SEANCE DU 21 NOVEMBRE 2001
M. le président.
L'amendement n° 59 rectifié, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé
:
« Après l'article 11, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Il est inséré, après l'article 225-12 du code pénal, une section ainsi
rédigée :
« Section 2
bis
. - Du recours à la prostitution d'un mineur.
«
Art. 225-12-1
. - Le fait de solliciter, d'accepter ou d'obtenir, en
échange d'une rémunération ou d'une promesse de rémunération, des relations de
nature sexuelle de la part d'un mineur qui se livre à la prostitution, y
compris de façon occasionnelle, est puni de sept ans d'emprisonnement et 100
000 EUR d'amende.
«
Art. 225-12-2
. - Les peines sont portées à dix ans d'emprisonnement
et 200 000 EUR d'amende :
« 1° Lorsqu'il s'agit d'un mineur de quinze ans ;
« 2° Lorsque l'infraction est commise de façon habituelle ou à l'égard de
plusieurs mineurs ;
« 3° Lorsque le mineur a été mis en contact avec l'auteur des faits grâce à
l'utilisation, pour la diffusion de messages à destination d'un public non
déterminé, d'un réseau de communication ;
« 4° Lorsque les faits sont commis par une personne qui abuse de l'autorité
que lui confèrent ses fonctions.
«
Art. 225-12-3
. - Dans le cas où les délits prévus par les articles
225-12-1 et 225-12-2 sont commis à l'étranger par un Français ou par une
personne résidant habituellement sur le territoire français, la loi française
est applicable par dérogation au deuxième alinéa de l'article 113-6 et les
dispositions de la seconde phrase de l'article 113-8 ne sont pas
applicables.
«
Art. 225-12-4
. - Les personnes morales peuvent êter déclarées
responsables pénalement dans les conditions prévues à l'article 121-2 des
infractions prévues par la présente section.
« Les peines encourues par les personnes morales sont :
« 1° L'amende, suivant les modalités prévues par l'article 131-38 ;
« 2° Les peines mentionnées à l'article 131-39.
« L'interdiction mentionnée au 2° de l'article 131-39 porte sur l'activité
dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de laquelle l'infraction a été
commise. »
« II. - Au premier alinéa de l'article 225-20 du même code, les mots : "par la
section 2" sont remplacés par les mots : "par les sections 2 et 2
bis
".
« III. - Le 4° de l'article 227-26 du même code est abrogé et le 5° de cet
article devient le 4°.
« IV. - L'intitulé du titre dix-septième du livre IV du code de procédure
pénal est complété par les mots suivants : "ou de recours à la prostitution des
mineurs".
« V. - A l'article 706-34 du même code, la référence à l'article 225-10 du
code pénal est remplacée par une référence à l'article 225-12-4 de ce dernier
code.
« VI. - Les dispositions du présent article sont applicables en
Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et dans les îles Wallis-et-Futuna.
»
Le sous-amendement n° 131, présenté par M. Béteille, au nom de la commission,
est ainsi libellé :
« Dans le texte proposé par le I de l'amendement n° 59 rectifié pour l'article
225-12-1 du code pénal, remplacer les mots : "sept ans d'emprisonnement et 100
000 EUR" par les mots : "cinq ans d'emprisonnement et 75 000 EUR". »
Le sous-amendement n° 132, présenté par M. Béteille, au nom de la commission,
est ainsi libellé :
« Dans le premier alinéa du texte proposé par le I de l'amendement n° 59
rectifié pour l'article 225-12-2 du code pénal, remplacer la somme : "200 000
EUR" par la somme "150 000 EUR" ».
La parole est à Mme le garde des sceaux, pour défendre l'amendement n° 59
rectifié.
Mme Marylise Lebranchu,
garde des sceaux, ministre de la justice.
Il s'agit d'un amendement
important, puisque la prostitution des mineurs, en France ou à l'étranger,
constitue une réalité sociale indigne d'une société démocratique respectueuse
des droits de l'homme et soucieuse d'assurer de façon aussi efficace que
possible la protection de l'enfance.
Toutefois, notre droit ne réprime aujourd'hui que de façon incomplète et
parcellaire les agissements de ceux qui profitent de la prostitution des
mineurs. En effet, si les différentes formes de proxénétisme font l'objet d'une
répression sévère et efficace, les personnes qui ont des relations sexuelles
tarifées avec des prostitués mineurs de plus de quinze ans ne tombent pas
actuellement sous le coup de la loi pénale, alors que cela constitue pourtant
l'hypothèse la plus fréquente.
Il convient donc d'instituer une incrimination spécifique, distincte de celles
qui sont relatives aux atteintes sexuelles qui ne concernent que les mineurs de
quinze ans, pour sanctionner les personnes qui obtiennent, en échange d'une
rémunération, des relations de nature sexuelle de la part d'un mineur qui a été
conduit à se livrer à la prostitution.
Tel est l'objet du présent amendement, qui crée un délit autonome dans le code
pénal, juste après les dispositions réprimant le proxénétisme, dans une
nouvelle section intitulée : « Du recours à la prostitution d'un mineur ».
Ce délit permet ainsi non seulement de protéger les mineurs de plus de quinze
ans, mais également de définir les contours de l'incrimination de manière à
réprimer également ceux qui sollicitent ou acceptent, en échange d'une promesse
de rémunération, des relations de nature sexuelle avec un mineur prostitué.
La création d'une incrimination spécifique permet également de prévoir
plusieurs circonstances aggravantes, lorsqu'il s'agit d'un mineur de quinze
ans, lorsque l'infraction est commise de façon habituelle ou à l'égard de
plusieurs mineurs, lorsque le mineur a été mis en contact avec l'auteur des
faits grâce à l'utilisation d'Internet ou lorsque les faits sont commis par une
personne qui abuse de l'autorité que lui confèrent ses fonctions.
Il est par ailleurs prévu une mesure permettant l'applicabilité des nouvelles
dispositions si les faits sont commis à l'étranger par un Français ou une
personne résidant habituellement en France, comme le prévoit actuellement
l'article 227-27-1 pour les atteintes sexuelles. De même, est instituée la
responsabilité pénale des personnes morales - elle est également déjà prévue
pour les atteintes sexuelles - qui vise spécialement le cas des agences de
tourisme sexuel.
Par coordination, est supprimée la circonstance aggravante de rémunération
d'une atteinte sexuelle, qui ne présente plus d'intérêt juridique puisque ces
faits sont désormais réprimés, de façon plus efficace, par les nouvelles
dispositions.
Les règles de procédure pénale applicables en matière de proxénétisme, et
permettant, notamment, les perquisitions de nuit dans les lieux ouverts au
public et dans lesquels des personnes se prostituent, sont étendues aux délits
de recours à la prostitution d'un mineur.
Cet amendement institue, vous le voyez, une répression cohérente et efficace à
l'encontre d'auteurs de faits particulièrement graves.
C'est pourquoi je vous demande, mesdames, messieurs les sénateurs, de
l'adopter, étant entendu - je pense à un certain nombre d'arguments qui ont été
avancés lors du débat - qu'il s'agit bien de réprimer la prostitution, qui
augmente de jour en jour grâce à des réseaux faisant venir en France des
mineurs de l'étranger qui, une fois sur notre territoire, n'ont même pas la
possibilité d'utiliser la langue française pour se défendre.
Je ne voudrais surtout pas que l'on puisse confondre une telle mesure avec la
liberté de l'amour consenti : confondre la prostitution avec le fait de donner
un cadeau, par exemple, serait une erreur très grave. Nous sommes face à des
réseaux de criminalité organisée. Il ne s'agit donc pas d'une sorte de retour à
des temps anciens. Ce sont des criminels ! Il n'est pas du tout question
d'amour.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre les sous-amendements n°s 131
et 132.
M. Laurent Béteille,
rapporteur.
La commission a examiné avec beaucoup d'attention et de
sympathie l'amendement du Gouvernement. Nous sommes également favorables à la
plus sévère répression s'agissant du développement de la prostitution.
La seule réserve émise par la commission est purement technique : elle
concerne l'échelle des peines prévues dans le code pénal.
L'amendement du Gouvernement tend à punir de sept ans d'emprisonnement le fait
de solliciter, d'accepter ou d'obtenir des relations de nature sexuelle de la
part d'un mineur de quinze à dix-huit ans. Or le proxénétisme est lui-même puni
de sept ans d'emprisonnement. Il nous semblerait donc logique de conserver un
écart entre les peines qui sont encourues par un client et celles qui sont
applicables à un proxénète, dont la responsabilité est beaucoup plus grande,
nous semble-t-il, que celle d'un client.
Par ailleurs, les agressions sexuelles commises sur des mineurs de quinze à
dix-huit ans ne sont, elles, punies que de cinq ans d'emprisonnement. Il ne
nous paraît pas conforme à l'échelle des peines de punir de sept ans
d'emprisonnement l'obtention contre rémunération de services de nature sexuelle
de la part d'un mineur de quinze à dix-huit ans, tout en ne punissant que de
cinq ans d'emprisonnement l'agression sexuelle contre le même mineur.
C'est la raison pour laquelle nous proposons de punir le nouveau délit dont le
Gouvernement propose la création d'une peine de cinq ans d'emprisonnement et de
75 000 euros d'amende.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement sur les deux sous-amendements ?
Mme Marylise Lebranchu,
garde des sceaux.
Je comprends les interrogations qui ont conduit la
commission des lois à déposer les sous-amendements n°s 131 et 132.
Comme je l'ai déjà indiqué, je ne suis pas opposée au sous-amendement n° 132,
qui procède à une simple coordination entre la peine d'emprisonnement prévue et
la peine d'amende encourue. Tout à l'heure, c'était implicite.
Quant au sous-amendement n° 131, il me donne l'occasion de préciser plus avant
les intentions du Gouvernement.
Les dispositions que le Gouvernement vous propose d'adopter sont véritablement
essentielles pour mettre fin à des comportements qui sont, d'un point de vue
moral, particulièrement blâmables et, d'un point de vue social, tout à fait
inacceptables, et qui justifient donc une répression sévère et efficace.
Je précise à cet égard que, au-delà de la répression des clients des
prostituées mineurs, ces mêmes dispositions seront de nature à dissuader les
proxénètes de recourir à des prostitués mineurs de quinze ans, de la même façon
que l'existence d'une peine de dix ans d'emprisonnement en cas d'atteinte
sexuelle sur mineur de quinze ans en échange d'une rémunération a déjà dissuadé
les proxénètes d'utiliser des prostitués âgés de moins de quinze ans.
Ces dispositions permettront donc de limiter la prostitution des mineurs qui,
je le rappelle, donne lieu aujourd'hui à de véritables trafics de personnes
originaires de pays étrangers, qui s'apparentent à une forme moderne
d'esclavage.
Trois principes doivent donc guider le choix des peines qui sanctionneront ces
comportements.
Tout d'abord, les nouvelles dispositions ne doivent pas aboutir à un
affaiblissement des peines par rapport à ce qui est aujoud'hui réprimé.
Ensuite, les nouvelles peines prévues doivent être cohérentes avec l'échelle
des peines du nouveau code pénal, notamment les peines qui sont prévues pour
les infractions proches ou similaires. A cet égard, il n'est pas illégitime de
considérer que, d'une manière générale, les proxénètes doivent être plus
sévèrement punis que les clients, même si, comme le disait tout à l'heure Mme
Ségolène Royal dans un autre lieu, il n'y a pas de clients sans proxénètes. Ce
sont quand même des gens qui sont relativement liés.
Enfin, il faut que les peines retenues permettent une répression rapide et
efficace, ce qui suppose qu'elles autorisent le recours à la procédure de
comparution immédiate - puisqu'il s'agit quasiment d'assistance à personne en
danger - qui n'est possible que pour les délits punis de deux à sept ans
d'emprisonnement.
Ces différents objectifs sont partagés par la commission des lois et devront
être pris en compte lors de la navette pour que l'on parvienne à un dispositif
totalement satisfaisant. Aujourd'hui, et compte tenu du travail qu'il nous
reste à faire, je m'en remets à la sagesse de la Haute Assemblée.
M. le président.
Je vais mettre aux voix le sous-amendement n° 131.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Si nous voulons que la proposition de loi relative à l'autorité parentale soit
votée ce soir, il nous faudra accepter de discuter très rapidement certains
amendements lourds de conséquences.
Bien sûr, il y aura une navette, et c'est pourquoi je souhaiterais donner des
explications qui ne sont pas forcément les miennes, mais qui rendent compte de
discussions qui se sont déroulées tant au sein du groupe socialiste qu'au sein
de la commission des lois et sur lesquelles nous n'avons pas le temps de
revenir en détail.
Certains se demandent pourquoi on revient sur les textes relatifs aux
atteintes sexuelles actuellement en vigueur. Ces textes couvrent bien
évidemment les faits visés lorsqu'il s'agit des mineurs de quinze ans, et il
n'y a jamais aucun problème. Pourquoi, dès lors, déplacer ces dispositions ?
Certains ne le comprennent pas.
En ce qui concerne les mineurs de dix-huit ans, certains font observer que le
sujet aurait mérité de grandes discussions et des auditions, de manière à
savoir si la première chose à faire ne serait pas d'interdire la prostitution
des mineurs. Il serait en effet quelque peu paradoxal d'interdire l'acceptation
de ce qui est librement offert - librement, je dis bien puisque la prostitution
en elle-même n'est pas interdite.
Pourtant, interdire la prostitution des mineurs permettrait non seulement
d'interpeller les intéressés, mais éventuellement de prendre des mesures
éducatives qui sont sans doute, en effet, nécessaires. Tout cela pourrait être
au moins discuté.
Mes chers collègues, vous allez voter cet amendement. Je regrette - je l'ai
déjà indiqué lors de la discussion générale - que nous ayons été saisis très
tardivement de ce qui est de toute évidence un cavalier. Ce problème méritait
beaucoup mieux, il méritait des discussions et des études plus approfondies.
Mais il y a la navette. Et si j'ai pris la parole pour me faire l'interprète
d'un certain nombre de nos collègues qui ne sont pas ici ce soir - vous me
direz que les absents ont toujours tort ! -, c'est pour que l'Assemblée
nationale puisse en tenir compte.
M. le président.
Je mets aux voix le sous-amendement n° 131, pour lequel le Gouvernement s'en
remet à la sagesse du Sénat.
(Le sous-amendement est adopté.)
M. le président.
Je mets aux voix le sous-amendement n° 132, pour lequel le Gouvernement s'en
remet à la sagesse du Sénat.
(Le sous-amendement est adopté.)
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 59 rectifié.
M. Jean-Jacques Hyest.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Hyest.
M. Jean-Jacques Hyest.
La prostitution des mineurs de quinze à dix-huit ans, en provenance notamment
de certains pays, pose un problème urgent. Les services de police attirent
d'ailleurs l'attention depuis de nombreux mois sur cette évolution qui, hélas !
n'est pas propre à la France, ce qui montre tout l'intérêt, dans ce domaine,
d'une coopération européenne réaffirmée et rendue efficace. Comment, dès lors,
ne pas être sensible aux arguments de Mme le garde des sceaux ?
Je partage tout à fait les remarques de M. Dreyfus-Schmidt sur la
précipitation qui préside à l'examen de ce texte, qui nous est parvenu ce matin
pour être soumis à notre vote ce soir. Cette situation, bien évidemment, n'est
guère satisfaisante pour le législateur.
J'ai également souligné la nécessité de veiller à la cohérence des
incriminations avec les autres dispositions du code pénal. Or, s'agissant des «
clients », le caractère dissuasif de la peine tient peut-être moins à son
importance qu'à son existence. Bien souvent, l'humanité étant ce qu'elle est,
il ne s'agit pas de délinquants comme les autres, et il est important de
réprimer cette forme de délinquance. En l'incriminant, nous ouvrons cette
possibilité.
L'autre difficulté réside dans le fait que la majorité sexuelle est à quinze
ans. Si l'on interdit « le fait de solliciter, d'accepter ou d'obtenir, en
échange d'une rémunération ou d'une promesse de rémunération, des relations de
nature sexuelle », on ne résout rien.
Je relève, enfin, que le code pénal ne donne pas de définition de la
prostitution.
Certes, me direz-vous, il s'agit de détails, mais ils montrent la nécessité
d'améliorer encore le texte.
Par ailleurs, comme l'a souligné Mme le garde des sceaux, pour que le
dispositif soit efficace et dissuasif, il faut que les comparutions immédiates
soient possibles, ce qui suppose que les peines, en l'absence de circonstances
aggravantes, ne soient pas trop lourdes. C'est pourquoi les amendements de la
commission des lois sont raisonnables.
Puisque nous aurons l'occasion, au cours de la navette, de revenir sur ces
dispositions, mon groupe votera l'amendement, tout en reconnaissant qu'il est
imparfait.
La mesure isolée que vise l'amendement doit cependant s'inscrire dans une
politique globale de lutte contre la prostitution des mineurs. Un certain
nombre de pays ont interdit la prostitution, ce qui a eu pour effet de la
rendre clandestine et de priver cette politique des résultats escomptés. Pis,
les personnes qui souffraient de cette déchéance se trouvaient alors
complètement soumises à des proxénètes et à une clientèle cachés. Nous devons
donc surveiller très attentivement l'évolution de la situation.
Mme Nicole Borvo.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à Mme Borvo.
Mme Nicole Borvo.
Même s'il n'est pas lié au texte que nous discutons ce soir, l'amendement qui
nous est proposé est bienvenu, car la situation de la prostitution des mineurs
dans notre pays est particulièrement préoccupante.
Le « Bus des femmes » a récemment pris une position symbolique très forte en
arrêtant la distribution de préservatifs aux prostitués mineurs, afin de
protester contre l'inertie des pouvoirs publics face à l'arrivée massive dans
la rue de mineurs très jeunes. Ils sont, d'après les chiffres de l'UNICEF - qui
se situent probablement au-dessous de la réalité -, près de 8 000.
L'initiative du Gouvernement s'inscrit d'ailleurs dans le droit-fil des
conclusions de la conférence Europe-Asie centrale, organisée par le Conseil de
l'Europe et l'UNICEF à Budapest, lundi et mardi. Le programme d'action
recommande notamment à tous les pays membres du Conseil de l'Europe de protéger
les enfants « de zéro à dix-huit ans ».
Néanmoins, je veux, moi aussi, souligner avec force que la lutte contre la
prostitution, notamment la prostitution infantile, ne peut se contenter de
mesures ponctuelles ; elle nécessite, au contraire, une politique globale et
résolue.
La politique doit être globale et viser aussi bien la protection des personnes
- tant du point de vue sanitaire que du point de vue de l'aide aux victimes -
que la lutte contre les réseaux de prostitution, qui passe par la répression
mais aussi par la prévention et par la réinsertion.
La politique doit être offensive, dans le sens des travaux menés aussi bien
par notre collègue Dinah Derycke que par la mission d'information de
l'Assemblée nationale sur l'esclavage moderne, et doit tendre à s'attaquer à la
prostitution en tant que telle. Il n'est pas question pour nous de reconnaître
la prostitution comme un mal nécessaire : c'est, il faut le dire, une
marchandisation contrainte de la personne qui n'a rien à voir avec la liberté
sexuelle que d'aucuns mettent complaisamment en avant.
La lutte doit également, sans nul doute, se placer sur le plan international,
comme l'a rappelé le Premier ministre lors des états généraux de la protection
de l'enfance : il convient d'améliorer la coopération avec les pays d'origine
de la prostitution, sans la contribution desquels nous ne pourrons pas avancer,
ainsi que l'articulation des instruments de lutte contre les réseaux
internationaux, notamment dans le domaine de la prostitution infantile, comme
le préconise l'Union européenne.
Nous voterons l'amendement qui nous est proposé ; cependant, nous voulons
exprimer non seulement notre adhésion à la pénalisation de l'utilisation de la
prostitution des mineurs de dix-huit ans, mais surtout notre volonté que le
Gouvernement aille plus loin dans la lutte contre la prostitution.
Il faut se poser la question de la cohésion de l'action que mènent les
différents ministères et les différents services, si nous voulons aboutir à des
résultats tangibles.
M. Christian Cointat.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Cointat.
M. Christian Cointat.
L'amendement du Gouvernement porte sur un sujet extrêmement délicat,
difficile, sérieux, et j'ai apprécié que Mme le ministre nous ait précisé qu'il
s'agissait effectivement de lutter contre la prostitution des mineurs, ce que
la lecture du texte proposé ne laisse pas nécessairement entendre. Certes, on
comprend qu'une action est menée en ce sens, mais la prostitution des mineurs
n'est pas interdite, que je sache.
Un sujet aussi sérieux ne devrait pas être traité à la sauvette, en urgence,
presque par surprise, bref, entrer par la petite porte au Parlement ; il mérite
mieux que cela, il est beaucoup trop grave pour que nous le traitions aussi
rapidement, en prenant le risque de commettre des erreurs d'appréciation par
méconnaissance de toutes les conséquences qu'auront les mesures que nous allons
voter.
J'aurais souhaité, madame le garde des sceaux, que le Gouvernement présente un
projet de loi. Ces dossiers le méritent ! Pourquoi se contenter d'un amendement
déposé en dernière minute sur une proposition de loi relative à l'autorité
parentale ? Si du moins, comme je m'y attendais, figurait, ne serait-ce qu'à la
fin, la condamnation des parents qui laisseraient leurs enfants mineurs
s'adonner à la prostitution ! Même pas, madame le garde des sceaux, alors que
nous discutons de l'autorité parentale !
Vous me mettez dans l'embarras, madame le garde des sceaux. Bien évidemment,
je partage votre point de vue, et je voterai l'amendement. Mais je regrette
d'être obligé de le faire dans de telles conditions : sincèrement, nous pouvons
faire beaucoup mieux que cela, et j'espère que les navettes nous permettront de
remplir véritablement notre devoir de législateur.
Mme Nelly Olin et M. Hilaire Flandre.
Très bien !
Mme Marylise Lebranchu,
garde des sceaux.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à Mme le garde des sceaux.
Mme Marylise Lebranchu,
garde des sceaux.
Je voudrais apaiser vos inquiétudes sur l'absence de
cohérence, monsieur Cointat.
En matière de lutte contre la prostitution, en particulier contre la
prostitution des mineurs, ce n'est pas de nouvelles lois que nous avons besoin,
c'est de cohérence et d'organisation.
Nous avons donc préparé une circulaire contre la prostitution, notamment des
mineurs, et contre la traite des êtres humains. A la fin de l'été, nous avons
décidé d'en reporter la publication parce que Mme Lazerges et M. Vidalies,
députés, se sont saisis de ce dossier et doivent nous remettre un rapport dans
les jours qui viennent. Leur travail nous permettra sûrement d'enrichir la
circulaire et nous donnera des indications sur les évolutions souhaitables du
code pénal.
C'est essentiellement à partir de cette circulaire que nous voulons
travailler, de la même manière qu'à l'échelon européen, plusieurs d'entre vous
l'ont souligné, nous avons décidé de travailler, à partir de l'ensemble des
textes existants, en coordonnant mieux la lutte contre les réseaux de la
criminalité organisée, en particulier ceux de la traite des êtres humains, de
la pédo-pornographie, et contre tout les aspects que vous avez pu évoquer les
uns et les autres.
J'ajoute que, si nous avons décidé de vous proposer d'insérer cet article
additionnel, c'est parce que, la prostitution des enfants ayant largement
reculé, voire presque disparu, dans notre pays, des réseaux se sont constitués
à une vitesse impressionnante pour faire venir les mineurs de l'étranger, en
promettant à des parents en situation difficile que leurs enfants bénéficieront
d'une formation professionnelle ou d'un emploi. Ces parents ignorent ce qui
attend en réalité leurs enfants, et lorsque l'on parle d'un apprentissage ou
d'un métier dans notre pays à des jeunes filles de seize ou dix-sept ans, cela
peut leur paraître tentant au regard des circonstances très difficiles qu'elles
connaissent, par exemple, au Mali ou en Roumanie.
Par conséquent, nous ne pouvons pas rester inactifs devant la constitution de
ces réseaux. En mai dernier, travaillant avec le procureur de la République de
Paris sur ce problème particulier, y compris en vue de mobiliser la police
autour d'une façon d'aborder le problème de manière cohérente sur le terrain,
en accord avec les magistrats, nous nous sommes rendu compte à quel point nous
étions démunis. En effet, il était impossible - il faut le redire ici ce soir -
d'arrêter le client avant que l'acte de prostitution ne soit commis et de lui
dire que sa conduite était insupportable. Or, même si le proxénète a la plus
large part de responsabilité, il faut, comme le disait le procureur de Paris, «
casser ce marché ».
C'est forts de ce constat que nous avons déposé l'amendement n° 59 rectifié.
Je comprends bien la difficulté, mais la circulaire viendra donner cohérence à
cette politique. Je pense d'ailleurs que, d'ici à la deuxième lecture de cette
proposition de loi, vous pourrez prendre connaissance de l'avant-projet.
Mme Dinah Derycke.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à Mme Derycke.
Mme Dinah Derycke.
Le temps nous est compté, hélas ! mais je voudrais féliciter le Gouvernement
des propositions qu'il nous a faites par le biais de cet amendement.
Je ne reviendrai pas sur la question des délais, d'autres se sont exprimés sur
ce point ; sur un tel sujet, je préfère m'intéresser au fond.
Ayant mené, en qualité de présidente de la délégation aux droits des femmes et
à l'égalité professionnelle entre les hommes et les femmes, une étude sur la
prostitution des femmes qui a donné lieu à l'établissement d'un rapport, je
voudrais souligner qu'il avait été affirmé que la France devait rester un pays
abolitionniste, c'est-à-dire ayant aboli toute réglementation relative à la
prostitution.
Nous devons être non pas un pays prohibitionniste ou réglementariste, comme
les Pays-Bas, mais un pays abolitionniste, car nous considérons que la
prostitution est une atteinte à la dignité humaine et que les prostitués sont
des victimes, ce qui implique que ce ne sont pas eux qui doivent être
sanctionnés ou mis en prison, ce à quoi aboutirait l'interdiction de la
prostitution pour les mineurs.
Je voudrais également revenir sur la confusion qui se fait jour entre majorité
sexuelle à quinze ans et liberté de se prostituer. Il ne s'agit pas de la même
chose : la majorité sexuelle à quinze ans vise à permettre à des adolescents de
consentir à une relation amoureuse, où l'argent n'entre pas en jeu. La
prostitution, c'est tout sauf une relation amoureuse !
M. Jean-Jacques Hyest.
Même après dix-huit ans ! Cela ne change rien !
Mme Dinah Derycke.
Même après dix-huit ans, en effet, une relation amoureuse n'a rien à voir avec
la prostitution. La prostitution, il faut le comprendre, c'est une transaction,
c'est la transformation des corps en marchandise. Si nous allons jusqu'à
admettre qu'elle se fonde sur la liberté de disposer de son corps, comme le
prétendent un certain nombre de prostitués qui veulent l'instauration d'une
réglementation similaire à celle qui est en vigueur aux Pays-Bas, nous finirons
par aboutir à une professionnalisation. Certains la souhaitent, d'autres pays
ont fait ce choix, mais je ne crois pas que ce soit, pour l'heure, celui de la
France. Au-delà, le droit de disposer complètement de son corps nous amènerait
demain à autoriser les mères porteuses, la vente d'organes ou de tissus humains
!
La prostitution, je le répète, n'a rien à voir avec la question de la majorité
sexuelle à quinze ans, que ce texte ne remet pas en cause.
Je suis tout à fait favorable à la pénalisation des clients des prostitués
mineurs. Je crois qu'il est temps, dans ce pays, que l'on dise clairement qu'il
existe un « triangle infernal », constitué du proxénète, de plus en plus
souvent membre d'une mafia, du prostitué, mais aussi du client, tous liés par
l'argent. Or le client est toujours le grand oublié des réflexions sur la
prostitution, et lui signifier que ses actes sont répréhensibles et tombent
sous le coup de la loi aurait une vertu pédagogique. Cela peut amener une prise
de conscience sur ces questions qui, trop souvent, prêtent à sourire.
Je plaiderai donc moi aussi, comme Mme Borvo, pour une politique globale. A
cet égard, Mme la garde des sceaux nous a indiqué qu'une circulaire était prête
: elle pourra puiser quelques idées dans le rapport rédigé par la délégation
aux droits des femmes et à l'égalité professionnelle entre les hommes et les
femmes, qui contient toute une série de propositions qu'il serait peut-être
judicieux de mettre en oeuvre.
M. le Premier ministre m'avait d'ailleurs confié une mission sur la
prostitution, que, malheureusement, pour d'impérieuses raisons de santé, je
n'ai pu mener à bien dans les délais qui m'étaient impartis.
Cela démontre néanmoins que le Premier ministre et le Gouvernement se sentent
totalement concernés par ce problème.
M. le président.
Je mets aux voix, modifié, l'amendement n° 59 rectifié, accepté par la
commission.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la
proposition de loi, après l'article 11.
Mes chers collègues, compte tenu du nombre d'amendements qu'il nous reste à
examiner et des explications de vote qui interviendront au terme du débat, il
nous sera très difficile d'achever l'examen de ce texte dans le délai
prescrit.
M. René Garrec,
président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du
suffrage universel, du règlement et d'administration générale.
On peut
essayer !
M. le président.
Afin que nous puissions y parvenir, je vous invite à faire preuve de la plus
grande concision.
L'amendement n° 120, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
« Après l'article 11, insérer un article additionnel ainsi rédigé ;
« I. - L'article 35
quater
de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre
1945 relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France est
ainsi modifié :
« 1. Après le deuxième alinéa du I, sont insérés deux alinéas ainsi rédigés
:
« En l'absence d'un représentant légal accompagnant le mineur, le procureur de
la République, avisé de l'entrée d'un mineur en zone d'attente en application
des dispositions du paragraphe II du présent article, lui désigne sans délai un
administrateur
ad hoc
. L'administrateur
ad hoc
assiste le mineur
durant son maintien en zone d'attente et assure sa représentation dans toutes
les procédures administratives et juridictionnelles relatives à ce maintien.
« L'administrateur
ad hoc
nommé en application de ces dispositions est
désigné par le procureur de la République compétent sur une liste de
personnalités dont les modalités de constitution sont fixées par décret en
Conseil d'Etat. Ce décret précise également les conditions de leur
indemnisation. »
« 2. Après la quatrième phrase du premier alinéa du III, il est inséré une
phrase ainsi rédigée : "Le mineur est assisté d'un avocat choisi par
l'administrateur
ad hoc
ou, à défaut, commis d'office".
« 3. Au début de la cinquième phrase du premier alinéa du III, les mots : "Il
peut également demander" sont remplacés par les mots : "L'étranger ou, dans le
cas du mineur mentionné au troisième alinéa du I ci-dessus, l'administrateur
ad hoc
peut également demander".
« 4. Il est ajouté
in fine
un IX ainsi rédigé :
«
IX
. - L'administrateur
ad hoc
désigné en application des
dispositions du troisième alinéa du I assure également la représentation du
mineur dans toutes les procédures administratives et juridictionnelles
afférentes à son entrée sur le territoire national. »
« II. - Après l'article 12 de la loi n° 52-893 du 25 juillet 1952 relative au
droit d'asile, il est inséré un article ainsi rédigé :
«
Art. ... -
Lorsque la demande de reconnaissance de la qualité de
réfugié est formée par un mineur sans représentant légal sur le territoire
français, le procureur de la République, avisé par l'autorité administrative,
lui désigne un administrateur
ad hoc
. L'administrateur
ad hoc
assiste le mineur et assure sa représentation dans le cadre des procédures
administratives et juridictionnelles relatives à la demande de reconnaissance
de la qualité de réfugié.
« La mission de l'administrateur
ad hoc
prend fin dès le prononcé d'une
mesure de tutelle. »
Le sous-amendement n° 133, présenté par M. Dreyfus-Schmidt et les membres du
groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
« Après le 3 du I de l'amendement n° 120, insérer deux alinéas ainsi rédigés
:
« ... - Après le premier alinéa du III, il est inséré un alinéa ainsi rédigé
:
« S'il l'estime contraire à l'intérêt du mineur mentionné au troisième alinéa
du I, le "juge des libertés et de la détention" a la possibilité de décider
qu'il n'y aura pas de reconduite à la frontière du mineur et de prendre, en
France, à son égard toute mesure éducative éventuelle. »
La parole est à Mme le ministre, pour défendre l'amendement n° 120.
Mme Ségolène Royal,
ministre déléguée.
Cet amendement vise la désignation d'un
administrateur
ad hoc
.
S'agissant d'un texte relatif à l'autorité parentale, nous souhaitons, en
effet, protéger également les mineurs isolés qui échappent à celle-ci, et telle
est la vocation de l'administrateur
ad hoc
.
L'amendement n° 120 s'inscrit dans une politique globale, avec, nous venons de
le voir, le renforcement des mesures contre la prostitution des mineurs - j'en
remercie d'ailleurs chaleureusement le Sénat, car la France pourra ainsi
présenter à Yokohama une législation significative - la politique de promotion
familiale, l'amélioration des conditions d'accueil et d'hébergement dans la
zone d'attente à Roissy et l'ouverture prochaine d'un lieu d'accueil et
d'orientation des mineurs.
La désignation d'un administrateur
ad hoc
permet de combler un vide
juridique et d'assurer à la fois la représentation juridique et la protection
du mineur.
J'indique à M. Dreyfus-Schmidt que le rôle de cet administrateur
ad hoc
est global et ne se limite pas à une régularisation administrative. Il lui
permet d'assister le mineur et de lui faire désigner un avocat qui le
représentera dans toutes les procédures. L'accompagnement par l'administrateur
ad hoc
se poursuivra, s'il y a lieu, lors de l'entrée effective du
mineur isolé sur le territoire.
A cet égard, l'administrateur
ad hoc
pourra engager toutes les
procédures nécessaires pour assurer la protection du mineur. Je vous invite
donc, monsieur le sénateur, à retirer le sous-amendement n° 133, qui se trouve
ainsi satisfait. Nous pensons que notre dispositif répond à l'ensemble de vos
préoccupations.
M. le président.
La parole est à M. Dreyfus-Schmidt, pour défendre le sous-amendement n°
133.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
En prévision de la navette, je maintiens mon sous-amendement.
De quoi s'agit-il ? On n'a pas le temps de le dire ! Nous ne disposons plus
que de cinq minutes pour débattre, nous n'avons pas le temps d'expliquer ce qui
motive le dépôt de l'amendement du Gouvernement, quelle était la jurisprudence
avant une récente décision de la Cour de cassation, qui a estimé qu'il n'était
pas utile de permettre aux mineurs irréguliers d'être représentés quand on
statue à leur égard.
Il nous est maintenant proposé que soit nommé un représentant, mais, jusqu'à
présent, les juges, paraît-il, prenaient la décision de ne pas assigner à
résidence les enfants et il semble que ces derniers disparaissaient dans la
nature. Cela ne me semble pas acceptable ! Certains affirment que dès lors
qu'un mineur arrive en France, il doit être renvoyé dans son pays. Cela ne me
paraît pas davantage acceptable !
C'est pourquoi nous pensons qu'il est possible de trouver une voie moyenne.
Actuellement, c'est l'administration qui prend la décision de reconduite à la
frontière ; nous proposons de prévoir que le juge aura le droit de s'opposer à
la reconduite à la frontière s'il estime qu'il y va de l'intérêt de l'enfant et
pourra prendre des mesures de placement, s'il y a lieu, ou d'assistance sur
notre territoire.
Quoi qu'il en soit, cette proposition sera transmise à l'Assemblée nationale,
qui pourra ainsi examiner la question dans son entier.
En l'état actuel des choses, le représentant de l'enfant ne pourra pas obtenir
que l'administration ne prenne pas une mesure de reconduite à la frontière si
tel est l'intérêt de l'enfant. Voilà pourquoi je maintiens le sous-amendement
n° 133.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 120 et sur le
sous-amendement n° 133 ?
M. Laurent Béteille,
rapporteur.
La commission est favorable à l'amendement n° 120. Il paraît
effectivement légitime que le mineur étranger puisse être assisté par un
administrateur
ad hoc
lors des procédures administratives et judiciaires
relatives au maintien en zone d'attente et aux demandes d'asile.
Par ailleurs, la commission n'a pas examiné le sous-amendement n° 133.
Toutefois, compte tenu des explications du Gouvernement, je donnerai, à titre
personnel, un avis plutôt défavorable à ce sous-amendement.
M. le président.
Je mets aux voix le sous-amendement n° 133, repoussé par la commission et par
le Gouvernement.
(Le sous-amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 120.
Mme Nicole Borvo.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à Mme Borvo.
Mme Nicole Borvo.
Je ne développerai pas mes arguments, faute de temps, ce qui est d'ailleurs
tout à fait regrettable. Toutefois, en l'état actuel des choses, j'indique que
je m'abstiendrai sur cet amendement.
Nous nous étions précédemment opposés à une disposition similaire. Par
principe, nous sommes vraiment hostiles au maintien des mineurs en zone
d'attente. Certes, je sais bien que la Cour de cassation a rendu un arrêt à cet
égard, mais il ne nous satisfait pas du tout. L'administrateur semble être une
diversion, et j'aurais souhaité pour le moins qu'il soit dit que le procureur
de la République est avisé dès l'entrée du mineur sur le territoire. En
l'absence de cette précision, je m'abstiendrai sur l'amendement.
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° 120, accepté par la commission.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la
proposition de loi, après l'article 11.
L'amendement n° 126, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
« Après l'article 11, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
« Il est inséré dans le code civil un article 62-1 ainsi rédigé :
«
Art. 62-1.
- Si la transcription de la reconnaissance paternelle
s'avère impossible, du fait du secret de son identité, opposé par la mère, le
père peut en informer le procureur de la République. Celui-ci procède à la
recherche des date et lieu d'établissement de l'acte de naissance de l'enfant.
»
L'amendement n° 127, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
« Après l'article 11, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
« Dans le premier alinéa de l'article 353-1 du code civil, après les mots :
"d'un pupile de l'Etat", sont insérés les mots : ", d'un enfant remis à un
organisme autorisé pour l'adoption," »
La parole est à Mme le ministre, pour défendre ces deux amendements.
Mme Ségolène Royal,
ministre déléguée.
Monsieur le président, les amendements n°s 126 et 127
sont retirés et seront réintégrés dans le texte réformant l'accouchement sous
X.
M. Jean-Jacques Hyest.
C'est en effet mieux ainsi !
M. le président.
Les amendements n°s 126 et 127 sont retirés.
L'amendement n° 128, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
« Après l'article 11, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
« Après les mots : "du même code", la fin du troisième membre de phrase du 2°
du II de l'article 156 du code général des impôts est ainsi rédigée : "en cas
de séparation de corps ou de divorce, ou en cas d'instance en séparation de
corps ou en divorce et lorsque le conjoint fait l'objet d'une imposition
séparée, les pensions alimentaires versées en vertu d'une décision de justice
et en cas de révision amiable de ces pensions, le montant effectivement versé
dans les conditions fixées par les articles 208 et 372-1 du code civil". »
La parole est à Mme le ministre.
Mme Ségolène Royal,
ministre déléguée.
Il s'agit d'un amendement important. Il prévoit une
réforme fiscale qui simplifiera la vie de nombreux couples.
Aujourd'hui, les parents non mariés ou les couples séparés peuvent, par une
simple déclaration sur l'honneur, déduire de leurs revenus imposables les
pensions alimentaires qu'ils versent. En accord avec le ministre du budget,
cette possibilité est désormais ouverte aux couples mariés, alors que jusqu'à
présent les pensions alimentaires versées en vertu d'une décision de justice
devaient obligatoirement être révisées par une décision de justice pour pouvoir
être déductibles des revenus imposables.
Aujourd'hui, on dénombre dans notre pays environ 40 000 procédures de révision
de pension alimentaire ayant pour unique objet de faire bénéficier les
intéressés des déductions fiscales. Nous avons là une illustration très
concrète de la façon dont le Gouvernement souhaite faciliter le règlement
amiable des conflits familiaux.
Monsieur le président, puisque j'ai la parole, j'en profite pour remercier
très chaleureusement le Sénat de la qualité de ce débat, même s'il a été un peu
précipité sur la fin. Le travail remarquable qui a eu lieu au sein de la
commission des lois a permis d'améliorer considérablement ce texte. Celui-ci
symbolise et concrétise une évolution, une modernisation du droit de la
famille, pour permettre aux enfants de bien affirmer la double filiation avec
leur père et leur mère, le droit fondamental inscrit dans la convention
internationale des droits de l'enfant d'être élévé par ses deux parents, et
pour encourager la résolution amiable des conflits et le développement de la
médiation familiale. Je tenais à en remercier l'ensemble des sénateurs, quelles
que soient les travées sur lesquelles ils siègent.
(Applaudissements.)
M. le président.
Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 128 ?
M. Laurent Béteille,
rapporteur.
La commission émet un avis favorable, sous réserve de
coordonner le numéro d'article avec la numérotation adoptée par la commission
pour la contribution des parents, à savoir l'article 371-2 du code civil.
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° 128, accepté par la commission.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la
proposition de loi, après l'article 11.
Vote sur l'ensemble