SEANCE DU 28 JUIN 2001
SOMMAIRE
PRÉSIDENCE DE M. JACQUES VALADE
1.
Procès-verbal
(p.
0
).
2.
Ratification du traité de Nice.
- Discussion d'un projet de loi (p.
1
).
Discussion générale : MM. Pierre Moscovici, ministre délégué chargé des
affaires européennes ; Xavier de Villepin, président de la commission des
affaires étrangères, rapporteur ; Hubert Haenel, président de la délégation
pour l'Union européenne ; Daniel Hoeffel, Hubert Durand-Chastel, Ladislas
Poniatowski, Pierre Laffitte, Mme Danielle Bidard-Reydet, MM. Claude Estier,
Josselin de Rohan, Denis Badré.
Clôture de la discussion générale.
M. le ministre délégué.
Suspension et reprise de la séance (p. 2 )
PRÉSIDENCE DE M. CHRISTIAN PONCELET
3. Questions d'actualité au Gouvernement (p. 3 ).
EFFECTIFS DE LA POLICE NATIONALE (p. 4 )
MM. Philippe Marini, Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur.
BAISSE DE LA DGF DES COMMUNAUTÉS DE COMMUNES
À FISCALITÉ ADDITIONNELLE (p.
5
)
MM. Jacques Bimbenet, Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur.
LICENCIEMENTS DANS LE TEXTILE (p. 6 )
M. Ivan Renar, Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité.
AUTOROUTE A 51 GRENOBLE-SISTERON (p. 7 )
MM. Jean Faure, Jean-Jack Queyranne, ministre des relations avec le Parlement.
RÉGLEMENTATION DES RAVE PARTIES (p. 8 )
MM. Ladislas Poniatowski, Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur.
ÉCOLES MUNICIPALES DE MUSIQUE (p. 9 )
MM. Paul Raoult, Michel Sapin, ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.
ÉVOLUTION DE LA DÉMOGRAPHIE MÉDICALE (p. 10 )
M. Adrien Gouteyron, Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité.
INDEMNITÉS DES ÉDUCATEURS SPÉCIALISÉS (p. 11 )
M. Philippe Nogrix, Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité.
OPACITÉ DES RELATIONS COMPTABLES
ENTRE L'ÉTAT ET LA SÉCURITÉ SOCIALE (p.
12
)
M. Jean Delaneau, Mme Florence Parly, secrétaire d'Etat au budget.
EUTHANASIE (p. 13 )
MM. Serge Lagauche, Bernard Kouchner, ministre délégué à la santé.
M. le président.
Suspension et reprise de la séance (p. 14 )
PRÉSIDENCE DE M. JEAN FAURE
4. Ratification du traité de Nice. - Suite de la discussion et adoption d'un projet de loi (p. 15 ).
Exception d'irrecevabilité (p. 16 )
Motion n° 1 de M. Jean-Yves Autexier. - MM. Jean-Yves Autexier, Xavier de Villepin, président de la commission des affaires étrangères, rapporteur ; Pierre Moscovici, ministre délégué chargé des affaires européennes. - Rejet par scrutin public.
Article unique (p. 17 )
MM. Christian de La Malène, Emmanuel Hamel.
Adoption, par scrutin public, de l'article unique du projet de loi.
PRÉSIDENCE DE M. CHRISTIAN PONCELET
5.
Lois de finances.
- Adoption d'une proposition de loi organique en deuxième lecture (p.
18
).
M. le président.
Discussion générale : M. Alain Lambert, président de la commission des
finances, rapporteur.
PRÉSIDENCE DE M. JEAN FAURE
Mme Florence Parly, secrétaire d'Etat au budget ; MM. Michel Sapin, ministre de
la fonction publique et de la réforme de l'Etat ; Philippe Marini, Bernard
Angels, Mme Marie-Claude Beaudeau, M. Roland du Luart.
Clôture de la discussion générale.
Article 1er A (p. 19 )
Amendement n° 1 de la commission. - M. le rapporteur, Mme le secrétaire d'Etat.
- Retrait.
Adoption de l'article.
Article 1er (p. 20 )
Amendement n° 2 de la commission. - M. le rapporteur, Mme le secrétaire d'Etat.
- Retrait.
Adoption de l'article.
Articles 2 à 5. - Adoption (p.
21
)
Article 7 (p.
22
)
Amendement n° 3 de la commission. - M. le rapporteur, Mme le secrétaire d'Etat.
- Retrait.
Amendement n° 4 de la commission. - M. le rapporteur, Mme le secrétaire d'Etat.
- Retrait.
Adoption de l'article.
Articles 9 et 10, 12 à 18
bis,
19 et 20. - Adoption (p.
23
)
Article 20
bis
(p.
24
)
Amendement n° 5 de la commission. - M. le rapporteur, Mme le secrétaire d'Etat.
- Retrait.
Amendement n° 6 de la commission. - M. le rapporteur, Mme le secrétaire d'Etat.
- Retrait.
Adoption de l'article.
Articles 21
bis,
23, 25 et 26, 26
quater,
26
quinquies
et
27. -
Adoption (p.
25
)
Article 31 (p.
26
)
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Amendement n° 7 de la commission. - M. le rapporteur, Mme le secrétaire d'Etat.
- Retrait.
Adoption de l'article.
Articles 32 à 34. - Adoption (p.
27
)
Article 34
bis
(supprimé)
Articles 41, 41
bis,
43 à 45 et 47. - Adoption (p.
28
)
Article 48 A
(supprimé)
Articles 48 à 48
quater.
- Adoption (p.
29
)
Article 48
quinquies
(p.
30
)
Amendement n° 8 de la commission. - M. le rapporteur, Mme le secrétaire d'Etat.
- Retrait.
M. le rapporteur, Mme le secrétaire d'Etat.
Adoption de l'article.
Articles 48
sexies
et 48
septies.
- Adoption (p.
31
)
Article 48
octies
(p.
32
)
Amendement n° 9 de la commission. - M. le rapporteur, Mme le secrétaire d'Etat.
- Retrait.
Amendement n° 10 de la commission. - M. le rapporteur, Mme le secrétaire
d'Etat. - Retrait.
Adoption de l'article.
Articles 48
decies
à 48
duodecies
, 49, 51 et 53. -
Adoption (p.
33
)
Article 54 (p.
34
)
Amendement n° 11 de la commission. - M. le rapporteur, Mme le secrétaire
d'Etat. - Retrait.
Adoption de l'article.
Article 57. - Adoption (p.
35
)
Vote sur l'ensemble (p.
36
)
MM. le rapporteur, Yves Fréville, Serge Vinçon, Jacques Pelletier, Laurent
Fabius, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Adoption, par scrutin public, de la proposition de loi organique.
PRÉSIDENCE DE M. GÉRARD LARCHER
6.
Règlement définitif du budget de 1998.
- Rejet d'un projet de loi en nouvelle lecture (p.
37
).
Discussion générale : Mme Florence Parly, secrétaire d'Etat au budget ; M. Yann
Gaillard, en remplacement de M. Philippe Marini, rapporteur général de la
commission des finances ; Mme Marie-Claude Beaudeau.
Clôture de la discussion générale.
Question préalable (p. 38 )
Motion n° 1 de la commission. - Adoption, par scrutin public, de la motion
entraînant le rejet du projet de loi.
7.
Règlement définitif du budget de 1999.
- Adoption d'un projet de loi en deuxième lecture (p.
39
).
Discussion générale : Mme Florence Parly, secrétaire d'Etat au budget ; M. Yann
Gaillard, en remplacement de M. Philippe Marini, rapporteur général de la
commission des finances ; Mme Marie-Claude Beaudeau.
Clôture de la discussion générale.
Articles 1er et 8
(et tableau G annexé)
. -
Adoption (p.
40
)
Vote sur l'ensemble (p.
41
)
M. Serge Vinçon.
Adoption, par scrutin public, de l'ensemble du projet de loi.
8.
Saisine du Conseil constitutionnel
(p.
42
).
9.
Transmission d'un projet de loi
(p.
43
).
10.
Dépôt d'une proposition de loi
(p.
44
).
11.
Transmission de propositions de loi
(p.
45
).
12.
Ajournement du Sénat
(p.
46
).
M. le président.
COMPTE RENDU INTÉGRAL
PRÉSIDENCE DE M. JACQUES VALADE
vice-président
M. le président.
La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à neuf heures trente.)
1
PROCÈS-VERBAL
M. le président.
Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ?...
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.
2
RATIFICATION DU TRAITÉ DE NICE
Discussion d'un projet de loi
M. le président.
L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi (n° 373, 2000-2001),
adopté par l'Assemblée nationale, autorisant la ratification du traité de Nice
modifiant le traité sur l'Union européenne, les traités instituant les
Communautés européennes et certains actes connexes. [(Rapport n° 406
(2000-2001)].
Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.
M. Pierre Moscovici,
ministre délégué chargé des affaires européennes.
Monsieur le président,
monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, nous sommes réunis
aujourd'hui, en cette veille de la fin de la session parlementaire, pour
examiner le projet de loi autorisant la ratification du traité de Nice, signé
le 26 février dernier.
Comme vous le savez, les autorités françaises ont souhaité montrer l'exemple
et adresser un message politique fort, notamment aux pays candidats à
l'adhésion, en procédant sans tarder à la ratification de ce traité qui
conditionne l'avenir de l'Union européenne. Aussi, après l'examen par le
Conseil d'Etat et l'adoption en conseil des ministres, le 9 mai dernier - date
de la Journée de l'Europe - le projet de loi a été débattu, très longuement,
par vos collègues de l'Assemblée nationale. Il a été finalement adopté, le 12
juin dernier, à une très large majorité : 407 voix pour et 27 voix contre,
auxquelles il convient d'ajouter 113 abstentions. J'espère qu'il pourra en être
de même aujourd'hui dans cette enceinte, avec un résultat aussi clair.
Le Parlement européen, quant à lui, même s'il a critiqué certains aspects du
traité, s'est largement prononcé pour une ratification rapide, afin d'engranger
ses acquis et d'ouvrir la voie au débat sur l'avenir de l'Union.
Je souhaite, d'abord, bien sûr faire avec vous le point sur l'état de la
procédure dans les autres Etats membres.
Plusieurs de nos partenaires de l'Union ont également engagé rapidement les
procédures de ratification. C'est le cas du Danemark, qui s'est prononcé
positivement le 1er juin dernier. Je note d'ailleurs que son Parlement,
extrêmement pointilleux, on le sait, sur les questions de souveraineté, a pour
la première fois décidé de choisir la voie parlementaire et non le référendum,
considérant, tout comme nous, que le traité de Nice ne comporte pas de nouveaux
transferts de compétences à l'Union.
L'Irlande, en revanche, a organisé un référendum, le 7 juin dernier, pour des
raisons qui tiennent à sa Constitution. Ce vote du peuple irlandais a donné
lieu à de nombreuses réactions et commentaires de la part de toutes les
formations politiques, en Europe comme en France. Il est donc légitime que nous
en parlions aujourd'hui - il serait surprenant de ne pas le faire - même si ce
« non » irlandais ne doit en rien nous amener - c'est en tout cas la position
du Président de la République et du Gouvernement ; c'est également la position
des autorités irlandaises elles-mêmes - à considérer ce traité comme caduc ni,
donc, à remettre en cause la procédure engagée.
Les Irlandais ont toujours, on le sait, apporté un fort soutien à la
construction européenne. Ils viennent, pour la première fois depuis leur
adhésion, d'exprimer un avis négatif, accompagné en outre d'une forte
abstention. Nous avons eu l'occasion d'en discuter avec nos amis irlandais au
sein du Conseil, puis au niveau des chefs d'Etat et de Gouvernement, à
Goteborg, voilà deux semaines.
S'il ne peut pas être envisagé de renégocier le traité lui-même ni de
repousser le calendrier de ratification prévu, en revanche, il va de soi que
nous examinerons avec nos amis Irlandais les solutions qui pourraient leur
permettre de surmonter la difficulté à laquelle ils se trouvent aujourd'hui
confrontés. C'est ce que les autorités irlandaises demandent, rien de plus,
rien de moins bien sûr.
Sur le fond, je crois sincèrement que nous devrions nous garder de
commentaires établissant des parallèles entre l'Irlande et notre pays. Je peux
comprendre que ce vote réjouisse ceux qui, en France, appellent à rejeter ce
traité, parce qu'ils sont hostiles fondamentalement - on sait qu'ils sont
constants - à la construction européenne telle qu'elle s'est faite depuis
cinquante ans. Je respecte bien sûr ces avis, même si je ne les partage pas.
En revanche, j'avoue moins bien comprendre ceux que le vote irlandais semble
réjouir, au nom d'une Europe qu'ils prétendent vouloir parfaire ou parfaite.
J'inviterai d'ailleurs volontiers ces fervents Européens à s'interroger sur le
sens de leur soudaine communion avec les souverainistes ou extrémistes qui - en
Irlande - ont appelé à rejeter le traité, et qui représentent - je tiens tout
de même à le rappeler - 17 % de la population de ce grand pays.
Pour ma part, je souhaite tirer un enseignement politique de ce référendum :
en l'absence d'un large débat démocratique et d'une vaste explication nationale
de ce traité, le peuple irlandais ne s'est pas mobilisé, notamment ceux qui
sont favorables à l'Union européenne. J'en déduis que, comme tous les autres
peuples de l'Union sans doute, les Irlandais souhaitent être plus consultés,
mieux informés, mieux associés aux décisions qui engagent leur avenir et celui
du continent. Quoi de plus légitime en vérité ! Le gouvernement et le parlement
irlandais en ont tiré un premier enseignement, que je crois intéressant, en
annonçant la création d'un forum national pour débattre de l'avenir de
l'Europe.
En effet, par une sorte de paradoxe de l'histoire, c'est précisément le traité
de Nice, qu'ils viennent de repousser, qui ouvre la voie à ce grand débat
démocratique - indispensable - sur l'avenir de l'Union. J'y reviendrai dans un
instant pour ce qui concerne la France.
Aussi, je fais confiance, avec nombre d'entre vous sans doute, à nos amis
Irlandais pour ratifier, le moment venu - et ce sont eux qui le choisiront dans
les formes qui conviendront - le traité de Nice.
J'en viens précisément au traité lui-même. Un mot, tout d'abord, sur le
contexte dans lequel se situe notre discussion d'aujourd'hui. L'Union
européenne connaît actuellement, nous le savons bien, un fonctionnement peu
satisfaisant de ses principales institutions. D'abord, parce que certaines
réformes - jugées indispensables depuis longtemps - n'ont pu être faites plus
tôt, notamment lors du précédent élargissement à l'Autriche, à la Suède et à la
Finlande. Ensuite, parce que l'Union doit se préparer à un nouvel
élargissement, d'une ampleur sans précédent et de nature différente.
Le « grand soir institutionnel » - je voudrais le souligner - n'a jamais été à
l'ordre du jour du Conseil européen de Nice. Non par manque d'ambition,
contrairement à ce qu'assurent certains. L'enthousiasme ne nous fait pas
défaut, mais nous avons pensé qu'il ne saurait remplacer la recherche de
solutions réalistes, praticables dans le contexte d'une Europe de plus en plus
large, où la synthèse entre élargissement et approfondissement ne sera réussie
que si elle permet de préserver ce qui fait l'essence même du projet
européen.
Les questions qui figuraient à l'ordre du jour à Nice, à savoir le format de
la Commission, le champ d'application du vote à la majorité qualifiée, la
repondération des voix au sein du Conseil - avaient déjà été débattues à
Amsterdam. Mais les chefs d'Etat et de Gouvernement n'avaient pas été alors en
mesure d'aboutir à un accord. Cela montre bien non seulement que ces questions
étaient déjà bien identifiées, mais aussi que chacun en connaissait
parfaitement la grande sensibilité.
L'existence de tels « reliquats », comme on dit, constituait, pour nous, un
problème majeur dans la perspective de l'élargissement. D'où l'initiative de la
déclaration franco-belgo-italienne, qui a permis d'inscrire de façon
solennelle, dans un texte annexé au traité d'Amsterdam, à l'été 1997, la
nécessité de résoudre ces trois questions avant le prochain élargissement, un
élargissement considéré - à juste titre - comme le devoir historique et la
priorité politique de l'Union.
Lors du débat de ratification, le Parlement français - vous-mêmes, mesdames,
messieurs les sénateurs, conjointement avec l'Assemblée nationale - a plaidé -
et avec quelle force ! - pour que cette préoccupation soit clairement inscrite
dans le projet de loi de ratification. Le Gouvernement - je m'en souviens
parfaitement - en a pleinement tenu compte et a choisi de recourir à la
solution, à vrai dire tout à fait exceptionnelle, de l'ajout d'un article 2 au
projet de loi de ratification du traité d'Amsterdam, solennisant ainsi ce que
nous avons appelé à l'époque « le préalable institutionnel à l'élargissement
».
C'est ainsi qu'aux Conseils européens d'Helsinki, en décembre 1999, puis de
Feira, en juin 2000, nous avons pu militer, avec d'autres, pour que soit fixé -
mais aussi limité - l'ordre du jour de la Conférence intergouvernementale de
2000, en concentrant les négociations sur les trois questions restées sans
réponse à Amsterdam.
Se lancer dans un exercice de refondation d'ensemble de l'Union, ce serait
bien sûr séduisant, mais cela nous aurait fait courir le risque de diluer la
négociation et de perdre de vue ces questions. Je pense sincèrement que c'eût
été courir à un échec assuré. Si bien que, hormis les coopérations renforcées,
pour lesquelles nous nous sommes battus, nous n'avons donc pas souhaité ajouter
à l'ordre du jour de la CIG, la Conférence intergouvernementale, d'autres
sujets lourds.
Par ailleurs, lors du Conseil européen de Cologne, nous avons eu la volonté de
retenir une procédure spécifique et totalement nouvelle pour élaborer la
Chartre des droits fondamentaux de l'Union européenne : celle-ci a pu ainsi
être proclamée à Nice, en décembre dernier, et son importance pourrait
d'ailleurs, dans une prochaine étape - j'ajoute que je le souhaite - être
consacrée à travers son intégration dans une Constitution européenne. J'y
reviendrai également dans un instant.
Quels ont été les résultats de cette difficile négociation de Nice ?
Votre rapporteur, M. Xavier de Villepin, les a remarquablement présentés et
analysés dans son rapport. Je sais qu'il y reviendra, avec la clarté que chacun
lui connaît, lors de son intervention dans quelques instants. Permettez-moi de
reprendre ces principaux enseignements en opérant une hiérarchisation selon nos
objectifs initiaux.
Sur la repondération des voix, nous avons quasiment atteint l'objectif fixé.
Sans changement, le système de repondération existant aurait conduit l'Union à
l'enlisement. Le rééquilibrage auquel nous avons procédé est important,
puisqu'il permet aux « grands Etats membres », comme l'on dit, de retrouver une
place conforme à leur poids démographique et politique au sein de l'Union, sans
pour autant rompre la parité entre eux. Ainsi, la grille actuelle, qui
attribuait deux voix au Luxembourg et seulement dix voix aux quatre Etats les
plus peuplés, sera étendue, au 1er janvier 2005, de trois à vingt-neuf voix. On
voit tout de suite que cela est plus conforme à la réalité.
Quant aux coopérations renforcées, elles seront plus faciles à mettre en
oeuvre dans une Union élargie, notamment parce que le quorum d'Etats
participants, grâce au traité de Nice, sera moins contraignant qu'aujourd'hui
et parce que le droit de veto sera, en revanche, considérablement limité. Ces
coopérations renforcées permettront ainsi aux pays qui le souhaitent d'avancer
ensemble, à quelques-uns. Il est évident, pour nous, qu'elles vont constituer
l'outil indispensable à la gestion de la transition, qui ne sera pas simple,
vers une Europe élargie, nécessairement plus hétérogène, au moins durant les
premières années.
J'ajouterai, dès maintenant, parmi les objectifs pleinement atteints, la
modification apportée à l'article 7 du traité, relatif au respect des valeurs
et des droits fondamentaux. Le contexte autrichien, notamment, nous avait
éclairés sur ces lacunes de nos textes. Nous y avons remédié en instaurant, en
particulier sur une proposition autrichienne - c'est l'ironie de l'histoire -,
avant d'éventuelle mesures, un dispositif d'alerte et de prévention.
S'agissant de la Commission, il est évident, et je le reconnais volontiers,
que nous aurions voulu faire mieux. La position française, vous le savez - j'ai
eu l'occasion de l'exprimer ici un très grand nombre de fois -, était très
claire : nous considérions que la Commission, clé de voûte de la méthode
communautaire, garante de l'intérêt général européen, devait être renforcée, et
donc resserrée. Malheureusement, la plupart de nos partenaires - y compris
certains qui sont d'ordinaire les plus fervents défenseurs de la tradition
communautaire - ne nous ont pas beaucoup aidés. La Commission elle-même - je
dois le dire avec regret - n'a pas pris un parti aussi net que nous l'aurions
souhaité et ne s'est pas suffisamment montrée soucieuse, en la circonstance, de
l'intérêt supérieur européen, qui eût été aussi le sien.
Enfin, sur l'extension de la majorité qualifiée, les résultats sont
insuffisants, je l'avoue sans détour. Encore faut-il, pour être honnête, dire
pourquoi. Quantitativement, un assez grand nombre d'articles - une trentaine -
est passé à la majorité qualifiée. Cependant, une approche plus qualitative, et
sans doute plus forte, met en lumière une certaine médiocrité des résultats.
Ainsi, nous n'avons pas été en mesure, hélas ! d'avancer sur quelques domaines
pourtant essentiels, comme la fiscalité ou le social. Beaucoup d'Etats membres
qui, comme la France avec l'article 133, relatif à la politique commerciale
extérieure, avaient des difficultés n'ont pas fait autant d'efforts que nous,
loin de là, pour dégager une solution de compromis. Je me souviens de ce que
l'on disait dans les couloirs de Nice : les Français vont bloquer sur la
politique commerciale extérieure, mais on avancera par ailleurs. Nous avons
fait des concessions, mais elles n'ont pas été rendues, et aucun de nos grands
partenaires - je dis bien « aucun » - n'a particulièrement montré l'exemple.
Mais, au total, j'en ai la conviction, le résultat de la négociation est
appréciable, surtout si l'on considère le rapport de forces existant. Nous
avons rempli notre mission en apportant une réponse aux reliquats laissés par
le traité d'Amsterdam, ce qui rend possible la poursuite de l'élargissement
dans de meilleures conditions. En effet, contrairement à ce qui a pu être dit
il y a quelques jours encore, la réforme institutionnelle était indispensable
avant même que l'Union compte vingt membres. Pour ma part, je n'ai jamais pensé
que nous pourrions procéder à l'élargissement sans le traité de Nice. Nous
devions faire cette réforme au plus vite. Le traité de Nice y est globalement
parvenu.
Je suis certain que nous allons avoir, tout à l'heure, un débat très riche sur
ce texte. Il nous permettra, je l'espère, de lever les éventuelles incertitudes
qui pourraient subsister sur telle ou telle disposition. En tout cas, je m'y
emploierai, car je pense que notre intérêt est de ratifier au plus vite ce
texte - aujourd'hui, à dire vrai - pour nous consacrer tous ensemble à l'étape
suivante, celle du débat sur l'avenir de l'Europe, dont je veux maintenant dire
quelques mots brièvement.
La déclaration sur l'avenir de l'Union annexée au traité de Nice prévoit, en
effet, l'organisation d'un vaste débat démocratique, sur le plan national, puis
sur le plan européen, dans la perspective de la prochaine Conférence
intergouvernementale, en 2004.
Notre pays a, là aussi, souhaité montrer l'exemple. Le Président de la
République et le Premier ministre ont ainsi lancé formellement le débat en
France, le 11 avril dernier. Les parlementaires - vous-mêmes, mesdames et
messieurs les sénateurs - ont, dans ce débat, un rôle essentiel à jouer, et je
suis convaincu que vous y contribuerez très activement, que ce soit au niveau
national par les réflexions que vous prendrez l'initiative d'organiser, avec
vos collègues de l'Assemblée nationale, ou dans le cadre des forums qui se
tiendront systématiquement, dans chacune de nos régions, d'ici à novembre
prochain, le premier ayant d'ailleurs lieu lundi à Nantes.
D'ores et déjà, je tiens à saluer les travaux de la délégation pour l'Union
européenne et, plus particulièrement, le rapport du président Hubert Haenel sur
la Constitution européenne et celui de M. Daniel Hoeffel sur l'idée d'un Sénat
européen. Je salue également l'initiative d'un forum Internet interactif, mis
en place par le Sénat voilà quelques jours.
Nous accordons à la phase nationale de ce grand débat européen une attention
particulière, car elle doit être l'occasion, chez nous, de faire aussi parler
de l'Europe ceux qui, d'ordinaire, ne s'expriment pas volontiers ou pas
facilement sur ce sujet. Comme nous l'avons dit avant et durant la présidence
française de l'Union, les attentes concrètes de nos concitoyens doivent nous
importer en premier lieu. Par une meilleure connaissance de celles-ci, nous
pourrons orienter, améliorer, compléter les politiques communes existantes.
Il ne s'agit pas de dessiner une nouvelle architecture institutionnelle de
manière abstraite, satisfaisante sans doute pour l'esprit, mais déconnectée des
réalités politiques et humaines de l'Union européenne. Ne sacrifions pas aux
délices un peu ésotériques de ce que j'appellerai un « concours de beauté »
institutionnel qui serait coupé du réel.
Il ne servirait à rien d'avoir de bonnes institutions, si nous n'avions pas en
même temps des politiques fortes. Comme l'a souligné le Premier ministre le 28
mai dernier, nous faisons l'Europe non pas pour les institutions, mais parce
que nous avons un projet, au sens le plus large et le plus noble, un véritable
projet de société, l'affirmation d'un modèle de civilisation, original, fondé
sur un socle solide et vivant de valeurs communes.
A l'origine de notre Europe, il y a la volonté de bâtir, pour toujours, la
paix sur notre continent. Il y a aussi celle d'oeuvrer au bien-être de nos
concitoyens au sein d'un espace prospère, soucieux de garantir la sécurité au
quotidien, dynamique et toujours plus respectueux des droits civiques et
sociaux, plus attentif au respect des droits fondamentaux de la personne
humaine, qui sont désormais inscrits dans la charte, et qui devront, je l'ai
dit, un jour être scellés dans les fondements mêmes de l'Europe élargie, en
devenant la partie la plus solennelle dans une future constitution.
Dans le domaine économique, dans le domaine social, mais aussi dans les
domaines de la recherche, de l'industrie, de la santé, de l'environnement, de
la justice ou de la sécurité, nous devons poursuivre nos efforts pour définir
les politiques qui conduiront l'Europe vers une solidarité plus forte et plus
étroite.
C'est de tout cela que la réflexion institutionnelle doit s'inspirer pour
élaborer les axes d'une nouvelle réforme, car, je le redis, les institutions
doivent être là pour porter ce projet, et non l'inverse.
De même, on aurait tort, je crois, de considérer
a priori
que seule la
mise en place d'un schéma purement fédéral constituerait une réforme digne de
ce nom. Je note que des Européens aussi convaincus que Jacques Delors ou
Joschka Fischer, qui sont des références y compris pour les fédéralistes,
partagent cette analyse.
Certes, il existe dans l'Union européenne, et nous le savons bien, des
éléments caractéristiques d'un système fédéral : la Commission, bien sûr, qui
est l'expression de l'intérêt général communautaire ; le Parlement européen,
qui amorce la représentation d'un peuple européen ; la Cour de justice, ou
encore l'euro, qui sera la réalité dans six mois. Mais il existe aussi d'autres
réalités, celle des Etats, dont nous devons, dont nous voulons tenir compte,
parce qu'elles sont effectives, parce qu'elles sont des sources de légitimité
essentielles.
C'est pourquoi, à mon sens, ce sont chacune des trois composantes du triangle
institutionnel européen qui doivent se voir conférer un poids politique plus
fort, tout en maintenant l'équilibre entre elles. C'est l'ensemble de cet
édifice qu'il faut rehausser politiquement.
La Commission, je l'ai dit, est la garante de l'intérêt général européen, la
pièce maîtresse, et elle le restera, de la méthode communautaire. Elle doit
voir sa légitimité politique renforcée. Avec le traité de Nice, la désignation
de son président se fera à la majorité qualifiée et l'autorité de celui-ci sur
le collège sera accrue. Pourquoi ne pas aller plus loin, comme certains l'ont
proposé, et faire qu'il soit directement issu de la formation politique
européenne victorieuse aux élections au Parlement européen.
Cette même approche, celle du renforcement de la légitimité démocratique, doit
prévaloir pour le Parlement européen, qui a vu, à Nice, ses prérogatives encore
étendues avec l'extension du champ de la majorité qualifiée. Pour cela, nous
savons tous ici, sur l'ensemble des travées, qu'une profonde réforme du mode de
scrutin pour les élections européennes, combinant le maintien de la
proportionnelle, nécessaire, et aussi une régionalisation des listes de
candidats, est indispensable. Le gouvernement précédent comme le gouvernement
actuel l'ont proposé. J'espère très sincèrement qu'après les élections
présidentielles nous trouverons collectivement le courage politique de procéder
à cette réforme, que je crois indispensable si nous souhaitons que les
prochaines élections européennes soient la grande consultation démocratique à
laquelle nous aspirons tous.
Quant au Conseil, troisième sommet du triangle, il doit incontestablement
conserver sa double nature, exécutive et législative, dès lors que le traité
confère explicitement des pouvoirs aux Etats membres et que certaines
politiques relèvent clairement et continueront de relever de leur
responsabilité. Loin d'être un retour en arrière vers l'intergouvernemental,
comme je l'ai lu ici ou là, la réforme du Conseil doit au contraire lui
permettre de mieux jouer son double rôle dans un contexte où la méthode
communautaire serait pleinement restaurée.
Comme le Président de la République fédérale d'Allemagne, M. Johannes Rau, je
considère que les peuples européens ne sont pas prêts pour réduire le Conseil
au rôle d'une seconde assemblée parlementaire à côté ou derrière le Parlement
européen. Je note d'ailleurs que le chancelier Gerhard Schroder a lui-même
reconnu récemment que cette solution, que son parti préconisait, n'était
envisageable que dans un avenir très éloigné. Encore une fois, nous faisons
l'Europe pour les citoyens, non pour le plaisir intellectuel de réaliser une
construction institutionnelle qui serait, en tout cas pour certains, idéale.
Il faut partir de l'existant. Cela veut dire, en l'occurrence, réorganiser les
méthodes de travail du Conseil, pour mieux assurer les fonctions d'impulsion,
de préparation et de coordination du travail européen, en amont du Conseil
européen des chefs d'Etat et de Gouvernement. Jacques Delors et Lionel Jospin
après lui ont proposé pour ce faire de créer un Conseil permanent de ministres,
composé de sortes de vice-premiers ministres, en tout cas de ministres qui
seraient chargés de la coordination des questions européennes dans leur propre
gouvernement national.
M. Hubert Haenel,
président de la délégation pour l'Union européenne.
Très bien !
M. Pierre Moscovici,
ministre délégué.
Je crois sincèrement, après l'expérience qui est la
mienne depuis quatre ans, que cela faciliterait la prise de décision...
M. Hubert Haenel,
président de la délégation pour l'Union européenne.
Bien sûr !
M. Pierre Moscovici,
ministre délégué.
... et rendrait plus efficace la préparation du Conseil
européen. Si l'on va dans ce sens, il faut également généraliser ou quasi
généraliser le système de vote à la majorité qualifiée, c'est-à-dire en
incluant, enfin ! des secteurs majeurs tels que le social ou la fiscalité.
Voilà, mesdames, messieurs les sénateurs, un terrain sur lequel les
dispositions du traité de Nice doivent être complétées et j'ajoute puissamment
complétées.
Que l'on ne s'y trompe pas ! Il ne s'agit pas là de réformes
a minima.
Si tel avait été le cas, nous n'aurions pas rencontré tant de résistances à
Nice, y compris - je le redis avec une insistance que tout le monde comprendra
- de la part de partenaires qui prétendent aujourd'hui proposer, avec le modèle
fédéral, une réforme plus ambitieuse. Essayons donc d'être au clair sur
l'objectif à atteindre, c'est-à-dire sur le contenu du projet, car c'est bien
là que pourront se mesurer la nature et le degré de notre ambition pour
l'Europe.
De toute ces questions, nous devons débattre aussi avec les pays candidats qui
feront, avec nous, l'Europe de demain. Si nous voulons que l'élargissement soit
réussi et que ces futurs nouveaux membres aient une attitude constructive au
sein de l'Europe, nous devons les associer étroitement à notre débat, et ce dès
aujourd'hui, mesdames, messieurs les sénateurs. J'ai d'ailleurs noté, lors de
très récents déplacements en Pologne et en République tchèque, une demande très
forte de leur part en ce sens. Nous avons d'autant plus intérêt à y répondre
que ces pays peuvent, pour des raisons évidentes, facilement souscrire à un
concept qui marierait la méthode communautaire, rénovée et renforcée, et
l'existence des idendités nationales, qu'ils ont récemment retrouvées et qu'ils
n'accepteraient pas de voir se dissoudre d'un coup dans un nouvel ensemble,
celui-ci fût-il librement consenti, ce qui n'était pas le cas du précédent.
Notre ambition, mesdames, messieurs les sénateurs, celle que nous partageons,
j'en suis sûr, c'est une très haute ambition : c'est celle, comme l'a dit le
Premier ministre, de construire une Europe forte, consciente de son identité
politique et porteuse de ses valeurs de paix, de solidarité et j'ajouterai
personnellement de pluralisme.
Mais, pour cela, nous devons d'abord ratifier le traité de Nice. C'est donc
volontiers et avec confiance que je laisse maintenant place au débat.
(Applaudissements.)
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Xavier de Villepin,
président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des
forces armées, rapporteur.
Monsieur le président, monsieur le ministre,
mes ches collègues, depuis son adoption, le traité de Nice a suscité de
nombreuses critiques, mais il y a dans ces dernières, me semble-t-il, beaucoup
d'injustices et de réels malentendus.
En effet, l'accord, s'il a cristallisé les déceptions de certains des
partisans les plus fervents de la construction européenne, reflète l'état
présent des positions des Etats membres et de leurs populations à l'égard de
l'Union. Il me semble donc essentiel de distinguer la lettre du traité du
contexte dont il est le produit.
Si l'on considère la lettre du traité avec la sérénité nécessaire, on doit
constater que, malgré de réelles faiblesses, l'accord prépare les institutions
à l'élargissement.
M. Hubert Haenel,
président de la délégation pour l'Union européenne.
Tout à fait !
M. Xavier de Villepin,
rapporteur.
Il apporte une réponse en particulier aux trois « reliquats »
laissés en suspens par Amsterdam. Grâce aux efforts de la présidence française,
à laquelle je tiens à rendre hommage, une grave crise a pu être ainsi
désamorcée et la voie aux futures adhésions a été dégagée.
Cependant, le contexte dans lequel le traité a été négocié a été marqué par
une certaine crispation autour des intérêts nationaux et par l'indifférence des
citoyens. C'est le climat de tension et de morosité communautaire qu'il nous
faut conjurer pour l'avenir.
Après avoir rappelé ce qui, à mon sens, constitue les acquis indéniables du
traité de Nice, je reviendrai sur les grandes interrogations que soulèvent les
prochaines échéances de la construction européenne.
Le traité ouvre la voie à l'élargissement. Il ne lève pas seulement une
condition formelle fixée à la conclusion des accords d'adhésion. Il apporte,
malgré ses insuffisances, des modifications nécessaires et utiles qui
permettent de mieux préparer l'Union à l'intégration de nouveaux Etats
membres.
Sans entrer dans le détail de dispositions que vous venez de nous présenter
avec clarté, monsieur le ministre, je souhaite porter une appréciation sur les
principaux sujets abordés par le traité.
S'agissant, d'abord, de la Commission, de nombreux commentateurs ont regretté
que le plafonnement du nombre de commissaires soit différé au moment où l'Union
comprendrait vingt-sept membres. Il faut, à mon avis, tempérer ces jugements.
D'abord, le principe d'une limitation a été admis, et cela n'allait pas de soi.
Ensuite, même porté à vingt-six membres, l'effectif de la commission se compare
favorablement aux gouvernements, y compris le nôtre, les plus resserrés. Enfin
et surtout, le véritable enjeu n'est-il pas davantage dans une meilleure
organisation de la Commission qui lui permette d'assurer la cohésion de son
action et de retrouver la plénitude de sa capacité d'initiative ?
Or, de ce point de vue, le traité apporte des modifications opportunes.
En premier lieu, il permettra de désigner le président de la Commission à la
majorité qualifiée. Le consensus indispensable aujourd'hui rend parfois
difficile, comme on l'a vu lors de la succession de Jacques Delors, la
désignation d'une personnalité porteuse d'une véritable ambition pour
l'Europe.
Par ailleurs, l'autorité du président de la Commission sur les autres
commissaires a été renforcée. Cette structure plus hiérarchique nous éloigne,
certes, du principe de collégialité originel ; mais n'était-elle pas inévitable
dans la perspective d'une Europe élargie ?
La repondération des voix au Conseil permet un rééquilibrage légitime en
faveur des Etat les plus peuplés. Elle ne s'est pas traduite, je le souligne,
par un « décrochage » de l'Allemagne par rapport aux autres grands Etats, dont
la France. Il faut, je crois, s'en féliciter. La parité des voix au sein du
Conseil apparaît sans doute comme l'une des données fondamentales de la
relation franco-allemande. Les nouvelles règles requises pour obtenir la
majorité qualifiée ne modifient pas en substance les principes actuels :
l'exigence d'une majorité d'Etats explicite une condition qui existe
de
facto
aujourd'hui. Quant au « filet » démographique, souhaité par
l'Allemagne, il revêt un caractère seulement facultatif.
Il n'en reste pas moins que les Quinze ont paru, à Nice, sur la défensive,
plus soucieux de se protéger contre le processus de décision communautaire que
de le faire avancer.
L'extension du vote à la majorité qualifiée a connu une portée limitée, même
si elle s'appliquera désormais, entre autres sujets, à la négociation des
accords commerciaux dans le domaine des services, ce qui est loin d'être
négligeable.
Doit-on s'étonner que les Etats cherchent à conserver un droit de veto sur les
aspects des politiques communes jugés cruciaux pour leurs intérêts nationaux ?
Je ne le crois pas. C'est là, en effet, une préoccupation légitime qui reflète
aussi les limites de l'acceptation, par les populations des Etats membres, de
l'accroissement du rôle de l'Union.
La mise en oeuvre du vote à la majorité qualifiée représente, ne l'oublions
pas, bien davantage qu'une simple question de procédure. Elle engage la
souveraineté des Etats. Il me semble qu'aucun progrès ne saurait être réalisé
dans ce domaine sans l'organisation d'un large débat sur les compétence de
l'Union et sur la subsidiarité.
En outre, les limites de l'extension du vote à la majorité qualifiée sont en
partie compensées par les progrès significatifs enregistrés par le traité de
Nice dans le domaine des coopérations renforcées. Le traité, vous le rappeliez,
monsieur le ministre, a permis trois avancées : le nombre minimal de pays
nécessaire pour former une coopération, fixé aujourd'hui à la majorité des
Etats, a été déterminé à huit, soit moins du tiers des membres de l'Union
élargie ; les coopérations renforcées pourront s'appliquer à la politique
étrangère commune, à l'exclusion, cependant, des questions de défense, et, on
peut le regretter,...
M. Pierre Fauchon.
Certes !
M. Xavier de Villepin,
rapporteur.
...enfin, le droit de veto a été supprimé pour les premier et
deuxième piliers.
J'insiste sur ces dispositions, qui me paraissent représenter l'un des acquis
les plus positifs du traité. En effet, dans le cadre de l'Union élargie, les
coopérations renforcées pourraient s'avérer comme un moyen pragmatique et
efficace de préserver la dynamique d'approfondissement de la construction
européenne.
M. Hubert Haenel,
président de la délégation pour l'Union européenne.
Tout à fait !
M. Xavier de Villepin,
rapporteur.
Par ailleurs, le traité pose les jalons du grand débat sur
l'avenir de l'Union européenne. A cet égard, l'accord apparaît non pas
seulement comme l'achèvement d'un processus engagé à Amsterdam, mais aussi
comme le point de départ d'une adaptation encore plus profonde de l'édifice
européen.
Enfin, comment ne pas mentionner, au terme de ce rapide bilan du traité,
l'institutionnalisation des instances en charge de la politique européenne de
sécurité et de défense, ce qui, à mon sens et aux yeux de la commission,
représente une avancée réelle à porter à l'actif de la présidence française
!
Le traité ne me paraît pas justifier l'ampleur des critiques qu'il a
suscitées. Comment expliquer, dès lors, la déception provoquée par Nice ?
Je crois qu'elle trouve son origine moins peut-être dans la lettre de l'accord
que dans le contexte général qui a présidé à sa négociation. Ce climat a été
caractérisé par des tensions souvent vives entre les Etats membres.
Pouvait-il en être autrement ? Préparer l'Union à l'élargissement, ce n'est
pas seulement chercher à garantir l'efficacité des institutions, c'est aussi,
nécessairement, remettre en cause le poids respectif des Etats membres. Cette
question, l'une des plus délicates du système européen, n'avait jamais vraiment
été évoquée depuis le traité de Rome. Or le débat a été rouvert à Nice au
moment où, depuis quelques années, les Gouvernements des Etats membres ont une
approche plus « réaliste » de l'Europe et n'hésitent pas à faire prévaloir les
intérêts nationaux sur l'intérêt communautaire.
Dans ces conditions, il était sans doute prévisible et inévitable que la
question de la repondération fragilise la solidarité habituelle entre les Etats
membres les plus engagés dans la construction européenne.
Néanmoins, le traité de Nice a permis de trancher ce noeud gordien,
désamorçant ainsi une source de tension qui n'aurait pas manqué de peser sur la
construction européenne.
Dans la perspective des échéances majeures qui s'annoncent pour l'Europe -
l'élargissement, le débat sur l'avenir de l'Union - quatre grandes
interrogations demeurent, sur lesquelles vous pourrez peut-être, monsieur le
ministre, nous éclairer.
Première interrogation : quel est aujourd'hui l'équilibre souhaité entre
élargissement et approfondissement ? Le Conseil européen de Göteborg a souligné
que le processus d'élargissement présentait un caractère irréversible.
Il a même annoncé que les négociations avec certains pays candidats pourraient
être achevées - point d'interrogation ! - avant la fin de l'année 2002 et que
ceux-ci pourraient alors participer aux élections au Parlement européen dès
2004.
Soyez assuré, monsieur le ministre, que le Sénat, dans sa grande majorité,
souscrit à cette ambition majeure de l'Union.
Parallèlement, toutefois, le résultat négatif du référendum irlandais du 7
juin dernier fait peser une hypothèque sérieuse sur la ratification du traité
de Nice, et donc sur la réforme des institutions, considérée comme préalable à
la conclusion des négociations d'adhésion.
Lors du sommet de Göteborg, une certaine discrétion a été observée sur cette
question. Les déclarations récentes du président de la Commission ont, par
ailleurs, jeté un certain trouble sur la priorité accordée à la ratification du
traité de Nice.
Nous souhaitons que les procédures d'adhésion ne soient aucunement ralenties
par le « non » irlandais, mais nous sommes également soucieux que le traité
puisse être appliqué avant la fin de l'année 2002, selon l'objectif que l'Union
s'est elle-même assigné.
Comment concilier ces deux objectifs ? Quelles pourraient être la nature et la
teneur de la réponse, apportée par l'Union, aux préoccupations manifestées par
l'électorat irlandais ? Les Quinze ont-ils déjà discuté de manière détaillée de
cette question ?
La deuxième interrogation porte sur la relation franco-allemande.
La négociation du traité de Nice a porté à un certain paroxysme les tensions
entre nos deux pays, leur interdisant de jouer le rôle moteur qui leur revient
traditionnellement dans la construction européenne. Ces divisions, si elles
devaient perdurer, seraient très préoccupantes au moment où l'Union s'est
accordée, à Nice, sur la nécessité de redéfinir certains des éléments
essentiels de l'architecture européenne.
Le débat sur l'avenir de l'Union, qui avait été ouvert dès le début de l'année
2000 par le discours du ministre des affaires étrangères allemand et du
Président de la République, s'est prolongé, depuis lors, avec les contributions
du Chancelier Schröder et du Premier ministre français.
A ce stade, il est naturel que s'expriment des positions différentes. Je crois
toutefois qu'aucune avancée significative n'interviendra dans la perspective de
la future Conférence intergouvernementale, à l'horizon 2004, sans une
initiative franco-allemande.
M. Hubert Haenel,
président de la délégation pour l'Union européenne.
Très bien !
M. Xavier de Villepin,
rapporteur.
C'est pourquoi il serait certainement utile qu'un groupe de
travail permanent puisse se mettre en place entre nos deux pays afin, d'abord,
d'évaluer nos divergences et de former, ensuite, une plate-forme commune que
Paris et Berlin pourraient promouvoir auprès de leurs partenaires.
M. Hubert Haenel,
président de la délégation pour l'Union européenne.
Très bien !
M. Xavier de Villepin,
rapporteur.
Ce rapprochement franco-allemand doit être recherché très en
amont ; il faut sans doute en poser les bases dès aujourd'hui. De ce travail
préparatoire dépendent en effet, dans une large mesure, les résultats de la
future CIG. Au-delà du dialogue constant entre les autorités de nos deux pays,
vous pourrez peut-être nous dire, monsieur le ministre, si nous sommes en
mesure de nourrir un projet commun pour l'Europe.
Troisième interrogation : quelle pourrait être l'architecture d'une Union
élargie ?
Sans doute le discours du Premier ministre a-t-il permis de dégager plusieurs
options possibles dans le domaine institutionnel. Il demeure cependant des
zones d'ombre sur lesquelles le moment paraît venu pour la France de manifester
plus clairement ses préférences.
Un constat s'impose. Au terme de la prochaine vague d'élargissement, le visage
de l'Union aura été profondément transformé : douze nouveaux Etats membres,
quelque cent millions d'habitants supplémentaires, une grande diversité de
cultures, mais aussi de fortes disparités dans les niveaux de développement.
Le traité de Nice permettra d'accompagner très utilement la période de
transition au cours de laquelle se déroulent les adhésions, mais, au-delà,
c'est tout le système actuel d'intégration qui devra être revu. Les
négociateurs l'ont bien compris à Nice en prévoyant l'ouverture du grand débat
sur l'avenir de l'Union. Toutefois, l'ordre du jour retenu, qui ne présente,
certes, pas de caractère exclusif, ne mentionne pas le thème, pourtant
essentiel, de la différenciation dans l'intégration.
Il est clair, néanmoins, qu'au sein de l'Union les vingt-sept Etats membres ne
pourront avancer d'un même pas. Vouloir préserver des règles identiques pour
chacun, n'est-ce pas prendre le risque redoutable d'une dilution de l'Europe
sous la forme d'un grand marché ? Ce serait manquer à la conviction profonde
qui anime tous ceux qui, comme beaucoup ici, aspirent à donner à l'Europe toute
sa place sur la scène internationale.
Sans doute les coopérations renforcées permettent-elles de nouer des liens
plus étroits entre certains pays. Cette formule, qui à l'immense vertu du
pragmatisme, se révélera un instrument utile dans les années qui viennent. Mais
peut-elle fournir, à long terme, un principe solide d'organisation pour la
construction européenne ? Une Union à géométrie variable pourrait aussi
conduire à une fragmentation et à un brouillage des responsabilités qui
interdiraient à l'Europe de vraiment s'affirmer. Le principe d'une avant-garde
ouverte ne serait-il pas préférable ? Il apparaît en tout cas fondamental que,
sur ce sujet, le couple franco-allemand puisse s'accorder sur une position
commune.
Ma quatrième et dernière interrogation concerne le décalage croissant entre
les citoyens et la construction européenne.
Il serait vain de concevoir un projet ambitieux pour l'Europe dans
l'indifférence de ses peuples. Or, aujourd'hui, la situation de l'opinion
publique constitue un réel sujet de préoccupation. A cet égard, le résultat du
référendum irlandais, caractérisé par une très forte abstention, traduit la
démobilisation d'un électorat pourtant réputé largement acquis à l'Union
européenne.
Ce phénomène s'observe aussi en France ainsi que dans les autres Etats
membres. Le débat sur l'Europe, engagé dans notre pays sur des bases qui
portent la marque de notre jacobinisme traditionnel, saura-t-il réveiller
l'élan indispensable ? Il faut l'espérer. Quoi qu'il en soit, il est de notre
responsabilité à nous, gouvernement et élus, avec le soutien plus large des
médias et des acteurs de la société civile, de nous impliquer davantage pour
surmonter la morosité et l'euroscepticisme ambiants.
L'Europe, parce qu'elle nous a apporté ce bien inaliénable - la paix entre nos
peuples - et par les perspectives qu'elle ouvre, demeure, à l'aube du nouveau
siècle, un projet digne de mobiliser encore les espoirs et les énergies des
femmes et des hommes du vieux continent.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, veillons à
ne pas nous tromper de cible : ce n'est pas un traité, certes imparfait, qu'il
faut viser, traité dans lequel nous sommes, au sein de notre commission,
enclins à voir, si vous me permettez l'expression, le « verre à moitié plein »
plutôt que le « verre à moitié vide ». Non, c'est le climat de scepticisme
européen, de peur face à l'ouverture à l'« autre Europe » qu'il faut
aujourd'hui surmonter. La ratification du traité de Nice nous en donne
l'occasion, d'abord, parce qu'elle ouvre la voie à l'élargissement et
constitue, à ce sujet, un signal essentiel à l'égard des pays candidats engagés
dans le délicat processus d'adhésion, ensuite, parce qu'elle fixe les grandes
étapes du débat sur l'avenir de l'Union.
Donnons donc toutes ses chances à cette période décisive qui s'ouvre pour
l'Europe. Pour ce faire, je vous invite, mes chers collègues, à autoriser la
ratification du traité de Nice.
(Applaudissements sur les travées de l'Union
centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines
travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. le président de la délégation pour l'Union européenne.
M. Hubert Haenel,
président de la délégation pour l'Union européenne.
Monsieur le
président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je voudrais tout d'abord
dire au président de Villepin que je souscris tout à fait au rapport écrit et
oral qu'il a fait au nom de sa commission. Comme lui, je pense que nous sommes
un peu injustes avec le traité de Nice et qu'il nous faut dissiper un certain
nombre de malentendus.
De même, comme M. Xavier de Villepin, j'estime qu'il est nécessaire de
remettre à plat l'ensemble des relations franco-allemandes pour les renforcer.
En effet, je suis de ceux qui croient que l'Europe n'avancera pas si cette
question n'est pas réglée, et le plus rapidement possible. Je saisis l'occasion
pour dire à M. de Villepin combien j'ai apprécié l'esprit de collaboration et
de coopération qui a présidé au travail en commun de la commission et de la
délégation.
Le traité de Nice n'a pas bonne presse, au sens propre comme au sens figuré de
l'expression. Les critiques sont nombreuses. Pour les uns, c'est un traité
illisible ; pour les autres, c'est un traité insignifiant qui ne règle pas les
problèmes et démontre que la méthode des conférences intergouvernementales est
dépassée. Et, quand on approuve ce malheureux traité, c'est presque en
s'excusant !
Faut-il s'inquiéter d'un manque d'enthousiasme aussi flagrant ? Ne perdons pas
de vue que notre vie politique est aujourd'hui largement influencée par les
exigences des médias. Tout doit se réduire à des jugements simples, hâtifs,
donc réducteurs, et, d'ailleurs, vite oubliés. Mais une assemblée comme la
nôtre, qui est une chambre de réflexion, doit savoir se situer hors des modes,
comme vient de le faire excellemment le président de la commission, M. de
Villepin. Nous devons toujours garder à l'esprit ce principe de Sénèque : « Le
temps détruit ce que l'on fait sans lui », notamment dans le domaine qui nous
réunit aujourd'hui.
Mais revenons un peu en arrière. Souvenez-vous, mes chers collègues : tous les
traités européens, depuis l'Acte unique, en 1985, ont été aussi mal reçus que
le traité de Nice, et ils ont été jugés insuffisants, décevants, voire
consternants. Et, pourtant, ce sont ces mêmes traités qui ont permis les
considérables progrès enregistrés dans la construction européenne depuis quinze
ans.
Ne nous laissons donc pas impressionner par le peu d'enthousiasme que suscite
le traité de Nice : tous les traités européens en sont passés plus ou moins par
là.
J'ajoute que la Conférence intergouvernementale avait l'ordre du jour le plus
difficile qui soit, puisqu'elle avait uniquement à traiter de questions
institutionnelles, ce que l'on appelle parfois le « méccano-institutionnel
européen ».
Pour l'Acte unique, pour Maastricht, pour Amsterdam, il y avait, certes,
également des questions institutionnelles à traiter, mais pas seulement. Il y
avait, aussi et surtout, de grands projets communs - le marché intérieur, la
monnaie unique, l'espace judiciaire européen - qui fédéraient les Etats
membres, ce qui rendait plus facile la conclusion d'un accord.
Rien de tel à Nice : il s'agissait uniquement de revoir les règles du jeu,
c'est-à-dire, finalement, la place de chaque pays dans le processus de
décision. Il s'agissait aussi, et avec les mêmes participants, de réussir là où
le traité d'Amsterdam avait échoué. En réalité, les gouvernements avaient bien
peu de marge de manoeuvre. On peut prendre le problème par n'importe quel bout,
on voit mal comment l'équilibre final aurait pu être différent.
Mais il ne faut pas perdre de vue non plus que le traité de Nice est un
révélateur de l'état actuel de l'Union européenne. Une Union qui progresse
avec, désormais, une monnaire unique et, de plus en plus, une politique
extérieure et une défense communes, mais une Union composée de vieilles nations
qui ont chacune leur culture politique et qui ne peuvent pas, par décret, se
fondre du jour au lendemain en un seul peuple. Contrairement à ce que croient
certains, l'Europe ne peut pas avancer à marche forcée. Il y a un temps de
l'Europe qui n'est pas celui de la vie politique nationale, en tout cas, pas
nécessairement.
Pour parvenir à un résultat en matière européenne, il faut un mûrissement, une
décantation, un processus de compréhension réciproque. On ne peut pas passer en
force ! Ce qui vient de se passer en Irlande nous montre une fois de plus - je
n'insisterai pas - que le soutien des peuples n'est jamais acquis, qu'il faut
expliquer, convaincre et aussi savoir écouter.
Beaucoup croient aimer l'Europe et n'aiment, en réalité, que l'image qu'ils
s'en font, image qui n'est souvent que celle de leur propre pays, en plus
grand. Mais l'Europe réelle est faite de quinze Etats membres qui ont chacun
leur histoire, leur vision des choses et leurs intérêts.
Le traité de Nice est un compromis entre ces quinze Etats. Personne ne peut y
retrouver sa conception de l'Europe. Mais peut-il en être autrement ?
On peut dire que le traité de Nice ne va pas assez loin, qu'il aurait fallu
revoir les institutions de fond en comble, voire adopter dès maintenant une
constitution de l'Union. Tel n'était pas le mandat de la Conférence
intergouvernementale, qui avait une liste précise de questions à traiter. Comme
on l'a vu, cela suffisait !
Il n'y aurait pas eu d'accord entre les Etats membres si l'on avait voulu
changer complètement de mandat en cours de route. En outre, des élections se
profilaient à l'horizon, ne serait-ce que chez nos amis du Royaume-Uni ou, un
peu plus tard, en Allemagne, puis chez nous. Aujourd'hui, il n'y aurait pas
davantage d'accord pour renégocier le traité.
Le traité de Nice est une étape, nécessaire, de la construction européenne,
qui en comptera d'autres, soyons réalistes.
Aujourd'hui, nous tournons une page, mais c'est la suite qui est importante.
Nous devons réussir le débat sur l'avenir de l'Union, et d'abord à l'échelon
national, chez nous, en faisant en sorte que l'opinion publique s'en empare, se
l'approprie, et ce définitivement.
M. Paul Loridant.
Un référendum !
M. Hubert Haenel,
président de la délégation pour l'Union européenne.
Ne laissons pas seuls
dans le débat ceux qui parlent mal de l'Europe.
A l'issue des débats nationaux, se tiendra sans doute une nouvelle convention
sur le modèle de celle qui a élaboré la Charte des droits fondamentaux. Nous
devons tout mettre en oeuvre pour qu'elle soit à son tour un succès, ce qui
suppose que le Conseil européen de Laeken lui attribue un mandat clair et qu'il
précise sa méthode de travail et de décision.
Le traité de Nice est tourné vers l'avenir ; il ouvre la voie à
l'élargissement. Ce résultat obtenu sous présidence française a corrigé l'image
de la France dans les pays candidats. Nous passions - on nous faisait passer -
pour un pays frileux, protectionniste, qui voyait avec réticence l'Europe
s'élargir, et qui mettait en avant le préalable institutionnel pour mieux
freiner le processus, Or, sous notre présidence, la réforme institutionnelle a
été menée à bien, les règles de fonctionnement de l'Union élargie ont été
fixées, et cela sans retarder le calendrier de l'élargissement. En ratifiant
parmi les premiers le traité de Nice, nous allons conforter notre capital de
sympathie.
Il nous faut parvenir à une meilleure connaissance des pays candidats et à une
compréhension réciproque. Leur contribution à l'identité européenne est
irremplaçable. Nous devons leur faire partager notre volonté de faire de
l'Europe un foyer d'influence autonome.
A cet égard, monsieur le ministre, la Charte des droits fondamentaux proclamée
à Nice - avec beaucoup trop de discrétion, je le regrette une fois de plus - me
paraît appelée à jouer un rôle essentiel dans l'Europe élargie. Il est
indispensable qu'elle soit intégrée dès que possible dans le traité, car elle
définit les valeurs fondamentales communes qui sont la raison d'être de l'Union
et qui doivent guider son action. La Charte doit donc être à la base du
processus d'élargissement, comme la référence s'imposant à tous.
C'est une sorte de miroir que l'on dirige vers chacun des Etats qui veulent
nous rejoindre en leur demandant : « Vous reconnaissez-vous dans cet ensemble
de valeurs communes ? »
Mais c'est sur ce terrain de l'élargissement que le traité de Nice est le plus
critiqué. Beaucoup jugent qu'il ne prépare pas suffisamment les institutions
européennes à l'élargissement de l'Union. C'est cependant un jugement peut-être
un peu rapide.
Pour ce qui est de la Commission européenne, le traité de Nice est, en
réalité, profondément réformateur. Certes, le plafonnement du nombre de
commissaires est fixé à un horizon lointain et un peu théorique ; mais, au
fond, là n'est pas l'essentiel. Bien des gouvernements fonctionnent de manière
efficace avec trente membres ; l'important est qu'il y ait un chef de
gouvernement qui assure l'unité d'action de son équipe. Or, ce sera le cas de
la Commission après la ratification du traité de Nice : son président aura les
moyens d'une véritable autorité, puisqu'il répartira les responsabilités,
pourra demander sa démission à un commissaire et disposera d'un pouvoir
hiérarchique. De plus, le président sera choisi à la majorité qualifiée : rien
n'obligera désormais les chefs d'Etat ou de gouvernement à s'aligner sur le
plus petit dénominateur commun. Tout cela constitue une évolution très
significative.
Pour ce qui est du Conseil, la nouvelle pondération des voix est un progrès,
même s'il est relativement modeste, dans le sens d'une meilleure
représentativité. La clause de « vérification démographique » va dans le même
sens : sans réforme, on aurait pu prendre des décisions, dans l'Union élargie,
avec une majorité de voix représentant à peine 50 % de la population.
Désormais, on pourra exiger qu'une mesure recueille l'assentiment des
représentants de 62 % de la population.
C'est une sécurité pour les « grands » Etats, en premier lieu l'Allemagne,
mais aussi, en réalité, pour tous les Etats les plus peuplés. Les Etats les
moins peuplés ont obtenu, en contrepartie, une clause stipulant que toute
décision devra être approuvée par une majorité d'Etats membres. Donc, le
nouveau système n'écrase pas, loin de là, les Etats les moins peuplés. Ainsi,
la légitimité du Conseil sort renforcée du nouveau traité. Sa représentativité
se trouve améliorée, sans que les « petits » Etats puissent se juger
marginalisés.
Un autre élément va dans le sens d'un progrès : c'est l'augmentation du nombre
des domaines où le Conseil statuera à la majorité qualifiée. Certes, l'avancée
n'est pas aussi grande qu'on aurait pu l'espérer, mais beaucoup de progrès
avaient déjà été réalisés par les traités précédents, et l'on atteignait un «
noyau dur » de matières sensibles pour certains Etats, y compris le nôtre. Il
faut ajouter que, dans un certain nombre de cas, il sera possible de passer à
la majorité qualifiée sans réviser le traité. C'est le cas, depuis le traité
d'Amsterdam, de la plupart des dispositions concernant la libre circulation des
personnes, les visas, l'asile et l'immigration. Le traité de Nice a d'ores et
déjà décidé d'un passage à la majorité qualifiée pour certaines de ces
dispositions, et cette possibilité subsistera naturellement pour les autres. De
plus, cette faculté est étendue à certains aspects de la politique sociale. Au
total, le gain est loin d'être négligeable.
On peut, bien sûr, estimer que tout cela ne va pas assez loin ou pas assez
vite. Mais nous devons être attentifs, en portant de tels jugements, à ne pas
confondre les niveaux d'intégration de l'Europe future.
Le traité de Nice s'appliquera à la grande Europe de vingt-sept Etats membres.
Soyons clairs : pour cette Europe élargie, nous ne pouvons pas viser le niveau
d'intégration que nous pouvions envisager pour l'Europe des Six. Est-ce à dire
que nous devons adopter une conception moins ambitieuse de l'intégration
européenne ? Certainement pas. Mais les avancées futures se feront souvent, au
moins dans un premier temps, avec seulement une partie des Etats membres. Quel
que soit le nom retenu - « groupe pionnier », « avant-garde », « coopérations
renforcées » -, c'est par ce biais que la construction européenne continuera à
s'approfondir.
Ne demandons pas au traité de Nice de réaliser le niveau d'intégration qui
n'est possible, aujourd'hui, qu'avec une partie des Etats membres, car ce n'est
pas son objet. Demandons-lui d'être adapté au niveau d'intégration que l'on
peut raisonnablement escompter pour la grande Europe, qui ira de la Scandinavie
aux Balkans, du Portugal aux Etats baltes. Parallèlement, tâchons de regrouper
autour de la France et de l'Allemagne les pays membres décidés à aller plus
vite et plus loin dans l'intégration. Nous aurons ainsi un cadre général
valable pour tous et, à l'intérieur de ce cadre, une force motrice qui
empêchera la construction européenne de stagner, voire l'Europe de se
diluer.
Le moteur, le levier, le couple franco-allemand est donc plus nécessaire que
jamais au progrès de l'Europe. C'est là qu'est notre vraie responsabilité. Nous
devons engager la réflexion et le dialogue, en n'hésitant pas à sortir des
sentiers battus, à oser, pour voir comment le couple franco-allemand pourrait
se structurer davantage sur le plan politique, afin que les deux pays
parviennent à une vision commune de l'avenir, qui serait une référence capitale
pour l'ensemble des Européens.
(M. Del Picchia applaudit.)
M. Paul Loridant.
Ça, c'est vrai !
M. Hubert Haenel,
président de la délégation pour l'Union européenne.
Le débat sur l'avenir
de l'Union, que le traité de Nice a eu le mérite d'ouvrir peut être l'occasion
de cette réflexion commune - et je souscris tout à fait à ce qu'a dit le
président de Villepin dans sa conclusion - et de ce rapprochement. Je suis
persuadé que nous devons saisir cette occasion.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, quand nous
parlons d'Europe, quand nous approfondissons, quand nous élargissons, ne
perdons jamais de vue, revenons sans cesse, à temps et à contre-temps, sur les
raisons pour lesquelles nous sommes ensemble.
L'Europe que nous voulons ne peut se résumer à l'Europe des marchands et des
banquiers ; elle ne peut se réduire en quelque sorte à des fonctions
matérialistes. L'Europe que nous voulons, c'est l'Europe des hommes et des
femmes, c'est l'Europe communautaire, ce n'est pas une Europe de la
résignation.
L'Europe que nous voulons, c'est une Europe qui ait une âme et qui ait
conscience d'un destin commun d'un avenir commun, et pas seulement d'un passé
commun.
Bâtir l'Europe, monsieur le ministre, mes chers collègues, c'est maîtriser
l'avenir, c'est assurer la place du vieux continent, donc de la civilisation
européenne, et des valeurs qui nous rassemblent dans le vaste monde.
(Applaudissements sur les travées du RPR, de l'Union centriste, des
Républicains et Indépendants et du RDSE, ainsi que sur les travées
socialistes.)
M. le président.
J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la
conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour
cette discussion sont les suivants :
Groupement du Rassemblement pour la République, 46 minutes ;
Groupe socialiste, 38 minutes ;
Groupe de l'Union centriste, 28 minutes ;
Groupe des Républicains et Indépendants, 27 minutes ;
Groupe du Rassemblement démocratique et social européen, 18 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 16 minutes ;
Réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe,
7 minutes.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Hoeffel.
M. Daniel Hoeffel.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je ne puis
m'empêcher de penser, en cet instant, à 1992, au débat sur la ratification du
traité de Maastricht.
M. Paul Loridant.
Eh oui !
M. Daniel Hoeffel.
L'hémicycle était garni, l'atmosphère était passionnée. Aujourd'hui, pour le
traité de Nice, les rangs sont un peu plus clairsemés,...
M. Pierre Fauchon.
Les meilleurs sont là !
(Sourires.)
M. Daniel Hoeffel.
... les passions sont apaisées. J'espère que ce n'est pas le reflet d'une
certaine morosité, d'un désintéressement, d'une indifférence de l'opinion
publique à l'égard de l'Europe !
M. Jacques Machet.
Très bien !
M. Daniel Hoeffel.
Nous ne devons pas, en tout cas nous, au Sénat, y contribuer, nous devons même
les combattre !
MM. Yann Gaillard et Jacques Machet.
Bravo !
M. Daniel Hoeffel.
J'examinerai d'abord brièvement, le traité de Nice et son contexte, je
présenterai ensuite quelques propositions pour l'avenir et je conclurai en
étudiant si c'est par notre « oui » ou par notre « non » que nous apporterons
notre contribution à l'Europe.
Je n'examinerai pas en détail le contenu du traité de Nice : M. de Villepin,
président de la commission des affaires étrangères, l'a analysé avec beaucoup
d'objectivité et de précision, et je dirai d'emblée que je souscris totalement
à ses propos et à ses conclusions, ainsi qu'à celles qu'à présentées, au nom de
la délégation pour l'Union européenne, notre collègue M. Hubert Haenel.
Oui, le traité de Nice est fortement critiqué. Mais tous ceux qui, d'une
manière ou d'une autre, ont été amenés à participer à des discussions au niveau
européen savent que ces jugements doivent être présentés avec beaucoup de
modestie. Bien sûr, pour les uns, ce traité va nécessairement trop loin ; pour
d'autres, il ne va pas assez loin. Mais il faut savoir que l'art des
négociateurs à l'échelon de l'Europe consiste surtout à éviter une rupture et,
au-delà, à éviter d'être considéré comme le responsable de la rupture.
Voilà pourquoi j'accorde volontiers des circonstances atténuantes à ceux qui
ont eu la lourde tâche de conduire la délégation française et de faire en sorte
qu'à Nice on aboutisse à un traité.
Quant au constat sur le contenu du traité de Nice et l'ambiance qui a prévalu
à sa signature, je vois trois éléments plutôt positifs, trois éléments plutôt
négatifs et un point d'interrogation.
Je commencerai par les trois éléments plutôt critiques.
En premier lieu, après Nice, la prise de décision à l'échelle de l'Union
Européenne s'avère plus difficile parce que le nombre de voix nécessaire pour
atteindre la majorité qualifiée a été relevé. Comment ne pas adhérer à
l'analyse de M. de Villepin lorsqu'il dit que les Etats semblent avoir
privilégié les moyens de bloquer une décision plutôt que la capacité d'aller de
l'avant ? Cela reflète la réalité. Le souffle, l'élan, ont été éclipsés par les
calculs.
Deuxième élément plutôt critique que nous avons pu constater : c'est l'état de
tension qui est apparu à Nice, généralement entre les grands Etats et les
petits Etats de l'Union européenne.
M. Ladislas Poniatowski.
Très juste !
M. Daniel Hoeffel.
Comme le débat sur l'Autriche et, maintenant, le référendum irlandais, les
heurts entre grands et petits à Nice ont démontré que tous les partenaires de
l'Union européenne voulaient être respectés et considérés, quelle que soit leur
taille ou l'importance de leur population, comme capables d'apporter, sur le
plan politique, sur le plan historique, sur le plan culturel, quelque chose à
l'Union européenne.
Nous devons, par notre langage et par notre comportement à l'égard des uns et
des autres, veiller à ce que tous puissent se sentir partenaires, qu'il n'y ait
pas de discrimination, et, à cet égard, j'adhère plutôt à ce qu'a dit Mme
Nicole Fontaine devant le Conseil de l'Europe à Strasbourg avant-hier à propos
de l'Irlande - « c'est un message d'alerte qui doit être entendu » - ...
M. Jacques Machet.
Tout à fait !
M. Daniel Hoeffel.
... qu'aux propos du président de la Commission disant que cela n'avait pas
d'importance.
M. Jacques Machet.
Très bien !
Mme Danielle Bidard-Reydet.
C'est vrai !
M. Daniel Hoeffel.
Veillons, sur le plan psychologique, à ce que chacun se sente chez lui dans la
maison commune de l'Europe.
M. Jacques Machet.
Bravo !
M. Daniel Hoeffel.
Troisième élément critique - les présidents de Villepin et Haenel l'ont relevé
-, il y a incontestablement eu des dysfonctionnements dans le tandem
franco-allemand. Ils expliquent les divergences qui sont apparues sur les
questions de la représentation au Parlement européen ou de la pondération des
voix. On peut se demander où sont les partenaires porteurs d'un message fort
qui, au cours des dernières décennies, grâce à cette entente, ont permis à
l'Union européenne de franchir des pas décisifs.
Face à ces éléments critiques, je voudrais relever trois éléments positifs du
traité et de son contexte.
Le premier est la coopération renforcée. Certes, elle ne concerne pas tous les
domaines que l'on aurait pu espérer y voir inclus, mais elle est améliorée.
Elle facilitera un certain nombre d'avancées et permettra à l'Europe de
progresser sans attendre que le dernier de ses membres soit d'accord sur tout.
C'est tout de même important !
M. Jacques Machet.
Très bien !
M. Daniel Hoeffel.
Le deuxième élément positif est la voie ouverte à l'élargissement. C'est un
problème délicat qu'il convient de poser aujourd'hui en termes clairs. En
effet, nous ne pouvons pas, les uns et les autres, quand nous nous rendons en
Europe centrale et en Europe de l'Est, promettre que l'on va accueillir des
Etats à bras ouverts et profiter de chaque occasion pour placer des verrous
visant à retarder ou à empêcher l'entrée de ces Etats dans l'Union !
(MM. de Rohan et Vinçon applaudissent.)
M. Hubert Haenel,
président de la délégation pour l'Union européenne.
Très bien !
M. Daniel Hoeffel.
Nous savons bien que cet élargissement va poser de gros problèmes à l'Union
européenne et qu'il nous imposera davantage de rigueur, de discipline et
d'efforts. Mais si la France ferme la voie à cet élargissement, je vous assure
que certains de nos partenaires sauront, eux, en profiter et occuper le terrain
que nous laisserions vacant.
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et du RPR.)
M. Josselin de Rohan.
Très bien !
M. Daniel Hoeffel.
Cela aussi doit être dit en toute clarté !
Enfin, troisième élément positif, le traité de Nice ouvre la voie au nouveau
chantier institutionnel d'ici à 2004. Qu'est-ce qui facilitera le plus l'accès
à un tel chantier ? Notre « oui » ou notre « non » à la ratification de ce
traité ? Si nous le voulons et si la France s'y engage avec conviction, je suis
persuadé que ce chantier permettra à l'Union européenne de retrouver un nouveau
souffle.
J'en viens à un problème dont nous avons souvent discuté avec Hubert Haenel,
celui de la Charte des droits fondamentaux.
Je voudrais être certain que le fait, pour les quinze pays de l'Union
européenne, d'avoir, par leur appartenance au Conseil de l'Europe, adhéré à la
Convention européenne des droits de l'homme, d'une part, et d'avoir souscrit à
la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, d'autre part,
n'aboutira pas, un jour ou l'autre, à une double jurisprudence sur les droits
de l'homme : celle de la Cour de Bruxelles et celle de la Cour de Strasbourg.
Je ne suis pas persuadé, si tel devait être le cas, que les droits de l'homme
en sortiraient gagnants...
La deuxième partie de mon propos porte sur trois réflexions pour 2004.
D'abord, comment réduire les tensions entre les grands et les petits Etats de
l'Union européenne ? La question mérite d'autant plus d'être posée que
l'élargissement va permettre l'entrée d'Etats de plus en plus petits dans
l'Union européenne. Chacun doit se sentir un membre à part entière, bien
amarré, associé à l'Union.
Voilà pourquoi, sous l'égide de la délégation pour l'Union européenne, nous
avons préconisé la création d'une deuxième chambre européenne, qui serait issue
des parlements nationaux et au sein de laquelle tous les pays, quelle que soit
leur taille, seraient représentés à égalité.
M. Xavier de Villepin,
rapporteur.
Très bien !
M. Hubert Haenel,
président de la délégation pour l'Union européenne.
Tout à fait !
M. Daniel Hoeffel.
Au Parlement européen, les Etats continueraient à être représentés
proportionnellement à leur population.
M. Jacques Machet.
Très bien !
M. Daniel Hoeffel.
Cette deuxième chambre aurait un double avantage. Elle permettait de
revaloriser la situation des petits Etats,...
M. Jacques Machet.
Voilà !
M. Daniel Hoeffel.
... et de donner un ancrage démocratique plus authentique à l'Union
européenne, ancrage qui n'est pas évident en raison du mode d'élection des
parlementaires européens, ainsi qu'un enracinement plus profond dans nos
opinions publiques. A cet égard, cette proposition...
M. Hubert Haenel,
président de la délégation pour l'Union européenne.
Réaliste !
M. Daniel Hoeffel.
... mériterait en toute objectivité d'être analysée dans la perspective de
2004.
M. Xavier de Villepin,
rapporteur.
Très bien !
M. Daniel Hoeffel.
Ma deuxième réflexion porte sur la nécessité de rétablir le dialogue entre la
France et l'Allemagne sur des bases plus ouvertes. A cet égard, tout vient déjà
d'être dit, car, à chaque fois que le tandem franco-allemand ne fonctionne pas
bien, l'Europe rencontre des difficultés et sa progression marque un arrêt.
M. Jacques Machet.
Et pourtant !
M. Daniel Hoeffel.
Au contraire, quand il fonctionne en toute loyauté, l'Europe avance.
J'adhère à la proposition de M. de Villepin de constituer un groupe de travail
permanent. Les sommets formels entre les dirigeants de nos pays ne suffisent
pas. Ils sont certes nécessaires, mais ne privilégions pas la façade par
rapport au contenu. Il faut des rencontres plus simples, plus sobres et plus
spontanées pour progresser dans la résolution des problèmes.
Ce qui vaut pour les relations entre la France et l'Allemagne vaut aussi pour
les sommets européens. Privilégions donc le contenu, l'action, et ne
considérons pas que les grandes rencontres affichées sont suffisantes pour
faire croire à l'opinion publique que les choses avancent.
M. Jacques Machet.
Merci de cette proposition !
M. Daniel Hoeffel.
Ma troisième réflexion est que l'Europe en revienne à des valeurs fondatrices.
Qu'on les qualifie de valeurs démocratiques, de valeurs judéo-chrétiennes ou de
droits de l'homme fondamentaux, si nous oublions ces valeurs fondatrices,
l'Europe ne se construira pas sur des bases solides.
Or, il faut bien le reconnaître, on a surtout parlé à Nice - mais probablement
était-ce inévitable ? - pondération des voix, nombre de sièges, zonage des
fonds structurels, nombre de commissaires, intérêt national et encore intérêt
national, alors que les sujets évoqués lors de la création de l'Union
européenne étaient plutôt la paix, la liberté, la démocratie et les droits de
l'homme,...
M. Jacques Machet.
Oui !
M. Daniel Hoeffel.
... autant de valeurs communes qui ont donné le souffle nécessaire à la
création et au développement de l'Union.
Au contraire, à Nice, l'intérêt européen n'était que le plus petit
dénominateur commun parmi les intérêts nationaux. Comment s'étonner alors que
ces marchandages, certes nécessaires, aient pour conséquence l'apathie, le
désintéressement, l'absentéisme, voire le rejet de la part de nos opinions
publiques ?
Il faut éviter un décalage entre l'Union européenne et les opinions publiques,
pour qui, rappelons-le, le débat institutionnel n'est pas la première priorité.
Ce qui compte surtout pour elles, c'est que l'Europe soit en mesure de répondre
à leurs préoccupations.
M. Jacques Machet.
Oui !
M. Daniel Hoeffel.
Par exemple, l'euro contribuera-t-il, oui ou non, à la stabilité économique ?
L'Europe permettra-t-elle de mieux résoudre les problèmes relatifs à l'emploi,
à l'environnement, à la justice, à la sécurité, à l'immigration, à la
protection des consommateurs ? Les citoyens veulent que l'Union européenne
apporte des réponses concrètes à leurs préoccupations de la vie quotidienne, à
leurs interrogations sur l'avenir.
(Bravo ! et applaudissements sur les
travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et
Indépendants.)
Dès lors, il faut que, d'ici à 2004, il se produise un déclic, sinon l'Union
européenne se diluera. Un « oui » de la France à la ratification du traité de
Nice peut, j'en suis convaincu, y contribuer, alors qu'un « non » fermerait la
porte et affaiblirait le poids de notre pays.
M. Jacques Machet.
C'est clair !
M. Daniel Hoeffel.
Au sujet de l'Europe, il n'est possible de répondre que par « oui » ou par «
non ». Même si je comprends que ceux qui sont à la recherche d'une Europe
idéale - laquelle n'est pas à notre portée - regrettent de ne pouvoir voter «
oui », je suis convaincu que nous nous devons, au Sénat, après avoir pesé les
arguments pour et les arguments contre, nous exprimer en toute clarté et
résolument pour le oui. Voilà pourquoi, tout en étant conscient, comme chacun
d'entre nous, des insuffisances du traité de Nice, je voterai très clairement «
oui », et il en sera de même pour la très grande majorité des membres du groupe
de l'Union centriste,...
M. Jacques Machet.
Bravo !
M. Daniel Hoeffel.
... fidèle à ses convictions européennes de toujours !
M. Jacques Machet.
Merci !
M. Daniel Hoeffel.
Le traité de Nice est certes un petit pas sur la voie de la construction
européenne, mais c'est un pas dans la bonne direction. Si notre vote en faveur
de la ratification peut conduire en 2004 à un grand pas, n'hésitons pas à voter
résolument « oui » !
(Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'Union
centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines
travées socialistes et du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Durand-Chastel.
M. Hubert Durand-Chastel.
« Les pavés des casseurs à Göteborg complètent le message du référendum des
Irlandais : contestée dans les urnes, l'Europe a été déstabilisée par les
violences dans la rue », sous-titrait
Le Figaro
en début de semaine
dernière.
Dans ce contexte peu encourageant, nous sommes appelés à ratifier le traité de
Nice, obtenu à l'arraché par la présidence française le 11 décembre 2000, dans
un climat revendicatif des Quinze qui pouvait laisser présager des difficultés
à venir... Et, de fait, les difficultés sont venues de l'Irlande !
A l'instar de Dublin, chacun des partenaires pourrait prétendre rejeter ce
traité au prétexte qu'il a été conclu sur un maximum de frustrations et un
minimum d'union. Mais il ne faut pas oublier l'objectif essentiel de Nice, qui
était de préparer l'élargissement après l'échec d'Amsterdam en 1998. Or, sur ce
point, l'objectif est atteint, même si les réformes institutionnelles
alambiquées devront être clarifiées à l'avenir, autant pour réussir
l'élargissement que pour approfondir et renforcer cette nouvelle grande Europe
en construction.
Parmi les reproches que je ferai au traité de Nice, le plus dommageable est le
décrochage démographique au profit de l'Allemagne - élargi au Parlement et
introduit au Conseil dans le système de vote à la majorité qualifiée - venant
déstabiliser l'esprit initial de la construction européenne, d'abord fondé sur
l'équilibre franco-allemand et, ensuite, sur celui des trois grandes
puissances, la France, l'Allemagne et la Grande-Bretagne. Ce décrochage est-il
la conséquence ou la cause du grippage actuel dans le couple franco-allemand ?
En tous cas le moteur marche mal. En outre, si le critère démographique devait
dominer tous les autres, il serait légitime de craindre une adhésion future de
la Turquie, pays qui sera d'ici à dix ou à vingt ans le plus peuplé
d'Europe.
Dans les négociations de Nice, on doit regretter que l'esprit national ait
toujours supplanté la volonté d'union, d'où l'impossibilité de plafonner le
nombre des commissaires européens. Les « petits pays » en sortent renforcés,
puisque chacun aura son commissaire, et qu'ensuite il y aura une rotation égale
entre tous les Etats membres. A cet égard, on peut se demander, monsieur le
ministre, si la Commission est toujours une instance supranationale.
Par ailleurs, le vote à la majorité qualifiée en Conseil, étendu à de nouveaux
domaines, est rendu plus complexe, au point d'en annuler les effets attendus
d'accélération des décisions.
Parmi les motifs de satisfaction, je note l'accord sur les droits
fondamentaux, qui traduit une harmonisation appréciable des valeurs
européennes, et l'engagement pour une force d'action rapide, qui tend à
affirmer l'Europe dans l'OTAN. Mais aussi, au récent sommet de Göteborg s'est
dégagée une unité de vue sur la question importante de l'environnement afin de
limiter les émissions de gaz carbonique dans l'atmosphère et a été réaffirmée
la volonté des Quinze de mettre en oeuvre les accords de Kyoto en dépit du
revirement américain.
Cependant, la plupart des domaines de l'Europe Puissance relève toujours de
l'unanimité, comme la fiscalité ou la protection sociale, dont l'harmonisation
serait pourtant susceptible de renforcer l'efficacité économique du vieux
continent face à ses concurrents.
L'Union européenne manquerait-elle d'ambition ? Les difficultés à réformer,
que l'on a connues à Nice, ne cachent-elles pas des dissensions plus graves à
venir quand il s'agira d'adapter le budget européen aux besoins de
l'élargissement, de revoir les politiques communautaires, notamment agricoles
et régionales, en fonction des données nouvelles, d'avancer dans la politique
étrangère et de défense avec vingt-trois Etats membres... Autant de disputes en
perspective, si l'esprit véritablement européen ne resurgit pas dans la tête de
nos dirigeants ! Et comment demander aux peuples d'adhérer et d'accepter
certains sacrifices si la vision politique qu'on leur propose est fade et si
les grandes ambitions sont toujours repoussées au lendemain ?
Les parlements nationaux sont prêts à s'impliquer, encore faut-il leur en
donner l'occasion en les associant davantage aux rouages européens. En effet,
rien ne serait pire que les replis nationaux : sources de conflits, ils ne
contribueraient ni à la prospérité ni à la croissance que nos concitoyens
attendent.
Accompagnant l'arrivée prochaine de l'euro, la ratification du traité de Nice
est pour moi un impératif de soutien à nos représentants, le Président de la
République comme le Gouvernement, qui sont « allés au charbon » dans des
conditions adverses.
Aussi voterai-je cette ratification de raison plus que de passion, en
souhaitant que le traité, qui semble déjà « plombé », voie le jour à la fin de
2002 afin que soient poursuivies d'autres ambitions plus conformes à la vision
que je partage avec beaucoup d'entre nous de l'Europe. Mais sera-t-il possible
de maintenir véritablement ces échéances, monsieur le ministre ?
(Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR
et de l'Union centriste.)
M. le président.
La parole est à M. Poniatowski.
M. Ladislas Poniatowski.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'Europe
suscite certaines craintes, mais aussi beaucoup d'espoir. Nous, Français,
l'avons souvent rêvée, idéalisée. Nous avons plaidé pour une Europe politique,
culturelle et sociale qui ne soit pas seulement un grand marché économique.
Cette vision ambitieuse a longtemps été un moteur de la construction
européenne et doit le rester. Mais elle nous conduit parfois à brûler les
étapes.
Quelle est la place du traité de Nice dans cette construction ?
Le traité de Nice n'est pas une révolution institutionnelle mais il n'est pas
non plus un échec, comme l'ont excellemment démontré MM. Hubert Haenel et
Xavier de Villepin, surtout si l'on considère la difficulté des problèmes
posés.
Les négociateurs du traité d'Amsterdam n'avaient pas réussi à s'entendre sur
la question de la réforme des institutions européennes. La conférence
intergouvernementale de l'année dernière a donc eu à traiter les sujets les
plus épineux.
La France a réussi à concilier des points de vue parfois diamétralement
opposés. Elle a d'autant plus de mérite qu'elle a pris la présidence de l'Union
au milieu de l'année 2000, soit à un moment où les négociations
s'enlisaient.
Il faut bien comprendre que la construction est entrée dans une nouvelle
phase, celle de la maturité. La fuite en avant a longtemps été la règle. A
chaque fois qu'un problème se posait, on créait un nouveau règlement ou une
nouvelle structure.
Chaque pays réussissait plus ou moins à obtenir les dérogations et les aides
communautaires correspondant à ses intérêts nationaux. Quand un nouvel Etat
intégrait l'Union, on lui attribuait des sièges au Parlement de Strasbourg,
sans limiter le nombre total des députés européens.
La perspective de l'élargissement a au moins le mérite de nous montrer que la
fuite en avant n'est plus possible. L'Europe ne pourra pas fonctionner de la
même manière à vingt-sept. Le maintien du vote à l'unanimité risque de
provoquer la paralysie dans de nombreux domaines. Par ailleurs, si les
commissaires et les députés européens sont trop nombreux, le système deviendra
ingérable. Enfin, le budget européen n'est pas extensible à l'infini.
Le traité de Nice apparaît ainsi moins important par son contenu que par sa
nature.
Les Quinze ont en effet accepté d'aborder les « sujets qui fâchent » en
remettant en question leur poids respectif au sein du Conseil, de la Commission
et du Parlement européens. M. Xavier de Villepin nous le rappelait tout à
l'heure : dans ce cadre-là, la négociation ne pouvait qu'être très rude. La
France, là encore, a eu le mérite de créer les conditions d'un accord. Chaque
pays en a payé le prix, mais un prix, je pense, raisonnable.
Le traité, malgré ses limites, ouvre peut-être ainsi une nouvelle phase, celle
de la maturité, du réalisme et de la consolidation européenne. Nous pouvons y
voir un signe d'espoir pour les années à venir.
Il n'en reste pas moins que, sur le fond, ce traité présente un bilan
contrasté. En effet, il comporte des avancées qui sont rarement négligeables,
mais qui ne sont pas toujours très significatives.
Il en est ainsi du nombre de sièges au Parlement européen, qui a été plafonné
à 732 dans le cadre d'une Europe à vingt-sept. C'est bien, car cela permet de
mettre fin à une fuite en avant qui aurait conduit à un Parlement de 800
membres, voire plus. Mais 732, ce n'est plus l'objectif de 700 qu'avait fixé -
vous vous en souvenez - le traité d'Amsterdam.
De même, le traité de Nice prévoit une meilleure organisation de la Commission
de Bruxelles. L'autorité de son président, en particulier, est renforcée. De
plus, le nombre des commissaires devrait être plafonné. Toutefois, l'échéance
de 2005 peut paraître un peu lointaine, et rien ne semble définitivement décidé
pour les années suivantes.
En ce qui concerne le Conseil, il faut noter l'extension du vote à la majorité
qualifiée à une trentaine de nouveaux domaines. Toutefois, il faut également
souligner que l'unanimité reste la règle pour les sujets les plus sensibles
comme la fiscalité, les aides régionales ou la politique sociale.
La question la plus aiguë était celle de la repondération des voix lors du
vote à la majorité qualifiée. Les grands pays ont obtenu une meilleure prise en
compte de leur poids démographique. La France a même réussi à préserver la
parité avec l'Allemagne, alors que celle-ci compte 20 millions d'habitants de
plus.
Ces points positifs sont malheureusement entachés par l'ajout de nouvelles
conditions plus ou moins dérogatoires, comme le « filet démographique » obtenu
par l'Allemagne, qui ont pour résultat de rendre le nouveau système encore
moins lisible que le précédent.
Ce n'est pas ainsi que nous permettrons aux citoyens européens de voir
clairement qui décide quoi et comment !
Enfin, il faut noter un certain assouplissement du dispositif des coopérations
renforcées. Les pays qui souhaitent aller de l'avant dans certains domaines
devraient pouvoir le faire plus facilement. Je considère, moi aussi, que c'est
un élément positif.
Finalement, même s'il l'a fait imparfaitement, le traité de Nice a répondu aux
questions qui lui étaient posées, comme M. Hoeffel l'a très bien rappelé, en
des termes passionnés qui faisaient plaisir à entendre.
Mais ce traité a-t-il pour autant réglé tous les problèmes auxquels est
confrontée l'Europe ? Comme M. Haenel, je dirais : bien sûr que non !
Le traité laisse beaucoup de questions en suspens. Pour permettre à l'Europe
élargie de fonctionner, il se contente d'ajuster le système institutionnel
existant mais sans le remettre à plat.
Pourtant, tout le monde s'accorde à reconnaître la nécessité d'un grand débat
de fond sur l'avenir des institutions européennes.
Le Président de République a ouvert la voie lors de son discours au Bundestag,
le 27 juin 2000. Il a tracé le cadre d'une Europe qui ne se substitue pas aux
Etats et encore moins aux collectivités les plus proches de nos concitoyens. Le
groupe des Républicains et Indépendants soutient tout à fait cette démarche,
qui répond à notre souci d'efficacité, de transparence et de
décentralisation.
Sous l'impulsion de la présidence française, le Conseil européen de Nice a
ainsi adopté une déclaration qui lance une nouvelle réflexion.
Celle-ci doit aboutir, au plus tard en 2004, à une nouvelle réforme
institutionnelle qui abordera des sujets laissés de côté à Nice, tels que la
clarification des compétences entre l'Union et les Etats membres, la
réorganisation des traités et le rôle des parlements nationaux. Cela dit, les
propositions formulées par Xavier de Villepin apportent déjà une excellente
suggestion en la matière.
De nombreuses personnalités françaises et européennes ont déjà exprimé leur
vision de l'Europe de demain. Je note que M. le Premier ministre s'est décidé -
« enfin », je serais tenté de dire - à nous faire part de son point de vue,
notamment dans le domaine institutionnel.
Le groupe des Républicains et Indépendants souhaite, pour sa part, réaffirmer
les principes auquel il est attaché.
Nous considérons notamment que c'est d'une vision commune que découlent des
institutions communes. Réformer les institutions : oui, mais pour quelle Europe
? Les réponses à cette question restent aujourd'hui bien confuses, même après
Nice.
Nous ne pouvons plus faire l'économie d'une réflexion sur l'identité
européenne, un demi-siècle après la déclaration de Robert Schuman. Il s'agit
non pas de réinventer l'Europe, mais de la redéfinir. Que voulons-nous ? Quels
sont les valeurs et les objectifs qui nous unissent aujourd'hui ? Cette
question identitaire est fondamentale pour l'avenir de la construction
européenne, surtout dans la perspective de l'élargissement.
Nous devons également favoriser la construction d'une véritable Europe
politique, qui associe mieux les parlements nationaux - et la création d'un
Sénat européen pourrait constituer une voie intéressante -, mais aussi les
peuples, c'est-à-dire chaque citoyen.
A cet égard, le rejet du traité de Nice par l'Irlande constitue un message
d'alerte que nous devons entendre, surtout venant d'un pays réputé «
pro-européen ».
Bien sûr, il existe sûrement des raisons spécifiques pour expliquer ce vote,
mais nous aurions tort de ne voir dans le « non » irlandais qu'un simple
épiphénomène. Il traduit une insatisfaction qui existe dans touts les Etats
membres, y compris en France. Il met surtout en évidence l'ambiguïté
persistante d'une construction européenne qui se veut au service des peuples
mais se fait largement sans eux.
Les gouvernements européens ne peuvent se contenter de « pirouettes »
juridiques pour permettre l'entrée en vigueur du traité de Nice. Ils doivent
regarder les choses en face et répondre aux préoccupations exprimées par les
électeurs.
La route est donc longue, mes chers collègues, avant d'atteindre les objectifs
ambitieux de la construction européenne. Sur cette route, le traité de Nice
apparaît comme une étape modeste, qui doit nous permettre d'atteindre celle,
plus fondamentale, de l'élargissement.
C'est pourquoi notre groupe votera le projet de loi autorisant la ratification
de ce traité, dans un souci à la fois d'objectivité et de responsabilité.
(Applaudissements sur les travées du RPR et de l'Union centriste, ainsi que
sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Laffitte.
M. Pierre Laffitte.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le groupe du
Rassemblement démocratique et social européen votera de façon unanime la
ratification du traité de Nice. Il le fera certes plus par raison que par
passion. De ce point de vue, je partage l'avis des éminentes personnalités qui
se sont exprimées ; je pense tout particulièrement au remarquable exposé du
président de la commission des affaires étrangères, Xavier de Villepin.
Coopération renforcée, majorité qualifiée pour vingt-neuf dispositions,
renforcement du pouvoir du président de la Commission, amélioration du
fonctionnement de la Cour de justice : d'indiscutables progrès sont
accomplis.
Les conditions de négociation de ce traité étaient difficiles puisqu'il
s'agissait uniquement d'évoquer des sujets qui fâchent. Dès lors, ce qui en est
résulté ne pouvait susciter un enthousiasme débordant, et les médias se sont
empressés de faire le plus large écho aux critiques qui ont accueilli la
signature du traité.
Pourtant, ce traité vaut bien mieux que ce que l'on en a dit.
Je n'évoquerai pas ici les aspects juridiques conflictuels - confédération ou
fédération, etc. - car, à mes yeux, l'essentiel réside dans les pouvoirs
concrets qui vont être conférés à l'Union et, dans le cadre de la subsidiarité,
aux Etats ainsi qu'aux régions.
J'aborderai donc successivement un certain nombre de problèmes, de manière
ouverte, quitte à enfreindre des tabous et à passer pour « politiquement
incorrect ».
Premièrement, quels pouvoirs pour l'Europe unie, dans la réalité d'une
mondialisation croissante, car il est des compétences qu'il faudra bien, d'une
façon ou d'une autre, déléguer à l'Union européenne ?
Deuxièmement, quel pouvoir régional et quelle conception de la subsidiarité
?
Troisièmement, pourquoi l'élargissement et selon quelles modalités convient-il
d'y procéder ? En effet, il ne suffit pas de dire : « Elargissons ! ». Il faut
peut-être aussi examiner les motivations profondes de cet élargissement et les
valeurs sur lesquelles il se fonde.
Enfin, quatrièmement, je soulèverai une question à mon sens fondamentale :
pourquoi l'opinion publique européenne est-elle finalement moins « emballée »
qu'elle ne devrait l'être devant la construction de l'Europe ? Pourquoi, en
particulier, ne considère-t-elle pas les instances représentatives européennes
de la même manière que les organes de la démocratie dans un pays comme la
France ? Selon moi, la raison est en fait très simple : on ne connaît pas les
députés européens ; mais j'y reviendrai.
Dans le contexte actuel de mondialisation, l'Europe a-t-elle suffisamment de
pouvoirs ?
Certes, nous avons progressé considérablement, notamment avec l'euro qui
constitue une avancée phénoménale, à laquelle personne ne pouvait croire voilà
une dizaine d'années. Le jour où l'euro entrera effectivement en circulation,
n'en doutons pas, les populations européennes prendront vraiment conscience que
quelque chose de nouveau se passe. On perçoit d'ailleurs déjà les premiers
frémissements de ce changement.
Il existe une sorte de dogme, celui d'une Europe ultra-libérale, fondée sur
une conception pure et dure du libre échange. Comme s'il n'y avait pas d'autres
ensembles de pays où l'on se fait volontiers le héraut du libre-échangisme,
tout en mettant d'ailleurs des entraves à la libre circulation des marchandises
et des capitaux !
Maurice Allais, prix Nobel d'économie, qui passe à tort pour un anti-européen
convaincu considère que l'Europe devrait avoir une politique industrielle. Or,
à Bruxelles, parler de politique industrielle est très mal vu.
M. Paul Loridant.
Hélas !
M. Pierre Laffitte.
Mais une région du globe qui a affirmé à l'unanimité, à Lisbonne, sa volonté
de devenir l'ensemble le plus important sur le plan économique et, par voie de
conséquence, sur le plan politique, peut-elle ne pas faire ce que font les
Etats-Unis, le Japon, la Chine, bref toutes les grandes puissances,
c'est-à-dire définir une politique industrielle et financière, une politique de
défense et une politique étrangère ?
Pour ma part, j'estime que ces trois domaines sont ceux qui doivent échapper à
la subsidiarité.
Je sais qu'il s'agit là d'un tabou, je sais que je choque, mais il me paraît
nécessaire de soulever le problème. Et, en disant cela, je ne fais le procès ni
du traité de Nice ni des traités antérieurs.
Au demeurant, on peut constater que, petit à petit, les choses avancent. Je
pense, en ce qui concerne l'industrie, à la constitution de groupes comme EADS.
Je songe aussi à la création du corps d'intervention rapide au sein de
l'OTAN.
Je rappelle d'ailleurs que la politique militaire européenne était, au temps
des pères fondateurs, regardée comme un domaine prioritaire. Au demeurant, il
ne peut en être autrement dès lors que l'on veut tenir un rôle dans le
monde.
M. Jacques Machet.
Bien sûr !
M. Pierre Laffitte.
Deuxième tabou : les pouvoirs régionaux.
Bien sûr, selon les pays, les régions n'ont pas du tout les mêmes pouvoirs.
Quand on voyage régulièrement en Allemagne, comme c'est mon cas depuis un
certain temps, on finit par s'apercevoir que les vrais responsables des
questions scientifiques ou économiques, par exemple, se situent plus souvent à
l'échelon des
Länder
qu'à l'échelon fédéral. Pour la Bavière, la
Rhénanie-du-Nord - Westphalie ou le Bade-Wurtemberg, le pouvoir économique se
situe à Munich, à Düsseldorf ou à Stuttgart, et non pas à Bonn ou à Berlin. Et
cela vaut dans bien des domaines.
En France même, actuellement, les présidents de région, présidents de droite
et de gauche pour une fois réunis, souhaitent plus de moyens financiers, plus
d'autonomie, de manière à gérer le plus possible à proximité. La subsidiarité,
ce n'est rien d'autre que cela.
Nous avons, à propos du fonctionnement de l'Europe, remis ce mot à l'honneur,
mais sans qu'il ait jamais véritablement donné lieu à un débat public. Si vous
parlez de subsidiarité dans nos villes et dans nos villages, comme il m'arrive
de le faire, on vous regarde avec des yeux ronds ! « La subsidiarité...
Qu'est-ce que c'est ? »
(Sourires.)
Certains de ceux qui ont fréquenté
le catéchisme connaissent vaguement l'acception religieuse du mot...
Mais quand on explique que la subsidiarité consiste à déléguer les décisions à
un pouvoir situé au plus près de ceux que ces décisions concernent, de ceux à
qui elles s'appliquent, tout le monde comprend... et approuve !
Sans doute est-ce un moyen, parmi d'autres, de convaincre les citoyens que
l'Europe c'est mieux qu'un Etat trop jacobin. Je pense qu'il y a là une
majorité d'idée prête à se constituer et dont il faut encourager
l'émergence.
La subsidiarité n'est-elle pas déjà inscrite dans le sentiment que chacun a de
son identité ? Un Catalan, par exemple, se sent-il d'abord Catalan, puis
Espagnol et enfin Européen ? Je n'en suis pas si sûr ! Je suis même convaincu
que beaucoup de Catalans se sentent d'abord Catalans, puis Européens et enfin
Espagnols. Et l'on pourrait se poser la même question pour les Corses, les
Ecossais...
M. Hubert Haenel,
président de la délégation pour l'Union européenne.
Les Alsaciens !
(Sourires.)
M. Pierre Laffitte.
Allons encore plus loin dans les tabous. Est-ce que, au Luxembourg, en
Finlande, en Estonie, en Irlande, il y a plus d'habitants qu'en Rhône-Alpes, en
Provence ou en Bavière ? Non !
Ce sont là des questions que les populations sont en droit de se poser, et
qu'elles se posent. C'est une des raisons pour lesquelles il faudra en venir à
parler de l'Europe des régions.
La question de l'élargissement est, elle aussi, un tabou. Bien sûr, il faut
élargir l'Europe ! Mais peut-être convient-il d'expliquer d'abord pourquoi.
La raison principale tient à l'histoire et à la culture. Voilà bien longtemps,
en particulier grâce aux moines irlandais, s'est constituée l'Europe
monastique, qui a tissé un réseau dense de relations. Ce fut ensuite aux
bâtisseurs de cathédrales de parcourir l'Europe. Plus près de nous, la
Révolution française a essaimé les idées nouvelles jusque dans les plaines
russes, où même les armées de Napoléon étaient parfois considérées comme des
messagères de la liberté. Encore plus près de nous, il y eut le mot fameux : «
L'Europe de l'Atlantique à l'Oural ».
Cette légitimité en quelque sorte historique de l'élargissement, peut-être
serait-il nécessaire de la populariser.
L'élargissement peut néanmoins susciter aussi quelques inquiétudes quand on
songe aux problèmes que la réunification de l'Allemagne a posés, notamment en
termes de coût. De fait, aujourd'hui encore, le mur invisible des mentalités
entre les
Ossis
et les
Wessis
subsiste. Les dernières élections
qui se sont déroulées à Berlin l'ont bien montré. C'est pourquoi il me paraît
nécessaire de réfléchir à la façon dont nous pouvons aider les pays qui veulent
entrer dans l'Europe. Et il ne s'agit pas de les entendre les uns après les
autres, comme dans un confessionnal !
Certes, ces pays sont très différents, mais certains regroupements partiels,
du type de l'ancien Benelux - il y a eu aussi le COMECON, mais celui-ci était
clairement placé sous domination - pourraient leur permettre de mieux se
préparer au choc considérable que vont connaître leurs économies.
Je crains en effet que, faute de précautions, ce choc ne provoque, dans les
populations considérées, une certaine résistance à l'idée européenne et, en
même temps, une poussée vers les extrémismes, de droite ou de gauche, comme il
s'en est produit dans certain
Lander
de la partie orientale de
l'Allemagne.
Dernier point : faire comprendre l'Europe par l'opinion publique. Faut-il
laisser la totalité du pouvoir d'information aux médias et à la presse ? Dans
un pays comme la France, par exemple, les parlementaires nationaux, les députés
ou les sénateurs, sont bien connus par leurs électeurs, ne serait-ce que parce
qu'ils leur rendent régulièrement des comptes et qu'ils assurent, chaque
semaine, des permanences dans leur circonscription. On a beau dire que la
population n'aime plus ses représentants. En général, certes, elle rejette en
bloc les hommes politiques, mais elle aime bien ceux qu'elle connaît, et je
crois que très peu de parlementaires se heurtent à une hostilité dans leur
circonscription.
Or, qui connaît un parlementaire européen dans une circonscription ? La
circonscription, c'est la France ! A mon sens, le modèle électoral est
inadapté. Je crois qu'il faudrait organiser des élections à l'échelon des
régions et que, même à ce degré, on pourrait s'inspirer du Bundestag en
instituant un scrutin, pour partie majoritaire et pour partie proportionnel.
Je ne prétends pas que ce sera facile à faire, mais, quand le nombre de
parlementaires français sera réduit de quatre-vingt-sept à soixante-douze dans
une Europe élargie, le moment sera sans doute venu de choisir dans chaque
grande région quatre ou cinq personnalités averties des réalités qui pourront
vraiment relater ce qui s'y passe et dire quels sont les problèmes qui se
posent, au lieu de laisser courir les rumeurs.
On parle du loup européen ; c'est un grand méchant loup ! Si je parle du loup,
c'est parce que certains attribuent la présence des loups dans mon
département... à l'Europe et aux écologistes ! Les propriétaires de brebis
égorgées sont donc, logiquement, anti-européens.
(Sourires.)
Cela mérite véritablement de donner une explication à laquelle, pour le
moment, les parlementaires ne sont pas tenus. C'est un problème de fond, un
problème tout à fait majeur.
De même, la proposition du Sénat de créer une deuxième chambre européenne me
semble judicieuse. Je suis, pour ma part, convaincu des vertus du bicamérisme.
Ce Sénat européen serait une tribune pour promouvoir l'Europe. L'expérience
nous a appris, en effet, que les médias n'ont pas la volonté de faire une
explication continue, systématique, pour montrer et accompagner la naissance
d'une démocratie.
M. Hubert Haenel,
président de la délégation pour l'Union européenne.
Vous avez raison ! Il
faut faire de la pédagogie !
M. Pierre Laffitte.
Et une démocratrie a besoin d'une âme qui soit perçue par l'ensemble de la
population.
(Applaudissements sur les travées du RDSE, de l'Union centriste,
du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président.
La parole est à Mme Bidard-Reydet.
Mme Danielle Bidard-Reydet.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, depuis le 5
juin, date de la discussion de ce projet de loi de ratification à l'Assemblée
nationale, deux événements importants se sont déroulés, qui renforcent encore
le sentiment de malaise à l'égard de la présente construction européenne,
notamment à l'égard du traité de Nice dont nous discutons aujourd'hui.
En premier lieu, l'Irlande a dit non. Seul peuple à avoir été consulté
directement, les Irlandais ont rejeté pour des raisons fort diverses un traité
jugé, d'une part, trop timide face aux nécessités fédéralistes pour les uns,
d'autre part, sans rupture avec la logique financière pour les autres.
En second lieu, le sommet de Göteborg a, une nouvelle fois, symbolisé la
coupure entre les dirigeants européens et les préoccupations populaires. Si
nous refusons tous - j'en suis convaincue - les violences qui se sont déroulées
en Suède - et cela, quelle qu'en soit l'origine - ces événements ne doivent pas
masquer la forte mobilisation populaire qui a, une nouvelle fois, marqué un
sommet européen.
Le fait est là : sur fond d'inquiétude, la mobilisation monte contre une
Europe qui ne répond pas aux attentes de justice sociale et de solidarité.
Lors du traité de Nice, deux questions essentielles ne furent abordées que de
manière marginale.
Comment, tout d'abord, démocratiser l'Europe ? Comment permettre aux peuples
européens de peser sur les choix ?
N'existe-t-il ensuite qu'un seul modèle de construction européenne ? La pensée
unique serait-elle incontournable en la matière, empêchant tout refus des
dogmes libéraux qui prévalent toujours et encore aujourd'hui ?
Ces interrogations me paraissent d'autant plus pertinentes quand je lis le
projet européen présenté par M. le Premier ministre le 28 mai dernier.
Je partage nombre d'objectifs affirmés à cette occasion. Oui, il faut un
projet de société pour l'Europe. Oui, il faut un gouvernement pour contrer la
toute-puissance de la Banque centrale européenne. Oui, il faut axer l'Europe
sur la solidarité sociale. Oui, il faut des services publics forts et
efficaces. Oui, il est clair que la culture n'est pas une marchandise.
Nous partageons également l'idée d'une participation plus grande des
Parlements nationaux ; comme l'a indiqué le Premier ministre, nous voulons «
faire l'Europe sans défaire la France ».
Toutes ces intentions sont louables.
Mais qu'est-il proposé, qu'est-il fait pour « réorienter la construction
européenne », conformément à l'accord conclu le 29 avril 1997 entre les partis
de la majorité gouvernementale ?
Le décalage entre les intentions et la réalité de la marche de l'Europe vers
le libéralisme le plus absolu est frappant.
Qu'est-il proposé concrètement pour modifier les statuts de la Banque centrale
européenne, indépendante du contrôle populaire, mais sous la coupe des marchés
financiers ? Quand sera remis en cause le pacte de stabilité budgétaire, qui
bride la croissance au profit d'une politique monétariste, laquelle ne place
pas l'emploi au coeur des préoccupations ?
On le voit bien : aujourd'hui comme hier, face aux aspirations légitimes à une
redistribution plus juste des richesses, la Banque centrale européenne, qui,
seule, décide des politiques salariales européennes - notamment -, brandit les
critères européens.
C'est en leur nom que l'on justifie la faiblesse de l'augmentation du SMIC.
Revaloriser fortement les salaires serait pour la Banque centrale européenne
une hérésie. L'inflation censée en résulter est diabolisée.
La résorption du chômage, l'objectif du plein-emploi affiché au sommet de
Lisbonne, en mars 2000, apparaissent déjà loin. Comment ne pas voir, en effet,
la contradiction majeure entre cette volonté, qui est celle du Premier
ministre, et l'affirmation de la libre concurrence, principe fondateur et
élément clé du traité de Maastricht ?
Comment soutenir des services publics forts et fermer les yeux, ou presque,
devant l'offensive de M. Bolkestein, le commissaire européen qui mène
l'offensive contre la spécificité française symbolisée par les services
postaux, EDF, Gaz de France ou la SNCF ?
Enfin, pour conclure sur cette question du projet européen et du décalage
entre les intentions et les actes, je souhaite évoquer la question de la
coopération et de l'aide au développement.
Alors que l'Afrique s'enfonce dans une crise terrible, illustrée par la
propagation du sida, alors que l'immense majorité de l'humanité souffre, cette
Europe reste repliée sur elle-même, centrée sur le développement des richesses
pour une infime minorité, au détriment d'une véritable politique de
développement, notamment en faveur des pays du Sud.
La réalité, c'est la baisse de l'aide publique dans onze Etats sur quinze, y
compris la France. La réalité, c'est le refus constant d'une taxe dite « taxe
Tobin » sur la circulation des mouvements de capitaux, au profit des pays
pauvres.
L'ONU, il est vrai, vient de s'engager plus fortement dans ce domaine pour
accroître son aide, et je pense que c'est une décision juste et réaliste.
La responsabilité de l'Europe est historique sur ce point essentiel pour
l'avenir de tous les êtres humains, et même si ce dossier n'était pas à l'ordre
du jour du sommet de Nice, préoccupé essentiellement par la définition des
rapports de force internes, de l'Union, il reste absolument fondamental.
Le sommet de Nice fut pourtant l'occasion d'une grande manifestation, venue
rappeler aux participants l'ensemble de ces exigences de progrès social, de
solidarité, d'humanité et du désir d'être respecté.
Le sommet de Nice, les négociations interminables n'ont pas amélioré l'image
de l'Europe. La discussion sur la nouvelle pondération des voix dans la
perspective de l'élargissement, pourtant si importante, a pris des allures de
négociation de marchands de tapis. Quel écart entre la mobilisation exprimant
les préoccupations quotidiennes et le débat institutionnel, incompréhensible
pour la quasi-totalité de la population !
Ainsi, la technicité de la construction européenne constitue l'un des éléments
importants expliquant l'inquiétude des peuples.
Cette technicité débouche d'ailleurs parfois sur des choix contradictoires au
sein d'un même article. La renégociation d'un article important du traité,
l'article 133, qui concerne la politique commerciale commune, constitue un bon
exemple à cet égard.
Le traité de Nice a, par exemple, étendu dans ce domaine la majorité qualifiée
pour les accords relatifs aux services ainsi qu'aux aspects commerciaux de la
propriété intellectuelle, ce qui présente, à notre avis, des risques réels.
En revanche, et c'est un point positif, relèvent toujours de l'unanimité,
selon ce même article, les accords concernant la culture, l'éducation et la
santé, cette disposition ayant été maintenue à la demande de la France.
Le débat sur l'extension de la majorité qualifiée fut l'un des temps forts de
la négociation du traité de Nice, et nous nous félicitons du rejet, à cette
occasion, de la généralisation de cette règle.
Dans le même temps, - et cela démontre la complexité de cette question - la
règle de l'unanimité peut être utilisée au détriment d'avancées sociales,
s'agissant notamment des accords relatifs à la fiscalité.
La Grande-Bretagne, qui soutient l'idée libérale de la moindre taxation, voire
de l'absence de taxation des entreprises, a d'ailleurs souhaité le maintien de
l'unanimité.
Nous estimons que l'intervention des peuples peut permettre de réorienter
l'Europe. Encore faudrait-il que l'espace d'expression, d'intervention soit
élargi. En effet, le traité de Nice n'a pas - bien au contraire ! - apporté le
moindre début de solution au « déficit démocratique ».
Par exemple, alors que l'élargissement est programmé, les Quinze ont décidé
d'étendre le dispositif de coopération renforcée à de nouveaux secteurs.
Cette pratique permet à un petit nombre d'approfondir l'intégration européenne
pour « favoriser la réalisation des objectifs de l'Union ». Le nombre
nécessaire à la mise en oeuvre de ces coopérations renforcées a été réduit à
huit alors que, selon le mode de calcul actuel, il aurait dû passer à quatorze
dans le cadre de l'Europe des vingt-sept.
Ces coopérations peuvent, suivant leurs objectifs et leur contenu, servir des
intérêts diamétralement opposés. Elles peuvent, en effet, permettre de
satisfaire différents besoins des populations ou être utilisées, au contraire,
comme levier de blocage pour freiner toute évolution allant dans ce sens.
L'extension de la procédure de coopération renforcée ne risque-t-elle pas de
favoriser la constitution d'une Europe à deux, voire à trois ou à quatre
vitesses ?
C'est un aspect fort de Nice : la volonté des plus puissants, en particulier
de l'Allemagne, d'affirmer leur
leadership
dans la future grande Europe.
Le débat entre la France et l'Allemagne forte de 80 millions d'habitants n'est
d'ailleurs pas passé inaperçu.
Même si la France, appuyée par un certain nombre de petits pays, a pu
résister, il n'en demeure pas moins que l'Allemagne sort renforcée de ce
sommet. Avec le changement du nombre de députés dans le futur Parlement
européen, l'Allemagne conserve ses quatre-vingt-dix-neuf sièges, alors que la
France, le Royaume-Uni et l'Italie descendent à soixante-douze sièges.
Aussi bien dans le calcul du nombre de voix au Conseil européen que dans le
nombre d'élus au Parlement, notre puissant voisin obtient un réel succès.
Ce facteur démographique interviendra, si le traité de Nice entre en vigueur,
pour favoriser le blocage ou l'adoption d'une décision du Conseil. Cette
dernière, pour ne pas être contestée, doit s'appuyer sur l'accord de pays
représentant au moins 62 % de la population de l'Union.
La volonté existait également de faire prévaloir ce facteur démographique pour
la constitution de la Commission européenne. Finalement, chaque pays, petit ou
grand, ancien ou nouveau, aura son représentant, ce qui nous paraît beaucoup
plus juste.
Sur le plan du fonctionnement démocratique de l'Union, nous nous félicitons du
progrès, même modeste, que constitue l'extension de la procédure de codécision
qui associe étroitement le Parlement européen aux décisions de la
Commission.
Nous le voyons, le bilan des discussions de Nice est pour le moins contrasté.
Ce traité devait constituer un pas de plus vers l'intégration européenne, mais
celle-ci est freinée par l'expression de contradictions internes, nées, pour
une bonne part, du mécontentement et de l'inquiétude de l'opinion publique
européenne. Le traité de Nice ne soulève pas l'intérêt général et j'insisterai
sur l'absence du moindre progrès sur le plan du droit à l'intervention des
peuples.
Alors que nous examinions, la semaine dernière, ici même au Sénat, les moyens
de débattre dans de meilleures conditions des normes européennes, en
réfléchissant à la possibilité d'améliorer le pouvoir de participation des
parlements nationaux à la construction européenne, les traités se succèdent
sans aborder cette question cruciale de la participation des peuples. Dès 1992,
mon groupe, à l'occasion du débat sur Maastricht, soulignait « la nécessité de
construire l'Europe pour les peuples et non pas contre les peuples ». Cette
formule me semble toujours d'actualité.
N'est-il pas étonnant d'entendre le président de la Commission, M. Romano
Prodi, minimiser le vote des Irlandais ? N'est-ce pas le meilleur moyen de
conduire ce peuple à se sentir méprisé, à maintenir son opposition, et à faire
échouer ainsi le sommet de Nice et les perspectives d'élargissement ?
Notre groupe a longuement discuté sur ce sujet et sur la position à adopter,
et aucune position unanime ne s'est dégagée. Nous avons toutefois choisi, à la
majorité, de nous abstenir malgré nos critiques assez fortes, car nous sommes
favorables à l'élargissement et nous refusons de fermer la porte aux Etats qui
souhaitent rejoindre l'Europe. Certains d'entre nous ont cependant choisi de
voter contre, et nos amis du Mouvement des citoyens, le MDC, présenteront tout
à l'heure une motion tendant à opposer l'exception d'irrecevabilité.
Chers collègues, l'Europe, telle qu'elle se construit, reste lourde de dangers
quant aux choix qui sont les siens, notamment en matière économique et sociale.
Cependant, des peuples européens voient leur salut dans leur adhésion. Il
serait donc injuste de les priver de cette espérance.
Nous comptons sur tous les peuples pour faire avancer l'Europe et la
bousculer. Nous avons besoin d'Europe, mais d'une autre Europe.
Notre vote est une marque d'espoir, de solidarité et de paix pour des milliers
d'hommes et de femmes. Nous espérons que la France et les Européens ne les
décevront pas.
(Applaudissements sur les travées du groupe communiste
républicain et citoyen.)
M. le président.
La parole est à M. Estier.
M. Claude Estier.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, après
plusieurs des orateurs qui m'ont précédé à cette tribune ce matin, je
rappellerai d'abord qu'au lendemain de l'accord sur le traité de Nice les
réactions se sont multipliées pour fustiger les décisions qui avaient été
prises et le rôle de la présidence française. Mais quelques mois ont passé, et
ces premières impressions, qui étaient en grande partie infondées, s'estompent
au profit du débat déjà largement lancé sur l'avenir de l'Union européenne,
débat qui est nourri de propositions et de réflexions faites au plus niveau
dans différents pays, et nous ne pouvons, pour ce qui nous concerne, que nous
féliciter de cette volonté de redonner du souffle à la construction
européenne.
Face aux critiques, nous avions estimé alors que le traité de Nice était le
meilleur texte, ou le moins mauvais, que l'on pouvait obtenir, compte tenu du
peu de concessions que chaque Etat membre était prêt à faire. La présidence
française a fait tout son possible afin qu'un accord honorable soit atteint et
pour que tout risque de crise majeure soit évité.
Les résultats obtenus à Nice reflètent, en effet, un équilibre difficile entre
des intérêts nationaux, souvent contradictoires ; étant donné l'âpreté des
négociations, et avec le recul, les critiques adressées à la présidence
française paraissent, aujourd'hui plus encore, injustifiées.
Nous considérons que le Gouvernement français a rempli la mission que lui
avait confiée le Parlement dans un article 2 ajouté à la loi de ratification du
traité d'Amsterdam.
N'oublions pas que le traité de Nice était d'abord destiné à garantir
l'efficacité des institutions et de la prise de décision européennes pour une
Europe élargie à vingt-sept membres.
Comme j'ai eu l'occasion de le dire lors du premier débat sur le traité de
Nice qui a eu lieu au Sénat le 14 décembre dernier, le fait que, sur les
questions institutionnelles restées en suspens après le traité d'Amsterdam, des
solutions aient pu être trouvées, même incomplètes, même imparfaites, doit
suffire pour que, comme vous l'avez dit, monsieur de Villepin, nous
considérions le verre à moitié plein plutôt qu'à moitié vide.
On a déjà rappelé les points positifs de ce nouveau traité.
Je reviendrai, d'abord, sur le plan institutionnel.
Une modification de la pondération des voix devrait assurer un meilleur
équilibre entre les Etats membres et donc plus de démocratie, avec la prise en
compte du poids démographique des Etats membres.
Une extension du vote à la majorité qualifiée introduit de réels progrès
puisque trente-cinq nouveaux domaines sont concernés ; mais elle reste
insuffisante, l'unanimité ayant été maintenue pour les domaines sensibles de la
fiscalité ou de la sécurité sociale. D'ailleurs - notons-le au passage car ce
n'est pas négligeable -, la France a pu préserver ainsi son « exception
culturelle », ce qui était pour nous tout à fait primordial.
Le débat sur une meilleure répartition des compétences respectives de l'Union
et des Etats membres devrait contribuer à lever les réticences à l'évolution du
champ d'action de l'Union, que les négociations à Nice ont révélées ; si ce
travail n'est pas fait, les Etats membres continueront d'invoquer la
préservation de leurs intérêts nationaux dans de futures négociations, ce qui
sera extrêmement difficile dans une Union élargie à vingt, à vingt-cinq ou à
vingt-sept membres.
Nous regrettons cependant que les Etats membres n'aient pas choisi de
renforcer la collégialité de la Commission européenne par une dissociation
entre le nombre de commissaires et le nombre d'Etats membres. Cela aurait eu le
mérite de favoriser la défense de l'intérêt communautaire dans le jeu
institutionnel. Nous devrons veiller, à l'avenir, à ce que cette situation ne
conduise pas à ce que l'on pourrait appeler une nationalisation pure et simple
de la Commission. Il est nécessaire de progresser sur ce dossier.
Le traité de Nice est aussi allé au-delà des questions institutionnelles
restées en suspens dans le traité d'Amsterdam, avec l'assouplissement de la
procédure de coopération renforcée. C'est l'un des apports essentiels de ce
traité, même si la défense n'est finalement pas concernée. Dans ce domaine, les
Etats membres ont d'ailleurs réalisé une avancée majeure, ce qui a permis à la
présidence française de proposer, dès Nice, l'inscription dans les traités du
dispositif institutionnel d'une capacité européenne de défense.
Sur le plan de l'affirmation de nos valeurs communes, quelques avancées sont à
souligner.
Nous nous félicitons de l'inscription dans l'article 7 du traité d'un
dispositif qui vise à prévenir les violations des droits de l'homme, confirmant
l'attachement de l'Union européenne aux valeurs de la démocratie, de la liberté
et de l'Etat de droit.
M. Guy Penne.
Bravo !
M. Claude Estier.
Avec la proclamation de la Charte européenne des droits fondamentaux, ce sont
les droits économiques et sociaux des citoyens européens et des ressortissants
de pays tiers en situation régulière qui sont enfin reconnus au titre de
l'Union européenne. Nous regrettons pourtant - nous ne sommes pas les seuls, je
crois - que cette charte n'ait pas pu être incluse dès le Conseil européen de
Nice dans le préambule du traité. Nous réitérons aujourd'hui ce souhait, et
nous devons envisager sérieusement, dès à présent, que ce texte puisse faire
partie, à terme, d'une Constitution européenne dont la Charte serait
concrètement le premier jalon. Cette charte est bien une pièce majeure de
l'édification de l'Europe politique, parce qu'elle constitue un texte
identitaire de référence rassemblant les valeurs communes qui doivent souder
les citoyens européens autour de ce qu'est aujourd'hui la civilisation
européenne.
Enfin, je voudrais rappeler l'adoption d'une déclaration sur les services
publics dont l'intérêt est de défendre l'adaptabilité des services d'intérêt
général dans un monde où l'environnement économique, scientifique et
technologique connaît des évolutions rapides, ainsi que la viabilité économique
de ces services.
Toutes ces dispositions vont bien dans le sens de l'Europe que nous défendons
et que nous avons toujours défendue.
Ce qui est aussi essentiel à nos yeux, c'est que ce nouveau traité ait permis
de lever l'obstacle institutionnel à la poursuite du processus d'élargissement
dont le caractère irréversible a été confirmé par les quinze Etats membres lors
du récent Conseil européen de Göteborg. Il permet également d'améliorer la
manière dont les quinze Etats membres décident ensemble. Il permet, enfin, que
s'engage l'étape suivante, c'est-à-dire le débat sur l'avenir de l'Union et sur
les réformes qui seront nécessaires pour que se poursuive le projet
européen.
Nous devons désormais nous attacher à nourrir le débat qui s'est ouvert sur
l'avenir de l'Union. La déclaration relative à l'avenir de l'Union annexée au
traité inaugure entre les Quinze une nouvelle période de réflexion, à laquelle
sont déjà associés les pays candidats. Dès cette année, un large débat doit
s'ouvrir dans les Etats membres pour aboutir à une nouvelle Conférence
intergouvernementale en 2004.
Le débat sur l'avenir de l'Union doit être abordé, pour nous, selon trois axes
forts de réflexion.
Nous devons, avant toute chose, réfléchir au sens et aux objectifs que nous
voulons donner à la construction européenne et nous interroger sur l'Europe que
nous voulons pour les générations futures. C'est un préalable à toute réflexion
sur la forme et l'architecture future de l'Union européenne. Nous devons nous
attacher à donner chair à son contenu en nous interrogeant sur le modèle de
société que nous voulons défendre et développer et sur les politiques que nous
voulons mener ensemble. L'Europe véhicule d'ores et déjà un modèle de société
fondé sur le progrès économique et la cohésion sociale, sur des valeurs
communes et sur le respect et la promotion de la diversité des cultures.
Renforcer ce modèle, c'est clairement, pour nous, prôner une intégration plus
poussée, qui nous paraît être conforme à la logique de la construction
européenne.
Cependant, comme l'a souligné le Premier ministre dans son discours sur
l'avenir de l'Union, nous ne pouvons concevoir d'intégration européenne sans
solidarité, dont elle est le fondement. Cette volonté, cette nécessité même est
incompatible avec toute tentation, qui pourrait saisir certains Etats membres,
de se désengager des politiques menées en commun.
Nous considérons, enfin, que la volonté de mieux concilier et de réconcilier
niveau européen et niveau national passe par la promotion d'une fédération
d'Etats-nations, dont une constitution définirait et clarifierait les valeurs,
les compétences et le fonctionnement, et qui serait fondée sur un triangle
institutionnel renforcé afin de favoriser à la fois responsabilité et
efficacité.
Avant de conclure, mes chers collègues, je souhaite faire part de deux
préoccupations, qui ont d'ailleurs déjà été exprimées par les orateurs
précédents.
La première concerne les relations franco-allemandes. Parce que nous
considérons que leur entente reste indispensable à la réussite du projet
politique européen, l'Allemagne et la France ne peuvent se permettre de
s'affronter sur la légitimité des politiques communes ; elles doivent donner
l'exemple de la solidarité communautaire.
Je crois savoir qu'un rapprochement significatif des deux pays est en cours,
qui doit leur permettre de constituer une fois encore, dans les prochains mois,
une force commune de proposition pour l'avenir de l'Union.
La seconde préoccupation est alimentée, bien entendu, par le vote négatif des
Irlandais au référendum sur le traité de Nice. Nous ne pouvons ignorer le
problème posé par ce vote. Il est une illustration du décalage qui existe entre
la perception qu'ont les opinions publiques de l'Union, les orientations que
les Etats membres lui tracent et les résultats réels de son action.
Au-delà d'un débat institutionnel, naturellement indispensable mais souvent
trop complexe pour les opinions publiques, celles-ci attendent de l'Europe des
réponses concrètes à des problèmes concrets.
Ces réponses existent, mais elles ne sont pas toujours bien mises en lumière.
Cela devrait nous conduire, nous parlementaires, mais aussi les médias, qui ne
font pas toujours le travail d'information nécessaire, à accomplir un véritable
effort pour rapprocher les citoyens de l'Union.
A cette fin, on ne peut que souligner l'intérêt d'une Convention pour préparer
la Conférence intergouvernementale de 2004. Elle permettrait d'assurer en
particulier une représentation substantielle des parlements nationaux et de la
société civile, comme cela a été fait pour la Charte des droits
fondamentaux.
Plus généralement, les parlements nationaux doivent sur ce point être
davantage associés aux travaux communautaires ; je crois que nous sommes tous
d'accord. C'est bien à nous, parlementaires, que revient pour l'essentiel ce
rôle de rapprochement des citoyens de l'élaboration des politiques européennes
et de l'évolution de la construction communautaire, en particulier dans la
phase initiale du débat sur l'avenir de l'Union.
C'est selon cette idée que le Premier ministre a proposé de réunir le
Parlement européen et les parlements nationaux en un congrès qui débattrait
chaque année de l'état de l'Union et s'assurerait du respect du principe de
subsidiarité. Cette proposition me paraît équilibrée ; elle est fondée sur le
principe du renforcement des institutions et sans doute plus rapidement
réalisable que la création de nouvelles instances.
Aujourd'hui, la réussite du projet politique européen dépend pour beaucoup
d'une implication substantielle des citoyens européens aux décisions
communautaires. Les propositions de modification du mode de scrutin européen et
de politisation du président de la Commission européenne vont bien dans le sens
d'un renforcement du lien entre politique européenne et politique nationale, et
tout simplement de la démocratie européenne.
Le traité de Nice a permis de réaliser un pas dans la bonne direction. Malgrés
ses insuffisances, il a pour mérite d'améliorer l'efficacité et le caractère
démocratique du dispositif institutionnel, ouvrant ainsi véritablement la voie
à l'élargissement.
J'ai la nette impression, comme je l'ai dit en introduction, que le
scepticisme, pour ne pas dire plus, qui a suivi le Conseil européen de Nice,
laisse désormais la place aux prémices d'un débat constructif sur l'avenir de
l'Union, auquel nous devons aujourd'hui consacrer nos efforts.
Le vote du Parlement français, le Sénat devant se prononcer aujourd'hui, après
l'Assemblée nationale qui a voté ce texte à une forte majorité, nous permettra
de nous engager véritablement dans ce débat sur l'avenir de l'Union, de
progresser, de mieux définir ce que nous voulons entreprendre. Loin d'être un
aboutissement, il s'agit de l'engagement d'une nouvelle aventure européenne.
A cette fin, il nous paraît important que la France soit l'un des premiers
pays signataires à envoyer un signe positif non seulement aux citoyens
européens, mais aussi aux pays candidats, en ratifiant le traité. C'est
pourquoi, vous l'avez compris, mes chers collègues, le groupe socialiste
émettra un vote favorable à cette ratification.
(Bravo ! et applaudissements
sur les travées socialistes. - M. Hoeffel applaudit également.)
M. le président.
La parole est à M. de Rohan.
M. Josselin de Rohan.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le traité de
Nice suscite des commentaires aussi divers qu'opposés. Les intégristes
européens le dénoncent comme une grave régression dans la voie de la
construction européenne. Les souverainistes le tiennent pour une nouvelle
abdication devant « l'apatridisme babélien » de Bruxelles. Europhobes et
eurolâtres se trouvent unis dans la même condamnation d'un texte qui ne soulève
pas forcément l'enthousiasme. Les euroréalistes, quant à eux, considèrent que
la vérité se tient au milieu. Nice leur apparaît comme une étape et non comme
un aboutissement. Et comme tous les compromis, il déçoit les enthousiastes ou
va trop loin aux yeux des récalcitrants.
Pourtant, si les pères de l'Europe l'ont conçue dans la ferveur, la mystique
n'a jamais cédé le pas à la politique. Les plus ardents défenseurs de l'Union
européenne ou ceux qui ont oeuvré avec le plus d'efficacité pour la consolider
ou pour la faire avancer n'ont jamais fait abstraction de l'intérêt national,
même s'ils admettaient qu'il dût être dépassé.
C'est ce pragmatisme qui, n'en déplaise aux théoriciens, a permis les progrès,
même s'il a semblé ralentir l'élan, car la politique n'est rien d'autre que
l'art du possible.
Je me permettrai d'évoquer un souvenir de fonctionnaire : il est clair que les
débats auxquels nous nous livrons sur le plan technique peuvent paraître
terriblement abscons et dégourageants. Pourtant, ils n'ont jamais empêché le
progrès ; je crois même qu'ils l'ont facilité. Mais il faut aussi savoir
décrypter la langue bruxelloise, qui est très particulière.
Peut-être serions-nous moins désabusés si nous acceptions d'emblée d'être plus
modestes. A l'évidence, si la présidence française avait comme ambition un
nouveau traité de Rome, le résultat actuel ne peut être que décevant. Si ses
objectifs étaient, au travers de l'accord intervenu, de réaliser des avancées
significatives dans des domaines particuliers, elle n'a pas lieu d'être
affligée par le traité de Nice.
Le « non » irlandais à Nice comme d'ailleurs le « non » danois à Maastricht
nous montrent combien il faut être circonspect lorsqu'on touche aux
institutions et aux pratiques. On peut déplorer ces péripéties, on ne peut nier
ou escamoter les oppositions et les blocages, mais si on veut les surmonter, il
faut nécessairement rechercher de nouveaux compromis. La construction
européenne doit toujours faire part à la patience et à la persuasion. C'est
bien dans ce domaine que se vérifie l'adage selon lequel il ne faut jamais
confondre vitesse et précipitation.
Après un demi-siècle de construction européenne, l'expérience révèle qu'en
dépit des freinages ou des obstacles, de la divergence des conceptions quant à
l'avenir de l'Europe, aucune des nations qui composent l'Union européenne n'a
décidé de faire sécession ou de la quitter après y avoir adhéré, preuve que
chacun y a trouvé son avantage et en a retiré des bénéfices.
Si l'Europe, telle que nous la vivons, ne recelait pas beaucoup de richesses
ou de perspectives, si elle paraissait comme une entité menacée par la
dislocation ou le déclin, croit-on que nombre de pays frapperaient à sa porte
avec autant d'insistance que d'impatience ?
Un échec à Nice aurait constitué pour les pays d'Europe centrale et orientale
ou pour les pays méditerranéens qui aspirent à faire partie de l'Union
européenne un signal redoutable. Nous avons encouragé ces pays à nous
rejoindre. A cette fin, nous leur avons demandé efforts et sacrifices, alors
que la plupart d'entre eux sortaient d'une terrible épreuve de plus d'un
demi-siècle qui a vu ruiner leurs économies, détruire leurs libertés et abolir
les valeurs sur lesquelles reposait leur société. Retarder indéfiniment leur
admission risquait de les rejeter dans l'arriération, l'amertume et, qui sait,
peut-être dans l'aventure, alors que leur arrimage à l'Europe est le gage de la
consolidation de la démocratie dans ce pays.
Un échec à Nice n'aurait pas manqué de retentir de manière durable sur les
relations franco-allemandes, qui se sont quelque peu distendues ces derniers
temps.
D'abord, parce que nos partenaires allemands sont très attachés à
l'élargissement de l'Union aux pays de l'Europe centrale et orientale.
Ensuite, parce que les demandes allemandes d'un nouveau rééquilibrage de la
pondération en faveur des pays les plus peuplés eussent été affirmées avec une
force toujours plus insistante. Le maintien de la parité entre nos deux pays,
en dépit du poids démographique et économique de l'Allemagne, représente pour
la France un résultat satisfaitant. Faut-il rappeler que le maintien de cette
parité a été un objectif constant de notre diplomatie, de Robert Schuman à de
Gaulle, de de Gaulle à Mitterrand ?
Enfin, parce que les nouvelles modalités de mise en oeuvre des coopérations
renforcées, en abaissant le seuil pour l'obtention d'un accord des Etats et en
les rendant applicables à la politique étrangère, peuvent servir de cadre à une
dynamisation de la construction européenne par le couple franco-allemand, pour
peu que ces deux pays soient disposés à prendre des initiatives en ce sens.
Les institutions de l'Union ont-elle été confortées par le traité ?
L'extension comme les modalités du vote à la majorité qualifiée ont paru
excessivement timides à certains. Les possibilités de blocage d'une décision
demeurent encore possibles avec les relèvements du seuil de la majorité
qualifiée ou le recours à la clause de vérification démographique.
Mais, dans ce domaine comme dans d'autres, la réalité conduit à constater
qu'on ne fera pas progresser l'Europe sans consensus sur les points
essentiels.
Peut-on imaginer l'acceptation par le Royaume-Uni d'une réforme fiscale ou
d'une harmonisation sociale qui n'aurait pas son agrément ? Peut-on imaginer
une réforme drastique des fonds structurels sans accord de l'Espagne ou une
réforme de nos politiques commerciales qui ne tiendrait pas compte des soucis
de la France dans le domaine culturel ? Le temps et la pratique seront les
meillleurs auxiliaires d'une évolution.
Un compromis raisonnable a été réalisé pour la composition et le
fonctionnement de la Commission dans l'Europe élargie.
Nous pensons, comme M. le président de la commission des affaires étrangères,
que le fait de donner au président de la Commission la possibilité d'être
désigné à la majorité et de décider de l'organisation interne de la Commission
rendra son action plus efficace et son équipe plus cohérente. Il s'agit d'une
réelle innovation. Le véritable débat auquel nous serons tôt ou tard confrontés
est de savoir si la Commission doit évoluer vers une forme de gouvernement
européen, ce qui impliquerait qu'elle procédât de l'élection au suffrage
universel, ou si elle doit demeurer un collège comprenant à la fois des hauts
fonctionnaires ou des hommes politiques choisis par leurs exécutifs
nationaux.
Que, dans la perspective de l'élargissement, la Commission soit plus resserrée
va plutôt dans le bon sens. Certes, la France perdra un commissaire et n'en
conservera qu'un seul sur vingt-six. Sans réforme, elle aurait eu deux
commissaires sur trente-trois. La différence - vous l'avez souligné, monsieur
de Villepin - n'est guère sensible. L'attachement viscéral des Etats membres à
disposer d'un commissaire par nationalité montre combien il aurait été malaisé
et dangereux de procéder à une réforme trop radicale, car cela aurait mis en
cause la cohésion même de l'Europe.
Le traité de Nice ouvre la voie à une nouvelle Conférence intergouvernementale
en 2004, qui doit permettre un débat essentiel sur l'avenir de l'Union.
Nous disposons du temps nécessaire pour étudier toutes les orientations
possibles et tous les schémas institutionnels envisageables afin que le xxie
siècle permette à l'Europe de devenir une véritable entité politique. Nous ne
manquons pas de projets. Le chef de l'Etat et le Premier ministre ont fait
connaître leurs analyses et leur suggestions dans ce domaine. MM. Schroder et
Fischer ont effectué les leurs. Une fois encore, remarquons que les seules
véritables propositions concrètes et d'envergure émanent des Français et des
Allemands.
Il faut souhaiter que les dirigeants de nos deux pays harmonisent leurs
projets pour être capables d'entraîner l'Union européenne vers l'élaboration
d'une réforme décisive des institutions en 2004.
Quel que soit le contenu d'un tel projet, il nous faut convenir de quelques
évidences. Une Europe qui se bornerait à être une vaste zone de libre-échange
des biens, des personnes et des services n'a, au fond, aucun besoin d'une
organisation politique commune. Les politiques intégrées comme la politique
agricole commune ou celle des pêches n'y trouveraient plus leur place.
L'harmonisation législative, fiscale et sociale pas davantage. Cette conception
de l'Europe n'est certes pas celle de Jean Monnet ou de Robert Schuman, mais
elle n'est pas davantage celle du général de Gaulle.
Nous ne pouvons pas faire nôtre la conception développée par le président Bush
d'une grande zone transcontinentale allant d'une côte pacifique à l'autre, qui
engloberait l'Amérique, l'Asie et l'Europe. Nous y perdrions notre identité,
notre cohérence et notre force.
Une Europe qui voudrait exister comme entité politique devrait, certes, avoir
une monnaie, une politique commerciale, une politique extérieure et de sécurité
communes, mais aussi fonder son existence sur le respect de la démocratie et
des droits fondamentaux de la personne. Ce n'est pas la géographie seule qui
doit donner accès à l'Union, mais l'adhésion à ces valeurs. Il y a, en effet,
des Etats qui appartiennent géographiquement à l'Europe, ou dont on pourrait
considérer qu'ils y appartiennent, mais qui ne respectent pas ces valeurs
auxquelles nous sommes fondamentalement attachés.
La reconnaissance de l'Etat-nation comme un fait incontournable par un
Européen aussi convaincu que Jacques Delors signifie que l'on ne peut faire
abstraction de l'histoire, de la langue, de la culture et de la diversité
institutionnelle des Etats européens. On ne saurait réclamer avec insistance la
décentralisation en France et s'accomoder de la tentation croissante des
instances communautaires à intervenir dans tous les domaines et à multiplier
les réglementations contraignantes.
Une Commission sans véritable légitimité démocratique et un Conseil des
ministres qui est à la fois exécutif et législateur apparaissent comme des
organismes souvent éloignés des citoyens et agissant hors de leur contrôle. Si
l'on veut une Europe plus proche des citoyens, la subsidiarité devra être plus
clairement définie.
Comme le disait le Président de la République, voilà un an, devant le
Bundestag, il faudra, à l'avenir, rendre l'Union européenne plus démocratique,
clarifier les compétences entre les différents niveaux du système européen et
donner à la subsidiarité la plus grande place.
Il faudra également associer les parlements nationaux au fonctionnement de
l'Union européenne, en créant, à côté du Parlement européen, une Assemblée ou
un Sénat comprenant des représentants de ces parlements. Je souscris pleinement
à l'analyse qui a été faite sur ce point par notre collègue Daniel Hoeffel.
Est-il concevable que nos assemblées soient, dans la majorité des cas,
réduites à transcrire en droit interne la réglementation européenne sans avoir
été véritablement associées à son élaboration ? Quel compte les gouvernemens
tiennent-ils des résolutions que nous adoptons lorsque nous sont présentés les
projets de directive ?
Si l'on veut rendre lisible et plus proche la législation européenne, il ne
faut pas écarter les parlements nationaux du processus législatif. Il faut, au
contraire, les consulter
a priori
et non pas
a posteriori.
Nous ressentons tous la nécessité d'une nouvelle structuration de l'Union
européenne et d'une charte fondamentale qui en définirait les modalités.
Nous éprouvons assez naturellement la tentation d'ériger en modèle pour
l'Europe nos conceptions ou nos visions constitionnelles. Cette tentation est
dangereuse, dans la mesure où les Etats membres, produits de cultures et
d'histoires très diverses, risquent de récuser des systèmes opposés à leurs
moeurs ou à leurs traditions. En l'occurrence, je vise très précisément le
projet du Chancelier Schroder, qui me paraît un peu trop marqué du sceau des
institutions allemandes pour pouvoir être accepté par des pays tels que le
Royaume-Uni, pour ne pas parler de la France.
Nous ne pouvons que nous orienter vers une construction originale qui traduise
les aspirations des Européens à une démocratie tolérante, ouverte et
participative, qui donne à l'Europe, dans le concert international, la place
éminente à laquelle lui donnent droit son économie, sa population, son
rayonnement culturel et l'histoire de ses peuples.
C'est à une Europe prospère, où s'épanouit l'économie d'entreprise, à une
Europe où prévalent la liberté et l'harmonie sociale, que nous aspirons à
l'aube de ce nouveau siècle.
Nous voterons l'autorisation de ratifier le traité de Nice parce qu'il permet
d'avancer dans cette direction.
(Applaudissements sur les travées du RPR et
de l'Union centriste.)
M. le président.
La parole est à M. Badré.
M. Denis Badré.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le jour de
la signature du traité de Maastricht, en 1992, j'étais à Budapest et
j'entendais des Hongrois me dire que, plus tard, nous et eux, ensemble, nous
célébrerions l'anniversaire de ce jour appelé à marquer l'histoire de
l'Europe.
Ce texte allait pourtant être difficile à ratifier. C'était normal. Il
traitait en effet de vraies questions et proposait des avancées très fortes.
J'avais alors milité très activement pour sa ratification. J'étais déjà,
monsieur de Rohan, « euro-enthousiaste », et j'ai toujours mis, depuis, au
service de cet enthousiame une « euro-rigueur » de tous les instants plutôt
qu'une « eurolâtrie » béate.
Je ne suis pas du tout certain, aujourd'hui, que l'Union européenne soit, un
jour, appelée à fêter l'anniversaire de la signature du traité de Nice, même si
la Hongrie et les autres pays candidats y voient pour la première fois un signe
d'encouragement.
Ce traité est présenté comme apportant une solution au problème institutionnel
que nous rencontrons déjà pour fonctionner à quinze et qui ne fera que croître
et embellir lorsque nous serons vingt-cinq.
C'est vrai qu'il apporte quelque chose, à cet égard. Mais s'agit-il de la
bonne solution ou d'une manière de gagner du temps ? Et la question posée
est-elle vraiment la bonne ? S'il s'agit, au contraire, d'une réponse
a
minima
à une mauvaise question, le progrès est bien mince.
A l'évidence, les citoyens européens se réjouissent beaucoup moins de ce
traité que les politiques qui l'ont signé.
Les Européens mettent toujours leur espérance dans une Europe large, fort et
rayonnante, et ne voient rien dans le traité qui réponde à leurs attentes, rien
qui vienne confirmer qu'ils sont entendus et que l'inspiration de Robert
Schuman et de Jean Monnet, la volonté politique du général de Gaulle et de
Konrad Adenauer nous animent toujours.
Les signataires du traité sont, de leur côté, tout absorbés par la gestion de
l'ordre du jour qu'ils se sont donné et semblent avoir renoncé à se poser les
vraies questions et à revenir à l'essentiel. Leur ambition politique
serait-elle émoussée ?
Dans le grand silence ainsi créé, devant cette extinction du dialogue, on ne
peut se contenter d'obtenir à tout prix une ratification qui ne résoudra pas
grand-chose sur le fond.
L'Europe mérite mieux.
Nous attendons d'elle qu'elle nous projette dans l'avenir, dans un avenir où
la paix, la liberté et la démocratie seront contagieuses.
Nous demandons à l'Europe qu'elle nous aide à regarder en face les problèmes
de notre vieux continent. Je pense à l'évolution démographique inquiétante de
nos Etats, à la nécessité de remettre la famille au coeur d'une société qui se
délite, à l'obligation de traiter les problèmes d'immigration et de développer
un dialogue constructif avec nos voisins du Sud.
Nous demandons à l'Union européenne qu'elle soit aux côtés de ses membres,
désormais appelés à affronter une concurrence toujours plus rude dans un monde
ouvert à la circulation des personnes, des capitaux et surtout de
l'information. Nous lui demandons de les aider à le faire sans renoncer au
progrès social, sans succomber au dumping de ceux qui cherchent à gagner en
trichant avec les lois de la nature.
Nous souhaitons que l'euro, qui joue déjà son rôle en interne, s'affirme dans
le monde.
Nous pensons qu'aucun des Etats de l'Union, pas même le nôtre, n'est
aujourd'hui en mesure d'assurer vraiment seul sa sécurité et que l'Europe de la
défense doit être construite sans retard.
Nous voulons que l'Europe entende l'appel de ses peuples. L'Europe politique,
l'Europe des citoyens, ce ne sont pas simplement des thèmes de discours !
A Nice, nos dirigeants se sont contentés de gérer l'instant, sans grande
inspiration, sans proposer le dessein qu'attendent nos jeunes.
Alors, très normalement, lorsque les convictions s'affaiblissent, on bute sur
tous les obstacles. C'est malheureusement ce qui est arrivé à la présidence
française. Et rien ni personne n'est venu à son secours : ni les grands, ni les
petits.
Le coupe franco-allemand, en effet, vit des jours difficiles. Ne nous étonnons
donc pas d'avoir trouvé l'Allemagne sur une ligne différente de la nôtre.
Par ailleurs, nous ne traitons pas toujours bien nos « petits » partenaires.
Avons-nous vraiment le droit de leur donner des leçons ?
Ceux d'entre nous qui sont engagés dans des constructions intercommunales
savent bien avec quel soin il faut veiller à ce que chaque participant y trouve
à tout instant son intérêt et y exprime sans cesse son identité.
La France doit, de même, adopter un comportement exemplaire dans sa relation
avec ses partenaires de l'Union.
Il y a dix-huit mois, nous n'avons pas pu nous empêcher de condamner durement
et en bloc la nation autrichienne et tous les Autrichiens.
Maintenant, nous traitons par le mépris le vote du peuple irlandais en
affirmant qu'il résulte d'une mauvaise appréciation et que les auteurs de ce
vote, comprenant enfin leur erreur, vont certainement le reprendre.
Voilà bien la meilleure manière de les pousser à se rebiffer et, au contraire,
à confirmer ce vote ! Voilà qui ne peut que gêner le Gouvernement irlandais
dans ses efforts en faveur de la ratification ! Voilà qui, très normalement,
pourrait solidariser à nouveau autour de l'Irlande et contre nous tous les
petits Etats de l'Union ! N'oublions jamais que la force de l'Europe vient,
précisément, de la diversité de ses membres et qu'il nous faut d'abord
apprendre à écouter nos différences pour les valoriser. Sans doute y faut-il un
peu plus d'humilité.
On ne construira pas l'Europe sans l'Allemagne ; on ne construira pas l'Europe
sans les petits Etats.
Au lieu de dire trop vite et bien maladroitement que le vote des Irlandais
était motivé par leur inquiétude face à l'arrivée de nouveaux concurrents
devant le guichet des fonds structurels, nous aurions été mieux inspirés de
nous demander pourquoi 70 % d'entre eux n'étaient pas allés voter.
En réalité, les Irlandais, comme tous les autres peuples de l'Union, petits ou
grands, attendent aujourd'hui qu'on leur propose autre chose qu'un marchandage
peu glorieux entre postes de commissaires et droits de vote.
Mes chers collègues, le traité de Nice a déçu les Irlandais. Il déçoit un
certain nombre d'entre nous.
Il ne peut être reçu par une opinion qui demande à rêver et à se projeter dans
l'avenir, même si elle comprend qu'il faut également, plus prosaïquement,
adapter les institutions pour que l'Union puisse fonctionner à vingt-cinq.
Je suis, vous le savez, profondément européen. J'ai donc toujours dit qu'à
partir du moment où un traité apporte un progrès, même petit, il faut le
ratifier.
Je tiens un raisonnement semblable chaque année lorsqu'il s'agit d'adopter
notre contribution à un budget européen dont nous connaissons pourtant tous les
défauts.
Ajourd'hui, je ne me sens pas capable de dire si Nice apporte ou non un
progrès. Je crois simplement que nous faisons fausse route et qu'il est
impossible de construire de bonnes institutions tant que nous ne saurons pas
pourquoi nous cherchons à les construire.
Les institutions ne sont pas une fin en soi. Ne traitons pas du « comment »
avant d'avoir dit le « quoi ». Nous ne pouvons plus éluder ni reporter le débat
sur la subsidiarité. Il doit être désormais préalable à la poursuite de la
construction européenne.
Et bien plus que les détails de l'organisation à mettre en place pour servir
les compétences qui seront celles de l'Union, c'est ce débat qui intéressera
les Européens.
Remettons la locomotive devant les wagons. C'est plus clair et plus efficace.
Si nous continuons à penser que l'Europe est à Bruxelles et non « près de chez
de nous », si nous acceptons qu'elle s'occupe de tout sans en avoir toujours
reçu clairement compétence, alors la bureautie, les contraintes et les
rigidités prospéreront... et avec elles les critiques et le rejet de l'Europe
!
En fait, ce n'est pas l'Europe qui est rejetée. Chacun sent, au moins
confusément, ce qu'elle peut représenter et apporter. Ceux qui critiquent
parlent plutôt de Bruxelles que de l'Europe. Et ils visent d'abord une
bureaucratie certes de grande qualité, mais trop livrée à elle-même.
Les politiques doivent d'urgence retrouver le chemin de leurs responsabilités.
Ils doivent renouer avec l'inspiration européenne et proposer un véritable
projet mobilisateur et entraînant.
Aujourd'hui, avec quelques amis de l'Union centriste, je vais m'abstenir,
adoptant une attitude peu satisfaisante, je l'admets, pour un Européen. Je le
fais après hésitation et mûre réflexion.
J'ai évidemment écarté l'idée du vote « contre ». Ce faisant, je pense d'abord
à nos collègues des pays candidats, même si j'estime que Nice ne sert pas plus
leurs ambitions que les nôtres, les unes et les autres étant d'ailleurs
devenues les mêmes, tant nous sommes désormais engagés dans une aventure
commune.
Par ailleurs, je ne peux - je viens d'essayer de le démontrer - approuver une
démarche dont je crains fort qu'elle n'enlise une construction européenne qui
se cherche.
Je souhaite très modestement que ce vote contribue à provoquer l'indispensable
sursaut qui nous permettra de dégager enfin la bonne démarche et, alors, de
savoir aller au devant des Européens pour construire l'Europe des citoyens.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
M. Pierre Moscovici,
ministre délégué.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Pierre Moscovici,
ministre délégué.
Mesdames, messieurs les sénateurs, cette discussion a
été raisonnable - le mot est revenu souvent -, ce qui n'est pas totalement
étonnant dans cette maison qui est aussi celle de la raison et de la sagesse.
Cela n'a pas exclu pour autant la passion, cette passion européenne qui anime
beaucoup d'entre vous et sur laquelle je reviendrai à la fin de cette
intervention.
Il me semble que, si vous vous apprêtez à ratifier le traité de façon très
large, peut-être encore plus large qu'à l'Assemblée nationale, c'est que cette
attitude raisonnable tient aussi à l'objet même du traité. Je l'ai dit et je le
redis, dans les circonstances qui étaient celles de Nice et de la période
post-Amsterdam, il ne pouvait s'agir d'un traité refondateur : le temps de la
refondation viendra et nous aurons besoin alors - mais c'est demain - de toute
notre passion.
Je tiens tout d'abord à saluer la qualité du rapport du président de Villepin,
sa vision objective, précise et je crois aussi, élevée de ce que représente ce
traité. Vous avez insisté, monsieur le président, sur la crispation autour des
intérêts nationaux et sur l'indifférence des citoyens. C'est un sujet de
préoccupation qui, croyez-le, nous est commun. Cette crispation ne se résume
effectivement pas à la situation particulière de l'Irlande ; elle a pu affecter
d'autres pays pendant la négociation du traité de Nice - je ne cherche
d'ailleurs pas ici à désigner tel ou tel - et peut aussi menacer certains des
pays aujourd'hui candidats.
C'est d'autant plus une source de préoccupation qu'il ne s'agit pas seulement
de réaliser des adhésions et de terminer les négociations ; il faut ensuite
être capable de développer une vision commune et de faire en sorte que l'Europe
reste une grande ambition.
Je partage l'essentiel de votre analyse, monsieur le président. Je crois,
comme vous, que Nice est un traité nécessaire et même indispensable au regard
de l'élargissement. De ce point de vue, j'avoue ne pas avoir très bien compris,
pas plus que vous, ou en tout cas je n'ai pas approuvé les propos, d'ailleurs
corrigés ensuite, du président de la Commission, M. Prodi. Comment
pourrions-nous réaliser l'élargissement sans avoir indiqué au préalable la
répartition des sièges au Parlement européen ? Comment pourrions-nous réaliser
l'élargissement sans indiquer aux pays adhérents le nombre de voix auxquels ils
auront droit au sein du Conseil ? Comment pourrait-on réaliser l'élargissement
sans savoir quel sera le format de la Commission ? Et, même, comment
pourrions-nous vivre l'élargissement en conservant la règle de l'unanimité pour
la quasi-totalité des décisions et en nous privant de recourir à la majorité
qualifiée comme il est prévu pour une trentaine de questions ?
C'est donc un traité que je crois nécessaire, même si, pour l'avoir négocié,
j'en connais bien les lacunes.
Monsieur le président de la commission, vous avez soulevé quatre questions que
nombre de vos collègues ont ensuite reprises.
D'abord, sur la dialectique traditionnelle qui revient à chaque élargissement,
entre élargissement et approfondissement, je précise que c'est parce que
l'élargissement est irréversible qu'il faut ratifier le traité de Nice. Le
moment venu, nous devrons donner des assurances - ou des réassurances - aux
Irlandais, sans pour autant modifier le traité. L'élargissement et la
ratification du traité de Nice doivent être l'occasion d'embrayer sur
l'approfondissement.
Le débat que nous mènerons sur l'Europe d'ici à 2004 ne doit pas être un «
concours de beauté » institutionnel, comme l'on souligné plusieurs orateurs, de
sensibilités différentes, d'ailleurs. Nous ne faisons pas l'Europe pour des
institutions, pas plus que nous ne réformons les institutions pour le plaisir.
Nous devons mettre aussi dans ce débat l'approfondissement des politiques
communes, c'est-à-dire ce que nous voulons faire ensemble. C'est ce débat-là
qui lie les deux dimensions, c'est ce débat-là qui est indispensable.
Beaucoup d'orateurs ont insisté après vous, monsieur le président de la
commission, sur le couple franco-allemand, pour souhaiter - c'était le cas de
MM. Hubert Haenel et Daniel Hoeffel - qu'il se ressoude. En la matière, nous
devons faire preuve de rigueur dans l'analyse des faits.
Dans les médias français comme dans les débats politiques sur l'Europe
auxquels je participe, une chose me choque, mesdames, messieurs les sénateurs :
le masochisme ambiant. La preuve ? En Allemagne, quand on déclare que le couple
franco-allemand ne marche pas, c'est pour en rejeter la faute sur les Français
; mais, en France, quand on déclare que le couple franco-allemand ne marche
pas, c'est aussi pour en imputer la responsabilité aux Français !
(Sourires.)
On pourrait en déduire qu'il y a, d'un côté, une nation parfaite et, de
l'autre, une bande de nationalistes incompétents. Mais ce serait un raccourci
un peu trop rapide : si les choses n'ont pas fonctionné comme elles auraient
dû, disons-le, c'est que le dialogue dans les deux sens n'a pas fonctionné
comme il aurait dû.
M. Ladislas Poniatowski.
Bien sûr !
M. Pierre Moscovici,
ministre délégué.
Je prends l'exemple de l'Agenda 2000, à Berlin. J'étais
déjà le négociateur français. Il est vrai que les Allemands souhaitaient le
cofinancement, et pas nous. Le débat a été vif et,
in fine,
nous avons
divergé.
A Nice, j'avoue que nous avons eu du mal, nous, négociateurs, à connaître la
position allemande. Je me souviens d'une réunion qui s'était tenue à
Rambouillet, nous étions huit autour de la table ; les Allemands nous avaient
assuré que la pondération des voix ne posait pas de problème, sous-entendu : «
Nous ne voulons pas poser de problème à la France. » Mais, un mois avant la fin
des discussions, nous avons vu revenir des arguments sur la double majorité, ce
qui a conduit les négociations sinon à un tête-à-queue, du moins à quelques
approximations finales.
Soyons donc conscients du fait que l'effort doit être bilatéral. C'est
d'ailleurs dans cet état d'esprit que nous abordons le processus de
rapprochement en cours depuis Blaesheim.
Vous le savez, les rencontres entre chefs d'Etat et de gouvernement sont
maintenant très fréquentes, et les rencontres entre les deux ministres des
affaires étrangères le sont encore plus. On s'y efforce de tout mettre à plat.
Pour ma part, je crois qu'il n'est ni anormal ni illégitime que l'Allemagne et
la France aient des intérêts différents et défendent des positions différentes.
Ce qui compte, c'est que nous sachions toujours avant où nous en sommes, que
nous nous prévenions, que nous ne nous prenions pas par surprise.
Faut-il aller plus loin ? Certains proposent des structures particulières.
J'ai lu, par exemple, il y a quelques jours, dans
Le Monde,
un article
intéressant, signé par quelques amis, sur une union à deux. Oui, sans doute, il
convient d'aller plus loin, mais je crois que cela découlera du processus de
Blaesheim lui-même.
Nous devons cependant être vigilants pour ne pas risquer d'être perçus par nos
autres partenaires comme désireux de fonder un directoire strictement
intergouvernemental, ce qui, certes, pourrait avoir des vertus d'entraînement
mais aussi les effets d'un repoussoir.
En la matière, et sans me prononcer sur les formes que tout cela doit prendre,
je pense qu'il faut être subtil et retrouver cet élan bilatéral, avec une
volonté européenne qui doit être marquée, d'un côté comme de l'autre. De ce
point de vue, je rejoins M. Josselin de Rohan, notamment.
Nous devons faire également attention à ce que disent les Allemands à
l'occasion. Nous ne voulons pas, par exemple, d'un projet « à l'allemande »,
qui soit très fortement intégré sur les institutions, mais très peu intégré sur
les politiques. Nous avons, là aussi, quelques intérêts et quelques visions que
nous pouvons défendre par nous-mêmes.
Quant au centre de gravité, monsieur de Villepin, c'est un débat fondamental
pour l'avenir. Cela étant, nous devons nous garder de fixer une avant-garde
prédéterminée, tout d'abord parce que nous ne savons pas bien qui serait
candidat à cette avant-garde, ensuite parce que nous ne saurions pas dire qui
l'on doit exclure des pays candidats.
Je ne pense pas, contrairement à certaines personnalités importantes, presques
toutes anciens ministres des finances, d'ailleurs, que l'euro soit ce centre de
gravité en lui-même, car, dans l'euro, il y a déjà un certain nombre de pays,
l'Irlande et l'Autriche, par exemple, qui ne me paraissent pas être de fervents
défenseurs d'une Europe politique ou d'une Europe de la sécurité et de la
défense.
Non, l'avant-garde ne peut pas se décréter, et elle se formera, d'après moi,
autour de cet instrument indispensable que constituent les coopérations
renforcées.
Monsieur de Villepin, vous avez laissé entendre que le grand débat organisé
sur l'initiative des autorités françaises pourrait être marqué par notre
jacobinisme traditionnel ; je l'ai d'ailleurs lu. Ainsi donc, on s'étonne que
la France confie l'organisation d'un débat à des préfets. En réalité, il faut
savoir que les préfets de région, dans cette affaire, seront en quelque sorte
des prestataires de services : ils n'apparaîtront pas dans les débats, ils
n'exprimeront pas une pensée officielle.
Parce que ces débats doivent être pluralistes et ouverts, nous avons choisi
d'en confier l'organisation aux préfets, d'abord pour éviter les déséquilibres
partisans à six mois d'élections générales importantes ; ensuite, pour éviter
des crispations entre les différentes catégories d'élus, les élus régionaux,
qui doivent être au premier plan, mais aussi les élus communaux et
départementaux ; enfin, parce que les préfets sont peut être les mieux à même
de réunir un panel représentatif.
J'aurais aimé répondre en détail, mais je n'en aurai pas le temps, à M.
Hoeffel, qui a posé des questions importantes et émis certaines critiques.
Je voudrais lui dire que la prise de décision n'a pas été rendu plus
difficile, que tout progrès depuis l'unanimité vers la majorité qualifiée
permet de faciliter la prise de décision. Bien sûr, ce système du double filet
est un peu compliqué, mais c'est le prix à payer pour obtenir l'accord de
l'Allemagne et de l'Espagne. L'essentiel, c'est l'extension du vote à la
majorité qualifiée.
Pour ce qui concerne la tension entre grands et petits pays, elle est
traditionnelle, mais je crois qu'il faut cesser d'alimenter ce débat,
d'ailleurs suscité en partie par les médias. Le rééquilibrage entre les Etats
était indispensable. Chacun est respecté, au sein de l'Union européenne, et il
me semble peu pertinent, à dire vrai, de mettre sur le même plan l'affaire
autrichienne et le référendum irlandais ou de voir dans ces deux événements la
preuve que les petits pays seraient maltraités au sein de l'Union
européenne.
Je continue de penser qu'il y a eu un problème autrichien ; peut-être la
réponse n'était-elle pas adaptée, mais nous disposons maintenant, à la suite du
traité de Nice, d'un outil juridique adapté, c'est-à-dire l'article 7. Alors,
cessons de faire de ceux qui s'élèvent contre l'Union européenne, pour des
raisons sans doute légitimes sur le plan national, les hérauts d'un malaise que
nous devons ressentir dans notre pays, que nous devons écouter, mais d'une
façon tout à fait différente.
M. Haenel, pour sa part, a soulevé lui aussi des questions tout à fait
importantes, s'agissant notamment de la Charte des droits fondamentaux. Je dois
d'ailleurs dire que j'ai retrouvé dans son intervention, recoupant largement
les analyses de M. de Villepin, des considérations qui nous sont communes, même
si la tonalité était un peu différente. Rien d'étonnant à cela, d'ailleurs, car
nous avons tous des différences ici.
Mais je dois noter, après vous, monsieur Haenel, l'importance de la Charte des
droits fondamentaux à l'élaboration de laquelle vous avez participé
personnellement. Sans doute est-il dommage qu'elle ait été adoptée de manière
discrète. Mais tel était le choix du Président de la République, qui avait
souhaité une cérémonie discrète et sobre. Cette cérémonie aurait pu revêtir
plus de relief, la Charte étant appelée, en effet, à devenir le préambule d'une
future constitution que beaucoup appellent désormais de leurs voeux.
Cela dit, replaçons-nous dans l'ambiance de Nice : une grande cérémonie avec
de grands discours en début de sommet aurait été l'occasion de propos
contradictoires du président de la Commission, du président du Parlement
européen ou du Président de la République française, qui n'auraient fait, à mon
sens, qu'aviver les divergences.
Donc, dans la mesure où cela n'ôte rien à l'importance de la Charte, la
décision m'a finalement paru relativement sage, et j'en suis solidaire.
Beaucoup d'orateurs, dont M. Haenel ainsi que M. Laffitte, ont insisté sur la
perspective de la création d'une deuxième chambre ou d'un Sénat européen. Je ne
vais pas me lancer maintenant sur ce terrain périlleux, mais il convient d'y
réfléchir peut-être à deux fois. Je ne prendrai ici que deux arguments.
Il faut d'abord relever que la création d'un Sénat européen risquerait
paradoxalement d'engendrer une situation inédite avec trois législatifs. En
effet, nous avons aujourd'hui un premier législateur - le Conseil -, qui a
souvent l'initiative, et un deuxième avec le Parlement européen. Avec un Sénat,
cela ferait trois. Je ne suis pas certain que ce soit d'une clarté absolue.
C'est pourquoi, à l'instar de M. le Premier ministre, je pense plutôt à un
congrès, tel qu'il en existe dans d'autres pays, où sont étroitement associés
les parlementaires nationaux et les parlementaires européens.
Par ailleurs, j'avoue être un peu réticent quant à une représentation
identique à celle du Sénat américain ainsi qu'à certaines méthodes de travail
proposées par M. Hoeffel. Il y a une contradiction à souhaiter, par exemple,
que l'on siège six fois par an pendant un jour et demi et, dans le même temps,
revendiquer un vrai travail législatif, compte tenu surtout de la masse de
textes que cela représente aujourd'hui.
Cette proposition mérite cependant d'être étudiée sérieusement, car il faut
être ouvert sur ces dossiers. Assurément, la question de la représentation des
parlements nationaux est posée. Elle figurait, d'ailleurs, dans les questions
ouvertes à Nice. C'est une réponse qui n'est pas nécessairement la mienne,
mais, encore une fois, je m'exprime ici à titre tout à fait personnel.
M. Hubert Haenel,
président de la délégation pour l'Union européenne.
Débattons-en !
M. Pierre Moscovici,
ministre délégué.
Débattons-en, en effet.
De la même façon, je voudrais dissiper une crainte de M. Hoeffel. Là encore,
et je parle sous le contrôle de M. Hubert Haenel, je crois sincèrement que,
dans l'élaboration de la Charte, les risques de contradiction entre les
jurisprudences ont été écartés par les bons juristes qui participaient aux
travaux.
M. Laffitte a insisté sur un point qui, je le sais, lui est cher à la fois du
fait de sa carrière professionnelle et de son engagement politique : il
souhaite que l'Europe s'investisse dans une politique industrielle, de
recherche et d'éducation, bref dans la préparation de l'avenir.
C'est effectivement une préoccupation que nous devons partager, tout
simplement parce que la politique agricole intéresse des segments larges de
l'opinion, comme les fonds structurels intéressent aussi profondément les
citoyens, même si la jeunesse est moins concernée et que l'avenir n'est pas
forcément à l'enthousiasme qu'appelait M. Badré de ses voeux.
Nous devons donc réfléchir aux types de politiques concrètes que développera
l'Union européenne demain.
Vous avez insisté ensuite sur l'importance de la subsidiarité. Nous y
reviendrons d'ici à 2004. Pour autant, cette question ne doit pas être un
prétexte pour parler des problèmes internes propres à l'organisation de chaque
Etat membre.
On peut certes comparer, en termes de taille et de population, certaines
régions et certains petits Etats membres - vous avez notamment mentionné les
pays baltes. En revanche - et c'est un problème de politique fondamental -, on
ne peut pas mettre sur le même plan des régions et des Etats.
Le critère de la taille et de la population n'est pas le seul, loin s'en faut.
Il faut aussi se préoccuper d'une meilleure prise en compte des spécificités
des régions, des diversités des territoires et des cultures.
C'est évidemment l'avenir ; mais, en même temps, il faut préserver les notions
de civilisation européenne et maintenir le rôle des Etats-nations pour les
peuples.
A cet égard, se pose la question du Sénat européen. Mais je souhaite qu'elle
soit posée dans ce qu'elle a d'essentiel et pas uniquement sur le plan purement
institutionnel.
Mme Bidard-Reydet a manifesté un large accord sur les grandes lignes du
discours de Lionel Jospin en soulignant qu'il y avait peut-être un hiatus entre
les actes et les pensées.
Je tiens à vous rassurer, madame : depuis 1997, la politique européenne du
Gouvernement, donc de la France, est parfaitement cohérente avec cette mise en
perspective, puisqu'elle donne la priorité à la croissance et à l'emploi et
refuse la libéralisation des services publics. Nous l'avons encore fait à
Stockholm.
Je crois par ailleurs qu'il faut veiller à ne pas faire des casseurs de
Göteborg les défenseurs de la démocratie face à l'Europe.
Mme Danielle Bidard-Reydet.
Ce n'est pas ce que j'ai dit !
M. Pierre Moscovici,
ministre délégué.
Je sais que ce n'est pas ce que vous avez dit, mais
vous avez souligné les malaises qui se sont exprimés à cette occasion.
Selon moi, il faut distinguer très clairement les manifestants qui s'expriment
pacifiquement, qui veulent lutter pour une autre Europe, contre la
mondialisation, avec lesquels il est indispensable de nouer un dialogue, et
même un dialogue structuré, des gens qui n'ont pour objectif que de refuser à
peu près tout ce qui fait la société organisée.
De la même façon, les opposants irlandais au traité de Nice ne sont pas tous
des partisans d'une Europe plus progressiste.
Je connais un peu ce pays et je connais ceux qui ont voté non. Je ne veux pas
les désigner ici, mais ce ne sont pas forcément les plus progressistes des
Européens.
Pour autant, je crois, madame, que nous pouvons partager nombre des
aspirations en faveur d'une Europe qui soit plus volontariste, qui respecte les
services publics, qui mette au coeur de ses objectifs la croissance et le
retour au plein emploi.
Je veux donc saluer l'abstention du groupe communiste républicain et citoyen
qui me paraît être aussi un message d'espoir adressé aux pays candidats.
On ne sera pas étonné que je me sente très largement en accord avec M. Claude
Estier. Je souhaite toutefois mettre en exergue trois points de son
intervention.
D'abord, monsieur le sénateur, vous avez évoqué le risque, au sein de l'union
élargie, d'une nationalisation de la Commission. Le risque existe en effet, et
c'est pour y parer que je pense nécessaire d'envisager d'autres réformes,
notamment celle que je n'ai pas évoquée mais qui viserait à modifier le mode de
désignation de son président pour conférer à ce dernier un poids politique
accru.
Tel est le sens, là encore, de la proposition du Premier ministre que vous
avez reprise, monsieur le sénateur, de faire en sorte qu'il soit l'émanation
légitime des élections parlementaires.
Certains proposent même d'aller plus loin en suggérant que le président de la
Commission soit élu par tous les citoyens européens. Quoi qu'il en soit, il
faudra qu'il ait plus de liberté ou de latitude dans la composition du collège
des commissaires.
Monsieur le sénateur, vous avez ensuite fait l'éloge de la Charte des droits
fondamentaux. Je ne peux que m'associer à cette prise de position. J'ai en
effet la conviction qu'elle est appelée à devenir le préambule, le coeur même
d'une future constitution.
Vous avez par ailleurs souligné la nécessité de préserver des politiques
communes au nom du principe de solidarité. C'est en effet un axe fort du projet
européen pour demain.
Il s'agit non pas de refuser toute perspective de réforme des politiques
communes, y compris de la politique agricole commune, mais de préserver le
principe de ces politiques, qui est au coeur de la méthode communautaire. C'est
là que l'on peut avoir, par exemple avec l'Allemagne, un débat fondé en
raison.
Je crois enfin, comme vous, monsieur le sénateur, aux mérites d'une convention
pour préparer la Conférence intergouvernementale de 2004.
Vous savez que la présidence belge va y réfléchir et qu'elle a déjà mis en
place un groupe de réflexion composé d'éminentes personnalités telles que
Jacques Delors, Bronislaw Geremek, Juliano Amato et Jean-Luc Dehaene.
Cela peut être une formule un peu différente. Peut-être faut-il mieux associer
la société civile ? Sans doute faut-il cette fois associer d'emblée les pays
candidats, car on ne peut pas réfléchir à leur avenir sans eux. Mais cette
formule a fait la preuve de sa richesse, de sa capacité à contribuer à l'Union
européenne, et j'y suis donc favorable. Je ne doute pas que c'est autour de
cette notion que vont tourner les réflexions de la future présidence.
Je ne reprendrai maintenant qu'un point de l'intervention de M. de Rohan, qui
a souligné l'attachement des Allemands à l'élargissement vers l'Europe centrale
et orientale. Le Chancelier aime à dire : « Je suis l'avocat des pays candidats
», même si, permettez-moi de l'observer, dans la réalité - et je reviens de
Prague et de Varsovie où je me trouvais voilà deux jours - les choses sont un
peu plus compliquées.
Par exemple, le chapitre sur la libre circulation des travailleurs pose des
problèmes à nos amis candidats, et ce n'est pas la France qui a souhaité un
certain nombre de dispositions pouvant paraître restrictives. Mais cela ne
change pas l'engagement profond des Allemands pour l'élargissement. Mais nous
aussi, nous nous sommes engagés, et, nous aussi, nous devons défendre notre
vision d'une Europe élargie. Il ne faut pas laisser à l'Allemagne le monopole
du souhait de l'élargissement.
Nous voulons cet élargissement nous aussi parce qu'il est pour nous, pour
toute l'Union, une chance et un devoir historique. Nous entretenons des liens
historiques étroits avec plusieurs pays candidats. Ces derniers souhaitent
renforcer ces liens ainsi qu'une présence française plus forte. J'ai entendu
ces revendications pendant cinq jours à Varsovie et à Prague. Nous avons des
intérêts économiques marqués. Il existe une demande d'une présence française.
Nous devons nous engager résolument dans ce chemin.
Une approbation politique très forte de ce processus d'élargissement même si,
en même temps, on doit combattre le risque de dilution et demander
l'approfondissement : tout cela constitue une équation complexe, j'en suis très
conscient.
Je voudrais marquer enfin un point de désaccord et un point d'accord avec M.
Badré.
Monsieur le sénateur, vous affirmez que le traité de Nice ne répond pas aux
nécessités d'une Europe ambitieuse et que nous avons perdu l'inspiration de
Jean Monnet et de Robert Schuman, en soulignant que la présidence française de
l'Union et la France ne sont pas assez exemplaires avec les petits pays. Vous
avez relevé le mépris à l'égard de l'Irlande aujourd'hui et de l'Autriche voilà
un an. Pour ma part, je le répète, je ne mets pas ces deux situations sur le
même plan.
Ce n'est pas parce que l'Autriche est un petit pays que l'Union européenne a
pris les mesures qu'elle a adoptées l'année dernière. C'est simplement parce
que la situation politique était inacceptable, y compris pour les pères
fondateurs qui défendaient une Europe de valeur.
Quant à l'Irlande, nous ne la méprisons pas ; mais je répète ce que je disais
tout à l'heure : ne soyons pas plus Irlandais que les Irlandais ! Quand le
Gouvernement de ce pays nous demande de poursuivre la ratification, de ne pas
renégocier le traité, de trouver avec lui les voies appropriées pour que ce
référendum soit une approbation à la ratification du traité de Nice, nous
devons être à son écoute, là aussi.
Il n'y a pas de mépris, il n'y a pas non plus de surévaluation de la
situation. Je ne considérerai donc pas tous ces événements comme la
caractéristique d'un manque général qui aurait été cruellement illustré à
Nice.
Mais j'ai également un point d'accord très important avec vous, monsieur le
sénateur, même si nous n'y mettons pas exactement la même chose : nous devons,
s'agissant du fond de notre vision européenne, réfléchir à ce que nous voulons
faire ensemble, réfléchir à ce que nous faisons ensemble, avant de réfléchir
aux institutions.
Quand nous parlons de fédération, de confédération, de fédération d'Etats
nations, débats importants mais relativement abscons pour nos concitoyens, nous
ne devons pas le faire
in abstracto
en oubliant ce pourquoi ces
institutions sont faites. Les institutions, elles, doivent porter un projet, un
modèle, des valeurs. Nous ne partageons pas les mêmes sur tous les bancs, mais
nous devons les illustrer avec force, avec la certitude qu'il y a, en France,
un engagement européen profond.
J'ai commencé ma réponse sur la raison, et je terminerai sur la passion.
Avec raison, me semble-t-il, le Sénat va ratifier le traité de Nice. Je lui
donne, d'ailleurs, à cet égard, entière raison moi aussi. Mais, en même temps,
mesdames, messieurs les sénateurs, si vous ratifiez ce traité avec raison, cela
n'empêche en rien ce que j'ai senti, c'est-à-dire votre profonde passion
européenne.
Cette passion, elle va trouver à s'exprimer. Je souhaite en effet que chacun
s'investisse dans le grand débat sur l'avenir de l'Union européenne parce que,
en 2004, nous serons confrontés - cela a été souligné par tous les orateurs - à
un double défi vraiment historique.
Pour ce qui est du défi de l'élargissement, nous nous sommes donné rendez-vous
en 2004 pour la participation des pays aujourd'hui candidats à des élections
européennes enfin démocratiques.
Je souligne à cet égard ce qui a été dit par plusieurs orateurs : la volonté
de réformer le mode de scrutin est incontournable. On ne peut plus voter selon
les mêmes règles si l'on ne veut pas avoir 30 % de participation et un
désintérêt encore plus grand pour ces élections.
Par conséquent, il y a le rendez-vous de l'élargissement, il y a aussi le
rendez-vous de la réforme institutionnelle. Je propose cette fois-ci que nous
ne fassions pas une démarche à nouveau de petits pas, mais que nous essayions
de trouver des structures plus constantes, plus légitimes, plus transparentes,
plus démocratiques. C'est le sens de la construction européenne.
Si, sur tous les bancs, nous n'avons pas la même conception de la construction
européenne, c'est certain - nous avons en revanche le même objectif : qu'enfin
soit donné à l'Europe un toit politique qui lui permette de poursuivre
l'aventure avec ambition. Par conséquent, votre vote de raison ouvrira la voie
à la passion !
(Applaudissements sur les travées socialistes. - M. le président de la
délégation pour l'Union européenne applaudit également.)
M. le président.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les
reprendrons à quinze heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à douze heures cinquante-cinq, est reprise à quinze
heures, sous la présidence de M. Christian Poncelet.)
PRÉSIDENCE DE M. CHRISTIAN PONCELET
M. le président. La séance est reprise.
3
QUESTIONS D'ACTUALITÉ
AU GOUVERNEMENT
M. le président.
L'ordre du jour appelle les questions d'actualité au Gouvernement.
Mes chers collègues, je suis heureux de saluer la présence parmi nous de M. le
Premier ministre.
Je rappelle que, conformément à la règle posée par la conférence des
présidents, l'auteur de la question et le ministre qui lui répond disposent,
chacun, de deux minutes trente.
Chaque intervenant aura à coeur, par courtoisie, de respecter le temps de
parole qui lui est imparti, afin que toutes les questions et toutes les
réponses puissent bénéficier de la retransmission télévisée.
EFFECTIFS DE LA POLICE NATIONALE
M. le président.
La parole est à M. Marini.
M. Philippe Marini.
Ma question s'adresse à M. le ministre de l'intérieur.
Monsieur le ministre, cette période ne vous est pas très favorable.
M. René-Pierre Signé.
Comment ça ?
M. Philippe Marini.
Les chiffres ne le sont pas non plus, que ce soit ceux de la délinquance -
puisque vous semblez vouloir en casser le thermomètre - ou ceux des effectifs
de policiers sur la voie publique, qui ne cessent de diminuer.
M. Claude Estier
La faute à qui ?
M. Philippe Marini.
Nos documents budgétaires montrent en effet que le nombre des emplois dans la
police nationale est passé de 137 459 en 1996 à 128 305 en 2001 !
Monsieur le ministre, votre majorité ne vous est pas d'un très grand secours.
Par exemple, s'agissant des rave-parties, elle vous a laissé tout seul !
M. Alain Vasselle.
Ah oui !
M. Philippe Marini.
Mais il faut bien dire qu'en ce domaine le monopole de la démagogie
n'appartient véritablement à personne.
L'important, c'est ce qui se passe sur le terrain : les préoccupations sont de
plus en plus nombreuses, l'exaspération monte, la délinquance des mineurs
s'amplifie, la France est de plus en plus une passoire
(protestations sur
les travées socialistes)
...
M. Robert Bret.
C'est quoi la question ?
M. Philippe Marini.
... les mariages de complaisances se multiplient, les reconduites à la
frontière ne sont pas opérées comme elles le devraient, les circuits
souterrains sont à l'oeuvre et communiquent avec ceux de l'argent de la drogue
sans doute.
Le Premier ministre, ici présent, se refuse à considérer la nécessaire remise
en question, la nécessaire réécriture de l'ordonnance de 1945 sur la
délinquance des mineurs, laquelle n'est plus du tout en phase avec la société
d'aujourd'hui. A la vérité, le Premier ministre défend une idée beaucoup plus
anesthésiante...
M. Robert Bret.
La question !
M. Philippe Marini.
... puisqu'il ne s'agit pas moins que de trouver un nouvel instrument de
mesure !
Dans ces conditions, monsieur le ministre, je vous pose les mêmes questions
que le rapporteur spécial de la commission des finances, voilà quelques
mois.
Quel est le nombre de policiers sur la voie publique ? Combien de policiers
sont-ils opérationnels ? Quel est leur temps de travail moyen ? Enfin, la
courbe de recrutements et celle du temps de travail ne se compensent-elles pas
au point que les hausses d'effectifs se traduisent par plus de policiers à leur
domicile ?
Telles sont, monsieur le ministre, les questions auxquelles nous souhaiterions
vous entendre répondre.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des
Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines
travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Daniel Vaillant,
ministre de l'intérieur.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les
sénateurs, je remercie M. Marini de sa question, dont je n'ai pas eu
connaissance par avance. En revanche, je connais bien les nombreux sujets qu'il
a abordés de par mes fonctions de ministre de l'intérieur.
Je ne m'étendrai pas sur les statistiques. Chacun sait parfaitement, en
premier lieu les policiers, à quel point elles sont manipulées de façon à en
tirer profit.
M. Jean Chérioux.
Vous en savez quelque chose !
M. Daniel Vaillant,
ministre de l'intérieur.
Pour ma part, j'essaie de faire en sorte que
l'insécurité recule !
Comme M. le Premier ministre, je souhaite qu'après les élections de 2002, sur
la base d'une étude menée par deux parlementaires, l'un de la majorité, l'autre
de l'opposition, entourés de spécialistes incontestablement reconnus, on puisse
créer un observatoire de l'insécurité réelle qui, sans empêcher, bien sûr, la
parution de statistiques relatives aux actions de la police ou de la justice,
serait un outil indépendant, incontesté et incontestable, et éviterait toute
exploitation politicienne, telle que celle à laquelle vous venez de vous
livrer, monsieur le sénateur.
(Protestations sur les travées du RPR.)
M. le président.
Je vous en prie, mes chers collègues !
M. Daniel Vaillant,
ministre de l'intérieur.
S'agissant des effectifs, nous essayons, depuis
1997, d'en revenir aux chiffres de 1995, mais, hélas ! la tâche n'est pas
simple, car le gouvernement et les ministres que vous avez soutenus
(protestations sur les mêmes travées)...
M. Claude Estier.
Mais si, bien sûr !
M. Robert Bret.
C'est la réalité !
M. Daniel Vaillant,
ministre de l'intérieur.
... n'ont pu obtenir les décisions budgétaires
qui, pourtant, s'imposaient pour remplacer les départs à la retraite. Sachez,
monsieur le sénateur, que nous faisons ce que vous n'avez pas fait ! Ainsi, 25
000 policiers ont été recrutés pour remplacer intégralement, sur cinq ans, les
policiers partant à la retraite.
M. Alain Vasselle.
Les emplois-jeunes !
M. Daniel Vaillant,
ministre de l'intérieur.
De surcroît, par décision du Premier ministre,
un certain nombre de policiers ont été recrutés en surnombre, à ma demande, et
1 000, au 31 janvier, qui sont aujourd'hui à l'école, permettront de renforcer
la police de proximité dans sa troisième phase d'installation pour l'année
prochaine. Voilà, encore une fois, ce que nous faisons et que vous n'aviez pas
fait !
M. Gérard Cornu.
Cela fait quinze ans que vous êtes au pouvoir !
M. Daniel Vaillant,
ministre de l'intérieur.
Je comprends que cela vous gêne et que vous
posiez des questions de ce genre pour vous exonérer des responsabilités passées
; mais personne n'est dupe !
M. Claude Estier.
Très bien !
M. Daniel Vaillant,
ministre de l'intérieur.
Par ailleurs, des adjoints de sécurité
remplacent les policiers auxiliaires.
Compte tenu du temps de parole qui m'est imparti, monsieur le sénateur,
j'arrête là, bien que vous ayez posé une question vaste.
M. Alain Joyandet.
C'est vrai qu'on a bossé !
M. Daniel Vaillant,
ministre de l'intérieur.
Nous verrons, à la lumière de ce qui a été fait
en 2001 pour le budget, ce qui sera fait en 2002.
Les priorités sont claires : nous voulons des effectifs de proximité sur le
terrain pour assurer la sécurité, et je souhaite que vous vous associez à notre
effort, parce que les dépenses publiques sont bien utiles pour des policiers
qui assurent la sécurité de nos concitoyens par la prévention, la dissuasion et
la répression.
(Applaudissements sur les travées socialistes ainsi que sur certaines travées
du groupe communiste républicain et citoyen.)
BAISSE DE LA DGF DES COMMUNAUTÉS
DE COMMUNES À FISCALITÉ ADDITIONNELLE
M. le président.
La parole est à M. Bimbenet.
M. Jacques Bimbenet
Ma question s'adresse à M. le ministre de l'intérieur et concerne la forte
baisse, pour 2001, de la dotation globale de fonctionnement des communautés de
communes à fiscalité additionnelle.
M. Adrien Gouteyron.
Très bien !
M. Alain Vasselle.
Bonne question !
M. Jacques Bimbenet.
Pour la deuxième année consécutive, le nombre de groupements, toutes
catégories confondues, a fortement augmenté, avec 155 groupements de plus par
rapport à 2000. Mais le développement de l'intercommunalité s'est surtout
accompagné d'un glissement non négligeable des structures intercommunales vers
les catégories à forte dotation par habitant.
Ainsi, en ce qui concerne les communautés de communes, on note cent
trente-deux passages de la catégorie des communautés de communes à fiscalité
additionnelle à celle à taxe professionnelle unique, ou TPU, dont
quatre-vingt-seize à la TPU bonifiée. En outre, vingt-trois se sont
transformées en communautés d'agglomération.
Or le changement de structure des communautés de communes à fiscalité
additionnelle, notamment de celles qui étaient déjà peu intégrées et qui se
sont transformées en communautés de communes à TPU ou en communautés
d'agglomération, s'est traduit par la diminution de 15 % à 20 % de la valeur
moyenne du point attribué à cette catégorie de groupements. Environ 200
millions de francs seraient nécessaires pour maintenir les dotations des
communautés de communes « quatre taxes » au niveau de l'an dernier.
Pouvez-vous, monsieur le ministre, nous confirmer que la grande majorité des
communautés de communes à fiscalité additionnelle de plus de trois ans vont
connaître une baisse très importante de leur dotation par habitant ?
Pouvez-vous nous indiquer dans quelle proportion cette baisse frappera chaque
groupement considéré individuellement ?
Enfin, compte tenu de cette situation particulièrement préoccupante pour
l'équilibre budgétaire de nombreuses communautés, quelles mesures le
Gouvernement entend-il prendre pour éviter qu'une nouvelle fois les bons élèves
de l'intercommunalité ne soient pénalisés ?
(Applaudissements sur les travées du RDSE et de l'Union centriste.)
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Daniel Vaillant,
ministre de l'intérieur.
Monsieur le sénateur, les dotations de l'Etat
aux collectivités locales ont augmenté, en 2001, de près de 4 milliards de
francs, une croissance jamais atteinte ces dernières années.
Les groupements de communes à fiscalité propre ont perçu une dotation globale
de fonctionnement en forte croissance, puisqu'elle atteint au total plus de 7
milliards de francs, c'est-à-dire plus de 16 % hors communautés
d'agglomération. Le soutien de l'Etat aux communautés d'agglomération ou aux
communautés de communes à taxe professionnelle unique a plus que doublé. Le
comité des finances locales - je salue son président - a en outre décidé, en
janvier dernier, de reconduire à l'identique le même de dotation moyenne par
habitant de l'année 2000 pour les communautés de communes à fiscalité
additionnelle.
Cependant, du fait des règles de répartition de la dotation globale de
fonctionnement, du développement important de l'intercommunalité, dont je me
réjouis, et des raisons que vous avez évoquées, monsieur le sénateur, ces
communautés de communes ont connu des variations importantes de leurs dotations
individuelles.
Conscient de ces difficultés, le Gouvernement a engagé plusieurs réflexions
préalables dont les effets seront significatifs à court et à moyen termes.
Tout d'abord, à l'occasion de l'examen en première lecture à l'Assemblée
nationale du projet de loi relatif à la démocratie de proximité, je me suis
engagé à poursuivre la concertation avec les parlementaires, mais aussi avec le
comité des finances locales, qui est, - je vous le rappelle - en la matière,
sur l'affectation de la régularisation de l'ordre de 1 milliard de francs qui
devrait, en 2001, abonder la dotation de fonctionnement au moment de la loi de
finances rectificative.
Ensuite, et comme je l'ai dit ici même, le Gouvernement présentera au
Parlement, d'ici à la fin de l'année, un premier rapport précédé d'une large
concertation avec les élus locaux sur les voies et moyens d'une réforme des
finances locales, notamment des dotations de l'Etat dans le sens d'une
péréquation, donc d'une solidarité et d'une justice accrues.
Comme vous le constatez, monsieur le sénateur, ce gouvernement continue et
continuera à soutenir l'intercommunalité juste.
(Applaudissements sur les travées socialistes et sur certaines travées du
groupe communiste républicain et citoyen.)
LICENCIEMENTS DANS LE TEXTILE
M. le président.
La parole est à M. Renar.
M. Ivan Renar.
Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, madame, messieurs les
ministres, mes chers collègues, à l'occasion d'une question relative au
textile, permettez-moi d'avoir une pensée pour les salariés de Philips et
Alcatel, victimes d'une nouvelle vague de licenciements. Ce sont toujours les
mêmes qui voient leur dignité bafouée, alors qu'ils sont à l'origine de la
prospérité de notre pays !
Depuis plusieurs années, dans le textile, ce sont chaque mois 2 000 emplois
qui disparaissent. Aujourd'hui, on ne dénombre pas moins d'une trentaine de
plans de restructuration. Je pense particulièrement aux entreprises du Nord -
Pas-de-Calais naturellement : Négatex, Mosseley, Virolois, Dim, ECCE, Tissavel,
Tiltex, Maquer et JCL. Je n'oublie pas non plus, monsieur le président, les
entreprises des Vosges.
(Sourires.)
M. le président.
Je vous remercie.
M. Ivan Renar.
Comment comptez-vous agir, madame la ministre, pour contourner les manoeuvres
dilatoires visant à reporter le débat sur les licenciements au 9 octobre
prochain ? Les salariés ont besoin de cette loi, mes chers collègues de droite.
Il faut agir vite !
M. Philippe Nogrix.
Cela ne sert à rien !
M. Ivan Renar.
Le désengagement des grands groupes du textile, tels Chargeurs, Devanlay, DMC
et Dim, entamé voilà environ une vingtaine d'années, s'accélère aujourd'hui.
Ces mêmes groupes refusent d'assumer leur responsabilité et, en conséquence,
les salariés se voient exclus des dispositions sociales qu'ils sont en droit
d'exiger : des indemnités correctes et des plans de formation-reclassement
dignes de ce nom.
Pour cette main-d'oeuvre, la plupart du temps payée au SMIC, qui a consenti
d'énormes efforts de productivité pour préserver son outil de travail, la
rhétorique de la fatalité n'est plus crédible. Chez Cellatex, sur 180 salariés
licenciés, 22 ont retrouvé un contrat à durée indéterminée. Ce n'est pas une
exception qui confirmerait la règle. Chez Dim, le plan actuel de
restructuration du site de Bourbon-Lancy prévoit de reclasser certaines
ouvrières sur le site d'Autun, situé à 70 kilomètres, et à la condition
qu'elles acceptent le travail posté en deux-huit et éventuellement du travail
de nuit.
Cette concentration d'activités vise à atteindre le taux de rendement de 15 %
qu'exigent aujourd'hui les marchés financiers !
Ces industries sont pourtant innovantes et potentiellement riches en débouchés
nouveaux. Elles dégagent, sur certains segments, des taux de rentabilité
confortables de l'ordre de 9 %.
M. le président.
Ce n'est pas parce que vous avez évoqué les Vosges qu'il ne faut pas poser
votre question, mon cher collègue !
(Sourires.)
M. Ivan Renar.
Je vois le terrain d'atterrissage, monsieur le président !
(Nouveaux sourires.)
Madame la ministre, ne laissons pas à la seule initiative privée la
responsabilité de la restructuration d'un secteur qui représente, encore
aujourd'hui, 250 000 emplois.
Ne faut-il pas veiller à ce que les fonds publics - plus d'une vingtaine de
milliards de francs en vingt ans - soient réellement destinés à développer la
production ? Ne faut-il pas, au vu des profits que certains engrangent,
réfléchir à la mise en place d'un régime de cessation anticipée d'activités
afin d'éviter aux salariés, qui ont souvent plusieurs années de métier,
d'entrer dans la précarité ?
Madame la ministre, quelles mesures compte prendre le Gouvernement pour
décourager les actionnaires qui délocalisent et pour atténuer les drames
humains que vivent les salariés et leur famille ?
(Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et
citoyen.)
M. le président.
La parole est à Mme le ministre.
M. Philippe Marini.
Le PC n'a pas obtenu grand chose !
M. le président.
Mme le ministre a seule la parole.
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Monsieur le sénateur, vous
venez de rappeler que, depuis de nombreuses années déjà, les entreprises
françaises du secteur textile éprouvent de très grandes difficultés. Nous
connaissons l'inquiétude des salariés de ces entreprises quant à leur
avenir.
Je peux vous dire que tous les mécanismes existants d'accompagnement et de
solidarité à la disposition du ministère de l'emploi et de la solidarité ont
été mis en oeuvre lorsque des salariés d'une entreprise textile se sont trouvé
confrontés à des difficultés. Cela a été fait pour les anciens salariés de
Cellatex, dont vous venez de rappeler le drame ou pour ceux de la Lainière de
Roubaix, qui bénéficient encore, vous le savez, de mesures d'appui au
reclassement, dans un contexte économique local qui demeure difficile.
Nous savons que, pour revitaliser l'emploi et réindustrialiser des sites qui
sont touchés, il est indispensable de mobiliser tous les acteurs concernés, à
savoir les entreprises, les salariés, les partenaires sociaux, l'Etat et les
collectivités locales. Vous avez mis en place un plan régional pour le textile
et l'habillement, qui, grâce à un financement de l'Etat, apermis de mener les
actions pour la formation et l'emploi proposées par les partenaires sociaux.
Les décisions du dernier comité interministériel pour l'aménagement du
territoire, le CIADT, sur le versant Nord-Est ont permis également la
mobilisation de moyens accrus pour dynamiser le bassin d'emplois du secteur
textile dans la région Nord - Pas-de-Calais et dans la région voisine, mais
aussi pour lutter contre la précarité et les exclusions.
Evidemment, ces mesures spécifiques conduites par l'Etat, en partenariat avec
les acteurs de terrain, n'évacuent pas la responsabilité sociale des
entreprises de ce secteur, notamment à l'égard des aides publiques qu'elles
reçoivent.
Vous savez que les décrets d'application de la loi dite « loi Robert Hue » ont
été publiés voilà un mois.
(Ah ! sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
Je pense profondément que cette loi va responsabiliser les chefs
d'entreprise.
Et puis, il y a les dispositions de protection des salariés destinées à
combattre les licenciements abusifs et à garantir les meilleures conditions
possibles de reclassement, lorsque les licenciements sont malheureusement
devenus inéluctables, qui figurent dans le projet de loi de modernisation
sociale. J'ai eu l'occasion de dire mardi dernier à quel point le Gouvernement
regrettait que le Sénat n'ait pas voulu débattre de ces dispositions...
(Vives protestations sur les travées du RPR et des Républicains et
Indépendants.)
Oui, que le Sénat n'ait pas voulu débattre de ces
dispositions...
M. Ivan Renar.
Eh oui !
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
... lors de la présente
session.
(Nouvelles protestations sur les mêmes travées.)
M. Alain Vasselle.
Le Gouvernement nous impose des conditions déplorables. C'est inadmissible
!
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
En tout cas, je peux vous
assurer, monsieur le sénateur, que ce projet de loi sera adopté en
novembre...
M. Jean Chérioux.
On ne travaille pas à la cravache !
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
... et que nous le ferons
entrer en application avec détermination.
(Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur celles du groupe
communiste républicain et citoyen.)
AUTOROUTE A 51 GRENOBLE - SISTERON
M. le président.
La parole est à M. Faure.
M. Jean Faure.
Ma question s'adressait à M. Gayssot, mais je ne le vois pas dans l'hémicycle.
Je suppose que mon collègue de la région Rhône-Alpes, M. le ministre Jack
Queyranne, va me répondre.
Le département de l'Isère, depuis un certain nombre d'années, notamment depuis
quatre ans, a été complètement sinistré par trois décisions successives : la
première est l'arrêt de la centrale de Creys-Malville, la deuxième est
l'abandon du projet de canal Rhin-Rhône et la troisième l'arrêt des études et
de la réalisation de l'autoroute devant relier Grenoble et Sisteron.
Cette décision de suspendre le projet d'extension autoroutière entre Grenoble
et Sisteron a été prise sous le prétexte d'une plus grande concertation à
mener. En réalité, la concertation durait déjà depuis plus de dix ans et elle
avait débouché sur un accord unanime à propos du tracé.
En fait, cette décision a été remise en cause tout d'abord, pour des raison
environnementales, le choix du tracé ne plaisant probablement pas à vos
collègues Verts de la majorité plurielle ! Puis, a été mis en avant le coût du
tracé et la nécessité d'approfondir les études. Enfin, pour terminer, a été
invoquée la nécessité d'organiser une plus large concertation. Résultat :
depuis quatre ans, rien n'est fait, tout est bloqué !
Monsieur le ministre, nous approchons de l'été ; or le tunnel sous le
Mont-Blanc n'est pas encore réouvert, la circulation est très réglementée sous
le tunnel de Fréjus, alors que les liaisons entre la France et l'Italie passent
par le col du Lautaret. Dès lors, l'agglomération grenobloise va sa trouver
complètement bloquée, le débouché sur la mer étant remis en cause puisque l'A 7
ne sera pas doublée.
Monsieur le ministre, la population de l'Isère exaspérée, attend des
explications : qu'entendez-vous faire, après quatre ans de stagnation, pour
répondre à l'attente des Isérois ? Qu'allez-vous faire pour cette autoroute ?
(Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR, des
Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Alain Lambert.
La question est claire !
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Jack Queyranne,
ministre des relations avec le Parlement.
Monsieur le sénateur, je vous
demande d'excuser Jean-Claude Gayssot, qui est actuellement à Luxembourg pour
participer au conseil des ministres des transports.
En son absence, vous m'avez interpellé en tant que Rhône-Alpin au sujet de la
liaison Grenoble-Sisteron.
Vous savez que le projet d'autoroute a été longtemps controversé pour des
raisons à la fois environnementales et financières. Dans ces conditions, le
schéma des services collectifs de transport, qui a été adopté le 25 otobre
2000, a arrêté un programme d'amélioration dans les Alpes du Sud.
En ce qui concerne la liaison Grenoble-Sisteron, il privilégie l'utilisation
du tracé existant de la RN 75, avec une vitesse de référence de 90 à 110
kilomètres à l'heure et des réductions à 70 kilomètres à l'heure si
nécessaire.
Tout en assurant la continuité de l'itinéraire, des travaux de mise en
sécurité, des déviations et des voies de dépassement seront réalisés si des
contraintes environnementales s'opposent à la réalisation d'une route à deux
fois deux voies dénivelées.
Le principe d'une concession de cette infrastructure est retenu et des mesures
spécifiques seront mises en place afin de préserver l'itinéraire de report du
trafic de transit des poids lourds qui empruntent la vallée du Rhône.
Les consultations qui sont prévues dans la loi d'orientation sur l'aménagement
du territoire se sont déroulées au premier semestre 2001. Elles n'ont pas remis
en cause ce programme, défini après une large concertation avec les élus.
En ce qui concerne plus particulièrement la liaison de la région
Provence-Alpes-Côte d'Azur vers l'Italie, il est aussi prévu la mise en oeuvre
d'une liaison à deux voies entre Sisteron et La Bâtie-Neuve, qui sera dénivelée
et concédée.
Le comité interministériel d'aménagement du territoire qui se réunira le 9
juillet prochain arrêtera les schémas de services avant leur transmission au
Conseil d'Etat en vue de leur approbation définitive. Immédiatement après, un
comité de concertation sera constitué, comprenant des élus ainsi que des
représentants des secteurs socio-économiques et associatifs, pour suivre
l'élaboration des études.
Par ailleurs, je vous indique, monsieur le sénateur, que la déclaration
d'utilité publique de la section Coynel-col du Fau, qui est concédée à l'AREA,
la Société des autoroutes Rhône-Alpes, a été prorogée le 2 janvier 2001.
(Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur certaines travées
du groupe communiste républicain et citoyen.)
RÉGLEMENTATION DES RAVE PARTIES
M. le président.
La parole et à M. Poniatowski.
M. Ladislas Poniatowski.
Ma question s'adresse à M. le ministre de l'intérieur.
Monsieur le ministre, je regrette réellement et sincèrement que les députés
socialistes vous aient infligé un désaveu cinglant...
M. Josselin de Rohan.
Très bien !
M. Ladislas Poniatowski.
... en supprimant votre amendement sur les
rave parties.
Je le regrette
sincèrement, car votre amendement, que le Sénat avait adopté à l'unaminité,
n'avait rien d'extraordinaire. Il prévoyait simplement le dépôt d'une demande
préalable à la préfecture par les organisateurs de
rave parties
et, dans
le cas où ceux-ci ne respecteraient pas cette mesure, la saisie du matériel de
sonorisation.
M. Ivan Renar.
Il n'y a pas eu unanimité ! Le groupe communiste républicain et citoyen a voté
contre !
M. Ladislas Poniatowski.
Quant on sait que ces
rave parties
entraînent des occupations illégales
de terrains et de propriétés privées,...
M. Josselin de Rohan.
Et la drogue !
M. Ladislas Poniatowski.
... par des milliers de jeunes, y compris de nombreux mineurs,...
M. Josselin de Rohan.
Et des
dealers !
M. Ladislas Poniatowski.
... avec toutes les conséquences qui peuvent en résulter, notamment un trafic
de drogues douces et dures, trafic grâce auquel, d'ailleurs, les organisateurs
se financent, je considère que votre mesure était très bonne. Vous étiez
d'ailleurs parfaitement dans votre rôle, lequel consiste, tout simplement, à
assurer la sécurité des citoyens, y compris des participants à ces
rave
parties.
Ma question est simple, monsieur le ministre : existe-t-il, aux yeux du
Gouvernement, deux catégories de Français, ceux qui respectent la loi et ceux
qui peuvent faire n'importe quoi ?
(Très bien ! sur les travées du RPR.)
En disant cela, je pense tout spécialement aux milliers de maires, de
responsables d'associations, de comités des fêtes, d'unions commerciales qui
organisent des fêtes musicales et qui, eux, respectent la loi. Ils déposent une
demande préalable, s'adressent à la commission de sécurité pour qu'elle
effectue un contrôle, paient la sociétés des auteurs, compositeurs et éditeurs
de musique, la SACEM, et souscrivent des assurances pour couvrir les dégâts et
les éventuels accidents.
M. Josselin de Rohan.
Très bien !
M. Ladislas Poniatowski.
Et puis, à côté, il y a...
M. Josselin de Rohan.
... les démagogues !
M. Ladislas Poniatowski.
... ces organisateurs professionnels qui font n'importe quoi, n'importe quand,
n'importe où, avec tous les dangers qui peuvent en découler.
Monsieur le ministre, votre rôle est d'assurer la sécurité des citoyens ;
c'est aussi de veiller à ce que tous les citoyens français soient traités de la
même manière.
(Bravo ! et vifs applaudissements sur les travées des Républicains et
Indépendants, du RPR, de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du
RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Alain Vasselle.
On le plaint !
M. Ladislas Poniatowski.
On vous soutient, monsieur le ministre !
M. Daniel Vaillant,
ministre de l'intérieur.
Monsieur le sénateur, comme vous le savez, après
l'avoir fait longuement ici, je me suis encore longuement exprimé hier sur ce
sujet à l'Assemblée nationale.
Les
rave parties
et les
free parties
constituent un phénomène
d'expression musicale qui a pris de l'ampleur ces dernières années, depuis une
décennie environ. Elles s'organisent, dans 90 % des cas, de manière sauvage,
souvent dans des lieux non aménagés, ni même adaptés à l'accueil de grands
rassemblements.
Ces manifestations échappent actuellement à tout régime de déclaration ou
d'autorisation puisque la circulaire du 29 décembre 1998 a perdu son fondement
juridique à travers la loi sur les spectacles qui a été adopté en 1999.
M. Alain Vasselle.
C'est là que le bât blesse !
M. Daniel Vaillant,
ministre de l'intérieur.
J'avais, en conséquence, proposé d'adopter un
dispositif juridique permettant à ce type d'événements de se dérouler librement
mais dans des conditions de nature à mieux garantir la sécurité des personnes
et des biens.
C'est ce dispositif que la Haute Assemblée a voté lors de la première lecture
du projet de loi relatif à la sécurité quotidienne dans les conditions
politiques que vous avez rappelées, dispositif qui permettait de supprimer
l'amendement de M. Mariani adopté à l'unanimité à l'Assemblée nationale.
Un dispositif juridique est nécessaire pour trois raisons.
En premier lieu, aucune activité quelle qu'elle soit, quand elle concerne un
grand nombre de personnes, ne peut se trouver en dehors du droit.
En deuxième lieu, il me paraît indispensable de protéger les jeunes qui
participent à ces rassemblements, et notamment d'assurer leur sécurité.
M. Jacques Machet.
Très bien !
M. Daniel Vaillant,
ministre de l'intérieur.
Dans ce domaine comme dans d'autres, il n'est
pas de liberté sans sécurité.
(Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR.)
C'est enfin, pour moi, une question de responsabilité vis-à-vis des maires,
des préfets et des services publics, qui doivent se mobiliser dans l'urgence et
dans des conditions très difficiles.
Il était dans mon rôle et il était conforme à ma conception de la
République,...
M. Alain Gournac.
Très bien !
M. Daniel Vaillant,
ministre de l'intérieur.
... de trouver une solution qui ne soit marquée
ni du sceau de l'angélisme ni du sceau de la répression. Je sais que cette
conception est partagée par des parlementaires de tous horizons.
L'Assemblée nationale s'est prononcée en pleine responsabilité et, soucieux
que je suis du Parlement, je n'ai d'autre commentaire à faire, sinon pour dire,
sans esprit polémique, monsieur Poniatowski, que j'ai vu hier qui avait voté et
qui n'avait pas voté.
Le problème ne s'est d'ailleurs pas présenté selon le rapport des forces que
vous avez évoqué, car les députés de l'opposition étaient fort peu nombreux en
séance. J'ai même lu dans la presse un commentaire expliquant qu'ils n'avaient
qu'une crainte, c'était que ma conception ne l'emporte parce que cela les
aurait privés - et vous aurait privés aussi - d'arguments.
(Protestations sur les travées du RPR.)
C'est ce qu'a laissé entendre un
député qui s'appelle Laurent Dominati !
(Applaudissements sur les travées socialistes. - Mme Luc applaudit également.
- Vives protestations sur les travées du RPR.)
M. Alain Vasselle.
Ce n'est pas parole d'Evangile !
M. Adrien Gouteyron.
La fin n'est pas bonne !
ÉCOLES MUNICIPALES DE MUSIQUE
M. le président.
La parole est à M. Raoult.
M. Paul Raoult.
Ma question s'adresse à M. Queyranne, ministre des relations avec le
Parlement, en l'absence de Mme Tasca, ministre de la culture et de la
communication.
Les écoles municipales de musique forment un réseau très dense et très actif
dans notre pays. Elles sont un élément essentiel de notre vie culturelle. Elles
sont souvent, pour les jeunes, dans les villages et les bourgs-centres de nos
zones rurales, une des seules possibilités d'accès à la culture.
Les élèves suivent cet enseignement par pur plaisir musical, même si certains
d'entre eux ont par la suite un cursus exceptionnel dans les conservatoires des
grandes villes proches.
Or, aujourd'hui, ces écoles de musique connaissent une grave crise de gestion
qui met en péril leur existence même. En effet, les personnels non titulaires -
largement majoritaires -, compétents et dévoués, qui enseignent parfois depuis
de très longues années, ne peuvent plus exercer leur activité professionnelle
du fait d'une application de plus en plus stricte et rigoureuse de la loi
relative à la fonction publique.
Aussi, monsieur le ministre, serait-il possible de prévoir une période de
transition qui permettrait de continuer à employer ces personnels pour les
remplacer très progressivement par des personnels diplômés de la fonction
publique territoriale ?
Je souhaite que soit organisée une concertation approfondie avec les préfets
et les directions régionales des affaires culturelles en vue de mettre en place
des concours adaptés de titularisation, de tels concours étant aujourd'hui trop
peu nombreux.
L'objectif est de consolider le potentiel d'enseignement musical dans chaque
département, mais aussi d'assurer la rigueur et la transparence dans la gestion
des personnels, en particulier sur les comptes de cumul.
Un autre problème tient au coût très élevé de cet enseignement musical pour
les budgets communaux, intercommunaux ou pour les associations gestionnaires.
Or nous ne pouvons demander une participation trop importante des familles. Ne
pourrait-on envisager des mesures financières incitatives telles qu'un
dégrèvement de la part patronale, comme pour le secteur associatif sportif ?
Monsieur le ministre, je vous demande de bien vouloir m'indiquer si des
actions pragmatiques et réalistes sont possibles pour préserver des structures
d'enseignement musical essentielles à la vie culturelle locale et à la cohésion
sociale de nos communes.
(Applaudissements sur les travées socialistes. -
Mme Luc applaudit également.)
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Michel Sapin,
ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.
Monsieur le
sénateur, vous vous préoccupez, à juste titre, du bon fonctionnement et de
l'avenir de cet élément fondamental dans le tissu communal que constituent les
écoles municipales de musique.
Dans votre question, vous distinguez deux grands volets : premièrement, le
statut du personnel ; deuxièmement, les moyens permettant de faire fonctionner
ces écoles.
S'agissant du statut du personnel, les conditions de recrutement d'agents non
titulaires - et ils sont assez nombreux parmi les agents des collectivités
territoriales - n'ont pas varié au cours des toutes dernières années : en vertu
de l'article 3 de la loi de janvier 1984 relative à la fonction publique
territoriale, un recrutement d'agents non titulaires est possible en cas de
carence d'un cadre d'emplois ou, s'agissant du recrutement d'un agent non
titulaire du niveau de la catégorie A, ce qui est parfois le cas dans les
écoles de musique, en fonction des besoins du service.
Pour ce qui concerne les enseignants non titulaires actuellement en poste dans
les écoles municipales de musique, la loi du 3 janvier 2001, que certains
commentateurs appellent la « loi Sapin »
(Sourires),
relative à la
résorption de l'emploi précaire, doit leur permettre d'entrer dans la fonction
publique territoriale soit par la voie de l'intégration directe, soit par la
voie des concours réservés.
Le ministère de la culture et le ministère de l'intérieur ont mis en place un
groupe de travail avec le CNFPT, le Centre national de la fonction publique
territoriale, en vue de multiplier le nombre des concours organisés et de
faciliter le recrutement de professeurs dans les collectivités
territoriales.
La loi du 3 janvier 2001 prévoit en outre des mécanismes de validation des
acquis professionnels. Ceux-ci pourront être pris en compte pour se présenter
tant au concours externe qu'au concours réservé. Ces dispositions sont de
nature à répondre aux préoccupations que vous avez exposées et à faciliter
l'accès à la fonction publique territoriale des agents qui ne sont pas
titulaires des diplômes exigés pour se présenter au concours externe, mais qui
ont néanmoins pu démontrer leurs qualités professionnelles.
J'ajoute que le statut de la fonction publique territoriale permet de partager
la charge d'un emploi d'enseignant entre plusieurs communes.
S'agissant de la question des moyens, la loi de 1983 donne compétence aux
collectivités territoriales sur l'enseignement artistique spécialisé initial.
Cet effort repose encore trop sur les seules communes. Le ministère de la
culture souhaite promouvoir des écoles départementales ou intercommunales, de
façon que chaque collectivité prenne sa part de la charge financière que
représentent les écoles de musique.
La charte de l'enseignement artistique spécialisé en danse, musique et
théâtre, récemment publiée par le ministère de la culture, et les protocoles de
décentralisation qui sont expérimentés dans deux régions pilotes, dont la
région Centre, ont précisément un tel objectif.
Le Gouvernement est, bien entendu, attaché à ce que soit maintenu et développé
un réseau territorial d'écoles de musique, car celles-ci sont essentielles pour
la formation initiale des jeunes et sont souvent la seule chance d'un accès
immédiat à la pratique artistique.
(Applaudissements sur les travées
socialistes. - Mme Luc applaudit également.)
ÉVOLUTION DE LA DÉMOGRAPHIE MÉDICALE
M. le président.
La parole est à M. Gouteyron.
M. Adrien Gouteyron.
Ma question, qui porte sur la démographie médicale, s'adresse à Mme la
ministre de l'emploi et de la solidarité. Elle m'est inspirée aussi bien par
deux rapports récents que par un certain nombre de constatations que je fais
dans mon département et que, j'en suis convaincu, la plupart de mes collègues,
notamment ceux qui représentent un département rural, font également.
Ce que nous constatons, c'est que la pénurie de médecins et l'inégale
répartition de ceux-ci sur le territoire national sont d'ores et déjà de
douloureuses réalités. Or, selon les rapports que j'évoquais, elles vont encore
s'aggraver.
Il semble en effet que le nombre des médecins, après une forte hausse ces
trente dernières années, soit voué à baisser nettement à partir de 2008. On le
sait, des spécialités comme l'anesthésie, la pédiatrie, la gynécologie ou
l'ophtalmologie subissent déjà les premiers effets de ce déclin. A l'heure
actuelle, comme j'ai pu l'observer dans mon département, certains jours,
certains week-ends, trouver un médecin de garde relève de la gageure. Nous
sommes nombreux, j'en suis sûr, à avoir vécu des moments difficiles quand,
appelés par l'un de nos concitoyens malheureux ou inquiet, nous avons essayé de
l'aider à trouver le médecin qui pouvait calmer sa souffrance.
Une diminution de la densité médicale commencera à se faire sentir dès 2005
pour les spécialistes et, selon le rapport de la direction générale de la
santé, c'est aussi dès 2005 qu'un solde négatif pourrait occasionner la
multiplication des zones en difficulté s'agissant des généralistes.
Si rien n'est fait, si des mesures ne sont pas rapidement prises afin de
modifier le nombre des médecins formés et leur répartition, une véritable
fracture sanitaire risque de s'instituer dans notre pays.
Certaines régions connaissent une densité médicale de 320 à 350 médecins pour
100 000 habitants, tandis que d'autres se situent largement en dessous de 200.
Les déséquilibres régionaux concernent les spécialistes, les déséquilibres
départementaux, les généralistes.
Madame la ministre, « gouverner, c'est prévoir ». Vous allez, je l'espère,
nous montrer que vous êtes encore capable de gouverner.
(Protestations sur
les travées socialistes et sur celles du groupe communiste républicain et
citoyen.)
Vous nous montrez souvent que votre premier souci est de durer.
Là, s'agissant du temps nécessaire pour former des médecins, il faut prévoir et
il faut agir ! Que comptez-vous faire ?
(Applaudissements sur les travées du
RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur
certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à Mme le ministre.
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Monsieur le sénateur, vous avez
parfaitement raison : gouverner, c'est prévoir !
C'est précisément pourquoi les rapports auxquels vous avez fait allusion ont
été demandés par le Gouvernement en octobre dernier. Ces rapports m'ont été
remis la semaine dernière par le directeur général de la santé et par le
directeur général des hôpitaux, lequel avait confié l'étude souhaitée au
professeur Nicolas.
J'ai non seulement demandé la publication de ces rapports, mais encore prié
leurs auteurs de les commenter. Ils nous apportent en effet des informations
extrêmement intéressantes et proposent des pistes pour l'avenir.
Ils dressent d'abord un état des lieux. En 2000, nous avions 197 224 médecins,
se répartisssant à peu près comme suit : 95 000 généralistes et 99 000
spécialistes.
Le taux moyen de 331 médecins pour 100 000 habitants, qui se situe dans la
moyenne européenne, est le résultat d'une longue période de forte croissance
médicale, allant de 1960 à 2000. Cette période est d'ailleurs à l'origine de
l'instauration, en 1971, d'un
numerus clausus
à la fin de la première
année des études médicales. La baisse de la démographie médicale, due
précisément à ce
numerus clausus
instauré voilà trente ans, doit
effectivement se faire sentir à partir de 2007, année où les départs en
retraite des médecins formés dans les années soixante-dix seront plus nombreux
que les arrivées des jeunes médecins.
Pour éviter que la baisse de la démographie médicale globale prévue à compter
de 2007 ne produise des effets préjudiciables, le Gouvernement a décidé une
augmentation progressive du
numerus clausus
. Par exemple, cette année,
nous avons fixé à 4 100 le nombre d'étudiants admis en deuxième année, ce qui
représente 200 étudiants de plus qu'en 2000.
Sont également mises en évidence un certain nombre de disparités
géographiques. Le nombre de médecins est bien plus important en Ile-de-France,
en Provence - Alpes - Côte d'Azur et en Languedoc-Roussillon que dans d'autres
régions : la Picardie, par exemple.
Quant à la répartition entre généralistes et spécialistes, la proportion de
ces derniers est passée de 36 % à 51 % au cours de ces dernières années.
M. Philippe Marini.
Vous allez créer un observatoire !
M. Alain Vasselle.
Une table ronde !
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
La pénurie enregistrée dans
certaines spécialités, telles que la chirurgie, l'anesthésie-réanimation et la
gynécologie médicale, doit nous conduire à nous soucier des recrutements.
M. Dominique Leclerc.
Plus personne ne veut y aller !
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Pour remédier à ces
insuffisances quantitatives et à ces inégalités de répartition entre
territoires et entre spécialités, nous étudions les propositions contenues dans
les deux rapports que j'ai évoqués.
Il s'agit de la poursuite de la remontée du
numerus clausus
, de la mise
en place d'un observatoire de la démographie médicale pour nous permettre
d'être plus précis dans la durée...
M. Philippe Marini.
Et voilà ! On observe !
M. Josselin de Rohan.
Nous sommes sauvés !
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
... et de la fixation de
postes, spécialité par spécialité.
Monsieur Marini, si vous aviez mis en place cet observatoire lorsque vous
étiez aux responsabilités, peut-être n'en serions-nous pas là !
(Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe
communiste républicain et citoyen. - Protestations sur les travées du
RPR.)
Par ailleurs, nous étudions des outils incitatifs pour faire en sorte que des
médecins puissent s'installer dans les territoires aujourd'hui délaissés.
J'ajoute que j'ai inscrit ce sujet à l'ordre du jour du « Grenelle de la santé
» que j'ai lancé le 25 janvier dernier. Nous étudierons ces propositions le 12
juillet prochain.
(Applaudissements sur les travées socialistes et sur
celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
INDEMNITÉS DES ÉDUCATEURS SPÉCIALISÉS
M. le président.
La parole est à M. Nogrix.
M. Philippe Nogrix.
Madame la ministre de l'emploi et de la solidarité, jamais je n'aurais dû être
amené à vous poser cette question lors de la séance des questions d'actualité.
Mais les décisions à prendre n'étant pas encore intervenues, il est devenu
urgent que vous nous donniez une réponse attendue, que vous nous fassiez part
d'une position claire et définitive sur la sortie du décret relatif à la
rémunération des heures passées en chambre de veille par des éducateurs des
associations financées, notamment, par les conseils généraux. Tout retard de
votre part ne ferait que compliquer les relations entre salariés, associations,
employeurs et bailleurs de fonds.
Jusqu'en 1995, tout allait bien. Les heures passées en chambre de veille
étaient rémunérées sur la base d'équivalences instituées par les conventions
collectives.
Mais, en 1995, le doute commença à s'installer avec un arrêt de la Cour de
cassation dont il ressortait que le fait de rester en permanence à la
disposition de l'employeur était constitutif d'un travail effectif et devait
être rémunéré au tarif heures pleines.
Le Gouvernement, tardivement, crut trouver la solution avec l'article 29 de la
loi « Aubry II » du 19 janvier 2000 qui validait les heures d'équivalences
instituées par des conventions collectives agréées dans les secteurs sanitaire
et social.
Cette loi définit, par ailleurs, le régime d'instauration des heures
d'équivalences qui requiert soit un accord de branche étendu, complété par un
décret simple, soit un décret en Conseil d'Etat.
Les conséquences financières de votre attentisme sont très lourdes. C'est
ainsi que, pour une association de Bretagne, le surcoût à financer s'élèverait
à 4,17 millions de francs sur la seule année 2000, soit plus de 20 millions de
francs pour un rappel de cinq ans.
Un jugement donnant raison au salarié peut aller jusqu'à ordonner le versement
de 300 000 francs de rappel de salaire. Cela ne pourra que conduire à des
dépôts de bilan ou à la mise en oeuvre de dispositifs alternatifs contraires
aux intérêts des associations et de leurs salariés.
Dans un courrier du 4 avril 2000, Mme Nicole Péry indique que la signature du
décret que je vous réclame aujourd'hui interviendra avant les vacances d'été.
De nombreux courriers vous sont parvenus sur le sujet depuis plus d'un an
maintenant.
Il faut, madame la ministre, arrêter le suspens qui n'a que trop duré.
D'autant que le projet de décret est rédigé et qu'il n'attend que votre
signature pour être adressé au Conseil d'Etat.
(Applaudissements sur les
travées de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE et du
RPR.)
M. le président.
La parole est à Mme le ministre.
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Monsieur le sénateur, comme
vous l'avez rappelé, nous avons tenté de résoudre le problème que vous
mentionnez par la loi du 19 janvier 2000.
Mais il est vrai aussi que nous avons de multiples contentieux en cours. Des
décisions définitives ont été rendues. Portant sur des périodes anciennes,
puisqu'il s'agit d'actions engagées avant la publication de la loi du 19
janvier 2000, elles donnent d'ailleurs satisfaction aux salariés. Quant aux
contentieux postérieurs à la publication de cette loi, nous ne saurions
anticiper les jugements.
Compte tenu de cette incertitude, il est très difficile d'extrapoler les
incidences budgétaires prévisionnelles sur les budgets de l'ensemble des
établissements concernés.
Nous avons évidemment prévu de traiter les incidences budgétaires de ces
contentieux par la réglementation.
Nous sommes tout à fait conscients des difficultés que peut occasionner pour
certaines petites associations le poids de ces contentieux. C'est pourquoi nous
étudions, pour le champ des financements Etat et assurance-maladie, une
procédure qui permettra, d'une part, d'évaluer la charge exceptionnelle globale
et, d'autre part, les risques encourus par certains départements ou certaines
associations pour le maintien ou la poursuite de leurs activités.
L'objectif reste de mettre en place, dès que les décisions définitives seront
rendues - le plus rapidement possible donc - les compléments de dotation
ponctuels qui sont absolument nécessaires. Nous souhaitons que les autres
cofinanceurs s'inspirent de cette procédure.
Pour l'avenir, nous constatons que les partenaires sociaux n'ont pas réussi à
s'accorder sur un nouveau régime d'équivalence négocié au cours de l'année
2001. Aussi le Gouvernement a-t-il décidé de prendre, comme la loi l'y
autorise, un décret soumis à l'avis du Conseil d'Etat, afin de conforter la
légalité du dispositif conventionnel.
Toujours pour l'avenir, il apparaît souhaitable que les partenaires sociaux
puissent négocier, sur le plan national et sur le plan local, un accord
mutuellement satisfaisant qui prenne en compte les légitimes intérêts des
salariés sans générer des effets d'« aubaine » qui ne seraient pas compatibles
avec une bonne gestion des fonds publics.
(Applaudisements sur les travées
socialistes.)
OPACITÉ DES RELATIONS COMPTABLES
ENTRE L'ÉTAT ET LA SÉCURITE SOCIALE
M. le président.
La parole est à M. Delaneau.
M. Jean Delaneau.
Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les
ministres, mes chers collègues, ma question s'adressait à M. le ministre de
l'économie, des finances et de l'industrie.
Lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2001, j'avais dénoncé la
manière avec laquelle le Gouvernement s'acharnait à brouiller les enjeux par un
jeu de bonneteau de plus en plus perfectionné, avec de multiples dispositifs en
miroir entre le budget de l'Etat et celui de la sécurité sociale. C'étaient
Robert Houdin et David Copperfield réunis !
(Sourires.)
M. Claude Estier.
Ce n'est pas mal comme référence !
M. Jean Delaneau.
En réponse, le Gouvernement s'était contenté de signaler la publication d'un «
jaune » budgétaire sensé permettre de s'y retrouver.
Lors du débat d'orientation budgétaire du 19 juin dernier, j'ai de nouveau
insisté sur le défaut de financement des 35 heures et la multiplication des
transferts largement occultes mise en évidence par les travaux de la commission
des affaires sociales. Là encore, vous avez fait la sourde oreille.
Voilà maintenant que la Cour des comptes publie un rapport sur l'exécution des
lois de finances pour 2000 qui souligne l'inefficacité et l'opacité de la
gestion de huit ministères.
La Cour reprend notamment les critiques du Sénat sur le manque de clarté des
relations entre l'Etat et la sécurité sociale, comme entre l'Etat et les
collectivités territoriales.
Comment pouvez-vous affirmer gouverner dans la clarté, alors que tous les
rapports - et pas seulement les nôtres - prouvent le contraire ?
Comment pouvez-vous prétendre maîtriser les comptes publics, alors qu'il est
impossible de savoir avec précision ce que dépensent certaines administrations
et combien de personnes elles emploient ?
Comment pouvez-vous annoncer une relance de la décentralisation, alors que le
remplacement d'impôts locaux par des dotations de l'Etat limite chaque année un
peu plus l'autonomie des collectivités territoriales ?
M. Ladislas Poniatowski.
Très bien !
M. Philippe Marini.
Excellent !
M. Jean Delaneau.
N'y a-t-il pas là un décalage flagrant entre vos déclarations de bonnes
intentions et la réalité de votre politique budgétaire et sociale telle que la
décrit la Cour des comptes ?
(Très bien ! et applaudissements sur les
travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste, ainsi
que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Florence Parly,
secrétaire d'Etat au budget.
Monsieur le sénateur, les relations
financières entre l'Etat et la sécurité sociale ont toujours été complexes.
M. Jean Delaneau.
C'est le moins qu'on puisse dire !
Mme Florence Parly,
secrétaire d'Etat.
La compensation démographique, qui donne encore
aujourd'hui des maux de tête à de très nombreux fonctionnaires, date de
1974.
Le Gouvernement, qui est désireux d'améliorer l'information du Parlement sur
les relations financières entre l'Etat et la sécurité sociale, a jugé utile
d'enrichir un document présenté en annexe du projet de loi de finances, le «
rapport économique et financier », qui, depuis quatre ans maintenant, contient
également des informations sur les comptes des administrations sociales.
Ce document permet, notamment, d'appréhender de manière plus globale la notion
de prélèvements obligatoires pris dans leur ensemble et celle de besoins de
financement des administrations publiques.
Je vous concède volontiers qu'il faut sans doute aller plus loin. Lors de
l'examen de la proposition de loi organique réformant l'ordonnance de 1959, les
deux chambres se sont accordées sur la nécessité d'assurer une plus grande
cohérence dans les choix de politiques budgétaires et de politiques
sociales.
Si ce texte est adopté - et ce vote devrait intervenir aujourd'hui même - le
Parlement aura prochainement la possibilité d'appréhender à la fois les comptes
sociaux et les comptes de l'Etat de manière très cohérente.
Par ailleurs, vous soulignez que la Cour des comptes, dans son rapport sur
l'exécution du budget de l'Etat pour l'année 2000, formule un certain nombre de
critiques, et vous vous interrogez sur la capacité de l'Etat à maîtriser la
dépense.
Je répondrai d'un mot : l'objectif d'évolution des dépenses fixé pour 2000
était de 0 % ; il a été tenu, comme l'a reconnu la Cour des comptes.
(Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur certaines
travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
EUTHANASIE
M. le président.
La parole est à M. Lagauche.
M. Serge Lagauche.
Ma question s'adresse à M. le ministre délégué à la santé.
Récemment, les Pays-Bas ont définitivement adopté une loi légalisant, sous
conditions, l'euthanasie. Le Sénat belge, quant à lui, travaille à une
proposition de loi qui va dans le même sens. Ces évolutions législatives
intervenues dans des pays voisins et l'évolution même de l'opinion publique
française sur cette question mériteraient que le tabou de l'euthanasie soit
levé.
La presse s'est fait l'écho de la journée d'étude qui s'est tenue sur ce thème
au début du mois de juin dans votre ministère avec des représentants des
différentes professions soignantes, des associations et des spécialistes de
bioéthique. Cet été, vous avez prévu de vous rendre aux Pays-Bas pour y étudier
les principes d'application de l'euthanasie.
En France, l'application stricte de la loi amène à qualifier l'euthanasie
d'homicide volontaire, d'assassinat ou de non-assistance à personne en
danger.
Or, l'euthanasie se pratique dans de nombreux établissements de soins après
une décision parfois collégiale, mais assez souvent solitaire, toujours dans le
non-dit et dans le non-droit, même si la volonté du patient a pu être nettement
exprimée préalablement auprès, soit de la famille, soit des médecins.
En 1998, le Comité consultatif national d'éthique, tout en refusant la
dépénalisation, a reconnu qu'il n'est jamais sain pour une société de vivre un
décalage trop important entre les règles affirmées et la réalité vécue. Il
s'est prononcé pour une sorte d'exception d'euthanasie qui pourrait être prévue
par la loi et qui permettrait d'apprécier tant les circonstances
exceptionnelles pouvant conduire à des arrêts de vie que les conditions de leur
réalisation.
Le Parlement est prêt à engager ce débat. Une proposition de loi de notre
collègue M. Pierre Biarnès a été déposée depuis longtemps au Sénat.
Depuis de nombreuses années également, l'Association pour le droit de mourir
dans la dignité se bat pour la dépénalisation de l'euthanasie parce que, comme
l'affirme son président Henri Caillavet, une fin de vie digne est un droit
absolu qui, exprimé en toute volonté, consacre une liberté fondamentale : le
droit de disposer de sa vie.
Les Français sont également prêts à avoir ce débat. Ces dernières années,
plusieurs enquêtes ont montré qu'une majorité de nos concitoyens se
prononçaient en faveur du droit à mourir dans la dignité. Il est donc grand
temps que l'euthanasie sorte de la clandestinité.
Le Gouvernement est-il prêt à inscrire un tel débat à l'ordre du jour du
Parlement ?
(Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Bernard Kouchner,
ministre délégué à la santé.
Monsieur le sénateur, l'euthanasie - mais je
déteste ce mot ! - est déjà sortie de la clandestinité. J'en veux pour preuve
le fait que vous en parlez et que nous en débattons.
Sur ce problème dont il n'est pas simple de débattre, le Sénat a apporté une
réponse partielle en votant, en avril 1999, un texte sur l'amélioration de la
prise en charge des soins palliatifs, prise en charge de cette mort qui nous
attend tous, dans des conditions différentes.
M. Jacques Machet.
C'est vrai !
M. Bernard Kouchner,
ministre délégué.
Des équipes ont été créées, d'autres vont l'être. Cent
équipes nouvelles...
M. Jean Chérioux.
Il serait temps !
M. Bernard Kouchner,
ministre délégué.
S'il est temps, il fallait le faire plus tôt !
Il s'agit d'un sujet grave, de grâce, ne polémiquez pas à ce propos, monsieur
le sénateur !
Je crois que nous pouvons certes faire mieux, mais pas dans la précipitation.
Il est vrai que les expériences hollandaise, belge et suisse montrent une
partie de la voie.
Si je crois que, dans 95 %, voire dans 98 % des cas, le problème peut être
résolu grâce aux soins palliatifs, j'ai également conscience qu'il faut faire
beaucoup plus.
La journée que vous avez mentionnée, qui a réuni les représentants de toutes
les religions - de Mgr Lustiger au Dr Boubakeur, tout le monde était là -, des
philosophes et, surtout, des spécialistes de cette fin de vie que sont les
réanimateurs - pédiatriques ou adultes - a illustré la complexité du problème.
Pour le moment, à les écouter, le moins que l'on puisse dire, c'est que la
dépénalisation est en question.
Mais que faire ? Il y a des euthanasies dites « actives » et des euthanasies
dites « passives ».
Lorsqu'un homme ou une femme en fin de vie est sous assistance respiratoire,
oui, à un moment donné, les équipes - mais c'est toujours une réflexion qui,
comme toute réflexion médicale, est, hélas ! un peu solitaire - accomplissent
parfois - souvent, si l'on en croit les statistiques - ce geste. Il nous faudra
donc certainement y réfléchir.
Et puis il y a le geste, beaucoup plus grave, de mettre fin à une vie parce
que, dans sa lucidité, un homme ou une femme nous l'aura demandé. On appelle
cela aussi « le testament de vie ». Il est très difficile d'y réfléchir quand
on est malade, et il est très facile d'y réfléchir quand on est bien
portant.
Tels sont les problèmes qui se posent, avec certainement beaucoup d'acuité
mais que nous devons aborder avec une grande dignité. Une réunion vous sera
proposée. Des textes vous seront transmis dans quelques semaines.
Je ne veux pas agir dans la précipitation mais je sais qu'il faudra nous
pencher sur le problème. Le Gouvernement vous fera une proposition. Laquelle ?
Honnêtement, je ne le sais pas.
L'exemple hollandais est un exemple parmi d'autres, il n'est pas forcément à
suivre, car il traite les choses
a posteriori.
Est-ce la solution ? En
tout cas, si nous en venons à légiférer, je suis d'accord avec Robert Badinter
sur le fait qu'il faudra plutôt rassurer les malades qui, en entrant à
l'hôpital, ne doivent pas craindre qu'on leur vole leur mort.
(Très bien !
et applaudissements sur l'ensemble des travées.)
M. le président.
Monsieur le ministre, je vous remercie de cette réponse qui a été écoutée avec
toute l'attention qu'elle méritait.
Comme vous le savez, le Sénat, en matière de soins palliatifs, a fait des
propositions, sur l'initiative de M. Neuwirth, propositions qui ont été prises
en considération par le Gouvernement. Une excellente coopération a ainsi été
enregistrée sur un sujet particulièrement délicat.
Mes chers collègues, ainsi s'achève la dernière séance de questions au
Gouvernement de cette session. Au nom du Sénat, je tiens à vous remercier pour
la qualité et la pertinence des questions que vous avez posées aux différents
ministres. Cet exercice, qui s'est déroulé régulièrement au cours des neuf mois
de cette session, est, je vous le rappelle, un moment extrêmement important de
notre vie démocratique, car il participe de l'indispensable contrôle que le
Parlement doit exercer sur l'action du Gouvernement.
Je remercie M. le Premier ministre et les membres du Gouvernement de s'être
prêtés à ce dialogue républicain entre le pouvoir exécutif et le pouvoir
législatif.
A ceux qui vont prendre quelques jours de repos, je souhaite d'agréables et
enrichissantes vacances.
Nous allons interrompre nos travaux quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures, est reprise à seize heures dix, sous la
présidence de M. Jean Faure.)
PRÉSIDENCE DE M. JEAN FAURE
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
4
RATIFICATION DU TRAITÉ DE NICE
Suite de la discussion et adoption d'un projet de loi
M. le président.
Nous reprenons la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée
nationale, autorisant la ratification du traité de Nice modifiant le traité sur
l'Union européenne, les traités instituant les Communautés européennes et
certains actes connexes.
Je rappelle que la discussion générale a été close.
Exception d'irrecevabilité
M. le président.
Je suis saisi, par MM. Autexier et Loridant, d'une motion n° 1, tendant à
opposer l'exception d'irrecevabilité.
Cette motion est ainsi rédigée :
« En application de l'article 44, alinéa 2, du règlement, le Sénat déclare
irrecevable le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, autorisant la
ratification du traité de Nice modifiant le traité sur l'Union européenne, les
traités instituant les Communautés européennes et certaines actes connexes (n°
373, 2000-2001). »
Je rappelle que, en application du dernier alinéa de l'article 44 du
règlement, ont seuls droit à la parole sur cette motion l'auteur de
l'initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d'opinion
contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la
commission saisie au fond et le Gouvernement.
La parole peut être accordée pour explication de vote, pour une durée
n'excédant pas cinq minutes, à un représentant de chaque groupe.
La parole est à M. Autexier, auteur de la motion.
M. Jean-Yves Autexier.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je voudrais
vous exposer sommairement pour quelles raisons, aux yeux de mon collègue Paul
Loridant et de moi-même, le projet de loi autorisant la ratification du traité
de Nice encourt l'irrecevabilité.
Il l'encourt, en premier lieu, parce que le traité de Nice vient d'être rejeté
par l'une des parties contractantes. Le Parlement français est donc invité à
ratifier un texte qui ne peut entrer en vigueur.
L'article 12 du traité de Nice stipule, comme il est d'usage, que le traité
sera ratifié par les parties contractantes, conformément à leurs règles
consitutionnelles respectives. En Irlande, la ratification fut donc soumise à
référendum et le peuple irlandais a décidé de ne pas ratifier, pour de bonnes
et de mauvaises raisons. Les mauvaises raisons sont certainement la crainte
devant l'élargissement. Les bonnes raisons tiennent à la préoccupation
qu'inspire le fossé qui se creuse entre les peuples et la construction
européenne. On ne peut pas ne pas être frappé par le fait que les neuf grandes
circonscriptions d'Irlande qui ont voté à plus de 55 % pour le « non » sont des
circonscriptions travaillistes, populaires, et que les deux seules
circonscriptions qui ont voté pour le « oui » sont les deux quartiers bourgeois
situés au sud de la capitale.
(M. Gaillard lève les bras au ciel.)
M. Paul Girod.
Quelle horreur !
M. Jean-Yves Autexier.
On ne peut pas ne pas être frappé par le fossé qui se creuse entre les couches
populaires dans toute l'Europe et la construction européenne telle qu'elle se
déploie.
Comme tout traité communautaire, le traité de Nice ne pourra entrer en vigueur
que lorsque tous les Etats signataires l'auront ratifié. On peut imaginer qu'un
nouveau référendum sera organisé demain : lorsqu'on veut faire le bonheur des
peuples sans eux, quelquefois contre eux, on leur représente plusieurs fois,
comme aux enfants boudeurs, le plat qu'ils ne veulent pas ingurgiter.
Mais quel texte sera présenté demain aux Irlandais ? Peut-être le même, ce qui
serait leur faire injure. Je ne reprendrai pas ce qu'a dit à ce sujet M. Badré,
que j'approuve. Peut-être sera-ce un autre texte, mais alors le Sénat est
invité à ratifier un traité qui sera modifié après notre vote.
Que le Parlement français délibère ainsi sur un texte explicitement rejeté par
le peuple d'un Etat membre me paraît significatif de ce qu'il advient du
principe démocratique dans les procédures européennes. En réalité, l'opinion
des peuples ne compte pas : M. Prodi l'a exprimé sans fard. C'est pour cela
que, à nos yeux, l'irrecevabilité est en premier lieu justifiée.
En second lieu, de nombreuses dispositions du traité nous paraissent
incompatibles avec notre Constitution.
Il n'est pas facile de concilier l'article 2 de notre Constitution,
c'est-à-dire le principe de la République « gouvernement du peuple, par le
peuple et pour le peuple », avec une conception fédérale de l'Union.
Ce principe est évidemment compatible avec la conception d'une Europe de
nations libres, formule que j'emprunte au Premier ministre britanique. Mais il
ne l'est pas avec la constitution d'une Europe en forme de super Etat fédéral,
selon les conceptions qu'en ont exposé successivement MM. Schaüble et Lammers,
pour la CDU-CSU, puis M. Joschka Fischer à l'université Humboldt, puis le SPD
et le chancelier Schröder, dont les propositions visent à tranformer le Conseil
en Chambre haute, à élargir le mécanisme de la codécision et à transformer la
Commission en gouvernement européen. Il y a une grande logique en ces choses
!
Le coordonnateur des relations germano-françaises, le professeur Rudolf von
Thadden, un homme extrêmement estimable, a indiqué, dans un journal français,
que pour ce projet la France devait changer un peu quelque chose d'elle-même.
Encore faut-il le lui demander !
Le Gouvernement du peuple français, par des instances qu'il n'a pas élues,
mettrait fin au principe de souveraineté populaire.
Beaucoup estiment que c'est la meilleure voie possible. Aucun débat n'est
interdit, à condition que le débat ait lieu. La méthode Monnet, c'est fini.
C'est un point que nous pouvons partager avec nos partenaires allemands. Il ne
s'agit pas d'avancer de biais, un pas conduisant à l'autre, les élus et les
opinions placés devant le fait accompli étant contraints d'avancer encore d'un
pas. Cette méthode est révolue ! Il faut poser la question politique du devenir
de l'Europe, la question politique du devenir des souverainetés, la question
politique de ce que nous voulons faire ensemble. Il faut demander aux peuples
s'ils sont prêts à échanger le principe de souveraineté populaire pour celui du
fédéralisme. Bien sûr, le traité de Nice n'est pas allé jusque-là. D'ailleurs,
le Gouvernement français a bien défendu les prérogatives du Conseil. Il l'a
fait dans des conditions difficiles et il faut lui rendre hommage pour sa
ténacité de ce point de vue.
Cependant, j'observe aussi que, pour vingt-neuf domaines d'activité importants
de l'Union européenne, on passe à la majorité qualifiée : la politique
commerciale pour ce qui concerne les services et la propriété intellectuelle,
la modernisation des systèmes de protection sociale, sans que l'on cerne
vraiment les contours de cette délégation, les mesures nécessaires à
l'introduction de l'euro.
Le président de la Commission sera désigné à la majorité qualifiée. J'observe
que, de ce fait, il échappera à tout contrôle démocratique : d'abord, il
échappera au contrôle de ceux qui ne l'ont pas élu, cela va sans dire ;
ensuite, il échappera bien vite au contrôle de ceux qui l'ont élu, car il
songera rapidement qu'il ne doit sa nomination qu'à son talent.
Au sein de la Commission, la France n'aura plus, à terme, qu'un représentant
sur vingt-sept et son poids au sein de l'Union européenne, qui représente
aujourd'hui 11,5 % des voix dans les votes à la majorité qualifiée - elle est
rarement mise en oeuvre -, passera à 8 % dans une Union où la majorité
qualifiée deviendra une règle beaucoup plus fréquente.
La repondération que le Gouvernement français a négociée avec sagesse ne
constitue une difficulté que parce qu'elle va de pair avec l'extension de la
majorité qualifiée. Le fonctionnement de l'Union s'en trouvera modifié. En
somme, on fait comme si l'acceptation par la minorité d'une décision
majoritaire, difficilement acquise dans chacune de nos nations, à la suite
d'histoires longues et difficiles, pouvait se transposer mécaniquement au
niveau de l'Union européenne. On fait comme s'il y avait un peuple, alors qu'il
y en a quinze et qu'il y en aura vingt-sept.
Une coalition d'Etats, disposant de la majorité qualifiée pourra imposer des
mesures rejetées par un ou plusieurs pays. Le gouvernement du peuple par le
peuple deviendra celui d'un peuple par une majorité qualifiée à Bruxelles ;
j'appelle votre attention sur ce point. Ce phénomène opposera une majorité
qualifiée obtenue dans un Conseil au fonctionnement opaque à une majorité issue
du peuple, quelquefois du suffrage universel, dans l'un des Etats membres. Ce
conflit de légitimité démocratique posera un grave problème, qui fonde, à mes
yeux, l'irrecevabilité de ce projet de loi.
Je comprends que l'élargissement vous fasse souhaiter lever le verrou de
l'unanimité afin de pouvoir avancer. Mais la majorité qualifiée ne peut aller
qu'avec un rappel explicite du compromis de Luxembourg et la possibilité, pour
les Etats, d'invoquer un intérêt national majeur. C'est le seul moyen de lever
le grief d'inconstitutionnalité qui, à défaut, pourrait être opposé au traité
de Nice.
L'élargissement est, certes, souhaitable, mais il ne légitime pas le
fédéralisme, bien au contraire. Monsieur le ministre, ce matin, vous avez
évoqué dans votre intervention l'évolution de l'opinion dans les pays candidats
à l'élargissement. Ils n'ont pas quitté un empire imposé pour un empire
consenti, le fût-il par le vote. Je crois que le fédéralisme n'a pas d'avenir
dans une Europe à vingt-sept.
Enfin, le présent projet de loi nous paraît irrecevable par son contexte.
Le traité de Nice prévoit une nouvelle Conférence intergouvernementale en
2004. Comment son contexte s'éclaire-t-il ? Les visées fédérales de l'Allemagne
sont logiques : elle nous propose un schéma d'aménagement de l'Union européenne
assez conforme à l'organisation du territoire qu'elle a connue pendant des
siècles. La formule fédérale lui est naturelle ; elle est étrangère à la
France. La Grande-Bretagne a des visées plus raisonnables, qu'elle résume sous
la forme d'union de nations libres.
Face à une offensive des conceptions fédérales, on aurait pu attendre de la
France qu'elle fît valoir l'incompatibilité entre le principe de souveraineté
populaire, le régime républicain et le système fédéral. Or j'estime qu'elle a
répondu à la dynamique allemande par une formule timide « la fédération
d'Etats-nations ». C'est une expression chauve-souris : je suis fédéral, voyez
mes dents ; je respecte les Etats-nations, voyez mes ailes.
Cette absence de choix marque en réalité le vacillement de la volonté. Le
dynamisme allemand est dans la nature des choses. Il faut non pas s'en
préoccuper ou s'en apeurer, mais l'équilibrer.
Cette réponse aussi ambiguë, loin de constituer l'équilibre nécessaire à
l'Europe, ne marquera au contraire que l'encouragement à la dynamique fédérale,
contraire à mes yeux à la manière dont se constitue historiquement la
République française. De sorte qu'après 2002 on voit dans quel sens s'orientera
la préparation de la Conférence intergouvernementale de 2004, d'autant que le
Président de la République a annoncé à Berlin qu'il souhaiterait une
constitution européenne. Le gardien des institutions de la Ve République ne
nous a pas expliqué comment il entendait subordonner la Constitution de 1958 à
la constitution européenne. Il ne nous a pas dit non plus de qui il tenait
mandat pour s'engager dans la rédaction d'une constitution. Peut-être serait-il
sage, avant de se lancer dans pareille aventure, de consulter les Français par
référendum.
Un peuple se donne une constitution ; les peuples entre eux passent des
traités. La simple acceptation de la règle majoritaire par la minorité est un
acquis de chacune de nos démocratie, de chacun de nos Etats. Elle suppose que
la communauté historique et la communauté de destins soient plus fortes que les
désaccords.
On peut faire de l'angélisme et penser que l'acceptation de la règle
majoritaire est acquise au niveau européen ; mais ce n'est pas la vérité et ce
rêve se brisera sur le mur des réalités.
Il n'y a pas, à ce jour, de nation européenne, pas d'espace public commun de
débats à l'échelon de l'Europe. Je ne dis pas que cette situation est
indépassable. Je souhaite, au contraire, qu'ensemble nous construisions
l'espace public commun par une meilleure connaissance de nos langues, de nos
histoires. Le débat portait sur les mêmes points dans les différents Etats.
Cela prendra du temps ! Prétendre qu'aujourd'hui c'est le cas est un raccourci,
et les raccourcis sont des impostures dont la première victime est toujours la
démocratie.
L'Europe doit rester une Union de nations, car la démocratie se forme dans ces
cadres. Au lieu des meccanos institutionnels, donnons du sens à la construction
européenne ! C'est la question qui nous est posée. La voyons-nous comme une
grande banlieue de l'Amérique ? Un relais de la mondialisation marchande ?
Pensons-nous, comme Romano Prodi, que nos valeurs sont celles de l'Amérique ?
Pensons-nous, comme Gerhard Schröder dans ses propositions, que l'objectif,
c'est l'ouverture à la concurrence des services publics, la création d'un
marché financier unique, l'objectif de stabilité pour l'euro, le désengagement
dans le financement de la politique agricole commune et des politiques
structurelles, le partenariat avec les Etats-Unis pour la sécurité européenne
?
Continuons-nous dans cette voie ? Continuons-nous dans l'idée que l'Europe est
le moyen de faire accepter à notre pays les réformes libérales dont le peuple
ne veut pas ? Ou bien voulons-nous au contaire instaurer un espace propre,
indépendant, où les nations s'impliquent au lieu de se dissoudre ?
Nous avons le choix entre une Union de nations, où la décision revient au
Conseil, et un Etat englobant les nations, comme si l'Europe était une nation.
Entre les deux, il faut choisir !
L'Europe n'implique pas qu'une nation renonce à son modèle et qu'une autre
impose le sien. Le traité de Nice ne pouvait pas faire ce choix. M. Prodi avait
dit publiquement qu'il fallait mettre fin à l'intergouvernementalité. M.
Schröder, je crois, le pense très fort. La France, au contraire, et à juste
titre, en défend le principe, comme d'ailleurs la Grande-Bretagne.
Mais, aujourd'hui, il faut ressourcer l'Europe dans ses nations, reconnues
comme les acteurs politiques indispensables : l'Allemagne, la France,
l'Espagne, l'Italie, autant d'apports, de richesses, de cultures !
Nous sommes dans un pays viticole : nous aimons le Sylvaner, le Traminer, le
Beaujolais, le Bordeaux, le Bourgogne ; tout cela mélangé ferait une « bibine »
imbuvable !
M. Serge Vinçon.
Et le Sancerre !
(Sourires.)
M. Jean-Yves Autexier.
Certainement !
Le Conseil doit retrouver sa fonction d'orientation, parce qu'il est le lieu
de la légitimité. Il devra détenir aussi, à l'avenir, le droit d'initiative
pour les trois piliers. Renforcer la démocratie, c'est rapprocher la politique
européenne de la politique de chacun de nos pays et la mettre entre les mains
de ceux que les peuples ont élus pour cela. Un conseil permanent des ministres
des affaires eurpoéennes serait, en ce sens, une excellente chose.
Le Parlement européen devenant assemblée des représentants des parlements
nationaux - ou bien une seconde chambre ainsi composée - serait également de
nature à servir cet objectif. Il nous faut bâtir l'Europe sur des projets !
La question du « que faire ? » se pose avant celle du « comment faire ? ». Le
traité de Nice lève quelques verrous sur les coopérations renforcées ; il ouvre
une grande porte me semble-t-il. L'avenir de l'Europe à vingt-sept ne peut pas
être fédéral. Il doit être fondé sur des projets et des coopérations
renforcées, qui permettront aux pays qui le souhaitent de se lancer dans
l'aventure.
Dans une coopération renforcée, les parlements nationaux et les gouvernements
sont directement associés aux politiques mises en place. C'est une manière de
donner du sens à la construction européenne en la centrant sur des projets
concrets et en y associant directement les représentants des peuples. La
géométrie variable ne doit pas nous faire peur, si nous pouvons partir à
quelques-uns. Les verrous sont même insuffisamment ouverts à mes yeux.
Le moment est venu de tirer le constat qu'à vingt-sept les chimères
fédéralistes d'hier sont à présent usées jusqu'à la corde, qu'elle n'ont plus
d'avenir, qu'il faut inventer un nouveau destin à l'Europe et rouvrir, de
concert avec l'Allemagne, le chantier européen sur de bonnes bases, celles de
la politique, c'est-à-dire celles des peuples, celles de la démocratie,
c'est-à-dire celles des nations.
(Applaudissements sur certaines travées du groupe communiste républicain et
citoyen. - M. Hamel applaudit également.)
M. Emmanuel Hamel.
C'est tragiquement vrai ! Et ce sont eux qui le disent ! Nous, on
accepte...
M. le président.
Y a-t-il un orateur contre la motion ?...
Quel est l'avis de la commission ?
M. Xavier de Villepin,
président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des
forces armées, rapporteur.
Monsieur le président, monsieur le ministre,
mes chers collègues, les arguments présentés par nos collègues Jean-Yves
Autexier et Paul Loridant méritent une attention toute particulière, tant il
est vrai qu'ils touchent à des aspects essentiels de la construction
européenne.
J'appellerai cependant le Sénat à rejeter la notion tendant à opposer
l'exception d'irrecevabilité soulevée, car elle me semble infondée tant sur la
question de la majorité qualifiée que sur celle du référendum irlandais.
Sur la majorité qualifiée, je rappellerai deux points.
D'abord, le passage à la majorité qualifiée implique toujours une modification
des traités, elle-même subordonnée à des procédures de ratification nationales
et démocratiques, monsieur Autexier, conformes en cela à notre Constitution.
C'est d'ailleurs bien parce que les Etats ont senti, à Nice, les limites de
l'acceptation de leurs populations vis-à-vis de l'accroissement du rôle de
l'Union qu'ils n'ont consenti qu'une extension très mesurée du vote à la
majorité qualifiée.
Il me semble cependant que, dans une Union élargie, il est indispensable, si
l'on veut faire avancer l'Europe, de favoriser le mode de décision à la
majorité qualifiée. Il importe, dans le même temps, de tenir compte des
exigences démocratiques des Etats membres.
C'est pourquoi - et c'est mon deuxième point - toute extension nouvelle du
vote à la majorité qualifiée suppose l'organisation préalable d'un large débat
sur les compétences de l'Union et sur la question de la subsidiarité. En effet,
à partir du moment où les Etats membres reconnaissent qu'un sujet peut être
traité avec plus de profit pour chacun d'eux au niveau communautaire, il est
logique d'adopter les décisions sur la base du vote à la majorité qualifiée.
Le débat sur l'avenir de l'Union permettra, je l'espère, d'avancer sur cette
importante question.
J'en viens au référendum irlandais.
Le résultat a constitué, certes, une déception, voire une inquiétude ; dans
mon exposé, ce matin, je ne l'ai pas caché, monsieur Autexier. Toutefois, il
faut rappeler que les procédures de ratification vont se poursuivre dans les
autres pays où le traité paraît assuré du soutien de majorités.
Par ailleurs, le Gouvernement irlandais s'est dit déterminé à organiser un
nouveau référendum sur le traité, qui pourrait être assorti, avec l'appui de
ses quatorze partenaires, monsieur Loridant, d'une déclaration qui tienne
compte des préoccupations manifestées par les électeurs le 7 juin dernier.
M. Paul Loridant.
Le peuple avait donc tort !
M. Xavier de Villepin,
rapporteur.
Le peuple peut avoir le droit de penser une deuxième fois !
C'est une autre formulation, monsieur Loridant.
(Sourires.)
Il n'en reste pas moins qu'il convient - sur ce point, je suis d'accord avec
vous - de tirer les leçons du référendum en s'efforçant de surmonter le
décalage entre les citoyens et la construction européenne.
M. Paul Loridant.
Vaste programme !
M. Xavier de Villepin,
rapporteur.
C'est vrai, mais vous allez y contribuer, monsieur Loridant,
parce que vous êtes un collègue de bonne volonté !
C'est à cette condition, et à cette condition seulement - sur ce point, je
suis encore d'accord avec vous - que nous pourrons avancer sur la voie d'une
Europe forte, en mesure de peser sur les grandes évolutions internationales, de
promouvoir, comme vous le souhaitez, ce pôle de régulation économique et
sociale auquel notre pays est profondément attaché.
Pour toutes ces raisons, et pour celles que j'ai exposées ce matin, je demande
au Sénat de bien vouloir rejeter la motion d'irrecevabilité.
(Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Pierre Moscovici,
ministre délégué chargé des affaires européennes.
Monsieur Autexier, je
crois effectivement que votre intervention soulève un certain nombre de
questions auxquelles il nous faudra répondre, et je vous invite par avance à
prendre toute votre place, positive, constructive, dans le grand débat qui
s'ouvre sur l'avenir de l'Union européenne à l'horizon, désormais proche, de
2004.
Je me contenterai, après les excellentes réflexions de M. Xavier de Villepin,
de formuler quelques observations sur les trois problèmes que vous avez
soulevés dans votre intervention.
D'abord, je ne crois pas que le rejet par l'Irlande du traité de Nice par
référendum rende ce texte caduc. Bien sûr, il y a là la manifestation - M. de
Villepin l'a dit - d'une déception, d'une inquiétude. Il y a là aussi, pour
nous, un puissant stimulant à rendre l'Europe plus démocratique et à faire en
sorte que nos concitoyens s'y intéressent davantage. Cela appelle non pas à
moins d'Europe, mais à plus d'Europe, non pas à moins de débats européens, mais
à plus de débats européens.
En revanche, ne soyons pas plus irlandais que les Irlandais. J'observe que le
Gouvernement irlandais lui-même nous a demandé de continuer le processus de
ratification et qu'il ne demande pas de renégociation du traité. Il reviendra à
l'Irlande de faire ses choix définitifs dans les formes - probablement un
référendum ! - qu'auront choisies à la fois ses autorités et son peuple. C'est
à eux de dire quand et comment ils choisiront.
Il nous appartient aussi de voir à quel type de solution il faut recourir pour
permettre la perpétuation ou la poursuite du processus d'élargissement,
processus qui ne peut pas se faire, à mon sens, sans le traité de Nice ou, à
tout le moins, sans l'intégration de ses dispositions. Nous verrons donc ce
qu'il adviendra.
S'il devait y avoir, le cas échéant, le moment venu, un deuxième « non », nous
aviserions. Mais, pour l'heure, il est très important, il est même fondamental
- et les Irlandais nous le demandent - de poursuivre le processus de
ratification. C'est ce que fera sans doute le Sénat dans quelques minutes.
Nous serons ainsi le deuxième pays de l'Union à avoir ratifié le traité de
Nice ; nous aurons montré l'exemple, et je crois que c'est tout à fait
important.
Le deuxième argument que vous avez soulevé tient à un certain nombre
d'incompatibilités constitutionnelles. J'y vois la marque d'un talent juridique
que je dois saluer, puisque le Conseil d'Etat, évidemment saisi, n'en a pas,
pour sa part, relevé. Mais l'imagination est toujours bonne conseillère !
M. Paul Loridant.
Le Conseil d'Etat n'est pas le Conseil constitutionnel !
M. Pierre Moscovici,
ministre délégué.
Le Conseil d'Etat est aussi le conseil qui a pour
mission d'examiner la validité juridique des textes. C'est le conseil du
Gouvernement, et vous le savez fort bien, monsieur Loridant !
Si j'ai bien compris - j'ai écouté attentivement ce que vous avez dit,
monsieur Autexier - vous vous basez, au fond, sur le fait que le fédéralisme
serait contraire à la souveraineté telle qu'elle s'exprime à l'article 2 de la
Constitution. C'est audacieux, je me permets de vous le dire, car, à ce compte,
je ne vois pas bien quel traité international signé en matière européenne
depuis 1957 - le traité de Rome lui-même, mais aussi l'Acte unique, signé, à
l'époque, par l'un des membres les plus éminents du Gouvernement, M.
Chevènement, le traité de Maastrich, approuvé par le peuple français, même si
le résultat du vote fut serré, le traité d'Amsterdam, qui a fait l'objet d'un
débat fort long et fort intéressant devant votre assemblée - je ne vois pas,
dis-je, quel traité n'aurait pas été incompatible, inconstitutionnel ou
contraire à notre souveraineté !
Voilà une argumentation de votre part qui a le mérite d'une certaine forme de
franchise ! Mais ce n'est évidemment pas la conviction de tous ceux qui sont
engagés dans la construction européenne.
Monsieur Autexier, il est clair que Nice n'ouvre pas la voie à un fédéralisme
pur. Vous avez cité une série de dirigeants allemands : le président du SPD, ou
encore des responsables de la CDU, comme MM. Schäuble et Lammers. Quant à M.
Fischer, je dirai qu'il ne défend pas un fédéralisme pur. Au contraire,
l'intérêt de son discours est que, pour la première fois peut-être dans un
discours d'un responsable allemand, a été évoquée la perspective du respect des
Etats-nations à travers une formule qui est celle de la fédération
d'Etats-nations, formule sur laquelle nous reviendrons.
Et si, un jour - je veux en revenir à cette « chauve-souris », à cet « oxymore
», qu'évoquait M. Chevènement lorsqu'il défendait la même motion que vous à
l'Assemblée nationale -, nous devions passer au fédéralisme pur, nul doute
qu'il y aurait alors un référendum, que le peuple aurait à se prononcer.
Peut-être vos arguments trouveraient-ils, dans ce cas, plus de validité. Mais
nous n'en sommes pas là !
Je ne crois pas non plus que le traité de Nice abaisse le poids de la France.
Nous sommes dans un processus de partage, c'est vrai, notamment avec
l'élargissement. Mais, dans le même temps, la repondération des voix au
Conseil, qui maintient d'ailleurs la parité avec l'Allemagne alors même que
notre démographie nous rend moins nombreux que les Allemands, permet au
contraire à la France de peser plus par rapport à ceux que l'on appelle les «
petits Etats ».
Quant à la Commission - je voudrais éclairer votre lanterne sur ce point -,
elle n'est pas l'émanation des Etats, et le fait d'avoir un commissaire ou deux
ne doit pas être un facteur déterminant si nous voulons, au contraire, qu'elle
redevienne la garante de l'intérêt général.
La mise en cause que vous avez faite du vote à la majorité qualifiée m'est
apparue paradoxale. Je ne crois pas que ce vote induise un Etat supranational.
J'ai la faiblesse de penser depuis toujours que la démocratie s'exprime
essentiellement par le vote, et il est important, dans ce contexte, que l'on
puisse voter au sein du Conseil.
Je rappelle d'ailleurs que le vote à la majorité qualifiée, à l'heure
actuelle, ne s'applique pas, loin s'en faut, qu'à des questions techniques.
Ainsi, la politique agricole commune est votée à la majorité qualifiée, y
compris dans ses règlements de base, depuis le traité de Rome en 1957. Il en va
de même pour le marché intérieur, prévu par l'Acte unique. Il convient donc, au
contraire, d'étendre le vote à la majorité qualifiée, notamment si nous voulons
mener des réformes, dans le cadre européen, telles que celles que vous appelez
de vos voeux - je n'en doute pas - en matière de régulation économique et de
régulation sociale. Comment, en effet, envisager une harmonisation fiscale et
sociale si l'on ne la décide pas au vote à la majorité qualifiée ?
Faut-il s'en remettre systématiquement au principe d'unanimité, c'est-à-dire
donner la parole, donner le droit de veto, à ceux qui sont toujours contre la
construction européenne ou contre l'extension des progrès dans les domaines
économique et social ?
Voilà pourquoi je crois plus à une extension qu'à une limitation du vote à la
majorité qualifiée, en répétant devant le Sénat ce que j'ai dit à l'Assemblée
nationale en réponse au discours de M. Chevènement, à savoir que le compromis
de Luxembourg demeure pleinement valable. Simplement, il est là pour faire
face, le cas échéant, à des menaces contre nos intérêts vitaux.
J'en termine par la « chauve-souris », par la fédération d'Etats-nations.
Je peux partager le diagnostic selon lequel l'élargissement ne mène pas à une
fédération. J'appartiens à un gouvernement dont le Premier ministre, Lionel
Jospin, a défendu - vous l'aurez remarqué - non pas une thèse purement fédérale
mais, au contraire, l'idée d'une fédération d'Etats-nations.
Cela me paraît être un simple développement du bon sens. D'ailleurs, le
Président de la République, avec une autre conception, s'y rallie aussi. M.
Joschka Fischer y a fait également allusion, après Jacques Delors.
Pourquoi ? Parce qu'il est indéniable qu'il y a dans l'Union européenne des
éléments fédéraux ; le nier serait mentir : la Commission est une institution
fédérale, la Banque centrale européenne est une institution fédérale, l'euro,
qui va devenir notre monnaie, est fédéral, la Cour de justice des Communautés
européennes est fédérale ! Bref, autant d'éléments qui vont vers une mise en
commun de souveraineté, vers un partage de souveraineté.
Dans le même temps, comme vous, de façon peut-être moins accentuée, nous
croyons que les Etats-nations demeurent une réalité, qu'ils ont une légitimité
forte et qu'ils doivent continuer, qu'ils continueront longtemps, à jouer leur
rôle dans l'Union européenne.
Quant à ce que nous appelons « Constitution », que ce soit au sens d'un Etat
ou qu'il s'agisse d'un traité constitutionnel, l'essentiel me paraît être que,
dans l'esprit de ceux qui utilisent cette formule, il s'agit de marquer que
nous souhaitons une structure plus permanente, plus solennelle, plus forte, qui
permette de doter l'Europe de ce toit politique que j'évoquais ce matin.
Tous les raccourcis sont des impostures, avez-vous dit.
Je partage cette belle conviction, même si elle est parfois aussi un peu
facile.
Tous les raccourcis, oui ! sont des impostures, et c'est pour cela que nous
devons réfléchir ensemble, en confrontant nos idées, et, le moment venu,
préparer le terrain pour un référendum sur des sujets plus fondamentaux que ce
traité de Nice. Je pense, par exemple, à une Constitution européenne.
Comme vous, je n'aime pas couper mon vin, car les mélanges ainsi obtenus ne
sont pas harmonieux. En revanche, reconnaissez, comme moi, que certains
mélanges peuvent réussir. C'est ce qu'on appelle la diversité.
C'est le sens de l'histoire de l'Union européenne, qui nous a tant apporté par
sa richesse, et cette histoire n'est pas finie. Je suis, comme vous, favorable
à l'élargissement aux pays d'Europe centrale et orientale. Il me semble que
nous sous-estimons ce qu'ils vont représenter pour nous. Il ne s'agit pas d'un
élargissement de plus, d'un élargissement technique. C'est une démarche
porteuse d'une signification profonde, politique, historique, économique, et
stratégique aussi. Pour ma part, j'avoue attendre beaucoup de ce mélange-là et
y croire profondément.
Au fond, un débat traverse toutes nos forces politiques : il s'agit de savoir
si nous souhaitons que l'Europe soit un simple espace ou si nous voulons que
l'Europe soit une puissance. Je crois que nous partageons la conviction que
l'Europe doit être une puissance, mais nous divergeons sur la façon d'y
parvenir.
J'avoue ne pas bien voir le modèle alternatif que vous proposez pour l'Europe.
De quel jacobinisme s'agit-il qui permette d'aller vers l'Europe que vous
appelez de vos voeux, ou vers la non-Europe à laquelle nous risquerions de
parvenir ?
Enfin, en ce qui concerne maintenant les coopérations renforcées,
effectivement, elles peuvent mener à une forme de géométrie variable, mais il
faut les utiliser pour aller de l'avant, et non pour s'arrêter.
Sur quelques points, je suis tout à fait d'accord avec votre démarche.
Je pense, notamment, à la volonté qui est la nôtre à tous, avec, bien entendu,
des formes et des convictions différentes, de dire oui à un projet européen qui
soit plus ambitieux dans son contenu économique et social et qui mette l'accent
sur la régulation face aux désordres de la mondialisation, étant rappelé que
mondialisation ne rime pas toujours avec désordres.
Je vous remercie aussi de l'appui que vous apportez à la proposition de M. le
Premier ministre - je la crois juste à la fois intellectuellement et par
expérience - qui vise à créer un conseil permanent des ministres des affaires
européennes.
Mais, au-delà, vous avez exprimé des convictions. Vous aurez compris que ces
convictions, qui sont respectables et que je respecte profondément, ne sont pas
les miennes ni celles du Gouvernement. Je ne crois pas qu'elles soient
justifiées par de réels arguments constitutionnels. Par conséquent, pas plus
que la commission, le Gouvernement n'invitera le Sénat à voter la motion
tendant à opposer l'exception d'irrecevabilité que vous proposez.
(Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix la motion n° 1, repoussée par la commission et par le
Gouvernement.
Je rappelle que son adoption entraînerait le rejet du projet de loi.
Je suis saisi de deux demandes de scrutin public émamant, l'une, de la
commission, l'autre, du groupe communiste républicain et citoyen.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions réglementaires.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président.
Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
Nombre de votants | 314 |
Nombre de suffrages exprimés | 300 |
Majorité absolue des suffrages | 151 |
Pour l'adoption | 4 |
Contre | 296 |
Nous passons à la discussion de l'article unique.
« Article unique . - Est autorisée la ratification du traité de Nice modifiant le traité sur l'Union européenne, les traités instituant les Communautés européennes et certains actes connexes, signé le 26 février 2001, et dont le texte est annexé à la présente loiVoir le document annexé au projet de loi n° 3045 (AN).
. »
Je vais mettre aux voix l'article unique du projet de loi.
M. Christian de La Malène.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. de La Malène.
M. Christian de La Malène.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je ne
voterai pas le projet de loi autorisant la ratification du traité de Nice qui
nous est soumis aujourd'hui.
Beaucoup de raisons me dictent cette attitude. J'en énumérerai seulement
trois.
La première m'est fournie par le souvenir des conditions dans lesquelles
furent ratifiés les traités européens de ces dernières années.
Rappelez-vous.
Maastricht, d'abord. L'inadaptation et l'insuffisance des institutions pour
gérer démocratiquement les compétences transférées étaient déjà flagrantes. A
ceux qui s'en inquiétaient, il fut répondu : « Ne vous faites pas de souci. Ce
point capital sera réglé lors du rendez-vous de 1996. »
Et le Parlement se résigna.
Vint 1996 ; ce fut Amsterdam. Pas plus de réformes. Même réponse et même
promesse pour calmer les préoccupations : « Soyez sans crainte, il y aura Nice.
»
Et le Parlement se résigna encore.
Les mois suivants furent riches en propos fermes et définitifs. Je n'aurai pas
la cruauté de les rappeler.
Et aujourd'hui, il y a eu Nice, et l'échec, nous le savons tous, est aussi
patent. Mais l'on nous dit toujours : « Rendez-vous en 2004. »
Et le Parlement va se résigner.
L'Europe devait être pour les nations et pour les peuples symbole d'espoir et
capacité de relever les défis. A qui faire croire que cette Europe de la
résignation est la bonne voie pour atteindre ces objectifs ?
Ma deuxième raison vient de l'oubli ou de la mise à l'écart des opinions
publiques.
Les rares fois où les peuples ont été consultés, le moins que l'on puisse
dire, c'est que leurs avis ont été réservés. Aussi, aujourd'hui, on ne les
consulte plus guère, et quand on a été obligé de le faire, on s'efforce de
tourner leurs opinions ou de ne pas en tenir compte et même parfois - ô
scandale - on le dit !
Comment les peuples pourraient-ils ne pas ressentir cette terrible, mortelle
contradiction entre les appels en faveur de l'Europe et le refus de les
consulter ou de les associer à l'entreprise ?
Ma troisième raison est fondée sur les conclusions que beaucoup d'observateurs
ont tirées des débats et des résultats de Nice.
Il leur est apparu que la Grande-Bretagne devait se réjouir ; qu'elle pouvait
y voir un pas significatif vers cette Europe à l'anglaise qu'elle soutient.
Il leur est apparu que l'Allemagne ne devait pas être mécontente non plus ;
qu'elle pourrait y trouver un pas supplémentaire et important dans sa marche,
entamée depuis un certain temps, vers une position dominante en Europe,
position qu'elle estime devoir lui revenir du fait de sa situation et de son
poids.
Mais la France, où trouve-t-elle trace de ses thèses et de ses points de vue ?
Où est-il question d'une Europe indépendante, d'une Europe puissance, d'une
Europe attentive à ses valeurs, notamment culturelles et sociales ?
Cette Europe de la résignation, cette Europe loin des peuples, cette Europe
oublieuse de ses valeurs, cette Europe n'est pas celle dont beaucoup ont rêvé,
beaucoup dont j'étais, et à laquelle j'ai consacré une grande partie de ma vie
politique. Près de son terme, aujourd'hui, je ne me résigne pas à croire qu'il
n'y ait pas un autre chemin, un chemin plus près des peuples et plus près des
nations, un chemin à proposer à ces Européens de plus en plus désenchantés.
(Applaudissements sur certaines travées du groupe communiste républicain et
citoyen. - MM. de Gaulle, Hamel et Masson applaudissent également.)
M. Emmanuel Hamel.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Hamel.
M. Emmanuel Hamel.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je ne peux
pas, dans l'idée que j'ai de la France, accepter la ratification de ce funeste
traité qui, dans le chemin déjà tracé par les traités de Maastricht et
d'Amsterdam, aboutit, en fait, à accélérer la destruction progressive de la
souveraineté de la France, notre patrie.
Il est dramatique que, dans l'indifférence quasi générale de l'opinion
publique, le Parlement de la nation française accomplisse ce geste au seuil du
troisième millénaire, après mille cinq cents ans d'histoire de France, et
programme à nouveau la destruction de notre patrie.
(MM. de Gaulle, de La
Malène et Masson applaudissent.)
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'article unique du projet de loi.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant de la commission.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions réglementaires.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président.
Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
Nombre de votants | 320 |
Nombre de suffrages exprimés | 296 |
Majorité absolue des suffrages | 149 |
Pour l'adoption | 288 |
Contre | 8 |
(M. Christian Poncelet remplace M. Jean Faure au fauteuil de la présidence.)
PRÉSIDENCE DE M. CHRISTIAN PONCELET
5
LOIS DE FINANCES
Adoption d'une proposition
de loi organique en deuxième lecture
M. le président.
L'ordre du jour appelle la discussion en deuxième lecture de la proposition de
loi organique (n° 408, 2000-2001), adoptée avec modifications par l'Assemblée
nationale en deuxième lecture, relative aux lois de finances [Rapport n° 413
(2000-2001.]
Mes chers collègues, cette proposition de loi organique, qui contient des
dispositions relatives au Sénat, doit être adoptée en termes identiques par les
deux assemblées du Parlement.
Ainsi, 70 % des amendements adoptés par le Sénat en première lecture ont été
repris par l'Assemblée nationale en deuxième lecture, soit exactement 129
amendements sur 187 votés par le Sénat.
A de nombreuses reprises, le rapporteur général de l'Assemblée nationale, M.
Didier Migaud, qui est présent dans les tribunes de notre assemblée et auquel
j'adresse en votre nom, mes chers collègues, et en mon nom personnel notre
cordiale sympathie, a souligné, tant dans son rapport écrit que dans
l'hémicycle de l'Assemblée nationale, l'excellence du travail accompli par le
Sénat, sur l'initiative de notre commission des finances et de son président,
M. Alain Lambert. Je remercie M. Migaud de ses déclarations auxquelles nous
avons tous été très sensibles.
Je vois dans cette reconnaissance un hommage rendu aux vertus du bicamérisme
que je tenais à souligner.
La parole est à M. le président Lambert.
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes
économiques de la nation, rapporteur.
Monsieur le président, monsieur le
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, monsieur le ministre de
la fonction publique et de la réforme de l'Etat, madame la secrétaire d'Etat au
budget, mes chers collègues, en ce dernier jour de la session s'écrira une page
nouvelle de l'histoire budgétaire de la Ve République.
Le Parlement, unanime, je l'espère - mais rien n'est sûr -, avec le soutien
sincère et actif du Gouvernement, adoptera ce qu'il est convenu d'appeler la
nouvelle constitution financière de la France.
Monsieur le président du Sénat, c'est un moment d'exception, c'est un moment
d'excellence, c'est un acte majeur de maturité démocratique.
Je veux rendre un solennel hommage à tous ceux sans lesquels nous ne pourrions
réaliser - peut-être - tout à l'heure ce tour de force organique, au Président
de la République, au Premier ministre, au ministre de l'économie, des finances
et de l'industrie et, au passage, à l'ancien président de l'Assemblée
nationale, à Mme la secrétaire d'Etat au budget, à M. le ministre de la
fonction publique et de la réforme de l'Etat.
Je rends hommage aux présidents de nos deux assemblées, au président Poncelet
bien sûr, mais aussi au président Forni, pour le soutien sans réserve qu'ils
ont manifesté tout au long de ce processus législatif.
J'associe à ces compliments et à ces remerciements tous les membres des deux
commissions des finances, M. le rapporteur général naturellement, mais aussi
tous ceux qui prennent une part active à l'élaboration de cet ouvrage :
opposition, majorité, tous seront les artisans du succès.
Après M. le président du Sénat, je veux aussi rendre un hommage tout
particulier au rapporteur général de l'Assemblée nationale que je salue à mon
tour. Au-delà d'un éminent travail technique, M. Didier Migaud a su, par ses
qualités personnelles évidentes, réunir le consensus nécessaire à la
réussite.
Comment ne pas exprimer également mon admiration pour le travail minutieux,
savant, discret, humble, mais décisif de nos équipes de collaborateurs dans les
deux assemblées, au Sénat et à l'Assemblée nationale, mais aussi au
Gouvernement ? Je souhaite que, ce soir, ils soient fiers, qu'ils aient le
sentiment d'avoir écrit avec la représentation nationale une page glorieuse de
notre histoire budgétaire.
J'en viens au texte adopté par l'Assemblée nationale en deuxième lecture à
partir de la rédaction proposée par le Sénat, le 12 juin dernier.
Le Sénat avait alors adopté 190 amendements : 118 acceptés par le
Gouvernement, 4 sur lesquels le Gouvernement s'en est remis à la sagesse du
Sénat et une trentaine seulement repoussés par le Gouvernement.
L'Assemblée nationale, pour sa part, a adopté un grand nombre d'amendements.
Aucun d'entre eux ne remet en cause les éléments fondamentaux posés par le
Sénat sur l'initiative de la commission des finances.
L'accord historique entre nos deux assemblées est donc à portée de main - « à
portée de vote », a dit très justement Mme la secrétaire d'Etat à l'Assemblée
nationale - après, je le rappelle, trente-cinq échecs - certains disent
trente-six ou trente-sept -, puisque seuls quelques ajustements se révèlent
encore nécessaires.
En première lecture, la commission avait souhaité améliorer le texte pour
garantir que les principes très ambitieux de la réforme soient effectivement
mis en oeuvre. J'avais regroupé ces améliorations en deux exigences fortes :
parfaire la lisibilité et l'exhaustivité des comptes publics, et faire de cette
réforme budgétaire le catalyseur, l'instrument de la réforme de l'Etat.
S'agissant de l'exhaustivité et de la lisibilité des comptes publics, le Sénat
avait fait dix propositions, auxquelles se sont ajoutées celles de nos
collègues MM. Philippe Marini et Charles Descours. Moyennant quelques
modifications, l'Assemblée nationale a fait siennes toutes ces propositions :
admettre l'utilité du maintien des budgets annexes et des comptes spéciaux ;
accepter une nomenclature des titres plus détaillée pour que fongibilité ne
rime pas avec confusion ; se rallier à la nécessité de la budgétisation des
fonds de concours ; adopter les dispositions proposées par le Sénat sur la
comptabilité de l'Etat ; introduire explicitement la notion de prélèvements sur
recettes ; traduire l'équilibre budgétaire dans le langage de la comptabilité
nationale ; créer un compte des pensions de l'Etat ; souscrire aux dispositions
mettant en évidence la dette de l'Etat, sa gestion et son évolution ;
réhabiliter la loi de règlement, qui doit devenir le temps fort de l'examen des
comptes de l'Etat et de leur jugement ; adopter le principe de la
pluriannualité tant pour la souplesse de gestion nécessaire que pour la vision
à moyen terme des finances publiques ; enfin, l'Assemblée nationale a adopté la
proposition de nos collègues MM. Philippe Marini et Charles Descours visant à
ce que le Gouvernement mette en évidence, au cours d'un débat, chaque année à
l'automne, ses choix globaux en termes de prélèvements obligatoires.
S'agissant de notre volonté de faire de la réforme un instrument de la réforme
de l'Etat, sept propositions avaient été adoptées en ce domaine. L'Assemblée
nationale les a votées, en modifiant certaines de leurs modalités.
Elle a conservé la possibilité de créer des missions interministérielles.
Elle a retenu, pour l'essentiel, la définition des programmes, ainsi que la
création d'une seconde unité de spécialité, celle de dotation.
Parmi les objets du débat d'orientation budgétaire a été retenue la
proposition d'intégrer les missions et les programmes, pour permettre au
Parlement de donner un avis utile sur la nomenclature budgétaire.
Elle a retenu l'obligation de doter les administrations d'une comptabilité
analytique.
L'Assemblée nationale a également suivi le Sénat en ce qui concerne
l'instauration d'un vote des crédits par mission, rendu nécessaire par
l'éventualité de missions interministérielles.
Elle s'est ralliée au vote unique subdivisé par ministère des plafonds
d'emplois publics en deuxième partie, en prévoyant toutefois un vote global en
première partie sur le plafond des emplois rémunérés par l'Etat, à l'instar de
ce qui se fait pour les dépenses à l'article d'équilibre.
Enfin, et conformément au débat intervenu au Sénat entre la commission et le
Gouvernement, l'Assemblée nationale a adopté l'important volet relatif à
l'information et au contrôle inséré par le Sénat.
La commission des finances considère donc que l'Assemblée nationale a confirmé
l'accord trouvé dès l'origine avec le Sénat sur les grands principes de la
réforme. Ses apports fondamentaux ont été préservés.
Dans ces conditions, rien ne s'oppose, au-delà de précisions rédactionnelles,
à un accord définitif entre nos deux assemblées.
La commission des finances a certes identifié quelques ajustements techniques
auxquels il serait utile de procéder. Certains sont d'importance significative.
Vous en trouverez le détail dans mon rapport écrit, afin que nos travaux
préparatoires soient complets et de nature à éclairer l'avenir.
Y procéder maintenant, alors que la session et la législature sont sur le
point de s'achever, ne permettrait pas d'atteindre entièrement l'objectif de
perfection visé.
En vérité, pour parvenir à un texte parfait, il faudrait sans doute plusieurs
lectures supplémentaires. Mais ce perfectionnisme ne risquerait-il pas de
remettre en cause la réforme elle-même ?
Dans ces conditions, et en conscience, je suis convaincu qu'il vaut mieux
adopter le texte dès maintenant, en sachant qu'avant sa mise en oeuvre
complète, d'ici à 2006, il pourra utilement faire l'objet d'une révision
d'ajustement. La commission des finances a souhaité, à ce stade de la
procédure, poser d'ores et déjà les jalons de ces ajustements.
C'est pourquoi, pour la complétude de nos travaux préparatoires, j'ai déposé,
au nom de la commission des finances, onze amendements qui représentent, à nos
yeux, une amélioration du texte. Au cas où le Gouvernement y répondrait de
manière satisfaisante, en exécution du mandat unanime que j'ai reçu de mes
collègues membres de la commission des finances, présidée hier par mon collègue
Bernard Angels, dont je veux souligner la contribution importante au succès de
cette réforme, je retirerais ces amendements. Ils deviendraient ainsi une
contribution utile lors du probable « toilettage » évoqué à l'instant.
Mais, à ce moment fort de nos échanges, ne confondons pas le principal et
l'accessoire. Les ajustements ne sont qu'accessoires par rapport à l'essentiel,
qui est de réussir la réforme ici et maintenant. Le temps viendra ensuite d'y
apporter les retouches nécessaires après les tests que vous devrez réaliser.
Pour la commission, l'essentiel reste que soit scellé aujourd'hui l'accord
historique entre l'Assemblée nationale et le Sénat, avec, bien sûr, l'accord du
Gouvernement, sur une réforme qui est fondamentale pour l'avenir de notre pays
et sur laquelle s'accordent tous les républicains de bonne volonté. C'est
l'appel qu'au nom de la commission des finances je lance ce soir au Sénat.
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des
Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées socialistes et du
RDSE.)
(M. Jean Faure remplace M. Christian Poncelet au fauteuil de la
présidence.)
PRÉSIDENCE DE M. JEAN FAURE
vice-président
M. le président.
La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Florence Parly,
secrétaire d'Etat au budget.
Monsieur le président, monsieur le président
de la commission, mesdames, messieurs les sénateurs, au moment d'engager notre
discussion en deuxième lecture, il me vient une question presque facétieuse :
lorsque cette belle aventure a commencé, combien d'entre vous pensaient, sur
vos travées comme sur les bancs de l'Assemblée nationale, que nous
parviendrions à ce résultat ?
J'ai déjà dit à l'Assemblée nationale, après que le texte a été examiné en
commission et que l'ensemble des sensibilités se sont exprimées, que la réforme
était désormais « à portée de vote ». Votre propre travail en commission et le
discours prononcé à l'instant par M. Lambert me laissent à penser que « la
portée » est de plus en plus courte.
Avant de dire quelques mots sur le fond de ce qui nous occupe, vous
m'autoriserez à revenir sur le processus lui-même, car il me semble éloquent à
plus d'un titre.
Je crois pouvoir déceler quelques traits caractéristiques de notre beau et si
paradoxal pays dans le chemin parcouru depuis un an. La réforme de notre
constitution financière a fait l'objet pendant plus de quarante ans de toutes
les analyses, de toutes les critiques, parfois même jusqu'à la caricature.
Tous les acteurs concernés s'accordaient au moins pour dire qu'elle ne
correspondait plus à la réalité budgétaire et administrative d'un Etat moderne.
Pourtant, combien de propositions de loi se sont-elles échouées sur les rivages
ensablés du temps qui passe ou de la volonté qui manque ?
Et puis, comme si souvent en France, et pas seulement en politique, nous
vivons des accélérations soudaines de l'histoire...
Sans qu'aucun observateur, fût-il le plus avisé, puisse déceler dans les
prémices du mouvement les conditions d'une réussite jusqu'alors hors de portée,
la machine à rattraper le temps se met en marche, les conflits « indépassables
» s'expriment enfin positivement et débouchent sur un nouvel équilibre, une
nouvelle cohérence.
Je vois dans ce que nous avons vécu sur ce texte une illustration de ce
phénomène si surprenant pour nombre de nos voisins, mais aussi une leçon pour
nous tous.
J'ai eu souvent l'occasion de le dire ici, je ne partage pas nombre des
options politiques proposées aux Français par la majorité sénatoriale. Nos
échanges ont été parfois vifs et ne manqueront pas de l'être de nouveau. Dans
le même temps, j'ai pu apprécier à quel point, au-delà de nos désaccords,
l'esprit républicain présidait toujours au sein de votre hémicycle.
C'est dans la force de cette référence qui nous est commune que je vois
d'abord et avant tout les conditions de votre réussite dans cette entreprise si
importante.
J'ai aussi la certitude que cette réforme, à l'instar des autres mouvements
que je viens d'évoquer, n'a été rendue possible que parce qu'elle a bénéficié
de la rencontre de volontés individuelles également déterminées, qui ont su
emporter la conviction de l'immense majorité d'entre vous.
Rien dans cette alchimie particulière n'aura été anecdotique. Chaque «
ingrédient » aura été nécessaire, aucun d'entre eux pris isolément n'aurait été
suffisant.
La satisfaction du devoir accompli, que nous éprouverons, je l'espère, très
bientôt, est votre oeuvre commune.
L'hommage que je vous rends ici, je le rends au Parlement tout entier,
c'est-à-dire à l'Assemblée nationale et au Sénat. Vous comprendrez toutefois
qu'il s'adresse plus particulièrement à ceux dont j'évoquais, tout à l'heure, «
la volonté déterminée » et la capacité d'entraînement.
En effet, comment ne pas saluer l'énorme travail en commun réalisé par les
deux éminents rapporteurs, au Sénat et à l'Assemblée nationale, qui ont su à
chaque instant trouver les ressources nécessaires pour expliciter leurs points
de vue et dépasser leurs différends ? Du jour où Didier Migaud a déposé sa
proposition de loi à l'Assemblée nationale, jusqu'à ce 28 juin 2001 où Alain
Lambert, après un dialogue fécond entre les deux chambres, s'apprête à vous
proposer de mettre le point final à cette réforme majeure, ils n'auront ni l'un
ni l'autre ménagé leurs efforts.
Ils ont été soutenus dans cette entreprise de manière active et déterminée par
les présidents Christian Poncelet et Raymond Forni. Ils ont aussi bénéficié du
concours tout aussi actif du rapporteur général du Sénat, Philippe Marini, et
du président de la commission des finances de l'Assemblée nationale, Henri
Emmanuelli. Enfin, ils se sont nourris de l'ensemble de vos interventions.
Il faut que tous nos concitoyens sachent que votre travail a été en tout point
remarquable et que, loin des caricatures par lesquelles on croit pouvoir «
croquer », de temps à autre, le monde politique, vous avez su mener vos
discussions avec sérieux, respect mutuel mais, surtout, un sens de l'Etat et de
l'intérêt général qui honore toute la représentation nationale.
Je me dois d'ajouter qu'au sein de l'exécutif les initiatives du Premier
ministre, les encouragements du Président de la République et la détermination
du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie ont permis de nouer
et de construire une relation de travail dont, je crois, nous pouvons tous nous
féliciter.
Le Gouvernement, sur ce texte d'initiative parlementaire, n'a eu d'autre
ambition que de faciliter le déroulement et l'aboutissement de vos travaux.
L'écoute et l'attention dont il a pu bénéficier, à l'Assemblée nationale comme
au Sénat, l'ont conforté dans cette posture. Qu'il me soit permis de remercier
personnellement et chaleureusement nos collaborateurs respectifs, qui ont
travaillé avec intelligence et beaucoup de détermination sur ce texte.
Sur le fond, la réforme vise et satisfait deux objectifs d'égale importance :
renforcer le fonctionnement démocratique de nos institutions en revalorisant le
rôle du Parlement dans le processus d'élaboration, de discussion et de contrôle
des finances publiques et transformer nos règles de gestion afin de les rendre
plus efficientes et plus transparentes.
Le dialogue entre vos deux assemblées a posé les bases d'une architecture qui
est à présent le bien commun de l'ensemble de la représentation nationale. Le
cadre est désormais opérationnel et cohérent. Nous pouvons donc tous considérer
que le dispositif est parachevé et que la réforme est arrivée à bon port.
Bien sûr, parce que cette réforme est d'une importance capitale et que vous
vous apprêtez à légiférer pour longtemps, nous ne serions pas rigoureux les uns
et les autes si nous ne relevions pas les questions qui demeurent sur les
conditions d'application de la réforme. Les travaux à venir ainsi que la mise
en place progressive du dispositif permettront d'apprécier leur degré
d'acuité.
Cela étant, le Sénat a aujourd'hui la possibilité de faire faire un grand pas
à la modernisation de notre Etat et, j'ose le dire, à notre démocratie, en
adoptant le texte tel qu'il revient de l'Assemblée nationale.
J'ai confiance, après tout le travail qui a été accompli ensemble et la
qualité du propos que vient de tenir M. Lambert, dans le choix que vous ferez,
mesdames, messieurs les sénateurs. C'est le vôtre et il sera le bon !
(Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur les travées du
RDSE, de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Michel Sapin,
ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.
Mesdames,
messieurs les sénateurs, en adoptant définitivement, aujourd'hui, la
proposition de loi portant réforme de l'ordonnance du 2 janvier 1959, vous
réformerez l'Etat.
La réforme de l'Etat souffre, et ce depuis de nombreuses années déjà, d'un
syndrome du « tout ou rien » ; on ne compte plus, à gauche comme à droite, les
suppliques en faveur de « la » réforme. Beaucoup attendent le « grand soir »,
et se plaignent de ne voir rien venir. Non pas qu'il ne se passe rien ! Bien au
contraire : chaque jour, la modernisation de nos administrations progresse,
chaque jour des idées innovantes fleurissent dans les services publics, chez
les agents de l'Etat ou des collectivités locales. Mais, à force d'attendre une
improbable révolution copernicienne, on se satisfait mal d'un progrès
permanent, d'une modernisation jour après jour, pierre après pierre, d'une
réforme progressive mais non moins ambitieuse.
La réforme que vous voterez dans un instant vaut tous les grands soirs de la
réforme de l'Etat. En l'adoptant dans un délai aussi bref, le Parlement
démontre avec force que la réforme de l'Etat n'est pas un vain mot, que c'est,
bien au contraire, un objectif partagé par tous : la qualité des travaux qui a
animé votre commission des finances, la qualité des relations que vous avez su
entretenir avec la commission spéciale de l'Assemblée nationale chargée de
l'examen du texte, la qualité des échanges entre votre commission et le
Gouvernement en témoignent.
La réforme de l'Etat est non seulement souhaitable, elle est possible et elle
est bien réelle. Mes remerciements s'adressent en particulier au président
Alain Lambert et aux membres de la commission des finances de la Haute
Assemblée, qui ont contribué de façon très importante à préciser, à compléter
et à enrichir la proposition de loi initiale.
Ce texte nous appartient collectivement : il appartient à chaque citoyen
désireux de demander compte à tout agent public de son administration ; il
appartient à chaque parlementaire soucieux de rendre plus effectifs
l'approbation et le contrôle des crédits ; il appartient à chaque ministre,
amené à justifier et à défendre les performances de ses services plutôt qu'à
illustrer la variation de ses crédits ; il appartient, enfin, à chaque
gestionnaire de crédits publics, rendu plus autonome et plus responsable grâce
à une contractualisation de ses engagements.
L'entrée dans les faits d'une gestion profondément rénovée est - nous en
sommes tous conscients et les agents publics les premiers - un véritable défi
pour l'administration : ce défi nous incite non pas à reculer, mais, bien au
contraire, à avancer plus vite. Les administrations se sont mises en ordre de
marche : d'ores et déjà, elles ont achevé la première phase de leurs travaux,
qui avaient été mis en route par le comité interministériel pour la réforme de
l'Etat d'octobre dernier. Ces travaux interministériels seront largement
amplifiés dans les mois qui viennent afin que notre administration soit
parfaitement prête l'année et le jour prévus par la loi.
La réforme de l'Etat mérite, dans notre pays, un travail autour de ces grands
objectifs partagés. C'est précisément ce que nous sommes, ce que vous êtes en
train de réaliser. Face au scepticisme parfois teinté de dandysme qui est le
fait de nombreux commentateurs de la réforme de l'Etat, nous posons, vous posez
les bases d'un Etat moderne. En cela, vous adoptez aujourd'hui l'un des textes
phares de cette législature, et vous le ferez avec le soutien résolu et, je
l'espère, convaincant du Gouvernement.
(Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur les travées du
RDSE, de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président.
La parole est à M. Marini.
M. Philippe Marini.
Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la secrétaire d'Etat,
monsieur le président de la commission des finances, mes chers collègues, sans
doute allons-nous transformer l'essai ! Cet essai a été marqué le 13 juin, lors
de notre première lecture, grâce, je dois le souligner, à la participation
active et constructive de Mme la secrétaire d'Etat.
Nous voici arrivés au moment de confronter les textes qui ont été adoptés dans
l'une et l'autre assemblées, au Palais-Bourbon, sous la houlette du rapporteur
général, Didier Migaut, et au sein de notre hémicycle. Il faut, bien entendu,
saluer la ténacité, l'esprit de travail, la persévérance dont notre
président-rapporteur a fait preuve, l'efficacité des solutions auxquelles il
nous a menés grâce à tout un cheminement qui a pris de nombreux mois et qui
nous conduit au temps présent.
Ce travail, vous le savez, mes chers collègues, s'est concentré autour de deux
axes : d'un côté, tirer parti de toute l'information disponible dans les
administrations pour rendre les comptes publics exhaustifs et lisibles -
répondre ainsi à l'exigence de transparence qu'un Etat doit prendre à son
compte de la même manière que toutes les autres entités économiques -, d'un
autre côté, faire progresser l'organisation de l'Etat, se doter des conditions
nécessaires pour enfin réformer celui-ci.
Nous pouvions dire - nous pouvons encore dire, car la réforme dont nous
débattons ne s'appliquera complètement qu'en 2006 - que nos finances publiques
étaient à la fois ésotériques et éclatées, peu lisibles, se traduisant par des
débats étranges pour le non-initié et selon des procédures qui nous font, nous
parlementaires - cela a souvent été rappelé -, ressembler à des marionnettes
animées par on ne sait quoi, dans une sorte de théâtre d'ombres...
Il faut mettre fin à tout cela, moderniser l'Etat, bénéficier de tous les
outils modernes de la connaissance économique pour que les décisions en matière
de finances publiques soient prises correctement.
Nous avons bien fait avancer les choses. Nous avons accompli des progrès, et
je voudrais à mon tour, très rapidement, rappeler ce qui me semble essentiel
dans le travail qui a été élaboré et qui, mes chers collègues, vous est soumis
cet après-midi.
Mettre en place un compte de gestion individualisant clairement la dette,
faire prendre conscience à la représentation nationale et à l'opinion que
celle-ci se traduit non seulement par des crédits annuels nécessaires pour
assurer son service, mais aussi, et surtout, par des engagements à long terme,
parfois à très long terme, qui ne pourront être en définitive souscrits et
réglés que par les générations à venir, voici une démarche de responsabilité
qui correspond au voeu des sénateurs, et nous y trouvons des réponses à nos
préoccupations.
Pour les mêmes raisons et au titre de la responsabilité que nous devons
partager avec les générations à venir, figure l'instrument indispensable
qu'est, à mes yeux, le compte des pensions, de telle sorte que les
responsabilités de l'Etat employeur vis-à-vis de ses futurs pensionnés
s'inscrivent chaque année dans un document incontestable.
En second lieu - toujours sur ce chapitre des liens à créer entre les flux et
les stocks et de la présence nécessaire des éléments de comptabilité
patrimoniale dans les décisions des assemblées -, je voudrais souligner un
acquis à mon avis très important également, à savoir le vote, dans la loi de
finances annuelle, avant l'article d'équilibre, sur la variation nette de la
dette.
C'est un élément essentiel dans le cheminement parlementaire qui nous
conduira, mes chers collègues, à nous prononcer explicitement, après un débat
aussi clair et aussi logique que possible, sur la politique de la dette de
l'Etat et sur les raisons pour lesquelles elle doit s'infléchir de telle ou
telle manière, dans telle ou telle proportion, d'un exercice bugétaire à un
autre.
En troisième lieu, mes chers collègues, nous avons voulu - et je voudrais à
nouveau remercier de sa contribution constructive la commission des affaires
sociales - que l'on puisse accéder à une vision globale, à une vision
consolidée de la politique des prélèvements obligatoires, afin de retrouver
l'unité de finances publiques éclatées, du moins s'agissant des aspects les
plus sensibles à l'opinion publique, c'est-à-dire l'origine, le niveau,
l'affectation par grandes masses des prélèvements obligatoires.
C'était un élément essentiel susceptible de déterminer la position de nombre
d'entre nous sur la réforme.
Ce débat consolidé sur les prélèvements obligatoires, facteur commun à
l'examen, chaque année, dans chaque assemblée, de la loi de financement de la
sécurité sociale et de la loi de finances initiale, a obtenu l'accord du
Gouvernement comme de l'Assemblée nationale.
Il restera à en transcrire les éléments de procédure dans les règlements de
nos assemblées.
En quatrième lieu, nous avons oeuvré - et M. le président Lambert y a souvent
insisté, à juste titre - en faveur du nécessaire développement de la
pluriannualité, que ce soit en termes de gestion ou en termes de prévision et
de projection vers l'avenir.
De ce point de vue, une meilleure utilisation du débat d'orientation
budgétaire et une meilleure utilisation des informations réunies dans le
rapport économique, social et financier nous semblent être de réels progrès
pour l'explicitation des choix politiques et pour permettre à la représentation
nationale de jouer tout son rôle.
Un exercice budgétaire, mes chers collègues, une loi de finances ne se
conçoivent pas isolés, ni isolés dans l'espace, bien entendu, compte tenu du
continent auquel nous appartenons et des engagements qui sont souscrits par
notre pays, ni isolés dans le temps, car les engagements doivent être exécutés
avec continuité. Une vision pluriannuelle est indispensable à une bonne gestion
de l'Etat, en particulier à la politique des investissements.
Enfin, mes chers collègues, nous avons été soucieux de jouer notre rôle
constitutionnel de représentant des collectivités locales. Nous avons, à ce
titre, consacré l'existence des prélèvements sur recettes, c'est-à-dire de
recettes transitant par le budget de l'Etat mais qui, en réalité, sont perçues
pour compte d'autrui, faute de pouvoir affecter directement certaines d'entre
elles dans le budget de l'Etat.
Tout cela est acquis et doit être considéré comme extrêmement positif, voire
décisif.
Pour autant, nous devons nous tourner avec respect, peut-être avec une
certaine nostalgie, vers l'ordonnance organique du 2 janvier 1959. Ce texte a
été souvent décrié, et nous en avons rencontré, les uns et les autres, les
limites opérationnelles dans nos responsabilités. Mais quel beau texte, bien
énoncé, bien composé, soutenu par une volonté politique forte, dans une période
où l'on a eu - une des très rares fois au cours du xxe siècle - une vision de
l'Etat dans son ensemble, de ses fonctions et de ses missions !
Ce texte avait vieilli, il était devenu largement obsolète, certes, mais
rendons-lui, si vous le voulez bien, mes chers collègues, cet hommage. Les plus
anciens d'entre nous ont peut-être le souvenir de ce que pouvaient être des
discussions de loi de finances sous la IVe République !
Quant à la Ve République, elle doit jouer le jeu de la réforme de l'Etat,
celui-ci étant son instrument d'action. C'est dans ce cadre que notre travail
s'est inscrit.
Comme le président Lambert, j'estime qu'il faut, cet après-midi, clore le
dossier, après que toutes les explications ont été données, après que les
travaux préparatoires ont été réalisés, dans le souci de l'oeuvre bien faite,
pour qu'il n'y ait pas trop d'hésitations sur l'interprétation de tel ou tel
terme et sur la volonté du Parlement.
Quand cette décision aura été confirmée, il nous restera, mes chers collègues,
à mon avis, à mettre en oeuvre la transformation, à faire vivre le nouveau
cadre, à lui permettre d'être effectivement l'instrument de la réforme de
l'Etat, d'assurer une meilleure identification des missions prioritaires de
celui-ci, en vue de mieux répartir ses moyens, d'économiser l'argent public et
de ménager le contribuable.
Madame le secrétaire d'Etat, messieurs les ministres, au stade de la mise en
oeuvre de ce nouveau cadre, il sera logique que nos chemins se séparent. En
effet, si nous avions la même conception non pas seulement de l'instrument mais
aussi de la manière de s'en servir, il n'y aurait plus de majorité et
d'opposition. Or, dans toute démocratie, il faut une majorité et une
opposition.
Les idées que nous défendons nous conduisent à penser - je parle là au nom de
la majorité sénatoriale tout entière mais plus particulièrement au nom de mon
groupe - que les nouveaux outils dont nous allons disposer pour faire vivre la
mission du Parlement en ce qui concerne les finances de l'Etat seront
particulièrement propices à l'affirmation de nos idées. Au demeurant, je suis
persuadé que tous ici, quelles que soient les travées sur lesquelles nous
siégeons, nous avons en tête la même conception.
Ainsi, après ce moment de consensus, chacun reprendra logiquement sa route.
Bien sûr, pour que nous sachions faire vivre ce nouveau cadre, il est une
condition essentielle : après que nous aurons fait évoluer les règles, les
procédures, il nous faudra faire évoluer nos comportements. La réforme serait
vaine faute de la volonté des députés et des sénateurs d'exercer leurs
prérogatives : cette vérité d'évidence doit être rappelée.
Si l'on veut que les commissions des finances, en particulier, s'acquittent
pleinement de leur mission, il leur faut plus de moyens d'expertise. Ils sont à
notre portée, et la nouvelle loi organique leur conférera tout leur intérêt.
Sans doute faudra-t-il que les assemblées parlementaires aient le courage,
elles aussi, de se réformer, c'est-à-dire de bien affecter leurs moyens à ce
qui est utile et à ce qui est permanent.
M. Roland du Luart.
Tout à fait !
M. Philippe Marini.
Ce sera notre affaire, monsieur le président, si je puis me permettre de le
dire avec quelque solennité dans cet hémicycle.
Bien entendu, au-delà de la mise en oeuvre des moyens d'expertise externes,
par la mise en concurrence des organes d'information économique - instituts de
prévision et de conjoncture - et des économistes, nous devrons disposer,
notamment à la commission des finances, de collaborateurs en nombre un peu plus
important, car l'excellence de ceux qui travaillent aujourd'hui pour nous ne
saurait compenser la modicité de leur effectif. Mais je ne voudrais pas être
accusé de faire du corporatisme : d'autres commissions peuvent émettre les
mêmes revendications. Cela étant, monsieur le président, à effectif global
inchangé, en tout cas au sein de notre assemblée, on doit pouvoir faire les
bons choix pour permettre à ce texte de vivre comme il convient.
M. Roland du Luart.
Très bien !
M. Philippe Marini.
Naturellement, il faudra aussi que les parlementaires sachent que leur
honneur, la manière dont ils seront jugés comme la manière dont ils se jugeront
eux-mêmes - ce qui est sans doute au moins aussi important - dépendent dans une
large mesure de leur capacité à exercer leurs responsabilités avec le souci de
l'intérêt général et de l'ensemble du pays. Cela suppose un certain esprit
d'abnégation. Ce n'est pas en faisant de l'électoralisme ou du corporatisme que
l'on peut faire avancer la machine publique ! C'est en y mettant tout son coeur
!
Je suis certain que le présent texte sera un adjuvant permettant à tous ces
moyens de se mettre en place.
Dans cet esprit résolument optimiste, je suis fier, moi aussi, monsieur le
président-rapporteur, du travail que vous nous avez permis d'accomplir. Je suis
fier de cette unité de vues d'une après-midi, au moins, entre les deux
assemblées, entre le Parlement et le Gouvernement.
En cette fin de sesssion, voilà un bien beau symbole de ce que, sous cette Ve
République, le Parlement et le Gouvernement sont capables de faire. Vive la Ve
République !
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants, de
l'Union centriste et du RDSE ainsi que sur les travées socialistes.)
M. le président.
La parole est à M. Angels.
M. Bernard Angels.
Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, monsieur le ministre, mes
chers collègues, tout au long de nos travaux, l'amélioration de la gestion du
budget de l'Etat et le renforcement du caractère démocratique de nos
institutions auront constitué un souci permanent. En ce sens, la nécessité de
réformer l'ordonnance de 1959 apparaissant comme une évidence, nous ne pouvons
que nous réjouir de l'unanimité qui l'entoure.
En effet, chacun s'accordera à penser que « nécessité fait loi » et que, grâce
à de nouveaux modes d'élaboration, de discussion et de vote des projets de lois
de finances, ainsi qu'au contrôle permanent de leur bonne exécution, la gestion
des finances publiques sera plus claire, plus rigoureuse, plus efficace en
somme.
Déjà, lors de la discussion en première lecture de la proposition de loi
organique relative aux lois de finances, j'avais énoncé trois principes
indispensables à la mise en oeuvre et au succès de cette réforme :
l'efficacité, la transparence et la responsabilité. Je me félicite de retrouver
ces principes essentiels dans le texte aujourd'hui soumis notre discussion.
Je tiens à souligner, sans entrer dans le détail des modifications apportées
par l'Assemblée nationale, que celle-ci est très peu revenue sur le texte voté
par le Sénat. J'ajoute que les onze amendements qui ont été déposés par la
commission des finances du Sénat visent au perfectionnement de l'écriture des
articles concernés : autant dire qu'ils concernent moins le fond que la
forme.
Néanmoins, si je ne doute pas de la perfectibilité d'un texte que le temps et
la réflexion ne manqueront pas d'affiner, je reste attaché avant tout - comme
vous, madame la secrétaire d'Etat, monsieur le président de la commission - à
l'aboutissement de cette trente-septième tentative de réforme, puisque c'est
l'ambition commune à la très grande majorité des élus de la nation, fait assez
rare pour que nous ne manquions pas ce moment !
A ce titre, je tiens à remercier nos collègues députés, en particulier mon ami
Didier Migaud, d'avoir tenu compte du travail important effectué sur ce dossier
par le Sénat et notamment par notre rapporteur, M. le président Lambert.
Monsieur le président de la commission, je tiens d'ailleurs à vous remercier
des propos aimables que vous avez tenus à mon égard.
Aussi, je formule ici le même souhait que celui que j'exprimais déjà en
commission mardi dernier : trouvons ensemble, et dès aujourd'hui, un accord qui
permettra le vote conforme que nous souhaitons tous, car je crois fermement que
ce choix sera celui de la sagesse et de la raison. Je compte, une fois de plus,
sur le sens des responsabilités de chacun d'entre nous pour que, dès ce soir,
nous parvenions à l'élaboration de cette nouvelle « constitution financière »
de la France.
(Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur
les travées du RDSE, de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et
Indépendants.)
M. le président.
La parole est à Mme Beaudeau.
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la secrétaire d'Etat, mes
chers collègues, nous voici pratiquement parvenus au terme de la discussion de
la proposition de loi organique relative aux lois de finances.
Le groupe communiste républicain et citoyen a tenu à marquer un certain nombre
de priorités.
La première de ces priorités est la nécessité de réformer effectivement
l'ordonnance organique de 1959. Celle-ci, néfaste dès l'origine, a vu, avec le
temps, ses effets pervers s'aggraver. C'est pourquoi nous n'avons cessé d'en
demander l'abrogation.
Nous ne pouvons, en effet, que souligner de nouveau ce qu'a pu représenter et
ce que représente encore cette ordonnance en termes d'atteinte aux droits du
Parlement et de prééminence excessive du pouvoir exécutif quant à la
détermination des grands choix budgétaires.
Pour nous, la discussion de cette proposition de loi organique pouvait être un
moment essentiel de l'avancée des droits du Parlement et de rééquilibrage des
pouvoirs, favorisant un dialogue plus constructif et plus dynamique entre les
institutions, au moment même où des enjeux importants sont fixés pour le moyen
terme, parmi lesquels ceux de la construction européenne, mais aussi ceux de la
satisfaction de nombreux besoins collectifs.
La deuxième priorité était donc de permettre au débat sur les termes de la
proposition de loi de concevoir l'outil technique nouveau, démocratique,
lisible, susceptible de faciliter à l'avenir un débat budgétaire au plus près
des exigences et des objectifs que l'on peut fixer à l'action publique,
notamment celui de répondre aux besoins des habitants de notre pays.
Après plusieurs heures de débat, cet outil fondé sur des droits réels nouveaux
du Parlement n'apparaît toujours pas. Ce texte, que l'on va d'ailleurs tenter
de promulguer au plus vite, en décourageant autant que faire se peut toute
velléité de modification, ne fait pas véritablement de place à un renforcement
des droits du Parlement.
Nous avons un peu l'impression d'être face à un texte où l'on a « sophistiqué
» quelque peu l'outil permettant de limiter encore plus les droits du
Parlement, dès lors que nous appréhendons la proposition de loi sous le double
éclairage de la question européenne et d'une recevabilité financière plus
contraignante encore qu'aujourd'hui.
Vous m'objecterez sans doute qu'il existe une nouvelle définition des lois de
règlement et une démarche de programmation budgétaire plus ouverte.
Même si les apparences sont sauves, avec une nouvelle définition des lois de
règlement et une démarche de programmation budgétaire apparemment plus ouverte
que par le passé, nous sommes plus près d'un renforcement du contrôle tatillon
de la dépense publique que d'un véritable renforcement de l'initiative
parlementaire.
Devrions-nous nous satisfaire d'une réforme de l'ordonnance faisant des deux
assemblées une sorte de « Cour des comptes » élue, sans autre rôle que celui de
valider des politiques budgétaires restrictives, y compris dans des périodes de
croissance économique avérée ?
En effet, l'enjeu principal du débat ne réside manifestement pas dans l'exposé
de la technique budgétaire déclinée tout au long des articles de la proposition
de loi.
Il réside plutôt dans ce que sous-tend le texte qui nous est présenté : une
réforme de l'Etat dans laquelle la poursuite d'objectifs strictement
opératoires prend le pas sur le souci de répondre à l'intérêt général. Il
s'ensuit d'ailleurs une remise en question des statuts des agents du secteur
public et la mise en déclin de la dépense publique.
Nous sommes aujourd'hui en présence d'une proposition de loi organique qui
conduira en effet inexorablement à réduire comme peau de chagrin l'intervention
publique, ce qui ne manquera pas, au demeurant, de poser au citoyen quelques
questions.
L'on peut attendre de la mise en oeuvre de la présente proposition de loi
organique qu'elle conduise à la publication de lois de finances sans déficit
public excessif, selon la terminologie bien connue ; mais on peut aussi
attendre du débat budgétaire qu'il nous fasse part de l'inquiétude de nos
compatriotes devant un Etat qui, à force de vouloir être modeste, ne jouera
plus qu'un rôle limité dans la vie de la nation.
Dès lors, il conviendra d'éviter que naisse et progresse ce sentiment assez
désagréable pour le citoyen-contribuable de payer des impôts producteurs
d'effets sur sa vie quotidienne, sur l'avenir de ses enfants et sur
l'environnement socio-économique en général.
Que l'on nous comprenne bien : si, après avoir donné à la Banque de France la
définition de notre politique monétaire, après avoir accepté l'encadrement des
politiques économiques par la Commission européenne, après avoir enclenché et
prolongé le processus d'abandon de souveraineté dans le domaine de la politique
étrangère et engagé la liquidation des principes du service public à la
française, on met aujourd'hui en place un outil de définition budgétaire
restrictif et limitatif, alors, il ne reste que peu de place au pouvoir réel du
Parlement.
Nous avons eu l'occasion, lors du débat d'orientation budgétaire, de faire
valoir toute la portée réelle de la dépense publique, de mettre en évidence que
les objectifs de saine gestion des deniers publics ne sont pas incompatibles
avec une mobilisation de la dépense susceptible de contribuer à la
croissance.
Cette proposition de loi organique, dans son essence, ne permet que de graver
dans le marbre des principes de déclin de la dépense publique, déclin à la fois
en volume et aussi en qualité. Elle est en effet fondée sur une certaine forme
de renoncement à peser, par l'intervention publique, sur le cours des
choses.
Dans les termes qui sont aujourd'hui les siens, nous ne pouvons évidemment
l'adopter, quand bien même nous reconnaîtrions à ceux qui défendent cette
réforme une certaine constance dans l'effort, la discussion ayant été lancée de
longue date au travers de multiples rapports et missions d'information.
Mais nous sommes aussi obligés de reconnaître qu'ils ont voulu, dans le cadre
de ce débat, porter dans la loi organique ce qui a fait leur
vade mecum
des derniers débats budgétaires, c'est-à-dire la volonté de réduire la
dépense publique, préalable nécessaire et incontournable à la baisse des
impôts.
(M. le président de la commission fait un signe de
dénégation.)
Devrions-nous, dès lors, renoncer définitivement à une dépense publique
active, susceptible de gagner en capacités de redistribution et en efficacité,
au motif que nous aurions adopté une loi organique encourageant plutôt à serrer
les cordons de la bourse ?
Le débat budgétaire futur sera-t-il donc marqué par ce recul programmé de
l'action publique, laissant au seul marché le soin d'autoréguler les profondes
inégalités économiques et sociales que notre pays continue de connaître ?
Vous l'avez compris, monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat,
monsieur le ministre, monsieur le président-rapporteur de la commission des
finances, nous voterons contre cette proposition de loi organique.
M. Roland du Luart.
C'est une surprise !
(Sourires.)
M. le président.
La parole est à M. du Luart.
M. Roland du Luart.
Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la secrétaire d'Etat,
monsieur le rapporteur, mes chers collègues, en vue de la deuxième lecture au
Sénat de la proposition de loi organique relative aux lois de finances, je
souhaite rappeler ce qu'a été notre vision de ce texte. Dans cette loi
organique relative au Sénat, le rôle de notre assemblée aura été
déterminant.
Après d'autres pays, la France a, à son tour, perçu la nécessité de moderniser
la gestion budgétaire de l'Etat.
Il est apparu nécessaire d'en finir avec une conception archaïque de la
pratique budgétaire, conception qui tient en deux affirmations.
Tout d'abord, aux yeux des gestionnaires et de nous-mêmes, trop souvent, le «
bon budget » ministériel est celui qui augmente plus que l'ensemble des crédits
et dépenses publiques. Peu importe que cette augmentation soit réellement
nécessaire au vu des finalités d'intérêt général servies par ces crédits.
Ensuite, le budget bien exécuté est celui qui a épuisé ses crédits. Peu
importe que les crédits aient été utilisés à bon escient ou gaspillés : la
culture du « taux de consommation » fait de ce critère l'un des plus essentiels
dans le jugement porté sur une gestion.
Or la France est dans une situation de déficit et de dette publics encore
élevés, et l'enjeu d'utiliser de façon optimale toute ressource prélevée sur le
contribuable apparaît fondamental aux yeux de tous.
C'est cet enjeu partagé qui est à l'origine de la réforme en France. On
considère aujourd'hui que, pour parvenir à cet objectif, il faut réformer
l'Etat et que, pour pouvoir réformer l'Etat, il faut enclencher un cercle
vertueux, qui passe par la réforme de la procédure budgétaire.
Le budget est sans doute l'outil politique le plus important. Sa rénovation ne
présume en rien de l'utilisation qui peut en être faite. Il peut servir une
politique, de droite comme de gauche.
C'est pourquoi la réforme en cours en France fait l'objet d'un processus
consentuel. Le dialogue s'est établi entre la droite et la gauche, entre le
Gouvernement et le Parlement, entre l'Assemblée nationale et le Sénat. Le
Président de la République a apporté son soutien à la démarche, de même que les
présidents de l'Assemblée nationale et du Sénat. Le Premier ministre Lionel
Jospin a fait de même, ainsi que son prédécesseur, Alain Juppé, devant notre
commission des finances.
Pour en dessiner les contours, puis pour la mettre en oeuvre, un travail
intense s'effectue entre le Parlement et le Gouvernement, entre les services de
l'exécutif et ceux du législatif et, au sein des ministères, dans les groupes
de travail qui réfléchissent déjà à ses conséquences concrètes.
Dès juillet 1997, le président de la commission des finances, M. Alain
Lambert, avait rédigé pour le journal
Le Figaro
un article dans lequel
il déclarait que le moment de réformer l'ordonnance de 1959 était venu.
Laurent Fabius et Didier Migaud à l'Assemblée nationale, puis le Gouvernement
ont entamé des démarches, d'abord parallèles, qui se sont rapidement
rencontrées pour travailler à une réforme qui a pour but final d'utiliser au
mieux l'argent prélevé sur les Français.
Elle s'est donnée deux objectifs intermédiaires : moderniser la gestion
publique pour réformer l'Etat et rénover le rôle du Parlement dans la procédure
budgétaire.
A nos yeux, ces deux objectifs sont liés.
La réforme est souvent présentée comme une sorte d'échange de bons procédés
entre le Gouvernement et le Parlement : le Gouvernement bénéficierait de plus
de liberté dans l'exécution du budget. En contrepartie, le Parlement verrait
son influence s'accroître sur l'élaboration et son information serait de
meilleure qualité.
En fait, il s'agit moins d'un échange entre le Parlement et le Gouvernement
que d'un tout cohérent.
C'est bien parce que les comptes de l'Etat ne sont pas convenablement
présentés en prévision, comme en exécution, que l'autorisation parlementaire a
peu de portée et que le Parlement est mal informé.
C'est aussi parce que le regard du Parlement a perdu de son acuité que les
administrations n'ont pas été encouragées à se réformer.
La conception des rôles respectifs du Parlement et du Gouvernement est, à nos
yeux, celle d'un strict partage des rôles.
Au Gouvernement reviennent l'initiative et la gestion, c'est-à-dire la
construction du budget et son exécution. Au Parlement reviennent l'autorisation
et le contrôle, c'est-à-dire le consentement à l'impôt, éclairé par le jugement
de ce qui est fait du produit de cet impôt.
Au sujet de la modernisation de la gestion publique, notre thèse est que
celle-ci dépend de la construction de la loi de finances.
C'est dans la loi de finances de l'année que se trouvent les éléments d'une
gestion moderne, et, en particulier, quatre éléments principaux.
En premier lieu, la budgétisation orientée vers les résultats : désormais, au
lieu de voter sur des crédits conçus comme de purs moyens, le Parlement votera
sur des programmes et des missions, ensembles de crédits orientés vers les
finalités de l'action publique, associés à des indicateurs de performance.
En deuxième lieu, une meilleure prise en compte de la pluriannualité :
l'autorisation de dépenses
stricto sensu
restera annuelle, mais la
commission des finances du Sénat insiste pour que la dimension pluriannuelle
soit prise en compte du point de vue des projections, comme de celui de la
gestion.
Du point de vue des projections, nos engagements européens, conjugués avec
certains phénomènes lourds - la dette publique, le statut de la fonction
publique, les perspectives démographiques - militent absolument pour que les
décideurs publics sachent où ils vont à moyen terme lorsqu'ils prennent des
décisions aujourd'hui.
Du point de vue de la gestion, il est certain que, contrairement à l'adage
traditionnel, il vaut souvent mieux dépenser demain ce que l'on pourrait
dépenser aujourd'hui. Les gestionnaires doivent, certes, bien calibrer leurs
besoins, mais ils doivent être encouragés à se soucier au mieux de la
trésorerie de l'Etat.
En troisième lieu, le passage à une comptabilité moderne : le budget de l'Etat
restera établi en comptabilité de caisse, mais il sera exécuté en droits
constatés, de façon que la comptabilité prenne en considération tout le
patrimoine de l'Etat. En outre, pour satisfaire à la mesure de leurs
performances, et, donc, de leurs coûts, les administrations devront construire
leur comptabilité analytique.
En quatrième lieu, une meilleure information du Parlement : ces prévisions et
cette gestion doivent être retranscrites à son attention en termes exhautifs et
clairs. Bien entendu, c'est une exigence démocratique, mais le maintien d'une
information lacunaire pour le Parlement signifierait très probablement que
l'exécutif lui-même n'a pas forgé tous les outils nécessaires à son propre
pilotage de l'Etat.
Au sujet de la rénovation des pouvoirs budgétaires du Parlement, nous plaçons
la modernisation de la gestion publique au coeur du rééquilibrage des pouvoirs
budgétaires.
La réforme contient six éléments principaux de ce point de vue.
Premièrement, s'agissant de la fongibilité des crédits, il convient de
simplifier la nomenclature budgétaire et de rendre les crédits fongibles à
l'intérieur des programmes, afin de favoriser l'autonomie et la responsabilité
des gestionnaires, qui doivent rendre compte, à terme, de leurs résultats.
Deuxièmement, en ce qui concerne l'universalité des lois de finances, il est
essentiel, du côté du Parlement, que tout ce qui est financé par prélèvement
obligatoire d'Etat soit porté à sa connaissance et autorisé par lui. Un des
objectifs importants de la réforme sera, selon nous, de rétablir le
consentement éclairé à l'impôt, même si le bénéficiaire de cet impôt n'est pas
directement l'Etat, mais un de ses démembrements.
Troisièmement, de façon connexe, un principe de sincérité budgétaire sera
solennellement affirmé, et la Cour des comptes devra certifier les comptes
exécutés. La sincérité signifiera que le Gouvernement établira un budget juste
compte tenu des éléments en sa possession et que sa comptabilité reflétera une
image fidèle de la situation réelle de l'Etat.
Quatrièmement, le principe du respect des autorisations parlementaires est
affirmé. La budgétisation orientée vers les résultats doit donner davantage de
liberté aux gestionnaires dans la gestion de leurs moyens. En revanche, dans ce
cadre, il doit être strictement interdit à l'exécutif de redéfinir seul les
objectifs de politique publique, sans autorisation parlementaire préalable.
Cinquièmement, il est indispensable de rénover le contrôle parlementaire pour
parvenir à mettre en oeuvre la réforme de façon effective. En effet, affirmer
un principe de gestion fondée sur la performance et les résultats restera
lettre morte si aucun regard extérieur ne vient juger de ces performances et de
ces résultats. La Cour des comptes le fera pour ce qui concerne la régularité
de la gestion, mais seul le Parlement est habilité à mener l'évaluation des
politiques publiques, qui est une action politique par essence.
Enfin, sixièmement, cette rénovation des relations entre l'exécutif et le
législatif passe par une modernisation des rendez-vous parlementaires en
matière budgétaire.
Au printemps, il conviendra ainsi de débattre des orientations budgétaires de
l'année
n + 1
en examinant les comptes de l'année
n - 1.
Il
conviendra de débattre aussi des objectifs de l'action publique à la lumière de
ses résultats. A l'automne, comme l'a proposé notre excellent rapporteur
général Philippe Marini, il nous faudra débattre de l'ensemble des prélèvements
obligatoires. Et pour le vote du budget, nous devrons discuter et voter chaque
mission.
Mes chers collègues, je suis convaincu que la modernisation de la gestion des
finances publiques ne passe plus par la mise à l'écart du Parlement, comme
après-guerre elle passe au contraire par sa réintégration, non dans la
nostalgie d'un passé qui n'a pas toujours été glorieux, mais en vue d'un avenir
qui ne doit être guidé que par l'intérêt de notre peuple.
C'est la raison pour laquelle le groupe des Républicains et Indépendants
votera, à l'unanimité, un texte qui honore le travail du Parlement.
(Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants et du
RPR. - M. le rapporteur applaudit également.)
M. le président.
Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion des articles.
Je rappelle que, aux termes de l'article 42, alinéa 10, du règlement, à partir
de la deuxième lecture au Sénat des propositions de loi, la discussion des
articles est limitée à ceux pour lesquels les deux chambres du Parlement n'ont
pas encore adopté un texte identique.
Article 1er A
M. le président.
« Art. 1er A. - Dans les conditions et sous les réserves prévues par la
présente loi organique, les lois de finances déterminent, pour un exercice, la
nature, le montant et l'affectation des ressources et des charges de l'Etat,
ainsi que l'équilibre budgétaire et financier qui en résulte. Elles tiennent
compte d'un équilibre économique défini, ainsi que des objectifs et des
résultats des programmes qu'elles déterminent.
« L'exercice s'étend sur une année civile.
« Ont le caractère de lois de finances :
« 1° La loi de finances de l'année et les lois de finances rectificatives ;
« 2° La loi de règlement ;
« 3° Les lois prévues à l'article 45. »
Par amendement n° 1, M. Lambert, au nom de la commission, propose, dans la
seconde phrase du premier alinéa de cet article, de remplacer le mot : « défini
» par les mots : « qu'elles décrivent ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Alain Lambert,
rapporteur.
Je rappelle qu'il s'agit de nourrir tous les travaux
préparatoires des informations les plus utiles qui permettront la meilleure
application possible de notre texte.
L'amendement que j'ai l'honneur de proposer en l'instant concerne l'article
1er A, qui traite de l'objet des lois de finances. Il est essentiellement
rédactionnel. Il vise à lever une ambiguïté qui, aux yeux de notre commission,
résulte de la rédaction adoptée par l'Assemblée nationale.
Nous considérons, pour ce qui nous concerne, que les lois de finances ne
peuvent pas déterminer l'environnement économique dans lequel elles
s'inscrivent. Nous estimons, au contraire, que cet environnement est une donnée
qui s'impose à tout exécutif. C'est pourquoi nous avons une préférence pour le
verbe « décrire », alors que l'Assemblée nationale a retenu le verbe « définir
» qui, comme je le disais voilà un instant, crée une sorte d'ambiguïté.
Cette question va nous permettre, madame la secrétaire d'Etat, de vous
entendre et vous donnera peut-être l'occasion de lever cette ambiguïté.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Florence Parly,
secrétaire d'Etat.
Monsieur le rapporteur, j'ai le sentiment qu'il n'y a
pas de divergence entre les deux assemblées sur le fait que les lois de
finances doivent évidemment tenir compte d'un certain équilibre économique.
D'ailleurs, l'article 48
quater
du texte actuel dispose que le rapport
qui est joint au projet de loi de finances sur la situation et les perspectives
économiques, sociales et financières de la nation « comprend notamment la
présentation des hypothèses, des méthodes et des résultats des projections sur
la base desquelles est établi le projet de loi de finances de l'année ».
Dans ces conditions, je m'en remets à la sagesse de la Haute Assemblée.
M. Alain Lambert,
rapporteur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Alain Lambert,
rapporteur.
Cette réponse peut nous donner satisfaction. En effet, nous
avons de nombreux débats dans cette assemblée sur la question de savoir si la
croissance est décidée par le Gouvernement. Il est vrai, que, dans le passé,
des mots malheureux ont pu être prononcés sur le sujet et laisser croire que la
croissance était décidée par le Gouvernement. Nous ne voulions pas que le
gouvernement actuel comme les gouvernements suivants, lorsqu'ils prendront
leurs fonctions, pensent avoir cette possibilité.
(Sourires.)
Je crois
que, dans la période que nous traversons, le ministre de l'économie, des
finances et de l'industrie n'est pas loin de penser comme moi.
Par sa réponse, Mme la secrétaire d'Etat nous confirme que la croissance et la
situation économique ne sont pas décidées par le Gouvernement. Cela me permet,
en vertu du mandat qui m'a été donnée par la commission, de retirer cet
amendement.
M. le président.
L'amendement n° 1 est retiré.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 1er A.
(L'article 1er A est adopté.)
Article 1er
M. le président.
« Art. 1er. - Les ressources et les charges de l'Etat comprennent les
ressources et les charges budgétaires ainsi que les ressources et les charges
de trésorerie.
« Les impositions de toute nature ne peuvent être directement affectées à un
tiers qu'à raison des missions de service public confiées à lui et sous les
réserves prévues par les articles 31, 33 et 48
quinquies
. »
Par amendement n° 2, M. Lambert, au nom de la commission, propose :
I. - A la fin du premier alinéa de cet article, de remplacer les mots : «
ainsi que les ressources et les charges de trésorerie. » par les mots : « et
les ressources et les emplois de trésorerie. »
II. - En conséquence, dans le reste de la proposition de loi organique, de
remplacer les mots : « charges de trésorerie » par les mots : « emplois de
trésorerie ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Alain Lambert,
rapporteur.
A la lecture de cet amendement, certains peuvent penser qu'il
s'agit d'une querelle sémantique. Or tel n'est absolument pas le cas.
L'article 1er traite des ressources et des charges de l'Etat. La notion de
charges est celle qui est retenue par la Constitution. La version de
l'Assemblée nationale est donc, de ce point de vue, tout à fait correcte sur le
plan juridique. C'est sa référence. Toutefois, lorsqu'on parle de la
trésorerie, les dépenses ne sont pas obligatoirement des charges, ce sont des
emplois, au sens économique du terme. Je souhaiterais que Mme la secrétaire
d'Etat veuille bien nous confirmer ce point. En effet, à nos yeux, les
placements de trésorerie sont des emplois, et non des charges.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Florence Parly,
secrétaire d'Etat.
Comme vient de le rappeler M. le rapporteur,
l'Assemblée nationale et le Sénat se sont interrogés sur la qualification qu'il
convenait de donner à la traduction financière des opérations de trésorerie.
L'Assemblée nationale, en première comme en deuxième lecture, a donné sa
préférence à une terminologie qui est très directement calquée sur la
Constitution et a donc retenu les notions de ressources et de charges de
trésorerie. Le Sénat, quant à lui, s'est inscrit dans une perspective plus
économique et financière et a donc préféré parler des « emplois de trésorerie
». Il me semble que les deux terminologies ne peuvent, évidemment, que
recouvrir les mêmes réalités et qu'elles ne sauraient donc avoir d'effet sur la
nature des emplois de trésorerie qui sont présentés dans les documents qui
seront soumis au vote du Parlement. C'est la raison pour laquelle je m'en
remets de nouveau à la sagesse de la Haute Assemblée.
M. Alain Lambert,
rapporteur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Alain Lambert,
rapporteur.
Dès lors que ces deux rédactions ne peuvent recouvrir que les
mêmes réalités, en vertu du mandat qui m'a été donné, je retire cet
amendement.
M. le président.
L'amendement n° 2 est retiré.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 1er.
(L'article 1er est adopté.)
Articles 2 à 5
M. le président.
« Art. 2. - Les ressources budgétaires de l'Etat comprennent :
« 1° Des impositions de toute nature ;
« 2°, 3°, 3°
bis,
4°
Non modifiés ;
« 5° Les produits de cession de son domaine, de ses participations financières
ainsi que de ses autres actifs et droits ;
« 6°
Non modifié. - (Adopté.)
« Art. 3. - La rémunération de services rendus par l'Etat peut être établie et
perçue sur la base de décrets en Conseil d'Etat pris sur le rapport du ministre
chargé des finances et du ministre intéressé. Ces décrets deviennent caducs en
l'absence d'une ratification dans la plus prochaine loi de finances afférente à
l'année concernée. » -
(Adopté.)
« Art. 4. - I. - Les charges budgétaires de l'Etat sont regroupées sous les
titres suivants :
« 1° Les dotations des pouvoirs publics ;
« 2° Les dépenses de personnel ;
« 3° Les dépenses de fonctionnement ;
« 4° Les charges de la dette de l'Etat ;
« 5° Les dépenses d'investissement ;
« 6° Les dépenses d'intervention ;
« 7° Les dépenses d'opérations financières ;
« II. - Les dépenses de personnel comprennent :
« - les rémunérations d'activité ;
« - les cotisations et contributions sociales ;
« - les prestations sociales et allocations diverses.
« Les dépenses de fonctionnement comprennent :
« - les dépenses de fonctionnement autres que celles de personnel ;
« - les subventions pour charges de service public.
« Les charges de la dette de l'Etat comprennent :
« - les intérêts de la dette financière négociable ;
« - les intérêts de la dette financière non négociable ;
« - les charges financières diverses.
« Les dépenses d'investissement comprennent :
« - les dépenses pour immobilisations corporelles de l'Etat ;
« - les dépenses pour immobilisations incorporelles de l'Etat.
« Les dépenses d'intervention comprennent :
« - les transferts aux ménages ;
« - les transferts aux entreprises ;
« - les transferts aux collectivités territoriales ;
« - les transferts aux autres collectivités ;
« les appels en garantie.
« Les dépenses d'opérations financières comprennent :
« - les prêts et avances ;
« - les dotations en fonds propres ;
« - les dépenses de participations financières. » -
(Adopté.)
Art. 5. - Les ressources et les charges budgétaires de l'Etat sont retracées
dans le budget sous forme de recettes et de dépenses.
Le budget décrit, pour une année, l'ensemble des recettes et des dépenses
budgétaires de l'Etat. Il est fait recette du montant intégral des produits,
sans contraction entre les recettes et les dépenses.
L'ensemble des recettes assurant l'exécution de l'ensemble des dépenses,
toutes les recettes et toutes les dépenses sont retracées sur un compte unique,
intitulé budget général.
Un montant déterminé de recettes de l'Etat peut être rétrocédé directement au
profit des collectivités territoriales ou des Communautés européennes en vue de
couvrir des charges incombant à ces bénéficiaires ou de compenser des
exonérations, des réductions ou des plafonnements d'impôts établis au profit
des collectivités territoriales. Ces prélèvements sur les recettes de l'Etat
sont, dans leur destination et leur montant, définis et évalués de façon
précise et distincte. » -
(Adopté.)
Article 7
M. le président.
« Art. 7. - I. - Les crédits ouverts par les lois de finances pour couvrir
chacune des charges budgétaires de l'Etat sont regroupés par mission relevant
d'un ou plusieurs services d'un ou plusieurs ministères.
« Une mission comprend un ensemble de programmes concourant à une politique
publique définie. Seule une disposition de loi de finances d'initiative
gouvernementale peut créer une mission.
« Toutefois, une mission spécifique regroupe les crédits des pouvoirs publics,
chacun d'entre eux faisant l'objet d'une ou de plusieurs dotations. De même,
une mission regroupe les crédits des deux dotations suivantes :
« 1° Une dotation pour dépenses accidentelles, destinée à faire face à des
calamités, et pour dépenses imprévisibles ;
« 2° Une dotation pour mesures générales en matière de rémunérations dont la
répartition par programme ne peut être déterminée avec précision au moment du
vote des crédits.
« Un programme regroupe les crédits destinés à mettre en oeuvre une action ou
un ensemble cohérent d'actions relevant d'un même ministère et auquel sont
associés des objectifs précis, définis en fonction de finalités d'intérêt
général, ainsi que des résultats attendus et faisant l'objet d'une
évaluation.
« II. - Les crédits sont spécialisés par programme ou par dotation.
« Les crédits d'un programme ou d'une dotation sont présentés selon les titres
mentionnés à l'article 4.
« La présentation des crédits par titre est indicative. Toutefois, les crédits
ouverts sur le titre des dépenses de personnel de chaque programme constituent
le plafond des dépenses de cette nature.
« III. - A l'exception des crédits de la dotation prévue au 2° du I, les
crédits ouverts sur le titre des dépenses de personnel sont assortis de
plafonds d'autorisation des emplois rémunérés par l'Etat. Ces plafonds sont
spécialisés par ministère.
« IV. - Les crédits ouverts sont mis à la disposition des ministres.
« Les crédits ne peuvent être modifiés que par une loi de finances ou, à titre
exceptionnel, en application des dispositions prévues aux articles 12 à 16, 18,
18
bis
et 20
bis
.
« La répartition des emplois autorisés entre les ministères ne peut être
modifiée que par une loi de finances ou, à titre exceptionnel, en application
du II de l'article 13. »
Par amendement n° 3, M. Lambert, au nom de la commission, propose de rédiger
ainsi la première phrase du deuxième alinéa du I de cet article : « Une mission
comprend un ensemble homogène de programmes. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Alain Lambert,
rapporteur.
L'article 7 traite de la budgétisation par objectifs,
missions et programmes. Il s'agit d'un article très important, qui est au coeur
de la réforme. La rédaction adoptée par l'Assemblée nationale pourrait
entretenir une forme d'ambiguïté. Aussi, nous souhaiterions que le Gouvernement
s'exprime sur la composition des missions et qu'il nous confirme bien qu'il
entend composer des missions de programmes homogènes.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Florence Parly,
secrétaire d'Etat.
Comme je l'ai indiqué lors de l'examen en deuxième
lecture de la proposition de loi organique dont nous débattons aujourd'hui,
l'article 7, qui traite de la définition des missions et programmes, est
évidemment au coeur de la réforme.
En ce qui concerne la définition de la mission, M. le rapporteur souhaite, me
semble-t-il, s'assurer de la cohérence des programmes qui seront regroupés en
son sein. Pour sa part, soyez assurés que le Gouvernement y veillera.
M. le président.
Monsieur le rapporteur, l'amendement est-il maintenu ?
M. Alain Lambert,
rapporteur.
Dans ces conditons, l'amendement est retiré, monsieur le
président.
M. le président.
L'amendement n° 3 est retiré.
Par amendement n° 4, M. Lambert, au nom de la commission, propose, après les
mots : « auquel sont associés », de rédiger ainsi la fin du dernier alinéa du I
de l'article 7 : « des objectifs précis et des indicateurs en mesurant les
résultats ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Alain Lambert,
rapporteur.
Nous sommes toujours sur la question des programmes, mais
plus particulièrement sur les indicateurs. L'Assemblée nationale n'a pas
souhaité faire figurer les indicateurs dans la définition des programmes, alors
que, à nos yeux, ces indicateurs sont un élément essentiel de cette réforme et
donc des programmes. On voit bien que l'objectif est d'éviter que des
amendements parlementaires qui ne contiendraient pas d'indicateurs ne soient
déclarés irrecevables. Au stade du projet de loi de finances, les indicateurs
seront obligatoires puisque les annexes au projet de loi devront les contenir.
Par cet amendement, madame la secrétaire d'Etat, il s'agit de savoir s'il en
sera bien de même pour les amendements du Gouvernement. Cet amendement a pour
objet de faire confirmer à l'exécutif qu'il ne créera jamais de programmes sans
indicateurs associés au moyen d'amendements, parce que cela reviendrait à
dénaturer totalement la réforme.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Florence Parly,
secrétaire d'Etat.
Le souci que vient d'exprimer M. le rapporteur, c'est,
me semble-t-il, de s'assurer que les programmes soient dotés d'objectifs précis
et donc d'indicateurs de résultats.
A cet égard, vous me permettrez de relever que, d'ores et déjà, au
a
du
5° de l'article 48
quinquies
figure une disposition stipulant que sont
jointes aux lois de finances de l'année des annexes accompagnées du projet
annuel de performances de chaque programme précisant « la présentation des
actions, des coûts associés, des objectifs poursuivis, des résultats obtenus et
attendus pour les années à venir, mesurés au moyen d'indicateurs précis dont le
choix est justifié ».
Les deux assemblées ont considéré qu'en matière de gestion publique la
nouvelle loi organique, comme vous l'avez tous rappelé, doit permettre de
passer d'une culture de moyens à une culture de résultats. La mesure des
résultats est donc évidemment au coeur de la réforme. Je ne peux donc pas
envisager que, lorsqu'un programme sera créé, il ne s'accompagne pas de la
définition des indicateurs qui sont propres à concrétiser cette mesure. En tout
cas, c'est ce à quoi, pour sa part, le Gouvernement s'attachera.
M. Alain Lambert,
rapporteur.
Y compris en matière d'amendements du Gouvernement, madame la
secrétaire d'Etat ?
Mme Florence Parly,
secrétaire d'Etat.
Oui, monsieur le rapporteur, y compris en matière
d'amendements du Gouvernement.
M. Alain Lambert,
rapporteur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Alain Lambert,
rapporteur.
Je voudrais qu'il n'y ait pas d'ambiguïté entre nous, madame
la secrétaire d'Etat. Je ne doute absolument pas de la parole de l'exécutif. Je
suis simplement attaché à ce que nos travaux préparatoires soient les plus
complets possible. Comme j'ai le pressentiment que nous légiférons pour
cinquante ans, il convient que nous soyons le plus précis possible.
Je retire donc cet amendement.
M. le président.
L'amendement n° 4 est retiré.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 7.
(L'article 7 est adopté.)
Articles 9 et 10, 12 à 18 bis, 19 et 20
M. le président.
« Art. 9. - Les crédits sont limitatifs, sous réserve des dispositions
prévues aux articles 10 et 24. Les dépenses ne peuvent être engagées et
ordonnancées que dans la limite des crédits ouverts.
« Les conditions dans lesquelles des dépenses peuvent être engagées par
anticipation sur les crédits de l'année suivante sont définies par une
disposition de loi de finances.
« Les plafonds des autorisations d'emplois sont limitatifs. » -
(Adopté.)
« Art. 10. - Les crédits relatifs aux charges de la dette de l'Etat, aux
remboursements, restitutions et dégrèvements et à la mise en jeu des garanties
accordées par l'Etat ont un caractère évaluatif. Ils sont ouverts sur des
programmes distincts des programmes dotés de crédits limitatifs.
« Les dépenses auxquelles s'appliquent les crédits évaluatifs s'imputent, si
nécessaire, au-delà des crédits ouverts. Dans cette hypothèse, le ministre
chargé des finances informe les commissions de l'Assemblée nationale et du
Sénat chargées des finances des motifs du dépassement et des perspectives
d'exécution jusqu'à la fin de l'année.
« Les dépassements de crédits évaluatifs font l'objet de propositions
d'ouverture de crédits dans le plus prochain projet de loi de finances afférent
à l'année concernée.
« Les crédits prévus au premier alinéa ne peuvent faire l'objet ni des
annulations liées aux mouvements prévus aux articles 13 et 14, ni des
mouvements de crédits prévus à l'article 16. » -
(Adopté.)
« Art. 12. - En tant que de besoin, les crédits ouverts sur la dotation pour
dépenses accidentelles et imprévisibles sont répartis par programme, par décret
pris sur le rapport du ministre chargé des finances.
« Les crédits ouverts sur la dotation pour mesures générales en matière de
rémunérations sont, par arrêté du ministre chargé des finances, répartis par
programme. Cet arrêté ne peut majorer que des crédits ouverts sur le titre des
dépenses de personnel. » -
(Adopté.)
« Art. 13. - I. - Des virements peuvent modifier la répartition des crédits
entre programmes d'un même ministère. Le montant cumulé, au cours d'une même
année, des crédits ayant fait l'objet de virements ne peut excéder 2 % des
crédits ouverts par la loi de finances de l'année pour chacun des programmes
concernés. Ce plafond s'applique également aux crédits ouverts sur le titre des
dépenses de personnel pour chacun des programmes concernés.
« II. - Des transferts peuvent modifier la répartition des crédits entre
programmes de ministères distincts, dans la mesure où l'emploi des crédits
ainsi transférés, pour un objet déterminé, correspond à des actions du
programme d'origine. Ces transferts peuvent être assortis de modifications de
la répartition des emplois autorisés entre les ministères concernés.
« II
bis.
- Les virements et transferts sont effectués par décret pris
sur le rapport du ministre chargé des finances, après information des
commisssions de l'Assemblée nationale et du Sénat chargées des finances et des
autres commissions concernées. L'utilisation des crédits virés ou transférés
donne lieu à l'établissement d'un compte rendu spécial, inséré au rapport
établi en application du 3° de l'article 48
octies.
« III. - Aucun virement ni transfert ne peut être effectué au profit de
programmes non prévus par une loi de finances.
« Aucun virement ni transfert ne peut être effectué au profit du titre des
dépenses de personnel à partir d'un autre titre. » -
(Adopté.)
« Art. 14. - En cas d'urgence, des décrets d'avance pris sur avis du Conseil
d'Etat et après avis des commissions de l'Assemblée nationale et du Sénat
chargées des finances peuvent ouvrir des crédits supplémentaires sans affecter
l'équilibre budgétaire défini par la dernière loi de finances. A cette fin, les
décrets d'avance procèdent à l'annulation de crédits ou constatent des recettes
supplémentaires. Le montant cumulé des crédits ainsi ouverts ne peut excéder 1
% des crédits ouverts par la loi de finances de l'année.
« La commission chargée des finances de chaque assemblée fait connaître son
avis au Premier ministre dans un délai de sept jours à compter de la
notification qui lui a été faite du projet de décret. La signature du décret ne
peut intervenir qu'après réception des avis de ces commissions ou, à défaut,
après l'expiration du délai susmentionné.
« La ratification des modifications apportées, sur le fondement des deux
alinéas précédents, aux crédits ouverts par la dernière loi de finances est
demandée au Parlement dans le plus prochain projet de loi de finances afférent
à l'année concernée.
« En cas d'urgence et de nécessité impérieuse d'intérêt national, des crédits
supplémentaires peuvent être ouverts, après information des commissions de
l'Assemblée nationale et du Sénat chargées des finances, par décrets d'avance
pris en Conseil des ministres sur avis du Conseil d'Etat. Un projet de loi de
finances portant ratification de ces crédits est déposé immédiatement ou à
l'ouverture de la plus prochaine session du Parlement. » -
(Adopté.)
« Art. 15. - I. - Afin de prévenir une détérioration de l'équilibre budgétaire
défini par la dernière loi de finances afférente à l'année concernée, un crédit
peut être annulé par décret pris sur le rapport du ministre chargé des
finances. Un crédit devenu sans objet peut être annulé par un décret pris dans
les mêmes conditions.
« Avant sa publication, tout décret d'annulation est transmis pour information
aux commissions de l'Assemblée nationale et du Sénat chargées des finances et
aux autres commissions concernées.
« Le montant cumulé des crédits annulés par décret en vertu du présent article
et de l'article 14 ne peut dépasser 1,5 % des crédit ouverts par les lois de
finances afférentes à l'année en cours.
I
bis
. - Les crédits dont l'annulation est proposée par un projet de
loi de finances rectificative sont indisponibles pour engager ou ordonnancer
des dépenses à compter de son dépôt jusqu'à l'entrée en vigueur de ladite loi
ou, le cas échéant, jusqu'à la décision du Conseil constitutionnel interdisant
la mise en application de ces annulations en vertu du premier alinéa de
l'article 62 de la Constitution.
II. -
Non modifié. » - (
Adopté.)
« Art. 16. - I. - Sous réserve des dispositions concernant les autorisations
d'engagement, les crédits ouverts et les plafonds des autorisations d'emplois
fixés au titre d'une année ne créent aucun droit au titre des années
suivantes.
« II. - Les autorisations d'engagement disponibles sur un programme à la fin
de l'année peuvent être reportées sur le même programme ou, à défaut, sur un
programme poursuivant les mêmes objectifs, par arrêté conjoint du ministre
chargé des finances et du ministre intéressé, majorant à due concurrence les
crédits de l'année suivante. Ces reports ne peuvent majorer les crédits
inscrits sur le titre des dépenses de personnel.
« Sous réserve des dispositions prévues à l'article 20
bis
, les crédits
de paiement disponibles sur un programme à la fin de l'année peuvent être
reportés sur le même programme ou, à défaut, sur un programme poursuivant les
mêmes objectifs, par arrêté conjoint du ministre chargé des finances et du
ministre intéressé, dans les conditions suivantes :
« 1° Les crédits inscrits sur le titre des dépenses de personnel du programme
bénéficiant du report peuvent être majorés dans la limite de 3 % des crédits
initiaux inscrits sur le même titre du programme à partir duquel les crédits
sont reportés ;
« 2° Les crédits inscrits sur les autres titres du programme bénéficiant du
report peuvent être majorés dans la limite globale de 3 % de l'ensemble des
crédits initiaux inscrits sur les mêmes titres du programme à partir duquel les
crédits sont reportés. Ce plafond peut être majoré par une disposition de loi
de finances.
« III. - Les crédits ouverts sur un programme en application des dispositions
du II de l'article 18 et disponibles à la fin de l'année sont reportés sur le
même programme ou, à défaut, sur un programme poursuivant les mêmes objectifs,
par arrêté conjoint du ministre chargé des finances et du ministre
intéressé.
« Le montant des crédits ainsi reportés ne peut excéder la différence entre
les recettes et les dépenses constatées sur le fondement des dispositions
précitées.
« Les reports de crédits de paiement effectués en application du présent
paragraphe ne sont pas pris en compte pour apprécier les limites fixées aux 1°
et 2° du II.
« IV. - Les arrêtés de report sont publiés au plus tard le 31 mars de l'année
suivant celle à la fin de laquelle la disponibilité des autorisations
d'engagement ou des crédits de paiement a été constatée. » -
(Adopté.
)
« Art. 17. - Certaines recettes peuvent être directement affectées à certaines
dépenses. Ces affectations prennent la forme de budgets annexes, de comptes
spéciaux ou de procédures comptables particulières au sein du budget général,
d'un budget annexe ou d'un compte spécial. » -
(Adopté
.)
« Art. 18. - I. -
Non modifié.
« II. - Les fonds de concours sont constitués, d'une part, par des fonds à
caractère non fiscal versés par des personnes morales ou physiques pour
concourir à des dépenses d'intérêt public et, d'autre part, par les produits de
legs et donations attribués à l'Etat.
« Les fonds de concours sont directement portés en recettes au budget général,
au budget annexe ou au compte spécial considéré. Un crédit supplémentaire de
même montant est ouvert par arrêté du ministre chargé des finances sur le
programme ou la dotation concernée.
« Les recettes des fonds de concours sont prévues et évaluées par la loi de
finances. Les plafonds de dépenses et de charges prévus au 5° du I de l'article
31 incluent le montant des crédits susceptibles d'être ouverts par voie de
fonds de concours.
« L'emploi des fonds doit être conforme à l'intention de la partie versante. A
cette fin, un décret en Conseil d'Etat définit les règles d'utilisation des
crédits ouverts par voie de fonds de concours.
« II
bis
. - Les recettes tirées de la rémunération de prestations
régulièrement fournies par un service de l'Etat peuvent, par décret pris sur le
rapport du ministre chargé des finances, faire l'objet d'une procédure
d'attribution de produits. Les règles relatives aux fonds de concours leur sont
applicables. Les crédits ouverts dans le cadre de cette procédure sont affectés
au service concerné.
« III. -
Non modifié
. » - (
Adopté.)
« Art. 18
bis
. - I. - Des budgets annexes peuvent retracer, dans les
conditions prévues par une loi de finances, les seules opérations des services
de l'Etat non dotés de la personnalité morale résultant de leur activité de
production de biens ou de prestation de services donnant lieu au paiement de
redevances, lorsqu'elles sont effectuées à titre principal par lesdits
services.
« La création d'un budget annexe et l'attestation d'une recette à un budget
annexe ne peuvent résulter que d'une disposition de loi de finances.
« II. - Un budget annexe constitue une mission, au sens des articles 7 et 48.
Sous réserve des règles particulières définies au présent article, les
opérations des budgets annexes sont prévues, autorisées et exécutées dans les
mêmes conditions que celles du budget général.
« Par dérogation aux dispositions du II de l'article 7 et de l'article 26
quater
, les budgets annexes sont présentés selon les normes du plan
comptable général, en deux sections. La section des opérations courantes
retrace les recettes et les dépenses de gestion courante. La section des
opérations en capital retrace les recettes et les dépenses afférentes aux
opérations d'investissement et aux variations de l'endettement.
« Par dérogation aux dispositions du III de l'article 7, les plafonds des
autorisations d'emplois dont sont assortis les crédits ouverts sur le titre des
dépenses de personnel sont spécialisés par budget annexe.
« Si, en cours d'année, les recettes effectives sont supérieures aux
prévisions des lois de finances, les crédits pour amortissement de la dette
peuvent être majorés à due concurrence, par arrêté conjoint du ministre chargé
des finances et du ministre intéressé.
« Aucun des mouvements de crédits prévus aux articles 12 et 13 ne peut être
effectué entre le budget général et un budget annexe. » - (
Adopté.
)
« Art. 19. - Les comptes spéciaux ne peuvent être ouverts que par une loi de
finances. Les catégories de comptes spéciaux sont les suivantes :
« 1°, 2°, 3° et 4°
Non modifiés
.
« L'affectation d'une recette à un compte spécial ne peut résulter que d'une
disposition de loi de finances. »
- (Adopté.)
« Art. 20. - I. - Il est interdit d'imputer directement à un compte spécial
des dépenses résultant du paiement de traitements, salaires, indemnités et
allocations de toute nature.
« Sous réserve des règles particulières prévues aux articles 20
bis
à
24, les opérations des comptes spéciaux sont prévues, autorisées et exécutées
dans les mêmes conditions que celles du budget général. Sauf dispositions
contraires prévues par une loi de finances, le solde de chaque compte spécial
est reporté sur l'année suivante.
« II. - Chacun des comptes spéciaux dotés de crédits constitue une mission au
sens des articles 7 et 48. Leurs crédits sont spécialisés par programme.
« Aucun des mouvements de crédits prévus aux articles 12 et 13 ne peut être
effectué entre le budget général et un compte spécial doté de crédits. » -
(
Adopté.)
Article 20 bis
M. le président.
« Art. 20
bis.
- I. - Les comptes d'affectation spéciale retracent,
dans les conditions prévues par une loi de finances, des opérations budgétaires
financées au moyen de recettes particulières qui sont, par nature, en relation
directe avec les dépenses concernées. Ces recettes peuvent être complétées par
des versements du budget général, dans la limite de 10 % des crédits initiaux
de chaque compte.
« Les opérations de nature patrimoniale liées à la gestion des participations
financières de l'Etat, à l'exclusion de toute opération de gestion courante,
sont, de droit, retracées sur un unique compte d'affectation spéciale. Les
versements du budget général au profit de ce compte ne sont pas soumis à la
limite prévue au premier alinéa.
« Il en est de même pour les opérations relatives aux pensions et avantages
accessoires. Les versements du budget général au profit de ce compte ne sont
pas soumis à la limite prévue au premier alinéa.
« II. - Sauf dérogation expresse prévue par une loi de finances, aucun
versement au profit du budget général, d'un budget annexe ou d'un compte
spécial ne peut être effectué à partir d'un compte d'affectation spéciale.
« En cours d'année, le total des dépenses engagées ou ordonnancées au titre
d'un compte d'affectation spéciale ne peut excéder le total des recettes
constatées, sauf pendant les trois mois suivant sa création. Durant cette
dernière période, le découvert ne peut être supérieur à un montant fixé par la
loi de finances créant le compte.
« Si, en cours d'année, les recettes effectives sont supérieures aux
évaluations des lois de finances, des crédits supplémentaires peuvent être
ouverts, par arrêté du ministre chargé des finances, dans la limite de cet
excédent. Au préalable, le ministre chargé des finances informe les commissions
de l'Assemblée nationale et du Sénat chargées des finances des raisons de cet
excédent, de l'emploi prévu pour les crédits ainsi ouverts et des perspectives
d'exécution du compte jusqu'à la fin de l'année.
« Les autorisations d'engagement et les crédits de paiement disponibles en fin
d'année sont reportés sur l'année suivante, dans les conditions prévues aux II
et IV de l'article 16, pour un montant qui ne peut excéder le solde du compte.
»
Par amendement n° 5, M. Lambert, au nom de la commission, propose, à la fin de
la première phrase du premier alinéa du I de cet article, de supprimer les mots
: « qui sont, par nature, en relation directe avec les dépenses concernées
».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Alain Lambert,
rapporteur.
Je rappelle que l'article 20
bis
traite des règles qui
sont applicables aux comptes d'affectation spéciale. La restriction qui a été
apportée par l'Assemblée nationale se veut être un dispositif anti-comptes
d'affectation spéciale abusifs, et, de ce point de vue, c'est une initiative
que l'on peut tout à fait comprendre et partager.
Notre crainte, c'est que cette restriction n'atteigne pas complètement ses
objectifs, puisqu'un compte d'affectation spéciale abusif peut correspondre aux
critères introduits par l'Assemblée nationale alors qu'un compte d'affectation
spéciale justifié peut ne pas y correspondre.
Je prendrai, parmi les exemples qui sont tirés de décisions récentes proposées
et adoptées par le Parlement, l'exemple d'un compte d'affectation spéciale
justifié concernant le produit des cessions de licences UMTS pour abonder le
Fonds de réserve pour les retraites. Nous ne voyons pas bien le lien qui peut
exister entre la recette et la dépense, et nous estimons que la rédaction de
l'Assemblée nationale, qui part d'une bonne intention, n'a pas tout à fait
atteint son objectif.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Florence Parly,
secrétaire d'Etat.
Les deux assemblées ont estimé que les comptes
d'affectation spéciale pouvaient avoir encore quelque utilité.
L'Assemblée nationale a donc souhaité mieux encadrer la création et le
fonctionnement de ces comptes en prévoyant, d'une part, que les recettes et les
dépenses imputées sur un compte d'affectation spéciale devront être en relation
directe et, d'autre part, que les versements éventuels pouvant être faits du
compte général à de tels comptes ne pourront excéder 10 % des crédits initiaux
de ce compte. Je ne vois, pour ma part, aucune observation particulière à
formuler sur ce dispositif.
M. Alain Lambert,
rapporteur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Alain Lambert,
rapporteur.
Je crois comprendre, à travers la réponse de Mme la
secrétaire d'Etat, que le dispositif adopté par l'Assemblée nationale sera
appliqué intelligemment, car, au fond, les textes valent certes par la qualité
de leur rédaction, mais aussi par leur doctrine d'application. Cette doctrine
devra être la plus intelligente possible.
Aussi, madame la secrétaire d'Etat, sous le bénéfice de la réponse
intelligente, que vous avez faite, si j'ose me permettre cette
expression,...
M. le président.
C'est une redondance, monsieur le rapporteur !
(Sourires.)
M. Alain Lambert,
rapporteur.
J'en commets beaucoup !
(Nouveaux sourires.)
Sous le bénéfice de la réponse de Mme la secrétaire d'Etat, disais-je, je
retire cet amendement.
M. le président.
L'amendement n° 5 est retiré.
Par amendement n° 6, M. Lambert, au nom de la commission, propose de compléter
le premier alinéa du I de l'article 20
bis
par la phrase suivante : «
Une loi de finances peut déroger à cette limite. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Alain Lambert,
rapporteur.
Cet amendement a trait à la deuxième restriction introduite
par l'Assemblée nationale sur les anti-comptes d'affectation spéciale abusifs.
Il s'agit d'éviter de trop fortes subventions du budget général. Cette mesure
interdirait l'isolation de comptes justifiés, mais essentiellement
subventionnés.
La commission des finances écoutera avec intérêt votre réponse, madame la
secrétaire d'Etat. Si cette réponse apaisait ses inquiétudes, elle pourrait
éventuellement retirer cet amendement.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Florence Parly,
secrétaire d'Etat.
J'ai eu l'occasion de m'exprimer sur l'amendement
précédant en indiquant que l'Assemblée nationale avait souhaité encadrer le
dispositif relatif aux comptes d'affectation spéciale. Je n'ai pas
d'observation particulière à formuler, sur le présent amendement.
M. le président.
Monsieur le rapporteur, l'amendement est-il maintenu ?
M. Alain Lambert,
rapporteur.
Des précisions techniques utiles ne manqueront certainement
pas d'intervenir dans quelques annéees, lorsque nous aurons effectué un certain
nombre de tests sur le texte dont nous discutons. D'ici là, je retire
l'amendement.
M. le président.
L'amendement n° 6 est retiré.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 20
bis.
(L'article 20
bis
est adopté.)
Articles 21 bis, 23, 25 et 26, 26 quater, 26 quinquies et 27
M. le président.
« Art. 21
bis.
- I. - Les comptes de commerce retracent des opérations
de caractère industriel et commercial effectuées à titre accessoire par des
services de l'Etat non dotés de la personnalité morale. Les évaluations de
recettes et les prévisions de dépenses de ces comptes ont un caractère
indicatif. Seul le découvert fixé pour chacun d'entre eux a un caractère
limitatif. Sauf dérogation expresse prévue par une loi de finances, il est
interdit d'exécuter, au titre de ces comptes, des opérations d'investissement
financier, de prêts ou d'avances, ainsi que des opérations d'emprunt.
« II. - Les opérations budgétaires relatives à la dette et à la trésorerie de
l'Etat, à l'exclusion de toute opération de gestion courante, sont retracées
dans un compte de commerce déterminé. Ce compte est divisé en sections
distinguant les opérations selon leur nature.
« Chaque section est dotée d'une autorisation de découvert.
« Sont déterminés par une disposition de loi de finances :
« - la nature des opérations autorisées, chaque année, sur chaque section ;
« - le caractère limitatif ou évaluatif de chaque autorisation de découvert
;
« - les modalités générales d'information du Parlement sur l'activité du
compte et les modalités particulières selon lesquelles le ministre chargé des
finances informe les commissions de l'Assemblée nationale et du Sénat chargées
des finances de tout dépassement d'une autorisation de découvert ;
« - les conditions générales de fonctionnement du compte. » -
(Adopté.)
« Art. 23. - Les comptes d'opérations monétaires retracent les recettes et les
dépenses de caractère monétaire. Pour cette catégorie de comptes, les
évaluations de recettes et les prévisions de dépenses ont un caractère
indicatif. Seul le découvert fixé pour chacun d'entre eux a un caractère
limitatif. » -
(Adopté.)
« Art. 25. - Les ressources et les charges de trésorerie de l'Etat résultent
des opérations suivantes :
« 1° Le mouvement des disponibilités de l'Etat ;
« 2° L'escompte et l'encaissement des effets de toute nature émis au profit de
l'Etat ;
« 3° La gestion des fonds déposés par des correspondants ;
« 4° L'émission, la conversion, la gestion et le remboursement des emprunts et
autres dettes de l'Etat. Les ressources et les charges de trésorerie afférentes
à ces opérations incluent les primes et décotes à l'émission. -
(Adopté.)
« Art. 26. - Les opérations prévues à l'article 25 sont effectuées
conformément aux dispositions suivantes :
« 1° Le placement des fonds, disponibilités et encaissés de l'Etat est
effectué conformément aux autorisations annuelles générales ou particulières
données par la loi de finances de l'année ;
« 2° et 3°
Non modifiés ;
« 4° L'émission, la conversion et la gestion des emprunts sont effectuées
conformément aux autorisations annuelles générales ou particulières données par
la loi de finances de l'année. Sauf disposition expresse d'une loi de finances,
les emprunts émis par l'Etat sont libellés en euros. Ils ne peuvent prévoir
d'exonération fiscale. Les emprunts émis par l'Etat ou toute autre personne
morale de droit public ne peuvent être utilisés comme moyen de paiement d'une
dépense publique. Les remboursements d'emprunts sont exécutés conformément au
contrat d'émission. » -
(Adopté.)
« Art. 26
quater.
- Les ressources et les charges de trésorerie sont
imputées à des comptes de trésorerie par opération. Les recettes et les
dépenses de nature budgétaire résultant de l'exécution d'opérations de
trésorerie sont imputées dans les conditions prévues à l'article 26
ter
.
» -
(Adopté.)
« Art. 26
quinquies.
- La comptabilité générale de l'Etat est fondée
sur le principe de la constatation des droits et obligations. Les opérations
sont prises en compte au titre de l'exercice auquel elles se rattachent,
indépendamment de leur date de paiement ou d'encaissement.
« Les règles applicables à la comptabilité générale de l'Etat ne se
distinguent de celles applicables aux entreprises qu'en raison des spécificités
de son action.
« Elles sont arrêtées après avis d'un comité de personnalités qualifiées
publiques et privées dans les conditions prévues par la loi de finances. Cet
avis est communiqué aux commissions de l'Assemblée nationale et du Sénat
chargées des finances et publié. »
- (Adopté.)
« Art. 27. - Les lois de finances présentent de façon sincère l'ensemble des
ressources et des charges de l'Etat. Leur sincérité s'apprécie compte tenu des
informations disponibles et des prévisions qui peuvent raisonnablement en
découler. » -
(Adopté.)
Article 31
M. le président.
« Art. 31. - La loi de finances de l'année comprend deux parties
distinctes.
« I. - Dans la première partie, la loi de finances de l'année :
« 1°, 2° et 3°
Non modifiés ;
« 3°
bis
Evalue chacun des prélèvements mentionnés à l'article 5 ;
« 4°
Non modifié ;
« 5° Fixe les plafonds des dépenses du budget général et de chaque budget
annexe, les plafonds des charges de chaque catégorie de comptes spéciaux, ainsi
que le plafond d'autorisation des emplois rémunérés par l'Etat ;
« 6°
Non modifié ;
« 7° Comporte les autorisations relatives aux emprunts et à la trésorerie de
l'Etat prévues à l'article 26 et évalue les ressources et les charges de
trésorerie qui concourent à la réalisation de l'équilibre financier, présentées
dans un tableau de financement.
« 7°
bis Non modifié ;
« 8°
Supprimé
.
« II. - Dans la seconde partie, la loi de finances de l'année :
« 1°
Non modifié ;
« 2°
Supprimé ;
« 2°
bis
Fixe, par ministère et par budget annexe, le plafond des
autorisations d'emplois ;
« 3° Fixe, par budget annexe et par compte spécial, le montant des
autorisations d'engagement et des crédits de paiement ouverts ou des découverts
autorisés ;
« 3°
bis
Fixe, pour le budget général, les budgets annexes et les
comptes spéciaux, par programme, le montant du plafond des reports prévu au 2°
du II de l'article 16 ;
« 4°
Non modifié ;
« 5° Autorise l'Etat à prendre en charge les dettes de tiers, à constituer
tout autre engagement correspond à une reconnaissance unilatérale de dette, et
fixe le régime de cette prise en charge ou de cet engagement ;
« 6°
Non modifié
.
« III. - La loi de finances de l'année doit comporter les dispositions prévues
aux 1°, 4° 5°, 6° et 7° du I et aux 1°, 2°
bis
et 3° du II. »
Sur l'article, la parole est à Mme Beaudeau.
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Cet article 31 nous paraît essentiel. Il donne la liste, en effet, des
composants de la première et de la deuxième partie de la loi de finances
initiale, spécifiant notamment les recettes et les mouvements budgétaires
autorisés.
Nous avons eu l'occasion, lors de la première lecture, de faire valoir un
certain nombre d'observations, notamment notre réticence à imposer aux crédits
de personnel une double limitation en effectifs et en dépenses autorisées.
Je ne reviendrai pas sur ce que nous avons exprimé lors de la première lecture
; je dirai seulement que nous regrettons le rejet des amendements défendus par
mon groupe.
Nous devons cependant revenir sur une question qui semble devoir être examinée
avec une attention particulière : le devenir des taxes parafiscales.
Ainsi, l'article 52, adopté conforme par l'Assemblée nationale, prévoit
expressément la disparition programmée, sous deux ans, desdites taxes
parafiscales.
Se pose dès lors un problème relativement simple : le devenir des organismes
dont ces taxes constituant les ressources essentielles et qui interviennent
notamment dans le domaine de la recherche et développement en secteur
industriel.
Quelles dispositions vont être prises ?
Si les taxes retombent dans le périmètre des recettes du budget général, les
organismes concernés vont-ils se voir attribuer des dotations budgétaires
équivalant au produit de ces taxes ?
En clair, les missions aujourd'hui accomplies par les organismes bénéficiaires
des taxes parafiscales auront-elles les moyens de leur pérennisation ?
Nous souhaiterions, madame la secrétaire d'Etat, vous entendre sur ces
questions.
M. le président.
Par amendement n° 7, M. Lambert, au nom de la commission, propose :
I. - De rédiger ainsi la fin du neuvième alinéa (7°) du I de l'article 31 : «
... à l'article 26 ; autorise l'Etat à prendre en charge les dettes de tiers, à
constituer tout autre engagement correspondant à une reconnaissance unilatérale
de dette, et fixe le régime de cette prise en charge ou de cet engagement ;
évalue les ressources et les emplois de trésorerie qui concourent à la
réalisation de l'équilibre financier, présentés dans un tableau de financement
; ».
II. - En conséquence, de supprimer le huitième alinéa (5°) du II de cet
article.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Alain Lambert,
rapporteur.
Avant de présenter cet amendement, je souhaite répondre à Mme
Beaudeau.
Je vous ai écoutée avec intérêt, chère Marie-Claude Beaudeau, parce que je
souhaite vous convaincre que, même avec les idées de votre groupe, on peut ne
pas s'opposer à cette réforme.
S'agissant des taxes parafiscales, nous en avons parlé longuement en première
lecture. Il faut savoir ce que nous voulons : nous voulons que les prélèvements
soient autorisés par le Parlement.
Tout à l'heure, vous avez dit que vous souhaitiez rétablir le Parlement dans
les missions qu'il a reçues du peuple français. Or, à l'occasion de l'examen de
cet article, vous nous demandez s'il n'y aurait pas moyen de maintenir ces
taxes parafiscales dont le Parlement n'entendrait jamais parler ? Non, chère
Marie-Claude Beaudeau ! Tout sera fait pour que ces bénéficiaires de produits
de taxes parafiscales puissent continuer à exercer leur mission !
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Comment ?
M. Alain Lambert,
rapporteur.
Cela vous a été dit en première lecture et il revient au
Gouvernement de vous l'expliquer !
Vous êtes parlementaire et je suis, comme vous, parlementaire. Faisons donc en
sorte d'être dans un pays démocratique ! Le premier principe de la démocratie,
c'est que les prélèvements soient autorisés par la représentation nationale.
Je voudrais vous convaincre, ma chère collègue, que le Parlement sort renforcé
d'un texte comme celui-là.
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Je ne sais pas si nous serons là en 2006, mais nous en reparlerons !
M. Alain Lambert,
rapporteur.
Nous en reparlerons même lors du vote de la prochaine loi de
finances ! En effet, lorsque nous nous plaindrons tous de devoir voter 97 % des
crédits en un seul article, je vous rappellerai votre absence de soutien à
cette réforme.
Pour ma part, j'éprouve à chaque fois beaucoup de regrets de devoir adopter
l'article sur les « services votés », parce que j'estime que cela n'a pas de
sens. Nous avons fait le calcul ensemble en commission des finances : si nous
consacrions aux « services votés » un temps proportionnel à leur volume, deux
cents jours de débats seraient nécessaires. Il vous faut en avoir
conscience.
Les travaux que nous menons aujourd'hui vont dans le sens de la restauration
des droits du Parlement non pas pour les parlementaires, mais pour le peuple
dont, encore une fois, le Parlement est le représentant.
J'en viens à l'amendement n° 7 sur l'article 31, qui traite du contenu de la
loi de finances de l'année.
Notre intention est de rétablir un vote en première partie sur les reprises de
dettes de tiers, car, selon nous, elles sont susceptibles d'avoir un effet sur
le plafond d'évolution de la dette financière.
Nous écouterons évidemment votre réponse avec attention, madame la secrétaire
d'Etat, car, si cette préoccupation était satisfaite, nous pourrions envisager
le retrait de cet amendement.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Florence Parly,
secrétaire.
Avant de répondre sur l'amendement n° 7, je souhaite dire à
Mme Beaudeau, après le débat que nous avons eu en première partie, que je
comprends les inquiétudes dont elle se fait l'écho : nous les avons toutes
reçues, par différentes voies.
J'ai eu l'occasion de rappeler que la réforme, qui est en train d'avancer à
grands pas cet après-midi, sera mise en application de manière progressive,
notamment sur ce point particulier des taxes parafiscales. Certains organismes
qui bénéficient aujourd'hui de taxes parafiscales devront en effet
s'adapter.
Comme l'a rappelé le président Lambert, il n'est pas souhaitable que ces taxes
échappent au Parlement. Pour ce faire, trois solutions existent, madame
Beaudeau : soit ces taxes sont transformées en impôt, qui sera donc voté par le
Parlement ; soit ces organismes décideront de recourir à des cotisations
volontaires ; soit - et cela a déjà été fait au cours des derniers exercices
budgétaires - ces organismes seront financés par le budget de l'Etat
directement sous forme de subventions.
Il y a donc trois possibilités ! Nous avons du temps devant nous pour discuter
au cas par cas, en fonction des besoins rencontrés par ces organismes et des
contraintes qui sont les leurs, de la meilleure manière de passer d'un système
que nous connaissons, mais qui a pour conséquence de faire échapper au
Parlement le vote de ces taxes qui sont tout de même importantes, à un système
qui me paraît beaucoup plus transparent.
J'en viens à l'amendement n° 7. Il prévoit que figure, en première partie de
la loi de finances, l'autorisation qui est donnée à l'Etat de prendre en charge
les dettes de tiers ou de constituer tout autre engagement correspondant à une
reconnaissance unilatérale de dette et de fixer le régime de cette prise en
charge ou de cet engagement.
Je comprends tout à fait le souci de M. le rapporteur que les conséquences de
ces opérations soient prises en compte dans la première partie de la loi de
finances dès lors qu'elles ne sont pas dépourvues d'effets sur l'équilibre
constaté en fin de première partie.
Mais je comprends aussi des explications données que c'est bien l'autorisation
d'effectuer les opérations de prise en charge des dettes, et elle seule, qui
figure en seconde partie, l'impact de ces opérations étant pris en compte, bien
évidemment, comme pour toutes les charges, dans la première partie.
M. le président.
Monsieur le rapporteur, l'amendement est-il maintenu ?
M. Alain Lambert,
rapporteur.
La réponse de Mme la secrétaire d'Etat me permet de retirer
l'amendement, monsieur le président.
M. le président.
L'amendement n° 7 est retiré.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 31.
(L'article 31 est adopté.)
Articles 32 à 34
M. le président.
« Art. 32. - Sous réserve des exceptions prévues par la présente loi
organique, seules les lois de finances rectificatives peuvent, en cours
d'année, modifier les dispositions de la loi de finances de l'année prévues aux
1° et 3° à 7°
bis
du I et au 1° à 5° du II de l'article 31. Le cas
échant, elles ratifient les modifications apportées par décret d'avance aux
crédits ouverts par la dernière loi de finances.
« Les lois de finances rectificatives doivent comporter les dispositions
prévues aux 5° et 6° du I de l'article 31.
« Les lois de finances rectificatives sont présentées en partie ou en totalité
dans les mêmes formes que la loi de finances de l'année. Les dispositions de
l'article 48
nonies
leur sont applicables. » -
(Adopté.)
« Art. 33. - L'affectation, totale ou partielle, à une autre personne morale
d'une ressource établie au profit de l'Etat ne peut résulter que d'une
disposition de loi de finances. » -
(Adopté.)
« Art. 34. - I. -
Non modifié.
« I
bis
. - La loi de règlement arrête le montant définitif des
ressources et des charges de trésorerie ayant concouru à la réalisation de
l'équilibre financier de l'année correspondante, présenté dans un tableau de
financement.
« I
ter
. - La loi de règlement approuve le compte de résultat de
l'exercice, établi à partir des ressources et des charges constatées dans les
conditions prévues à l'article 26
quinquies
. Elle affecte au bilan le
résultat comptable de l'exercice et approuve le bilan après affectation ainsi
que ses annexes.
« II. - Le cas échéant, la loi de règlement :
« 1° Ratifie les modifications apportées par décret d'avance aux crédits
ouverts par la dernière loi de finances afférente à cette année ;
« 2° Ouvre, pour chaque programme ou dotation concerné, les crédits
nécessaires pour régulariser les dépassements constatés résultant de
circonstances de force majeure dûment justifiées et procède à l'annulation des
crédits n'ayant été ni consommés ni reportés ;
« 3° Majore, pour chaque compte spécial concerné, le montant du découvert
autorisé au niveau du découvert constaté ;
« 4° Arrête les soldes des comptes spéciaux non reportés sur l'exercice
suivant ;
« 5° Apure les profits et pertes survenus sur chaque compte spécial.
« III. -
Supprimé.
« IV. - La loi de règlement peut également comporter toutes dispositions
relatives à l'information et au contrôle du Parlement sur la gestion des
finances publiques, ainsi qu'à la comptabilité de l'Etat et au régime de la
responsabilité pécuniaire des agents des services publics. » -
(Adopté.)
Article 34 bis
M. le président.
L'article 34
bis
a été supprimé par l'Assemblée nationale.
Articles 41, 41 bis , 43 à 45 et 47
M. le président.
« Art. 41. - L'Assemblée nationale doit se prononcer, en première lecture,
dans le délai de quarante jours après le dépôt d'un projet de loi de
finances.
« Le Sénat doit se prononcer en première lecture dans un délai de vingt jours
après avoir été saisi.
« Si l'Assemblée nationale n'a pas émis un vote en première lecture sur
l'ensemble du projet dans le délai prévu au premier alinéa, le Gouvernement
saisit le Sénat du texte qu'il a initialement présenté, modifié, le cas
échéant, par les amendements votés par l'Assemblée nationale et acceptés par
lui. Le Sénat doit alors se prononcer dans un délai de quinze jours après avoir
été saisi.
« Si le Sénat n'a pas émis un vote en première lecture sur l'ensemble du
projet de loi de finances dans le délai imparti, le Gouvernement saisit à
nouveau l'Assemblée du texte soumis au Sénat, modifié, le cas échéant, par les
amendements votés par le Sénat et acceptés par lui.
« Le projet de loi de finances est ensuite examiné selon la procédure
d'urgence dans les conditions prévues à l'article 45 de la Constitution.
« Si le Parlement ne s'est pas prononcé dans le délai de soixante-dix jours
après le dépôt du projet, les dispositions de ce dernier peuvent être mises en
vigueur par ordonnance. » -
(Adopté.)
« Art. 41
bis
. - Le projet de loi de finances de l'année ne peut être
mis en discussion devant une assemblée avant le vote par celle-ci, en première
lecture, sur le projet de loi de règlement afférent à l'année qui précède celle
de la discussion dudit projet de loi de finances. » - (
Adopté.
)
« Art. 43. - Les évaluations de recettes font l'objet d'un vote d'ensemble
pour le budget général, les budgets annexes et les comptes spéciaux.
« Les évaluations de ressources et de charges de trésorerie font l'objet d'un
vote unique.
« La discussion des crédits du budget général donne lieu à un vote par
mission. Les votes portent à la fois sur les autorisations d'engagement et sur
les crédits de paiement.
« Les plafonds des autorisations d'emplois font l'objet d'un vote unique.
« Les crédits des budgets annexes et les crédits ou les découverts des comptes
spéciaux sont votés par budget annexe et par compte spécial. » -
(
Adopté.
)
« Art. 44. - Dès la promulgation de la loi de finances de l'année ou d'une loi
de finances rectificative, ou dès la publication de l'ordonnance prévue à
l'article 47 de la Constitution, le Gouvernement prend des décrets portant :
« 1° Répartition par programme ou par dotation des crédits ouverts sur chaque
mission, budget annexe ou compte spécial ;
« 2° Fixation, par programme, du montant des crédits ouverts sur le titre des
dépenses de personnel.
« Ces décrets répartissent et fixent les crédits conformément aux annexes
explicatives prévues aux 5° et 6° de l'article 48
quinquies
et au 2° de
l'article 48
septies
, modifiées, le cas échéant, par les votes du
Parlement.
« Les crédits fixés par les décrets de répartition ne peuvent être modifiés
que dans les conditions prévues par la présente loi organique. » -
(Adopté.)
« Art. 45. - Dans le cas prévu au quatrième alinéa de l'article 47 de la
Constitution, le Gouvernement dispose des deux procédures prévues ci-dessous
:
« 1° Il peut demander à l'Assemblée nationale, avant le 11 décembre de l'année
qui précède le début de l'exercice, d'émettre un vote séparé sur l'ensemble de
la première partie de la loi de finances de l'année. Ce projet de loi partiel
est soumis au Sénat selon la procédure d'urgence ;
« 2° Si la procédure prévue au 1° n'a pas été suivie ou n'a pas abouti, le
Gouvernement dépose, avant le 19 décembre de l'année qui précède le début de
l'exercice, devant l'Assemblée nationale, un projet de loi spéciale
l'autorisant à continuer à percevoir les impôts existants jusqu'au vote de la
loi de finances de l'année. Ce projet est discuté selon la procédure
d'urgence.
« Si la loi de finances de l'année ne peut être promulguée ni mise en
application, en vertu du premier alinéa de l'article 62 de la Constitution, le
Gouvernement dépose immédiatement devant l'Assemblée nationale un projet de loi
spéciale l'autorisant à continuer à percevoir les impôts existants jusqu'au
vote de la loi de finances de l'année. Ce projet est discuté selon la procédure
d'urgence.
« Après avoir reçu l'autorisation de continuer à percevoir les impôts soit par
la promulgation de la première partie de la loi de finances de l'année, soit
par la promulgation d'une loi spéciale, le Gouvernement prend des décrets
ouvrant les crédits applicables aux seuls services votés.
« La publication de ces décrets n'interrompt pas la procédure de discussion du
projet de loi de finances de l'année, qui se poursuit dans les conditions
prévues par les articles 45 et 47 de la Constitution et par les articles 41,
42, 43 et 48 de la présente loi organique.
« Les services votés, au sens du quatrième alinéa de l'article 47 de la
Constitution, représentent le minimum de crédits que le Gouvernement juge
indispensable pour poursuivre l'exécution des services publics dans les
conditions qui ont été approuvées l'année précédente par le Parlement. Ils ne
peuvent excéder le montant des crédits ouverts par la dernière loi de finances
de l'année. » -
(Adopté.)
« Art. 47. - Le projet de loi de règlement, y compris les documents prévus à
l'article 48
octies
et aux 4° et 4°
bis
de l'article 48
duodecies,
est déposé et distribué avant le 1er juin de l'année suivant
celle de l'exécution du budget auquel il se rapporte. » -
(Adopté.)
Article 48 A
M. le président.
L'article 48 A a été supprimé par l'Assemblée nationale.
Articles 48 à 48 quater
M. le président.
« Art. 48. - Au sens des articles 34 et 40 de la Constitution, la charge
s'entend, s'agissant des amendements s'appliquant aux crédits, de la
mission.
« Tout amendement doit être motivé et accompagné des développements des moyens
qui le justifient.
« Les amendements non conformes aux dispositions de la présente loi organique
sont irrecevables. » -
(Adopté.)
« Art. 48
bis
. - En vue de l'examen et du vote du projet deloi de
finances de l'année suivante par le Parlement, le Gouvernement présente, au
cours du dernier trimestre de la session ordinaire, un rapport sur l'évolution
de l'économie nationale et sur les orientations des finances publiques
comportant :
« 1°
Non modifié ;
« 2° Une description des grandes orientations de sa politique économique et
budgétaire au regard des engagements européens de la France ;
« 3° Une évaluation à moyen terme des ressources de l'Etat ainsi que de ses
charges ventilées par grandes fonctions ;
« 4°
Non modifié ;
« Ce rapport peut donner lieu à un débat à l'Assemblée nationale et au Sénat.
» -
(Adopté.)
« Art. 48
ter
. - En vue de l'examen et du vote du projet de loi de
finances de l'année, et sans préjudice de toute autre disposition relative à
l'information et au contrôle du Parlement sur la gestion des finances
publiques, les commissions de l'Assemblée nationale et du Sénat chargées des
finances et les autres commissions concernées adressent des questionnaires au
Gouvernement avant le 10 juillet de chaque année. Celui-ci y répond par écrit
au plus tard huit jours francs après la date mentionnée au premier alinéa de
l'article 39. » -
(Adopté.)
« Art. 48
quater
. - Est joint au projet de loi de finances de l'année
un rapport sur la situation et les perspectives économiques, sociales et
financières de la Nation. Il comprend notamment la présentation des hypothèses,
des méthodes et des résultats des projections sur la base desquelles est établi
le projet de loi de finances de l'année. Il présente et explicite les
perspectives d'évolution, pour au moins les quatre années suivant celle du
dépôt du projet de loi de finances, des recettes, des dépenses et du solde de
l'ensemble des administrations publiques détaillées par sous-secteurs et
exprimées selon les conventions de la comptabilité nationale, au regard des
engagements européens de la France, ainsi que, le cas échéant, des
recommandations adressées à elle sur le fondement du traité instituant la
Communauté européenne.
« Sont joints à cette annexe les rapports sur les comptes de la Nation qui
comportent une présentation des comptes des années précédentes. » -
(Adopté.)
« Art. 48
quinquies
. - Sont joints au projet de loi de finances de
l'année :
« 1° Une annexe explicative comportant la liste et l'évaluation, par
bénéficiaire ou catégorie de bénéficiaires, des impositions de toute nature
affectées à des personnes morales autres que l'Etat.
« 2°, 3° et 4°
Non modifiés ;
« 5° Des annexes explicatives développant conformément aux dispositions de
l'article 4 pour l'année en cours et l'année considérée, par programme ou par
dotation, le montant des crédits présentés par titre et présentant, dans les
mêmes conditions, une estimation des crédits susceptibles d'être ouverts par
voie de fonds de concours. Ces annexes sont accompagnées du projet annuel de
performances de chaque programme précisant :
«
a)
La présentation des actions, des coûts associés, des objectifs
poursuivis, des résultats obtenus et attendus pour les années à venir, mesurés
au moyen d'indicateurs précis dont le choix est justifié ;
«
b)
L'évaluation des dépenses fiscales ;
«
c)
La justification de l'évolution des crédits par rapport aux
dépenses effectives de l'année antérieure, aux crédits ouverts par la loi de
finances de l'année en cours et à ces même crédits éventuellement majorés des
crédits reportés de l'année précédente, en indiquant leurs perspectives
d'évolution ultérieure ;
«
d)
L'échéancier de crédits de paiement associés aux autorisations
d'engagement ;
«
e)
Par catégorie, présentée par corps ou par métier, ou par type de
contrat, la répartition prévisionnelle des emplois rémunérés par l'Etat et la
justification des variations par rapport à la situation existante ;
« 6° Des annexes explicatives développant, pour chaque budget annexe et chaque
compte spécial, le montant du découvert ou des recettes et des crédits proposés
par programme ou par dotation. Ces annexes sont accompagnées du projet annuel
de performances de chacun d'entre eux, dans les conditions prévues au 5° en
justifiant les prévisions de recettes et, le cas échéant, son découvert ;
« 7°
Non modifié. »
Par amendement n° 8, M. Lambert, au nom de la commission, propose de rédiger
ainsi le sixième alinéa (5°) de cet article :
« 5° Des annexes explicatives, développant les crédits selon le détail des
catégories de dépenses mentionnées au II de l'article 4, pour l'année en cours
et l'année considérée, par programme ou par dotation. Elles présentent, dans
les mêmes conditions, une estimation des crédits susceptibles d'être ouverts
par voie de fonds de concours. Ces annexes sont accompagnées du projet annuel
de performances de chaque programme précisant : ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Alain Lambert,
rapporteur.
L'article 48
quinquies
traite des documents qui sont
joints au projet de loi de finances de l'année.
En première lecture, le Sénat a montré qu'il était attaché à une information
détaillée sur la nature des dépenses, sans préjudice de la fongibilité des
crédits. Cet amendement a pour objet de prévoir que, même si les gestionnaires
peuvent naturellement modifier les moyens utilisés, les prévisions soient
néanmoins convenablement détaillées, afin que l'on puisse assurer la meilleure
traçabilité possible.
Je souhaiterais entendre le Gouvernement sur ce sujet. Ensuite,
j'interviendrai plus globalement sur l'article 48
quinquies,
monsieur le
président.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Florence Parly,
secrétaire d'Etat.
J'entends bien le souci du Sénat d'obtenir, dans le
cadre des annexes explicatives qui seront jointes au projet de loi de finances,
une présentation fine des crédits budgétaires.
Aux termes de la rédaction qui a été retenue par l'Assemblée nationale, les
crédits devront être développés « conformément aux dispositions de l'article 4
». Par conséquent, je vous rassure, monsieur le rapporteur : le Gouvernement
appliquera fidèlement cette disposition.
M. Alain Lambert,
rapporteur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Alain Lambert,
rapporteur.
Compte tenu des assurances qui viennent d'être données, je
retire l'amendement.
M. le président.
L'amendement n° 8 est retiré.
M. Alain Lambert,
rapporteur.
Je demande la parole.
L'article 48
quinquies
prévoit les informations devant être présentées
en annexe au projet de loi de finances initiale, en particulier celles qui sont
relatives aux emplois rémunérés par l'Etat.
Lors de la première lecture, nous avions souhaité que ces informations soient
présentées par catégorie et par type de contrat, mais également « par métier »
- nous avions préféré cette expression - plutôt que « par corps », comme le
prévoit l'Assemblée nationale. En effet, la notion de corps présente, selon
nous, quelques limites. D'abord, elle relève du statut de la fonction publique
; elle ne s'applique pas à l'ensemble des emplois qui sont rémunérés par
l'Etat. Ensuite, si la notion de corps a un contenu juridique précis, elle n'a
pas un contenu informatif réellement utile pour le Parlement.
Telles sont les raisons qui avaient conduit le Sénat à préférer une
information par métier. L'Assemblée nationale a choisi de laisser les deux
options ouvertes, en quelque sorte, en prévoyant que la répartition
prévisionnelle des emplois rémunérés par l'Etat sera donnée « par catégorie,
présentée par corps ou par métier, ou par type de contrat ».
Nous souhaitons que l'information délivrée par le Gouvernement puisse être
cohérente et exhaustive pour l'ensemble des programmes. Le renseignement des
métiers permettrait de présenter l'ensemble des emplois rémunérés par l'Etat,
étant entendu que l'appartenance à un corps pourrait être mentionnée à titre
accessoire pour les seuls fonctionnaires.
La commission aimerait donc, madame la secrétaire d'Etat, que vous nous
confirmiez que la rédaction sur laquelle nous allons voter, permettra de
présenter une répartition claire des emplois publics par métier.
Mme Florence Parly,
secrétaire d'Etat
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Florence Parly,
secrétaire d'Etat.
J'entends bien l'observation de M. le président
Lambert.
S'agissant de cette présentation, il faut en effet s'efforcer d'être le plus
clair possible, ce qui ne veut pas nécessairement dire entrer dans un niveau de
détails qui perturberait la lecture de l'ensemble.
Le Gouvernement s'attachera donc à assurer une présentation aussi «
intelligente » que possible, comme a bien voulu le dire tout à l'heure M. le
président Lambert.
(Sourires.)
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'article 48
quinquies.
(L'article 48
quinquies
est adopté.)
Articles 48 sexies et 48 septies
M. le président.
« Art. 48
sexies
. - En vue de l'examen et du vote du projet de loi de
finances et du projet de loi de financement de la sécurité sociale de l'année
suivante par le Parlement, le Gouvernement présente à l'ouverture de la session
ordinaire un rapport retraçant l'ensemble des prélèvements obligatoires ainsi
que leur évolution.
« Ce rapport comporte l'évaluation financière, pour l'année en cours et les
deux années suivantes, de chacune des dispositions, de nature législative ou
réglementaire, envisagées par le Gouvernement.
« Ce rapport peut faire l'objer d'un débat à l'Assemblée nationale et au
Sénat. » -
(Adopté.)
« Art. 48
septies.
- Sont joints à tout projet de loi de finances
rectificative :
« 1° et 2°
Non modifiés ;
« 3°. Des tableaux récapitulant les mouvements intervenus par voie
réglementaire et relatifs aux crédits de l'année en cours. » -
(Adopté.)
Article 48 octies
M. le président.
« Art. 48
octies.
- Sont joints au projet de loi de règlement :
« 1° A Le développement des recettes du budget général ;
« 1° Des annexes explicatives, développant, par programme ou par dotation, le
montant définitif des crédits ouverts et des dépenses constatées, en indiquant
les écarts avec la présentation par titre des crédits ouverts, et les
modifications de crédits demandées. Elles présentent également l'écart entre
les estimations et les réalisations au titre des fonds de concours ;
« 2° Une annexe explicative présentant les recettes et les dépenses effectives
du budget de l'Etat selon les conventions prévues au 3° de l'article 48
quinquies
et comportant pour chaque programme les justifications des
circonstances ayant conduit à engager les dépenses correspondant aux crédits
destinés à financer les dépenses visées au 5° du I de l'article 4 ;
« 3° Les rapports annuels de performances, faisant connaître, par programme,
en mettant en évidence les écarts avec les prévisions des lois de finances de
l'année considérée, ainsi qu'avec les réalisations constatées dans la dernière
loi de règlement :
«
a)
Les objectifs, les résultats attendus et obtenus, les indicateurs
et les coûts associés ;
«
b)
La justification, pour chaque titre, des mouvements de crédits et
des dépenses constatées, en précisant, le cas échéant, l'origine des
dépassements de crédits exceptionnellement constatés pour cause de force
majeure ;
«
c)
La gestion des autorisations d'emplois, en précisant, d'une part,
la répartition des emplois effectifs selon les modalités prévues au
e
du
5° de l'article 48
quinquies,
ainsi que les coûts correspondants et,
d'autre part, les mesures justifiant la variation du nombre des emplois
présentés selon les mêmes modalités ainsi que les coûts associés à ces mesures
;
« 4° Des annexes explicatives développant, par programme ou par dotation, pour
chaque budget annexe et chaque compte spécial, le montant définitif des
recettes et des dépenses constatées, des crédits ouverts ou du découvert
autorisé, ainsi que les modifications de crédits ou de découvert demandées. Ces
annexes sont accompagnées du rapport annuel de performances de chacun d'entre
eux, dans les conditions prévues au 3° ;
« 5° Des annexes explicatives présentant les résultats de la comptabilité
selon les dispositions prévues au deuxième alinéa de l'artice 26
bis
;
« 6° Le compte général de l'Etat, qui comprend la balance générale des
comptes, le compte de résultat, le bilan et ses annexes, et une évaluation des
engagements hors bilan de l'Etat. Il est accompagné d'un rapport de
présentation, qui indique notamment les changements des méthodes et des règles
comptables appliqués au cours de l'exercice. »
Par amendement n° 9, M. Lambert, au nom de la commission, propose de rédiger
comme suit le troisième alinéa (1°) de cet article :
« 1° Des annexes explicatives développant, par programme ou par dotation, le
détail des crédits selon les catégories de dépense mentionnées au II de
l'article 4. Elles présentent le montant définitif des crédits ouverts et des
dépenses constatées, en indiquant les écarts avec la présentation des crédits
ouverts et les modifications de crédits demandées. Elles présentent également
l'écart entre les estimations et les réalisations au titre des fonds de
concours ; ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Alain Lambert,
rapporteur.
Il s'agit toujours des documents joints au projet de loi de
règlement, et cet amendement traduit la même préoccupation que l'amendement
précédent.
Sans vouloir solliciter Mme la secrétaire d'Etat de manière excessive,
j'aimerais qu'elle nous apporte les précisions nécessaires afin que figurent,
dans les travaux préparatoires, toutes les explications requises. Cela me
permettrait de retirer cet amendement.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Florence Parly,
secrétaire d'Etat.
C'est en effet un amendement de coordination avec
celui qui a été présenté à l'article 48
quinquies.
Par coordination avec ma précédente réponse, je tiens de nouveau à rappeler
l'engagement du Gouvernement qu'il garantira, si j'ose dire, une « traçabilité
» des crédits et des dépenses, qu'il s'agisse de la loi de finances de l'année
ou de la loi de règlement.
Les crédits et les dépenses seront donc présentés, comme je le disais tout à
l'heure, conformément aux dispositions de l'article 4. Cela permettra, je le
crois, d'effectuer d'utiles comparaisons entre les prévisions et l'exécution
des lois de finances.
M. le président.
L'amendement est-il maintenu, monsieur le rapporteur ?
M. Alain Lambert,
rapporteur.
Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président.
L'amendement n° 9 est retiré.
Par amendement n° 10, M. Lambert, au nom de la commission, propose de rédiger
comme suit le cinquième alinéa (3°) de l'article 48
octies
:
« 3° Les rapports annuels de performances faisant connaître, par programme,
pour chacune des informations figurant au 5° de l'article 48
quinquies
,
les réalisations constatées et mettant en évidence les écarts avec les
prévisions, ainsi qu'avec les réalisations constatées dans la dernière loi de
règlement. En particulier, ces rapports justifient, pour chaque titre, les
mouvements de crédits et les dépenses constatées, et présentent les mesures
justifiant la variation du nombre des emplois rémunérés par l'Etat, ainsi que
les coûts correspondants ; ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Alain Lambert,
rapporteur.
Cet amendement a pour objet de prévoir que les rapports
annuels de performances des services sont présentés dans les mêmes termes que
les projets annuels de performances, de manière, tout simplement, à permettre
une comparaison claire des résultats et des objectifs.
Si j'obtiens les engagements que je souhaite du Gouvernement, je retirerai
l'amendement.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Florence Parly,
secrétaire d'Etat.
Il y a parfois des évidences qu'il vaut mieux
répéter.
Il va de soi que, pour les informations qui relèvent du tronc commun existant
entre les projets annuels de performances et les rapports annuels de
performances, la présentation devra respecter une nécessaire homothétie qui
permettra aux parlementaires, comme d'ailleurs à l'opinion, de mesurer les
résultats par rapport aux prévisions.
M. le président.
L'amendement est-il maintenu, monsieur le rapporteur ?
M. Alain Lambert,
rapporteur.
Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président.
L'amendement n° 10 est retiré.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 48
octies.
(L'article 48
octies
est adopté.)
Articles 48 decies à 48 duodecies 49, 51 et 53
M. le président.
« Art. 48
decies.
- Les décrets et arrêtés prévus par la présente loi
organique sont publiés au
Journal officiel
. Il en est de même des
rapports qui en présentent les motivations, sauf en ce qui concerne les sujets
à caractère secret touchant à la défense nationale, à la sécurité intérieure ou
extérieure de l'Etat ou aux affaires étrangères. » - (
Adopté.
)
« Art. 48
undecies.
- Les commissions de l'Assemblée nationale et du
Sénat chargées des finances suivent et contrôlent l'exécution des lois de
finances et procèdent à l'évaluation de toute question relative aux finances
publiques. Cette mission est confiée à leur président, à leur rapporteur
général ainsi que, dans leurs domaines d'attributions, à leurs rapporteurs
spéciaux. A cet effet, ils procèdent à toutes investigations sur pièces et sur
place, et à toutes auditions qu'ils jugent utiles.
« Tous les renseignements et documents d'ordre financier et administratif
qu'ils demandent, y compris tout rapport établi par les organismes et services
chargés du contrôle de l'administration, réserve faite des sujets à caractère
secret concernant la défense nationale et la sécurité intérieure ou extérieure
de l'Etat et du respect du secret de l'instruction et du secret médical,
doivent leur être fournis.
« Les personnes dont l'audition est jugée nécessaire par le président et le
rapporteur général de la commission chargée des finances de chaque assemblée
ont l'obligation de s'y soumettre. Elles sont déliées du secret professionnel
sous les réserves prévues à l'alinéa précédent. » - (
Adopté.
)
« Art. 48
duodecies.
- Avant d'arrêter son programme de contrôles, la
Cour des comptes en transmet le projet aux présidents et rapporteurs généraux
des commissions de l'Assemblée nationale et du Sénat chargées des finances.
Ceux-ci disposent de quinze jours pour formuler leurs avis ainsi que les
demandes d'enquête mentionnées au 2°.
« La mission d'assistance du Parlement confiée à la Cour des comptes par le
dernier alinéa de l'article 47 de la Constitution comporte, notamment :
« 1° L'obligation de répondre aux demandes d'assistance formulées par le
président et le rapporteur général de la commission chargée des finances de
chaque assemblée dans le cadre des missions de contrôle et d'évaluation prévues
à l'article 48
undecies
.
« 2° et 3°
Non modifiés ;
« 4° Le dépôt d'un rapport conjoint au dépôt du projet de loi de règlement,
relatif aux résultats de l'exécution de l'exercice antérieur et aux comptes
associés, qui, en particulier, analyse par mission et par programme l'exécution
des crédits ;
« 4°
bis
La certification de la régularité, de la sincérité et de la
fidélité des comptes de l'Etat. Cette certification est annexée au projet de
loi de règlement et accompagnée du compte rendu des vérifications opérées ;
« 5°
Non modifié ;
« Les rapports visés aux 3°, 4° et 5° sont, le cas échéant, accompagnés des
réponses des ministres concernés. » - (
Adopté.
)
« Art. 49. - Dans un délai de trois ans à compter de la publication de la
présente loi organique, toute garantie de l'Etat qui n'a pas été expressément
autorisée par une disposition de loi de finances doit faire l'objet d'une telle
autorisation.
« Une annexe récapitulant les garanties de l'Etat qui, au 31 décembre 2004,
n'ont pas été expressément autorisées par une loi de finances est jointe au
projet de loi de règlement du budget de l'année 2004. » - (
Adopté.
)
« Art. 51. - I. - Les dispositions du II de l'article 16 sont applicables aux
crédits de dépenses ordinaires et aux crédits de paiement de l'exercice 2005,
pour ceux d'entre eux qui sont susceptibles de faire l'objet de reports.
« II. - Les dispositions du III de l'article 16 sont applicables aux crédits
ouverts dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 19 de
l'ordonnance n° 59-2 du 2 janvier 1959 portant loi organique relative aux lois
de finances et disponibles à la fin de l'exercice 2005. » - (
Adopté
.)
« Art. 53. - L'échéance de l'article 47 et les dispositions du 6° de l'article
48
octies
sont applicables pour la première fois au projet de loi de
règlement relatif à l'exécution du budget afférent à la quatrième année suivant
celle de la publication de la présente loi organique.
« Les projets de loi de règlement afférents aux années antérieures sont
déposés et distribués au plus tard le 30 juin de l'année suivant celle de
l'exécution du budget auquel ils se rapportent. » - (
Adopté.
)
Article 54
M. le président.
« Art. 54. - Les dispositions des articles 15, 25, 26, à l'exception du 3°,
27, 28, 33, du deuxième alinéa de l'article 39, des articles 41
bis
, 42,
48
ter
, 48
quater
, 48
sexies
, 48
septies,
48
nonies
, 48
undecies,
48
duodecies
, à l'exception du 4°, 48
terdecies,
48
quaterdecies
et 57 sont applicables à compter du
1er janvier 2002.
« Les dispositions de l'article 48
bis,
à l'exception du 4°, sont
applicables à compter du 1er janvier 2003.
« Les dispositions du 3° de l'article 26 sont applicables à compter du 1er
janvier 2004. »
Par amendement n° 11, M. Lambert, au nom de la commission, propose, dans le
premier alinéa de cet article, après les mots : « à l'exception du 4° »,
d'insérer les mots : « et du 4°
bis
».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Alain Lambert,
rapporteur.
Cet amendement, qui a trait à l'entrée en vigueur de la loi,
vise à reporter la certification des comptes de l'Etat par la Cour des comptes
à 2005, alors que le projet, à la suite d'une erreur matérielle manifeste,
prévoit 2002. Chacun le sait ici, ce n'est naturellement pas réaliste.
Il faut donc que nous nous entendions tous sur le fait que c'est reporté à
2005.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Florence Parly,
secrétaire d'Etat.
Il est en effet difficile d'envisager que la Cour des
comptes puisse procéder à la certification des comptes dès l'année 2002. En
tout cas, je ne crois pas que telle ait été l'intention des deux assemblées,
car il faudra un certain temps avant que cette certification puisse être
assurée dans de bonnes conditions.
Il appartient donc aux commissions des finances des deux assemblées de
déterminer le moyen le plus approprié pour rectifier la rédaction retenue.
M. Alain Lambert,
rapporteur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Alain Lambert,
rapporteur.
Nous choisirons, avec M. Didier Migaud, qui se trouve dans la
tribune officielle, le moyen approprié pour rectifier utilement cette erreur
matérielle qui - chose inévitable ! - s'est glissée dans le texte.
Je retire donc l'amendement.
M. le président.
L'amendement n° 11 est retiré.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 54.
(L'article 54 est adopté.)
Article 57
M. le président.
« Art. 57. - Des décrets en Conseil d'Etat pourvoient, en tant que de besoin,
à l'exécution de la présente loi organique. » -
(Adopté.)
Les autres dispositions de la proposition de loi organique ne font pas l'objet
de la deuxième lecture.
Vote sur l'ensemble
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'ensemble de la proposition de loi organique.
M. Alain Lambert,
rapporteur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Alain Lambert,
rapporteur.
Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, messieurs
les ministres, mes chers collègues, j'ai exprimé, dans la discussion générale,
ma très vive reconnaissance à tous ceux, des plus hautes autorités aux plus
humbles d'entre nous, sans oublier la présidence, qui ont apporté leur
contribution à la réussite de cette réforme législative. Je ne les citerai donc
pas tous à nouveau.
Qu'ils trouvent tous, en cet instant, l'expression renouvelée et émue, je le
reconnais, de ma gratitude.
Ce soir, je suis fier, et ce non pas avec un air de fatuité de rapporteur
heureux d'aboutir, mais parce que je crois, en cet instant, avec vous,
participer à une expression solennelle de la volonté générale du peuple
français.
Je suis fier d'être parlementaire de la République française.
Je suis fier du Sénat, qui n'est jamais si grand et si irremplaçable que
lorsqu'il donne à la loi la force et la portée pour servir plusieurs
générations.
Je suis fier de rendre au peuple, qui doute parfois légitimement de la
politique et des politiques, ses droits, pour qu'il accepte, demain, dans la
clarté, d'assumer mieux toutes ses obligations.
Ce soir, il est un endroit dans le monde où des femmes et des hommes d'idées
bien différentes, voire souvent opposées, ont le génie de s'accorder pour
redonner sens à leur démocratie et redonner vie et force à leur Etat. Cet
endroit, grâce à vous, c'est la France.
(Applaudissements sur les travées de
l'Union centriste, du Rassemblement pour la République, des Républicains et
Indépendants, du Rassemblement démocratique et social européen, ainsi que sur
les travées socialistes.)
M. le président.
La parole est à M. Fréville, pour explication de vote.
M. Yves Fréville.
Le groupe de l'Union centriste, unanime, se réjouit que la discussion de notre
nouvelle constitution financière ait si rapidement - j'allais dire presque « si
miraculeusement » - convergé entre les deux chambres vers un accord
définitif.
Nous le devons, naturellement, à la qualité des travaux préparatoires,
notamment en commission, menés sous la houlette de notre collègue et ami Alain
Lambert, continués en concertation et avec efficacité avec le rapporteur
général de l'Assemblée nationale, et qui portent enfin leurs fruits.
Nous le devons à la prise de conscience par tous de la nécessité de réformer
l'Etat si l'on voulait rendre plus efficace, au service de nos concitoyens, la
dépense publique.
Nous le devons à l'impérieuse nécessité, reconnue par tous, de rendre plus
contrôlable la décision de lever l'impôt.
Nous le devons, enfin, à la nécessité de trouver les voies et moyens de
coordonner notre politique budgétaire - celle de nos partenaires aussi - avec
une politique monétaire désormais unifiée à l'échelon de la zone euro tout
entière.
Mais, après ce succès, dont nous pouvons effectivement être fiers, monsieur le
président-rapporteur, la tâche est loin d'être terminée. Le plus difficile,
allais-je dire, reste à faire.
S'agissant de l'autorisation de dépense, nous allons rompre avec une tradition
biséculaire de voter les crédits en fonction des moyens pour une culture, comme
le disait Mme le secrétaire d'Etat, de programmes, de résultats et
d'objectifs.
Le pari est risqué, très risqué même, car l'échec de la rationalisation des
choix budgétaires, dans les années soixante-dix, a montré que, en ce domaine,
rien n'était facile, rien n'était acquis.
Cette fois-ci, le changement de système se fera sans filet, puisque nous
abandonnerons la spécialité des crédits par chapitre.
Le pari mérite cependant d'être pris. Mais la réussite dépendra de deux
éléments.
Elle dépendra, d'abord, de la capacité de l'administration à mettre en oeuvre
cette réforme, c'est-à-dire à répondre à la volonté clairement définie du
Parlement quasi unanime. Des expérimentations seront certainement nécessaires
au cours des cinq ans à venir ; il faudra sans crainte en tirer les
conséquences.
La réussite dépendra, ensuite, de la capacité du Parlement à organiser son
travail de contrôle des résultats et de l'efficacité de la dépense. En ce
domaine également, rien n'est gagné. Nous aurons à rénover notre règlement, à
adopter de nouvelles méthodes d'audit et à trouver le temps du contrôle.
Je souhaite qu'en ce domaine le même esprit de renouveau de l'institution
parlementaire nous réunisse tous, majorité et opposition.
S'agissant, ensuite, de l'autorisation de lever l'impôt nous aurons, grâce à
la solution préconisée par notre rapporteur général, une discussion générale
sur le niveau et la répartition du prélèvement fiscal, de manière à mieux
assurer la cohérence entre la politique budgétaire et la politique sociale.
Mais la coordination des lois organiques, celle, qui existe, de financement de
la sécurité sociale, et celle que nous allons voter concernant les lois de
finances, devra être menée à bien, car, la discussion l'a montré, les
difficultés qu'avait d'ailleurs soulignées le Conseil d'Etat sont apparues et
n'ont pas permis de faire prévaloir complètement l'unité des finances publiques
éclatées qu'aurait voulu le président de notre groupe, Jean Arthuis.
La route à parcourir avant l'application de la présente loi organique sera
donc pleine d'embûches, mais nous sommes décidés à l'emprunter avec
enthousiasme. C'est pourquoi nous voterons cette réforme.
(Applaudissements
sur les travées du Rassemblement pour la République, des Républicains et
Indépendants.)
M. le président.
La parole est à M. Vinçon.
M. Serge Vinçon.
« Puissiez-vous vivre en des temps intéressants », dit un poète chinois. Eh
bien ! depuis le début de l'examen de cette proposition de loi organique, nous
avons effectivement eu le sentiment de vivre un moment particulier.
Cette réforme, dit-on, est historique : nous donnons une nouvelle constitution
financière à la France. Mais il est juste de rendre hommage à la précédente,
qui a vécu quarante-deux ans.
Chacun s'accorde à dire qu'il s'agit de la première étape de la réforme de
l'Etat, si souvent annoncée et trop souvent reportée.
Je veux, à mon tour, et au nom de mon groupe, féliciter le président de notre
commission des finances, qui, par la pertinence de ses propositions, a su
accompagner nos travaux et a permis au Sénat d'apporter sa pierre à cet
édifice.
Notre groupe, par la voix de celui qui est aussi notre rapporteur général,
Philippe Marini, a rappelé quels étaient les enjeux : la clarification des
responsabilités du Gouvernement et du Parlement, l'information claire de nos
concitoyens, la modernisation de l'Etat et la mobilisation de ses ressources
humaines. Il a rappelé aussi qu'il fallait faire avancer la réforme de l'Etat
en transformant les comportements.
Nous nous félicitons que, s'agissant des pouvoirs du Parlement, les deux
assemblées soient parvenues à l'accord de fond que nous appelions de nos voeux.
Il en allait sans doute de la crédibilité de l'institution parlementaire, du
bon fonctionnement des pouvoirs publics, et donc de notre démocratie.
Les propositions adoptées par le Sénat à l'occasion de la première lecture ont
été reprises dans leur presque totalité par l'Assemblée nationale. Il nous
reste à attendre la position qui sera arrêtée par le Conseil constitutionnel
sur le texte qui résulte de nos travaux.
Le groupe du Rassemblement pour la République, qui a eu le sentiment de vivre
en des temps intéressants, apportera son soutien à la proposition de loi
organique ainsi rédigée.
(Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants et de
l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du Rassemblement
démocratique et social européen.)
M. le président.
La parole est à M. Pelletier.
M. Jacques Pelletier.
Monsieur le président, messieurs les ministres, madame la secrétaire d'Etat,
mes chers collègues, je souhaite bien évidemment associer le Rassemblement
démocratique et social européen au concert de satisfaction qui émane de presque
toute la représentation parlementaire.
Cette satisfaction est fort légitime. Il s'agit en effet, aujourd'hui 28 juin
2001, d'une révolution parlementaire : nous mettons fin à une situation que le
Parlement déplore depuis fort longtemps.
Avec ce texte, nous revalorisons de façon très sensible le rôle du Parlement.
J'espère, moi aussi, que ce ne sera qu'un prélude à une très vaste réforme de
l'Etat à laquelle, sous peine d'asphyxie, nous ne pourrons échapper dans les
prochaines années.
A mon tour, je voudrais féliciter les artisans de ce résultat heureux et
consensuel, je dirais même heureux parce que consensuel.
Tout d'abord, je remercierai les présidents des commissions des finances et
les rapporteurs généraux des commissions des finances de l'Assemblée nationale
et du Sénat, j'adresse une mention toute particulière à notre président et
rapporteur, M. Alain Lambert, qui s'est attelé à cette tâche avec une ardeur,
une ténacité et une diplomatie que je me plais à souligner.
Je voudrais remercier également beaucoup Mme la secrétaire d'Etat et MM. les
ministres d'avoir été en quelque sorte les médiateurs entre nos deux
assemblées.
Monsieur le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, les hautes
fonctions que vous avez occupées à l'Assemblée nationale vous ont fait voir les
inconvénients des discussions budgétaires. Je vous remercie donc très vivement
d'avoir accompagné cette réforme tout au long de son élaboration.
Bien évidemment, mes chers collègues, le groupe du RDSE votera à l'unanimité -
une fois n'est pas coutume
(sourires)
- la proposition de loi organique
qui nous est soumise.
(Applaudissements sur les travées de l'Union
centriste, du groupe du Rassemblement pour la République et des Républicains et
Indépendants. - M. Angels applaudit également.)
M. Laurent Fabius,
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Je demande la
parole.
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Laurent Fabius,
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Monsieur le
président, mesdames, messieurs les sénateurs, la vocation du Parlement est de
voter des lois pour contribuer à améliorer la société. Son devoir consiste
aussi, parfois, à voter des lois pour transformer la loi elle-même. En révisant
sous le contrôle du Conseil constitutionnel l'importante ordonnance organique
du 2 janvier 1959 relative aux lois de finances, vous remplissez ces deux
missions. En adoptant une nouvelle « constitution budgétaire et financière » de
la République, Parlement et Gouvernement apportent une double démonstration.
Nous montrons d'abord que réformer est possible.
Cette réforme, trente-sept fois espérée à travers divers projets de textes et
trente-sept fois ajournée, n'a jamais vraiment mobilisé nos concitoyens. Quand
ils doivent payer leurs impôts, quand ils demandent « mieux de service public
», quand ils s'inquiètent pour leur retraite, les Français s'interrogent sur
les finances de l'Etat plutôt que sur l'état de notre constitution financière.
Symétriquement, les gouvernements successifs ont longtemps éprouvé un confort
assez commode à abriter dans ce carcan protecteur des questions qu'ils
jugeaient peut-être trop complexes pour être clairement débattues.
M. Roland du Luart.
C'est bien vrai !
M. Laurent Fabius,
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
En élargissant le
droit d'initiative, d'amendement et de contrôle parlementaire sur les décisions
financières, la proposition de loi soumise à votre vote va rééquilibrer les
pouvoirs du Parlement et consolider la démocratie. En passant d'une logique de
moyens à une logique d'objectifs et de résultats, c'est-à-dire de la routine
dépensière au pilotage budgétaire, ce texte de loi constitue la pierre
angulaire d'un projet plus vaste et indispensable : la réforme de l'Etat.
Réduire la nomenclature budgétaire à 150 « missions » et « programmes » au
lieu des 850 chapitres qui,jusqu'alors, disséminaient et figeaient la dépense
est une transformation utile. Diviser par six la nomenclature de la dépense
multipliera d'autant sa lisibilité pour le citoyen et la maîtrise de son
évolution pour le décideur public. L'approche quantitative et centralisée,
cette traditionnelle et détestable façon de dépenser sans véritable gestion ni
concertation, prendra alors fin, du moins peut-on l'espérer.
L'évaluation qualitative mobilisera l'ensemble des agents des administrations,
associés à la définition des priorités et au contrôle des indicateurs retenus.
C'est le sens même de la notion « Etat partenaire », plus souple, plus réactif,
plus efficace, que, personnellement, j'appelle depuis longtemps de mes
voeux.
Nous montrons aussi, mesdames, messieurs les sénateurs, que rassembler est
possible.
Quand l'intérêt général doit prévaloir, fût-ce à quelques encablures
d'échéances électorales importantes, notre discussion montre que beaucoup de
clivages peuvent s'effacer. Pourquoi cette trente-huitième tentative fut-elle
la bonne ? Pour une grande part parce que la « conjoncture astralo-politique »
a été exceptionnellement favorable.
(Sourires.)
Au printemps 2000, le
Premier ministre, Lionel Jospin, s'est engagé à mener à bien cette réforme à
laquelle le Président, Jacques Chirac, a apporté son soutien au début de cette
année. Les présidents Raymond Forni et Christian Poncelet ont oeuvré pour sa
mise en chantier.
La bienveillance active d'Henri Emmanuelli, de Philippe Marini, d'Augustin
Bonrepaux, la vôtre à toutes et à tous, a été déterminante. Surtout - et je
veux y insister - se sont déployées la ténacité tranquille de Didier Migaud, la
détermination compétente d'Alain Lambert, que je souhaite tous deux remercier
chaleureusement, profondément et personnellement. Ils aiment le Parlement et la
démocratie, ils auront contribué à les servir d'une façon qui marquera la
République.
La compétence, l'esprit de dialogue qui anime Florence Parly, secrétaire
d'Etat au budget, ainsi que Michel Sapin, ministre de la fonction publique et
de la réforme de l'Etat, ont été un atout précieux tout au long des
discussions.
Rien n'aurait été possible sans les échanges nombreux et fructueux entre les
administrateurs des commissions des finances des assemblées et mes services,
cette direction du budget que l'on prétendait hostile au changement et qui, en
réalité, a offert, dans l'expertise qui lui a été demandée, le meilleur
d'elle-même.
Ajouterai-je que la réforme de l'ordonnance de 1959 permet au ministre de
l'économie et des finances de respecter l'engagement formulé naguère par le
président de l'Assemblée nationale, lorsque, en automne 1998, j'avais pris
l'initiative d'engager un vaste travail sur l'efficacité de la dépense publique
et le contrôle parlementaire ?
Ensemble, Parlement et Gouvernement, majorité et opposition, nous avons su,
chacun dans notre rôle, chacun avec nos convictions, écrire une page importante
de l'histoire budgétaire de notre pays. Je pense que nous pouvons en être
satisfaits.
Avant de conclure, je présenterai deux souhaits.
D'abord, je souhaite que les assemblées s'engagent au plus vite à adapter leur
règlement. Il importe en effet que la réforme demandée aujourd'hui à l'Etat se
traduise rapidement dans les procédures internes au Parlement.
Ensuite, j'espère que l'esprit d'ouverture qui a présidé à cette révision
animera également la suite de la procédure : les missions, les programmes, les
objectifs et les indicateurs ne seront pas définis unilatéralement par Bercy ;
mon ministère sera un facilitateur, il pourra apporter une méthodologie,
échanger les meilleures pratiques, mais il ne devra pas se substituer aux
autres ministères. Pour être pleinement acceptées, les priorités devront venir
du terrain lui-même. Ce sera l'occasion d'une réflexion partagée et d'un
dialogue renouvelé pour l'action publique et pour tous les agents chargés de la
mettre en oeuvre.
Mesdames, messieurs les sénateurs, la réforme de l'ordonnance de 1959 ne se
réduit certainement pas à l'aménagement d'une procédure. Ma conviction est que,
à moyen terme, cette réforme exercera ses effets positifs à la fois sur notre
vie démocratique et sur l'amélioration du service public pour nos concitoyens.
Il s'agit de remplacer dans notre examen des finances publiques le très fameux
« litanie, liturgie, léthargie » par « efficacité, comparabilité, durabilité
».
Au nom du Gouvernement, j'apporte donc, avec Mme Florence Parly et M. Michel
Sapin, mon soutien total à ce texte, et je vous demande de voter une loi qui
modernise la gestion publique, contribue à réformer l'Etat et renforce le rôle
du Parlement. Ensemble, nous dotons l'Etat du xxie siècle de la constitution
budgétaire et financière moderne dont notre pays avait besoin.
(Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur celles du RDSE,
de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble de la proposition de loi organique.
En application de l'article 59 du règlement, le scrutin public est de
droit.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du
règlement.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président.
Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
Nombre de votants | 319 |
Nombre de suffrages exprimés | 319 |
Majorité absolue des suffrages | 160 |
Pour l'adoption | 292 |
Contre | 17 |
Le Sénat a adopté. (Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur les travées du RDSE, de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants. - MM. les ministres et Mme le secrétaire d'Etat applaudissent également.)
(M. Gérard Larcher remplace M. Jean Faure au fauteuil de la présidence.)
PRÉSIDENCE DE M. GÉRARD LARCHER
vice-président
6
RÈGLEMENT DÉFINITIF DU BUDGET DE 1998
Rejet d'un projet de loi en nouvelle lecture
M. le président.
L'ordre du jour appelle la discussion, en nouvelle lecture, du projet de loi
(n° 365, 2000-2001), adopté avec modifications par l'Assemblée nationale en
nouvelle lecture, portant règlement définitif du budget de 1998. [Rapport n°
393 (2000-2001).]
Dans la discussion générale, la parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Florence Parly,
secrétaire d'Etat au budget.
Monsieur le président, monsieur le
rapporteur, mesdames et messieurs les sénateurs, nous examinons aujourd'hui en
nouvelle lecture le projet de loi de règlement relatif à l'exercice 1998, le
premier qui retrace intégralement une exécution budgétaire conduite par la
majorité plurielle issue des élections de juin 1997.
Le contexte dans lequel ce budget a été exécuté est marqué par les premiers
fruits de la nouvelle politique économique et budgétaire menée depuis ces
élections.
Ranimée dès 1997, la croissance aura atteint en 1998, en volume, avec 3,2 %,
un niveau record, malgré un environnement mondial incertain, conduisant à un
ralentissement des exportations.
Avec un déficit de 247,5 milliards de francs, le solde général d'exécution du
budget de 1998 marque une amélioration de 20,2 milliards de francs par rapport
à 1997 et de 10,4 milliards de francs par rapport aux prévisions initiales.
Autre motif de satisfaction, l'amélioration très significative de l'emploi a
permis un net recul du déficit des administrations de sécurité sociale.
Au total, le besoin de financement des administrations publiques s'est établi
à 2,7 % du produit intérieur brut en 1998.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Yann Gaillard,
en remplacement de M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des
finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation.
Je ne reviendrai pas sur l'analyse économique succincte que Mme le secrétaire
d'Etat vient de présenter sur le budget de 1998.
Mme Florence Parly,
secrétaire d'Etat.
Il s'agit d'une nouvelle lecture !
M. Yann Gaillard,
rapporteur.
Tout au plus ai-je envie de dire à cet instant qui passe,
comme Faust interpellant Méphistophélès : « Arrête-toi, tu es si beau ! »
Effectivement, l'instant était beau, mais je crains que celui qui va suivre ne
le soit moins !
J'en reviens à ce qui nous concerne directement - un problème mineur,
subalterne par rapport aux minutes historiques que nous avons vécues -, à
savoir la dernière étape, au Sénat, de l'examen du projet de loi de règlement
définitif pour 1998.
Comme vous le savez, une loi de règlement est un quitus comptable donné
ex
post
après un examen attentif de la régularité des comptes effectué par la
Cour des comptes.
Outre les résultats généraux de l'exercice, est examinée la situation des
dépenses comprises dans des gestions de fait qui consistent dans le maniement
irrégulier de deniers publics par des personnes qui ne sont pas comptables
publics, mais qui le deviennent en l'occurrence, puisqu'elles se sont immiscées
dans cette gestion.
Dans les affaires qui lui sont ainsi soumises, la Cour des comptes distingue,
au sein des masses concernées, les sommes qui, bien qu'irrégulièrement
manipulées, ont toutefois un caractère d'utilité publique par leur destination.
Les autres sommes auxquelles un tel caractère a été dénié sont, elles, soumises
à une procédure de recouvrement.
En l'espèce, s'agissant de la gestion de fait du tribunal de commerce
d'Antibes, la Cour des comptes a reconnu d'utilité publique une somme de 169
400 francs correspondant à la rémunération versée entre 1987 et 1992, date de
son décès, à un ancien bâtonnier en sa qualité d'enquêteur pour le compte de ce
tribunal de commerce. C'est d'ailleurs le montant qui figure dans le texte
initial du projet de loi tel qu'il est déposé par le Gouvernement.
Le 18 mai 2000, en première lecture, l'Assemblée nationale, faisant référence
aux travaux de MM. Montebourg et Colcombet sur les tribunaux de commerce,
peut-être influencée par le climat qui commençait à s'établir autour de ces
travaux, et arguant des dysfonctionnements affectant ces derniers, a souhaité «
faire un exemple » et a dénié le caractère d'utilité publique auxdites
dépenses, car elles présentaient le « vice » de concerner le fonctionnement
d'un tribunal de commerce. C'est du moins ainsi que peut être interprétée la
position de l'Assemblée nationale.
A ainsi débuté une sorte de partie de « ping-pong législativo-budgétaire » :
le Sénat, en première lecture, le 26 juin 2000, a rétabli le texte initial de
l'article 13, paragraphe II ; en deuxième lecture, l'Assemblée nationale, le 11
octobre 2000, a rétabli son texte au paragraphe II ; le Sénat, en deuxième
lecture, le 7 juin 2001, a rétabli à nouveau le texte initial ; la commission
mixte paritaire réunie le 9 mai 2001 a échoué sur cette disposition, qui était
la seule encore en navette ; saisie en nouvelle lecture, le 6 juin, l'Assemblée
nationale en est revenue à son texte des première et deuxième lectures.
Je vous propose donc aujourd'hui, mes chers collègues, de maintenir les votes
émis à deux reprises par notre assemblée et, à ce stade de la procédure, pour
ne pas allonger les débats, d'adopter une motion ainsi rédigée :
« En application de l'article 44, alinéa 3, du règlement, le Sénat,
« Rappelant que l'article 13 encore en navette, concerne la reconnaisssance
d'utilité publique des dépenses comprises dans des gestions de fait, pour
lesquelles le Sénat, en application de sa jurisprudene constante, a tenu à
suivre les recommandations faites par la Cour des comptes, telles qu'elles
figuraient dans le texte du projet de loi initial déposé par le Gouvernement
;
« Considérant qu'après deux lectures et l'échec de la commission mixte
paritaire, les positions des deux assemblées sur ladite question sont, pour des
raisons de principe, inconciliables ;
« Décide qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de
loi, adopté avec modification par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture,
portant règlement définitif du budget de 1998. »
M. le président.
La parole est à Mme Beaudeau.
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues,
parvenus au terme de la discussion de ce projet de loi de règlement définitif
du budget 1998, nous ne pouvons, bien entendu, reprendre en détail ce que nous
avons dit à l'occasion du premier examen de ce texte par notre Haute Assemblée.
Nous nous devons toutefois de rappeler certaines des caractéristiques de
l'exécution de la loi de finances de cette année-là.
Dans un contexte de croissance retrouvée, la loi de finances pour 1998 a été
la première qui soit pleinement définie par le Gouvernement issu des élections
de juin 1997.
Elle a notamment enregistré la première amélioration sensible de la situation
des comptes publics, amélioration fondée en particulier sur un accroissement
non négligeable des recettes fiscales, accroissement qui n'a pourtant pas pesé
de manière insupportable sur le processus de croissance lui-même, ainsi que
vous pouvez le remarquer, chers collègues de la majorité sénatoriale.
Parmi les mesures ayant pu contribuer à l'amélioration de la conjoncture, on
peut citer, dans cette loi de finances, la baisse ciblée de la taxe sur la
valeur ajoutée pour les travaux dans les logements ou encore la première
rationalisation des modalités d'allègement de la taxe d'habitation.
Ces mesures n'ont pas, loin de là, bridé la croissance. Elles ont même
participé à la très sensible amélioration constatée : gain de plus de 10
milliards de francs pour le rendement de l'impôt sur le revenu, de plus de 12
milliards de francs pour l'impôt sur les sociétés et de plus de 15 milliards de
francs pour le rendement de la TVA.
La réduction du déficit, d'ailleurs plus importante dans les termes de la loi
de règlement ici débattue que dans ceux du collectif de la fin de l'année 1998,
a été sensible : plus de 20 milliards de francs en un an, performance jamais
atteinte lors des exercices de 1993 à 1997 entre autres.
La validité des choix opérés à l'automne 1997 à l'occasion de la discussion de
la loi de finances initiale ne doit cependant pas faire oublier que 1998 est
resté, de notre point de vue, un exercice budgétaire encore un peu trop timide
dans la mise en oeuvre de la profonde réforme fiscale dont notre pays a
besoin.
Nous voterons le projet de loi de règlement définitif du budget de 1998. Dans
ce contexte, la motion déposée par la commission doit selon nous être rejetée,
et ce, d'autant plus qu'elle illustre plus un désaccord politique de fond sur
les choix budgétaires opérés qu'une volonté de stricte sincérité budgétaire.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Question préalable
M. le président.
Je suis saisi par M. Marini, au nom de la commission, d'une motion n° 1,
tendant à opposer la question préalable.
Cette motion est ainsi rédigée :
« En application de l'article 44, alinéa 3, du règlement, le Sénat,
« Rappelant que l'article 13 encore en navette concerne la reconnaisssance
d'utilité publique des dépenses comprises dans des gestions de fait, pour
lesquelles le Sénat, en application de sa jurisprudence constante, a tenu à
suivre les recommandations faites par la Cour des comptes, telles qu'elles
figuraient dans le texte du projet de loi initial déposé par le Gouvernement
;
« Considérant qu'après deux lectures et l'échec de la commission mixte
paritaire les positions des deux assemblées sur ladite question sont, pour des
raisons de principe, inconciliables ;
« Décide qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de
loi, adopté avec modification par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture,
portant règlement définitif du budget de 1998. »
Je rappelle que, en application du dernier alinéa de l'article 44 du réglement
du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l'auteur de l'initiative
ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d'opinion contraire, pour
quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie
au fond et le Gouvernement.
En outre, la parole peut être accordée pour explication de vote, pour une
durée n'excédant pas cinq minutes, à un représentant de chaque groupe.
M. le rapporteur a par avance défendu cette motion. Y a-t-il un orateur contre
la motion ?...
Le Gouvernement souhaite-t-il s'exprimer ?...
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix la motion n° 1.
Je rappelle que son adoption entraînerait le rejet du projet de loi.
En application de l'article 59 du règlement, le scrutin public est de
droit.
Il va y être procédé dans les conditions réglementaires.
(Le scrutin a lieu).
M. le président.
Personne ne demande plus à voter ?....
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
Nombre de votants | 289 |
Nombre de suffrages exprimés | 289 |
Majorité absolue des suffrages | 145 |
Pour l'adoption | 195 |
Contre | 94 |
En conséquence, le projet de loi est rejeté.
7
RÈGLEMENT DÉFINITIF DU BUDGET DE 1999
Adoption d'un projet de loi en deuxième lecture
M. le président.
L'ordre du jour appelle la discussion, en deuxième lecture, du projet de loi
(n° 366, 2000-2001), adopté avec modifications par l'Assemblée nationale en
deuxième lecture, portant règlement définitif du budget de 1999. [Rapport n°
394 (2000-2001).]
Dans la discussion générale, la parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Florence Parly,
secrétaire d'Etat au budget.
Monsieur le président, mesdames, messieurs
les sénateures, nous examinons maintenant, en deuxième lecture, le projet de
loi de règlement relatif à l'exercice 1999.
Pour ne pas être fastidieuse, quelques jours après le débat d'orientation
budgétaire qui a permis, je crois, d'examiner de façon approfondie les grands
axes de la politique budgétaire, je centrerai mon propos sur les éléments
saillants de cet exercice 1999.
Dans un contexte de progression de la croissance en volume de 2,9 %,
l'exercice 1999 aura représenté une étape significative dans le redressement
des finances publiques.
Le déficit budgétaire a en effet été ramené à 206 milliards de francs en 1999,
alors qu'il était encore en 1996, je le rappelle, de 295 milliards de
francs.
Cette amélioration a permis une réduction du besoin de financement des
administrations publiques, qui s'est élevé à 1,6 % du PIB en 1999, après 2,7 %
en 1998 et 3,5 % en 1997, passant ainsi rapidement sous la barre des 3 % comme
le Gouvernement s'y était engagé.
Elle a également ouvert la voie à une inversion de la spirale de la dette, et
ce dès 1999. La dette a ainsi été ramenée en dessous du seuil de 60 % du
PIB.
Ces résultats ont été permis par une évolution maîtrisée des dépenses
publiques, c'est-à-dire une progression inférieure à celle de la richesse
nationale, et une progression des recettes fiscales nettes de près de 8 %.
Cet effort n'a pas nui au financement des priorités retenues : l'emploi,
l'éducation nationale, la solidarité et la lutte contre l'exclusion, la
sécurité et la justice.
Au total, le Gouvernement a cherché à concilier une progression maîtrisée des
dépenses publiques, une réduction sensible des déficits publics et une
fiscalité plus juste.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Yann Gaillard,
en remplacement de M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des
finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation.
Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, je pense que mes collègues
de la majorité sénatoriale me pardonneront de ne pas chercher à cette heure de
la journée, après les efforts très importants que nous avons déployés cet
après-midi, à porter la contradiction à Mme la secrétaire d'Etat. Je lui
laisserai donc le plaisir d'avoir détaillé les résultats flatteurs que M. le
rapporteur général, dont la parole, je pense, vibre encore à l'oreille de
certains, a bien critiqués, au cours d'un débat d'orientation budgétaire qui a
été assez dur.
Pour demeurer dans l'atmosphère irénique dans laquelle nous baignons avant de
terminer cette session, je m'en tiendrai simplement aux points précis que j'ai
à traiter.
Comme en première lecture, il ne s'agit en aucun cas de donner notre accord
sur le fond à la politique et aux pratiques budgétaires suivies par le
Gouvernement en 1999.
Nous avions donné en revanche quitus comptable en adoptant, le 3 mai dernier,
le projet de loi de règlement, tout en ayant corrigé, à l'article 13, une
erreur matérielle de quarante centimes concernant la reconnaissance d'utilité
publique de dépenses comprises dans des gestions de fait : le total figurant
dans le texte de l'article n'était pas strictement égal à la somme des parties
mentionnées dans l'exposé des motifs.
(Sourires.)
Devant examiner à nouveau le texte en deuxième lecture, l'Assemblée nationale
découvrit à son tour une erreur matérielle de totalisation des recettes du
budget de l'aviation civile portant sur un montant, plus significatif, de 648
876 francs, ainsi que des erreurs de calcul dans le tableau récapitulatif y
afférent.
Nous espérons maintenant que tous les totaux auront bien été faits. C'est la
raison pour laquelle il vous est proposé, mes chers collègues, d'adopter
conformes les deux articles du projet de loi encore en navette pour «
rectification d'erreur matérielle ».
M. le président.
La parole est à Mme Beaudeau.
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues,
l'ultime lecture de ce projet de loi de règlement du budget de 1999 nous permet
de revenir sur l'état des finances publiques qui ressort de l'exécution
budgétaire de cette année-là.
L'année 1999, ou plus précisément le débat de la fin de l'année 1999 et
notamment le débat relatif au collectif de décembre 1999, a été marquée par
l'apparition de la trop fameuse « cagnotte », emplie de plusieurs milliards de
francs de recettes nouvelles et singulièrement de plus-values extrêmement
importantes sur le seul chapitre de l'impôt sur les sociétés.
Mais ce sont nos trois grands impôts qui ont connu, en 1999, une sérieuse
embellie : hausse de 29 milliards de francs pour le rendement de l'impôt sur le
revenu, hausse de 45 milliards de francs pour l'impôt sur les sociétés et
hausse de plus de 30 milliards de francs pour la taxe sur la valeur ajoutée.
Tout cela a permis une amélioration du solde budgétaire, qui a diminué de plus
de 40 milliards de francs.
De manière incontestable, c'est, bien évidemment, la croissance économique
constatée en 1999 qui est à l'origine de cette situation.
J'exprimerai toutefois le regret que la réforme fiscale n'ait été que
timidement ébauchée. Pour nous, cette question demeure toujours posée.
En effet, l'amélioration des comptes publics, qui est une réalité constatée
tant dans l'exercice budgétaire 1999 que dans le précédent et encore dans
l'exercice 2000 ne peut faire oublier qu'une réforme fiscale trop timide et une
politique de limitation trop contraignante de la dépense publique ne
contribuent pas à remettre durablement dans le bon sens les comptes publics.
Nous avons d'ailleurs un peu l'impression que la situation controversée que
nous connaissons depuis le début de l'année 2001 est, pour partie, la
résultante de ces choix.
Nous ne pouvons et nous ne devons pas oublier que, si l'engagement des deniers
publics n'est sans doute pas le seul facteur contribuant à la croissance
économique, il est toutefois primordial dans la durée de celle-ci.
A trop rechercher des économies comptables dans la gestion des deniers publics
- chacun sait que ce sont là les données essentielles de l'exécution du budget
2000 -, on finit par peser sur la prolongation du cycle de croissance, avec
toutes les conséquences mesurables qui peuvent en découler dans la situation
budgétaire.
Nous allons donc approuver ce projet de loi portant règlement définitif du
budget de 1999, en gardant à l'esprit les leçons que l'on peut en tirer pour
les années à venir.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion des articles.
Je rappelle que, aux termes de l'article 42, alinéa 10, du règlement, à partir
de la deuxième lecture au Sénat des projets de loi, la discussion des articles
est limitée à ceux pour lesquels les deux chambres du Parlement n'ont pas
encore adopté un texte identique.
Article 1er
(pour coordination)
Les résultats définitifs de l'exécution des lois de finances pour 1999 sont
arrêtés aux sommes mentionnées ci-après :
CHARGES (en francs) |
RESSOURCES (en francs) |
||
---|---|---|---|
A. - Opérations à caractère définitif |
|||
Budget général |
|||
Recettes (a) | 1 840 658 081 406,50 | . | . |
A déduire : Dégrèvements et remboursements d'impôts |
- 329 135 973 898,38 | . | 1 511 522 107 508,12 |
Dépenses ordinaires civiles | 1 778 090 171 365,86 | . | |
A déduire : Dégrèvements et remboursements d'impôts |
- 329 135 973 898,38 | 1 448 954 197 467,48 | |
Dépenses civiles en capital | 99 465 041 287,56 | ||
Dépenses militaires |
178 345 124 832,86 |
||
Total pour le budget général |
1 726 764 363 587,90 (b) |
1 511 522 107 508,12 |
|
Soldes du budget général |
215 242 256 079,78 |
||
Comptes d'affectation spéciale |
|||
Recettes | . | 64 580 677 041,34 | |
Dépenses ordinaires civiles | 20 744 891 381,13 | ||
Dépenses civiles en capital |
40 640 124 903,72 |
||
Total pour les comptes d'affectation spéciale | 61 385 016 284,85 |
64 580 677 041,34 |
|
Solde des comptes d'affectation spéciale | . |
3 195 660 756,49 |
|
Totaux (budget général et comptes d'affectation spéciale) | 1 788 149 379 872,75 |
1 576 102 784 549,46 |
|
Budgets annexes |
|||
Aviation civile | 8 977 872 794,31 | 8 977 872 794,31 | |
Journaux officiels | 1 237 610 223,62 | 1 237 610 223,62 | |
Légion d'honneur | 121 099 814,92 | 121 099 814,92 | |
Monnaies et médailles | 1 112 998 641,85 | 1 112 998 641,85 | |
Ordre de la Libération | 5 014 031,00 | 5 014 031,00 | |
Prestations sociales agricoles | 95 747 266 110,79 |
95 747 266 110,79 |
|
Totaux budgets annexes | 107 201 861 616,49 |
107 201 861 616,49 |
|
Totaux des opérations à caractère définitif (A) | 1 895 351 241 489,24 |
1 683 304 646 165,95 |
|
Solde des opérations à caractère définitif (A) | 212 046 595 323,29 |
» |
|
B. - Opérations à caractère temporaire |
|||
Comptes spéciaux du Trésor |
|||
Comptes d'affectation spéciale | 16 398 428,70 | 115 705 927,09 | |
Comptes de prêts | 6 470 815 845,84 | 6 413 555 195,33 | |
Comptes d'avances | 439 156 475 641,02 | 443 409 968 549,61 | |
Comptes de commerce (solde) | - 2 135 778 640,04 | » | |
Comptes de règlement avec les gouvernements étrangers (solde) | 9 571 357,01 | » | |
Comptes d'opérations monétaires (solde hors FMI) | 376 344 698,53 |
» |
|
Totaux des opérations à caractère temporaire (B) | 443 893 827 331,06 |
449 939 229 672,03 |
|
Solde des opérations à caractère temporaire hors FMI (B) | » |
6 045 402 340,97 |
|
Solde d'exécution des lois de finances hors FMI (A + B) | 206 001 192 982,32 | » | |
Solde d'exécution des lois de finances hors FMI, hors FSC | 206 001 597 741,11 |
» |
(a)
Après déduction des prélèvements sur recettes de l'Etat (267 704
944 685,13 F) au profit des collectivités locales et des Communautés
européennes.
(b)
Le montant des dépenses brutes du budget général s'établit à 2 055
900 337 486,28 F.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 1er.
(L'article 1er est adopté.)
Article 8 et tableau G annexé
(pour coordination)
Les résultats des budgets annexes sont arrêtés aux sommes mentionnées au
tableau ci-après. Les crédits ouverts sont modifiés comme il est dit au même
tableau. Ces crédits sont répartis par budget conformément au tableau G annexé
à la présente loi. »
AJUSTEMENTS DE LA LOI DE RÈGLEMENT
|
|||
---|---|---|---|
DÉSIGNATION DES BUDGETS |
TOTAUX ÉGAUX
(en francs) |
Ouvertures de crédits
(en francs) |
Annulations de crédits
(en francs) |
Aviation civile | 8 977 872 794,31 | 772 332 331,19 | 172 811 968,88 |
Journaux officiels | 1 237 610 223,62 | 14 643 069,08 | 26 866 572,46 |
Légion d'honneur | 121 099 814,92 | 1 184 738,82 | 4 099 575,90 |
Monnaies et médailles | 1 112 998 641,85 | 58 057 734,41 | 415 062 651,56 |
Ordre de la Libération | 5 014 031,00 | 1 153 165,75 | 325 698,75 |
Prestations sociales agricoles | 95 747 266 110,79 | 2 015 620 339,23 |
615 354 228,44 |
Totaux | 107 201 861 616,49 | 2 862 991 378,48 | 1 234 520 695,99 |
Je donne lecture du tableau G annexé :
TABLEAU G
RÈGLEMENT DÉFINITIF DES BUDGETS ANNEXES DE 1999
(pour coordination)
RÉCAPITULATION GÉNÉRALE DES RÉSULTATS
BUDGETS ANNEXES |
RECETTES |
DÉPENSES |
---|---|---|
Aviation civile | 8 977 872 794,31 | 8 977 872 794,31 |
Journaux officiels | 1 237 610 223,62 | 1 237 610 223,62 |
Légion d'honneur | 121 099 814,92 | 121 099 814,92 |
Monnaies et médailles | 1 112 998 641,85 | 1 112 998 641,85 |
Ordre de la Libération | 5 014 031,00 | 5 014 031,00 |
Prestations sociales agricoles | 95 747 266 110,79 |
95 747 266 110,79
|
Totaux | 107 201 861 616,49 | 107 201 861 616,49 |
1re partie - Situation des recettes
BUDGETS ANNEXES |
ÉVALUATION des produits |
TOTAL DES DROITS
pendant la gestion 1999 |
RECOUVREMENTS définitifs de l'année 1999 |
---|---|---|---|
Aviation civile 1re section. - Exploitation |
7 769 087 735 | 8 125 764 329,50 | 8 125 764 329,50 |
2e section. - Opérations en capital | 971 482 837 | 852 108 464,81 |
852 108 464,81 |
Totaux | 8 740 570 572 | 8 977 872 794,31 |
8 977 872 794,31 |
Journaux officiels 1re section. - Exploitation |
1 261 620 000 | 1 237 610 223,62 | 1 237 610 223,62 |
2e section. - Opérations en capital | » | » |
» |
Totaux | 1 261 620 000 | 1 237 610 223,62 |
1 237 610 223,62 |
Légion d'honneur 1re section. - Exploitation |
113 242 735 | 114 535 135,62 | 114 535 135,62 |
2e section. - Opérations en capital | » | 6 564 679,30 |
6 564 679,30 |
Totaux | 113 342 735 | 121 099 814,92 |
121 099 814,92 |
Monnaies et médailles 1re section. - Exploitation |
1 373 415 782 | 888 134 260,05 | 888 134 260,05 |
2e section. - Opérations en capital | 9 031 000 | 224 864 381,80 |
224 864 381,80 |
Totaux | 1 382 446 782 | 1 112 998 641,85 |
1 112 998 641,85 |
Ordre de la Libération 1re section. - Exploitation |
5 014 031 | 5 014 031,00 | 5 014 031,00 |
2e section. - Opérations en capital | » | » |
» |
Totaux | 5 014 031 | 5 014 031,00 |
5 014 031,00 |
Prestations sociales agricoles 1re section. - Exploitation (1) |
94 347 000 000 | 95 747 266 110,79 |
95 747 266 110,79 |
TOTAL GÉNÉRAL DES RECETTES | 105 849 894 120 | 107 201 861 616,49 | 107 201 861 616,49 |
(1) Y compris prélèvement sur les résultats des exercices clos.
2e partie. - Situation des dépenses
(En francs)
|
||||||||||||||
---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|
(En francs)
|
|
ressources |
Au titre de mesures d'ordre réglementaire
|
|||||||||||
t(En
<francs> /font> </francs>
|
initiaux |
les prévisions |
MODIFICATIONS DE CRÉDITS INTERVENUES EN COURS D'ANNÉE |
|
|
|
|
RÈGLEMENT des crédits |
|
|||||
Aviation civile 1re Exploitation |
6 584 401 730 | » | 11 721 005 | 126 242 080 | » | » | » | 6 772 364 815 | 6 824 629 596,19 | 144 389 388,00 | 6 680 240 208,19 | 358 932 300,75 | 172 811 967,56 | 228 244 940 |
2e Opérations en capital | 2 129 765 000 | » | 14 682 837 | 464 805 898 | » | » | » | 2 609 253 735 | 2 297 632 586,12 | » | 2 297 632 586,12 | 413 400 030,44 | 1,32 | 725 021 178 |
Totaux | 8 714 166 730 | » | 26 403 842 | 591 047 978 | » | » | » | 9 331 618 550 | 9 122 262 182,31 | 144 389 388,00 | 8 977 872 794,31 | 772 332 331,19 | 172 811 968,88 | 953 266 118 |
Journaux officiels 1re Exploitation |
897 572 338 | » | 692 000 | 5 456 072 | » | » | » | 903 720 410 | 907 121 664,58 | 36 344 018,33 | 870 777 646,25 | » | 26 866 571,75 | 6 076 192 |
2e Opération en capital | 182 427 662 | » | 180 928 000 | 14 599 257 | » | » | » | 377 954 919 | 366 832 577,37 | » | 366 832 577,37 | 14 643 069,08 | 0,71 | 25 765 410 |
Totaux | 1 080 000 000 | » | 181 620 000 | 20 055 329 | » | » | » | 1 281 675 329 | 1 273 954 241,95 | 36 344 018,33 | 1 237 610 223,62 | 14 643 069,08 | 26 866 572,46 | 31 841 602 |
Légion d'honneur 1re Exploitation |
106 312 735 | » | » | 403 144 | » | » | » | 106 715 879 | 102 045 786,26 | 175 008,33 | 101 870 777,93 | 5 367,79 | 4 099 575,86 | 750 893 |
2e Opérations en capital | 6 930 000 | » | » | 27 818 005 | » | 1 013 990 | » | 35 761 995 | 19 229 036,99 | » | 19 229 036,99 | 1 179 371,03 | 0,04 | 17 712 329 |
Totaux | 113 242 735 | » | » | 28 221 149 | » | 1 013 990 | » | 142 477 874 | 121 274 823,25 | 175 008,33 | 121 099 814,92 | 1 184 738,82 | 4 099 575,90 | 18 463 222 |
Monnaies et médailles 1re Exploitation |
1 337 415 782 | » | » | 476 975 359 | » | » | » | 1 814 391 141 | 1 057 660 382,89 | 41 528 468,17 | 1 016 131 914,72 | 16 803 424,41 | 415 062 650,69 | 400 000 000 |
2e Opérations en capital | 45 031 000 | » | » | 33 655 849 | » | » | » | 78 686 849 | 96 866 727,13 | » | 96 866 727,13 | 41 254 310,00 | 0,87 | 23 074 431 |
Totaux | 1 382 446 782 | » | » | 510 631 208 | » | » | » | 1 893 077 990 | 1 154 527 110,02 | 41 528 468,17 | 1 112 998 641,85 | 58 057 734,41 | 415 062 651,56 | 423 074 431 |
Ordre de la Libération 1re Exploitation |
4 164 031 | » | » | » | » | » | » | 4 164 031 | 4 882 124,05 | » | 4 882 124,05 | 1 153 165,75 | 325 698,70 | 109 374 |
2e Opérations en capital | 850 000 | » | » | 130 000 | » | » | » | 980 000 | 131 906,95 | » | 131 906,95 | » | 0,05 | 848 093 |
Totaux | 5 014 031 | » | » | 130 000 | » | » | » | 5 144 031 | 5 014 031,00 | » | 5 014 031,00 | 1 153 165,75 | 325 698,75 | 957 467 |
Prestations sociales agricoles 1re Exploitation |
94 347 000 000 | » | » | » | » | » | » | 94 347 000 000 | 98 575 856 694,09 | 2 828 590 583,30 | 95 747 266 110,79 | 2 015 620 339,23 | 615 354 228,44 | » |
Récapitulation 1re Exploitation |
103 276 866 616 | » | 12 413 005 | 609 076 655 | » | » | » | 103 898 356 276 | 107 472 196 248,06 | 3 051 027 466,13 | 104 421 168 781,93 | 2 392 514 597,93 | 1 234 520 693,00 | 635 181 399 |
2e Opérations en capital | 2 365 003 662 | » | 195 610 837 | 541 009 009 | » | 1 013 990 | » | 3 102 637 498 | 2 780 692 834,56 | 0,00 | 2 780 692 834,56 | 470 476 780,55 | 2,99 | 792 421 441 |
Totaux pour la situation des dépenses | 105 641 870 278 | » | 208 023 842 | 1 150 085 664 | » | 1 013 990 | » | 107 000 993 774 | 110 252 889 082,62 | 3 051 027 466,13 | 107 201 861 616,49 | 2 862 991 378,48 | 1 234 520 695,99 | 1 427 602 840 |
3e partie - Résultats généraux des recettes et des dépenses
|
Recettes |
Versements
général |
Total des recettes |
Dépenses |
Versements au budget général |
Total des dépenses |
---|---|---|---|---|---|---|
BUDGETS ANNEXES |
RÈGLEMENT DES RECETTES |
RÈGLEMENT DES DÉPENSES
|
||||
Aviation civile |
||||||
1re section - Exploitation | 8 125 764 329,50 | » | 8 125 764 329,50 | 6 680 240 208,19 | » | 6 680 240 208,19 |
2e section - Opérations en capital | 852 108 464,81 | » | 852 108 464,81 | 1 884 232 555,68 | » | 1 884 232 555,68 |
Variation du fonds de roulement (1) | » | » | » | 413 400 030,44 | » |
413 400 030,44
|
Totaux | 8 977 872 794,31 | » | 8 977 872 794,31 | 8 977 872 794,31 | » |
8 977 872 794,31 |
Journaux officiels |
||||||
1re section - Exploitation | 1 237 610 223,62 | » | 1 237 610 223,62 | 870 777 646,25 | » | 870 777 646,25 |
2e section - Opérations en capital | » | » | » | 17 560 846,29 | 319 928 000,00 | 337 488 846,29 |
Variation du fonds de roulement (1) | » | » | » | 29 343 731,08 | » |
29 343 731,08
|
Totaux | 1 237 610 223,62 | » | 1 237 610 233,62 | 917 682 223,62 | 319 928 000,00 |
1 237 610 223,62 |
Légion d'honneur |
||||||
1re section - Exploitation | 114 535 135,62 | » | 114 535 135,62 | 101 870 777,93 | » | 101 870 777,93 |
2e section - Opérations en capital | 232 089,94 | » | 232 089,94 | 19 229 036,99 | » | 19 229 036,99 |
Variation du fonds de roulement (1) | 6 332 589,36 | » | 6 332 589,36 | . | » |
|
Totaux | 121 099 814,92 | » | 121 099 814,92 | 121 099 814,92 | » |
121 099 814,92 |
Monnaies et médailles |
||||||
1re section - Exploitation | 888 134 260,05 | » | 888 134 260,05 | 1 016 131 914,72 | » | 1 016 131 914,72 |
2e section - Opérations en capital | 127 576 177,74 | » | 127 576 177,74 | 96 866 727,13 | » | 96 866 727,13 |
Variation du fonds de roulement (1) | 97 288 204,06 | » | 97 288 204,06 | » | » |
»
|
Totaux | 1 112 998 641,85 | » | 1 112 998 641,85 | 1 112 998 641,85 | » |
112 998 641,85 |
Ordre de la Libération |
||||||
1re section - Exploitation | 5 014 031,00 | » | 5 014 031,00 | 3 728 958,30 | 1 153 165,75 | 4 882 124,05 |
2e section - Opérations en capital | » | » | » | 131 906,95 | » |
131 906,95
|
Totaux | 5 014 031,00 | » | 5 014 031,00 | 3 860 865,25 | 1 153 165,75 |
5 014 031,00
Prestations sociales
|
1re section - Exploitation | 95 747 266 110,79 | » | 95 747 266 110,79 | 95 747 266 110,79 | » |
95 747 266 110,79
|
Totaux | 95 747 266 110,79 | » | 95 747 266 110,79 | 95 747 266 110,79 | » |
95 747 266 110,79 |
Totaux généraux | 107 201 861 616,49 | » | 107 201 861 616,49 | 106 880 780 450,74 | 321 081 165,75 | 107 201 861 616,49 |
(1) L'augmentation du fonds de roulement correspond à une dépense, la diminution à une recette.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 8 et le tableau G annexé.
(L'article 8 et le tableau G annexé sont adoptés.)
Vote sur l'ensemble
M. le président.
Avant de mettre aux voix l'ensemble du projet de loi, je donne la parole à M.
Vinçon, pour explication de vote.
M. Serge Vinçon.
Nous souscrivons à l'avis de la commission des finances, qui nous propose
d'adopter ce projet de loi, mais ce vote positif ne constitue pas, comme l'a
dit M. le rapporteur, un soutien à la politique budgétaire menée par le
Gouvernement en 1999.
Souvenons-nous que, à l'occasion de la loi de finances initiale pour 1999, le
Sénat avait élaboré un budget alternatif. Souvenons-nous aussi que, sur chacun
des amendements présentés par les rapporteurs spéciaux tendant à réduire les
dépenses de fonctionnement, les ministres avaient répondu que ces réductions de
crédits étaient impossibles, voire irresponsables.
A l'heure du règlement, que constatons-nous ? Le Gouvernement aura annulé,
durant l'année 1999, sur les titres III et IV, un montant de crédits équivalant
à celui qu'avait proposé le Sénat, soit environ 20 milliards de francs.
Sur le budget de l'emploi, en annulant 14,62 milliards de francs, le
Gouvernement est allé au-delà des propositions du Sénat, qui n'avait proposé
qu'une annulation de 9,3 milliards de francs.
L'année 1999 - Mme Beaudeau vient de le rappeler - est aussi celle des surplus
fiscaux que le Gouvernement tentait de distraire à l'appétit de ses amis «
dépensophiles ». La commission des finances a fort bien dénoncé, dans son
rapport
En finir avec le mensonge budgétaire,
que, finalement, c'est au
Parlement que l'on a menti.
Le temps des excédents fiscaux est loin derrière nous, et la situation
difficile d'aujourd'hui était en germe en 1999.
Bref, sans cautionner cette politique, le groupe du Rassemblement pour la
République suivra la proposition de la commission des finances en donnant un
quitus comptable au Gouvernement.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi.
En application de l'article 59 du règlement, le scrutin public est de
droit.
Il va y être procédé dans les conditions réglementaires.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président.
Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
Nombre de votants | 312 |
Nombre de suffrages exprimés | 312 |
Majorité absolue des suffrages | 157 |
Pour l'adoption | 312 |
8
SAISINE DU CONSEIL CONSTITUTIONNEL
M. le président.
M. le président a reçu de M. le président du Conseil constitutionnel une
lettre par laquelle il informe le Sénat que le Conseil constitutionnel a été
saisi, en application de l'article 61, alinéa 2, de la Constitution, le 28 juin
2001, par plus de soixante sénateurs, d'une demande d'examen de la conformité à
la Constitution de la loi relative à la prise en charge de la perte d'autonomie
des personnes âgées et à l'allocation personnalisée d'autonomie.
Acte est donné de cette communication.
Le texte de la saisine du Conseil constitutionnel est disponible au bureau de
la distribution.
9
TRANSMISSION D'UN PROJET DE LOI
M. le président.
J'ai reçu, transmis par M. le Premier ministre un projet de loi, adopté avec
modifications par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture, relatif à la
sécurité quotidienne.
Le projet de loi sera imprimé sous le n° 420, distribué et renvoyé à la
commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel,
du règlement et d'administration générale.
10
DÉPÔT D'UNE PROPOSITION DE LOI
M. le président. J'ai reçu de MM. Hubert Haenel, André Bohl, Daniel Eckenspieller, Francis Grignon, Alain Hethener, Daniel Hoeffel, Jean-Louis Lorrain, Joseph Ostermann, Jean-Marie Rausch et Philippe Richert, une proposition de loi portant réforme de la loi du 1er juin 1924 mettant en vigueur la législation civile française dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle, dans ses dispositions relatives à la publicité foncière.
La proposition de loi sera imprimée sous le n° 421, distribuée et renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.11
TRANSMISSION DE PROPOSITIONS DE LOI
M. le président.
J'ai reçu de M. le président de l'Assemblée nationale une proposition de loi
adoptée avec modifications par l'Assemblée nationale en deuxième lecture,
relative aux droits du conjoint survivant et des enfants adultérins.
La proposition de loi sera imprimée sous le n° 422, distribuée et renvoyée à
la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage
universel, du règlement et d'administration générale.
J'ai reçu de M. le président de l'Assemblée nationale une proposition de loi,
modifiée par l'Assemblée nationale, tendant à moderniser le statut des sociétés
d'économie mixte locales.
La proposition de loi sera imprimée sous le n° 423, distribuée et renvoyée à
la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffage
universel, du règlement et d'administration générale.
12
AJOURNEMENT DU SÉNAT
M. le président.
Mes chers collègues, je constate que le Sénat a achevé l'examen des textes qui
étaient inscrits à son ordre du jour.
Aucune nouvelle demande d'inscription à l'ordre du jour n'est présentée par le
Gouvernement.
Il n'y a donc pas lieu pour le Sénat de tenir séance demain, vendredi 29
juin.
Cependant, l'Assemblée nationale n'a pas terminé ses travaux.
Dans ces conditions, le Sénat voudra sans doute s'ajourner.
Je vous rappelle qu'en application de l'article 28, premier alinéa, de la
Constitution la session ordinaire de 2000-2001 prendra fin le dernier jour
ouvrable de juin, soit le samedi 30 juin 2001.
La clôture de la session sera constatée par une communication qui sera publiée
au
Journal officiel
.
A la veille du prochain renouvellement partiel du Sénat, j'aurai une pensée
amicale pour ceux de nos collègues qui se représentent et vont battre la
campagne cet été en vue de solliciter une nouvelle fois les suffrages des
grands électeurs.
Je voudrais aussi exprimer notre amitié à ceux qui ont décidé de nous quitter
en ne se représentant pas. Je rends hommage, au nom du Sénat tout entier, au
travail qu'ils ont accompli parmi nous tout au long de leur mandat.
Permettez-moi d'exprimer également, mes chers collègues, notre gratitude
envers l'ensemble des personnels du Sénat pour le travail qu'ils ont effectué à
nos côtés tout au long de cette session.
(Applaudissements.)
C'est en
grande partie grâce à eux que notre assemblée peut jouer tout son rôle.
Aux uns et aux autres, qu'ils partent battre la campagne ou qu'ils aillent
simplement en respirer l'air, je souhaite un excellent été.
(Sourires et
applaudissements.)
Personne ne demande la parole ?...
La séance est levée.
(La séance est levée à dix-neuf heures quarante-cinq.)
Le Directeur
du service du compte rendu intégral,
DOMINIQUE PLANCHON
NOMINATION D'UN RAPPORTEUR
M. Michel Mercier a été nommé rapporteur pour avis du projet de loi n° 415
(2000-2001) relatif à la démocratie de proximité, dont la commission des lois
est saisie au fond.
Le Directeur du service du compte rendu intégral, DOMINIQUE PLANCHON QUESTIONS ORALES REMISES À LA PRÉSIDENCE DU SÉNAT (Application des articles 76 à 78 du réglement)
Démographie médicale
1115.
- 28 juin 2000. -
M. Jean-François Picheral
attire l'attention de
M. le ministre délégué à la santé
sur les dernières données, publiées il y a peu, relatives à la démographie
médicale, en France. Selon deux rapports, notamment celui préparé par la
direction générale de la santé, la pénurie de médecins et les inégalités dans
l'accès aux soins vont aller en s'accentuant, au cours des prochaines années.
Pour l'heure, la situation démographique semble encore être satisfaisante. Pour
l'année 2000, 196 000 médecins, dont 51 % spécialisés, exerçaient en France. La
densité médicale globale de notre pays est la plus importane jamais obtenue,
avec 331 médecins pour 100 000 habitants. Cependant, ce même rapport fait état
d'une diminution notable dès 2008 de la densité de cette profession dans le
maillage français. Les disparités semblent devoir se situer tant en ce qui
concerne la répartition géographique qu'au niveau des différentes spécialités
médicales. Des disparités régionales semblent ainsi portées sur la densité de
spécialistes, alors que les déséquilibres de densité chez les généralistes
apparaîtraient au niveau départemental. Devant la complexité de ce problème
structurel à venir, qu'il convient néanmoins d'apréhender dès aujourd'hui, il
lui demande donc de lui indiquer quelles dispositions sont envisagées non
seulement pour réguler à l'avenir le flux démographique et numérique de cette
profession, mais aussi pour remédier aux difficultés ponctuelles rencontrées
dès à présent dans les zones rurales et périurbaines.
ANNEXES AU PROCÈS-VERBAL
de la séance
du jeudi 28 juin 2001
SCRUTIN (n° 67)
sur la motion n° 1, présentée par MM. Jean-Yves Autexier et Paul Loridant
tendant à opposer l'exception d'irrecevabilité au projet de loi, adopté par
l'Assemblée nationale, de ratification du traité de Nice, modifiant le traité
sur l'Union européenne, les traités instituant les Communautés européennes et
certains actes connexes.
Nombre de votants : | 313 |
Nombre de suffrages exprimés : | 299 |
Pour : | 4 |
Contre : | 295 |
Le Sénat n'a pas adopté.
ANALYSE DU SCRUTIN
GROUPE COMMUNISTE RÉPUBLICAIN ET CITOYEN (17) :
Pour :
3. _ M. Jean-Yves Autexier, Mme Marie-Claude Beaudeau et M. Paul
Loridant.
Abstention :
14.
GROUPE DU RASSEMBLEMENT DÉMOCRATIQUE ET SOCIAL EUROPÉEN (23) :
Contre :
23.
GROUPE DU RASSEMBLEMENT POUR LA RÉPUBLIQUE (99) :
Pour :
1. _ M. Emmanuel Hamel.
Contre :
92.
N'ont pas pris part au vote :
6. _ M. Christian Poncelet, président du
Sénat, MM. Michel Caldaguès, Charles de Cuttoli, Philippe de Gaulle, Christian
de La Malène et Paul d'Ornano.
GROUPE SOCIALISTE (77) :
Contre :
77.
GROUPE DE L'UNION CENTRISTE (51) :
Contre :
50.
N'a pas pris part au vote :
1. _ M. Jean Faure, qui présidait la
séance.
GROUPE DES RÉPUBLICAINS ET INDÉPENDANTS (46) :
Contre :
46.
Sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe (7) :
Contre :
7.
Ont voté pour
Jean-Yves Autexier
Marie-Claude Beaudeau
Emmanuel Hamel
Paul Loridant
Ont voté contre
Nicolas About
Philippe Adnot
Guy Allouche
Louis Althapé
Jean-Paul Amoudry
Pierre André
Bernard Angels
Philippe Arnaud
Jean Arthuis
Henri d'Attilio
Bertrand Auban
François Autain
Robert Badinter
Denis Badré
José Balarello
Janine Bardou
Bernard Barraux
Jacques Baudot
Jean-Michel Baylet
Michel Bécot
Jean-Pierre Bel
Jacques Bellanger
Claude Belot
Georges Berchet
Maryse Bergé-Lavigne
Jean Bernadaux
Jean Bernard
Daniel Bernardet
Roger Besse
Jean Besson
Laurent Béteille
Pierre Biarnès
Jacques Bimbenet
Jean Bizet
Paul Blanc
Maurice Blin
Annick Bocandé
André Bohl
Christian Bonnet
Marcel Bony
James Bordas
Didier Borotra
Joël Bourdin
André Boyer
Jean Boyer
Louis Boyer
Yolande Boyer
Jean-Guy Branger
Gérard Braun
Dominique Braye
Paulette Brisepierre
Louis de Broissia
Guy-Pierre Cabanel
Robert Calmejane
Claire-Lise Campion
Jean-Pierre Cantegrit
Jean-Claude Carle
Jean-Louis Carrère
Auguste Cazalet
Bernard Cazeau
Charles Ceccaldi-Raynaud
Monique Cerisier-ben Guiga
Gérard César
Gilbert Chabroux
Michel Charasse
Marcel Charmant
Jacques Chaumont
Jean Chérioux
Marcel-Pierre Cleach
Jean Clouet
Yvon Collin
Gérard Collomb
Gérard Cornu
Charles-Henri de Cossé-Brissac
Raymond Courrière
Roland Courteau
Jean-Patrick Courtois
Xavier Darcos
Philippe Darniche
Marcel Debarge
Désiré Debavelaere
Luc Dejoie
Robert Del Picchia
Jean Delaneau
Jean-Paul Delevoye
Gérard Delfau
Jacques Delong
Jean-Pierre Demerliat
Fernand Demilly
Christian Demuynck
Marcel Deneux
Gérard Deriot
Dinah Derycke
Charles Descours
Rodolphe Désiré
Marie-Madeleine Dieulangard
André Diligent
Claude Domeizel
Jacques Dominati
Jacques Donnay
Michel Doublet
Michel Dreyfus-Schmidt
Paul Dubrule
Alain Dufaut
André Dulait
Ambroise Dupont
Jean-Léonce Dupont
Hubert Durand-Chastel
Josette Durrieu
Bernard Dussaut
Daniel Eckenspieller
Jean-Paul Emin
Jean-Paul Emorine
Michel Esneu
Claude Estier
Hubert Falco
Léon Fatous
Pierre Fauchon
André Ferrand
Hilaire Flandre
Gaston Flosse
François Fortassin
Jean-Pierre Fourcade
Bernard Fournier
Alfred Foy
Serge Franchis
Philippe François
Jean François-Poncet
Yves Fréville
Yann Gaillard
René Garrec
Jean-Claude Gaudin
Patrice Gélard
Alain Gérard
François Gerbaud
Charles Ginésy
Francis Giraud
Paul Girod
Serge Godard
Daniel Goulet
Alain Gournac
Adrien Gouteyron
Francis Grignon
Louis Grillot
Georges Gruillot
Jean-Noël Guérini
Pierre Guichard
Hubert Haenel
Claude Haut
Anne Heinis
Marcel Henry
Pierre Hérisson
Rémi Herment
Roger Hesling
Alain Hethener
Daniel Hoeffel
Jean Huchon
Jean-Paul Hugot
Roland Huguet
Jean-François Humbert
Claude Huriet
Jean-Jacques Hyest
Pierre Jarlier
Charles Jolibois
Bernard Joly
André Jourdain
Alain Journet
Alain Joyandet
Roger Karoutchi
Philippe Labeyrie
Jean-Philippe Lachenaud
Pierre Laffitte
Serge Lagauche
Roger Lagorsse
Alain Lambert
Lucien Lanier
Jacques Larché
Gérard Larcher
Dominique Larifla
Patrick Lassourd
Robert Laufoaulu
Edmond Lauret
René-Georges Laurin
Henri Le Breton
Jean-François Le Grand
Louis Le Pensec
Dominique Leclerc
Jacques Legendre
André Lejeune
Guy Lemaire
Serge Lepeltier
Marcel Lesbros
Claude Lise
Jean-Louis Lorrain
Simon Loueckhote
Roland du Luart
Jacques Machet
Philippe Madrelle
Jacques Mahéas
Kléber Malécot
André Maman
Jean-Yves Mano
François Marc
Max Marest
Philippe Marini
René Marquès
Pierre Martin
Marc Massion
Paul Masson
Serge Mathieu
Pierre Mauroy
Louis Mercier
Michel Mercier
Lucette Michaux-Chevry
Gérard Miquel
Jean-Luc Miraux
Louis Moinard
René Monory
Aymeri de Montesquiou
Michel Moreigne
Georges Mouly
Bernard Murat
Philippe Nachbar
Paul Natali
Lucien Neuwirth
Philippe Nogrix
Nelly Olin
Joseph Ostermann
Georges Othily
Jacques Oudin
Jean-Marc Pastor
Lylian Payet
Michel Pelchat
Jacques Pelletier
Guy Penne
Jean Pépin
Daniel Percheron
Jacques Peyrat
Jean-Claude Peyronnet
Jean-François Picheral
Xavier Pintat
Bernard Piras
Jean-Pierre Plancade
Bernard Plasait
Jean-Marie Poirier
Guy Poirieux
Ladislas Poniatowski
André Pourny
Danièle Pourtaud
Gisèle Printz
Jean Puech
Jean-Pierre Raffarin
Henri de Raincourt
Paul Raoult
Jean-Marie Rausch
Victor Reux
Charles Revet
Henri Revol
Henri de Richemont
Philippe Richert
Roger Rinchet
Yves Rispat
Louis-Ferdinand de Rocca Serra
Josselin de Rohan
Gérard Roujas
André Rouvière
Michel Rufin
Claude Saunier
Jean-Pierre Schosteck
Bernard Seillier
Michel Sergent
René-Pierre Signé
Raymond Soucaret
Michel Souplet
Louis Souvet
Simon Sutour
Martial Taugourdeau
Michel Teston
Henri Torre
René Trégouët
Pierre-Yvon Tremel
François Trucy
Alex Türk
Maurice Ulrich
Jacques Valade
André Vallet
Alain Vasselle
Albert Vecten
André Vezinhet
Jean-Pierre Vial
Marcel Vidal
Xavier de Villepin
Serge Vinçon
Guy Vissac
Henri Weber
Abstentions
Jean-Luc Bécart
Danielle Bidard-Reydet
Nicole Borvo
Robert Bret
Guy Fischer
Thierry Foucaud
Gérard Le Cam
Pierre Lefebvre
Hélène Luc
Roland Muzeau
Jack Ralite
Ivan Renar
Odette Terrade
Paul Vergès
N'ont pas pris part au vote
MM. Michel Caldaguès, Charles de Cuttoli, Philippe de Gaulle, Christian de La
Malène et Paul d'Ornano.
N'ont pas pris part au vote
MM. Christian Poncelet, président du Sénat, et Jean Faure, qui présidait la
séance.
Les nombres annoncés en séance avaient été de :
Nombre de votants : | 314 |
Nombre des suffrages exprimés : | 300 |
Majorité absolue des suffrages exprimés : | 151 |
Pour : | 4 |
Contre : | 296 |
Mais, après vérification, ces nombres ont été rectifiés conformément à la liste ci-dessus.
SCRUTIN (n° 68)
sur l'ensemble du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, autorisant
la ratification du traité de Nice, modifiant le traité sur l'Union européenne,
les traités instituant les Communautés européennes et certains actes
connexes.
Nombre de votants : | 320 |
Nombre de suffrages exprimés : | 295 |
Pour : | 288 |
Contre : | 7 |
Le Sénat a adopté.
ANALYSE DU SCRUTIN
GROUPE COMMUNISTE RÉPUBLICAIN ET CITOYEN (17) :
Contre :
3. _ M. Jean-Yves Autexier, Mme Marie-Claude Beaudeau et M.
Paul Loridant.
Abstention :
14.
GROUPE DU RASSEMBLEMENT DÉMOCRATIQUE ET SOCIAL EUROPÉEN (23) :
Pour :
22.
Abstention :
1. _ M. Paul Girod.
GROUPE DU RASSEMBLEMENT POUR LA RÉPUBLIQUE (99) :
Pour :
91. dont M. Christian Poncelet, président du Sénat.
Contre :
4. _ MM. Charles de Cuttoli, Emmanuel Hamel, Christian de La
Malène et Paul d'Ornano.
Abstentions :
4. _ MM. Michel Caldaguès, Philippe de Gaulle, François
Gerbaud et Paul Masson.
GROUPE SOCIALISTE (77) :
Pour :
77.
GROUPE DE L'UNION CENTRISTE (51) :
Pour :
48. dont M. Jean Faure, qui présidait la séance.
Abstentions :
3. _ M. Denis Badré, Mme Annick Bocandé et M. Marcel
Henry.
GROUPE DES RÉPUBLICAINS ET INDÉPENDANTS (46) :
Pour :
43.
Abstentions :
3. _ MM. Marcel-Pierre Cleach, Louis Grillot et
Louis-Ferdinand de Rocca Serra.
Sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe (7) :
Pour :
7.
Ont voté pour
Nicolas About
Philippe Adnot
Guy Allouche
Louis Althapé
Jean-Paul Amoudry
Pierre André
Bernard Angels
Philippe Arnaud
Jean Arthuis
Henri d'Attilio
Bertrand Auban
François Autain
Robert Badinter
José Balarello
Janine Bardou
Bernard Barraux
Jacques Baudot
Jean-Michel Baylet
Michel Bécot
Jean-Pierre Bel
Jacques Bellanger
Claude Belot
Georges Berchet
Maryse Bergé-Lavigne
Jean Bernadaux
Jean Bernard
Daniel Bernardet
Roger Besse
Jean Besson
Laurent Béteille
Pierre Biarnès
Jacques Bimbenet
Jean Bizet
Paul Blanc
Maurice Blin
André Bohl
Christian Bonnet
Marcel Bony
James Bordas
Didier Borotra
Joël Bourdin
André Boyer
Jean Boyer
Louis Boyer
Yolande Boyer
Jean-Guy Branger
Gérard Braun
Dominique Braye
Paulette Brisepierre
Louis de Broissia
Guy-Pierre Cabanel
Robert Calmejane
Claire-Lise Campion
Jean-Pierre Cantegrit
Jean-Claude Carle
Jean-Louis Carrère
Auguste Cazalet
Bernard Cazeau
Charles Ceccaldi-Raynaud
Monique Cerisier-ben Guiga
Gérard César
Gilbert Chabroux
Michel Charasse
Marcel Charmant
Jacques Chaumont
Jean Chérioux
Jean Clouet
Yvon Collin
Gérard Collomb
Gérard Cornu
Charles-Henri de Cossé-Brissac
Raymond Courrière
Roland Courteau
Jean-Patrick Courtois
Xavier Darcos
Philippe Darniche
Marcel Debarge
Désiré Debavelaere
Luc Dejoie
Robert Del Picchia
Jean Delaneau
Jean-Paul Delevoye
Gérard Delfau
Jacques Delong
Jean-Pierre Demerliat
Fernand Demilly
Christian Demuynck
Marcel Deneux
Gérard Deriot
Dinah Derycke
Charles Descours
Rodolphe Désiré
Marie-Madeleine Dieulangard
André Diligent
Claude Domeizel
Jacques Dominati
Jacques Donnay
Michel Doublet
Michel Dreyfus-Schmidt
Paul Dubrule
Alain Dufaut
André Dulait
Ambroise Dupont
Jean-Léonce Dupont
Hubert Durand-Chastel
Josette Durrieu
Bernard Dussaut
Daniel Eckenspieller
Jean-Paul Emin
Jean-Paul Emorine
Michel Esneu
Claude Estier
Hubert Falco
Léon Fatous
Pierre Fauchon
André Ferrand
Hilaire Flandre
Gaston Flosse
François Fortassin
Jean-Pierre Fourcade
Bernard Fournier
Alfred Foy
Serge Franchis
Philippe François
Jean François-Poncet
Yves Fréville
Yann Gaillard
René Garrec
Jean-Claude Gaudin
Patrice Gélard
Alain Gérard
Charles Ginésy
Francis Giraud
Serge Godard
Daniel Goulet
Alain Gournac
Adrien Gouteyron
Francis Grignon
Georges Gruillot
Jean-Noël Guérini
Pierre Guichard
Hubert Haenel
Claude Haut
Anne Heinis
Pierre Hérisson
Rémi Herment
Roger Hesling
Alain Hethener
Daniel Hoeffel
Jean Huchon
Jean-Paul Hugot
Roland Huguet
Jean-François Humbert
Claude Huriet
Jean-Jacques Hyest
Pierre Jarlier
Charles Jolibois
Bernard Joly
André Jourdain
Alain Journet
Alain Joyandet
Roger Karoutchi
Philippe Labeyrie
Jean-Philippe Lachenaud
Pierre Laffitte
Serge Lagauche
Roger Lagorsse
Alain Lambert
Lucien Lanier
Jacques Larché
Gérard Larcher
Dominique Larifla
Patrick Lassourd
Robert Laufoaulu
Edmond Lauret
René-Georges Laurin
Henri Le Breton
Jean-François Le Grand
Louis Le Pensec
Dominique Leclerc
Jacques Legendre
André Lejeune
Guy Lemaire
Serge Lepeltier
Marcel Lesbros
Claude Lise
Jean-Louis Lorrain
Simon Loueckhote
Roland du Luart
Jacques Machet
Philippe Madrelle
Jacques Mahéas
Kléber Malécot
André Maman
Jean-Yves Mano
François Marc
Max Marest
Philippe Marini
René Marquès
Pierre Martin
Marc Massion
Serge Mathieu
Pierre Mauroy
Louis Mercier
Michel Mercier
Lucette Michaux-Chevry
Gérard Miquel
Jean-Luc Miraux
Louis Moinard
René Monory
Aymeri de Montesquiou
Michel Moreigne
Georges Mouly
Bernard Murat
Philippe Nachbar
Paul Natali
Lucien Neuwirth
Philippe Nogrix
Nelly Olin
Joseph Ostermann
Georges Othily
Jacques Oudin
Jean-Marc Pastor
Lylian Payet
Michel Pelchat
Jacques Pelletier
Guy Penne
Jean Pépin
Daniel Percheron
Jacques Peyrat
Jean-Claude Peyronnet
Jean-François Picheral
Xavier Pintat
Bernard Piras
Jean-Pierre Plancade
Bernard Plasait
Jean-Marie Poirier
Guy Poirieux
Ladislas Poniatowski
André Pourny
Danièle Pourtaud
Gisèle Printz
Jean Puech
Jean-Pierre Raffarin
Henri de Raincourt
Paul Raoult
Jean-Marie Rausch
Victor Reux
Charles Revet
Henri Revol
Henri de Richemont
Philippe Richert
Roger Rinchet
Yves Rispat
Josselin de Rohan
Gérard Roujas
André Rouvière
Michel Rufin
Claude Saunier
Jean-Pierre Schosteck
Bernard Seillier
Michel Sergent
René-Pierre Signé
Raymond Soucaret
Michel Souplet
Louis Souvet
Simon Sutour
Martial Taugourdeau
Michel Teston
Henri Torre
René Trégouët
Pierre-Yvon Tremel
François Trucy
Alex Türk
Maurice Ulrich
Jacques Valade
André Vallet
Alain Vasselle
Albert Vecten
André Vezinhet
Jean-Pierre Vial
Marcel Vidal
Xavier de Villepin
Serge Vinçon
Guy Vissac
Henri Weber
MM. Christian
Poncelet, président
du Sénat, et Jean
Faure, qui présidait
la séance.
Ont voté contre
Jean-Yves Autexier
Marie-Claude Beaudeau
Charles de Cuttoli
Emmanuel Hamel
Christian de La Malène
Paul Loridant
Paul d'Ornano
Abstentions
Denis Badré
Jean-Luc Bécart
Danielle Bidard-Reydet
Annick Bocandé
Nicole Borvo
Robert Bret
Michel Caldaguès
Marcel-Pierre Cleach
Guy Fischer
Thierry Foucaud
Philippe de Gaulle
François Gerbaud
Paul Girod
Louis Grillot
Marcel Henry
Gérard Le Cam
Pierre Lefebvre
Hélène Luc
Paul Masson
Roland Muzeau
Jack Ralite
Ivan Renar
Louis-Ferdinand de Rocca Serra
Odette Terrade
Paul Vergès
Les nombres annoncés en séance avaient été de :
Nombre de votants : | 320 |
Nombre des suffrages exprimés : | 296 |
Majorité absolue des suffrages exprimés : | 149 |
Pour : | 288 |
Contre : | 8 |
Mais, après vérification, ces nombres ont été rectifiés conformément à la liste
ci-dessus.
SCRUTIN (n° 69)
sur l'ensemble de la proposition de loi organique, adoptée avec modifications
par l'Assemblée nationale en deuxième lecture, relative aux lois de
finances.
Nombre de votants : | 310 |
Nombre de suffrages exprimés : | 310 |
Pour : | 293 |
Contre : | 17 |
Le Sénat a adopté.
ANALYSE DU SCRUTIN
GROUPE COMMUNISTE RÉPUBLICAIN ET CITOYEN (17) :
Contre :
17.
GROUPE DU RASSEMBLEMENT DÉMOCRATIQUE ET SOCIAL EUROPÉEN (23) :
Pour :
23.
GROUPE DU RASSEMBLEMENT POUR LA RÉPUBLIQUE (99) :
Pour :
97.
N'ont pas pris part au vote :
2. _ M. Christian Poncelet, président du
Sénat et Jacques Chaumont.
GROUPE SOCIALISTE (77) :
Pour :
77.
GROUPE DE L'UNION CENTRISTE (51) :
Pour :
50.
N'a pas pris part au vote :
1. _ M. Jean Faure, qui présidait la
séance.
GROUPE DES RÉPUBLICAINS ET INDÉPENDANTS (46) :
Pour :
46.
Sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe (7) :
N'ont pas pris part au vote :
7.
Ont voté pour
Nicolas About
Guy Allouche
Louis Althapé
Jean-Paul Amoudry
Pierre André
Bernard Angels
Philippe Arnaud
Jean Arthuis
Henri d'Attilio
Bertrand Auban
François Autain
Robert Badinter
Denis Badré
José Balarello
Janine Bardou
Bernard Barraux
Jacques Baudot
Jean-Michel Baylet
Michel Bécot
Jean-Pierre Bel
Jacques Bellanger
Claude Belot
Georges Berchet
Maryse Bergé-Lavigne
Jean Bernadaux
Jean Bernard
Daniel Bernardet
Roger Besse
Jean Besson
Laurent Béteille
Pierre Biarnès
Jacques Bimbenet
Jean Bizet
Paul Blanc
Maurice Blin
Annick Bocandé
André Bohl
Christian Bonnet
Marcel Bony
James Bordas
Didier Borotra
Joël Bourdin
André Boyer
Jean Boyer
Louis Boyer
Yolande Boyer
Jean-Guy Branger
Gérard Braun
Dominique Braye
Paulette Brisepierre
Louis de Broissia
Guy-Pierre Cabanel
Michel Caldaguès
Robert Calmejane
Claire-Lise Campion
Jean-Pierre Cantegrit
Jean-Claude Carle
Jean-Louis Carrère
Auguste Cazalet
Bernard Cazeau
Charles Ceccaldi-Raynaud
Monique Cerisier-ben Guiga
Gérard César
Gilbert Chabroux
Michel Charasse
Marcel Charmant
Jean Chérioux
Marcel-Pierre Cleach
Jean Clouet
Yvon Collin
Gérard Collomb
Gérard Cornu
Charles-Henri de Cossé-Brissac
Raymond Courrière
Roland Courteau
Jean-Patrick Courtois
Charles de Cuttoli
Xavier Darcos
Marcel Debarge
Désiré Debavelaere
Luc Dejoie
Robert Del Picchia
Jean Delaneau
Jean-Paul Delevoye
Gérard Delfau
Jacques Delong
Jean-Pierre Demerliat
Fernand Demilly
Christian Demuynck
Marcel Deneux
Gérard Deriot
Dinah Derycke
Charles Descours
Rodolphe Désiré
Marie-Madeleine Dieulangard
André Diligent
Claude Domeizel
Jacques Dominati
Michel Doublet
Michel Dreyfus-Schmidt
Paul Dubrule
Alain Dufaut
André Dulait
Ambroise Dupont
Jean-Léonce Dupont
Josette Durrieu
Bernard Dussaut
Daniel Eckenspieller
Jean-Paul Emin
Jean-Paul Emorine
Michel Esneu
Claude Estier
Hubert Falco
Léon Fatous
Pierre Fauchon
André Ferrand
Hilaire Flandre
Gaston Flosse
François Fortassin
Jean-Pierre Fourcade
Bernard Fournier
Serge Franchis
Philippe François
Jean François-Poncet
Yves Fréville
Yann Gaillard
René Garrec
Jean-Claude Gaudin
Philippe de Gaulle
Patrice Gélard
Alain Gérard
François Gerbaud
Charles Ginésy
Francis Giraud
Paul Girod
Serge Godard
Daniel Goulet
Alain Gournac
Adrien Gouteyron
Francis Grignon
Louis Grillot
Georges Gruillot
Jean-Noël Guérini
Pierre Guichard
Hubert Haenel
Emmanuel Hamel
Claude Haut
Anne Heinis
Marcel Henry
Pierre Hérisson
Rémi Herment
Roger Hesling
Alain Hethener
Daniel Hoeffel
Jean Huchon
Jean-Paul Hugot
Roland Huguet
Jean-François Humbert
Claude Huriet
Jean-Jacques Hyest
Pierre Jarlier
Charles Jolibois
Bernard Joly
André Jourdain
Alain Journet
Alain Joyandet
Roger Karoutchi
Christian de La Malène
Philippe Labeyrie
Jean-Philippe Lachenaud
Pierre Laffitte
Serge Lagauche
Roger Lagorsse
Alain Lambert
Lucien Lanier
Jacques Larché
Gérard Larcher
Dominique Larifla
Patrick Lassourd
Robert Laufoaulu
Edmond Lauret
René-Georges Laurin
Henri Le Breton
Jean-François Le Grand
Louis Le Pensec
Dominique Leclerc
Jacques Legendre
André Lejeune
Guy Lemaire
Serge Lepeltier
Marcel Lesbros
Claude Lise
Jean-Louis Lorrain
Simon Loueckhote
Roland du Luart
Jacques Machet
Philippe Madrelle
Jacques Mahéas
Kléber Malécot
André Maman
Jean-Yves Mano
François Marc
Max Marest
Philippe Marini
René Marquès
Pierre Martin
Marc Massion
Paul Masson
Serge Mathieu
Pierre Mauroy
Louis Mercier
Michel Mercier
Lucette Michaux-Chevry
Gérard Miquel
Jean-Luc Miraux
Louis Moinard
René Monory
Aymeri de Montesquiou
Michel Moreigne
Georges Mouly
Bernard Murat
Philippe Nachbar
Paul Natali
Lucien Neuwirth
Philippe Nogrix
Nelly Olin
Paul d'Ornano
Joseph Ostermann
Georges Othily
Jacques Oudin
Jean-Marc Pastor
Lylian Payet
Michel Pelchat
Jacques Pelletier
Guy Penne
Jean Pépin
Daniel Percheron
Jacques Peyrat
Jean-Claude Peyronnet
Jean-François Picheral
Xavier Pintat
Bernard Piras
Jean-Pierre Plancade
Bernard Plasait
Jean-Marie Poirier
Guy Poirieux
Ladislas Poniatowski
André Pourny
Danièle Pourtaud
Gisèle Printz
Jean Puech
Jean-Pierre Raffarin
Henri de Raincourt
Paul Raoult
Jean-Marie Rausch
Victor Reux
Charles Revet
Henri Revol
Henri de Richemont
Philippe Richert
Roger Rinchet
Yves Rispat
Louis-Ferdinand de Rocca Serra
Josselin de Rohan
Gérard Roujas
André Rouvière
Michel Rufin
Claude Saunier
Jean-Pierre Schosteck
Michel Sergent
René-Pierre Signé
Raymond Soucaret
Michel Souplet
Louis Souvet
Simon Sutour
Martial Taugourdeau
Michel Teston
Henri Torre
René Trégouët
Pierre-Yvon Tremel
François Trucy
Maurice Ulrich
Jacques Valade
André Vallet
Alain Vasselle
Albert Vecten
André Vezinhet
Jean-Pierre Vial
Marcel Vidal
Xavier de Villepin
Serge Vinçon
Guy Vissac
Henri Weber
Ont voté contre
Jean-Yves Autexier
Marie-Claude Beaudeau
Jean-Luc Bécart
Danielle Bidard-Reydet
Nicole Borvo
Robert Bret
Guy Fischer
Thierry Foucaud
Gérard Le Cam
Pierre Lefebvre
Paul Loridant
Hélène Luc
Roland Muzeau
Jack Ralite
Ivan Renar
Odette Terrade
Paul Vergès
N'ont pas pris part au vote
MM. Philippe Adnot, Jacques Chaumont, Philippe Darniche, Jacques Donnay,
Hubert Durand-Chastel, Alfred Foy, Bernard Seillier et Alex Türk.
N'ont pas pris part au vote
MM. Christian Poncelet, président du Sénat, et Jean Faure, qui présidait la
séance.
Les nombres annoncés en séance avaient été de :
Nombre de votants : | 319 |
Nombre des suffrages exprimés : | 319 |
Majorité absolue des suffrages exprimés : | 160 |
Pour : | 292 |
Contre : | 17 |
Mais, après vérification, ces nombres ont été rectifiés conformément à la liste ci-dessus.
SCRUTIN (n° 70)
sur la motion n°1, présentée par M. Philippe Marini au nom de la commission des
finances, tendant à opposer la question préalable au projet de loi, adopté avec
modifications par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture, portant règlement
définitif du budget de 1998.
Nombre de votants : | 312 |
Nombre de suffrages exprimés : | 311 |
Pour : | 212 |
Contre : | 99 |
Le Sénat a adopté.
ANALYSE DU SCRUTIN
GROUPE COMMUNISTE RÉPUBLICAIN ET CITOYEN (17) :
Contre :
17.
GROUPE DU RASSEMBLEMENT DÉMOCRATIQUE ET SOCIAL EUROPÉEN (23) :
Pour :
17.
Contre :
5. _ MM. Jean-Michel Baylet, André Boyer, Yvon Collin, Gérard
Delfau et François Fortassin.
Abstention :
1. _ M. Jacques Pelletier.
GROUPE DU RASSEMBLEMENT POUR LA RÉPUBLIQUE (99) :
Pour :
98, dont M. Gérard Larcher, qui présidait la séance.
N'a pas pris part au vote :
1. _ M. Christian Poncelet, président du
Sénat.
GROUPE SOCIALISTE (77) :
Contre :
77.
GROUPE DE L'UNION CENTRISTE (51) :
Pour :
51.
GROUPE DES RÉPUBLICAINS ET INDÉPENDANTS (46) :
Pour :
46.
Sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe (7) :
N'ont pas pris part au vote :
7.
Ont voté pour
Nicolas About
Louis Althapé
Jean-Paul Amoudry
Pierre André
Philippe Arnaud
Jean Arthuis
Denis Badré
José Balarello
Janine Bardou
Bernard Barraux
Jacques Baudot
Michel Bécot
Claude Belot
Georges Berchet
Jean Bernadaux
Jean Bernard
Daniel Bernardet
Roger Besse
Laurent Béteille
Jacques Bimbenet
Jean Bizet
Paul Blanc
Maurice Blin
Annick Bocandé
André Bohl
Christian Bonnet
James Bordas
Didier Borotra
Joël Bourdin
Jean Boyer
Louis Boyer
Jean-Guy Branger
Gérard Braun
Dominique Braye
Paulette Brisepierre
Louis de Broissia
Guy-Pierre Cabanel
Michel Caldaguès
Robert Calmejane
Jean-Pierre Cantegrit
Jean-Claude Carle
Auguste Cazalet
Charles Ceccaldi-Raynaud
Gérard César
Jacques Chaumont
Jean Chérioux
Marcel-Pierre Cleach
Jean Clouet
Gérard Cornu
Charles-Henri de Cossé-Brissac
Jean-Patrick Courtois
Charles de Cuttoli
Xavier Darcos
Désiré Debavelaere
Luc Dejoie
Robert Del Picchia
Jean Delaneau
Jean-Paul Delevoye
Jacques Delong
Fernand Demilly
Christian Demuynck
Marcel Deneux
Gérard Deriot
Charles Descours
André Diligent
Jacques Dominati
Michel Doublet
Paul Dubrule
Alain Dufaut
André Dulait
Ambroise Dupont
Jean-Léonce Dupont
Daniel Eckenspieller
Jean-Paul Emin
Jean-Paul Emorine
Michel Esneu
Hubert Falco
Pierre Fauchon
Jean Faure
André Ferrand
Hilaire Flandre
Gaston Flosse
Jean-Pierre Fourcade
Bernard Fournier
Serge Franchis
Philippe François
Jean François-Poncet
Yves Fréville
Yann Gaillard
René Garrec
Jean-Claude Gaudin
Philippe de Gaulle
Patrice Gélard
Alain Gérard
François Gerbaud
Charles Ginésy
Francis Giraud
Paul Girod
Daniel Goulet
Alain Gournac
Adrien Gouteyron
Francis Grignon
Louis Grillot
Georges Gruillot
Pierre Guichard
Hubert Haenel
Emmanuel Hamel
Anne Heinis
Marcel Henry
Pierre Hérisson
Rémi Herment
Alain Hethener
Daniel Hoeffel
Jean Huchon
Jean-Paul Hugot
Jean-François Humbert
Claude Huriet
Jean-Jacques Hyest
Pierre Jarlier
Charles Jolibois
Bernard Joly
André Jourdain
Alain Joyandet
Roger Karoutchi
Christian de La Malène
Jean-Philippe Lachenaud
Pierre Laffitte
Alain Lambert
Lucien Lanier
Jacques Larché
Patrick Lassourd
Robert Laufoaulu
Edmond Lauret
René-Georges Laurin
Henri Le Breton
Jean-François Le Grand
Dominique Leclerc
Jacques Legendre
Guy Lemaire
Serge Lepeltier
Marcel Lesbros
Jean-Louis Lorrain
Simon Loueckhote
Roland du Luart
Jacques Machet
Kléber Malécot
André Maman
Max Marest
Philippe Marini
René Marquès
Pierre Martin
Paul Masson
Serge Mathieu
Louis Mercier
Michel Mercier
Lucette Michaux-Chevry
Jean-Luc Miraux
Louis Moinard
René Monory
Aymeri de Montesquiou
Georges Mouly
Bernard Murat
Philippe Nachbar
Paul Natali
Lucien Neuwirth
Philippe Nogrix
Nelly Olin
Paul d'Ornano
Joseph Ostermann
Georges Othily
Jacques Oudin
Lylian Payet
Michel Pelchat
Jean Pépin
Jacques Peyrat
Xavier Pintat
Bernard Plasait
Jean-Marie Poirier
Guy Poirieux
Ladislas Poniatowski
André Pourny
Jean Puech
Jean-Pierre Raffarin
Henri de Raincourt
Jean-Marie Rausch
Victor Reux
Charles Revet
Henri Revol
Henri de Richemont
Philippe Richert
Yves Rispat
Louis-Ferdinand de Rocca Serra
Josselin de Rohan
Michel Rufin
Jean-Pierre Schosteck
Raymond Soucaret
Michel Souplet
Louis Souvet
Martial Taugourdeau
Henri Torre
René Trégouët
François Trucy
Maurice Ulrich
Jacques Valade
André Vallet
Alain Vasselle
Albert Vecten
Jean-Pierre Vial
Xavier de Villepin
Serge Vinçon
Guy Vissac
Gérard Larcher, qui présidait la séance.
Ont voté contre
Guy Allouche
Bernard Angels
Henri d'Attilio
Bertrand Auban
François Autain
Jean-Yves Autexier
Robert Badinter
Jean-Michel Baylet
Marie-Claude Beaudeau
Jean-Luc Bécart
Jean-Pierre Bel
Jacques Bellanger
Maryse Bergé-Lavigne
Jean Besson
Pierre Biarnès
Danielle Bidard-Reydet
Marcel Bony
Nicole Borvo
André Boyer
Yolande Boyer
Robert Bret
Claire-Lise Campion
Jean-Louis Carrère
Bernard Cazeau
Monique Cerisier-ben Guiga
Gilbert Chabroux
Michel Charasse
Marcel Charmant
Yvon Collin
Gérard Collomb
Raymond Courrière
Roland Courteau
Marcel Debarge
Gérard Delfau
Jean-Pierre Demerliat
Dinah Derycke
Rodolphe Désiré
Marie-Madeleine Dieulangard
Claude Domeizel
Michel Dreyfus-Schmidt
Josette Durrieu
Bernard Dussaut
Claude Estier
Léon Fatous
Guy Fischer
François Fortassin
Thierry Foucaud
Serge Godard
Jean-Noël Guérini
Claude Haut
Roger Hesling
Roland Huguet
Alain Journet
Philippe Labeyrie
Serge Lagauche
Roger Lagorsse
Dominique Larifla
Gérard Le Cam
Louis Le Pensec
Pierre Lefebvre
André Lejeune
Claude Lise
Paul Loridant
Hélène Luc
Philippe Madrelle
Jacques Mahéas
Jean-Yves Mano
François Marc
Marc Massion
Pierre Mauroy
Gérard Miquel
Michel Moreigne
Roland Muzeau
Jean-Marc Pastor
Guy Penne
Daniel Percheron
Jean-Claude Peyronnet
Jean-François Picheral
Bernard Piras
Jean-Pierre Plancade
Danièle Pourtaud
Gisèle Printz
Jack Ralite
Paul Raoult
Ivan Renar
Roger Rinchet
Gérard Roujas
André Rouvière
Claude Saunier
Michel Sergent
René-Pierre Signé
Simon Sutour
Odette Terrade
Michel Teston
Pierre-Yvon Tremel
Paul Vergès
André Vezinhet
Marcel Vidal
Henri Weber
Abstention
M. Jacques Pelletier.
N'ont pas pris part au vote
MM. Philippe Adnot, Philippe Darniche, Jacques Donnay, Hubert Durand-Chastel,
Alfred Foy, Bernard Seillier, Alex Türk et Christian Poncelet, président du
Sénat.
Les nombres annoncés en séance avaient été de :
Nombre de votants : | 289 |
Nombre des suffrages exprimés : | 289 |
Majorité absolue des suffrages exprimés : | 145 |
Pour : | 195 |
Contre : | 94 |
Mais, après vérification, ces nombres ont été rectifiés conformément à la liste ci-dessus.
SCRUTIN (n° 71)
sur l'ensemble du projet de loi, adopté avec modifications par l'Assemblée
nationale en deuxième lecture, portant règlement définitif du budget de 1999.
Nombre de votants : | 312 |
Nombre de suffrages exprimés : | 312 |
Pour : | 312 |
Contre : | 0 |
Le Sénat a adopté.
ANALYSE DU SCRUTIN
GROUPE COMMUNISTE RÉPUBLICAIN ET CITOYEN (17) :
Pour :
17.
GROUPE DU RASSEMBLEMENT DÉMOCRATIQUE ET SOCIAL EUROPÉEN (23) :
Pour :
23.
GROUPE DU RASSEMBLEMENT POUR LA RÉPUBLIQUE (99) :
Pour :
98, dont M. Gérard Larcher, qui présidait la séance.
N'a pas pris part au vote :
1. _ M. Christian Poncelet, président du
Sénat.
GROUPE SOCIALISTE (77) :
Pour :
77.
GROUPE DE L'UNION CENTRISTE (51) :
Pour :
51.
GROUPE DES RÉPUBLICAINS ET INDÉPENDANTS (46) :
Pour :
46.
Sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe (7) :
N'ont pas pris part au vote :
7.
Ont voté pour
Nicolas About
Guy Allouche
Louis Althapé
Jean-Paul Amoudry
Pierre André
Bernard Angels
Philippe Arnaud
Jean Arthuis
Henri d'Attilio
Bertrand Auban
François Autain
Jean-Yves Autexier
Robert Badinter
Denis Badré
José Balarello
Janine Bardou
Bernard Barraux
Jacques Baudot
Jean-Michel Baylet
Marie-Claude Beaudeau
Jean-Luc Bécart
Michel Bécot
Jean-Pierre Bel
Jacques Bellanger
Claude Belot
Georges Berchet
Maryse Bergé-Lavigne
Jean Bernadaux
Jean Bernard
Daniel Bernardet
Roger Besse
Jean Besson
Laurent Béteille
Pierre Biarnès
Danielle Bidard-Reydet
Jacques Bimbenet
Jean Bizet
Paul Blanc
Maurice Blin
Annick Bocandé
André Bohl
Christian Bonnet
Marcel Bony
James Bordas
Didier Borotra
Nicole Borvo
Joël Bourdin
André Boyer
Jean Boyer
Louis Boyer
Yolande Boyer
Jean-Guy Branger
Gérard Braun
Dominique Braye
Robert Bret
Paulette Brisepierre
Louis de Broissia
Guy-Pierre Cabanel
Michel Caldaguès
Robert Calmejane
Claire-Lise Campion
Jean-Pierre Cantegrit
Jean-Claude Carle
Jean-Louis Carrère
Auguste Cazalet
Bernard Cazeau
Charles Ceccaldi-Raynaud
Monique Cerisier-ben Guiga
Gérard César
Gilbert Chabroux
Michel Charasse
Marcel Charmant
Jacques Chaumont
Jean Chérioux
Marcel-Pierre Cleach
Jean Clouet
Yvon Collin
Gérard Collomb
Gérard Cornu
Charles-Henri de Cossé-Brissac
Raymond Courrière
Roland Courteau
Jean-Patrick Courtois
Charles de Cuttoli
Xavier Darcos
Marcel Debarge
Désiré Debavelaere
Luc Dejoie
Robert Del Picchia
Jean Delaneau
Jean-Paul Delevoye
Gérard Delfau
Jacques Delong
Jean-Pierre Demerliat
Fernand Demilly
Christian Demuynck
Marcel Deneux
Gérard Deriot
Dinah Derycke
Charles Descours
Rodolphe Désiré
Marie-Madeleine Dieulangard
André Diligent
Claude Domeizel
Jacques Dominati
Michel Doublet
Michel Dreyfus-Schmidt
Paul Dubrule
Alain Dufaut
André Dulait
Ambroise Dupont
Jean-Léonce Dupont
Josette Durrieu
Bernard Dussaut
Daniel Eckenspieller
Jean-Paul Emin
Jean-Paul Emorine
Michel Esneu
Claude Estier
Hubert Falco
Léon Fatous
Pierre Fauchon
Jean Faure
André Ferrand
Guy Fischer
Hilaire Flandre
Gaston Flosse
François Fortassin
Thierry Foucaud
Jean-Pierre Fourcade
Bernard Fournier
Serge Franchis
Philippe François
Jean François-Poncet
Yves Fréville
Yann Gaillard
René Garrec
Jean-Claude Gaudin
Philippe de Gaulle
Patrice Gélard
Alain Gérard
François Gerbaud
Charles Ginésy
Francis Giraud
Paul Girod
Serge Godard
Daniel Goulet
Alain Gournac
Adrien Gouteyron
Francis Grignon
Louis Grillot
Georges Gruillot
Jean-Noël Guérini
Pierre Guichard
Hubert Haenel
Emmanuel Hamel
Claude Haut
Anne Heinis
Marcel Henry
Pierre Hérisson
Rémi Herment
Roger Hesling
Alain Hethener
Daniel Hoeffel
Jean Huchon
Jean-Paul Hugot
Roland Huguet
Jean-François Humbert
Claude Huriet
Jean-Jacques Hyest
Pierre Jarlier
Charles Jolibois
Bernard Joly
André Jourdain
Alain Journet
Alain Joyandet
Roger Karoutchi
Christian de La Malène
Philippe Labeyrie
Jean-Philippe Lachenaud
Pierre Laffitte
Serge Lagauche
Roger Lagorsse
Alain Lambert
Lucien Lanier
Jacques Larché
Dominique Larifla
Patrick Lassourd
Robert Laufoaulu
Edmond Lauret
René-Georges Laurin
Henri Le Breton
Gérard Le Cam
Jean-François Le Grand
Louis Le Pensec
Dominique Leclerc
Pierre Lefebvre
Jacques Legendre
André Lejeune
Guy Lemaire
Serge Lepeltier
Marcel Lesbros
Claude Lise
Paul Loridant
Jean-Louis Lorrain
Simon Loueckhote
Roland du Luart
Hélène Luc
Jacques Machet
Philippe Madrelle
Jacques Mahéas
Kléber Malécot
André Maman
Jean-Yves Mano
François Marc
Max Marest
Philippe Marini
René Marquès
Pierre Martin
Marc Massion
Paul Masson
Serge Mathieu
Pierre Mauroy
Louis Mercier
Michel Mercier
Lucette Michaux-Chevry
Gérard Miquel
Jean-Luc Miraux
Louis Moinard
René Monory
Aymeri de Montesquiou
Michel Moreigne
Georges Mouly
Bernard Murat
Roland Muzeau
Philippe Nachbar
Paul Natali
Lucien Neuwirth
Philippe Nogrix
Nelly Olin
Paul d'Ornano
Joseph Ostermann
Georges Othily
Jacques Oudin
Jean-Marc Pastor
Lylian Payet
Michel Pelchat
Jacques Pelletier
Guy Penne
Jean Pépin
Daniel Percheron
Jacques Peyrat
Jean-Claude Peyronnet
Jean-François Picheral
Xavier Pintat
Bernard Piras
Jean-Pierre Plancade
Bernard Plasait
Jean-Marie Poirier
Guy Poirieux
Ladislas Poniatowski
André Pourny
Danièle Pourtaud
Gisèle Printz
Jean Puech
Jean-Pierre Raffarin
Henri de Raincourt
Jack Ralite
Paul Raoult
Jean-Marie Rausch
Ivan Renar
Victor Reux
Charles Revet
Henri Revol
Henri de Richemont
Philippe Richert
Roger Rinchet
Yves Rispat
Louis-Ferdinand de Rocca Serra
Josselin de Rohan
Gérard Roujas
André Rouvière
Michel Rufin
Claude Saunier
Jean-Pierre Schosteck
Michel Sergent
René-Pierre Signé
Raymond Soucaret
Michel Souplet
Louis Souvet
Simon Sutour
Martial Taugourdeau
Odette Terrade
Michel Teston
Henri Torre
René Trégouët
Pierre-Yvon Tremel
François Trucy
Maurice Ulrich
Jacques Valade
André Vallet
Alain Vasselle
Albert Vecten
Paul Vergès
André Vezinhet
Jean-Pierre Vial
Marcel Vidal
Xavier de Villepin
Serge Vinçon
Guy Vissac
Henri Weber
Gérard Larcher, qui présidait la séance.
N'ont pas pris part au vote
MM. Philippe Adnot, Philippe Darniche, Jacques Donnay, Hubert Durand-Chastel,
Alfred Foy, Bernard Seillier, Alex Türk et Christian Poncelet, président du
Sénat.
Les nombres annoncés en séance ont été reconnus, après vérification, conformes
à la liste de scrutin ci-dessus.