SEANCE DU 13 JUIN 2001
LOI D'ORIENTATION SUR LA FORÊT
Discussion d'un projet de loi en deuxième lecture
M. le président.
L'ordre du jour appelle la discussion en deuxième lecture du projet de loi
d'orientation sur la forêt (n° 344, 2000-2001), adopté avec modifications par
l'Assemblée nationale, en deuxième lecture. [Rapport n° 358 (2000-2001).]
Dans la discussion générale, la parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe François,
rapporteur de la commission des affaires économiques et du Plan.
Monsieur
le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous abordons
l'examen, en deuxième lecture, du projet de loi d'orientation forestière,
examiné par l'Assemblée nationale le 29 mai dernier.
Le rapporteur que je suis entend, à ce propos, dénoncer les conditions dans
lesquelles il a dû examiner ce texte, revenu de l'Assemblée nationale
sensiblement modifié et enrichi sur de nombreux points. Encore une fois, la
fonction du Parlement est malmenée, les délais impartis - moins d'une semaine
entre la transmission du texte et la date à laquelle la commission a dû se
prononcer sur celui-ci - ne permettant pas de procéder à une expertise
approfondie des dispositions transmises par l'Assemblée nationale.
Il en est ainsi d'un amendement de quatre pages modifiant profondément le
régime fiscal dit « Sérot-Monichon » ou encore d'un amendement transposant une
directive relative à la commercialisation des matériels forestiers de
reproduction, amendements déposés l'un et l'autre par le Gouvernement.
Sans revenir sur le contexte qui a présidé à l'élaboration de ce projet de
loi, largement évoqué dans le rapport qu'elle a présenté en première lecture,
la commission rappellera néanmoins les améliorations apportées par le Sénat
lors de cette étape.
Pour ce qui concerne les modifications apportées par l'Assemblée nationale en
deuxième lecture, elle vous présentera d'abord celles qui s'inscrivent dans une
volonté commune de dialogue, puis celles, inacceptables en l'état, qui
impliquent soit un retour au texte adopté par le Sénat, soit la recherche de
solutions transactionnelles.
Pour la Haute Assemblée, il s'était agi, tout d'abord, de corriger les excès
de réglementation et les contraintes qu'ils induisaient, notamment en ce qui
concerne les interdictions et les sanctions encourues en cas d'infraction à la
législation forestière sur les obligations de débroussaillement et la
réglementation des coupes de bois.
En outre, le projet de loi affirmant la multifonctionnalité de la forêt, à
travers son rôle social et environnemental, sans en tirer clairement les
conséquences sur le plan financier, le Sénat avait prévu l'inscription dans la
loi d'une contrepartie juste et équilibrée des surcoûts résultant du
développement des fonctions sociales et environnementales de la forêt.
Il avait également eu pour souci d'améliorer les garanties offertes aux
propriétaires forestiers, adoptant ainsi des dispositions encadrant les
engagements de non-démembrement ou les contraintes de gestion à souscrire par
un propriétaire privé dès lors qu'il sollicite des aides publiques.
Par ailleurs, avait été adoptée une disposition facilitant l'information des
donneurs d'ordre sur la qualification des personnes auxquelles ils font appel
pour la réalisation de travaux de récolte de bois.
De plus, le Sénat s'était montré attentif à ce que la protection des droits
des propriétaires forestiers se concilie avec d'autres objectifs. A titre
d'exemple, il avait voté une disposition encadrant la possibilité d'interdire
ou de réglementer les plantations le long des cours d'eau, afin de prendre en
compte la nécessité de protéger ces derniers contre des chutes végétales tout
en préservant les droits des propriétaires riverains.
S'agissant de la prévention des incendies de forêt, le Sénat avait inscrit
dans la loi le principe d'aides aux propriétaires à qui incombe une obligation
de nettoyage des chablis après une tempête. Il avait également prévu une
consultation des collectivités locales concernées par certaines obligations de
débroussaillement et précisé que les plans de prévention contre les incendies
de forêt devaient faire l'objet d'une déclinaison par massif forestier.
Par ailleurs, alors que l'Assemblée nationale s'était contentée de voter un
article additionnel prévoyant la création d'un instrument fiscal restant à
définir, le Sénat avait adopté, sur proposition de la commission des finances,
un dispositif de fonds commun de placement destiné à favoriser l'investissement
dans les forêts privées.
Parallèlement, était introduit le principe d'un dispositif en faveur de
l'investissement en forêt publique, afin de satisfaire les légitimes attentes
des communes forestières.
Enfin, le Sénat avait adopté une disposition imposant aux chambres
d'agriculture de reverser aux communes forestières une partie des sommes
qu'elles perçoivent au titre de la taxe additionnelle aux immeubles classés au
cadastre en nature de bois.
En deuxième lecture, l'Assemblée nationale a retenu un certain nombre des
propositions du Sénat, permettant l'adoption conforme d'articles ou de parties
d'articles du projet de loi.
Il en est ainsi : des dispositions techniques, s'agissant des conditions
d'élaboration et du contenu des documents de gestion ; des dispositions sur
l'accueil du public en forêt ; du régime du défrichement ; de la prévention des
risques naturels en montagne et du régime de protection des dunes ; du principe
des aides accordées aux propriétaires forestiers tenus d'éliminer leurs
chablis.
L'Assemblée nationale a également maintenu la suppression de la taxe de
défrichement, qu'elle avait pourtant rétablie en première lecture.
Les députés ont également été à l'origine de dispositions dont il convient de
saluer ici l'intérêt.
C'est ainsi qu'a été maintenu ouvert le débat sur le problème des
indemnisations de dégâts de gibier, dans l'attente d'un accord entre
propriétaires forestiers et chasseurs.
Sur le sujet connexe de la chasse, il ne vous sera pas proposé de modification
à l'article additionnel supprimant le jour de non-chasse dans le cas de la
chasse de nuit au gibier d'eau. En revanche, la disposition remettant en cause
le droit local de la chasse en Alsace-Lorraine paraît inacceptable.
L'Assemblée nationale a également ouvert la voie à la négociation, entre les
partenaires sociaux, d'un accord collectif sur la retraite anticipée des
salariés du secteur forestier effectuant les travaux les plus pénibles.
Elle a amélioré de manière significative le dispositif d'investissement
forestier, notamment en l'ouvrant aux personnes physiques pour l'acquisition de
parcelles forestières ou de parts de groupements forestiers.
Enfin, l'Assemblée nationale a répondu à l'attente des propriétaires
forestiers en matière d'aménagement foncier forestier. Le dispositif proposé,
dont l'innovation principale consiste à permettre, sur la base du volontariat,
des échanges et cessions de parcelles boisées, devrait favoriser la
restructuration du foncier forestier, tout en apportant une réponse
supplémentaire au lancinant problème des biens vacants et sans maître.
L'Assemblée nationale a, en revanche, adopté des dispositions que votre
commission juge inacceptables, et pour lesquelles elle vous proposera un retour
au texte du Sénat ou, du moins, un contenu profondément modifié.
Il en est ainsi : de l'engagement de non-démembrement lié à l'octroi d'aides
publiques porté, contre l'avis du Gouvernement, de quinze à trente ans ; du
rétablissement des taux maximum d'amendes encourues par les propriétaires ne
respectant pas la législation forestière ; de la suppression, sans explications
convaincantes, de nombre de dispositifs fiscaux adoptés par le Sénat.
Il en est également ainsi, s'agissant de l'article 14
ter,
qui tente de
régler le problème des biens vacants en zone de montagne, du rétablissement
d'une disposition qui lèse gravement le droit de propriété, et de la
suppression de la possibilité pour les maires de contribuer à la maîtrise des
boisements dans les fonds de vallée.
M. Gérard Braun.
C'est un sujet important.
M. Philippe François,
rapporteur.
Sur ces points précis, il vous sera proposé de revenir au
texte du Sénat.
Par ailleurs, sur l'article 1er, il vous sera proposé de rétablir un certain
nombre de rédactions qui semblent alléger utilement le contenu du livre
préliminaire inséré dans le code forestier.
En définitive, la commission a abordé l'examen en deuxième lecture de ce
projet de loi avec la volonté d'aboutir à un texte de consensus. C'est pourquoi
nombre des rédactions qu'elle vous proposera d'adopter tiennent compte, sur
certains points, des apports de l'Assemblée nationale et cherchent à les
améliorer.
Il s'agira, en particulier, des amendements portant sur le dispositif
d'investissement forestier, mais également de ceux qui ont été déposés sur les
incendies de forêts, ou encore sur la promotion du bois comme matériau et comme
source d'énergie, ainsi que l'encouragement au regroupement de l'investissement
et de la gestion à travers un organisme de gestion et d'exploitation forestière
qu'il vous sera proposé de définir dans un article spécifique du code
forestier.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et
Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président.
La parole est M. Delong.
M. Jacques-Richard Delong.
Monsieur le ministre, à l'automne dernier, des esprits chagrins doutaient
encore de la discussion et de l'adoption éventuelle du projet de loi
d'orientation sur la forêt par le Parlement en 2001.
Si tel avait été le cas, les élus des communes forestières auraient été très
déçus car, à votre demande, ces communes avaient apporté des contributions
importantes et souvent innovantes à ce texte.
Cette attitude pessimiste faisait peu de cas de votre détermination à porter
et à faire aboutir ce texte législatif, que vous avez mis à l'étude en 1999,
avant la fin de la présente session parlementaire.
Au fur et à mesure des débats, le texte s'enrichit et se précise.
Une mise à jour du code forestier s'imposait pour y expliciter la notion de
gestion durable des forêts, pour accroître la compétitivité de la forêt
française et pour tenir compte des attentes de notre société vis-à-vis de la
forêt.
Pour ce qui la concerne, la fédération nationale des communes forestières a
apporté des contributions essentielles à ce projet dans les domaines suivants :
l'augmentation de la récolte de bois en forêt communale, grâce à une
sylviculture dynamique et à une mobilisation dans les zones rendues
difficilement accessibles ; l'amélioration de la commercialisation des bois et
de la valorisation des produits ligneux ; la gestion durable des territoires
forestiers adossée à des chartes forestières débouchant sur des financements et
des projets ; l'utilisation accrue du bois dans la construction ; le
développement du bois énergie ; une meilleure gestion des espaces naturels avec
le concours des communes ; la protection des forêts contre les incendies ; la
création d'un fonds d'épargne forestière et la formation des élus des communes
forestières à la gestion de leur patrimoine boisé.
Si certains aspects méritent d'être précisés, les communes forestières
retrouvent dans ce texte l'essentiel de leurs propositions.
Avant d'y revenir, je voudrais évoquer à cette tribune plusieurs points qui
ont, à mon sens, une incidence directe sur le contenu du texte que nous allons
examiner en séance. Je vais donc être amené à vous parler de la pluie et du
beau temps !
(Sourires.)
M. Gérard Braun.
C'est important pour la forêt !
M. Jacques-Richard Delong.
Les scientifiques s'accordent à reconnaître le réchauffement climatique
résultant de l'effet de serre et la diminution de la couche d'ozone.
L'atmosphère est le seul bien commun incontesté, sans doute parce qu'elle ne
rencontre ni frontière ni barrières géographiques.
Les climatologues affirment que le dégagement de dioxyde de carbone dans
l'atmosphère engendre un réchauffement et que la moitié de cette masse de gaz
restera dans l'atmosphère. Ils pronostiquent un réchauffement climatique,
sachant que les estimations les plus basses prévoient un doublement du taux de
dioxyde de carbone dans l'atmosphère d'ici à 2050. Le régime des précipitations
- vous voyez que je vous parle de la pluie ! - et, par voie de conséquence, les
productions agricoles dans le monde s'en trouveront modifiés.
Ces phénomènes inéluctables conduiront, j'en suis sûr, M. Bush lui-même à
revenir sur sa fâcheuse déclaration du mois de mars dans laquelle il a annoncé
le retrait des Etats-Unis du protocole de Kyoto de 1997. Même le président d'un
grand pays ne fait plus, de nos jours, la pluie et le beau temps !
(Sourires.)
Certes, la prise en compte de l'absorption de carbone par les forêts dans les
inventaires nationaux de gaz à effet de serre pose aux experts de grandes
difficultés, mais on ne fera pas admettre aux élus des communes forestières que
l'assimilation chlorophyllienne a cessé dans les forêts de France et
d'ailleurs, avec l'ouverture des conférences internationales sur l'effet de
serre !
Il faut donc nous garder des excès, et sur deux plans.
Le tapage politico-médiatique qui a fait naître la confusion dans les esprits
n'a pas suspendu, fort heureusement, la respiration et la transpiration
silencieuses de nos forêts !
L'urbanisation incessante et excessive est une source croissante de
pollutions, et de complexification des problèmes, mais aussi d'isolement des
personnes, donc de déshumanisation.
Il est indispensable de modifier nos modes de vie, en particulier vis-à-vis de
la consommation d'énergie, pour en abaisser les coûts matériels et sociaux et
pour redonner de l'agrément à notre existence quotidienne. Il nous faut
pratiquer une politique de la vie, alors que nous pratiquons aujourd'hui une
politique de la survie.
L'homme essaie en permanence de maîtriser la nature alors qu'il devrait
s'adapter au cadre qu'elle lui impose.
Les tempêtes de 1999 ont mis en évidence l'impuissance de l'homme face aux
éléments naturels déchaînés et les limites qu'il ne saurait franchir. Très peu
d'arbres et de peuplements forestiers résistent à des vents soufflant à plus de
150 kilomètres par heure !
Nous ne ferons pas l'économie de mesures appropriées pour juguler les
pollutions de toutes sortes mais, au-delà, nous demeurons convaincus que la
forêt peut et doit jouer un rôle capital dans l'épuration de l'air.
Les communes forestières, quant à elles, s'interrogent sur l'incidence de
l'évolution climatique sur les essences cultivées dans nos forêts. Si les
tempêtes historiques de cette fin de siècle étaient corrélées avec le
réchauffement de la planète, il nous faudrait impérativement adapter nos
sylvicultures à ces conditions nouvelles.
On peut imaginer que, dans notre pays, le climat montagnard régnerait à des
altitudes plus élevées et que l'influence du climat méditerranéen remonterait
vers le nord.
L'augmentation de la biodiversité et du mélange des essences doit être
recherchée, car elle renforcera la résistance globale des forêts aux
modifications climatiques éventuelles. Elle ne suffira probablement pas. Aussi
serait-il très opportun et très sage d'identifier, parmi les essences
exigeantes en eau, telles que le sapin pectiné, le hêtre, l'épicéa ou le chêne
pédonculé, des écotypes résistants à la sécheresse, afin de les prélever et de
les conserver
in situ
ou
ex situ.
La palmeraie à Gérardmer me paraît encore prématurée.
(Sourires.)
Mais
faudra-t-il un jour remplacer le sapin des Vosges par le sapin de Nordmann, au
tempérament plus méditerranéen ? La question est d'ores et déjà posée.
Par ailleurs, des variations climatiques de grande ampleur menaceraient
dangereusement la variabilité génétique des arbres et des peuplements
forestiers que nous connaissons.
L'ONF, l'Office national des forêts, gère, en forêt publique, la plupart des
peuplements classés porteurs de semences sélectionnées ou contrôlées ; il
dispose d'une sécherie de graines qui constitue l'outil adéquat pour conserver
l'ensemble des gènes de la forêt publique, répartis en régions de provenance,
en peuplements et, si le besoin s'en fait sentir, en écotypes.
Monsieur le ministre, j'en appelle ici solennellement à l'Etat afin qu'il
confie à l'ONF cette mission de préservation que j'estime d'intérêt national,
accompagnée des moyens appropriés, de manière à conserver au maximum les
ressources génétiques forestières que renferme la forêt publique et à veiller à
leur traçabilité. L'appui des scientifiques sera bien entendu nécessaire.
Les générations à venir ne pardonneront ni aux élus ni aux forestiers
d'aujourd'hui d'avoir manqué d'esprit de prospective et de n'avoir pas appliqué
le simple principe de précaution.
Je réitère ici la proposition que je vous avais faite en novembre 1999 au nom
de notre fédération de participer à la lutte contre l'effet de serre par
l'enrichissement de plusieurs centaines de milliers d'hectares de forêts
communales pauvres et l'acquisition raisonnée de parcelles abandonnées par
l'agriculture et susceptibles d'être boisées. Je ne suis pas certain que notre
pays respecte l'engagement qu'il a pris à Kyoto de reboiser 30 000 hectares de
forêts par an, mais les communes sont prêtes à prendre leur part.
Lors de sa déclaration du 4 avril dernier, mon collègue et ami Yann Gaillard,
sénateur de l'Aube et vice-président de la fédération des communes forestières,
vous avait demandé de prolonger les aides aux transports de façon à sortir de
forêt un volume de bois maximal. Je tiens à vous remercier d'avoir répondu
positivement à sa demande.
Les pouvoirs publics, comme les habitants des communes propriétaires de forêt,
mesurent aujourd'hui l'importance des recettes de bois dans le budget des
petites communes rurales, même si elle a diminué en valeur relative depuis une
quinzaine d'années.
De nombreux maires devront faire face, vous le savez, durant plusieurs années,
voire plusieurs décennies, à des difficultés financières parfois très graves.
Ils forment l'espoir que les travaux de la mission interministérielle qui a été
mise en place par M. le Premier ministre déboucheront dès cet automne sur des
solutions financièrement acceptables, avec notamment l'octroi de subventions
d'équilibre durant plusieurs années.
La réflexion sur la reconstitution, à laquelle l'ONF a associé les communes
forestières, va aboutir très prochainement à l'édition d'un guide technique qui
devrait faciliter les choix techniques des communes à mettre en oeuvre par
l'office.
Le maximum sera fait pour tirer partie des régénérations naturelles
lorsqu'elles seront possibles et génétiquement souhaitables, mais nous savons
d'ores et déjà que les municipalités ont hâte de voir leurs forêts réhabilitées
et qu'elles souhaitent que les plaies de la tempête soient cicatrisées le plus
rapidement possible.
Concernant les aides à la reconstitution, les élus se montrent très préoccupés
par les mesures financières explicitées par vos services dans les récentes
circulaires d'aide à la reconstitution.
Ils craignent en effet que l'apport de contreparties financières venant de
l'Union européenne - qui ne devraient être accordées que pour une opération
durant quatre années - n'augmente considérablement la part d'autofinancement
des communes.
Les communes escomptaient, dans le cadre du plan « chablis » annoncé par le
Premier ministre, une aide de l'Etat sous forme de subvention, à hauteur de 80
% du coût des travaux de reconstitution durant dix années.
La part d'autofinancement restant à la charge des communes, soit 20 %, est
encore élevée pour des communes fortement sinistrées.
Si des règles communautaires trop contraignantes - et je crois que vous allez
bientôt à une réunion européenne, monsieur le ministre - entraînaient une
augmentation de leur part d'autofinancement, de nombreuses communes
baisseraient les bras et se verraient dans l'obligation de renoncer à des
travaux de reconstitution. Cette perspective nous paraît inacceptable.
Quels que soient les montages financiers qui seront retenus, les communes
demandent à bénéficier d'aides à un niveau au moins équivalent à celui qui
était prévu dans le plan national « chablis » annoncé par le Premier
ministre.
Je demande avec insistance, monsieur le ministre, que cette question soit
examinée attentivement et rapidement, tant elle est sensible et déterminante
pour la remise en état des forêts détruites.
Si l'ONF était assujetti à la même règle pour la forêt domaniale, il perdrait
le bénéfice d'aides à la reconstitution à hauteur de plusieurs dizaines de
millions de francs par an. Cela aggraverait la situation financière de
l'établissement, déjà quelque peu délicate, et ne pourrait laisser notre
fédération sans réaction.
Il est indispensable, en outre, de poursuivre les opérations de conversion en
forêts communales qui n'ont pu bénéficier que d'une aide sur une seule tranche
de travaux, alors que trois tranches avaient été programmées. Vos services
sont, je crois, à la recherche d'une solution transitoire.
Les évolutions récentes démontrent la nécessité et la volonté d'un changement
pour l'ONF comme pour les communes forestières, et les tempêtes de 1999 n'ont
fait qu'accélérer le processus.
Depuis un an, au lieu de céder aux lamentations, les acteurs de la forêt
publique se sont résolument tournés vers l'avenir. En effet, en conduisant une
réflexion commune et approfondie, l'ONF et la FNCOFOR, la Fédération nationale
des communes forestières, ont opté en faveur d'une dynamique de changement.
Faute d'avoir pu être physiquement présent à l'importante manifestation
organisée à Nogent, monsieur le ministre, vous avez tenu à nous envoyer un
message de soutien qui a été fort apprécié. Monsieur le ministre, vous avez
incontestablement beaucoup de talent à la télévision.
M. Gérard César.
Et au Sénat !
M. Gérard Braun.
Ailleurs aussi !
M. Jacques-Richard Delong.
Je tiens à vous en remercier vivement devant le Sénat, comme le souhaite mon
ami César.
Une importante enquête, financée par votre ministère, a été réalisée auprès
des maires des communes forestières au début de l'année. Les travaux des
assises ont porté sur des thèmes qui ont été retenus de façon prioritaire par
la FNCOFOR et l'ONF en fonction des attentes des élus.
Nous avons défini les principaux axes du nouveau partenariat et pris des
engagements concrets qui sont explicités dans une déclaration commune que nous
avons signée solennellement et qui, je l'espère, sera, comme un certain nombre
d'accords, respectée, au moins pendant quelque temps.
La FNCOFOR demande au Gouvernement qu'il intégre dans le contrat de plan qu'il
signera prochainement avec l'ONF les attentes et les engagements qui ont été
exprimés au cours de ces assises par 11 000 communes forestières propriétaires
de 2,7 millions d'hectaces de forêts et qu'il donne à l'Office les moyens
humains et financiers nécessaires à sa réforme et à la mise en oeuvre d'une
politique forestière ambitieuse dans les forêts publiques.
La production des forêts publiques organisée par un gestionnaire unique
constitue, avec la mise en marché régulière de 40 % au moins du bois d'oeuvre
en France, un moteur essentiel du fonctionnement de la filière forêt-bois avec
ses 550 000 emplois directs ou induits.
Après la période d'excès d'offre de bois sur le marché imputable aux chablis,
les exploitants scieurs manifestent ici ou là leur inquiétude vis-à-vis de
l'approvisionnement en bois de qualités particulières, comme le hêtre de
déroulage et de tranchage.
Les communes forestières, tout en préservant leurs recettes forestières déjà
amputées par les tempêtes, souhaitent que les industries de transformation du
bois se consolident ou s'implantent sur leur territoire.
Elles constatent avec amertume que la plupart des grumes de feuillus de
qualité déroulage ou tranchage sont expédiées à l'état brut à l'étranger. Il y
a là une perte de valeur ajoutée considérable qui profite à nos concurrents, je
préfère dire à nos amis d'outre-Rhin.
M. Jean Glavany,
ministre de l'agriculture et de la pêche.
Ce sont nos amis mais aussi nos
concurrents !
M. Jacques-Richard Delong.
La recherche de compétitivité est nécessaire. Cependant, des gains de
productivité peuvent être obtenus sans obérer obligatoirement les revenus des
propriétaires.
La mise en place d'une interprofession forêt-bois au niveau national et dans
les régions doit contribuer à faciliter le dialogue entre les producteurs et
les transformateurs, puis conduire à des actions en commun en faveur de la
forêt et du matériau bois.
L'écocertification qui se met en place en France, avec le système PEFC,
participera à l'amélioration de la gestion durable des forêts et débouchera à
court terme sur la labellisation des bois qui en sont issus.
Je vais évoquer maintenant l'accueil du public en forêt, qui est perçu par les
maires des communes forestières comme une mission de service public. Tout en se
montrant partisans de la gratuité d'accès aux massifs forestiers, les élus
soulignent qu'il n'y a pas d'accueil possible sans un minimum
d'investissements, d'entretien régulier et de surveillance.
C'est pourquoi ils demandent, en contrepartie de l'ouverture des forêts au
public, des moyens financiers, naturellement, et un élargissement du régime
forestier.
L'attente du public, en particulier des citadins, à l'égard de la forêt se
renforce chaque année en vue de la pratique de loisirs de nature : randonnées
pédestres, circuits VTT, parcours sportifs, chasse, découverte de la nature.
Mais je mettrai la chasse à part, dans la mesure où elle est l'auxiliaire
naturel du forestier et où une partie de la politique forestière lui est
consacrée.
Nous devons donc nous préparer à ouvrir davantage les forêts et à inciter le
public à mieux les découvrir afin de mieux les respecter.
Globalement, les modifications et les améliorations qui ont été apportées au
texte initial répondent, comme je l'ai dit, aux souhaits de notre
fédération.
Celle loi d'orientation forestière doit permettre à la forêt communale et,
plus largement, à l'ensemble de la forêt française de progresser, mais nous
devons faire des efforts importants en faveur de la forêt de montagne, afin
qu'elle soit exploitée régulièrement, et en faveur de la forêt méditerranéenne,
afin qu'elle soit protégée au maximum contre les risques d'incendie.
J'exprimerai toutefois un regret, celui de la suppression, irréversible
semble-t-il, de la taxe sur le défrichement, qui à notre avis, devrait
d'ailleurs être dénommée « taxe sur le déboisement », ce qui lui donnerait une
connotation très différente et beaucoup plus proche de la vérité.
Nous ne pouvons être simultanément des partisans de la gestion durable de la
forêt et des alliés objectifs de sa destruction, même pour des motifs jugés «
acceptables ». La destruction d'une partie de forêt à des fins d'activités
humaines ou économiques devrait entraîner le paiement d'une taxe en vue de
l'acquisition ou de la reconstitution d'une surface forestière au moins
équivalente. C'est une question de principe et d'équité.
Au demeurant, les acquéreurs de parcelles boisées destinées à la destruction
ne protesteraient que modérément, vu le montant beaucoup trop modeste de la
redevance fixée par hectare.
Je formulerai enfin une demande, qui vous sera proposée tout à l'heure sous la
forme d'un amendement présenté par mon ami Yann Gaillard, à savoir l'avancement
de l'âge de la retraite pour les ouvriers sylviculteurs, tout particulièrement
les bûcherons.
L'exploitation des chablis après les tempêtes n'a fait, hélas ! que confirmer
la dangerosité et la pénibilité de ces métiers, qui sont les plus exposés aux
accidents graves.
Monsieur le ministre, nous voulons, à nouveau, engager avec vous des débats
consructifs qui permettront d'aboutir à un texte complet et clair,
d'interprétation aisée, dont la seule finalité doit être l'amélioration de la
qualité de la forêt française et la compétitivité de la filière forêt-bois.
J'ai fini de vous parler de la pluie et du beau temps !
(Sourires et
applaudissements sur les travées du RPR et de l'Union centriste).
M. le président.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les
reprendrons à vingt et une heures quarante-cinq.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures quarante-cinq, est reprise à vingt et
une heures quarante-cinq, sous la présidence de M. Paul Girod.)