SEANCE DU 29 NOVEMBRE 2001
M. le président.
Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi concernant les affaires
étrangères.
La parole est à M. Chaumont, rapporteur spécial.
M. Jacques Chaumont,
rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et
des comptes économiques de la nation, pour les affaires étrangères.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'examen de
ce budget s'inscrit dans un contexte, hélas ! particulier. S'il n'y avait pas
eu les événements du 11 septembre, nous aurions pu gloser sur les efforts
accomplis pour enrayer la dérive de ce budget, sur le point fondamental de
savoir si le « védrinisme » était soluble dans le « bercynisme », sur les «
efforts qui méritaient d'être encouragés », sur « l'espoir de l'évolution
qu'offre le budget ». Mais il y a eu les événements tragiques du 11
septembre...
L'avis que je vais formuler, au nom de la commission des finances, se fonde
uniquement sur l'analyse précise des moyens concrets qui nous sont proposés au
regard de la politique que le Gouvernement déclare vouloir conduire. Cette
politique, monsieur le ministre, telle qu'elle est aujourd'hui définie par les
plus hautes autorités de l'Etat, nous l'approuvons totalement, vous le savez.
Malheureusement, dans le budget que vous nous présentez, nous ne retrouvons pas
les moyens de cette politique, en particulier dans le domaine fondamental de
l'aide au développement.
Pourtant, le 16 novembre, le Président Jacques Chirac déclarait à la
télévision : « Si elles sont fortes, les démocraties doivent aussi se montrer
généreuses.(...) La France doit intensifier ses efforts pour réduire le fossé
qui se creuse entre les pays qui bénéficient des fruits du développement et une
part de l'humanité qui s'enfonce dans la pauvreté. »
Le 21 novembre devant l'Assemblée nationale, le Premier ministre, Lionel
Jospin, indiquait à son tour : « Il est souhaitable que la coalition contre le
terrorisme se prolonge dans une coalition pour un monde plus juste, donnant à
chacun sa place dans la communauté internationale. C'est à cela que travaille
le Gouvernement. »
Vous-même, monsieur le ministre, dès le 18 octobre, devant la commission des
affaires étrangères de l'Assemblée nationale, vous avez insisté sur le fait que
« notre politique étrangère est constamment fondée sur le constat qu'il y a
dans ce monde toute une série de situations absolument intolérables qui,
certes, n'ont pas créé l'extrémisme, mais dont les extrémistes et les
terroristes se nourrissent constamment ». Vous avez totalement raison et nous
vous approuvons, j'en suis sûr, unanimement.
Mais où sont les moyens de cette politique ? A la suite des attentats du 11
septembre, trois domaines privilégiés d'intervention ont été retenus par les
Nations unies pour lutter contre le terrorisme : l'assèchement des ressources
financières du terrorisme, dont la lutte contre le blanchiment de la drogue,
les opérations militaires et le financement du développement.
La France, qui présidait, le 11 septembre, le Conseil de sécurité, a joué un
rôle majeur dans l'élaboration de cette politique. Nous en sommes fiers. Or
dans le projet de budget pour 2002 concernant les affaires étrangères, on
observe d'abord une impasse totale sur le financement des opérations de
maintien de la paix.
Fin 2001, la France se retrouve débitrice de plus de un milliard de francs sur
les opérations en cours. Dans le collectif que nous allons examiner dans
quelques jours, il vous sera proposé, mes chers collègues, une ouverture de
crédits à ce titre de 950 millions de francs. En d'autres termes, cela signifie
que la dotation initiale présentée pour 2002, qui reconduit strictement celle
de 2001, correspond, d'entrée de jeu, à un déficit de 950 millions de francs.
Or, vous le savez fort bien, les principales opérations en cours au
Timor-Oriental, en Sierra Leone, dans l'ex-Zaïre, au Kosovo, en Ethiopie et en
Erythrée ne seront pas achevées d'ici à la fin de l'année.
De surcroît, la résolution 13-78 du 15 novembre, qui a été adoptée par le
Conseil de sécurité et à laquelle nous nous sommes associés, vient de décider
l'envoi d'une force de sécurisation en Afghanistan, ce qui entraînera des
dépenses nouvelles. S'agissant des opérations de maintien de la paix, la
France, en tant que membre permanent du Conseil de sécurité, contribue, je vous
le rappelle, aux frais engagés à hauteur de 8,30 %, à la suite d'un accord
récent conclu sur les contributions des membres des Nations unies. Comment
paierons-nous en 2002 et comment respecterons-nous nos engagements ?
On constate ensuite, mes chers collègues, une diminution de l'ordre de 6 % des
crédits de coopération militaire. De plus, ils supportent à eux seuls la
quasi-totalité des économies de moyens qui sont demandées au budget des
affaires étrangères. Or ces moyens, qui, depuis 1999, sont amputés de 100
millions de francs, nous manquent aujourd'hui dans le cadre de l'acquisition
locale de renseignement et de la vigilance nécessaire à une lutte efficace et «
sur le terrain » contre le terrorisme.
On constate également une diminution sensible des crédits qui sont consacrés à
l'aide au développement. Sur ce point fondamental - la lutte pour le
développement était l'un des fers de lance de la lutte contre le terrorisme -
notre collègue Michel Charasse exposera, avec son talent extraordinaire et
coutumier, ce dossier. Je voudrais toutefois, monsieur le ministre, attirer
votre attention sur l'état de nos contributions volontaires aux organismes des
Nations unies qui ont en charge le développement.
Nous sommes tombés en deçà du dixième rang des pays contributeurs, s'agissant
du programme des Nations unies pour le développement, le PNUD, le plus
important des programmes. La France occupait la onzième position en 2000. En
2001, elle est en treizième position, et je n'ai pas besoin de vous rappeler
que notre contribution est tombée de 311 millions de francs en 1993 à 105
millions de francs actuellement, c'est-à-dire qu'elle a diminué du tiers.
Monsieur le ministre, vous me direz que cette chute des contributions remonte
à une période allant de 1995 à 1997 et que, depuis, vous avez engagé des
réformes pour améliorer cette contribution. Mais, si elle a été augmentée de 60
millions de francs en 1999, elle l'est de moins de 3 millions de francs
actuellement, ce qui représente quand même vingt fois moins en trois ans. Cela
n'est pas convenable, je dois le dire, au moment où l'Assemblée générale des
Nations unies a engagé un vaste débat sur la réforme de la composition du
Conseil de sécurité et que notre statut de membre permanent de ce dernier nous
oblige à respecter un certain nombre de règles minimales dans ce domaine. Je
suis consterné d'avoir constaté, à New York, que la France n'a rien donné
lorsque le Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés a mis en place
une opération particulière pour les réfugiés afghans, alors que vingt pays ont
répondu présent à l'appel pour plus de 52 millions de dollars !
Le Premier ministre vient d'envoyer une mission d'évaluation en Afghanistan
pour mieux définir les moyens d'action à mettre en place en faveur des
populations déplacées à l'intérieur de ce pays, mais aucun moyen nouveau n'est
prévu, en 2002, pour l'aide humanitaire. Certes, un DC 8 porteur de fret
humanitaire vient de parvenir à Termez, mais aucun moyen nouveau n'est prévu
non plus pour le transport de l'aide alimentaire. Nous avons déjà, sur ce
point, une dette de 28 millions d'euros !
Certes, vous avez créé un article spécifique - bravo ! - pour financer l'aide
aux sorties de crise, mais il n'est financé que par des transferts de crédits
et ne bénéficie d'aucun moyen nouveau.
En d'autres termes, mes chers collègues, le budget du ministère des affaires
étrangères pour 2002 semble aller exactement à l'inverse de la politique qui
est affichée. Les priorités qui ont été définies unanimement par l'ensemble des
démocraties développées et par le Gouvernement de la République sont
précisément - mais ce n'est pas votre faute - celles qui sont sacrifiées sur le
plan budgétaire.
Venons-en maintenant à l'analyse de votre budget tel que je l'aurais examiné
si les événements tragiques du mois de septembre n'avaient pas eu lieu.
Monsieur le ministre, vous avez réussi, par votre activité personnelle, à
enrayer une érosion à peu près constante sur la décennie et, pour la troisième
année consécutive, votre budget enregistre une évolution positive et une
stabilisation des effectifs. Il reste qu'il ne progresse que de 1,3 %, alors
que le taux d'inflation est de 1,5 %, que l'ensemble des budgets civils
progresse de 2,2 % et que vos effectifs budgétaires baissent de cinq emplois,
alors que les autres budgets en créent un peu plus de 15 000.
Vous avez toutefois défini un certain nombre de priorités. Elles concernent
l'audiovisuel extérieur, le réseau des établissements culturels, l'accueil des
étudiants étrangers, les conditions de vie des Français à l'étranger et un
important programme immobilier en Algérie. Sur ces sujets, je vous renvoie à
mon rapport écrit, car je ne voudrais pas dépasser mon temps de parole. Je
n'aborderai donc que trois problèmes qui me semblent importants.
Le premier a trait aux investissements immobiliers en Algérie, c'est-à-dire la
rénovation du lycée Ben-Aknoun, la construction de logements dans le parc
Peltzer, la rénovation du consulat général d'Oran et la construction du
consulat général d'Annaba, qui représentent le tiers de votre enveloppe globale
de crédits immobiliers, soit plus de 200 millions de francs. Or Bercy vous a
refusé les cinquante et un postes...
M. Michel Charasse,
rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et
des comptes économiques de la nation.
Bercy ne refuse jamais rien, c'est
le Gouvernement qui refuse !
M. Jacques Chaumont,
rapporteur spécial.
Vous avez raison, monsieur Charasse, mais il est
extravagant de penser que vous pouvez ouvrir sans ces cinquante et un emplois,
en particulier les vingt postes d'agents de sécurité.
Ou bien cette décision est incohérente, ou bien il vous faudra couvrir cette
dépense budgétaire en cours d'exercice. Ce n'est pas admissible : on ne prévoit
pas de créer des implantations en Algérie si on ne donne pas les moyens
correspondants.
Le deuxième problème, c'est la détérioration de la situation financière du
réseau de l'enseignement français à l'étranger.
La majoration de la subvention pour 2002, qui représente moins de 22 millions
de francs, finance la moitié seulement des augmentations de salaire des
enseignants. Elle ne correspond qu'aux deux tiers de la demande faite en
matière de bourses, et nos collègues sénateurs des Français de l'étranger y
sont particulièrement sensibles. Elle ne permet pas de financer le plan
d'amélioration de la rémunération des enseignants résidents. Elle ne couvre
pas, bien entendu, les coûts de fonctionnement du lycée Ben-Aknoun. Et,
surtout, elle ne tient pas compte des travaux nécessaires à réaliser sur les
établissements conventionnés, dont un très grand nombre ne répondent pas aux
normes de sécurité.
Heureusement - et je vous en félicite, monsieur le ministre - on va construire
l'école française de Damas et on a trouvé un terrain pour le lycée français de
Bangkok. Je souhaite que, dans les années à venir, vous n'ayez pas d'aussi
mauvaises surprises dans ce domaine de la sécurité qu'à Varsovie.
Au total, l'« impasse » correspondant à ces besoins peut être évaluée à 140
millions de francs. Cette somme sera prélevée sur le fonds de réserve de
l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger, l'AEFE, qui se situait
confortablement à 300 millions de francs en 2000. Cela signifie qu'en 2002 le
fonds de réserve de l'AEFE sera totalement asséché et que sa situation sera
alors délicate.
Enfin, le troisième problème concerne les recrutés locaux. Nore réseau
diplomatique fonctionne avec six mille recrutés locaux, ce qui représente quand
même 70 % du personnel à l'étranger. Le budget actuel ne permet pas d'améliorer
leur situation. Ils sont beaucoup moins bien payés que ceux du secteur privé ou
ceux de la Direction des relations économiques extérieures, la DREE, et les
efforts engagés ne permettent pas de procéder à une revalorisation de leurs
salaires.
Pour conclure, monsieur le ministre, je souhaite saluer les efforts que vous
avez personnellement engagés pour améliorer la gestion du Quai d'Orsay :
déconcentration des crédits, globalisation des moyens de fonctionnement,
rationalisation de la gestion des moyens immobiliers. Vous poursuivez cette
politique ; je vous en donne acte.
Je note cependant que nous avons le deuxième réseau diplomatique et consulaire
du monde. Je me pose des questions quant à son utilité et à celle de ces agents
de grande qualité si le budget prévu suffit tout juste à les payer, mais
absolument pas à leur donner les moyens de travailler.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, j'ai relu
avec beaucoup d'attention les explications de vote de nos collègues de
l'Assemblée nationale, notamment celle de M. Gateaud, rapporteur de la
commission des affaires étrangères, que je vous livre : « Ce budget créé une
frustration, car nous ne retrouvons pas le niveau financier correspondant aux
choix clairs qui sont faits et à la volonté politique qui est affichée et mise
en oeuvre. »
Nous faisons exactement la même analyse, mais nous aboutissons à une
conclusion inverse, car le Sénat n'a de goût ni pour la frustration ni pour le
masochisme.
Monsieur le ministre, c'est parce que nous approuvons totalement, je le
répète, la politique que vous menez que nous ne pouvons pas accepter le projet
de budget que vous êtes conduit à nous proposer. Vous avez vous-même souligné
son insuffisance et déploré les diktats de Bercy. La commission des finances
partage cet avis, d'autant que, dans la période incertaine et tragique que vit
le monde, la France doit avoir les moyens nécessaires pour tenir sa place dans
le monde, pour asseoir son influence et pour affirmer le rôle qu'elle entend
jouer
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et
Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.
- M. Charasse, rapporteur spécial, applaudit également.)
M. le président.
La parole est à M. Charasse, rapporteur spécial.
M. Michel Charasse,
rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et
des comptes économiques de la nation, pour l'aide au développement.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, au fond
Jacques Chaumont, dans sa conclusion et en citant le rapporteur de la
commission des affaires étrangères de l'Assemblée nationale, a quasiment tout
dit sur les crédits qu'il a présentés. Je pourrais tout à fait reprendre à mon
compte la phrase qu'il a citée, d'autant plus qu'elle doit émaner d'un de mes
camarades socialistes de l'Assemblée nationale.
M. Jacques Chaumont,
rapporteur spécial.
Tout à fait !
M. Michel Charasse,
rapporteur spécial.
Cela s'applique, en effet, parfaitement à la partie
du budget qui concerne l'aide au développement, laquelle, vous le savez tous,
dépasse très largement le cadre du seul budget des affaires étrangères.
Monsieur le ministre, on ne va pas vous chicaner ! Le budget ne peut pas être
la traduction au franc près des politiques annoncées. Mais il doit malgré tout
correspondre grosso modo à ce que l'on annonce : si l'on dit que l'on va
acheter une voiture d'une valeur de 200 000 francs et que l'on n'inscrit que
100 000 francs au budget, il manque quelque chose ! Il faut que les crédits
soient en adéquation avec les annonces.
Je dois dire que, dans ce domaine, dès lors que le Parlement, dans son
ensemble, approuve très largement la politique étrangère de la France, qui
d'ailleurs ne dépend pas de nous puisque c'est l'un des rares domaines où la
Constitution prévoit que c'est l'exécutif qui définit et conduit cette
politique et que le Parlement ne peut que très peu intervenir dans sa
définition - mais il se trouve que nous l'approuvons - nous devrions aborder
cette discussion budgétaire avec un très bon esprit et regarder tout simplement
si les actes sont en accord avec les paroles. Malheureusement, dans le secteur
qui me concerne, nous en sommes bien loin !
Pourtant, la politique en faveur du tiers monde est une politique ancienne de
la France. Elle est conduite de façon constante depuis l'époque des
indépendances, c'est-à-dire depuis les années cinquante-huit et soixante ; elle
n'a rien de nouveau ! On n'a pas attendu le 11 septembre dernier pour la mettre
en oeuvre et la définir.
J'ai là toute une série de déclarations qui correspondent à la volonté du
général de Gaulle dans ses voeux de fin d'année de 1967, de Michel Debré, en
octobre 1968, devant l'Assemblée générale des Nations unies, du Président de la
République Georges Pompidou, le 10 juillet 1969 - qui déclarait en substance,
qu'il ne s'était pas laissé faire dans la campagne électorale par le discours
ambiant de l'époque sur « la Corrèze avant le Zambèze » -, de Maurice Schumann
en 1969 et, monsieur le ministre, cher Hubert Védrine, du présidentMitterrand,
que nous avons vous et moi servi ; je n'en ai pas honte, je ne le regrette pas,
et je sais que vous non plus.
Que de déclarations de François Mitterrand avons-nous encore présentes à
l'esprit ! A Lisbonne, en décembre 1981, il affirmait : « Quelle folie que
l'Occident perde tant de temps et prenne tant de peine, pour ne rien faire ou
faire si peu. » A Brasilia, en 1985, il disait : « Ce fossé entre le Nord et le
Sud,... c'est un danger mortel aussi grave que la propagation des armes
atomiques... Sans aucun doute, le siècle prochain » - c'est-à-dire l'actuel ! -
« va connaître des bouleversements et des déclinements dont l'humanité aura à
souffrir dans les siècles des siècles. »
En tout cas, cette volonté politique de la France, c'est ce que le monde
entier a en mémoire. C'est aussi pourquoi nous avons été si longtemps entendus
dans les enceintes internationales, et nous le sommes encore.
A l'occasion de l'Assemblée générale de l'ONU, un de nos diplomates a déclaré
à plusieurs de nos collègues membres de la délégation française - l'un d'entre
eux me l'a confié - : « Ne dites surtout pas à nos partenaires que notre aide
au développement a baissé ; ils ne s'en sont pas encore aperçus ! »
(Sourires.)
Les événements du 11 septembre dernier auront au moins, d'une certaine façon -
ils sont intervenus après les arbitrages budgétaires, certes - contribué à
rappeler l'ampleur de la fracture qui s'élargit chaque jour entre les pays
riches et les pays pauvres. Les quatre cinquièmes de la population du monde
vivent aujourd'hui dans les pays en développement et un cinquième vit dans une
situation d'extrême pauvreté, avec moins de un dollar par jour. Leur nombre va
croissant. Les 20 % des habitants de la planète les plus pauvres se partagent à
peine plus de 1 % du revenu mondial en 2000, contre 2,3 % en 1960.
Cette situation est explosive ! La mondialisation, aujourd'hui si médiatisée,
est un redoutable révélateur de la chance insolente des uns et des malheurs de
tant d'autres.
La mobilisation renforcée de la communauté internationale en faveur de l'aide
au développement est indispensable et urgente si l'on veut éviter la
marginalisation accrue d'une population qui, par son nombre, dominera bientôt
la planète.
Alors, monsieur le ministre, cher Hubert Védrine, lorsqu'on examine votre
budget et qu'on le compare avec les déclarations et les engagements, on
s'interroge sur l'aide publique au développement. Cette aide française diminue
régulièrement depuis plusieurs années : 3 milliards de francs de moins, soit 10
% en francs courants, en cinq ans, entre 1996 et 2001.
De fait, la France est tout bonnement en train de perdre le premier rang
qu'elle a longtemps tenu au sein du G 7 en termes d'effort d'aide rapporté au
PNB. Elle est en effet désormais talonnée par la Grande-Bretagne. Comme cette
dernière n'a pas une propension « à jouer les Poulidor », elle arrivera
sûrement à nous dépasser. En tout cas, en termes de montant absolu d'aide, elle
fait déjà mieux que nous. Et la France a reculé au huitième rang des pays de
l'OCDE.
En outre, et c'est plus grave, l'aide française ne bénéficie plus en priorité
aux pays les plus pauvres. Nous privilégions aussi dans le monde, comme on le
fait dans d'autres domaines, la classe moyenne. Je voudrais rappeler que,
lorsque le président François Mitterrand avait fixé comme objectif le fameux
0,7 % - on ne l'a jamais atteint, mais on s'en est beaucoup rapproché -, il
avait décidé d'affecter la moitié de cette aide aux plus pauvres. Mais, au
cours des dernières années, ce sont précisément ces pauvres-là qui ont fait les
frais de la redistribution d'une enveloppe qui, à l'évidence, n'est plus
prioritaire - si tant est qu'elle l'ait été un jour - puisque, de 1989 à 1999,
leur part dans l'aide publique est en forte baisse : elle est passée de près du
tiers à à peine plus du cinquième.
En réalité, la baisse globale de notre aide publique française résulte
uniquement de la chute de l'aide bilatérale, qui aura perdu 7 milliards de
francs entre 1996 et 2001, soit plus du quart du montant atteint en 1996.
Or, au sein même de l'aide bilatérale - la plus lisible pour les Etats
partenaires - c'est l'aide-projet - la plus lisible pour les populations
concernées - qui aura le plus diminué.
Il y a quand même un secteur qui est totalement préservé, celui des frais
administratifs : leur part dans le total de l'aide bilatérale est passée de
moins de 6 % en 1995 à près de 8 % en 2000.
J'ai le sentiment, monsieur le ministre, que la France se contente de
respecter ses obligations juridiques : les effectifs, le point d'indice, le
glissement vieillesse technicité, GVT, de la fonction publique et les traités
internationaux, que l'on a honorés au mieux. Pour les obligations morales, «
passez muscade »...
La chute de l'aide bilatérale s'est accompagnée d'une progression
considérable, en valeur absolue, de notre aide multilatérale. C'est l'Europe !
En vérité, moins notre aide bilatérale est importante, plus nous arrosons
l'Europe au travers de notre contribution au budget général de la communauté ou
au Fonds européen de développement. Au total, la contribution française à
l'aide communautaire est passée de moins de 9 milliards de francs en 1996 à
près de 12 milliards de francs en 2001, pour représenter désormais près du
quart de l'aide publique française, alors qu'elle en représentait moins de 13 %
en 1996. Un transfert s'est donc opéré. Mais, après tout, cela pourrait
paraître logique dans la mesure où l'Europe prend progressivement le relais,
même si l'aide bilatérale n'est pas de même nature que l'aide multilatérale. En
réalité, c'est une grave erreur politique, parce que la régression de l'aide
bilatérale au profit d'une aide multilatérale, nécessairement « apatride »,
sert la volonté politique de certains de nos partenaires : la position des
elit donnors
européens - le Britannique et, surtout, les Nordiques - est
à cet égard révélatrice. Ils ont toujours contesté la conception française de
la politique de coopération et d'aide au développement et ils ne cessent de le
faire. Nous sommes sans arrêt mis en accusation par tous ces « Mormons
nordiques », qui donnent des leçons de morale à des pays en développement : ils
estiment qu'ils devraient atteindre, dès aujourd'hui, comme d'un coup de
baguette magique, un niveau de développement démocratique que nous avons mis
deux cents ans à atteindre.
J'ajoute qu'alors que nous retirons nos coopérants l'Europe va mettre en place
quatre cents coopérants. Monsieur le ministre, il ne manquerait plus qu'il
s'agisse de Suédois ou de gens du nord de l'Europe pour que ces quatre cents
coopérants se transforment en propagandistes actifs contre la France et ses
interventions.
M. Jacques Pelletier.
Très bien !
M. Michel Charasse,
rapporteur spécial.
La politique du Royaume-Uni mérite en tout cas d'être
méditée : on a supprimé le ministère de la coopération en France, que l'on a
fusionné avec le Quai d'Orsay ; le Royaume-Uni crée un ministère de la
coopération totalement indépendant du Foreign Office ; il majore de 5,5 %, en
termes réels, le budget du nouveau ministère ; il s'engage - et il le fera ! -
à porter son effort à 0,33 % du PNB, c'est-à-dire plus que la France
aujourd'hui ; il envoie à ses fonctionnaires présents à Bruxelles des
instructions extrêmement précises figurant dans une note intitulée : « Comment
influencer l'aide européenne ? » ; et il majore de 16 % les crédits de BBC
World Service, qui sont déjà le triple de ceux de RFI, Radio France
internationale. Donc, la Grande-Bretagne a compris.
La baisse globale de notre effort d'aide publique au développement est
démultipliée à cause du canal européen.
Ce n'est pas là simplement, croyez-moi, mes chers collègues, une simple
réaction cocardière, ou une animosité particulière à l'égard de l'Europe ; mais
il faut voir aussi ce que l'Europe fait de cet argent, et c'est cela qui me met
très en colère. Car l'option économique est aussi mauvaise : quelle erreur de
compter sur l'Europe !
Toutes les missions que j'ai faites à l'étranger depuis neuf ou dix ans que
j'exerce les fonctions de rapporteur spécial de la commission des finances sur
ce point m'ont permis de constater, pour l'Europe, inefficacité, mobilisation
très lente et gaspillage des fonds communautaires affectés à l'aide au
développement. En fait, monsieur le ministre, nous constituons ainsi une sorte
de caisse d'épargne pour l'Europe, et les sommes qui devraient aller aux
pauvres n'iront nulle part !
Voulez-vous que l'on prenne le FED, mes chers collègues ? C'est qu'il est
difficile d'obtenir les chiffres s'agissant du Fonds européen de développement
: personne ne le contrôle ; le Parlement européen s'en moque et nous, les
parlements nationaux, nous sommes « tricards » pour avoir des renseignements ;
mais j'ai réussi à les obtenir pour fin 2000. Ecoutez bien, mes chers collègues
: le solde de l'enveloppe non engagée du FED - avant le neuvième FED, qui n'est
pas encore en vigueur - s'élevait à 40 milliards de francs - dormants -, soit
deux fois l'aide bilatérale française ; le solde des engagements non décaissés
s'élevait à 57 milliards de francs - dormants - et la trésorerie courante du
FED, 1,7 milliard de francs - sans doute éveillés -, soit presque 2 milliards
de francs.
Vous allez en Afrique, dans les pays censés être aidés et nos interlocuteurs
pleurent parce que l'aide française régresse et ricanent lorsqu'on leur parle
de l'aide européenne.
J'étais en Afrique du Nord il y a moins d'un an : les programmes MEDA n'ont
pratiquement pas été engagés, ou à peine, sur l'Algérie, la Tunisie ou le
Maroc. « Et ne me parlez pas de ces "plaisantins" de Bruxelles », nous ont-ils
dit ou, s'ils ne l'ont pas dit, ils l'ont pensé !
Or, les données que je viens de vous fournir ne concernent que le FED,
c'est-à-dire la moitié de l'enveloppe communautaire ; il y a aussi le reste,
les aides dormantes relevant du budget communautaire.
Au regard de la bonne gestion des fonds publics, ces chiffres sont
inquiétants, mais ils sont aussi une insulte pour les contribuables car,
monsieur le ministre, vous êtes scrupuleux, ce qui ne m'étonne pas de vous, et
nous payons rubis sur l'ongle ce qui nous est demandé !
Mais je voudrais tout de même rappeler qu'après le huitième FED, au sommet
européen de Cannes, il y a de nombreuses années, et l'accession de Jacques
Chirac à la présidence de la République, la France a demandé un effort
supplémentaire à l'Europe. Or l'Europe nous a répondu à l'époque : tout à fait
d'accord, pourvu que vous, les Français, vous payiez. Et nous avons alors porté
le taux de notre contribution pour l'aide extérieure à 25 %, alors qu'elle est
normalement de 17 % ou 18 %. Ce sont donc nos contribuables qui font cet
effort, le budget français qui décaisse et l'Europe qui dort dessus, pendant
que, dans le monde, les affamés attendent que l'on veuille bien se pencher sur
leur sort !
Alors, monsieur le ministre, votre budget pour 2002 montre clairement que
notre action extérieure n'est sans doute plus une sorte de domaine protégé, et
je dois dire que, au sein du budget dont Jacques Chaumont vient de faire
l'analyse, la coopération et le développement sont de plus en plus
sacrifiés.
Je crois que nous allons payer très cher cette situation.
Les chiffres pour 2002 sont éloquents. Qu'allons-nous dire, dans les enceintes
internationales, à ceux qui auront eu la curiosité de consulter notre budget ?
Concours financiers et aide budgétaire ? Evolution nulle ! Transport de l'aide
alimentaire, ce dont M. Chaumont parlait il y a un instant ? Evolution nulle !
Aide humanitaire et aide d'urgence ? Evolution nulle ! Aide aux sorties de
crise ? Evolution nulle ! Contribution à des dépenses internationales hors
recherche ? Evolution nulle ! Coopération militaire ? Moins 6 % ! Coopération
technique et au développement ? Moins 20 % !
Telle est la carte de visite de la France !
Ces chiffres me paraissent vraiment traduire une série d'erreurs majeures.
Prenons la coopération militaire, par exemple. Tout le monde mélange tout. On
se figure que qui dit coopération militaire dit aide militaire de la France à
des régimes un peu douteux qu'il vaudrait mieux éviter. Ce n'est pas cela du
tout ! Il s'agit de la formation des armées de ces pays et c'est, depuis
quelques années, l'aide, en particulier, aux services de renseignement de ces
pays. Or, au moment où le monde est menacé par le terrorisme dans les
conditions que l'on connaît, au moment où il faut mettre partout l'accent sur
le renseignement, puisque c'est le seul moyen que nous avons de remonter les
réseaux terroristes, crac ! on rabote, en Afrique, les crédits de coopération
militaire. Alors, ça, je ne sais pas, cher Hubert Védrine, qui a bien pu
souffler cette idée, mais c'est quelqu'un de vraiment
« up to date »,
comme on dit en anglais, quelqu'un de tout à fait dans le coup ! Sans doute
un ambassadeur qui attend encore un poste...
(Sourires.)
Lorsque la direction générale de la coopération internationale et du
développement, la DGCID, doit effectuer, la pauvre, des arbitrages de
programmation au sein d'une enveloppe en réduction - elle qui doit, en outre,
arbitrer à la place des autorités politiques, on m'expliquera un jour pourquoi
! -, que fait-elle ? Elle donne aux priorités du Gouvernement, et les priorités
du moment, c'est pour le Proche-Orient, c'est pour le Moyen-Orient, c'est pour
l'Europe centrale et orientale, c'est pour les Balkans. Mais pour notre champ
traditionnel, l'Afrique, plus rien !
En plus, sans doute pour ne pas faire de peine à quelques intellectuels, on
préserve des moyens de coopération culturelle, artistique et audiovisuelle, au
détriment de la coopération économique et institutionnelle. Et lorsque, en fin
d'année, quand il faut geler ou amputer les crédits, à la fin de l'exercice,
pour payer notamment la dérive du dollar, on supprime les crédits restants sur
la coopération et le développement.
Monsieur le ministre, là non plus, il ne s'agit pas de renier la présence de
la culture française dans le monde - je vois mes collègues rapporteurs froncer
un peu les sourcils. Mais, tout de même ! Danton disait : « Après le pain,
l'éducation est le premier besoin des peuples. » J'insiste : « après le pain
». On doit donc d'abord penser aux affamés, parce que les nourritures
intellectuelles, si excellentes soient-elles, ne remplissent pas forcément la
gamelle !
Cette évolution, monsieur le ministre, confirme les craintes que j'avais déjà
exprimées les années précédentes au nom de la commission des finances.
Au terme de la réforme du dispositif français d'aide au développement,
l'ancien ministère de la coopération a été complètement digéré par le Quai
d'Orsay - c'était l'objectif de la manoeuvre -, la grande réforme de l'aide
publique française s'est arrêtée à son seul dispositif administratif - d'une
lourdeur effrayante - et n'a jamais débouché sur une réelle définition de la
nouvelle politique d'aide au développement annoncée par le Premier ministre.
Les querelles ont été nombreuses ; elles n'ont pas toujours été réglées ; il
s'agissait davantage de querelles de boutique que de querelles de doctrine. Et
la tutelle a progressivement confié à un opérateur, certes pivot, l'Agence
française de développement, je cite un document gouvernemental, le soin de «
jouer un rôle moteur dans l'élaboration de conceptions nouvelles et cohérentes
en matière de développement ».
J'entendais ce matin l'ancien ministre Claude Allègre, sur France Inter, dire
que c'est au ministre de gouverner. Dans ce domaine-là, c'est à une banque,
même si elle est sous tutelle !
(Sourires.)
Monsieur le ministre, cher ami, je vous mets en garde : cela ne pourra pas
durer comme cela éternellement ! En 1858, Abraham Lincoln disait déjà : « Vous
pouvez tromper tout le monde une fois, vous pouvez tromper quelques-uns tout le
temps, mais vous ne pouvez pas tromper tout le monde tout le temps. » Un jour,
cela finit par se voir. Je dois dire que je ne trouve pas, dans ce budget, un
certain nombre de mesures qui ont été annoncées à l'Assemblée nationale. Nous
sommes censés augmenter « substantiellement » notre contribution au Fonds
mondial pour l'environnement ? Rien du tout dans le budget !
M. le président.
Veuillez conclure, monsieur le rapporteur spécial.
M. Michel Charasse,
rapporteur spécial.
Je termine, monsieur le président.
Le Premier ministre a dit : « Nous allons faire un effort d'un milliard de
francs sur trois ans pour le Fonds mondial santé-sida ». Rien du tout !
Tout cela n'est pas vraiment acceptable.
Je ne fais pas partie de ceux qui accusent Bercy, parce que Bercy est aux
ordres, et il exécute les ordres qu'on lui donne : lorsqu'on lui dit « ce
parterre de fleurs doit être arrosé », il l'arrose, même s'il n'est pas
d'accord, mais il laisse crever l'autre à côté, parce qu'il n'a pas de quoi
arroser tout le monde !
(Nouveaux sourires.)
Bref, la commission des finances, qui jusqu'à
présent avait toujours recommandé le vote de ce budget, parce que nous sommes
responsables et que nous ne voulons pas priver l'exécutif des moyens de sa
politique extérieure, cette année, a trouvé, ainsi que la commission des
affaires étrangères, d'ailleurs, que ce n'était pas supportable, que le
décalage entre le discours et les moyens était beaucoup trop fort. En
conséquence, elle a décidé de recommander au Sénat de le rejeter.
Personnellement, cela ne correspond pas au choix que j'avais proposé à la
commission des finances, mais, en rapporteur, sûrement bête, en tout cas,
discipliné, je ne peux que donner les conclusions de ma commission.
(Applaudissements sur les travées du PR, de l'Union centriste et des
Républicains et Indépendants ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Dulait, rapporteur pour avis.
M. André Dulait,
rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense
et des forces armées, pour les affaires étrangères.
Monsieur le président,
monsieur le ministre, mes chers collègues, avec certainement moins de fougue et
certainement moins de temps que notre collègue Michel Charasse
(sourires),
je vais tenter de vous donner l'opinion de la commission des
affaires étrangères sur ce budget.
Sans m'attarder sur les chiffres, je souhaite mettre à mon tour l'accent sur
la faiblesse du niveau global de la dotation qui, en effet, si elle n'avait pas
tenu compte et intégré, dès le budget primitif, les fonds du FED, s'établirait
à 3,4 milliards d'euros, soit une augmentation de 1,3 %, ce qui est inférieur à
l'inflation.
Les crédits de fonctionnement ou de rémunération des personnels de droit local
ne seront pas protégés d'un effet change négatif, malheureusement probable,
puisque le budget est construit sur une sous-évaluation du dollar de 4 %. Il
faudra donc attendre le bilan de la gestion 2002 pour savoir, monsieur le
ministre, si vous avez, en définitive, bénéficié d'une augmentation de pouvoir
d'achat.
Par ailleurs, en 2002, les crédits du ministère des affaires étrangères ne
représenteront de nouveau que 1,37 % du budget de la nation, soit l'un des
niveaux les plus bas des vingt dernières années.
La faiblesse des crédits se traduit par des réductions de personnels, de
l'ordre de 10 % depuis dix ans, et même si les coupes claires sont terminées,
le ministère continue de perdre des emplois.
L'insuffisance des moyens financiers a également pour conséquence le maintien
de nos contributions volontaires aux organisations internationales à un niveau
insuffisant et conduit certains à penser que l'on pourrait réduire notre réseau
diplomatique et consulaire pour dégager de nouveaux moyens d'intervention.
Notre réseau est, il est vrai, l'un des plus importants du monde, avec cent
soixante-huit ambassades bilatérales et représentations permanentes auprès
d'organisations internationales et quatre-vingt-dix-neuf consulats généraux et
consulats. L'importance de ce réseau est justifiée par le rôle que joue la
France sur la scène internationale et par la place qu'elle occupe en tant que
membre permanent du Conseil de sécurité des Nations unies. Mais, je pose la
question à mon tour, aurons-nous longtemps les moyens de maintenir cette
position ?
Notre réseau évolue lentement. Quelques transformations de postes sont
recensées en 2001 et, en 2002, seule la réouverture du consulat à Oran est
programmée. Cette évolution est perçue comme beaucoup trop lente par le
ministère des finances qui, même s'il exécute les décisions que lui demandent
de prendre les ministres, exprime à son tour des positions personnelles. Il
estime ainsi que le ministère des affaires étrangères ne fait pas assez
rapidement les choix qui s'imposeraient entre ses différentes implantations.
Sont directement visés trente et un consulats et consulats généraux en Europe,
dont vingt-quatre dans l'Union européenne.
Pour ma part, je crois que, s'il est nécessaire que la réflexion en matière
consulaire européenne progresse et permette ainsi d'alléger notre dispositif
dans l'Union européenne et dans les pays tiers, la question de l'importance de
notre réseau ne doit pas être envisagée à travers une simple logique comptable.
Les consulats assurent d'importants services au profit des Français expatriés
en dehors de la délivrance des visas. Si la restructuration de nos
implantations apparaît logique dans certains pays comme la Belgique, où nous
avons encore trois consulats généraux, je crois indispensable que soit
pleinement prise en considération la diversité des services rendus.
Il est également souhaitable que, de manière pragmatique, la France développe
le partage d'implantations avec un ou plusieurs de ses partenaires de l'Union
européenne.
Je ne voudrais pas conclure ce chapitre des crédits sans développer un point
sur notre coopération militaire.
Notre coopération militaire connaît une nouvelle baisse de ses crédits, de 5,6
%, ce qui les porte à 103,6 millions d'euros. Depuis 1994, les crédits de
coopération militaire sont passés de 151,3 millions d'euros à 103,6 millions
d'euros, soit une baisse de près d'un tiers de la dotation en neuf ans.
Dans ces conditions, il est assez difficile de convaincre les pays
bénéficiaires de notre coopération qu'il ne s'agit pas d'un désintérêt et d'un
désengagement de la France, mais que c'est la conséquence d'une coopération
réussie. Les événements récents nous inciteraient plutôt à demander instamment
l'augmentation de ces crédits.
Je souhaite encore attirer votre attention sur le niveau beaucoup trop faible,
cette année encore, des contributions volontaires de la France aux
organisations internationales.
Cette situation est particulièrement préjudiciable à notre influence dans le
système des Nations unies. En 1992, la France versait 99,5 millions d'euros,
elle n'en versera que 48,8 en 2002. Toutes contributions confondues, la France
est dépassée par le Royaume-Uni, qui a triplé ses contributions volontaires
depuis trois ans, par l'Italie, et même par les Pays-Bas.
Ainsi, le ministère des affaires étrangères ne dispose pas d'un niveau de
ressources suffisant pour faire face de manière satisfaisante à l'ensemble de
ses missions. Le budget, en réalité, est en stagnation, et il reste soumis aux
aléas du dollar et de l'inflation.
Afin de faire face à l'insuffisance des crédits, le ministère multiplie les
initiatives pour optimiser sa ressource humaine et budgétaire et pour améliorer
sa gestion ; mais ce processus a des limites, et il est illusoire d'espérer
qu'il trouve dans son budget les ressources nécessaires pour accroître nos
contributions volontaires et notre aide au développement. L'année 2002 est à ce
titre symbolique, les efforts faits pour certains secteurs se traduisant par la
baisse des crédits de l'aide au développement.
Toutefois, au moment où la France est confrontée à une crise internationale
majeure, nos critiques ne doivent pas apparaître comme le signe d'un rejet ou
d'un manque de solidarité vis-à-vis de l'action menée par notre pays et par son
ministre des affaires étrangères. Tout au contraire, nous souhaitons marquer
notre refus d'un niveau de dotation ne permettant pas à notre pays de
développer la politique extérieure qui correspond à ses ambitions.
C'est pourquoi la commission des affaires étrangères, de la défense et des
forces armées vous propose, mes chers collègues, d'émettre un avis défavorable
sur l'adoption des crédits du ministère des affaires étrangères pour 2002.
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR ainsi que des
Républicains et Indépendants du RDSE.)
M. Claude Estier.
Vous parlez de la majorité de la commission !
M. le président.
La parole est à Mme Cerisier-ben Guiga, rapporteur pour avis.
Mme Monique Cerisier-ben Guiga,
rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense
et des forces armées, pour les relations culturelles extérideures et la
francophonie.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers
collègues, dans les cinq minutes dont je dispose pour évoquer les crédits
affectés aux relations culturelles extérieures et à la francophonie, je m'en
tiendrai à deux sujets principaux : l'avenir de l'enseignement français à
l'étranger et les projets en matière d'actions radiophonique et audiovisuelle
extérieures.
S'agissant de l'avenir de l'enseignement français à l'étranger, dont l'élément
moteur est l'AEFE, l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger, je ne
peux dissimuler des inquiétudes d'ailleurs partagées par toute la
représentation nationale, et non par les seuls sénateurs représentant les
Français établis hors de France.
Les écoles françaises à l'étranger sont l'un des éléments clés de l'influence
culturelle française. Pour les cadres d'entreprises, dont la mobilité
conditionne le dynamisme de l'économie française et qui tiennent à partir en
famille, conformément à notre tradition, ces écoles sont irremplaçables.
M. Jacques Chaumont,
rapporteur spécial.
Eh oui !
Mme Monique Cerisier-ben Guiga,
rapporteur pour avis.
Quant aux enfants d'émigrés français, ils y
trouvent l'accès à la langue et à la culture de leur pays d'origine et,
surtout, l'éducation républicaine, à laquelle leurs parents sont attachés, qui
les confortera dans leur sentiment d'être français.
Or le réseau d'établissements relevant de l'AEFE est confronté à de nombreux
problèmes, tant humains que financiers. Les modalités de rémunération des
enseignants titulaires, dits « résidants », c'est-à-dire recrutés dans le pays
d'exercice, viennent d'être réformées. Nous verrons au fil des trois ou quatre
prochaines années si cette réforme est réellement favorable à nos
établissements.
La situation financière de l'AEFE est critique. Alors même que la réforme que
je viens d'évoquer est financée par des suppressions de postes d'expatriés, les
charges de l'Agence s'alourdissent dans la même mesure et au même rythme que
celles du ministère de l'éducation nationale, sans que l'évolution annuelle de
son budget lui permette de les assumer. Elle puise donc dans son fonds de
réserve. Si rien n'est fait, elle se trouvera en situation de cessation de
paiements en 2003.
Quelles mesures envisagez-vous, monsieur le ministre, pour faire face à ce
risque réel de faillite de l'établissement public ?
M. Jacques Chaumont,
rapporteur spécial.
Très bien !
Mme Monique Cerisier-ben Guiga,
rapporteur pour avis.
J'évoquerai maintenant un domaine porteur de plus
de satisfaction et d'espoir, celui de notre action audiovisuelle extérieure.
Je tiens tout d'abord à souligner le succès rencontré à l'exportation par les
produits culturels français, qu'il s'agisse des disques, des films ou de
certains programmes de télévision. Les services du ministère, depuis 1998, ont
beaucoup contribué à cette évolution. Je vous renvoie à mon rapport écrit, mes
chers collègues, pour les éléments chiffrés de ce succès trop méconnu de nos
concitoyens.
J'évoquerai tout de même le film
Amélie,
dont le succès aux Etats-Unis,
ces jours-ci, confirme mon propos.
M. Michel Charasse,
rapporteur spécial.
Film très contesté par les intellos ! Précisément
parce qu'il marche : c'est cela qui leur est insupportable !
Mme Monique Cerisier-ben Guiga,
rapporteur pour avis.
Oui, mais les intellos, laissons-les !
Par ailleurs, je tiens à saluer les efforts d'adaptation consentis par RFI
depuis l'adoption en 1998, par le ministère des affaires étrangères, d'un plan
d'action en matière de communication. Ces évolutions positives vont se
poursuivre avec la diversification des contenus éditoriaux en fonction des
zones de diffusion, diversification facilitée par le recours à la numérisation
des instruments de production, et, pour la couverture radio du continent
africain, par le recours aux principales langues locales, comme le haoussa ou
le swahili ; ces deux éléments permettront aux classes défavorisées non
francophones de recevoir une information de qualité.
Cependant, RFI est soumise à de fortes tensions sociales et financières. Son
budget ne la met pas en mesure de faire face à toutes ses charges pour l'année
prochaine, en particulier au financement de son émetteur de Chypre, et la grève
d'hier doit nous inciter à la vigilance.
Enfin, je soulignerai la progression remarquable de la chaîne de télévision
TV5 - maintenant « TV5 monde » -, qui ouvre de nouvelles perspectives, et je
tiens à rendre hommage à Jean Stock,...
M. Michel Charasse,
rapporteur spécial.
C'est d'ailleurs parce qu'il était bon qu'on l'a
renvoyé !
Mme Monique Cerisier-ben Guiga,
rapporteur pour avis.
... dont l'action positive à la tête de la chaîne
sera poursuivie par son successeur, Serge Adda.
J'aimerais cependant être éclairée, monsieur le ministre, sur un projet qui a
été évoqué de programmes d'informations télévisées franco-arabes. Un tel projet
est-il réalisable dans le cadre de la dotation budgétaire de TV5 monde pour
2002 ?
Il me reste à indiquer que la majorité de la commission des affaires
étrangères - majorité à laquelle je n'appartiens pas - s'est prononcée en
faveur du rejet des crédits d'action culturelle extérieure de la France pour
2002.
(Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe
communiste républicain et citoyen.)
M. le président.
La parole est à Mme Brisepierre, rapporteur pour avis.
Mme Paulette Brisepierre,
rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense
et des forces armées pour l'aide au développement.
Monsieur le président,
monsieur le ministre, mes chers collègues, la part dévolue à l'aide au
développement au sein du budget des affaires étrangères paraît de plus en plus
menacée. Nos préoccupations transcendent, vous le savez, monsieur le ministre,
tous les clivages politiques. Aussi, je ne peux que m'associer aux critiques
formulées par notre rapporteur spécial, M. Michel Charasse.
Un triple constat s'impose : notre coopération perd progressivement son
identité, les moyens qui lui sont consacrés diminuent, et les priorités qui lui
sont fixées n'apparaissant pas clairement.
En premier lieu, notre coopération technique tend à se dissoudre parmi les
autres moyens d'action du Quai d'Orsay. Cette évolution se traduit par les
changements de nomenclature budgétaire qui, année après année, rendent de plus
en plus difficile l'identification des moyens spécifiques du développement.
Ainsi, le projet de loi de finances pour 2002 fusionne les crédits de la
coopération technique et du développement avec ceux de la coopération
culturelle et scientifique, qui relèvent pourtant d'une tout autre logique.
Ces modifications permettent de procéder à des redéploiements invisibles de
crédits entre les postes de dépenses ainsi regroupés, et il apparaît de plus en
plus clairement que la sauvegarde de la coopération culturelle n'a pu être
obtenue qu'au prix d'une nouvelle diminution des moyens consacrés à l'aide
publique au développement. Notre commission estime inadmissible que cette
évolution se fasse à l'insu des parlementaires.
En deuxième lieu, le brouillage des données budgétaires ne parvient pas à
dissimuler la baisse des crédits strictement destinés au développement.
Notre premier sujet de préoccupation porte sur « l'aide projet », menacée à
travers ses deux instruments privilégiés : le fonds de solidarité prioritaire,
d'une part, et les dons mis en oeuvre par l'Agence française de développement,
d'autre part - dons pour lesquels les autorisations de programme se réduisent
de plus de 10 %.
S'agissant de l'assistance technique, deuxième sujet de préoccupation, vous
avez annoncé au mois d'avril, monsieur le ministre, une réforme importante de
cet outil majeur de la coopération française et la mise en place d'expertises
de courte durée. Mais, alors que les crédits affectés à l'assistance technique
stagnent à un niveau inférieur à nos besoins, comment assurerons-nous la montée
en puissance de cette nouvelle forme de coopération sans porter préjudice à
l'assistance de longue durée, qui représente la vraie valeur ajoutée de notre
coopération ? Ne nous trompons pas d'objectifs !
Alors que la Commission européenne vient de décider de s'inspirer du modèle
français en renforçant ses effectifs sur le terrain par la présence de quelque
400 spécialistes permanents supplémentaires chaque année pendant trois ans, il
serait pour le moins paradoxal que nous suivions une voie inverse !
Le troisième sujet de préoccupation réside dans l'évolution de l'assistance
technique militaire. Ne craignez-vous pas, monsieur le ministre, que la
réduction de plus de 5 % des crédits de coopération militaire annoncée pour
2002 n'affecte l'un des volets essentiels de notre action en faveur du
développement ? Nos militaires conduisent en effet un effort de formation
inappréciable dans le domaine de la sécurité intérieure - sécurité intérieure
qui conditionne le retour à l'Etat de droit et le développement de
l'économie.
En troisième lieu, les priorités de notre action n'apparaissent pas
clairement. Cela s'explique d'abord par le fait que l'instance chargée de
définir ces priorités ne remplit pas pleinement son rôle et que les réunions du
comité interministériel de la coopération internationale et du développement,
trop rares et irrégulières, ne lui permettent pas de jouer le rôle d'impulsion
et de moteur dont notre coopération a besoin.
Pourtant, la définition de vraies priorités est particulièrement importante au
moment où l'enveloppe budgétaire est de plus en plus contrainte.
Malheureusement, c'est le contraire qui se produit ! Ainsi, la mise en place de
la zone de solidarité prioritaire, à la suite de la réforme de la coopération
de 1998, a élargi à soixante et un pays le bénéfice théorique de l'aide
française, auparavant réservée à une trentaine d'Etats, et cela sans moyens
financiers supplémentaires !
C'est la principale incohérence de la réforme, et sa principale faiblesse. Il
en résulte un grave risque d'éparpillement et de dilution de nos interventions,
et donc un risque de perte d'influence. A vouloir être présents partout, on
risque de ne compter nulle part !
La définition de priorités doit également s'accompagner de la recherche de
synergies avec d'autres acteurs du développement, notamment avec le secteur
privé, trop négligé jusqu'ici.
Or, ne l'oublions pas, notre pays a réalisé en 2000 un excédent commercial de
9 milliards de francs avec l'Afrique, soit 15,7 % de son excédent total. Ces
quelques chiffres permettent de répondre à ceux qui doutent de l'intérêt pour
la France de continuer à travailler avec l'Afrique.
Nombre de responsables d'entreprises regrettent l'insuffisance des instances
de concertation avec le gouvernement français en matière de coopération. C'est
là une lacune qu'il faudra combler.
Enfin, il est indispensable d'encourager les Français à d'expatrier. Or nos
compatriotes ne bénéficient pas des soutiens nécessaires, et l'absence
d'indemnisation pour les ressortissants français victimes d'événements dans
lesquels ils n'ont aucune part de responsabilité constitue une lacune
inadmissible. Vous le savez, monsieur le ministre, et je sais que vous partagez
totalement cette opinion.
Enfin, nous n'avons pas le droit d'ignorer la situation de profonde détresse
dans laquelle se trouvent certains de nos compatriotes, qui ne reçoivent plus
aucune prestation des systèmes de sécurité sociale auxquels ils ont pourtant
régulièrement cotisé !
C'est pourquoi les contrats de désendettement que la France met en place avec
ceux de ses partenaires qui bénéficient de cette initiative pour les pays les
plus endettés constituent une occasion à ne pas manquer de régler enfin
équitablement cette question.
Il est indispensable qu'une part des ressources dégagées par les annulations
de dette soit affectée aux systèmes sociaux des pays concernés, avec en
contrepartie l'obligation pour eux d'honorer leurs engagements à l'égard tant
de leurs ressortissants que de nos compatriotes.
En conclusion, il nous faut souligner une fois encore la contradiction
flagrante entre les objectifs de notre coopération et ses moyens, en réduction
constante. A l'heure où les tensions internationales soulignent plus que jamais
la nécessité de réduire les fractures entre le Sud et le Nord, notre pays ne
pourra faire entendre sa voix que s'il décide un réel redressement de son
effort financier. Le projet de budget n'en montre malheureusement pas la
voie.
Les évolutions chaque année plus inquiétantes de la part dévolue à l'aide au
développement - et ce malgré nos appels réitérés et les engagements donnés
régulièrement aux parlementaires - ont pesé de manière décisive, mes chers
collègues, sur l'avis défavorable émis par la grande majorité de la commission
sur le budget du ministère des affaires étrangères.
(Applaudissements sur
les travées du RPR, des Républicains et Indépendants, de l'Union centriste et
du RDSE, ainsi que sur les travées socialistes.)
M. le président.
La parole est à Mme Pourtaud, rapporteur pour avis.
Mme Danièle Pourtaud,
rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, pour les
relations culturelles, scientifiques et techniques.
Monsieur le président,
monsieur le ministre, mes chers collègues, la présentation rapide des mesures
nouvelles intéressant les relations culturelles, scientifiques et techniques me
paraît être la meilleure façon d'évoquer les orientations du projet de budget
dans le domaine de compétence de la commission des affaires culturelles.
En 2002, l'AEFE, l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger, dont les
crédits augmenteront de plus de 21 millions de francs, bénéficiera d'une mesure
nouvelle de 9 millions de francs pour les bourses scolaires des enfants
français.
Les centres culturels français bénéficieront d'une mesure nouvelle de 10
millions de francs pour financer la première étape d'une harmonisation des
statuts et de la revalorisation des grilles de salaires de leurs recrutés
locaux, ainsi que d'une mesure nouvelle de 10 millions de francs pour le
renforcement de leurs moyens matériels.
Un programme de bourses « major » sera créé, avec une dotation de 10 millions
de francs en faveur des étudiants étrangers titulaires des bourses d'excellence
de l'AEFE et lauréats des concours d'entrée aux grandes écoles ou titulaires
d'un diplôme du premier cycle des universités. Aucune aide n'était jusqu'à
présent destinée à ces étudiants.
Enfin, les subventions aux opérateurs de l'action audiovisuelle extérieure
augmenteront de 30,4 millions de francs.
Pour synthétiser ces éléments un peu divers, je dirai qu'il s'agit de mesures
très significatives permettant la poursuite de la modernisation de
l'audiovisuel extérieur, priorité des priorités, sans léser les autres
politiques intéressant la commission des affaires culturelles.
Chacun peut regretter - à l'instar des rapporteurs qui m'ont précédé, et
notamment de Michel Charasse - que tel ou tel autre secteur de compétence du
ministère des affaires étrangères soit moins favorisé ou puisse sembler un peu
délaissé, mais je suis pour ma part persuadée que la paix dans le monde passe
de plus en plus par la bataille des idées et par la diversité culturelle. Or,
les actions conduites par la direction générale de la coopération
internationale et du développement, la DGCID, constituent justement un des
principaux instruments de notre diplomatie d'influence. Le renforcement de nos
moyens dans ce domaine est donc prioritaire.
C'est pourquoi je salue ce projet de budget qui privilégie les médias,
porteurs de notre vision du monde, l'enseignement du français à l'étranger,
vecteur de la francophonie et de la francophilie, l'accueil des étudiants
étrangers en France, garant du contact avec les élites de demain, et le réseau
des établissements culturels, instrument d'une présence finement adaptée aux
conditions locales.
Cette politique peut être considérée comme une série de défis impossibles,
tant le champ d'intervention est immense ; elle fait souvent face à des
difficultés, mais, parce que les difficultés ne sont jamais ignorées, cette
politique connaît aussi de très beaux succès. Dans le court laps de temps qui
m'est accordé, il est impossible de faire le moindre tour d'horizon des
initiatives lancées pour renforcer l'efficacité de ces instruments si divers.
Je me bornerai donc, mes chers collègues, à évoquer le dossier de la télévision
extérieure, qui, dans l'ensemble des domaines et sur l'ensemble des continents,
porte à l'intérieur des foyers les images et les messages de la culture
française.
La télévision extérieure, c'est avant tout TV5, qui est devenue la troisième
chaîne internationale de télévision, après MTV et CNN, que, dans certaines
parties du monde, elle devance. TV5 qui peut atteindre actuellement plus de 130
millions de foyers et bénéficie d'excellents résultats d'audience dans de
nombreux pays.
Ces indicateurs montrent que les objectifs stratégiques que vous aviez
assignés à TV5, en 1998, pour la période 1999-2001 ont été globalement
atteints, monsieur le ministre.
Le point noir de la réforme entreprise en 1998 était TV5 Amérique, placée sous
la responsabilité d'un consortium de télévision québéco-canadien basé à
Montréal. La programmation destinée aux Etats-Unis et à l'Amérique latine était
un échec ; TV5 Amérique connaissait en outre de graves difficultés de gestion
et, n'avait réussi à gagner que quelque 6 000 abonnés aux Etats-Unis. Les
ministres responsables ont donc décidé, en octobre 2000, de lui appliquer les
mesures qui commençaient à faire leurs preuves à Paris. Ils ont concrétisé, le
22 juin dernier, cette démarche en décidant le rapatriement à Paris des signaux
nord et sud-américains sous la responsabilité de Satellimage-TV5, rebaptisée
TV5 monde.
Le 1er août dernier, deux programmes, déclinés mais démarqués de celui de TV5
Europe, ont alors été lancés depuis Paris, l'un vers les Etats-Unis, l'autre
vers l'Amérique latine, avec 11 % de programmes canadiens, contre 35 %
auparavant.
L'effort se poursuit : en 2002, une mesure nouvelle de 25,4 millions de francs
sera dévolue en totalité à la chaîne et un redéploiement complémentaire de 8
millions de francs permettra de poursuivre les améliorations de la
programmation.
Par ailleurs, des propositions d'axes stratégiques pour 2002-2004 ont été
présentées par le nouveau président lors de la conférence ministérielle qui
s'est réunie hier, et je tiens à vous donner quelques éléments d'informations
sur ce point.
Aux Etats-Unis, il a été proposé de diffuser TV5 sur un satellite
supplémentaire afin de « caler » la diffusion sur les horaires de la côte est
et non plus seulement sur les fuseaux californiens. Par ailleurs, TV5 va se
réserver la possibilité de prospecter elle-même les câblo-opérateurs américains
de façon à améliorer sa pénétration.
En Amérique latine, l'introduction de TV5 sur le bouquet mexicain de DirectTV
devrait permettre d'améliorer un taux de pénétration actuellement
insuffisant.
En Europe, la priorité sera d'introduire TV5 en Grande-Bretagne, pays dont
elle est aujourd'hui absente, en rejoignant l'offre de BskyB.
Pour l'ensemble des signaux, il a été proposé de renforcer en volume et en
nombre de langues le sous-titrage, ce qui est indispensable pour toucher le
public non francophone intéressé par nos images et par notre vision des choses.
Le sous-titrage de la moitié de la grille représenterait cependant un coût de
l'ordre de 20 millions de francs par an. Il me semble donc, monsieur le
ministre, que des moyens supplémentaires seront encore nécessaires pour
amplifier les succès actuels.
Je vous surprendrai peut-être, monsieur le ministre, mes chers collègues, en
vous informant, après cette évocation trop rapide du dynamisme des relations
culturelles, scientifiques et techniques, que la commission des affaires
culturelles a donné, contre la proposition de son rapporteur, un avis
défavorable à l'adoption des crédits correspondants.
(Applaudissements sur
les travées socialistes et sur celles du groupe communiste républicain et
citoyen.)
M. le président.
La parole est à M. Legendre, rapporteur pour avis.
M. Jacques Legendre,
rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, pour la
francophonie.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers
collègues, c'est un exercice assez singulier que celui auquel doit se livrer le
rapporteur pour avis des crédits de la francophonie.
Il faut non seulement examiner les crédits consacrés par le service des
affaires francophones au financement de la francophonie multilatérale, mais
aussi débattre de l'action conduite par les pouvoirs publics en faveur de notre
langue, et cela concerne bien d'autres services et bien d'autres ministères.
De plus, cette année, une difficulté supplémentaire apparaît dans
l'appréciation des crédits consacrés à la francophonie multilatérale. Il devait
en effet revenir au sommet de Beyrouth de définir un certain nombre de grandes
orientations pour les deux années à venir, en particulier dans le domaine
financier. Le sommet a dû être reporté en raison du contexte international.
C'est une conférence ministérielle, qui devrait se tenir dans quelques semaines
à Paris, qui arrêtera le montant des contributions que les Etats membres
s'engagent à verser au profit des instances de la francophonie multilatérale
pendant le biennum 2002-2003.
Lors de l'audition par la commission des affaires culturelles du Sénat, M. le
ministre délégué à la coopération et à la francophonie nous a déclaré que la
France annoncerait, à tout le moins, le maintien de sa contribution lors de
cette conférence budgétaire.
Monsieur le ministre, vous est-il possible aujourd'hui de nous en dire plus
?
En attendant, le projet de budget du ministère des affaires étrangères se
contente, à quelques aménagements techniques près, de reconduire en 2002 les
enveloppes financières décidées pour le présent biennum 2000-2001. Je les
rappellerai très brièvement.
Les crédits du service des affaires francophones s'élèvent à 37,4 millions
d'euros, soit 245,4 millions de francs. Cette contribution du ministère des
affaires étrangères, complétée des apports en provenance d'autres ministères, a
porté, en 2001, à 283,5 millions de francs la contribution de la France au
fonds multilatéral unique, assurant ainsi le financement de l'agence
internationale de la francophonie, celui de l'université Senghor et celui de
l'association internationale des maires francophones. La contribution globale
de la francophonie multilatérale s'est élevée à 760 millions de francs en 2001
et devrait atteindre un niveau comparable en 2002.
Quant à l'ensemble des crédits concourant au développement de la langue
française et à la francophonie, relevant de la DGCID ou d'autres ministères,
culture ou éducation par exemple, ils s'élèveront à près de 914 millions
d'euros, soit 6 milliards de francs en 2002, contre 893 millions d'euros en
2001.
Devons-nous nous satisfaire de cette stabilité dans l'effort budgétaire ? Non,
monsieur le ministre, car, année après année, il nous faut constater les
atteintes portées à l'usage de la langue française en France et l'érosion de
ses positions à l'étranger.
Chaque année, nous dénonçons des abandons, des reculs, des renoncements.
Chaque année, on tente de nous rassurer, on nous explique que l'essentiel n'est
pas en cause, que la bonne volonté du Gouvernement existe et qu'elle est
attestée par l'effort financier qu'il consent. Et chaque année, il nous faut
constater de nouveaux errements.
C'est ainsi que l'article 14 du projet de loi relatif aux mesures urgentes de
réformes à caractère économique et financier comporte une disposition
autorisant les émetteurs de titres de capital et de titres de créance à établir
leur note d'information au titre de l'appel public à l'épargne dans une langue
usuelle en matière financière, c'est-à-dire, en clair, en anglais !
La commission des finances du Sénat avait fait adopter par notre assemblée une
disposition n'autorisant de déroger à la règle de l'usage du français que pour
des produits financiers très techniques s'adressant à des investisseurs
professionnels. Malgré cette concession sur le fond - qui nous coûtait - le
Gouvernement a fait rétablir la disposition d'origine par l'Assemblée
nationale, ce qui a amené quatre-vingt un de nos collègues et moi-même à
déposer un recours devant le Conseil constitutionnel.
A quoi sert l'effort financier de la France en faveur de la francophonie...
M. Michel Charasse,
rapporteur spécial.
A M. Boutros-Ghali !
M. Jacques Legendre,
rapporteur pour avis.
... si le Gouvernement lui-même propose au
Parlement, en violation de l'article 2 de la Constitution, de renoncer à
l'usage du français en matière financière ?
Autre exemple préoccupant d'un recul accepté : la signature par la France, le
29 juin 2001, de l'accord sur l'application de l'article 65 de la convention
sur la délivrance des brevets européens. Bien évidemment, a été mise une fois
de plus en avant la nécessité de limiter le coût des traductions. Il n'empêche
que nous avons accepté que des titres juridiques partiellement rédigés dans une
langue étrangère puissent créer en France des droits et obligations !
Le temps me manque pour développer d'autres sujets de préoccupation, mais il
me faut quand même une fois de plus dire mon inquiétude, mon angoisse même,
devant l'inexorable montée de l'usage unique de l'anglais dans les organismes
européens.
Créé le 1er janvier 2001, l'office de coopération Europe Aid est chargé de la
mise en oeuvre de l'ensemble des instruments d'aide extérieure de la Commission
financés à partir du budget communautaire et des fonds européens de
développement. Or le document qui décrit la procédure d'établissement du
contrat d'aide passé entre l'autorité européenne et le consultant précise que
le contrat, mais aussi tous les échanges écrits ne seront acceptés que s'ils
sont rédigés en anglais. Autrement dit : nul n'est censé ignorer l'anglais s'il
souhaite obtenir une aide financière de l'Union européenne !
Notre inquiétude et notre impatience sont partagées par des esprits lucides et
que nous ne sauriez récuser, monsieur le ministre. Ainsi, c'est Alain Decaux
qui, par deux fois, nous met en garde : le 17 octobre 2001, dans
Le Monde,
il renouvelle un appel qu'il avait déjà lancé dans
Le Figaro.
Il proclame « la survie du français, cause nationale » en
s'interrogeant publiquement : « Le français se trouvera-t-il un jour dans la
situation de ces langues indiennes d'Amérique dont Chateaubriand disait que
seuls les vieux perroquets de l'Orénoque en avaient gardé le souvenir ? »
(Sourires.)
En proposant cette année le rejet des crédits de la francophonie, la majorité
de la commission des affaires culturelles affirme sa volonté de ne pas céder à
l'engourdissement et à la bureaucratisation qui guettent, et exige avec force
que la francophonie retrouve l'imagination, l'élan, la détermination qui
assureront son avenir.
Monsieur le ministre, vous avez compris que les sénateurs ne sont pas prêts de
partager le triste destin des perroquets de l'Orénoque !
(Applaudissements sur les travées du RPR, de l'Union centriste, ainsi que sur
certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. le président de la commission des affaires étrangères.
M. Xavier de Villepin,
président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des
forces armées.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers
collègues, je ne reviendrai pas sur le détail du budget du ministère des
affaires étrangères dont nos rapporteurs ont fait une analyse très complète. Je
me limiterai, sur ce point, à quelques observations.
Vous avez, monsieur le ministre, avec MM. les ministres délégués, la charge de
conduire, sous l'autorité du Président de la République et du Premier ministre,
l'action internationale de la France. Chacun connaît vos efforts pour donner à
notre pays le rôle qui doit être le sien dans le monde.
Cette action internationale de la France, vous ne manquez d'ailleurs pas de
venir régulièrement nous la présenter devant notre commission ; nous sommes,
vous le savez, très sensible à votre disponibilité.
Mais, précisément, cette action diplomatique mérite beaucoup mieux que les
dotations qui vous sont accordées.
A l'administration centrale comme dans les postes diplomatiques et
consulaires, les effectifs, bien que stabilisés, restent insuffisants, de même
que certains moyens de fonctionnement. Ces lacunes compliquent toujours
davantage le travail quotidien de personnels dont nous savons le dévouement et
la compétence.
D'autres volets de notre action internationale, notamment l'aide bilatérale au
développement ou encore la coopération militaire, souffrent, à nos yeux,
d'arbitrages défavorables injustifiés. Cela est totalement incompréhensible et
contraire aux exigences de la situation du monde, en particulier de
l'Afrique.
Il suffirait pourtant d'un complément budgétaire raisonnable pour combler ces
insuffisances de moyens. Les demandes que vous formulez en ce sens, monsieur le
ministre, le plus souvent d'ailleurs avec l'appui explicite des parlementaires,
sont toujours repoussées : c'est, je crois, la principale raison qui fonde
notre décision d'émettre, cette année, un avis défavorable à l'adoption des
crédits de votre ministère pour 2002.
Il est d'usage, monsieur le ministre, à l'occasion de l'examen des moyens de
notre action diplomatique, d'aborder certains aspects de l'actualité
internationale dans laquelle elle s'exerce. Des événements survenus dans le
monde depuis plus de deux mois, quels enseignements, même partiels, peut-on
tirer ? Pour ma part, j'en relèverai trois.
Un premier enseignement nous vient de l'ONU qui, dès le lendemain des
attentats, a rapidement réagi pour consacrer le droit à la légitime défense
d'un pays agressé par une action terroriste de grande ampleur. Ce droit, qui
doit être exercé contre les auteurs de l'agression et contre les autorités du
territoire qui les abrite, vaudrait-il cependant également, en l'état, pour des
actions à caractère militaire que les Etats-Unis pourraient être tentés de
conduire dans d'autres pays suspectés, à tort ou à raison, d'abriter des
réseaux terroristes ? Cette question mérite d'être posée alors que, au sein de
l'administration comme de l'opinion américaines, il semble que l'Irak soit en
passe de devenir l'enjeu d'une prochaine phase de l'action engagée au lendemain
du 11 septembre, au moment même où la question des « sanctions intelligentes »
revient à l'ONU et où l'acceptation ou le très probable refus irakien d'un
retour des inspecteurs sera évidemment perçu comme l'instant de vérité
s'agissant de la détention, par ce pays, d'armes de destruction massive.
C'est aujourd'hui sous la responsabilité de l'ONU que la conférence
interafghane tente de mettre en place une administration provisoire pour le
pays. Il se trouve que M. Brahimi, qui la préside, fut l'auteur, l'an dernier,
d'un rapport important sur les opérations de maintien de la paix et sur les
conditions minimales posées à leur déploiement. A Bonn, cependant, l'Alliance
du Nord s'oppose au principe d'une telle force. Ce refus est-il compatible,
monsieur le ministre, avec l'objectif de reconstruction politique et économique
qui, pour la communauté internationale, doit être le corollaire de l'action
militaire américaine ? Si un compromis devait être trouvé, vous nous direz,
monsieur le ministre, quelles devraient être alors, à votre avis, les
caractéristiques du mandat de cette force internationale.
Le deuxième enseignement concerne l'OTAN. L'organisation de défense mutuelle
n'a pas eu à aller au-delà de la simple solidarité politique. La réaction du
plus influent de ses membres à ses offres opérationnelles s'est limitée à des
remerciements polis...
Au moment où la diplomatie russe a su, en revanche, rendre son concours
indispensable à la riposte américaine, croyez-vous, monsieur le ministre, que
cette évolution soit de nature à modifier l'enjeu de l'élargissement de
l'Alliance atlantique, qui doit être débattu l'an prochain, et éventuellement à
renforcer l'opportunité, pour cette organisation, d'envisager un nouveau
modus vivendi
avec Moscou ?
Le troisième et dernier enseignement concerne, hélas !, l'Union européenne. Sa
solidarité politique, sa détermination à agir contre le terrorisme sur les
plans juridique et financier n'ont pas fait défaut, mais, à Gand puis à
Londres, le mois dernier, elle a donné l'image d'une certaine confusion : les
contacts en formations restreintes, précédant les réunions formelles à quinze,
ont donné à certains de nos partenaires l'impression que l'Union comportait
plusieurs cercles. Fallait-il y voir le signe précurseur de cette idée de «
noyau dur », d'Etats pionniers, de coopération renforcée avant la lettre, qui
fit l'an dernier, lors de la préparation du traité de Nice, l'objet de nombreux
débats ? A la veille de la réunion de Laeken, cruciale pour l'avenir de
l'Union, pourrez-vous, monsieur le ministre, à l'expérience de la crise en
cours, nous faire part de votre analyse sur la politique étrangère et de
sécurité commune ?
Enfin, dans cette lente décantation du nouvel environnement mondial, qui
n'aura peut-être pas, à terme, que des effets négatifs, il subsiste bien des
motifs de grave préoccupation. J'en relèverai deux.
Le premier reste le conflit du Proche-Orient. Les Etats-Unis s'y avèrent
toujours plus indispensables et l'ONU, hélas ! encore indésirable. Les espoirs
de paix reposent en effet de nouveau sur la seule capacité des Etats-Unis à
exercer les pressions nécessaires sur les deux parties. La nouvelle
administration américaine n'a pu longtemps se dérober à cette évidence. En
reconnaissant à son tour la légitimité de l'existence d'un Etat palestinien aux
côtés de celui d'Israël, elle avait éclairci l'horizon de la mission de ses
deux représentants sur place, dont la tâche est rendue encore plus complexe par
les violences actuelles. Au demeurant, les Etats-Unis, pas plus que quiconque,
ne pourront contraindre à la paix des protagonistes qui n'en voudraient pas. Il
faut, à cet égard, constater que le blocage est aussi à l'intérieur de chaque
camp, pressé par ses factions les plus extrémistes. Il empêche tout changement
politique dont on pourrait espérer qu'il favorise l'apaisement et le
dialogue.
Dans ce contexte, il serait hasardeux d'attendre de l'Europe plus qu'elle ne
peut donner, à savoir être prête, grâce à ses atouts économiques et
commerciaux, grâce aussi à l'action résolue de certaines des diplomaties de ses
Etats membres, dont celle de la France, à épauler la première évolution
positive qui pourrait se dessiner.
Le second sujet de préoccupation tient aux turbulences de l'actuelle crise
afghane et à l'évolution du Pakistan, dont l'engagement courageux aux côtés de
la coalition, en échange d'une respectabilité externe retrouvée, ne lui a pas
apporté tous les avantages stratégiques qu'il pouvait espérer. Sa capacité
nucléaire rend sa fragilité intérieure périlleuse pour la région, surtout si
l'on pense à la gravité du conflit qui oppose, au Cachemire, le Pakistan à
l'Inde, pareillement dotée de l'arme atomique. Il s'agit là d'un abcès de crise
qu'il serait très risqué de laisser dégénérer davantage.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, on le voit
bien, c'est dans un monde dangereux que la France doit continuer de tracer,
seule ou avec ses partenaires de l'Union européenne, le chemin d'une diplomatie
active pour la paix et le développement. C'est aussi pour cette raison qu'elle
se doit de disposer de moyens d'action adaptés, qui ne sont malheureusement pas
au rendez-vous dans ce projet de budget.
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, des Républicains et
Indépendants et du RPR, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la
conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour
cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République, 44 minutes ;
Groupe socialiste, 40 minutes ;
Groupe de l'Union centriste, 29 minutes ;
Groupe des Républicains et Indépendants, 24 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 18 minutes ;
Groupe du Rassemblement démocratique et social européen, 17 minutes ;
Réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe,
7 minutes.
Je vous rappelle que, en application des décisions de la conférence des
présidents, aucune intervention des orateurs des groupes ne doit dépasser dix
minutes.
Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Penne.
M. Guy Penne.
Monsieur le ministre, nous regrettons sincèrement que le ministère de
l'économie, des finances et de l'industrie ne traite pas mieux ce budget.
Toutefois, sous votre conduite, des réformes de fond ont été entreprises
certaines étaient à l'étude depuis vingt ans, et vous avez eu le courage de les
ressortir enfin des placards. La modernisation de votre administration se
déroule d'une façon satisfaisante. Notre politique étrangère, dans un monde
changeant et complexe, existe, et la France, grâce notamment à votre
infatigable activité, fait entendre sa voix.
Dans une situation politique internationale angoissante pour les peuples, le
rejet de votre projet de budget serait une marque imméritée de défiance à
l'égard du pouvoir exécutif, et, surtout, un mauvais coup porté au crédit
international de la France.
Pourquoi la majorité sénatoriale, qui a voté les crédits des affaires
étrangères depuis 1997, souhaite-t-elle aujourd'hui émettre un vote négatif ?
Une seule réponse à cette question : la majorité sénatoriale émet un vote
politicien, dans la perspective des élections qui auront lieu dans notre pays
en 2002 !
(Très bien ! et applaudissements sur les travées socialistes,
ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
Rappelons quelques déclarations faites, avec son intelligence et son talent
habituels, par notre collègue Jacques Chaumont, qui demeure malgré tout mon ami
(Rires)
, lors de la séance du 4 décembre 1996 sur le projet de budget
pour 1997 : « Ce budget baisse de 4 % par rapport aux crédits votés l'an
dernier. Représentant 0,93 % du budget global de l'Etat, il atteint son plus
bas niveau depuis 1985. »
M. Chaumont ajoutait, plus loin, que « pour ce qui est maintenant des crédits
pour la coopération et les interventions internationales, soit 6 milliards de
francs, ils ont fortement baissé ».
Pour conclure, il donnait « un avis favorable à l'adoption des crédits des
affaires étrangères pour 1997 » !
(Exclamations amusées sur les travées
socialistes.)
M. Michel Charasse,
rapporteur spécial.
C'est la commission qui donnait un avis favorable
!
M. Guy Penne.
Autres temps, autres moeurs !
L'année 2002 constituera le quatrième exercice budgétaire unifié entre anciens
crédits de la coopération et crédits des affaires étrangères. A structures
constantes, c'est-à-dire hors transfert entre sections, la croissance des
dépenses ordinaires et des crédits de paiement, qui passent de 3,37 milliards
d'euros à 3,42 milliards d'euros, sera limitée en 2002 à 1,6 %, soit un taux
égal à celui de la croissance des prix à la consommation tel qu'il figure dans
le rapport économique, social et financier annexé au projet de loi de
finances.
Cela est à comparer avec l'augmentation de 0,93 % votée par la droite
sénatoriale en 1996 pour le budget de 1997, approuvé à cette époque, en dépit
de ce médiocre pourcentage, uniquement parce qu'il était présenté par MM. de
Charrette et Juppé.
Nous savons aussi que le budget du ministère des affaires étrangères ne
représente pas la totalité de l'effort national en matière d'action extérieure.
Celui-ci, en incluant les comptes spéciaux du Trésor et la contribution de la
France aux dépenses d'action extérieure de l'Union européenne, s'élèvera à 8,92
milliards d'euros, soit une hausse de 4,68 % par rapport au budget de 2001.
En ce qui concerne le projet de budget pour 2002, nous regrettons, monsieur le
ministre, que les demandes que vous avez formulées auprès de votre collègue
chargé des finances n'aient pas été entendues. Je prendrai un exemple à cet
égard : vous aviez demandé la création d'une vingtaine de postes consulaires
dans des pays sensibles ; cette requête, aux conséquennces financières modestes
et dont la justification est évidente, n'a pas été acceptée.
M. Michel Charasse,
rapporteur spécial.
Par le Premier ministre ! C'est lui qui arbitre !
M. Guy Penne.
Il serait en outre vraiment souhaitable de porter une attention particulière
au personnel vacataire, souvent mal traité et recruté, dans de nombreux cas, en
raison du nombre insuffisant de titulaires.
Je ne peux, dans le temps qui m'est imparti, m'étendre sur les questions de
coopération et d'aide publique au développement. Cependant, dans le rapport de
la commission des affaires étrangères que j'ai rédigé avec deux autres
collègues et qui porte sur la réforme de la coopération à l'épreuve des
réalités, nous avons émis des critiques constructives.
Il faut parfaire la cohérence, qui reste problématique, de la DGCID, la
direction générale de la coopération internationale et du développement,
stopper l'érosion des moyens, sauvegarder l'instrument le plus original,
véritable spécificité française reconnue pour sa qualité dans le monde entier,
qui est l'assistance technique. Nous avons suggéré l'idée d'une agence qui
pourrait mieux fonctionner.
Vous poursuivez le redressement commencé en 1998 des crédits destinés aux
contributions volontaires. Après avoir chuté de plus de 60 % entre 1990 et
1998, ces crédits augmentent enfin, légèrement. Là encore, bien entendu, un
effort supplémentaire serait le bienvenu.
Nous ne pouvons pas nous contenter d'un montant d'aide publique au
développement qui reste inférieur à 0,4 % du PIB. Nous en sommes revenus au
niveau de l'époque de M. Giscard d'Estaing, alors que François Mitterrand, dès
1981, déclarait à Cancún que l'objectif était d'atteindre 0,7 % du PIB.
M. Michel Charasse,
rapporteur spécial.
Et on l'a fait !
M. Guy Penne.
Cependant, nous demeurons les deuxièmes donneurs d'aide publique dans le
monde,...
M. Michel Charasse,
rapporteur spécial.
Avant, on était les premiers !
M. Guy Penne.
... mais la situation dans les pays du Sud est telle que nous ressentons le
besoin de faire plus et de faire mieux. Si l'on souhaite que notre aide soit
très utile, encore faut-il que les bénéficiaires soient en mesure socialement,
structurellement et intellectuellement d'en absorber les bienfaits pour la
faire fructifier.
Nous avons constaté qu'en matière d'allégement de la dette des pays pauvres
très endettés nous allons même au-delà des engagements et des recommandations
internationales. Nous nous en félicitons.
Si ces pays ne sortent pas du sous-développement - et beaucoup sont en
Afrique, continent qui intéresse peu les investisseurs - les peuples affamés,
sans espoir, se tourneront vers les cultures plus rentables, la
commercialisation et la transformation des drogues, ce qui engendrera
blanchiment d'argent, trafic d'armes et conflits multiples. Ne pas trouver les
moyens de soutenir les plus démunis sur les continents les plus pauvres, c'est
préparer un plus grand chaos.
Pour la France, l'Afrique commence de l'autre côté de la Méditerranée. Inutile
de rappeler que la forte population africaine immigrée en France est souvent
ici pour des raisons de survie, et, dans sa majorité, elle nous implore de
faire oeuvre de solidarité envers les populations restées dans leur pays
d'origine.
Etant donné notre rôle de leader dans la contribution - 25 % au Fonds européen
de développement - nous devons faire en sorte que soient mieux gérés les
crédits de la Commission européenne, qui me semblent insuffisamment
consommés.
M. Michel Charasse,
rapporteur spécial.
Pas du tout consommés !
M. Guy Penne.
Les critiques présentées en ce domaine par M. Michel Charasse, je les partage
pleinement.
M. Jacques Chaumont,
rapporteur spécial.
Ah !
M. Guy Penne.
Comment ne pas voir que lutter contre les injustices du monde, lutter contre
la pauvreté, c'est aussi lutter contre le terrorisme, avec son cortège de
victimes innocentes ?
Nous pouvons mettre au crédit du Gouvernement et en particulier de l'action du
ministère des affaires étrangères la politique exemplaire de la France en
matière de lutte contre le sida.
M. Michel Charasse,
rapporteur spécial.
Zéro franc !
M. Guy Penne.
La création du Fonds de solidarité thérapeutique internationale, les aides
financières importantes apportées par la France en témoignent. Nous pouvons
dire que, en la matière, notre pays est au premier rang de l'effort
international.
Au-delà des questions strictement budgétaires, je souhaite m'exprimer sur deux
aspects de l'actualité internationale : la situation après le 11 septembre et
le Proche-Orient.
Je commencerai par la situation après le 11 septembre.
Les récentes décisions du Gouvernement sont utiles à la nécessaire coopération
internationale pour combattre le terrorisme international et assurer plus de
sécurité dans le monde. Ce combat contre le terrorisme doit être empreint de
solidarité entre ses acteurs.
La lutte contre le terrorisme international doit être une coproduction et son
efficacité ne supporterait pas longtemps qu'une seule puissance, si légitime
que soit son action, puisse faire cavalier seul au détriment de la coopération
internationale en la matière. Les Etats-Unis avaient commencé « en solo » la
lutte contre Ben Laden, après les attentats de 1998, avec les résultats que
nous connaissons.
Le Premier ministre a affirmé récemment : « Il est souhaitable qu'à la
coalition contre le terrorisme succède une coalition pour un monde plus juste.
» Nous l'approuvons.
Nous souhaitons nous inscrire dans un monde multipolaire et l'Europe doit
pouvoir être un acteur et un organisateur de cette évolution des relations
internationales. C'est la grande ambition que la France propose à ses
partenaires de l'Union européenne.
J'en viens au Proche-Orient.
Nous approuvons la politique du Gouvernement en ce qui concerne la paix au
Proche-Orient, je devrais plutôt dire « le retour au processus de paix ».
Déjà Pierre Mendès France, en 1970, disait : « Ce que je demande est très
simple, je souhaite de toutes mes forces convaincre les Israéliens que les
Palestiniens ont le droit de réclamer pour eux ce qu'Israël a obtenu pour lui.
» Ensuite, avec François Mitterrand, en 1982, notre diplomatie n'a cessé de
demander la création d'un Etat palestinien et, en parallèle, un engagement
complet et garanti quant à la sécurité d'Israël. C'est aussi la position de
l'Union européenne et je pense que la France a beaucoup contribué à ce que
cette position soit prise. Nous avons apprécié que, très récemment, le
président George W. Bush se soit prononcé dans le même sens.
Individuellement, les nations européennes ont peu de prise. Seuls les
Américains semblent susceptibles de peser le plus et le président Clinton a
accompli un énorme travail entre Ehoud Barak et Yasser Arafat. Après un temps
de repliement, la diplomatie Bush semble se réveiller. Tant mieux, mais
l'Europe est souhaitée comme contre-poids, tant par les Israéliens que par les
Palestiniens. C'est nécessaire pour les espoirs de coopération régionale au
sein de la zone et c'est une voie sur laquelle nous devons entraîner nos
partenaires européens, en retrouvant, si possible, l'élan de la conférence de
Barcelone. Si les marges de manoeuvre sont étroites, la France, au nom des «
droits des hommes à vivre dans des frontières sûres et reconnues », doit
s'efforcer de faire passer son message de paix.
En conclusion, monsieur le ministre, le groupe socialiste votera le budget des
affaires étrangères, car nous souhaitons adresser aux Français ce message :
nous soutenons la politique étrangère de la France et nous, les socialistes,
logiques avec nous-mêmes, nous vous donnons les moyens budgétaires de conduire
votre politique.
(Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles
du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président.
La parole est à M. Durand-Chastel.
M. Hubert Durand-Chastel.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la grave
insuffisance du projet de budget du ministère des affaires étrangères pour
2002, reconnue par son propre ministre, est une donnée récurrente du budget de
la nation, d'autant plus difficile à admettre en cette période de troubles où
la France devrait pouvoir valoriser sa position internationale.
Les enjeux du ministère sont, en effet, fondamentaux pour la paix dans le
monde et pour la France, qui est l'un des cinq membres permanents du Conseil de
sécurité des Nations unies. La conjoncture diplomatique et la croissante
globalisation de la planète lui donnent un rôle déterminant pour l'avenir du
pays. Or le projet de budget pour 2002, qui représente moins du dixième de
celui du ministère de la défense, est comparable à celui du secrétariat d'Etat
aux anciens combattants ! Il représente seulement 1,33 % du budget de l'Etat,
contre 1,68 % voilà une dizaine d'années. Cette réduction est encore aggravée
par la dépréciation de 20 % de l'euro, depuis sa création, par rapport au
dollar, puisqu'une partie des dépenses du ministère des affaires étrangères
correspond à des devises étrangères.
C'est avec retard que la France assure le règlement de ses contributions
internationales obligatoires, dont le montant a presque doublé ces dix
dernières années à la suite des impérieuses nécessités de la situation
mondiale. Quant à nos contributions internationales volontaires, elles n'ont
que peu progressé durant la même période, occasionnant, pour notre pays, la
perte d'administrateurs dans les organismes internationaux. La France n'occupe
que le treizième rang parmi les contributeurs internationaux volontaires !
Je n'ai pas le temps de parler de la coopération internationale, dont
l'importance est majeure et qui correspond parfaitement au caractère
d'universalité de notre nation. Là encore, notre action est très insuffisante,
comme l'ont très bien souligné MM. les rapporteurs spéciaux.
Le ministère des affaires étrangères joue également un rôle primordial pour le
commerce extérieur de notre pays qui se classe au quatrième rang mondial pour
le volume de ses échanges internationaux. Il a, en effet, la charge de toutes
les communautés françaises de l'étranger, ainsi que des nombreux services qui y
sont rattachés : coopération, enseignement, culture, etc.
Une prise de conscience de cette anomalie budgétaire est donc indispensable,
si la France veut conserver le prestige et l'influence qu'elle a toujours eus
dans le monde actuel.
Je m'exprimerai à présent sur deux points particuliers : l'enseignement
français à l'étranger et l'audiovisuel international.
Les établissements d'enseignement français à l'étranger constituent un des
plus vastes réseaux scolaires au monde, d'excellente qualité comme le montrent
les très bons résultats des élèves aux examens. Avec les Alliances françaises,
ces établissements représentent les deux grands pôles de la francophonie à
l'étranger. Ces établissements payants sont financés par les parents d'élèves
et par le gouvernement français. Des bourses scolaires sont octroyées aux
élèves français les moins favorisés.
Ces bourses, dont l'enveloppe a progressé de façon notable ces dernières
années, sans pour autant satisfaire complètement les besoins de nos
compatriotes à l'étranger, représentent aujourd'hui une lourde charge dans le
budget des affaires étrangères.
Pour résoudre ce problème, la direction générale de la coopération
internationale et du développement a entamé des discussions avec le ministère
de l'éducation nationale, lui demandant de prendre en charge les coûts de
scolarité des élèves de nationalité française.
Cette demande paraît d'autant plus justifiée que le ministère de l'éducation
nationale, qui bénéficie de crédits considérables, possède un large budget
d'intervention publique au titre IV, chapitre 43-71 - bourses et secours
d'études. Or, ces dernières années, ledit chapitre a été surdoté et une grande
partie des crédits n'a pas été dépensée. Cela veut dire que, d'un côté, il y a
des crédits de bourses sans besoin et, de l'autre, à l'Agence pour
l'enseignement français à l'étranger, il y a des besoins sans suffisamment de
crédits ! Ce transfert de charges, fortement préconisé par le Conseil supérieur
des Français de l'étranger, recueille-t-il votre approbation, monsieur le
ministre, et les pourparlers avec l'éducation nationale ont-ils progressé ?
Par ailleurs, le ministère des affaires étrangères finance un nombre important
de boursiers étrangers dans l'enseignement supérieur, 23 000, représentant une
dépense de 600 millions de francs par an. Trop d'étrangers délaissant nos
universités pour les universités des Etats-Unis, de Grande-Bretagne et
d'Allemagne, le Gouvernement a réalisé un sérieux effort en matière
d'information, de visas et de conditions d'accueil, avec la création
d'EduFrance. Cette politique a porté ses fruits, les effectifs d'étudiants
étrangers en France, estimés actuellement à 150 000, s'étant accrus.
Cependant, il paraît souhaitable, monsieur le ministre, qu'une coordination
plus étroite soit établie entre les deux ministères de tutelle. En particulier,
l'articulation des compétences des deux grands organismes d'accueil des
étudiants étrangers en France, le CNOUS - centre national des oeuvres
universitaires et scolaires - et l'Egide, doit être précisée afin d'éviter une
concurrence préjudiciable. La remise en état ainsi que la construction de
nouveaux logements étudiants est par ailleurs nécessaire. Il faudrait aussi
encourager le développement par les collectivités territoriales de coopérations
décentralisées non gouvernementales, qui sont très efficaces.
Je tiens à évoquer le bon démarrage du Centre d'information des volontaires
internationaux. Deux spécialités de volontaires restent en nombre insuffisant :
les informaticiens et les médecins. Ne pourrait-on pas, monsieur le ministre,
améliorer l'information à destination de ces deux catégories de diplômés ?
Enfin, je terminerai par l'action audiovisuelle extérieure. L'importance des
médias n'est plus à démontrer, surtout dans les pays en développement où la
presse quotidienne est très limitée. Les dotations prévues pour 2002 ne
représentent que 33 % des dotations de la Deutsche Welle en Allemagne ou 38 %
des dotations de la BBC World Service en Grande-Bretagne. Les crédits consacrés
à notre audiovisuel ne sont pas du tout à la hauteur de notre action
audiovisuelle dans l'Hexagone, et même dans l'outre-mer, avec lequel une
collaboration serait souhaitable. Malgré les progrès récents de TV 5 sur l'Asie
et, surtout, sur l'Amérique, les programmes dépendant maintenant de TV 5 Monde
à Paris, à l'exception du Canada, la faiblesse française reste considérable et
indigne dans ce secteur si porteur.
Pour toutes les raisons invoquées, le ministère des affaires étrangères
devrait être considéré comme prioritaire. En outre, la modernisation tout à
fait louable engagée au sein du département, dans des conditions souvent
difficiles, aurait mérité l'attribution de moyens supplémentaires pour
valoriser son excellent personnel et toute son organisation, et pour mieux
contribuer encore au rayonnement de notre pays. En raison de sa grave
insuffisance, et pour cette seule raison, monsieur le ministre, je ne voterai
pas ce projet de budget pour 2002.
(Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et
de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Mathieu.
M. Serge Mathieu.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la
discussion du projet de budget des affaires étrangères pour 2002 s'inscrit dans
un contexte international bouleversé par les attentats du 11 septembre dernier
et par l'intervention militaire qui se déroule en Afghanistan.
Comme vous le faisiez remarquer dans une interview récente, monsieur le
ministre, la communauté internationale, ou plutôt les pays occidentaux,
vivaient depuis une dizaine d'années dans une certaine euphorie qui conduisait
à penser que « tous les problèmes du monde étaient surmontés, que nous étions
d'accord sur les principes, que tout le monde avait les mêmes références, et
que nous allions progresser d'un pas allègre vers la communauté internationale,
vers l'économie de marché généralisée, vers la démocratie libérale ».
Pourtant, un certain nombre de signes annonciateurs d'une profonde
incompréhension, à Seattle, avec l'échec de la précédente conférence de l'OMC,
l'Organisation mondiale du commerce, avec la conférence de Durban, nous ont
montré que nos conceptions - une sorte d'unilatéralisme des pays occidentaux -
étaient contestées par les pays du Sud, par le reste du monde.
De ce point de vue, les attentats du 11 novembre dernier ont constitué un
point de rupture, une prise de conscience du fossé qui nous sépare encore et de
l'urgente nécessité qu'il y a à le combler.
La politique étrangère française, qui a toujours promu le multilatéralisme,
émis des réserves sur les dangers de l'hyperpuissance et mis l'accent sur les
notions de solidarité Nord-Sud, doit ici être saluée. Il nous reste bien
évidemment encore du chemin à faire, notamment en matière d'aide au
développement, mais je crois que nous sommes sur la bonne voie pour peu que
l'effort ne soit pas relâché.
S'agissant de l'Afghanistan, nous avons évidemment un devoir de solidarité
envers le peuple américain, et nous participons à la coalition internationale
qui a pour objectif de lutter contre le terrorisme. Sur cette question, trois
remarques me viennent à l'esprit.
Après l'effondrement bienvenu du régime des talibans, la dimension humanitaire
de notre intervention est une urgence absolue. Elle est même l'une des
conditions de la solution politique afghane et du retour d'une certaine
démocratie, tant il est vrai que, comme le disait Rabindranâth Tagore, « ventre
creux n'a pas d'oreille ». Nous restons extrêmement préoccupés par les lenteurs
de l'acheminement de l'aide humanitaire et par la sécurité des ONG, les
organisations non gouvernementales, qui, sur place, se dévouent pour le peuple
afghan. L'un de nos objectifs presque militaire et, en tout cas, politique
devrait être la sécurisation de cette aide que l'on ne peut laisser à
l'évidence aux mains des factions afghanes.
Ma deuxième remarque a trait à la solution politique en cours de préparation.
Pour penser un Afghanistan en paix, le plan politique français offre une base
fondamentale de proposition. Je crois que notre pays peut jouer pleinement son
rôle pour rassembler les chefsafghans, les différentes ethnies autour d'un
objectif commun : la situation puis la reconstruction de ce pays. On ne peut
être que préoccupé par les tensions récemment révélées entre les Occidentaux et
certains chefs de guerre sur la présence de forces sous l'égide de l'ONU dans
ce pays.
Ma troisième remarque tient précisément au rôle de l'ONU. Après les
résolutions 1377 et 1378, le danger d'une trop forte américanisation de
l'intervention contre le terrorisme est apparu comme évident. Je crois que tout
le monde en est conscient, et les Etats-Unis eux-mêmes soutiennent aujourd'hui
une solution qui passe par l'ONU. Le droit de légitime défense qui a été
unanimement reconnu en application de l'article 51 de la Charte ne doit pas
masquer les difficultés qui existent, et notamment le fait que faire la guerre
au terrorisme est une notion difficile à cerner en termes de droit
international.
Cette remarque me permet d'évoquer devant vous le sort d'un pays auquel je
suis particulièrement attaché : il s'agit de l'Irak.
L'un des enseignements du drame de New York et de Washington est que, si nous
voulons lutter efficacement contre le terrorisme, nous devons nous attacher à
résoudre les conflits qui le justifient, à mettre fin aux souffrances et aux
injustices qui peuvent pousser des individus au désespoir et aux extrémismes
quels qu'ils soient. Le roi Abdallah de Jordanie l'a vu immédiatement quand il
a déclaré que la résolution du conflit israélo-palestinien était l'une des
conditions du succès à terme de la lutte contre le terrorisme. Il aurait pu en
dire autant, selon moi, de la situation en Irak.
Je suis persuadé que nous avons l'opportunité politique de mettre fin à
l'embargo et aux sanctions qui affectent l'Irak ; il faut non plus rechercher
une quelconque « intelligence » dans des sanctions devenues absurdes, mais
essayer intelligemment de sortir de cette trop longue crise.
Vous savez que nous luttons de toutes nos forces pour une levée de l'embargo,
lequel - nous l'avons dit et répété - est moralement inacceptable et
économiquement absurde. Le nombre des victimes de ce génocide rampant ne cesse
d'augmenter. Les chiffres officiels des agences de l'ONU vont de 1 à 1,5
million de morts supplémentaires en onze ans. C'est toute une génération qui
est sacrifiée. Tout cela est inacceptable et révoltant, comme nous avons pu le
constater une nouvelle fois en visitant des hôpitaux pédiatriques lors de notre
séjour en juin dernier en Irak. Je prépare d'ailleurs un rapport sur cette
mission auquel sera annexé celui des médecins qui nous accompagnaient.
Nous avons dénoncé l'absurdité de sanctions globales à la durée illimitée qui
ne perdurent, au mépris des règles et de la lettre de la Charte de l'ONU, que
pour des raisons politiques propres à certains Etats. Un rapport d'information
récent sur le régime des sanctions ne soulignait-il pas qu'elles étaient
devenues, au fil des années, l'un des meilleurs instruments du
leadership
des Etats-Unis ? C'est bien cette volonté unilatérale qui a
conduit à refuser de revoir les sanctions après que l'Irak a évacué le Koweit.
C'est bien cette volonté qui a mené à la rupture de 1998 alors que l'occasion
d'une levée de l'embargo était réelle. L'Irak collaborait avec l'ONU et
respectait ses obligations. Que n'a-t-on alors choisi la voie « intelligente »
de la levée des sanctions ! Ce sont ces deux occasions manquées qui ont conduit
à la reprise des bombardements en 1998, dénoncés par la France, et à la
situation de blocage actuelle. Essayons aujourd'hui de ne pas répéter ces
erreurs.
Dans le rapport que je citais, il était indiqué ceci : « les exigences
récurrentes du Conseil de sécurité reflètent la mauvaise foi de certains de ses
membres, l'Irak a été conduit à mener une politique systématique de
contournement de l'embargo, les sanctions ont pris une connotation répressive,
punitive, qui n'a plus guère de légitimité eu égard aux objectifs du Conseil de
sécurité, et ce, quelle que soit l'appréciation que l'on porte sur le régime de
Bagdad ». Nous partageons évidemment cette analyse.
Révoltant en termes humanitaires, inacceptable en termes politiques, l'embargo
est également une absurdité économique puisqu'il est systématiquement contourné
par le gouvernement irakien, par la multiplication des accords de
libre-échange, par l'utilisation de l'article 50 de la Charte des Nations
unies, mais aussi, hélas ! par la contrebande.
Il me faut souligner que cette dénonciation des effets de l'embargo est
également celle de notre diplomatie qui ne cesse d'oeuvrer à « promouvoir une
solution durable et globale qui permette de garantir la stabilité et la
sécurité régionales ainsi que de réinsérer l'Irak et sa population dans la
communauté internationale ».
J'ose espérer que, s'agissant tant du conflit israélo-palestinien que de
l'Irak, la crise douloureuse que nous traversons nous conduira à trouver des
solutions originales et généreuses sans lesquelles les fondements du terrorisme
ne pourront être sapés.
Pour conclure, je voudrais dire quelques mots sur l'Albanie qui me semble
également être l'un des Etats clés de la solution des conflits de notre
monde.
Je fais naturellement allusion ici à la modération et à l'ouverture de la
politique régionale de l'Albanie sans laquelle il n'existe pas de solution
pérenne dans les Balkans. Les gouvernements successifs de ce pays ont montré, à
travers la crise du Kosovo ou celle de Macédoine, qu'ils avaient choisi la voie
de la solidarité inter-albanaise - elle s'est notamment manifestée lors de la
guerre du Kosovo par l'accueil de centaines de milliers de réfugiés - tout en
se gardant de céder aux mirages d'une grande Albanie dont la revendication
aurait mis à feu et à sang toute la région.
Les résultats des récentes élections en Albanie ont permis la reconduction du
gouvernement de M. Meta et me semblent être un gage de stabilité et de
poursuite des réformes entreprises depuis quelques années avec l'aide de la
communauté internationale, et singulièrement de l'Union européenne.
Certes, tous les problèmes ne sont pas réglés, en particulier le boycott du
Parlement par l'opposition menée par le parti démocratique de M. Berisha.
Pour autant, les difficultés auxquelles ce pays fait face sont encore
immenses. Le chemin de l'intégration européenne, à terme, me paraît la
meilleure voie pour aider l'Albanie. Le gouvernement du Premier ministre M.
Meta a fait de la négociation d'un accord d'association une priorité de son
action. La France doit, à mon avis, soutenir ce projet et le favoriser de toute
son influence.
Du point de vue économique, comment ne pas être frappé par l'omniprésence
italienne, qui s'est d'ailleurs concrétisée par la visite officielle de M. Meta
en Italie, voilà quelques mois, et les conversations qu'il a eues avec le
Président du Conseil italien à cette occasion ? Nous devons impérativement
encourager et donc garantir les investissements de nos entreprises dans ce
pays. Il y a tant à faire dans des domaines où notre pays et nos entreprises
excellent. Qu'il me suffise ici de citer les domaines des travaux publics, des
infrastructures, du traitement des eaux et des télécommunications.
Pour sa part, le Sénat développe une coopération avec l'assemblée albanaise
soit directement, soit par l'intermédiaire de l'Union interparlementaire.
Voilà, mes chers collègues, les quelques mots que je voulais prononcer à
l'occasion du vote du budget des affaires étrangères. Derrière ces crédits, il
y a des pays amis de la France et des hommes qui attendent de nous aide,
assistance et amitié.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des
Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines
travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Pelletier.
M. Jacques Pelletier.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous
examinons aujourd'hui le budget consacré à la coopération, budget ô combien
important au regard du contexte actuel.
Pourquoi rapprocher la part qui est consacrée chaque année par la France à
l'aide internationale des attentats terroristes du 11 septembre ? Parce que les
origines de ce terrorisme se situent justement, me semble-t-il, dans une
certaine indifférence des pays riches face à l'exclusion croissante des pays
pauvres.
L'intégrisme est souvent une réponse à la misère sociale. Nous l'avons
constaté voilà quelques années en Algérie où les jeunes chômeurs et les exclus
de l'époque ont été embrigadés par le Front islamique du salut dans une lutte
armée horrible ; nous le constatons dans certains pays du Moyen-Orient, qui
sont plongés dans une guerre infinie, depuis des décennies, sans que l'opinion
internationale s'en émeuve à l'excès et sans que les pays riches consacrent une
aide significative à leur reconstruction et à l'émergence d'Etats de droit.
Il faut cesser de se voiler la face : une situation dans laquelle les pays les
plus pauvres ne disposent que de 1 % de la richesse mondiale ne peut être
qu'explosive.
La croissance des inégalités est un facteur de risque pour le monde, et nous
le savons tous très bien.
Nous ne pouvons plus dire, aujourd'hui, qu'une famine, une guerre, un régime
totalitaire sont des phénomènes locaux sans implication pour le reste de la
planète. L'interdépendance du monde est un fait, et il nous appartient de le
prendre en considération.
C'est, à mon sens, par une réelle volonté politique qui tendrait vers une
réduction des inégalités que nous parviendront à promouvoir les valeurs
communes de l'humanité. C'est là tout l'enjeu de l'aide au développement, et
cela nous concerne au premier chef par le vote de ce budget, aujourd'hui.
Ce budget est vraiment un budget minimum, comme l'ont souligné nos excellents
rapporteurs, dont je salue ici le grand travail. En effet, s'il est certes en
légère augmentation - il faut le reconnaître -, il est encore loin du seuil
nécessaire pour faire face aux enjeux internationaux.
Je déplore dans ce budget la diminution de plus de 12 % des autorisations de
programme dévolues à l'Agence française du développement. Cette diminution
réduit d'autant plus la place de notre pays à l'étranger, ce qui est contraire
tant à nos intérêts qu'à notre vocation, particulièrement en Afrique. Les
crédits destinés à l'aide humanitaire sont stables, ce qui me paraît
dommageable : la situation internationale - et pas seulement celle qui règne en
Afghanistan - nécessiterait des engagements plus forts de la France.
Je dénonce aussi la réduction des moyens de la coopération technique. Cette
réduction va encore appauvrir le potentiel humain que nous envoyons dans les
pays en développement, comme cela est du reste dénoncé dans les excellents
rapports de nos collègues, et tout spécialement dans ceux de Paulette
Brisepierre et de Michel Charasse.
Tout cela explique qu'à l'extérieur on ait un peu le sentiment que la France
s'oriente vers un repli sur soi et manifeste une espèce d'indifférence
vis-à-vis des pays en difficulté. Cette attitude française constitue, selon
moi, une erreur très grave qui ne saurait se résoudre qu'en abondant
considérablement ce budget.
Il était légitime d'espérer que les récents événements serviraient de leçon
aux gouvernants des pays riches, en les incitant à moins d'égoïsme et à
davantage de solidarité.
Je constate avec beaucoup de regret que les chiffres de l'aide publique de la
France sont en contradiction avec notre volonté affichée de nous poser en
champion de l'aide au développement.
Monsieur le ministre, je connais votre position, et je sais pertinemment que
vous souhaiteriez, comme chacun de nous dans cet hémicycle, nous présenter un
budget un peu plus lourd. Il est vrai qu'il y a une vingtaine d'années - cela a
été rappelé tout à l'heure - les pays du nord s'étaient engagés à consacrer, à
terme, 0,7 % de leur PIB au développement des pays du sud. Voeu pieu puisque,
aujourd'hui, seuls cinq pays ont tenu ces engagements : le Danemark, le
Luxembourg, la Norvège, les Pays-Bas et la Suède. Quant à l'Autriche et à
l'Irlande, elles devraient y parvenir prochainement.
La France fait partie des pays qui ont beaucoup diminué leur aide publique au
développement : elle atteignait 0,32 % de son PIB en 2000 et l'on espère
arriver à 0,34 % en 2002, mais je me permets de rappeler que, voilà dix ans -
si ma mémoire est bonne -, nous étions à 0,63 %. Ainsi, en dix ans, l'aide
publique au développement a été divisée par deux. C'est inadmissible !
Parallèlement, nos contributions aux agences de développement de l'ONU se
réduisent. Par exemple, la contribution au Programme des Nations unies pour le
développement, le PNUD - et on sait que cet organisme fait un bon travail -,
est trois fois plus faible en 2000 qu'elle ne l'était en 1993.
Phénomène inquiétant également : la part des investissements français en
Afrique n'a cessé de diminuer. L'avenir de l'Afrique passe pourtant par sa
réinsertion dans l'économie mondiale. Elle en est aujourd'hui complètement
écartée. Il faut l'aider, ce qui implique une coopération industrielle
importante et une aide à la formation de ses cadres économiques et
commerciaux.
Bien plus important encore, la situation sanitaire de certains pays s'est
considérablement dégradée : de grandes épidémies sont réapparues, l'espérance
de vie se réduit, le taux de mortalité infantile est toujours très élevé.
Les politiques de base sont bien souvent, hélas !, remises en question puisque
d'autres impératifs macro-économiques s'imposent aux pays, au détriment de
l'enseignement, de l'urbanisme, de la lutte contre la criminalité et la
corruption, de la lutte contre le sida, qui touche, en Afrique sub-saharienne,
28 millions de personnes.
Mes chers collègues, en Afrique sub-saharienne, 28 millions de personnes sont
séropositives !
Sans vouloir me montrer trop naïf, je pense que l'aide au développement
pourrait être un instrument efficace de réduction des inégalités, ce qui, à
terme, favoriserait le développement du Sud.
Autre preuve de désengagement de notre pays en Afrique - Mme Pourtaud en a
parlé tout à l'heure -, le problème des échanges universitaires : la France
permet beaucoup moins aux Africains de venir étudier dans nos universités. Les
visas leur sont distribués au compte-goutte par nos consulats. Monsieur le
ministre, qui donne les ordres aux consulats, si ce n'est le ministère des
affaires étrangères ? Dès lors, les Africains privilégient aujourd'hui les
Etats-Unis, le Canada, l'Allemagne, la Belgique. C'est autant de perte
d'influence de la France en Afrique.
Enfin, monsieur le ministre, monsieur le président, mes chers collègues,
j'estime que les événements du 11 septembre dernier auront au moins, d'une
certaine façon, contribué à rappeler l'ampleur de la fracture qui s'élargit
chaque jour entre pays riches et pays pauvres. Les quatre cinquièmes de la
population du monde vivent aujourd'hui dans les pays en voie de développement
et un cinquième vit dans une situation d'extrême pauvreté, soit 1,3 milliard de
personnes.
Cette situation est évidemment porteuse de risques majeurs.
Une mobilisation renforcée de la communauté internationale en faveur de l'aide
au développement est évidemment indispensable et urgente si l'on veut éviter
que la mondialisation ne se traduise par la marginalisation accrue d'une
population qui tend à dominer la planète par son nombre, avec les risques
importants qui en découlent.
Monsieur le ministre, je souhaite avec beaucoup de force que la France prenne
la tête de cette croisade. C'est dans sa vocation ; c'est dans sa tradition.
(Applaudissements sur les travées du RDSE, du RPR, de l'Union centriste, des
Républicains et Indépendants, ainsi que sur quelques travées
socialistes.)
M. le président.
La parole est à M. Del Picchia.
M. Robert Del Picchia.
Monsieur le ministre, la commission des finances, vous le savez, a rejeté
votre projet de budget pour 2002 ; la commission des affaires étrangères, de la
défense et des forces armées a émis un avis défavorable. Malgré quelques
hésitations qui s'expliquent peut-être par le fait que ce sera, je pense, la
première fois au cours de la Ve République que le budget des affaires
étrangères reçoit un vote de rejet, je rejoindrai le point de vue de ces deux
commissions en ne votant pas le budget des affaires étrangères pour 2002.
Tout a été dit ou presque par mes collègues, par les rapporteurs bien sûr,
mais aussi par le président de la commission, Xavier de Villepin. J'ajouterai
toutefois à leurs propos une petite remarque sur l'inquiétude que peut susciter
la région des Grands Lacs. Après l'Afghanistan et le Proche-Orient, je crois
que c'est une région qui risque de devenir explosive dans un avenir proche.
Vous avez vous-même manifesté une préoccupation à cet égard puisque vous vous
êtes rendu dans cette région au mois d'août.
Toutefois, en tant que sénateur représentant les Français établis hors de
France, j'interviendrai plus particulièrement dans ce débat sur quelques points
qui préoccupent, à juste titre, nos ressortissants à l'étranger.
J'aborderai, en premier lieu, la modification de la carte diplomatique et
consulaire, qui, on le sait, malgré les efforts, se traduit inexorablement par
un déficit des structures d'accueil.
Par ailleurs, les restrictions budgétaires rendent les conditions de séjour de
nos compatriotes difficiles, voire dangereuses, comme c'est le cas au consultat
général de France à Abidjan, où les dysfonctionnements dénoncés maintes fois
compromettent la sécurité tant des personnels du poste que des visiteurs.
S'agissant des visas, sujet délicat et douloureux, à qui le ministère doit
d'être cité de temps en temps dans la presse, il existe toujours, dans certains
postes sensibles, des pressions, voire des risques de corruption.
Pour limiter sensiblement les risques, il faudrait - vous en conviendrez -
faire tourner plus souvent le personnel dans les postes, mais pour cela aussi,
l'argent manque.
M. Alain Gournac.
Eh oui !
M. Robert Del Picchia.
En ce qui concerne la réforme de l'agence pour l'enseignement du français à
l'étranger, l'AEFE, je ne vais pas rappeler les ratés et le retard de la mise
en oeuvre de la réforme du statut des personnels enseignants, qui ont provoqué
de nombreuses grèves dans les lycées français à travers le monde. Mais je me
dois de rappeler à nos collègues de métropole qu'à l'étranger l'école publique
française est privée, payante et chère, et que seul un enfant français sur
trois peut fréquenter une école française. Certains n'y vont pas en raison du
choix des parents, certes, mais d'autres, très nombreux, parce que leurs
parents ne peuvent pas faire face aux frais d'écolage des établissements du
réseau AEFE, pour eux exorbitants.
On attend toujours le résultat des négociations entre le ministère des
affaires étrangères et celui de l'éducation nationale sur la possibilité de
partage de la charge financière de l'AEFE.
En attendant ce que l'on ne voit point venir, nous proposons une mesure qui
serait dérisoire pour le budget de l'éducation, lequel - faut-il le rappeler ?
- est de 403 milliards de francs, dix-sept fois supérieur au vôtre, monsieur le
ministre.
Il s'agissait, non pas de faire financer par l'éducation nationale le
fonctionnement du réseau des écoles françaises à l'étranger, car ces écoles
s'adressent aussi aux nationaux des pays d'accueil et à ceux que l'on appelle
les étrangers tiers, leur financement relève donc du domaine des affaires
étrangères,...
M. Alain Gournac.
Eh oui !
M. Robert Del Picchia.
... mais de prendre en charge les enfants boursiers qui ne peuvent pas payer
la scolarité et qui seraient aidés s'ils étaient en France.
Il s'agirait donc d'alléger le budget des affaires étrangères en faisant
financer les bourses scolaires des enfants français nécessiteux par le
ministère de l'éducation nationale.
Cela représenterait un pourcentage ridicule du budget de votre collègue Jack
Lang, puisqu'il serait inférieur à 0,1 %, très précisément de 0,06 %.
Que l'on ne me dise pas qu'il n'y a pas de ligne budgétaire au ministère de
l'éducation nationale pour ce faire ! Il y a, en tout cas, des reliquats qui
dépassent largement ce pourcentage.
Certes, les bourses scolaires ont augmenté, monsieur le ministre, et l'on vous
en remercie, mais on ne peut triompher car elles correspondent à peine aux
augmentations des frais de scolarité. Nous en sommes donc au même point.
Le réseau des Alliances françaises voit aussi diminuer légèrement ses
subventions d'investissement destinées au financement de ses opérations de
rénovation alors que l'on sait que des travaux s'imposent dans bien des cas. Je
ne citerai que l'exemple du siège de l'Alliance française de Tamatave, à
Madagascar, bâtiment centenaire, splendeur du passé, qui se trouve dans un état
de délabrement avancé alors qu'il a été mis gratuitement à la disposition de la
France par une famille du pays en échange de son entretien.
En matière d'audiovisuel extérieur, tout a été dit, ou presque, sur RFI, TV5,
CFI, instruments essentiels de diffusion de la présence et de la culture
française.
En dehors des félicitations que je veux adresser à ses dirigeants, je
rappellerai que le Japon n'est plus couvert par TV5 depuis un an et que l'on
attend toujours une solution qui ne peut venir que d'une coopération avec des
entreprises françaises et - pourquoi pas ? - par le biais d'un partage
d'antenne avec d'autres chaînes.
Les crédits affectés à la sécurité des Français expatriés stagnent à 5,1
millions de francs.
Je voudrais attirer plus particulièrement l'attention sur la situation des
Français du Zimbabwe, peu nombreux, certes, mais victimes depuis près de deux
ans de tracasseries administratives, de menaces, d'intimidations, voire d'actes
de violence contre eux-mêmes. La nouvelle législation oblige tout citoyen du
Zimbabwe détenteur d'une double nationalité à renoncer à l'une d'elle d'ici au
31 décembre. Nos ressortissants craignent que le renoncement à la nationalité
zimbabwéenne ne les expose à l'expropriation. Quant à renoncer à leur
nationalité française sous la pression et la menace, par acte signé devant
l'ambassadeur, outre le choc psychologique que ce serait pour eux, cela leur
ferait perdre tout espoir d'être protégés par l'ambassade.
Abordons un autre domaine.
Depuis des années, les autorités françaises sont alertées sur les difficultés
que rencontrent nos compatriotes à propos des retraites non payées à
l'étranger. Nous sommes intervenus à plusieurs reprises sur ce sujet, monsieur
le ministre, mais la situation n'a pas évolué.
Evoquons le cas des Français qui ont travaillé à Djibouti et cotisé à la
caisse des prestations sociales, devenue en 1997 l'organisme de protection
sociale, OPS, de la République de Djibouti. Alors que la France a une
politique de coopération financière et technique avec Djibouti et l'OPS en
particulier, cet organisme ne remplit pas ses engagements envers nos
ressortissants. La solution qui pourrait s'appliquer, ainsi qu'aux autres pays
concernés, paraît simple : faire pression, mais elle se fait attendre depuis
vingt ans.
Je terminerai par les crédit du Conseil supérieur des Français de l'étranger
le CSFE, qui stagnent à moins de 10 millions de francs.
Au nom des délégués au CSFE toutefois, je vous remercie, monsieur le ministre,
d'avoir voulu entreprendre la réforme de cette assemblée en créant la
commission de la réforme.
Malgré des réticences au sein même de votre ministère - les fonctionnaires
semblent avoir peur de perdre un peu de leur pouvoir au profit des élus au
suffrage universel - vous avez déjà accepté quelques principes de cette
réforme, dont nous avons, avec M. Penne, présenté le rapport intérimaire au
mois de septembre dernier. Il serait bon, monsieur le ministre, de mettre en
oeuvre ces mesures en publiant rapidement les textes nécessaires. Il est
essentiel et urgent de donner aux élus des Français de l'étranger un statut et
des pouvoirs en concordance avec leur mission et leur action réelle sur le
terrain et de pourvoir le conseil des moyens indispensables pour lui permettre
de bien fonctionner. Il y va de la crédibilité de la représentation des
Français à l'étranger et donc de la participation des électeurs. Notre
assemblée y est sensible puisque douze de ses membres sont issus des suffrages
de ces grands électeurs, élus eux-mêmes au suffrage universel, sur le
terrain.
Enfin, je souhaiterais obtenir, si possible, des explications sur ce qui
m'apparaît comme une « mesquinerie budgétaire ».
Pourquoi une subvention du ministère des affaires étrangères à une société
d'assistance à des Français dans le besoin extrême et en grande difficulté
est-elle diminuée de moitié lorsqu'une aide complémentaire est apportée à cette
même société d'assistance au titre de la réserve parlementaire du Sénat, au
motif qu'il s'agit toujours d'argent public ? Précisons que la subvention
demandée était seulement de 50 000 francs.
Monsieur le ministre, chacun sait que l'aide du Sénat n'est attribuée que sur
la base de devis d'engagement de dépense pour une réalisation concrète. Quant à
la subvention du ministère des affaires étrangères, elle est destinée à aider
au fonctionnement de ces sociétés d'assistance. Ce sont deux choses différentes
!
Cela signifie-t-il que le Sénat devrait réfléchir au bien-fondé de son aide
?
Mme Monique Cerisier-ben Guiga,
rapporteur pour avis.
Il faut contrôler l'utilisation des fonds !
M. Robert Del Picchia.
Mais on sait bien que les besoins sont importants et qu'il faut absolument
continuer à aider les Français nécessiteux. Dès lors, tous les financements
sont les bienvenus, qu'il s'agisse de la subvention du ministère des affaires
étrangères ou de l'aide complémentaire apportée par le Sénat.
Tous ces éléments m'amènent à conclure que ce projet de budget, dont on vous
impose les limites, monsieur le ministre, conduit non seulement à une politique
d'économies et de meilleure utilisation des crédits - ce à quoi il n'y aurait
rien à redire - mais aussi à une politique de restriction.
Il est clair que le budget des affaires étrangères n'est pas une priorité du
Gouvernement. Celui qui nous est soumis aujourd'hui ne répond ni aux attentes
légitimes de nos concitoyens ni aux exigences de la présence et de l'influence
françaises à travers le monde, au moment où, face à la mondialisation, notre
pays doit se donner les moyens de tenir sa place, ainsi que la dernière crise
vient brutalement de nous le rappeler.
C'est pourquoi, malgré toute la considération que je porte à votre action de
politique extérieure, monsieur le ministre, j'aurai le regret de voter contre
ce projet de budget.
(Applaudissements sur les travées du RPR.)
M. le président.
La parole est à M. Cantegrit.
M. Jean-Pierre Cantegrit.
Je souhaite vous entretenir, monsieur le ministre, de l'action sociale de
votre ministère.
Je me suis toujours attaché à ce que nos compatriotes résidant à l'étranger
ait un jour une couverture sociale comparable à celle de nos compatriotes de
métropole. Le fonds d'assistance de votre ministère créé en 1977 va donc être
l'objet de mon intervention.
Je constate que les crédits sociaux ne progressent pour 2002 que de 4 millions
de francs, alors que la progression était pour 2001 de 5,4 millions de francs.
L'évolution de ces crédits marque donc le pas.
Lors de la dernière réunion de la commission permanente pour la protection
sociale des Français de l'étranger, où je représente le Sénat, nous avons été
dans l'obligation de réduire le niveau des demandes émises par nos postes
diplomatiques. Vous conviendrez avec moi, monsieur le ministre, que cela n'est
pas satisfaisant. Le fonds d'action sociale de votre ministère doit augmenter
en francs constants et seule cette augmentation régulière permettra de faire
face aux demandes nouvelles que vos postes nous communiqueront.
Certes, nous avons pu - et j'ai oeuvré en ce sens - augmenter les allocations
destinées aux enfants handicapés, mais ceux qui souffrent d'un handicap lourd
sont encore défavorisés par rapport aux handicapés mineurs de métropole.
Au sein du chapitre 46-94, relatif à l'assistance aux Français de l'étranger,
deux lignes budgétaires méritent notre attention.
La première est consituée par la « contribution à la couverture santé des
personnes à faible revenu dans le cadre de la caisse des Français de l'étranger
». D'un montant de 1 million de francs, conformément à ce que prévoit l'article
8 du projet de loi de modernisation sociale, cette ligne apporte un début de
réponse à l'une de mes demandes récurrentes concernant la couverture maladie de
allocataires du fonds d'assistance : la prise en charge d'une partie de leur
cotisation maladie à la caisse des Français de l'étranger. Cet article 8,
amendé, a été voté conforme par l'Assemblée nationale et le Sénat. Nous
n'attendons plus maintenant que l'adoption définitive de la loi, sa
promulgation et la parution des décrets d'application, qui, je l'espère
interviendront dès le début de l'année 2002, afin que cette mesure, dont je ne
peux que me réjouir, soit rapidement mise en oeuvre.
Ce progrès ne doit pas nous cacher que seul un nombre limité de nos
compatriotes pourra bénéficier des nouvelles dispositions : 20 000 Français
expatriés, dit-on, dont la moitié seraient déjà adhérents de la caisse.
Il ne faudrait pas que, une fois ces mesures devenues définitives, la
publicité qui leur sera donnée fasse naître de faux espoirs parmi certains de
nos compatriotes, et nous pensons particulièrement à ceux qui disposent de très
faibles ressources à Madagascar, à Pondichéry ou en d'autres lieux.
Nous devons donc poursuivre nos réflexions concernant les allocataires du
fonds d'assistance de votre ministère, qui, rappelons-le, ne disposent ni des
minima sociaux ni de la couverture maladie universelle qui leur est
attachée.
Vous le voyez, monsieur le ministre, ma demande d'augmentation des crédits de
votre ministère est fondée : ne l'oublions pas, c'est vous qui êtes
l'interlocuteur de nos compatriotes les plus défavorisés, vous qui, pour eux,
représentez la France.
L'autre point que je souhaite évoquer a trait aux crédits de l'emploi et de la
formation professionnelle des Français de l'étranger. En deux ans, ces crédits
ont connu une augmentation importante puisque ceux que vous nous soumettez pour
2002 ont été multipliés par deux par rapport à l'année 2000.
Mme Monique Cerisier-ben Guiga,
rapporteur pour avis.
C'est un transfert de crédits du ministère de
l'emploi et de la solidarité. Il n'y a pas un sou de plus !
M. Jean-Pierre Cantegrit.
Le représentant du Sénat à la commission permanente pour l'emploi et la
formation professionnelle que je suis ne peut que s'en réjouir, car il s'agit
d'un aspect de notre expatriation que nous devons développer afin de permettre
à nos compatriotes soit d'avoir les meilleures chances de trouver ou de
retrouver un emploi à l'étranger, soit de revenir en France dans de bonnes
conditions. Je ne peux donc que vous encourager à poursuivre dans cette
direction.
Je voudrais également évoquer les sociétés françaises de bienfaisance qui
reçoivent des subventions de votre ministère. Ces subventions leur permettent
d'apporter une aide matérielle aux Français expatriés les plus défavorisés :
achat de matériel pour handicapé, achat de vêtements, prise en charge de soins,
frais annexes de scolarité, etc.
Toutefois, de plus en plus souvent ces sociétés elles suppléent à l'incapacité
de nos postes à faire face à l'ensemble des demandes. Amenées à intervenir
fréquemment, elles sont amenées à apporter un complément indispensable aux
aides consulaires, ce qui nécessite un subventionnement plus important.
En ce qui me concerne, j'ai contribué à ce subventionnement des sociétés de
bienfaisance pour l'année 2001 en faisant adopter un certain nombre d'aides au
titre de la réserve parlementaire du Sénat, que vient d'évoquer M. Del Picchia.
Vous me permettrez, monsieur le ministre, d'aborder plus particulièrement ce
sujet.
L'Assemblée nationale comme le Sénat disposent traditionnellement d'une
réserve parlementaire. Vous le savez aussi bien que moi, cette réserve est une
infime partie du budget de la France, et elle permet au président de la
commission des finances et à son rapporteur général, sur demande des
parlementaires, d'apporter un coup de pouce à une cause qui leur semble juste
et qui a échappé aux budgets des grands ministères. Je serais tenté de comparer
cela à ce qui existe dans tous les organismes sociaux, avec les fonds
d'assistance qui aident nos compatriotes dont la requête paraît justifiée.
J'ai eu l'occasion, monsieur le ministre, avec l'aide d'Alain Lambert,
président de la commission des finances, et de Philippe Marini, rapporteur
général, d'apporter ainsi un soutien au fonds d'action sociale de votre
ministère qui avait été insuffisamment doté, à la suite, j'imagine,
d'arbitrages qui ne lui avaient pas été favorables.
J'ai souhaité, au titre du budget pour 2001, répondre à un certain nombre de
demandes de sociétés de bienfaisance, de sociétés d'entraide, d'associations
caritatives, pour nos compatriotes expatriés et répartir ainsi un budget d'un
million de francs.
Je dois vous avouer mon étonnement quant au contrôle
a priori
fait par
tel contrôleur financier de votre ministère ou par tel consul général de pays
destinataire de cette aide, qui entendaient émettre un avis sur le bien-fondé
de la dévolution de ces fonds.
Je vous le dis avec une certaine solennité, il s'agit d'un empiétement du
Gouvernement et du ministère que vous dirigez sur le pouvoir de décision du
Parlement quant à cette très modeste dotation.
Il y a là une atteinte au principe constitutionnel de la séparation des
pouvoirs que je ne peux accepter.
Que votre ministère m'informe que, au vu des renseignements qui lui ont été
communiqués, telle affectation pourrait éventuellement être soumise à
controverse, cela me paraîtrait tout à fait normal dans le cadre des relations
entre votre cabinet, la direction des Français de l'étranger et un sénateur
représentant les Français établis hors de France. Mais que tel consul à
Tananarive, par exemple, tel contrôleur d'Etat ou tel contrôleur financier de
votre ministère se permette, sans concertation préalable, de bloquer
l'affectation de la dotation parlementaire me paraît choquant et contraire, j'y
insiste, à la séparation des pouvoirs.
Il vous appartient, monsieur le ministre, de rappeler à vos services que la
dotation parlementaire échappe au budget de votre ministère, que ce dernier n'a
aucun contrôle sur le choix, le montant et l'affectation des fonds en question,
ce qui n'empêche pas, encore une fois, un échange d'informations qui sera
toujours le bienvenu dans les rapports étroits qui existent entre les sénateurs
des Français de l'étranger et votre ministère.
Pour conclure, monsieur le ministre, sachez que je demeurerai vigilant sur
l'évolution des crédits sociaux de votre ministère, car les 1 900 000 Français
qui vivent à l'étranger méritent toute notre attention, toute notre
considération, et nous avons vis-à-vis d'eux le même devoir de solidarité et de
soutien qu'à l'égard de l'ensemble des Français.
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des
Républicains et Indépendants et du RDSE.)
M. le président.
La parole est à Mme Bidard-Reydet.
Mme Danielle Bidard-Reydet.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les
relations internationales ont, depuis les terribles événements de septembre
2001, connu certaines modifications qui peuvent préfigurer une nouvelle donne
mondiale.
Après le moment de stupeur et la condamnation quasi unanime de ces actes
barbares, on a pu craindre, pendant un temps, une immédiate et foudroyante
riposte militaire des Américains contre l'Afghanistan, dont le gouvernement
protégeait les commanditaires des attentats. Ce scénario gravissime a pu être
évité.
L'explication réside en grande partie dans l'immense activité diplomatique
déployée. Durant plusieurs jours, de nombreuses rencontres bilatérales et
multilatérales ont permis, d'une part, de mieux appréhender la complexité de la
situation et, d'autre part, de s'accorder sur le très large éventail des moyens
complémentaires des moyens militaires à mettre en place.
C'est en effet grâce à des interventions politiques, diplomatiques,
financières, policières, judiciaires, économiques et humanitaires coordonnées
que l'on pourra vraiment éradiquer le terrorisme.
Cela ne peut pas être le fait d'un seul pays, si puissant soit-il, et
nécessite une large coordination de tous les efforts ainsi qu'une coalition
aussi large que possible. De ce point de vue, nous apprécions le renforcement
du rôle de l'ONU. C'est l'une des conséquences positives des événements et nous
souhaitons que cette orientation soit confortée.
La diplomatie française, loin de certaines agitations médiatiques, a été
particulièrement active durant cette période. Chacun s'accorde à reconnaître
l'intensité et la qualité du travail effectué par le ministre des affaires
étrangères de notre pays.
Monsieur le ministre, votre connaissance des dossiers, les liens nombreux et
étroits que vous entretenez dans le monde s'appuient sur un réseau diplomatique
dense et compétent. Nous voulons le préserver et le renforcer. C'est un enjeu
décisif pour que la France continue de jouer un rôle international actif dans
la défense des droits de l'homme, la promotion des processus démocratiques, le
respect de la justice, le renforcement d'un droit international et aussi pour
un développement équilibré et durable permettant de lutter contre les
inégalités, facteurs de pauvreté et de misère. Pour être à la hauteur de tous
ces défis, le budget des affaires étrangères doit encore progresser. Des
efforts sont accomplis depuis quelques années, mais il serait nécessaire de les
accentuer encore.
Dans ce contexte, nous regrettons que les crédits affectés au ministère des
affaires étrangères ne représentent que 1,37 % du budget de l'Etat. Nous sommes
loin du seuil de 1,5 % du budget global qui permettrait à notre pays d'être à
la hauteur de ses ambitions internationales.
Les contributions volontaires, affectées essentiellement aux programmes et aux
fonds des Nations Unies, progressent pour la troisième année consécutive, alors
qu'elles avaient chuté de plus de 67 % entre 1990 et 1998. Néanmoins, dans ce
domaine déterminant pour la lutte contre les inégalités, une trop faible
augmentation - de 1,26 % - ne situe la France qu'au douzième rang mondial.
Notre contribution au programme des Nations Unies pour le développpement, par
exemple, ne représente plus que le tiers de ce qu'elle était en 1993. Si nous
voulons véritablement combattre la pauvreté, il nous faut soutenir ces
programmes de manière significative en leur donnant beaucoup plus de moyens.
L'aide publique au développement représente 0,34 % du PIB. Cette année encore,
nous sommes très loin de l'objectif de 0,7 % du PIB que la France a souscrit à
l'ONU. Là aussi, nous devons dégager davantage de crédits en veillant à ce que
cette aide soit mieux utilisée et profite réellement aux populations dans les
domaines de l'éducation, de la santé, du logement, de l'agroalimentaire et des
services publics.
Depuis longtemps, nous déplorons le profond déséquilibre Nord-Sud. L'an
dernier encore, lors de l'examen de ce budget, nous insistions sur son
aggravation et sur les risques de fracture qu'il représentait. Seattle a été
révélateur de ces profondes inégalités et la conférence de Durban en a confirmé
la profondeur.
Pour éradiquer le terrorisme, il faut nécessairement agir sur ses causes et le
terreau qui l'alimente. Lutter contre la pauvreté suppose la volonté d'établir
un nouvel ordre international qui puisse assurer une plus juste répartition des
richesses. Trop d'êtres humains souffrent de la faim, de la maladie et
subissent les violences et les guerres.
Mais certains efforts sont remarquables. En matière d'allégement de la dette
des pays pauvres très endettés, l'effort de la France est à souligner. De même,
dans la lutte contre le sida, notre pays est au premier rang de l'aide
internationale.
Saluons également l'effort budgétaire en direction des crédits de coopération
culturelle sur lesquels mon amie Hélène Luc interviendra tout à l'heure. Les
nouvelles mesures annoncées, d'un montant de 14,7 millions d'euros, seront
affectées à l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger, aux
établissements culturels et de recherche à l'étranger, aux bourses pour les
étudiants étrangers, à la diffusion de la pensée française et à l'audiovisuel
extérieur.
J'évoquerai brièvement les principaux points de conflits dans le monde.
Concernant l'Afghanistan, nous devons rester très vigilants et attentifs au
seul but que s'est fixé la coalition : l'éradication du terrorisme, de ses
réseaux et de ses moyens financiers sur tous les continents, y compris
européen. Sur ce point, l'annonce du Président George W. Bush au peuple
américain peut susciter certaines inquiétudes quant aux menaces qu'elle fait
peser sur d'autres pays. Il y a là un risque d'extension lourd de conséquences
qu'il nous faudrait éviter.
La conférence qui se tient à Bonn, sous l'égide des Nations unies, est un
moment important dans la recherche d'un dénouement. La seule solution est en
effet politique, avec la constitution d'un gouvernement afghan accepté par
toutes les composantes.
Nous souhaitons également un effort exceptionnel pour apporter l'aide aux
populations civiles victimes depuis trop longtemps de conditions de vie
déplorables. Nous espérons qu'une solution sera bientôt trouvée avec
l'Ouzbékistan afin que le ravitaillement puisse être acheminé le plus
rapidement possible là où les besoins se font le plus sentir.
Enfin, quels que soient les ressentiments légitimes contre les responsables
d'Al-Qaida, nous ne pouvons cautionner l'existence ou la création de tribunaux
militaires d'exception. Les faits reprochés sont suffisamment graves pour être
jugés par des tribunaux compétents.
Pour l'Afrique, nous savons que ce continent connaît une situation très
difficile où la malnutrition sévit régulièrement et massivement. La progression
du sida y est un véritable fléau, puisqu'il touche deux malades sur trois dans
le monde. Il y a là un problème de santé publique grave, tout comme est grave
la très faible scolarisation des enfants africains.
Compte tenu de notre histoire commune, notre pays devrait s'investir davantage
et insister sur le renforcement des actions de l'Union européenne.
Enfin, comment ne pas évoquer une nouvelle fois le drame du Moyen-Orient ? Il
existe un énorme paradoxe entre la clarté des solutions - application des
résolutions de l'ONU, reconnaissance d'un Etat palestinien avec comme capitale
Jérusalem-Est, tout comme est reconnu l'Etat d'Israël avec comme capitale
Jérusalem-Ouest - et la difficulté de les faire appliquer.
Chaque jour, la liste des morts s'allonge. Ne peut-on pas arrêter ce macabre
enchaînement ? Il est grand temps de prendre des mesures visant à faire
respecter les conventions de Genève et à protéger les populations civiles. Le 4
décembre prochain aura lieu à Genève une réunion portant sur ce sujet. Quelles
seront les propositions de notre pays ? Le rôle actif de celui-là est reconnu,
mais nous devons persévérer pour contribuer à mettre rapidement fin à ce
conflit.
Compte tenu de tous ces éléments et de l'importance de notre influence
internationale, le groupe communiste républicain et citoyen votera votre budget
en renouvelant toutefois son désir de le voir progresser.
(Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen,
ainsi que sur les travées socialistes.)
M. le président.
La parole est à Mme Cerisier-ben Guiga.
Mme Monique Cerisier-ben Guiga.
Monsieur le ministre, évidemment, je voterai le budget que vous présentez à
l'approbation du Sénat, non que ce budget apporte de grandes satisfactions aux
parlementaires qui sont attentifs au fonctionnement de votre ministère. Vos
services continuent à souffrir d'une pénurie d'agents et de crédits
préjudiciable à l'accomplissement de leur mission.
Toutefois, nous constatons que vous avez su donner un coup d'arrêt à la
dégradation des années 1993-1997. La saignée infligée à ce ministère par le
plan Juppé a pris fin. C'est positif, et cela doit être salué.
Cela dit, je reprendrai les quelques points qui nous préoccupent tous. Nous
nous inquiétons de la poursuite de la coopération française au développement.
Je ne reviendrai pas sur les excellents propos de MM. Jacques Pelletier et
Michel Charasse, il y a réellement une très grande inquiétude parmi nous.
La baisse générale de l'aide publique française au développement n'est pas
acceptable, elle n'est pas conforme à la tradition de notre pays. Notre aide
bilatérale au développement devrait être coordonnée à l'aide européenne, mais
ne pas lui être sacrifiée par un trop grand transfert budgétaire.
Par ailleurs, je m'élève contre la mise à l'écart, sous prétexte de limitation
du temps de séjour, des assistants techniques, qui nous manqueront cruellement
dans quelques années quand nous aurons redécouvert les mérites de l'aide-projet
bilatérale.
Je crois qu'il faut très vite mettre fin à une mode actuelle néfaste pour
revenir à la coopération bilatérale, à l'aide-projet au développement.
MM. Yves Dauge et Jacques Pelletier.
Très bien !
Mme Monique Cerisier-ben Guiga.
Enfin, monsieur le ministre, le Parlement est unanime pour défendre les
crédits d'APD. A cette fin, nous ne manquerons pas de nous saisir du nouveau
pouvoir que nous confère la loi organique du 1er août 2001. Malheureusement,
celle-ci n'entrera en application, réellement et complètement qu'en 2006.
En attendant, les crédits de l'aide publique au développement ne
pourraient-ils, par anticipation et à titre d'exemple, être présentés, dès le
projet de loi de finances 2003, comme « missions » et « programmes », tels
qu'ils sont définis par la réforme de l'ordonnance de 1959 ?
Je voudrais maintenant vous parler des consulats. Je suis lasse d'entendre
poser avec insistance la question : la France entretient-elle trop de services
consulaires au bénéfice des Français expatriés temporaires et émigrés ?
Dans cette interrogation, je regrette d'avoir à déceler une méconnaissance de
ce qui fait l'essence de la conception de la nation française et une véritable
incapacité à situer l'émigration dans la nation.
Oui, la France rend plus de services à ses expatriés et émigrés que son voisin
d'outre-Rhin.
Mais 250 ans après l'installation de ses ancêtres au bord de la Volga, un
Russe d'origine allemande dont la famille et lui-même ont perdu toute relation
avec l'Allemagne redevient allemand du jour au lendemain pour peu qu'il en
fasse la demande. Le droit du sang suffit à maintenir le lien entre l'émigré et
la patrie.
Il n'en est absolument pas de même pour les Français. Reste Français à
l'étranger celui qui en garde la possession d'état, c'est-à-dire celui qui est
immatriculé au consulat, qui y enregistre les événements d'état civil de sa
famille, qui participe à la vie de la communauté française, qui vote... Après
cinquante ans de perte de cette possession d'état, le Français cesse de l'être
en vertu de l'article 23-6 du code civil.
Si nous ne voulons plus de consulats, il faut donc changer le code civil !
Etre Français à l'étranger, et le rester lorsqu'on émigre - pas lorsqu'on
s'expatrie -, c'est vouloir faire partie de la nation au sens du « plébiscite
de tous les jours » de Renan. C'est le manifester par sa vie administrative,
civique, culturelle. Voilà pourquoi il est si important que la continuité du
service public soit assurée par les consulats.
M. Aymeri de Montesquiou.
Pas dans l'Union européenne ?
Mme Monique Cerisier-ben Guiga.
Dans l'Union européenne, c'est un autre problème. Faire des économies
aujourd'hui en pensant à une harmonisation qui aura lieu dans trente ans est un
mauvais calcul !
Aujourd'hui, en pratique, après la saignée du plan Juppé, la majorité des
consulats ne peuvent malheureusement plus remplir correctement leurs
fonctions.
En Afrique, la moitié de l'effectif et les trois quarts de l'énergie et du
temps des consuls sont absorbés par les services des visas.
Ainsi, à Bamako, les immatriculés sont passés, au cours des cinq dernières
années, de 3 200 à près de 5 000, les visas délivrés de 7 200 à près de 20 000.
Tous les indices d'activité du consulat ont explosé et il y a moins de
personnel qu'au début des années quatre-vingt-dix.
M. Jacques Chaumont,
rapporteur spécial.
C'est vrai !
Mme Monique Cerisier-ben Guiga.
Dans les pays développés où s'installent la majorité des Français, ni le
nombre d'agents ni les équipements ne permettent de faire face à l'afflux du
public. Le consulat de France à New York a fait face à la catastrophe du 11
septembre grâce au dévouement de tous, agents et volontaires, que je tiens à
saluer ici. Mais avec quels moyens ? Un standard téléphonique désuet et
seulement quelques ordinateurs reliés à Internet.
M. Jacques Chaumont,
rapporteur spécial.
Ils ont bien travaillé, c'est vrai !
Mme Monique Cerisier-ben Guiga.
Quelles mesures envisagez-vous de prendre, monsieur le ministre, pour que
soient rendus aux consulats les moyens de fonctionner normalement ?
Quelles mesures pourriez-vous prendre pour éviter que trop de Français,
inscrits sur les listes électorales des centres de vote à l'étranger, ne soient
contraints à l'abstention lors de la prochaine élection présidentielle ? A
cette fin, des centres de vote pourraient-ils enfin être ouverts dans les
villes privées de consulats ?
Monsieur le ministre, je constate avec tristesse et déception que pas une
mesure nouvelle, pas une création de postes de travailleur social ne permettra
de mettre en oeuvre mes propositions de lutte contre l'exclusion sociale dans
les communautés françaises à l'étranger. Le stade expérimental, je le crains,
est destiné à durer.
Mais je me réjouis de voir inscrite au chapitre 46-94 la nouvelle ligne 16 «
Contribution à la couverture santé des personnes à faible revenu dans le cadre
de la Caisse des Français à l'étranger. » C'est une revendication ancienne de
la gauche française à l'étranger. C'est la gauche qui l'a satisfaite.
Monsieur le ministre, j'en remercie le Gouvernement mais il ne faut pas qu'au
retard législatif s'ajoutent des retards administratifs.
Enfin, monsieur le ministre, de premières mesures ont été prises pour
améliorer la situation pécuniaire des recrutés locaux et nous en prenons acte.
Mais le Parlement attend toujours le rapport prévu par la loi d'avril 2000, qui
aurait dû nous être remis en avril dernier. Quand l'aurons-nous ?
Nous souhaitons que ce rapport serve de base à une revalorisation statutaire
et financière de ces milliers d'agents sans le travail et le dévouement
desquels plus aucun service de l'Etat français ne fonctionnerait aujourd'hui à
l'étranger.
Enfin, je dirai que la vraie raison pour laquelle je voterai ce budget, en
dépit de toutes les réserves que je viens d'exprimer, c'est que vous menez,
monsieur le ministre, une action diplomatique qui sert brillamment les intérêts
de notre pays, qui lui fait honneur et que je souhaite ainsi vous apporter mon
soutien.
(Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur celles
du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président.
La parole est à M. Aymeri de Montesquiou.
M. Aymeri de Montesquiou.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, à structures
constantes, les crédits consacrés cette année au budget des affaires étrangères
pour des dépenses ordinaires sont légèrement inférieurs à ceux qui sont prévus
pour les anciens combattants. Ceux qui ont défendu notre pays et subi des
blessures conduisant jusqu'à l'invalidité, ceux qui se sont battus par amour de
la patrie méritent bien évidemment notre respect, notre considération et notre
reconnaissance. Quoi qu'il en soit, ces chiffres sont symboliques.
Monsieur le ministre, lors du colloque au Sénat intitulé « La Diplomatie
parlementaire », vous aviez récusé l'apposition de ces deux termes, considérant
qu'il ne pouvait exister de diplomatie qu'au niveau de l'Etat.
Nous en avons pris acte : les assemblées parlementaires, et les collectivités
locales, de tous niveaux d'ailleurs, travaillent à leur échelle au rayonnement
de la France, mais toujours dans le cadre des conventions interétatiques.
Toutefois, les crédits accordés à la coopération décentralisée sont tout à
fait insuffisants. Les quelque 914 000 euros ne sont pas à la hauteur des
espérances qu'ont fait naître les journées de la coopération décentralisée qui
viennent de se dérouler.
L'Etat conserve le monopole de la diplomatie, chacun peut l'entendre ainsi,
car la politique étrangère est, par excellence, un pouvoir régalien. Mais il
doit s'en donner les moyens budgétaires. Ce n'est pas le cas, je suis donc très
inquiet pour notre action extérieure. On a compris en effet que les affaires
étrangères n'entrent pas - hélas ! - dans les cinq priorités définies par le
Gouvernement pour le budget de cette année.
Face à la mondialisation et avec un budget national beaucoup trop insuffisant,
faut-il que la France confie sa politique étrangère à l'Europe ? C'est un choix
qui pourra peut-être se justifier dans le futur mais qui, aujourd'hui, serait
ressenti comme un renoncement.
Votre budget est tellement tendu qu'il ne peut réagir à l'actualité. Même en
situation exceptionnelle, comme aujourd'hui, il ne peut s'adapter au nouveau
contexte international issu des attentats du 11 septembre, il ne peut marquer
la moindre inflexion. Quel niveau de danger faudra-t-il atteindre pour que les
répercussions budgétaires soient visibles ?
Je citerai un exemple. La sécurité des Français de l'étanger devrait nous
préoccuper un peu plus après ces événements. Or non seulement ces crédits n'ont
pas progressé, mais ils ont diminué de moitié en trois ans.
La France doit prendre réellement les moyens de sa politique étrangère ou
d'autres acteurs vont progressivement nous supplanter, je pense en particulier
au Royaume-Uni et, surtout, à l'Allemagne fédérale, en raison de sa situation
géographique, de son influence culturelle en Europe centrale et de sa puissance
économique. Cette situation aurait des conséquences lourdes sur nos intérêts
majeurs.
Elargissons notre horizon et considérons les points sensibles du globe. Nos
positions en Afrique se sont affaiblies. Au Moyen-Orient, malgré des idées
françaises justes et connues et des financements communautaires importants, les
Etats-Unis sont les seuls à peser réellement, avec les risques que l'on connaît
pour le futur de la région. En Asie centrale, dans laquelle j'inclurai l'Iran,
notre présence est largement insuffisante pour une région qui apparaît à tous,
de toute évidence, comme stratégique.
Aucun poste nouveau n'a été créé. Ainsi, il n'y a toujours pas d'attaché
militaire au Kazakhstan, poste qui existait il y a quatre ans et qui a été
supprimé malgré la montée en puissance de ce pays. En Extrême-Orient, notre
poids politique n'est guère plus important que notre poids économique,
c'est-à-dire modeste.
Replongeons-nous dans l'actualité. En Afghanistan, tout concourait à donner à
la France la possibilité d'illuster son savoir-faire.
Historiquement, la France a une bonne connaissance de ce pays. Son implication
fut parmi les plus importantes. Je citerai, entre autres, les fouilles
archéologiques qu'elle y a entreprises depuis 1922 et, surtout, le lycée
français de Kaboul, qui a formé une grande partie de l'élite afghane, dont le
commandant Massoud.
Vous avez reçu cet homme exceptionnel. Je suis convaincu qu'entre les talibans
et lui, entre l'obscurantisme et la quête de la démocratie, vous n'aviez pas
l'ombre d'une hésitation. En quoi vos préférences personnelles évidentes et
justes se sont-elles traduites dans la politique française ?
Quelles décisions ont été prises ? Vous avez certes récusé le terme de «
neutralité active » pour qualifier notre politique, mais quel a été
l'engagement de la France en dehors de l'aide humanitaire ? Où sont les
décisions politiques fondées sur le respect des droits de l'homme ? Quelles
initiatives ont été prises ?
En Europe même, d'autres pays ont réagi plus vite. Ainsi, dès le mois de
juillet, la Grande-Bretagne, avec la conférence de Londres, réunissait
quatre-vingts délégués de la diaspora afghane venus de quinze pays.
L'Allemagne, quant à elle, accueille aujourd'hui à Bonn, et accueillera, le 5
décembre à Berlin, ceux qui conduiront l'Afghanistan demain.
J'ai lu que le soixante-dix-huitième sommet franco-allemand, qui s'est tenu à
Nantes, a notamment permis aux deux pays de se mettre d'accord sur la question
de l'Afghanistan. Mais quel en est le bénéfice politique et économique pour la
France ?
Aujourd'hui, c'est également le temps de la reconstruction. Il semblerait à
cet égard que les Etats-Unis veuillent se partager ce domaine avec le Japon. Où
est la France dans tout cela ? Nos entreprises seront-elles concernées ? Que
notre efficacité diplomatique rejoigne l'intérêt de nos entreprises nationales
! Peut-être l'agence de reconstruction Afghanistan Renouveau, dont la création
par la diaspora francophone a été annoncée hier à Paris, sera-t-elle un relais
efficace pour notre pays.
Monsieur le ministre, avouez qu'il y a de quoi être déçu et, je l'avoue, un
peu amer devant ce qui apparaît comme un gâchis. Et je n'aborderai pas ici la
question du blocage des troupes françaises en Ouzbékistan.
La France a encore une chance de faire entendre sa voix, politiquement et
économiquement.
Il faut cependant rappeler qu'avant de financer sa participation à la force
multinationale dont le Conseil de sécurité a décidé l'envoi, notre pays est
déjà débiteur de près de 1 milliard de francs sur les opérations en cours.
A votre arrivée au ministère, vous aviez annoncé une « politique de reconquête
». Il n'apparaît pas que vous ayez convaincu le Premier ministre ou Bercy de
donner au Quai d'Orsay les moyens budgétaires qu'il mérite et dont il a besoin.
Pour ce budget, toutes les demandes de postes vous ont été refusées. Pis : les
effectifs diminuent de cinq postes alors que, depuis dix ans, votre ministère a
déjà rendu près de 9 % de ses effectifs !
Fixer dix objectifs pour le ministère est une chose, s'en donner les moyens
peut seul les concrétiser.
Je regrette que la qualité de la diplomatie française, votre expérience
internationale et la notoriété dont vous jouissez auprès de vos homologues ne
puissent pas être mieux entendues, faute de moyens.
Parce que vous aviez fait naître de grands espoirs, la déception est d'autant
plus forte. Pour la première fois depuis trois ans, déçu par la faiblesse de ce
budget, surtout dans le contexte mondial actuel, je voterai contre.
(Applaudissements sur les travées du RDSE, du RPR, de l'Union centriste, des
Républicains et Indépendants.)
M. le président.
La parole est à M. Demuynck.
M. Christian Demuynck.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, lorsque nous
aurons à nous prononcer définitivement sur le projet de loi de finances pour
2002, le 11 décembre prochain, cela fera exactement trois mois que les
événements tragiques de New York et de Washington auront contribué à changer
notre vision du monde et des relations internationales.
Que pourrait-on dire de plus sur l'horreur terroriste et sur les réseaux
fanatiques qui, à travers le monde, piétinent les fondements d'une religion
pour en faire l'instrument de leur haine contre les valeurs de l'Occident ?
Pourtant, en tant que législateurs et en tant que citoyens d'un Etat promoteur
des principes essentiels de la démocratie et de la liberté, nous ne pouvons
faire abstraction de ces circonstances particulières à l'occasion de notre
discussion sur le projet de loi de finances du ministère des affaires
étrangères.
Il s'agit non seulement d'évaluer les besoins budgétaires d'une administration
insuffisamment dotée, mais également de contribuer à définir les objectifs et
les moyens de la France dans ses relations avec les différentes parties
géographiques et économiques du monde.
Depuis le début de cette discussion budgétaire, l'ensemble des intervenants, y
compris certains collègues de l'Assemblée nationale, ont insisté avec un
certain fatalisme sur l'enrayement de la baisse de l'aide française. Les
chiffres se sont stabilisés à un niveau inférieur à l'objectif de 0,7 % du PIB.
De même, on a noté l'accroissement des dotations pour les centres culturels à
l'étranger, alors que la forte diminution de 13 % du titre IV entraînera des
difficultés de trésorerie pour l'Agence française de développement.
Je voudrais donc poser deux questions. Devrions-nous nous résigner, avec le
sourire, à voir limiter notre capacité d'intervention et de projection
économiques, industrielles, culturelles et humaines, tandis que les derniers
événements politiques accréditent l'idée qu'un pays sans visibilité et sans
présence extérieure est un pays marginalisé ?
Les moyens budgétaires qui sont proposés à notre approbation sont-ils à la
hauteur des ambitions de notre pays sur la scène internationale ? Ne nous y
trompons pas. Au moment où nous traversons une période de fort ralentissement
économique et que les économies de certains de nos principaux partenaires
entrent en récession, doter la France d'une politique de coopération dynamique
auprès des 61 pays de la zone de solidarité prioritaire, mais également auprès
de nouvelles zones géographiques jusqu'alors délaissées, telles que les pays de
l'Europe centrale et orientale, c'est poser des jalons pour l'implantation et
le développement futur des entreprises françaises.
A cet égard, les 151 centres culturels implantés dans 91 pays et le réseau de
1 135 alliances françaises présentes dans 138 pays, les programmes de
recherches scientifiques au titre de la coopération internationale ou les
partenariats linguistiques et universitaires dans le cadre d'EduFrance, doivent
être perçus comme des instruments multiformes à moyen et à long terme, comme
une arme de première frappe au service de l'économie française, dans le
contexte hyper-compétitif de la mondialisation et pas seulement comme une forme
de compensation maladroite des excès de la période coloniale.
Plusieurs de nos partenaires ont intégré cette dimension de l'économie
libérale, même si leur histoire et leurs traditions nationales les y
prédisposaient moins que nous. L'Italie et les Pays-Bas sont aujourd'hui de
plus gros contributeurs au système de l'Organisation des Nations unies que la
France, qui versera 48,8 millions d'euros en 2002, alors qu'elle en versait
99,5 millions en 1992. Cette contribution situe la France au douzième rang
mondial, ce qui n'est pas à la hauteur du statut qu'elle prétend maintenir.
Comment maintenir nos objectifs politiques, économiques et culturels, alors
que les crédits dévolus à l'aide au développement, comme l'a montré le rapport
de notre collègue Mme Paulette Brisepierre, vont enregistrer une nouvelle
réduction de 2 % et que la coopération militaire va subir une réduction de 5,6
% ?
Nous nous devons de prendre la mesure des conséquences de ce type d'évolution
sur l'image de la France auprès de nos partenaires. Certains d'entre eux,
jusqu'alors relativement effacés de la scène internationale s'affirment comme
de nouveaux interlocuteurs clés entre les grandes puissances. A cet égard, la
tenue à Bonn du sommet inter-Afghans est un signe de l'émergence de notre
puissant voisin, comme un nouveau visage de l'Union européenne vers
l'extérieur.
Allons-nous, par manque de clairvoyance sur les enjeux réels d'une politique
de coopération ambitieuse, courir le risque de voir s'éroder l'image de la
France, y compris dans ses zones d'influence traditionnelle ? Allons-nous nous
priver des moyens nécessaires à la poursuite de nos actions au risque de
discréditer notre politique et d'affaiblir notre influence, notamment en
Afrique subsaharienne et en Asie du Sud-Est ? Où est la cohérence de cette
politique de coopération que le Gouvernement nous propose ?
Il est plus qu'évident désormais que la dispersion des crédits entre plusieurs
ministères constitue le premier obstacle à la visibilité de notre politique de
coopération, y compris aux yeux de nos concitoyens. La coopération ne relève
pas exclusivement de l'Etat, elle implique également les collectivités locales,
les associations, les entreprises et les organisations non gouvernementales,
ces dernières étant amenées à jouer un rôle de plus en plus important dans le
traitement de l'aide internationale.
Désormais, seule l'aide bilatérale relève du ministère de la coopération, en
partenariat avec les ministères des affaires étrangères, de l'économie et des
finances et de l'Agence française de développement. Les aides multilatérales
sont cogérées par une multitude d'institutions : des institutions locales,
comme la Banque régionale de développement, des institutions internationales,
comme la Banque mondiale ou l'Union européenne, des institutions civiles,
enfin, comme les entreprises et les syndicats.
Comment envisager une visibilité des actions entreprises par la France, sinon
en renforçant les moyens du ministère de la coopération et en définissant plus
clairement la nature de ses missions ?
Enfin, puisque c'est bien de transparence qu'il s'agit ici, je souhaite
attirer l'attention du Parlement sur les contradictions persistantes entre les
principes de la défense des droits de l'homme, que la France entend promouvoir
et défendre, et la réalité de certains faits inhérents à la politique de
coopération.
En effet, si notre contribution à l'allégement de la dette des quarante pays
les plus surendettés, notamment par le biais des contrats de développement et
de désendettement, connaît un succès relatif, si la lutte contre le sida
constitue un effort unanimement reconnu, en ce qui concerne l'aide bilatérale à
laquelle le ministère de la coopération est pleinement associé, on comprend
mal, en revanche, les motivations qui poussent le Gouvernement à soutenir des
régimes dont le caractère autoritaire est avéré.
A titre d'exemple, le Tchad conserve toujours sa place parmi les pays dits «
du champ ». Pourtant la réélection du président Idriss Déby a été marquée par
une fraude massive. Des situations comparables se rencontrent actuellement en
Guinée ou en République centrafricaine. J'ai personnellement été amené à
observer la gabegie des réglements de comptes politiques et des abus de biens
sociaux qui déchirent les dirigeants de Madagascar. Il ne paraît pas
envisageable que notre politique d'aide au développement à l'égard de cet Etat,
telle qu'elle est aujourd'hui définie, permette l'avènement d'un état de droit
démocratique.
Comment justifier de la poursuite de relations ténues avec les pays dont les
gouvernements ne respectent pas les droits de l'homme ?
Pour prétendre conserver son rang de puissance diplomatique, la France
n'échappera pas à une évaluation approfondie non seulement des destinataires de
ces aides au développement, mais également des effets concrets de ces
subventions sur les politiques menées. Pourtant, le projet de loi de finances
pour 2002, que le Gouvernement nous invite à entériner et dont certains députés
socialistes ont pu dire qu'il était très mauvais, mais que c'est le moins
mauvais depuis dix ans, n'offre pas toutes les perspectives d'évolution que le
Parlement était en droit d'attendre.
Plusieurs problèmes demeurent : l'érosion constante de l'assistance technique,
les interventions intempestives du ministère de l'économie et des finances dans
la définition des orientations de la politique de coopération - notamment à
l'égard des crédits du FED - la progression de 2,8 % des moyens de
fonctionnement - qui représentent aujourd'hui 41,2 % du budget - et, enfin, la
perte de vitesse de l'enseignement du français à l'étranger - qui est pourtant
la clé de voûte des relations futures avec nos différents partenaires et qui
représente l'indice de l'influence de notre culture hors de France.
Tous ces points illustrent les incohérences et l'opacité de la coopération
française, et risquent de peser très lourdement dans la définition d'une
politique étrangère globale de la France, non seulement politique et
diplomatique, mais également économique et culturelle. Le Gouvernement et le
ministère de la coopération, en coordination avec le Parlement, doivent
travailler à définir une nouvelle politique plus claire pour nos concitoyens et
nos partenaires.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et
de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Hoeffel.
M. Daniel Hoeffel.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, mon
intervention portera sur les relations franco-allemandes, d'une part, et sur le
Conseil de l'Europe, d'autre part.
Monsieur le ministre, je sais que les préoccupations prioritaires se situent
actuellement ailleurs. Sur ce plan, nous devons saluer vos efforts et vous
méritez nos encouragements.
Mme Hélène Luc.
Très bien !
M. Daniel Hoeffel.
Nous n'avons pas d'alternative à l'entente franco-allemande, sans laquelle il
n'y a pas de poursuite concevable de la construction européenne. A cet égard,
il y a des signes positifs.
Ainsi, lors du 78e sommet franco-allemand, le rappel de l'engagement
concernant la construction des avions européens de transport militaire et
l'affirmation d'honorer les commandes signées avant la fin de l'année sont des
signes de bonne volonté qui vont dans la bonne direction. Cela pourrait être de
bon augure pour la préparation de la Conférence intergouvernementale de 2004,
pour laquelle l'Allemagne et la France, et c'est votre volonté, doivent avoir
un projet commun susceptible d'entraîner les autres partenaires européens.
Mais la capacité de coopération entre nos deux pays dépend aussi et surtout
d'une collaboration plus intense au niveau de l'éducation et de la culture. Si
nous ne mettons pas en place une telle politique, nous allons être confrontés à
une indifférence partagée, avec des conséquences regrettables sur tous les
plans.
Cela nécessite d'abord une présence culturelle française forte en Allemagne.
Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, le Gouvernement français a mis en
place un réseau culturel français en Allemagne, afin de diffuser la langue et
la culture françaises.
Aujourd'hui, la réorganisation des instituts français en Allemagne laisse
craindre que l'environnement culturel ne soit progressivement laissé à
l'abandon et que les fondements du développement de l'enseignement de la langue
française ne soient affaiblis.
Je ne méconnais pas les contraintes budgétaires qui existent à ce propos,
mais, après la fermeture d'un réseau de consultats et compte tenu de la
fermeture des instituts français, faut-il que ces contraintes se concrétisent
au détriment de certaines relations prioritaires ?
Les instituts culturels de Karlsruhe et de Fribourg, qui étaient des vitrines
de l'intégration et surtout des acteurs de la coopération transfrontalière,
sont concernés par cette restructuration qui aboutit à un désengagement de
l'Etat au profit des collectivités territoriales.
Côté allemand, la récente décision du Land de Rhénanie-Palatinat de mettre un
terme à la diffusion des chaînes françaises TF1, France 2 et France 3 sur le
câble, et l'effacement de France 2 et de France 3 en Bade-Wurtemberg entraînent
une restriction sensible de la diffusion de la langue et de la culture auprès
du grand public.
M. Guy Penne.
C'est vrai !
M. Daniel Hoeffel.
De son côté, la situation et l'action de l'Office franco-allemand pour la
jeunesse, l'OFAJ, suscite également des questions : le budget de cet office,
qui soutient, planifié, évalue, incite, approfondit les relations entre les
jeunes générations, provient principalement de subventions gouvernementales
réparties sur une base paritaire. En 1999, la décision a été prise de majorer
ce budget à partir de deux millions de francs par an pendant trois ans. En
raison d'une divergence d'interprétation, cette majoration ne s'est élevée qu'à
hauteur de un million de francs, ce qui ne correspond pas aux besoins de cet
office. De plus, grâce à son site internet, l'OFAJ doit s'ouvrir au grand
public en permettant aux jeunes d'avoir un accès direct à titre individuel.
Encore faut-il aussi que l'OFAJ utilise les fonds conformément à sa
vocation.
C'est surtout la coopération dans le domaine linguistique qui devra constituer
une priorité. L'apprentissage de la langue du voisin est en effet une marque de
confiance en l'avenir de la coopération.
M. Xavier de Villepin,
président de la commission des affaires étrangères.
Très bien !
M. Daniel Hoeffel.
Elle démontre la volonté de coopérer avec les pays européens.
Les déclarations d'intention à cet égard sont nécessaires, mais encore faut-il
qu'elles soient suivies d'effets.
A ce propos, quelles seront les répercussions des décisions prises lors de la
rencontre du 14 mai 2001 à Mayence ? En 2000, en France, moins de 10 %
seulement des élèves choisissaient l'allemand comme première langue étrangère
et entre 15 % et 16 % d'entre eux la choisissaient comme deuxième langue.
L'érosion de l'apprentissage de l'allemand se poursuit donc de manière
inquiétante, accusant une régression de plus de 50 % en l'espace de vingt ans.
On compare des résultats similaires du côté allemand. Or la connaissance de la
langue du premier partenaire économique est une chance et un élément
fondamental. Elle ne peut qu'étayer le développement des relations économiques,
culturelles, éducatives et politiques.
M. Xavier de Villepin,
président de la commission des affaires étrangères.
C'est vrai !
M. Daniel Hoeffel.
Dans ce contexte, monsieur le ministre, j'appelle en particulier votre
attention, sur la situation du lycée franco-allemand de Buc.
La convention franco-allemande de 1972 concernant les lycées franco-allemands
était, à l'époque, l'aboutissement d'efforts communs découlant du traité de
l'Elysée. Force est de constater aujourd'hui que la situation des lycées
franco-allemands de Sarrebruck et de Fribourg est exemplaire, mais que celle du
lycée de Buc n'est pas comparable.
Alors que les enseignements qui y sont dispensés et l'équipe administrative
sont unanimement reconnus pour leurs qualités, l'Etat ne met pas à la
disposition de ce lycée les moyens nécessaires à l'équipement et au
fonctionnement. Or il n'appartient pas aux parents d'élèves, comme c'est
actuellement le cas, de se substituer à l'Etat pour soutenir ce lycée
prestigieux et unique.
C'est un symbole, parmi d'autres, qui témoigne de notre volonté ou de notre
absence de volonté de poursuivre une coopération éducative et culturelle
pourtant indispensable dans les relations franco-allemandes, pilier - faut-il
une fois de plus le rappeler ? - de la construction européenne.
Ma dernière remarque porte sur le Conseil de l'Europe, une institution trop
souvent méconnue, en particulier en France.
M. Jacques Legendre,
rapporteur pour avis.
C'est vrai !
M. Daniel Hoeffel.
Appréciée et respectée par nombre de nos partenaires, cette institution mérite
un soutien plus concret de la part de la France.
Faut-il rappeler son rôle ?
En premier lieu, c'est la seule institution purement européenne qui rassemble
tous les pays d'Europe occidentale, d'Europe centrale et d'Europe de l'Est.
C'est un point de rencontre irremplaçable entre Européens de l'Est et Européens
de l'Ouest.
En second lieu, c'est une école de la démocratie pour nos partenaires entrés
récemment en Europe, et c'est une école d'initiation et de préparation à
l'entrée future dans l'Union européenne.
Enfin, le Conseil de l'Europe, c'est aussi l'institution qui incarne, mieux
que toute autre, la défense des droits de l'homme, et la Cour européenne des
droits de l'homme, qui siège à Strasbourg, est, à cet égard, de plus en plus
sollicitée.
Monsieur le ministre, je lance un appel au Gouvernement pour que le Conseil de
l'Europe bénéficie, de la part de la France, de la considération, de l'appui et
du soutien qu'il mérite. Notre attitude positive à son égard est aussi, au-delà
de cette institution, une marque de considération pour tous les pays d'Europe
centrale et d'Europe de l'Est pour qui, souvent, sur ce plan, la France reste
un phare.
(Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'Union
centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président.
La parole est à Mme Luc.
Mme Hélène Luc.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous
abordons aujourd'hui la discussion des crédits consacrés à la coopération dans
une situation internationale qui nous préoccupe tous. Comment ne pas penser aux
terribles événements du 11 septembre 2001 aux Etats-Unis ?
L'urgence est à la prise d'initiatives pour sortir de cette crise majeure
ouverte par les attentats terroristes les plus monstrueux et les plus
dévastateurs de l'histoire. Il s'agit de mettre les commanditaires de ces
crimes hors d'état de nuire, comme il faut s'attaquer résolument aux terreaux
qui les nourrissent et éliminer les tensions dans le monde.
C'est pourquoi les membres de notre groupe participent à toutes les
mobilisations qui permettent d'éradiquer le terrorisme et de faire cesser les
bombardements afin d'éviter la mort de la population civile afghane.
Mais il est tout aussi impératif de satisfaire à l'exigence d'une réponse
politique à plus long terme. Notre seul avenir à tous, c'est bien de travailler
à l'élimination des frustrations et des humiliations.
Monsieur le ministre, notre action doit porter sur les injustices et les
inégalités qui caractérisent tant notre belle planète. Cet ennemi mondial prend
la forme de la pauvreté et de l'exclusion. Cela implique de mettre en cause les
règles libérales, de construire des partenariats véritables pour le
développement et de favoriser partout la croissance et l'efficacité sociale.
Dans le domaine de la santé, il est impossible d'accepter l'intolérable. Le
paludisme est la première cause de mortalité dans le monde, avec trois cents
millions de cas ; deux millions de personnes meurent chaque année du sida, et
ce chiffre ne prend pas en compte les personnes porteuses du virus VIH et qui
décèdent des suites d'une autre maladie souvent bénigne pour une personne qui
n'est pas infectée. Le rapport de l'ONU, déposé hier soir, dresse un bilan
désastreux de cette épidémie, qui s'étend non pas seulement à l'Afrique, mais
également à l'Asie.
Combien de personnes pourraient être sauvées si elles avaient à leur
disposition des moyens en matériels, en médecins et en personnels pour la
prévention, mais aussi les médicaments nécessaires.
A Doha, lors de la conférence de l'Organisation mondiale du commerce, l'OMC,
une ouverture intéressante a été imposée à laquelle la France a participé. Les
pays pauvres pourront produire les médicaments sans passer par la protection
des brevets pour les diverses pandémies comme le sida ou la malaria.
A l'inverse, la conférence de l'OMC annonce une évolution négative, car elle
étend encore la déréglementation à de nouvelles activités humaines comme la
santé, l'environnement et l'éducation.
Les acquis sur la culture ont déjà commencé à être remis en cause puisque
dix-sept pays riches se sont prononcés pour considérer à nouveau la culture
comme une marchandise. Nous lançons un appel à tous pour éviter que cette
mesure ne soit adoptée dans deux ans.
En matière d'éducation et de culture, la France a également un rôle important
à jouer. Mme Cerisier-ben Guiga a exposé toute l'importance de RFI et de
l'exportation de la télévision. Lutter contre les inégalités et la pauvreté,
c'est aussi combattre l'ignorance. Combattre l'ignorance, c'est également
oeuvrer pour un monde où l'incompréhension et l'intolérance n'auraient plus
leur place. La résorption de l'analphabétisme doit être l'une des premières
mesures prises. Pour cela, l'accès libre aux écoles et sourtout la gratuité de
celles-ci sont des éléments essentiels.
Je veux également vous dire, monsieur le ministre, toute l'importance que nous
attachons aux échanges d'étudiants, souvent trop difficiles à réaliser - j'en
ai un exemple à Paris XII, dans le Val-de-Marne - aux concertations de toutes
sortes par le biais des universités, du CNRS, à l'effort important de
l'apprentissage du français à l'étranger, à la réouverture du lycée français
d'Alger.
Aussi, je fais une proposition aussi symbolique qu'efficace pour montrer notre
attachement à l'enseignement de notre langue à l'étranger et rendre hommage non
seulement à la lutte des femmes afghanes, aux enseignants qui continuent à
travailler dans les ruines du lycée français de Kaboul, mais aussi aux femmes
qui continuent d'enseigner en toute illégalité contre les talibans.
Je vous propose, monsieur le ministre, d'inscrire dans nos actions l'aide de
la France dans la reconstruction du lycée français de Kaboul comme un acte fort
qui prendra corps le moment venu - très vite, je l'espère - quand la guerre
sera terminée. Mais c'est aujourd'hui qu'il faut le décider. Je suis
personnellement prête à m'y investir de façon importante, certaine que de
nombreuses énergies de notre commission et d'ailleurs se mobiliseront, n'est-ce
pas, monsieur de Villepin ?
Je veux préciser que nous en avions parlé avec les femmes afghanes lorsque
nous les avons reçues au Sénat, avec le président Christian Poncelet.
Monsieur le ministre, c'est un véritable plan mondial contre la pauvreté et
pour le développement dans toutes ses dimensions qui est nécessaire.
Plus que jamais, il faut, disons-le clairement, aller vers une plus juste
répartition des richesses de notre planète. C'est dans cet esprit que les
sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen ont examiné le budget de
la coopération pour 2002.
Je ne vous cacherai pas, monsieur le ministre, que le vote positif que nous
allons émettre est davantage motivé par une approbation de l'orientation
politique que l'actuel Gouvernement a engagée ces dernières années sous votre
autorité, et qui a eu des retombées positives très importantes, notamment lors
des événements d'Afghanistan, que par l'évolution des crédits.
Il est vrai, par exemple, que les principes de « non-ingérence » et de «
non-indifférence » ont permis de développer avec les pays africains des
relations plus équilibrées et plus respectueuses que par le passé. Vous avez
mis fin à une situation malsaine. Nous savons bien que des efforts de
rationalisation, de meilleur emploi des crédits, ont été entrepris.
Il faut aussi tenir compte des avancées que la France a consenties dans
l'annulation de la dette des pays les plus pauvres - vous avez annoncé plus de
10 milliards d'euros, monsieur le ministre - même s'il faut aller plus loin.
Mais, hélas ! force est de constater que l'aide publique au développement n'a
fait que se réduire au fil des ans, puisque, de 0,64 % du PIB en 1992, elle a
été ramenée à 0,33 % de ce même PIB en 2001. Bien que la France soit le pays du
G 7 qui fait le plus au niveau de l'aide au développement et qu'elle se situe
au sixième rang mondial en pourcentage de PIB, nous nous éloignons de
l'objectif fixé à l'ONU avec les autres pays industrialisés de consacrer 0,7 %
du PIB à l'aide au développement. Cet objectif a été réaffirmé au sommet
européen de Göteborg et il fait, depuis peu, partie des missions de
concertation de la Commission européenne.
Nous sommes conscients que notre pays peut faire beaucoup, mais il ne peut
pas, à lui seul, inverser totalement cette logique. A cet égard, il serait
temps que les Etats-Unis prennent la part qui devrait être la leur dans le
domaine de l'aide au développement.
Qui plus est, une forte implication de la France au sein des Nations unies sur
les questions d'aide au développement et de coopération serait souhaitable.
Il est regrettable de constater que nous n'occupons que la dix-huitième place
au sein du Programme des Nations unies pour le développement, le PNUD.
De même, une réflexion approfondie sur les politiques de coopération et de
développement au sein même de l'organisation et de son assemblée générale est
nécessaire.
Les crédits de la coopération pour 2002 auraient dû prendre un tournant
historique d'une grande ampleur. Nous voterons ces crédits, mais ils ne nous
suffisent pas. Nous vous demandons donc vivement, monsieur le ministre, qu'il
n'y ait pas de gels en cours d'année. Vous pouvez compter sur notre soutien à
cet égard.
(Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe communiste
républicain et citoyen et sur les travées socialistes.)
M. le président.
La parole est à M. Plancade.
M. Jean-Pierre Plancade.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le vote du
budget du ministère des affaires étrangères intervient dans un contexte
international troublé - notamment depuis les attentats du 11 septembre dernier
- marqué par la lutte contre le terrorisme et, bien entendu, par la situation
en Asie centrale, plus particulièrement en Afghanistan.
Mon intervention portera sur deux points.
J'évoquerai, tout d'abord, la question de l'aide humanitaire. Je rappelle que,
ces dernières années, les interventions françaises ont notamment concerné la
région des Balkans, la Guinée, l'Ethiopie, le Mozambique, mais aussi, déjà,
l'Afghanistan et l'Inde. Ces interventions se sont notamment appuyées sur le
fonds d'urgence humanitaire.
Dans le projet de loi de finances pour 2002, les crédits de ce fonds d'urgence
ne sont reconduits, en francs constants, qu'à hauteur de 9,3 millions
d'euros.
Certes, ces crédits peuvent être abondés en cours de gestion, ce qui s'est
déjà produit plusieurs fois ces dernières années, mais ne serait-il pas utile,
monsieur le ministre, de renforcer d'ores et déjà cette ligne budgétaire pour
crédibiliser les ambitions de la France dans ce secteur ?
Je profite de l'occasion pour rappeler que la participation financière de la
France au titre des contributions aux opérations de maintien de la paix de
l'ONU doit également être conforme à nos ambitions. Il en va de la crédibilité
de notre politique étrangère ; mon éminent collègue M. Dulait l'a déjà dit.
A ce sujet, pensez-vous, monsieur le ministre, que la reconduction des
contributions obligatoires à l'ONU pour un montant de 320 millions d'euros,
malgré son importance, soit suffisante pour faire face au coût des opérations
de maintien de la paix, dont le nombre n'est malheureusement pas amené à
diminuer, d'autant que la France est débitrice de 43 millions d'euros ?
Par ailleurs, on ne peut que s'inquiéter de la réduction constante des
contributions volontaires : la contribution volontaire à l'ONU s'élèvera à 48,8
millions d'euros en 2002, contre 99 millions d'euros en 1992.
Aujourd'hui, la France est ainsi reléguée derrière le Royaume-Uni, l'Italie et
même les Pays-Bas. Elle est donc évidemment exclue du groupe des principaux
donateurs aux organisations internationales.
Je note cependant avec satisfaction la création d'une délégation à l'action
humanitaire qui disposera du fonds d'urgence humanitaire. On ne peut que s'en
féliciter !
Je souhaiterais maintenant évoquer devant vous, monsieur le ministre, la
situation de l'Afghanistan.
Sur le plan humanitaire, la population afghane subit aujourd'hui une pénurie
alimentaire sans précédent, notamment dans les régions victimes de la
sécheresse, où, selon l'Office européen d'aide humanitaire de l'Union
européenne, 80 % des habitants ont besoin d'une aide d'urgence immédiate. Trois
millions d'Afghans vivent aujourd'hui quasiment sans nourriture et sans abri,
alors que l'hiver a déjà commencé.
S'agissant de la France, vous avez déjà engagé un plan d'action visant à
renforcer dans l'immédiat l'aide humanitaire d'urgence et vous avez débloqué à
cette intention 34,5 millions d'euros, tous ministères confondus. Cette aide,
bien que très importante, reste insuffisante.
Par ailleurs, nous sommes préoccupés par les difficultés que rencontre
l'acheminement de cette aide humanitaire et par la question de la sécurisation
du travail des Organisations non gouvernementales, les ONG, chargées de la
distribuer. Je connais cependant les efforts que vous déployez, vous-même et M.
Josselin, pour acheminer cette aide, qui est d'ailleurs toujours bloquée en
Ouzbékistan. Peut-être, monsieur le ministre, dans votre réponse, pourrez-vous
nous apporter quelques éléments de réponse à ce sujet.
Etant conscient que la France à elle toute seule n'y suffira pas, vous avez
raison de proposer ensuite d'établir un cadre de concertation entre l'Union
européenne, les Etats-Unis, les Etats voisins de l'Afghanistan, les agences
spécialisées de l'ONU et les ONG travaillant déjà sur place. Mais il faudrait
pouvoir identifier l'aide française.
Sur le plan politique, il est clair qu'il existe, encore aujourd'hui, un
décalage entre la situation militaire et la situation politique. Il est urgent
de trouver une issue politique à la chute des talibans, pour que ce pays se
remette en marche et que l'on puisse apporter d'abord toute l'aide humanitaire
nécessaire, puis l'aide à la reconstruction du pays.
Cette issue politique appartient, bien sûr, aux Afghans eux-mêmes. C'est vous
dire si nous fondons quelques espoirs sur la conférence de Bonn, dont nous nous
réjouissons, bien entendu, qu'elle se déroule sous l'égide de l'ONU et dans un
pays européen.
Comme cela a été indiqué lors du sommet franco-allemand du 23 novembre
dernier, « nous attendons de tous les dirigeants afghans qu'ils aient un
comportement responsable, conformément aux ambitions qu'ils ont affichées ».
Une fois que la résolution 1378 du Conseil de sécurité sera satisfaite, il
faudra impérativement aider ce pays à entrer sur la voie du développement
économique, en jetant les bases d'un développement rural qui aboutisse à la
suppression de la culture du pavot. De même, c'est évident, il faudra aider ce
pays à progresser dans la conquête des droits de l'homme et de la femme, en
favorisant - la question est primordiale - leur accès à la santé et à
l'éducation.
Compte tenu de l'histoire de ce pays, il paraît souhaitable que l'ONU aille
plus loin et puisse participer à la sécurité intérieure, par exemple sous la
forme d'une force multinationale sous mandat de l'ONU dont la composition
recevrait l'agrément des Afghans. Cela reste, bien entendu, suspendu à l'accord
politique des Afghans, cette force étant comprise, de notre point de vue, comme
un élément de consolidation de la paix.
Cependant, nous sommes préoccupés, avec M. de Villepin, par les déclarations
de l'ancien Président Rabbani, qui souhaite le retrait des forces étrangères
d'Afghanistan.
Peut-être pourrez-vous, là aussi, nous apporter des éléments de réponse, au
moment où le Pakistan semble faire, lui, un premier pas en avant, en
reconnaissant l'Alliance du Nord ?
Pour conclure, je souhaite vous interroger sur la riposte française face aux
crises.
L'expérience tirée de notre intervention dans les Balkans a permis de donner
le jour, en juillet dernier, à un nouveau dispositif de gestion des crises. Ce
dispositif, réunissant la cellule de crise du ministère des affaires
étrangères, le secrétariat général de la défense nationale, le SGDN, et
l'Agence française de développement, doit accroître notre capacité de
réaction.
La France a souvent pâti d'une mauvaise visibilité, voire d'une mauvaise
lisibilité de son action dans les crises internationales, sans que l'on trouve
le moyen de faire voir et de faire valoir l'intensité de son effort.
Il semble nécessaire, au sortir de la crise, parallèlement au redémarrage
économique et au rétablissement d'un Etat de droit, de promouvoir activement la
présence française, au niveau tant de l'assistance technique que de la
reconstruction proprement dite.
Je souhaiterais donc savoir, monsieur le ministre, s'il est possible de
dresser, à la lumière de la crise afghane, un premier bilan de ce nouveau
dispositif de gestion de crise.
(Applaudissements sur les travées
socialistes ainsi que sur certaines travées de l'Union centriste.)
M. le président.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les
reprendrons à quinze heures quinze.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à treize heures cinq, est reprise à quinze heures
quinze, sous la présidence de M. Serge Vinçon.)