SEANCE DU 19 JUIN 2001
CONVENTION D'ENTRAIDE JUDICIAIRE
EN MATIÈRE PÉNALE AVEC CUBA
Adoption d'un projet de loi
M. le président.
L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi (n° 175, 2000-2001)
autorisant l'approbation de la convention d'entraide judiciaire en matière
pénale entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de
la République de Cuba. [Rapport n° 230 (2000-2001).]
Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.
M. Charles Josselin,
ministre délégué à la coopération et à la francophonie.
Monsieur le
président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, les
raisons qui militaient en faveur de la conclusion d'une convention d'entraide
pénale avec Saint-Domingue se retrouvent à l'identique dans le cas de Cuba :
développement du tourisme, transit du trafic de stupéfiants et proximité de nos
départements d'outre-mer.
L'économie générale des deux instruments est identique, avec neuf titres et
vingt-quatre articles et je ne reprendrai donc pas une analyse détaillée du
texte.
Je me contenterai de souligner qu'il convient de se féliciter de la signature
de cette convention avec un pays qui n'était lié en matière judiciaire avec la
France que par un accord d'extradition datant de 1925.
Certes, les affaires pénales concernant les deux pays ne sont pas légion, mais
la croissance du tourisme, favorisée par une liaison aérienne hebdomadaire
directe, pourrait entraîner une montée en puissance des faits à caractère
délictueux. Il est donc bon d'avoir une approche préventive.
En outre, il est satisfaisant de constater que Cuba se montre désireux
d'établir des liens d'entraide judiciaire avec un pays démocratique. De ces
liens pourra éventuellement naître une forme de coopération plus approfondie
qui aura valeur d'entraînement : la persuasion et la coopération peuvent être
plus efficaces que les politiques d'embargo.
Telles sont, monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames,
messieurs les sénateurs, les principales observations qu'appelle la convention
d'entraide judiciaire en matière pénale entre le Gouvernement de la République
française et le Gouvernement de la République de Cuba, qui fait l'objet du
projet de loi aujourd'hui proposé à votre approbation.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. André Rouvière,
rapporteur de la commission des affaires étrangères, de la défense et des
forces armées.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers
collègues, je consacrerai mon propos à la présentation de la situation
politique et économique de Cuba, ainsi qu'à celle de nos relations bilatérales,
le dispositif, au demeurant classique, de cette convention ayant déjà été
détaillé. Vous pourrez, bien entendu, le retrouver dans le rapport écrit.
La situation intérieure de Cuba paraît évoluer lentement. Le pouvoir politique
reste concentré dans les mains du président Fidel Castro depuis la révolution
de 1959, et les élections sont contrôlées par le parti communiste, parti
unique.
Cette domination sans partage laisse bien évidemment peu de place aux
dissidents de l'intérieur. Les dissidents de l'extérieur, notamment ceux qui
sont installés aux Etats-Unis, tombent sous le coup de poursuites pénales très
lourdes depuis le vote d'une loi spécifique en 1999. L'île reste donc éloignée
du respect des droits de l'homme et d'une véritable démocratie.
Du point de vue économique, Cuba a énormément souffert de l'effrondrement du
bloc soviétique qui, en supprimant la plus grande partie de ses débouchés, a
provoqué une chute de près de 35 % de son PIB entre 1989 et 1993. Cuba n'a
retrouvé qu'en 2000 le niveau du début des années quatre-vingt-dix. L'île a
donc connu, point de vue de la croissance économique, une « décennie blanche
».
Actuellement, trois secteurs tirent l'économie du pays : le tourisme, qui
représente un peu moins d'un quart du PIB et, surtout, 53 % des entrées de
devises ; le sucre, qui concourt pour un tiers à la richesse nationale, mais
dont la récolte reste inférieure de moitié à celle des années quatre-vingt ;
enfin, le nickel, qui représente également un tiers du PIB et dont Cuba est le
troisième exportateur mondial.
Deux éléments brident toutefois aujourd'hui l'essor de l'économie cubaine :
une dette de 11,3 milliards de dollars, qui n'est plus remboursée depuis 1986 -
ce non-remboursement ne concerne pas la France, car Cuba est à jour de sa dette
vis-à-vis de notre pays - et qui, je crois, a fait l'objet d'une négociation
dans le cadre du Club de Paris ; et la persistance, deuxièmement, maintien,
difficilement compréhensible pour moi, de l'embargo américain.
Pouvez-vous, monsieur le ministre, nous apporter des informations sur l'état
de ces négociations ? Permettent-elles d'espérer qu'un accord soit trouvé sur
le rééchelonnement de la dette de Cuba ? Pouvez-vous également nous préciser si
l'administration Bush a l'intention de faire évoluer sa position à l'égard de
Cuba en général et de l'embargo en particulier, embargo, qui, à mon avis,
devrait aujourd'hui appartenir, non pas à l'actualité, mais à l'histoire ?
Il me semble maintenant important de souligner la qualité de nos relations
bilatérales avec Cuba.
Sur le plan politique, la France, tout en poursuivant un dialogue critique sur
les droits de l'homme, a des positions convergentes en matière de défense pour
défendre la diversité culturelle dans le monde et le développement des pays les
plus pauvres.
Notre coopération avec Cuba a progressé fortement depuis l'intégration, en
1992, de l'île dans la zone de solidarité prioritaire. De 1999 à 2000, notre
aide est passée de 3 millions de francs en 1999 à 17,2 millions de francs en
2000.
Notre coopération se développe surtout dans les services publics,
l'agriculture, l'urbanisme et la recherche.
L'enseignement du français est de plus en plus développé notamment en raison
du tourisme.
Enfin, nos relations économiques, qui croissent rapidement - la France est le
deuxième fournisseur de Cuba - et permettent de dégager un excédent commercial
de près de 1,1 milliard de francs en 1999 ; 63 % de nos exportations sont
constituées de produits agricoles. Les exportations de produits manufacturés ne
sont pas non plus négligeables, PSA détenant, par exemple, 35 % du marché
local.
Les investissements français, en revanche, restent relativement faibles avec
60 millions de dollars malgré l'entrée en vigueur, en novembre 1999, de
l'accord sur l'encouragement et la protection des investissements et une
garantie de la Compagnie française d'assurance pour le commerce extérieur, la
COFACE, à concurrence de 200 millions de dollars.
En conclusion, je vous invite, mes chers collègues, au nom de la commission
des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, à approuver le
présent projet de loi ayant pour objet d'autoriser la ratification de cette
convention qui, j'en suis persuadé, participera au développement de nos
relations bilatérales, déjà importantes, avec Cuba.
(M. Raymond Courrière
applaudit.)
M. Charles Josselin,
ministre délégué.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Charles Josselin,
ministre délégué.
S'agissant de la renégociation de la dette, comme vous
l'avez indiqué, monsieur le rapporteur, les discussions se poursuivent. Je
souhaite qu'elles puissent se conclure favorablement, car nous sommes
convaincus que la situation économique et financière de Cuba est en quelque
sorte « plombée » par le poids de cette dette.
En ce qui concerne l'attitude de la nouvelle administration américaine, nous
ne pouvons que parier sur le pragmatisme du Sénat américain qui pourrait, y
compris pour des raisons économiques, militer en faveur d'une levée de
l'embargo, que la France appelle de ses voeux ; vous avez vous-même dit que cet
embargo n'était pas de nature à faire évoluer dans le sens que nous souhaitons
tant l'économie que la situation à Cuba en général. Espérons que le pragmatisme
prévaudra au-delà de considérations idéologiques qui, jusqu'à présent, ont
plutôt incité les Etats-Unis à durcir leur position vis-à-vis de Cuba.
M. André Rouvière,
rapporteur.
Merci, monsieur le ministre !
M. le président.
Personne ne demande la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion de l'article unique.
«
Article unique. -
Est autorisée l'approbation de la convention
d'entraide judiciaire en matière pénale entre le Gouvernement de la République
française et le Gouvernement de la République de Cuba signée à Paris le 22
septembre 1998, dont le texte est annexé à la présente loi. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article unique du projet de loi.
(Le projet de loi est adopté.)
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