de salles de
taille moyenne. Ce traitement à part écarterait du dispositif ceux des
exploitants de salles de taille moyenne qui sont opérateurs de cartes - je
parle des cartes d'accès à ces salles de cinéma -, les empêchant d'y participer
activement.
En quelque sorte, le système du Gouvernement ferait donc reposer l'ensemble du
dispositif sur les grands exploitants, seuls contraints de garantir aux petites
salles associées une compensation à l'existence de ces cartes d'abonnement, en
leur assurant un revenu minimal. Ces grands exploitants se retrouveraient donc
seuls à assumer le risque économique.
Or, monsieur le secrétaire d'Etat, permettez-moi de le rappeler, ce qui me
semble constituer le principe même du dispositif institué par la loi sur les
nouvelles régulations économiques, c'est la mise en place de nouvelles
pratiques commerciales. En l'espèce, il s'agit de permettre, à travers ces
cartes, comme je l'avais indiqué à l'époque, la démocratisation de l'accès à la
culture pour les plus jeunes. Les jeunes vont plus facilement au cinéma,
monsieur Lagauche, et ils vont voir d'autres films, y compris des films de
notoriété insuffisante. Les chiffres sont à votre disposition : je suis prêt à
vous les communiquer. Mais il vous suffira de vous adresser au Centre national
du cinéma ; celui-ci vous les fournira très aimablement.
Les petites salles doivent vivre - nous en sommes tous d'accord -, à côté de
celles qui proposent des formules d'accès au cinéma donnant droit à ces entrées
multiples. Nous l'avons acté dans la loi sur les nouvelles régulations
économiques en prévoyant un système de compensation.
Mais pourquoi, quelques jours après, accentuer la tendance en privilégiant
ouvertement certains exploitants dispensés de quelque contrainte que ce soit à
l'égard des salles indépendantes ? Où seront les instruments de contrôle
d'entrée dans les petites salles ? Nous nous en sommes entretenus avec M. Hugot
: le dispositif est aléatoire.
C'est la raison pour laquelle nous suivrons les deux propositions de
modification présentées par M. Hugot. J'en ajouterai une troisième, par
sous-amendement, car je souhaite que la rédaction de l'article 27 du code de
l'industrie cinématographique n'aboutisse pas à ce que seuls les grands
exploitants soient pénalisés et, en particulier, contraints de garantir une
marge brute à des petits exploitants en pratiquant un prix fixe et non un prix
proportionnel. Je crains d'ailleurs que le dispositif actuel - c'est ce que
disent les experts - ne soit condamné par l'Union européenne.
Je termine par le point sur lequel j'ai ouvert mon propos. De DDO-sécurité en
DDO-culture et de DMOS en DDOEF, connaîtrons-nous, avant 2002, de vrais projets
de loi, portant sur le fond et sur le long terme ? J'en doute fort. Mais
peut-être nous surprendrez-vous dans votre réponse, monsieur le secrétaire
d'Etat !
(Applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et
indépendants.)
M. le président.
La parole est à M. Lagauche.
M. Serge Lagauche.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, mon
propos portera essentiellement sur l'article 12 du projet de loi, article qui
est relatif à l'Institut d'études politiques de Paris. Mais, au préalable, je
dirai quelques mots sur les dispositions du titre IV, très attendues par le
monde associatif.
Nous ne pouvons qu'être favorables à l'article 8 sur les associations de
jeunesse et d'éducation populaire : dans la continuité de l'action
ministérielle de Mme Buffet dans le domaine sportif, par exemple, le dispositif
proposé vise à développer la transparence, la démocratie, ainsi que la
participation des femmes.
Des garanties supplémentaires seront apportées par le système d'agrément à
l'encontre de groupements qui utilisent le statut associatif, notamment, à des
fins sectaires ou pédophiles.
Nous sommes également favorables aux modifications introduites par le projet
de loi en ce qui concerne la réglementation des centres de vacances et de
loisirs. Ces dispositions tendent, elles aussi, à lutter contre de graves
dérives et à favoriser l'existence d'un véritable projet éducatif, à développer
la qualité de l'encadrement - nous défendrons sur ce point, à l'article 11, un
amendement visant à créer un statut d'encadrant pédagogique occasionnel - ainsi
qu'à garantir l'hygiène et la sécurité que les parents sont en droit d'attendre
lorsqu'ils confient leurs enfants à ces centres. Rappelons qu'en 2000, plus
d'un million et demi de mineurs ont été envoyés en centres de vacances.
Les articles 9 et 10 confortent notre volonté d'une plus grande écoute du
milieu associatif et de la jeunesse, dont la participation citoyenne est ainsi
encouragée.
Nous voterons donc ces bonnes mesures, en rappelant néanmoins que la mise en
place d'un statut du bénévole associatif reste une attente très forte. A quand
cet acte indispensable pour que la célébration du centenaire de la loi de 1901
soit l'occasion d'une reconnaissance pleine et entière du travail de tous les
bénévoles ?
Le volet éducatif du projet de loi, s'il est limité à l'article 12, soulève la
question essentielle de la démocratisation de l'enseignement supérieur.
Ainsi, l'article 12 vise à reconnaître la compétence du conseil de direction
de l'Institut d'études politiques de Paris pour fixer à la place du ministre
les modalités particulières d'admission audit institut.
Il prévoit en outre la validation législative des différentes procédures de
sélection et élargit à tous les établissements supérieurs la possibilité de
diversifier leur recrutement par des conventions avec des établissements du
second degré.
Sur le fond, le groupe socialiste est, bien sûr, favorable au dispositif
décidé par Sciences Po pour en démocratiser l'accès, grâce à un partenariat
avec des établissements relevant de l'éducation prioritaire.
Je tiens d'ailleurs à souligner la haute qualité de l'encadrement pédagogique
prévu, dans le cadre des conventions, par la nouvelle procédure de recrutement,
que ce soit avant l'entrée à l'institut ou durant la scolarité.
Tout d'abord, une information et une familiarisation des lycéens avec
l'univers de Sciences Po sont prévues à travers des visites, des rencontres, la
possibilité d'assister, grâce à Internet, à des conférences ou à des ateliers
de travail.
Lors de la scolarité, un suivi spécifique, notamment par le biais d'un
enseignant référent, sera proposé aux élèves qui en ressentent le besoin.
Sur le plan financier, le ministère de l'éducation nationale accordera une
bourse annuelle de 40 000 francs, qui pourra être complétée par une aide au
logement de 20 000 francs.
Enfin, et ce n'est pas la moindre des qualités de cette procédure, elle
associe étroitement les équipes pédagogiques des lycées concernés,
reconnaissant par là même la légitimité de leur travail. Un tel partenariat ne
pourrait-il pas aller jusqu'à l'ouverture de classes préparatoires dans des
établissements de ZEP ou situés en zone sensible ?
J'émettrai cependant une réserve de fond. L'objectif est de lutter contre les
inégalités sociales qui pénalisent les lycéens de milieu modeste à l'entrée en
première année et de démocratiser l'accès à l'IEP de Paris. Or les critères
sociaux retenus ne portent que sur les établissements et ne prennent pas en
compte l'origine sociale individuelle, les données socio-professionnelle des
familles des élèves concernés. Est ainsi avalisé le postulat réducteur suivant
lequel tous les lycéens de ZEP sont issus de milieux défavorisés.
Dans un article de presse, deux exemples d'élèves de terminale préparant
l'entrée à l'IEP selon la nouvelle procédure m'ont frappé : il s'agissait d'un
fils de professeur d'arabe et d'une lycéenne dont le père est politologue en
Yougoslavie, soit des catégories socio-professionnelles à fort capital social
et culturel, tout à fait analogues à celles dont sont issus ceux qui
réussissent le mieux au concours d'entrée. Il ne faudrait pas qu'en définitive
cette procédure de recrutement ne s'adresse qu'aux plus favorisés des lycées de
ZEP.
Si une évaluation annuelle est bien prévue, le dispositif ne doit pas être
figé. Il doit être assez souple pour être réajusté au cours des dix ans
d'expérimentation, en fonction de l'objectif visé. C'est pourquoi il me semble
important que le Parlement soit destinataire de cette évaluation, au travers
d'un rapport. Cette évaluation, pour être pertinente, devrait comparer les
caractéristiques sociales des lycéens admis en première année, non seulement
par rapport à celles de l'ensemble des élèves des établissements concernés par
les conventions, mais aussi par rapport aux caractéristiques sociales de tous
ceux qui ont préparé l'oral avec leurs enseignants sans être admis.
Même si ce dispositif est limité - et le nombre de lycées concernés peut nous
amener à nous interroger quant au respect du principe d'égalité -, nous ne
pouvons pas le rejeter au motif qu'il n'est pas parfait : c'est un levier.
Nous devons également lever l'incertitude qui pèse sur la rentrée prochaine du
fait du recours de l'Union nationale interuniversitaire, l'UNI. Actuellement,
des élèves préparent dans leur lycée avec leurs professeurs l'épreuve orale
d'entrée à l'IEP : nous ne pouvons pas tuer leurs espérances.
Nous sommes donc opposés à la suppression du paragraphe II, proposée par la
commission des affaires culturelles.
La rédaction de l'article 12 suscite, malgré tout, deux interrogations.
Premièrement, le paragraphe I donne-t-il compétence au conseil de direction
pour définir les conditions d'admission à la préparation des diplômes de
troisième cycle délivrés par l'IEP de Paris, qui sont des diplômes nationaux et
qui relèvent de la procédure d'habilitation nationale en vigueur dans les
établissements publics supérieurs et classes préparatoires ?
Deuxièmement, le paragraphe III, en élargissant l'initiative de l'IEP à tous
les établissements supérieurs, implique de fait les universités qui ne sont
pas, elles, des établissements supérieurs sélectifs. Ne risque-t-on pas de voir
la non-sélection à l'entrée des universités remise en cause par ce biais ?
S'il s'agit simplement, pour les universités, de mettre en place, par des
conventions avec les établissements du second degré, un encadrement pédagogique
pour préparer l'entrée de certains lycéens à l'université dans de meilleures
conditions, j'y suis très favorable. Je pense notamment aux lycéens des
filières technologiques que nous leurrons en leur disant que les études longues
leur sont accessibles sans leur donner, parallèlement, les moyens de réussir
par un encadrement et un suivi pédagogique spécifiques quand cela est
nécessaire.
En revanche, si le paragraphe III ouvre subrepticement une brèche dans le
principe de non-sélection à l'entrée de l'université, j'y suis farouchement
opposé.
Ce que nous voulons, ce pour quoi nous oeuvrons, c'est l'égalité des chances,
l'école pour tous. Nous devons faire de l'ensemble de notre système
d'enseignement un réel ascenseur social.
« Donner plus à ceux qui ont moins » doit être un leitmotiv à chaque étape du
parcours scolaire, afin de lutter contre ces phénomènes de reproduction sociale
dont l'existence a été largement démontrée par Pierre Bourdieu, et de donner
une réelle égalité de chances à chacun.
Si nous avons réussi la massification de notre enseignement supérieur, nous
devons maintenant en réussir la démocratisation.
A cet égard, je le dis clairement, il nous faut notamment revenir sur le mythe
égalitaire du concours. Non, le concours n'est pas égalitaire : il n'est pas
neutre socialement et désavantage les étudiants issus des milieux modestes,
sans compter l'autocensure et le sentiment d'incompétence sociale qui leur fait
dire que les concours des grandes écoles ce n'est pas pour eux. J'en suis
désolé, mais les bourses n'ont aucun effet sur les représentations mentales.
Parce que la question de la démocratisation de notre enseignement supérieur
constitue l'un des véritables enjeux d'avenir pour notre société, je suis
convaincu que le débat doit être constant.
(Applaudissements sur les travées
socialistes.)
M. le président.
La parole est à M. Trégouët.
M. René Trégouët.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, mon
intervention sera circonscrite aujourd'hui à l'article 15, par lequel nous
allons, enfin ! renforcer le rôle des collectivités dans l'établissement des
réseaux de télécommunication à haut débit.
Je voterai volontiers cet article 15, mais, monsieur le secrétaire d'Etat, que
de temps perdu !
Voilà plus de deux ans - 775 jours exactement - le Gouvernement et sa majorité
ne se sont pas grandis, à l'Assemblée nationale, en se soumettant au
lobbying
de l'opérateur national et en adoptant le très regrettable
amendement dit « des fibres noires ».
Pendant ce temps - et deux ans pèsent lourd dans la vie de l'internet ! - les
autres pays ont poursuivi leur progression à grandes enjambées.
Quel constat pouvons-nous faire aujourd'hui ? A la fin de l'année 2000, on
comptait 18 millions de personnes raccordées à un réseau Internet à haut débit
en Amérique du Nord. Au même moment, l'Europe n'en comptait que 5 millions,
dont seulement 190 000 en France. Si l'on songe que l'accès au futur passe
nécessairement par ces accès à haut débit, on voit tout le retard qu'il nous
faut rattraper !
Pendant longtemps, trop longtemps ! les techniciens qui conseillent le
Gouvernement et sa majorité ont laissé croire que les structures en place
suffiraient à relever ce défi des hauts débits. Malheureusement, nous
constatons aujourd'hui, mais avec quel retard ! qu'il n'en est rien.
Alors que le Gouvernement a pris le 12 septembre dernier un décret
contraignant l'opérateur national à respecter le dégroupage sur la boucle
locale pour permettre la concurrence sur le fil de cuivre de France Télécom, en
y installant une technologie large débit appelée ADSL, alors que l'application
de ce texte devait être obligatoire à partir du 1er janvier dernier, vous savez
fort bien, monsieur le secrétaire d'Etat, que, malgré les demandes réitérées de
l'autorité de régulation, ce décret n'est toujours pas appliqué.
Mais il ne faudrait pas que vous pensiez que mes critiques sont exclusivement
dirigées contre l'opérateur national. L'expérience actuellement vécue aux
Etats-Unis montre que la concurrence sur la boucle locale n'est pas la bonne
solution pour déployer harmonieusement les hauts débits. Nous voyons là-bas
disparaître les unes après les autres les entreprises fragiles qui avaient
appuyé leur
business model
exclusivement sur la commercialisation de
l'ADSL.
Le déploiement des hauts débits repose sur une concurrence claire, qui permet
de proposer aux consommateurs des hauts débits reposant sur des infrastructures
bien différenciées.
Certes, ces infrastructures différenciées se trouvent actuellement dans les
milieux urbains denses, là où des technologies alternatives au fil de cuivre,
telles que le câble ou la boucle locale radio, sont normalement rentables. Mais
là où ces infrastructures n'atteignent pas naturellement leur équilibre
financier, nous ne pouvons pas reprocher aux entreprises privées de ne pas se
substituer à l'Etat et aux collectivités territoriales pour financer et
réaliser des équipements nécessaires à l'aménagement du territoire.
C'est en ce domaine que l'article 15 du projet de loi qui nous est proposé
aujourd'hui est particulièrement important : les collectivités locales vont
enfin avoir la possibilité de cofinancer ces infrastructures si nécessaires à
l'équilibre de leur territoire. Car, dans moins de cinq ans maintenant, une
entreprise industrielle ou de services ne pourra pas survivre ni même
s'installer dans un lieu nouveau si elle n'est pas puissamment connectée par de
hauts débits au réseau mondial Internet ; cela lui sera nécessaire pour
maintenir et développer ses liens tant avec ses clients qu'avec ses
fournisseurs. Si nous laissions se développer cette « fracture numérique », ce
seraient quelque 20 % de la population de la France et plus de 40 % de son
territoire qui se verraient dramatiquement exclus de l'avenir.
Au-delà de l'article 15, il faudra que le Gouvernement sache aller bien plus
loin. En effet, il serait anormal que la solidarité nationale, qui est l'une
des missions essentielles de l'Etat, ne s'exprime pas en faveur des
collectivités les plus défavorisées, les plus pauvres, pour les aider à
réaliser ces investissements indispensables.
C'est pourquoi, à l'opposé de la démarche impulsée par le Gouvernement en l'an
2000 pour l'attribution des licences UMTS, je pense que nous ne réussirons pas
un bon aménagement du territoire dans ce domaine vital des réseaux de
télécommunication à haut débit sans une harmonie entre la volonté politique et
l'initiative privée.
Loin de demander aux acteurs privés de se retrouver seuls pour financer cette
mission fondamentale d'aménagement du territoire, il faudra que les pouvoirs
publics - Etat et collectivités locales réunis - lancent un vaste programme
d'équipement de la France et le cofinancent.
Il suffit d'observer comment la France - qui, avec ses 560 000 kilomètres
carrés, est de loin le plus grand pays d'Europe - a aménagé son territoire
depuis un siècle et demi, en construisant successivement ses réseaux de chemin
de fer, ses réseaux routiers, ses réseaux d'électricité, ses réseaux de
distribution d'eau potable et, plus récemment, ses réseaux de téléphone, pour
comprendre que l'initiative privée ne pourra pas relever seule ce défi
fondamental des hauts débits.
L'article 15, qui arrive bien tard, malheureusement, mais qui va dans le bon
sens, doit n'être qu'un premier pas. Il est urgent que le Gouvernement remette
à plat le plan qui a été arrêté avec les régions et décide d'un vaste programme
cohérent pour équiper notre pays en hauts débits.
Il est tout à fait regrettable que la discussion du projet de loi sur la
société de l'information soit en permanence repoussée. Le Premier ministre, qui
avait pourtant voulu prendre date en août 1997 avec son discours volontariste
prononcé à Hourtin, donne une bien mauvaise image de la France par ces reports
successifs !
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
C'est comme pour les retraites !
M. René Trégouët.
On nous dit maintenant que ce texte ne serait examiné par le Parlement qu'au
premier trimestre de 2002.
M. Jean Delaneau,
président de la commission des affaires sociales.
Nous aurons autre chose
à faire !
M. René Trégouët.
Pis encore - mais l'autorité de régulation le dira probablement mieux que moi
demain - il serait grave que, pour des raisons électorales, nous reportions au
second semestre de l'année prochaine le choix des deux opérateurs
supplémentaires pour l'UMTS, alors que tous les autres pays européens qui ont
lancé leur procédure d'attribution de licences ont déjà choisi les leurs.
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Même la Grande-Bretagne l'a fait !
M. René Trégouët.
S'il devait se vérifier que nous prenions un tel retard dans le déploiement de
l'UMTS, qui est la seule technologie de radio mobile qui permette - je devrais
dire « qui permettra » - d'accéder aux hauts débits, ce serait un très mauvais
signal que nous enverrions aux autres pays d'Europe et au reste du monde.
Cela ne veut pas dire que j'apporte mon agrément à la décision d'exiger une
forte contribution - quelque 32,5 milliards de francs par fréquence octroyée
!
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
C'est cher !
M. René Trégouët.
Tout au contraire, je pense que le Gouvernement se grandirait en remettant à
plat toute la procédure du financement et de l'octroi de ces fréquences. Loin
de demander par avance des sommes considérables destinées à financer des
technologies qui ne sont pas encore matures ni même stabilisées, il serait
préférable que notre pays choisisse la voie qu'ont retenue la Suède ou la
Finlande, c'est-à-dire qu'il ne demande des financements aux opérateurs que
lorsque cette téléphonie large bande, dite « de troisième génération », sera
effectivement installée et fiable, et produira du chiffre d'affaires.
J'espère de tout coeur que l'intérêt supérieur de notre pays - puisque c'est
bien là qu'il faut placer la nécessité de déployer les hauts débits en France -
passera avant des calculs pré-électoraux ou purement budgétaires qui ne
seraient pas compris des Français.
(Applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et
Indépendants.)
M. le président.
La parole est à M. Gournac.
M. Alain Gournac.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues,
alors que nous avons achevé il y a peu l'examen en première lecture du projet
de loi de modernisation sociale - j'ai eu l'honneur d'en rapporter l'un des
titres - lequel ne contenait pas moins de huit volets qui auraient pu faire
chacun l'objet d'un projet de loi spécifique, nous voilà saisis d'un nouveau
catalogue de dispositions aux enjeux considérables mais au contenu fort
décevant.
Les trois premières dispositions ont trait aux affaires sociales. C'est par
elles que je commencerai mon propos, et je développerai ensuite les sujets qui
concernent les affaires culturelles.
Le premier volet, sans doute le plus important, consiste à inscrire dans la
loi une série de dispositions adoptées par les partenaires sociaux dans la
convention qu'ils ont conclue en octobre dernier et qui concerne l'assurance
chômage.
La situation n'est pas dénuée de comique puisque le Gouvernement est amené à
présenter des mesures qu'il a longuement combattues lors des négociations
sociales, négociations qui ont duré de nombreux mois.
Cela nous conduit sans détour à nous interroger sur les méthodes
d'organisation de la négociation collective en France : quand un gouvernement
en vient à refuser l'application d'un accord signé par les partenaires sociaux
parce que le contenu ne lui convient pas, on peut légitimement s'interroger sur
la considération dans laquelle il tient le dialogue social et sur le rôle qu'il
entend lui faire jouer dans l'avenir, si, en tout état de cause, c'est lui qui
tranche en dernier ressort.
En outre, ces négociations ont connu de nombreux rebondissements : le ministre
va-t-il refuser l'accord ? Les partenaires sociaux vont-il se plier au diktat
du Gouvernement ? Le Premier ministre en personne va-t-il s'immiscer dans le
dialogue social ? Ce fut, durant plusieurs mois, un véritable feuilleton.
Le groupe du RPR a une tout autre opinion du rôle respectif des partenaires
sociaux et de l'Etat. Plutôt que de brider ou de contraindre le dialogue
social, le rôle du Gouvernement nous semble être d'animer, de dynamiser,
d'enrichir ce dialogue afin de permettre aux partenaires sociaux d'exprimer
leurs désaccords et de signer dans une libre concertation leurs accords, bien
entendu dans le respect des grands principes auxquels nous sommes attachés et
sous le contrôle du Parlement.
Sur le contenu, le Gouvernement ne peut nier que l'indemnisation des chômeurs
est considérablement améliorée et que l'allégement des charges prévu, même s'il
est en net retrait par rapport à ce qu'avaient initialement souhaité les
partenaires sociaux, est extrêmement positif pour lutter contre le chômage.
De même, nous ne pouvons que saluer la volonté des partenaires sociaux de
créer un service de l'emploi et de la formation plus performant au profit des
personnes qui recherchent du travail. Il est en effet indispensable que ce
service soit à la fois plus étroitement associé aux organismes paritaires et
très proche tant des syndicats de salariés que des syndicats patronaux. Seule
cette complicité peut améliorer ses performances et le mettre en plus grande
adéquation avec les réalités de l'économie d'aujourd'hui.
Nous nous associons aussi à la réforme qui mobilise de nouveaux moyens pour
l'aide à l'évaluation, à la formation, à la mobilité, pour la suppression du
caractère dégressif des allocations et pour l'accompagnement individualisé des
demandeurs d'emploi.
Aussi, même déformée, sous la pression du Gouvernement, la convention va dans
le bon sens, et le groupe du RPR suivra les conclusions de notre excellent
rapporteur Louis Souvet sur les articles concernés.
Le deuxième volet concerne la définition du statut juridique du fonds de
réserve pour les retraites.
Pauvre fonds !
M. Claude Domeizel.
Pourquoi ?
M. Alain Gournac.
Alimenté par des recettes aléatoires, pillé pour financer la politique sociale
du Gouvernement - les 35 heures et l'allocation personnalisée d'autonomie - le
voici avec un statut juridique indéterminé et doté d'une organisation
surréaliste. Créé pour servir de caution au goût prononcé du Gouvernement pour
l'immobilisme dans le dossier bien trop brûlant de l'avenir des retraites, ce
fonds connaît donc de nouvelles péripéties.
Je ne reviendrai pas sur les manipulations financières dont il est l'objet et
qui ont été excellement décrites, dans son rapport, par notre collègue Alain
Vasselle.
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Merci, cher collègue !
M. Alain Gournac.
Je ne reviendrai pas non plus sur les promesses du Gouvernement, dont le peu
de sérieux a été dénoncé à plusieurs reprises par le Sénat.
Mon propos concernera, en premier lieu, l'organisation technique.
Il est d'abord créé un directoire puissant, dont les décisions ne puissent pas
être réellement contestées par le conseil de surveillance. Ce dernier, qui n'a
aucun pouvoir de décision, n'a pas non plus les moyens d'exercer le pouvoir de
contrôle qui lui est théoriquement confié.
Puisque les membres du directoire sont nommés par le Gouvernement, il n'est
pas besoin de réfléchir longtemps pour savoir qui tient les rênes de cet
établissement, à l'abri des contrôles indiscrets.
Quant au mode de gestion financière, il est évident qu'il y a conflit
d'intérêts entre un président issu de la Caisse des dépôts et consignations et
les éventuels appels d'offre pour lesquels elle pourrait se porter
candidate.
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Tout à fait !
M. Alain Gournac.
Une seconde série d'interrogations concerne la gestion des sommes versées dans
le fonds et leur utilisation future.
Ainsi que l'a fait remarquer notre excellent rapporteur, seuls seraient
bénéficiaires le régime général et les régimes alignés, la CANCAVA, la caisse
autonome nationale de compensation de l'assurance vieillesse artisanale et
l'ORGANIC, l'Organisation autonome nationale d'assurance vieillesse de
l'industrie et du commerce.
Or les sources de financement sont d'origines très diverses. De même, la
question de la répartition entre les régimes élus n'est pas abordée.
Pour toutes ces raisons, nous ne pouvons que nous rallier au travail de
réécriture effectué par M. le rapporteur pour tenter de donner un minimum de
cohérence à ce « fonds sans fonds ».
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Très bien !
M. Alain Gournac.
Concernant le troisième volet, la réforme du code de la mutualité, je crois
que notre excellent collègue André Jourdain, rapporteur, a fort bien présenté
la situation : le Gouvernement s'apprête à écarter totalement le Parlement de
la discussion d'un texte très important, qui concerne une spécificité française
à laquelle nous sommes très attachés. La mutualité joue en effet un rôle
essentiel dans la politique sociale de notre pays et a vocation à le conserver,
sinon à l'amplifier.
Or plusieurs dispositions de cette refonte du code de la mutualité auraient
exigé une discussion approfondie. Il aurait fallu définir les activités
sociales accessoires que pourraient continuer d'exercer les mutuelles, car ces
activités revêtent pour elles une importance considérable. Il aurait fallu
également examiner, ou préciser, le nouveau rôle du conseil supérieur de la
mutualité, qui se voit confier le pouvoir de prononcer des sanctions
extrêmement importantes alors même que sa composition n'est pas définie dans la
loi. Quant à la question si sensible de l'assujettissement à la taxe sur les
conventions d'assurance des mutuelles, ou de l'exonération des compagnies
d'assurance sous réserve de leur engagement de non-discrimination, elle reste
posée.
Si, sur le fond, la réforme engagée peut recevoir un accord global,...
M. Serge Lagauche.
Ah !
M. Alain Gournac.
... on ne peut que déplorer la forme qui ne permet pas au Parlement d'exercer
ses prérogatives par la discussion et la modification de certaines dispositions
importantes.
Quant aux dispositions concernant les affaires culturelles, si certaines
d'entre elles ont des objectifs qui sont louables, d'autres ont des objectifs
qui le sont bien moins.
Le titre IV, qui concerne la jeunesse et l'éducation populaire, aurait mérité
mieux que ce que prévoit le Gouvernement. Le dispositif proposé n'est qu'un
leurre politique et ne doit son existence qu'à la nécessité, pour le
Gouvernement, de donner un gage à une partie de la majorité plurielle, afin
d'établir un semblant de cohésion.
M. Claude Domeizel.
Oh !
M. Roland Muzeau.
Il faut lire le texte !
M. Alain Gournac.
Il faut effectivement le lire, et bien le lire !
Je l'avoue, j'avais pensé que Mme le ministre de la jeunesse et des sports
serait plus vigilante concernant un domaine qu'elle connait parfaitement bien
et que, d'habitude, elle défend avec une plus grande conviction. J'imagine que
les associations qui n'ont pas été convoquées pour débattre de la réforme
proposée n'ont pas été particulièrement satisfaites, sachant que celles qui ont
été invitées se sont vues consultées la veille de l'examen en conseil des
ministres.
Lorsque vous parlez de concertation, vous me permettrez de douter de la
justesse du vocabulaire utilisé, car les faits démontrent le contraire !
Certaines dispositions, comme l'article 8, symbolisent la volonté du
Gouvernement d'étatiser les structures mises en place en faveur de la jeunesse.
En effet, ce dispositif aboutit à conforter le pouvoir du ministre s'agissant
de l'obtention de l'agrément et de la subvention. Ainsi, certaines dérives sont
à redouter en raison des conditions d'obtention de l'agrément fixées dans le
texte et dont on peut craindre la subjectivité.
Pour ce qui est de la création des conseils relatifs à la jeunesse, vous me
permettrez d'être sceptique quant à leur nécessité. Je souhaiterais notamment
savoir pourquoi vous avez choisi de mettre en place deux structures qui, à
première vue, paraissent assez semblables. Est-ce vraiment pour une question
d'efficacité ?
S'agissant des dispositions concernant la réglementation relative à l'accueil
et à l'hébergement des mineurs dans les centres de vacances et de loisirs, je
considère, comme beaucoup d'élus, qu'il fallait effectivement la reconsidérer,
l'actualité nous l'a malheureusement trop démontré au cours des dernières
années. Cependant, je n'adhère pas au dispositif que vous proposez. En effet,
il alourdit les contraintes pesant sur ceux qui prennent localement des
initiatives et, par là même, il se trouve réservé aux communes les plus
riches.
M. Serge Lagauche.
Mais non !
M. Alain Gournac.
Votre dispositif ne correspond pas aux réalités que vivent chaque jour les
responsables des centres de séjour avec hébergement.
A l'Assemblée nationale, sept amendements ont été déposés sur cet article et,
ici même, six l'ont été par la commission des affaires culturelles, ce qui
prouve que ce dispositif est tout à fait perfectible. Or, comme chacun le sait,
vous nous avez imposé l'urgence sur ce texte, et je ne peux que déplorer la
brièveté des délais impartis aux commissions respectives pour examiner un
projet de loi qui traite de sujets aussi sensibles.
La question avec laquelle je terminerai sur ce point concerne les moyens qu'il
faudra déployer pour de telles réformes. Comment envisagez-vous leur
application et leur suivi ?
J'aborde, enfin, l'article concernant l'Institut d'études politiques de
Paris.
Il n'est nul besoin de tergiverser, comme nous l'a excellemment exposé notre
collègue Jacques Valade, rapporteur pour avis de la commission des affaires
culturelles.
Si on ne peut s'opposer à la validation de l'autonomie de l'institut précisée
par le décret de 1985, on ne peut, en revanche, se déclarer favorable à la
validation, à titre de précaution, des décisions du conseil de direction de
l'institut qui visent à ouvrir aux meilleurs élèves des ZEP, hors concours,
l'accès en première année.
Cette procédure, juridiquement douteuse et qui risque d'être annulée par le
tribunal administratif de Paris, comme l'a dit notre collègue Jacques Valade,
ne peut être validée par le Parlement.
Soyons honnêtes avec la jeunesse : ce dispositif introduit une inégalité entre
les bacheliers des lycées classés en ZEP ; il est discriminatoire à l'égard du
monde rural car aucune ZEP en milieu rural n'a été choisie ; il est également
discriminatoire pour les bons élèves de lycée hors ZEP n'ayant pas obtenu une
mention « très bien » et qui, eux, seront soumis au régime de droit commun du
concours d'entrée.
Décidément, nous n'avons pas la même conception de l'égalité sociale et de
l'égalité des chances !
M. Roland Muzeau.
C'est certain et ça rassure !
M. Alain Gournac.
La nôtre est fondamentalement républicaine. Quant à la vôtre, je vous laisse
le soin de trouver les bons mots pour la définir.
Tels sont les points que je souhaitais aborder et sur lesquels je voudrais -
et je ne suis certainement pas le seul - obtenir des éclaircissements.
(Très
bien ! et applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et
Indépendants.)
M. le président.
La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.
9
DÉPÔT D'UN PROJET DE LOI
M. le président.
J'ai reçu de M. le Premier ministre un projet de loi portant diverses
dispositions d'ordre économique et financier.
Le projet de loi sera imprimé sous le n° 346, distribué et renvoyé à la
commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de
la nation, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale
dans les conditions prévues par le règlement.
10
TRANSMISSION D'UN PROJET DE LOI
M. le président.
J'ai reçu, transmis par M. le Premier ministre, un projet de loi d'orientation
sur la forêt, adopté avec modifications par l'Assemblée nationale en deuxième
lecture.
Le projet de loi sera imprimé sous le n° 344, distribué et renvoyé à la
commission des affaires économiques et du Plan.
11
DÉPÔT D'UN RAPPORT D'INFORMATION
M. le président.
J'ai reçu de M. Joël Bourdin, sénateur, un rapport d'information, fait au nom
de la délégation du Sénat pour la planification, sur les perspectives du retour
au plein-emploi.
Le rapport d'information sera imprimé sous le n° 345 et distribué.
12
ORDRE DU JOUR
M. le président.
Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment
fixée à aujourd'hui, jeudi 31 mai 2001 :
A neuf heures trente :
1. Suite de la discussion du projet de loi (n° 322, 2000-2001), adopté par
l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, portant diverses
dispositions d'ordre social, éducatif et culturel.
Rapport (n° 339, 2000-2001) de MM. Louis Souvet, Alain Vasselle, André
Jourdain et Jean-Louis Lorrain, fait au nom de la commission des affaires
sociales.
Avis (n° 335, 2000-2001) de MM. James Bordas, Jean-Paul Hugot et Jacques
Valade, fait au nom de la commission des affaires culturelles.
Aucune inscription de parole dans la discussion générale n'est plus
recevable.
Le délai limite pour le dépôt des amendements est expiré.
A quinze heures et le soir :
2. Questions d'actualité au Gouvernement.
3. Suite de l'ordre du jour du matin.
Délai limite pour les inscriptions de parole
et pour le dépôt des amendements
Proposition de loi organique, adoptée par l'Assemblée nationale, relative aux
lois de finances (n° 226, 2000-2001) :
Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale :
mercredi 6 juin 2001, à dix-sept heures ;
Délai limite pour le dépôt des amendements : mercredi 6 juin 2001, à douze
heures.
Personne ne demande la parole ?...
La séance est levée.
(La séance est levée le jeudi 31 mai 2001, à zéro heure vingt-cinq.)
Le Directeur
du service du compte rendu intégral,
DOMINIQUE PLANCHON
ERRATA
au compte rendu intégral de la séance du 17 mai 2001
DIVERSES DISPOSITIONS
EN MATIÈRE ÉLECTORALE
Page 2190, 1re colonne, dans le texte proposé pour l'article 1er, au premier
alinéa du II, 2e ligne :
Après :
« ressort »,
Ajouter :
« dans lequel ils exercent ou ».
Page 2191, 2e colonne, dans le texte proposé pour l'article 4, au premier
alinéa, 1re ligne :
Au lieu de :
« 3122-2 »,
Lire :
« 3122-3 ».
ORGANISME EXTRAPARLEMENTAIRE
CONSEIL DE SURVEILLANCE DU FONDS DE FINANCEMENT DE LA PROTECTION COMPLÉMENTAIRE
DE LA COUVERTURE UNIVERSELLE DU RISQUE MALADIE
Lors de sa séance du 30 mai 2001, le Sénat a désigné M. Jean-Louis Lorrain
pour siéger au sein du conseil de surveillance du fonds de financement de la
protection complémentaire de la couverture universelle du risque maladie, en
remplacement de M. Claude Huriet, démissionnaire.
Le Directeur du service du compte rendu intégral, DOMINIQUE PLANCHON QUESTIONS ORALES REMISES À LA PRÉSIDENCE DU SÉNAT (Application des articles 76 à 78 du réglement)
Réglementation applicable
aux constructions en zone de montagne
1099.
- 30 mai 2001. -
M. Michel Teston
rappelle à
M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement
que dans le cadre du débat sur la loi n° 2000-1208 du 13 décembre 2000 sur la
solidarité et renouvellement urbains, un certain nombre de parlementaires et
lui-même ont obtenu des modifications importantes du code de l'urbanisme, en ce
qui concerne les possibilités de construction en zone de montagne. En effet, il
leur semblait important d'assouplir certaines dispositions très contraignantes
qui obéraient toutes perspectives de développement dans les petites communes
concernées. Ainsi, depuis l'adoption de ce texte, les articles L. 111-1-2 et L.
145-3 du code de l'urbanisme offrent désormais la possibilité d'ouvrir de
nouveaux espaces constructibles, tout en répondant à la nécessité de préserver
les paysages et de contrôler une urbanisation excessive ou anarchique. Les
décrets d'application de la loi SRU ayant été publiés, les directions
départementales de l'équipement sont donc actuellement amenées à se prononcer
sur des demandes de certificat d'urbanisme, sur la base de cette nouvelle
réglementation. Or, il apparaît que l'assouplissement introduit par la loi
n'est pas, pour l'instant, suivi d'effet sur le terrain. Il lui demande de lui
indiquer quelles consignes ont été ou seront données aux services, afin que
soient appliquées concrètement ces nouvelles dispositions législatives.
Renforcement des effectifs de gendarmerie
dans le Vaucluse
1100.
- 30 mai 2001. -
M. Claude Haut
attire l'attention de
M. le ministre de la défense
sur la situation du département du Vaucluse en matière de sécurité publique.
Les dernières statistiques du premier trismestre 2001 font apparaître une
situation préoccupante pour un département qui reste rural, malgré la forte
croissance de sa population, constatée lors du dernier recensement. Un
phénomène le préoccupe particulièrement, il s'agit de la migration du phénomène
délinquant, voire criminel, des zones urbaines vers le secteur rural. En zone
urbaine, le gouvernement a fait des efforts considérables en matière notamment
de police de proximité, mais également en terme d'effectifs policiers, cette
action politique, dont il se félicite, a suscité un transfert du phénomène
délinquant de l'urbain vers le rural. Il sollicite qu'en fonction des données
chiffrées et donc objectives, il puisse renforcer les effectifs des brigades de
gendarmerie. La situation du Vaucluse est suffisamment préoccupante pour
qu'elle mérite son attention et son intervention. En conséquence, il lui
demande quelles dispositions il peut prendre pour renforcer le dispositif
affecté à la sécurité publique des Vauclusiennes et des Vauclusiens en zone
rurale.
Homologation des diplômes d'accompagnateur
et de guide de tourisme équestre
1101.
- 30 mai 2001. -
M. Jean-François Picheral
appelle l'attention de
Mme le ministre de la jeunesse et des sports
sur la suppression de l'homologation des diplômes d'accompagnateur et de guide
de tourisme équestre, et ses effets à l'égard de l'activité touristique des
établissements équestres. La modification de la loi n° 2000-627 sur le sport,
votée le 6 juillet 2000, a en effet entraîné la suppression de l'homologation
des diplômes fédéraux de guide et d'accompagnateur de tourisme équestre (GATE),
qui étaient jusqu'alors délivrés par la fédération française de tourisme
équestre. Ces homologations permettaient ainsi à ce personnel diplômé non
seulement d'exercer son activité contre rémunération mais aussi, pour certains,
de créer des entreprises de tourisme ouvertes au public. Depuis la mise en
application de la loi, ces métiers, alors en plein essor économique, se sont
vus donc dépourvus de tout cadre juridique strict, cadre juridique qui lui
permettait pourtant, jusqu'alors, de connaître pour la plupart d'entre eux une
évolution sereine et continue de leur activité. Ainsi, alors qu'en période
estivale des centaines de nouveaux accompagnateurs seraient nécessaires à
l'encadrement des colonies de vacances et centres de loisirs et au
renouvellement des travailleurs saisonniers de ces établissements, certaines
directions départementales de la jeunesse et des sports refusent désormais aux
titulaires de ces diplômes, pourtant déjà en exercice, de renouveler leurs
cartes professionnelles et vont dans certains cas jusqu'à évoquer la fermeture
de certains de ces centres, employant des accompagnateurs et guides, ou dirigés
par l'un d'eux. Devant cette délicate situation, susceptible d'être aggravée
par l'ouverture prochaine de la saison touristique, il lui demande donc de lui
indiquer quelles dispositions, dans un bref délai, elle compte envisager afin
de remédier à ce vide juridique qui, à défaut d'être résolu, amènera fatalement
à la disparition rapide de ces entreprises de tourisme.
Malaise des infirmières
1102.
- 30 mai 2001. -
M. Martial Taugourdeau
interroge
M. le ministre délégué à la santé
sur les graves problèmes qui se posent aux infirmières. Non seulement elles
doivent faire face à une surcharge de travail, mais encore certaines d'entre
elles sont sanctionnées par les caisses pour dépassement de leur quota.
Certaines, comme ces trois infirmières d'un chef-lieu de canton de mon
département, ferment leur cabinet et décident de choisir une autre activité.
Alors que faut-il faire ? Sans infirmières en milieu rural, face à des
généralistes de plus en plus débordés, que deviendra alors notre santé publique
? Son expérience de médecin, puis de parlementaire, le pousse à lui exprimer
toutes ses plus vives inquiétudes et à lui poser une seule question : que
compte-t-il faire ?
Implantation du troisième aéroport de la région parisienne
1103.
- 30 mai 2001. -
M. Gérard Cornu
souhaite appeler l'attention de
M. le Premier ministre
sur la date de l'annonce par le Gouvernement de la localisation retenue pour
l'implantation de la troisième plate-forme aéroportuaire du bassin parisien. Si
l'on s'en tient, en effet, aux échéanciers annoncés, il semble que les schémas
de services collectifs seraient adoptés avant que la procédure du débat public
préalable au choix du site du troisième aéroport ne parvienne véritablement à
son terme et, donc, avant que la décision finale ne soit arrêtée. Cela n'est
pas sans poser de réels problèmes en terme d'aménagement du territoire,
notamment pour ce qui concerne la finalisation du schéma de services «
transports ». Il est évident que la nouvelle plate-forme supposera de nouvelles
dessertes terrestres de qualité qu'il faudrait pouvoir prévoir en amont et
inscrire dans le cadre précis de ce schéma de services. Il lui demande de bien
vouloir lui préciser de façon tout à fait formelle l'ordre dans lequel seront
rendues les décisions, de façon à ce qu'elles ne soient pas déconnectées l'une
de l'autre, ceci dans un souci d'efficacité et de rationalité.
Application des 35 heures
au secteur de l'alimentation de détail
1104.
- 30 mai 2001. -
M. Bernard Joly
appelle l'attention de
Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité
sur les difficultés auxquelles se heurtent les entreprises de détail et en
particulier la boucherie et l'hôtellerie-restauration dans la perspective de
l'obligation prochaine de l'application de la réduction du temps de travail.
Pour ces deux branches professionnelles aucun accord n'est intervenu faute
d'avoir trouvé des solutions effectivement applicables. Les entreprises de
métiers de bouche comptent en moyenne trois salariés et cette réalité rend
inopérants les dispositifs d'aide à la réduction du temps de travail au regard
des contraintes spécifiques du secteur. Leur taille et la diversité des postes
de travail au sein de la même entreprise permettent rarement de dégager un
nombre d'heures suffisant pour créer un emploi même à temps partiel. Par
ailleurs, le recours aux groupements d'employeurs est inadapté, le savoir-faire
est une acquisition délicate et gardée ; inadaptée également l'annualisation du
temps de travail du fait de la concurrence et des comportements et des
consommateurs. De plus, ces métiers ne permettent aucun gain de productivité
car la valeur ajoutée dépend de la transformation manuelle de tradition qu'ils
garantissent et ils ne sont ainsi pas en mesure de créer des activités
nouvelles. Enfin, malgré une politique de formation et de promotion, les
difficultés de recrutement perdurent. Il lui demande si le ministère de
l'emploi et de la solidarité ne pourrait accepter, lorsque les partenaires
sociaux en sont d'accord, d'assouplir les mesures et notamment d'autoriser un
contingent annuel d'heures supplémentaires sans repos compensateur supérieur à
130 heures d'une part, et d'autre part, de prévoir que la baisse des charges
prévues par la loi du 19 janvier 2000 s'applique à toutes les entreprises
mettant en application un accord de branche sur la réduction du temps de
travail.