SEANCE DU 21 JUIN 2001
M. le président.
« Art. 2. - La section 7 du chapitre III du titre Ier du livre III du même
code est ainsi modifiée :
« 1° Son intitulé est ainsi rédigé : "Section 4. - Des droits du conjoint
successible" ;
« 2° Avant l'article 765, sont insérés une division et un intitulé ainsi
rédigés : "Paragraphe 1. - De la nature des droits et de leur montant" ;
« 3° Les articles 765 à 767 sont remplacés par cinq articles 765 à 767-2 ainsi
rédigés :
«
Art. 765
. - Est conjoint successible le conjoint survivant non
divorcé et contre lequel n'existe pas de jugement de séparation de corps passé
en force de chose jugée.
« Le conjoint successible est appelé à la succession soit seul, soit en
concours avec les parents du défunt.
«
Art. 766
. - Lorsque le défunt laisse des enfants ou des descendants,
le conjoint survivant recueille le quart de la succession.
«
Art. 767
. - Si, à défaut d'enfants ou de descendants, le défunt
laisse ses père et mère, le conjoint survivant recueille la moitié de la
succession. L'autre moitié est dévolue pour un quart au père et pour un quart à
la mère.
« Quand le père ou la mère est prédécédé, la part qui lui serait revenue
échoit au conjoint survivant.
«
Art. 767-1
. - En l'absence d'enfants ou de descendants du défunt et
de ses père et mère, le conjoint survivant recueille toute la succession.
«
Art. 767-2
. - Lorsque le conjoint survivant recueille la totalité ou
les trois quarts de la succession, les ascendants du défunt, autres que les
père et mère, qui sont dans le besoin, bénéficient d'une créance d'aliments
contre la succession du prédécédé.
« Les aliments sont accordés en proportion des besoins de ceux qui les
réclament et de ceux du conjoint successible. »
Je suis saisi de trois amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion
commune.
Par amendement n° 3 rectifié, M. About, au nom de la commission, propose de
rédiger ainsi cet article :
« I. - La section VI du chapitre III du titre premier du livre troisième du
code civil devient la section II et est ainsi intitulée :
« Section II
« Des droits du conjoint successible
« II. - Les articles 756 à 758 du même code sont remplacés par les dispositions suivantes :
« Paragraphe premier
« De la nature des droits, de leur montant
et de leur exercice.
«
Art. 756. -
Le conjoint successible est appelé à la succession, soit
seul, soit en concours avec les parents du défunt.
«
Art. 757. -
Si l'époux prédécédé laisse des enfants ou descendants,
le conjoint survivant recueille, à son choix, l'usufruit de la totalité ou la
propriété du quart des biens existants lorsque tous les enfants sont issus du
mariage et la propriété du quart en présence d'enfants qui ne sont pas issus du
mariage.
«
Art. 757-1. -
Si, à défaut d'enfants ou de descendants, le défunt
laisse ses père et mère, le conjoint recueille la moitié des biens existants au
décès. L'autre moitié est dévolue pour un quart au père et pour un quart à la
mère.
« En cas de décès des père et mère ou de l'un d'eux, la part qui leur serait
échue revient aux frères et soeurs du défunt ou à leurs descendants.
«
Art. 757-2. -
A défaut d'héritiers dans les deux premiers ordres, le
conjoint recueille la moitié des biens existants s'il existe des ascendants
dans les deux branches paternelle et maternelle et les trois quarts s'il
n'existe d'ascendants que dans une branche.
« Dans chaque branche la dévolution s'opère selon les règles prévues par les
articles 747 et 748.
«
Art. 758. -
A défaut d'héritiers des trois premiers ordres, le
conjoint recueille toute la succession.
«
Art. 758-1. -
Lorsque le conjoint a le choix de la propriété ou de
l'usufruit, ses droits sont incessibles tant qu'il n'a pas exercé son
option.
«
Art. 758-2. -
L'option du conjoint entre l'usufruit et la propriété
se prouve par tout moyen.
«
Art. 758-3. -
Tout héritier peut inviter par écrit le conjoint à
exercer son option. Faute d'avoir pris parti par écrit dans les trois mois, le
conjoint est réputé avoir opté pour l'usufruit.
«
Art. 758-4. -
Le conjoint est réputé avoir opté pour l'usufruit s'il
décède sans avois pris parti. »
Par amendement n° 56, MM. Lagauche, Badinter et les membres du groupe
socialiste et apparentés proposent, après le mot : « recueille », de rédiger
comme suit la fin du texte présenté par le 3° de l'article 2 pour l'article 766
du code civil : « , à son choix, l'usufruit de la totalité ou la propriété du
quart des biens existants lorsque les enfants sont issus du mariage et la
propriété du quart en présence d'enfants qui ne sont pas issus du mariage. »
Par amendement n° 57 rectifié, MM. Lagauche, Badinter et les membres du groupe
socialiste et apparentés proposent, après le mot : « recueille », de rédiger
comme suit la fin du texte présenté par le 3° de l'article 2 pour l'article 767
du code civil : « , à son choix, l'usufruit de la totalité ou la propriété de
la moitié des biens existant au décès. »
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 3 rectifié.
M. Nicolas About,
rapporteur.
Cet amendement vise à fixer l'étendue des droits successoraux
du conjoint survivant.
Sur la forme, il reprend la structure adoptée par l'Assemblée nationale, mais
sous des numéros d'articles différents du code civil.
Sur le fond, les modifications apportées au texte de l'Assemblée nationale
obéissent à trois principes : accroître les droits du conjoint en présence de
ses propres enfants, en lui donnant la possibilité, s'il le souhaite, de
bénéficier de l'usufruit sur la totalité des biens, ce qui lui permettrait,
mieux qu'une portion limitée en propriété, de garder des conditions de vie
proches de ses conditions de vie antérieures ; ne pas imposer toutefois à des
enfants non communs avec le défunt de supporter l'usufruit du conjoint, et donc
prendre en compte des situations familiales différenciées ; en l'absence de
descendants, ne pas écarter la famille par le sang. Nous estimons en effet
qu'il ne revient pas au législateur de présumer que le défunt aurait voulu
écarter complètement la famille ou le conjoint. Il importe donc de garder un
équilibre entre les deux, sachant que le défunt peut prendre des dispositions
s'il désire avantager l'un ou l'autre.
Selon le dispositif adopté par la commission, les droits du conjoint portent
sur les biens existant au décès et non sur l'ensemble de la succession. Il
s'agit en effet de préserver les conditions de vie du conjoint.
En présence de descendants, le conjoint pourrait exercer une option entre le
quart en propriété des biens existants ou l'usufruit sur la totalité de ces
mêmes biens si tous les enfants sont issus du mariage. En revanche, il
recueillerait automatiquement le quart en propriété s'il se trouvait en
présence d'au moins un enfant non commun avec le défunt.
Pour ne pas paralyser le cours de la succession, le conjoint pourrait être
invité par un héritier à opter dans un délai de trois mois à l'issue duquel il
serait réputé avoir choisi l'usufruit. Bien sûr, si le conjoint décédait sans
avoir pris parti, il serait réputé avoir opté pour l'usufruit.
En l'absence de père et mère du défunt ou de l'un d'eux, la part qui serait
revenue à ces derniers revient aux frères et soeurs ou, à défaut, aux
grands-parents. En l'absence de frères ou de soeurs, le conjoint recevrait les
trois quarts des biens ; s'il existe des ascendants dans une seule branche, il
recevrait, comme l'a prévu l'Assemblée nationale, la totalité des biens, à
défaut de frères et soeurs et d'ascendants dans les deux branches.
En conséquence, le droit d'aliment sur la succession institué par l'Assemblée
nationale pour les ascendants ordinaires n'a pas été repris dans la mesure où
ces derniers conservent des droits successoraux.
Le conjoint bénéficierait donc dans tous les cas de droits supérieurs à ceux
dont il jouit à l'heure actuelle, mais il n'exclurait pas complètement la
famille par le sang de la succession.
M. le président.
La parole est à M. Lagauche, pour défendre les amendements n°s 56 et 57
rectifié.
M. Serge Lagauche.
La commission ayant repris l'essentiel des dispositions que contenait
l'amendement n° 56, je le retire, monsieur le président.
Quant à l'amendement n° 57 rectifié, qui visait à une coordination, je le
retire également.
M. le président.
Les amendements n°s 56 et 57 rectifié sont retirés.
Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 3 rectifié ?
Mme Marylise Lebranchu,
garde des sceaux.
Cet amendement prévoit que, en cas d'enfants communs,
le conjoint recueille à son choix le quart des biens existants au décès ou
l'usufruit de la totalité de la succession, la première branche de l'option
étant exclue en présence d'enfants issus d'une première union.
Il tend également à ce que le conjoint vienne en concours avec les ascendants
autres que les père et mère et avec les frères et soeurs.
Je ne souscris pas à cet amendement pour des raisons que j'ai déjà exprimées
et que je résume très brièvement : tout d'abord, l'amendement confère au
conjoint survivant une place dans l'ordre successoral nettement moins
avantageuse que celle qui lui est faite par la proposition de loi adoptée par
l'Assemblée nationale puisqu'il devra partager la succession avec les frères et
soeurs du défunt ou avec les grands-parents ou les arrière-grands-parents de
l'époux prédécédé.
En deuxième lieu, l'amendement n° 3 rectifié opère une différenciation entre
les enfants en fonction de la nature de leur filiation, selon qu'ils sont issus
du mariage en cause ou d'une précédente union. Cette distinction est contraire
à l'égalité entre tous les enfants.
En troisième lieu, cet amendement ouvre au conjoint survivant une option en
usufruit lorsqu'il existe des enfants issus du mariage. Les inconvénients de
l'usufruit ont été maintes fois dénoncés, et je n'y reviens donc pas.
Enfin, en prévoyant que les droits du conjoint survivant ne s'exercent que sur
les biens existants et en ne lui permettant pas de bénéficier du report des
libéralités, l'amendement fait de celui-ci un sous-héritier. Il n'y a, à mon
avis, aucune raison pour que les droits du conjoint ne soient pas calculés de
la même façon que ceux des cohéritiers.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 3 rectifié.
M. Patrice Gélard.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Gélard.
M. Patrice Gélard.
J'ai l'impression que la position du ministre est typiquement parisienne !
(Sourires.)
J'ai reçu une multitude de lettres concernant la proposition de loi de
l'Assemblée nationale qui consistait tout simplement, en l'absence d'enfants, à
ignorer complètement le lignage par le sang. Le nombre très important de cas
qui m'ont été présentés démontre qu'il y a un attachement profond à ce que les
frères et soeurs, qui ont vécu pendant des années avec la personne décédée, et
parfois plus longtemps qu'avec leur propre conjoint, puissent hériter.
J'ajoute qu'il y a de multiples cas de mariages. Or, madame la garde des
sceaux, avec la proposition adoptée par l'Assemblée nationale, la totalité de
la succession reviendra parfois à quelqu'un qui n'aura vécu que deux ans avec
son conjoint décédé, alors que ce dernier avait vécu pendant de nombreuses
années avec ses soeurs, frères ou parents.
Par ailleurs, nous ne sommes plus au XIXe siècle. A l'heure actuelle, dans la
majorité des cas, les deux membres d'un couple travaillent, perçoivent une
retraite ou ont accumulé un certain nombre de biens ; nous n'en sommes donc
plus à l'époque où l'un des époux, dépendant totalement de l'autre, se voyait
totalement brimé au décès de son conjoint.
La vision qui consiste à donner, en l'absence d'enfant, la totalité de la
succession au conjoint survivant est une erreur profonde. Telle est la raison
pour laquelle je me rallie pleinement à la proposition de M. le rapporteur et
de la commission des lois.
M. Serge Lagauche.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Lagauche.
M. Serge Lagauche.
Tout à l'heure, nous avons retiré l'amendement n° 57 rectifié, car la
commission avait repris à son compte la disposition proposée.
En revanche, en ce qui concerne le texte proposé pour l'article 757-1 du code
civil, nous sommes opposés au fait que, en cas de décès des père et mère ou de
l'un d'eux, la part qui lui serait échue revienne aux frères et soeurs ou à
leurs descendants.
M. Michel Caldaguès.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Caldaguès.
M. Michel Caldaguès.
Je ne sais pas ce que mon ami Patrice Gélard entend par une position «
typiquement parisienne » en qualifiant ainsi celle de Mme la garde des sceaux.
Pour ma part, je ne connais pas de position typiquement parisienne ! La
meilleure preuve en est d'ailleurs que je ne suis pas du tout d'accord avec Mme
la garde des sceaux sur cet amendement, que je voterai parce que je le crois
équilibré et scrupuleux.
Ce qui me frappe, dans la position de Mme la garde des sceaux, c'est que l'on
nous invite en quelque sorte à passer d'un excès à un autre,...
M. Patrice Gélard.
Voilà !
M. Michel Caldaguès.
... ce qui ne me convient pas.
La position actuelle est incontestablement excessive, mais il ne faut tout de
même pas tomber dans un autre travers. Au demeurant, il ne faut pas raisonner
comme si ce texte devait s'appliquer dans toutes les situations : il est, en
effet, toujours possible de rédiger un testament.
Je dois cependant émettre une réserve, qui est valable non seulement pour le
point dont nous sommes en train de débattre, mais aussi pour l'ensemble du
texte : beaucoup de gens, voire la très grande majorité d'entre eux, sont
totalement ignorants des dispositions actuellement en vigueur et ignoreront
totalement les dispositions que nous aurons votées. Nul n'est censé ignorer la
loi, certes, mais tout le monde n'a pas les moyens ni le goût de se préoccuper
d'un patrimoine en permanence. J'estime que la complexité d'une législation en
la matière crée, d'une certaine façon, une injustice au profit de ceux qui ont
l'esprit tourné, par nécessité ou par goût, vers les questions patrimoniales et
au détriment de ceux qui ne l'ont pas parce que, à certains moment de leur
existence, ils sont bien en peine d'avoir des préoccupations patrimoniales et
qu'ensuite ils sont peut-être négligents.
Si je dis cela, madame la ministre - et je me tourne aussi vers M. le
rapporteur qui pourrait peut-être faire oeuvre d'imagination sur ce sujet -
c'est parce que je pense qu'il faut prévoir, en la matière, des dispositions
particulières pour organiser l'information, de telle façon que ne se manifeste
pas l'injustice que je viens d'évoquer.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Le début de mon intervention devait, dans mon esprit, être très exactement le
même que celui de l'intervention de notre collègue Michel Caldaguès. En effet,
bien que provincial, je suis parfaitement d'accord avec la position du
Gouvernement. Donc, le débat n'est pas là et nous sommes d'accord pour estimer
que le raisonnement de notre collègue Gélard ne peut pas être retenu, au moins
sur ce plan-là.
En vérité, de quoi discutons-nous ? Nous discutons d'un principe, étant
entendu, comme il a été dit par chacun ici, que des dispositions peuvent être
prises pour que ce principe ne s'applique pas. Je dois dire, d'ailleurs, que,
si le texte que nous votons aujourd'hui est plus court que celui que propose le
Sénat, qui ajoute cent soixante-quatorze articles au texte initial,
l'information n'en sera que meilleure !
Mais, surtout, la vérité c'est qu'il y a cohabitation complète entre la
plupart des conjoints, alors que les frères et soeurs, surtout à une époque où
la durée de vie s'allonge, ont sans doute déjà hérité, comme de juste, de leurs
propres parents, ont fait leur propre situation, sont pris par leur propre
famille, leur propre conjoint et leurs propres enfants.
Il me paraît donc tout à fait normal que le principe, pour ceux qui ne
prennent pas de dispositions, soit que le conjoint vienne, en effet, en seconde
position dans l'ordre. Et je pense, comme vous, mais d'une manière contraire,
si j'ose dire, qu'il appartient à chacun de prendre des dispositions si, par
hasard - ce sont tout de même les cas les plus rares - on souhaite considérer
les frères et soeurs.
Voilà pourquoi nous ne pouvons pas voter l'amendement.
M. Jean-Jacques Hyest.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Hyest.
M. Jean-Jacques Hyest.
Tout d'abord, je pense que le Sénat sera unanime - excepté peut-être le groupe
communiste républicain et citoyen - pour retenir le principe du choix entre
propriété et usufruit, position totalement différente de celle de l'Assemblée
nationale, mais qui est équilibrée.
Cela étant, j'entends dire que l'usufruit est un mal. Mais, chers colllègues,
tout dépend des situations. Il me paraît tout à fait positif de ménager une
possibilité de choix plutôt que de fixer une règle, et une seule. C'est
d'ailleurs ce qu'avaient retenu les projets de loi dits Sapin et Méhaignerie en
leur temps. Il est vrai que, depuis, les juristes discutent. Mais c'est nous
qui faisons la loi, et pas les juristes : qu'ils la commentent, qu'ils la
critiquent, cela leur donne du travail, et c'est très bien ainsi !
Une chose me frappe : si l'on fait bénéficier le conjoint survivant, en
l'absence d'ascendants directs ou de descendants, de la totalité des biens,
cela implique qu'à la deuxième génération, qui bénéficiera, elle aussi, d'une
succession ouverte, le patrimoine de la ligne du défunt sera transféré à la
ligne du conjoint. Au nom de quoi ? Il n'est pas logique de priver les
collatéraux de la possibilité de recevoir une part de la succession.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Ils l'ont !
M. Jean-Jacques Hyest.
Non, ils ne l'ont pas, sauf dispositions testamentaires. Dans le système que
vous préconisez, en l'absence d'ascendants - pour les descendants, le problème
est réglé - on transfère une part plus importante au conjoint et l'on écarte
totalement de l'héritage la famille de l'époux décédé.
Or, il y a des biens de famille, au sens non juridique de l'expression,
auxquels on peut être très attaché. Je ne vois pas au nom de quoi on en
priverait totalement la famille de l'époux décédé, sauf à créer de nouvelles
injustices.
De ce point de vue également, la proposition de la commission est beaucoup
plus équilibrée, raison pour laquelle nous la voterons !
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
C'est une différence entre la gauche et la droite plus qu'entre Paris et la
province !
Mme Marylise Lebranchu,
garde des sceaux.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à Mme le garde des sceaux.
Mme Marylise Lebranchu,
garde des sceaux.
Je n'ai pas une position parisienne, car je ne connais
guère Paris ! Je n'y réside que depuis peu, et par fonction. Ce distinguo n'est
donc pas pertinent.
S'agissant des frères et soeurs, que se passe-t-il aujourd'hui ? La grande
majorité des testaments sont rédigés en faveur des conjoints parce que les
seules dispositions légales ne permettaient pas de les prendre en compte.
Je comprends bien votre préoccupation : les biens propres de l'époux décédé,
en passant au conjoint survivant, vont quitter le patrimoine d'une famille pour
le patrimoine d'une autre famille.
Avec le texte proposé, cependant, les dispositions testamentaires seront
rééquilibrées.
Lorsque les biens de famille sont importants, les intéressés prennent des
dispositions testamentaires en conséquence, et je fais confiance à l'ensemble
de ceux qui sont attachés à des biens de famille en lignée pour prendre ces
dispositions testamentaires.
Je le rappelle, 80 % de testaments - c'est énorme - concernent majoritairement
les conjoints. Gageons qu'ils concerneront majoritairement, à l'avenir, la
préservation de ce que vous appelez la « lignée ». La loi ouvre un droit, et
c'est ensuite à chacun de réagir en fonction de l'importance des biens
propres.
Pour avoir été, en tant qu'élue locale, confrontée, comme beaucoup d'entre
vous, aux questions de contrats de mariage et de dispositions testamentaires,
je peux vous dire que, dans la très grande majorité, sinon la totalité des cas,
quand les biens propres sont importants, il y a contrat et dispositions
testamentaires. N'allons pas sous-estimer l'influence des professionnels que
sont les notaires, qui, au moment du mariage, savent ce qu'il faut faire quand
il y a des biens de famille. A chacun son métier !
M. Patrice Gélard.
Ce n'est pas le problème !
M. Nicolas About,
rapporteur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Nicolas About,
rapporteur.
En fait, sont visés ici les cas où le décès intervient par
surprise et où le défunt n'a pas eu le temps de prendre ses dispositions.
M. Michel Caldaguès.
Voilà !
M. Nicolas About,
rapporteur.
Madame le garde des sceaux, la loi doit protéger tout le
monde.
Ce que je reproche au texte de l'Assemblée nationale, c'est son manque de
cohérence. Si l'on veut favoriser le mariage au détriment du lignage, c'est
simple, on prend la position de Mme Théry, qui est de dire : après les
descendants, le conjoint.
Or, dans la rédaction issue des travaux de l'Assemblée nationale, si le défunt
a encore ses parents, le lignage conserve la moitié des biens, mais si, par
malheur, un des deux parents est décédé, le lignage n'a plus qu'un quart et si,
par malheur encore, les deux parents sont décédés, le lignage n'a plus rien.
C'est incohérent ! Si l'on décide de favoriser le conjoint, il faut aussi
prévoir un partage raisonnable entre le lignage et le mariage. Ce que nous
souhaitons, c'est la cohérence du texte.
Souvent, d'ailleurs, les parents sont âgés au moment du décès du conjoint,
donc, très vite, cette moitié qui est donnée aux parents va aller aux frères et
soeurs. C'est la logique même.
Pourquoi, à une ou deux années près, dépossède-t-on le lignage au profit du
mariage ?
Quant à contraindre les grands-parents à solliciter une créance d'aliments
auprès du conjoint, c'est profondément choquant !
(Applaudissements sur les
travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union
centriste.)
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Cela existe déjà pour les oncles et les tantes !
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 3 rectifié, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, l'article 2 est ainsi rédigé.
Article additionnel après l'article 2