SEANCE DU 13 NOVEMBRE 2001
FINANCEMENT DE LA SÉCURITÉ SOCIALE
POUR 2002
Discussion d'un projet de loi
M. le président.
L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi de financement de la
sécurité sociale pour 2002, adopté par l'Assemblée nationale (n° 53,
2001-2002). [Rapport n° 60 (2001-2002) et avis n° 61 (2001-2002).]
Dans la discussion générale, la parole est à Mme le ministre.
(Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe
communiste républicain et citoyen.)
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Monsieur le président,
messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, la sécurité
sociale, on le sait, est au coeur de la vie quotidienne de nos concitoyens
parce qu'elle commande largement la confiance, la justice et la solidarité dans
notre société. Elle est d'autant plus importante que nous sommes entrés depuis
quelques mois dans une période où les incertitudes économiques sont plus
fortes, et elles ont été encore accentuées par les tensions internationales
nées des terribles attentats du 11 septembre.
Dans un tel contexte, plus que jamais, les Français doivent pouvoir compter
sur la sécurité sociale pour garder confiance en l'avenir. Les mesures
contenues dans le présent projet de loi à l'issue de son examen en première
lecture par l'Assemblée nationale, conjuguées aux dispositions en discussion
dans le cadre du projet de loi de finances, visent précisément à maintenir la
confiance de nos concitoyens.
Je commencerai par les comptes de la sécurité sociale puisque, après tout, le
projet de loi de finances est d'abord destiné à voir où ces comptes en sont et
ce que nous faisons des ressources de la sécurité sociale.
Une fois n'est pas coutume, permettez-moi de commenter les comptes tels qu'ils
ont été présentés par M. Vasselle à la page 64 de son rapport.
M. Nicolas About,
président de la commission des affaires sociales.
Quel honneur !
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Je formulerai quatre
observations.
Je soulignerai, premièrement, qu'il manque quelque chose dans ce rapport
puisque les déficits du passé, qui ont atteint plus de 200 milliards de francs
entre 1994 et 1997, n'y figurent pas.
(Applaudissements sur les travées
socialistes et sur celles du groupe communiste républicain et citoyen. -
Protestations sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de
l'Union centriste.)
M. Jean Chérioux.
C'est dépassé, ce sont des arguments misérables !
M. Alain Gournac.
C'est usé !
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Deuxièmement, ce rapport
confirme le retour à l'excédent des comptes de la sécurité sociale à partir de
1999 et le maintien, en 2001 et en 2002, d'un excédent supérieur à cinq
milliards de francs. C'est écrit en toutes lettres dans le rapport de M.
Vasselle.
M. André Vantomme.
Très bien !
M. Claude Estier.
Cela les laisse cois !
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Troisièmement, apparaît au
titre de l'année 2002 l'annulation de la créance du fonds de financement de la
réforme des cotisations patronales de sécurité sociale, le FOREC, comme je
l'avais annoncé lors de la commission des comptes du 7 juin 2001, par souci de
vérité à l'égard du Parlement et de l'opinion.
Quatrièmement, enfin, il y a dans ce rapport ce qui ne devrait pas y
être,...
M. Alain Vasselle,
rapporteur de la commission des affaires sociales.
Ah !
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
... à savoir les prélèvements
sur les excédents passés, lesquels n'affectent évidemment en rien les résultats
des exercices concernés. En effet, ces excédents ont été mobilisés pour
améliorer nos politiques sociales, d'une part, par un investissement en faveur
de la garde des jeunes enfants de deux fois 1,5 milliard de francs versé au
fonds d'investissement pour la petite enfance, le FIPE, et, d'autre part, pour
constituer une épargne collective afin de garantir l'avenir de nos
retraites.
M. Nicolas About,
président de la commission des affaires sociales.
Il n'y a plus de
réserves !
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Si nous avons pu mobiliser ces
fonds, c'est à l'évidence parce qu'il y avait des excédents...
M. Didier Boulaud.
Eh oui !
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Il y avait aussi des déficits : l'assurance maladie est en
déficit !
M. Nicolas About,
président de la commission des affaires sociales.
C'est le raisonnement
de la commode : on tire un tiroir après l'autre !
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
... ce qui n'était pas le cas,
bien entendu, dans la période précédente.
(Applaudissements sur les travées
des socialistes.)
A la vérité, ces transferts au FIPE et au fonds de réserve des retraites que
M. Vasselle voudrait comptabiliser dans le prétendu déficit de la sécurité
sociale devraient être ajoutés aux excédents constatés...
M. Didier Boulaud.
Eh oui !
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
... puisque, précisément, les
fonds existaient et que nous avons pu les utiliser pour financer des politiques
qui vont dans le sens du bien-être collectif.
M. Nicolas About,
président de la commission des affaires sociales.
Non ! Pour creuser le
déficit !
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
On pourrait donc parfaitement
retourner l'argument, mais je ne le ferai pas, et dire au contraire que, par
rapport aux excédents constatés par M. Vasselle à partir de 1999, il faudrait
encore ajouter les sommes que nous avons consacrées à la petite enfance et aux
retraites.
M. Didier Boulaud.
C'est limpide !
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Vous omettez de parler des déficits !
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Parallèlement à ce redressement
financier, le Gouvernement a procédé à une importante modernisation de la
comptabilité des organismes sociaux. Les agrégats qui vous sont présentés pour
2002 sont évalués, pour la première fois, en comptabilité de droit constaté,
mode de présentation des comptes plus conforme à la réalité économique des
résultats de chaque exercice.
A cet égard, le Haut Conseil de la comptabilité des organismes de sécurité
sociale permettra, par ses recommandations, d'améliorer encore la présentation
des comptes des organismes de sécurité sociale afin de faciliter le contrôle du
Parlement.
Le redressement financier a été obtenu par une politique efficace et continue
en faveur de l'emploi. En effet, depuis près de cinq ans, nous avons développé
la croissance et l'emploi...
M. Nicolas About,
président de la commission des affaires sociales.
En creusant les
déficits !
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
... grâce à la réduction du
temps de travail,...
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Les 35 heures ne sont pas financées !
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
... aux emplois-jeunes et aux
dispositifs spécifiques d'insertion. Nous avons créé une dynamique de progrès
social avec un objectif prioritaire : la lutte contre le chômage.
Nous avons démontré qu'il était possible de mettre en oeuvre une politique
conciliant croissance, compétitivité, emploi, solidarité et qualité de vie.
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
En accroissant les déficits !
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Les résultats que nous avons
obtenus sont sans précédent...
M. Nicolas About,
président de la commission des affaires sociales.
C'est vrai, ils sont
sans précédent !
M. Jean Chérioux.
Effet d'annonce !
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
... et nous pouvons en être
fiers, même s'il reste beaucoup à faire.
M. Nicolas About,
président de la commission des affaires sociales.
C'est vrai aussi !
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Depuis 1997, 1,5 million
d'emplois ont été créés et le nombre de demandeurs d'emploi a diminué de plus
d'un million.
M. Henri de Raincourt.
Combien ont été radiés ?
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Nous avons également amélioré
en termes de croissance et d'emploi notre situation par rapport à nos voisins
européens.
M. Didier Boulaud.
Très bien !
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
On en reparlera !
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Les résultats obtenus en
matière de lutte contre le chômage, qui, bien entendu, bénéficient à la
sécurité sociale au travers d'une augmentation des cotisations, doivent aussi
beaucoup à des choix de financement de cette dernière plus favorables à
l'emploi.
C'est ainsi que nous avons procédé, en 1998, à une réforme très importante des
prélèvements sociaux supportés par les assurés au titre de la branche maladie.
Nous avons fait bénéficier les personnes actives d'un gain de pouvoir d'achat
et, surtout, nous avons rééquilibré le financement de l'assurance maladie, afin
qu'il pèse moins fortement sur les revenus du travail.
Nous avons aussi porté à 1,8 fois le SMIC le seuil retenu pour l'octroi des
allégements de charges concernant les bas salaires et nous avons modulé ces
allégements en fonction de la durée du travail, afin de favoriser l'embauche de
travailleurs peu qualifiés sans inciter à la création d'emplois précaires.
Dans le même esprit, nous avons progressivement supprimé les allégements de
charges sociales consentis aux entreprises qui embauchent des salariés à temps
partiel, afin de limiter le nombre des emplois à temps partiel subi.
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Cela nous éloigne de la sécurité sociale !
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Non : c'est vous qui avez cité
les 35 heures, monsieur le rapporteur, et j'y viens, car je ne veux rien
éluder.
En effet, nous avons prévu un financement des allégements de charges consentis
en faveur des entreprises qui embauchent des salariés faiblement qualifiés ou
qui mettent en place les 35 heures.
A ce propos, je veux souligner de nouveau que les allégements de charges
restent minoritaires dans l'ensemble des allégements...
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
On en reparlera !
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
... et qu'ils ont un effet
bénéfique sur l'emploi, à la différence de ceux qui avaient été décidés par le
précédent gouvernement et qui avaient été accordés sans aucune contrepartie
pour l'emploi.
Les allégements liés aux 35 heures sont financés par des ressources de nature
fiscale dans le cadre du FOREC, ce qui préserve les ressources de la sécurité
sociale. Le décret installant l'établissement public est paru au
Journal
officiel
le 26 octobre 2001 : le FOREC pourra ainsi assurer en toute
transparence le financement des allégements de charges dès l'exercice 2001.
Nos résultats en matière d'emploi ont permis à la sécurité sociale de
bénéficier d'un financement stable et durable. Le dynamisme des recettes de la
sécurité sociale au cours de la présente législature a permis de financer les
avancées essentielles obtenues pour la protection sociale des Français et de
dégager, au fil des dernières années, des excédents significatifs.
Le rétablissement des comptes est donc assuré. Il permet de poursuivre la
construction de nouveaux droits et d'ouvrir l'avenir. La discussion du projet
de loi de financement de la sécurité sociale est l'occasion de présenter les
nouveaux progrès qui contribuent encore à l'amélioration de la protection
sociale de nos concitoyens.
Qu'avons-nous fait des excédents dégagés depuis quatre ans ?
En matière de politique familiale, notre projet comporte des avancées
significatives issues de la conférence de la famille du 11 juin 2001.
Ainsi, nous créons un congé paternel de deux semaines, que l'Assemblée
nationale améliore encore pour tenir compte des naissances multiples et en
élargir l'accès aux cas de naissance de prématurés, et nous dotons de 229
millions d'euros supplémentaires, soit 1,5 milliard de francs, le fonds
d'investissement de la petite enfance, créé l'année dernière, pour permettre la
création en 2002 de 20 000 nouvelles places en crèche, s'ajoutant aux 20 000
places déjà créées en 2001.
En outre, les moyens du Fonds national d'action sociale de la CNAF, la Caisse
nationale d'allocations familiales, connaissent une croissance sans précédent
de 6 milliards de francs sur quatre ans, dont 1,6 milliard de francs pour 2002,
ce qui permettra de développer les autres modes d'accueil du petit enfant et
les loisirs des jeunes.
Le débat à l'Assemblée nationale a permis enfin de majorer de façon
significative le montant de l'allocation de présence parentale en le portant au
niveau du SMIC et de réformer l'allocation de rentrée scolaire pour en faire
bénéficier les familles dont le revenu se situe juste au-dessus du seuil de
ressources.
Telles sont les mesures supplémentaires que, après celles, nombreuses, que
nous avons déjà prises depuis quatre ans, nous proposons pour les familles en
2002.
Par ailleurs, nous faisons progresser la prise en charge des accidents du
travail et des maladies professionnelles. Ce sujet a toujours été très
important, mais il prend un relief particulier dans le contexte actuel, alors
que s'est produit à Toulouse l'accident du travail le plus meurtrier depuis une
quinzaine d'années.
Nous avons mis en place le Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante, le
FIVA, que nous dotons pour 2001 de 2,875 milliards de francs et, à titre
provisionnel, de 76 millions d'euros pour 2002, soit un total de 3,3 milliards
de francs.
Les débats à l'Assemblée nationale ont permis en outre d'améliorer le régime
de retraite anticipée pour les personnes exposées à l'amiante.
En ce qui concerne la prise en charge des accidents du travail, le projet de
loi comporte une disposition de revalorisation des indemnités versées en
capital ; il a été complété par l'Assemblée nationale de plusieurs mesures qui
renforcent les droits des victimes, notamment ceux des ayants droit. Je ne
doute pas que nous reviendrons sur cet important sujet au cours du débat.
S'agissant des retraites, nous avions trouvé la branche vieillesse en déficit.
Celle-ci renoue dorénavant avec les bénéfices et devrait afficher environ un
milliard d'euros d'excédents en 2002. Ceux-ci permettent d'associer les
retraités aux fruits de la croissance : pour 2002, le Gouvernement propose de
revaloriser les pensions de 2,2 %, alors que l'inflation prévisionnelle est de
1,5 %.
M. Claude Domeizel.
Très bien !
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Ce coup de pouce supplémentaire
portera à 1,4 % le gain de pouvoir d'achat des retraités depuis 1997. Grâce à
la suppression en 2001 de la contribution pour le remboursement de la dette
sociale, la CRDS, pour les retraités non imposables, la hausse de pouvoir
d'achat s'élèvera pour ces derniers, sur la même période 1997-2002, à 1,9 %,
alors que, sur la période 1993-1997, le pouvoir d'achat des retraités avait
baissé de 2,3 %.
(Marques d'approbation sur les travées socialistes.)
M. Guy Fischer.
Eh oui, on s'en souvient !
M. Didier Boulaud.
Période de funeste mémoire !
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
En ce qui concerne l'avenir de
nos régimes de retraite par répartition, le Gouvernement poursuivra dans les
mois qui viennent le chantier « âge et travail », qui doit permettre
d'accroître l'emploi et d'améliorer les conditions de celui-ci pour les
salariés les plus âgés. Cela est nécessaire pour pouvoir viser le plein
emploi.
Le Conseil d'orientation des retraites, dont la qualité des travaux est
reconnue par tous, nous remettra son premier rapport en décembre. Il fera le
point de la concertation sur le diagnostic financier et des conditions dans
lesquelles il convient d'organiser la nécessaire réforme des régimes de
retraite par répartition, qui, aux yeux du Gouvernement, doivent absolument
être préservés. Après les élections législatives, nous aurons alors en main
tous les éléments pour organiser des négociations tripartites et déboucher sur
des propositions législatives.
Enfin, nous assurons la montée en charge du fonds de réserve pour les
retraites. Ce fonds, dont nul ne remet plus en cause aujourd'hui le
principe,...
M. Claude Domeizel.
Si, ils le remettent en cause !
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
... disposera, en 2020, de plus
de 1 000 milliards de francs.
M. Michel Teston.
Ils veulent supprimer des recettes !
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Vous contestez les propos de Mme le ministre ?
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Il est possible, monsieur
Vasselle, que, dans l'extrême bienveillance que j'ai à votre égard, quelque
chose m'ait échappé !
(Sourires.)
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Nous n'avons jamais fondamentalement mis en cause le fonds de
réserve ! C'est son mode de financement qui pose problème !
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Supposons que personne dans
cette assemblée ne remette en cause le fonds de réserve des retraites.
M. Claude Domeizel.
Supposons !
M. Nicolas About,
président de la commission des affaires sociales.
Il est très insuffisant
!
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Ce fonds disposera de plus de 1
000 milliards de francs en 2020. Le projet de loi prévoit de porter la part du
prélèvement de 2 % sur les revenus du patrimoine affectée au fonds de réserve
pour les retraites de 50 % à 65 %. Nous avons pour objectif, grâce à cette
hausse, de doter ce fonds de 85 milliards de francs en 2002.
De plus, afin de compenser la révision du tarif des licences UMTS,...
M. Nicolas About,
président de la commission des affaires sociales.
Eh oui !
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
... le projet de loi de
finances rectificative pour 2001 affectera la totalité de ces recettes au fonds
de réserve pour les retraites en 2001. Pour 2002, la perte de recettes sera
intégralement compensée par des recettes issues des privatisations.
M. Nicolas About,
président de la commission des affaires sociales.
Lesquelles ?
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Le fonds de réserve des
retraites ne subira donc aucune perte de recettes et disposera donc bien, comme
prévu, de 85 milliards de francs, soit quelque 13 milliards d'euros, à la fin
de 2002.
J'en viens maintenant à la santé et aux soins de qualité que nous voulons
assurer à tous les Français.
Bien entendu, notre objectif est encore et toujours d'améliorer la qualité des
soins, tant dans les établissements publics et privés qu'en médecine de ville.
Comme vous le savez, mesdames, messieurs les sénateurs, des moyens importants
ont été mobilisés depuis 1997. Le secteur de la santé connaissait alors une
situation préoccupante, et nous avons réagi en relevant, année après année, le
niveau des moyens accordés aux établissements hospitaliers du service public ou
à but lucratif dans le cadre des lois de financement de la sécurité sociale.
A cet égard, je rappelle que, pour l'année 1997, le précédent gouvernement
avait prévu un taux d'évolution des dépenses d'assurance maladie de 1,7 %.
Depuis 1998, ce taux n'a cessé d'augmenter, et il atteindra 3,9 % en 2002.
(Très bien ! sur les travées socialistes.)
M. Alain Gournac.
Tout va bien !
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Cet effort a concerné
l'ensemble des secteurs de l'offre de soins, en particulier l'hôpital. Nous
avons en effet développé une politique hospitalière axée à la fois sur la
qualité des soins et sur la réduction des inégalités.
M. Nicolas About,
président de la commission des affaires sociales.
On verra cela dans
quelques années !
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Le service public hospitalier
est le pivot de l'offre de soins à la disposition de la population. Il assure
70 % de l'activité hospitalière globale et plus de 80 % de l'activité de
médecine, de psychiatrie ou de soins de suite, et prend par ailleurs en charge
91 % des urgences. L'hôpital public assume des missions propres liées à
l'enseignement, à la recherche, à la prise en charge de l'urgence -
c'est-à-dire l'accueil de tous, vingt-quatre heures sur vingt-quatre et 365
jours par an - et de l'ensemble des pathologies ; ce sont ces missions qui
fondent la spécificité du secteur public.
Les Français sont très attachés, à juste titre, au rôle joué par l'hôpital
public, mais ils sont aussi attachés à la mixité de notre système, qui comporte
également une offre privée financée par l'assurance maladie. Ainsi, les
cliniques privées prennent en charge 50 % de la chirurgie, et elles se sont
spécialisées en certaines interventions. Elles assurent en outre 35 % de
l'obstétrique.
Le Gouvernement a, dès 1997, pris la mesure des difficultés rencontrées par le
secteur hospitalier. Il a aussitôt réagi en relevant, année après année, le
niveau des moyens accordés aux établissements par le biais des lois de
financement de la sécurité sociale.
Pour 2002, nous prévoyons tout d'abord, pour l'hôpital, dans le cadre du taux
global d'évolution des dépenses, de porter l'objectif d'augmentation à 4,8 %,
ce qui tient compte des effets de la réduction de la durée du travail : hors
réduction de la durée du travail, l'augmentation prévue est de 3,6 %.
Nous avons donc connu, à compter de 1997, une croissance continue, régulière
et accentuée depuis deux ans de l'enveloppe financière attribuée à
l'hôpital.
Le Gouvernement a également augmenté l'enveloppe financière attribuée aux
cliniques privées, qui ne devait progresser que de 1,3 % en 1997, soit beaucoup
moins que l'augmentation prévue pour l'hôpital à l'époque. Sous notre
impulsion, le taux a dépassé 2 % dès 1999, pour atteindre 3,3 % en 2001. Nous
poursuivrons cet effort en 2002, avec un objectif en hausse de 3,5 %.
Le développement constant des progrès technologiques et la nécessité de doter
les établissements d'outils performants ont été pris en compte dans cet effort
budgétaire.
Ainsi, les dépenses liées à l'achat des nouvelles molécules permettant de
lutter contre le cancer ou la polyarthrite rhumatoïde seront couvertes par
l'octroi d'une subvention spécifique. Nous avons dégagé une enveloppe de 1,5
milliard de francs pour 2002 afin de financer l'innovation thérapeutique.
En outre, le programme hospitalier de recherche clinique a été mis en place
depuis 1998 sur l'initiative de Bernard Kouchner.
Enfin, depuis 1997, nous avons multiplié par 2,7 le nombre d'appareils
d'imagerie par résonance magnétique nucléaire. Pour 2002, nous avons décidé,
avec Bernard Kouchner, d'amplifier cet effort et de rattraper le retard que
nous avons encore sur les autres pays européens, en augmentant le parc
d'appareils d'IRM de plus de 40 %. Nous mettrons en place de véritables schémas
régionaux d'imagerie, en déléguant le régime d'autorisation auprès des agences
régionales de l'hospitalisation.
Parallèlement à l'augmentation générale des moyens de fonctionnement, le
Gouvernement a contribué à la réduction des inégalités dans l'accès aux
soins.
Depuis 1997, le Gouvernement s'est résolument engagé dans une démarche de
renforcement du potentiel hospitalier et d'amélioration de la qualité des soins
sur l'ensemble du territoire.
Dès 1999, à travers les schémas régionaux d'organisation sanitaire réalisés
après une large concertation avec les élus, les usagers et les professionnels,
l'offre sanitaire a été réorientée vers la couverture des besoins des patients
par une définition des grandes disciplines médicales à conforter et à organiser
ainsi que par un renforcement d'un certain nombre de dispositifs, notamment les
dispositifs d'urgence.
Nous avons également réduit les inégalités par la mise en oeuvre de grands
programmes de santé en réduisant les écarts budgétaires entre les régions.
Enfin, la mise en place de la couverture maladie universelle a contribué à ce
que l'hospitalisation redevienne accessible à tous.
Nous poursuivons les efforts de modernisation de l'hôpital public pour
améliorer la qualité et la sécurité des soins ainsi que pour adapter l'offre de
soins aux besoins de la population.
Pour accompagner la réalisation de ces priorités, nous avons décidé de mener
une politique sociale sans précédent et sur plusieurs années.
Conformément aux attentes des Français, le Gouvernement a tenu, depuis quatre
ans, à conforter la qualité de l'offre hospitalière de notre pays en lui
donnant les moyens de sa modernisation, en améliorant les conditions de travail
et en revalorisant la situation de ses agents. Nous avons décidé que
l'extension du mouvement de réduction du temps de travail dans la fonction
publique hospitalière s'accompagnera d'une création d'emplois sans précédent et
sans équivalent dans l'histoire des hôpitaux.
M. Alain Gournac.
C'est pour cela que les agents défilaient ce matin !
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Les protocoles signés par Mme
Martine Aubry les 13 et 14 mars 2000 ont amélioré les conditions de travail,
rendu plus attractives les carrières des praticiens hospitaliers et relancé la
promotion professionnelle et les formations professionnelles pour les
personnels de la fonction publique hospitalière. Ils ont aussi réaffirmé la
place du dialogue social dans les établissements.
Le protocole du 14 mars 2001 sur les filières professionnelles dans l'ensemble
de la fonction publique hospitalière, que j'ai signé avec les représentants des
agents hospitaliers, apporte une revalorisation des cursus professionnels et
des rémunérations. Il ouvre les possibilités de promotion interne et apporte
des solutions au blocage des carrières lié à la démographie.
Enfin, par le protocole du 27 septembre 2001, nous avons engagé la réduction
du temps de travail pour répondre aux attentes des personnels en matière de
conditions de vie au travail et de vie personnelle.
Le Gouvernement a décidé d'accompagner la réduction du temps de travail par la
création de 45 000 emplois sur trois ans, entre 2002 et 2004.
L'ensemble de ces mesures représente, pour l'hôpital, un effort financier sur
2001 et 2002 de 11,7 milliards de francs supplémentaires, qui s'ajoutent aux
efforts que nous avons faits les années précédentes.
Le débat à l'Assemblée nationale a permis de renforcer les moyens de
fonctionnement et d'investissement de l'hôpital. D'abord, sera assuré un
complément de crédits non reconductibles de 1 milliard de francs sur la
dotation hospitalière 2001 pour réduire les tensions budgétaires de certains
établissements. Ensuite, les actions du fonds de modernisation des
établissements de santé, le FMES, seront renforcées dès 2001, pour aider au
financement de promotions professionnelles et des projets sociaux, et par une
dotation de 1 milliard de francs en 2002, pour le soutien à la politique
sociale et à l'investissement. Au total, le FMES bénéficiera de 1,9 milliard de
francs. Enfin, l'investissement sera soutenu par un abondement de 1 milliard de
francs du fonds d'investissement et de modernisation de l'hôpital, assuré en
2002 par le budget de l'Etat. Sur un montant total de 11,7 milliards de francs
pour l'hôpital, ces mesures nouvelles représentent 3,9 milliards de francs.
Le rôle essentiel que joue l'hôpital dans l'accès aux soins de tous et en
permanence méritait que ces efforts soient accomplis.
Comme chaque année, par respect pour le Parlement et pour sa bonne
information, j'ai remis au Sénat, ainsi qu'à l'Assemblée nationale, le projet
de répartition par région de la dotation hospitalière qui n'est soumise que
globalement à votre vote.
J'ai également choisi d'informer sans attendre les directeurs des agences
régionales de l'hospitalisation afin que ces décisions, une fois qu'elles
seront adoptées par le Parlement, puissent être mises en oeuvre rapidement et
dans une large concertation. A ce sujet, j'ai donné des instructions précises
aux agences régionales de l'hospitalisation.
En ce qui concerne les cliniques privées, l'accord tarifaire du 4 avril 2001 a
marqué ma volonté de prendre pleinement en compte la situation sociale et
économique des cliniques privées.
Dans le cadre de l'accord que nous avons conclu le 7 novembre dernier avec les
représentants de l'hospitalisation privée, nous avons prévu l'affectation de
1,7 milliard de francs de crédits pour les mesures sociales et salariales en
2001 et en 2002. Cette somme est à comparer aux 3,9 milliards de francs de
mesures nouvelles consentis pour l'hôpital.
Ce qui nous a guidés dans la négociation avec les représentants des cliniques,
ce sont deux objectifs : d'abord, le ciblage de ces mesures supplémentaires sur
les rémunérations des infirmières ; ensuite, la prise en compte des difficultés
tarifaires de certaines cliniques et, bien entendu, la contrepartie en matière
de transparence des comptes des cliniques.
Le premier objectif, c'est le suivi des rémunérations. Cet accord permet de
répondre concrètement à l'attente des salariés de ce secteur. Il prévoit ainsi
un engagement de la fédération de l'hospitalisation privée de parvenir
rapidement à une nouvelle convention collective, qui permettra de revaloriser
de façon significative les salaires des infirmières. L'amendement que nous
allons déposer concernant le fonds de modernisation des cliniques privées
consistera à ouvrir ce fonds au financement des actions des établissements en
matières sociale et salariale. Nous avons également obtenu que, dans le cadre
de l'accord qui s'appliquera début 2002, conformément à l'objectif proposé, une
enveloppe de 500 millions de francs soit consacrée aux augmentations de
salaires des personnels.
Ces points feront l'objet d'un suivi dans le cadre d'un observatoire
tripartite, qui associera l'Etat, les employeurs et les organisations
syndicales.
En contrepartie de ces aides ciblées sur les augmentations de salaires des
personnels, notamment des infirmières, et sur les établissements qui ont des
difficultés et qui participent à la complémentarité du service public
hospitalier, il était important que nous puissions mettre en place - c'était le
second objectif de cet accord - une aide différenciée et transparente.
Il fallait aider les cliniques car leurs ressources sont constituées à près de
90 % par les dotations de l'assurance maladie. Nous allons affecter ces
ressources en prenant en compte les inégalités tarifaires, car il existe une
grande variété de situations. L'utilisation du fonds de modernisation des
cliniques privées permettra aux agences régionales de définir le niveau de
l'aide en fonction des besoins et en particulier du niveau du tarif des
cliniques et de leur place dans la réponse aux besoins de la population prévue
par les schémas régionaux d'organisation sanitaire. Le fonds sera doté de 600
millions de francs en 2001 et 2002, soit un effort supplémentaire de 1,2
milliard de francs.
Nous allons également prévoir dans l'amendement que les cliniques devront
mettre à la disposition des agences régionales de l'hospitalisation, les ARH,
tous les éléments d'information nécessaires à sa demande. Ce point sera
également introduit dans le contrat type qui est passé entre les ARH et les
cliniques privées.
Vous le constatez, en contrepartie de l'effort supplémentaire, proportionné
par rapport à l'hôpital, qu'il fallait faire pour les cliniques privées, nous
introduisons des mécanismes de contrôle de l'utilisation de ces fonds ciblés
sur les salaires et les rémunérations des personnels infirmiers et sur les
établissements qui en ont vraiment besoin, en nous dotant des moyens de
contrôle nécessaires.
Au total, sur 2001-2002, l'hôpital public aura bénéficié d'un effort financier
de 11,7 milliards de francs, dont 3,9 milliards de francs de mesures nouvelles,
et le secteur privé d'un ensemble de mesures de 3,1 milliards de francs, dont
1,7 milliard de francs de mesures nouvelles. Il faut comparer 11,7 milliards de
francs pour l'hôpital avec 3,1 milliards de francs pour les cliniques privées,
toutes mesures confondues, pour 2001 et 2002. Il faut comparer 3,9 milliards de
francs de mesures nouvelles pour l'hôpital avec 1,7 milliard de francs de
mesures nouvelles pour les cliniques privées.
C'est une politique sanitaire cohérente qui est menée, visant à mieux soigner
les patients et à donner aux professionnels de chaque secteur concerné des
perspectives d'évolution financière satisfaisantes. L'accès à des soins de
qualité pour tous nos concitoyens est, en effet, une des priorités du
Gouvernement. Cela suppose que l'hôpital public, les cliniques et la médecine
de ville assurent une offre de soins appropriée et disposent d'un bon niveau de
moyens pour répondre à la demande de la population.
En ce qui concerne notre politique du médicament, l'objectif est de permettre
à nos concitoyens d'accéder à toutes les innovations. La progression des
dépenses de médicament reste rapide : 7,7 % en 2001. Ce rythme s'est toutefois
ralenti par rapport à l'année 2000, où il s'est établi à 11 %, grâce aux
premiers effets des mesures annoncées en juin 2001 en termes de baisses de
prix.
Le développement du générique doit être encouragé. Le projet de loi de
financement de la sécurité sociale pour 2002 prévoit la possibilité de
prescrire en dénomination commune internationale, et non plus uniquement en nom
de marque.
L'efficacité de la régulation des dépenses a été renforcée. L'objectif de 2,4
milliards de francs de baisses de prix concernant principalement les
spécialités dont le service médical rendu a été jugé insuffisant et les
médicaments déjà amortis dont le volume et la croissance sont élevés a été mis
en oeuvre par la voie conventionnelle.
S'agissant de notre politique médico-sociale, nous poursuivons les plans
pluriannuels en faveur des personnes handicapées avec un renforcement voté par
l'Assemblée nationale pour améliorer la prise en charge de l'autisme.
De même, le plan de médicalisation des établissements pour personnes âgées est
poursuivi selon le plan de marche annoncé et en totale articulation avec la
mise en place de l'allocation personnalisée d'autonomie dès le 1er janvier
2002.
Compte tenu de l'ensemble de ces éléments, le présent projet de loi présente
un objectif national des dépenses d'assurance maladie pour 2002 de 112,77
milliards d'euros en droits constatés, en progression de 3,9 % par rapport aux
dépenses de 2001. Cet objectif correspond aux priorités de santé publique et
aux actions de modernisation du système de soins que je viens de rappeler. Il
se compose de quatre éléments principaux.
D'abord, pour les hôpitaux, l'objectif est de 4,8 %.
Ensuite, les établissements médico-sociaux demeurent un secteur prioritaire
avec une croissance de 5,1 %, compte tenu de l'amendement, adopté à l'Assemblée
nationale, sur la prise en charge de l'autisme. L'année 2002 verra la pleine
réalisation de la réforme de la tarification, en liaison avec la mise en oeuvre
de l'allocation personnalisée d'autonomie.
En outre, pour les cliniques privées, un objectif de 3,5 %, supérieur de 0,2
point à celui de 2001, a été retenu. Il est près de trois fois supérieur à ce
qu'il était en 1997 où il s'établissait à 1,3 %.
Enfin, l'objectif des dépenses de soins de ville est fixé à 3,2 %, compte tenu
de l'amendement, adopté par l'Assemblée nationale, sur la prévention
bucco-dentaire pour les enfants de six ans et de douze ans. Je rappelle qu'il
s'agit là de mesures extrêmement importantes, qui assurent une visite gratuite
à chaque enfant âgé de six ans et de douze ans pour prévenir les caries
dentaires. Seront concernés 1,4 million d'enfants.
Par ailleurs, je veux insister sur la rénovation de notre système de soins de
ville. Depuis un an, vous le savez, on a appelé cela le « Grenelle de la santé
», nous travaillons pour renouer le lien avec les professionnels de santé.
A l'issue de la concertation que j'ai engagée avec les professionnels au mois
de janvier 2001, j'ai rendu public un document présentant treize propositions
pour la rénovation des soins de ville.
A l'Assemblée nationale, à l'occasion de la discussion du projet de loi
relatif aux droits des malades et à la qualité du système de santé, qui sera
examiné par votre assemblée en janvier prochain, certaines de ces propositions,
comme la création d'un Haut Conseil de la santé ou l'extension de l'évaluation
aux professions paramédicales, ont été introduites.
D'autres propositions sont inscrites dans ce projet de loi de financement de
la sécurité sociale pour 2002, que j'ai l'honneur de vous présenter.
Il s'agit de la mise en place de dispositifs d'appui à l'installation, afin de
prendre en compte les difficultés que posent le recrutement, le maintien et le
remplacement de médecins et d'infirmiers dans certaines zones rurales et
urbaines difficiles.
M. Claude Domeizel.
Très bien !
M. Nicolas About,
président de la commission des affaires sociales.
Bientôt, c'est tout le
pays qui sera en difficulté !
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
En l'occurrence, nous mettons
en place une mesure extrêmement importante, qui était réclamée depuis
longtemps.
Il s'agit également de la mise en place de financements pérennes et d'une
harmonisation des procédures au niveau régional pour soutenir le développement
des réseaux.
Parmi ces propositions, figure enfin la création d'un mécanisme complémentaire
de soutien pour les gardes libérales.
Enfin, j'ai souhaité rénover le cadre conventionnel qui lie les caisses de
sécurité sociale aux professionnels et définir un mécanisme de régulation qui
soit mieux compris et mieux accepté par tous.
Je propose de donner aux partenaires conventionnels la possibilité de définir
des engagements en matière d'organisation des soins, de respect des bonnes
pratiques ou de suivi de l'activité. Ces engagements conventionnels feraient
l'objet d'un suivi régulier par les partenaires conventionnels afin d'en
assurer le respect dans un cadre pluriannuel.
Dans le cadre de ces engagements conventionnels, et uniquement dans ce cadre,
la possibilité d'utiliser la valeur des lettres clés dans le cadre de rapports
quadrimestriels ne s'appliquerait plus.
L'amendement du Gouvernement voté par l'Assemblée nationale fournit le cadre à
ces évolutions. Celui-ci devra évoluer tout au long des débats
parlementaires.
Des concertations sont en cours afin de préciser avec les professionnels, les
partenaires sociaux et les caisses d'assurance maladie notre proposition. Trois
éléments ressortent des propositions présentées depuis le 25 janvier : la mise
en place d'un socle interprofessionnel, l'articulation avec la régulation et la
dimension à la fois collective et individuelle de la convention. Il n'est pas
dans nos intentions de prédéterminer ce qui résultera d'éventuelles
négociations pour une ou des nouvelles conventions, mais il nous appartient de
fixer le cadre législatif de ces évolutions.
Je crois en effet profondément à la valeur du contrat pour rénover le dialogue
que la société, qui assure le financement collectif du système de soins,
entretient avec les médecins et les professions paramédicales.
Ce projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2002 s'inscrit
dans le prolongement des priorités du Gouvernement : l'instauration de nouveaux
droits pour une France toujours plus solidaire. Il concilie de façon active les
deux principes qui nous guident : l'efficacité économique et la solidarité. Ce
projet de loi reflète bien notre engagement en faveur de la rigueur dans la
gestion des comptes sociaux et notre souci d'agir toujours mieux en faveur des
plus faibles et des plus fragiles.
A travers ce dernier projet de loi de financement de la sécurité sociale de la
législature, le Gouvernement affirme son intention non pas de clore une
politique engagée depuis cinq ans, mais bien d'en assurer la continuité.
(Exclamations sur les travées du RPR.)
M. Alain Gournac.
On verra !
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Assurer aux Français une
protection sociale de qualité, c'est en effet permettre de prendre en charge
les risques qui sont aujourd'hui bien identifiés ; c'est aussi se donner les
moyens de prévenir ceux que l'on redoute. Je crois qu'avec le présent projet de
loi de financement de la sécurité sociale nous disposons de réponses fortes à
ces défis permanents.
(Très bien ! et applaudissements sur les travées
socialistes, ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et
citoyen).
M. le président.
La parole est à M. Vasselle, rapporteur.
(Bravo ! et applaudissements sur
les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste,
ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. René-Pierre Signé.
Il a amené son fan-club !
(Sourires.)
M. Alain Vasselle,
rapporteur de la commission des affaires sociales pour les équilibres généraux
et l'assurance maladie.
J'ai noté que vous avez fait de même pour Mme
Guigou, et sans doute avez-vous eu raison :...
M. Gilbert Chabroux.
Elle avait des choses importantes à dire !
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
... vous l'avez applaudie avant et après son intervention
!
M. Jean Chérioux.
Eux, ils ont tous les droits, car ce sont de grands démocrates ! Ce sont des
donneurs de leçons permanents !
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Je tiens par avance à m'excuser auprès de vous, mes chers
collègues, car je vais abuser de votre attention sans doute un peu plus
longuement que vous ne l'auriez souhaité les uns et les autres ; mais le sujet,
vous l'imaginez bien, est important.
Je me permets de rappeler immédiatement que la loi de financement de la
sécurité sociale met en jeu un budget qui est de loin supérieur à celui de la
loi de finances.
Ce point est souvent oublié ou occulté par la plupart de nos concitoyens,
voire de nos élus locaux ou des médias. Je me plais à rappeler que le budget de
la sécurité sociale s'élève à plus de 2 000 milliards de francs, alors que le
budget de la nation s'établit à un peu moins de 2 000 milliards de francs.
C'est dire que l'enjeu de ce texte est considérable et concerne la vie
quotidienne de nos concitoyens, qu'il s'agisse des retraités, des familles ou
de chacune et chacun d'entre nous, quel que soit son âge : en effet, tous, nous
faisons appel, tout au long de notre vie, assez régulièrement, même si c'est le
moins souvent possible, aux professionnels de la santé pour recevoir des soins
et essayer de vieillir dans les meilleures conditions possibles le plus
longtemps possible.
J'ai noté, madame le ministre, que vous aviez débuté votre propos en faisant
référence à mon rapport écrit. C'est en quelque sorte une « première » : il est
assez rare, en effet, que les membres du Gouvernement commencent leur
intervention dans la discussion générale sur un texte en faisant référence au
rapport écrit d'un parlementaire ! Je tenais donc à saluer ce fait et à m'en
féliciter.
Cela étant, madame le ministre, vous avez évoqué ce rapport dans un esprit
polémique puisque vous avez relevé qu'il contenait, à vos yeux, un certain
nombre d'inexactitudes,...
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
C'est vrai !
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
... ainsi que d'autres éléments que vous vous êtes plu à
relever pour faire valoir l'action du Gouvernement. Vous avez relevé également
des omissions notables et avez regretté que ce rapport ne fasse pas référence à
une période ancienne. Je pensais, pour ma part, que nous devions nous projeter
dans l'avenir plutôt que nous tourner vers le passé !
M. Gilbert Chabroux.
Il faut relever les erreurs !
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Les Françaises et les Français attendent du Gouvernement
comme du Parlement non pas qu'ils se penchent en permanence vers le passé mais
qu'ils leur donnent des perspectives d'avenir et les assurent que, demain, ils
pourront connaître des conditions de vie meilleures que celles qui leur sont
accordées aujourd'hui.
M. Gilbert Chabroux.
Il faut d'abord relever les erreurs !
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Monsieur Chabroux, nous aurons l'occasion, tant dans la
discussion générale que lors de l'examen des articles, de pouvoir débattre sur
ce que vous considérez comme des erreurs...
M. Gilbert Chabroux.
Absolument !
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
... et que, pour notre part, nous ne considérons pas comme
telles.
M. Gilbert Chabroux.
Les électeurs se sont déjà prononcés !
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Vous avez en effet dit, madame le ministre, que mon rapport
écrit comportait des inexactitudes dans la mesure où je faisais figurer dans le
passif un certain nombre d'excédents que vous utilisez de manière tout à fait
pertinente, dites-vous, pour satisfaire les besoins de votre politique. Ces
excédents, dès lors qu'ils sont prélevés - je me permets de vous le faire
remarquer - viendront diminuer la situation nette de l'ensemble du régime de
sécurité sociale dont on constatera, dès la clôture de l'exercice 2002, qu'elle
sera non plus positive mais bien négative.
De surcroît, vous utilisez un certain nombre d'artifices pour faire croire aux
Français que nous nous trouvons dans une situation particulièrement
confortable...
M. Alain Gournac.
Voilà !
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
... qui ne justifie donc aucune inquiétude, ni pour le
présent ni pour l'avenir.
L'exercice auquel je me suis plu à me livrer, en plein accord d'ailleurs avec
le président et tous les membres de la commission des affaires sociales, a
consisté à rétablir pour les Françaises et les Français la vérité des comptes
de la sécurité sociale pour chacune des branches et à leur donner le coût réel
du financement des 35 heures.
M. Alain Gournac.
C'est très important !
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Je prendrai un seul exemple qui, je l'espère, sera
suffisamment parlant pour permettre à nos collègues de bien comprendre que les
« inexactitudes » relevées dans mon rapport n'en sont pas en réalité.
J'évoquerai les cinq milliards de francs que, madame le ministre, vous avez
décidé de prélever...
M. Alain Gournac.
De pomper !
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
... sur l'excédent en 2000 de la branche famille pour
augmenter le fonds de réserve des retraites. Il s'agit en réalité de compenser
la disparition des excédents du fonds de solidarité vieillesse qui devaient
être la ressource principale de ce fonds de réserve.
En effet, l'année dernière, vous avez utilisé une partie des ressources du
fonds de solidarité vieillesse pour financer les 35 heures, créant ainsi un
déficit qu'il vous a bien fallu combler à un moment donné.
Vous avez donc eu cette idée géniale - je ne sais si elle vient de vous ou des
fonctionnaires de Bercy qui vous ont épaulée dans votre démarche - de tirer
parti de l'excédent dans la branche famille pour jouer sur la fongibilité des
branches.
M. Alain Gournac.
Et hop !
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Je me permets de souligner au passage que, ce faisant, vous
n'avez pas respecté les engagements solennels pris par le Gouvernement, et
approuvés par le Parlement, qui tendaient, d'une part, au respect de la
séparation des branches - cette mesure, je le rappelle, avait été approuvée par
les deux assemblées -...
M. Alain Gournac.
Carambouille !
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
... et, d'autre part, à la compensation intégrale de toutes
les mesures d'allégement de charges ou de cotisations par des dotations
budgétaires de l'Etat, disposition législative datant de 1944. Je rappellerai
également - excusez-moi de le faire une nouvelle fois, car peut-être cela vous
mettra-t-il mal à l'aise, vous ou les membres de votre majorité - que, lorsque
le Gouvernement a décidé la mise en place du FOREC, il avait solennellement
déclaré, la main sur le coeur, que toutes les compensations et tous les
allégements de cotisations seraient compensés intégralement, au franc
près,...
M. Alain Gournac.
Voilà !
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
... par des dotations budgétaires de l'Etat. Or il n'en est
rien ! Et vous jouez, madame le ministre, sur les mots : vous dites que vous ne
prélevez pas de produits de cotisations pour financer les 35 heures
(Mme le
ministre acquiesce)
et que, en conséquence, vous ne pénalisez pas la
sécurité sociale et la branche maladie. Vous omettez toutefois de dire à la
représentation nationale et aux Français que, lorsque le Gouvernement - Mme
Aubry était alors en charge du ministère de l'emploi et de la solidarité - a
décidé d'alléger les cotisations sociales pour en faire profiter l'économie et
essayer de relancer l'emploi dans notre pays, il leur a substitué le produit de
la CSG, c'est-à-dire un produit fiscal. A partir du moment où vous aviez
substitué cette recette fiscale au produit des cotisations du travail, c'était
bien pour la destiner au financement de la branche maladie. Les impôts et taxes
actuels sont bien des ressources de la sécurité sociale...
M. Alain Gournac.
Carambouille !
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Or vous jouez sur le fait que ces ressources avaient un
caractère fiscal pour considérer que le Gouvernement peut les utiliser selon
son bon vouloir pour engager des dépenses qui ne sont pas nécessairement liées
à la sécurité sociale. Vous jouez sur les mots en disant que le fait d'utiliser
cette ressource fiscale n'affaiblit en aucun cas la branche maladie de la
sécurité sociale, et que vous ne faites qu'utiliser une recette fiscale pour
financer une politique sociale. Non ! C'est vraiment tromper les Français que
de leur faire croire que vous utilisez des recettes fiscales pour des mesures
sociales et qu'il y a un lien entre les deux.
M. Alain Gournac.
Très bien !
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
En fait, il faut dire aux Français que ces recettes fiscales
étaient affectées à la sécurité sociale. Vous n'avez donc pas le droit de les
utiliser à d'autres fins.
C'est la raison pour laquelle nous affirmons haut et fort que vous avez
utilisé des fonds de la sécurité sociale pour financer une politique sociale
que vous n'aviez pas les moyens de mettre en oeuvre ! Vous avez fait rêver les
Français !
(Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR, des
Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. Didier Boulaud.
C'était mieux quand Juppé augmentait la TVA ?
M. René-Pierre Signé.
Il n'y avait pas d'excédents avec vous !
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Toute vérité, mon cher collègue, est difficile à entendre,
surtout lorsqu'elle correspond à la réalité !
Nous avons donc un gouvernement issu d'une majorité qui, en 1997, s'est fait
élire notamment sur cette annonce de mise en place de la politique des 35
heures.
M. René-Pierre Signé.
Et ils osent donner des leçons !
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Mais il s'est bien gardé de dire comment il en assurerait le
financement ! Et aujourd'hui, l'heure de vérité a sonné !
M. Didier Boulaud.
On va voir ça !
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
L'heure de vérité a sonné parce que les Françaises et les
Français...
(Exclamations sur les travées socialistes.)
Laissez-moi m'exprimer !
M. Philippe Nogrix.
Cela les gêne !
M. Alain Gournac.
Ils ne veulent rien entendre !
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Vous pourrez me répondre tout à l'heure dans le cadre de la
discussion générale...
M. Didier Boulaud.
Ne vendez pas la peau de l'ours !
Mme Hélène Luc.
Et vous, qu'avez-vous fait ? Il faut en parler aussi !
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Madame Luc, me permettez-vous de terminer sur ce point ?
M. René-Pierre Signé.
Qui parle de carambouille ?
Mme Hélène Luc.
Vous parlez de ce qui se passe maintenant sans évoquer ce qui s'est passé
avant !
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Me permettez-vous de continuer de répondre aux arguments
développés par Mme le ministre ?
M. René-Pierre Signé.
Oui, mais sans provoquer !
M. Alain Gournac.
Qu'a fait Mme le ministre au début de son intervention, sinon provoquer ?
M. le président.
Monsieur le rapporteur, vous avez la parole et vous seul.
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Je ne fais pas de provocation, malheureusement pour vous, mes
chers collègues. Je ne fais que rappeler un certain nombre de vérités. J'admets
que c'est difficile à entendre et que, le moment venu, vous aurez du mal à vous
justifier devant l'opinion publique.
M. Didier Boulaud.
Et vous, comment avez-vous géré ?
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Je disais donc que, lorsque vous avez mis en place cette
politique des 35 heures, vous saviez que vous n'en aviez pas la capacité
financière. Aujourd'hui, les Français vont se rendre compte, un peu tard pour
un certain nombre d'entre eux, que c'est une politique de gribouille qui a été
mise en place par ce gouvernement et que la sécurité sociale en souffre.
(Exclamations sur les travées socialistes.)
M. Guy Fischer.
En matière de politique de gribouille, vous pouvez parler !
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Vous avez fait valoir, madame le ministre, des éléments de
satisfaction en faisant ressortir les excédents que j'ai rappelés et dont j'ai
décrit l'utilisation. Puis, vous avez relevé que j'avais omis - omission de
taille selon vous - de rappeler que, pendant la période 1994-1997, la sécurité
sociale avait accusé un déficit global de plus de 200 milliards de francs.
M. Didier Boulaud.
Eh oui !
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
J'ai encore en tête le chiffre que vous avez annoncé devant
la commission : 265 milliards de francs. Il est vrai que, dans votre situation,
vous ne devez plus en être à 30, 40 ou 50 milliards de francs près !
Il faut toutefois replacer les choses dans leur contexte : la période de 1993
à 1997 a été marquée par l'une des plus graves récessions économiques de
l'après-guerre et c'est à cette situation qu'a dû faire face le gouvernement de
l'époque !
M. René-Pierre Signé.
Vous n'avez pas su gérer !
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Aucun gouvernement n'aurait fait mieux. Si vous aviez été
vous-mêmes au pouvoir à cette époque, vous n'auriez pas pu faire mieux que ce
qu'a fait à l'époque le gouvernement de MM. Balladur et Juppé.
(Exclamations
sur les travées socialistes.)
M. Didier Boulaud.
Eh oui ! Parlons-en de M. Juppé !
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Je ne sais si je vais arriver à terminer mon propos. De toute
façon, j'ai toute la soirée, toute la nuit devant moi : si vous voulez que cela
dure, mes chers collègues, cela m'est égal !
M. Nicolas About,
président de la commission des affaires sociales.
Le calme est le propre
de l'innocence.
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Il est un peu facile de dire que si la situation est bonne,
c'est grâce à la conjoncture française et non à la conjoncture internationale
et que si elle est mauvaise, c'est parce que, sur le plan international, cela
va mal et donc que la France souffre de la récession économique générale.
Voilà peu de temps, certains membres du Gouvernement ont déclaré, après les
événements survenus aux Etats-Unis, que la France connaîtrait probalement un
début de récession économique, qui serait la conséquence d'un ralentissement de
l'économie américaine. Mais quand la croissance était au rendez-vous, ils ne
disaient pas que c'était dû à une situation internationale favorable, c'était
dû, à ce moment-là, uniquement à la politique du Gouvernement !
(Applaudissements sur les travées du RPR.)
On fait dire ce que l'on veut à la situation économique pour essayer d'en
tirer les fruits et les profits sur le plan local.
(Protestations sur les
travées socialistes.)
M. Didier Boulaud.
Nous n'avons pas taxé les Français, nous !
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Vous en parlerez au moment de la discussion de la loi de
finances ;...
M. Didier Boulaud.
Les deux points de TVA, c'est quand même cela qui a mis les Français à genoux
!
M. Alain Vasselle,
rapporteur
... pour le moment, nous examinons le projet de loi de
financement de la sécurité sociale.
Il faut dire que la croissance annuelle des recettes du régime général est
passée de 2,96 % en 1997 à 6,23 % en 2000.
Je reconnais, avec Mme le ministre, que la croissance a été au rendez-vous,
qu'elle a permis d'améliorer sensiblement les recettes de la sécurité sociale
et qu'elle a contribué largement au redressement des comptes de cette dernière.
Nous divergeons seulement sur les causes : nous avons la faiblesse de penser
que cette croissance était due non pas à la politique menée par le
Gouvernement, mais bien à l'effet d'une conjoncture favorable sur le plan
international et européen, conjoncture que le Gouvernement n'a pas su,
d'ailleurs, utiliser à bon escient pour permettre de redresser durablement et
structurellement l'ensemble des branches de la sécurité sociale.
On peut relever d'ailleurs que les effets positifs des mesures de redressement
prises par la précédente majorité ont eu tendance à s'estomper. Et pourtant Mme
Aubry avait emboîté le pas au gouvernement Juppé en ce qui concerne notamment
la régulation des dépenses de santé ;...
M. Didier Boulaud.
On a vu les résultats !
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
... elle en avait changé quelques modalités mais avait
maintenu le système de la sanction collective, notamment celui des clés
flottantes, auquel Mme le ministre a fait référence tout à l'heure. Mais ces
mesures n'ont pas été prolongées significativement, ce qui s'est traduit par
une progression des dépenses qui a eu tendance à se rapprocher de celle des
recettes : 5,87 % pour les unes et 6 % pour les autres en 2000.
La sensibilité conjoncturelle des recettes de la sécurité sociale se trouve
ainsi confirmée. C'est d'ailleurs cette sensibilité conjoncturelle qui
explique, pour l'essentiel, la dégradation des comptes sociaux observée pendant
la récession du début des années quatre-vingt-dix, qui fut l'une des plus
sévères que notre pays ait connues au cours de l'après-guerre.
Quoi qu'il en soit, la vigoureuse croissance des recettes de la sécurité
sociale s'est traduite par une amélioration des soldes comptables. Mais cette
amélioration est-elle aussi prononcée qu'elle aurait pu l'être, compte tenu de
la croissance de ces dernières années ? Non, à l'évidence !
Le Gouvernement a annoncé triomphalement par votre voix, madame le ministre, «
qu'entre 1989 et 2002, la sécurité sociale a dégagé un excédent cumulé de 23
milliards de francs » ; vous avez ajouté : « Même si nous prenons en compte
l'année 1998, qui était encore marquée par un déficit, nous serons en mesure
d'atteindre un quasi-équilibre du régime général sur les quatre exercices 1998
à 2001. »
M. Didier Boulaud.
Eh oui !
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Or, mes chers collègues, à l'examen, il apparaît que ces
chiffres pèchent pour le moins par excès d'optimisme, et je vais vous expliquer
pourquoi.
Livrons-nous ensemble à un exercice d'arithmétique élémentaire. Il consiste à
additionner le solde déficitaire - de 9,7 milliards de francs - du régime
général pour l'exercice 1998 au solde excédentaire - de 3,3 milliards de francs
- de l'année 1999 et au solde désormais déficitaire de l'année 2000, qui
atteint 10,7 milliards de francs en raison de l'annulation de la dette du FOREC
à l'égard de la sécurité sociale, annulation décidée par le Gouvernement dans
le présent projet de loi.
M. René-Pierre Signé.
C'est faux !
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Mme le ministre l'a confirmé. Ne dites pas que c'est faux,
monsieur Signé !
M. le président.
Il n'en sait rien ! Ne vous laissez pas interrompre, monsieur Vasselle.
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
J'y ajoute les excédents prévisionnels des exercices 2001 et
2002 résultant des amendements adoptés en première lecture par l'Assemblée
nationale, soit respectivement 5,3 milliards de francs et 5,1 milliards de
francs. Je prends donc en compte à la fois les déficits et les excédents.
Le total de cette addition établie sur la base de chiffres officiels et
incontestables - je mets au défi quiconque de contester ces chiffres ou alors
ce serait remettre en cause les organismes chargés de suivre les comptes de la
sécurité sociale - fait apparaître que la situation financière des régimes est
bien moins favorable que ne pourraient le laisser croire les communiqués de
victoire du Gouvernement.
Pour les années 1998 à 2002, en effet, le déficit cumulé atteindra 6,7
milliards de francs. Pour la seule branche maladie, il sera de 61,3 milliards
de francs. Il n'y a donc pas lieu de pousser des « cocoricos », en disant que
la sécurité sociale s'est redressée et que les comptes sont consolidés. Nous en
sommes bien loin !
Comment expliquer un tel déficit alors que les recettes du régime général ont
connu une forte croissance au cours de ces dernièrs années ? La réponse à cette
question est double : d'une part, la sécurité sociale a été dépouillée d'une
partie de ses recettes - j'en ai donné un exemple tout à l'heure - pour assurer
le financement du fameux FOREC ; d'autre part, la dérive des dépenses
d'assurance maladie, qui traduit l'inaction du Gouvernement en ce domaine, pèse
de plus en plus sur les comptes du régime général.
S'agissant tout d'abord du FOREC, je ne vous rappellerai pas, monsieur le
président, madame le ministre, mes chers collègues, comment le Gouvernement,
confronté au surcoût prévisible pour le budget de l'Etat des allégements de
cotisations accordés dans le cadre des 35 heures, a décidé de transférer
indirectement cette charge à la sécurité sociale en créant ce fonds.
La commission des affaires sociales a essayé d'évaluer le montant de cette
charge pour la sécurité sociale. En effet, vous nous dites, madame le ministre,
que le financement du FOREC « préserve les ressources de la sécurité sociale
car il n'est fait appel qu'à des ressources de nature fiscale » ; mais vous
oubliez de préciser qu'une bonne partie de ces ressources fiscales étaient
antérieurement affectées à la sécurité sociale.
M. Jean Chérioux.
Absolument !
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Ainsi, si l'on ajoute, d'une part, la totalité des recettes
fiscales de la sécurité sociale et du fonds de solidarité vieillesse
transférées au FOREC et, d'autre part, l'annulation de la dette de ce dernier
pour l'année 2000, on aboutit à un total cumulé de quelque 85 milliards de
francs, dont 30 milliards au titre de la seule année 2002.
Or, lors de votre audition devant la commission des affaires sociales, vous
nous avez indiqué, madame la ministre, que les allégements liés aux 35 heures
représentaient 34,6 milliards de francs au sein du total des dépenses du FOREC,
qui atteindront, par ailleurs, 102 milliards de francs en 2002. Je vous
rappelle, mes chers collègues, que les autres exonérations ou allégements
désormais regroupés dans le FOREC, dont la ristourne dite « Juppé », étaient,
avant 2000, entièrement compensés à la sécurité sociale par le budget de
l'Etat. Sur la base du chiffre communiqué par Mme le ministre, on peut donc
raisonnablement estimer que la sécurité sociale financera désormais, en 2002,
88 % des allégements liés aux 35 heures.
Permettez-moi, mes chers collègues, de m'arrêter un instant sur le financement
des 35 heures et sur ces chiffres qui ont retenu longuement l'attention des
membres de la commission. Je vous invite à vous reporter au tableau de l'annexe
F du présent projet de loi relatif aux comptes du FOREC pour 2002. On retrouve
bien les chiffres que vous annoncez, madame le ministre : le coût des
allégements dus aux 35 heures est officiellement de 36 milliards de francs sur
un total de 102 milliards de francs, soit un pourcentage de 35 % alors que le
coût des allégements pour les bas salaires au sens large, puisqu'on y trouve
l'aide incitative initiée par la loi Robien, qui est pourtant une mesure d'aide
à la réduction du temps de travail, serait de 66 milliards de francs, soit 65 %
du total des dépense du FOREC.
Le seul problème, c'est que cette annexe comptabilise dans les allégements
pour bas salaires l'extension de la « ristourne Juppé », qui passe de 1,3 à 1,8
SMIC. Or cette extension, d'un coût de 17 milliards de francs, avait pourtant
été décidée dans la loi « Aubry 2 ». On ne peut donc pas l'imputer à l'ancienne
majorité. Dès lors, les chiffres changent du tout au tout : le coût des mesures
découlant des lois Aubry représentent alors un coût total de 53 milliards de
francs, soit 52 % du total du FOREC, tandis que le coût des mesures décidées
par la précédente majorité se ramène à 48,5 milliards de francs, soit 48 %.
Telle est la réalité des chiffres.
Madame le ministre, la commission des affaires sociales a souhaité, malgré
tout, entrer dans votre logique. Vous nous dites que l'application des 35
heures ne coûtent que 36 milliards de francs. Chiche ! Ne retenons que vos
chiffres ! Dans ce cas, il faut constater que la sécurité sociale finance 88 %
d'une politique qui aurait dû être financée par l'Etat dans le cadre de la loi
de finances.
M. René-Pierre Signé.
Il y avait des excédents !
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Ajoutons à cela les 15 milliards de francs que, pour les
années 2001 et 2002, l'UNEDIC verse à l'Etat. Ainsi ce dernier, qui
s'affranchit de la théorie des « retours pour les finances publiques » des 35
heures, gagnerait même de l'argent.
Si c'est ce que vous vouliez démontrer, madame le ministre, nous sommes prêts
à vous suivre !
Je tenais, mes chers collègues à m'attarder quelques instants sur les chiffres
concernant les 35 heures, de manière que chacun les ait bien en tête. Encore ne
s'agit-il que d'une évaluation du coût direct du FOREC pour la sécurité sociale
et pour le fonds de solidarité veillesse. En effet, la nécessité de dégager des
ressources financières destinées à alimenter ce fonds s'est accompagnée, ces
deux dernières années, de la mise en place de circuits de financement
particulièrement opaques et complexes.
La « mise au clair » de ces circuits de financement aboutit d'ailleurs à
l'élaboration de schémas incompréhensibles. Charles Descours avait, l'année
dernière, brocardé l'« usine à gaz » aux invraisemblables tuyauteries qui avait
été mise en place et en avait fait un tableau très parlant.
M. René-Pierre Signé.
Il a été battu !
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Il est d'ailleurs dommage que les techniques audiovisuelles
ne puissent pas encore être utilisées dans l'hémicycle, monsieur le président.
Il serait très profitable à nos collègues qu'un écran nous permette, par
exemple, de projeter des graphiques.
M. Jean Chérioux.
Absolument !
M. Claude Domeizel.
Ils démontreraient le contraire de ce que vous affirmez !
M. Jean Chérioux.
Mais non, vous le savez bien !
M. René-Pierre Signé.
On pourrait mettre les déficits à droite !
(Sourires.)
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
De telles projections permettraient de mieux comprendre le
fonctionnement du dispositif.
A ce sujet, madame le ministre, puique vous avez présenté le passage à la
comptabilité des organismes de sécurité sociale en droit constaté comme l'un
des grands acquis de l'action du Gouvernement, vous me permettrez de préciser
que cette importante réforme a été lancée dès 1994 par la précédente majorité ;
c'est la complexité technique de ce dossier qui explique que plusieurs années
de travail aient été nécessaire pour aboutir. Il était plus que temps que nous
puissions travailler en droit constaté et que vous-même puissiez rendre hommage
à l'initiative qui avait été prise par la précédente majorité.
M. Didier Boulaud.
Les Français s'en sont chargés, aux législatives !
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Voilà au moins un point positif que vous acceptez de
reconnaître.
Mais revenons au FOREC.
Notre commission est particulièrement préoccupée par les effets néfastes des
circuits financiers mis en oeuvre depuis l'année 2000. Ceux-ci fragilisent,
d'une part, les fondations financières de la sécurité sociale et compromettent,
d'autre part, le financement de diverses prestations, dont certaines sont
pourtant jugées essentielles par le Gouvernement. Je n'évoquerai ici, madame le
ministre, que la couverture maladie universelle « de base », pour le
financement de laquelle l'assurance maladie avait bénéficié, en 1999, de
l'affectation de recettes spécifiques qui lui ont été, depuis, progressivement
« confisquées » au profit du FOREC.
Quelles étaient ces recettes ? Une part du prélèvement social de 2 %, une part
des droits sur le tabac et la taxe sur les véhicules à moteur.
Lors de l'examen du texte portant création d'une couverture maladie
universelle, le Gouvernement avait en effet proposé d'affecter à la branche
maladie des recettes fiscales pour lui permettre de faire face à cette dépense
nouvelle. Or que s'est-il passé depuis ? On a privé et on a continué de priver
la branche maladie de ces recettes qui lui permettaient de financer une partie
du déficit lié à cette dépense nouvelle.
Interrogée à ce sujet par notre commission, la CNAM a d'ailleurs répondu
qu'elle ne savait pas comment serait financée la CMU « de base » en 2002
puisque le Gouvernement n'a pas prévu, dans le projet de loi de financement
pour 2002, des ressources nouvelles permettant de compenser cette perte de
recettes de la branche maladie. Celle-ci va donc être confrontée à des
difficultés majeures pour financer la CMU « de base ».
Bien entendu, le manque à gagner correspondant viendra s'ajouter au déficit,
déjà substantiel, de la branche maladie.
Par ailleurs, la nécessité de trouver sans cesse des ressources
supplémentaires pour le FOREC aboutit à des résultats qui sont complètement
absurdes. Ainsi, la CNAM, qui est déjà la branche la plus déficitaire du régime
général, est celle qui est le plus mise à contribution, car elle reçoit, à elle
seule, près de 80 % des recettes fiscales affectées au régime général !
En dépit de toutes ces incohérences, le Gouvernement a choisi de persévérer
dans l'erreur en 2002. L'examen du projet de loi de financement de la sécurité
sociale, qu'il conviendrait d'ailleurs de baptiser plutôt « projet de loi de
financement du FOREC », est, à cet égard, révélateur. Celui-ci comporte, en
effet, son lot de « branchements » et autres « tuyauteries » destinées à
l'alimentation de ce fonds.
Ce sont 11,1 milliards de francs qui vont se trouver à nouveau, en 2002,
prélevés sur la sécurité sociale, dont 8,1 milliards en provenance de
l'assurance maladie. Cela correspond à la perte de recettes concernant les
droits sur les alcools, la taxe sur les véhicules à moteur et une partie des
droits sur les tabacs.
Le système n'est d'ailleurs pas facile à comprendre ! On réaffecte une partie
des droits sur les tabacs et comme on en a réaffecté trop, on en prélève une
partie pour la redonner à une autre branche.
M. Jean Chérioux.
C'est le bonneteau !
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
On a bien du mal à suivre !
Et vous ajoutez à ces 8,1 milliards de francs les 3 milliards de francs qui
viennent indirectement de la branche famille. En effet la perte, par le fonds
de solidarité vieillesse, de 2,9 milliards de francs au profit du FOREC lui est
compensé, à due concurrence, par une augmentation de la part des majorations de
pensions pour enfants mise à la charge de la branche famille.
Ceux d'entre nous qui étaient présents lorsque nous avons examiné le projet de
loi, présenté par le gouvernement de M. Balladur, instituant le fonds de
solidarité vieillesse se souviennent que, à l'époque, on avait essayé de donner
un peu de transparence et de lisibilité au financement des retraites. Ce fonds
avait été créé pour faire supporter par la solidarité nationale les dépenses
dites de « solidarité », précisément, en ne laissant à la charge de la branche
vieillesse que les dépenses contributives.
Pour permettre au fonds de solidarité vieillesse de financer les dépenses non
contributives, il avait été décidé de lui affecter les droits sur les
alcools.
Or, depuis 1997, le Gouvernement n'a eu de cesse de transférer ces recettes à
d'autres objets : initialement affectées au FSV, elles l'ont été ensuite à la
branche maladie. Et puis, se rendant compte des insuffisances de financement du
FOREC, on les a retirées à la branche maladie pour les affecter à celui-ci !
Décidément, on a tendance à se perdre dans les tuyauteries installées par le
Gouvernement !
Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2002 amplifie
également d'autres errements déjà dénoncés les années précédentes par notre
commission.
Il s'agit, tout d'abord, de la modification rétroactive de l'affectation de
certaines recettes. Je viens de le dire, les droits sur les alcools, dont
bénéficiait jusqu'à présent la CNAMTS, ont été transférés au FOREC à compter du
1er janvier 2001. De même, le produit de la taxe sur les véhicules terrestres à
moteur, qui était intégralement affecté à la CNAMTS en 2001 pour le financement
de la couverture maladie universelle, est reversé en totalité au FOREC en
2002.
Dans ces conditions, quel crédit peut-on encore accorder au solde de la
branche maladie ? Quelle signification cet indicateur, pourtant essentiel,
peut-il encore avoir pour les assurés et les professionnels de santé, que l'on
entend par ailleurs « responsabiliser » ?
En outre, comme je l'ai déjà indiqué, le projet de loi annule purement et
simplement la dette du FOREC à l'égard de la sécurité sociale pour l'année
2000.
L'imputation de l'annulation de cette dette sur l'exercice 2000 soulève, tout
d'abord, de graves questions de principe au regard des règles élémentaires de
la comptabilité publique. Ainsi, la commission des comptes de la sécurité
sociale, selon son secrétaire général, « s'interdisant tout retraitement des
comptes 2000 qui justifierait inévitablement d'autres corrections et ouvrirait
la porte à l'arbitraire », avait imputé cette annulation sur les comptes 2001,
qui sont encore ouverts.
Si l'on suit les propositions du Gouvernement, comme les mesures qui sont
prises affectent les comptes 2000, qui sont déjà clôturés depuis un moment, il
faudra rouvrir la comptabilité 2000 pour introduire l'incidence de l'annulation
de la créance que vient de décider le Gouvernement pour assurer le financement
du FOREC.
C'est une première ! C'est du jamais vu ! D'ailleurs, les agents comptables
des caisses nous en ont donné acte en nous confiant qu'il s'agissait d'un
exercice extrêmement difficile, qui leur poserait des problèmes d'ordre
matériel et informatique. « Techniquement, nous pouvons tout faire, nous
ont-ils dit, mais nous n'avons jamais eu à faire ce type d'exercice. »
On peut donc s'interroger sur le choix fait par le Gouvernement d'ouvrir à
nouveau les comptes 2000, c'est-à-dire les comptes d'un exercice clos. Ce choix
n'est, bien évidemment, pas innocent dans la mesure où il lui permet de ne pas
corriger, dans un sens nettement plus défavorable, les comptes de l'exercice
2001, dont la clôture publique et définitve doit intervenir au printemps
2002.
Je vous rappelle, mes chers collègues, que la créance ainsi annulée s'élève,
pour le seul régime général, à 15 milliards de francs.
De tels procédés, vous l'admettrez, sont inadmissibles. La commission vous
proposera donc de supprimer la disposition législative correspondante.
Autre mauvaise habitude, également confirmée et amplifiée par le projet de loi
de financement de la sécurité sociale pour 2002 : les prélèvements effectués
sur les excédents des exercices passés ; je suis vraiment désolé de donner de
mauvaises nouvelles aux Français, mais force m'est de décrire la réalité ! Un
double prélèvement est ainsi opéré sur les excédents 2000 de la branche
famille, à savoir, d'une part, 1,5 milliard de francs pour le fonds
d'investissement de la petite enfance et, d'autre part, 5 milliards de francs
au profit du fonds de réserve des retraites.
M. René-Pierre Signé.
Il y a un rapporteur pour la famille !
M. Alain Vasselle,
rapporteur
Il va vous en parler beaucoup plus longuement que moi, ne vous
inquiétez pas, mon cher collègue !
Ainsi, les familles n'auront pas bénéficié longtemps des excédents que la CNAF
était, jusqu'à présent, parvenue à conserver. Le versement au fonds de réserve
des retraites, qualifié de « contribution aux dépenses de solidarité
intergénérationnelle », viendra en réalité compenser, pour partie, les
nombreuses ponctions opérées sur le fonds de solidarité vieillesse au titre
soit des 35 heures soit du financement de l'allocation personnalisée
d'autonomie.
Au-delà des ponctions opérées chaque année, le Gouvernement est ainsi conduit,
pour boucler ses comptes de fin de législature, à prélever les excédents qui
lui avaient jusqu'alors échappé. Privée d'une partie significative de ses
ressources et de ses réserves au profit du FOREC, la sécurité sociale doit
également faire face à la dérive des dépenses d'assurance maladie. J'évoquerai
plus en détail ce sujet dans la suite de mon intervention. Pour l'heure, je me
bornerai à vous rappeler, mes chers collègues, le montant du déficit cumulé de
la branche maladie pour les années 1998 à 2002 : 61 milliards de francs !
Ce constat d'ensemble est d'autant plus préoccupant que les comptes de la
sécurité sociale, ainsi que ceux du présent projet de loi de financement, tels
que je vous les ai présentés, reposent sur des hypothèses économiques que le
Premier ministre qualifie de « patriotiques » et sur une évolution de l'ONDAM
particulièrement « idéaliste ». Or, s'il vient à manquer un point de croissance
de la masse salariale, ce qui représente une perte supplémentaire de 10
milliards de francs, ou si l'ONDAM progresse au même rythme qu'en 2001, soit 16
milliards de francs de dépenses supplémentaires, le résultat du régime général
basculera dans le rouge - complètement cette fois - dès 2002. Il sera, dès
lors, victime d'un redoutable « effet de ciseaux » entre, d'une part, la
contraction de ses recettes et, d'autre part, la progression incontrôlée des
dépenses d'assurance maladie.
Ainsi, à l'issue d'une période de croissance exceptionnelle, la sécurité
sociale se trouve, de manière paradoxale, dépourvue de toute réserve pour
affronter des temps probablement beaucoup plus difficiles. Les marges
financières dont elle disposait, détournées pour financer la coûteuse politique
des 35 heures et « engloutie » par la dérive des dépenses d'assurance maladie,
n'ont pas été utilisées pour mettre en place les réformes indispensables à la
pérennité de notre système de protection sociale.
Notre commission n'a aucun goût particulier pour le rôle de Cassandre.
Toutefois, afin de donner à la sécurité sociale et, plus particulièrement, au
régime général les moyens de faire face aux défis à venir, elle propose au
Sénat de rétablir la vérité des comptes sociaux.
Cette « opération-vérité » consisterait à restituer, en 2002, au régime
général et à la sécurité sociale l'ensemble des recettes qui leur ont été,
directement ou indirectement, « confisquées » au profit du FOREC.
L'évaluation réalisée par notre commission à ce sujet, et dont le détail
figure dans le rapport écrit, permet ainsi de dégager, pour le régime général,
un total de recettes supplémentaires de 30 milliards de francs. Son excédent
atteindrait ainsi, en 2002, 35 milliards de francs, contre 5 milliards de
francs prévus actuellement. Le fonds de solidarité vieillesse, quant à lui,
disposerait de 18 milliards de francs supplémentaires, qui seraient ensuite
reversés au fonds de réserve des retraites, ce qui permettrait au Gouvernement
d'atteindre effectivement les objectifs qu'il avait affichés, en déclarant à la
représentation nationale qu'il alimenterait le fonds de réserve des retraites
grâce aux excédents du fonds de solidarité vieillesse.
Si nous suivions le Gouvernement, compte tenu de la situation actuelle -
Dominique Leclerc en parlera plus savamment que moi dans un instant -, nous
risquerions de nous retrouver, cette année, concernant le fonds de solidarité
vieillesse, avec un excédent limité à 1 milliard de francs, voire avec un solde
nul ou même avec un déficit, autrement dit sans aucune possibilité d'alimenter
le fonds de réserve des retraites.
A l'inverse, si l'on rétablissait les recettes du fonds de solidarité
vieillesse, les sommes qu'il pourrait reverser au fonds de réserve
permettraient à ce dernier de réunir 100 milliards de francs dès 2002, contre
86 milliards de francs prévus dans ce projet de loi de financement de la
sécurité sociale.
A ce sujet, madame le ministre, quand vous annoncez que, grâce aux mesures du
Gouvernement, le fonds de réserve atteindra 86 milliards de francs d'ici à la
fin de l'exercice 2002, vous omettez de dire qu'il aurait dû s'établir à 55
milliards de francs à la fin de l'exercice 2001, alors qu'il ne dépassera pas
41 milliards de francs ; vous avez donc pris du retard, et le conseil
d'orientation des retraites, partageant en cela l'analyse du Sénat, considère
que, pour atteindre 1 000 milliards de francs, il aurait fallu réaliser au
moins entre 30 et 35 milliards de francs par an. Or ces chiffres ne sont pas au
rendez-vous et, même avec 86 milliards de francs, vous êtes encore en retard
par rapport à l'objectif de 1 000 milliards de francs. Il faut que les
Françaises et les Français le sachent !
Ces résultats nous donnent ainsi une idée de l'importance de la manne
financière qu'aurait procurée la croissance à la sécurité sociale si cette
manne n'avait pas été détournée par le Gouvernement pour financer une coûteuse
politique de l'emploi, qui commence d'ailleurs à donner de sérieux signes de
faiblesse.
M. Didier Boulaud.
Une coûteuse politique sociale !
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
La commission des affaires sociales soumettra donc au Sénat
divers amendements visant à définir le cadre juridique de cette « opération
vérité ». Ainsi, les partenaires sociaux et l'opinion publique seront
pleinement informés de l'état actuel de nos finances sociales et de l'occasion,
gâchée par le Gouvernement, que représentaient les années de croissance pour
engager les réformes nécessaires, notamment en matière de retraites.
M. René-Pierre Signé.
Et la couverture maladie universelle ?
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Il appartiendra ensuite à l'Etat de dégager sur son propre
budget les ressources nécessaires au financement de sa politique de
l'emploi.
Lors de la réunion de la commission des comptes de la sécurité sociale, en
juin dernier, vous avez déclaré, madame la ministre, que « la fraction non
compensée des allégements de cotisations ne pourra pas avoir, pour elle-même,
pour effet de provoquer la mise en déficit de la sécurité sociale ». Or il n'en
sera rien, les comptes présentés par le Gouvernement dans le projet de loi de
financement pour 2002 nous démontrent, malheureusement, le contraire. Nul ne
devrait pourtant devoir douter de votre parole, madame la ministre !
M. René-Pierre Signé.
Vous vous y connaissez en déficits ! Et les déficits Juppé ?
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
J'en arrive à ma conclusion sur les grands équilibres
financiers : si vous souhaitez réellement la lisibilité des comptes pour les
Français, si vous voulez jouer cette carte de la transparence tant prônée par
le Premier ministre, si vous voulez jouer la rigueur des finances, vous ne
pourrez qu'appuyer notre démarche et donner raison au Sénat en vous pliant à
l'exercice auquel j'invite l'ensemble de mes collègues.
Voilà, mes chers collègues, ce que je voulais vous dire concernant les grands
équilibres financiers de la sécurité sociale.
Je n'en ai malheureusement pas terminé, puisqu'il me faut maintenant vous
parler de la branche maladie, avant que mes collègues Jean-Louis Lorrain et
Dominique Leclerc interviennent pour vous entretenir l'un de la branche
famille, l'autre de la branche vieillesse.
Concernant la branche maladie, l'examen de ce sixième projet de loi de
financement de la sécurité sociale, cinquième et dernier de la législature, est
aussi l'occasion de dresser un premier bilan de la politique menée depuis juin
1997 en matière d'assurance maladie.
Nous allons donc nous pencher quelques instants sur la branche maladie, qui
est au coeur des préoccupations des Français même si la famille et les
retraites ne sont pas absentes de leurs inquiétudes.
Il apparaît que les années 1998 à 2001 ont constitué, en réalité, quatre
années de dérive de l'assurance maladie, et que l'année 2001, mes chers
collègues, a vu la confirmation - et parfois l'accélération - des tendances
inquiétantes que la commission des affaires sociales avait déjà relevées les
années précédentes.
La dérive des dépenses s'est poursuivie sans donner le moindre signe d'un
quelconque ralentissement. L'objectif national de dépenses d'assurance maladie,
le fameux ONDAM a, une nouvelle fois, été dépassé en 2001, témoignant du
caractère peu réaliste des objectifs sur lesquels le Gouvernement a demandé à
la représentation nationale de se prononcer.
Qu'il me soit permis, à cet égard, de rappeler, puisque Mme la ministre se
plaît à se référer à des périodes antérieures, que seul le premier ONDAM de
l'histoire parlementaire, c'est-à-dire l'ONDAM de 1997, qui a suivi la réforme
constitutionnelle, aura été respecté.
M. Nicolas About,
président de la commission des affaires sociales.
En effet !
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Or il me semble qu'on peut l'imputer à la responsabilité du
précédent gouvernement !
Sur quatre années, de 1998 à 2001, le dérapage entre l'objectif voté et
l'ONDAM réalisé a d'ailleurs nettement eu tendance à s'accroître : le
dépassement a été de 9,8 milliards de francs en 1998, de 10,2 milliards de
francs en 1999, de 17,4 milliards de francs en 2000 et de 17 milliards en
2001. Au total, malgré les rebasages successifs, l'ONDAM aura dérapé de 54
milliards de francs, pendant cette période, par rapport aux objectifs votés par
le Parlement. Où est la maîtrise des dépenses de santé ?
Les dépenses qui relèvent du champ de l'ONDAM ont continué à fortement
progresser, augmentant de 5,6 % en 2000 et de 5 % en 2001.
Cette dérive trouve essentiellement son origine dans la forte croissance des
soins de ville, qui représentent à eux seuls environ 45 % de l'ONDAM et au sein
desquels les dépenses de médicaments connaissent la croissance la plus vive :
11 % en 2000, 7,7 % en 2001.
Au demeurant, mes chers collègues, tout porte à croire que l'ONDAM de 2002 ne
sera pas plus respecté que les précédents : il apparaît en effet bâti sur des
hypothèses de croissance des dépenses complètement irréalistes.
Les auteurs du rapport de la commission des comptes de la sécurité sociale
partagent d'ailleurs cette analyse puisque, selon eux : « L'hypothèse retenue
en matière de dépenses d'assurance maladie est particulièrement ambitieuse.
L'objectif de 3,8 % fixé pour 2002, qui inclut le financement de la réduction
du temps de travail dans les hôpitaux, correspond à un objectif inférieur pour
les autres dépenses. Sa réalisation supposerait un freinage considérable par
rapport à la tendance moyenne des deux dernières années, supérieure à 5 % ».
Autrement dit, on part du principe que, dès l'année 2002, les dépenses de
soins de ville et de médicaments vont miraculeusement enregistrer un
ralentissement très net, et on table en même temps sur un taux de croissance
qui resterait le même. L'information circule-t-elle entre le ministère des
finances et le ministère des affaires sociales ? On peut se le demander !
N'avons-nous pas entendu M. Fabius reconnaître qu'il serait obligé de réviser à
la baisse le taux de croissance ? On ne peut pas, d'un côté, reconnaître à
Bercy que la croissance va diminuer et considérer, d'un autre côté, en
présentant le projet de loi de financement de la sécurité sociale, que la
croissance sera toujours au rendez-vous et qu'en définitive les objectifs de
l'ONDAM seront respectés ! Vraiment, c'est prendre les vessies pour des
lanternes et faire croire n'importe quoi aux Français !
Soyons un peu sérieux et un peu constructifs : il ne faut pas prendre les
Français pour des imbéciles, ils sont capables de comprendre dans quelle
situation nous nous trouvons réellement. Une simple prolongation de la tendance
enregistrée ces deux dernières années en matière de dépenses de soins de ville
amènerait en effet à un nouveau dérapage d'au moins 15 milliards de francs si
le pourcentage de dérive constaté entre 1998 et 2001 demeurait inchangé.
Dans ces conditions, la commission des affaires sociales vous proposera, comme
l'année dernière, d'opposer une sorte de « question préalable » à l'ONDAM 2002,
c'est-à-dire de le rejeter solennellement. Nous nous refusons, en effet, à
engager l'autorité du Sénat en lui demandant d'approuver un objectif dont le
Gouvernement s'empressera de s'affranchir quelques mois plus tard.
M. Bruno Sido.
Très bien !
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
La pratique observée depuis cinq ans traduit à l'évidence un
dévoiement de l'ONDAM et mérite d'être sanctionnée clairement. En effet, ce
n'est pas seulement un « agrégat » qui dérive, mais avec lui notre système de
soins, et le débat démocratique autour de la sécurité sociale.
Malgré une croissance exceptionnellement forte des recettes, l'absence de
maîtrise des dépenses conduit très logiquement la branche maladie du régime
général à enregistrer des déficits répétés : 14,7 milliards de francs en 1998
en droits constatés, 4,8 milliards de francs en 1999, 17,2 milliards de francs
en 2000 et 11,5 milliards de francs en 2001.
Le Gouvernement prévoit même pour 2002 un déficit de 13 milliards de francs -
c'est dire qu'il n'y aurait aucun redressement des comptes de la branche
maladie -, ce qui porterait le déficit cumulé des années 1998-2002 à 61,2
milliards de francs.
La prévision pour l'exercice 2002 suppose naturellement que l'ONDAM soit
respecté et que les recettes continuent à progresser fortement, ce qui
représente un double pari.
Le simple prolongement des tendances enregistrées ces deux dernières années en
matière de dépenses de soins de ville amènerait le déficit de la branche
maladie du régime général à près de 30 milliards de francs à la fin de l'année
2002, soit un déficit cumulé sur cinq ans approchant les 80 milliards de
francs. Naturellement, si les recettes venaient à fléchir du fait d'un
ralentissement de la croissance, ce déficit serait majoré d'autant, auquel cas
peut-être dépasserait-on même les 100 milliards de francs.
On mesure à cette aune l'effectivité du « redressement de la sécurité sociale
» dont vous vous targuez pourtant régulièrement, madame la ministre !
Il apparaît, dès lors, stupéfiant que l'assurance maladie, qui constitue la
branche déficitaire par excellence, se voie néanmoins ponctionnée à un double
titre pour assurer le financement des 35 heures : par les 8 milliards de francs
de recettes qu'elle abandonne au FOREC et par la charge financière - 10
milliards de francs en année pleine - qu'elle va supporter au titre des emplois
créés dans les hôpitaux.
On peut, certes, se targuer d'une augmentation sans précédent de la dotation
globale des hôpitaux, mais celle-ci est en fait destinée à financer les 35
heures. Et, dans le même temps, on creuse le déficit de la branche maladie et
de la sécurité sociale parce que le Gouvernement est incapable de trouver les
moyens de financer la politique qu'il a décidé de mettre en oeuvre. C'est un
peu facile de prélever dans les recettes de la sécurité sociale et d'accentuer
le déficit, creusant davantage encore le trou !
La progression des dépenses d'assurance maladie intervient, de surcroît, dans
un contexte de fortes tensions entre les pouvoirs publics et les professionnels
de santé.
Ainsi, la régulation des soins de ville est aujourd'hui complètement dans
l'impasse. L'application du mécanisme pernicieux des lettres-clés flottantes,
dont l'échec est désormais patent, a mis en péril le fonctionnement du système
conventionnel et fait disparaître toute véritable possibilité de régulation.
Après une année de concertation, vous avez certes dévoilé, madame le ministre,
le 4 octobre dernier, treize propositions pour « la réforme des soins de ville
et l'avenir de l'assurance maladie ». Ce texte, d'une portée très générale,
était censé servir de base à une nouvelle concertation avec les professionnels.
Mais, peut-être pressé par certains protagonistes ou par certaines échéances
qui se rapprochent, le Gouvernement n'a pas attendu la mise en place de la
concertation. C'est ainsi que, dès le 25 octobre, il faisait adopter par
l'Assemblée nationale un article additionnel pour le moins ambitieux puisqu'il
vise ni plus ni moins à « la rénovation du cadre conventionnel et du dispositif
de régulation » des soins de ville !
De l'aveu même du Gouvernement, qui a qualifié ce texte d'« amendement
esquisse » - je ne sais pas si c'est vous qui étiez au banc du Gouvernement à
l'Assemblée nationale, madame le ministre, et c'est sans doute votre collègue
M. Kouchner qui a utilisé ce terme, avec ou sans votre assentiment - de l'aveu
même du Gouvernement, dis-je, le dispositif proposé reste encore à l'état
d'ébauche.
Si le Gouvernement semble retenir l'idée d'une architecture conventionnelle à
trois niveaux, ainsi que vous nous l'avez rappelé tout à l'heure, madame le
ministre, il ne tranche ni la question du mode de régulation des dépenses ni
celle des responsabilités respectives de l'Etat et de l'assurance maladie dans
cette régulation.
Le mécanisme des lettres-clés flottantes est maintenu, même si, selon le
Gouvernement, il ne s'appliquerait plus aux professionnels ayant signé une
convention.
Après une année de concertation, le Gouvernement esquisse donc, dans
l'improvisation la plus totale, un dispositif inachevé et incomplet et auquel
s'opposent déjà une bonne partie des professionnels de santé.
Pour sa part, la commission des affaires sociales vous proposera la
suppression du dispositif de régulation par les lettres-clés flottantes, cette
suppression constituant à ses yeux un préalable à la reprise du dialogue avec
les professionnels de santé. En effet, comment voulez-vous réunir autour d'une
table des professionnels de santé pour essayer de redonner un élan ou un sang
nouveau au système conventionnel si vous affirmez vouloir maintenir le
dispositif de la sanction collective, si vous menacez, en cas de non-signature
du système conventionnel que vous proposez, d'un retour au système des
lettres-clés flottantes ?
Nous considérons, nous, qu'il faut commencer par faire disparaître une mesure
qui n'a d'ailleurs pas été appliquée dans le courant de l'exercice 2001, et
créer ainsi les conditions favorables à la discussion. Nous pourrons peut-être
alors parler ensuite des conditions dans lesquelles pourra être mise en oeuvre
la mesure proposée dans l'amendement auquel vous venez de faire allusion !
En matière de médicament, le Gouvernement semble une nouvelle fois préférer
l'augmentation des prélèvements pesant sur l'industrie pharmaceutique à des
actions plus structurelles visant à promouvoir le bon usage du médicament.
La forte croissance des dépenses de médicaments montre à l'évidence que la
seule régulation financière par le biais des reversements acquittés par les
laboratoires pharmaceutiques et des prélèvements de toute nature sur
l'industrie du médicament a une efficacité tout à fait limitée.
Comme le relève la Cour des comptes dans son rapport, il est regrettable que
le Gouvernement ne consacre que des efforts encore insuffisants pour promouvoir
le générique et le bon usage du médicament. Ainsi, le développement du
générique reste encore balbutiant, les médicaments génériques ne représentant
aujourd'hui que 3 % du marché des médicaments, soit une économie de 600
millions de francs seulement en 2000 pour l'assurance maladie.
La Cour des comptes relève en outre qu'aucune mesure significative en faveur
du bon usage du médicament n'a en réalité été prise depuis 1998.
Une illustration assez significative de cette inaction peut être trouvée dans
le fonds de promotion de l'information médicale et médico-économique, créé par
l'article 47 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2001.
Ce fonds devrait être chargé, selon le Gouvernement, de « l'information à
destination des professionnels de santé indépendante de l'industrie
pharmaceutique sur l'utilisation des médicaments ».
A ce jour, près d'un an après sa création, ce fonds ne fonctionne toujours
pas, faute du décret d'application nécessaire dont on nous dit qu'il serait «
en cours d'élaboration ».
Enfin, la situation des établissements de santé, qu'ils soient publics ou
privés, reste particulièrement préoccupante.
L'hôpital public doit passer, le 1er janvier 2002, aux 35 heures sans que les
moyens nécessaires à cette mutation aient été dégagés. Le Gouvernement fait
valoir qu'il a choisi de créer 45 000 emplois spécifiques pour la réduction du
temps de travail dans la fonction publique hospitalière. Madame le ministre l'a
réaffirmé il y a quelques instants.
Je note que cette décision est sans équivalent dans la fonction publique. Dans
la fonction publique d'Etat, la réduction du temps de travail devra en effet se
mettre en place à moyens humains constants. Cette « générosité » du
Gouvernement s'explique peut-être par le fait que les 45 000 emplois créés
seront en réalité financés par l'assurance maladie et non par l'Etat.
Lors des nombreuses auditions auxquelles j'ai procédé en tant que rapporteur,
j'ai pu constater que tous les acteurs du monde hospitalier s'accordaient à
souligner les difficultés considérables qu'allait entraîner la mise en place de
la réduction du temps de travail dans les établissements hospitaliers. Chacun
se demande effectivement comment pourront s'effectuer ces recrutements massifs,
alors même qu'un grand nombre de postes sont aujourd'hui vacants.
Nous n'avons pas revu suffisamment tôt le
numerus clausus
d'un certain
nombre de promotions, aussi bien dans les écoles d'infirmières que dans les
universités, à tel point que nous sommes obligés de faire appel à de la
main-d'oeuvre étrangère pour pourvoir des postes.
Je me suis laissé dire que des hôpitaux recrutaient des infirmières espagnoles
et que nombre de médecins viennent de l'étranger. Dans le même temps, des
centaines de jeunes s'inscrivent en première année d'études de médecine.
Rien que pour l'académie d'Amiens, sur les 600 à 700 jeunes qui s'inscrivent
chaque année pour suivre des études de médecine, seulement 80 à 90 sont reçus,
alors que les besoins ne vont cesser de s'accroître en raison des départs à la
retraite de la génération du
baby-boom.
Nous n'avons pas préparé
l'avenir. C'est particulièrement préoccupant.
Aujourd'hui, le phénomène des 35 heures aggrave la situation et la rend
particulièrement désagréable et inconfortable.
En outre, les moyens financiers qui ont été dégagés n'apparaissent pas à la
hauteur des enjeux.
En 2002, la part de l'ONDAM attribuée aux hôpitaux progressera de 4,8 %, dont
1,2 %, soit 3,3 milliards de francs, sera consacré au financement des créations
d'emplois.
La fédération hospitalière de France, que préside notre collègue M. Gérard
Larcher, avait demandé, pour sa part, que l'on compense aux établissements
hospitaliers la charge supplémentaire que représente le passage aux 35 heures
par la suppression de la taxe sur les salaires que ceux-ci acquittent. La taxe
sur les salaires représente environ 11 milliards de francs pour les hôpitaux,
soit un montant proche du coût en année pleine des créations d'emplois liées à
la réduction du temps de travail. Cette solution n'a naturellement pas été
retenue par le Gouvernement, puisqu'elle aurait privé l'Etat d'une recette. Son
choix s'est au contraire porté sur l'augmentation des dépenses des hôpitaux,
lesquelles sont financées par l'assurance maladie.
Dans ce contexte, confronté à la « grogne » d'une partie de sa majorité
plurielle qui menaçait de ne pas voter le projet de loi de financement de la
sécurité sociale, le Gouvernement a été contraint de mobiliser en urgence des
moyens supplémentaires pour les établissements hospitaliers.
Se refusant à augmenter la dotation hospitalière incluse dans l'ONDAM pour
2002, il a été obligé de recourir à des expédients peu glorieux, mobilisant les
différents fonds hospitaliers existants.
Ainsi, ce plan de soutien aux établissements hospitaliers sous dotation
globale serait composé, selon le Gouvernement, de 3 milliards de francs de
crédits supplémentaires et de 900 millions de francs « d'accélération de
crédits déjà existants ».
La présentation choisie par le Gouvernement est naturellement très avantageuse
et a pour objectif de « gonfler » au maximum les enveloppes ainsi dégagées.
En réalité, l'effort nouveau en faveur des hôpitaux est beaucoup plus réduit :
il repose quasi-uniquement sur l'assurance maladie et ne représentera au total
- je le dis à l'intention de M. Fischer et de Mme Luc - que 2,1 milliards de
francs et non pas 3 milliards de francs, comme cela a été annoncé.
M. Guy Fischer.
Nous allons y revenir ! Ne le dites pas à notre place. Nous le disons
nous-mêmes !
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Vous allez conforter le rapporteur, monsieur Fischer !
Le Gouvernement avait certes promis 1 milliard de francs au titre du fonds
d'investissement pour la modernisation des hôpitaux, le FIMHO, lequel est
financé sur les crédits santé du ministère de l'emploi et de la solidarité.
Lors de la réunion de la commission des affaires sociales, mercredi dernier,
j'avais souligné qu'il faudrait attendre le 12 novembre pour avoir une idée
plus précise des crédits budgétaires effectivement dégagés au titre du FIMHO :
ce fonds a en effet la particularité d'être toujours richement doté en
autorisations de programme et très chichement en crédits de paiement. Dès lors,
on pouvait légitimement se demander si le milliard de francs promis au titre du
FIMHO figurerait en crédits de paiement ou en autorisations de programme.
La réponse est intervenue hier, puisque le Gouvernement a déposé un amendement
au projet de loi de finances pour 2002 majorant, dans les crédits de la santé,
les autorisations de programme au titre du FIMHO de 1 milliard de francs -
quelle générosité, mes chers collègues communistes ! - et les crédits de
paiement de seulement 100 millions de francs, ces 100 millions de francs étant
gagés par une diminution des crédits du RMI. On prend l'argent du RMI pour
satisfaire une partie de la majorité plurielle et obtenir son vote à
l'Assemblée nationale sur le projet de loi de financement de la sécurité
sociale !
M. René-Pierre Signé.
Il y a eu des créations d'emploi !
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Mes chers collègues, tirez les enseignements de cet exercice
de la part du gouvernement que vous soutenez !
Au total, le FIMHO disposera donc, en 2002, de 1,3 milliard de francs
d'autorisations de programme et de seulement 100 millions de francs de crédits
de paiement.
M. Henri de Raincourt.
C'est tragique !
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
J'attire à cet égard l'attention de notre commission des
finances sur cette situation exceptionnelle. M. Joyandet pourra apprécier !
A l'évidence, le Gouvernement n'a pas les moyens de sa politique : il affiche
1,3 milliard de francs de crédits budgétaires pour l'hôpital, mais ne débloque
effectivement que 100 millions de francs !
Les mesures nouvelles en faveur de l'hôpital se limitent donc en tout et pour
tout à 2,1 milliards de francs en 2002, dont 2 milliards de francs viennent de
l'assurance maladie.
J'admire l'habileté politique, c'est au moins un point que l'on peut
reconnaître à ce gouvernement, puisqu'il a su convaincre le groupe communiste
de l'Assemblée nationale que près de 4 milliards de francs supplémentaires
avaient été dégagés. Il est clair que la multiplication des fonds, qui
parcellisent le financement de la sécurité sociale, permet assez aisément de
telles opérations qui reviennent
in fine
à comptabiliser deux fois les
mêmes sommes.
M. le président.
Veuillez conclure, monsieur le rapporteur.
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Ce n'est pas ma faute : le texte est tellement dense que je
me dois d'en parler longtemps !
M. le président.
Je vous prie de conclure rapidement, monsieur le rapporteur.
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Je tiens à appeler l'attention de notre assemblée sur le peu
de considération du Gouvernement à l'égard de la représentation nationale, du
Parlement.
Dès le lundi 29 octobre à neuf heures trente, madame le ministre, vous
réunissiez les directeurs d'agences régionales de l'hospitalisation afin de
décider de l'affectation dans les hôpitaux publics des dotations
supplémentaires votées par l'Assemblée nationale le vendredi 26 octobre, et ce
alors même que le Sénat ne s'était pas prononcé sur les dispositions en
question et que l'Assemblée nationale n'avait pas encore adopté l'ensemble du
projet de loi de financement de la sécurité sociale.
La commission des affaires sociales considère que la répartition impromptue de
ces dotations par le Gouvernement relève d'une précipitation et d'une fébrilité
qui font peu de cas du respect des droits du Parlement et des principes qui
régissent nos finances publiques.
Enfin, les cliniques privées connaissent, pour leur part, des difficultés
croissantes. La conjugaison d'une enveloppe moins généreuse que celle de
l'hôpital public et du passage effectif aux 35 heures a profondément fragilisé
ces cliniques privées.
La situation difficile que connaissent nombre d'établissements de santé privés
trouve son origine dans la conjonction d'un double phénomène : d'une part, la
création d'emplois, à hauteur de 7,3 % en un an, consécutive à la mise en
oeuvre de la réduction du temps de travail dans les cliniques et, d'autre part,
la pénurie de personnel soignant, notamment infirmier, résultant de la création
d'emplois et des différentes mesures d'ordre social prises en faveur des
personnels de l'hospitalisation publique, au travers des protocoles
successifs.
Les cliniques redoutent que l'annonce, par le Gouvernement, de la création de
45 000 emplois à l'hôpital sur trois ans à compter du 1er janvier 2002 ne se
traduise par le départ de leurs infirmières les plus expérimentées vers les
établissements publics, le niveau de rémunération que les cliniques proposent
au personnel soignant étant en effet inférieur de 15 % à 30 % à celui du
public.
Il est vraisemblable que les hôpitaux publics ne pourront réussir à pourvoir
tous les nouveaux postes.
La commission des affaires sociales avait souhaité, par conséquent, que le
fonds de modernisation des cliniques privées, le FMCP, puisse disposer d'une
dotation sensiblement plus élevée afin d'accompagner les restructurations qui
s'imposent.
Elle a, semble-t-il, été partiellement entendue par le Gouvernement qui a
annoncé, le mercredi 7 novembre au matin, à l'issue d'une négociation avec les
représentants de la fonction hospitalière publique, la FHP, « un programme
pluriannuel de financement » en faveur des cliniques.
La commission des affaires sociales observe, tout d'abord, que le 1,7 milliard
de francs de mesures nouvelles annoncées doit être amputé de la dotation de 150
millions de francs au FMCP qui figuraient déjà à l'article 13 du projet de loi
: l'effort supplémentaire ne serait en réalité que de 1,55 milliard de
francs.
En outre, elle s'interroge sur l'enveloppe de 500 millions de francs accordée
dans le cadre de l'accord fixant les tarifs des cliniques pour 2002 : cette
somme venant en majoration de l'objectif de dépenses des cliniques privées en
2002, j'espère que le Gouvernement majorera l'ONDAM 2002 en conséquence. Nous
attendons donc avec impatience le dépôt par le Gouvernement de ces
amendements.
Enfin, je voudrais souligner, avant l'examen par le Sénat des nouvelles
dispositions qui lui sont soumises, que bon nombre des articles votés en
matière d'assurance maladie dans la loi de financement de la sécurité sociale
pour 2001 ne sont, de l'aveu même du Gouvernement, toujours pas appliqués, ce
qui incite à examiner avec un certain détachement les mesures nouvelles qui
nous sont proposées à l'occasion de ce projet de loi.
J'arrêterai là mon propos, mes chers collègues, pour satisfaire à la demande
de M. le président et ne pas abuser de votre attention. J'avais encore des
observations importantes à formuler sur les accidents du travail, mais j'y
reviendrai plus longuement lors de la discussion des articles.
J'ai été, je le reconnais, bien long, mais il me semble, monsieur le
président, que mes propos étaient nécessaires pour que l'opinion publique soit
informée. J'espère que les médias sauront s'en faire l'écho pour que les
Français connaissent la véritable situation de la sécurité sociale.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants
et de l'Union centriste.)
M. le président.
Monsieur le rapporteur, nous avons bien compris que vous n'étiez pas d'accord
avec le Gouvernement !
(Sourires.)
La parole est à M. Jean-louis Lorrain, rapporteur.
M. Jean-Louis Lorrain
rapporteur de la commission des affaires sociales pour la famille.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le 17 octobre
dernier, comme tous les parlementaires, j'ai reçu une lettre de M. Hubert Brin,
président de l'Union nationale des associations familiales, qui débute en ces
termes : « La dernière fois que l'UNAF a décidé d'écrire à chacun d'entre vous,
c'était en 1997 et 1998, lorsque le Gouvernement avait voulu supprimer
l'universalité des allocations familiales en soumettant leur versement à un
critère de ressources. Si l'UNAF se permet de recommencer aujourd'hui, c'est
que la gravité de la situation l'exige. »
Ainsi, le Gouvernement s'apprête à terminer la présente législature comme il
l'a entamée, en pénalisant les familles.
A l'occasion de l'examen d'un projet de loi qui s'inscrit, par sa philosophie,
dans la droite ligne des précédents et pour comprendre la gravité de la
situation dont fait état l'UNAF, un bilan de la politique familiale menée par
ce Gouvernement s'imposait.
Avant d'en venir aux mesures spécifiques du présent projet de loi, il convient
donc de retracer l'évolution des moyens de la politique familiale qui sont
aujourd'hui en cause.
Nous constatons, en premier lieu, l'évolution satisfaisante des ressources de
la CNAF.
Les ressources, composées des cotisations sociales et des impositions
affectées, ont globalement augmenté plus rapidement que la croissance. De 1998
à 2002, ces ressources ont progressé de 0,05 point de PIB, ce qui représente,
en 2002, 4,7 milliards de francs supplémentaires.
Dans cette tendance globale, il convient de distinguer l'évolution des
cotisations de celle des recettes fiscales affectées à la CNAF. Les premières
croissent fortement alors que les secondes stagnent en apparence.
Cette stabilité n'est due, en réalité, qu'à un seul facteur : environ 10 % des
recettes fiscales de la branche famille ont été affectés à d'autres usages.
L'évolution des recettes à un rythme supérieur à la croissance a procuré un
surplus de ressources d'environ 16 milliards de francs.
Face à cette augmentation, les prestations familiales affichent une forte
décélération, même si l'évolution des trois secteurs - les prestations
familiales légales, les aides au logement et l'action sociale - recouvre des
réalités différentes.
Si l'on neutralise l'effet de la débudgétisation de la majoration de
l'allocation de rentrée scolaire, le poste des prestations familiales ne peut
plus masquer son déclin.
En effet, ces prestations ont régressé entre 1998 et 2002 de 0,1 point de PIB,
ce qui représente une économie de 31 milliards de francs, simplement du fait
d'une indexation sur l'inflation.
Bien sûr, certaines évolutions doivent être saluées, telles que la croissance
des dépenses pour l'emploi d'une assistante maternelle, mais elles sont le plus
souvent la contrepartie de mesures pénalisantes pour les familles.
Dans le même temps, les allocations de logement ont augmenté un peu plus vite
que le PIB. La réforme des modes de calculs engagée par le Gouvernement
explique partiellement cette évolution.
Grâce aux dotations décidées en 2001 et 2002, notamment à l'occasion des
conventions d'objectifs et de gestion, pour accompagner les coûts de
fonctionnement générés par les fonds d'investissement pour la petite enfance,
le budget du fonds national d'action sociale a augmenté plus fortement que la
croissance.
Sur cette évolution, il convient de formuler deux observations.
En premier lieu, les poids respectifs des trois secteurs - prestations
familiales, aides au logement et action sociale - sont très dissemblables,
puisqu'ils représentent respectivement 73 %, 20 % et 7 % des dépenses de la
branche, hors transferts.
Du fait de leur poids respectif, la forte décélération des prestations
familiales n'est pas, loin s'en faut, compensée par la bonne tenue des aides au
logement et de l'action sociale. Tout au plus, par des dépenses nouvelles, ces
deux derniers postes ramènent-ils le montant global de l'économie sur les
prestations de 31 milliards à 24 milliards de francs.
En second lieu, il faut noter que l'effort a porté sur les prestations -
notamment sur les aides au logement - dont le bénéfice est soumis aux
conditions de ressources les plus restrictives.
Alors ministre de l'emploi et de la solidarité, Mme Aubry avait affirmé ici
même, le 4 novembre 1997, que la politique familiale reposait sur « la
solidarité nationale ». L'assimilation de la politique familiale à une
politique de solidarité fait glisser cette dernière - la tendance des
prestations le confirme - d'un effort de la nation en faveur de l'ensemble des
familles vers une politique d'aide sociale destinée essentiellement aux plus
modestes.
Avec des recettes supplémentaires à hauteur de 16 milliards de francs et une
baisse des dépenses de 24 milliards de francs, la déformation du poids de la
politique familiale dans la richesse intérieure a entraîné, en cinq ans, un
excédent de 40 milliards de francs.
Peu dynamiques, les dépenses d'allocation vieillesse des parents au foyer et
les cotisations d'assurances personnelles ont permis à la branche de réaliser
une économie d'une douzaine de milliards de francs, qui s'est ajoutée aux 40
milliards de francs déjà cités et à l'excédent de 11 milliards de francs dont
bénéficiait, au départ, la branche en 1998. L'excédent cumulé de la branche sur
la période 1998-2002 devrait donc s'élever à 64 milliards de francs.
J'ouvre ici une parenthèse. Le Gouvernement ne cesse de répéter qu'il a
rétabli les finances de la branche. Celle-ci faisait en effet face à une dette
cumulée et à un déficit en 1997. Or la dette a été transférée à la Caisse
d'amortissement de la dette sociale, la CADES. Ce sont donc les générations
suivantes qui la paieront. Quant au déficit, le Gouvernement a pris des
décisions qui ont fortement pénalisé les familles.
A posteriori
, ces décisions étaient injustes et inutiles au regard de
l'excédent structurel de la branche, qui s'est réformé dès 1999. En revanche,
ces mesures étaient nécessaires afin que le Gouvernement dégage des marges de
manoeuvre pour financer ses autres politiques, notamment les 35 heures.
La CNAF affiche aujourd'hui un excédent cumulé d'un peu plus de 19 milliards
de francs. Si l'on y ajoute les excédents prévisionnels pour 2001 et 2002 nets
des mesures nouvelles prévues par le projet de loi de financement de la
sécurité sociale, le montant des excédents cumulés disponibles s'élève, fin
2002, à environ 29 milliards de francs, et non à 64 milliards, ce qui aurait
été l'excédent naturel de la branche. Cet écart de plus de 35 milliards de
francs s'explique parfaitement.
Dans son dernier rapport, la Cour des comptes nomme pudiquement « reclassement
financier » les prélèvements qui ont permis au Gouvernement de réaffecter les
moyens financiers initialement dévolus à la politique familiale.
Ces reclassements financiers sont maintenant bien connus. Il s'agit de l'effet
négatif lié à la débudgétisation de la majoration de l'allocation de rentrée
scolaire, la MARS, qui coûte, sur la période 2000-2002, plus de 15 milliards de
francs ; de l'annulation des créances du FOREC, d'un montant de 2,8 milliards
de francs, et des majorations de pensions pour enfants, qui se traduisent, sur
cette période, par un transfert supérieur à 9 milliards de francs, soit au
total, 27 milliards de francs.
Outre ces reclassements, la branche famille doit consacrer 5 milliards de
francs supplémentaires au fonds de réserve pour les retraites. Sur le total de
64 milliards de francs, 27 milliards auront été siphonnés au cours des
exercices, 5 milliards versés au fonds de réserve pour les retraites et 3
milliards de francs auront été consacrés aux familles par l'intermédiaire du
fonds d'investissement pour la petite enfance.
Il resterait donc 29 milliards de francs à la fin de l'année prochaine, sous
réserve que le cadrage macroéconomique du Gouvernement se réalise. En cas
d'écart, le niveau des excédents tombera d'autant, alors que les dépenses, qui
sont certaines, demeureront stables.
A la lecture du présent projet de loi, découvrant l'article 29 relatif au
transfert d'une partie des excédents de la branche au fonds de réserve pour les
retraites, M. Hubert Brin a parlé d'une « agression contre les familles ».
Doit-on aller jusque-là ? Ce terme fort révèle le caractère profond du projet :
l'arbre des annonces en faveur des familles cache en fait la forêt des
prélèvements affectant la CNAF.
Les dépenses en faveur des familles prévues par le présent projet de loi de
financement s'inscrivent dans la ligne des annonces de la conférence de la
famille et approchent les 4 milliards de francs.
Fortement emblématique, le congé de paternité est une avancée à saluer,
quoique modeste, vers un dispositif répandu dans les pays nordiques. Pourtant,
ni la culture des entreprises encourageant ces congés ni la souplesse
infiniment supérieure des congés suédois ou danois ne permettent de leur
comparer le congé de onze jours, neuf jours ouvrables en réalité, proposé par
le Gouvernement. En conséquence, l'impact prévisionnel de la mesure, qui est
estimée à 700 millions de francs, calée sur les statistiques scandinaves,
semble assez irréaliste.
A côté du congé de paternité, il est prévu, dans le projet, l'inscription
d'une seconde tranche de 1,5 milliard de francs au fonds d'investissement pour
la petite enfance.
Prévue à hauteur de 1 milliard de francs par la conférence de la famille,
cette nouvelle enveloppe a dû être majorée. En effet, avant même son annonce,
la moitié des crédits était déjà engagée au titre des insuffisances de la
première tranche.
Pour utile qu'il soit, il faut le reconnaître, ce dispositif n'est pas exempt
de critiques. Réputé exceptionnel, il a dû, en révélant brutalement les
carences de l'accueil de la petite enfance, être pérennisé, ce que nous
considérons comme une bonne chose.
Abondé par un mécanisme de reprise sur excédent, il donne lieu à des
acrobaties comptables, dont la plus regrettable est de faire disparaître de
l'agrégat de dépenses de la branche une charge pourtant engagée sur
l'exercice.
Enfin, à côté d'environ 300 millions de francs de mesures diverses, le projet
de loi prévoit une dotation au fonds d'action sociale de 1,6 milliard de
francs, due essentiellement à la signature de la nouvelle convention
d'objectifs et de gestion et aux besoins, en termes d'accompagnement, des
structures de la petite enfance créées nouvellement.
A l'envers de cette face plutôt heureuse, si l'on peut dire, se trouve l'abîme
des ponctions creusées par le Gouvernement : 5 milliards de francs pour le
fonds de réserve pour les retraites, plus de 6 milliards de francs pour les
majorations de pensions pour enfants, 3 milliards de francs au titre des
créances du FOREC. Nul ne peut nier ce constat : le projet de loi de
financement prévoit, pour la branche famille, la perte de 14 milliards de
francs.
Devant ces contributions qui nous semblent inacceptables, les associations
familiales se sont émues auprès du Gouvernement. Or, contrairement aux
précisions que vous avez apportées lors de votre audition devant la commission
des affaires sociales, il semble que la concertation n'ait jamais eu vraiment
lieu.
Dans la lettre adressée à tous les parlementaires par M. Hubert Brin,
président de l'Union nationale des associations familiales, l'UNAF, il est
clairement écrit que « le Gouvernement utilise les excédents de manière
totalement unilatérale ».
Pourtant, les familles ont besoin de tous les moyens financiers de la
politique familiale. En effet, le renouveau démographique appelle un
accompagnement.
A ce propos, je voudrais faire une seconde parenthèse. Contrairement à ce qui
a été souvent dit, la reprise de la natalité en France date de 1995. Les années
2000 et 2001 marquent des pics dans une tendance plus générale.
Si l'effet d'une politique familiale devait être souligné, il s'agirait
davantage des effets de la loi « famille », votée en juillet 1994.
M. Jean Chérioux.
Oh oui !
M. Gilbert Chabroux.
Financée à crédit !
M. Jean-Louis Lorrain,
rapporteur.
Concernant le pic de l'an 2000, il est difficile de le mettre
au crédit de la politique gouvernementale, puisque les mesures prises,
notamment en faveur de la petite enfance, ne sont entrées en vigueur qu'en
2001. Pour être de bonne foi, il convient donc d'être prudent. Sans doute le
facteur décisif est la confiance qu'ont les familles en l'avenir, même si
l'effet de la politique familiale ne saurait être négligé.
Après avoir joué le rôle de frein en période de baisse tendancielle de la
fécondité, une fois celle-ci retournée à la hausse, la politique familiale est
sans nul doute appelée à jouer un effet accélérateur.
A côté de la question démographique, le chantier de la situation des jeunes
adultes demeure grand ouvert.
En cinq ans, le Gouvernement s'est contenté de mettre en oeuvre, non sans les
critiquer, les dispositions prévues par le loi « famille » de 1994, à savoir
l'allongement de l'âge ouvrant droit aux allocations familiales et quelques
mesures améliorant les conditions d'accès au logement.
Puis, d'une conférence de la famille à l'autre, l'espoir fut entretenu. Le 11
juin dernier, le verdict est tombé, à savoir la création solennelle, par voie
législative, d'une commission chargée de réaliser un nouveau diagnostic.
Puisque, à l'instar de la question des retraites, l'effort du Gouvernement en
faveur des jeunes adultes se cantonne à la constitution d'une documentation
imposante, je voudrais,
a contrario
, rendre hommage à l'action utile et
ciblée de l'action sociale des caisses d'allocations familiales, qui, avec 350
millions de francs, n'est néanmoins pas à la hauteur des attentes exprimées.
En conséquence, pour ceux qui estiment, avec le Président de la République,
que « les familles ne peuvent pas tout faire toutes seules » et que « la France
ne peut se résigner à voir les moyens de sa politique familiale se réduire »,
force est de constater que le présent projet de loi n'est pas de très bon
augure.
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et
des Républicains et Indépendants.)
M. le président.
La parole est à M. Leclerc, rapporteur.
M. Dominique Leclerc,
rapporteur de la commission des affaires sociales pour l'assurance
vieillesse.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers
collègues, nouveau rapporteur pour l'assurance vieillesse, permettez-moi, en
début de propos, de vous dire tout l'honneur qui m'est fait de succéder à M.
Alain Vasselle, rapporteur à cinq reprises pour cette branche de la sécurité
sociale, dont les analyses m'ont été très utiles. Compte tenu de l'inaction du
Gouvernement en la matière, elles restent d'ailleurs parfaitement
d'actualité.
M. Alain Dufaut.
C'est un bon début !
M. Dominique Leclerc,
rapporteur.
Je souhaite tout d'abord insister sur le caractère fragile de
l'équilibre financier de la branche vieillesse.
L'objectif de dépenses de la branche vieillesse veuvage pour 2002, prévu à
l'article 30 du projet de loi, s'élève à 893 milliards de francs, en
progression de 4 % par rapport à l'année 2001.
La branche vieillesse parvient tout juste à l'équilibre. Je vous renvoie à mon
rapport écrit, dans lequel je me suis attaché à comparer les recettes et les
dépenses de l'ensemble des régimes de base d'assurance vieillesse.
Madame la ministre, je veux revenir sur votre propos relatif au déficit de
cinq milliards de francs de la branche vieillesse en 1997, argument que le
Gouvernement utilise souvent, et dernièrement encore le 23 octobre à
l'Assemblée nationale lors de l'examen de ce projet de loi. Sachez que cet
argument est fallacieux, comme je l'ai écrit dans mon rapport et je m'en
explique.
En fait, le Gouvernement compare deux soldes comptables de nature fort
différente, puisque, à partir du 1er janvier 1998, est entré en vigueur le
système Racine, qui ventile à la source, au niveau des URSSAF, les recettes de
la sécurité sociale, à l'inverse du mécanisme précédent, qui les répartissait
au niveau national, selon une méthode « statistico-comptable ».
Cette modification introduit une rupture dans la série des encaissements
recensés, ce qui rend non significatives les évolutions entre 1997 et 1998 et
difficile la compréhension du niveau même de ces encaissements.
Le système Racine a profondément modifié la répartition des encaissements
entre les branches du régime général. Cette modification, défavorable à la
branche maladie, a été au contraire très favorable à la branche vieillesse, qui
a bénéficié en 1998, à ce titre, d'un surcroît de recettes de 5,22 milliards de
francs.
Cela revient à dire que la branche vieillesse du régime général était
probablement à l'équilibre en 1997. Le Gouvernement utilise donc un argument
peu scrupuleux.
Si l'on s'en tient au seul régime général, dont la part ne représente jamais
que 46 % du total, il est aisé de se rendre compte que l'excédent de 3,3
milliards de francs de la CNAV prévu pour 2000 se transforme, comme l'a
expliqué M. Vasselle, en un déficit de plus de 1,3 milliard de francs du fait
de la « dette FOREC ». La conséquence de l'article 5 du projet de loi est bien
d'annuler le versement de cet excédent au fonds de réserve.
Le solde tendanciel de la CNAV serait, en 2001, de 6,4 milliards de francs.
Quant à 2002, ce solde tendanciel devait être de 9,8 milliards de francs, mais
compte tenu des différentes mesures du projet de loi, il s'établirait à 6,7
milliards de francs. Le rapporteur pour les équilibres financiers généraux
vient d'insister sur « l'optimisme » des prévisions macro-économiques ; je n'y
reviens donc pas.
Le Fonds de solidarité vieillesse, le FSV, a connu, depuis 2000, un
bouleversement de son financement et de ses missions. Désormais, le FSV est
structurellement déficitaire, compte tenu de l'affecation au FOREC des droits
sur les boissons, de la diminution du taux de CSG qui lui est affecté et de la
prise en charge de la dette de l'Etat à l'égard des régimes complémentaires
AGIRC-ARRCO, l'Association générale des institutions de retraites des cadres et
l'Association des régimes de retraites complémentaires.
Son compte est aujourd'hui maintenu à flot en raison de trois nouvelles
recettes : d'abord, les versements de la branche famille, qui représentent 3,1
milliards de francs en 2001, puis 6 milliards de francs en 2002 ; ensuite, les
ponctions sur le compte de la contribution sociale de solidarité des sociétés,
la C3S, dont le solde avait été initialement affecté au FSV pour alimenter le
fonds de réserve - ces ponctions représentent un montant de plus de 12
milliards de francs sur les exercices 2000 à 2002 cumulés ; enfin, les
ponctions sur son fonds de roulement, c'est-à-dire ses excédents cumulés, qui
était censé alimenter également le Fonds de réserve pour les retraites.
En définitive, alors que la branche vieillesse bénéficie aujourd'hui d'une
situation démographique exceptionnelle compte tenu de l'arrivée à la retraite
des « classes creuses » nées lors de la Seconde Guerre mondiale, et d'une
progression dynamique de ses recettes en raison de la croissance économique,
elle n'a pas pu préparer l'avenir. Le montant total des sommes qu'elle a « mis
de côté », par l'intermédiaire du fonds de réserve, sont de 6,9 milliards de
francs, soit un peu plus de 1 milliard d'euros. Ce résultat se passe de
commentaires !
Je voudrais désormais revenir sur le dossier de la réforme des retraites, tel
qu'il a été conduit, et enterré, par le Gouvernement.
La méthode « diagnostic, dialogue, décision » a connu ici un échec cuisant.
M. Claude Domeizel.
C'est vous qui le dites !
M. Dominique Leclerc,
rapporteur.
Non, ce sont les Français, malheureusement !
Après avoir annoncé, à l'automne 1999, des « décisions » du Premier ministre
et parce que ces « décisions » se sont transformées en « orientations », il a
fallu se résoudre à créer une commission, le Conseil d'orientation des
retraites, le COR. Dès lors, le discours tourne en boucle : la concertation des
années 2000-2001 succède à la concertation des années 1998-1999.
M. Claude Domeizel.
Et vous, qu'avez-vous fait ?
M. Dominique Leclerc,
rapporteur.
Certes, chacun s'accorde sur la qualité des travaux réalisés
par le Conseil d'orientation des retraites. Il convient de rappeler toutefois
que le MEDEF n'a pas souhaité désigner de représentants, ce qui facilite
naturellement, vous le comprendrez, la convergence des analyses.
Le COR a fait connaître, le 17 mai dernier, de nouvelles projections qui
conforment largement le constat établi par le rapport Charpin. Le déficit de la
seule CNAVTS, pour l'année 2020, s'élève ainsi à 71,6 milliards de francs.
Toujours pour la seule année 2020, le déficit des régimes de base s'élève à
plus de 380 milliards de francs, soit plus du tiers des encours annoncés du
fonds de réserve.
Le Gouvernement avait annoncé, l'an dernier, qu'il prendrait des décisions sur
la base des propositions du COR. Du reste, le rôle que doit jouer cet organisme
reste flou : s'agit-il de poser un diagnostic, d'engager un dialogue ou
d'élaborer des décisions ? Le rapport annexé au projet de loi utilise
l'expression « diagnostic partagé ». Or cette expression était déjà employée
dans la lettre adressée à Jean-Michel Charpin par le Premier ministre en date
du 29 mai 1998.
Les conséquences de la création du conseil sont là : la réforme est désormais
renvoyée au lendemain des élections législatives. Un sondage rendu public en
septembre dernier, montrant l'attente des Français, est pourtant
particulièrement instructif. Le Gouvernement a visiblement choisi de
privilégier les 8 % de Français qui jugent ce dossier peu urgent.
Faute de présenter une réforme, le Gouvernement explique désormais qu'il a
préparé la réforme. Vous avez annoncé devant l'Assemblée nationale, madame la
ministre, un véritable calendrier : remise du premier rapport du COR en
décembre, qui devrait, d'une part, faire état d'une convergence des analyses
et, d'autre part, avancer des propositions ; deuxièmement, travaux
complémentaires effectués « dans la concertation » sur les avantages familiaux
dans la retraite et sur la prise en compte du handicap ; choix à faire « tout
de suite après les échéances électorales ».
En somme, la présente législature risque, s'agissant des retraites, de se
conclure par une seule véritable mesure : l'abrogation de la loi du 25 mars
1997 créant les plans d'épargne retraite, dite « loi Thomas ». Le Gouvernement
justifie cette abrogation par « la volonté d'assurer en priorité la pérennité
des régimes de retraite par répartition ». Le financement des retraites de
demain est-il assuré grâce à cette abrogation ? Je ne le crois pas !
Compte tenu de l'inaction gouvernementale, l'analyse du projet de loi
n'appelle pas de longs commentaires en dehors du cas particulier du fonds de
réserve.
L'article 26 procède, une nouvelle fois, à une revalorisation des pensions par
le biais d'un « coup de pouce ». Cette politique nuit profondément à la
lisibilité de l'action publique.
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Très bien !
M. Dominique Leclerc,
rapporteur.
La revalorisation est sans nul doute économiquement possible
aujourd'hui. D'aucuns trouveront d'ailleurs cette revalorisation
insuffisante.
Mais, dans la logique même défendue par le Gouvernement, la commission des
affaires sociale observe que tout « coup de pouce » aux retraites d'aujourd'hui
réduit d'autant les sommes mises en réserve pour garantir l'avenir des
retraites, puisque les excédents de la CNAV sont censés alimenter le fonds de
réserve. Le coût cumulé des revalorisations de 2000, 2001, 2002 sur les comptes
du seul régime général serait de 41 milliards de francs en 2010. En
conséquence, l'effet des revalorisations, à cette même date, est bien de priver
le fonds de réserve de cette somme.
En réalité, il est temps d'assurer, par un mécanisme pérenne, une garantie aux
retraités, qui se voient chaque année soumis, pour la revalorisation de leur
pension, à l'arbitraire des décisions gouvernementales.
Alors que le principe de la création du fonds de réserve a fait l'objet d'un
relatif consensus et qu'il avait suscité un réel espoir chez les Français, les
vicissitudes de son financement risquent d'avoir une conséquence dommageable :
une perte supplémentaire de crédibilité de l'action publique.
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
C'est vrai !
M. Dominique Leclerc,
rapporteur.
Je rappelle que Alain Vasselle a effectué, le 8 mars 2001,
une mission de contrôle sur pièces et sur place, dont le résultat a été riche
d'enseignements. Compte tenu des « ponctions » opérées sur le Fonds de
solidarité vieillesse, et du démarrage poussif du fonds de réserve, la
commission des affaires sociales mettait en doute le chiffre mythique des 1 000
milliards de francs. Ce diagnostic a été, depuis, confirmé. Les recettes
provenant des excédents du FSV et de la C3S, censées constituer la principale
recette du fonds, se résument aujourd'hui au versement de 1,9 milliard de
francs au fonds de réserve correspondant à l'excédant du FSV pour l'exercice
2000, intervenu le 10 octobre 2001, et au versement de 2 milliards de francs
d'excédents de la C3S, intervenu le 23 octobre 1999.
La somme ainsi obtenue - 3,88 milliards de francs - apparaît bien mince au
regard des 650 milliards de francs, à l'horizon 2020, annoncés par le
Gouvernement, le 2 mai dernier, au Conseil d'orientation des retraites.
En réalité, il faudra attendre 2005 et la montée en charge des versements de
la branche famille pour que le FSV soit à nouveau dans une situation
structurellement excédentaire et à même de verser des excédents au fonds de
réserve.
Les gouvernements des années 2005-2020 devront ainsi verser un montant de 646
milliards de francs, soit une moyenne annuelle de 43 milliards de francs, pour
« tenir » le plan de financement annoncé par le gouvernement de Lionel Jospin.
Autant dire qu'un tel objectif tient désormais de la gageure.
La commission des affaires sociales constate que les mesures, votées en
urgence, de la loi du 17 juillet 2001 portant diverses dispositions d'ordre
social, éducatif et culturel relatives au fonds de réserve ne font toujours pas
l'objet d'un début d'application.
Dès sa première année d'existence en 2000, le fonds de réserve connaît un
retard d'abondement de l'ordre de 2,5 milliards de francs sur les 23,2
milliards de francs espérés.
Devant la défaillance du Fonds de solidarité vieillesse, sollicité pour
financer les trente-cinq heures, le Gouvernement avait décidé de compenser
cette « perte » par l'affectation du produit d'une fraction des licences UMTS.
Après avoir espéré 18,5 milliards de francs, puis 9,25 milliards de francs, le
fonds de réserve ne bénéficiera plus que de 8,1 milliards de francs en 2001.
Au total, le fonds de réserve ne devrait disposer pour 2001 que de 42
milliards de francs, alors que 55 milliards de francs étaient prévus par la loi
de financement de la sécurité sociale pour 2001.
Encore convient-il de noter que les versements s'effectuent, pour la grande
majorité d'entre eux, en fin d'année, voire au début de l'année suivante. Au 31
octobre 2001, le fonds de réserve ne comptait « en caisse » que 25,3 milliards
de francs. Pour 2002, le Gouvernement recourt à quelques artifices pour gonfler
les recettes de ce fonds.
L'article 28 du projet de loi prévoit d'augmenter ses ressources pérennes : la
part du prélèvement social de 2 % est portée de 50 à 65 %. Cette disposition
relève de l'affichage, puisque ce pourcentage supplémentaire de 15 % faisait
partie des recettes de la CNAVTS déjà affectées, par la voie de ses excédents,
au fonds de réserve.
L'article 29 du projet de loi affecte au fonds 5 milliards de francs
d'excédents de la branche famille en 2000. Comme l'a souligné M. Lorrain,
rapporteur, c'est dire le respect porté par le Gouvernement au principe de la
séparation des branches de la sécurité sociale.
L'article 17 du projet de loi de finances pour 2002 affecte intégralement au
fonds de réserve les recettes de redevances domaniales liées à l'exploitation
des réseaux de téléphonie mobile. Etaient initialement prévus 16,24 milliards
de francs : le résultat serait désormais d'un peu plus de 8 milliards de
francs. Cet article a dû être complété par l'article 17
ter
nouveau, qui
prévoit de nouvelles ventes par l'Etat de titres, de parts ou de droits de
sociétés, dont un montant plafonné à 8,13 milliards de francs sera affecté au
Fonds de réserve pour les retraites.
Le montant annoncé de 85 milliards de francs pour le 31 décembre repose ainsi
sur trois conditions...
M. Claude Domeizel.
Il n'y en a qu'une : que vous ne reveniez plus au pouvoir !
M. Dominique Leclerc,
rapporteur.
... premièrement, l'existence d'un excédent de la CNAV en
2001 de 6,4 milliards de francs, la dégradation de la situation économique
pouvant affecter fortement ce solde ; deuxièmement, la participation de deux
nouveaux candidats au processus d'attribution des licences UMTS ;
troisièmement, l'effectivité d'une recette de privatisation de 8 milliards de
francs.
Malheureusement, l'expérience de 2001 devrait tenir lieu de leçon : le montant
annoncé de 85 milliards de francs pour fin 2002 n'apparaît pas crédible.
Je souhaiterais terminer cette intervention par quelques réflexions sur le
contenu d'une réforme des retraites en France, réforme d'autant plus nécessaire
qu'elle a été retardée.
Une réforme des retraites pourrait s'inspirer, en France, des expériences
étrangères. L'exemple allemand, que j'analyse plus amplement dans mon rapport
écrit, montre qu'à côté d'une réforme du régime de base permettant d'assurer
une lisibilité aux retraités et une viabilité financière du système, des fonds
de pension sont mis en place sur l'initiative des entreprises, tandis qu'est
encouragé le développement de retraites individuelles par capitalisation. Mais
il n'est pas toujours besoin d'évoquer l'étranger.
Nous disposons en France d'un « socle » pour mener à bien une réforme des
retraites. Ce socle a été défini non pas par le Conseil d'orientation des
retraites, mais par les partenaires sociaux, le 10 février 2001. L'accord
portant sur les régimes de retraite complémentaire, arraché dans la douleur,
comprend un important premier volet consacré à la réforme des régimes de base,
dont le texte peut faire l'objet d'un consensus.
La conduite de la réforme des retraites en Allemagne comme la déclaration des
partenaires sociaux montrent que la question du taux de remplacement et de sa
garantie dans les années à venir est fondamentale.
La seconde question fondamentale est celle de l'équité entre les régimes. Si
l'on se fie au sondage précité, l'opinion publique, toutes tendances politiques
confondues, est largement « mûre » pour un alignement des conditions de départ
à la retraite des salariés du secteur public, ce qui ne peut que nourrir des
regrets, compte tenu de l'inaction du Gouvernement, depuis 1997, sur cette
question.
Ces deux questions - taux de remplacement et équité entre les régimes -
montrent que les régimes publics sont concernés au premier chef, le régime
général ayant fait l'objet d'une réforme courageuse en 1993.
Les projections financières ne font que confirmer ce constat. Ainsi, en 2020,
les deux tiers du besoin de financement global du régime de base - hors régimes
complémentaires - seraient imputables aux régimes du secteur public.
Enfin, toutes les réformes menées à l'étranger montrent combien il est
important pour chacun de prévoir la possibilité de compléter sa pension issue
du mécanisme de répartition par une rente ou un capital représentant ses
efforts d'épargne.
En opposant capitalisation et répartition, en faisant croire que l'ancienne
majorité avait souhaité remplacer l'une par l'autre, alors que la
capitalisation ne peut intervenir que sous la forme d'un complément utile, le
Gouvernement porte une lourde responsabilité.
Telles sont, monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues,
les observations que je souhaitais faire en tant que rapporteur de la
commission des affaires sociales pour l'assurance vieillesse.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants
et de l'Union centriste.)
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Alain Joyandet,
rapporteur pour avis de la commission des finances, du contrôle budgétaire et
des comptes économiques de la nation.
Mes premiers mots, madame la
ministre, seront pour vous dire notre plaisir de vous voir, ici, en
séance,...
M. Bruno Sido.
Bravo !
M. Alain Joyandet,
rapporteur pour avis.
... plaisir qui vous laisse imaginer notre
déception de ne pas vous avoir entendue en commission des finances, mardi
dernier !
M. Jacques Oudin.
C'est vrai !
M. Alain Joyandet,
rapporteur pour avis.
Nous ne pouvons donc qu'attendre avec impatience
l'occasion de débattre avec vous de votre budget, celui du ministère de
l'emploi et de la solidarité, le vendredi 7 décembre prochain.
Si donc notre commission a particulièrement peu apprécié votre absence lors de
la réunion que j'évoquais à l'instant, je tiens à vous remercier, en
contrepoint, des réponses complètes et intéressantes que vos services ont
faites au questionnaire que je vous ai adressé. Cela étant, je regrette avec
mes collègues les propos que vous avez tenus au début de votre intervention. Il
n'est pas habituel, en effet, qu'un ministre s'exprimant à la tribune de la
Haute Assemblée se montre aussi dur à l'égard d'un rapporteur, en l'occurrence
un rapporteur dont nous apprécions la très grande qualité.
(Applaudissements
sur les travées du RPR, de l'Union centristes et des Républicains et
Indépendants.)
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Le pauvre ! Plaignez-le ! Il
s'en remettra !
M. Alain Joyandet,
rapporteur pour avis.
Pour en revenir au questionnaire, je constate que,
tous les ans, mon prédécesseur, M. Jacques Oudin, dont les analyses restent
d'ailleurs tout à fait d'actualité, vous demandait ces réponses : vous avez
bien voulu nous les apporter et nous vous en remercions.
Nous examinons ce soir le sixième projet de loi de financement de la sécurité
sociale. Qu'il me soit permis de rappeler l'apport historique que constitue la
création de ce dispositif sur l'initiative du Président de la République et du
gouvernement dirigé par M. Alain Juppé.
M. Louis Grillot.
Très bien !
M. Alain Joyandet,
rapporteur pour avis.
Il s'agit de l'élément central de la réforme
entreprise cinquante ans après les ordonnances fondatrices de 1945.
Je m'étonne, au passage, de constater que le dispositif Juppé, dont on nous
dit qu'il est si mauvais, n'a pas été modifié depuis quatre ans et qu'il est,
aujourd'hui encore, partiquement inchangé.
M. Charles Guené.
Très bien !
M. Alain Joyandet,
rapporteur pour avis.
Cette réforme a donné un souffle nouveau à la
sécurité sociale, l'a confortée comme le premier des services publics de
France, comme un élément essentiel de notre identité et de notre patrimoine,
comme la preuve concrète de l'idée de solidarité dans notre pays.
La création des lois de financement avait pour objet de permettre à la
représentation nationale, celle qui exprime l'opinion du peuple français,
d'examiner les recettes et les dépenses des organismes de base de la sécurité
sociale et de discuter de leur utilisation.
La loi de financement, clef de voûte de la légitimité de la sécurité sociale,
devait garantir la transparence du débat. Après cinq exercices, il est légitime
de se demander, madame la ministre, ce qui a été fait de cette ambition.
Afin de répondre à cette question, je passerai rapidement en revue tout le
champ de la sécurité sociale, en distinguant les besoins et les attentes des
réalisations.
La retraite constitue la première préoccupation des Français, comme l'a fort
justement rappelé tout à l'heure M. Leclerc. Neuf Français sur dix réclament,
d'après les études, une réforme de notre système de retraite. Le Gouvernement
ne répond toujours pas à cette demande.
Cette inaction repose sur deux piliers : le fonds de réserve des retraites et
la politique des rapports.
Le fonds de réserve pour les retraites aurait pu constituer une chance
extraordinaire de faciliter la réforme des régimes de retraite, s'il avait été
effectivement constitué à hauteur des engagements du Gouvernement. Cependant,
les promesses n'engageant que ceux qui les écoutent,...
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Pour vous, pas pour nous !
M. Alain Joyandet,
rapporteur.
Surtout pour vous, madame la ministre, si j'en juge aux
chiffres que la commission des finances a examinés !
Donc, si les promesses n'engagent que ceux qui les écoutent, les différentes
sources d'abondement ont été taries les unes après les autres au profit de
questions plus urgentes que les retraites, les 35 heures ou le déficit
budgétaire de l'Etat, pour ne citer que celles-là.
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Non, non !
M. Alain Joyandet,
rapporteur pour avis.
Parallèlement, décidé à parfaire sa connaissance du
sujet, le Gouvernement a souhaité mener une politique déterminée, voire
ambitieuse, de publications sur le thème des retraites. De rapports en études,
de concertation en concertation plus approfondie, de réunions en colloques, le
Gouvernement fait de la France le premier pays producteur européen... de
rapports sur le sujet !
(M. Vasselle, rapporteur, s'esclaffe.)
Il est
vrai que la concurrence s'étiole, puisque plusieurs de nos voisins sont passés
dans la division supérieure, celle des réformes ; je citerai l'Italie, la
Suède, l'Allemagne, les Pays-Bas, la Finlande, qui se sont attaqués au
problème.
Ainsi, avec une belle constance, le fonds reste à la recherche de ses
réserves, les rapports, à la recherche des solutions et les retraites, à la
recherche de leur réforme ! Quant aux Français, ils attendent, un peu
inquiets.
M. Dominique Leclerc,
rapporteur.
Très bien !
M. Jacques Oudin.
En effet !
M. Alain Joyandet,
rapporteur pour avis.
La santé constitue une priorité nationale, au même
titre que l'emploi et la sécurité.
Madame la ministre, il serait illusoire de croire que, sur le long terme,
notre pays sera un jour en mesure d'inverser la tendance à la hausse des
dépenses. Des besoins nouveaux apparaissent sans cesse. Qui peut dire que nos
hôpitaux sont trop riches ?
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Il faut vous mettre d'accord
avec M. Vasselle ! Il dit l'inverse !
M. Alain Joyandet,
rapporteur pour avis.
Qui peut dire que nos cliniques sont trop
rentables, que la prise en charge du cancer mobilise trop d'argent, que les
équipements dentaires ou optiques sont trop bien remboursés ?
Parallèlement, des paramètres de fond interviennent qui rendent les dépenses
d'assurance maladie structurellement dynamiques. Le vieillissement de la
population, mais aussi les innovations thérapeutiques et l'attente de nos
concitoyens contribuent ainsi à cette tendance de fond.
Est-ce à dire, cependant, que la part des dépenses de santé dans la richesse
nationale doit augmenter de manière indéfinie et, avec elle, les impôts et les
cotisations prélevés sur les Français ? Je ne le crois pas.
Personne ne peut affirmer que les 800 milliards de francs consacrés par la
collectivité à l'assurance maladie sont aujourd'hui bien employés. Personne ne
peut nier que des inégalités régionales persistent, que des structures peu
efficientes sont privilégiées par rapport aux structures les moins coûteuses,
que la consommation de médicaments en France est la plus importante
d'Europe.
Pour que leur protection sociale progresse autant que les Français
l'escomptent, il faudra donc bien apprendre à réfléchir à des priorités, à
adapter notre système d'allocation des ressources, à dépenser selon nos choix
plutôt que selon nos habitudes.
Il nous faut du volontarisme, madame la ministre. Or, vous ne nous avez
offert, depuis cinq ans, que de l'immobilisme.
(Protestations sur les
travées socialistes.)
M. Claude Domeizel.
Mais non !
M. Guy Fischer.
Vous êtes caricatural !
M. Alain Joyandet,
rapporteur pour avis.
Ce n'est pas moi qui le dis ; ce sont les Français
qui sont unanimes sur le sujet.
M. Claude Domeizel.
Les Français ? C'est à vous qu'ils ont dit ce qu'ils pensaient de vous !
M. Alain Joyandet,
rapporteur pour avis.
La famille n'est ni une inquiétude comme les
retraites ni une priorité comme la santé ; elle est le coeur vivant de notre
société. La branche « famille » de notre sécurité sociale doit en être
l'expression. Elle doit permettre, à partir des efforts consentis par les
cotisants et les contribuables, de soutenir le projet familial de chacun.
La branche « famille » symbolise l'effort de la nation pour sa cellule de
base. Le Gouvernement en a fait une tirelire, la tirelire de sa politique des
35 heures.
M. Claude Domeizel.
C'est faux !
M. Alain Joyandet,
rapporteur pour avis.
Comment justifier, madame la ministre, que les
excédents de la branche « famille » financent les 35 heures ?
M. Claude Domeizel.
Mais non !
M. Gilbert Chabroux.
N'importe quoi !
M. Alain Joyandet,
rapporteur pour avis.
Comment justifier qu'ils viennent au secours du
fonds de solidarité vieillesse, lui-même ponctionné pour cette politique de
gribouille ?
M. Claude Domeizel.
C'est faux !
M. Alain Joyandet,
rapporteur pour avis.
Comment justifier que seulement le sixième de
l'excédent de la branche en 2000 revienne aux familles ?
Est-ce à dire que nous préférons, pour boucher les trous creusés par les
décisions politiques d'aujourd'hui, laisser partir à vau-l'eau la politique
familiale ? A quand l'annonce par le Gouvernement de la diminution des
allocations familiales pour financer les 35 heures, à l'hôpital public, par
exemple ?
(Protestations sur les travées socialistes.)
Ce n'est ni notre
conception de la famille ni notre idée de la manière dont elle doit être
aidée.
M. Claude Domeizel.
On la connaît, votre conception de la famille !
M. Guy Fischer.
Et votre politique en la matière a échoué !
M. Alain Joyandet,
rapporteur pour avis.
Les accidents du travail, autre sujet, intéressent
bien peu les commentateurs. Je m'y arrêterai pourtant quelques instants, car
j'ai la conviction que cette branche connaît une situation bien plus difficile
que ces excédents actuels ne le laissent paraître.
L'actualité de la branche « accidents du travail », c'est d'abord
l'indemnisation de l'amiante. Le coût humain de ce drame apparaît d'ores et
déjà considérable. Il se lit notamment dans les statistiques terribles des
personnes décédées de cancers ou d'autres maladies directement liées à
l'amiante.
Devant cette douleur humaine dont elle est en partie responsable, la société
ne peut rester silencieuse. La mise en place de préretraites « amiante » et du
fonds d'indemnisation des victimes apportera un soutien financier aux victimes
et à leur famille et symbolisera la réparation d'un préjudice qui,
malheureusement, s'évalue davantage en douleurs humaines qu'en compensations
pécuniaires.
La branche « accidents du travail » prend naturellement en charge une grande
partie de ces compensations. L'effort de l'Etat est annoncé, sans cesse
repoussé, mais finira bien par être concrétisé. Mais, au-delà des chiffres,
pour cette année ou la suivante, nous devons prendre conscience du fait que
l'indemnisation des victimes s'élèvera à plusieurs milliards d'euros,
probablement entre 25 milliards de francs et 30 milliards de francs. On ne
pourra donc échapper à une réflexion sur les recettes de la branche.
De même, depuis plusieurs années, le Gouvernement est alerté sur les problèmes
de délimitation entre la branche « accidents du travail » et la branche «
maladie ». Régulièrement, et encore cette année, des prélèvements que l'on
pourrait qualifier d'arbitraires sont ainsi réalisés au titre de la
sous-évaluation des accidents du travail. On ne peut que s'étonner de constater
qu'une réforme en profondeur n'a toujours pas été entreprise sur le sujet.
L'impression donnée par ce survol rapide contraste vivement avec les annonces
du Gouvernement et de vous-même, madame la ministre, et les propos louangeurs
qu'il s'adresse à lui-même.
La commision des finances ne se livrera pas à un commentaire détaillé des
différentes mesures ici proposées. Il y aurait beaucoup à dire, mais, ce soir,
pour ne pas risquer d'être, à mon tour, interrompu, j'irai à l'essentiel, vous
renvoyant, pour le reste, à mon rapport écrit. En revanche, la commission se
doit de porter un regard financier sur ce texte. Or ce que l'on voit ne peut
manquer de surprendre.
J'aborderai trois points : le contexte, les comptes, les flux financiers.
S'agissant du contexte, tout d'abord, le projet de loi de financement est
bâti, notre rapporteur l'a indiqué, sur une double hypothèse de croissance
économique et d'évolution de la masse salariale qui, de volontariste avant les
événements du 11 septembre, devient franchement imprudente.
Une erreur d'un demi-point sur la croissance économique, due pour moitié à la
demande intérieure et pour moitié à la demande extérieure, signifie une perte
de recettes de 4 milliards de francs et des dépenses supplémentaires de 2
milliards de francs pour la sécurité sociale. Or les prévisions de croissance
du Gouvernement français sont supérieures de plus d'un demi-point aux
prévisions les plus optimistes des conjoncturistes.
A l'imprudence du cadrage global s'ajoute celle de la prévision d'évolution
des dépenses d'assurance maladie. Le Gouvernement table sur un rythme de 3,9 %,
quand chacun s'accorde à prévoir qu'il sera supérieur d'au moins un point, soit
8 milliards de francs de dépenses supplémentaires.
Pour ce qui est maintenant des comptes de la sécurité sociale, malgré le
passage aux droits constatés - nous nous réjouissons, madame la ministre -,
jamais ils n'auront été aussi obscurs.
(M. Domeizel s'indigne.)
C'est à
croire que le Gouvernement a volontairement cherché à brouiller les chiffres
pour qu'on ne puisse lui opposer cette vérité simple : il a gâché la période de
croissance économique exceptionnelle qui s'achève.
Les recettes n'ont jamais été aussi dynamiques que ces dernières années, mes
chers collègues. Au lieu d'en profiter pour amorcer les réformes dont je
soulignais précédemment à quel point elles font défaut, le Gouvernement a figé
davantage encore la structure des dépenses.
M. Claude Domeizel.
Aïe, aïe, aïe !
M. Alain Joyandet,
rapporteur pour avis.
Par ailleurs, pour reprendre les termes du
secrétaire général de la commission des comptes de la sécurité sociale, le
Gouvernement a « ouvert les portes à l'arbitraire » en nous proposant la
réouverture des comptes 2000 du régime général, alors que ceux-ci ont été
arrêtés par l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale, l'ACOSS,
approuvés par le conseil d'administration des caisses et transmis à la
tutelle.
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Tout à fait !
M. Alain Joyandet,
rapporteur pour avis.
Dans son intervention, M. Vasselle interrogeait
tout à l'heure la commission des finances sur certaines méthodes, et c'est bien
le point le plus choquant de tout ce que nous avons pu analyser.
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Tout à fait !
M. Alain Joyandet,
rapporteur pour avis.
Ce faisant, madame la ministre, vous rendez
déficitaire la sécurité sociale en 2000, rompant en cela avec deux annonces du
Gouvernement : que la sécurité sociale ne paierait pas pour les 35 heures et
qu'elle était excédentaire en 2000. La réalité est inscrite à l'article 5 du
projet de loi : la sécurité sociale est déficitaire en 2000 parce qu'elle paie
directement, et sans compter, les différentes pertes de recettes qu'elle a pu
subir pour les 35 heures. Ce sont les faits, madame le ministre ! Imaginez ce
que chacun d'entre nous dirait - mais aussi les marchés et nos partenaires
européens - si les comptes de l'Etat étaient rouverts dix mois après leur
clôture ! Quant à ceux d'une entreprise... Le professionnel qui se livrerait à
cet exercice s'exposerait tout simplement à des poursuites pénales !
Voilà où nous en sommes.
Enfin, j'aborderai la question des flux financiers. Chacun dénonce les «
tuyauteries », je n'y reviendrai pas. Le Gouvernement porte, de ce point de
vue, une certaine responsabilité. Par sa politique des fonds, il a déstabilisé
durablement la sécurité sociale et voilé le débat parlementaire sur la loi de
financement.
J'attire votre attention, mes chers collègues, sur le fait que ces tuyauteries
et ces systèmes un peu flous conduisent à ce que notre débat se concentre
aujourd'hui sur les manipulations en tout genre, au lieu de se focaliser sur
les trois points essentiels que sont le niveau des prélèvements, le rythme
d'évolution des dépenses et le contenu de ces dernières. Nous devrions, à la
limite, ne parler que de cela !
Parallèlement, le Gouvernement se livre à des pratiques financières qui
laissent pantois : mise en déficit volontaire du fonds de solidarité vieillesse
et financement de ce déficit par la trésorerie du fonds ; ponctions sur la
branche famille ; augmentation volontaire et désordonnée des dépenses de
l'assurance maladie, afin d'aggraver directement son déficit. Tout cela se fait
au mépris le plus total du principe fondateur de la séparation des branches.
Le comble de l'obscurité est atteint avec la mesure en faveur des chômeurs
âgés, dont chacun sait qu'une partie relève du pouvoir réglementaire, qu'une
autre partie figure dans le projet de loi de modernisation sociale et que la
dernière partie est un « cavalier social ».
Quelle conclusion tirer de ce tableau d'ensemble ?
Des comptes qui ont été rendus illisibles, des moyens mal utilisés, des
réformes volontairement négligées, des dépenses structurellement et
volontairement augmentées, un cadrage macroéconomique volontairement faussé :
ce sont les faits. Le prochain gouvernement, quel qu'il soit, ne pourra plus se
livrer à ces jeux-là puisqu'il n'aura ni cagnotte sociale ni comptes à rouvrir,
mais seulement des déficits à financer qui trouveront leur source dans cinq
années de dérives de la dépense.
Plus grave à mes yeux, madame le ministre, ces dispositions du projet de loi
de financement de la sécurité sociale pour 2002 accentuent des tendances à
l'oeuvre depuis la loi de financement pour 1998. Leur résultat, au-delà des
comptes, des dépenses, des prélèvements, des soldes, est un dévoiement de
l'avancée démocratique que représentaient les lois de financement de la
sécurité sociale.
Ne pensez-vous pas, madame la ministre, que le moment n'est pas loin où il
sera opportun, comme l'avait proposé au printemps dernier Charles Descours, de
réaliser ce que j'appellerai une « révision technique » des dispositions
organiques relatives aux lois de financement de la sécurité sociale ? A la
lumière de l'expérience des six textes successifs examinés au Parlement, mais
aussi en tenant compte d'enjeux qui n'apparaissaient pas à l'époque, il faut
bien le reconnaître, il me semble que plusieurs pistes s'ouvrent qu'il
conviendra sans doute d'explorer.
Une de ces pistes sera de multiplier les votes obligatoires lors de la
discussion du projet de loi de financement : vote, comme cette année, sur les
objectifs et les prévisions de l'année en cours, révisés en fonction de
l'exécution ; vote des dépenses par branche ; vote sur chacun des fonds, comme
s'il s'agissait de budgets annexes ou de comptes d'affectation spéciale ; vote
sur les différents volets de l'ONDAM ; vote par type de recettes, voire par
bénéficiaire de recettes ; vote d'approbation des comptes définitifs des
organismes. Nous aimerions, madame le ministre, connaître votre sentiment sur
ces propositions.
De même, nous souhaiterions savoir ce que vous pensez d'une deuxième piste,
celle qui pourrait nous conduire vers une meilleure articulation du projet de
loi de finances et du projet de loi de financement, en modifiant, s'il le
fallait, les champs respectifs de ces deux lois.
Une troisième piste, enfin, serait de réfléchir à la proposition qui a été
faite de constituer un fonds unique - cela nous éviterait toutes ces
discussions ! - destiné à accueillir l'ensemble des flux financiers en faveur
des caisses de sécurité sociale. Son principal intérêt serait de mettre fin aux
changements incessants d'affectation de recettes et de nous permettre de nous
concentrer sur le point essentiel que serait l'évolution de ses dépenses. De
plus, dans la mesure où il ne s'agirait pas de prestations aux assurés, les
lignes de dépenses de ce fonds pourraient avoir un caractère limitatif.
J'ai conscience qu'il ne s'agit là que d'ébauches, et le débat sur la réforme
des lois de financement ne fait que commencer.
En résumé, madame la ministre, c'est non pas tant le montant total des
dépenses consacrées à la sécurité sociale que nous voulons remettre en cause
que la présentation des comptes et, plus grave, les opérations contestables
dont j'ai parlé tout à l'heure. Le résultat final, affecté par toutes ces
opérations, ne permet, hélas ! de conclure ni à la sincérité ni à la lisibilité
des comptes.
Pour toutes ces raisons, la commission des finances a émis un avis négatif sur
le texte tel que l'a adopté l'Assemblée nationale. En dehors d'un amendement
qu'elle vous proposera à l'article 3, elle s'en remettra aux propositions
formulées par la commission des affaires sociales que nous ont exposées tout à
l'heure les différents rapporteurs.
(Applaudissements sur les travées du
RPR, de l'Union centriste et des Républicains et Indépendants.)
M. le président.
La parole est à M. le président de la commission des affaires sociales.
M. Nicolas About,
président de la commission des affaires sociales.
Monsieur le président,
madame la ministre, mes chers collègues, à ce stade du débat, et pour ne pas
retarder davantage le moment où les orateurs des groupes pourront s'exprimer,
je me contenterai de formuler quelques observations en complément des rapports
très riches et de grande qualité que nous avons entendus.
Je tiens à féliciter M. Alain Vasselle, mais aussi M. Alain Joyandet, que nous
venons d'entendre, et nos rapporteurs MM. Jean-Louis Lorrain et Dominique
Leclerc.
Je ne reviendrai donc pas sur le projet de loi de financement de la sécurité
sociale pour 2002, ni sur le bilan des comptes sociaux au cours de cette
législature qui s'achève.
Cependant, je m'arrêterai un moment sur l'instrument nouveau dont disposent le
Parlement et le Gouvernement depuis cinq ans : qu'en avons-nous fait ?
Qu'avons-nous fait de la réforme constitutionnelle et organique de 1996 ?
Nous étions dotés d'une nouvelle catégorie de lois, les lois de financement de
la sécurité sociale, dont l'examen devait être, avec la discussion du projet de
loi de finances, le moment fort de l'automne. Avant la session unique, nous
évoquions la « session budgétaire ».
Or, les projets de loi de financement ont été ravalés au statut de projets de
loi ordinaires, au statut de projets de loi « parmi d'autres ». En quelque
sorte, pour appliquer à la discussion budgétaire une expression célèbre, nous
avons eu la léthargie, mais sans la liturgie ni la litanie !
(Sourires.)
Nous avons eu un projet dont on discute finalement à la va-vite, entre deux
autres projets de loi, dits sociaux, qui sont généralement les vraies priorités
du Gouvernement.
Ainsi, la commission des affaires sociales, parallèlement à ses travaux sur le
projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2002, a dû et devra
aborder au cours de cet automne la suite de la discussion du projet de loi de
modernisation sociale, qui comporte plus d'une centaine d'articles en navette,
de la proposition de loi relative à la lutte contre les discriminations et de
la proposition de loi relative à la couverture des non-salariés agricoles
contre les accidents du travail, ainsi que l'examen du projet de loi rénovant
l'action sociale et médico-sociale, qui comporte également une centaine
d'articles.
Elle n'a échappé que de peu à la discussion du projet de loi relatif aux
droits des malades et à la qualité du système de santé - là encore, on compte
une centaine d'articles -, que l'Assemblée nationale a dû examiner au début du
mois d'octobre.
Est-ce parce que nous sommes en fin de législature et que les derniers textes
se bousculent ? On pourrait le croire, mais il n'en est rien : à l'automne
2000, nous examinions la proposition de loi relative à l'égalité
professionnelle entre les femmes et les hommes, la proposition de loi créant
une agence de sécurité sanitaire environnementale, la proposition de loi
relative à la contraception d'urgence ; nous discutions en première lecture la
proposition de loi relative à la lutte contre les discriminations, et nous
examinions le lourd projet de loi d'habilitation du Gouvernement à procéder par
ordonnances à la transposition des directives européennes, qui visait notamment
le code de la mutualité.
(M. Bernard Murat rit.)
Si l'on remonte à l'automne 1999, nous examinions alors le projet de loi
relatif à la réduction négociée du temps de travail, c'est-à-dire la loi Aubry
II.
C'est dire que le Gouvernement n'a jamais sanctuarisé, dans le domaine social,
les deux ou trois mois pendant lesquels le Parlement et ses commissions
chargées des affaires sociales devraient consacrer l'essentiel de leur
attention et de leur énergie à discuter un budget de 2 000 milliards de francs
!
Le mode de discussion en séance publique des projets de loi de financement de
la sécurité sociale est peut-être également en cause. Nous consacrons un temps
non négligeable à la discussion du budget des Monnaies et Médailles, qui
s'élève à quelques millions de francs, ou de celui de l'Imprimerie nationale.
Il en va de même, pour prendre des exemples plus significatifs, des budgets du
tourisme ou des services généraux du Premier ministre, qui prévoient
respectivement 36 et 478 millions de francs de mesures nouvelles.
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
C'est tout à fait vrai !
M. Nicolas About,
président de la commission des affaires sociales.
Mais nous ne consacrons
pas une « respiration » particulière à la discussion de l'objectif de dépenses
de la branche famille, qui représente 275 milliards de francs. Cela mérite tout
de même un souffle !
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Bien sûr !
M. Nicolas About,
président de la commission des affaires sociales.
Nous ne consacrons pas
plus de « respiration » à l'objectif de la branche vieillesse, qui concerne 890
milliards de francs, ou à l'objectif de la branche maladie, qui met en jeu 820
milliards de francs.
En s'inspirant de l'expérience conduite par la commission des finances sur
certains budgets, pourquoi ne pas réfléchir à un jeu de questions-réponses
portant successivement sur les trois branches de la sécurité sociale et se
concluant chacun par le vote de l'objectif de dépenses de la branche considérée
? Je soumets ce point à votre réflexion.
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Ce serait une excellente chose !
M. Nicolas About,
président de la commission des affaires sociales.
Pour rendre aux lois de
financement leur ambition initiale, il faudrait aller naturellement plus loin,
car l'expérience des cinq dernières lois de financement de la sécurité sociale
nous conduit à considérer que l'instrument lui-même doit gagner en rigueur. Ou
peut-être, pour être plus précis, l'instrument tel qu'il a été construit
n'a-t-il pas été en mesure d'empêcher qu'il soit détourné de son objet et trahi
dans son esprit.
Mes chers collègues, au-delà de ces réflexions, trois points retiennent mon
attention.
La multiplication des fonds sociaux tout d'abord : je doute - pardonnez-moi,
madame la ministre - du souci de transparence qui justifie chaque fonds pris
isolément. Je suis certain en revanche qu'ensemble ils rendent la loi de
financement parfaitement opaque.
Il est ainsi extrêmement difficile de suivre de façon cohérente les objectifs
de dépenses et les prévisions de recettes, et totalement impossible de
rapprocher les premiers des secondes pour obtenir un indicateur d'équilibre à
peu près intelligible.
Ensuite, l'ONDAM a un caractère purement comptable, il est dépourvu de tout
contenu en santé publique et son ajustement chaque année n'a aucun sens. La
notion de service voté et de mesures nouvelles est parfois contestée dans les
lois de finances. Nous serions heureux de disposer, en matière de finances
sociales, d'une notion aussi rustique et imparfaite !
Quelle est, dans l'ONDAM 2002, la part de reconduction à l'identique de
l'ONDAM 2001 ? Et quelle est la part des mesures nouvelles, c'est-à-dire des
dépenses supplémentaires indispensables ou,
a contrario
, des économies
programmées ?
A une telle question posée par M. Vasselle, il n'y a pas de réponse, si ce
n'est une évaluation de l'impact des 35 heures à l'hôpital public.
Effectivement, on ne peut faire moins...
Enfin, le projet de loi de financement de l'année se transforme en un texte
glissant englobant plusieurs exercices, faisant office de projet de loi de
financement rectificative de l'année en cours et, en quelque sorte, de projet
de loi de règlement de l'année précédente. Ainsi, le projet de loi de
financement de la sécurité sociale pour 2002 modifie substantiellement les
comptes de 2001 et récrit ceux de 2000. Le Gouvernement ferait certainement des
prévisions plus réalistes et prendrait moins de liberté en cours d'année, si le
prix à payer était de revenir, au mois de juin, devant le Parlement pour
s'expliquer sur un collectif social.
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Eh oui !
M. Roland du Luart.
Très bonne idée !
M. Nicolas About,
président de la commission des affaires sociales.
Notre ancien collègue
Charles Descours - à qui je rends un hommage tout particulier pour le travail
qu'il a réalisé au sein de la commission des affaires sociales - a déposé, au
printemps dernier, une proposition de loi organique sur les lois de financement
qui reprend et éclaire certains des points que j'ai évoqués. Il faudra que nous
fassions avancer ce dossier, d'autant que j'ai entendu avec intérêt M. Jérôme
Cahuzac, rapporteur pour avis de la commission des finances de l'Assemblée
nationale, évoquer, lui aussi, les nécessaires ajustements de la loi organique
de 1996.
En dernier point, j'évoquerai un débat de fond que nous avons eu en
commission.
Notre excellent collègue Gilbert Chabroux a estimé que nous parlions trop de
chiffres...
M. Claude Domeizel.
Aujourd'hui encore !
M. Nicolas About,
président de la commission des affaires sociales.
... et pas assez des
voies et moyens pour lutter, par exemple, contre le tabagisme. En quelque
sorte, nous parlions trop des comptes et pas assez de santé publique.
Il m'a semblé, madame la ministre, que vous partagiez le même sentiment lors
de votre audition par notre commission.
C'est vrai, nous avons beaucoup parlé des comptes, mais il me semble qu'il
n'est pas négligeable de savoir d'où vient l'argent et où il va, s'il a été et
s'il sera dépensé conformément au bon usage des fonds publics.
Un de vos prédécesseurs, madame la ministre, avait déclaré qu'elle ne
souhaitait pas être la « ministre des comptes ». Je vous ferai observer que,
lorsque le ministre des affaires sociales ne s'occupe pas des comptes, c'est
généralement son collègue de Bercy qui s'en charge. Vous le savez : la nature a
horreur du vide.
Je vous avoue que nous aurions nous-mêmes préféré parler - et entendre parler
- moins des comptes et plus des priorités de santé publique, de politique
familiale et d'avenir des retraites.
Seulement, les comptes sont ce qu'ils sont et, en cette fin de législature,
ils nous inquiètent !
En réalité, ce dont nous avons besoin, ce sont de lois d'orientation
pluriannuelles dans le cadre desquelles s'inscriraient chaque année les lois de
financement.
Je crois que, dans le domaine de la santé publique, une telle démarche serait
plus fructueuse qu'un débat annuel précédant l'examen du projet de loi de
financement. En effet, soit les orientations de santé publique sont annuelles
et rien n'empêche alors de les aborder explicitement dans la loi de financement
et de les traduire en objectifs précis et en moyens concrets ; soit ces
objectifs sont pluriannuels, comme je le pense, et, dans ce cas, il faut se
tourner vers une loi d'orientation, sur cinq ans par exemple.
Un tel exercice serait également indispensable dans le domaine de la famille.
La loi de 1994 a été vilipendée au motif qu'elle n'était pas financée. Ce grief
me semble très exagéré puisque, aujourd'hui, la vraie question que nous nous
posons est celle de l'utilisation, ou du détournement, des excédents de la
branche famille.
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Oui, parlons de détournement !
M. Gilbert Chabroux.
Pourquoi pas de pillage ou de hold-up ?
M. Nicolas About,
président de la commission des affaires sociales.
Ce serait un peu fort,
monsieur Chabroux !
M. Gilbert Chabroux.
Oh, on l'a déjà entendu !
M. Nicolas About,
président de la commission des affaires sociales.
Nous nous sommes tous
émus - M. Jean-Louis Lorrain le premier et, à l'instant, M. Chabroux - des
ponctions répétées opérées sur la branche famille. En commission, M. Chérioux,
dont on sait l'attachement à la politique familiale, a pourtant fait observer,
à juste titre, que les recettes de la branche famille n'étaient pas intangibles
et qu'il relevait de la responsabilité du Parlement d'en fixer le niveau.
Ce rappel est nécessaire. Il serait bon, en effet, que le Parlement débatte
clairement de la politique familiale dont notre pays souhaite se doter, pour
les cinq ans ou pour les dix ans qui viennent, et fixe le niveau des
prélèvements permettant de financer une telle politique.
Ce que nous reprochons en effet au Gouvernement, c'est d'opérer par « raids »
successifs, dans l'obscurité.
M. Gilbert Chabroux.
Nous ne sommes pas en Afghanistan, monsieur About, mais au Sénat de la
République !
M. Nicolas About,
président de la commission des affaires sociales.
Il n'empêche que, sur
le plan financier, cela s'appelle ainsi !
M. Claude Domeizel.
Ah, il faut de l'imagination !
M. Nicolas About,
président de la commission des affaires sociales.
Une année, le
Gouvernement décide de pérenniser la majoration de l'allocation de rentrée
scolaire et en tire argument pour en faire passer la charge du budget de l'Etat
à celle de la CNAF.
L'année suivante, il décide que la branche famille prendra à sa charge la
majoration de pension pour enfant au motif qu'il considère soudain que cette
prestation a cessé d'être ce qu'elle est depuis l'origine, c'est-à-dire une
prestation vieillesse.
L'année d'après, il décide que les excédents de la branche vont alimenter le
fonds de réserve des retraites, au nom cette fois de la solidarité «
intergénérationnelle ».
Parallèlement, la branche famille est dépouillée en plusieurs étapes de la
taxe de 2 % sur les revenus du patrimoine dont elle avait bénéficié depuis la
création de cet impôt.
Dans tout cela, aucune transparence,...
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
C'est vrai !
M. Nicolas About,
président de la commission des affaires sociales.
... aucune
logique,...
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
C'est le moins qu'on puisse dire !
M. Nicolas About,
président de la commission des affaires sociales.
... aucune politique,
aucune projection dans l'avenir. C'est, en résumé, le grief majeur que nous
faisons au Gouvernement pour sa gestion depuis cinq ans des enjeux financiers
de notre protection sociale.
(Applaudissements sur les travées des
Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.)
M. le président.
La parole est à M. du Luart.
M. Roland du Luart.
Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2002 est le
cinquième du genre pour votre gouvernement, madame la ministre, et le dernier
de la législature. Il est donc l'occasion de dresser un bilan.
Ce bilan est plutôt préoccupant, hélas ! et cette opinion est largement
partagée par la plupart des acteurs sociaux.
Vous faites, en effet, l'unanimité contre vous : que ce soit les représentants
des professionnels, les syndicats patronaux, les caisses de sécurité sociale,
la Cour des comptes ou la Caisse des dépôts, tous ont vivement critiqué ce
projet de loi.
La CNAM, la CNAF et la CNAV ont rejeté massivement le texte. Les
administrateurs de la CNAM ont reproché « l'opacité des comptes et la
complexité des transferts financiers », et souligné « l'absence d'éléments
concernant une nouvelle politique conventionnelle entre les caisses et les
médecins ainsi que sur la clarification des rôles entre l'Etat et les caisses
».
La Cour des comptes a dressé un constat sévère de la faible efficacité des
actions publiques en vue d'une « maîtrise des dépenses de santé », estimant que
le dispositif actuel « n'a pas fait ses preuves » et que « la politique du
médicament » doit être « profondément modifiée ».
Une étude prospective sur l'avenir des retraites pour les quarante prochaines
années, réalisée par Futuribles avec l'Observatoire des retraites de la Caisse
des dépôts, vient de souligner le caractère « fondamentalement suicidaire » de
la politique « d'attentisme » menée en France, politique qui conduirait, dès
2020, à une « montée des tensions extrêmement forte entre les actifs et les
retraités ».
Enfin, du côté des représentants des professionnels et des assurés, on citera,
par exemple, la Confédération des syndicats médicaux français, qui a critiqué
le texte au motif qu'il fixe « un objectif de dépenses irréaliste » et fait «
perdurer le principe des sanctions collectives », ou encore Familles rurales,
qui a jugé que le projet de loi de financement de la sécurité sociale « prive
durablement la branche famille de moyens financiers ».
Défendre le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2002
relève donc de l'hypocrisie partisane ou, ce qui est pis, de l'inconscience.
En cinq ans, le Gouvernement a peu à peu vidé la loi de financement de la
sécurité sociale de son sens. Quels sont en effet l'esprit et l'objectif de
cette loi ? Elle a été instaurée, d'une part, pour bien distinguer les finances
de la sécurité sociale de celles de l'Etat et, d'autre part, pour mieux piloter
celle-ci. Or, cette cinquième édition du projet de loi de financement de la
sécurité sociale s'éloigne gravement de ces deux objectifs.
Tout d'abord, la confusion entre finances de l'Etat et finances sociales
s'accentue.
La Cour des comptes a ainsi critiqué la multiplication des flux croisés entre
l'Etat et la sécurité sociale, qui rendent l'ensemble de moins en moins
lisible.
Le budget social est réquisitionné pour financer les 35 heures, et, en effet,
la sécurité sociale assumera presque l'intégralité du coût des allégements de
charges en 2002 : plus de 34 milliards de francs, selon vos dires, soit près de
88 % du montant. Tous les moyens sont bons pour grappiller de l'argent !
Les maigres bénéfices des branches sont systématiquement ponctionnés.
Le Gouvernement prive l'assurance maladie de certaines de ses ressources
légitimes, telles que la taxe sur les contrats d'assurance automobile, censée
compenser la charge supportée par l'assurance maladie pour soigner les
accidents de la route, ou la taxe sur les tabacs et alcools, qui ne constitue
pourtant qu'une faible contrepartie du coût social de ces deux fléaux.
De même, le Gouvernement demande à la CADES, la caisse d'amortissement de la
dette sociale, d'accélérer ses remboursements à l'Etat au détriment de ses
propres capacités à amortir la dette.
Le Gouvernement justifie tous ces détournements par l'argument selon lequel,
la politique de l'emploi bénéficiant à la sécurité sociale, la seconde devrait
donc contribuer au financement de la première. Cet argument est parfaitement
fallacieux. Il ne s'agit pas, en l'occurrence, de polémiquer sur le nombre
d'emplois créés par les 35 heures.
M. Henri de Raincourt.
Très peu !
M. Roland du Luart.
Chaque emploi nouveau génère, certes, des recettes de cotisations pour la
sécurité sociale, mais il génère également pour elle des dépenses de soins,
d'accidents du travail, et, à terme, de retraite. Retirer aux caisses les
cotisations de ces nouveaux emplois, c'est oublier que ceux-ci engendrent
également des prestations qu'elles doivent, ou devront, financer.
Quant au pilotage du système, autant dire que la loi de financement ne
contrôle plus rien et que le rôle du Parlement en la matière est réduit à la
portion congrue.
Les prévisions de recettes sont irréalistes, celles de dépenses
fantaisistes.
Les hypothèses de croissance sur lesquelles vous fondez vos calculs sont, pour
le moins, irréalistes, madame la ministre.
Vous vous calez sur 2,5 % de croissance du produit intérieur brut, ce qui,
avant même les attentats du 11 septembre, était déjà chimérique, tous les
experts s'accordent pour le dire ! L'INSEE ne misait alors que sur 2,1 %. Vous
faites preuve du même irréalisme en ce qui concerne la masse salariale dont
vous espérez 5 % de croissance. Attention cependant ! S'il manque seulement un
point de masse salariale supplémentaire, nous constaterons une dérive de
l'ordre de 10 milliards de francs !
Quant aux dépenses d'assurance maladie, l'objectif national n'a pas été une
seule fois respecté depuis 1997 : vous aviez prévu une croissance de 2,5 % en
2000, elle a été de 5,6 % ; vous aviez prévu une croissance de 3,5 % en 2001,
elle atteindra sans doute 5 % ! Qui peut encore croire que les dépenses
d'assurance maladie n'augmenteront que de 3,8 % en 2002, comme vous le prévoyez
?
L'ONDAM a perdu du sens. Le Gouvernement le calcule non plus par rapport à
l'objectif de l'année précédente, mais par rapport aux dépenses effectives
constatées. L'objectif n'est donc jamais validé
a posteriori
. Sa
fixation en loi de financement est devenue purement factice. Il n'est pas
respecté parce que le Gouvernement est incapable de maîtriser les dépenses.
Selon le rapport de la Cour des comptes, les résultats des exercices 1998,
1999 et 2000 font apparaître un déficit cumulé de 12 milliards de francs alors
que la croissance économique de ces trois années a été excellente, et même
exceptionnelle, et que la progression des charges de retraites a, pour des
raisons notamment démographiques, été faible. Cela montre, conclut la Cour, que
l'équilibre des comptes reste à conforter.
Parler de « robustesse du redressement des comptes sociaux », comme le fait le
rapport annexé à l'article 1er du projet de loi, c'est donc se moquer du monde.
Ces comptes traduisent bien, au contraire, un bilan désastreux car 1998-2001 a
été une période de croissance économique exceptionnelle. Vous avez, en réalité,
gaspillé les fruits de la croissance !
J'en viens aux différentes branches de sécurité sociale. En la matière, je
résumerai la politique du Gouvernement en deux mots : étatisation et
irresponsabilité. Le Gouvernement ne fait aucune des réformes nécessaires et
compense cette inaction par un interventionnisme autoritaire et inefficace.
Le Gouvernement piétine l'autonomie des partenaires sociaux et fait fi du
dialogue social. La décision de faire financer les 35 heures par la sécurité
sociale a provoqué le départ du MEDEF et de la CGPME - Confédération générale
des petites et moyennes entreprises - de la gestion des caisses de sécurité
sociale.
En outre, alors que le paritarisme repose notamment sur le principe de la
consultation des partenaires sociaux en cas de mise en oeuvre de nouvelles
prestations, le Gouvernement vient d'instaurer un congé paternité - était-ce
une priorité ? -, qui sera financé par la caisse d'allocations familiales, sans
que les partenaires sociaux aient été informés.
Cet étastisme outrancier est le revers de l'absence de réforme de fond.
Ainsi, dans le domaine de l'assurance maladie, au lieu de rétablir et de
renforcer la politique conventionnelle qui impliquerait directement les acteurs
dans la gestion de leur branche, vous persistez dans la politique du gros bâton
: vous taxez un peu plus les laboratoires pharmaceutiques ; vous maintenez le
mécanisme pernicieux des lettres clés flottantes pour sanctionner les
professions médicales. Ce système de sanction collective - nous vous l'avons
déjà dit, et les faits parlent pour nous - est inefficace et injustifiable. Il
est inefficace car, depuis 1997, les objectifs de dépenses ont systématiquement
été dépassés, de 17 milliards de francs en 2000 et de 15,8 milliards de francs
en 2001. Il est injustifiable : si certains, dans une profession, se comportent
moins vertueusement que d'autres, pourquoi sanctionner aussi ces derniers ?
Enfin, vous attribuez les enveloppes financières au gré de vos amitiés
politiques, oubliant ainsi au passage les cliniques privées et la médecine
libérale. Il a fallu une grève générale des professionnels du privé pour qu'ils
soient entendus.
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Eh oui !
M. Roland du Luart.
Quel gâchis !
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
C'est vrai !
M. Roland du Luart.
Les treize propositions de réforme que vous avez récemment faites aux
professionnels de santé sont une sorte de testament recensant une partie des
problèmes qu'il aurait fallu régler et que vous n'avez eu ni la volonté ni le
courage de faire avancer. Le chantier ouvert en 1996 reste donc aujourd'hui en
l'état.
Quant à la branche famille, vous la ponctionnez à nouveau de 5 milliards de
francs au profit du fonds de réserve pour les retraites. Or le rapport Hermange
de septembre dernier a révélé de nombreuses carences des politiques en faveur
de l'enfance.
Dans le domaine des retraites, vous poursuivez sereinement et sans vergogne la
politique de l'autruche. C'est devenu un modèle du genre !
Depuis quatre ans, vous multipliez les rapports : le rapport Charpin, en avril
1999, le rapport Taddei, en octobre 1999, et le rapport Teulade, à la fin de
1999, sans oublier les projections du conseil d'orientation des retraites, en
avril 2001. Rien ne bouge !
A la fin de 2001, le fonds de réserve pour les retraites devrait compter 40
milliards de francs, soit 30 milliards de francs de moins que ce qui était
prévu. On peut donc légitimement douter des promesses faites pour 2002 dans le
présent projet de loi.
Comment ne pas être triste devant un tel bilan ? Des fruits de la croissance
gâchés, des manipulations financières déresponsabilisantes, aucune imagination
réformatrice, un endettement qui va de nouveau se creuser, des nuages noirs qui
s'amoncellent sur l'avenir des retraites. Rien n'est vraiment rassurant.
C'est pourquoi le groupe des Républicains et Indépendants soutiendra les
amendements proposés par la commission des affaires sociales et ses excellents
rapporteurs, auxquels je tiens à rendre hommage pour le travail qu'ils ont
accompli. Nous le disions déjà l'an passé, nous ne pouvons, hélas ! que le
répéter cette année : nous sommes inquiets pour l'avenir de notre protection
sociale.
(Applaudissements sur le travées des Républicains et Indépendants,
du RPR et de l'Union centriste.)
M. le président.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les
reprendrons à vingt et une heures quarante-cinq.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures trente-cinq, est reprise à vingt et une
heures cinquante, sous la présidence de M. Daniel Hoeffel.)