SEANCE DU 6 JUIN 2001
TRAITÉ AVEC LA PRINCIPAUTÉ D'ANDORRE
PORTANT RECTIFICATION DE LA FRONTIÈRE
Adoption d'un projet de loi
M. le président.
L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi (n° 260, 2000-2001)
autorisant la ratification du traité entre la République française et la
Principauté d'Andorre portant rectification de la frontière. [Rapport n° 328
(2000-2001).]
Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.
M. Charles Josselin,
ministre délégué à la coopération et à la francophonie.
Monsieur le
président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, la France
et l'Andorre entretiennent depuis un millénaire des relations très étroites qui
reposent sur des liens historiques particuliers puisque, comme vous le savez,
le Président de la République française est également coprince d'Andorre.
Source de richesse pour les relations entre les deux pays, cette particularité
se traduit moins dans la réalité économique. En effet, du fait de sa
géographie, l'activité de la principauté est principalement tournée vers
l'Espagne. Le développement des relations économiques franco-andorranes
apparaît dès lors avant tout conditionné par le désenclavement routier de
l'Andorre du côté français.
A l'heure actuelle, l'unique desserte routière entre les deux pays ne suffit
plus à faire face à un trafic croissant et ne répond pas à notre volonté
d'intensifier nos échanges avec l'Andorre. Le doublement de l'itinéraire pour
éviter l'agglomération du Pas de la Case est donc apparu nécessaire aux deux
Etats.
Compte tenu des contraintes géographiques et de l'emplacement du réseau
routier actuel, l'ouverture d'une deuxième desserte ne pouvait se concrétiser
que par la réalisation d'infrastructures lourdes. Les autorités andorranes ont
donc entrepris la construction d'une route contournant le Pas de la Case. Cet
ouvrage a conduit au percement d'un tunnel sur le territoire andorran, ce qui
implique la construction d'un viaduc au-dessus de l'Ariège afin de raccorder la
nouvelle route au réseau routier français.
Tout en étant très favorable au projet, la France n'a pas souhaité le financer
ni avoir de responsabilité à l'égard de ce nouveau réseau routier.
La République française et la Principauté d'Andorre ont donc signé, le 12
septembre 2000, un traité portant rectification de leur frontière. Par cet
accord, les deux Etats sont convenus d'échanger des parcelles de territoire de
surface égale de 1,5 hectare chacune. L'opération doit permettre à l'Andorre de
construire sur la parcelle cédée le viaduc qui reliera le tunnel d'Envalira à
la RN 22.
L'Andorre est en effet le maître d'oeuvre de ces infrastructures, leur
propriétaire et, bien entendu, le responsable de leur gestion. Dans ces
conditions, il est apparu souhaitable que le droit andorran s'applique à la
parcelle servant d'assise au viaduc, qui se trouvera sur la rive actuellement
française de l'Ariège. Un choix similaire avait été fait pour le viaduc reliant
les autoroutes française et suisse à Saint-Julien-en-Genevois.
En échange, selon le voeu de la commune limitrophe française, la France
acquiert une partie de la rive gauche de l'Ariège, terrain que l'Andorre avait
remblayé, avec pour conséquence un déplacement du cours de la rivière.
L'accord donne obligation à l'Andorre de financer le raccordement du viaduc à
la route française et de respecter des normes environnementales, arrêtées d'un
commun accord, qui reprennent les engagements que la France avait contractés
dans le cadre de la directive européenne « Natura 2000 ».
Outre la rectification de frontière, le traité prévoit que les propriétaires
andorrans des terrains devenus français deviennent propriétaires des terrains
devenus andorrans, et inversement pour les propriétaires français.
Concrètement, il s'agit des deux côtés de la frontière de terrains communaux
non constructibles. En revanche, les réseaux publics d'adduction d'eau et de
téléphone situés sur les terrains ne changeront pas de propriétaires, et une
servitude de passage est prévue pour les entretenir.
A l'occasion de cette négociation, la France a obtenu de l'Andorre qu'elle
s'engage à conclure un accord pour délimiter l'ensemble de la frontière. La
frontière résulte en effet de la coutume. En l'absence d'accord de
délimitation, des différends sont survenus entre communes frontalières, et la
signature du traité est apparue comme l'occasion de s'engager à remédier à ces
situations.
Telles sont, monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames,
messieurs les sénateurs, les principales observations qu'appellent le traité
entre la République française et la Principauté d'Andorre portant rectification
de la frontière, signé à Andorre-la-Vieille le 12 septembre 2000 et qui fait
l'objet du projet de loi soumis aujourd'hui à votre approbation.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Gérard Roujas,
rapporteur de la commission des affaires étrangères, de la défense et des
forces armées.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers
collègues, le projet de loi autorisant la ratification du traité entre la
République française et la Principauté d'Andorre portant rectification de la
frontière a été déposé au Sénat le 4 avril 2001.
Il vise, comme vient de le dire M. le ministre, à remédier à la situation
actuelle de l'accès par la France à la Principauté d'Andorre, caractérisée par
l'existence d'un axe routier unique et insuffisant.
En effet, la Principauté d'Andorre, étendue sur 468 kilomètres carrés entre la
France et l'Espagne, et qui compte environ 70 000 habitants, tire une bonne
part de ses ressources économiques des achats effectués sur son territoire par
les touristes étrangers qui s'y rendent.
L'ensemble de ces éléments produit un intense trafic automobile sur la seule
voie d'accès à partir de la France, la RN 22.
La Principauté souhaite donc ouvrir une seconde voie d'accès à partir de la
France, non seulement parce que la RN 22 est saturée en certaines occasions,
mais également parce que son tracé actuel est tourmenté et passe par un col de
2 408 mètres d'altitude. Cet itinéraire unique peut donc être dangereux
également l'hiver, non du fait de son encombrement, mais en raison du climat
rigoureux.
Pour remédier à toutes les difficultés que comporte cet accès unique, la
Principauté envisage d'ouvrir un autre axe routier qui empruntera un tunnel, le
tunnel d'Envalira, déjà percé, qui présentera le double avantage d'être
utilisable quels que soient les aléas climatiques et de réduire sensiblement la
durée du trajet, du fait de son tracé rectiligne.
Cependant, ces avantages ne se concrétiseront que si l'accès à ce tunnel évite
la traversée de la localité andorrane du Pas-de-la-Case pour se raccorder
directement à la RN 22, en territoire français.
Ce raccordement direct suppose néanmoins la future construction d'un viaduc,
qui sera édifié et entretenu aux frais de la Principauté.
Dans cette perspective, il a semblé cohérent de céder à Andorre la parcelle de
terrain inhabitée qui supportera le viaduc, d'une superficie de 15 595 mètres
carrés, comme l'a rappelé M. le ministre, sachant que la Principauté s'est
engagée à réaliser un ouvrage dont l'insertion esthétique dans le paysage sera
soumise à l'approbation de la France.
Il faut savoir en effet que cette portion de territoire cédée par la France
est située dans une zone sélectionnée par notre pays comme relevant du réseau
Natura 2000. Vous savez qu'une directive européenne de 1992 a sollicité de
chacun des pays membres de l'Union européenne la sélection d'un certain nombre
de sites naturels dignes d'être protégés.
Du fait de cet engagement, antérieur à la conclusion du présent traité, la
France a souhaité que l'utilisation du terrain cédé à Andorre soit strictement
encadrée par un arrangement administratif conclu entre les deux ministères
chargés de l'environnement, qui a été signé le 26 février 2001.
Ce texte, publié en annexe de mon rapport, prévoit les modalités concrètes de
l'obligation faite à Andorre d'établir un inventaire précis de la faune et de
la flore existantes sur le site évoqué et des mesures prises pour en assurer le
maintien et la protection.
En échange de cette parcelle, la Principauté cède à la France un territoire de
même surface, également inhabité, longeant la rive gauche de l'Ariège. Les
riverains français souhaitent en effet disposer de ces terrains pour maîtriser
l'accès à ce cours d'eau. L'accord offre donc l'avantage de procéder à un
échange de terrains de superficie équivalente.
Les communes impliquées dans l'échange, qui sont la paroisse d'Encamp en
Andorre et la commune de Porta en France, ont été associées par les
gouvernements français et andorran au choix et à la délimitation des terrains
échangés.
D'ores et déjà, le tunnel d'Envalira est percé, et l'achèvement des travaux,
dont la construction du viaduc qui reliera la sortie du tunnel à la RN 22 en
France, est suspendu à la ratification du traité par notre pays. Si cette
ratification intervient d'ici à la fin de ce mois, ces travaux pourraient
s'achever vers le mois de mai 2002.
La Principauté, qui prévoit d'assortir cet accès d'un péage, escompte un
trafic moyen de 1 800 véhicules par jour à l'horizon 2010 par cet axe, soit
environ 50 % du total du trafic qui s'écoulera alors entre la France et
Andorre.
Sous le bénéfice de ces observations, la commission des affaires étrangères
vous propose, mes chers collègues, d'adopter ce projet de loi.
M. le président.
Personne ne demande la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion de l'article unique.