SEANCE DU 19 JUIN 2001
« Cette commission a pour missions :
« - de faire le bilan des dispositifs assurant des ressources propres aux
jeunes de seize à vingt-cinq ans ;
« - d'étudier la création d'une allocation d'autonomie pour les jeunes de
seize à vingt-cinq ans, ainsi que les critères de son attribution sur la base
notamment d'un projet personnel de formation et d'accès à l'emploi ;
« - de proposer la mise en place d'un dispositif expérimental dans plusieurs
départements, après consultation des conseils départementaux de la jeunesse, et
dont l'évaluation servira de base à ses travaux et à la généralisation de ce
principe.
« Elle consulte le Conseil national de la jeunesse précité.
« Elle remettra son rapport au Premier ministre avant le 31 décembre 2001. Ce
rapport est transmis au Parlement. »
Avant de mettre aux voix l'article unique de la proposition de loi, je donne
la parole à M. Joyandet, pour explication de vote.
M. Alain Joyandet.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le groupe
communiste de l'Assemblée nationale a déposé, en novembre dernier, une
proposition de loi visant à créer une allocation d'autonomie pour les jeunes de
seize à vingt-cinq ans.
Sous prétexte de parfaire le diagnostic, d'attendre la remise de plusieurs
contributions sur la question, et de mieux cibler les moyens mis en oeuvre pour
faciliter cette accession, la commission des affaires culturelles, familiales
et sociales de l'Assemblée nationale a substitué à cette allocation la création
d'une commission chargée d'établir un diagnostic partagé sur la question et de
formuler des propositions consensuelles.
Cette commission a pour rôle de rassembler les informations issues des
nombreuses sources d'études, de réaliser un diagnostic partagé, de créer des
consensus non pas sur le constat, mais sur les solutions à y apporter, enfin,
de préparer la décision publique afin non pas qu'elle constitue un alibi, mais
qu'elle permette d'élaborer une réponse aux attentes exprimées aujourd'hui par
les jeunes.
Notre groupe s'est interrogé à un double titre sur cette proposition de loi
sur son esprit et sur son financement.
Certes, la France connaît une reprise économique depuis quatre ans. Toutefois,
pour l'année 2001, la croissance est actuellement révisée à la baisse à 2,7 %
par les experts ; la commission des finances de notre Haute Assemblée estime
même qu'elle sera inférieure.
Si les jeunes ne connaissent plus les mêmes difficultés que celles qu'ils
rencontraient au début des années quatre-vingt-dix, celles-ci sont toutefois
loin d'être résolues, et il convient de les aider.
Cependant, si l'accompagnement des jeunes destiné à les aider à s'insérer de
manière durable dans le monde du travail doit être encouragé, il convient de
proposer des solutions qui n'aboutissent pas à les tirer vers le bas et à les
conduire vers l'assistanat. Commencer dans la vie avec une allocation de la
collectivité nationale n'a rien de très réjouissant et ne peut en aucun cas
favoriser l'autonomie. Cela donne une sensation de « déjà vu », puisqu'il ne
s'agirait ni plus ni moins que d'un « RMI-jeune », vieille recette et sans
doute fausse bonne idée.
De plus, les jeunes en rupture avec leur famille ne verraient pas leurs
problèmes réglés par la création d'une allocation : elle ne saurait, à elle
seule, résoudre leurs difficultés.
Les solutions doivent plutôt être trouvées dans l'encouragement à l'effort -
mais ce n'est pas à la mode ! -, dans la lutte renforcée contre l'échec
scolaire en évitant une uniformisation du niveau vers le bas - c'est, hélas !
l'inverse que nous constatons actuellement - et dans l'amélioration de la
formation, notamment le développement de l'alternance et de l'apprentissage.
Je sais que la majorité plurielle est idéologiquement sceptique à l'endroit de
ces formations, dont elle diminue régulièrement les aides publiques : elles
sont pourtant l'une des meilleures voies d'insertion dans le monde du
travail.
Développons donc ce qui existe déjà. Donnons aux missions locales qui se
dévouent sur le terrain davantage de moyens. Encourageons le programme TRACE,
car il va dans le bon sens. Améliorons l'employabilité des jeunes, à l'heure où
certaines entreprises cherchent, sans les trouver, des salariés, et ce dans
plusieurs secteurs d'activité.
Bien entendu, il est beaucoup plus facile d'ouvrir les caisses que de
s'interroger sur un système qui n'est pas satisfaisant. Mais nous ne nous
lasserons pas de répéter qu'une politique de prévention est bien plus
performante à terme qu'une politique « cache-misère », qui, passé l'effet
d'annonce, laisse un goût amer, grève les finances de l'Etat, et tout cela pour
un résultat souvent mitigé. Les emplois-jeunes, qui n'ont d'ailleurs pas que du
mauvais, en sont le meilleur exemple.
Comment ne pas évoquer également le financement d'une telle allocation ?
Etant donné le goût prononcé du Gouvernement pour les manipulations comptables
- le débat d'orientation budgétaire qui va s'ouvrir dans un instant sera
l'occasion d'en parler - je ne serais pas étonné que les recettes de la
sécurité sociale, et surtout celles de la branche « famille », soient une
nouvelle fois mises à contribution pour financer la coûteuse politique sociale
qu'il mène.
Les ardeurs de la majorité plurielle semblent, pour le moment, avoir été
domptées par un gouvernement confronté à la difficulté de « monter » un budget
« plombé » par les bombes à retardement - 35 heures, emplois-jeunes, CMU, APA -
laissées par la précédente ministre de la solidarité.
Les jeunes devront donc, pour l'heure, se contenter d'une commission qui va
réfléchir et étudier, commission qui aurait aussi bien pu être créée sans
l'intervention du législateur.
Notre groupe ne pourra que s'abstenir sur ce texte de nature réglementaire qui
ne traduit aucune réelle volonté du Gouvernement de favoriser l'accompagnement
des jeunes et d'améliorer leur insertion dans le monde du travail et dans la
vie en général.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains
et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'article unique de la proposition de loi.
(La proposition de loi est adoptée.)
M. le président.
Mes chers collègues, avant d'aborder le point suivant de notre ordre du jour,
nous allons interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à dix-neuf
heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-huit heures trente, est reprise à dix-neuf heures,
sous la présidence de M. Jean Faure.)