SEANCE DU 6 NOVEMBRE 2001
M. le président.
La parole est à M. Hérisson, auteur de la question n° 1151, transmise à Mme le
garde des sceaux, ministre de la justice.
M. Pierre Hérisson.
Monsieur le secrétaire d'Etat, je souhaite appeler l'attention de M. le
ministre de l'intérieur sur les problèmes d'insécurité rencontrés dans les
lieux publics, notamment dans les transports urbains de voyageurs.
Comme chacun le sait, la sécurité est devenue l'une des priorités politiques
de notre pays et nous devons - membres du Gouvernement, parlementaires et élus
locaux - tout mettre en oeuvre pour l'assurer.
Cette volonté doit se traduire par des mesures concrètes en matière de police
de proximité, en mobilisant des moyens humains, matériels et judiciaires et en
faisant appel aux nouvelles technologies.
Les transports publics urbains sont trop souvent le lieu d'actes de
délinquance, d'incivilité, de destructions, de vols et d'agressions physiques.
Pour pallier ce phénomène, de plus en plus de compagnies de transport public de
voyageurs sollicitent des autorisations et des financements, qui émanent
souvent des collectivités locales, pour organiser une plus grande sécurité sur
leurs réseaux urbains.
Dans les bus, l'usage des caméras et la présence d'agents d'ambiance
constituent un outil de prévention de la délinquance. Mais qu'en est-il des
suites judiciaires, concrètes et efficaces ?
Force est de constater que, d'une région à l'autre, les appréciations des
acteurs de la répression judiciaire sur l'usage des caméras varient. Certains
officiers de police judiciaire, même s'ils reconnaissent que les caméras
apportent une aide précieuse dans la recherche et l'identification de coupables
de faits délictueux, répondent aux victimes des agressions que le support vidéo
ne peut leur servir pour justifier une interpellation, quand bien même les
faits seraient hautement probants.
Les compagnies de transport, les collectivités locales, la population et
a
fortiori
les victimes ne comprennent pas cette situation. Surtout, elles se
demandent pourquoi on ne peut pas utiliser ce moyen.
Je demande donc au Gouvernement de bien vouloir m'apporter toutes précisions
quant aux conséquences judiciaires exactes de l'utilisation des caméras de
surveillance dans les transports publics, ainsi que sur la valeur juridique
précise de cet outil de prévention pour la recherche et l'arrestation des
coupables, jurisprudence comprise.
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Michel Duffour,
secrétaire d'Etat au patrimoine et à la décentralisation culturelle.
Monsieur le sénateur, je vous prie d'accepter les excuses de Mme la garde des
sceaux, qui ne pouvait être présente ce matin et qui m'a donc chargé de vous
faire part de sa réponse.
Vous appelez l'attention du Gouvernement sur l'utilisation qui peut être
faite, au niveau judiciaire, des enregistrements vidéo obtenus par les caméras
de surveillance, notamment celles qui sont implantées dans les véhicules de
transport publics.
Les conditions d'utilisation de la vidéosurveillance ont été réglementées par
la loi d'orientation et de programmation relative à la sécurité du 21 janvier
1995.
Cette loi prévoit que l'installation de systèmes de vidéosurveillance peut
être mise en oeuvre aux fins d'assurer la protection des bâtiments et
installations publics et de leurs abords, la sauvegarde des installations
utiles à la défense nationale, la régulation du trafic routier, la constatation
des infractions aux règles de la circulation ou la prévention des atteintes à
la sécurité des personnes et des biens dans des lieux particulièrement exposés
à des risques d'agression ou de vol. Sur ce dernier point, les moyens de
transports publics peuvent être valablement équipés.
Le public doit être informé de manière claire et permanente de l'existence du
système de vidéosurveillance et de l'autorité ou de la personne responsable.
L'installation d'un tel système est subordonnée à une autorisation du
représentant de l'Etat dans le département et du préfet de police à Paris,
donnée, sauf en matière de défense nationale, après avis d'une commission
départementale présidée par un magistrat du siège ou un magistrat honoraire.
L'autorisation préfectorale prescrit toutes les précautions utiles, en
particulier quant à la qualité des personnes chargées de l'exploitation du
système de vidéosurveillance ou visionnant les images.
Les enregistrements sont détruits dans un délai maximal fixé par
l'autorisation, sauf appréhension dans le cadre d'une enquête judiciaire.
Ainsi, la loi précitée a pris en compte l'utilisation des enregistrements
vidéo dans une enquête de police judiciaire. Ces éléments matériels sont
effectivement de nature à constituer un élément de preuve dans des enquêtes
conduites sous l'autorité des parquets, visant, par exemple, des violences ou
des vols commis dans un transport public de voyageurs.
Le droit pénal ne hiérarchise pas la valeur des modes de preuve. La valeur
juridique d'un enregistrement effectué dans ces conditions et sa valeur
probante sont les mêmes que celles de tous les autres modes de preuves.
Au même titre qu'un témoignage ou un examen technique, la vidéo peut être le
support d'une enquête judiciaire qui s'attachera à conforter, par d'autres
éléments, les constatations de l'enregistrement réalisé.
Vous n'ignorez pas l'importance que Mme Lebranchu attache à ce que l'action
publique menée par les parquets vise à réprimer les formes actuelles de
violences urbaines. A cet égard, plusieurs circulaires ont rappelé aux
magistrats du parquet les moyens à mettre en oeuvre pour lutter contre ces
phénomènes, notamment celles du 23 décembre 1998, relative aux gestions des
crises urbaines, et du 15 décembre 1999, concernant les réponses judiciaires
aux actes de violences urbaines.
En particulier, la dernière circulaire précitée insistait sur l'intérêt
d'utiliser les moyens modernes d'enquête, notamment les clichés photographiques
et la vidéo.
M. Pierre Hérisson.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Hérisson.
M. Pierre Hérisson.
Monsieur le secrétaire d'Etat, je vous remercie des précisions que vous avez
apportées concernant, en particulier, les circulaires publiées, mais vous
connaissez le système : nous votons la loi et, ensuite, viennent les décrets,
qui, comme leur nom l'indique, sont d'application, puis les circulaires.
Je ne sais pas si celles du 15 décembre 1999, que vous avez citée, peut faire
l'objet de lectures différentes de la part des élus locaux, en particulier des
maires, officiers de police judiciaire, sur le territoire de leur commune, mais
tel est, en tout cas, le sentiment qu'éprouvent ceux d'une juridiction du nord
du département dont notre collègue Jean-Claude Carle et moi sommes élus, la
Haute-Savoie.
Ou la circulaire n'est pas arrivée jusqu'à eux, ce qui est possible, ou elle
peut être interprétée d'une façon qui ne leur permet pas d'utiliser, avec
l'efficacité que vous avez bien voulu vous-même souligner, les nouvelles
technologies, plus particulièrement les moyens vidéos - c'est-à-dire l'image en
général, qu'elle soit sous la forme de photographies ou de films - permettant
de reconnaître et, surtout, de confondre un suspect à tout moment, dans une
enquête judiciaire, dès lors que toutes les précautions ont été prises
s'agissant de l'autorité chargée d'assurer l'exploitation des réseaux et de la
fiabilité de la conservation de l'image, et dès lors que l'installation de tels
systèmes est bien subordonnée à une autorisation, comme vous l'avez précisé.
Aujourd'hui, nous sommes à nouveau confrontés à des difficultés
malheureusement trop connues dans notre pays, liées à l'interprétation des
circulaires et à la lenteur de leur application. Cela est préjudiciable à
l'image de la police, de la gendarmerie et de la justice en matière
d'efficacité dans le domaine de la sécurité, mais, surtout, cela conduit à
l'inefficacité dans le domaine des sanctions !
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