SEANCE DU 29 NOVEMBRE 2001
M. le président.
Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi concernant la
recherche.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. René Trégouët,
rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et
des comptes économiques de la nation.
Monsieur le président, monsieur le
ministre, mes chers collègues, nous sommes tous réunis ici parce que nous
aimons la recherche et que nous croyons qu'elle est essentielle à l'avenir de
la France.
Rien ne serait plus stérile que de nous lancer à la figure des bilans et
d'engager une bataille de chiffres.
Concernant les crédits du budget civil de recherche et de développement, le
BCRD, et du ministère de la recherche pour 2002, je considère cependant qu'ils
sont affectés d'un grave degré d'incertitude - mais cela ne dépend pas de vous,
monsieur le ministre - au même titre que le projet de budget de l'Etat dans son
ensemble, dont la commission des finances a dénoncé « la grande illusion ».
Les prévisions de croissance du Gouvernement sont irréalistes, et il est
impossible, pour des raisons que M. le rapporteur général a exposées ici, de
laisser le déficit public s'aggraver.
Dès lors, qui peut nous garantir que les crédits prévus ne feront pas l'objet
ultérieurement d'annulations ? Je rappellerai seulement, maintenant, que leur
total inscrit dans le projet de loi de finances pour 2002 s'élève à 8,7
milliards d'euros pour le BCRD, dont 6,2 milliards de francs pour le ministère
de la recherche.
Les taux de progression affichés sont inférieurs, respectivement, à la
croissance du produit intérieur brut que le Gouvernement voudrait obtenir, en
ce qui concerne le BCRD, et à la hausse des prix, en ce qui concerne le budget
de la recherche. A l'encontre de ce que nous pouvons lire ou entendre çà et là,
vous n'avez donc pas été particulièrement gâté, monsieur le ministre. Je vous
renvoie pour d'autres précisions, si vous le voulez bien, à mon rapport
écrit.
Ainsi devons nous, les uns et les autres - et c'est ainsi que j'ai voulu
commencer mon intervention - faire preuve d'humilité.
Depuis 1993, la part de notre effort financier de recherche dans l'utilisation
du produit de notre activité économique est en régression. Celle des
administrations l'est plus particulièrement, et la recherche de nos entreprises
reste globalement insuffisante.
Le secteur public occupe toujours une part importante dans notre système, et
le budget de l'Etat dans son financement.
Nos performances - il faut le reconnaître - ne sont pas extraordinaires en
comparaison de celles des principaux pays de l'Organisation de coopération et
de dévelopement économiques, l'OCDE, qu'il s'agisse d'effort financier global
et de résultats qualitatifs ou quantitatifs, tels que les dépôts de brevet ou
le nombre de citations dans les revues scientifiques notamment.
Notre potentiel n'est certes pas en cause, ni l'excellence de nos
chercheurs.
Mais il y a un problème de structures et de mentalités. Les structures sont
complexes, morcelées et difficiles à coordonner, qu'il s'agisse de recherche
fondamentale ou appliquée, de valorisation ou simplement de transferts de
connaissance.
Les mentalités sont influencées par le statut de chercheur à vie et
l'insuffisance à tous points de vue de mobilité de notre recherche, et elles
sont parfois trop éloignées des préoccupations de la société et des
entreprises.
Il n'est pas question pour autant de prétendre finaliser, autoritairement ou à
outrance, la recherche fondamentale. Celle des universités américaines se
valorise bien mieux, grâce à des interfaces efficaces, que les activités des
agences fédérales, pourtant plus orientées vers les applications.
Dans les sciences de la vie, qui prennent de plus en plus d'importance, les
frontières entre science, technologie, recherche académique et finalisée
s'estompent. Cela n'est pas nouveau.
Pasteur, qui était un universitaire, a effectué ses dévouvertes essentielles
en réponse à des demandes très concrètes : problème de fermentation de la bière
produite par les brasseries lilloises, effets dévastateurs de la maladie des
vers sur l'industrie de la soie, ou du charbon et du choléra sur les élevages
de poulets.
Mais regardons ensemble, si vous le voulez bien, l'avenir de la recherche en
France.
Nous ne pouvons pas faire table rase du passé et devons tenir compte de nos
spécificités.
Nos deux principales singularités sont l'existence du Centre national de la
recherche scientifique, le CNRS, et le statut de chercheur à vie.
Le CNRS est une institution unique en son genre, créée pour rémédier aux
faiblesses de la recherche des universités, elles-mêmes concurrencées par les
grandes écoles.
Le statut des chercheurs est proche, pour la plupart d'entre eux, de celui de
la fonction publique, hérité de la loi « Chevènement » de 1982.
Nos faiblesses sont liées à nos singularités : malgré d'immenses progrès, les
universités occupent, dans notre recherche, une place moins éminente que dans
les pays anglo-saxons ; l'existence du CNRS complique le système et en rend la
« gouvernance » et la réforme difficiles ; le statut de 1982 a échoué dans ses
intentions de favoriser la mobilité des chercheurs, les cloisonnements
demeurant, en particulier avec le secteur privé ; cette insuffisance de
contacts entre le secteur public et le secteur privé explique sans doute, pour
une large part, la valorisation décevante des résultats de notre recherche.
Nous avons cependant accompli des progrès en matière de créations
d'entreprises innovantes, notamment grâce à la loi de juillet 1999.
Cependant, je le rappelle, nous attendons toujours la publication du décret
sur les services d'activités industrielles et commerciales des établissements
d'enseignement supérieur.
Par ailleurs, le développement, encore insuffisant, du capital-risque en
France est menacé par le retournement de la conjoncture économique.
Réformer notre recherche est une tâche particulièrement difficile. Le choc
démographique des départs massifs à la retraite de chercheurs durant la
prochaine décennie représente cependant une occasion unique pour provoquer
cette modification en profondeur de la recherche.
Il faut cependant, pour cela, repenser le statut du chercheur dans notre pays,
avec le souci d'obtenir durablement la mobilité qui fait défaut à notre
recherche non seulement entre disciplines, au sein du secteur public, mais
aussi entre le secteur public et les entreprises.
Je rappellerai, à ce sujet, que les université américaines mettent au service
de leur recherche d'abord la créativité de leurs étudiants, puis l'énergie et
les connaissances de leurs jeunes diplômés. Les meilleurs d'entre eux sont
recrutés sur contrat à durée déterminée dans le cadre de programmes précis. Ils
bénéficient de rémunérations de 60 % supérieures à celles qui sont offertes en
France à nos propres « post-docs », soit l'équivalent de quelque 16 000 francs
par mois au lieu de 10 000 francs en France. Ils trouvent ensuite plus
facilement des débouchés dans le secteur privé.
C'est ainsi qu'est assurée la mobilité de la recherche universitaire
américaine et que cette dernière attire des jeunes docteurs venus du monde
entier.
Or les ressources humaines sont fondamentales. A partir d'un assouplissement
de leur utilisation, il est possible d'envisager en France une rationalisation
de la répartition des tâches entre les différentes composantes de la recherche
et de réformer progressivement ses structures.
L'organisation de la recherche française a besoin de plus de souplesse et de
cohérence.
La souplesse suppose d'accorder plus d'autonomie aux différents intervenants
concernés, notamment les universités, et de recourir davantage aux contrats.
Le contrat doit être non seulement un moyen de se fixer des objectifs communs
mais aussi un mode de gestion de l'emploi scientifique. Lui seul peut permettre
de lever durablement les réticences au recrutement de « post-docs » et
d'assurer entre disciplines et établissements une mobilité à laquelle les
personnels fonctionnaires devraient, par ailleurs, être contraints.
La cohérence implique une simplification et une rationalisation des
structures, une meilleure coordination des actions et un renforcement de
l'évaluation. Cette dernière devrait permettre une stimulation et une émulation
susceptibles de renforcer l'excellence de notre recherche.
Ainsi serait-il possible de garantir l'efficacité de l'augmentation des
dépenses souhaitables.
Monsieur le ministre, nos principaux partenaires et concurrents ont accru de
façon significative, ces dernières années, leur effort de recherche, tout en
procédant, pour beaucoup d'entre eux, à d'importantes réformes de leurs
systèmes.
La commission des finances estime que l'action du Gouvernement, de ces deux
points de vue, n'a pas été à la hauteur des enjeux.
Monsieur le ministre, c'est au vu d'un bilan pluriannuel qui engage tout le
Gouvernement, et non à partir de la seule appréciation de ce projet de budget
et de votre action personnelle, qu'elle demande au Sénat de rejeter les crédits
de votre ministère.
(Applaudissements sur les travées du RPR et des
Républicains et Indépendants.)
M. le président.
La parole est à M. Laffitte, rapporteur pour avis.
M. Pierre Laffitte,
rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, pour la
recherche scientifique et technique.
Monsieur le président, monsieur le
ministre, mes chers collègues, dans le contexte actuel de mondialisation
accrue, notre économie ne restera compétitive que si elle sait se positionner
sur la création de produits à forte valeur ajoutée intellectuelle.
Ce constat est désormais largement partagé dans les milieux économiques. La
recherche et son complément, l'appui à l'innovation, constituent donc une
priorité absolue pour favoriser l'emploi futur et pour conjurer la menace,
toujours présente, du déclin. Il est nécessaire que l'appui à l'économie en
même temps qu'à la science, à la culture, à la recherche et à l'innovation
relève du domaine régalien de l'Etat.
Comme M. le rapporteur spécial vient de le dire, le budget civil de la
recherche et du développement s'élèvera à 8,7 milliards d'euros pour 2002, mais
n'augmentera qu'à peu près au même taux que l'ensemble du budget de l'Etat.
Je regrette que la recherche et l'innovation ne se manifestent pas comme une
priorité nationale, et que le projet de budget ne reflète pas le grand dessein
affiché en mars 2000 par le Conseil européen de Lisbonne, grand dessein qui est
toujours aussi indispensable et devrait dépasser tous les clivages politiques
habituels.
Je ne vous présenterai pas de façon détaillée les crédits du ministère, vous
renvoyant à cet égard à mon rapport écrit ainsi qu'aux excellentes analyses de
mes collègues de la commission des finances et de la commission des affaires
économiques.
Je m'attacherai beaucoup plus à la structure des dépenses et à la politique
menée.
Les crédits consacrés aux interventions directes du ministère permettent un
progrès léger de la proportion des crédits sur lesquels vous avez une action
directe, monsieur le ministre ; je m'en réjouis, bien qu'ils ne représentent
que 10 % des crédits du ministère. Cela permet une augmentation des crédits du
Fonds national de la science, qui sont portés à 114 millions d'euros, ce dont
je me félicite.
L'effort effectué l'an dernier au profit du Fonds de la recherche
technologique marque une pause que je regrette, mais les crédits de ce fonds
s'élèvent tout de même à 104 millions d'euros.
Les crédits consacrés aux organismes de recherche, qui représentent 90 % de
l'enveloppe globale du ministère, sont en hausse de 0,8 %, ce qui correspond en
fait à une baisse d'environ 1 % en pouvoir d'achat.
Je constate néanmoins que l'effort que vous aviez annoncé l'an dernier en
faveur de l'emploi scientifique se poursuit dans le projet de budget pour 2002,
avec la création de 500 emplois. Nous nous félicitons de ce que ces créations
d'emplois et les hausses ponctuelles de crédits qui les accompagnent
s'effectuent au profit des organismes les plus efficaces et les mieux orientés
sur les priorités sectorielles définies par le ministère, ceux qui ont, en
outre, le plus fort taux de mobilité. Nous nous félicitons aussi de
l'augmentation du taux des allocations, augmentation indispensable.
J'en profite pour aborder à nouveau le problème crucial de la mobilité des
chercheurs, que j'ai évoqué chaque année depuis maintenant plus de seize ans
que j'interviens sur le budget de la recherche.
Chez nous, on a toujours le sentiment que le métier de chercheur doit être
exclusif de tout autre tout le long de la vie, et cela n'est bon pour personne
dans la mesure où, si les chercheurs avaient la volonté, la possibilité
pratique, et, d'une certaine façon, la dynamique culturelle correspondante, de
se diriger soit dans l'industrie, soit dans l'enseignement, soit encore dans
les organismes de culture scientifique ou de culture populaire, cette mobilité
produirait indiscutablement une bien meilleure pyramide des âges, une bien
meilleure créativité et une bien meilleure recherche.
Les priorités que vous avez affichées ne me paraissent pas contestables :
sciences du vivant, technologies de l'information et de la communication,
recherche en matière d'environnement. Je relève d'ailleurs qu'elles
correspondent, bien souvent, à des orientations que la commission prône depuis
longtemps, et je m'en félicite.
Je me félicite aussi de l'appui donné à l'innovation et au transfert de
technologie, que nous avions encouragé en participant activement à
l'élaboration et à l'adoption de la loi du 12 juillet 1999. Je déplore, certes,
vivement les retards qui affectent encore certains de ses décrets d'application
et font obstacle, en particulier, à la création des services d'activités
industrielles et commerciales, SAIC, pourtant si nécessaires au bon
fonctionnement des incubateurs. En effet, un incubateur nécessite un
professionnalisme certain en matière de transfert, de gestion de la propriété
industrielle, de recherche de fonds complémentaires, et de partenariat
industriel. Il s'agit d'un métier industriel complexe, qui doit être exercé
avec des industriels. Il faut donc du personnel recruté sous la forme prévue
pour le faire.
Je constate, monsieur le ministre, que vous avez pu renforcer le dispositif de
transfert technologique avec l'appel à projet « incubation et capital amorçage
des entreprises technologiques » ou encore la constitution de fonds publics
pour le capital risque. Il y a donc là des progrès indiscutables.
Cette politique n'est pas étrangère au renforcement de l'effort de recherche
des entreprises, qui dépasse, depuis 1995, l'effort de recherche public. Il
faut donc la renforcer et l'adapter.
Je parlerai ultérieurement du rôle joué par l'Agence nationale de valorisation
et de la recherche, l'ANVAR, qui devrait aussi pouvoir jouer un rôle de «
capital amorçage ». Pour l'instant, je relèverai une timide percée d'une
fiscalité favorable, avec la création des bons de souscription de parts
d'entreprises.
En conclusion, monsieur le ministre, j'estime que le projet de budget que vous
nous présentez n'est, malgré ses insuffisances manifestes, pas dépourvu de
qualités quant au choix de ses priorités.
Pour ces raisons, la commission des affaires culturelles a décidé de s'en
remettre à la sagesse du Sénat pour le vote des crédits de la recherche pour
2002.
(Applaudissements sur les travées du RDSE, de l'Union centriste, du
RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président.
La parole est à M. Revol, rapporteur pour avis.
M. Henri Revol.
rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'évolution
proposée pour le budget civil de recherche et développement, soit une hausse de
2,2 %, classe la recherche dans la moyenne des budgets civils de l'Etat et non
au rang d'une priorité gouvernementale, comme l'environnement ou la justice,
par exemple. En outre, les trois disciplines scientifiques prioritaires
bénéficient de l'essentiel de l'effort budgétaire, au risque de fragiliser les
secteurs d'excellence plus traditionnels, comme la physique, notamment.
Les orateurs précédents, mes excellents collègues MM. Trégouët et Laffitte,
ont fort bien analysé ce budgét. Aussi, je concentrerai mes propos sur les
principales préoccupations et observations de la commission des affaires
économiques.
D'abord, je voudrais vous faire part très solennellement, monsieur le
ministre, de notre inquiétude s'agissant des recherches sur l'aval de la
filière nucléaire.
Le Commissariat à l'énergie atomique est chargé d'imaginer des solutions «
flexibles et réversibles » d'ici à 2006 pour le stockage des déchets nucléaires
à vie longue et à haute activité. Or les recherches sur la transmutation des
déchets sont bloquées, depuis la fermeture du réacteur Superphénix, les
opérations de rénovation du réacteur Phénix ayant, quant à elles, pris plus de
deux ans de retard, à tel point qu'on peut se demander quelle est la part des
circonstances extérieures et celle de l'absence de volonté politique pour sa
remise en service.
De nombreux échantillons ont été élaborés par le CEA et attendent d'être
irradiés. La réunion du groupe permanent chargé, au sein de l'autorité de
sûreté, d'autoriser le redémarrage de Phénix est prévue pour juin 2002, date
qui, semble-t-il, ne saurait être qu'une pure coïncidence ! La commission a
déploré que les désaccords « pluriels » du Gouvernement amputent ainsi notre
potentiel en la matière, voire remettent en cause notre capacité à tenir
l'échéance de 2006.
S'agissant du centre national d'études spatiales, la dotation de l'Etat, qui
avait baissé l'an dernier, n'est que stabilisée, dans le projet de loi de
finances pour 2002, à 1 343 millions d'euros.
Or, dans la lignée de la décision récente des ministres européens à Edimbourg,
dont il faut d'ailleurs se réjouir, la mise en oeuvre, dans les cinq années à
venir, du programme Ariane 5 Plus, nécessitera une montée en puissance de ses
besoins pour atteindre environ 1 400 millions d'euros annuels. Il serait donc
souhaitable que le Gouvernement s'engage, à cet horizon, à donner à cet
établissement une visibilité budgétaire particulièrement indispensable dans le
secteur spatial.
Véritable talon d'Achille de la recherche française, la valorisation
technologique de la recherche doit encore être améliorée ; je pense notamment
aux universités, qui sont moins avancées en matière de valorisation que les
établissements publics de recherche dont ont parlé mes collègues. A quand la
mise en place des services d'activités industrielles et commerciales prévus par
la loi de 1999, mais toujours inexistants à défaut de parution du décret
nécessaire à leur mise en place ? Ces structures seront notamment chargées des
dépôts de brevets par les chercheurs, dépôts qui, selon le rapport de notre
collègue Francis Grignon
Stratégie du brevet d'invention,
sont gravement
insuffisants.
Plus largement, les chiffres sur la mobilité des chercheurs montrent que la
loi Allègre a donné lieu à un frémissement du monde de la recherche plus qu'à
un vrai bouleversement des mentalités. Comment comptez-vous poursuivre et
amplifier le mouvement ?
Enfin, la commission des affaires économiques s'est inquiétée de l'excessive
concentration géographique de notre potentiel de recherche. L'effet
d'attraction réel des grands équipements y contribue, c'est certain. Mais,
au-delà, on peut s'interroger sur la volonté du Gouvernement de favoriser un
meilleur équilibre territorial permettant l'émergence de pôles territoriaux
spécialisés, au service du développement local. La modulation géographique du
crédit d'impôt recherche, par exemple, a été supprimée sans aucune évaluation,
alors qu'elle constituait un puissant outil d'essaimage territorial de notre
potentiel de recherche. Aucune nouvelle mesure incitative n'est venue
apparemment la remplacer.
Pour l'ensemble de ces raisons, la commission des affaires économiques s'est
déclarée défavorable à l'adoption des crédits de la recherche inscrits dans le
projet loi de finances pour 2002.
(Applaudissements sur les travées des
Républicains et Indépendants, du RPR, de l'Union centriste, ainsi que sur
certaines travées du RDSE.)
M. le président.
J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la
conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour
cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République, 21 minutes ;
Groupe socialiste, 18 minutes ;
Groupe de l'Union centriste, 12 minutes ;
Groupe des Républicains et Indépendants, 10 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 5 minutes ;
Groupe du Rassemblement démocratique et social européen, 5 minutes.
Je rappelle que, en application des décisions de la conférence des présidents,
aucune intervention des orateurs des groupes ne doit dépasser dix minutes.
La parole est à M. Pelchat.
M. Michel Pelchat.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le budget de
la recherche, c'est le budget de la science, et la science doit être pour nous,
aujourd'hui, une priorité vitale.
Vitale sur le plan médical : chaque jour, des découvertes nouvelles permettent
de soigner des maladies jusque-là incurables.
Vitale sur le plan économique : la matière grise est un facteur essentiel du
développement économique, nul ne peut l'ignorer.
Vitale sur le plan politique, puisque la maîtrise des nouvelles technologies
est une condition
sine qua non
de l'indépendance, de l'influence d'un
pays et de son rayonnement dans le monde.
Cette priorité vitale ne se retrouve malheureusement pas dans votre projet de
budget pour 2002, monsieur le ministre. En témoignent aussi bien l'évolution
des crédits que la politique de recrutement ou le traitement des priorités que
votre ministère a fixées.
Rgeardons tout d'abord les crédits.
Le budget global diminue l'année prochaine, si l'on tient compte de
l'inflation. Le budget civil de recherche et de développement technologique -
BCRD - augmente, lui, de plus de 2 %, mais sa part dans notre produit intérieur
brut n'a cessé de se réduire depuis 1991. Certes, vous n'avez pas innové en la
matière.
Cette situation est d'autant plus dommageable que les autres grands pays ont
redoublé d'efforts : entre 1995 et 1999, la dépense nationale de recherche et
de développement n'a augmenté que de 0,6 % chez nous contre 3 % pour l'ensemble
de l'Union européenne, 4,1 % pour le Japon et 5,5 % pour les Etats-Unis.
Nos concurrents font donc beaucoup mieux que nous. La position de notre pays
se détériore de façon inquiétante.
Si l'on considère maintenant le nombre de chercheurs et la politique de
recrutement, la situation n'est pas plus reluisante.
Les créations de postes que vous nous annoncez sont maigres et trompeuses, car
une bonne partie servira à résorber l'emploi précaire. Il s'agit, en effet,
pour l'essentiel, de redéploiements et de transformations d'emplois.
En outre, ces créations sont gagées par une diminution équivalente des moyens
budgétaires alloués aux établissements publics scientifiques et techniques,
moyens qui, souvent, sont très maigres.
N'oublions pas, par ailleurs, que la réduction du temps de travail, en créant
de nouveaux facteurs de rigidité, va diminuer de 10 % le potentiel de la
recherche française.
Vous nous avez présenté ces recrutements de l'année prochaine comme la
première étape d'un plan décennal, monsieur le ministre.
Une gestion pluriannuelle apparaît effectivement nécesaire, étant donné les
départs à la retraite massifs des années à venir.
Malheureusement, les incertitudes entourant le budget général sont telles que
nous doutons que les engagements puissent être tenus au niveau où il faudrait
qu'ils le soient.
C'est d'ailleurs moins un plan qu'il nous faudrait qu'une véritable loi de
programmation pluriannuelle pour l'emploi scientifique. Beaucoup la réclament,
à juste titre d'ailleurs !
La politique de recrutement se heurte à une désaffection marquée des jeunes à
l'égard de la recherche dans notre pays.
Entre 1994 et 1999, le nombre de thèses soutenues a diminué de 26 % en
mathématiques, de 20 % en chimie et de 16 % en physique. En 2000, le nombre de
thèses en cours a diminué de 3,1 %.
De plus, une partie de nos jeunes chercheurs s'en va. On compte aujourd'hui 4
000 postdoctorants à l'étranger. Nous exportons nos thésards aux Etats-Unis, où
les financements existent et où tous les docteurs peuvent trouver une place.
Quant aux étudiants étrangers, ils sont de moins en moins tentés de venir
poursuivre leurs études en France. Entre 1995 et 1999, le nombre des docteurs
étrangers a chuté de 9 %. En 1992, un docteur sur trois était un étranger ; en
1999, cette proportion n'était plus que de un sur cinq. Voilà l'état du
rayonnement de notre recherche !
Comment en est-on arrivé là ? Les raisons sont nombreuses. Les bourses
postdoctorales sont en nombre réduit, les incitations financières trop faibles,
les salaires des chercheurs insuffisants. Rien n'est fait non plus pour aider
les doctorants à mieux préparer leur insertion dans la recherche publique ou
dans le monde des entreprises.
Enfin, la rigidité des statuts entrave les recrutements et les transferts vers
l'industrie, voire l'enseignement supérieur.
Cette situation est regrettable car la qualité de la recherche repose sur le
dynamisme des plus jeunes, des doctorants et des jeunes en situation
postdoctorale. La réussite des Etats-Unis est liée à leur capacité
d'attraction. La France doit redevenir un pays attrayant pour les
chercheurs.
La revalorisation de 5,5 % de l'allocation de recherche est certes louable,
mais elle ne suffira pas, à elle seule, à enrayer la désaffection des jeunes
pour les filières scientifiques et la fuite de nos cerveaux à l'étranger. Il
serait d'ailleurs souhaitable que cette allocation soit indexée sur le point de
la fonction publique.
J'en viens au traitement budgétaire des priorités fixées par le ministère.
Vous nous annoncez, monsieur le ministre, une importante progression des
crédits pour les thématiques prioritaires. Qu'en est-il réellement ? Par
rapport à 2001, la part du budget civil de recherche et de développement
technologique consacrée à l'environnement et à l'énergie stagne, celle des
sciences de la vie n'augmente que de 0,1 %, celle des technologies de
l'information et de la communication de 0,3 % et celle de l'espace diminue de
0,5 %.
Les dotations pour la recherche en matière de santé ne progressent guère,
alors que, de tous les pays de l'OCDE, la France est celui qui investit le
moins dans ce domaine.
Dans les disciplines plus traditionnelles, les emplois vacants ne sont pas
remplacés, alors que la recherche fondamentale en mathématiques ou en physique
est essentielle.
Enfin, la recherche dans le domaine nucléaire est fragilisé. Celle qui
concerne la sécurité et les systèmes de deuxième et troisième génération a pris
du retard. Le CEA doit accroître les moyens qu'il consacre à la pile à
combustible. Fort bien ! Le contrat d'objectif qu'il vient de signer avec
l'Etat triple le budget consacré à la pile à combustible entre 2001 et 2004.
Parfait ! Je me demande toutefois s'il pourra être respecté, car le CEA, à
budget constant, supporte des charges fiscales croissantes et a aussi des
programmes prioritaires concernant les nano-technologies et les
biotechnologies. Comment pourra-t-il réaliser ces programmes sans réduire ceux
qui sont consacrés aux déchets et, d'une manière générale, au nucléaire ?
Cette question, monsieur le ministre, mérite autre chose que la réponse
ironique que vous avez faite à nos collègues de l'Assemblée nationale : « Le
CEA n'est pas Cosette », disiez-vous. Certes, mais il n'est pas non plus
Crésus, que je sache !
Nous souhaitons tous ici que la recherche soit une priorité, car la capacité
de créer, de diffuser et d'exploiter le savoir est devenue une clé et de la
culture et de la création de richesses.
Je ne doute pas de votre bonne volonté personnelle, monsieur le ministre. Je
tiens d'ailleurs au passage à vous féliciter pour le démarrage du projet «
SOLEIL ». Il faut vous donner acte de cette action positive pour notre pays.
M. Lucien Lanier.
Très bien !
M. Michel Pelchat.
Malheureusement, les crédits de la recherche pour 2002 ne permettront pas de
relancer l'effort national de recherche, qui est pourtant indispensable. Aussi
le groupe des Républicains et Indépendants votera-t-il contre votre budget.
M. le président.
La parole est à M. Laffitte.
M. Pierre Laffitte.
Monsieur le ministre, j'évoquerai simplement trois points.
A la demande de votre prédécesseur, les établissements d'enseignement
supérieur ne dépendant pas de l'éducation nationale ont été écartés, sans doute
par oubli, d'U3M et des contrats de plan Etat-région. Ce qui était déjà une
injustice est même apparu comme une sanction pour les grandes écoles, qui sont,
en matière de recherche, parmi les étabissements les plus efficaces et les
mieux reconnus sur le plan international.
Je vous demande donc d'utiliser les moyens qui sont à votre disposition pour
réparer cette anomalie.
Mon deuxième point concerne un problème qui préoccupe de plus en plus les
Français, compte tenu de la fragilité des sociétés contemporaines. Il s'agit de
la gestion prévisionnelle des risques. Nous avons les plans ORSEC, qui sont
tout à fait adaptés pour gérer les conséquences immédiates des catastrophes.
Mais il n'existe pas aujourd'hui de système fiable, fondé sur des méthodes
scientifiquement éprouvées, pour prévoir, avec toute l'ingénierie nécessaire,
et si possible diminuer les effets des catastrophes naturelles ou d'origine
anthropique.
Cela nécessite une approche multidisciplinaire. Au-delà des aspects purement
techniques, il y a aussi des paramètres liés aux sciences humaines : géographie
humaine, science politique, psychologie, sociologie, etc. Je vois là un champ
d'action très important pour le ministère de la recherche. Pourraient ainsi
être organisées, sous son égide, des réflexions interdisciplinaires, associant
des universités, des organismes de recherche, des organismes de prévention et
des entreprises, notamment des compagnies d'assurance. Des opérations de
sensibilisation devraient être lancées, par exemple en utilisant les
possibilités qu'offrent nos diverses technopoles, tout cela en liaison avec les
collectivités locales et les services déconcentrés de l'Etat.
Le troisième point de mon intervention est à mes yeux le plus important, car
il a trait à la démocratisation de la culture scientifique et technique.
Cette culture est, en France, insuffisante. La développer est doublement
nécessaire : à la fois pour inciter les jeunes à se tourner vers les carrières
de recherche et surtout pour mieux faire comprendre à l'ensemble de la
population que la recherche est indispensable, qu'elle n'est pas une activité
si mystérieuse, qu'elle est beaucoup plus accessible qu'on ne le croit
généralement.
On peut comprendre rétrospectivement les canuts lyonnais lorsqu'ils brisaient
les machines qui allaient les priver de leur travail. En revanche, on comprend
mal les saccages de champs d'expérimentation visant à améliorer les productions
agricoles en France.
Tout ce qui est contre la science a des relents d'obscurantisme moyenâgeux.
L'obscurantisme moyenâgeux n'est concevable que pour ceux qui veulent
retourner au Moyen Age, pour ceux qui ne veulent plus d'électricité, plus de
transports. La marche à pied et la bougie s'accompagnaient, rappelons-le, de
luttes difficiles pour la survie, contre la famine et les pandémies, peste et
choléra. Je pense que la majorité immense des Français n'en veut pas, pas plus
qu'elle ne veut des extrémismes ou du terrorisme.
Il est donc impératif de susciter une véritable mobilisation nationale pour la
science. Vous avez, à juste titre, monsieur le ministre, maintenu la Semaine
pour la science. Mais une semaine ne suffit pas ! C'est toute l'année que cette
mobilisation doit être orchestrée, et beaucoup de gens sont prêts à y
participer.
Les chercheurs sont toujours enchantés quand on vient leur demander
d'expliquer leur métier. Et il y a un grand nombre de volontaires parmi les
retraités, sans parler d'innombrables structures intermédiaires.
Actuellement, les moyens sont concentrés sur des grands organismes, qui ne
dépendent d'ailleurs pas tous du ministère de la recherche. Certains dépendent
du ministère de l'éducation nationale : le Muséum national d'histoire naturelle
- une institution qui existe depuis 1626 ! -, le Conservatoire national des
arts et métiers, le Palais de la découverte ou encore la Cité des sciences et
de l'industrie de La Villette.
En tout cas, il s'agit d'institutions à la fois très lourdes et très
parisiennes, qui ne sont pas du tout susceptibles d'aller partout à la
rencontre des jeunes, dans toutes les écoles, dans tous les villages. Ce qu'il
faudrait pour cela, ce sont des sortes de bibliobus de la science et de la
technique. Il y a quelque chose à inventer !
Les lieux de concentration scientifique que sont les technopoles peuvent
servir d'appui à des expérimentations en la matière.
Je vois là une cause d'intérêt national, et la commission des affaires
culturelles envisage de créer une mission d'information sur cette question.
(Applaudissements.)
M. le président.
La parole est à M. Lanier.
M. Lucien Lanier.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, qu'il me
soit permis, comme l'an dernier, d'exprimer tout d'abord notre satisfaction
d'avoir un ministre de la recherche.
Nous avons toujours souhaité, en effet, qu'un ministre responsable autant que
compétent puisse rassembler tant d'éléments si diversifiés pour définir une
vraie politique de la recherche, une politique qui tienne compte des exigences,
parfois trop oubliées, de la recherche fondamentale, autant que des besoins
toujours croissants qu'a notre société de ses applications, lesquelles
dépendent de technologies en développement constant et de plus en plus
accéléré.
L'universitaire que vous êtes, monsieur le ministre, a souvent abordé une
telle réflexion, je le sais, et je ne vous crois pas éloigné de sa
conception.
Et pourtant, le budget que vous nous présentez révèle les limites de vos
possibilités.
La fine et très objective analyse de notre rapporteur spécial, notre excellent
collègue René Trégoüet, le démontre à l'évidence. Avec mesure et loin des
critiques à la cantonade, il reconnaît les aspects positifs de votre effort,
afin d'ordonner votre budget.
Je mentionnerai, à titre d'exemple, parmi les priorités retenues, l'incitation
à la recherche universitaire par le soutien de base des laboratoires.
Je soulignerai également l'effort qui n'est pas sans courage et que traduisent
les crédits destinés au nouvel institut de radioprotection et de sûreté
nucléaire. Tendent-ils à prouver que l'on revient à une plus saine conception
du maintien de la présence indispensable de l'énergie nucléaire pour notre
pays, à une réflexion politique sur ce problème rompant avec une attitude par
trop négative à son égard ?
Mais s'agit-il bien d'une évolution durable, qui permettrait, dans une
certaine mesure, d'effacer les déplorables et trop nombreux à-coups dont cette
politique a fait l'objet ? Nous souhaiterions de votre part une réponse claire
et courageuse, qui tienne compte de l'intérêt général plus que des sentiments
particuliers.
J'évoquerai encore l'augmentation des crédits de paiement destinés aux
programmes de l'aéronautique civile et au gros porteur A 380.
S'agissant des crédits pour la culture et de la contribution à la recherche
communautaire en biologie moléculaire, l'effort est également louable, mais il
est consenti de manière encore trop parcimonieuse
Ces points positifs nous font d'autant plus regretter la stagnation des
crédits afférents à la défense et à la recherche spatiale à finalité civile et
militaire, déjà très éprouvés l'an dernier par une très forte baisse.
Vous nous répondrez, monsieur le ministre, que l'établissement des priorités
exige des choix. Reconnaissez cependant que la présentation globale de votre
budget interdit tout triomphalisme au Gouvernement. C'est d'ailleurs ce
qu'indique fort pertinemment René Trégouët en déplorant, à juste titre,
l'érosion en euros constants du budget de notre ministère.
En effet, l'augmentation de 0,9 % par rapport à l'année précédente correspond
en réalité à une diminution de 0,7 % si l'on tient compte d'une hausse des prix
à la consommation dont il est prévu qu'elle s'établira à 1,6 %.
Force est de constater que la progression de certains moyens procède pour une
large part de redéploiements dont la recherche fondamentale fait passablement
les frais.
Force est aussi de constater que l'augmentation du budget de la recherche en
loi de finances initiale a été constamment inférieure à la croissance de
l'économie, à laquelle elle contribue pourtant, et avec combien d'efficacité !
Cet écart entre les moyens de la recherche et le produit intérieur brut ira,
certes, se réduisant, du fait du ralentissement prévisible de l'économie. Mais
avouons que, en l'occurrence, cette réduction ne sera qu'un effet déplorable et
pervers.
La part de la richesse nationale consacrée à l'effort de recherche recule,
alors qu'elle devrait être l'un de ses moteurs. Sans compter qu'une telle
situation affecte profondément notre compétitivité sur le plan international,
plus précisément sur le plan européen.
Or, vous le savez bien, monsieur le ministre, toute rupture de rythme dans le
droit-fil de la recherche constitue un handicap de régression, et sa
persistance une épreuve grave, très difficile à surmonter et, à la longue,
fatale.
Or la recherche française a subi, au cours des dernières années, plus de
ruptures de rythme qu'il n'était supportable et ce, à son grand détriment.
Votre budget n'est pas de taille à réparer le dégât, nous le déplorons.
M. Roger-Gérard Schwartzenberg,
ministre de la recherche.
Moi aussi !
M. Lucien Lanier.
Nous le déplorons car la continuité d'une politique réaliste de la recherche
est incompatible avec les à-coups préférentiels qui la dominent et la
fragilisent.
Au demeurant, ce n'est pas le montant de tel ou tel crédit qui importe, c'est
davantage l'efficacité de leur utilisation. La guerre des chiffres est
subjective, car chacun peut faire valoir les bons chiffres et occulter les
moins bons.
Ce qu'il faut avoir le courage de dire, c'est que, chaque année, la « façon »
du budget recherche subit de nouvelles et nombreuses contraintes, plus urgentes
les unes que les autres. Arbitrages interministériels, rigidité des structures,
droits acquis, dispersion des exécutants, notamment, créent l'inertie et sont
nuisibles à la continuité, à l'enchaînement de la recherche, bref à la vertu
d'une saine politique de la recherche scientifique et technique.
Sans aucune agressivité à votre égard, monsieur le ministre, vous le savez,
force est de constater les contraintes qui pèsent sur les limites de vos
possibilités. Vous ne pouvez pas définir une continuité de la politique de
recherche parce que vous ne pouvez pas la tenir.
Dès lors, vous ne me contredirez pas si je me permets de dire que la recherche
demeure à l'arrière-plan des priorités nationales et qu'elle en subit les
conséquences, particulièrement à l'égard de la concurrence internationale et,
plus prosaïquement, au regard de notre place dans l'Union européenne.
Qu'est devenue « l'ardente obligation » définie par le général de Gaulle et
appliquée à l'époque avec continuité ? Hélas ! au fil du temps, notre recherche
se révèle comme un grand navire, qui court sur son aire, moteur au ralenti.
La création de votre ministère suscitait et suscite toujours de grands
espoirs, à condition qu'il ne soit pas un ministère parmi tant d'autres et à
condition que les moyens vous soient donnés de pourvoir à l'impulsion
aujourd'hui si nécessaire.
Depuis deux ans, peut-être avez-vous pensé, et cela assez justement, que la
définition d'une vraie politique de la recherche était impossible sans une
profonde modification des structures de la recherche.
Ces dernières ont subi l'érosion du temps, facteur d'inertie, d'immobilisme,
d'éparpillement et de durcissement.
Il en appert que ce qui était autrefois le « modèle français » dont nous nous
targuions est devenu « la singularité française » à laquelle il est urgent de
porter remède.
Monsieur le ministre, vous-même avez exprimé le voeu à plusieurs reprises de
voir les hommes politiques s'intéresser à la recherche. Et vous avez raison !
La loi organique d'orientation date de 1982, un timide toilettage date, si je
ne me trompe, de 1984. Pourquoi ne pas préparer - mais peut-être le faites-vous
- un débat devant le Parlement aboutissant à une grande loi d'évolution,
d'adaptation, bref, d'orientation de notre recherche scientifique, et tenant
compte de la mondialisation ainsi que, surtout, de l'évolution européenne.
Je n'aurai certes pas l'outrecuidance d'en tracer les grands traits
aujourd'hui, mais elle pourrait tenir compte de nos actuelles difficultés liées
au vieillissement de notre organisation.
Le statut des chercheurs, par exemple, constitue une exception française dont
nous pouvions être fiers. Conçu à l'époque comme une consécration du rôle
social éminent des intéressés, ce statut leur offrait non seulement une
garantie de carrière proche de la fonction publique, mais aussi une souplesse
complémentaire tenant compte de la diversité des métiers de chercheurs et de
leur nécessaire mobilité.
Le temps semble avoir quelque peu dévoyé ces excellentes dispositions. La
mobilité des chercheurs s'est quelque peu figée, tant entre secteurs public et
privé, qu'entre les différentes disciplines, qu'entre recherche et disciplines
associées, qu'entre l'enseignement supérieur et les organismes de recherche. Le
cloisonnement a fait son oeuvre ! C'était l'un des trois points évoqués tout à
l'heure par M. Revol.
Dans les universités, l'excellente idée du binôme enseignement-recherche s'est
peu à peu confondue au point que nombreux sont les enseignants chercheurs qui
n'effectuent, en réalité, aucun travail de recherche. Ainsi, en dix ans, le
budget de l'enseignement supérieur a-t-il plus que doublé, mais il est
impossible de savoir quel bénéfice proportionnel en a tiré la recherche.
Ces deux exemples semblent indiquer les quelques maux dont souffre notre
recherche scientifique. Il s'agit d'abord du manque de mobilité, qui freine la
reconversion des chercheurs vers d'autres tâches, car, sauf exceptions, il est
difficile de rester chercheur tout au long d'une carrière de quarante ans. Il
s'agit ensuite du manque d'orientation, du manque de valorisation des travaux
de recherche et, enfin, du manque d'évaluation du rendement de ces travaux.
Sauf erreur de notre part, nous croyons que la loi d'orientation se retourne
peu à peu contre ces nobles intentions premières.
En effet, pour remédier au morcellement, comme au cloisonnement, entre les
différents acteurs de la recherche, on a vu se multiplier de nouvelles
structures de coordination qui, loin d'apporter un remède, ont empilé, voire «
sédimenté » les structures, aggravant leur complexité et le foisonnement des
organismes.
Plusieurs rapports, entre autres, de la Cour des comptes, du Plan, de la
Commission européenne, de l'Observatoire des sciences et techniques, ont tiré
la sonnette d'alarme. En effet, alarme il y a, il faut le savoir, si nous ne
voulons pas que notre recherche gâche ses chances d'avenir, si nous voulons
attirer les jeunes étudiants, qui sont actuellement de moins en moins motivés,
si nous voulons empêcher la fuite des cerveaux. qui semble reprendre et
s'aggraver.
La tâche est énorme parce que aucune réforme de grande portée n'a marqué la
législature présente. Il y a eu quelques tentatives - je salue au passage la
loi de juillet 1999 -, mais la plupart se sont apparentées au Rocher de Sisyphe
!
Faire comprendre l'évolution indispensable est difficile, tant se sont
calcifiés les résistances au changement et le corporatisme des droits acquis,
tant les circonstances actuelles, propices au désir de satisfaire tout le
monde, se prêtent mal aux réformes courageuses.
Raison de plus pour se mettre à la tâche le plus vite possible, et c'est vous,
monsieur le ministre, qui êtes maître d'ouvrage, au nom du Gouvernement.
M. Roger-Gérard Schwartzenberg,
ministre de la recherche.
Plus exactement, maître d'oeuvre.
M. Lucien Lanier.
Nous ne demandons qu'à vous aider à valoriser le merveilleux potentiel de nos
chercheurs, de leurs organismes, de leurs laboratoires.
Monsieur le ministre, si votre effort d'ouverture est réel, reconnaissons-le,
il est néanmoins timide. Vous faites ce que vous pouvez avec ce que vous avez,
mais nous restons sur notre faim quant à la préparation d'une saine politique
de la recherche, cohérente, courageuse, durable, dont la logique attirerait les
moyens.
Nous en sommes encore loin, et c'est la raison pour laquelle le groupe du RPR
du Sénat rejoindra les conclusions de l'excellent rapporteur de notre
commission des finances
(Applaudissements sur les travées du RPR et des
Républicains et Indépendants.)
M. le président.
La parole est à M. Badré.
M. Denis Badré.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, hier matin,
nous examinions l'article 26 du projet de loi de finances, lequel chiffre le
montant du prélèvement sur recettes qui est opéré sur notre budget pour nourrir
le budget européen. Le rapporteur spécial du budget des affaires européennes
que je suis s'est alors étendu assez longuement sur le volet recherche de ce
budget européen. Il en a fait une critique assez forte en s'appuyant sur les
réflexions qui lui ont été rapportées par de nombreux interlocuteurs.
Pour beaucoup, ce budget exacerbe les concurrences entre laboratoires
européens alors que nous attendrions plutôt de lui qu'il favorise toutes les
synergies possibles. Nous ne sommes plus au xixe siècle.
Le monde a changé, le monde est ouvert. L'information circule instantanément,
les capitaux circulent librement et les résultats de la recherche aussi.
A partir du moment où les résultats circulent librement, les chercheurs sont
contraints à l'excellence et les médiocres sont condamnés. Par ailleurs, plus
aucun Etat n'a besoin de favoriser la veille scientifique en entretenant des
chercheurs qui essaient de se tenir au courant mais qui ne font pas avancer la
science.
Seuls les chercheurs qui font avancer la science pourront survivre, et ils le
feront ensemble. Ils ne le feront pas de manière isolée car les meilleurs ont
besoin d'échanger. C'est d'ailleurs quelque peu paradoxal : alors que l'on
pourrait s'attendre à ce qu'ils puissent communiquer par voie électronique, ils
ont besoin d'échanges physiques. C'est sympathique aussi car cela signifie que
l'humanité reste ce qu'elle est et que, lorsqu'on touche à ce qu'elle a de plus
profond, à ce qui prépare l'avenir, les échanges entre les hommes restent
essentiels.
Pour communiquer, alors que seuls les meilleurs seront appelés à ces échanges,
ils ne se rencontreront plus qu'en un endroit dans le monde, et cet endroit,
malheureusement, dans beaucoup de disciplines, ce sera plutôt Boston que Sophia
Antipolis qui, pourtant, est très bien, Pierre Laffitte le sait mieux que
quiconque.
J'ai le regret d'avoir constaté, en tant que président de la mission sur
l'expatriation des compétences, des capitaux et des entreprises, que si,
effectivement, les Français sont très souvent les meilleurs dans un certain
nombre de disciplines - les mathématiques pures, les sciences du vivant ainsi
que l'économie - c'est plutôt à Boston qu'à Paris ou dans d'autres villes
françaises qu'ils travaillent.
Cette situation est réversible et tout reste possible, mais je me dois
aujourd'hui de tirer solennellement la sonnette d'alarme.
Le rapport que nous avons déposé a bien montré que l'aspect scientifique des
choses était au coeur de ce qui peut assurer la compétitivité de la France.
Bien sûr, il y a des aspects culturels, sociaux, économiques, financiers et
fiscaux - depuis huit jours, nous ne parlons que de cela dans cet hémicycle -
mais je me réservais d'insister aujourd'hui sur l'aspect scientifique des
choses.
Une solution pour que la France tienne son rang, demeure compétitive, reste
l'une des premières nations dans cette concurrence mondiale tout à fait
ouverte, une bonne solution implique vraiment qu'une régulation mondiale
intervienne pour que les plus avancés ne le soient pas toujours davantage et
que les plus en retard ne le soient pas toujours davantage.
Il faudra une harmonisation européenne. Il faudra, en France, une réforme de
l'Etat pour que l'image de la France dans le monde, et auprès des scientifiques
du monde entier soit améliorée.
Il faudra réduire les prélèvements obligatoires divers et variés qui pèsent
sur les entreprises et sur les Français, mais il faudra également que notre
appareil scientifique puisse exprimer complètement son potentiel, qui est
considérable.
L'enjeu est donc celui de la compétitivité de la France. Je reprends ce thème
comme un refrain depuis huit jours.
Je souhaite qu'on ne dise pas simplement qu'il fait bon vivre en France mais
qu'on dise plutôt qu'il fait bon chercher en France. Or, pour le moment, il
fait bon vivre en France, mais il fait plutôt meilleur chercher aux Etats-Unis.
Aux Etats-Unis en effet, on donne plus de liberté, plus de responsabilités plus
vite, et, bien sûr, plus de moyens aux chercheurs.
Je vous rappellerai les objectifs que le rapport de la mission que j'ai eu
l'honneur de présider avait définis.
Il nous faut d'abord garder nos scientifiques, ce qui ne veut pas dire qu'il
ne faut pas qu'ils voyagent régulièrement, qu'ils parcourent le monde et
rencontrent leurs partenaires là où ils sont.
Il faut aussi savoir faire revenir ceux qui sont partis. A partir du moment où
un scientifique parcourt le monde, il peut en effet être attiré par les
conditions qui lui sont offertes dans telle ou telle partie du monde.
A cet égard, nous avons récemment parlé des post-doctorants qui, sont partis
aux Etats-Unis et qui, lorsqu'ils terminent leur travail, se posent la question
de savoir s'ils rentrent en France. Dans notre pays, on leur offre des
perspectives souvent un peu étriquées et pas très enthousiasmantes, alors
qu'aux Etats-Unis, on leur propose tout et même le reste. Les Etats-Unis mènent
d'ailleurs actuellement une fantastique offensive pour attirer vers eux les
meilleurs du monde dans toutes les disciplines.
Il faut également que nous ayons le souci d'arrêter au passage les meilleurs
scientifiques étrangers qui vont vers les Etats-Unis, je pense notamment aux
Indiens. Les Indiens sont les premiers immigrants actuellement aux Etats-Unis,
essayons de les faire venir en France, essayons de leur montrer qu'ils pourront
aussi, et peut-être mieux, faire du bon travail en France.
Il faut enfin valoriser le travail que font les scientifiques français en
France et valoriser le travail que font les Français à l'étranger. On ne dit
pas assez que, dans un certain nombre de laboratoires d'excellence aux
Etats-Unis, ce sont des Français qui sont aux commandes. C'est le cas du chef
du département de l'économie du Massachusetts Institute of Technology, le MIT,
à Boston. Imaginons un instant qu'un étranger soit responsable de l'un de nos
grands laboratoires de recherche en France.
Nous n'y sommes pas encore complètement prêts ! A partir du moment où cela
existe aux Etats-Unis, sachons valoriser ces situations et travailler en réseau
pour créer de nouveau des synergies.
Pour atteindre ces objectifs, nous devons accroître l'autonomie de nos
universités afin de les rendre attractives. Lorsque la mission sénatoriale
s'est rendue aux Etats-Unis, les responsables de l'université de Chicago nous
ont expliqué qu'ils veillaient à ne jamais recruter, dans une université
donnée, les anciens élèves de cette université. Selon eux, s'ils les
recrutaient, cela signifierait que ces anciens élèves ne sont pas très bons et
qu'ils ne pourraient pas s'exporter ailleurs. Les responsables préfèrent, au
contraire, montrer qu'on les force à aller ailleurs dans une démarche de
conquête et, inversement, ils attirent chez eux les meilleurs des autres
universités. C'est ainsi que l'on crée une émulation. Dans ce domaine, nous
avons quelques progrès à faire !
Nous devons assouplir la gestion de notre appareil public de recherche, cela a
été dit. Tout le monde comprend ce que cela signifie, je ne développerai donc
pas.
Il faut savoir récompenser l'excellence. Là encore, nous avons pas mal de
progrès à faire.
Nous devons diversifier les financements de la recherche, notamment par le
développement de fondations. Pourquoi cela ne se ferait-il pas en France ou au
moins au niveau européen ? C'est dans ce sens qu'il faut aller.
Nous devons tout spécialement soutenir ce qui se fait dans les domaines dans
lesquels nous sommes les meilleurs, car il est essentiel d'occuper une position
phare et de pouvoir jouer le rôle de moteur. Je pense, à cet égard, aux
difficultés que traverse actuellement la recherche médicale française, qui
compte encore parmi les meilleures au monde, mais pour combien de temps ? Je
sens que, dans ce domaine, nous flageolons un peu et c'est bien triste.
Nous devons, bien sûr, développer aussi l'investissement des entreprises
innovantes ; je citerai à nouveau l'exemple de Sophia-Antipolis. Tout ce qui
vise à rapprocher les entreprises et la recherche est utile. C'est si vrai
qu'aux Etats-Unis on considère que le chercheur qui a réussi dans son domaine
est le plus apte à valoriser les résultats de sa recherche, donc le mieux placé
pour créer une entreprise, et qu'il n'est vraiment un bon chercheur que s'il a
réussi aussi dans l'entreprise.
Nous devons inciter les chercheurs à valoriser eux-mêmes leurs travaux, et
surtout accepter de raisonner autrement. Nous nous cantonnons en effet un peu
trop dans des raisonnements classiques. Nous ne nous interrogeons pas assez sur
la valeur des modèles américain, indien ou allemand. Faisons des comparaisons !
En France, nous avons toujours tendance à considérer que nous sommes les
meilleurs. Ce n'est pas toujours vrai, même si c'est souvent le cas et si nous
prenons plaisir à pousser, de temps en temps, quelques cocoricos.
Enfin - j'en terminerai par là -, nous devons donner le pouvoir à
l'imagination qui est, vous le savez mieux que personne, le véritable moteur de
la recherche. Elle doit être aussi le moteur d'une société française qui
prépare son avenir. Si nous ne faisons pas preuve de toute l'imagination
voulue, je crains que nous n'en restions à la case départ.
Notre politique de recherche doit également être le moteur de la compétitivité
de notre pays et, d'une manière générale, de l'économie et de l'emploi.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, sachons miser sur l'imagination. De
ce point de vue, beaucoup reste à faire, mais nous sommes là pour le faire
ensemble !
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et
des Républicains et Indépendants.)
M. le président.
La parole est à M. Renar.
M. Ivan Renar.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, dans un
monde unipolaire, la recherche doit être une grande ambition pour notre pays,
compte tenu de la montée en puissance de nouveaux pays émergeants. Avec une
progression de 2,2 % des crédits et de 2,9 % des autorisations de programme, ce
budget s'inscrit dans la continuité du précédent, qui avait marqué la fin de
plusieurs années de baisse, ce qui est positif.
Je voudrais cependant soulever certains points de réflexion et souligner
quelques faiblesses.
Ainsi, le ratio du budget par rapport au PIB, lui, n'augmente pas. On peut y
voir un manque de détermination à vouloir donner sa véritable place à la
recherche.
Par ailleurs, la part publique dans la dépense intérieure de recherche et de
développement est en baisse constante par rapport à celle du privé, en nette
augmentation depuis plusieurs années. S'agirait-il d'un certain désengagement
de l'Etat, notamment sur la recherche fondamentale, au profit du privé, plus
préoccupé de recherche appliquée ? Je me refuse à le croire, mais, de ce point
de vue, ce budget n'est pas suffisamment volontariste.
Ce sont 463 emplois qui sont créés dans les établissements publics à caractère
scientifique et technique. Il s'agit, certes, d'une progression, mais elle est
toujours insuffisante pour répondre à la fois au nombre de départs à la
retraite attendus et à l'augmentation indispensable de l'emploi dans la
recherche si nous voulons rattraper notre retard sur le groupe de tête des pays
les mieux dotés, comme les Etats-Unis, le Japon, la Suède, la Finlande, et
d'autres encore.
Cela ne pourra bien sûr se faire qu'au travers non seulement d'une
valorisation affirmée des filières scientifiques et techniques, dans
l'enseignement à la fois professionnel et supérieur, mais aussi d'une
revalorisation régulière des allocations et des salaires qui permette de
renforcer réellement l'attractivité des carrières de la recherche à l'heure où
la seule garantie de l'emploi, dans une société de mobilité croissante dans le
parcours professionnel, n'est plus en soi un critère suffisant. La progression
du monitorat et l'augmentation des conventions industrielles de formation par
la recherche sont donc des sources de satisfaction. Les allocations recherche
progressent tout comme le nombre d'allocataires, mais c'est encore vraiment
insuffisant par rapport aux besoins. Le même constat peut être fait sur la
faiblesse des dotations aux établissements.
Un effort particulier mériterait aussi d'être porté sur l'éducation et la
culture scientifiques, actuellement réparties sur quatre ministères différents.
Dès l'amont, les centres de culture scientifique, technique et industrielle
devraient voir leur rôle renforcé pour éveiller le goût des plus jeunes et un
intérêt plus vif et durable du public. Les actions en faveur de la culture et
de l'information scientifiques méritent plus de soutien et de moyens. Le succès
de la Fête de la science, même si elle fut perturbée cette année, est là pour
démontrer que la demande est forte.
Le budget présenté insiste sur trois thèmes prioritaires : sciences du vivant,
environnement - énergie - développement durable, et sciences et technologies de
l'information et de la communication, qui connaissent les plus fortes
croissances. Je suis satisfait qu'un effort particulier soit porté sur ces
enjeux majeurs, dont l'importance ira certainement croissant dans un futur très
proche. Un risque, cependant, c'est qu'à tous les niveaux - Europe, Etat,
régions - on affiche les mêmes priorités et qu'il y ait à terme des
déséquilibres lourds de conséquences, je pense en particulier à la chimie et à
la physique.
En revanche, il est à déplorer que, malgré l'installation de six génopoles en
province, dont une à Lille, et malgré le souci de rééquilibrage des crédits du
budget civil dans les contrats de plan Etat-régions, la répartition des
activités, des équipements et des emplois de la recherche sur le territoire
national reste très inégale. La région d'Ile-de-France est toujours
surdimensionnée et les potentiels des autres régions, insuffisamment pris en
compte.
Je n'hésiterai donc pas à parler d'un nécessaire « aménagement scientifique du
territoire », impliquant par exemple la décentralisation de certaines activités
d'organismes tels que le CNRS et, surtout, l'augmentation du nombre de
chercheurs dans tous les grands organismes de recherche.
Le problème de l'adéquation entre la logique de déploiement des emplois des
organismes et celle du développement équilibré de la recherche reste posé.
C'est une question déterminante : nous n'insisterons jamais assez sur le rôle
stratégique éminent que la recherche joue dans la dynamisation économique,
sociale et culturelle des régions.
Vous me permettrez de plaider pour le Nord - Pas-de-Calais, pour dire que, si
les actions nouvelles de recherche, ce que l'on appelle « l'après SOLEIL », se
mettent en place peu à peu, je crains toutefois que nous ne soyons en dessous
du rythme souhaitable en ce qui concerne les emplois, surtout les allocations
de recherche, puisqu'il n'y a pas eu, pratiquement, de fléchage spécifique.
Globalement, se pose le problème des allocations de la recherche et de la
faiblesse de la dotation des établissements de la région.
Un dernier mot, enfin, pour regretter le manque de moyens pour la mise aux
normes de sécurité des laboratoires, en particulier universitaires, à la fois
pour les risques en termes environnementaux et pour les conditions de travail
et de sécurité des personnels.
Ce budget confirme donc l'inversement de tendance entamé l'année dernière par
rapport aux régressions passées, ce qui est un motif de satisfaction. Pourtant,
des efforts bien plus significatifs restent encore nécessaires pour faire de la
recherche un grand enjeu national. La place de la France dans le monde, le
dynamisme de son éducation, la vitalité et la force de son économie le
réclament. C'est ce que nous attendons pour les années à venir. Considérant ce
budget comme un encouragement à aller dans ce sens, monsieur le ministre, nous
le voterons donc.
M. le président.
La parole est à M. Lagauche.
M. Serge Lagauche.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le budget
civil de recherche et développement technologique, qui a connu une progression
constante depuis 1997, s'élève, pour l'année 2002, à 8 725 millions d'euros. En
progression de 2,2 % par rapport au budget voté pour 2001, il augmente, pour la
deuxième année consécutive, plus fortement que les dépenses de l'Etat et que
l'estimation de la croissance des prix à la consommation en 2002.
Cet effort budgétaire significatif porte quatre priorités : une politique de
l'emploi scientifique visant à rajeunir la recherche, le renforcement des
moyens de fonctionnement et d'investissement de la recherche publique, les
champs disciplinaires prioritaires que sont les sciences du vivant, les
sciences de l'environnement et de l'énergie, les sciences et technologies de
l'information et de la communication, le soutien à l'innovation et la recherche
industrielle.
Concernant l'emploi, vous avez annoncé, monsieur le ministre, le 25 octobre
dernier, un plan pluriannuel de créations d'emplois scientifiques sur dix ans,
afin d'anticiper les nombreux départs à la retraite entre 2004 et 2010. Ce plan
s'articule, dans une vision prospective d'ensemble, avec celui de
l'enseignement supérieur sur la période 2001-2003, mis en place par le
ministère de l'éducation nationale. D'ores et déjà, les créations de postes
prévues sont substantiellement plus élevées que les années précédentes : 500
emplois en 2002 contre 265 en 2001, 18 en 2000 et 140 en 1999.
Je me félicite, par ailleurs, de la revalorisation de l'allocation de
recherche à hauteur de 5,5 %, pour laquelle j'avais plaidé lors de la
discussion budgétaire de l'an passé.
Je considère que c'est un bon début, d'autant que cette revalorisation
s'inscrit dans un ensemble de mesures d'incitation en direction des jeunes
scientifiques telles que la généralisation de l'allocation de monitorat,
l'augmentation des conventions industrielles de formation pour la recherche,
l'action concertée incitative « jeunes chercheurs » pour encourager le
démarrage d'équipes de jeunes chercheurs.
Les moyens de la recherche publique se développent grâce à la poursuite de
l'augmentation des crédits de fonctionnement et d'investissement des
laboratoires publics : les établissements publics à caractère scientifique et
technique, les EPST, sont destinataires de l'ensemble des créations d'emplois
pour 2002 et bénéficient d'une hausse de 6,8 % de leurs autorisations de
programme permettant de relancer des opérations lourdes prioritaires. Le
soutien de base aux équipes de recherche des EPCST continue de progresser de
6,1 % et 70 % des crédits du Fonds national de la sicence sont accordés à des
équipes relevant d'organismes publics.
En matière de très grands équipements est prévu, dans le budget du CNRS, le
financement de la phase 1 du synchrotron de troisième génération « SOLEIL ».
L'institut français de recherche pour l'exploitation de la mer, l'IFREMER,
bénéficie d'une autorisation de programme de 6,61 millions d'euros pour son
nouveau bateau scientifique.
Enfin, la priorité affirmée en 2001 à l'égard de la recherche universitaire,
qui avait vu ses autorisations de programme progresser de 8,8 %, est
intensifiée avec un taux d'évolution des autorisations de programme de 19,3
%.
Parmi les champs disciplinaires prioritaires, les sciences du vivant reçoivent
un quart des moyens du BCRD. L'Institut national de la recherche agronomique,
l'INRA et l'Institut national de la santé et de la recherche médicale, l'INSERM
bénéficieront respectivement de 100 et de 80 créations d'emplois, et leurs
moyens de fonctionnement et d'investissement progressent de manière
significative.
Il faut aussi noter les mesures en faveur des biotechnologies présentées par
M. le ministre de l'économie et des finances, lors de sa visite du Génopole
d'Evry, le 22 novembre dernier : un fonds de soutien aux entreprises de
biotechnologies, doté de 40 millions d'euros, qui garantira de 50 % à 70 % du
montant des prêts des entreprises innovantes en sciences de la vie et un fonds
de co-investissement, doté de 60 millions d'euros pour les jeunes entreprises
en quête de relais de financement.
Le deuxième poste de dépense du BCRD revient désormais aux recherches sur
l'environnement, l'énergie et le développement durable, dont 16 % des crédits
leur sont consacrés. En outre, la dotation du ministère de l'environnement au
BCRD augmente de 17 %.
Les moyens attribués aux sciences et technologies de l'information et de la
communication progressent, quant à eux, de 7,1 % et seront attribués
prioritairement à l'Institut national de recherche en informatique et en
automatique, l'INRIA, au développement du nouveau département des sciences de
l'information et de la communication du CNRS, au renforcement de l'équipement
de l'Institut du développement et des ressources en informatique scientifique,
l'IDRIS et au réseau national de télécommunication par la technologie,
l'enseignement et la recherche, de troisième génération, RENATER.
L'innovation et la recherche industrielle constituent, depuis le début de
cette législature, un axe fort de la politique de recherche du Gouvernement. La
loi du 12 juillet 1999 donne déjà de bons résultats, ce que n'a pas manqué de
souligner notre rapporteur de la commission des affaires culturelles, qui salue
en outre d'autres initiatives gouvernementales, telles que le concours national
d'aide à la création d'entreprises, l'appel à projet « Incubation et
capital-amorçage des entreprises technologiques » ou le fonds public pour le
capital risque.
Cependant, je ne pense pas que l'on puisse examiner le budget de la recherche
sans aborder la dimension européenne, et spécialement l'Europe spatiale et le
sixième programme-cadre de recherche et de développement, le PCRD, qui vient
d'être adopté.
Monsieur le ministre, lors du Conseil ministériel de l'Agence spatiale
européenne, chargé de passer en revue les différents programmes scientifiques
pour la période 2002-2006, vous avez obtenu des arbitrages positifs sur les
programmes qui sont, pour nous, prioritaires : Ariane, Galileo, le futur GPS
européen et le projet de surveillance par satellite
Global Monitoring
Environement and Security, GMES.
Ont été aussi abordées les négociations en cours avec la Russie visant à ce
que la fusée Soyouz décolle de la base guyanaise de Kourou à partir de 2003.
Comme s'en est fait écho la presse, dans un contexte où la concurrence,
essentiellement américaine, est de plus en plus forte et où le marché des
satellites de télécommunications tend à ralentir, ce projet fait ressortir des
difficultés sur le plan financier et des désaccords tant entre les différentes
composantes de l'Europe spatiale - Arianespace, EADS et la SNECMA - qu'avec la
Russie.
Or l'Europe spatiale, afin de poursuivre efficacement l'ensemble de ses
programmes, tels le programme scientifique, les développements technologiques
pour les satellites de télécommunications, ou encore le programme d'observation
de la terre, ne peut ignorer les avantages commmerciaux que lui offrirait
l'utilisation de deux fusées de capacités différentes à Kourou. D'autant que
cette coopération avec la Russie ouvrirait peut-être la voie à une
participation de l'industrie aéronautique civile russe dans le programme
Airbus, comme l'espère, en tout cas, EADS, ce qui renforcerait ses capacités de
recherche technologique et ouvrirait, à moyen terme, une perspective
d'accroissement de la puissance de l'Europe face aux industriels américains.
Monsieur le ministre, pouvez-vous nous préciser l'état d'avancement des
négociations avec la Russie ?
Concernant le sixième PCRD, j'aborderai un point particulier, celui des
sciences humaines et sociales.
Peu nombreux, et c'est symptomatique, sont les rapporteurs ou les intervenants
sur ce budget qui abordent ce sujet. Bien sûr, ce ne sont pas les sciences
humaines qui dopent la croissance, mais dans une ère du « tout technologique »,
ce sont bien elles qui donnent du sens à notre société, et c'est également à
travers elles que se renforcera l'identité culturelle européenne.
Les sciences humaines et sociales sont au coeur des problématiques de notre
temps.
M. Pierre Laffitte.
Absolument !
M. Serge Lagauche.
Les questions éthiques soulevées par le clonage humain, dont nous aurons à
débattre prochainement, lors de la révision des lois « bioéthique » viennent
naturellement tout de suite à l'esprit.
Je pense également à l'exigence de connaissance et de compréhension de notre
mode contemporain, exacerbée par les attentats du 11 septembre et leurs suites.
Comment analyser ces événements sans le travail de réflexion et de mise en
perspective d'islamologues ou de spécialistes en géopolitique, par exemple ?
Nous avons besoin des sciences humaines et sociales pour faire reculer les
stéréotypes et les clichés à l'oeuvre, notamment, et trop fréquemment, dans les
médias, et ainsi, j'espère, faire reculer l'intolérance, trop souvent, liée à
la méconnaissance.
Monsieur le ministre, dans le cadre de la présidence française, vous aviez
organisé un colloque sur les « sciences de l'homme et de la société dans
l'Europe de la recherche », colloque au cours duquel vous avez plaidé pour
l'introduction des sciences de l'homme et de la société comme disciplines de
plein exercice dans le sixième PCRD. Qu'en est-il à ce jour ?
Pour conclure, je voudrais revenir sur l'avis rendu par la commission des
affaires culturelles.
Si je ne suis nullement étonné du rejet de ce budget par la commission des
finances, je n'en dirai pas de même de la décision de la commission des
affaires culturelles, qui s'en remet à la sagesse du Sénat.
Cet avis est motivé par deux seules critiques. La première concerne
l'insuffisante démocratisation de la culture sceintifique et technique. Or vous
venez justement de lancer, monsieur le ministre, les Assises de la culture
scientifique et technique La seconde critique, encore plus injustifiée, porte
sur la faible progression des crédits.
Prenons donc le temps de la comparaison pour placer la majorité sénatoriale
face à ses contradictions.
L'évolution du BCRD entre 1993 et 1997 a été de 3,4 %, alors que, sur la
période 1997-2002, elle a été de 9,4 %. Il en va de même pour l'emploi
scientifique : 928 emplois ont été supprimés entre 1993 et 1997 - quand vous
étiez, chers collègues de la majorité sénatoriale, aux responsabilités - contre
700 emplois créés sur la seule période 1997-2000, ou encore, concernant les
moyens des laboratoires, ils ont baissé de 12 % entre 1993 et 1997, contre une
hausse de 28 % depuis 1997. Etes-vous donc bien placés pour taxer cet effort
budgétaire d'insuffisant ? Assurément, ce n'est pas manquer d'objectivité ou de
réalisme que de vous répondre non.
Contrairement à vous, donc, le groupe socialiste apportera, en toute
objectivité et réalisme, son entier soutien au budget de la recherche pour
2002.
M. le président.
La parole est à Mme Blandin.
Mme Marie-Christine Blandin.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, mon propos
sera consacré au développement durable, cette conception humaniste du progrès
qui essaie de produire plus de bien-être avec moins de matière. C'est dire
combien cette performance a besoin d'une recherche foisonnante et active, tant
scientifique que sociale. En effet, l'écologie a un ennemi :
l'obscurantisme.
Tout d'abord, je plaiderai, comme nombre de mes collègues, pour la culture
scientifique.
Près de 10 millions d'euros sont mobilisables au budget. Nous en attendons une
réelle démocratisation du savoir et nous en espérons une juste répartition sur
l'Hexagone, au-delà des murs de la Cité des sciences et de l'industrie de La
Villette.
Monsieur le ministre, vous répondiez en ces termes à Mme Pourtaud, devant la
commission des affaires culturelles du Sénat : « Il n'est nullement envisagé de
remettre en cause le rôle de Paris comme grande métropole scientifique ni de
dépouiller l'Ile-de-France de ses équipements. »
M. Michel Pelchat.
Je l'espère !
Mme Marie-Christine Blandin.
Qui pourrait donc en avoir l'intention ? Mais où sont les compensations
promises aux Nordistes, spoliés du projet SOLEIL ? Et les provinciaux, sont-ils
condamnés à n'apprendre que le jour de la fête de la science ?
Le développement durable est un juste équilibre entre économie, social et
environnement avec, pour centre de gravité, la démocratie.
Regardons le budget de la recherche à l'aune de ces axes.
Nous nous félicitons de son accroissement. Ses priorités sont favorables à nos
préoccupations. L'effort sur les ressources humaines est lisible.
Il sera à poursuivre, car la pyramide des âges montre une majorité de
chercheurs ayant plus de cinquante ans. Il sera à répartir, et nous attendons
un plan de rattrapage des déséquilibres constatés pour ce qui est du nombre de
chercheurs en province.
Il sera à accompagner de mesures destinées à faciliter le vécu quotidien des
laboratoires, qui viseront, notamment, l'allégement des procédures pour
commander des produits ou équipements ; la consultation en amont et la prise en
compte des dynamiques locales avant de « parachuter » des pôles d'excellence ou
des incorporations dans des réseaux ; la survie des recherches « hors priorité
» ou « hors mode » ; la facilitation du dialogue transversal et l'aide aux
demandes de financement européen.
Le budget met pertinemment l'accent sur les sciences du vivant et
l'environnement. Ce faisant, il répond aux aspirations quotidiennes des
habitants.
Cependant, en regardant le détail, on s'aperçoit de la « vampirisation » de
nombreuses lignes par le nucléaire, qui se taille la part du lion, en énergie,
avec le CEA, et en environnement, avec l'IRSN, l'Institut de radioprotection et
de sûreté nucléaire.
La mixité des financements privés-publics, parfois inutile - je pense au
trésor du centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le
développement, le CIRAD - interroge sur l'origine des choix stratégiques :
profit des semenciers ou bien-être des paysans et des consommateurs ?
Et ce n'est pas le passage d'Axel Kahn de la présidence du comité consultatif
national d'éthique à la direction d'Aventis qui nous rassure sur la séparation
des genres...
Si la mixité des équipes est fertile, en aucun cas l'intérêt général ne doit
passer au second plan.
Que reste-t-il, en effet, aux énergies renouvelables, à la sécurité
alimentaire, à la prévention du risque - inondations, tempêtes, sels de métaux
lourds - à la biodiversité, tous ces domaines très peu investis par le privé
?
Faut-il faire le deuil définitif du programme Biovigilance ? Pourquoi ne pas
prévoir, dans chaque programme, 10 % sur la recherche des impacts ?
Enfin, le budget fait de l'espace une priorité. Cela permettra des
observations dynamiques fiables sur le climat, la couverture végétale, la
calotte glaciaire, et fournira des outils de prévention, pour le suivi des
pétroliers, par exemple. Est-ce que le Gouvernement a l'intention de veiller à
la mise à disposition du public de ces données ? Pour prendre un exemple, les
habitants du bassin minier paient, comme les autres, le CNES, par leurs impôts.
Il n'est donc pas normal que le coût d'une mesure réalisée par satellite des
affaissements des sous-sols et des sols soit hors de leur portée financière.
Le ministère des transports consacre, quant à lui, 342 millions d'euros à la
recherche. C'est indispensable. Les Français attendent, en effet, moins de
bruit, moins de pollution, moins de danger. Les regards sont tournés vers les
tunnels, les camions, les engorgements de circulation. Cependant, avec l'appui
des choix du ministère, une somme de 267 millions d'euros, soit 78 % du budget
consacré à la recherche par le ministère des transports, est consacrée à l'A
380 !
La disproportion est manifeste ! Avec tant d'argent, on aurait pu lancer le
ferroutage, les voitures propres, la régulation du fret, ou concevoir des
avions moins polluants, moins bruyants et nourrir autrement le débat sur le
néfaste troisième aéroport.
Ne pourrait-on au moins imaginer que, dans ce budget, une petite étude
sérieuse sur l'utilisation de dirigeables entre Bordeaux et Toulouse nous évite
la saignée routière destinée au transport des pièces de l'Airbus ?
Le développement durable, c'est aussi demain et ailleurs.
Alors que le risque a fait irruption de façon meurtrière dans notre confort de
nantis, l'heure est plus que jamais au principe de précaution ; chacun doit se
responsabiliser : chercheur, industriel, décideur.
Hier, on traitait d'obscurantistes ceux qui remettaient en cause les farines
animales ou l'amiante. Aujourd'hui, Tchernobyl, l'ESB, le mésothéliome de la
plèvre, le saturnisme des enfants renvoient l'obscurantisme dans le camp de
ceux qui n'ont que des certitudes.
Loin d'enrayer la recherche, le doute la pousse en avant et évite l'hypothèque
sur les générations futures. Quant aux alertes irrationnelles, elles n'ont pas
prise sur une société bien nourrie de culture scientifique indépendante.
Enfin, permettez-moi d'évoquer l'ailleurs : le reste de la planète qui peine
et qui souffre.
Seattle et Porto Alegre ont révélé une grande motivation pour trouver d'autres
équilibres. Cependant, ni Davos ni Doha ne mettent en perspective de pistes
fécondes.
A Rio, nous avons pris des engagements. Le développement mérite d'être mieux
appuyé par des recherches appropriées, comme celles de l'Institut de recherche
pour le développement, l'IRD.
Ainsi, au lieu de caricaturer le débat entre « pour et contre les OGM » il
serait plus sain d'énoncer le but fixé - éradiquons la faim - puis de regarder
les outils opérants.
A ce titre, la répartition équitable des terres, nous disent les chercheurs,
augmenterait de 18 % les ressources alimentaires du Pakistan et de 79 % celles
du Brésil. De même, l'amélioration de l'irrigation accroîtrait de 50 %
l'autosuffisance des pays en voie de développement.
Les pistes et les expertises pour un développement autonome, respectueux des
hommes et de la planète ne valent-elles pas autant que celle du génome ou des
sciences et techniques de l'information et de la communication ? La cotation en
Bourse du développement humain, certes, n'existe pas, mais le coût social et
environnemental du « mal-développement » pèse de plus en plus lourd dans la
balance de nos échanges, comme sur notre responsabilité.
Monsieur le ministre, c'est un budget en accroissement, porteur de bonnes
pistes, qui prend en compte des demandes de postes, dont vous proposez
l'inscription ; nous le soutiendrons. Cependant, le temps du rééquilibrage sur
l'ensemble du territoire, comme celui d'une recherche plus à l'écoute des
vraies aspirations des Français est venu : nous y serons attentifs.
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Roger-Gérard Schwartzenberg,
ministre de la recherche.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les
sénateurs, j'ai beaucoup de plaisir à me trouver avec vous ce soir, parce que
je suis avec des femmes et des hommes qui attachent de l'importance à la
recherche, ce qui n'est pas si fréquent, convenons-en.
J'ai bien noté quelques divergences, ici et là.
M. Jacques Valade,
président de la commission des affaires culturelles.
Mineures !
(Sourires.)
M. Roger-Gérard Schwartzenberg,
ministre de la recherche.
Je n'en minorerai pas l'importance, mais je
tiens tout de même à noter l'intérêt commun que nous portons à la recherche, ce
qui, en soi, constitue déjà un point qui nous rassemble.
(Nouveaux
sourires.)
Je répondrai d'abord aux rapporteurs, que je remercie de la grande qualité de
leurs travaux - sans toutefois me féliciter totalement du vote qu'ils
recommandent, mais c'est là un autre problème. Je tiens à remercier également
les orateurs des groupes, qui sont intervenus avec beaucoup de pertinence.
A la suite de M. Trégouët, plusieurs orateurs ont porté sur l'augmentation du
BCRD une appréciation qui ne correspond pas exactement à la vision que j'en ai.
L'augmentation de 2,2 % que connaîtra cette année le BCRD, si le projet de
budget du ministère de la recherche dans son ensemble est voté par le
Parlement, comme l'augmentation de 2,1 % qui était inscrite au budget de 2001,
adopté l'an dernier et en cours d'exécution - il est temps, d'ailleurs, compte
tenu de la période de l'année dans laquelle nous sommes ! - est supérieure non
seulement à l'inflation, dont la prévision s'établit à 1,5 % pour 2002, mais
aussi à l'augmentation moyenne du budget de l'Etat, qui est de 2 %.
M. René Trégouët,
rapporteur spécial.
Oui !
M. Roger-Gérard Schwartzenberg,
ministre de la recherche.
La différence n'est pas fulgurante, mais le
BCRD reste au-dessus de la barre.
Je ne citerai pas les budgets dont l'augmentation reste inférieure à la
moyenne, ce serait contraire à la confraternité gouvernementale, mais vous les
connaissez, et le budget de la recherche n'en fait pas partie : s'il n'est pas
encore un budget prioritaire, il a vocation à le devenir.
Un effort particulier en faveur du budget de la recherche s'est déjà
concrétisé dans le budget de 2001 et se confirme dans le projet de budget pour
2002. Je ne doute pas qu'il en ira de même avec le budget pour 2003, qui vous
sera nécessairement soumis : j'ignore qui aura la chance de le présenter, mais
je ne doute pas que celui qui le soutiendra - peut-être moi, sans doute un
autre - aura à coeur de faire encore mieux et plus, de façon que le budget de
la recherche soit définitivement et réellement prioritaire.
Je remarque que les budgets considérés comme prioritaires sont en réalité ceux
dont l'importance est évidente : je veux parler des budgets de la sécurité, de
la justice, de l'éducation et de l'environnement. Le budget de la recherche ne
figure pas encore sur la liste, mais il commence à s'en rapprocher de manière
significative.
M. Trégouët a commencé par dire - et comment ne pas être d'accord avec lui ? -
qu'il ne fallait pas se livrer à une bataille de chiffres. Certes ! Mais je
voudrais citer, comme je l'ai fait dans d'autres enceintes, la phrase que l'on
prête généralement à Disraeli : « Quand je me regarde, je me désole ; quand je
me compare, je me console. »
S'il fallait comparer les crédits des budgets votés depuis 1997, c'est-à-dire
celui de 1998 et les suivants, à ceux des budgets qui ont été adoptés de 1993 à
1997, je ne suis pas certain que la comparaison serait en défaveur de la
première série ! Je suis même persuadé du contraire. Mais je ne m'attarderai
pas sur ces chiffres, que vous connaissez comme moi, sinon mieux.
M. Trégouët a souligné deux points qui sont, en effet, dignes d'interrogation,
en tout cas de réflexion : le CNRS et les statuts des personnels.
En ce qui concerne le CNRS, il y a une tradition française. Aucune tradition
n'a nécessairement vocation à être maintenue ; en affirmant le contraire, je me
montrerais conservateur, voire traditionaliste. Mais cette tradition a été
portée par plusieurs hommes d'Etat français. Je veux parler de Jean Zay et de
Jean Perrin, qui ont oeuvré à la création du CNRS, en 1939, après une première
ébauche en 1938, parce qu'ils considéraient alors que la recherche
universitaire n'était pas assez productive. Citons également le général de
Gaulle, tant à la Libération qu'à son retour au pouvoir, à la fin des années
cinquante, ainsi que Pierre Mendès France. Tous estimaient que l'université, en
tout cas à l'époque, ne fournissait pas un effort de recherche qui fût
suffisant, non plus que le secteur privé.
C'est ainsi que l'effort s'est poursuivi en faveur de la recherche publique,
effort qui continue de nous placer à la tête du palmarès actuel pour la dépense
publique de recherche. Quant à la dépense privée, si elle est en progression,
elle n'atteint pas le même niveau qu'aux Etats-Unis ou au Japon.
Pour répondre plus précisément à M. Trégouët, le CNRS n'est pas une
organisation qui vivrait dans un splendide isolement, coupée par exemple de
l'université ; ainsi, le CNRS anime plusieurs unités mixtes auxquelles
collaborent également des universitaires.
Le CNRS lui-même, comme les autres EPST, est envisagé dans le plan décennal
pour la recherche, que certains d'entre vous ont bien voulu évoquer, dans la
perspective d'une complémentarité avec le plan de mon collègue de l'éducation
nationale pour l'enseignement supérieur, afin d'éviter les doublons et, au
contraire, de coordonner et d'harmoniser l'effort.
Certains s'interrogent sur l'opportunité de revoir le statut des personnels de
recherche. Mais imaginer, comme le font certains pays, des contrats à durée
déterminée serait en contradiction avec notre souhait de voir des « post-docs »
revenir de l'étranger, voire quitter les universités françaises : sortant déjà
de contrats d'environ trois ans, statut précaire par excellence, ces jeunes ne
seraient peut-être pas attirés vers la recherche, dans la situation de
compétition que nous connaissons actuellement, par un contrat à durée
déterminée qui les confirmerait dans la précarité.
C'est le souci que l'on peut avoir, dans le contexte actuel, sans pour autant
porter de jugement définitif sur la réflexion de M. Trégouët.
Quant aux procédures d'évaluation, je suis tout à fait d'accord avec M.
Trégouët : il faut encore les dynamiser et les renforcer. Une évaluation très
active - et très publique ! - des activités des organismes de recherche
pourrait en effet permettre d'équilibrer ce statut.
En ce qui concerne les services d'activités industrielles et commerciales, les
SAIC, je dois l'avouer :
mea maxima culpa -
ou plutôt
nostra maxima
culpa,
puisque, n'étant pas l'auteur de la loi qui les a instaurés, je n'ai
pas vocation à m'en attribuer les mérites non plus que les éventuelles
difficultés d'application.
Cette loi du 12 juillet 1999 est une loi excellente. L'un de vous regrettait
tout à l'heure qu'aucune réforme d'envergure n'ait été réalisée... Si, par
Claude Allègre ! Je ne parlerai que de lui, car évoquer d'autres réformes
reviendrait à m'abandonner à l'autosatisfaction, activité tout à fait proscrite
par la Haute Assemblée.
Cependant, vous savez que nous travaillons depuis deux ans au décret
d'application relatif aux SAIC. Nous avons abouti sur beaucoup de sujets,
notamment sur les modalités d'application de la TVA, sur la définition du champ
de ces services et sur le mode de calcul de l'impôt sur les sociétés, mais il
reste le problème de la taxe professionnelle. Représentants éminents des
collectivités locales, vous connaissez la complexité et la sensibilité de tels
sujets !
Les décrets sur les modes d'organisation et sur le régime budgétaire et
comptable, qui sont donc prêts, ont été validés par la conférence des
présidents d'université et par le ministère des finances. En effet, nous avons
tenu à associer à cette réflexion l'ensemble des acteurs de la réforme -
présidents d'université, agents comptables, secrétaires généraux d'université,
services fiscaux... - et à procéder à une étude d'impact rigoureuse, grâce à un
cabinet d'audit.
Dès le début de 2002, six universités mettront en place des SAIC, à titre
expérimental, sous l'égide d'un comité de pilotage composé de représentants des
universités, des ministères de l'éducation nationale et de la recherche, et des
services du ministère des finances.
Mon ministère n'est donc pas resté inactif. Au contraire, il a mené un long
travail d'étude et de préparation qui, je le reconnais, a été relativement long
- encore que, la loi ayant été promulguée le 12 juillet, quinze mois seulement
se soient écoulés !
MM. René Trégouët,
rapporteur spécial,
et Jacques Valade,
président de la commission des affaires culturelles.
C'était le 12 juillet 1999 !
M. Roger-Gérard Schwartzenberg,
ministre de la recherche.
J'ai donc fait une erreur de calcul, et la
réalité est pire que je ne la décrivais, de manière trop idyllique ! Le délai
écoulé est plus long que je ne le disais, et notre culpabilité n'en serait que
plus grande si elle n'était née du désir d'engager une concertation véritable
avec tous les acteurs du système et du souci d'aboutir à un texte qui soit
réellement efficace.
M. René Trégouët,
rapporteur spécial.
Beau rétablissement !
M. Roger-Gérard Schwartzenberg,
ministre de la recherche.
Nous avons rencontré de nombreuses difficultés
jusqu'à présent, car le régime appliqué par les universités aux activités de ce
type se situait parfois aux frontières des textes - frontières internes, bien
sûr.
J'en viens aux questions soulevées par Pierre Laffitte, à qui je veux rendre
hommage pour la parfaite connaissance qu'il a de ces sujets. Je relève qu'il
parlait de domaines « régaliens », étant lui aussi attentif à l'idée que la
recherche publique en France, par la tradition qui est la sienne, correspond au
fond à la recherche d'un intérêt supérieur de l'Etat ; car la recherche est non
seulement la maîtrise des savoirs fondamentaux, elle est aussi le moteur
principal de la compétitivité, de la croissance et de l'emploi. Si elle n'est
pas suffisamment assurée en dehors des organismes de recherche, il faut bien
que l'Etat joue son rôle !
Le fonds national de la science sera porté cette année à 1 milliard de francs,
si le Parlement en est d'accord, et le fonds de la recherche et de la
technologie, le FRT, a déjà été porté, l'an passé, à 1 milliard de francs. Il
reste à ce niveau, qui est tout à fait important. Je signale d'ailleurs - et
Pierre Laffitte le sait bien, puisqu'il en est partisan - que les crédits du
FRT profitent beaucoup plus que par le passé aux PME-PMI innovantes, ce qui me
paraît beaucoup plus sain que lorsque les grands groupes industriels, qui ont
peut-être moins besoin de l'aide de l'Etat, en étaient les principaux
bénéficiaires.
La mobilité, sur laquelle plusieurs orateurs ont insisté, est une nécessité
vitale pour la recherche et pour les chercheurs. C'est pourquoi nous veillons à
la développer. Ainsi, dans le plan décennal, dont certains ont bien voulu
parler, nous avons doublé le nombre de postes d'accueil réservés aux
enseignants chercheurs, aux universitaires, dans les organismes de recherche.
De son côté, l'éducation nationale a fait un effort particulier pour que les
postes d'accueil réservés aux chercheurs dans les universités voient aussi leur
nombre augmenter.
Par ailleurs, M. Lanier l'a évoqué, la loi de 1999 dont nous parlions à
l'instant favorise la mobilité des chercheurs vers le secteur extérieur en leur
permettant soit de créer leur propre entreprise et de valoriser ainsi eux-mêmes
les résultats de leur recherche, soit d'exercer des tâches de conseil dans les
entreprises, soit de participer à des conseils d'administration. De nombreuses
autres possibilités sont également offertes pour que les chercheurs, sans
rompre définitivement avec leur statut de chercheur public, puissent exercer
pendant plusieurs années des activités en dehors des organismes de recherche et
y revenir ensuite. Ces allers et retours entre la recherche publique et le
secteur privé me paraissent tout à fait importants.
Je remercie également Pierre Laffitte de ses propos sur l'innovation et le
transfert de technologies, sujet auquel nous sommes très attachés.
Trente et un incubateurs publics existent d'ores et déjà, sans compter les
incubateurs privés, qui font beaucoup pour accueillir, conseiller, « cocooner
», dirai-je, les jeunes entreprises, les jeunes pousses technologiques
porteuses de projets de création d'entreprises innovantes. Par ailleurs, les
fonds d'amorçage fonctionnent bien - trois fonds nationaux, plusieurs fonds
régionaux - et rendent l'Etat un peu
business angel,
à son tour,
vis-à-vis des
start-up
de
high-tech,
comme dirait la presse
financière française.
Que M. Revol, qui connaît lui aussi parfaitement ces problèmes et exerce les
responsabilités que l'on sait à la tête de l'Office parlementaire d'évaluation
des politiques publiques, ne se fasse nul souci, non plus que M. Ivan Renar ou
d'autres orateurs, pour les disciplines qui ne sont pas dans les champs
disciplinaires prioritaires retenus soit par le projet de budget pour 2002,
soit par le plan décennal.
En effet, ce dernier est bâti en étroite complémentarité avec l'action de
l'éducation nationale, et nous faisons en sorte que, au terme de ce plan
décennal, aucune discipline, quelle qu'elle soit, si l'on prend le système
global d'enseignement supérieur et de recherche, ne voie ses effectifs
diminuer. Nombre de disciplines « non prioritaires » verront même les leurs
augmenter.
En ce qui concerne la filière nucléaire, je suis tout à fait soucieux, comme
vous-mêmes, que l'obligation faite par la loi Bataille aux organismes de
recherche et aux ministères concernés de présenter les trois options
concevables je ne les classerai pas par ordre hiérarchique, mais je les citerai
comme elles viennent - l'entreposage en surface ou en subsurface, le stockage
en couches géologiques profondes et la séparation - transmutation - puisse être
respectée et que ces trois orientations soient effectivement présentées à la
représentation nationale en 2006.
Je peux d'ores et déjà vous assurer que tel sera bien le cas, les travaux du
CEA, d'une part, et de l'ANDRA, d'autre part, avançant très sûrement. Le CEA
réalise des travaux de grande qualité, avec un budget qui reste tout à fait
important, je le préciserai tout à l'heure.
En ce qui concerne le CNES, dont M. Serge Lagauche a parlé également à propos
des activités spatiales, je dirai que le budget de cet organisme, vous l'avez
d'ailleurs dit, monsieur Revol, est stabilisé - c'est la première fois depuis
quatre ans - alors qu'il avait connu les années précédentes certaines
diminutions. Il est stabilisé notamment parce que le CNES - Mme Marie-Christine
Blandin le disait tout à l'heure à propos des technologies spatiales - peut non
seulement avoir les activités qu'on lui connaît traditionnellement, notamment
les lanceurs Ariane, mais aussi représenter les technologies spatiales qui
peuvent être directement utiles à la vie quotidienne, en particulier une
meilleure prévision, et donc prévention, des risques naturels et des risques
industriels, pour une meilleure gestion des ressources naturelles comme l'eau,
pour l'examen de la déforestation ou de la désertification. Autant d'activités
très utiles, qui sont prévues dans le programme GMES,
Global Monitoring for
Environement and Security.
S'agissant du Conseil des ministres de l'espace, réuni à Edimbourg les 14 et
15 novembre, les décisions qui ont été prises par l'Agence spatiale européenne
- ESA, pour reprendre le sigle anglais - sont des résultats très positifs pour
l'Europe spatiale et, au sein de celle-ci, pour la France, qui est vraiment le
leader de l'Europe spatiale.
En ce qui concerne les programmes Ariane, auxquels vous êtes tous attachés, on
dénombre trois programmes essentiels.
Le premier, c'est le programme Ariane 5 Plus étape 3, qui consiste à porter
l'emport d'Ariane à dix tonnes dès la mi-2002 puis à douze tonnes en 2006, pour
tenir compte de la nécessité de maintenir le concept de lancement double qui
permet de lancer deux satellites à la fois et de tenir compte du fait que les
satellites de communication sont de plus en plus volumineux et représenteront
bientôt six tonnes chacun. Ce programme Ariane 5 Plus étape 3 est tout à fait
nécessaire pour maintenir notre avance technologique par rapport aux lanceurs
américains qui sont des concurrents de plus en plus redoutables, mais par
rapport auxquels nous avons environ deux ans d'avance technologique, qu'il faut
maintenir, « bétonner », si je puis dire.
Le deuxième programme, c'est le programme d'accompagnement de recherche et de
technologie ARTA. J'évoque dès à présent le programme consacré à des tâches qui
sont également importantes puisqu'elles englobent le renouvellement du
financement du centre spatial guyanais.
Le troisième programme, c'est le programme INFRA, qui vise, à la demande
d'Arianespace d'ailleurs, à réduire les disparités de concurrence - M. Revol le
sait, puisqu'il a beaucoup travaillé sur ce point - avec les lanceurs
américains qui utilisent presque gratuitement les bases de l'armée américaine,
alors qu'Arianespace doit financer à peu près 50 % du coût de fonctionnement du
centre spatial guyanais.
Pour ces trois programmes - Ariane 5 plus, ARTA, INFRA - nous avons obtenu de
l'Allemagne, après de nombreuses discussions, qu'elle y consacre un milliard de
francs de plus que ce qui était prévu voilà encore un mois.
Si l'on ajoute à ces trois programmes qui sont relatifs à Ariane le programme,
dont j'ai parlé par anticipation, de renouvellement du financement du centre
spatial guyanais de 2002 à 2006, le centre de Kourou, on aboutit à un total de
2,1 milliards d'euros. Il s'agit d'une somme considérable, dont se réjouit le
président d'Arianespace, il me l'a dit, et dont se réjouit également le CNES,
bien entendu, parce que cela permet de garantir durablement l'avenir d'Ariane,
et à coup sûr pour ces quatres années. Toujours en ce qui concerne Edimbourg,
vous le savez, on a beaucoup parlé jusqu'à présent du système Galileo sans
passer à la décision, donc à l'action. Le véritable lancement de la phase de
développement de Galileo, c'est un milliard d'euros, supporté pour moitié entre
l'Agence spatiale européenne et l'Union européenne, représentée par le Conseil
« transports ». Jusqu'à présent, personne n'avait véritablement décidé de
consacrer des crédits significatifs au lancement de la phase de développement
de Galileo. Cela a été fait à Edimbourg, où les Etats ont décidé d'y consacrer
547 millions d'euros. Le Conseil « transports » de l'Union européenne se
réunira en décembre. Je ne doute pas, pour en avoir parlé avec mon collègue
Jean-Claude Gayssot, que, au vu de la décision prise par l'Agence spatiale
européenne, le Conseil « transports » vote à son tour les crédits nécessaires,
soit environ 450 millions d'euros, pour que la phase de développement de
Galileo soit lancée.
Je me réjouis que cette décision ait été prise. En effet, voilà quelques
semaines ou quelques mois encore, l'opportunité de lancer un système de
positionnement par satellite indépendant du GPS américain ne faisait pas
l'unanimité. Certains pays comme la France, l'Italie, l'Espagne et la Belgique
étaient convaincus de la nécessité de se doter d'un tel système. D'autres pays,
comme la Grande-Bretagne, n'en étaient pas persuadés et c'est un euphémisme.
Une troisième catégorie de pays, notamment l'Allemage, étaient plutôt réticents
et réservés. L'Allemagne a bien voulu changer d'avis, la Grande-Bretagne aussi,
sous réserve que le Conseil des ministres européens des transports vote, lui
aussi, des crédits, ce qui sera très certainement fait. Par conséquent, nous
aurons un système de positionnement par satellite, qui nous permettra d'avoir
une information d'accès autonome, sans dépendre d'autrui, pour des matières qui
concernent la sécurité sous tous ses aspects, notamment la sécurité militaire.
Pour cette dernière, nous ne pouvons pas nous en remettre totalement à autrui,
même s'il s'agit d'alliés. Nous avons besoin, en tant qu'Européens et notamment
comme Français, d'avoir un système indépendant.
Pour répondre à MM. Lagauche et Revol, je précise que d'autres décisions ont
été prises à Edimbourg, qui intéressent particulièrement la France. C'est le
cas des crédits consacrés aux premières initiatives concrètes de mise en oeuvre
du système GMES que j'évoquais à l'instant et qui s'élèvent à 83 millions
d'euros pour une meilleure surveillance, et donc une meilleure protection, de
l'environnement. C'est également le cas des programmes ARTES, qui sont des
programmes de soutien à la recherche sur les satellites de télécommunication,
qui représentent 1 million d'euros. Comme nos industriels français Astrium et
AlcatelSpace sont particulièrement performants dans ce secteur, c'est important
pour notre industrie.
M. Revol a également parlé de la nécessaire déconcentration géographique de
notre potentiel de recherche. Il est vrai que celui-ci était souvent assez
concentré sur certaines régions et pas seulement sur l'Ile-de-France. Nous
souhaitons, comme Mme Blandin à qui je répondrai tout à l'heure, procéder à une
meilleure répartition du potentiel de recherche et d'enseignement supérieur sur
l'ensemble du territoire.
L'enseignement supérieur est d'ailleurs mieux diffusé sur l'ensemble du
territoire que ne l'est le système de recherche, puisque des structures
universitaires existent dans un très grand nombre de départements. Mais nous
avons, comme vous le savez, un schéma de service collectif de l'enseignement
supérieur et de la recherche qui trace les grandes lignes de l'organisation de
l'enseignement supérieur et de la recherche à moyen et à long terme et qui
permettra de mieux répartir ceux-ci sur l'ensemble du territoire.
Je comprends très bien les régions qui souhaitent avoir un potentiel de
recherche encore accru par rapport à l'Ile-de-France, même si, au cours des
années précédentes, nombre de déconcentrations ont été réalisées de
l'Ile-de-France vers d'autres régions. Je ne remets pas en cause la décision
elle-même. Mais si l'on veut conserver des pôles scientifiques capables de
rivaliser aussi avec l'extérieur, notamment avec les pôles britanniques et
allemands, nous ne pouvons continuer de trop déshabiller l'Ile-de-France, sans
quoi cette région qui est le premier pôle scientifique national risquerait de
ne plus pouvoir lutter à armes égales avec les autres places scientifiques,
pour prendre une image dont vous voudrez bien m'excuser.
M. Pelchat a évoqué différents points. Je lui répondrai, comme à d'autres
orateurs, sur la part de dépenses de recherche par rapport au PNB, car ce point
est souvent et légitimement soulevé. Parmi les grands pays de l'OCDE, la France
occupe la quatrième place - elle est quasiment troisième
ex aequo
- pour
la dépense intérieure de recherche et développement. Les chiffres qui sont à
notre disposition datent de 1999. Le pourcentage de la dépense totale de
recherche et développement par rapport au PIB était, en 1999, de 3,04 % au
Japon, de 2,64 % aux Etats-Unis, de 2,44 % en Allemagne et de 2,19 % en France.
Viennent très sensiblement derrière le Royaume-Uni, le Canada, l'Italie,
etc.
S'agissant de la France, il ne faudrait pas avoir l'image d'un pays qui serait
très mal placé par rapport à d'autres grandes nations scientifiques. En effet,
nous restons bien placés, mais encore insuffisamment. Comme vous, je souhaite
améliorer cette position. D'ailleurs, elle s'améliore faiblement et
progressivement. Il ne serait pas exact de dire que la part des dépenses de
recherche dans le PIB s'est dégradée continûment, puisqu'on observe une très
légère remontée. Je reconnais qu'elle est faible : nous sommes passés de 2,17 %
en 1998 à 2,19 % en 1999. Le pourcentage va continuer à monter.
S'agissant de la dépense publique de recherche, en pourcentage, nous sommes en
tête compte tenu de la tradition que j'ai citée, loin devant les Etats-Unis et
le Japon. Si, au total, les Etats-Unis et le Japon sont devant nous en
pourcentage, c'est parce que, dans ces pays, la recherche des entreprises
privées mobilise beaucoup plus de crédits qu'en France. Traditionnellement,
jusqu'à une période récente, et personne n'y pouvait rien de manière décisive,
les entreprises françaises s'en remettaient à la recherche publique plutôt qu'à
leur propre effort de recherche pour avancer dans ce secteur. Cette situation
est en train de changer. Voilà environ un mois, une enquête du
Monde
montrait que les grands groupes industriels privés présents en France ont accru
leurs dépenses de recherche de 11 % en 2000.
Quand je disais que nous n'y pouvions pas grand-chose, c'est un peu inexact
parce que les réseaux de recherche et d'innovation technologique - sept ont été
créées par M. Claude Allègre et sept ou huit depuis - qui associent recherche
publique et recherche privée ont pour intérêt, notamment, de tirer vers le haut
la recherche privée, y compris en matière de dépenses, et de faire en sorte que
la recherche privée consacre davantage de crédits à ces activités qu'elle ne le
faisait par le passé.
Sur le plan décennal et sur les engagements qui seront tenus ou qui ne le
seront pas, il ne tient qu'à nous de les tenir. C'est une oeuvre collective.
S'il s'agit de dire que ce Gouvernement, après avoir éventuellement été
reconduit à la suite du grand « steeple-chase » électoral du printemps, ne
tiendrait pas ses engagements, je peux accepter ce raisonnement de la part de
l'opposition actuelle, même si je ne le partage pas, bien sûr. En effet, je ne
vois pas pourquoi nous ne tiendrions pas des engagements que nous avons déjà
réalisés à moitié si le projet de budget pour 2002 est voté, puisque les 1 000
emplois sont créés en quatre ans dans les budgets 2001, 2002, 2003 et 2004.
Nous aurons fait déjà la moitié du chemin. Pourquoi ne ferions-nous pas le
reste ?
En revanche, si le risque évoqué porte sur une majorité qui serait différente,
je ne peux vous offrir de garantie.
M. Michel Pelchat.
Ce n'était pas mon propos !
M. Roger-Gérard Schwartzenberg,
ministre de la recherche.
Je n'en ai pas la capacité ; je ne veux pas
surestimer ma capacité prévisionnelle. Mais pourquoi, sachant l'intérêt que
tous les partis politiques, tous les groupes parlementaires portent à la
recherche, des engagements qui paraissent censés, utiles, ne seraient-ils pas
tenus tant par les uns que par les autres ? J'ai confiance dans l'intérêt que
tous portent à la recherche dans ce pays. La communication sur le plan décennal
de gestion prévisionnelle et pluriannuelle de l'emploi scientifique a été faite
en conseil des ministres. Certes, ce dernier est majoritairement composé de
membres de la majorité...
M. Jacques Valade,
président de la commission des affaires culturelles.
Très largement !
(Sourires.)
M. Roger-Gérard Schwartzenberg,
ministre de la recherche.
... mais il siège sous l'autorité d'une
personnalité qui n'appartient pas et ne souhaite pas appartenir à la majorité
actuelle, comme c'est bien normal. Par conséquent, cette communication a été
faite dans un cadre qui ne se limite pas exclusivement à la majorité.
S'agissant de la moindre attractivité de la France pour les étudiants
étrangers, signalée par M. Pelchat, je ne contesterai pas les chiffres, en tout
cas pour la période qui n'est pas très récente. Je mettrai davantage en doute
l'interprétation que l'on peut en donner ; en effet, si les étudiants étrangers
sont venus moins nombreux en France dans les années quatre-vingt-dix, c'est
moins pour des raisons d'attractivité de la recherche française que pour des
raisons de type administratif liées à certaines dispositions tendant à
restreindre quelque peu - c'est le moins que l'on puisse dire - l'accès de
personnes de nationalité étrangère, fussent-elles étudiantes, au territoire
national. La situation est maintenant différente, et je crois donc qu'il ne se
posera plus, en tout cas, de la même manière.
Je tiens à dire, que, comme M. Pelchat et d'autres orateurs, nous avons le
souci de faire en sorte que les jeunes « post-docs » français qui sont à
l'étranger n'y restent pas. Mais il n'y a pas 3 000 à 4 000 « post-docs » à
l'étranger. Il y a, au total, 3 000 à 4 000 « post-docs », dont certains sont à
l'étranger et dont beaucoup sont en France. Mais il y a encore trop de «
post-docs » français qui restent à l'étranger au-delà de trois ans : selon le
Centre d'études et de recherches sur les qualifications, le CEREQ, au-delà de
trois ans, 7 % des « post-docs » français ne rentrent pas en France. C'est
encore beaucoup trop bien sûr, mais il ne faut pas surestimer l'importance du
phénomène.
Nous souhaitons donc lutter contre cette situation par différentes mesures,
dont principalement le plan décennal de gestion prévisionnelle et pluriannuelle
de l'emploi scientifique ; ce plan a d'ailleurs commencé à s'appliquer au
budget de 2001, et il a ainsi pu permettre au Centre national de la recherche
scientifique, à l'Institut national de la santé et de la recherche médicale, et
à beaucoup d'organismes de recherche de lancer des campagnes de recrutement non
seulement sur le territoire national, mais aussi auprès des chercheurs français
se trouvant à l'étranger. Et, au lieu d'une mouvement de
brain drain
auquel nous assistions jusqu'à une période récente, nous constatons réellement
l'amorce - je ne dis pas que c'est un raz-de-marée ! - d'un mouvement de
back drain
, de retour de « post-docs » français dans notre pays, ces
jeunes chercheurs sachant pouvoir y trouver des emplois et s'y insérer.
J'ai en partie répondu à M. Revol sur le CEA ; je voudrais néanmoins ajouter
qu'il faut considérer le grand organisme qu'est le CEA sur une période assez
longue ; entre 1998 et 2001, la subvention du CEA a connu une augmentation
forte - 700 millions de francs - et c'est donc par rapport à cette augmentation
que doit s'apprécier la stabilisation de 2002. Le CEA dispose de moyens
importants. J'ai beaucoup d'estime pour la qualité scientifique des recherches
effectuées au sein du CEA, qu'elles concernent l'énergie ou d'autres domaines,
tels les problèmes de santé. J'ai récemment pu inaugurer au CEA, à Saclay, un
laboratoire de recherche sur les tissus infectés par des prions, qui est de
très grande qualité. Vous connaissez l'efficacité du département Sciences de la
vie du CEA, qui est l'un des départements pionniers et peut-être même « le »
département pionnier sur les recherches relatives aux infections à prions.
S'agissant de la gestion prévisionnelle des risques, je partage tout à fait le
sentiment de M. Laffitte : il est effectivement nécessaire - nous avons, hélas
! l'expérience récente de ce qui s'est passé à Toulouse - de mener une
réflexion plus approfondie sur les risques industriels éventuels. Et, en effet,
pourquoi ne pas articuler cette réflexion autour d'instruments comme les
technopoles, selon la suggestion que faisait très sagement le sénateur Pierre
Laffitte ?
MM. Laffitte et Ivan Renar, ainsi que d'autres orateurs, ont insisté sur la
démocratisation de la culture scientifique et technique. Je rappellerai que le
ministère de la recherche exerce la cotutelle sur la Cité des sciences et de
l'industrie de La Villette et sur le Muséum. Si le Sénat crée une mission sur
ce sujet, je n'y verrai pour ma part que des avantages.
M. Jacques Valade,
président de la commission des affaires culturelles.
Très bien !
M. Roger-Gérard Schwartzenberg,
ministre de la recherche.
Nous avons en effet tout à fait intérêt à
travailler les uns et les autres sur ce sujet. Je suis très ouvert aux
suggestions du Parlement : elles sont souvent excellentes - en particulier
celles du Sénat... mais je n'exclus pas pour autant celles de l'Assemblée
nationale !
(Sourires.)
La démocratisation de la culture scientifique et technique constitue vraiment
une action que nous portons ensemble : si la fête de la science, qui dure une
semaine, constitue le point le plus visible de cette action - elle bénéficie en
effet de l'appui des médias -, les organismes de recherche, tels le CNRS,
l'INSERM, le CEA, et beaucoup d'autres organisent tout au long de l'année des
rencontres avec le public, notamment avec des jeunes, voire mettent en place
des cafés des sciences.
A propos du sujet difficile des OGM, il nous faut, à mon avis, adopter de part
et d'autre une attitude complètement équilibrée. C'est un problème extrêmement
délicat sur lequel il n'y a pas de réponse certaine. Et c'est bien pour cela
qu'il y a un débat et la nécessité d'un débat citoyen : certains insistent sur
les risques éventuels des OGM pour la santé et surtout pour l'environnement ;
d'autres mettent davantage l'accent sur les perspectives ouvertes par ces OGM
dans le domaine agricole - possibilité d'obtenir des cultures plus résistantes
à la sécheresse, ce qui peut intéresser certains pays du tiers-monde - ou en
matière d'application thérapeutique. Ainsi, par exemple, l'insuline est
fabriquée depuis quinze ans à partir d'une bactérie modifiée, alors qu'elle
provenait auparavant de pancréas de porcs ou de bovins ; les
insulino-dépendants bénéficient donc maintenant d'un traitement parfaitement
sûr, ce qui, compte tenu de l'ESB, ne serait pas le cas avec l'ancien mode de
fabrication.
Il est donc nécessaire de procéder à un examen extrêmement attentif des
risques potentiels, des avantages possibles, et de prendre, après un large
débat parlementaire et un large débat citoyen, la décision la plus appropriée.
Il n'y a pas de raison de prendre une décision avec des
a priori
positifs ou négatifs, de quelque côté que ce soit. La recherche publique, parce
qu'elle est indépendante, se comporte à l'égard des OGM non pas comme un avocat
des OGM ou un procureur contre les OGM, mais comme un juge d'instruction, qui,
comme tous les juges d'instruction de France, instruit à charge et à
décharge.
M. Michel Pelchat.
Ah bon ?
(Sourires.)
M. Roger-Gérard Schwartzenberg,
ministre de la recherche.
C'est du moins la mission qui leur est dévolue
!
M. Michel Pelchat.
Ah ! C'est leur mission ?
M. Jacques Valade,
président de la commission des affaires culturelles.
La référence est
dangereuse !
M. Roger-Gérard Schwartzenberg,
ministre de la recherche.
C'est donc comme cela qu'elle est très
certainement exercée !
En ce qui concerne la culture scientifique et technique, j'ai répondu trop
brièvement à M. Laffitte ; Mme Blandin a cité la réponse que j'avais faite à
Mme Pourtaud lors de mon audition devant la commission. Mais c'était la fin de
ma réponse ; j'avais dit qu'un aménagement scientifique du territoire était
nécessaire et qu'il fallait opérer une meilleure diffusion par rapport à
l'Ile-de-France. Mme Pourtaud étant élue de l'Ile-de-France, elle a logiquement
plaidé la cause de cette région, ce qui peut se comprendre. Et je vois ici au
moins deux sénateurs élus, au sein de l'Ile-de-France, d'un département
particulièrement sympathique : le Val-de-Marne
(Sourires.)
On peut très bien comprendre qu'il ne faille pas trop « délester »
l'Ile-de-France. Il faut non pas continuer de « délester » l'Ile-de-France,
mais implanter des activités nouvelles dans d'autres régions qui le méritent
bien. C'est le sens de la réponse que j'ai faite à Mme Pourtaud.
M. Lanier a parlé du nucléaire. Sur ce sujet, je suis tenté de faire la même
réponse que sur les OGM, même si je ne suis pas sûr qu'elle vous satisfera
totalement : le nucléaire pose de véritables problèmes et, là aussi,
s'opposent, sur les plateaux de la balance, les avantages et les
inconvénients.
Les avantages sont bien connus : l'absence d'émissions de gaz à effet de
serre, ce qui est un problème...
M. Michel Pelchat.
Considérable !
M. Roger-Gérard Schwartzenberg,
ministre de la recherche.
... très préoccupant ; l'indépendance
énergétique de la France et de l'Europe, par rapport à d'autres énergies,
spécialement le pétrole, qui nous rendent beaucoup plus dépendants...
M. Michel Pelchat.
Fragiles !
M. Roger-Gérard Schwartzenberg,
ministre de la recherche.
... de l'extérieur et des aléas extérieurs.
M. Pierre Laffitte,
rapporteur pour avis.
C'est vrai !
M. Roger-Gérard Schwartzenberg,
ministre de la recherche.
De l'autre côté, il importe aussi - il ne faut
pas se le dissimuler - de disposer de précisions accrues sur la sûreté des
installations, sur l'absence de risques et le devenir des déchets radioactifs.
Cet aspect doit être aussi considéré. C'est pourquoi j'évoquais les trois axes
de la loi « Bataille ». Il est indispensable d'avancer sur ce dossier. On ne
peut pas dire - c'est le propre d'ailleurs des responsables politiques que vous
êtes et que j'essaie d'être à vos côtés - que tout est noir ou que tout est
blanc. Mais, comme on est bien obligé de prendre une décision, il faut la
prendre au vu d'une information très pluraliste, diversifiée, qui envisage
l'ensemble des problèmes.
M. Lanier, tout en ayant prononcé les propos aimables auxquels je suis
sensible, a dit que la recherche était « un grand navire qui court sur son
aire, moteur au ralenti ». Je le remercie de ne pas parler de « frêle esquif »
de « steamer balançant ta mâture », comme l'a fait Mallarmé, ou de
Titanic.
C'est un effort louable de sa part.
(Sourires.)
Je crois que le moteur du navire dont vous parlez n'avance pas au ralenti.
Bien au contraire, il marque réellement une accélération par rapport aux années
antérieures, et je ne fixerai pas de bornes particulières dans les années
antérieures pour ne pas rendre le débat plus vif, sachant d'ailleurs qu'il a
été d'excellente qualité, en tout cas en ce qui vous concerne.
Je veux répondre à M. Badré, que j'ai écouté avec beaucoup d'attention et dont
j'ai lu avec grand intérêt le rapport de la mission qu'il a présidée sur
l'expatriation des compétences, des capitaux et des entreprises. Je sais
l'intérêt très vif qu'il porte à ce sujet.
S'agissant de l'élaboration du sixième programme cadre de recherche et de
développement, ou PCRD, qui a été adopté par le Parlement européen et qui doit
être examiné par le Conseil européen des ministres de la recherche le 11
décembre prochain, je partage tout à fait son avis : il faut que le PCRD
fonctionne mieux. La France, pour sa part, s'efforce de convaincre ses
collègues européens de recourir à ce qu'on appelle les nouveaux instruments, à
savoir les critères d'excellence, qui doivent être davantage pris en compte, et
la concentration des moyens.
Jusqu'à présent, le PCRD a tendu à saupoudrer quelque peu à travers l'ensemble
de l'Europe l'effort d'abord de la Communauté européenne puis de l'Union
européenne en faveur de projets d'inégal intérêt.
On ne peut pas continuer ainsi. M. Badré a tout à fait raison : il faut que
l'argent public, collecté d'ailleurs auprès des contribuables des différents
Etats européens, serve à fortifier la recherche en Europe là où elle est
réellement excellente et de grande qualité. Il serait vain de disperser
l'argent public européen sur de petits projets de moindre intérêt. Nous devons
nous doter non seulement de centres d'excellence, mais aussi - à défaut, ce
serait restrictif - de réseaux d'excellence alliant les uns et les autres afin
que l'effort public de recherche européenne obéisse à une certaine
concentration sur des projets réellement très prometteurs, et que nous soyons
et restions à ce niveau de compétitivité que M. Badré évoque.
Quant à la compétitivité de la France, je suis d'accord avec lui pour que nous
essayions ensemble de l'accroître. Qu'il fasse bon vivre en France, c'est
indéniable ! Qu'il fasse bon y chercher ? Vous souhaiteriez, monsieur le
sénateur, que la tendance s'accentue. Je crois qu'il fait tout de même bon
chercher, en France, notamment parce que nous avons fait, à travers le temps,
un effort particulier en faveur des très grands équipements. A cet égard, je
tiens à remercier les orateurs qui ont bien voulu parler du synchrotron SOLEIL.
Il est très important, pour des chercheurs, de savoir qu'ils peuvent disposer
de grands équipements scientifiques analogues ou identiques à ceux qu'ils
trouveraient aux Etats-Unis, par exemple. Il y a aussi le plan décennal de
gestion prévisionnelle et pluriannuelle de l'emploi scientifique, la première
nécessité pour attirer des jeunes vers la recherche étant de donner à ceux qui
ont à choisir de s'engager ou non dans des études scientifiques longues une
information sûre quant aux débouchés qu'ils pourront ou non trouver.
On ne s'engage pas dans des études scientifiques conduisant jusqu'à la thèse
si l'on ne sait pas à l'avance s'il y a ou non des débouchés dans ce secteur.
S'il n'y en a pas, mieux vaut alors s'arrêter au niveau de la maîtrise ou du
DEA et ne pas rédiger de thèse.
En ce qui concerne la présence des chercheurs étrangers en France, je rappelle
que 15 % des chercheurs recrutés par le CNRS sont de nationalité étrangère,
provenant le plus souvent de pays européens. Aucun effort n'est fait en ce sens
: ce résultat obéit à la loi naturel de la recherche de la compétence et de
l'excellence.
Il est tout à fait possible d'envisager de développer les fondations. Un
projet de loi visant à l'institution d'une fondation pour les études
comparatives, patronné à la fois par M. le président du Sénat et par M. le
président de l'Assemblée nationale, a déjà été voté par cette dernière. Il
devrait être examiné prochainement par le Sénat.
M. Ivan Renar a qualifié ce budget d'« encouragement à aller de l'avant »; je
tiens à l'en remercier.
En ce qui concerne les emplois, je voudrais tout de même attirer son attention
sur le plan décennal, qui représente un effort très important. C'est beaucoup
plus qu'un simple lissage. La communauté scientifique, elle, demanderait un
simple lissage, c'est-à-dire que l'on crée des emplois pour anticiper les
départs à la retraite des années 2005 à 2010. On rendrait ensuite entre 2005 et
2010 les emplois qui auraient été créés.
Le plan décennal va bien au-delà puisqu'il crée 1 000 emplois nets de 2001 à
2004, en dehors de tout redéploiement ou départ à la retraite. Sur ces 1 000
emplois créés, 200 seulement seront rendus en fin de période. Ainsi, 800
emplois seront conservés à titre définitif par le système public de la
recherche, qui se trouvera augmenté d'autant à l'issue de l'exercice et même
avant puisque tous les emplois seront injectés dans le système d'ici à 2004 et
que la moitié d'entre eux le sera cette année, si ce projet de budget est
voté.
C'est le plus gros effort qui a été fait en ce domaine dans notre pays depuis
plusieurs décennies. La loi et le plan qui avaient été adoptés sur l'initiative
de Jean-Pierre Chevènement quand il était ministre de la recherche ne visaient
que la titularisation et ne créaient donc pas massivement ou, en tout cas, de
manière importante, des emplois nouveaux. Il s'agissait de titulariser des
personnels qui, auparavant, ne l'étaient pas. Le projet de budget prévoit un
système différent qui est une véritable création d'emplois nets en
supplément.
M. Ivan Renar, dont je connais depuis longtemps l'intérêt pour ces matières, a
fait part de ses préoccupations à propos de la culture scientifique Je connais
notamment les préoccupations qu'il peut avoir pour l'Ile-de-France et le Nord -
Pas-de-Calais. Il les a souvent exprimées, de même que Marie-Christine
Blandin.
Je tiens à vous dire, madame, monsieur le sénateur, qu'un effort particulier
est réalisé en faveur de la région Nord - Pas-de-Calais, dans la mesure où est
prévu pour cette région un plan de renforcement de la recherche doté de 350
millions de francs sur six ans, somme qui viendra s'ajouter aux 710 millions de
francs du contrat de plan Etat-région. L'Etat consentira lui-même un effort de
près de 200 millions de francs, destinés notamment à la création de 78 postes
de chercheurs et d'ingénieurs.
Au terme de ce plan, les effectifs de chercheurs dans le Nord - Pas-de-Calais
auront augmenté de 20 %. Nous sommes donc tout à fait désireux d'augmenter le
potentiel de recherche dans le Nord - Pas-de-Calais, qui le mérite bien par la
qualité même de ses chercheurs et de ses activités, mais nous souhaitons aussi
mieux répartir sur l'ensemble de la France le potentiel de recherche.
C'est également dans cet objectif que nous avons décidé la création d'une
huitième génopole, la génopole ouest-Bretagne, Pays-de-Loire, qui offrira un
éventail assez large et qui sera dotée d'une spécificité en génomique
marine.
M. Serge Lagauche, que je remercie vivement pour l'appréciation qu'il a portée
sur ce budget, a insisté, comme il l'avait fait l'an passé, je lui en donne
acte, sur la nécessité d'augmenter l'allocation de recherche. J'ai été sensible
au message qu'il a exprimé.
Cette revalorisation commence à se concrétiser dans ce projet de budget
puisque, ainsi qu'il a bien voulu le rappeler, l'allocation augmente de 5,5 %.
Certains diront sans doute que ce n'est pas encore assez, j'en conviens, mais
c'est une première étape. Sachons tout de même que cette seule mesure de
revalorisation se traduira par une ouverture de crédit de 95 millions de
francs.
Nous avions auparavant surtout augmenté le nombre des allocataires de
recherche, qui s'élève au total à 11 900. Nous commençons maintenant à
augmenter le montant de l'allocation de recherche, qui passera donc à 7 800
francs le 1er janvier prochain.
Cette revaloriation peut paraître limitée, mais la plupart des allocataires de
recherche, en tout cas 67 % des nouveaux allocataires, sont en même temps
moniteurs de l'enseignement supérieur. Autrement dit, pour un service allégé de
64 heures par an, ils perçoivent une rémunération de 2 200 francs. Tout ceux -
ils sont très nombreux aujourd'hui - qui sont à la fois allocataires de
recherche et moniteurs bénéficieront donc d'un revenu total de 10 000 francs
par mois, ce qui est plus confortable que ce qu'ils touchaient auparavant.
M. Lagauche a insisté sur la place des sciences humaines et sociales. Je
partage tout à fait son opinion. Jusqu'à présent, dans le PCRD, les sciences
humaines et sociales étaient plutôt considérées comme des disciplines
d'appoint, voire comme des disciplines ancillaires, placées au service d'autres
disciplines. Comme ce sont des disciplines très importantes pour la vie de
notre société sous différents aspects, j'ai souhaité que ces sciences soient
retenues comme des disciplines à part entière dans le sixième PCRD, ce qui va
être fait. Ainsi, une des sept priorités du PCRD, « gouvernance et citoyenneté
», fait appel de manière essentielle aux sciences humaines et sociales, les
sciences qui donnent du sens à notre société.
J'ai d'ailleurs inauguré hier soir, dans le cadre bilatéral, le CIRA, le
Centre interdisciplinaire d'études sur les recherches liées à l'Allemagne. Nous
avons voulu ainsi accroître, en France, l'effort de recherche sur l'Allemagne,
de même que les Allemands ont augmenté, en Allemagne, l'effort de recherche qui
est fait sur la France.
Mme Blandin s'est dite soucieuse de notre conception humaniste du progrès. Je
la comprends tout à fait. C'est le grand problème que nous avons à résoudre
ensemble.
Le progrès des sciences et des technologies est perçu de manière parfois
ambivalente. On mesure très bien les incidences que peuvent avoir les progrès
de la recherche médicale, sur l'allongement de la durée de la vie, par exemple.
Une fille qui naît aujourd'hui sur deux sera centenaire. On mesure également
les avantages des progrès de la recherche médicale en matière de thérapie
cellulaire ou de thérapie génique. D'ailleurs, la seule thérapie génique
réussie au monde pour l'instant est celle qui a été mise en oeuvre par le
professeur Fischer à l'hôpital Necker, à Paris.
Mais parallèlement, certains éprouvent des craintes quant aux risques
d'applications dévoyées qui pourraient être faites de telle ou telle
techniques. Je pense évidemment au clonage reproductif. A ce propos, vous le
savez, la France et l'Allemagne, agissant ensemble, ont déposé un projet de
résolution auprès de l'ONU de manière à préparer une convention internationale
proscrivant, dans l'ensemble des pays du monde, le clonage reproductif. Il est
donc nécessaire non pas d'encadrer la science, car les scientifiques sont des
hommes et des femmes de conscience, mais de faire en sorte, notamment sur le
plan international, que soient édictées des règles éthiques, communément
approuvées et suffisamment fortes pour que le développement des sciences et des
techniques serve au progrès humain sans donner lieu à des applications que l'on
pourrait déplorer, notamment si elles conduisaient à une manipulation de la
substance vivante, voire à une marchandisation du vivant. Bien sûr, madame, il
est nécessaire de garantir un développement humaniste de la science !
Mme Blandin a également beaucoup parlé de la culture scientifique. Je peux lui
dire, comme à M. Renar, que nous sommes tout à fait déterminés à appliquer le
plan que j'ai annoncé le 9 février 2001, à Lille, en faveur de l'augmentation
du potentiel de recherche dans la région Nord-Pas-de-Calais.
Je comprends tout à fait le souci de Mme Blandin de voir financer et se
développer des recherches qui ne portent pas seulement sur des sujets très
techniques, dont les citoyens ne mesurent pas immédiatement toujours l'intérêt,
mais qui portent aussi sur des sujets touchant à la vie quotidienne, notamment
à l'environnement ou à la sécurité alimentaire.
Pour l'environnement, notamment pour ce qui concerne le secteur
énergies-développement durable, ce projet de loi de finances fait un effort
considérable dans la mesure où ce secteur devient le deuxième poste du BCRD
tandis que les crédits de recherche du ministère de l'environnement augmentent
de 17 %.
Quant à la sécurité alimentaire, il est évidemment nécessaire de la renforcer.
C'est ce que nous faisons, notamment en accentuant de manière significative
notre effort de recherche sur les maladies à prion. Les crédits consacrés à
cette recherche ont en effet été multipliés par trois, grâce à la décision du
Premier ministre, passant ainsi de 70 millions de francs en 2000 à 210 millions
de francs en 2001. En réalité, ils atteignent un total de 250 millions de
francs grâce à un redéploiement de crédits opéré au sein de notre budget afin
de développer encore plus les recherches sur les infections à prion.
Ces recherches avancent bien, car elles sont soutenues par un groupement
d'intérêt scientifique qui fédère tous les partenaires : INSERM, CNRS, CEA, les
différents ministères concernés, les universités, l'Institut Pasteur, bien
d'autres encore.
Il est très important de réunir tous ceux dont le travail sur un même sujet
donne lieu à des réalisations importantes. Je parlais du laboratoire de Saclay,
mais il convient également de citer les animaleries protégées qui sont en cours
d'aménagement et qui vont permettre d'avancer encore plus rapidement sur les
infections à prion et notamment, sur le nouveau variant de la maladie de
Creutzfeldt-Jakob.
S'agissant d'environnement, j'apporterai une précision supplémentaire à
Marie-Christine Blandin : les crédits de l'environnement - et je ne fais pas là
de distinction selon que ces crédits sont gérés directement par le ministère de
la recherche ou par le ministère de l'environnement - augmenteront de 3,3 %.
Ils auront ainsi augmenté de 24 % depuis 1997.
L'INRA verra ses crédits croître de 10 % et bénéficiera de 100 emplois
supplémentaires, ce qui est important, notamment pour les recherches liées à la
sécurité alimentaire. L'AFSSA l'a créée voilà déjà plusieurs années, reçoit
également des crédits importants. L'IRSN voit ses crédits progresser de 18 %.
L'INERIS bénéficiera également, comme il est légitime, de crédits
significatifs.
Mme Blandin a bien voulu parler de l'Institut de la recherche pour le
développement. Vingt emplois sont créés au projet de budget 2002, ce qui est,
je crois, sans précédent pour cet institut, dont les crédits vont augmenter de
5 %.
Nous avons tous la volonté de faire en sorte que la recherche ne soit pas
repliée sur l'Europe, sur le monde occidental, sur le Nord : il faut qu'elle
profite aussi au pays du Sud, au tiers-monde. La France a d'ailleurs toujours
joué un rôle particulier dans la diffusion des résultats de la recherche vers
les pays du Sud et aussi dans la stimulation des activités de recherche menées
dans les pays du Sud eux-mêmes.
Telles sont, mesdames, messieurs les sénateurs, les réponses que je souhaitais
apporter à vos questions, avec le souci d'être aussi précise que possible.
Je veux, en terminant, vous dire que j'ai été très sensible aux appréciations
plutôt positives qui ont été portées sur l'action conduite dans mon secteur. Je
note cependant qu'elles n'emportent pas automatiquement un jugement de même
nature sur le budget que je vous soumets ou du moins sur le budget d'ensemble
dans lequel s'insère le budget de la recherche. Mais rêvons un instant, si vous
le permettez. Si, par exemple, le budget de la sécurité faisait l'objet d'une
augmentation significative - c'est d'ailleurs le cas -, le rejetteriez-vous
pour autant sous prétexte qu'il fait partie d'un budget d'ensemble que vous
n'approuvez pas ? Je n'en suis pas totalement persuadé.
Certes, ce budget est une partie d'un tout. Mais pourquoi n'adopteriez-vous
pas la position consistant à vous satisfaire d'une partie sans être satisfaits
de la totalité. Après tout, une telle démarche ne serait ni complètement
illégitime ni complètement irrationnelle. J'aurais donc tendance à plaider en
sa faveur. Si je ne vous convaincs pas, j'en serai déçu !
Au-delà de la boutade, je crois que la recherche est un sujet qui échappe
largement aux clivages traditionnels. C'est plutôt un sujet de consensus, et je
suis heureux de le dire en présence de M. Jacques Valade, qui a été en charge
de ce secteur dans un gouvernement précédent. Il sait comme moi, comme le
savaient aussi les hommes de la IIIe République que je citais tout à l'heure,
le général de Gaulle, Pierre Mendès France et beaucoup d'autres, que la
recherche est une véritable ambition collective, emblémathique de l'intérêt
général, au sens national mais aussi au sens européen.
C'est d'ailleurs un signal fort qui serait adressé à nos partenaires européens
et à l'ensemble de la communauté scientifique internationale si le Parlement
français tout entier, Assemblée nationale et Sénat, se rassemblait autour d'un
nouvel horizon pour la recherche.
En outre, cela inciterait sans doute les concepteurs du budget pour 2003 à
prévoir une progression plus forte encore.
Tels sont les éléments de réflexion que je voulais livrer à la sagesse de
votre asssemblée, sagesse à laquelle je m'en remets. Si la Haute Assemblée
pouvait faire une exception au théorème qu'elle a envisagé d'appliquer, ce ne
serait pas une mauvaise chose pour la recherche. Pour ma part, évidemment, je
m'en réjouirais.
(Applaudissements.)
M. Michel Pelchat.
Belle philosophie !
(Sourires.)
M. le président.
Nous allons procéder à l'examen et au vote des crédits figurant aux états B et
C et concernant la recherche.
ÉTAT B
M. le président. « Titre III : 48 784 132 euros. »