SEANCE DU 1ER DECEMBRE 2001
SOMMAIRE
PRÉSIDENCE DE M. SERGE VINÇON
1.
Procès-verbal
(p.
0
).
2.
Loi de finances pour 2001.
- Suite de la discussion d'un projet de loi (p.
1
).
Jeunesse et sports (p. 2 )
MM. Michel Sergent, rapporteur spécial de la commission des finances ; Bernard
Murat, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles ; MM.
Serge Lagauche, Alain Dufaut, Claude Biwer, Ivan Renar, Philippe Madrelle,
Jean-Léonce Dupont.
Mme Marie-George Buffet, ministre de la jeunesse et des sports ; M. le
rapporteur pour avis.
Crédits des titres III à VI. - Adoption (p.
3
)
Communication
(p.
4
)
MM. Claude Belot, rapporteur spécial de la commission des finances ; Louis de Broissia, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles pour la communication audiovisuelle et la presse écrite ; Michel Pelchat, Roger Karoutchi.
Suspension et reprise de la séance (p. 5 )
3.
Candidatures à une commission mixte paritaire
(p.
6
).
4.
Loi de finances pour 2002.
- Suite de la discussion d'un projet de loi (p.
7
).
Communication (suite) (p. 8 )
M. Henri Weber, Mme Danièle Pourtaud, M. Jack Ralite.
Mme Catherine Tasca, ministre de la culture et de la communication.
Article 47 (p. 9 )
Amendement n° II-20 de la commission. - M. Claude Belot, rapporteur spécial de la commission des finances ; Mme le ministre, Danièle Pourtaud, MM. Philippe Nogrix, Michel Pelchat, Jack Ralite, Roger Karoutchi. - Adoption de l'amendement supprimant l'article.
Lignes 38 et 39 de l'état E. - Adoption (p.
10
)
SERVICES GÉNÉRAUX DU PREMIER MINISTRE (p.
11
)
Crédits du titre III. - Vote réservé (p.
12
)
Crédits du titre IV (p.
13
)
Mmes Danièle Pourtaud, le ministre.
Vote des crédits réservés.
Crédits du titre V. - Vote réservé (p.
14
)
Culture
(p.
15
)
MM. le président, Jack Ralite, Alain Lambert, président de la commission des
finances.
M. Yann Gaillard, rapporteur spécial de la commission des finances ; Mme
Catherine Tasca, ministre de la culture et de la communication.
MM. Philippe Nachbar, rapporteur pour avis de la commission des affaires
culturelles ; Jacques Valade, président de la commission des affaires
culturelles, en remplacement de M. Marcel Vidal, rapporteur pour avis pour le
cinéma et le théâtre dramatique ; Mme le ministre, M. Michel Duffour,
secrétaire d'Etat au patrimoine et à la décentralisation culturelle.
MM. Bernard Joly, le secrétaire d'Etat.
MM. Louis de Broissia, le secrétaire d'Etat.
M. Philippe Nogrix, Mme le ministre.
M. Jack Ralite, Mme le ministre.
Mmes Danièle Pourtaud, le ministre.
M. Max Marest, Mme le ministre.
M. Henri Weber, Mme le ministre.
Mme Nelly Olin, M. le secrétaire d'Etat.
Crédits du titre III (p. 16 )
M. le président de la commission.
Rejet des crédits par scrutin public.
Crédits du titre IV (p. 17 )
MM. Ivan Renar, le secrétaire d'Etat.
Rejet des crédits.
Crédits du titre V. - Rejet (p.
18
)
Crédits du titre VI (p.
19
)
M. Jean-Philippe Lachenaud.
Rejet des crédits.
MM. le président de la commission, le président.
Anciens combattants (p. 20 )
MM. Jacques Baudot, rapporteur spécial de la commission des finances ; Marcel
Lesbros, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales.
5.
Nomination de membres d'une commission mixte paritaire
(p.
21
).
Suspension et reprise de la séance (p. 22 )
6.
Commission mixte paritaire
(p.
23
).
7.
Loi de finances pour 2002.
- Suite de la discussion d'un projet de loi (p.
24
).
Anciens combattants (suite) (p. 25 )
MM. Bernard Joly, Hilaire Flandre, Francis Grignon, Guy Fischer, Gilbert
Chabroux, Hubert Durand-Chastel, Marcel-Pierre Cleach, Mme Gisèle Printz, M.
Michel Pelchat.
M. Jacques Floch, secrétaire d'Etat à la défense chargé des anciens
combattants.
Crédits du titre III. - Rejet (p.
26
)
Crédits du titre IV (p.
27
)
Amendement n° II-56 du Gouvernement. - MM. le secrétaire d'Etat, Jacques
Baudot, rapporteur spécial de la commission des finances ; Michel Pelchat. -
Adoption.
Rejet des crédits.
Article 61 (p. 28 )
M. Raymond Courrière.
Amendements n°s II-47 et II-48 de M. Guy Fischer. - MM. Guy Fischer, le
rapporteur spécial, le secrétaire d'Etat. - Retrait des deux amendements.
Adoption de l'article.
Article additionnel après l'article 61 (p. 29 )
Amendement n° II-49 de M. Guy Fischer. - MM. Guy Fischer, le rapporteur spécial, le secrétaire d'Etat. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Article 62. - Adoption (p.
30
)
Article additionnel avant l'article 63 (p.
31
)
Amendement n° II-50 de M. Guy Fischer. - MM. Guy Fischer, le rapporteur spécial, le secrétaire d'Etat. - Irrecevabilité.
Article 63 (p. 32 )
M. Raymond Courrière.
Adoption de l'article.
Article additionnel après l'article 63 (p. 33 )
Amendement n° II-51 de M. Guy Fischer. - MM. Guy Fischer, le rapporteur spécial, le secrétaire d'Etat. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Articles 64 et 64
bis.
- Adoption (p.
34
)
Articles additionnels après l'article 64
bis
(p.
35
)
Amendement n° II-4 rectifié de M. Francis Grignon. - MM. Francis Grignon, le
rapporteur spécial, le secrétaire d'Etat. - Irrecevabilité.
Amendement n° II-16 de M. Marcel Lesbros, rapporteur pour avis. - MM. Marcel
Lesbros, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales ; le
rapporteur spécial, le secrétaire d'Etat. - Adoption de l'amendement insérant
un article additionnel.
Amendements n°s II-17 de M. Marcel Lesbros, rapporteur pour avis, II-34 de Mme
Gisèle Printz, II-52 de M. Guy Fischer et II-57 du Gouvernement. - M. Marcel
Lesbros, rapporteur pour avis ; Mme Gisèle Printz, MM. Guy Fischer, le
secrétaire d'Etat, le rapporteur spécial. - Retrait des amendements n°s II-34,
II-17 et II-52 ; adoption de l'amendement n° II-57 insérant un article
additionnel.
Amendements n°s II-18 de M. Marcel Lesbros et II-58 du Gouvernement. - MM.
Marcel Lesbros, rapporteur pour avis ; le secrétaire d'Etat, le rapporteur
spécial. - Retrait de l'amendement n° II-18 ; adoption de l'amendement n° II-58
insérant un article additionnel.
M. le secrétaire d'Etat, Mme Nelly Olin, le rapporteur spécial.
8.
Dépôt de propositions de loi
(p.
36
).
9.
Ordre du jour
(p.
37
).
COMPTE RENDU INTÉGRAL
PRÉSIDENCE DE M. SERGE VINÇON
vice-président
M. le président.
La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à neuf heures trente.)
1
PROCÈS-VERBAL
M. le président.
Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ?...
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.
2
LOI DE FINANCES POUR 2002
Suite de la discussion d'un projet de loi
M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2002 (n° 86, 2001-2002), adopté par l'Assemblée nationale. [Rapport n° 87 (2001-2002).]
Jeunesse et sports
M. le président.
Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi de finances concernant
la jeunesse et les sports.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Michel Sergent,
rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et
des comptes économiques de la nation.
Les crédits budgétaires de la
jeunesse et des sports s'élèvent à 539 millions d'euros dans le projet de loi
de finances pour 2002, en hausse de 3,1 % par rapport à l'année 2001.
Il faut y ajouter deux comptes spéciaux du Trésor : le Fonds national pour le
développement du sport, le FNDS, et le Fonds national pour le développement de
la vie associative, le FNDVA. Ces deux comptes voient leurs prévisions de
recettes augmenter pour 2002 : le FNDS bénéficie surtout du dynamisme des
recettes de la Française des jeux, tandis que le Premier ministre a annoncé une
augmentation des ressources du FNDVA à l'occasion de la célébration du
centenaire de la loi de 1901.
Je voudrais, à ce sujet, vous poser deux questions, madame la ministre.
Je souhaiterais tout d'abord savoir où seront prélevées les ressources
supplémentaires du FNDVA.
Quant au FNDS, la nouvelle loi organique relative aux lois de finances prévoit
qu'il ne pourra plus être alimenté par le prélèvement sur la Française des jeux
à compter de 2005. Cette perspective ne manque pas de susciter des inquiétudes
au sein du mouvement sportif, qui est attaché à la gestion paritaire des
crédits du FNDS. Il serait intéressant de connaître l'état de vos réflexions
sur l'avenir de ce compte.
Ce projet de budget s'inscrit très nettement dans la continuité de votre
politique, dont les axes prioritaires sont l'insertion sociale et
professionnelle par le sport, la moralisation de la pratique de haut niveau, le
soutien à l'éducation populaire et le développement du dialogue avec les
jeunes, grâce à la montée en puissance des conseils de la jeunesse.
Surtout, le sport dispose désormais d'une panoplie complète de moyens pour
lutter contre le dopage.
Dans le domaine de l'information et de la prévention, un numéro vert « Ecoute
dopage » a été mis en place et réceptionne environ mille appels chaque mois.
Dans le domaine de la recherche, le laboratoire national de dépistage du
dopage de Châtenay-Malabry a été mis aux normes et transformé en établissement
public administratif.
Dans le domaine du suivi médical, des antennes médicales régionales et des
médecins conseillers sont mis en place pour assurer le suivi médical, qui sera
bientôt étendu aux douze mille sportifs de haut niveau.
Dans le domaine de la répression, enfin, les contrôles inopinés augmentent et
les fédérations sportives disposent de pouvoirs de sanction clairement
établis.
Entre 1997 et 2002, les crédits consacrés par le ministère de la jeunesse et
des sports à la lutte contre le dopage ont été multipliés par quatre. Cette
hausse des crédits est importante, mais elle n'est pas tout.
C'est la raison pour laquelle je salue vos prises de position, madame la
ministre : la France ne transige pas avec la santé des sportifs.
Ce message commence à porter ses fruits au niveau européen et international ;
ainsi, la France a pris une part importante dans la création de l'Agence
mondiale antidopage, l'AMA, et dans la prise en compte de la lutte contre le
dopage et de la spécificité du sport dans l'Union européenne, à l'occasion de
la présidence française. Dans le cadre des négociations avec la Commission,
vous avez également obtenu que, sur des questions importantes comme le
versement de subventions aux clubs professionnels par les collectivités locales
ou le transfert des footballeurs professionnels, les positions de la France
soient entendues.
Le modèle sportif français est donc défendu dans les enceintes internationales
et contribue à façonner la place du sport dans nos sociétés.
Votre ministère a, au cours de la législature écoulée, augmenté le montant des
aides accordées aux petits clubs, y compris dans le cadre d'une solidarité
accrue entre le sport professionnel et le sport amateur. C'est une avancée
positive, même s'il faut prendre soin d'éviter une trop grande dispersion des
subventions.
Vous avez également favorisé, madame la ministre, l'accès aux pratiques
sportives pour tous, et le succès des « coupons sports » montre que l'égalité
devant les pratiques sportives est loin d'être acquise. Des actions utiles ont
aussi été engagées pour faciliter l'accès aux formations.
Malgré les craintes et les inquiétudes légitimes qui ont pu être entendues, le
sport professionnel n'a pas souffert de l'effort consacré à la dimension
sociale du sport. La rénovation de l'Institut national du sport et de
l'éducation physique, l'INSEP, engagée l'année dernière, et qui était devenue
indispensable pour offrir aux sportifs de haut niveau des équipements
performants, témoigne de cette volonté.
Il n'en demeure par moins que le sport de haut niveau n'est pas doté de
crédits à la mesure de nos ambitions : ainsi, toutes les fédérations sportives
ne bénéficient pas de cadres techniques en nombre suffisant pour bien préparer
l'avenir.
S'agissant des investissements, la programmation et l'engagement des dépenses
ont été améliorés, mais de nombreux progrès restent à faire. Pour les
équipements d'Etat, de trop nombreuses opérations programmées ne sont pas
engagées la même année. Mais, surtout, les crédits demeurent insuffisants pour
faire face aux besoins de rénovation du patrimoine sportif et des centres de
vacances et de loisirs.
Face à ces besoins non financés, je déplore les prélèvements opérés sur votre
budget, dus aux contrats de gestion conclus avec le ministère de l'économie et
des finances, mais également au versement d'une indemnité annuelle au
consortium gérant le Stade de France ; cela reste un point noir.
Cette indemnité assure une position durablement bénéficiaire au consortium,
qui n'assume même plus le risque lié à la concession, ce qui est
regrettable.
Une récente mission a étudié les conditions d'une renégociation du contrat. Je
ne peux en dire davantage car, et je le déplore, les conclusions de cette
mission ne m'ont pas été communiquées.
Puisque j'évoque le Stade de France, je souhaite revenir un instant sur les
incidents qui se sont déroulés à l'occasion de la rencontre amicale de football
France-Algérie. Il serait intéressant que vous puissiez, madame la ministre,
nous faire part de votre analyse sur les raisons d'un tel débordement.
Avant de terminer, et puisque c'est d'actualité, je veux saluer la grande
performance de l'équipe de France de tennis, qui, je l'espère, remportera la
nuit prochaine la Coupe Davis.
(Applaudissements.)
Sous le bénéfice de ces observations, la commission des finances vous
propose, mes chers collègues, d'adopter les crédits du ministère de la jeunesse
et des sports pour 2002.
(Applaudissements.)
M. Ivan Renar.
Très bien.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Bernard Murat,
rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles.
Monsieur
le président, madame la ministre, mes chers collègues, le budget du ministère
de la jeunesse et des sports pour 2002 s'élève à 539 millions d'euros - un peu
plus de 3,5 milliards de francs - en hausse de 3,14 %.
Je ne m'attarderai pas sur l'augmentation de 4,2 % des crédits du titre III,
qui permettent, notamment, la création de cinq contrats de préparation
olympique et de haut niveau ainsi qu'un très léger étoffement des effectifs des
services.
Les crédits d'intervention du titre IV connaissent une hausse de 2,15 % par
rapport à 2001. Celle-ci profite davantage à la jeunesse et à la vie
associative, dont les moyens augmentent de 4,8 %, qu'au sport, dont l'enveloppe
globale ne progresse, à structure constante, que de 2,7 %. Encore cette
progression globale recouvre-t-elle d'importantes disparités puisque les
crédits consacrés au développement de la pratique sportive pour le plus grand
nombre sont ramenés de 46 millions à 39,5 millions d'euros.
Avec une baisse de 16,5 % des crédits d'investissement, le projet de budget
vient encore accentuer l'écrasante prédominance des dépenses ordinaires sur les
dépenses en capital, celles-ci ne représentant désormais qu'à peine 1,5 % de
l'enveloppe globale du ministère.
Cette situation me paraît préoccupante au regard des besoins que nous pouvons
constater en matière d'équipements sportifs.
Il est vrai que vous disposez, pour compenser la modestie de ces moyens, de
l'apport complémentaire de deux comptes d'affectation spéciale.
Avec des crédits estimés à 206 millions d'euros pour 2002, en hausse de 12,6
%, le Fonds national pour le développement du sport représente plus du quart
des moyens financiers à votre disposition.
Je constate que les financements qu'il apporte aux associations sportives
locales, à travers sa part régionale, ont été renforcés. Je note aussi que vous
avez prévu de faire passer de 29 millions d'euros à 47 millions d'euros les
enveloppes financières qu'il consacre aux équipements sportifs.
Toutefois, madame la ministre, je me pose la question : ces montants sont-ils
réellement à la mesure du chantier que représente la modernisation des
équipements sportifs, qui pèse encore trop exclusivement sur les collectivités
locales ? Avez-vous apprécié l'effet des 35 heures ? Avez-vous apprécié les
conséquences de la loi SRU - solidarité et renouvellement urbains - sur les
besoins en stades, en piscines, en gymnases, etc ?
Les crédits inscrits au Fonds national pour le développement de la vie
associative, qui s'élevaient à 40 millions de francs en 2001, sont portés à 65
millions de francs, soit près de 10 millions d'euros, en 2002.
Sans doute cette hausse de 65 % est-elle la traduction partielle de
l'engagement pris par le Premier ministre, le 1er juillet dernier, de doubler
le montant du FNDVA et de le porter à 80 millions de francs.
Pourriez-vous nous préciser, madame la ministre, comment cette prévision de
recettes de 65 millions de francs pourra être réalisée alors que le projet de
loi de finances n'envisage, apparemment, aucune modification de l'assiette ou
du taux du prélèvement opéré sur le PMU, qui constitue l'unique ressource de ce
fonds ? Madame la ministre, que se passerait-il si ces prévisions de recettes
ambitieuses n'étaient pas vérifiées ? Je suis sûr que vous partagez notre
préoccupation à cet égard.
Les quelques minutes dont je dispose ne me permettront pas d'évoquer, même
succinctement, les différentes mesures inscrites à votre budget, et je devrai
me limiter à quelques-uns des points qui me paraissent les plus essentiels et
sur lesquels vous pourrez nous apporter des éclaircissements.
Les crédits consacrés au financement des contrats éducatifs locaux seront
portés, en 2002, à près de 49 millions d'euros. Vos services eux-mêmes estiment
que le coût de leur généralisation nécessiterait un quadruplement de l'effort
actuel. C'est sans doute beaucoup, d'autant qu'un rééquilibrage de leur
financement, qui pèse pour une bonne moitié sur les communes, paraît en outre
souhaitable.
Le soutien à la vie associative est renforcé grâce à une mesure nouvelle de
880 000 euros, qui doit permettre la création de 50 postes FONJEP - fonds de
coopération de la jeunesse et de l'éducation populaire - supplémentaires, ainsi
que le relèvement de 1 000 francs de la prise en charge de l'Etat par poste.
Les associations, et la plupart des clubs sportifs, ne pourraient fonctionner
sans l'action des bénévoles. Comme je l'avais dit en commission, je regrette
que vous ayez préféré jusqu'à présent des mesures ponctuelles et de portée
limitée à une réflexion d'ensemble débouchant sur un véritable corpus de règles
qui leur soient favorables.
Je relève, en revanche, que le projet de budget pour 2002 prévoit une mesure
nouvelle de 1,65 million d'euros en faveur de la création de conseils locaux,
venant s'ajouter aux mesures déjà adoptées les années précédentes.
Madame la ministre, permettez-moi de m'interroger sur la nécessité de ces
dépenses, sur leur forte progression et sur leur adéquation à l'objectif visé.
Ne serait-il pas plus efficace de soutenir, par exemple, les conseils
municipaux des jeunes, qui sont déjà une réalité locale, où la démocratie est
vivante et qui constituent de véritables laboratoires de la citoyenneté.
Pourquoi toujours succomber à la tentation de substituer à ce qui existe déjà
et fonctionne fort bien, à la satisfaction générale, des structures nouvelles
et onéreuses à la charge des contribuables ?
En matière de sport, le projet de budget prévoit un peu plus de 1 million
d'euros de mesures nouvelles pour améliorer la place des femmes dans le sport
et pour développer le sport en entreprise.
J'aurais souhaité, pour ma part, que l'accent sur le développement de la
pratique sportive des personnes handicapées soit renforcé, alors que nous nous
apprêtons précisément à accueillir, à Lille, les prochains championnats du
monde d'athlétisme handisport.
La lutte contre le dopage et les actions de prévention pour la santé du
sportif trouvent une traduction significative dans la réforme du laboratoire
national de dépistage du dopage, transformé en établissement public
administratif et doté de trente-huit emplois non budgétaires. Ces nouveaux
moyens lui permettront-ils de faire face à l'alourdissement de sa charge de
travail, liée au développement des contrôles ? A cet égard, madame la ministre,
en commission, plus nombreuses ont été les interrogations que les
certitudes.
Une mesure nouvelle de 3 millions d'euros est également consacrée à
l'extension du suivi médical des sportifs de haut niveau, et vous envisagez
prochainement de l'étendre aux licenciés inscrits dans les filières de haut
niveau, ce qui suppose toutefois au préalable la parution des décrets précisant
la nature de ces filières et les conditions de cette surveillance médicale.
Enfin, j'évoquerai le problème de la pérennisation des emplois-jeunes. Sur les
51 500 emplois créés dans le secteur relevant de votre ministère, 33 600 l'ont
été par des associations, et celles-ci peineront à les maintenir sans appui
financier. Certes, des mesures particulières ont été annoncées dans le secteur
de la jeunesse et de l'éducation populaire, qui consistent soit en un report
des aides en faveur des associations en voie de solvabilisation, soit en des
conventions pluriannuelles destinées aux associations qui proposent des
activités non solvables mais proches d'un service public. On peut s'interroger
sur le coût de ce dispositif, parfois évalué à 200 millions d'euros par an, et
sur son absence actuelle de financement.
Madame la ministre, nous vous donnons acte de la hausse des crédits de votre
ministère. De nombreuses interrogations sur le bien-fondé de certains choix et
surtout sur les insuffisances, voire l'absence, de leur financement ont conduit
cependant la commission à s'en remettre à la sagesse du Sénat sur les crédits
de la jeunesse et des sports pour 2002.
Enfin, permettez-moi de m'associer aux félicitations et aux encouragements qui
ont été déjà adressés à l'équipe de France de tennis en finale de la coupe
Davis, à Melbourne.
(Applaudissements sur les travées du RPR et de l'Union
centriste.)
M. le président.
J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la
conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour
cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République, 24 minutes ;
Groupe socialiste, 21 minutes ;
Groupe de l'Union centriste, 13 minutes ;
Groupe des Républicains et Indépendants, 7 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 6 minutes.
Je rappelle qu'en application des décisions de la conférence des présidents
aucune intervention des orateurs des groupes ne doit excéder dix minutes.
Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Lagauche.
M. Serge Lagauche.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le projet de
budget de la jeunesse et des sports pour 2002 est, avec une augmentation de 6,1
% par rapport à 2001, comptes d'affectation spéciale inclus, en progression
pour la cinquième année consécutive. Les moyens consacrés à ce ministère ont
ainsi été revalorisés de plus de 25 % durant cette législature, ce qui a permis
de poursuivre la mise en oeuvre des priorités que le Gouvernement s'est fixées.
Même si ce budget reste un petit budget, son évolution est notable.
Concernant la politique en faveur de la jeunesse, ce projet de budget se
traduit, en premier lieu, par le renforcement des moyens pour la promotion de
la citoyenneté des jeunes, qui permettra de poursuivre leur intégration via les
instances de dialogue que sont le Conseil national de la jeunesse et les
conseils départementaux de la jeunesse.
Les initiatives des jeunes seront à nouveau soutenues en 2002, notamment par
la pérennisation du programme « Défi-jeunes », grâce à la reconduction de
l'enveloppe de 3,13 millions d'euros.
Enfin, les efforts du ministère pour améliorer l'accès des jeunes à
l'information, dans le cadre du réseau information jeunesse, vont dans le bon
sens, notamment en ce qui concerne les nouvelles technologies, grâce aux «
points-cyb » dont il faudra poursuivre le développement, tout en veillant à ce
que ces points soient présents là où les jeunes en ont le plus besoin et en
maintenant la formation des animateurs.
Nous nous réjouissons aussi de la poursuite de l'effort en matière de
démocratisation de l'accès des jeunes à la pratique sportive. Le dispositif «
coupon sport » sera renforcé par une nouvelle mesure qui, en 2002, permettra à
275 000 jeunes d'en bénéficier ; dans le cadre de l'enveloppe de 8,38 millions
d'euros, l'élargissement des critères d'attribution permettra de toucher
davantage d'enfants.
Par ailleurs, votre engagement, madame la ministre, dans le développement des
contrats éducatifs locaux, qui visent à promouvoir des projets éducatifs,
culturels et sportifs, et touchent plus de 3 millions d'enfants, me paraît
aller dans le bon sens. Félicitons-nous de l'impulsion apportée par votre
ministère, car l'intérêt de ces contrats est très grand pour nos collectivités,
même si cela leur demande un effort financier important.
Enfin, dans le cadre du programme de lutte contre les exclusions, le ministère
de la jeunesse et des sports a su mettre l'accent sur le développement de la
formation des jeunes. Le coût des formations au BAFA, brevet d'aptitude aux
fonctions d'animateur, et au BAFD, brevet d'aptitude aux fonctions de directeur
de centre de vacances et de loisirs, sera sensiblement abaissé et le nombre des
bénéficiaires pourra être augmenté grâce à l'attribution en 2002 de 2500
bourses supplémentaires.
Face à un discours trop sécuritaire, mêlant couvre-feux, interdictions de
rassemblement et répression, votre ministère, en offrant aux jeunes de milieux
défavorisés l'accès à l'école et aux loisirs, sportifs, culturels ou éducatifs,
et en leur donnant les moyens de vivre pleinement leur citoyenneté, a été à
l'origine ou au centre de bien des dispositifs mis en oeuvre par le
Gouvernement. Nous vous disons bravo pour votre action !
Continuons dans cette voie, favorisons le dialogue, l'intégration et
l'enseignement des valeurs républicaines, au travers de la création de conseils
locaux de la jeunesse, qui permettent aux jeunes de s'exprimer dans leur
commune et dans leur quartier ; nous espérons vivement que l'objectif de 1 000
conseils sera atteint rapidement.
Le second grand volet de ce projet de budget concerne les associations, dont
le Premier ministre a rappelé, notamment à l'occasion des assises nationales de
la vie associative de février 1999, toute l'importance, saluant en même temps
le travail des 9 millions de bénévoles qui les font vivre.
Nous avons d'ores et déjà mis en place la validation des acquis, la déduction
fiscale et le droit au congé formation. Nous vous faisons confiance, madame la
ministre, pour que les instructions concernant la fiscalité des associations
soient améliorées.
A ce propos, monsieur le rapporteur pour avis de la commission des affaires
culturelles, vous souhaitez, comme nous tous, un vrai statut du bénévole. Mais,
lorsqu'il nous est proposé que les dirigeants élus des associations puissent
être rémunérés dans un cadre très strict, notre collègue M. Marini pense que
serait ainsi remis en cause le caractère désintéressé des associations à but
non lucratif. Cette mesure a pourtant été approuvée à l'unanimité par le
Conseil national de la vie associative.
L'esprit d'ouverture, monsieur le rapporteur pour avis, n'est pas partagé par
MM. Oudin, Badré ou Chérioux, qui parlent d'emplois inavouables, de MJC qui
font disparaître les bénévoles ou de pharisaïsme portant un coup fatal au monde
associatif.
Pour ma part, je partage la position de notre collègue Yann Gaillard, qui,
évoquant les indemnités des élus, ne souhaitait pas que nous restions figés
dans une position intégriste, au nom d'une excessive vertu datant du xixe
siècle.
Mais revenons à ce projet de budget, dans lequel nous prenons note avec
satisfaction de moyens supplémentaires apportés à la vie associative, comme
cela a été le cas tout au long de cette législature.
Est ainsi prévue, en plus de l'augmentation de 6,6 % des subventions aux
associations de jeunesse et d'éducation populaire, une mesure nouvelle de 880
000 euros qui permettra la création de 50 postes FONJEP, portant leur nombre à
plus de 3 400. Nous nous félicitons, par ailleurs, de l'augmentation de la
participation de l'Etat à leur financement.
Saluons, de plus, la hausse des crédits du FNDVA, le Fonds national pour le
développement de la vie associative, qui atteindra 9,9 millions d'euros en
2002, à la suite de l'engagement pris par le Premier ministre à l'occasion de
la célébration du centenaire de la loi de 1901 de porter ce montant à plus de
12 millions d'euros à l'horizon 2004.
Enfin, le dispositif « nouveaux services-nouveaux emplois » a été pour les
associations d'un apport considérable. Votre ministère a su s'y impliquer, 55
000 emplois-jeunes ayant été créés dans le mouvement associatif et sportif, et
poursuivra son effort budgétaire par l'octroi de 610 000 euros de crédits
supplémentaires.
Le plan d'accompagnement de la fin du dispositif devrait permettre la
pérennisation de ces milliers d'emplois. Pour la reconversion d'une partie
d'entre eux, un effort substantiel doit être fait sur les actions de formation
qui sont proposées aux jeunes concernés.
Madame la ministre, votre recherche de mesures spécifiques pour la
reconversion de certains emplois-jeunes ou d'aides en faveur des associations
pour leur pérennisation reçoit tous nos encouragements tant ces emplois ont
permis de favoriser l'intégration de nombreux jeunes et su répondre à de
nombreux besoins au sein de la vie associative.
Concernant les sports, un important travail législatif a été accompli depuis
1997 afin de moderniser le monde sportif et de lutter contre ses dérives :
manque de protection des mineurs, manque de solidarité entre les niveaux de
pratique, caractère presque uniquement masculin des fonctions de direction,
pratique généralisée du dopage, entre autres exemples.
Si nous avons su trouver des moyens pour que le sport ne prenne pas la
direction d'un simple spectacle où les enjeux financiers seraient un
dénominateur commun, il n'en demeure pas moins qu'il convient de rester
vigilant et de poursuivre les efforts pour que le sport conserve aussi les
valeurs de fête et de fraternité que la Coupe du monde de football de 1998 a
véhiculées.
N'oublions pas que la violence dans les stades doit être contenue, aussi bien
celle des adultes que celle des jeunes par une vigilance de tous les instants.
La sécurité ne fera pas tout, loin de là : persévérons dans l'éducation !
Pour terminer, je m'attarderai sur deux points particuliers.
Le premier concerne le FNDS, qui, en raison des moyens importants qu'il
apporte aux fédérations et aux petits clubs, doit être pérennisé. Or, la loi
organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances, qui sera applicable
en 2005, rend son avenir incertain. Il est indispensable, madame la ministre,
que les ressources qui lui seront affectées demeurent identifiables au sein de
votre budget et que soit maintenue sa gestion paritaire par l'Etat et les
représentants du mouvement sportif.
Le second point concerne la lutte contre le dopage, dont votre projet de
budget, madame la ministre, renforce une nouvelle fois sensiblement les moyens.
Entre 1997 et 2002, les crédits ont été multipliés par 4,2 et atteindront ainsi
24,2 millions d'euros, sans compter la rénovation du laboratoire national de
dépistage du dopage, qui sera transformé en 2002 en établissement public à
caractère administratif et bénéficiera de trente-huit employés
supplémentaires.
Je passerai rapidement sur les antennes médicales régionales, les médecins
conseillers, le numéro vert ou le Conseil de prévention et de lutte contre le
dopage qui, au gré de plusieurs améliorations, confirme le bien-fondé de sa
création. Toutes ces structures constitueront sous peu un réseau efficace qu'il
conviendra de faire vivre.
S'agissant du suivi médical, en particulier dans le sport de haut niveau, je
suis de ceux qui sont favorables à l'accroissement du nombre des contrôles
inopinés, avec la même intensité dans l'ensemble des disciplines.
Au sein du sport scolaire, des contrôles ont mis à jour l'usage de cannabis,
de stimulants, voire, dans un cas, le recours à des stéroïdes anabolisants. Il
est indispensable que votre ministère se penche sur ce problème.
Bien entendu, ne nous polarisons pas sur l'effet dopant du cannabis, le sport
n'étant sûrement pas la seule cause de son usage. Seul un renforcement des
moyens et des actions pour la prévention de la toxicomanie dans le milieu
scolaire, en coordination avec votre homologue de l'éducation nationale, pourra
nous permettre de mener une lutte efficace.
Pour conclure, madame la ministre, je tiens à vous remercier de votre travail
durant cette législature et à vous adresser mes félicitations pour vos actions
en faveur de l'emploi, pour la modernisation de votre administration, l'accès
des handicapés à la pratique sportive, le sport féminin, la qualité
d'organisation et d'accueil des grandes manifestations sportives
internationales, contre la violence dans les stades et pour la création d'un
musée du sport.
Vous avez su créer une dynamique, même s'il reste beaucoup à faire, notamment
à l'échelon européen, pour l'harmonisation des règles ou, à l'échelon
international, pour que l'AMA, l'Agence mondiale antidopage, soit non plus une
source de conflits mais un instrument de coopération. Votre action européenne
tenace, même si elle n'a pas toujours été récompensée, a été efficace pour
démontrer que le sport ne doit pas devenir une valeur marchande.
Redonner toute leur place à la citoyenneté, à la vie associative et au sport,
en particulier pour nos jeunes : cette ambition commune, le groupe socialiste
du Sénat se félicite de l'avoir portée avec vous et il votera, bien entendu,
votre projet de budget.
(Applaudissements sur les travées socialistes ainsi que sur celles du groupe
communiste, républicain et citoyen.)
M. le président.
La parole est à M. Dufaut.
M. Alain Dufaut.
Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, après les
excellents rapports de nos collègues, je tiens à insister sur deux points
essentiels de ce budget.
Je souhaiterais, en effet, madame le ministre, focaliser mon propos sur
l'évolution des emplois dépendant de votre ministère et sur l'évolution des
crédits d'investissement de votre budget.
Mon premier volet, consacré aux emplois, sera en partie critique puisque, cela
a déjà été dit et nous ne pouvons que le constater, les emplois en faveur des
activités physiques et sportives sont privés de 30 postes. Quand on sait que
cette réduction vient s'ajouter aux 85 suppressions d'emplois du même type déjà
intervenues en 2001, force est de constater, hélas ! que, sur deux ans, le
déficit atteint 115 emplois, ce qui est énorme.
En contrepartie, vous créez, c'est vrai, des postes administratifs dans vos
services et dans les établissements publics. Est-ce là un bon choix politique ?
Je ne le crois pas. Il faut des éducateurs et des professeurs au contact des
jeunes, et ces postes sont beaucoup plus importants, à mon sens, que ceux des
administratifs, qui restent dans leurs bureaux.
M. Robert-Denis Del Picchia.
Très bien !
M. Alain Dufaut.
Pour le concours de professeur de sport et pour deux filières qui concernent
votre budget, les conseillers d'animation sportive, CAS, et les conseillers
techniques sports, CTS, plus quelques emplois réservés aux sportifs de haut
niveau, ce sont, au total, 60 postes qui sont ouverts au concours.
Je rappelle que ces postes sont destinés à couvrir les besoins des directions
régionales et départementales de nos 100 départements et DOM. Ces 60 postes
sont donc insuffisants, c'est manifeste.
Enfin, il faut savoir que 90 postes de professeur de sport sont créés par
transformation de postes de chargé d'enseignement de l'éducation nationale.
Mais l'inconvénient, c'est qu'ils sont déjà affectés, pour la plupart, nous le
savons bien, par détachement.
Un point positif mérite tout de même d'être souligné dans le domaine de
l'emploi sportif et associatif. Dans le cadre du dispositif FONJEP et des aides
aux petits clubs au titre du FNDS, il faut souligner la volonté d'aider à la
création d'emplois pour encadrer les jeunes des clubs, qu'il s'agisse
d'emplois-jeunes ou d'animateurs permanents.
L'amélioration de l'aide à l'emploi pour le tissu associatif sportif est
intéressante, car elle va dans le sens d'une meilleure insertion sociale et
d'un renfort de l'encadrement nécessaire à la pratique du sport par un plus
grand nombre.
Nous sommes nombreux, dans cette enceinte, à penser que cette modalité
constitue une alternative intéressante au saupoudrage de subventions, dont
l'usage est toujours délicat à contrôler.
Rechercher dans ce domaine un véritable partenariat conventionnel avec les
associations, qu'elles soient sportives ou non, est, à mon sens, une bonne
piste, gage d'efficacité.
Vous me direz que, dans votre budget, le nombre d'emplois est globalement
stable, puisqu'il est de 6 743 contre 6 741 en 2001. Mais, dans cette apparente
stabilité, des mouvements sont opérés entre les différents secteurs d'activité.
Et ce sont bien les emplois d'éducateurs sportifs de terrain qui sont
progressivement abandonnés, alors que, paradoxalement, c'est le domaine où les
besoins sont les plus criants.
Si la progression réelle des moyens des services du ministère - votre budget
de fonctionnement - est supérieure à celle de 2001, il faut aussi relativiser,
en notant qu'un quart environ de cette progression provient des transferts de
financement du laboratoire national de dépistage du dopage. Je remarque aussi
qu'un tiers résulte de la revalorisation des rémunérations publiques et de
diverses mesures catégorielles liées, notamment, à l'aménagement et à la
réduction du temps de travail.
En conclusion, madame le ministre, vos créations d'emplois ne couvrent pas,
loin s'en faut, les besoins de votre politique, et encore moins ceux que
provoqueront les départs massifs à la retraite dans vos services, départs dont
l'apogée sera, vous le savez, à l'horizon 2005.
Nous serions curieux d'entendre, d'ailleurs, sur ce sujet, les réactions du
syndicat national des activités physiques et sportives, le SNAPS, tant sur la
création d'emplois que sur le transfert d'emplois des chargés d'enseignement,
chargés d'enseignement de catégorie B, transformés, pour 90 d'entre eux, en
emplois de catégorie A, en perdant, au passage, dans cet artifice budgétaire,
la contre-valeur des chargés d'enseignement.
Ce ne sont pas, madame le ministre, les emplois-jeunes, avec une formation au
rabais, qui remplaceront les emplois qualifiés dont vos services auront besoin
lorsqu'interviendront les départs massifs d'agents à la retraite vers 2004 ou
2005.
S'agissant du second volet de mon intervention, celui qui concerne les
investissements, permettez-moi de vous dire, madame le ministre - cela a déjà
été signalé par Bernard Murat -, que c'est la grande misère.
M. Jean Chérioux.
Exactement !
M. Alain Dufaut.
En effet, les crédits de paiement pour 2002 ne se montent qu'à 51 millions
d'euros - je rappelle qu'en 2001, ils atteignaient 61 millions d'euros -
auxquels il faut certes ajouter, dans le FNDS, les dépenses du fonds en faveur
de la modernisation et de la rénovation des équipements sportifs, qui s'élèvent
à 46 millions d'euros, c'est-à-dire à un peu plus de 300 millions de francs,
soit plus 62 % par rapport à 2001.
Donc, si je compte bien, et pour en rester aux francs, cette capacité
d'investissement s'élève, au total, à environ 350 millions de francs,
c'est-à-dire, pour utiliser une référence que les nombreux conseillers généraux
qui siègent ici connaissent bien, à peu près l'équivalent du coût de six
collèges neufs pour l'ensemble du territoire national.
C'est peu, totalement dérisoire même, quand on sait tout ce que ces crédits
devraient abonder au cours de l'année 2002. Permettez-moi de vous le rappeler :
le plan triennal de 200 millions de francs prévu pour la rénovation de
l'Institut national du sport et de l'éducation physqique, l'INSEP, et le
développement du réseau des CREPS, les centres régionaux d'éducation populaire
et de sport. Le Gouvernement s'est fixé comme objectif un centre par région.
(Mme le ministre fait un signe d'approbation.)
C'est bien, mais encore
faut-il le financer.
Notons aussi la création du laboratoire national de dépistage du dopage de
Chatenay-Malabry et sa mise en conformité aux normes internationales, la
création du nouveau musée national des sports, dont l'installation est prévue
pour 2003 à Saint-Denis, près du Stade de France, la rénovation et la
reconstruction de certains locaux de nos directions départementales de la
jeunesse et des sports, dont certains sont dans un état indigne d'un service
d'Etat décentralisé, le réaménagement des centres de vacances gravement
détériorés.
Enfin, s'il vous restait quelques crédits, vous pourriez fournir des aides
pour les équipements sportifs des collectivités locales, ces pauvres
collectivités qui, vous le savez, supportent, en réalité, la quasi-totalité des
coûts des équipements sportifs de province et doivent, en plus, s'adapter aux
nouvelles normes édictées par le pouvoir central, sans que ce dernier se
préoccupe de savoir comment elles pourront financer les charges nouvelles y
afférentes.
L'exemple de la mise aux normes des piscines est, à ce titre, significatif. Un
bassin olympique de plein air réalisé en 1970 à Avignon qui doit être mis aux
nouvelles normes des installations entraîne 10 millions de francs. C'est très
lourd, même si ce type de dossier peut être légèrement subventionné par l'Etat,
à condition encore de présenter des dossiers bien montés ! Sinon, les
collectivités n'obtiennent rien.
Mais, face à cette insuffisance chronique de crédits d'investissement de
l'Etat - et, madame le ministre, ne vous méprenez pas, je n'en fais pas une
affaire politique, mon propos se veut objectif : c'est ainsi, nous le savons,
depuis les lois de décentralisation de 1982 - face à cela, dis-je, ce qui nous
inquiète, c'est ce que vous nous avez avoué lorsque la commission des affaires
culturelles du Sénat vous a auditionnée sur ce budget des sports le mercredi 7
novembre dernier.
A ma question sur l'insuffisance des investissements dans votre budget, vous
m'avez répondu qu'effectivement le montant de l'enveloppe était bas, mais que
votre capacité de financement était supérieure, car vous bénéficiiez du report
des crédits de l'année antérieure non consommés.
Franchement, cette réponse n'est pas de nature à nous rassurer car, comme je
vous l'avais indiqué, si les crédits, déjà dérisoires, ne sont pas, de plus,
consommés, où va-t-on ?
En fait, après un examen détaillé de ce phénomène de report, qui m'a intrigué,
on s'aperçoit que la surabondance structurelle de trésorerie du FNDS semble
mécaniquement destinée à s'aggraver, car elle augmente chaque année.
Elle résulte, semble-t-il, des recettes, excédentaires par rapport aux
prévisions des lois de finances initiales. Cette situation, pour le moins
insolite, devrait être corrigée quand on connaît l'immensité des besoins. Et
nous ne pouvons que vous conseiller de vous pencher sur ce problème pour
essayer d'y porter rapidement remède.
Dès lors, madame le ministre, objectivement, et vous le savez, dans ce pays,
seules les collectivités locales supportent la globalité des équipements
sportifs, et heureusement qu'elles sont là !
Pourtant, face à l'urgence qu'il y a à développer la pratique du sport sous
toutes ses formes à un moment où le sport dans les quartiers est un véritable
moyen d'intégration et où sa vocation n'a jamais été aussi évidente, ne
pensez-vous pas qu'il serait temps que des options budgétaires soient prises
pour que notre pays soit, enfin, mieux équipé ?
Ne pensez-vous pas qu'il s'agit là d'une priorité politique et que nous
devrions tous nous battre pour exiger que, dans les prochains arbitrages, le
budget de l'Etat prenne en compte, d'une manière affirmée, cette nécessaire
priorité ?
Vous le savez, je travaille, en ma qualité d'élu, sur des quartiers très
difficiles depuis bientôt vingt ans. J'ai à la fois occupé des responsabilités
dans le cadre des opérations de développement social des quartiers, les DSQ, et
de la dotation de solidarité urbaine, la DSU. De plus, j'ai été adjoint aux
sports pendant six ans dans une grande ville.
Au travers de ces expériences au quotidien sur le terrain, j'ai acquis la
conviction que la meilleure thérapeutique pour des jeunes fragilisés dans les
quartiers difficiles, où nous devons lutter en permanence contre l'exclusion,
était la pratique du sport, en particulier celle du sport collectif.
Il serait préférable, j'en suis persuadé, de destiner les crédits à la
réalisation de gymnases ou de terrains de sport dans les quartiers, à la
formation des éducateurs sportifs et au financement de nouveaux postes, plutôt
que de consacrer des masses de crédits à d'autres formes d'actions à caractère
beaucoup plus social, mais aux résultats beaucoup moins probants, surtout pour
les jeunes de dix à dix-huit ans.
(Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR.)
Oui, il convient aujourd'hui que le sport, dans une France de plus en plus
urbaine, soit imposé par l'Etat comme élément fondamental de l'éducation et
qu'il se voie reconnaître ses vertus d'intégration évidentes.
En fait, madame le ministre, vous l'avez compris, je suis un passionné du
sport - il m'a, comme à nombre d'entre nous, beaucoup apporté - et je suis
convaincu qu'il peut aussi apporter énormément à l'ensemble de notre
jeunesse.
Mais la seule manière de développer les équipements sportifs passe par des
solutions budgétaires. Il convient donc d'inverser la tendance et de redonner
au débat sur le sport la place prépondérante qu'il mériterait.
Le seul fait d'examiner ce budget un samedi matin à neuf heures trente
n'est-il pas déjà significatif du peu d'intérêt accordé au budget du ministère
de la jeunesse et des sports ?
(Exclamations sur les travées
socialistes.)
Que ce budget, madame le ministre, demeure le plus petit budget ministériel de
l'Etat et qu'il ne représente que le chiffre ridicule de 0,2 % du budget
global, c'est-à-dire, à peine un centième du budget de l'éducation nationale,
me révolte et devrait tous nous révolter, quelle que soit notre appartenance
politique.
Vous l'avez compris, c'est donc dans un esprit volontariste, pour que les
choses changent dans le futur et que le sport pour tous devienne enfin une
priorité nationale, que s'inscrit mon intervention d'aujourd'hui. Je vous
l'accorde, il s'agit certainement d'un voeu pieux, mais j'espère que, tous
ensemble, nous y parviendrons un jour prochain.
(Applaudissements sur les
travées du RPR et de l'Union centriste.)
M. le président.
La parole est à M. Biwer.
M. Claude Biwer.
Vous vous êtes félicitée, madame le ministre, de constater que, d'une part, le
budget de la jeunesse et des sports augmentait plus que la moyenne du budget
général et, d'autre part, que toutes ressources cumulées, près de 4,9 milliards
de francs seront mis à la disposition du mouvement sportif, des jeunes et de
l'éducation populaire.
Madame le ministre, vous conviendrez qu'il vaudrait mieux que votre budget ne
progresse que de 1 % sur une base de départ élevée plutôt que de 3,08 % sur une
base aussi faible, puisqu'il ne représente que 0,2 % du budget de la France
!
Il ne vous aura pas échappé non plus que les deux tiers de votre budget propre
ne servent qu'à faire fonctionner votre ministère et que, sans les 1,3 milliard
de francs du FNDS, le mouvement sportif serait assurément réduit à la portion
congrue.
Or le sport représente 1,7 % du PIB, avec 25 millions de sportifs, dont plus
de la moitié sont licenciés.
Je crois pouvoir dire que, sans l'intervention des collectivités
territoriales, qu'il s'agisse de l'aide qu'elles apportent au fonctionnement
des clubs sportifs ou des investissements qu'elles réalisent, le mouvement
sportif aurait à faire face à de sérieuses difficultés, voire n'existerait
plus.
Au demeurant, s'agissant des subventions déconcentrées d'investissement, cela
fait bien longtemps que les clubs, comme les communes, n'attendent plus rien ou
peu de votre ministère.
J'observe, en outre, que les crédits d'équipement, qui ne concernent
d'ailleurs que très peu la pratique du sport au niveau local, ont baissé de 60
% en deux ans.
Au surplus, les élus des collectivités territoriales sont souvent amers de
constater que les normes imposées par les fédérations sportives induisent des
coûts non négligeables, et quelquefois insupportables, pour leurs budgets.
Il n'est pas rare, en effet, qu'à la faveur d'une accession en division
supérieure, un club sportif se voie imposer l'agrandissement de son terrain de
sport, la construction ou l'agrandissement de ses vestiaires et que sais-je
encore. Ce sont des investissements importants qui se chiffrent en centaines de
milliers, voire en millions de francs.
Or de quelles aides peuvent bénéficier les maires qui se voient pratiquement
dans l'obligation de réaliser ces travaux ? Les aides émanant de votre
ministère sont inexistantes et il n'y a rien à espérer des fédérations
sportives, qui imposent pourtant ces normes. Ce sont donc les communes, souvent
avec les départements, qui paient.
Cela ne pourra pas continuer indéfiniment : les collectivités territoriales ne
devraient pas avoir à se plier aux décisions prises par les fédérations
sportives à moins que celles-ci assument la responsabilité financière ; elles
ne devraient pas davantage se substituer à l'Etat défaillant.
J'observe, de plus, que les collectivités locales continuent à supporter
malgré tout une TVA de 19,6 % sur les installations sportives. Je vous le
demande, madame le ministre : à quand une TVA réduite, peut-être, à 5,5 % ?
Quant au FNDS - le mérite de sa création revient au Sénat, je le rappelle -,
il apparaît plus comme un palliatif à l'insuffisance des crédits mis à votre
disposition que comme une ressource supplémentaire pour le mouvement
sportif.
A cet égard, les dirigeants du mouvement sportif nous ont fait part de leur
inquiétude quant à l'intégration dans le budget général, à compter de 2005, des
recettes affectées au FNDS.
Afin d'éviter une diminution sensible des moyens pour le développement du
sport de masse et de haut niveau, il conviendrait que les recettes soient
clairement identifiées dans le budget de la jeunesse et des sports et qu'elles
soient portées sur un compte d'affectation spéciale. Il faut par ailleurs
maintenir une gestion paritaire des recettes entre l'Etat et les représentants
du mouvement olympique et sportif aux niveaux national, régional et
départemental, afin d'assurer une utilisation optimale des crédits.
Mais nous savons tous que le mouvement sportif, qui ne vit que grâce à
l'action de dizaines de milliers de bénévoles, auxquels il convient de rendre
un vibrant hommage, connaît une crise larvée. Nous devons tout faire pour
reconnaître à sa juste valeur la contribution de ces bénévoles et faciliter
leur travail.
De ce point de vue, l'amélioration du remboursement des frais de déplacement
constitue un premier progrès. Mais suffira-t-il à endiguer le découragement
croissant des intéressés ?
Il faut alléger le poids des normes et des formalités pesant sur les clubs et
donner à leurs dirigeants les moyens d'agir sans être entravés par d'éventuels
risques, y compris juridiques.
Je souhaiterais également attirer votre attention sur les difficultés
engendrées par l'application des règles relatives à l'exercice des activités
sportives qui imposent un encadrement par des titulaires du brevet d'Etat.
Du fait de la rareté des diplômes au regard des nombreuses demandes, les
titulaires préfèrent bien souvent s'orienter vers les grands centres urbains ou
vers le littoral.
Dans ces conditions, les zones rurales sont de plus en plus dépourvues de ces
responsables sportifs, et il n'est pas rare de voir certaines installations
saisonnières, comme les bases de loisirs ou les écoles de voile, ou
permanentes, comme les piscines ou les centres équestres, par exemple, ne
pouvoir ouvrir faute de diplômés.
Il conviendrait, selon moi, d'assouplir les règles pour que les brevets
nationaux de sécurité et de sauvetage aquatique, les BNSSA, constituent des
solutions de remplacement. Peut-être serait-il aussi possible de lancer des
actions visant à inciter les titulaires des brevets d'Etat à s'orienter vers le
secteur rural, ce qui engendrerait des activités plus pérennes et favoriserait
la création d'emplois durables.
Par ailleurs, les clubs sportifs et les associations de jeunesse et
d'éducation populaire ont joué le jeu des emplois-jeunes. Nombreux sont les
contrats venant à leur terme et l'inquiétude grandit quant aux possibilités de
les rendre pérennes, les clubs ou associations n'ayant pas les moyens de les
prendre entièrement en charge, sauf à solliciter, à nouveau, les collectivités
territoriales.
Je dirai un mot, enfin, de la lutte contre le dopage.
Nous savons que vous vous êtes personnellement impliquée, madame le ministre,
dans ce combat à la fois long et difficile. Je pense que la priorité doit être
donnée à la prévention des pratiques à risques, et ce dès le plus jeune âge. Il
n'est pas certain, en effet, que le dopage soit circonscrit aux milieux
sportifs professionnels.
Comme il est impossible de contrôler tous les sportifs, il conviendrait de les
responsabiliser en les sensibilisant très tôt sur le fait que le dopage les
met, souvent à court terme, en danger. Il suffirait, pour les en convaincre, de
diffuser les statistiques relatives à la longévité des sportifs de haut niveau,
dont tout porte à croire qu'elles ne doivent pas être encourageantes !
Bien que ce budget ne soit pas en mesure de répondre aux immenses besoins des
jeunes, de l'éducation populaire et des sportifs, le groupe de l'Union
centriste émettra un vote favorable tout en formulant l'espoir que nos
remarques soient non seulement écoutées, mais entendues.
(Applaudissements
sur les travées de l'Union centriste et du RPR.)
M. le président.
La parole est à M. Renar.
M. Ivan Renar.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, depuis que la
gauche plurielle est en charge des affaires du pays, nous avons tous été
attentifs à l'évolution du ministère de la jeunesse et des sports. Tous mes
collègues ici présents, du fait de l'examen, régulier maintenant, du budget
dont vous avez la charge, auront pu mesurer les efforts que vous avez accomplis
afin de doter votre ministère des moyens nécessaires - mais toujours
insuffisants - à l'accomplissement des missions du service public auxquelles je
vous sais attachée.
Cette année encore, avec une progression de 3,08 % des crédits de votre
ministère, votre budget augmente plus vite que les prévisions d'inflation et
permet, certes trop lentement, de rattraper les retards pris.
Puisque l'on ne peut éviter que l'heure soit un peu aux bilans, je souhaite
vous remercier et vous féliciter d'avoir fait avancer sous votre magistère un
certain nombre de dossiers, au rang desquels il convient de citer : la loi sur
le sport et les différents textes qui l'accompagnent ; la loi relative à la
lutte contre le dopage, qui aura permis à notre pays de montrer la voie en
Europe, mais aussi au plan international ; la création d'un Conseil national de
la jeunesse doté de moyens financiers permettant une réelle association des
jeunes aux affaires qui les concernent. La liste est longue, mais il y avait,
il est vrai, beaucoup de retard à combler. Vous avez mené à bien de beaux
chantiers, avec une fermeté tranquille et beaucoup d'humanité.
Les efforts à réaliser pour permettre une politique du sport et de la jeunesse
ambitieuse ne doivent pas être relâchés, comme l'ont souligné mes collègues et
le rapporteur.
On peut regretter, d'une certaine manière, que les fruits de la croissance ne
soient pas allés davantage à certains ministères « prioritaires », et le vôtre
devrait l'être à part entière,...
M. Alain Dufaut.
Très bien !
M. Ivan Renar.
... même si, sur l'ensemble de la législature, sa progression avoisine les 25
%, il faut le rappeler.
Les efforts accomplis en faveur de la démocratisation du sport vont dans le
bon sens, même si, ici ou là, certaines fédérations évoquent la faiblesse des
moyens consentis au sport de haut niveau. Mais un rééquilibrage en direction de
l'ensemble du mouvement sportif était nécessaire.
A ce sujet, d'ailleurs, il est bon d'établir au plus près de l'échelon local
la distribution des aides, en direction des plus petits clubs notamment. Je
sais que vous travaillez à ce dossier, mais peut-être convient-il d'aller plus
loin encore. Au-delà de tous les débats, une chose est certaine : vous avez
utilisé l'argent le mieux possible.
A de nombreuses reprises, nous vous indiquions, ici même, la nécessité
d'augmenter le budget consacré à la mise en conformité des installations
sportives. Cette année, des efforts plus grands ont été réalisés, mais ils
restent notoirement insuffisants du fait de la vétusté de certaines
installations. Il faut néanmoins noter l'intérêt des subventions concernant les
piscines à rénover.
Si des efforts importants ont été réalisés en direction de la jeunesse - et
l'on sait la part que vous avez prise à déployer un nombre important
d'emplois-jeunes et à les pérenniser -, notre souci reste entier quant à la
sortie du dispositif. Mais peut-être pouvez-vous, madame la ministre, nous en
dire un peu plus sur ce dossier.
Je voudrais évoquer avec vous maintenant, au-delà du budget, un problème qui
devrait être au centre des préoccupations de chacun, à savoir la violence. Loin
de moi l'idée de vouloir stigmatiser ou associer, comme on le fait parfois trop
facilement, jeunesse et violence. Une telle association n'est pas à la hauteur
du problème que pose ce phénomène dans notre société.
Je conviens en effet de voir plutôt dans la violence des jeunes le miroir de
la violence d'une société où les perspectives d'épanouissement semblent
difficiles à concevoir tant pour des adultes que pour des jeunes.
Un grand nombre de nos concitoyens ont dû, durant ces vingt dernières années,
faire face à de très nombreuses difficultés. Ces difficultés ont engendré de la
« mal-vie ». Peut-être convient-il de retisser les liens que les années ont
brisés entre les jeunes et les adultes, mais également entre les adultes
eux-mêmes, et dont les jeunes, du fait de leur fragilité, ne sont bien souvent
que le reflet.
La solution n'est pas du seul ressort de votre ministère, madame la ministre,
elle revient à l'ensemble du Gouvernement. Et je dois dire que, quelquefois, la
lassitude vient en entendant les discours sur la seule sécurité. Il faut,
certes, assurer la sécurité de tous, mais ce n'est pas une raison pour ne
jamais parler ou pour parler mal du pourquoi et du comment vivre ensemble.
On ne peut accepter que notre société se construise sur le modèle de
l'exclusion, sur le modèle de la peur. Si tel était le cas, nous irions vers
des événements bien plus violents encore que ceux d'aujourd'hui, qui sont ô
combien insupportables.
Je voudrais maintenant saluer les accords que vous avez passés avec votre
collègue de la culture, Mme Tasca. Je vois dans ces accords, madame la
ministre, l'amorce d'une réconciliation historique entre l'éducation populaire
et l'art et la culture. Là est en effet l'une des clefs de « l'à-venir », pour
reprendre l'expression de mon ami Jack Ralite.
Si Paris n'a pas obtenu, cette fois - mais ne désespérons pas -, d'organiser
les prochains jeux Olympiques, au moins conviendrait-il que notre pays mette
tout en oeuvre pour faire de cet événement un moment de paix et d'espoir
retrouvés au sein d'un avenir aux contours aujourd'hui bien incertains.
Pour revenir plus directement aux enjeux de la prochaine période, il convient
de tout mettre en oeuvre pour permettre la présence d'une délégation de femmes
afghanes lors des prochains jeux Olympiques. Rien ne doit plus s'opposer à ce
que cette manifestation fasse la démonstration que l'on peut stopper la
barbarie.
En conclusion, je dirai que notre groupe votera le budget de la jeunesse et
des sports. Mais il conviendra de faire bien plus encore dans la période à
venir.
La jeunesse, parce qu'elle est le devenir de notre société, doit faire l'objet
de toutes nos attentions. Il faudra bien, un jour, que le niveau du budget de
la jeunesse et des sports atteigne 1 % du budget de l'Etat : c'est aussi un
enjeu de civilisation. En attendant ces temps bénis, le groupe communiste
républicain et citoyen votera votre budget.
(Applaudissement sur les travées du groupe communiste républicain et
citoyen.)
M. le président.
La parole est à M. Madrelle.
M. Philippe Madrelle.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, c'est avec
satisfaction que je constate que, cette année, ce projet de budget est en
augmentation de 3,08 % par rapport à 2001 et qu'il progresse plus rapidement
que le budget de l'Etat, et ce pour la quatrième année consécutive.
Cette évolution significative des crédits traduit bien, madame la ministre, la
politique courageuse que vous menez depuis que vous êtes à la tête de ce
ministère.
Si l'on ajoute au budget général les crédits du Fonds national pour le
développement du sport, qui augmentent cette année de 12,5 % pour s'élever à 1
350 millions de francs, et ceux du Fonds national pour le développement de la
vie associative, qui est doté de 65 millions de francs, on atteint la somme de
754,7 millions d'euros, soit près de 5 milliards de francs pour la jeunesse et
les sports. C'est un niveau jamais égalé - il faut quand même le souligner -
même s'il reste encore beaucoup à faire.
Par ses implications et son rôle dans le quotidien de notre société, votre
budget, madame la ministre, illustre bien les priorités gouvernementales.
C'est ainsi que, si l'on s'attache aux seuls crédits consacrés à la jeunesse
et à la vie associative, qui mobilisent près de 27 % des moyens, on constate
votre volonté de poursuivre et d'amplifier les actions impulsées et menées les
années précédentes.
Votre projet de budget conforte l'éducation populaire, répondant ainsi à une
attente sociale très forte.
Les subventions aux associations de jeunesse et d'éducation populaire vont
progresser de 6 %, renforçant ainsi la lutte contre toutes les formes
d'exclusion et de discrimination. L'attribution des postes FONJEP constitue une
autre forme de soutien aux associations et un encouragement à l'emploi. La
création de cinquante postes FONJEP prévue pour 2002 permettra de comptabiliser
3 415 postes au total. Cela contribuera à faire fonctionner près de 200
associations de jeunesse et d'éducation populaire.
Il est bon de rappeler également que 682 postes supplémentaires ont été créés
depuis 1997 et que vous avez mobilisé beaucoup d'énergie pour compenser la
suppression des postes FONJEP décidée et imposée par le Gouvernement Juppé.
(Exclamations sur les travées du RPR.)
Votre budget, madame la ministre, met aussi l'accent sur l'emploi et la
formation des jeunes : 5 millions de francs sont ainsi alloués à la formation
des animateurs. Ces moyens supplémentaires permettront d'attribuer 2 500
bourses supplémentaires d'un montant de 2 000 francs pour préparer le brevet
d'aptitude aux fonctions d'animateur et le brevet d'aptitude aux fonctions de
directeur. En 2002, 65 % des stagiaires bénéficieront de bourses et d'aides
individuelles.
Madame la ministre, 55 000 emplois-jeunes dépendent actuellement de votre
ministère. Vous me permettrez de vous interroger sur le devenir de ces jeunes
qui ont été recrutés par des associations ou des clubs sportifs et qui
répondent à de véritables besoins. Ces emplois sont aujourd'hui irremplaçables,
et n'oublions pas que 2002 sera la dernière année du fonctionnement de ce
dispositif !
Les crédits de 4 millions de francs consacrés à cet effort de formation
seront-ils suffisants pour assurer la pérennisation réussie de ces
emplois-jeunes ?
Grâce à une mesure nouvelle de 7 milliards de francs, les crédits affectés aux
contrats éducatifs locaux devraient permettre une meilleure efficacité de ces
actions éducatives. Ne pensez-vous pas, madame la ministre, qu'une meilleure
coordination entre les ministères concernés serait souhaitable pour rendre ces
contrats éducatifs locaux plus efficaces ?
En effet, en tant qu'élu, j'ai noté que nous n'avons généralement affaire,
pour cette action interministérielle, qu'au seul ministère de la jeunesse et
des sports. Si la mise en oeuvre de ce dispositif ne pose pas trop de problèmes
aux communes bénéficiant d'un grand projet de ville, il n'en est pas de même
pour les petites communes, qui n'ont pas toujours les moyens de participer
majoritairement au financement du contrat éducatif local.
Ne pourrait-on pas envisager une participation plus significative des autres
ministères concernés, comme celui de l'éducation nationale ou celui de la
culture ?
Au travers de ce projet de budget, vous montrez, madame la ministre, votre
volonté de poursuivre le dialogue avec les jeunes. Les recettes attendues pour
le Fonds national de développement de la vie associative sont de 64,94 millions
de francs.
Cette hausse importante est due à la volonté du Gouvernement et du Premier
ministre, Lionel Jospin, qui, lors des célébrations du centenaire de la loi de
1901, a annoncé le doublement de ce fonds à l'horizon 2004.
Les mesures prises pour relancer l'action de ce fonds destiné à financer la
formation des bénévoles associatifs et des expériences relatives à la vie
associative sont très positives.
Animée, je le sais, par le souci constant de maintenir une indispensable
concertation avec la jeunesse, vous prévoyez de renforcer les moyens consacrés
au réseau d'information de la jeunesse. Ainsi, vous installez 200 points « Cyb
espaces jeunes numériques », ce qui portera à 500 les points d'accès gratuits
au réseau Internet.
La loi du 17 juillet 2001 a installé le Conseil national de la jeunesse,
lequel travaille avec les conseils départementaux et les conseils locaux.
Madame la ministre, pouvez-vous nous apporter des informations précises sur
l'activité de cette instance ? En un mot, à quoi sert, concrètement, cet espace
de réflexion ? Qu'attendez-vous de cette augmentation de crédits accordés au
conseils locaux de la jeunesse ? Comment permettre une meilleure lisibilité de
ces actions ?
Par ailleurs, afin de préserver l'unité du monde sportif, vous refusez, avec
raison, d'opposer le sport de haut niveau et le sport de masse.
Tout le monde s'accorde pour reconnaître le véritable enjeu économique et
social que représente le sport aujourd'hui. Il apparaît donc essentiel que les
moyens affectés à cette pratique soient à la hauteur de nos ambitions
nationales.
Les recettes attendues pour le Fonds national pour le développement du sport,
le FNDS, en 2002 devraient atteindre 1,35 milliard de francs, soit une hausse
de plus de 65 % par rapport aux recettes effectivement versées à ce fonds en
2001 !
Nous constatons l'importance jamais atteinte par la part régionale du FNDS et
nous souhaitons qu'elle profite directement aux petits clubs, aux
fédérations.
Nous souhaitons que ces crédits provenant de comptes spéciaux du Trésor soient
pérennisés dans le cadre d'une concertation entre l'Etat et le monde
sportif.
L'augmentation des capacités d'intervention du FNDS affectée, pour une part, à
l'amélioration des équipements sera-t-elle suffisante pour résoudre ce problème
récurrent de la rénovation des équipements des collectivités locales ?
Les conseils généraux font beaucoup dans ce domaine - j'en sais quelque chose
; si c'est un rôle qui leur revient en tant qu'institutions de proximité, ils
ne refuseraient naturellement pas d'être plus épaulés par l'Etat !
Madame la ministre, l'importance d'un budget comme le vôtre se mesure plus au
travers de l'application des politiques annoncées et aux actions menées qu'aux
seuls chiffres qui, isolés, ne signifient pas grand-chose !
Ce projet de budget pour 2002 permet de consolider les actions que vous avez
entreprises depuis cinq ans. Parce que vous donnez les moyens de répondre aux
enjeux de ce début de siècle en investissant dans la jeunesse, c'est-à-dire
dans la construction de l'avenir de notre pays, le groupe socialiste du Sénat
vous apportera son total soutien et votera votre budget.
(Applaudissements
sur les travées socialistes et sur celles du groupe communiste républicain et
citoyen.)
M. le président.
La parole est à M. Jean-Léonce Dupont.
M. Jean-Léonce Dupont.
Madame la ministre, c'est votre cinquième projet de budget, et le dernier de
cette législature.
J'ai été maire adjoint aux sports pendant douze ans à Bayeux. C'est donc en
tant qu'élu de terrain, passionné par ces questions, que j'ai le plaisir de
m'exprimer ce matin.
Je tiens à vous faire part, au nom du groupe des Républicains et Indépendants,
d'un certain nombre d'insatisfactions et de déceptions.
Ce projet de budget est en effet décevant. Certes, il augmente d'un peu plus
de 3 %, mais il demeure le plus petit budget ministériel de l'Etat : il ne
représente que 0,2 % du budget global.
Certains se consolent en disant que vous avez géré la disette en bonne
ménagère.
(Rires sur certaines travées du RPR et des Républicains et
Indépendants.)
Je n'en suis pas si sûr, malheureusement. Je ne suis
d'ailleurs pas fasciné par le concept de bonne ménagère !
(Sourires sur les
mêmes travées. - Mme la ministre s'offusque de cette remarque.)
Les insatisfactions portent sur la répartition des crédits de votre ministère
entre le sport et la jeunesse, d'une part, et entre les crédits de
fonctionnement et les crédits d'investissement, d'autre part.
Le budget alloué à la jeunesse et à l'éducation populaire, au titre des
interventions publiques, augmente de 5 % ; c'est bien, mais c'est au détriment
du sport, dont les crédits diminuent de 1 % à ce même titre.
En quelque sorte, vous déshabillez Pierre pour habiller Paul. Qui plus est,
vous l'habillez mal. En effet, les crédits de la jeunesse sont trop saupoudrés
pour être vraiment efficaces. Si l'on regarde vos « priorités », on s'aperçoit
qu'elles sont très faiblement dotées.
Vous consacrez ainsi 1,65 million d'euros à la poursuite de la politique de
création des conseils locaux de la jeunesse. Mais, avec seulement 175 conseils
créés depuis 1999, l'objectif de 1 000 conseils en cinq ans est loin d'être
atteint.
De même, quelles actions efficaces pensez-vous pouvoir mener en n'accordant
qu'un million d'euros supplémentaire pour soutenir à la fois la féminisation du
sport, le sport en entreprise et la lutte contre la violence ?
La répartition des crédits entre investissement et fonctionnement est
également préoccupante.
Vous augmentez les moyens des services de 4,6 %, mais vous sacrifiez
l'investissement en réduisant ses crédits de plus de 16 %.
Du côté de l'évolution des moyens des services, les crédits progressent, mais
on regrettera une tendance à la « technocratisation ». Vous créez en effet
quinze nouveaux postes pour les directions régionales et départementales de la
jeunesse et des sports, et vous supprimez des postes d'encadrement des
activités physiques et sportives.
M. Eric Doligé.
On fait tout à l'envers !
M. Jean-Léonce Dupont.
On se satisfera néanmoins de la mise en place - enfin ! - d'actions locales de
formation pour les emplois-jeunes, emplois-jeunes dont la perennité financière
n'est pas assurée et dont les contrats arriveront à échéance, par le fruit
insidieux du hasard, après les échéances électorales.
On se satisfera également de l'extension du dispositif du coupon sport à 25
000 jeunes supplémentaires.
En ce qui concerne les dépenses en capital, elles baissent de nouveau, alors
que leur part dans le budget de votre ministère est très minime : inférieure à
1,5 % ! L'Etat se décharge de plus en plus sur les collectivités territoriales
de sa responsabilité en matière d'équipements sportifs. C'est regrettable !
M. Eric Doligé.
Eh oui !
M. Jean-Léonce Dupont.
Les villes ne reçoivent d'argent ni de l'Etat ni d'autres collectivités pour
développer la pratique sportive. Or le rôle du sport dans la prévention de la
délinquance devrait inciter l'Etat à donner davantage d'aides et de
subventions.
M. Eric Doligé.
Bien sûr !
M. Jean-Léonce Dupont.
J'habite une ville où 43 % des logements sont des logements aidés. Le taux de
délinquance y est cependant très nettement inférieur à la moyenne nationale.
Nous avons en effet réalisé un nombre d'équipements sportifs nettement plus
élevé qu'au niveau national. Des efforts dans cette direction seraient donc
nécessaires.
Les crédits de paiement des investissements diminuent, quant à eux, de plus de
16 % : vous reportez sur vos successeurs la charge de payer vos autorisations
de programme. Vous vivez à crédit et vous allez léguer à votre héritier une
régulation budgétaire sévère, qui réduira encore les marges de manoeuvre du
ministère.
Ces insatisfactions dont je viens de vous faire part se doublent d'un certain
nombre d'interrogations, sur lesquelles j'aimerais avoir votre avis, madame la
ministre.
Je commencerai par la lutte contre le dopage, sur laquelle j'aurai trois
questions à vous poser.
D'abord, vous vous êtes exprimée en faveur du renforcement de la lutte contre
le dopage au niveau européen ; c'est très bien. Mais les affaires récentes
montrent que les Etats de l'Union européenne ne sont pas au bout de leurs
efforts. Une mobilisation du mouvement sportif est indispensable au niveau
européen. Qu'allez-vous faire ?
S'agissant, ensuite, de l'efficacité des règles internationales, la mise en
oeuvre de celles-ci est difficile, car leur application dépend du bon vouloir
de chaque pays.
Ainsi, un coureur cycliste peut très bien se retrouver sanctionné au niveau
international, mais pas au niveau national. Une certaine harmonisation des
règles est donc indispensable. Où en est-on sur ce point ?
Enfin, l'évolution des formes de dopage est préoccupante. Les produits
dopants, issus des technologies de pointe, sont de plus en plus difficiles à
déceler. Les contrôles antidopage, dans leurs formes actuelles, ne font plus
peur à personne. Indécelables, les hormones de croissance, substances reines
aujourd'hui, permettent à certains sportifs de triompher... tout en scandant
leur probité.
La prochaine étape, c'est la thérapie cellulaire. Les scientifiques seront en
mesure de modifier les gènes des sportifs pour augmenter leur production innée.
Comment imaginer, une fois le dispositif au point, que des sportifs placés au
coeur d'un système créant des sommes d'argent fabuleuses n'utiliseront pas ces
thérapies géniques ?
Mon deuxième sujet d'interrogation porte sur le Fonds national pour le
développement du sport. Un rapport de nos collègues Michel Sergent et Paul
Loridant a mis en lumière les difficultés de gestion auxquelles doit faire face
cet organisme. Créé en 1979 pour compléter les moyens budgétaires du ministère
des sports, ce fonds est très critiqué, car ses modalités et son fonctionnement
sont devenus très opaques. Les reproches sont nombreux quant à l'incapacité de
ce fonds à servir les intérêts des petits clubs. Le rapport révèle ainsi que la
taxe prélevée sur les recettes de La Française des Jeux a souvent vu sa
vocation détournée. L'argent du FNDS a contribué à subventionner les jeux
Olympiques d'Albertville ou la construction du Stade de France.
Quelles mesures avez-vous prises ou allez-vous prendre pour mettre fin aux
dérives dont a été victime le FNDS ?
Je terminerai par deux dernières interrogations.
L'audiovisuel public n'ayant pas consacré les moyens nécessaires à une
diffusion au moins partielle de la Coupe du monde de football, allez-vous faire
inscrire cet événement dans la liste des événements sportifs majeurs qui
doivent être accessibles à tous les publics ?
Enfin, le dispositif sans précédent développé autour du Stade de France n'a
pas suffi à éviter le dérapage qui a eu lieu au cours du match France-Algérie.
On doit s'interroger sur ce dérapage et en tirer les leçons. Il y a
certainement eu des insuffisances dans l'organisation de ce match. Quel bilan
en dresse le ministère des sports ?
Telles sont, madame la ministre, les insatisfactions et les interrogations
dont je souhaitais vous faire part. Il va de soi, cependant, que les
insuffisances indéniables de votre budget n'occultent ni votre bonne volonté ni
vos initiatives, souvent bienvenues, même si elles sont insuffisamment
financées. C'est pourquoi le groupe des Républicains et Indépendants s'en
remettra à la position de notre commission des finances.
(Applaudissements
sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union
centriste.)
M. le président.
La parole est à Mme la ministre.
Mme Marie-George Buffet,
ministre de la jeunesse et des sports.
Monsieur le président, mesdames,
messieurs les sénateurs, comme vous l'avez souligné, le budget de la jeunesse
et des sports est en augmentation permanente depuis cinq ans. Cela traduit, je
crois, une reconnaissance de la place du sport, de la jeunesse et de
l'éducation populaire dans notre société.
Ce budget est-il suffisant ? Non ! Par rapport aux besoins qui s'expriment et
aux attentes qui montent dans cette société - l'un d'entre vous a évoqué les 35
heures et la libération de temps pour la pratique d'activités culturelles et
sportives, la recherche de lieux d'échange et d'écoute - il est vrai que des
moyens beaucoup plus imposants sont nécessaires pour répondre à un tel besoin
d'épanouissement tant individuel que collectif.
S'agissant des investisements, je ne nie pas le rôle joué par les
collectivités territoriales. Lorsque j'inaugure un gymnase ou un stade, je ne
manque pas de souligner que les collectivités territoriales sont la principale
aide au mouvement sportif et à la pratique de sports dans leur diversité.
Je tiens cependant à souligner que l'aide du FNDS à la modernisation et à la
rénovation des équipements sportifs augmentera de 62 %. D'ailleurs, le schéma
collectif du sport, élaboré en commun entre le mouvement sportif et les
administrations de la jeunesse et des sports, mettra en évidence l'étendue des
besoins au niveau de l'aménagement de notre pays.
Vous avez abordé, par ailleurs, la question de la mise aux normes.
La création du Conseil national des activités physiques et sportives nous
permettra d'avoir une vision préalable à tout changement de norme par une
fédération, et nous allons organiser une concertation entre le mouvement
sportif et les élus pour calmer un peu la précipitation et les exigences en
matière de normes.
Messieurs les rapporteurs, vous avez posé le problème du fonctionnement du
FNDS. Même si un décalage subsiste encore aujourd'hui entre la programmation
d'une opération et sa réalisation, l'amélioration du fonctionnement du FNDS
progresse
En ce qui concerne les plus-values qui ont été dégagées au sein du FNDS, elles
seront utilisées à la fois pour l'Institut national du sport et de l'éducation
physique, l'INSEP, et pour notre centre de Font-Romeu.
Il est vrai que, pendant des décennies, le FNDS s'est progressivement éloigné
des objectifs qui avaient été fixés initialement. Nous avons commencé à
inverser cette dérive. Le fait que nous puissions consacrer aujourd'hui plus de
500 millions de francs du FNDS aux clubs est une avancée significative qui
montre cette volonté.
Monsieur Biwer, il y a beaucoup d'attentes de la part des clubs. Quand je suis
arrivée dans ce ministère, certains ne déposaient même pas de demande de
subvention auprès du FNDS, parce qu'ils estimaient qu'ils n'avaient aucune
chance de l'obtenir ou qu'elle serait trop minime. Aujourd'hui, les choses se
sont inversées, parce que nous avons pu augmenter cette part régionale du FNDS,
qui a été nourrie, de plus, par la taxe de 5 % sur les droits audiovisuels, qui
est directement affectée aux clubs sportifs.
Nous voulons éviter la dispersion. C'est pourquoi nous avons continué à
charger les centres régionaux olympiques et sportifs et les conseils
départementaux olympiques et sportifs de la répartition de ces crédits. En
effet, certains problèmes, comme la formation ou la lutte pour la santé des
sportifs, ne peuvent pas se résoudre au niveau d'un seul club : ils nécessitent
une vision départementale, voire régionale.
Quant au FNDVA, les crédits sont portés à 9,9 millions d'euros. Messieurs les
rapporteurs, vous avez exprimé une inquiétude s'agissant du prélèvement sur les
enjeux du PMU, lesquels devraient produire environ 8 millions d'euros ; mais
c'est aléatoire. Les 12,2 millions d'euros promis par le Premier ministre et, à
plus forte raison, les 9,9 millions d'euros inscrits dans le présent projet de
budget seront atteints grâce à un apport de crédits du titre IV prélevés sur
l'ensemble des ministères concernés.
Les règles retenues aboutiront à taxer, si je puis dire, les crédits de mon
ministère de 50 000 euros dans le pire des cas. On ne peut donc pas dire que
les crédits d'intervention en seront très affectés.
En ce qui concerne les comptes d'affectation spéciale, plusieurs sénateurs ont
déploré le fait que la nouvelle loi organique relative aux lois de finances
maintienne leur existence sous réserve que leurs recettes soient, par nature,
en relation directe avec les dépenses concernées, ce qui n'est pas le cas pour
les deux fonds. J'ai donc engagé une discussion avec le mouvement sportif,
ainsi qu'avec mes collègues Laurent Fabius et Florence Parly, pour trouver les
supports juridiques et techniques les plus adaptés, dans le cadre des nouvelles
règles budgétaires, permettant de maintenir la gestion paritaire de ces deux
fonds. C'est en effet une réelle source d'efficacité dans l'utilisation de ces
fonds au plus près des besoins des mouvements sportif et associatif.
Nombre d'entre vous ont abordé la question de l'avenir des emplois-jeunes. Il
est vrai que les associations de jeunesse, d'éducation populaire, les
associations sportives, se sont particulièrement investies dans le dispositif «
nouveaux-services-emplois-jeunes ». A ce jour, plus de 55 000 jeunes en ont
bénéficié. Nous avons réellement oeuvré afin que ces jeunes reçoivent une
formation de très haute qualité ; nous n'avons pas voulu leur donner une «
sous-formation ». Bien au contraire, nous veillons à ce qu'ils bénéficient d'un
accompagnement individualisé qui leur permettre de progresser et d'obtenir des
diplômes professionnels jeunesse et sport, notamment des brevets d'Etat.
Depuis 1998, des moyens considérables ont été consacrés à la formation des
emplois-jeunes. Nous allons faire en sorte que la plupart de ces emplois-jeunes
qui sont dépendants d'associations puissent bénéficier, à leur sortie du
dispositif, de la prolongation de trois ans de l'aide de l'Etat. En effet,
malgré l'aide des collectivités territoriales, la plupart des associations et
des clubs ne sont pas capables de prendre en charge directement l'ensemble de
ces emplois.
Nous suivons cette question de très près, parce que nous estimons qu'il faut à
la fois maintenir le jeune dans l'association où il a montré son utilité, et
maintenir l'emploi pour le jeune qui a montré son savoir-faire et a acquis une
formation et des compétences.
Pour ce qui est du Conseil national de la jeunesse et des conseils
départementaux de la jeunesse ils ne s'opposent pas aux conseils municipaux ou
aux conseils locaux qui sont déjà en place ou en voie de l'être ; ils sont
complémentaires. Je souhaite que s'établisse progressivement une sorte de
maillage entre ces différents conseils et que le Conseil national de la
jeunesse, officialisé par la loi du 17 juillet 2001, soit plus représentatif
des attentes des jeunes de notre pays.
Ces conseils ont besoin de moyens parce que les jeunes organisent des
manifestations extrêmement importantes, comme le festival de la citoyenneté.
Ils ont réalisé une étude très intéressante sur l'image des jeunes dans les
médias. Ils travaillent avec le Conseil supérieur de l'audiovisuel, le
ministère de la culture et de la communication. Ils mènent des enquêtes auprès
des jeunes, développent des actions, notamment en province, en matière de
sécurité routière. Comme ce sont des jeunes qui mènent ces actions, celles-ci
les touchent plus directement et sont donc plus efficaces.
Ces conseils ont donc besoin de moyens de fonctionnement car, jusqu'à présent,
ils bénéficiaient de sommes très modestes.
Comme vous l'avez indiqué, nous consolidons également le réseau « information
jeunesse », qui reçoit plus de cinq millions de jeunes, et nous avons poursuivi
le plan d'action des jeunes pour la société de l'information, car je ne
souhaite pas voir s'instaurer, par rapport aux nouvelles technologies et à
Internet, une société à deux vitesses dans laquelle des jeunes auraient accès
au réseau parce qu'ils ont les moyens nécessaires et d'autres non. Nous avons
créé cinq cents points d'accès gratuit au réseau Internet pour les jeunes et
nous voulons poursuivre notre action en ce sens.
Toute cette action sur l'information des jeunes permet de lutter contre les
exclusions et les discriminations.
Comme vous l'avez souligné, s'agissant de l'éducation populaire, nous avons
signé un accord très important avec le ministère de la culture et de la
communication, accord qui réconcilie la démarche en faveur de la culture et
celle concernant l'éducation populaire. Je souhaite que l'éducation populaire
retrouve toute sa place au sein de ce ministère. Les subventions aux
associations nationales de jeunesse et d'éducation populaire vont franchir la
barre des 10 millions d'euros.
Vous avez également souligné l'importance des postes FONJEP. Deux cents
associations vont en bénéficier, ce qui correspond à un besoin. Nous avons
augmenté le montant de la prise en charge des postes FONJEP, faute de quoi les
personnels qualifiés ne pouvaient pas être suffisamment rémunérés.
J'en viens enfin au budget concernant le sport. Je souhaite réellement que ce
soit un budget de soutien au sport dans la diversité de ses pratiques, qu'il
s'agisse de sport amateur, de sport de haut niveau, d'activités accessibles à
tous et à toutes ou de pratiques professionnelles. Ainsi seront consolidées la
promotion de la pratique en entreprise, ainsi que la pratique sportive des
handicapés, avec une aide accrue accordée aux trois fédérations concernées :
Handisport, la Fédération française du sport adapté et la Fédération des sourds
et malentendants.
Je pense que l'événement sportif qui se tiendra dans le Nord avec les
championnats d'athlétisme Handisport nous permettra, à l'instar des jeux
Paralympiques de Sydney, de donner plus de visibilité à ce sport. Mais nous
sommes encore loin du compte. Il s'agit vraiment d'un moyen de reconnaissance
et d'insertion de l'ensemble des personnes touchées par les handicaps.
Nous allons poursuivre la promotion du sport féminin, car nous avons à donner
à voir ce qu'apportent les femmes au développement du sport, qu'il soit amateur
ou de haut niveau.
En ce qui concerne la violence, plusieurs d'entre vous ont abordé cette
question. Le dispositif que nous avons mis en place avec mon ami Daniel
Vaillant, le système d'officiers de police référents, qui discutent avec le
mouvement sportif pour prévenir les matchs à tension, commence à marquer des
points. Ce dispositif s'est accompagné d'une grande campagne : « Hors jeu la
violence ». Mais nous devons rester constamment en alerte et agir en
permanence. Il nous faut à la fois avoir les moyens de sanctionner - et vous
savez que la loi sur le sport permet d'ajouter à la sanction des tribunaux
l'éloignement des stades pendant une certaine durée ; cela s'est vu après le
match France-Algérie - et accentuer encore les actions éducatives et de
prévention. A cet effet, nous avons besoin de la mobilisation du mouvement
sportif et de celle de l'Etat.
En ce qui concerne le match France-Algérie, j'ai souvent employé l'expression
« fête gâchée ». En effet, ce match suscitait une très forte attente des jeunes
de notre pays. Le fait qu'il y ait eu envahissement de terrain est condamnable
et les sanctions qui ont été prises étaient justifiées.
(Exclamations sur
les travées du RPR.)
M. Louis de Broissia.
Et
La Marseillaise
?
Mme Marie-George Buffet,
ministre de la jeunesse et des sports.
Laissez-moi finir !
A la suite de cet incident, nous avons réuni les différentes composantes : le
consortium, la fédération concernée et le directeur des sports de mon
ministère. Le système des stadiers doit encore être renforcé, notamment en ce
qui concerne leur formation et leur capacité à réagir plus rapidement en cas
d'envahissement de terrain. Je précise quand même que cet envahissement de
terrain et la sortie du stade n'ont fait l'objet d'aucun geste de violence !
Le comportement d'une partie du public, notamment au moment de
La
Marseillaise,
de la présentation des équipes, ou durant le match lui-même,
doit nous conduire à nous interroger. Nous avons le devoir d'aller à la
rencontre de ces jeunes - et des moins jeunes, d'ailleurs, car les jeunes n'ont
pas été les seuls à siffler
La Marseillaise,
je tiens à le souligner -
pour discuter très franchement et très directement avec eux, afin de savoir ce
qui les a poussés à accomplir ces gestes, le sentiment de rejet qui les a
animés, et essayer de trouver avec eux des solutions pour avancer vers un
respect des uns et des autres dans une société française qui se construit.
(Protestations sur les travées du RPR.)
M. Jean Chérioux.
Le respect des uns et des autres ? ...
Mme Marie-George Buffet,
ministre de la jeunesse et des sports.
Mais oui, le respect des uns et
des autres ! Les jeunes ont besoin de respect, comme ils ont besoin de
respecter les autres !
(Exclamations sur les mêmes travées.)
M. Ivan Renar.
N'en rajoutez pas, chers collègues !
Mme Marie-George Buffet,
ministre de la jeunesse et des sports.
Cette démarche éducative, le
ministère de la jeunesse et des sports l'adopte également pour toutes les
autres conduites à risques. Pour ma part, je pense qu'il faut lutter, dans un
même temps et dans une même démarche, contre les phénomènes de toxicomanie,
mais également contre l'alcoolisme et le tabagisme, qui reprennent de la
vigueur chez les jeunes.
M. Eric Doligé.
Des mots ! tout cela !
Mme Marie-George Buffet,
ministre de la jeunesse et des sports.
Lutter contre tout ce qui met en
état de dépendance, contre tout ce qui prive de liberté un jeune est une
démarche que développe le ministère de la jeunesse et des sports.
S'agissant du sport de haut niveau, nous allons accueillir de nombreux grands
événements en France : en 2003 se tiendront les championnats du monde
d'athlétisme. J'espère que nous pourrons reposer la candidature de la France
pour les jeux Olympiques de 2012.
Le sport de haut niveau nécessite un accompagnement pour ce qui est de
l'insertion des sportifs ainsi que de la construction de leur avenir personnel
et professionnel. Aussi avons-nous accordé des moyens au suivi des sportifs de
haut niveau.
S'agissant des cadres techniques, nous sommes passés de 1 696, dont 383 en
contrat de haut niveau, en 2000, à 1 716, dont 403 en contrat de haut niveau,
en 2002.
Mon inquiétude concerne non pas le nombre de cadres techniques, qui continue
progressivement d'augmenter, mais l'accroissement de la part d'agents
contractuels par rapport à celle des fonctionnaires du ministère.
C'est le problème général de ce ministère, qui a perdu trop de moyens humains.
Nous devons aujourd'hui renforcer ses moyens en personnels au niveau des
directions départementales et des établissements, où l'on constate un fort taux
de personnels précaires. Ce sera l'une des priorités de ce budget pour 2002.
Vous avez posé la question de l'encadrement. Oui, le décret d'application de
l'article 43 fait l'objet d'une très grande concertation non seulement avec les
fédérations sportives mais aussi avec tous les partenaires concernés. Car le
besoin d'encadrement sportif dépend largement du lieu de la pratique sportive,
selon que l'environnement est à risque ou non, comme dans un centre
touristique, par exemple. Le décret devra prendre en compte l'ensemble de ces
pratiques.
S'agissant de la ruralité, j'ai été frappée, dans plusieurs de mes
déplacements, de constater que des postes, prévus et financés, restaient
cependant à pourvoir, faute, pour nous, de réussir à attirer des cadres
brevetés d'Etat pour les occuper.
Il faut peut-être réfléchir, comme cela s'est fait dans l'éducation nationale,
à des mesures favorisant l'implantation de ces cadres en milieu rural.
En ce qui concerne le dopage, je voudrais insister sur le fait que les décrets
d'application de la loi du 23 mars 1999 relative à la protection de la santé
des sportifs et à la lutte contre le dopage - excepté deux, concernant le
secret médical - sont maintenant opérationnels. Nos antennes régionales seront
toutes mises en place avant la fin du premier trimestre 2002.
En ce qui concerne le laboratoire national de dépistage, je peux vous annoncer
qu'il change de statut au 1er janvier 2002 : il devient un établissement public
administratif et gagne en moyens, humains notamment. Bien que nous soyons
passés à plus de 8 000 contrôles, nous avons encore un retard de 1 300
contrôles environ. Il faut donc poursuivre l'effort et accorder les moyens
nécessaires à notre laboratoire pour poursuivre les analyses et les contrôles,
qu'ils soient inopinés ou organisés dans les compétitions.
Vous avez soulevé le problème de la « course de vitesse » que l'on constate
entre l'utilisation de certains progrès scientifiques pour le dopage et les
capacités de détection. La seule réponse réside, à mon sens, dans la
coopération entre les équipes scientifiques, une coopération tant nationale
qu'internationale.
Nous avons avancé, au sein de l'Union européenne, mais, c'est vrai, il faut
rester extrêmement déterminé parce que, je l'ai constaté encore lors de la
dernière réunion des ministres des sports, certains pays, sous prétexte de ne
pas accroître les compétences de l'Union européenne, mettent des obstacles à la
prise en compte, par la Commission et par le conseil des ministres, de la lutte
contre le dopage. C'est vraiment un combat permanent. J'espère que l'Agence
mondiale antidopage nous permettra de gagner en cohérence, parce que c'est la
question essentielle aujourd'hui. Les législations sont trop diverses, les
règlements des fédérations internationales également. Le rôle premier de
l'agence doit être précisément la mise en cohérence, l'harmonisation de la
lutte antidopage au plan international.
Sur la Coupe du monde de football, les matchs de l'équipe de France, les
demi-finales ainsi que la finale figurent, en effet, sur la liste des
événements qui doivent être accessibles à l'ensemble des publics.
S'agissant des contrats éducatifs locaux, je partage votre point de vue,
monsieur le sénateur. Ces contrats, créés par le ministère de la jeunesse et
des sports, doivent, petit à petit, être portés par quatre ministères
différents et être financés par eux, notamment les ministères de la ville et de
la culture.
La part des collectivités reste en effet trop élevée pour que nous puissions,
malgré un bon résultat, puisqu'un quart de la population scolaire bénéficie de
ces contrats éducatifs locaux, les généraliser à l'ensemble des enfants pour
éviter les inégalités.
En ce qui concerne le Stade de France, nous allons vous transmettre les
résultats du travail fait par l'inspection. J'avoue, cependant, qu'elle ne nous
laisse que peu d'espoir de réouverture de la négociation. La renégociation est
entamée, mais je ne veux pas susciter trop d'illusions : je ne pense pas que
nous pourrons revenir complètement sur l'indemnité accordée à titre de
compensation pour l'absence d'un club résident. La négociation est ouverte, et
je vous tiendrai informés de ses développements et des conséquences de cet
accord passé sur la gestion du Stade de France.
Mesdame, messieurs les sénateurs, malgré nos sensibilités diverses, nous avons
accompli ensemble un travail tout à fait constructif, non seulement à
l'occasion des discussions budgétaires, mais également dans notre modification
de la législation, en faveur du mouvement sportif, de la pratique sportive, du
monde associatif et des jeunes. Je tenais à vous en remercier.
(Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et
citoyen et sur les travées socialistes. - M. le président de la commission des
affaires culturelles, M. le rapporteur spécial et M. le rapporteur pour avis
applaudissent également.)
M. Bernard Murat,
rapporteur pour avis.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Bernard Murat,
rapporteur pour avis.
Madame le ministre, permettez-moi de revenir sur
quelques-uns des points que vous avez soulevés et de faire écho aux propos de
certains de mes collègues.
La mise aux normes est une question très importante pour les élus que nous
sommes : nous avons parfois l'impression de marcher sur la tête et tout cela
manque, à l'évidence, de bon sens. Pour les budgets de nos collectivités, la
charge est très lourde. On parle toujours des équipements, mais n'oublions pas
les frais de fonctionnement, car, plus on réalise d'équipements, plus on
suscite de frais de fonctionnement.
Quant à la dépénalisation des élus, elle est cruciale.
(Marques
d'approbation sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
Parfois, en effet, on s'interroge - va-t-on rouvrir un gymnase ou va-t-on le
laisser fermer ? -, et la commission de sécurité n'est pas d'un grand secours :
faites comme vous voulez, mais nous ne donnons pas notre feu vert ! Ce sont des
situations très inconfortables.
S'agissant des jeunes, vous avez eu, tout à l'heure, cette expression que nous
n'avions pas entendue depuis longtemps, madame le ministre, d'« éducation
populaire ». Je prône, moi, l'éducation généraliste, l'éducation ouverte à tout
le monde ! Les conseils de jeunes que vous voulez mettre en place sont une
déclinaison locale de votre conseil national de la jeunesse, si j'ai bien lu
votre dernière publication, qui est magnifique et fort bien illustrée. Or,
aujourd'hui, il existe déjà des conseils municipaux des jeunes, qui sont élus.
L'organisation des élections est faite avec l'éducation nationale dans tous les
collèges, et cela se passe d'une façon tout à fait intéressante. Dans ma ville,
Brive-la-Gaillarde, 30 % des jeunes ont participé aux élections. Je ne voudrais
pas que vos conseils de jeunes viennent se superposer aux conseils municipaux
des jeunes pour devenir des conseils populaires de jeunes !
Je suis bien obligé, même si cela ne fait pas plaisir à M. Renar, de revenir
sur l'affaire de
La Marseillaise
, madame le ministre.
(Ah ! sur les travées du RPR.)
D'ailleurs, sans démagogie aucune de ma part, madame le ministre, nous avons
tous vu, lors de la retransmission télévisée de l'événement, que vous étiez
très malheureuse de ce qui se passait ce jour-là. Peut-être que, si vous aviez
su, vous ne seriez pas venue
(Sourires.)
Vous auriez sans doute réfléchi
à une autre organisation pour cette manifestation qui s'est déroulée à un
moment, il est vrai, un peu difficile sur le plan international.
N'en déplaise à tous mes amis amateurs de football, je n'ai jamais entendu
siffler
La Marseillaise
lors d'un match de rugby !
M. Serge Lagauche.
C'est vrai !
M. Bernard Murat,
rapporteur pour avis.
De temps en temps, les « British » se laissent un
peu aller, certes
(Nouveaux sourires),
mais c'est très rare.
Je suis frappé du contraste entre ce match au Stade de France et les
événements auxquels il a donné lieu, et le match de rugby qui s'est déroulé à
Marseille, tout récemment, devant 80 000 spectateurs. Eh bien, là-bas,
La
Marseillaise
n'a pas été sifflée : elle a été chantée ! Pourtant, je suis
bien persuadé que, dans les tribunes du stade de Marseille, il y avait, disons,
la même...
Mme Marie-George Buffet,
ministre de la jeunesse et des sports.
Population !
M. Bernard Murat,
rapporteur pour avis.
... population, en effet.
Il faut se poser la question de savoir pourquoi les incidents les plus
violents - on l'a vu il y a encore quelques jours, lors du match opposant le
Paris - Saint-Germain à l'Olympique de Marseille - sont presque l'apanage du
football, et jusque dans les divisions inférieures.
M. Alain Dufaut.
Il faut changer les règles !
M. Bernard Murat,
rapporteur pour avis.
En tant que maire, je suis fréquemment informé
d'incidents au cours desquels les arbitres se font agresser. Or, madame le
ministre, ce sont les maires qui sont responsables des terrains : si nous
n'avons pas prévu de cordon de sécurité pour éviter qu'un arbitre ne se fasse
agresser, nous sommes responsables !
Néanmoins, je ne peux pas vous laisser dire sans réagir, madame le ministre,
qu'il faut aller au contact des jeunes, dans les quartiers.
(Exclamations
ironiques sur les travées du RPR.)
Pour quoi faire ? Pour leur apprendre
La Marseillaise ?
Mais ils la
sifflent !
M. Ivan Renar.
Tous les jeunes ne l'ont pas sifflée !
M. Bernard Murat,
rapporteur pour avis.
Non, mais je n'ai jamais beaucoup entendu chanter
La Marseillaise
dans certains quartiers !
M. Jack Ralite.
A Aubervilliers, ils la chantent !
(Sourires.)
M. Jean Chérioux.
C'est parce qu'ils ont un bon maire !
(Nouveaux sourires.)
M. Bernard Murat,
rapporteur pour avis.
Je m'en félicite, mon cher collègue !
Madame le ministre, je ne fais qu'essayer d'apporter ma pierre à l'édifice, à
cette discussion que nous avons ouverte. Il faut dire les choses comme elles
sont.
Je vous raconterai une anecdote. Après les attentats du 11 septembre, nous
étions, avec beaucoup de mes collègues, réunis au balcon de la mairie de Brive
pour une cérémonie ; nous devions respecter trois minutes de silence. Nous
avons fait sonner le tocsin. J'ai vu alors arriver une voiture, qui s'est garée
devant le balcon. Je ne vous dirai ni son numéro d'immatriculation ni l'aspect
de ses jeunes occupants. Eh bien ! madame le ministre, ils nous ont mis de la
musique rap à fond, pendant trois minutes !
Mme Nelly Olin.
C'est honteux !
M. Jean Chérioux
Absolument !
M. Bernard Murat,
rapporteur pour avis.
C'est inacceptable !
M. Louis de Broissia.
Et il faudrait les comprendre, dialoguer avec eux ?
M. Bernard Murat,
rapporteur pour avis.
Voilà pourquoi mes collègues ont raison de vouloir
affirmer que
La Marseillaise,
c'est bleu, c'est blanc, c'est rouge, et
que ceux qui sifflent l'hymne national n'ont rien à faire sur le territoire
français !
M. Jean Chérioux.
C'est l'hymne de la liberté !
(M. Dufaut applaudit.)
M. Bernard Murat,
rapporteur pour avis.
S'il vous prend l'envie, dans certains pays, de
siffler l'hymne national, vous vous retrouvez en prison !
M. Alain Dufaut.
Normal !
M. Bernard Murat,
rapporteur pour avis.
J'en conviens, il ne faut pas grossir l'incident,
mais il ne faut pas non plus le minimiser. Il s'agit d'un vrai problème qui
témoigne des difficultés auxquelles nous avons à faire face. Sachons appeler un
chat un chat !
Mme Nelly Olin.
Très bien !
M. Bernard Murat,
rapporteur pour avis.
En ce qui concerne la ruralité, qui me tient à
coeur, tant il est vrai que la Corrèze est un département plus rural qu'urbain,
vous avez raison, madame le ministre, d'insister sur les difficultés
considérables auxquelles est confronté le milieu rural, en termes de moyens,
d'effectifs et d'infrastructures.
Mais il y a aujourd'hui, madame le ministre, un autre problème à prendre en
considération ; je veux parler de la crise de l'élevage. Mon département est
vraiment frappé de plein fouet par la crise bovine. Les jeunes, qu'ils soient
fermiers ou ouvriers agricoles dans des exploitations, n'ont pas le coeur au
sport. En ce moment, ils ont vraiment la tête ailleurs !
Au sujet de la retransmission des matchs de la Coupe du monde de football,
vous disiez que l'Etat avait veillé à ce que tous les Français puissent en
profiter. Je ne crois pas que votre collègue Mme Tasca partage tout à fait
votre point de vue. Mais c'est un autre débat !
M. Jean Chérioux.
Il y a beaucoup trop d'argent dans tout cela !
M. Bernard Murat,
rapporteur pour avis.
TF1 a eu effectivement l'exclusivité de cette
retransmission.
Quant au dopage, et j'en finis sur ce point, nous devons vraiment veiller à
une meilleure coordination internationale et à une plus grande harmonisation,
car il ne faudrait pas que les athlètes français soient pénalisés par rapport à
d'autres originaires de pays moins regardants.
Comme je l'ai dit à M. Renar, sur les crédits, nous nous en remettons à la
sagesse du Gouvernement...
(Rires.)
M. Ivan Renar.
Du Sénat, plutôt ! Ne soyez pas trop pressé !
M. Bernard Murat,
rapporteur pour avis.
Certes ! Je m'en remets à la sagesse du Sénat,
donc, mais à la sagesse du Gouvernement pour bien comprendre le message que la
majorité du Sénat lui adresse, madame le ministre : c'est bien, mais il faut
faire encore mieux, car nous tous ici qui le vivons au quotidien savons que le
sport est la meilleure école de la vie et, en tout cas, beaucoup plus efficace,
en termes d'insertion, que tous les montages des politiques de la ville et
autres gadgets sociétaux que l'on nous propose aujourd'hui.
(Applaudissements sur les travées du RPR et de l'Union centriste.)
Mme Marie-George Buffet,
ministre de la jeunesse et des sports.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à Mme le ministre.
Mme Marie-George Buffet,
ministre de la jeunesse et des sports.
Je ne souhaite pas que le
processus consiste à « descendre » du Conseil national vers les conseils
départementaux et les conseils locaux ou municipaux, car on courrait à
l'échec.
Au début, le Conseil national était comme suspendu en l'air, n'avait aucune
base. Chacun des conseils départementaux qui ont été créés y dispose maintenant
de représentants.
Je souhaite que les conseils municipaux ou les futurs conseils locaux - ils
ne concernent pas tout à fait la même tranche d'âge - puissent nourrir la
réflexion et l'initiative des conseils départementaux : le processus doit
partir de la base et remonter vers le sommet.
Je reviens - et je le dis avec beaucoup de responsabilité - sur le mot «
inacceptable » que vous avez employé. Je partage votre appréciation : il est
inacceptable qu'un hymne national soit sifflé. Mais comment analyser les
raisons de tels comportements ? Comment faire reculer ceux-ci ? Il me semble
indispensable que nous allions vers les parents, vers les éducateurs, vers les
jeunes - je le fais depuis un mois, et la confrontation n'est pas facile -,
pour essayer de comprendre en quel sens nous devons infléchir notre attitude
envers ces jeunes pour obtenir qu'ils modifient eux-mêmes leur comportement. Le
ministre de la jeunesse et des sports a une forte responsabilité dans cette
démarche de rencontre et de discussion, qui doit lui permettre de proposer des
solutions.
On parle de l'argent dans le sport. En réalité, globalement, il n'y a pas trop
d'argent : au contraire, les clubs locaux ont besoin de plus d'argent. Ils ont
besoin de public, mais aussi d'argent privé, parce que les fonds publics ne
pourront pas répondre à toutes les attentes.
Mais nous nous heurtons tous, aujourd'hui, à cette réalité qui veut que, peu à
peu, l'argent commence à dicter ses règles au sport. Arrivent ainsi des
groupes, comme le groupe Kirch, dont le but est non pas de servir le sport,
mais de « faire de l'argent », par exemple en achetant et revendant des droits
selon des critères de pure rentabilité.
M. Ivan Renar.
C'est bien le problème !
Mme Marie-George Buffet,
ministre de la jeunesse et des sports.
Le danger est là !
C'est pourquoi, malgré des discussions parfois un peu vives avec certains
présidents de club - très peu nombreux ! - je cherche à protéger le mouvement
sportif français du poids de l'argent, qui conduirait au démantèlement du
caractère associatif du mouvement sportif, au démantèlement du modèle européen
du sport.
Je partage votre préoccupation à propos du dopage. L'Agence mondiale
antidopage a été mise en place ; elle doit se réunir au mois de décembre. J'en
ai discuté avec le président du Comité international olympique, Jacques Rogge :
l'agence n'a pas vocation à effectuer les prélèvements à la place de tous ceux
qui les font déjà ; sa première priorité est de travailler avec les Etats et
avec le mouvement sportif pour parvenir à une certaine cohérence.
C'est pourquoi j'essaie d'obtenir que l'UNESCO organise rapidement une réunion
des ministres des sports de la planète afin que soit élaboré une sorte de «
traité des Etats » qui donne une assise à l'Agence mondiale antidopage et lui
permette de jouer son rôle. Pour l'instant, étant une association de droit
privé suisse, il lui est quelque peu difficile de procéder à l'harmonisation
des législations des Etats !
Tel est le sens de la démarche qui est actuellement menée.
M. le président.
Nous allons procéder à l'examen et au vote des crédits concernant la jeunesse
et les sports et figurant aux états B et C.
ÉTAT B
M. le président. « Titre III : 10 051 391 euros. »
Je mets aux voix les crédits figurant au titre III.
(Ces crédits sont adoptés.)
M. le président.
« Titre IV : 21 763 589 euros. »
Je mets aux voix les crédits figurant au titre IV.
(Ces crédits sont adoptés.)
ÉTAT C
M. le président.
« Titre V. - Autorisations de programme : 5 338 000 euros ;
« Crédits de paiement : 2 669 000 euros. »
Je mets aux voix les crédits figurant au titre V.
(Ces crédits sont adoptés.)
M. le président.
« Titre VI. - Autorisations de programme : 10 528 000 euros ;
« Crédits de paiement : 5 422 000 euros. »
Je mets aux voix les crédits figurant au titre VI.
(Ces crédits sont adoptés.)
M. le président.
Nous avons soulevé l'examen des dispositions du projet de loi de finances
concernant la jeunesse et les sports.
Communication
M. le président.
Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi de finances concernant
les crédits relatifs à la communication : crédits du Conseil supérieur de
l'audiovisuel, d'aides à la presse et à l'audiovisuel inscrits aux services
généraux du Premier ministre ; article 47 et lignes 38 et 39 de l'état E annexé
à l'article 43.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Claude Belot
rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et
des comptes économiques de la nation.
Monsieur le président, madame la
ministre, mes chers collègues, c'est une grande chance que de pouvoir évoquer
en ces lieux, plus qu'en d'autres, la pensée, l'information, l'image, la beauté
!
Commentant les crédits de la presse, un grand hebdomadaire satirique a parlé
d'« aide exceptionnelle », qui s'élève à 7,2 % cette année, sans faire de
rapprochement avec quelque échéance que ce soit.
Quant aux responsables de presse que je rencontre, ils estiment que, si le
système est, dans la pratique, d'une complexité extraordinaire, ils ont avec le
temps, acquis le savoir-faire nécessaire, et que les aides qui leur parviennent
présentent un caractère globalement satisfaisant.
Ils expriment cependant une revendication qui porte sur le mauvais
fonctionnement du fonds de modernisation de la presse. Il est vrai que, si l'on
se penche sur les chiffres, on ne peut qu'être surpris par la situation quelque
peu exceptionnelle, sur le plan financier, que l'on découvre.
Vous le savez, il s'agit d'un compte d'affection spéciale alimenté par une
taxe sur certaines dépenses de publicité « hors médias ». Les crédits inscrits
pour l'an 2000 se sont élevés à 159 millions de francs ; cette année, ils
seront de l'ordre de 190 millions de francs. Mais je relève que le fonds
dispose actuellement de 392,7 millions de francs de crédits de report, soit
l'équivalent de six années de consommation effective ! Comme le ministre des
finances, mes chers collègues, nous aimerions tous avoir la même somme !
Une telle situation n'est pas convenable, et les responsables de presse ont
fait une proposition pour y remédier : il suffit de transformer les avances
remboursables en subventions définitives ! C'est en tout cas leur revendication
principale.
Vous le savez, une telle solution n'est guère saine : ou bien il s'agit d'un
fonds de modernisation, et l'on traite le problème de la presse comme on traite
ceux des autres entreprises, en lui apportant une aide dans des conditions de
financement exceptionnelles et peu coûteuses ; ou bien l'on change de logique
et l'on se met à subventionner, ce qui n'est pas conforme, je crois, aux
traités européens. La commission des finances du Sénat n'y est pas
favorable.
J'aborderai un autre sujet qui, bien que récurrent, a pris une acuité
particulière depuis 1998.
Nous vivions depuis bien longtemps dans un système dans lequel l'Etat
contrôlait tout, décidait qui payait quoi. Tant et si bien que les frais de
portage sont assumés, aujourd'hui, essentiellement par La Poste et par la
SNCF.
La Poste n'est pas dans une situation aussi brillante que nous le
souhaiterions, mais elle n'est pas en difficulté ; la SNCF, si. Et si le
tonnage transporté a baissé de 20 %, les sommes attribuées à la SNCF ont été
arbitrairement diminuées de plus de 60 % par Bercy. Jusqu'en 1998, le système
en vigueur était celui du paiement à la tâche. Depuis a été instauré un système
largement forfaitaire, mais qui va déclinant, puisque l'on est passé de près de
210 millions de francs à moins de 100 millions de francs.
Cela ne fait évidemment pas l'affaire d'une entreprise en sérieuse difficulté,
à laquelle on reproche par ailleurs de ne pas équilibrer ses comptes : elle
rend des services à la nation, mais elle n'a pas à le faire gratuitement, et
ce service devrait être justement rémunéré ; il ne l'est pas, car la
contrepartie accordée à la SNCF est très inférieure au prix de revient de la
prestation. La gestion de cette question, madame la ministre, n'est guère
orthodoxe et n'est pas conforme à l'usage actuel.
Un autre problème récurrent est celui de la distribution très matinale, sur
tout le territoire, de tous les titres de la presse nationale, conformément aux
prescriptions de la loi Bichet.
Ce système de distribution est en grande difficulté, car il n'est plus adapté
aux conditions actuelles. Et si je souscris totalement à la nécessité que les
Français connaissent toute la diversité de la presse, force est de reconnaître
que la distribution ne fonctionne pas de façon convenable ; pis, la situation
se détériore.
Un titre national qui n'est pas en place au point de vente à neuf heures du
matin ne se vendra guère. Or, pour citer un exemple que je connais moins mal
que d'autres, les journaux vendus à La Rochelle transitent d'abord par
Toulouse. Inutile de vous dire qu'ils parviennent rarement à l'heure et qu'un
grand nombre d'invendus est consciencieusement remis, le lendemain matin, aux
diffuseurs. Les limites de l'absurde sont parfois atteintes !
J'entends beaucoup de doléances de la part des marchands de journaux et
diffuseurs de presse qui, recevant très tardivement certains journaux, doivent,
le matin, répondre aux clients que tel titre n'est pas arrivé comme les autres
et, le lendemain, en renvoyer presque tous les exemplaires.
Il faut voir la vérité en face : aujourd'hui existe la possibilité de
télétransmettre instantanément les grands titres et de les imprimer près du
lieu de vente. Il faudra, un jour ou l'autre, en tenir compte.
Je souhaite, madame le ministre, que vous réfléchissiez à l'avenir du système
actuel, qui a le grand mérite d'exister, mais dont on peut se demander s'il n'a
pas fait son temps.
J'aborderai, enfin, le problème de l'Agence France Presse, dont on parle
beaucoup en ce moment et qui vient d'arrêter ses comptes.
J'ai commencé le contrôle sur pièces et sur place de son activité, et j'ai
rencontré - c'est tout à l'honneur de cette entreprise - des équipes qui font
un travail exceptionnel, loin de France, en particulier celle qui, à Hong Kong,
se mobilise, sous la direction de Pierre Lesourd, pour que soit connu le regard
de la France sur le monde. J'ai également eu la bonne surprise de constater que
cette équipe de l'AFP était prépondérante dans sa région : à elle seule, elle
représente plus de 50 % du marché de l'information dans le grand ensemble
asiatique, puisque sa zone d'activité va de l'Afghanistan au Japon, en passant
par l'Australie et Singapour. Il s'agit donc d'une superbe entreprise !
Quel décalage, madame la ministre, entre ce que l'on constate loin de France
et en France !
C'est un vrai sujet : cette entreprise sans statut actualisé, sans capital,
dont les clients siègent au conseil d'administration, doit - c'est sa seule
chance en l'état actuel des choses - retirer les bénéfices de ses activités
lointaines pour financer ses activités françaises.
J'ai le sentiment que le système est en bout de course. Je le dis
solennellement, tout en sachant que cela peut ne pas faire plaisir à la presse,
qui administre elle-même le service, mais ne le vend pas à son juste prix.
Il faut donc engager une réflexion afin que l'AFP devienne une entreprise
comme les autres, qui, comme ses concurrents, équilibre ses comptes avec ses
seules recettes, ce qui implique que, en France comme ailleurs, le service soit
vendu à son juste prix.
Je suis convaincu que l'AFP a des ressources humaines et une force interne -
je n'aurais pas dit cela, il y a un an, parce que je n'étais pas allé voir sur
place - qui lui permettront de faire des choses exceptionnelles.
L'AFP est un atout pour la France et il faut donc lui donner ses chances en la
dotant des structures adaptées.
Je sais que la presse est un monde difficile à faire évoluer parce qu'il a ses
habitudes, madame la ministre, mais il faut que vous vous attachiez à le
réformer, dans l'intérêt de notre pays et de la presse elle-même.
Ce projet de budget ne soulève pas notre hostilité, au contraire - nous
serions tentés de nous en remettre à la sagesse du Sénat -, mais il connaîtra
le sort réservé aux crédits des services généraux du Premier ministre,
c'est-à-dire, sans doute, un sort défavorable. Sans hostilité donc, je
souhaitais attirer votre attention sur des sujets importants.
J'en viens maintenant à un autre sujet d'importance : l'audiovisuel.
Je veux rappeler quelle est la philosophie tant de la commission des finances
que du groupe de travail que j'ai eu l'honneur de présider.
Ce groupe de travail a rencontré, pendant des mois et à de nombreuses
reprises, les responsables de l'audiovisuel à un moment où ce secteur bougeait
extrêmement vite. Il a, à l'unanimité, exprimé son attachement à l'existence
d'un audiovisuel public fort.
Il a donc souhaité, et la commission des finances avec lui, que l'audiovisuel
public dispose de moyens de fonctionnement suffisants pour exister dans un
monde où les problèmes qu'il rencontre se posent parfois en termes tout
simplement existentiels !
Je pense, par exemple, à cette triste affaire qu'a évoquée Mme la ministre de
la jeunese et des sports ce matin : les droits du Mondial. J'en ai discuté, il
y a quelques jours, avec Marc Tessier, à qui j'ai demandé ce qu'il comptait
faire. Il m'a dit la simple vérité : « Je n'ai pas les moyens de suivre ! »
Vous avez paraît-il, madame la ministre, en tout cas la presse l'a dit -
peut-être était-ce fondé, même si elle ne dit pas toujours la vérité -, « piqué
» une belle colère.
(Mme le ministre fait un signe de dénégation.)
Il ne faut pas se voiler la face : les budgets de l'audiovisuel public
deviennent extrêmement faibles par rapport à ceux de la concurrence privée, et
il ne sert à rien d'espérer un miracle dans ce domaine. Je le redis, il faut
voir la réalité en face. Tous les discours incantatoires n'y changeront rien :
même s'il y a des aléas boursiers, la capitalisation des grands groupes
français de l'audiovisuel représente des sommes des centaines de fois
supérieures à celles que pourrait recevoir France Télévision. Ainsi, une
augmentation - facile à réaliser - de 1 % du capital drainerait plus de fonds
que n'en rapportent les droits audiovisuels du Mondial.
Les recettes publicitaires ont été exceptionnellement bonnes en 2000. Elles
sont en train de fléchir, et tout le monde est touché, mais elles n'en auront
pas moins été très supérieures en 2001 à ce qu'elles étaient en 1999.
Pour l'audiovisuel public, les recettes proviennent de la redevance et de la
publicité.
Or il a été choisi - on peut en discuter, mais c'est ainsi - de limiter le
nombre d'écrans publicitaires. Ce choix est celui de la qualité, mais il n'a
pas entraîné un accroissement de l'audience et il a pour conséquence la
diminution des moyens de France Télévision, en particulier de France 2 et de
France 3.
Quant à la redevance, elle évolue comme elle peut !
Elle a été dynamique pendant des années parce que le Sénat a eu le courage de
dire un jour que les fichiers de la taxe d'habitation et de la redevance de
télévision devaient être recoupés, décision qui a été prise en 1993 et dont les
effets ont été très rapidement perceptibles.
Aujourd'hui, ces effets se tassent. Or, on parle maintenant de ne pas
augmenter la redevance au-delà d'un certain seuil, ce qui peut se comprendre,
voire - et c'est un débat qui est entretenu à l'Assemblée nationale par la
majorité qui vous soutient - de supprimer la redevance !
Ce n'est pas du tout dans cette logique que nous nous situons. La commission
des finances et le groupe de travail sur l'audiovisuel estiment, au contraire,
qu'il est indispensable, dans un esprit de liberté, qu'une recette soit
affectée à l'audiovisuel public et que celui-ci dispose des moyens nécessaires
à son fonctionnement.
Je crois que c'est aussi votre position, madame la ministre, et vous trouverez
au Sénat des gens pour vous soutenir.
J'ai effectué un contrôle sur pièces et sur place au service de la redevance,
à Rennes. J'y ai rencontré des fonctionnaires qui faisaient bien leur métier et
qui étaient très motivés. On ne leur reproche qu'une chose : un taux de
recouvrement d'environ 3,5 %.
Mais quel est le taux de recouvrement de l'impôt local ? Selon l'Etat, il
serait de 7 %, ce qui correspond exactement au taux de l'impôt. Plus le montant
de l'impôt est faible et plus le coût du recouvrement est élevé, en pourcentage
du moins, c'est évident.
Madame la ministre, quelles que soient les modalités retenues pour la
redevance, de grâce, faites en sorte que cesse ce débat et obtenez qu'une
recette continue à être affectée à l'audiovisuel public. Sinon, après le
Mondial, ce sera le tennis, puis toutes les grandes manifestations qui y
passeront !
J'espère par ailleurs que vous n'avez pas donné votre aval à la décision qui
vient d'être publiée au
Journal officiel
du 22 novembre.
Nous avions conduit, dans ces lieux, un combat pour que la recette de la
redevance, qui est donc une recette affectée, ne soit pas captée par Bercy et
fondue dans le budget commun. J'ai souvenir d'un combat commun avec Mme
Pourtaud, il y a deux ans et l'an dernier, pour que les excédents de la
redevance, excédents qui avaient été constatés et dont nous avions
connaissance, soient affectés à l'usage prévu et ne soient pas « banalisés ».
En loi de finances rectificative, nous avions obtenu gain de cause.
Prenons garde à ce que nous faisons. Le projet de loi de finances pour 2001 a
exonéré de la redevance les personnes non imposables âgées de plus de
soixante-dix ans. L'Assemblée nationale vient, en première lecture du présent
projet de loi de finances, de décider d'étendre l'exonération aux personnes de
plus de soixante-cinq ans : l'engrenage qu'elle a ainsi enclenché se retournera
contre l'audiovisuel public.
L'Etat, pour la première fois, il faut le savoir, a opéré une diminution des
crédits de 120 millions de francs, ce qui n'est pas rien : c'est presque le
montant de ce que nous avions réussi à affecter à l'audiovisuel public, il y a
deux ans, en loi de finances rectificative. Bercy a en effet estimé que le
montant des exonérations figurant en loi de finances initiale avait été exagéré
et qu'il fallait donc le diminuer.
C'est cela, madame la ministre, qui figure au
Journal officiel
du 22
novembre, et j'espère, je le répète, que vous n'avez pas donné votre aval à
cette opération - vous nous le direz tout à l'heure - car vous seriez alors
complice d'une mauvaise action à l'encontre de l'audiovisuel public.
C'est la parade de Bercy à la manoeuvre que nous avons réussie il y a deux ans
et l'an dernier. Maintenant, nous sommes « coincés » : Bercy pourrait être en
mesure d'utiliser les excédents de recettes de redevance pour compenser ses
réductions de crédits ; en d'autres termes, il n'y aura donc plus d'excédents
!
Un peu de travail nous attend donc en loi de finances rectificative pour
tenter de dégager des moyens pour l'audiovisuel public.
Je veux, enfin, évoquer quelques sujets d'actualité.
Le numérique de terre a été adopté au Parlement : c'est une décision de la
nation. Il ne faut pas qu'il se développe dans l'ambiguïté. Or il y a un grand
nombre de zones d'ombre.
S'agissant du calendrier, tout d'abord, on nous dit que le démarrage aura lieu
dès 2002-2003, mais pour qui ? Pour les grands émetteurs ? On sait qu'à cause
du relief l'introduction de la télévision analogique en France a exigé des
années. En outre, l'installation des nombreux réémetteurs locaux nécessaires
n'est que très partiellement prévue sur les dix prochaines années. Je tiens
cette information d'EDF, à qui j'ai demandé de me communiquer ses prévisions.
Contrairement à ce qui a été dit, de très nombreux Français - et pas seulement
ceux qui habitent dans le Massif central ou dans les Alpes - ne pourront pas
recevoir le numérique de terre pour des raisons techniques. Ce n'est pas très
encourageant !
Il faut aussi avoir le courage de se demander pourquoi, en Grande-Bretagne et
en Suède, le numérique de terre est une catastrophe financière. En Espagne, on
n'a pas trouvé d'opérateurs en nombre suffisant. Pour quelles raisons ?
On doit se poser la question si l'on ne veut pas commettre les mêmes erreurs,
et je crois qu'il est très urgent de le faire, madame la ministre.
Aujourd'hui, parmi ceux qui soutiennent le numérique de terre, il y a bien sûr
vous, madame la ministre, mais vous avez peu de moyens. On a estimé qu'il
fallait 1 milliard de francs, vous n'avez obtenu que 350 millions de francs,
dont je précise qu'ils ne figurent nulle part - en tout cas, je ne les ai pas
trouvés - dans le projet de budget.
Il y a aussi la télévision publique, mais Marc Tessier m'a dit - et je crains
qu'il n'ait raison - que les opérateurs des bouquets satellitaires et du câble
ne laissaient pas à celle-ci la place qui lui revenait.
Aujourd'hui, 4,5 millions de foyers, soit environ 15 millions de personnes,
reçoivent le numérique de terre. Il faut faire la part des choses entre les
voeux de l'
establishment,
qui trouve, bien sûr, que l'ordre établi est
le meilleur, ceux des « aspirants » - on sait qui ils sont - et ceux de la
télévision publique. Si celle-ci est, comme le dit Marc Tessier, maltraitée et
n'a pas la place qui lui revient, vous savez, madame la ministre, que nous
avons le moyen législatif de régler cette affaire et, pour ma part, je vous
soutiendrai.
Il faut que les chaînes publiques soient reçues sur le câble et sur le
satellite à la place qui leur revient, c'est-à-dire pas en trois cent
vingt-deuxième position ! Il faut résoudre ce problème parce que le numérique
terrestre ne peut, dans l'immédiat, être la solution, d'abord parce que la TNT
n'arrivera pas tout de suite dans les foyers, ensuite parce qu'elle n'y
arrivera que très partiellement. Dans combien de temps en effet la TNT
sera-t-elle une réalité sur tout le territoire français ? Dans longtemps !
C'est une première zone d'ombre.
Il y en a une autre : le frein mis au développement d'une vraie télévision de
proximité. Il faut le savoir, nous sommes l'une des dernières grandes
démocraties sans télévision de proximité véritable. On l'a vu pendant les
municipales - c'était peut-être intéressant pour les Parisiens, les Lyonnais ou
les Marseillais, mais un peu pitoyable - on nous a abreuvés de toutes les
informations possibles et imaginables sur Paris, Lyon et Marseille, à croire
qu'il n'y avait d'élections que dans ces trois villes ! S'il y avait eu une
télévision de proximité, les choses auraient sans doute été différentes.
Je vais assez souvent au Canada, dans la ville jumelle de la mienne : une
télévision de proximité y diffuse depuis vingt-trois ans, elle marche
remarquablement bien, avec de petits moyens mais beaucoup d'audience. C'est un
exemple dont il faudrait nous inspirer.
Quoi qu'il en soit, la télévision numérique de terre n'est pas une télévision
de proximité. On nous annonce que trois canaux d'un multiplex lui seront
affectés. Mais de tels moyens sont utiles pour couvrir un immense territoire,
il ne s'agit pas de télévision de proximité. Ce n'est pas la télévision-miroir
à laquelle les gens aspirent.
M. le président.
Veuillez conclure, monsieur le rapporteur.
M. Claude Belot,
rapporteur spécial.
J'en ai presque terminé, monsieur le président.
Veuillez m'excusez-moi de m'être quelque peu attardé sur ce sujet, mais il est
important.
J'évoquerai enfin l'audiovisuel extérieur, dont la situation n'est pas bonne.
Nous disposons de superbes outils, notamment avec RFI ; quant à TV 5, cette
chaîne peut sans doute être améliorée, mais elle a le mérite d'exister.
Diffuser la voix et l'image de la France dans le monde entier est fondamental,
et nous sommes tous très attachés à cette composante de notre action
extérieure.
Toutefois, l'évolution de la technique joue contre nous et contre ces
entreprises. Ainsi, RFI éprouve de plus en plus de difficultés à trouver des
émetteurs en modulation de fréquence, car cela impose de passer des accords
locaux. Nous ne sommes plus au temps des grandes ondes et des ondes courtes !
En ce qui concerne TV 5, les rebonds satellitaires fonctionnent parfaitement,
mais il faut disposer de diffuseurs au sol, lesquels sont des entreprises
privées dans la quasi-totalité des cas. Ainsi, en Malaisie, l'opérateur du
bouquet satellitaire a exigé huit millions de francs avant de s'engager. On en
arrive alors à une situation absurde où l'on a dépensé beaucoup d'argent afin
d'assurer les rebonds satellitaires d'une chaîne que seule l'ambassade de
France peut recevoir ! Vous reconnaîtrez avec moi, madame la ministre, que cet
état de fait n'est pas satisfaisant et doit absolument évoluer.
En conclusion, l'ambiguïté, l'absence de moyens, le retrait arbitraire de
crédits - je vous renvoie à cet égard, mes chers collègues, au
Journal
officiel
du 22 novembre - font qu'il ne m'a pas été possible de proposer à
la commission des finances d'apporter son soutien à ce projet de budget. Il est
impératif de réussir, d'instaurer la clarté et de ne pas se borner à des
formules incantatoires, comme c'est parfois le cas. Telle est, monsieur le
président, madame le ministre, mes chers collègues, la position de la
commission des finances du Sénat.
(Applaudissements sur les travées de
l'Union centriste.)
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Louis de Broissia,
rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles pour la
communication audiovisuelle et la presse écrite.
Madame le ministre, lors
de votre audition par la commission des affaires culturelles, au nom de
laquelle j'ai l'honneur de rapporter, vous nous avez indiqué que la croissance
des aides à la presse serait, en 2002, de 7,2 % par rapport à l'année
précédente, ce qui confirme une forte augmentation depuis 1997.
On peut cependant, à l'instar de M. le rapporteur spécial, présenter les
choses différemment. En effet, les aides directes de l'Etat n'augmenteront pas,
en françs courants, en 2002, et le taux de croissance important des crédits
résulte du fait que la taxe sur la publicité hors médias, qui a été créée par
le biais d'un amendement parlementaire en 1998 et dont les recettes sont
affectées au fonds de modernisation de la presse, a enfin commencé à rendre ce
que l'on en attendait, même si l'on est encore loin du compte.
Si l'on considère le projet de budget comme un instrument permettant de
mesurer le volontarisme du Gouvernement à l'égard de la presse, vecteur
incontournable de l'expression pluraliste et ouverte à tous, on est en droit de
nuancer la présentation des crédits pour 2002 : au travers de l'examen de
quelques postes de dépenses, je vais donner l'éclairage de la commission des
affaires culturelles sur ces derniers.
En premier lieu, l'aide aux quotidiens nationaux à faibles ressources
publicitaires augmentera de 1,2 % en 2002. Compte tenu des très graves
incertitudes qui pèsent à court terme sur l'avenir de certains journaux
émargeant à cette aide et de la fragilité de ceux-ci, il ne me paraît pas
certain que ce dispositif puisse permettre de répondre aux préoccupations de
l'heure. La dotation n'est, à mon avis, pas suffisante au regard de la
situation de la presse d'opinion.
En deuxième lieu, le fonds d'aide aux investissements multimédias ne recevra
aucune dotation en 2002. Voilà au moins qui est clair ! Vous nous avez indiqué,
lors de votre audition par la commission des affaires culturelles, madame le
ministre, que le Gouvernement estime que les 10 millions de francs de
remboursement attendus permettront de répondre aux demandes présentées au titre
de ce fonds qui a déjà distribué, depuis 1997, 57 millions de francs.
Je rappelle à tous mes collègues que le fonds d'aide aux investissements
multimédias vise à aider les entreprises de presse à faire face aux importantes
mutations qui s'imposent à elles dans l'optique de la mise en oeuvre des
nouvelles technologies de l'information. Le dispositif d'aide attribuée sur
dossier a bien fonctionné, et il me paraît donc regrettable qu'aucun crédit
supplémentaire ne soit prévu pour 2002.
En troisième lieu, s'agissant de l'aide au transport spécial de la presse,
l'Etat a reconduit pour 2002 sa participation aux frais du transport postal au
niveau des exercices précédents, soit 1,9 milliard de francs ou 0,29 milliard
d'euros. Ce chiffre correspond, il est vrai, aux engagements pris dans le cadre
du contrat d'objectifs de La Poste. L'Etat prolonge son effort pour un an et
s'engage, en outre, à ne pas augmenter les tarifs postaux de la presse, dans
l'attente de la renégociation des accords entre celle-ci et La Poste.
Cela étant, vous n'ignorez pas, madame le ministre, que l'année 2001 a été
quelque peu calamiteuse pour La Poste, marquée partout en France par des
distributions et des tournées non effectuées : le président de La Poste, que
j'ai rencontré à plusieurs reprises, l'a reconnu. Les résultats de la gestion
de l'entreprise publique pour 2001, que nous connaîtrons au cours de l'année
2002, permettront-ils à celle-ci d'assumer la mission de service public dont
elle est chargée dans des conditions satisfaisantes pour la presse d'opinion ?
Il aurait été souhaitable que l'Etat se saisisse avec d'avantage de
détermination de ce dossier crucial. Il n'en a pas été ainsi : c'est un regret
que j'exprime au nom de la commission des affaires culturelles.
Si l'on considère ce projet de budget comme un instrument permettant de
mesurer la capacité de réaction du Gouvernement devant le contexte économique,
culturel et social, on est en droit de se demander si ce dernier ne manque pas
de dynamisme et d'imagination.
La situation est en effet préoccupante, et je suis sur ce point plus soucieux
que M. le rapporteur spécial. Après deux années satisfaisantes pour tous les
médias, l'économie de la presse est affectée, depuis 2001, par une récession
des investissements publicitaires dont on ne voit pas comment elle pourrait ne
pas se poursuivre au cours de l'année 2002. Ce ralentissement, qui était
perceptible bien avant le 11 septembre et qui a même précédé celui de la «
net-économie », nous fait redouter une fragilisation accrue de la situation de
la presse en 2002.
A cet égard, madame le ministre, vous avez voulu introduire une innovation,
que nous avons saluée, dans la gestion du fonds de modernisation de la presse,
en affectant une partie de ses ressources à l'aide à la distribution de la
presse quotidienne nationale d'information générale et politique, question
lancinante que les rapporteurs de la commission des affaires culturelles
évoquent chaque année. Les mesures annoncées sont positives, mais elles ont un
caractère temporaire, puisque la durée d'application prévue est de trois ans.
Or cette aide à la presse parisienne n'aura de sens que si le fonds de
modernisation de la presse est utilisé comme un instrument permanent de
compensation des surcoûts engendrés par la distribution à flux tendus : tel
est, bien sûr, le principe qui a été posé par la loi Bichet.
L'Etat pare intelligemment au plus pressé, sans régler le problème de fond,
mais peut-être pourrez-vous nous en dire davantage, madame le ministre, sur les
modalités de gestion de cette aide et sur l'objectif qui lui est assigné. La
commission des affaires culturelles du Sénat demandera néanmoins à être
associée, au cours de l'année 2002, au contrôle et au suivi de l'utilisation de
ce fonds.
En outre, j'aurais souhaité que le projet de budget puisse permettre
d'apporter d'autres modifications au fonctionnement du fonds de modernisation
de la presse. Je pense en particulier que, si cela se révèle nécessaire en
2002, nous devrons créer à partir de ce dernier un fonds d'aide aux quotidiens
nationaux à faibles ressources publicitaires, aux objectifs élargis.
J'en reviens ici à la première préoccupation que j'ai exprimée : il ne me
semble pas imaginable que des journaux puissent être contraints de cesser leur
parution au cours d'une année d'expression politique majeure, marquée par les
élections présidentielle et législatives. Je me devais d'insister sur ce
point.
Finalement, en ce qui concerne les aides à la presse, vous nous présentez,
madame le ministre, un bon exercice comptable, pertinent à bien des égards, sur
fond de réutilisation de crédits non consommés, de réaffectation de crédits de
fonds en expansion et de redistribution de recettes parafiscales. Tout cela
n'est ni très enthousiasmant ni très critiquable : ce projet de budget témoigne
d'une gestion un peu terne, mais sérieuse et habile. Comme vous le constatez,
madame le ministre, mes appréciations sur le traitement que l'Etat réserve à
cette activité indispensable à la qualité du débat public et au fonctionnement
de la démocratie sont balancées.
En conclusion, j'indique que la commission des affaires culturelles m'a
suivi en émettant un avis favorable à l'adoption des crédits de la presse pour
2002. Madame le ministre, nous ne vous délivrons pas un
satisfecit
global, mais nous espérons que, à l'avenir, vous ou vos successeurs
manifesterez un surcroît d'imagination et de volontarisme dans le climat
difficile qui va s'instaurer. D'autres défis attendent la presse écrite, et il
nous faudra ensemble les relever.
S'agissant maintenant du projet de budget de la communication audiovisuelle
pour 2002, j'exprimerai quelques divergences de vues avec M. le rapporteur
spécial, je rappellerai quelques chiffres, je poserai quelques questions et
j'émettrai quelques doutes.
En ce qui concerne tout d'abord les chiffres, les ressources globales des
organismes publics devraient augmenter, dans le cas où le marché publicitaire
serait conforme aux prévisions quelque peu optimistes qui ont été retenues, de
3,2 % par rapport à ce qui était prévu par la loi de finances initiale pour
2001. Je rappelle, mes chers collègues, que cette progression atteignait 6 %
l'an passé.
Les ressources publiques - redevances et dotations budgétaires - augmenteront
quant à elles de 3,4 %, contre 10 % l'année précédente. Comme l'a souligné M.
le rapporteur spécial, le taux de la redevance croîtra de 1,8 %, après avoir
été stable en 2001.
Enfin, pour les ressources propres, l'objectif fixé marque une progression de
2,7 %.
L'impression générale qui ressort de l'analyse de ces chiffres est qu'il
s'agit d'un budget d'étape précédant le lancement de la télévision numérique de
terre, qui sera l'axe stratégique de l'audiovisuel public pour l'avenir. Ce
projet de budget s'inscrit, à nos yeux, de façon cohérente dans la politique
suivie depuis de nombreuses années pour le secteur de l'audiovisuel public.
Nous demeurons néanmoins dans l'expectative, car les temps ont changé. Je
rejoins ici M. le rapporteur spécial pour affirmer que 2002 sera, comme c'est
inscrit dans la loi, l'année de la télévision numérique de terre, ce qui
signifie qu'il faudra mobiliser des ressources importantes pour financer
l'audiovisuel public.
A cet égard, il est question de faire passer le montant de la redevance à 1
000 francs à l'issue de l'exécution des fameux contrats d'objectifs et de
moyens, en particulier de celui de France Télévision, sur lequel je reviendrai
plus tard puisque j'ai le privilège de siéger au sein du conseil
d'administration de cette entreprise. Je remercie, à ce propos, tous les
sénateurs qui m'ont désigné !
Cela étant, madame le ministre, nous souhaiterions connaître vos réponses à
quelques questions avant de nous prononcer.
Qu'en est-il des perspectives d'augmentation de la redevance ? C'est là un
sujet important : on a supprimé la redevance pour les véhicules à moteur, la
vignette, mais on a maintenu la redevance audiovisuelle. Pour ma part, j'étais
de ceux qui défendaient ces deux taxes. Nos concitoyens aimeraient savoir, à
l'occasion des débats budgétaires, ce qui leur sera demandé.
Or, aujourd'hui, nous examinons un projet de budget stationnaire, où ne figure
aucune information sur la façon dont sera abordée et financée cette aventure,
cruciale aux yeux de la commission des affaires culturelles, que sera la
télévision numérique de terre. Ces informations ne peuvent pour le moment être
trouvées que dans le contrat d'objectifs et de moyens, dont le conseil
d'administration de France Télévision a pu débattre voilà deux jours.
Ce projet de budget marque donc, à mon avis, plutôt une fin de parcours. Je
crains que notre discussion ne soit légèrement tronquée, car il serait
nécessaire de disposer déjà de quelques aperçus sur ce que seront les budgets
pour 2003, 2004 et 2005, cette dernière année constituant le terme de
l'exécution du contrat d'objectifs et de moyens de France Télévision.
D'après les informations qui m'ont été fournies lors de la réunion du conseil
d'administration de France Télévision - la loi prévoit d'ailleurs qu'à l'avenir
un rapport sur les contrats d'objectifs et de moyens sera présenté au Parlement
- la progression des ressources publiques pourrait atteindre jusqu'à 3,7 % par
an tout au long de la durée du contrat, qui s'achèvera, je le rappelle, en
2005. Cela signifie qu'il faudra bien parler de l'évolution de la redevance.
Mille francs ? Davantage ? Le temps est venu de le dire aux téléspectateurs.
Nous savons que les besoins de financement des chaînes vont augmenter
fortement. Je faisais allusion, voilà quelques instants, au coût du numérique
de terre. France Télévision l'évalue à 1,1 milliard de francs en régime de
croisière, sans compter l'investissement qui sera financé par la dotation de 1
milliard de francs que vous avez confirmée, madame le ministre, et nous le
notons.
Il y a aussi, mes chers collègues, et le rapporteur spécial avait déjà
souligné cet aspect l'an dernier, les conséquences financières de la RTT, la
réduction du temps de travail. En effet, la RTT s'applique partout. Evaluée
annuellement à 34 millions de francs pour France 2 et à 104 millions de francs
pour France 3, la RTT ne me semble pas avoir épuisé tous ses effets,
spécialement à France 3, puisque l'accord passé avec les syndicats est peu
exigeant au regard des gains de productivité.
Il y a, me semble-t-il, et c'est ainsi que cela s'est exprimé au conseil
d'administration, un hiatus entre les objectifs et les moyens de l'entreprise,
si une refonte de l'organisation du travail n'est pas engagée.
Or, mes chers collègues, il faut insister sur ce point, la réussite du
numérique de terre pour France Télévision n'est possible que si des gains de
productivité permettent de financer le projet. Les voies et les moyens ne sont
pas encore très clairs s'agissant de la manière dont pourra être dégagée une
économie de 1,3 milliard de francs sur la durée du contrat. Il s'agit, pour
s'exprimer de façon optimiste, d'une politique très volontariste, et je salue
le volontarisme du président Tessier. C'est néanmoins un beau défi lorsqu'on se
souvient, mes chers collègues, que la masse salariale de France 3, qui
représente 34 % de ses charges, a augmenté de 11 % entre 1999 et 2000.
Face à cela, quelle est la possibilité ? L'augmentation de la redevance ou
l'augmentation des recettes publicitaires, mais cette dernière est limitée par
la loi, comme cela a été voulu par le Parlement, plus précisément par
l'Assemblée nationale. Je tiens à souligner que la réalisation des objectifs
2002 est déjà improbable et qu'il conviendra de se demander si la publicité ne
risque pas de devenir, pour France Télévision, une ressource un peu plus
résiduelle que prévu, alors même que les besoins de financement sont
croissants.
On pourrait pousser plus loin l'analyse du contrat d'objectifs et de moyens,
mais vous n'avez pas eu la possibilité de le lire, mes chers collègues, et
comme, moi-même, j'en ai pris connaissance voilà deux jours seulement, je n'ai
pas eu l'occasion de vous en parler davantage.
Par ailleurs, je regrette, moi aussi, la modestie des efforts consentis en
faveur des organismes de l'audiovisuel extérieur. Madame le ministre, vous
n'êtes pas la principale responsable de cette situation. Néanmoins, je
considère qu'il faut accroître la coordination, comme le montre la couverture
des événements de l'Afghanistan par France 2, France 3, RFI et l'AFP. En effet,
l'absence de synergie laisse un « boulevard » à CNN et à d'autres chaînes qui
consacraient leur temps d'antenne à ces événements. Cette coordination et cette
synergie sont indispensables. La convergence des médias pourrait donner une
vigueur nouvelle à l'audiovisuel extérieur, qui est le parent pauvre de ce
budget.
S'agissant du numérique terrestre, je serai bref. Je soulignerai que la
commission des affaires culturelles avait pris l'initiative, avec les
présidents Gouteyron et Valade et le précédent rapporteur sur la communication
audiovisuelle, notre ami Jean-Paul Hugot, de soutenir le numérique
terrestre.
Je suis un peu plus optimiste que M. le rapporteur spécial. En effet, je
considère que l'arrivée des boîtiers numériques ou des téléviseurs numériques
est une condition incontournable du succès de cette technique. C'est le
téléspectateur qui fera la différence.
De ce point de vue, en dépit du fait que la loi a prévu de favoriser
l'attribution de fréquences aux services gratuits, ce qui peut être une
condition de réussite pour le numérique terrestre, tous les observateurs
estiment que l'équipement des ménages français ne sera vraiment assuré que si
des boîtiers décodeurs sont fournis, en prêt ou à des prix très bas, par des
éditeurs et des distributeurs de chaînes payantes.
Comment les services payants vont-ils financer l'équipement du public en
boîtiers décodeurs ? Je le rappelle, madame le ministre, mes chers collègues,
le rôle du distributeur commercial sera le pivot de la réussite de la
télévision numérique terrestre. Il faudra donc fournir des décodeurs et ensuite
encaisser des abonnements. Madame le ministre, vous le savez, il y a toute une
économie de la télévision numérique terrestre, que le Sénat souhaitait analyser
préalablement au vote du dispositif et que nous faisons finalement en toute
hâte, d'où la mission confiée au directeur général de la concurrence, qui
travaille donc actuellement sur le sujet.
Vous le savez, les interrogations de Canal Plus sont encore importantes.
Faut-il rappeler que le Gouvernement avait justifié son choix de faire
attribuer les autorisations d'utiliser les fréquences numériques service par
service - et on nous en avait beaucoup parlé ici - et non par multiplexe, en
invoquant « l'objectif de pluralisme et de diversité des opérateurs » ? Cet
objectif semble exclure manifestement la constitution de positions dominantes
dans la distribution commerciale. Je le répète : le Gouvernement, conscient du
problème - enfin ! - a confié via le ministère de l'économie des finances et de
l'industrie, le 18 octobre dernier, une mission sur l'économie de cette
question. Nous attendons avec intérêt les résultats de cette mission, auxquels
la commission des affaires culturelles sera attentive. Pour ma part, je propose
qu'un consortium, et non pas un distributeur unique, étudie cette question.
Enfin, et là je serai plus optimiste que M. le rapporteur spécial,
l'équipement des ménages sera la condition cruciale du lancement de la
télévision numérique de terre. La voie dirigiste que le Gouvernement a choisie,
et qui est différente de celle que proposait le Sénat en juin 2000, peut avoir
sa logique, sa cohérence et peut même être efficace, si le Gouvernement - et
vous avez répondu à une de mes questions sur ce point en commission, madame le
ministre - fixe de façon solennelle et irrévocable la date de la cessation de
la diffusion en analogique terrestre, afin de manifester sans ambiguïté
l'engagement de l'Etat en faveur de la télévision numérique de terre. Vous le
savez, mes chers collègues, aux Etats-Unis, les choses sont faites. En effet,
la FCC a dit que le basculement interviendrait en 2007. Tel est sans doute le
meilleur moyen d'inciter les constructeurs à lancer la production en grande
série, d'abord des décodeurs numériques peu chers - ils sont disponibles sur le
marché - ensuite, des récepteurs numériques à un coût accessible - ils le
seront demain. Il me semble nécessaire que les pouvoirs publics fixent
publiquement cette date, en 2007 au plus tôt ou en 2009 au plus tard. Etes-vous
en mesure, madame le ministre, de nous annoncer aujourd'hui cette décision ?
Ainsi, le vrai lancement de la télévision numérique de terre serait
souligné.
Je parlais de la voie dirigiste qu'a choisie le Gouvernement sur l'audiovisuel
public. Il m'a semblé - je saisis l'actualité - que vous vous y engagiez,
madame le ministre, de façon un peu hardie, et même inhabituelle pour vous
(Sourires,)
lorsque vous avez mis en cause, de façon un peu surprenante
à mes yeux, les modalités de diffusion des prochaines coupes du monde de
football.
Je lis, comme nous tous, les journaux. Je lisais, avant-hier,...
M. Michel Pelchat.
Le Bien Public
?
M. Louis de Broissia,
rapporteur pour avis.
Non, Canal Plus c'est
Le Figaro,
mais je
pourrais citer
Libération,
qui a fait paraître un bon article sur ce
sujet. Je lisais donc que « la chaîne cryptée Canal Plus fête un anniversaire
important à l'occasion du toujours attendu PSG-OM... ».
MM. Eric Doligé et Roger Karoutchi.
Score : 0-0 !
M. Michel Pelchat.
Nul en ce qui concerne tant le score que le match lui-même !
M. Louis de Broissia,
rapporteur pour avis.
Nous l'avons suivi à la radio. Madame le ministre,
six cents matchs de division 1 ont été retransmis par la chaîne cryptée.
Michel Pelchat.
Et en D 2 ? Nous, nous avons la D 2 !
M. Louis de Broissia,
rapporteur pour avis.
Or, aucun ministre n'a jamais trouvé à y redire. En
l'occurrence, s'agit-il d'une indignation sélective ?
L'ensemble du public doit avoir droit à ces événements. Si un problème de
concurrence se pose, votre collègue de l'économie, des finances et de
l'industrie, chargé de l'organisation de la concurrence, devrait intervenir.
Cette question est d'actualité. Nous l'avons posée tout à l'heure à Mme
Marie-George Buffet.
Je conclus. Ce projet de budget pour 2002 est globalement correct. Il
permettra d'assumer les missions.
Mme Danièle Pourtaud.
Quel enthousiasme !
M. Louis de Broissia,
rapporteur pour avis.
Je fais une analyse ! Cependant, il prépare de
façon incertaine l'avenir de l'audiovisuel public. Or 2002 est l'année de
lancement du prénumérique pour tous.
Compte tenu des doutes que la commission éprouve, des questions qu'elle se
pose, comme moi-même, mais aussi des chiffres du projet de budget, que j'ai
rappelés et qui, je tiens à le dire, ne sont pas mauvais, la commission des
affaires culturelles a décidé de s'en remettre à la sagesse du Sénat
Mme Catherine Tasca,
ministre de la culture et de la communication.
Bravo !
M. le président.
J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la
conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour
cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République, 18 minutes ;
Groupe socialiste, 16 minutes ;
Groupe des Républicains et Indépendants, 9 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 5 minutes.
Je rappelle qu'en application des décisions de la conférence des présidents,
aucune intervention des orateurs des groupes ne doit dépasser dix minutes.
Dans la suite de la discussion, la parole est àM. Pelchat.
M. Michel Pelchat.
Vous nous présentez, madame le ministre, un budget de la communication
audiovisuelle pour 2002 en augmentation de 3,2 % par rapport à la loi de
finances initiale pour 2001, soit près de 659 millions de francs. Vous
poursuivez ainsi les engagements que vous avez pris dans le cadre de la loi du
1er août 2000 relative à la liberté de communication. Cela ne peut que me
réjouir.
Mais, en analysant plus avant votre budget et, de façon plus générale, la
politique du Gouvernement en matière de communication, ma satisfaction première
est quelque peu amoindrie par les incertitudes qu'ils laissent planer sur
l'avenir de l'audiovisuel public. Je reprends un peu la même thématique que M.
le rapporteur pour avis.
A ce propos, j'insisterai seulement sur deux points que je juge aujourd'hui
primordiaux : tout d'abord, la question du financement de l'audiovisuel public
et, ensuite, l'enjeu que constitue le numérique terrestre.
Concernant le financement, je n'ai pas trouvé les modifications, pourtant tant
attendues, afin que soit renforcé et pérennisé le financement propre du secteur
public de l'audiovisuel.
Certes, la part de financement public est portée pour 2002 à 76,8 % de
l'ensemble du budget de l'audiovisuel public. Même si ce pourcentage recouvre
des disparités importantes selon les chaînes, on pourrait croire qu'une plus
grande liberté de programmation des chaînes publiques est ainsi assurée, ainsi
que leur avenir. Mais ce n'est pas le cas !
Vous le reconnaissez d'ailleurs implicitement par la réflexion que vous avez
engagée avec vos services sur « l'avenir du financement de l'audiovisuel public
».
L'an dernier déjà, vous nous en aviez informé et, début novembre, devant la
commission des affaires culturelles du Sénat, vous avez confirmé que vous
réfléchissiez à la création d'une autre recette publique complémentaire aux
recettes publicitaires et à la redevance.
Où en sont ces travaux ? Quelle recette envisagez-vous de mettre en place qui
ne soit ni un impôt ni une taxe supplémentaires ?
J'ai entendu dire que vous réfléchissiez à l'ouverture à la publicité
télévisée des « secteurs interdits », notamment la grande consommation. Mais
une telle décision ne manquerait pas de mettre en difficulté les radios privées
commerciales, dont plus d'un quart, voire un tiers des recettes proviennent
notamment de la publicité de la grande distribution, sans compter les effets
sur la presse écrite régionale.
Au lieu, donc, de prévoir des dispositifs qui ne consisteraient qu'à
déshabiller Pierre pour habiller Paul, qu'attendez-vous pour réformer le
système de la redevance, qui est totalement obsolète et qui présente un coût de
perception exorbitant ?
(Marques d'approbation sur les travées des
Républicains et Indépendants et du RPR.)
M. Eric Doligé.
C'est vrai !
M. Michel Pelchat.
Rappelons qu'au 30 septembre 2001 - permettez-moi de rappeler ces chiffres,
que certains ici connaissent bien, car ils méritent de l'être - le service de
la redevance gérait quelque 22,5 millions de comptes. Or, selon l'INSEE, plus
de 29 millions de foyers sont éligibles à la redevance.
En conséquence, 29 millions de foyers possèdent un poste de télévision mais
22,5 millions de comptes sont enregistrés auprès du service de la redevance, y
compris les personnes exonérées.
Ce sont, par conséquent, près de 5 millions de foyers qui échappent aux
services de la direction générale de la comptabilité publique et autant de
recettes potentielles pour l'audiovisuel public qui ne sont pas perçues, et ce
à taux constant.
Vous connaissez la réforme de l'assiette de la redevance que je propose. Je
l'ai en effet déjà exposée à de nombreuses reprises. Elle est liée à
l'évolution technologique et consiste à simplifier l'assiette de la redevance
en retenant comme fait générateur non plus, comme aujourd'hui, le binôme «
poste de télévision » et « point de réception », mais simplement le « point de
réception », celui-ci étant un point potentiel de communication, quelle qu'elle
soit. Toute personne sera ainsi redevable de la redevance, qui deviendra
de
facto
« redevance de communication », au sens général du terme, y compris
pour la future télévision numérique terrestre avec toutes les possibilités de
liaison avec Internet et d'interactivité si celle-ci aboutit. Je reviendrai
tout à l'heure sur ce point particulier. Cette réforme serait une première
solution au sous-financement chronique dont souffre aujourd'hui le secteur
audiovisuel public.
Permettez-moi, au passage, d'exprimer mon indignation quant à la dernière
illustration du manque de moyens des chaînes publiques : je veux parler de
l'acquisition par TF 1 des droits exclusifs de retransmission en France de la
totalité des matches de la Coupe du monde de football de 2002 et des
vingt-quatre « meilleurs matches » de 2006, notamment ceux de l'équipe de
France, les quarts de finale, les demi-finales, voire la finale, si la France y
accède, comme nous l'espérons tous, et comme cela a été le cas lors de la
dernière Coupe du monde.
Quelle insulte pour notre secteur public de ne même pas pouvoir offrir à ses
téléspectateurs la retransmission des matches auxquels participera l'équipe de
France ! Je le répète, aucun match de notre équipe nationale ne sera retransmis
par la télévision publique française ! Quelle piètre image, convenez-en madame
le ministre, pour l'audiovisuel public ! Comment faire valoir, dans ces
conditions, la spécificité du secteur public et maintenir son audience face à
ses concurrents ? Voilà un point qui méritait, à mon avis, d'être soulevé.
Concernant maintenant le dossier du numérique terrestre, j'éprouve les pires
craintes, madame le ministre, quant à son avenir.
Le numérique terrestre est en soi un projet très ambitieux et potentiellement
plein de promesses. Mais, alors que l'audiovisuel public souffre déjà d'une
insuffisance de moyens, a-t-on prévu un budget approprié pour que le passage à
la télévision numérique terrestre des actuelles chaînes généralistes et la mise
en place de nouvelles chaînes soient une réussite ?
Vous avez prévu une dotation d'un milliard de francs, échelonnée sur plusieurs
années, avec un premier versement en 2002. Certains, ici et ailleurs, jugent
que le montant de cette dotation est « réaliste ».
Pour ma part, j'estime qu'il traduit un manque d'ambition et d'intérêt patent
dans notre pays pour le service public de l'audiovisuel, car ces moyens sont
nettement insuffisants.
Est-il besoin de vous rappeler que, au Royaume-Uni, une augmentation de la
redevance de deux milliards de francs par an pendant cinq ans a été prévue pour
assurer le développement du numérique hertzien ...
M. Louis de Broissia,
rapporteur pour avis.
Eh oui !
M. Michel Pelchat.
... et que, en Allemagne, ce sont trois milliards de francs par an qui sont
engagés dans ce projet ? Ces deux pays se situent déjà, dans le domaine de la
production, bien au dessus de la France, s'agissant du secteur public.
En outre, je persiste à penser, madame le ministre, que la procédure retenue
par le Gouvernement pour l'attribution des fréquences n'est pas la bonne, et
qu'elle constitue donc un handicap. Il eût mieux valu un opérateur par
multiplex, qui aurait dû remplir certaines obligations, notamment à l'égard des
nouveaux entrants.
Bien que tous les décrets ne soient pas, encore aujourd'hui, tous soumis à
l'examen du Conseil d'Etat, il est douteux qu'un nouveau gouvernement puisse
revenir sur vos décisions dans les mois qui viennent.
(M. Karoutchi
s'exclame.)
Un retour en arrière serait en effet impossible pour le
numérique hertzien, alors même que le processus engagé serait déjà très avancé.
Pourtant, rien ne sera effectif avant le milieu de l'année 2003. Je tiens en
effet à dire à cette tribune que, contrairement à ce que tout le monde indique,
y compris vous-même, madame le ministre, le numérique hertzien ne sera pas
opérationnel fin 2002 ! Les délais de mise en oeuvre de ce réseau, les délais
demandés par les constructeurs, les délais de réalisation des nouvelles
fréquences pour ces émetteurs et réemetteurs nous mèneront au mieux au milieu
de l'année 2003. Peut-être aurons-nous là une certaine liberté de revoir ce
dispositif. Mais je n'insiste pas, car nous aurons l'occasion d'évoquer à
nouveau ce sujet.
Je souhaite, par conséquent, si le système actuel devait aboutir, que le CSA
trouve la solution la moins mauvaise possible pour la composition intelligente
d'un système qui, malheureusement, est à mon avis néfaste pour le développement
de l'audiovisuel public.
Pour conclure, je voudrais brièvement aborder deux questions qui ne se
rapportent qu'indirectement à votre budget, madame le ministre.
Premièrement, s'agissant de l'appel à candidatures lancé par le CSA pour
l'attribution des neufs blocs de fréquences DAB en Ile-de-France, un problème
semble se faire jour. Le dispositif prévu par la loi de 1996, dite « loi Fillon
», arrive à échéance à la fin de l'année. Certains reprochent par conséquent au
CSA de définir les règles s'appliquant en matière de radio numérique en
transformant un appel à candidatures expérimental pour le DAB en lancement d'un
nouveau paysage radiophonique, sans que le Parlement ait eu à déterminer les
conditions d'exploitation de cette radio numérique en Ile-de-France.
Compte tenu des risques que pose ce dossier en termes de déstabilisation pour
le paysage radiophonique actuel et pour l'avenir du DAB, j'aimerais savoir,
madame le ministre, si le Gouvernement compte prolonger au plus vite le cadre
législatif permettant à cette technologie de dépasser le cadre expérimental, et
connaître votre position sur ce sujet.
Deuxièmement, s'agissant des quotas de chansons francophones sur les réseaux
radiophoniques, je tiens à vous remercier à nouveau pour le soutien que vous
m'avez apporté dans ce combat.
M. Henri Weber.
Ah !
M. Michel Pelchat.
Plus personne ne conteste aujourd'hui le bien-fondé de ces quotas. Je me
félicite, comme vous, je pense, de constater que 60 % des ventes en France sont
désormais constituées d'albums francophones.
Je souhaiterais toutefois attirer votre attention sur un oubli qui mérite
d'être réparé : il s'agit de la musique instrumentale produite par des
musiciens francophones qui, pour l'instant, ne bénéficie d'aucun quota et qui
se trouve donc un peu marginalisée sur les ondes radiophoniques. Je me demande
si un texte réglementaire ne pourrait pas pallier cet oubli.
Outre ces deux sujets annexes, votre projet de budget, madame le ministre,
comme je vous l'ai précédemment exposé, présente de trop nombreuses
incertitudes quant à l'avenir de l'audiovisuel public. C'est pourquoi le groupe
des Républicains et Indépendants votera contre ce budget.
M. le président.
La parole est à M. Karoutchi.
M. Roger Karoutchi.
Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, je serai un
peu plus direct que mes prédécesseurs.
M. Henri Weber.
Ah !
M. Roger Karoutchi.
Je ne parlerai pas du budget de la presse, n'ayant rien à ajouter aux propos
tenus en la matière par notre excellent rapporteur pour avis, Louis de
Broissia.
En revanche, s'agissant de l'audiovisuel, le budget qui nous est présenté ne
peut pas être considéré comme bon. C'est un budget à court terme, n'anticipant
pas sur l'avenir tant des structures actuelles de l'audiovisuel que sur le
choix du numérique terrestre.
Mme Danièle Pourtaud.
Les budgets sont annuels !
M. Roger Karoutchi.
C'est vrai, madame ! Mais le budget est une préparation, et, lorsqu'il ne se
prépare pas, c'est un échec !
Mme Danièle Pourtaud.
On s'en souviendra !
M. Roger Karoutchi.
Certes, le projet de budget pour 2002 en matière de communication
audiovisuelle est en augmentation. Est-ce suffisant ? Est-ce trop ? Ne faut-il
pas, avant que de parler chiffres, parler plutôt structures de recettes,
structures d'organisation ?
D'aucuns, et pas seulement à droite, estiment que, à l'occasion des réformes
pouvant être envisagées, la redevance pourrait être supprimée et remplacée par
une autre recette qui, semble-t-il d'ailleurs, est à l'étude ici ou là,
c'est-à-dire aussi bien dans les services du ministère que dans les formations
politiques, quelles qu'elles soient.
Mme Danièle Pourtaud.
Vous êtes bien informé !
M. Roger Karoutchi.
C'est donc le cas chez vous !
(Sourires.)
D'autres affirment que la suppression de la redevance n'est pas souhaitable,
car c'est l'unique ressource sûre et stable de l'audiovisuel public.
Soyons clairs : la redevance, dans son mode actuel, n'est pas le meilleur
système.
C'est un système coûteux, avec 482,5 millions de francs de coût de
fonctionnement. Le service de perception de la redevance a subi une
augmentation de ses coûts de 23 % en dix ans.
C'est un système archaïque : son utilité est remise en cause, la taxe n'ayant
plus de lien avec le monopole audiovisuel public, qui a disparu.
C'est un système injuste, car, que l'on soit RMIste ou très fortuné, on doit
s'acquitter du paiement de la redevance !
(M. Weber s'exclame.)
C'est un système compliqué à gérer. L'an dernier, sur 22 millions de dossiers,
on a dénombré 4,5 millions de réclamations, ce qui représente - vous le
reconnaîtrez - un taux de 20 % de réclamations.
Pourquoi, d'ailleurs, ne pas réfléchir à une nouvelle ressource qui fournirait
au secteur public les recettes nécessaires à son développement, en contrepartie
d'engagements fermes d'économies et de rationalisation ?
Il est vrai que cette réflexion débouche sur un débat qui, en général, fait
grand bruit : celui de l'avenir du secteur public.
D'un côté, il y a ceux qui prônent la privatisation de France 2 - quand il y a
débat, il porte en effet essentiellement sur France 2 - et, de l'autre, il y a
ceux qui pensent que l'existence d'un secteur public fort, organisé autour
d'une grande chaîne généraliste et populaire, est indispensable pour que
l'audiovisuel joue le rôle qui lui incombe : assurer une mission sociale,
culturelle et éducative.
Si l'on s'en tient effectivement à cette définition, on s'aperçoit rapidement
que la télévision publique, d'abord incarnée par France 2, ne respecte pas son
contrat.
La programmation et l'audience ne correspondent pas à ce que l'on est en droit
d'attendre d'une grande chaîne publique généraliste. L'information qui, dans le
secteur public, devrait être le point fort, est malheureusement le point
faible.
Mme Catherine Tasca,
ministre de la culture et de la communication.
Non !
M. Roger Karoutchi.
Les émissions culturelles restent réservées aux insomniaques ou sont reléguées
aux enregistrements.
Quant aux émissions de variétés ou de jeux, elles ne paraissent guère
différentes de ce que l'on voit, sans redevance, sur les chaînes privées.
Mieux ou pire, avec le nouveau contrat d'objectifs et de moyens de France
Télévision, qui va encadrer le service public jusqu'en 2005, il apparaît que la
télévision publique n'est plus tenue d'atteindre un quelconque résultat
d'audience.
Ce contrat d'objectifs et de moyens a vu le jour après plus d'un an de
tractations. Aujourd'hui, on comprend un peu mieux pourquoi, quand on mesure la
conséquence du volet financier : en plus du milliard destiné au financement du
projet numérique terrestre de France Télévision, l'Etat s'engage sur une
progression de la ressource publique de 3,1 % par an, plus une prime de 0,4 % à
0,6 % si France Télévision respecte ses engagements !
En fait, l'Etat actionnaire semble incapable, aujourd'hui, d'indiquer aux
dirigeants dans quel sens résoudre la contradiction entre la nécessité
d'attirer une large audience et l'obligation de proposer une programmation de
qualité.
Ce contrat d'objectifs et de moyens sera-t-il en mesure de redresser
l'audiovisuel public ? Sera-t-il un bon guide, un bon indicateur ?
Dans l'immédiat, il recense toute une liste d'engagements de France
Télévision, qui devra assurer la diversité et la spécificité des programmes en
soutenant la création, privilégier l'information, la découverte, le spectacle
vivant, les programmes régionaux, les sports et les programmes pour la
jeunesse. Vastes sujets ! Vastes débats !
L'autre problème auquel est confronté cette chaîne est évidemment d'ordre
financier : je veux parler de la limitation draconienne des recettes
publicitaires et de la prise de dispositions financières par la Commission
européenne, le 17 octobre dernier. En effet, dans ces dispositions, la
Commission fixe les règles de financement des chaînes publiques. Elle précise
dans quelles conditions les Etats pourront apporter des financements publics à
leurs organismes de télédiffusion. Elle demande aux Etats membres une
définition « claire et précise » de la mission de service public. Elle entend
que le financement public soit limité à ce qui est nécessaire à l'exercice de
la mission de service public. Elle a appelé cela le test de
proportionnalité.
C'est ce test qui risque de poser des problèmes à notre pays. Je rappelle que
des procédures ont déjà été ouvertes avant le 17 octobre contre la France et
l'Italie pour octroi d'aides publiques indues.
Je n'ouvrirai pas aujourd'hui un grand débat sur l'avenir de France
Télévision. Il serait, paraît-il, de mauvais ton d'envisager, dans cette
assemblée, de faire évoluer le service public ! Pour ma part, j'émettrai
quelques réserves quant à cette opinion : contrairement à nos rapporteurs, je
ne pense pas que le maintien du service public de l'audiovisuel dans sa
dimension actuelle ne puisse faire l'objet d'une remise en question.
M. Henri Weber.
Nous y revoilà !
Mme Danièle Pourtaud.
C'est TF1 qui va être contente !
M. Ivan Renar.
Et c'est pourquoi votre fille est muette !
M. Roger Karoutchi.
Mais non, ma fille n'est pas muette, je vous rassure, mon cher collègue.
(Sourires.)
Le dernier point que je souhaite aborder concerne le dossier du numérique
terrestre.
Depuis plusieurs mois, on assiste à un débat entre, d'une part, ceux qui sont
hostiles au lancement de la télévision numérique de terre, considérant que
notre pays ne détient pas le potentiel indispensable pour développer de
nouvelles chaînes publiques gratuites en dehors du financement public et
refusant de faire appel au contribuable pour forcer l'implantation de cette
télévision numérique et, d'autre part, ceux qui considèrent que ce rendez-vous
est historique, révolutionnaire et que la France ne peut ni le manquer ni le
retarder.
Sur ce point, je partage pleinement la position de mon collègue Louis de
Broissia, qui a affirmé la nécessité de ce numérique terrestre, mais qui a
aussi évoqué les risques d'échec économique.
Gardons à l'esprit que la télévision numérique par satellite en Europe a perdu
6 milliards d'euros en l'an 2000.
Nombre de questions se posent.
Commençons par les aspects purement techniques : on sait maintenant que 50 %
des antennes collectives, inadaptées, devront être modifiées et que, à Paris
notamment, 80 % des logements auront des problèmes de réception et devront
subir des travaux préalables.
Aucun test n'a été effectué non plus sur les risques de brouillage de la
réception télévisée des abonnés aux réseaux câblés.
L'un des avantages de la télévision numérique de terre, la « portabilité »,
qui consiste à pouvoir changer son téléviseur de place dans un rayon restreint
ne sera effectif ni en rez-de-chaussée ni au premier étage des logements
parisiens.
Les aspects commerciaux ne sont pas à négliger non plus : les Français
vont-ils vouloir s'équiper ?
En effet, comme notre collègue de Broissia le rappelait, seuls les foyers
équipés d'un téléviseur et d'un décodeur adéquats pourront recevoir cette
nouvelle télévision.
En Grande-Bretagne, 20 % des citoyens ayant bénéficié de décodeurs gratuits
contre la promesse d'un engagement pour un an résilient actuellement leur
abonnement. Qu'en sera-t-il en France ?
Vous me permettrez de penser que la gestion de ce dossier paraît bien légère
quand on se souvient que cette révolution technologique a été présentée au
Parlement sous la forme d'amendements de dernière minute, dans la loi relative
à la liberté de communication.
Nous n'avons disposé d'aucune étude d'impact qui aurait permis au Parlement
d'apprécier les coûts comparatifs de la télévision numérique terrestre par
rapport aux autres technologies possibles, les capacités comparatives de ces
différentes technologies pour la couverture du territoire ou encore la
répartition des coûts qu'engendre cette télévision entre les finances
publiques, les opérateurs, le consommateur et d'autres acteurs.
Le ministre de l'économie et des finances lui-même reconnaît ces incertitudes
puisqu'il a diligenté une enquête sur les conditions de distribution
commerciale du numérique terrestre auprès de la direction générale de la
concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes.
Nous attendons avec impatience les résultats de cette enquête. Vous disposez
peut-être, vous, madame le ministre, d'estimations qui vous auront été
communiquées par le ministère de l'économie et des finances...
Il est clair que le Gouvernement doit d'abord tirer les leçons de son échec
sur l'attribution des licences UMTS et ne pas refaire les mêmes erreurs pour la
télévision numérique terrestre.
Les propositions, faites tout à l'heure à cet égard par Louis de Broissia vont
dans le bon sens.
Même si une fraction de cette assemblée fait semblant d'être
scandalisée,...
M. Ivan Renar.
Mais pas du tout !
Mme Danièle Pourtaud.
On apprécie le sens de la nuance !
M. Ivan Renar.
On peut sourire, tout de même !
M. Roger Karoutchi.
... ceux qui disent perpétuellement que rien ne doit changer ni dans
l'audiovisuel ni ailleurs sont peut-être aujourd'hui dépassés. Quelles seront
demain les conséquences de la télévision numérique terrestre en cas de réussite
? Quelles en seront les conséquences sur l'audience des différentes chaînes ?
Que deviendront toutes ces chaînes ? Combien de temps l'ensemble des Français
accepteront-ils qu'on leur dise simplement : « C'est ainsi ; les choses doivent
évoluer de cette façon ; il faut simplement envisager l'extension de la
redevance ! » ? Les Français sont en droit de demander s'il s'agit d'un impôt
juste, d'une taxe normale, si c'est bien le seul moyen de financer
l'audiovisuel public et si celui-ci ne doit pas avoir, au-delà du contrat ou de
la convention, d'autres obligations ?
Madame le ministre, votre projet de budget pour 2002 n'est pas mauvais en
lui-même, mais il ne prépare pas l'avenir et n'engage pas les vrais débats. A
sa lecture, nous ne pouvons envisager ce que deviendra l'audiovisuel public.
Dans ces conditions, nous voterons contre.
(Applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et
Indépendants.)
M. le président.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les
reprendrons à quinze heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à treize heures quarante, est reprise à quinze
heures.)
M. le président.
La séance est reprise.
3
CANDIDATURES À UNE COMMISSION
MIXTE PARITAIRE
M. le président.
M. le président a reçu de M. le Premier ministre la lettre suivante :
« Monsieur le président,
« Conformément à l'article 45, alinéa 2, de la Constitution, j'ai l'honneur de
vous faire connaître que j'ai décidé de provoquer la réunion d'une commission
mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en
discussion de la proposition de loi relative à la création d'établissements
publics de coopération culturelle.
« Je vous serais obligé de bien vouloir, en conséquence, inviter le Sénat à
désigner ses représentants au sein de cette commission.
« J'adresse ce jour à M. le président de l'Assemblée nationale une demande
tendant aux mêmes fins.
« Veuillez agréer, monsieur le président, l'assurance de ma haute
considération.
« Signé : Lionel Jospin »
J'informe le Sénat que la commission des affaires culturelles m'a fait
connaître qu'elle a procédé à la désignation des candidats qu'elle présente à
cette commission mixte paritaire.
Cette liste a été affichée et la nomination des membres de cette commission
mixte paritaire aura lieu conformément à l'article 9 du règlement.
4
LOI DE FINANCES POUR 2002
Suite de la discussion d'un projet de loi
M. le président.
Nous reprenons la discussion du projet de loi de finances pour 2002, adopté
par l'Assemblée nationale.
Communication (suite)
M. le président.
Nous poursuivons l'examen des dispositions du projet de loi de finances
concernant la communication.
Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Weber.
M. Henri Weber.
Madame la ministre, vous nous présentez aujourd'hui le dernier budget de la
communication de cette législature, et ce doit être pour nous l'occasion de
mesurer le chemin parcouru.
Entre 1993 et 1997, la droite procédait à une privatisation rampante des
grandes chaînes publiques, en réduisant régulièrement leur financement public
et en augmentant au contraire leur financement par la publicité.
(Protestations sur les travées du RRP.)
Ayant entendu votre collègue du
RPR s'exprimer ce matin, j'en déduis que ce prurit l'a repris !
(M.
Karoutchi s'exclame.)
En 1997, France 2, par exemple, était financée à 52 %
par les recettes publicitaires.
M. Roger Karoutchi.
Les chaînes cryptées, c'est la gauche !
M. Henri Weber.
Catherine Trautman et vous-même avez stoppé, puis inversé cette tendance : les
ressources de l'audiovisuel public ont augmenté de 35 % en cinq ans, la durée
maximale des écrans publicitaires a été réduite à huit minutes par heure ; la
part du financement public est remontée à 77 % ; les exonérations de redevance
consenties par l'Etat ont été intégralement remboursées ; un milliard de francs
supplémentaires ont été accordés pour financer le passage à la télévision
numérique de terre.
Ainsi, la paupérisation de la télévision publique, prélude à sa privatisation,
a cessé et son financement public s'est sensiblement amélioré.
(Exclamations
sur les travées du RPR.)
Il faut poursuivre et amplifier cet effort. Le service public de l'audiovisuel
fort que nous appelons de nos voeux a besoin d'un financement stable, assuré et
en expansion.
Ces moyens supplémentaires que vous avez obtenus sont principalement destinés
à l'amélioration des programmes et au financement des nouvelles chaînes
numériques. Ainsi en ont décidé les récents contrats d'objectifs et de moyens
de France Télévision.
Conformément à la volonté du législateur, vous avez exigé également que la
conquête d'une large audience par France Télévision comme par Radio France
s'effectue dans le respect de leurs missions de service public, à savoir une
information pluraliste et exigeante,...
M. Roger Karoutchi.
On l'attend !
M. Henri Weber.
Des fictions de qualité, des magazines et documentaires diffusés à des heures
de grande écoute, des divertissements qui ne tirent pas le téléspectateur vers
le bas.
Le pôle public de l'audiovisuel doit pouvoir équilibrer le pôle commercial
privé sans tomber dans la « télévision de caniveau ».
M. Roger Karoutchi.
Pitié !
M. Henri Weber.
L'Etat actionnaire et la représentation nationale doivent veiller à ce que les
engagements soient tenus.
Votre volonté d'émanciper les chaînes publiques de la « dictature de l'audimat
» s'est traduite par la substitution d'un « baromètre de qualité et de
satisfaction des téléspectateurs » à la traditionnelle mesure quantitative de
l'audience exigée par les annonceurs.
Le succès de Radio France, qui recueille une forte audience tout en
atteignant un bon niveau de qualité, montre que c'est en faisant « entendre sa
différence » que le service public peut gagner en rayonnement.
Vous avez voulu aussi que l'audiovisuel public joue un rôle moteur dans le
passage à la télévision numérique de terre, la TNT.
Sur cette question, je note que la majorité sénatoriale, qui bouillait
d'impatience, il y a trois ans, de nous voir démarrer, se montre aujourd'hui en
proie au doute et même, pour beaucoup, à un noir pessimisme, qui débouche sur
un refus plus ou moins assumé.
Le passage à la TNT mettra pourtant enfin un terme à cette autre « anomalie
française » qu'est la pénurie de chaînes dont souffrent 75 % de nos
concitoyens. Dans ce chantier décisif de la télévision de demain, votre
ministère ne s'est jamais départi, n'en déplaise à la majorité sénatoriale,
d'une attitude ferme et pragmatique : ferme vis-à-vis des intérêts particuliers
qui militent pour le maintien du
statu quo,
c'est-à-dire une réception
de cinq chaînes seulement pour les trois quarts de la population ; pragmatique,
car il s'agit d'un saut dans l'inconnu qui met en relation de nombreux acteurs
et qui appelle la concertation.
De nombreux opérateurs privés, les fameux « nouveaux entrants », ont répondu à
l'appel à candidatures lancé par le CSA et ont déposé des projets de chaînes,
dont une quinzaine de projets de chaînes gratuites. C'est un démenti cinglant à
ceux qui présentent le passage à la TNT comme une chimère qui ne tenterait que
peu d'entrepreneurs.
Parmi les trois chaînes nouvelles présentées par France Télévision, il y a la
chaîne régionale stucturée en huit stations. C'est une première réponse à la
carence en télevision de proximité dont souffre notre pays. Il faudrait en plus
- et, sur ce point, notre collègue Belot a raison - faire une place aux
télévisions locales, financées en partie par les secteurs aujourd'hui interdits
à la publicité, ainsi qu'aux télévisions associatives, financées par un fonds
d'aide spécifique, comme le furent autrefois les radios associatives. Je sais,
madame le ministre, que vous allez déposer prochainement sur ces questions un
rapport qui servira de base à des réformes concrètes.
S'agissant de la question cruciale de la distribution des chaînes numériques
hertziennes payantes, nous saurons bientôt si la désignation d'un distributeur
unique, qui apparaît en effet comme la solution économiquement la plus
souhaitable, est comptatible avec notre droit de la concurrence, et à quelles
conditions. Que ferons-nous toutefois, madame la ministre, si les réponses
apportées par la direction générale de la concurrence, de la consommation et de
la répression des fraudes ou par les autorités de Bruxelles sont négatives ?
Le passage à la télévision numérique de terre est une bonne nouvelle, enfin,
pour les entreprises de production de programmes audiovisuels. L'arrivée de
Hachette, de Pathé, de Bolloré, d'AB Productions, de NRJ, mais aussi, à terme,
de certains grands quotidiens régionaux et des télévisions citoyennes, va
desserrer l'oligopole que constituent les quatre opérateurs historiques
existants et élargir le marché.
Les PME de l'audiovisuel ont bénéficié dans une certaine mesure - insuffisante
selon leurs syndicats, mais il sont dans leur rôle... - des moyens nouveaux
alloués depuis 1998 par le budget de l'Etat. Elles ont bénéficié aussi de
l'augmentation des recettes résultant des quotas de production et de la
croissance des chiffres d'affaires des chaînes publiques et privées.
Les taux des obligations d'investissement dans la production audiovisuelle ont
été augmentés. Une meilleure fluidité des droits a été négociée, favorisant
l'émergence d'un véritable second marché.
Tout cela vise à instaurer des rapports contractuels mieux équilibrés entre
diffuseurs et producteurs et à favoriser le développement d'une industrie
dynamique des programmes.
Le passage à la télévision numérique de terre, enfin, crée des conditions
favorables à la modernisation et à la rationalisation des entreprises publiques
de l'audiovisuel. La création de la holding France Télévision, si décriée à
l'origine, s'est avérée excellente à l'usage, de même que l'extension du mandat
de son président à cinq ans et la mise en oeuvre des « contrats d'objectifs et
de moyens ».
Ce processus de rénovation et de rationalisation doit être pousuivi au cours
de la prochaine législature. La transparence des comptes doit être assurée. La
garantie que l'argent public est bien employé doit être apportée : c'est la
contrepartie de l'effort accru de financement déjà consenti et la condition des
efforts nouveaux qu'il nous faudra accomplir.
Nous sommes conscients, madame la ministre, du chemin qu'il nous reste à
parcourir pour doter notre pays d'un audiovisuel public à la hauteur de ses
besoins et de son ambition. Mais nous sommes conscients aussi du chemin
considérable parcouru dans ce sens au cours de cette législature. C'est donc
bien volontiers et avec fierté que nous voterons votre bon budget.
(Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur celles du
groupe communiste républicain et citoyen.)
Mme Nelly Olin.
C'est un scoop !
M. le président.
La parole est à Mme Pourtaud.
Mme Danièle Pourtaud.
Madame la ministre, autant le dire clairement et d'emblée, ce budget est un
bon budget.
(Exclamations amusées sur les travées du RPR.)
D'ailleurs, alors que l'examen du budget est, cette année, l'occasion pour la
mauvaise foi politicienne de la droite sénatoriale de se déchaîner,...
Mme Nelly Olin.
Je vous en prie, élevez le débat !
Mme Danièle Pourtaud.
... la position de sagesse qu'a prise le rapporteur de la commission des
affaires culturelles en est une preuve éclatante.
Mme Nelly Olin.
Ce sont les orateurs socialistes qui font un concours de mauvaise foi !
Mme Danièle Pourtaud.
Le budget de l'audiovisuel public pour 2002 enregistre une hausse de 3,4 % par
rapport à 2001, soit un taux supérieur à celui de la progression générale du
budget de l'Etat, qui s'élève à 2 %.
Puisqu'il s'agit du dernier budget de cette législature,...
M. Roger Karoutchi.
Et de ce gouvernement !
Mme Danièle Pourtaud.
...je ne peux résister au plaisir de rappeler que, depuis 1997, les ressources
publiques de l'audiovisuel ont augmenté de 35 % ; et je vais revenir un instant
sur les choix qui ont marqué la politique du gouvernement de Lionel Jospin en
la matière.
Vous savez, madame la ministre, nous avons restructuré le secteur public et
nous l'avons restauré dans sa légitimité et ses moyens.
La limitation à huit minutes de publicité par heure est, bien sûr, un élément
de confort du téléspectateur, mais surtout, elle libère le service public de
l'emprise des annonceurs sur l'élaboration de la grille des programmes.
Souvenons-nous des tunnels de publicité qui atteignaient parfois quinze minutes
! J'espère que les Français les ont encore en mémoire et ne souhaitent pas que
cela recommence.
J'espère néanmoins que l'augmentation des écrans de parrainage, que nous
n'avons pas limités dans la loi, ne viendra pas brouiller cette image. Vous
connaissez, madame la ministre, mes interrogations sur ce sujet.
Je rappelle, un an après cette réforme, que la diminution de la publicité a
été intégralement compensée sur le plan financier.
En outre, les moyens des chaînes publiques ont été augmentés, consolidés.
C'était l'inverse avec le dernier budget de M. Juppé qui obligeait France 2 à
tirer 51 % de ses ressources de la publicité et du parrainage.
M. Roger Karoutchi.
A l'époque, les programmes de France Télévision étaient encore regardés !
Mme Danièle Pourtaud.
Eh oui, cher collègue, il y a des choses désagréables à entendre ! Pour 2002,
en revanche, le financement public de l'ensemble des chaînes publiques est de
l'ordre de 76,87 % ! Il est donc totalement faux, monsieur Karoutchi, de dire
que rien ne change.
M. Roger Karoutchi.
Quels sont les taux d'audience ? Plus on paie, moins on regarde !
Mme Danièle Pourtaud.
Plus globalement, les ressources publiques pour l'ensemble des entreprises de
l'audiovisuel, qui sont constituées de la redevance et du remboursement des
exonérations que vous avez enfin obtenu de Bercy, madame la ministre, n'en
déplaise à M. Belot, sont ainsi passées de 12,1 milliards de francs en 1997 à
16,3 milliards de francs pour 2002.
La compensation de la diminution de la publicité, d'une part, et la
consolidation du financement public, d'autre part, doivent permettre au service
public audiovisuel rassemblé au sein de la holding France Télévision de se
renforcer pour accomplir ses missions. Je rappelle les trois principales, à mes
yeux.
Premièrement, rassembler et créer du lien social dans une société de plus en
plus éclatée. Le service public doit être principalement généraliste et
s'adresser à tous les publics. C'est la mission de France 2 et de France 3,
mâtinée d'une thématique régionale.
Deuxièmement, informer et offrir un espace au débat démocratique.
Troisièmement, enfin, garantir la démocratisation de l'accès à la culture, le
soutien à nos industries culturelles et aux évolutions industrielles du
secteur.
J'en viens maintenant au deuxième grand chantier que vous avez su ouvrir,
madame la ministre, chantier dont la réussite est le défi majeur pour le
paysage audiovisuel français des prochaines années, la télévision numérique
terrestre.
Aujourd'hui, 75 % des Français ne reçoivent que six chaînes hertziennes, et la
télévision numérique terrestre permettra, à terme, à nos concitoyens d'en
recevoir trente-trois, dont la moitié sera gratuite.
Depuis quelques mois, des inquiétudes plus ou moins légitimes et des
polémiques se sont développées sur ce sujet.
Je les évoquerai rapidement pour tenter d'y mettre un terme. Je dirai ensuite
quelques mots de la chance de développement que constitue le numérique
terrestre pour les télévisions locales.
A propos du calendrier de lancement de la télévision numérique terrestre, des
doutes ont été émis encore ce matin sur la volonté du Gouvernement de s'y
tenir. Je crois, madame la ministre, que vous pourrez nous rassurer sur ce
sujet.
Mme Nelly Olin.
Pas de problème !
(Sourires.)
Mme Danièle Pourtaud.
S'agissant ensuite de la faisabilité économique du projet, d'autres
inquiétudes ont été formulées quant à la montée en charge de l'équipement des
ménages. L'offre que représente le numérique terrestre doit être attractive
pour déclencher chez nos concitoyens l'envie de s'équiper massivement, car nous
savons bien que le coût des équipements sera fonction de la rapidité avec
laquelle les téléviseurs numériques entreront dans les foyers.
Personnellement, je crois en l'attractivité des programmes gratuits et je
plaide pour un démarrage rapide des trois chaînes publiques supplémentaires.
Mais sur le reste des offres gratuites, on ne peut ignorer les difficultés de
ressources rencontrées étant donné les aléas du marché publicitaire.
C'est pourquoi il est probable que les opérateurs de chaînes payantes auront
également un rôle majeur à remplir pour inciter les Français à s'équiper. Des
chaînes payantes de qualité existent en France ; c'est également pour elles une
occasion de développer leur audience.
Le problème du distributeur est au coeur des polémiques actuelles. Faut-il un
distributeur unique ou un consortium ? Je me contenterai de rappeler les
principes qui doivent guider notre réflexion sur le sujet.
Pour nous, l'objectif de la télévision numérique terrestre est d'accroître et
de diversifier l'offre. Pour atteindre cet objectif, nous sommes persuadés
qu'il faut décartéliser le paysage audiovisuel français. Quelle que soit la
formule choisie, il est nécessaire que de nouveaux éditeurs de programmes
puissent trouver leur place, et je pense en particulier - mais pas uniquement -
aux programmes locaux et aux programmes associatifs.
Donc, pour moi, un consortium serait sans doute un meilleur garant de
l'égalité d'accès des éditeurs aux téléspectateurs. En tout cas, le cahier des
charges du distributeur devra très clairement fixer l'obligation de pluralisme
et d'égalité de traitement. L'étude que le ministère de l'économie et vous-même
avez demandée aux services de la concurrence nous éclairera sans doute sur ce
sujet.
Enfin, la télévision numérique terrestre doit permettre de combler notre
retard en matière de télévision locale, alors que, nous le savons bien, la
demande d'informations de proximité et de services est considérable.
Le développement des télévisions locales publiques et privées est souhaitable,
mais se heurte à deux difficultés. Les télévisions privées locales ne pourront
probablement pas réunir les budgets nécessaires sans une ouverture de la
publicité au secteur de la grande distribution. Mais cette ouverture devra se
faire de manière ciblée et progressive pour ne pas déstabiliser les radios
généralistes, déjà affaiblies, et la presse quotidienne régionale.
Par ailleurs, le problème de la concentration multimédia devra être étudié
attentivement, bassin d'audience par bassin d'audience. De ce point de vue, je
ne suis pas certaine que nos règles soient parfaites.
Il est également important de garantir la présence du secteur public et du
secteur associatif. Il faut, d'une part, renforcer le développement régional et
local de France 3. Il est, d'autre part, souhaitable que les télévisions
associatives puissent occuper une part significative des fréquences au niveau
local. Dans la loi du 1er août 2000, nous leur avons garanti une existence
pérenne.
Mais, pour qu'elles puissent durer, il faut leur donner les moyens d'exister.
C'est pourquoi je suis convaincue, cela ne vous surprendra pas, madame la
ministre, de la nécessité de créer un fonds de soutien, comme il en existe un
pour les radios associatives.
Sur les perspectives de développement des télévisions associatives et, en
particulier, sur leur financement, la loi du 1er août 2000 prévoyait qu'à l'été
2001 le Gouvernement devrait rendre un rapport au Parlement pour ouvrir sur
cette question le débat qui s'impose. Peut-être pourrez-vous, madame la
ministre, nous dire où en est ce rapport.
Faute de temps, je m'en tiendrai là.
Pour conclure, je voudrais revenir sur des sujets d'actualité.
Télé-poubelle, télé-réalité, confiscation par surenchères folles sur les
droits sportifs : je serais tentée de profiter de cette tribune pour faire
appel à la responsabilité des opérateurs privés de notre paysage audiovisuel
français. On entend trop souvent : « Ce n'est pas nous qui avons commencé... »
ou encore : « Si nous ne suivons pas, nos parts de marché déclineront... ».
S'il fallait une seule justification, voilà ce que doit être le service public
: un môle de responsabilité, de dignité, un espace civique de liberté de
création et d'indépendance d'esprit, dont toutes les démocraties ont besoin.
Mais ce rôle suppose qu'il reste durablement une référence en termes
d'audience aussi. Or c'est nous, les parlementaires, et vous, madame la
ministre, qui pouvons lui en donner les moyens. C'est l'ambition que nous
continuerons à soutenir en cette période où tous les regards se tournent vers
les échéances électorales.
C'est pourquoi le groupe socialiste salue vos efforts en faveur du
redressement du service public en France et de ce grand projet que constitue la
télévision numérique terrestre pour le paysage audiovisuel français. Il vous
soutiendra pour que le service public obtienne les moyens nécessaires à son
développement sur le numérique de terre.
(Applaudissements sur les travées
socialistes et sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président.
La parole est à M. Ralite.
M. Jack Ralite.
Puisque mon collègue du groupe communiste républicain et citoyen qui devait
intervenir est empêché, c'est moi qui vais maintenant m'exprimer sur le sujet
qui nous réunit.
Pour ma part, je souligne d'emblée que nous sommes confrontés à la
structuration d'un secteur clé de l'économie du xxie siècle qui a pour objet la
gestion des représentations de l'information et de l'imaginaire. En vérité,
comme le disait dans d'autres enceintes Mme la ministre, nous sommes confrontés
à la question de savoir qui gérera, au sens artistique du terme, le socle même
de la vie humaine.
Actuellement, nous avons un secteur public - ses problèmes viennent d'être
évoqués - et un secteur privé. Et, pour être très précis, il faut, à mon avis,
évoquer, transversalement à ces deux secteurs, les grands groupes
transnationaux qui se sont créés depuis deux ans, le groupe AOL Time Warner et,
pour rester en France, le groupe Vivendi Universal.
Je suis toujours un peu surpris de n'entendre dans les débats sur
l'audiovisuel aucune allusion à ces groupes. Pourtant, Vivendi, c'est la
liaison d'une dizaine de millions d'abonnés et de centaines de milliers de
droits sur les oeuvres. C'est un immense ensemble qui coiffe la totalité de
l'audiovisuel, avec les films Universal, avec la musique Universal. Ce groupe
procède d'ailleurs actuellement à des prises de responsabilité dont certaines
ont une allure un peu décorative - je pense au festival d'Aix-en-Provence.
D'autres opérations, il est vrai, sont plus stratégiques, comme l'achat du
music-hall l'Olympia ou à la prise de participation au capital d'UGC.
De quelque côté que l'on trousse la question, on rencontre donc ces grands
groupes. Certes, il ne s'agit pas de partir en disant : « C'est tout mauvais »,
mais autant j'ai été contre le tout-Etat, autant j'ai crainte maintenant d'un
tout-privé.
La notion de responsabilité publique, nationale, européenne et internationale,
renvoie donc à une grande question d'actualité, la question des oeuvres.
Le Centre national du cinéma, par décision administrative, et le CSA, par
délibération, avec trois voix contre, viennent de décider de transformer une
émission
Popstars
, en « oeuvre », c'est-à-dire de lui ouvrir l'accès au
fonds de soutien, de lui offrir la possibilité d'être comptabilisée dans les
quotas. En somme, c'est ébrécher, réduire ce qui a fait que la France, en se
battant, a obtenu la directive « Télévision sans frontière », qui a précisément
garanti des quotas d'oeuvres.
Vraiment, je suis gêné, comme l'année dernière au moment des cartes
d'abonnement UGC, que le CNC et le CSA décident qu'une oeuvre, c'est autre
chose qu'une oeuvre telle qu'elle était entendue jusqu'à présent. Délibérons
sur cette question puisque certains la posent ! Mais trancher ainsi à l'avance,
c'est préoccupant.
Ainsi, à côté de la « couverture » dominante par ces grands groupes dont j'ai
parlé, je vois apparaître une sorte de « mitage » qui contrarie les initiatives
et les options politiques de ce gouvernement, notamment de Mme la ministre de
la culture dans le domaine audiovisuel. Voilà ce que je voulais dire pour le
moment.
(Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain
et citoyen. - Mme Pourtaud applaudit également.)
M. le président.
La parole est à Mme le ministre.
Mme Catherine Tasca,
ministre de la culture et de la communication.
Monsieur le président,
mesdames, messieurs les sénateurs, le projet de loi de finances pour 2002,
dernière année de la législature, confirme, à la fois pour l'audiovisuel public
et pour la presse, l'importance que le Gouvernement accorde à ce secteur.
Monsieur Karoutchi, ce ne sont pas les budgets de 1995 à 1997 qui ont préparé
l'avenir de l'audiovisuel !
Mme Danièle Pourtaud.
Exactement !
Mme Catherine Tasca,
ministre de la culture et de la communication.
Ils l'ont, au contraire,
handicapé. On comprend mieux aujourd'hui, monsieur Karoutchi, que vous
privilégiiez - sans tabou, dites-vous - une option pour la réduction du
périmètre, et pourquoi pas la privatisation partielle.
M. Roger Karoutchi.
C'est vous qui le dites, je n'ai pas dit cela !
Mme Danièle Pourtaud.
Mais si, vous l'avez dit !
Mme Catherine Tasca,
ministre de la culture et de la communication.
Heureusement, il me semble
qu'un tel choix n'est pas celui de toute la majorité sénatoriale.
Je commencerai par le budget de l'audiovisuel public. Le projet de budget pour
2002 conclut un parcours de cinq années qui a permis de renforcer de manière
déterminante les moyens du service public.
Son budget aura en effet augmenté de plus de 35 % en cinq ans, bénéficiant
ainsi de 4,3 milliards de francs supplémentaires, soit 655 millions
d'euros.
Ces moyens ont rendu possibles, d'une part, la diminution des ressources
publicitaires - elles représentent aujourd'hui environ le quart du budget de
l'audiovisuel - d'autre part, et surtout, le renforcement des moyens consacrés
aux programmes. Ils permettent, au total, une stratégie offensive et identifiée
du service public.
Après deux années de hausses particulièrement importantes - 4,8 % en 2000 et
6,1 % en 2001 - notre projet est donc fondé sur une base fortement revalorisée,
et le projet de budget pour 2002, en progression de 3,2 %, consolide ces
évolutions.
Les ressources publiques augmentent, quant à elles, de 3,4 % - cette évolution
se traduit par une légère revalorisation de la redevance, qui devrait augmenter
en 2002 de 1,76 %, après deux années de stabilité.
Les entreprises publiques disposeront ainsi de 2,49 milliards d'euros de
deniers publics, pour un budget total qui s'élèvera à 3,24 milliards
d'euros.
Je tiens, bien sûr, à répondre sur la redevance. Comme MM. les rapporteurs, je
souhaite son maintien, et je les remercie d'avoir souligné l'importance de
cette ressource.
Répondant à M. de Broissia, je veux rassurer ceux qui auraient pu être
troublés en lisant que les choix du Gouvernement pourraient conduire à fixer la
redevance à 1 000 francs à l'horizon 2005. Une double confusion a été commise.
D'abord, parce que c'est le Parlement qui fixe et fixera ce montant. Ensuite,
parce que la progression spontanée de l'assiette, liée au parc de téléviseurs
permettra une augmentation beaucoup plus modérée du taux de la redevance. Le
montant prévisible en 2005 sera donc très en deçà de celui qui a été avancé
dans la presse.
La question du remboursement des exonérations est bien évidemment liée à celle
de la redevance. M. Belot a évoqué l'ajustement qui vient d'être décidé pour
2001. Nous le savons tous, l'évaluation de la portée des diverses exonérations
se fait forcément avec une marge d'erreur qui n'est pas, en soi, critiquable.
L'ajustement budgétaire récemment décidé par le ministre de l'économie et des
finances n'a pas d'autre signification que cet ajustement entre évaluation et
réalisation constatée. Bien entendu, cela ne remet pas en cause le principe des
excédents conservés par l'audiovisuel public.
Les 80,7 millions d'euros supplémentaires proposés pour le secteur permettront
aux entreprises de renforcer les deux axes majeurs que nous avons fixés avec
elles : les programmes, d'une part, et la modernisation du fonctionnement des
structures, d'autre part. Ainsi, monsieur de Broissia, il ne s'agit pas d'un
budget de fin de parcours, mais bien, grâce à ce gouvernement, d'une vraie
perspective pluriannuelle, qui ne fera évidemment pas l'économie du débat
budgétaire annuel au Parlement.
J'en viens au budget des différentes sociétés.
Le budget de France Télévision augmente de 3,1 %, soit 57,46 millions d'euros,
dont 32,8 millions d'euros seront affectés aux programmes. Le financement des
nouvelles chaînes du numérique terrestre sera assuré par la première tranche -
350 millions de francs - de la dotation en capital de 1 milliard de francs que
le Premier ministre, Lionel Jospin, a décidé d'attribuer au groupe public pour
lui permettre de réaliser le lancement et le développement de ce projet. Il
faut en effet assurer la mise en place de ces chaînes d'ici à la fin de l'année
2002, pour une diffusion qui commencera, comme pour l'ensemble des chaînes
candidate à la TNT, à la fin de 2002 ou au début de 2003.
S'agissant d'Arte France, une progression de 3,4 % du budget est proposée, ce
qui représente un supplément de 5,48 millions d'euros, dont 3,49 millions
seront consacrés aux programmes. La préparation de la grille de journée,
destinée, à terme, au numérique terrestre, est l'une des priorités de ce
budget.
Les moyens de RFO progresseront de 3,16 %, et ceux de RFI de 4,8 %. Ces
augmentations seront consacrées essentiellement à la modernisation de
l'organisation du travail dans ces deux entreprises.
Par ailleurs, le budget de Radio France augmente de 3,9 %, ce qui permettra la
poursuite des trois chantiers stratégiques majeurs que sont le plan Bleu, la
numérisation de la production et la modernisation de l'organisation du
travail.
Puisque vous avez évoqué RFI, je veux dire quelques mots de l'audiovisuel
extérieur, qui préoccupe à juste titre les rapporteurs et M. Weber. Je ne
parlerai pas de TV 5 aujourd'hui puisque son financement est assuré sur les
crédits du ministère des affaires étrangères.
S'agissant de RFI, je crois, comme vous, que son rôle est essentiel sur le
plan de l'information, l'actualité nous le rappelle avec force.
Nos entreprises de l'audiovisuel extérieur ont aussi une mission capitale dans
l'expression de notre culture à l'étranger. Je m'inscris donc dans une
perspective de participation active de la redevance au financement de RFI, qui
n'a, à aucun moment, été traitée comme une entreprise secondaire et qui ne le
sera pas davantage dans son contrat d'objectifs.
Quant à l'INA, son budget s'inscrit d'ores et déjà dans le contrat d'objectifs
et de moyens signé avec l'Etat en avril 2000. Autour d'un axe stratégique
prioritaire consacré à la numérisation des archives, le budget de l'INA
progresse de 0,6 %, pour une augmentation des ressources publiques de 7,7 %.
Comme le montre l'exemple de l'INA, c'est dans une démarche d'avenir,
renouvelant radicalement la nature des relations entre l'Etat actionnaire et
les entreprises publiques, que s'inscrit ce projet de budget pour 2002. Il
constitue en effet la première marche budgétaire de l'édifice pluriannuel que
constituent les contrats d'objectifs et de moyens.
Il s'agit, de manière très novatrice pour le secteur audiovisuel, de définir
les orientations stratégiques de chacune des entreprises pour une durée de
quatre ou cinq ans. Il s'agit aussi d'associer à ces objectifs des indicateurs
précis qui permettront aux ministères de tutelle et au Parlement de suivre les
résultats obtenus, selon une méthode plus dynamique que l'exercice de la
tutelle classique. Ces indicateurs permettront également de donner aux
entreprises et à leurs équipes dirigeantes, en contrepartie de cet effort de
transparence et de projection dans l'avenir, une visibilité plus grande sur les
moyens financiers dont elles pourront bénéficier.
Je crois utile de rappeler la teneur des décisions prises par le Gouvernement
pour France Télévision. Bien entendu, ces décisions devront être validées année
après année par le Parlement.
A partir de 2003, l'entreprise pourra bénéficier, en sus d'une part fixe de
progression de la ressource publique de 3,1 %, d'une part variable allant de
0,4 % à 0,6 % qui sera attribuée en fonction des résultats obtenus par
l'entreprise au regard de ses objectifs. La progression des ressources
publiques sera de 3,5 à 3,7 % par an. Cette progression régulière et importante
permettra à France Télévision d'organiser sereinement son développement et de
s'inscrire pleinement dans une véritable démarche stratégique d'entreprise.
Elle devra s'y consacrer avec un double souci lié à la spécificité du service
public.
Le premier est un souci éditorial. Les engagements que prend le groupe visent
à rendre plus lisible la spécificité du service public, qui doit rester attaché
à la diversité de son offre à toutes les heures de programmation, ainsi qu'au
rôle particulier qu'il joue en faveur de la création audiovisuelle.
Je saisis l'occasion de l'arrivée du terme « création » dans notre débat pour
dire à M. Ralite que rien, à ce jour, n'est tranché en ce qui concerne la
définition de l'offre. Tout comme lui, je suis préoccupée de l'élargissement de
l'approche de la définition. Je lui indique que nous aurons à travailler
ensemble, CSA, CNC et professionnels de la création, sur les éventuels
ajustements de nos définitions.
Il convient, en second lieu, de souligner le souci gestionnaire. La rigueur et
le dynamisme de sa gestion devront permettre à France Télécom de contribuer,
avec le soutien de son actionnaire, au financement des investissements
indispensables à son développement, notamment pour les nouvelles chaînes
numériques.
C'est à la lumière de ce double objectif, éditorial et gestionnaire, que je
veux répondre à vos questions à la fois sur les droits sportifs et sur le
financement pérenne du secteur public.
En ce qui concerne les droits sportifs, sur lesquels M. de Broissia m'a
longuement interrogée, à juste titre, compte tenu de la vivacité du débat qui
s'est déroulé dans la presse ces derniers jours, je tiens à dire que l'annonce
de l'achat des droits de la Coupe du monde par TF 1 ne m'a inspiré ni colère ni
indignation, encore moins détestation, comme en attestent d'ailleurs
l'intégralité de mes propos enregistrés par France Info. J'ai seulement,
simplement et calmement, exprimé une préoccupation que je crois sérieuse.
L'accord signé marque en effet une étape nouvelle dans les relations entre le
sport et la télévision. Il consacre d'abord une inflation des prix dangereuse
pour l'équilibre global de l'activité audiovisuelle. C'est la première fois en
effet qu'une Coupe du monde de football fait l'objet d'un tel accord de
retransmission.
Je n'ai mis en cause aucun diffuseur et surtout pas celui qui, au fond, a joué
sa carte sur le marché.
M. Jean-Philippe Lachenaud.
Heureusement !
Mme Catherine Tasca,
ministre de la culture et de la communication.
Je veux encore moins
opposer secteur privé et secteur public. J'estime cependant que cette relation
exclusive pose réellement un problème tant au monde des médias qu'au monde du
sport.
Jusqu'à ce jour, s'agissant du football, dont l'importance populaire n'est
contestée par personne, une concertation entre opérateurs était de mise et
avait contribué à freiner les surenchères.
M. Michel Pelchat.
Il fallait mieux l'organiser !
Mme Catherine Tasca,
ministre de la culture et de la communication.
J'ai donc exprimé ma
préoccupation.
Il est est légitime que le Gouvernement s'interroge sur l'évolution des grands
équilibres de l'offre audiovisuelle. Ce qui est en cause, c'est donc non pas le
principe de l'exclusivité sur certains programmes dont nous savons qu'elle se
pratique dans divers genres, mais bien les conditions dans lesquelles cette
exclusivité s'exerce sur ce type de programmes et, surtout, les conditions
financières dans lesquelles elle s'acquiert. Ce sont ces conditions financières
qui, de fait, interdiront à de nombreuses chaînes privées ou publiques, partout
dans le monde, de se porter acquéreurs de tout ou partie des droits pour de
tels événements.
Pour ce qui concerne France Télévision, son contrat d'objectifs et de moyens
prend, en matière de programmes sportifs, un engagement de diversité qui doit
faire partie de l'identité du service public.
Ma préoccupation de l'évolution des équilibres économiques du secteur
audiovisuel conduit évidemment le Gouvernement à réfléchir sur l'évolution du
financement global du service public. La nécessité que j'ai exprimée tout à
l'heure de maintenir la redevance se double de la nécessité, non moins
impérieuse, de définir pour l'avenir d'autres ressources dynamiques,
complémentaires.
Quant aux ressources propres de France Télévision, nous avons limité le
recours à la publicité en volume horaire et non en volume financier. C'était,
je crois, la seule méthode pertinente.
Pour les ressources de parrainage, le choix a été fait de ne pas fixer de
limites. Ces recettes s'avèrent, elles aussi, très dynamiques et très
fluctuantes.
Vous craignez, madame Pourtaud, une dérive, et je suis sensible à votre
préoccupation. Je crois pourtant que rien de tel ne peut se lire encore dans
les chiffres : ce type de recettes est en réalité aussi lié à des événements
exceptionnels qui entraînent des rentrées, elles aussi, très fortes. Ce fut le
cas en 2000 comme en 1998. Mais, en 2001, les recettes de parrainage n'ont
augmenté que de 7 % par rapport à l'année précédente.
ll faut, en tout état de cause, être vigilant. Je vous signale à ce titre
qu'en fin de contrat, la ressource publique continuera de représenter environ
75 % du budget de France Télévision.
J'en viens à un dossier qui a beaucoup animé les débats dans votre assemblée
et à l'Assemblée nationale, celui de la TNT. Ce projet ambitieux qui a des
composantes multiples - techniques, entrepreneuriales, économiques et
programmatiques - ouvre de vraies perspectives de développement pour tout le
secteur et répond aux attentes des Français. Il inquiète aussi parfois, mais
sur la base d'idées reçues ou d'informations tronquées.
Je tiens à apaiser plusieurs de ces inquiétudes.
La première interrogation concerne l'équilibre entre les chaînes historiques
et les futurs nouveaux entrants.
Nous devons intégrer les apports des nouveaux opérateurs qui le souhaitent,
car il n'est pas envisageable de réserver aux seuls opérateurs historiques
l'organisation et le déploiement de la TNT. Si nous avions fait ce choix, je
pense que nous aurions perdu une réelle occasion de diversifier l'offre.
Si les acteurs historiques, publics ou privés, ont un rôle majeur à jouer,
nous avons fait aussi le choix de la diversité avec de nouveaux acteurs et au
profit de nouveaux formats. Je pense, en particulier, aux chaînes régionales et
locales et aux télévisions associatives.
La loi du 1er août 2000 fixe les principes qui permettent cette ouverture. Je
sais que le Conseil supérieur de l'audiovisuel est lui aussi attentif à ce
partage et le sera dans l'attribution des fréquences.
Depuis lors, et pour concrétiser ces orientations, le gouvernement de Lionel
Jospin a fait preuve de pragmatisme et de réalisme économique en s'appuyant sur
les études qui avaient été réalisées, en écoutant les remarques des opérateurs
candidats et en ajustant sur cette base le cadre réglementaire nécessaire à la
construction, pas à pas, de cet édifice nouveau.
Autres questions, autre inquiétudes ! Vos rapporteurs se sont ainsi fait
l'écho du prix prévisionnel - sans doute 1 000 francs - des décodeurs.
M. Michel Pelchat.
Plutôt 1 500 francs !
Mme Catherine Tasca,
ministre de la culture et de la communication.
Certains pensent que cette
estimation serait sous-évaluée, mais on parle maintenant, en Grande-Bretagne
précisément, d'un décodeur à environ 600 francs.
D'autres, enfin, posent la question de la distribution. Nous avons justement
entrepris d'en débattre dans le cadre du droit de la concurrence et sur la base
d'une analyse demandée à la DGCCRF, le CSA ayant, pour sa part, commandé une
étude sur le même sujet.
Monsieur Weber, si l'hypothèse d'un distributeur unique devait être écartée,
il reviendrait aux opérateurs de trouver la structure juridique correspondant à
leur propos commercial et à la nécessité de ne pas aller, bien sûr, vers une
situation qui aurait été reconnue comme portant en germe une position de
monopole.
M. Louis de Broissia tout comme Mme Pourtaud ont évoqué l'idée d'un
consortium. C'est un choix qui appartiendra aux opérateurs, encore une fois, en
fonction des données des règles de la concurrence.
Au total, malgré la complexité des divers éléments, ce chantier de la TNT me
paraît désormais bien engagé. Nous nous sommes mis, aussi bien du côté du
Gouvernement que de celui du CSA, en capacité de tenir les délais prévus.
Le cadre réglementaire sera examiné dès la semaine prochaine par le Conseil
d'Etat.
Vous vous préoccupez aussi de la couverture, parce que c'est là, bien sûr, que
nos concitoyens verront la réalité de cette offre nouvelle.
L'appel à candidature lancé par le CSA permet, dans un premier temps et dès le
lancement de la TNT, de couvrir 50 % de la population. La couverture se fera
ensuite progressivement pour atteindre 80 % de la population dans les trois
ans. Les modes de diffusion alternatifs - le satellite notamment - gardent
donc, pour certaines zones, toute leur utilité.
Quant à la date de fermeture des fréquences analogiques - problème soulevé par
M. de Broissia - la question sera débattue au Parlement, comme la loi l'a
prévu, à la fin de l'année 2003, au vu des progrès alors réalisés.
Je sais tout de même que les opérateurs qui travaillent sur ce dossier
évoquent l'hypothèse d'une échéance de sept à dix ans, mais ce n'est qu'une
hypothèse pour le moment.
Quant au développement de la télévision de proximité, la direction du
développement des médias me remettra, avant la fin de l'année, un rapport qui
fera, comme l'a prévu la loi du 1er août 2000, l'objet d'un débat au Parlement.
Nous pourrons ainsi apporter des réponses concrètes aux questions que se posent
les candidats à une autorisation.
Nous aurons donc de nouvelles occasions de débattre des questions
audiovisuelles, fondamentales à mes yeux, puisque, au-delà du projet de budget
pour 2002, elles engagent une part très importante de notre vie quotidienne et
de la vie culturelle de notre pays.
J'en viens au second volet du budget de la communication, celui des aides à la
presse.
Nos débats pouvant donner le sentiment que nous l'oublions un peu, je rappelle
en préambule qu'il s'agit - et c'est heureux - d'entreprises privées, auquelles
l'Etat ne saurait se substituer. Il lui incombe, en revanche, de les soutenir
dans l'intérêt de la liberté et du pluralisme.
Les moyens publics que le Gouvernement destine à la presse écrite
avoisineront, en 2002, les 68 millions d'euros, soit 450 millions de francs, ce
qui représente une croissance de 7,2 % par rapport à 2001, et d'environ 80 %
par rapport à 1997.
Le Parlement devrait reconduire le mécanisme de l'article 39
bis
du
code général des impôts pour cinq ans.
Le budget des aides à la presse est, en 2002, marqué par la création d'une
nouvelle aide. Le fonds de modernisation créé en 1998, sur l'initiative de
Jean-Marie Le Guen, a permis déjà de distribuer près de 500 millions de francs
et contribue de manière décisive et reconnue par tous à la modernisation de
l'outil industriel ainsi qu'à l'amélioration du contenu rédactionnel des titres
concernés.
Je veux vous rassurer, monsieur Belot, pour 2001, les subventions non
utilisées sont de 50 millions de francs. Cela tient au report du comité de
décembre demandé par la presse elle-même. Quant au solde des avances, j'ai bien
noté que votre commission ne souhaite pas qu'il soit utilisé à autre chose que
des aides aux projets de modernisation, ce qui est fidèle à la création de ce
fonds.
La distribution de la presse est, bien évidemment, une clef essentielle.
La création d'une aide à la distribution des quotidiens nationaux
d'information politique et générale vous est proposée en 2002. Le principe et
les modalités de cette aide ont fait l'objet d'une très large concertation au
sein de la profession réunie en table ronde, ainsi que de discussions avec le
Gouvernement.
Sa mise en place vise à accompagner la modernisation du système de
distribution groupée et renforcer le système coopératif conformément aux
principes issus de la loi Bichet, à la lecture des conditions économiques
d'aujourd'hui. Les perspectives d'évolution tracées par M. Belot sont
d'ailleurs à l'examen de la table ronde.
L'opérateur Hachette, la direction des Nouvelles messageries de la presse
parisienne, les NMPP, et les éditeurs sont engagés, aux côtés de l'Etat, dans
ce remodelage du système de la distribution. L'Etat apportera donc une aide
directe pour une durée de trois ans, de 2002-2004, durée du plan de
modernisation.
Dès 2002, nous mobiliserons, pour financer cette aide, 12,2 millions d'euros,
soit environ 80 millions de francs, par la ressource budgétaire, mais aussi
grâce au dynamisme dont témoigne désormais la perception de la taxe instaurée
en 1997.
Autre modification, qui concerne cette fois le premier guichet, le
Gouvernement a repris la proposition issue de l'Assemblée nationale et a
accepté que la répartition entre avances et subventions soit modifiée au
bénéfice des subventions, qui désormais représenteront 80 % de l'ensemble des
sommes disponibles.
Cette mesure répond à vos préoccupations, monsieur le rapporteur, et prend en
compte le contexte économique actuel plus difficile de la presse.
Vous avez à juste titre remarqué le choix opéré par le Gouvernement depuis
1997 de redéployer l'effort public vers la presse d'information politique et
générale. Parce que informer, c'est s'adresser au citoyen, nourrir sa capacité
de jugement, diversifier ses sources d'information ; parce que informer, c'est
développer le débat démocratique, le Gouvernement a fait ce choix et il
l'assume.
Je mettrai l'accent également sur l'aide à la distribution des quotidiens
nationaux, l'aide au portage, qui a augmenté de plus de 250 % entre 1997 et
2002 et qui concerne principalement la presse en région, qui bénéficiera en
2002 d'une dotation budgétaire de 13,72 millions d'euros, soit 90 millions de
francs. Cette dernière a fait l'objet - je le précise, car vous vous
interrogiez à ce propos - d'une convention annuelle avec la SNCF. Dans la
convention 2001, il est prévu de réaliser un audit reconnu nécessaire.
Si l'on ajoute à toutes ces mesures l'aide postale à hauteur de 290 millions
d'euros, soit 1,9 milliard de francs, on peut parler d'une véritable politique
de soutien à la presse et à son lectorat.
Vous vous êtes préoccupé également, monsieur le rapporteur, du fonds
multimédia.
Depuis 1997, ce sont 8,03 millions d'euros, soit 52,7 millions de francs
d'aides, qu'il a accordés.
Sur 2002, indépendamment des reports de crédits qui pourront lui être
affectés, de l'ordre de 1,5 million d'euros, le remboursement des avances déjà
consenties doit lui permettre de disposer de 1,2 million d'euros et, par
conséquent, de fonctionner normalement sur cet exercice et de répondre aux
besoins des éditeurs.
Enfin, je souligne, pour répondre à la préoccupation de Mme Pourtaud, qu'entre
1997 et 2002 le fonds d'aide aux quotidiens à faibles ressources publicitaires
a progressé de plus de 93 %.
J'en arrive à un dossier très important, celui de l'AFP.
Je me réjouis que vous ayez pu, monsieur le rapporteur, constater le travail
accompli par cette grande entreprise. Les abonnements de l'Etat à l'AFP
représenteront 95,89 millions d'euros, soit 629 millions de francs, et une
augmentation de 2,60 % par rapport à la loi de finances initiale 2001. Jeudi
dernier, le conseil d'administration de l'agence a adopté son budget 2002, ce
dont je me réjouis !
Dans le contexte économique devenu plus incertain du secteur des médias en
France et dans le monde, ce budget sérieux permet de poursuivre le
développement de l'agence, sans réduction d'emploi ou remise en cause
d'activités existantes.
Pour sa part, dans le respect de l'indépendance de l'agence, l'Etat accompagne
son développement et soutient, en particulier, ses développements sur le plan
international.
Une vraie grande agence de presse a en effet absolument besoin de développer
les volets de son activité internationale, à la fois pour son équilibre
économique et sa crédibilité dans le monde.
A cet instant, je voudrais rendre hommage au travail de tous les journalistes
de l'AFP et des autres médias qui se sont mobilisés d'une façon exemplaire sur
les événements internationaux actuels, en particulier enAfghanistan, et cela au
péril de leur vie, pour nombre d'entre eux, comme ce fut le cas pour Johanne
Suton et pour Pierre Billaud.
Pour conclure, je veux souligner la démarche globale que traduit ce budget de
la communication.
L'Etat, garant de la diversité et des équilibres qui la constituent,
accompagne les investissements des sociétés publiques, définit et consolide le
cadre dans lequel tous leurs efforts prennent une plus grande efficacité.
Cela supposait - et nous l'avons fait - de renforcer les moyens. Cela
supposera encore, à l'avenir, d'accompagner sur le plan financier la
modernisation du secteur, car c'est en définitive la condition du pluralisme.
Je remercie M. Weber d'avoir souligné le chemin parcouru. C'est en effet le
choix qu'a fait notre Gouvernement, comme notre majorité.
(Applaudissements
sur les travées socialistes ainsi que sur celles du groupe communiste
républicain et citoyen.)
M. le président.
Nous allons maintenant examiner l'article 47 puis les lignes 38 et 39 de
l'état E annexé à l'article 43.
Article 47
M. le président.
« Art. 47. - Est approuvée, pour l'exercice 2002, la répartition suivante
entre les organismes du service public de la communication audiovisuelle, des
recettes, hors taxe sur la valeur ajoutée, du compte d'emploi de la redevance
pour droit d'usage des appareils récepteurs de télévision :
(En millions
d'euros.)
« France Télévision 1 469,94
« Radio France 446,92
« Radio France internationale 51,22
« Réseau France outre-mer 199,06
« ARTE-France 183,53
« Institut national de l'audiovisuel 68,22
« Total 2 418,89 »
L'amendement n° II-20, présenté par M. Belot, au nom de la commission des
finances, est ainsi libellé :
« Supprimer l'article 47. »
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Claude Belot,
rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et
des comptes économiques de la nation.
Avec cet amendement de suppression,
il n'est bien entendu pas question de priver l'ensemble des acteurs de
l'audiovisuel public des moyens de fonctionner. Il s'agit de marquer une
désapprobation sur un certain nombre de points.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Catherine Tasca,
ministre de la culture et de la communication.
Monsieur le président, je
ne pense pas vous surprendre en disant que le Gouvernement y est défavorable !
(Sourires.)
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° II-20.
Mme Danièle Pourtaud.
Je demande la parole contre l'amendement.
M. le président.
La parole est à Mme Pourtaud.
Mme Danièle Pourtaud.
Si j'ai bien compris la position du rapporteur, les crédits étant
insuffisants, il faut supprimer le peu de ressources qui restent à
l'audiovisuel public !
Je voudrais saisir cette occasion pour parler de la redevance.
Ce matin, M. le rapporteur et un certain nombre d'autres collègues sont
revenus sur la suppression de ce mode de financement que M. Karoutchi a même
qualifié d'archaïque ! Il est peut-être archaïque, mais on ne peut pas trouver
mieux ! Et je dirai, paraphrasant Winston Churchill, que c'est « le pire des
systèmes (...) à l'exclusion de tous les autres » !
(Protestations sur les
travées des Républicains et Indépendants et du RPR.)
M. Michel Pelchat.
Vous, vous avez changé de position !
M. le président.
Mes chers collègues, seule Mme Pourtaud a la parole !
Mme Danièle Pourtaud.
Je continue, quant à moi, à penser que la redevance crée un lien entre le
téléspectateur et les chaînes publiques. S'il fallait toutefois trouver une
autre source de financement complémentaire, comme le disait Mme la ministre, ou
de substitution, elle devrait impérativement, à notre avis, répondre à deux
principes : être pérenne et dynamique.
Comme vous vous en doutez, mes chers collègues, le groupe socialiste votera
contre la suppression des crédits de la redevance.
M. Philippe Nogrix.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Nogrix.
M. Philippe Nogrix.
La discussion de cet amendement me donne l'occasion de vous dire, madame la
ministre, que votre budget s'essouffle. Cet essoufflement est source
d'inquiétudes pour l'avenir.
(Marques d'approbation sur les travées du RPR.)
Comme l'a rappelé le rapporteur spécial de la commission des finances,
malgré une augmentation de 3,2 % par rapport à 2001, le budget de l'audiovisuel
public n'est pas à la hauteur du défi auquel doit faire face ce secteur.
M. Roger Karoutchi.
Très bien !
M. Philippe Nogrix.
Il s'inscrit dans une politique qui ne prend pas suffisamment en compte les
impératifs économiques. De plus, comme nous l'avions déjà souligné au moment de
son examen, la loi d'août 2000 apparaît d'ores et déjà dépassée.
Par ailleurs, rien n'est encore décidé en ce qui concerne la disparition de la
redevance, à laquelle vous êtes très attachée, madame Pourtaud
(Mme Pourtaud
s'exclame)
et la pérennisation d'un financement stable pour le secteur
public.
Le chantier du numérique terrestre n'offre pas les perspectives annoncées. Un
tel projet ne pourra pas réussir sans coûts supplémentaires pour l'Etat, les
contribuables, les utilisateurs et les collectivités locales, que vous
n'oubliez jamais : vous chargez toujours un peu plus la barque des finances
locales, reportant sur les élus de terrain les responsabilités que vous devriez
assumer en totalité.
Une antenne adaptée coûtera environ 160 francs par appartement et 1 600 francs
pour une maison individuelle. Les dépenses pour passer à la télévision
numérique seront donc, au total, énormes. On n'accède pas sans risque à trente
nouvelle chaînes !
Enfin, les télévisions locales ne bénéficient toujours pas d'une politique
dynamique. En ce domaine, la France fait figure de lanterne rouge en Europe.
S'agissant des aides à la presse, nous arrivons, cette année, à la fin d'un
cycle, et nous regrettons de ne pas bénéficier d'un bilan ; le seul dont nous
disposions aujourd'hui est celui, élogieux, que les élus qui soutiennent votre
gouvernement, madame le ministre, ont pu dresser de votre action au travers
d'une présentation idyllique du paysage de la presse et de l'audiovisuel
actuel.
Même si le budget semble cette année être un bon budget - je dis bien « semble
» - l'avenir ne se présente pas sous un jour favorable. Plusieurs points noirs
subsistent, notamment la situation de l'Agence France Presse, l'AFP, comme l'a
indiqué Claude Belot. Vous avez essayé de modifier un peu votre position et
votre analyse sur le sujet, mais cette situation demeure précaire en raison de
l'absence de réforme du statut de l'AFP et d'un mode de fonctionnement dans
lequel les gains sont absorbés par des coûts de structure trop élevés.
Compte tenu de toutes les inquiétudes que j'ai énumérées, et suivant en cela
la position de la commission des finances, les membres du groupe de l'Union
centriste émettront sur l'ensemble du budget un vote défavorable, mais
apporteront leur soutien à l'amendement de suppression proposé par notre
collègue.
M. Michel Pelchat.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Pelchat.
M. Michel Pelchat.
Aujourd'hui, j'aurai au moins appris quelque chose. Je ne sais pas si on vous
le doit, madame la ministre, mais vous avez réussi à convaincre notre collègue
Mme Pourtaud du bien-fondé de la redevance. En effet, je l'ai entendue dire,
pour la première fois, que c'est la meilleure ressource qui soit
(Rires sur
les travées du RPR)
, alors que, l'année dernière, elle déclarait dans ce
même hémicycle qu'il fallait créer une taxe sur les communications
téléphoniques pour suppléer au financement public de l'audiovisuel.
Mme Danièle Pourtaud.
Jamais de la vie !
M. Michel Pelchat.
En tout cas, une personne convaincue du bien-fondé de la redevance présente
beaucoup d'intérêt pour moi. Quand on est sur une mauvaise piste, il ne faut
pas y rester ! Il faut revenir à des choses plus raisonnables.
Mme Danièle Pourtaud.
Changez de lunettes, mon cher collègue !
M. Michel Pelchat.
Pour améliorer le financement public de l'audiovisuel, vous avez fait allusion
à diverses dispositions, madame la ministre, sans d'ailleurs nous en donner le
détail. Peut-être les connaissez-vous déjà, peut-être n'en avez-vous pas encore
connaissance ; les arbitrages n'étant pas effectués, tout est possible ! En
tout cas, on voit bien ce que vous êtes en train de mettre en oeuvre : il
s'agira soit de nouveaux prélèvements - il faut le dire ! - qui pourront porter
sur n'importe quoi, soit de financements sans durabilité.
M. Roger Karoutchi.
Bien sûr !
M. Michel Pelchat.
Or une taxe existe ; il suffirait simplement d'en assurer une meilleure
perception, sans qu'il soit nécessaire de l'augmenter. Le fait de percevoir une
redevance de communication sur chaque habitation est une mesure raisonnable,
vous le savez bien. Peut-être n'arrivez-vous pas à faire percer cette idée au
sein de votre gouvernement, c'est possible ! On vous propose donc d'autres
solutions.
Alors, soit vous augmentez cette taxe, auquel cas ce sont les seuls
contribuables qui paient déjà la redevance qui en supporteront les
conséquences, soit vous trouvez encore un impôt ou une taxe nouvelle et c'est
encore un prélèvement supplémentaire qui sera opéré sur des personnes qui
paient déjà certaines taxes ; vous maintenez ainsi dans l'illégalité 5 à 6
millions de foyers qui devraient payer cette redevance, simplement parce qu'il
est plus confortable pour vous de l'oublier.
Je rappelle les chiffres : 22,5 millions de comptes connus par les services de
la redevance et 29,5 millions de foyers existants en France, selon les rapports
del'INSEE. Personne ne peut contester ces chiffres ! L'écart est de 7 millions
de foyers : avec une redevance à 700 francs environ, cela représente 5
milliards de francs. C'est la vérité et il faudra bien que votre Gouvernement
le reconnaisse un jour !
Le deuxième point sur lequel je souhaite intervenir concerne la télévision
numérique terrestre. Je ne comprends pas, madame la ministre, comment vous avez
pu déclarer à cette tribune, avec une telle assurance, que l'on pouvait trouver
des décodeurs à 600 francs, alors qu'ils coûtent aujourd'hui, vous le savez, 1
500 francs.
M. Louis de Broissia,
rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles.
Ils
coûtent 1 000 francs TTC !
M. Michel Pelchat.
Ces chiffres me sont fournis par l'industrie !
Vous les annoncez à 600 francs, madame la ministre ! Je ne sais pas qui les
fabrique à ce prix-là ! Vous prévoyez que le problème sera réglé à la fin de
l'année 2002. Ce n'est pas vrai ! J'affirme avec solennité devant cette
assemblée - et je prends ici à témoin tous mes collègues - qu'il n'y aura pas
le commencement d'un début de diffusion du numérique terrestre à la fin de
l'année 2002. Malheureusement, nous pourrons le vérifier.
Au mieux, nous commencerons à être en mesure de diffuser les premières chaînes
au milieu de 2003, voire au mois de septembre 2003, si tout se passe bien, et
ce avec des conséquences financières beaucoup plus importantes que celles que
vous nous avez annoncées, notamment pour ceux qui pourront les recevoir. A la
fin de l'année 2003, lorsque nous ferons le compte du nombre de foyers qui
recevront la TNT, nous nous apercevrons qu'ils sont moins d'un million. Ce sont
des réalités ! J'ai étudié ce sujet avec beaucoup d'intérêt. Je ne suis pas
contre la TNT !
A l'époque où votre gouvernement défendait leD2-MAC, le HD-MAC, TDF 1 et TDF
2, j'étais opposé à cette formule. Je souhaitais déjà - c'était en 1989 ! - que
l'on s'oriente le plus rapidement possible vers la diffusion numérique. Par
conséquent, je me bats pour la diffusion numérique depuis 1989.
Je n'ai pas du tout l'intention de retarder l'émergence du numérique, bien au
contraire ! Toutefois, compte tenu de la situation financière dans laquelle
nous nous trouvons aujourd'hui, cette décision ne me paraît pas devoir mériter
la précipitation avec laquelle vous souhaitez la prendre. D'autant que, vous le
savez, les décrets d'application de la TNT ne sont pas encore tous soumis à
l'examen du Conseil d'Etat, notamment celui qui concerne le
must carry
;
vous aurez les réponses au mieux vers la fin de l'année.
Il s'agit donc non pas de faire un procès, mais de dire les choses telles
qu'elles se présentent. On ne peut pas raconter n'importe quoi aux Français
pour je ne sais quelle raison ! Il y a des difficultés : il faut les énoncer et
y faire face.
Par conséquent, tout en étant très favorable à l'amélioration du financement
public des chaînes, je voterai l'amendement de M. Belot.
(Applaudissements sur les travées du RPR et de l'Union centriste.)
M. Jack Ralite.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Ralite.
M. Jack Ralite.
Je voterai le budget de la culture que vous proposez, madame le ministre, mais
je veux revenir sur la redevance. C'est en effet le seul lien public qui existe
entre le service public et les publics. Dans la tradition républicaine, c'est
un point fort que notre pays a inventé et auquel il a apporté les
développements que les revendications de nos concitoyens ont mis en avant.
J'ajouterai que l'histoire de la radio-télévision de ce pays, c'est l'histoire
du plus grand actionnariat populaire que l'on ait connu.
(M. Karoutchi
s'exclame.)
Jusqu'à une certaine date, tout a été fait grâce à la
redevance. Et quand on aime l'actionnariat, on devrait se dire : pourquoi ne
pas continuer ?
M. Ivan Renar.
C'est une idée gaullienne !
M. Jack Ralite.
Ce qui me frappe, c'est qu'à part M. Karoutchi, qui dit qu'il faudrait
diminuer le service public,...
M. Roger Karoutchi.
Je n'ai pas dit cela !
M. Jack Ralite.
... personne d'autre ne le dit. Mais on déclare qu'il faut lui enlever son
financement. Je veux bien que l'on critique la redevance, notamment dans sa
façon d'être perçue
(M. Karoutchi s'exclame.),
mais elle demeure un
noyau dur. Quand je rencontre quelqu'un qui est un peu malade, je le
soigne,...
M. Louis de Broissia,
rapporteur pour avis.
C'est un exercice illégal de la médecine !
M. Jack Ralite.
... je ne lui enlève pas le seul médicament qu'il a !
(Sourires.)
Il y
a une indécence à traiter de la redevance dans les termes qui sont employés
actuellement. Je suis pour la redevance...
M. Michel Pelchat.
Nous aussi ! Il faudrait que tout le monde la paie !
M. Jack Ralite.
... et je suis même pour une réflexion prospective sur son augmentation
mesurée et régulière pour garantir l'indépendance du service public et de la
création nationale. C'est une question fondamentale ! Je n'oublie jamais que
qui paie commande,...
M. Roger Karoutchi.
Qu'est-ce que cela veut dire ?
M. Jack Ralite.
... et je préfère que ce soit le peuple, dans sa diversité, que quelque autre
instance privée ou publique.
(Très bien ! et applaudissements sur les
travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
Mme Danièle Pourtaud.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à Mme Pourtaud.
Mme Danièle Pourtaud.
Monsieur le président, je me permets de reprendre la parole simplement pour
dire à notre collègue Michel Pelchat que je suis d'accord avec lui.
(Ah !
sur les travées du RPR.)
En effet il ne faut pas raconter n'importe quoi
aux Français...
MM. Roger Karoutchi et Michel Pelchat.
Bravo !
Mme Danièle Pourtaud.
... pas plus qu'il ne faut raconter n'importe quoi aux sénatrices et aux
sénateurs présents dans cet hémicycle.
Afin de pallier ses trous de mémoire ou sa mémoire sélective et éviter
peut-être à nos collègues de se reporter au
Journal officiel
de nos
débats de l'année dernière, je rappellerai simplement qu'aucun de mes collègues
ni moi-même n'avons jamais mis en doute dans cet hémicycle la nécéssité de
maintenir la redevance. Nous avons effectivement dit, à plusieurs reprises, que
les ressources de la télévision publique devaient croître de manière
importante...
M. Michel Pelchat.
Et les taxes sur les communications téléphoniques ?
Mme Danièle Pourtaud.
... et que, si l'on n'augmentait pas suffisamment la redevance, ce que je
pourrais comprendre, il faudrait envisager de la compléter par une ressource
dynamique.
M. Jacques Valade,
président de la commission des affaires culturelles.
Et pérenne !
Mme Danièle Pourtaud.
C'est à ce moment-là que, parmi d'autres hypothèses, nous avons en effet
envisagé la création d'une taxe sur les télécommunications. Pourquoi pas ?
L'essentiel est de préserver - et non pas de supprimer comme le proposent
certains - les ressources de l'audiovisuel public et de lui permettre de
disposer de moyens qui croissent au même rythme que ceux du secteur privé.
Pour l'instant, l'audiovisuel est constitué de deux secteurs - le secteur
public et le secteur privé - qui sont à peu près à égalité. Nous souhaitons
conserver cet équilibre, qui est pour nous la garantie du bon fonctionnement de
la démocratie.
Il faut donc effectivement que le secteur public dispose d'une ressource qui
croisse suffisamment rapidement. D'ailleurs, je n'ai pas entendu une voix
s'élever ici pour souhaiter une augmentation extrêmement rapide de la
redevance.
M. Roger Karoutchi.
Non !
Mme Danièle Pourtaud.
Si le secteur public a besoin de ressources plus importantes, il n'est pas
interdit de réfléchir à une ressource complémentaire.
M. Roger Karoutchi.
Dites-le publiquement !
Mme Danièle Pourtaud.
Mais, en aucun cas, je n'ai proposé de supprimer la redevance.
M. Roger Karoutchi.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Karoutchi.
M. Roger Karoutchi.
Mes chers collègues, s'il y a ici, en fin de compte, quelque chose
d'archaïque, c'est bien notre débat !
(Sourires.)
Je me tourne vers notre collègue Jack Ralite. Le lien entre le public et la
télévision, ce serait la redevance, dites-vous, car celui qui paie, commande.
Mais, mon cher collègue, attention : cela voudrait dire que le lien entre les
Français et l'Etat, c'est l'impôt, et donc que ceux qui ne paient pas d'impôts
n'ont plus de droits sur l'Etat...
Mme Nelly Olin.
Bravo !
M. Roger Karoutchi.
Qu'est-ce que cela signifierait d'autre ?
M. Jacques Valade,
président de la commission des affaires culturelles.
Le syllogisme est
hardi !
M. Roger Karoutchi.
En la matière, il est dangereux d'affirmer que le fait de payer un impôt ou
une redevance crée un droit ; cela ne crée aucun droit.
Je n'ai, par ailleurs, jamais dit que je voulais la disparition du service
public !
Regardez aujourd'hui comment fonctionne le service public, quelle est son
audience. Considérez les difficultés de la branche culturelle du secteur public
et ces programmes reportés en fin de soirée, voire plus tard encore. On peut se
demander si le fait d'avoir créé La Cinquième, pour être la chaîne éducative,
puis Arte, pour être la chaîne culturelle, ne signifie pas que les obligations
en matière éducative et culturelle de France 2 et de France 3 sont bien encore
celles qu'elles devraient être. En la matière, ce que je demande simplement,
c'est qu'il y ait une vraie réflexion.
L'audiovisuel public en France, aussi fort qu'on le souhaite, doit-il
comprendre quatre chaînes ? Ne faut-il pas trouver les voies et moyens d'un
secteur public fort, regroupé, différent, différencié ?
Il faut un vrai débat sur la redevance, dites-vous, madame Pourtaud. Je suis
désolé, mais qui a envisagé la première l'éventualité de la suppression de la
redevance ? Ce n'est pas la droite, c'est la gauche, et à l'Assemblée
nationale, lorsqu'il s'est agi de trouver des diminutions d'impôts
supplémentaires. Ce n'est pas nous qui avons demandé les premiers un débat sur
la redevance !
Mme Danièle Pourtaud.
Vous êtes contre la diminution des impôts ?
M. Roger Karoutchi.
C'est dans votre propre camp politique que cette question a été abordée !
Alors, aujourd'hui, vous nous dites qu'après tout il faudrait peut-être
augmenter la redevance. Moi, je vous propose, madame Pourtaud, que vos
candidats annoncent aux Français, au début de l'année 2002, qu'ils sont pour
l'augmentation de la redevance. Je suis sûr du choix immédiat des Français en
la matière !
Mme Danièle Pourtaud.
Nous verrons bien !
M. Roger Karoutchi.
Alors, soyons sérieux. Il ne s'agit pas de savoir si, oui ou non, la redevance
doit rester une ressource naturellement publique pour le service public. Le
service public doit être fort ; il doit être concentré ; il doit être
reconnu.
Mme Danièle Pourtaud.
Bravo, cher collègue !
M. Michel Pelchat.
Oui, bravo !
M. Roger Karoutchi.
Donnons-nous les moyens d'un service public fort. Remettons en question le
système actuel, pour aboutir à une organisation plus performante et meilleure,
et alors seulement assurons, comme vous dites, un « financement pérenne ».
D'ailleurs, madame Pourtaud, quand vous dites qu'il ne faut pas toucher à la
redevance, mais que, si jamais une alternative se produisait, il faudrait alors
que cette ressource soit pérenne, vous admettez l'idée même qu'il puisse y
avoir une alternative.
M. Jacques Valade,
président de la comission des affaires culturelles.
Eh oui !
M. Roger Karoutchi.
Pour ma part, je vous propose de prendre le pari d'une vraie alternative, d'un
vrai service public et d'une vraie ressource publique qui ne soit pas aussi
archaïque que la redevance
(Applaudissements sur les travées du RPR, des
Républicains et Indépendants et de l'Union centriste).
Mme Nelly Olin.
Très bien !
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° II-20, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté).
M. le président.
En conséquence, l'article 47 est supprimé.
Nous allons maintenant examiner les lignes 38 et 39 de l'état E annexé à
l'article 43.
Ligne 38 de l'état E
M. le président.
J'appelle la ligne 38 de l'état E concernant la redevance pour droit d'usage
des appareils récepteurs de télévision.
LIGNES |
||||
---|---|---|---|---|
2001 |
2002 |
DESCRIPTION |
PRODUIT
2000-2001 |
ÉVALUATION
2001-2002 |
40 | 38 | Nature de la taxe : | 2 047 800 000 | 2 119 500 000 |
. | . | - redevance pour droit d'usage des appareils récepteurs de télévision. | . | . |
. | . |
Organismes bénéficiaires ou objet : - compte spécial du Trésor institué par l'article 33 de la loi de finances pour 1975. |
. | . |
. | . | Taux et assiette : | . | . |
. | . |
- redevance perçue annuellement : - en 2002 : * 74,31 EUR pour les appareils récepteurs « noir et blanc » ; * 116,50 EUR pour les appareils récepteurs « couleur » ; |
. | . |
. | . |
Textes : - décret n° 92-304 du 30 mars 1992 modifié ; - décret n° 94-1088 du 15 décembre 1994 ; - décret n° 95-1333 du 29 décembre 1995. |
. |
Je mets aux voix la ligne 38 de l'état E.
(La ligne 38 de l'état E est adoptée.)
Ligne 39 de l'état E
M. le président.
J'appelle la ligne 39 de l'état E concernant la taxe sur la publicité
radiodiffusée et télévisée.
LIGNES |
||||
---|---|---|---|---|
2001 |
2002 |
DESCRIPTION |
PRODUIT
2000-2001 |
ÉVALUATION
2001-2002 |
41 | 39 | Nature de la taxe : | 19 800 000 | 21 300 000 |
. | . | - taxe sur la publicité radiodiffusée et télévisée. | . | . |
. | . | Organismes bénéficiaires ou objet : | . | . |
. | . | - fonds de soutien à l'expression radiophonique locale. | . | . |
. | . | Taux et assiette : | . | . |
. | . | - taxe assise sur le produit des activités des régies publicitaires. | . | . |
. | . | Textes : | . | . |
. | . |
- décret n° 97-1263 du 29 décembre 1997 ; - arrêté du 23 juillet 1998. |
Je mets aux voix la ligne 39 de l'état E.
(La ligne 39 de l'état E est adoptée.)
M. le président. Le vote sur l'ensemble de l'article 43 est réservé.
Je rappelle que les crédits concernant la communication inscrits à la ligne « Services généraux du Premier ministre » seront mis aux voix le mercredi 5 décembre, à la suite de l'examen des crédits affectés à la fonction publique et à la réforme de l'Etat.
ÉTAT B
SERVICES DU PREMIER MINISTRE
I. - Services généraux
M. le président. « Titre III : 10 540 760 euros. »
Le vote sur les crédits figurant au titre III est réservé.
M. le président.
« Titre IV : 99 775 316 euros. »
Sur ces crédits, la parole est à Mme Pourtaud.
Mme Danièle Pourtaud.
J'ai souhaité intervenir aujourd'hui sur les crédits d'aide à la presse, d'une
part, parce qu'il est intéressant de faire le bilan de l'action du Gouvernement
là aussi, mes chers collègues, et, d'autre part, pour évoquer deux ou trois
questions liées à la presse quotidienne nationale, dont la situation, sans
parler de crise, n'est pas florissante et dont l'avenir économique peut
susciter quelques inquiétudes.
D'abord, concernant les aides à la presse, il faut avant tout saluer l'effort
sans précédent accompli depuis cinq ans en matière d'aides directes,
puisqu'elles ont globalement progressé de 80 %. Il faudrait remonter loin dans
l'histoire pour retrouver un pareil effort en faveur du pluralisme de la
presse. Cette législature a également eu le mérite de procéder à la création du
fonds de modernisation de la presse quotidienne et assimilée d'information
politique et générale, de par la volonté conjointe du Parlement et du
Gouvernement.
Néanmoins, la situation de la presse est contrastée. J'évoquerai quelques
exemples pour illustrer mon propos.
Si, globalement, l'année dernière, les hebdomadaires ont connu une diffusion
en hausse, la presse quotidienne d'information généraliste a plutôt stagné.
On peut saluer la naissance d'une dizaine de titres depuis l'été dernier, mais
les annonces de fermetures se multiplient malheureusement ces dernières
semaines.
La situation du marché publicitaire est plus préoccupante puisque, en valeur
absolue, le nombre de pages publicitaires a baissé de 5,4 % sur les neuf
premiers mois de l'année par rapport à la même période l'année dernière. Il y a
fort à parier que, depuis le 11 septembre, la situation s'est aggravée, et les
analystes ne sont pas optimistes sur l'évolution du marché publicitaire l'année
prochaine. Cette situation entraîne des licenciements très importants, en
particulier dans les quotidiens nationaux.
En 2002, les aides directes seront, en apparence, reconduites de façon
globale. C'est lié au fait qu'aucun crédit budgétaire, contrairement à ce qui
s'est passé durant l'exercice 2001, ne viendra alimenter l'une de ces aides, le
« fonds de modernisation de la presse quotidienne et assimilée d'information
politique et générale ». Pourtant, celui-ci connaîtra une progression
spectaculaire - 19 % - grâce à des reports de gestion et des remboursements
d'avance et grâce au prélèvement de la taxe de 1 % sur le hors-média qui
constitue un crédit extrabudgétaire et, à ce titre, n'est pas comptabilisé dans
les crédits budgétaires et dans la progression globale des aides à la
presse.
Alors, de grâce, mes chers collègues, un peu de bonne foi ! Les aides directes
augmentent réellement, puisque les deux autres articles consacrés aux aides
directes sont également en hausse : l'article 10, relatif aux aides à la
diffusion, augmente de 7 %, et l'article 20, qui concerne les aides à la presse
à faibles ressources publicitaires, marque une progression de 1,2 %.
Cette progression permettra peut-être de surmonter le ralentissement actuel et
d'éviter la crise.
Mais, si vous le permettez, je souhaiterais revenir en quelques mots sur un
problème qui revient depuis quelques années, celui de la distribution des
quotidiens et, plus généralement, sur la distribution de la presse.
Cette année encore, cinq cents points de vente ont été supprimés.
Je reste également préoccupée, madame la ministre, par le problème des
kiosquiers parisiens qui se retrouvent souvent dans des situations financières
catastrophiques. On pourrait d'ailleurs s'interroger sur la convention entre la
Mairie de Paris et les NMPP reconduite pour dix ans peu de temps avant
l'arrivée de la nouvelle équipe municipale...
Le problème de la distribution a été traité lors des tables rondes réunies au
printemps dernier. Vous pourrez peut-être nous donner des pistes de réflexion
sur le sujet.
Ma seconde question concerne la création, que je salue, du nouveau fonds
d'aide à la distribution de la presse quotidienne nationale d'information
générale et politique, doté de 80 millions de francs cette année, création qui
est planifiée sur une durée de trois ans.
Il s'agit encore d'une réforme que le gouvernement Jospin aura eu le mérite de
conduire. Après le fonds d'aide au portage, dont je voudrai rappeler que, cette
année, il sera doté d'un montant global de 60 millions de francs, c'est un
élément essentiel pour assurer la rapidité de la distribution, ce qui est le
plus important pour un quotidien, M. de Brossia y faisait allusion ce matin.
Cette aide est destinée à préserver le système de distribution coopératif,
fondé sur la solidarité entre les titres depuis la loi Bichet.
Il est clair que le système des NMPP a besoin d'être modernisé. De ce point de
vue, on peut saluer la décision de l'opérateur, qui a accepté de renoncer à sa
redevance pendant la durée du plan.
Néanmoins, cette nouvelle aide étant réservée à la presse quotidienne
nationale d'information générale et politique, ce que je peux comprendre - elle
est, en effet, essentielle au fonctionnement de notre démocratie - il est
permis de se demander si cela ne risque pas de fausser le principe de
solidarité au sein d'une même coopérative de distribution.
En clair, car chacun aura compris qu'il ne s'agit pas de mon quotidien préféré
du matin, mais plutôt de celui de mon entourage masculin, c'est-à-dire de
L'Equipe (sourires),
on peut se demander si exclure de l'aide ce
quotidien qui tire à 370 000 exemplaires et qui contribue donc, du fait du
système de péréquation au sein d'une même coopérative, à limiter les coûts de
distribution des quotidiens d'information générale et politique qui
appartiennent à la même coopérative, ne risque pas de fausser le système et de
remettre en cause cette solidarité à laquelle la presse et nous-mêmes sommes
très attachés.
Peut-être pourrez-vous, madame la ministre, nous dire quelques mots sur ce
sujet.
Pour conclure, madame la ministre, je vous réaffirme notre soutien. Le groupe
socialiste, dont vous connaissez l'attachement au pluralisme de la presse,
votera avec enthousiasme les aides à la presse.
Mme Catherine Tasca,
ministre de la culture et de la communication.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à Mme le ministre.
Mme Catherine Tasca,
ministre de la culture et de la communication.
Je voudrais brièvement
répondre aux questions qui viennent de m'être posées par Mme Pourtaud.
Tout d'abord, en ce qui concerne globalement la situation économique de la
presse et du marché publicitaire, je rappelle qu'un certain pessimisme pesait
sur l'avenir des ressources publicitaires dès avant le 11 septembre. Les
événements ont évidemment aggravé les inquiétudes, au moins sur le moment, mais
les évaluations des professionnels tendent plutôt à une stabilisation du marché
publicitaire, marché dont il ne faut pas oublier qu'il avait connu, plus qu'une
embellie, un emballement les deux exercices précédents.
Vous avez évoqué le sort des diffuseurs de presse. J'ai été à l'origine, en
1991, du premier plan d'amélioration pour les diffuseurs, car c'est un maillon
essentiel de l'accès du lecteur aux journaux, comme le rappelait ce matin M. le
rapporteur spécial, la proximité étant une règle en matière de presse écrite,
surtout quotidienne.
L'ensemble des participants à la table ronde sont tombés d'accord sur la
nécessité de redéfinir les conditions de la rémunération et, bien sûr, celles
des kiosquiers parisiens, dont les représentants ont participé aux travaux. Un
accord interprofessionnel est intervenu le 1er juillet dernier, qui définit les
critères permettant à près de 15 000 diffuseurs de bénéficier d'un taux de
commission revalorisé de deux points.
Enfin, vous vous préoccupez de l'avenir économique de
L'Equipe.
Fort
heureusement, il appartient à un groupe qui paraît très bien gérer son avenir
puisqu'il annonce des investissements considérables.
Je l'ai rappelé tout à l'heure, le Gouvernement a choisi de consacrer un
effort particulier en faveur de la presse d'information politique et générale.
Tout choix, toute priorité peut effectivement créer un traitement différent.
C'est un choix que le Gouvernement assume. Pour
L'Equipe,
qui ne remplit
pas les critères de cette aide et dont le sort vous préoccupe, nous avons reçu
l'engagement du conseil de gérance de la coopérative des quotidiens de Paris
qu'il soumettra au vote de son assemblée générale des mesures correctrices de
barème témoignant de l'effort de solidarité entre les éditeurs.
M. le président.
Le vote sur les crédits figurant au titre IV est réservé.
ÉTAT C
services du Premier ministre
I. -
Services généraux
M. le président. « Titre V. - Autorisations de programme : 44 972 000 euros.
« Crédits de paiement : 22 105 000 euros. »
Le vote sur les crédits figurant au titre V est réservé.
Nous avons achevé l'examen des dispositions du projet de loi de finances
concernant la communication.
Culture
M. le président.
Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi de finances concernant
la culture.
J'indique au Sénat que, pour cette discussion, sur proposition de la
commission des finances, la conférence des présidents a opté pour la formule
expérimentée l'an dernier et fondée sur le principe d'une réponse immédiate du
Gouvernement aux différents intervenants, rapporteurs ou orateurs des
groupes.
Ainsi, Mme le ministre répondra immédiatement et successivement au rapporteur
spécial, puis aux deux rapporteurs pour avis et, enfin, à chaque orateur des
groupes.
Ces réponses successives se substitueront à la réponse unique en fin de
discussion.
Chacune des questions des orateurs des groupes ne devant pas dépasser cinq
minutes, le Gouvernement répondra en trois minutes à chaque orateur, ce dernier
disposant d'un droit de réplique de deux minutes maximum.
Pour assurer la réussite de cette formule, et donner un caractère vivant à
notre séance, je compte sur chacun des intervenants pour respecter à la fois
l'esprit de la procédure et les temps de parole.
M. Jack Ralite.
Je demande la parole pour un rappel au règlement.
M. le président.
La parole est à M. Ralite.
M. Jack Ralite.
Monsieur le président, je considère qu'un budget n'est pas un exercice
comptable où accrocher sa revendication.
Un budget est la traduction d'un sens, d'une pensée, et le débat sur le budget
un dialogue sur ce sens à partir d'un point de vue.
Or, à se limiter au questionnement, on abîme la pensée de l'autre - la vôtre,
madame la ministre - que l'on morcelle, on abîme sa propre pensée, que l'on
bloque dans son élaboration personnelle, on réduit sa démarche à une question
qui empêche toute élaboration intérieure.
Ce procédé aboutit à une économie de pensée - alors qu'on a tant besoin de
pensée ! - et ne va donc pas, me semble-t-il, avec la procédure délibérative :
on a alors seulement droit à une pensée réactive. C'est en vérité du
management
. Ce n'est pas de la politique. Le Parlement délibère, et par
le seul recours au questionnement, nous doublons, voire triplons les questions
d'actualité, les questions orales. Mais nous n'allons pas au fond des
choses.
On s'y efforcera tout de même, mais je regrette profondément cette
initiative.
M. le président.
Mon cher collègue, je vous donne acte de votre rappel au règlement.
Je dois rappeler que le choix de cette procédure innovante pour la discussion
du budget de la culture a été présenté à la conférence des présidents, qui l'a
adopté à l'unanimité.
Mme Nelly Olin.
Voilà !
M. le président.
Par ailleurs, vous le savez, les inscriptions des orateurs sur les titres sont
toujours possibles, ainsi que, bien entendu, les explications de vote sur les
crédits.
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes
économiques de la nation.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances.
Je souhaite donner rendez-vous à
notre collègue, l'ancien ministre Jack Ralite, à la fin de nos débats, car
vraisemblablement il partagera alors la proposition faite à la conférence des
présidents et approuvée à l'unanimité.
En effet, il s'agit de dialoguer. Dialoguer, cela veut dire s'écouter, cela
veut dire se poser des questions, cela veut dire y répondre.
Depuis des décennies, nous regrettions que la deuxième partie de la loi de
finances finisse par n'être qu'une succession de discours du ministre, des
rapporteurs, des collègues, sans que jamais il y ait d'échange, et je remercie
Mme la ministre d'avoir accepté cette formule.
Nous abordons le premier fascicule budgétaire expérimental de cette année.
Deux expériences ont été menées l'année dernière, et M. Jacques Valade,
aujourd'hui président de la commission des affaires culturelles, pourra en
porter témoignage, car il était à votre place, monsieur le président. Comme
vous le ferez dans un instant, il a contribué au bon déroulement de ces
travaux.
Monsieur Ralite, le souhait que la commission des finances a émis vise
précisément à atteindre l'objectif que vous avez indiqué tout à l'heure.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Yann Gaillard,
rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et
des comptes économiques de la nation.
J'essaierai de jouer le jeu, et
j'annonce tout de suite à Mme la ministre que mes questions porteront sur les
instruments de mesure comptable au sein du ministère et dans les établissements
culturels, sur les 35 heures, sur la résorption des emplois précaires et,
enfin, sur la sous-consommation des crédits d'investissement et le recyclage
des crédits de paiement non consommés, question qui pose des problèmes de
principe budgétaire et qui a inspiré le vote négatif de la commission des
finances sur le budget de la culture pour la première fois depuis des
années.
On ne peut pourtant nier que ce budget soit d'apparence flatteuse. Bien que
non prioritaire aux yeux du Gouvernement, il n'en croît pas moins de 2 %, à
périmètre constant ; le fameux 1 % du budget de l'Etat consacré à la culture
serait enfin atteint cette année.
On sait que la progression réelle vers cet objectif a été difficile à mesurer,
tant le ministère, au cours des dernières années, a varié dans son périmètre et
ses attributions. On verra ce qu'il en est au moment de la loi de règlement,
sachant que, d'après les calculs auxquels se sont livrés les services de la
commission des finances, en liaison avec la direction du budget, on n'en était
qu'au niveau de 0,96 % pour l'exercice 2000 !
N'attachant pour ma part aucune valeur magique au 1 %, je ne peux qu'espérer
qu'on ne se fixera pas d'autres fléchages à l'avenir !
Notons tout de même dès à présent - j'y reviendrai à l'occasion de ma dernière
question - que les dépenses ordinaires augmentent de 4 %, tandis que les
dépenses en capital diminuent de 4,6 % en crédits de paiement et de 5,77 % en
autorisations de programme.
Ce budget, bien évidemment, privilégie le court terme. Peut-être est-il
difficile d'être à la fois le ministre du titre IV, qui concerne la création,
les spectacles vivants et l'enseignement artistique, et celui des titres V et
VI, consacrés au patrimoine ?
Vous allouez 44,6 millions d'euros, soit 292,56 millions de francs - en
progression de 5,7 % par rapport à 2001 - aux dépenses d'intervention en faveur
du spectacle vivant, des centres dramatiques, de l'opéra comique, des
orchestres permanents, des scènes nationales et conventionnées, du cirque, des
arts de la rue, des musiques actuelles, etc. Vous soutenez ce que vous aimez et
connaissez bien, madame la ministre, et je ne saurais vous en faire grief.
J'approuve aussi votre politique pour les arts à l'école. Je déplore seulement
que les pierres soient un peu moins bien servies.
Vous aurez, en outre, marqué votre passage - je tiens à le dire, par honnêteté
intellectuelle - par certains progrès, et le Parlement, y compris, bien sûr, le
Sénat, y a contribué, en matière d'archéologie, de musées, de mécénat et de
protection des trésors nationaux. La question sensible du prêt de livres et du
droit d'auteur a progressé. Tout cela, je le reconnais et le rappelle
volontiers.
Le cinéma français ne se porte pas mal : le directeur du Centre national de la
cinématographie, le CNC, s'inquiète même, pour l'alimentation du compte de
soutien, de voir baisser la productivité du film américain sur notre marché.
C'est un comble !
En tout cas, le cinéma se porte mieux que l'art contemporain français, pour
lequel, hélas ! la reconnaissance internationale reste limitée, à en juger par
les analyses du rapport que le ministre des affaires étrangères a commandé à M.
Alain Quemin et par les chiffres qu'il représente dans les ventes d'art
contemporain aux enchères, chiffres figurant dans mon rapport écrit.
Mais, aujourd'hui, mon rôle est plus ingrat. J'en viens donc aux questions.
La première peut paraître ancillaire par rapport aux grands enjeux de la
politique culturelle. Elle est pourtant essentielle. Où en est le ministère de
la culture dans la mise en place des instruments de connaissance des coûts ?
Cette question est d'autant plus intéressante pour le Parlement que la nouvelle
loi organique sur les lois de finances impose, d'ici à 2006, une définition des
missions associée à des indicateurs de résultats.
Il semble, en dépit de la bonne volonté affichée par les services, que nous
soyons loin de disposer des outils indispensables. Cela est d'autant plus
gênant que l'action du ministère est éparpillée entre de nombreux
établissements, qu'elle repose sur une très large pratique des subventions et,
surtout, que la déconcentration est très avancée au niveau des directions
régionales des affaires culturelles, les DRAC, ce qu'on ne saurait en principe
regretter. Encore faut-il que l'information remonte. Or après plusieurs
exercices passés à poser les mêmes questions, j'ai le sentiment de toujours
recevoir les mêmes réponses : « On se prépare activement à ... » ; « Tel
logiciel sera opérationnel dès l'année
x
... ».
En ce qui concerne les grands établissements culturels, il semble que seule la
Comédie française dispose d'une véritable comptabilité analytique. Rien de tel
au Louvre ou à la Bibliothèque nationale de France, dans le budget desquels on
s'apprête enfin - c'est, il est vrai, un préalable - à intégrer les
fonctionnaires affectés par le ministère de la culture.
La Réunion des musées nationaux devrait disposer d'un nouveau logiciel
comptable en 2002 pour remplacer Jade. Mais, pour le moment, ce n'est pas sans
difficulté que votre rapporteur spécial a obtenu de cet organisme un tableau
des résultats des diverses expositions dans les galeries nationales du Grand
Palais pour le dernier exercice connu, sans que ce dernier ait cru bon, compte
tenu des difficultés que cela semble soulever, de s'intéresser aux années
antérieures. Or, on sait que, si la Réunion des musées nationaux ne peut guère
dégager de crédits d'acquisition substantiels - 51,3 millions de francs, soit
7,82 millons d'euros - c'est à la difficulté croissante d'équilibrer ses
dépenses dans le secteur des expositions qu'elle le doit, par suite de
l'abondance de l'offre culturelle - faut-il s'en plaindre ? - et de la
politique de plus en plus indépendante, en la matière, des grands
établissements. Faut-il s'en étonner ?
On parle d'un « observatoire du spectacle vivant » qui permettrait de répondre
aux questions de la Cour des comptes, laquelle relève que « l'administration ne
dispose pas d'une synthèse des comptes des compagnies, ni des données
nécessaires pour suivre régulièrement la programmation et la préparation ».
Quel est, par exemple, le nombre de spectateurs payants par représentation ?
Cet observatoire sera-t-il mis en place ?
Plus important encore : quand le logiciel informatique Quadrille, destiné à
suivre l'usage des crédits déconcentrés dans les DRAC, fonctionnera-t-il enfin
sur l'ensemble du territoire ?
Les deux questions suivantes portent sur les emplois. Elles sont connexes et
semblent recouvrir un même et inquiétant phénomène : l'impossibilité pour
l'administration de la culture de régler le problème des effectifs, problème
qui entretient une insatisfaction perpétuelle, avec des grèves à répétition.
Les abonnés à l'Opéra de Paris trouvent ainsi rideau baissé, et les visiteurs
de nos musées, souvent venus de fort loin, porte close.
Aux grèves de 1998 et 1999, qui ont justifié le plan de résorption de l'emploi
précaire, ont succédé celles de 2000 et surtout de 2001, provoquées par les
négociations sur l'aménagement et la réduction du temps de travail. On a même
vu, phénomène inédit, la pyramide du Louvre cadenassée par des « agents en
colère », suivant l'expression consacrée. Le centre Pompidou a été bloqué
pendant trois bonnes semaines ; il entre tout juste en convalescence.
Or, quand on regarde les chiffres communiqués par votre administration, on ne
peut manquer d'être surpris par deux faits.
Pour l'emploi précaire, tout se passe comme si, chaque année, il fallait
stabiliser de nouveaux agents. Le nombre d'agents « stabilisables » était de 1
104 à la fin de l'année 1996, ainsi qu'en atteste le « bilan des plans de
résorption engagés depuis 1995 par le ministère de la culture, établi au 31
décembre 2000 ». Mais les « perspectives de stabilisation dans le cadre du
dispositif Sapin » évaluent encore à 1 270 le nombre d'agents non titulaires
éligibles à cette même date. Chaque année, 250 à 300 emplois sont créés à ce
titre ; 235 sont demandés pour 2002. De nombreuses circulaires interdisent
pourtant la satisfaction des besoins permanents par les vacations.
Seraient-elles sans effet ?
L'affaire des 35 heures incite à des réflexions tout aussi moroses. Les
orientations fixées par le Gouvernement pour l'application des 35 heures dans
la fonction publique tablent sur une durée annuelle de travail effectif de 1
600 heures. La moyenne, pour l'ensemble du ministère, est de 1 724 heures.
D'ores et déjà, les temps de travail sont inférieurs, au ministère de la
culture, pour les emplois postés ; pour les agents de sécurité, cette durée va
de 1 302 heures pour le Louvre à 1 539 heures au centre Pompidou ; les
personnels de surveillance et d'accueil font 1 510 heures au centre Pompidou, 1
530 heures à Orsay, 1 560 heures à Versailles, 1 558 heures dans les monuments
nationaux. Belle diversité !
Les personnels administratifs ou de service, dans les établissements
d'enseignement, assurent tous moins de 1 600 heures, à l'exception de ceux de
l'Ecole du Louvre, qui accomplissent 1 643 heures. Ces chiffres, en principe,
ne devraient rien laisser à négocier, sinon la consolidation d'avantages
différentiels. La semaine Malraux, la journée du ministre, seraient-elles
éternelles ? Faut-il continuer à diminuer le nombre d'heures de travail sous
prétexte que les avantages d'autres agents de la fonction publique risquent de
combler l'avance prise naguère ?
J'en viens à ma question sur les crédits du patrimoine. Je ne reviendrai pas
sur le fond de tableau : 40 000 monuments sont, en principe, protégés en
France, dont 35 % sont classés et 65 % inscrits. La moitié de ces monuments est
privée, l'autre publique, dont 45 % appartenant aux collectivités locales ; en
outre, 500 monuments en péril risquent de disparaître, et 4 000 sont en état
défectueux. Les crédits d'entretien des monuments appartenant à l'Etat sont
globalement de 10,5 millions d'euros, en augmentation, certes, depuis cinq ans,
mais ne représentant pour 2 000 qu'une moyenne de 250 000 francs - c'est une
image - pour les quatre-vingt-sept cathédrales.
Tout cela est bien connu, mais, ce qui apparaît de plus en plus, c'est la
constance et l'importance de ces reports de crédits et, sans vouloir enfler la
voix, un certain cynisme du Gouvernement et de l'administration devant cette
situation.
Tout se passe comme si votre département ministériel - comme d'autres, mais
peut-être plus que d'autres - suivait une stratégie en trois temps. Premier
temps : l'annonce d'autorisations de programme permet d'affirmer que des
projets importants sont financés. Deuxième temps : l'utilisation des crédits de
paiement est reportée d'un an, deux ans, trois ans. Troisième temps : ces
crédits sont recyclés à d'autres fins.
Le processus est aisément repérable pour les grands projets, tels que le Grand
Palais ou le regroupement de vos services dans l'immeuble dit des «
Bons-Enfants ». On en parle depuis 1988, mais les premiers appels d'offres
viennent seulement d'être dépouillés. Les crédits de paiement afférents à
l'enveloppe de 56,1 millions d'euros, soit 367,9 millions de francs
d'autorisations de paiement, sont mis en réserve.
Le report a des raisons techniques, ne serait-ce que l'existence d'un goulot
d'étranglement dû au petit nombre d'entreprises spécialisées. A supposer qu'il
convienne de garder les autorisations de programme à leur niveau, en tant que
signal politique, on peut cependant se demander pourquoi le ministère ne
procède pas à une révision de l'échelonnement des crédits de paiement. La clé
25/30/30/15 est manifestement inadaptée. Avez-vous l'intention de la revoir,
madame la ministre.
A moins que votre département ne se satisfasse de cette situation ! Dans le
dossier de presse qu'il a distribué pour 2002, ne lit-on pas, concernant votre
cher titre IV : « Au-delà des mesures nouvelles obtenues - 58,69 millions
d'euros, soit 385,68 millions de francs - affectées principalement au titre IV
et aux subventions aux établissements publics, le ministère de la culture a
obtenu la possibilité de redéployer près de 350 millions de francs de crédits
de paiement non mobilisés » qui permettent de financer la progression des
dépenses de personnel, le fonctionnement et les dépenses d'investissement - on
se demande bien lesquelles ! Parmi ces crédits de paiement inutilisés figurent
ceux qui sont consacrés aux conséquences de la tempête dans la loi de finances
rectificative pour 2000.
Ainsi auraient été « mobilisés » au profit du présent immédiat des crédits
immobilisés du chapitre 52-20 « patrimoine monumental », pour 238,8 millions de
francs, soit 36,40 millions d'euros, et du chapitre 66-91 « autres équipements
».
Tout est ratifié par le secrétaire d'Etat au budget, dans le cadre d'un
contrat de gestion, conclu au printemps 1999, reconduit et amplifié en 2000,
puis en 2001. L'année démarre en effet sur 259 millions d'euros, soit 1 700
millions de francs, de reports possibles, et les crédits qui seront mis en
réserve s'élèvent à 610 millions de francs, la différence étant promise à
l'annulation.
Les crédits de paiement ainsi réaffectés ne devront-ils pas cependant être un
jour rendus à leur destination initiale après avoir été dépensés ailleurs ? Je
ne voudrais pas être désagréable, mais cela s'apparente à de la cavalerie
budgétaire et fait bon marché de l'autorisation parlementaire comme de la loi
organique relative aux lois de finances que nous avons votée en grande pompe
l'été dernier. Je ne veux pas croire qu'il s'agit là d'une volonté politique
délibérée, mais peut-être avez-vous cédé aux tentations du démon de Bercy en «
détournant » - veuillez m'excuser, le mot est trop fort - 380 millions de
francs, soit 57,93 millions d'euros, du patrimoine vers les spectacles vivants
? Pouvez-vous, madame la ministre, prendre l'engagement de renoncer à l'avenir
à de tels jeux d'écritures ?
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et
de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à Mme le ministre.
Mme Catherine Tasca,
ministre de la culture et de la communication.
Monsieur le président,
mesdames, messieurs les sénateurs, le débat s'organise aujourd'hui suivant la
nouvelle procédure, construite autour de questions précises, afin d'éviter,
selon les termes de M. le président de la commission des finances, les «
grandes fresques ».
En conséquence, je ne répondrai pas aux questions qui ne me sont pas posées
(sourires)
et plusieurs volets du budget de la culture ne seront pas
abordés ici, ce qui, bien sûr, ne doit pas être interprété comme de
l'indifférence de la part du Gouvernement à leur égard, d'autant que nous les
avons souvent évoqués en commission, qu'il s'agisse de la langue française, des
archives - domaine dans lequel le Gouvernement vient d'annoncer des
initiatives importantes - ou de l'architecture.
Nous nous sommes efforcés par ailleurs, M. Duffour et moi-même, de nous
partager les sujets. Ainsi, si vous le voulez bien, monsieur le rapporteur
spécial, c'est M. Duffour qui répondra ultérieurement à vos questions relatives
au patrimoine.
A propos de la modernisation du ministère, vous avez, monsieur le rapporteur
spécial, posé trois questions.
S'agissant, premièrement, des instruments de mesure comptable, je crois
sincèrement que la mise en service du système informatique Quadrille au 1er
janvier 2002 constitue un progrès pour notre administration centrale et ses
services déconcentrés. C'est même un progrès considérable, en particulier pour
le suivi de la consommation des crédits par les directions régionales des
affaires culturelles, les DRAC.
S'agissant, deuxièmement, de l'emploi précaire dans le ministère, le projet de
budget pour 2002 permet de « stabiliser » 200 postes. C'est le prolongement du
plan sur quatre ans qui a été engagé par Mme Trautmann pour mettre en oeuvre la
loi Sapin. Dans le même esprit, des circulaires prescrivant de ne recourir
qu'aux emplois précaires strictement nécessaires ont été publiées.
S'agissant, troisièmement, de l'aménagement et la réduction du temps de
travail, le conflit social est terminé. Je viens de signer la circulaire
appliquant la réduction du temps de travail au ministère. Les négociations sont
en cours sur le plan local et elles devront être achevées le 20 décembre. Nous
compensons, et c'est légitime, les pénibilités réelles, comme le travail un
week-end sur deux, sujétion qui est une réalité dans nos établissements
culturels et qui nous a paru mériter d'être reconnue comme telle.
Même si le fameux « 1 % » n'a pas fait l'objet d'une question de votre part,
monsieur le rapporteur spécial, vous l'avez mentionné, en relevant que le
projet de budget atteignait un objectif ancien.
Vous avez ajouté qu'il faudrait surtout apprécier les résultats tirés de
l'exécution budgétaire, qui, dans le passé, ont souvent été en retrait du fait
de la difficulté rencontrée pour consommer les crédits d'investissement.
Je suis tentée de vous demander, monsieur Gaillard, s'il serait possible que
nous défendions le « 1 % » non plus comme une frontière mythique mais comme la
concrétisation bienvenue d'un objectif. Ce serait une étape supplémentaire sur
un chemin qu'il faudra poursuivre, car les besoins de la culture demeureront
très importants, et l'Etat a, dans ce domaine, un rôle spécifique
incontournable.
Pour ma part, je me réjouis que le projet de budget pour 2002 acte ait franchi
cette étape.
Vous critiquez les redéploiements de crédits de paiement inutilisés. C'est un
procédé dans lequel vous lisez tantôt une nouvelle forme de régulation
budgétaire déguisée, tantôt une « entorse aux principes fondateurs de notre
constitution financière ». Rien de moins !
Je considère au contraire plus respectueux de la procédure budgétaire
d'inscrire dans le projet de budget des crédits pouvant réellement être
dépensés plutôt que des crédits destinés à être reportés. Aurions-nous dû
modifier les clés techniques de calcul des crédits de paiement ? Vous le savez,
monsieur le rapporteur, car vous connaissez parfaitement ce sujet, l'ensemble
du système doit être revu dans la perspective ouverte par la nouvelle loi
organique qui vient d'être votée par les deux assemblées.
L'essentiel réside en réalité dans la capacité d'investissement, que ce projet
de budget maintient intacte.
Certes, les crédits sont en léger retrait par rapport à 2001, mais ils sont,
je le souligne, en très forte progression par rapport à 1997 : plus 25 % par
rapport à la loi de finances initiale pour 1997, et même plus 60 % par rapport
à la loi de finances rectifiée pour cet exercice.
Nous avons restauré la capacité du ministère de la culture à investir, et à
mener de grandes opérations, souvent en partenariat avec les collectivités
locales, comme le montre la progression régulière de la part des crédits
destinés aux régions dans l'ensemble des crédits du ministère. C'est aussi un
élément de l'évolution de la gestion de notre maison.
Le projet de budget pour 2002 situe les crédits d'investissement au niveau de
la moyenne des trois dernières années, en autorisations de programme ou en
crédits de paiement. Cela signifie en réalité une consolidation à un niveau
élevé, compatible avec la poursuite de plusieurs projets d'ampleur. Je pense à
l'aménagement des Bons-Enfants pour reloger le ministère, au musée du quai
Branly, au Grand Palais, au centre de Bercy pour le cinéma, ou encore au musée
des civilisations de l'Europe et de la Méditerranée, qui sera installé à
Marseille.
Ainsi, on ne saurait prétendre que l'investissement est sacrifié au profit de
priorités que vous qualifiez de priorités à court terme. Comment soutenir
d'ailleurs que la création vivante ne vise que le court terme ? Là où d'aucuns
semblent voir des crédits distribués à des « cigales » qui chantent et dansent,
cigales pour lesquelles, c'est vrai, j'affiche ma sympathie, moi, je vois une
vraie responsabilité de l'Etat et les moyens indispensables pour renouveler les
formes esthétiques, pour la recherche de nouveaux publics, pour la quête
d'émotions partagées qui font vivre nos cités.
Toutes les études réalisées sur l'efficacité économique de la dépense
culturelle prouvent à quel point celle-ci est efficace en termes de
développement de notre territoire, même si, pour ma part, je ne considère pas,
loin s'en faut, que ce type d'évaluation puisse fonder une politique
culturelle. Mais au moins devrait-elle mettre un terme à certaines
interrogations sur l'utilité de la dépense culturelle.
Point de court terme donc dans l'aide à la création vivante, au contraire : à
mon sens, c'est un investissement d'avenir pour notre pays, comme l'est
l'effort - longtemps attendu - consenti en faveur des enseignements et de
l'éducation artistique à l'école. Toutes les dépenses éducatives - qui relèvent
du fonctionnement - ont, à l'évidence, une visée à long terme et constituent un
investissement pour la culture.
Je suis heureuse qu'avec le ministre de l'éducation nationale nous ayons pu
enclencher un plan ambitieux d'éducation artistique à l'école - encore une
dépense de fonctionnement. La forte progression des crédits prévus à ce titre
dans le projet de budget pour 2002 n'est qu'une étape. Je crois que le
mouvement est lancé et recueille l'assentiment de nos concitoyens.
D'une manière générale, je ne souhaiterais pas que nous examinions ce projet
de budget en confrontant la pierre et le vivant, le long terme et le court
terme.
Les grands équipements, une fois construits, ont besoin de crédits de
fonctionnement pour remplir leurs missions.
C'est ce que j'ai à nouveau ressenti dimanche dernier, à Bourges, dans la
maison de la culture imaginée par André Malraux en 1964. Depuis lors, son
rayonnement dépend des équipes de permanents, artistes ou techniciens, qui ont
su, là comme ailleurs, se renouveler, mais qui, là comme ailleurs, ont besoin
d'un soutien public suffisant et durable.
(Applaudissements sur les travées
socialistes et sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président.
La parole est à M. Nachbar, rapporteur pour avis.
M. Philippe Nachbar,
rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles.
Madame la
ministre, j'analyserai d'abord le budget du ministère de la culture sous une
approche globale avant d'en examiner les priorités. J'émaillerai les remarques
que je ferai des différentes questions que je souhaite, au nom de la commission
des affaires culturelles, vous poser.
En 2002, le projet de budget de votre ministère progressera à un rythme
incontestablement supérieur à celui des dépenses de l'Etat puisqu'il sera de
2,08 %, ce qui lui permet d'atteindre 1 % du budget de l'Etat, pourcentage à la
hauteur duquel il se situe régulièrement.
Pas plus que M. le rapporteur spécial, je n'attache d'importance particulière
à ce « 1 % », car - et ce sera ma première remarque - la pratique des contrats
de gestion mis en place avec le ministère des finances atténue singulièrement
sa portée. Ainsi, en 2001, c'est 13,8 % des crédits de votre ministère qui ont
fait l'objet de mesures de mise en réserve. C'est dire à quel point - j'y
reviendrai dans un instant - la portée du contrôle qu'exerce le Parlement sur
l'emploi des crédits de votre ministère est ainsi remise en cause.
Si l'on procède à l'analyse globale de votre projet de budget, nous constatons
- c'est le point sur lequel j'insisterai - que, à la différence de l'exercice
2001, au cours duquel l'accroissement des moyens du ministère avait été
équitablement réparti entre dépenses ordinaires et dépenses d'investissement,
l'effort dégagé en 2002 profitera essentiellement aux dépenses ordinaires, qui
progressent de 3,9 %, et, notamment, aux dépenses d'interventions - ce qui en
soit n'est pas critiquable - alors que les dépenses d'investissement reculeront
de 4,6 %.
L'augmentation des dépenses ordinaires permet tout d'abord - et je m'en
félicite - de renforcer les moyens en personnels du ministère. En matière de
dépenses publiques, il ne faut pas avoir de positions de principe mais être
d'un pragmatisme à toute épreuve. Pour que votre ministère puisse faire face
aux missions culturelles que l'Etat lui a confiées, il est essentiel que les
services, directement, et les institutions, indirectement, puissent fonctionner
dans des conditions satisfaisantes.
A cet égard, je ne peux que me féliciter des mesures de résorption de la
précarité qui, cette année comme les années précédentes, permettront de
restaurer un dialogue social indispensable dans votre ministère si l'on veut
éviter à ses institutions les aléas qu'elles ont traversés ces derniers
mois.
Je m'apprêtais à ce propos à vous interroger sur l'aménagement de la réduction
du temps de travail et les difficiles négociations auxquelles elle a donné
lieu, mais vous avez par avance répondu à mes questions.
Je veux également souligner l'insuffisance des postes dont disposent les DRAC.
Chaque budget renforce la déconcentration des crédits qui leur sont affectés
et, pourtant, ils restent insuffisants pour permettre aux DRAC d'établir un
partenariat efficace avec les collectivités locales.
Je remarque également l'importance du poids des établissements publics dans
votre projet de budget. Les subventions de fonctionnement progressant de 2,4 %,
ces établissements représentent désormais 33 % de celui-ci.
Ce chiffre n'est pas en lui-même critiquable. Nous nous étions d'ailleurs
félicités l'an dernier de la création du musée du quai Branly et du Centre
national de la danse. Je me réjouis cette année de voir apparaître deux
nouveaux établissements publics, l'Institut national de l'histoire de l'art -
que le Sénat, d'ailleurs, dans le cadre de la mission d'enquête sur la
Bibliothèque nationale de France, avait pu examiner de près - et d'un
établissement national de recherche et d'archéologie préventive, qui est la
conséquence du vote de la loi relative à l'archéologie préventive.
Il n'en reste pas moins que la nécessaire réflexion sur les coûts
qu'entraînera le fonctionnement de chacun de ces établissements publics
nouveaux n'a pas été engagée. C'est ainsi que, d'emplois précaires en
évaluation sommaire, on en arrive à des situations telles que celles que j'ai
déplorées voilà un instant.
Ne croyez-vous pas, madame la ministre, qu'il est indispensable que soient
estimés les coûts de fonctionnement, en « vitesse de croisière », des nouveaux
établissements ?
J'observe par ailleurs une progression des crédits du titre IV, avec une
augmentation de 5 % des dépenses d'intervention. Là encore, le chiffre n'est
pas en lui-même critiquable. Ce qui l'est, en revanche, et M. le rapporteur
spécial l'a indiqué tout à l'heure, c'est l'impossibilité d'exercer un
véritable contrôle sur la ventilation de ces crédits, compte tenu de la
nomenclature adoptée.
En outre, la déconcentration, dont le Sénat s'est félicité, limite elle aussi,
cependant, la portée du contrôle parlementaire, puisque nous n'avons pas les
moyens de vérifier dans quelle mesure le budget voté par le Parlement est
exécuté. Pour le seul titre IV, 69 % des crédits seront ainsi déconcentrés en
2002.
En ce qui concerne les dépenses d'investissement, celles-ci seront réduites à
la portion congrue en 2002 ; par rapport à 2001, les autorisations de programme
diminuent de 5,5 % et les crédits de paiement de 4,6 %. J'y reviendrai dans le
détail tout à l'heure, lors de l'examen de la politique des musées et du
patrimoine, mais il n'en reste pas moins que, de façon très globale, les masses
ne sont pas satisfaisantes, puisque le déséquilibre s'accentue entre, d'une
part, l'investissement et, d'autre part, le fonctionnement.
Après cette analyse d'ensemble des grandes masses de votre projet de budget,
madame la ministre, j'en viens maintenant à l'examen de deux priorités
manifestes qu'il traduit : le spectacle vivant et l'éducation artistique. Les
deux me paraissent indissociablement liées, car l'on n'imaginerait pas un
accroissement des crédits consacrés à la création sans un effort de
démocratisation.
En ce qui concerne la démocratisation culturelle, puisque nous avons pu
constater l'échec, que je ne peux que déplorer, des mesures tarifaires qui
auraient pu être un moyen privilégié de satisfaire à cette ardente obligation,
je dois souligner l'importance des dispositions tendant à assurer l'égal accès
de tous, notamment des jeunes, à la culture, tout particulièrement à la
création.
J'évoquerai à cet égard un point positif et un point négatif.
Le point positif concerne le renforcement du partenariat avec le ministère de
l'éducation nationale, au travers d'outils tels que le jumelage, les ateliers
artistiques et les classes culturelles.
Le point négatif réside dans l'insuffisance du soutien apporté par l'Etat aux
établissements relevant des collectivités territoriales, tels que les
conservatoires nationaux de région ou les écoles nationales de musique et de
danse.
Au regard de ce constat, que comptez-vous faire, madame la ministre, pour
renforcer le soutien que vos services peuvent apporter aux collectivités
territoriales dans ce domaine ?
Je voudrais d'ailleurs souligner, devant le Sénat, l'importance de l'apport
des collectivités territoriales à la politique culturelle de la France. Sur ce
point, le dernier chiffre dont nous disposons date de 1996 : cette année-là, 51
milliards de francs avaient été consacrés par les collectivités territoriales à
la politique culturelle, alors que 14 milliards de francs sont inscrits à ce
titre au projet de budget pour 2002. La commission des affaires culturelles du
Sénat demande instamment, madame la ministre, qu'il soit procédé à une
évaluation de l'effort consenti par les collectivités territoriales dans le
domaine de la culture pour les années postérieures à 1996. Les résultats d'une
telle étude seraient fort intéressants.
En contrepoint des deux priorités que j'ai évoquées, ce projet de budget, qui
mêle motifs de satisfaction et sujets d'inquiétude, comporte deux zones
d'ombre.
Une première zone d'ombre a trait à l'évolution des crédits consacrés au
patrimoine monumental.
Les crédits d'investissement sont très inégalement répartis. Ainsi, les
autorisations de programme destinées aux monuments appartenant à l'Etat
progressent de 5,7 %, en raison notamment de l'importance des opérations
parisiennes, tandis que les crédits affectés au financement de travaux sur des
monuments n'appartenant pas à l'Etat sont reconduits en francs courants, ce qui
équivaut à une diminution. Celle-ci est d'autant plus regrettable que, d'une
part, les intempéries du printemps dernier ont eu des conséquences
catastrophiques dans certaines régions, en particulier les Pays de la Loire et
le Centre, et que, d'autre part, les crédits de paiement font l'objet d'une
sous-consommation, que nous avons constatée tout à l'heure.
Je voudrais également vous interroger, madame la ministre, sur la suppression
de la ligne de crédits consacrée à ce que l'on appelle le patrimoine rural non
protégé. J'avais déploré, l'an dernier, le montant très insuffisant de ces
crédits, qui s'élevait à 35 millions de francs. Or cette ligne ne figure plus
dans le projet de budget pour 2002. Faut-il croire que le petit patrimoine
rural, entretenu dans une très large mesure par les communes et les
départements, ne fera plus l'objet d'un soutien du ministère ? Ce serait
d'autant plus regrettable que la Fondation du patrimoine, qui a été créée à
cette fin, ne me paraît pas être financée comme elle devrait l'être par le
ministère de la culture. J'aimerais d'ailleurs savoir, à ce propos, dans
quelles conditions sera relogée cette fondation, qui a été invitée à quitter le
Palais de Chaillot dès l'année prochaine, en raison de travaux programmés. Je
rappelle, madame la ministre, que le texte fondateur de cette institution
énonce que l'Etat a l'obligation de la reloger.
Une seconde zone d'ombre concerne les musées, qui font à l'évidence figure de
parents pauvres dans ce projet de budget. Les moyens de fonctionnement
progressent, c'est incontestable, puisque les dotations augmentent de 2,35 %
pour les établissements publics et de 3 % pour les autres, mais les subventions
d'équipement sont reconduites en francs courants et les investissements
diminuent de 30,53 %, ce qui est évidemment alarmant.
La modestie de ces crédits est très préoccupante, puisqu'ils ne permettront
pas de faire face aux besoins tant des grands musées, pour renouveler et
entretenir des équipements coûteux, que des musées plus modestes, dont les
conditions de fonctionnement mettent en péril, dans bien des cas, l'intégrité
des collections.
S'agissant des moyens d'acquisition, ils ne traduisent pas, madame la
ministre, la volonté que vous avez exprimée lors de l'examen par le Parlement
du projet de loi relatif aux musées de France. Ainsi, l'enveloppe du Fonds du
patrimoine augmente très peu, et la Réunion des musées nationaux, que je
n'évoquerai ici que pour mémoire, aura du mal à assumer ses missions, compte
tenu des difficultés qu'elle rencontre. Quant au mécénat, il ne saurait
constituer la seule possibilité de renforcer notre patrimoine. Je m'étonne,
enfin, de la modeste progression des dotations consacrées aux musées classés et
contrôlés, les futurs « musées de France ».
Ma dernière question sera la suivante : dans ces conditions, comment l'Etat
pourra-t-il exercer le contrôle scientifique et technique prévu par la loi et
comment les contraintes imposées aux musées seront-elles compensées ?
En conclusion, votre projet de budget, madame la ministre, comporte des
éléments positifs, que j'ai soulignés, mais aussi des éléments négatifs. C'est
la raison pour laquelle la commission des affaires culturelles du Sénat a
décidé de s'en remettre à la sagesse du Sénat sur le vote de ses crédits.
(Applaudissements sur les travées du RPR.)
M. le président.
La parole est à M. le président de la commission des affaires culturelles, en
remplacement de M. Vidal, rapporteur pour avis.
M. Jacques Valade,
président de la commission des affaires culturelles, en remplacement de M.
Vidal, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles pour le
cinéma et le théâtre dramatique.
Monsieur le président, madame la
ministre, mes chers collègues, M. Vidal se trouvant dans l'incapacité, pour
raisons de santé, d'intervenir devant vous, je me substituerai à lui pour
présenter les conclusions de son rapport pour avis, rédigé au nom de la
commission des affaires culturelles.
Le cinéma et le théâtre dramatique concourent également à promouvoir la
création, qui constitue l'une des priorités du projet de budget de la culture
pour 2002.
J'évoquerai tout d'abord les crédits du cinéma. Avant de me livrer à une
analyse financière, je dresserai un rapide bilan de la situation de ce secteur,
qui connaît une incontestable embellie.
Si certains signes avant-coureurs nous permettaient d'espérer la poursuite du
redressement, l'année 2000 et les premiers résultats connus pour 2001 nous ont
aussi réservé de bonnes surprises. Après le léger fléchissement enregistré en
1999, les entrées ont progressé en 2000 de 8,1 %, pour représenter 166 millions
de spectateurs. Cette tendance, qui devrait se confirmer en 2001 et sans doute
en 2002, s'explique par la qualité de l'offre, ainsi que par le dynamisme du
secteur de l'exploitation : les multiplexes, mais aussi le succès des cartes
d'abonnement, ont eu un effet très positif.
La production nationale continue à faire preuve de dynamisme : le nombre de
films produits se maintient à un niveau élevé. Par ailleurs, elle a encore
démontré ses capacités de renouvellement, comme en témoigne la part importante
des premiers et deuxièmes films.
En outre, et c'est un phénomène récent, elle renoue avec le succès et trouve
un nouveau public. En dépit d'une diminution de leur audience en 2000, les
productions françaises, au premier semestre de cette année, ont connu un
redressement spectaculaire de leurs parts de marché. Il s'agit là d'un signe
encourageant ; j'espère, madame la ministre, que vous pourrez nous indiquer
s'il s'est confirmé au cours des derniers mois.
Je me réjouirais que cette embellie concerne également l'exportation,
traditionnel point faible de notre cinéma, qui peine encore à franchir les
frontières, au-delà du succès que peuvent remporter quelques oeuvres. A cet
égard, je souhaiterais savoir si vous envisagez d'améliorer notre système
d'aide à l'exportation, qui reste encore disparate et relativement peu
efficace. En ce domaine, les dispositifs de soutien mis en place dans le cadre
européen constituent sans doute une solution qu'il convient d'approfondir.
Le budget du cinéma s'établit pour 2002 à 281,54 millions d'euros, en
augmentation de 3,06 % par rapport à 2001. Cette progression est
essentiellement imputable à la croissance du produit de la taxe sur les places
de cinéma, sous l'effet des bons résultats obtenus en termes de fréquentation.
Cette situation n'est pas sans conséquence sur les dispositifs de soutien,
puisque, par l'effet mécanique des barèmes, la part du soutien automatique
progresse au détriment du soutien sélectif. Si des ajustements ont été trouvés
afin d'équilibrer la gestion des aides, de quelles marges de manoeuvre
disposera le Centre national de la cinématographie pour mener à bien les
réformes entreprises au bénéfice du court métrage et du cinéma d'art et d'essai
et pour mettre en oeuvre les nouveaux dispositifs d'aide à l'écriture ?
La progression des crédits du ministère consacrés au cinéma, qui atteindront
46,79 millions d'euros en 2002, demeure modeste, puisqu'elle se limite à 1,4 %.
Ce chiffre global recouvre des évolutions contrastées, puisque, si les dépenses
d'intervention affectées au Centre national de la cinématographie augmentent de
manière significative, à hauteur de 6,9 %, les dépenses d'investissement
diminuent de 17,5 %.
Je me félicite des progrès réalisés dans la mise en oeuvre du projet de «
maison du cinéma », désormais dénommé « 51, rue de Bercy ». Après bien des
péripéties, il semble que ce projet verra le jour en 2003.
La création de cette nouvelle institution correspond à une préoccupation
légitime : la valorisation de notre patrimoine cinématographique, dont la
richesse demeure encore peu exploitée. Alors qu'elle a nécessité d'importants
investissements, il serait regrettable que le fonctionnement ne puisse être
assuré dans de bonnes conditions. Le statut de groupement d'intérêt public
est-il adapté à la conduite d'un programme culturel ambitieux ? De quels moyens
disposeront les différents partenaires - bibliothèque du film, Cinémathèque ou
service des archives du film - pour y contribuer, alors qu'ils se trouvent
aujourd'hui dans une situation financière précaire ?
Je vous ferai également part d'un regret, madame la ministre. Alors que le
projet de loi sur la démocratie de proximité prévoit d'assouplir les conditions
dans lesquelles les départements et les communes peuvent soutenir les salles,
pourquoi l'Etat ne consent-il pas un effort en faveur du développement régional
du cinéma ? Le partenariat Etat-collectivités territoriales constitue pourtant
un instrument indispensable pour préserver non seulement la diversité du
secteur de l'exploitation, mais aussi la répartition harmonieuse des salles sur
l'ensemble du territoire. A cet égard, la commission des affaires culturelles a
d'ailleurs décidé de créer une mission d'information sur le sujet.
J'évoquerai rapidement la question de l'adaptation des mécanismes de
régulation du cinéma, dont l'urgence est atténuée par le contexte favorable que
connaît le cinéma. Voilà un an, les cartes d'abonnement illimité suscitaient un
débat très vif, qui semble aujourd'hui apaisé, même si l'information en cette
matière, madame la ministre, n'est pas totalement accessible, puisque les
résultats de l'étude sur les possesseurs de carte ne sont pas encore publics.
Pourrez-vous nous apporter quelques éclaircissements à ce sujet ?
Pour autant, le dispositif d'encadrement inséré sur votre initiative, madame
la ministre, dans la loi sur les nouvelles régulations économiques n'est
toujours pas entré en vigueur, et les contentieux introduits devant le Conseil
de la concurrence ne sont pas encore tranchés.
La loi contraint les opérateurs qui mettent en place de telles formules à
offrir aux petits exploitants la possibilité de s'y associer en leur
garantissant une recette forfaitaire. Cette condition a l'avantage de limiter
les éventuelles conséquences négatives des abonnements sur l'exploitation
indépendante. Elle introduit, en revanche, une grande rigidité dans le calcul
économique sur lequel repose la rentabilité de la carte, et l'on peut
s'interroger sur les conséquences qu'elle pourrait avoir, à terme, sur
l'existence de ces formules, qui ont rencontré un grand succès auprès du public
et ont sans doute contribué à la croissance de la fréquentation. Disposez-vous,
madame la ministre, d'informations concernant l'influence de ces formules sur
le comportement des spectateurs et sur les choix économiques des exploitants
?
A l'avenir, il conviendra de se garder de légiférer dans la précipitation et
d'éviter de recourir, comme cela avait été le cas pour les multiplexes, à des
cavaliers budgétaires. Cela nous empêche de mesurer les conséquences des
décisions prises pour un secteur fragile.
J'en viens maintenant aux crédits du théâtre.
Le soutien au spectacle vivant constitue, de nouveau, une priorité du projet
de budget, priorité dont devraient profiter les institutions théâtrales. Nous
nous en réjouissons.
En 2002, les crédits de la direction chargée du spectacle vivant progressent
de 3,25 % à structure constante, pour atteindre 663,33 millions d'euros. Cette
progression profite principalement aux dépenses d'intervention, qui augmentent
de 7,07 %, tandis que les subventions aux établissements publics ne croissent
que modérément, à hauteur de 1,13 %, et que les investissements reculent de
15,29 %.
Au sein de ces différents types de dépenses, le théâtre dramatique apparaît
moins bien servi que d'autres disciplines plus contemporaines.
Les subventions de fonctionnement des théâtres nationaux ne progressent que
faiblement : 0,85 %. Seule la mesure d'économie résultant de la suppression du
tarif à cinquante francs le jeudi permettra d'accroître les moyens de ces
structures.
Pour les dépenses d'intervention, la progression de 2,8 % des crédits destinés
aux centres dramatiques nationaux permettra d'accompagner la réforme des
contrats de décentralisation. Les scènes nationales bénéficieront d'un effort
spécifique, avec 7 millions de francs de mesures nouvelles. Les compagnies
dramatiques, dont les modalités de soutien ont été actualisées, bénéficieront
d'environ 1,98 million d'euros de mesures nouvelles ; leurs subventions
s'élevaient en 2001 à 28,57 millions d'euros. Je relèverai également le
maintien à un niveau élevé du soutien apporté par le ministère de la culture au
théâtre privé.
Ces moyens nouveaux permettent de poursuivre la politique entreprise au cours
des exercices précédents pour restaurer l'équilibre financier des institutions
de la décentralisation théâtrale, menacé par des charges de personnel qui vont
en s'alourdissant.
Ces mesures ne peuvent toutefois se justifier que si elles s'accompagnent d'un
effort de démocratisation. Les mesures tarifaires ont montré leurs limites.
Vous avez, à juste titre, fait de l'éducation artistique une priorité de votre
action en 2002. Quelles seront les mesures prises en faveur de l'enseignement
du théâtre, qui reste le parent pauvre des dispositifs mis en place en ce
domaine ?
Les dépenses d'investissement, sous l'effet de la diminution des autorisations
de programme destinées à financer les travaux du théâtre de l'Odéon, reculent.
Cependant, l'enveloppe des opérations portant sur des structures ne relevant
pas de l'Etat demeure fixée au même niveau qu'en 2001. Au-delà de cette donnée
d'ensemble, il nous serait utile de disposer d'informations sur l'utilisation
de ces crédits indispensables à la vitalité de la création dramatique en
régions.
Telles sont quelques-unes des observations formulées par M. le rapporteur pour
avis.
Compte tenu de la volonté d'encourager la diversité de la création tout en
assurant l'égal accès de tous à la culture, la commission des affaires
culturelles a fait sienne la proposition de son rapporteur pour avis, M. Marcel
Vidal, d'émettre un avis favorable sur l'adoption des crédits du cinéma et du
théâtre dramatique pour 2002.
(Applaudissements sur les travées du
RPR.)
M. le président.
La parole est à Mme le ministre.
Mme Catherine Tasca,
ministre de la culture et de la communication.
Avec la permission de M.
Philippe Nachbar, je répondrai d'abord au rapport de M. Vidal, présenté par le
président Vallade, pour faciliter le relais avec M. le secrétaire d'Etat.
Le cinéma a été longuement traité dans le rapport de M. Vidal. Il est
évidemment agréable d'évoquer ce sujet dans une conjoncture particulièrement «
porteuse », comme l'on dit, éminemment positive pour la cinématographie
française. Je souhaite évidemment un prompt rétablissement à M. Vidal. Je sais
tout l'intérêt qu'il porte à ce dossier.
La part du marché du film français a en effet atteint un nouveau record de
42,5 % sur les neuf premiers mois de cette année, à comparer avec les 30 %
atteints en l'an 2000 sur la même période. En outre, 90 % des spectateurs se
déclarent satisfaits après avoir vu un film français. Ces 42,5 %, et même la
moyenne des 30 %, traduisent la nette supériorité de la situation de la
cinématographie dans notre pays par rapport aux pays voisins et amis. On peut y
voir l'efficacité de la politique publique d'aide au cinéma et la qualité de
nos créateurs dans cette discipline.
Vous vous êtes préoccupé du système d'aide à l'exportation. L'aide à la
prospection va être modernisée dès la fin de ce mois. Un deuxième progrès est
accompli avec l'éligibilité, depuis le début de cette année, de la production
cinématographique à la procédure d'assurance-prospection de la COFACE.
Certaines entreprises ont déjà commencé d'en bénéficier. Il est clair que notre
ambition aujourd'hui est d'assurer une plus forte présence des films français
hors de nos frontières. De même, le Centre national de la cinématographie
s'emploie à mettre en oeuvre les réformes que nous avons décidé de mener à bien
cette année concernant le court-métrage, le cinéma d'art et d'essai, l'aide à
l'écriture, l'aide au scénario. Les crédits nécessaires sont prévus au compte
spécial dès ce projet de budget pour 2002.
Enfin, le projet de décret relatif à la régulation des cartes d'abonnement
illimité sera prochainement transmis pour avis au conseil de la concurrence. Je
ne possède pas, monsieur le rapporteur pour avis, d'étude complète sur l'effet
de ces cartes sur le comportement du public. Les seules informations que nous
détenons émanent des sociétés exploitantes qui ont elles-mêmes créé ces cartes.
Nous devons donc aller plus loin dans l'analyse. Il n'est pas très facile, dans
les résultats actuels de ces cartes, de faire le départ entre ce qui tient à la
conjoncture forte des films français et ce qui dépend de la mécanique
particulière de l'abonnement illimité. Nous manquons encore d'un peu de recul
et les analyses de la concurrence sur le bien-fondé de ces dispositifs nous
font encore défaut.
J'aborde le théâtre. Le rapport a souligné la forte progression des crédits du
titre IV, qui illustre évidemment la volonté du Gouvernement de faire de la
création vivante une véritable priorité, sans d'ailleurs nous limiter au
théâtre mais en embrassant l'ensemble des disciplines du spectacle vivant, au
premier rang desquelles la danse, sans oublier les arts de la rue, le cirque et
toutes les nouvelles formes d'expression.
Nos crédits d'intervention traduisent, je crois, le dynamisme et la diversité
de la création artistique ainsi que notre volonté de rééquilibrer l'effort
entre Paris et les régions, le titre IV étant très majoritairement déjà
déconcentré.
Les 160 millions de francs - 25 millions d'euros - de mesures nouvelles
représentent un effort sans précédent et le théâtre en bénéficie largement,
avec plus de 25 millions de francs. Nous aurons également accru le budget des
théâtres nationaux de 14,03 % depuis 1997 et l'ensemble des enseignements
artistiques dans le domaine du spectacle vivant fera l'objet de plus de 40
millions de francs de mesures nouvelles. Vous avez noté, à juste titre, que
c'est un axe fort de la politique du Gouvernement et du ministère de la culture
et de la communication.
J'en viens au rapport présenté par M. Nachbar. Comme il l'a dit lui-même, je
me suis exprimée sur plusieurs des points qu'il a évoqués lorsque j'ai répondu
à M. Gaillard, notamment en matière d'emploi, en ce qui concerne la mise en
oeuvre de l'ARTT et s'agissant de la résorption de l'emploi précaire.
Vous avez souligné une préoccupation, qui est aussi la mienne, en ce qui
concerne le renforcement des moyens en personnel du ministère. Pour 2002, j'ai
obtenu 350 emplois budgétaires nouveaux et près de 1 500 pour les
établissements publics, notamment pour le futur établissement de l'INRAP,
l'Institut national de recherche et d'archéologie préventive, qui va succéder à
l'AFAN, l'Association pour les fouilles archéologiques nationales. En outre,
sur ce point de la création d'emplois, nous avons ouvert des discussions avec
les syndicats de manière à mieux prévoir dans le temps les besoins en emplois.
C'est un travail que nous avons engagé dès la semaine dernière, à l'issue des
négociations sur l'ARTT. J'ai, en particulier, pour préoccupation de renforcer
les effectifs dans les DRAC, les directions régionales des affaires
culturelles, outil important de la mise en oeuvre concrète de notre politique
au contact des collectivités territoriales.
J'ai bien pris note de votre suggestion d'une enquête plus régulière sur les
dépenses dans les collectivités territoriales. Quant au suivi des dépenses en
DRAC, l'année 2002 marquera un progrès décisif, comme j'ai eu l'occasion de le
souligner. Je partage votre souci de mieux évaluer dans les établissements
publics nouveaux les besoins et la répartition des moyens. Cela fait aussi
partie de la concertation engagée avec les syndicats.
J'en viens aux musées. Les musées nationaux ne sont vraiment pas les parents
pauvres. Ils voient au contraire leurs moyens progresser, hors incidence du
projet de musée des Arts premiers.
En ce qui concerne le récolement, je viens de confier une mission à un
inspecteur général de mon ministère.
Enfin, pour la RMN, la Réunion des musées nationaux, le travail de
l'inspection générale des finances nous éclairera prochainement sur un problème
qui vous préoccupe, en particulier sur les moyens consacrés aux acquisitions.
J'ai demandé à la RMN, lorsque nous serons éclairés par le travail de
l'inspection, de consacrer une part plus grande de ses moyens aux acquisitions.
Je rappelle que, parallèlement, les mesures prises concernant les trésors
nationaux et les incitations fiscales aux entreprises contribueront à accroître
les moyens publics consacrés aux acquisitions.
Pour l'éducation artistique, je suis bien consciente que nous devons mieux
concevoir la répartition des tâches et la convergence des efforts entre l'Etat
et les collectivités territoriales. C'est pourquoi il s'agit de l'un des thèmes
retenus pour les nouveaux protocoles expérimentaux de décentralisation. Mon
collègue M. Duffour va maintenant évoquer cet aspect et répondre aux questions
concernant le patrimoine.
(Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe
communiste républicain et citoyen.)
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Michel Duffour,
secrétaire d'Etat au patrimoine et à la décentralisation culturelle.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, dans le temps qui
m'est imparti, je tenterai très brièvement d'apporter quelques précisions pour
rassurer MM. Gaillard et Nachbar, qui nous ont fait part de leurs inquiétudes
au sujet du patrimoine.
Notre politique ne sacrifie pas la pierre au bénéfice du spectacle vivant. Le
patrimoine, qui fait partie des priorités de notre projet de budget, bénéficie
d'une augmentation globale de 4,3 %.
D'une part, les autorisations de programme augmentent de 2,27 % pour
atteindre 178,96 millions d'euros. Nous poursuivons, bien sûr, les opérations
sur les grands monuments. Je pense aux cathédrales et pas uniquement aux
monuments parisiens. Nous pourrons en apporter la preuve si nous sommes
interrogés sur ce point au cours du débat.
A l'opposé d'un désengagement de l'Etat, le mouvement marqué de
déconcentration des crédits permettra aux directions régionales des affaires
culturelles, les DRAC, qui recevront une enveloppe globalisée, de prendre des
arbitrages adaptés aux nécessités locales et de développer la
contractualisation avec les collectivités territoriales. C'est dire que nous
souhaitons que l'Etat s'ajuste au plus près de nos collectivités.
Ainsi, 54,4 % des crédits d'investissement sont déconcentrés. M. Nachbar a
marqué son adhésion à cette politique. Cette adhésion ne devrait pas être
tempérée car ces crédits sont utilisés en toute transparence. Certes, une plus
grande précision dans l'approche est nécessaire, mais on ne peut pas nous
reprocher cette souplesse. Je le répète : 54,4 % des crédits d'investissement
sont déconcentrés. Sur cette somme, le pourcentage appliqué aux monuments dont
l'Etat n'est pas propriétaire est de 100 %.
Les crédits consacrés au patrimoine rural non protégé ne sont en rien
diminués, mais ils sont regroupés, selon la nouvelle nomenclature du projet de
loi de finances pour 2002, avec les crédits consacrés à l'archéologie et aux
monuments historiques, apportant ainsi plus de souplesse aux opérations
déconcentrées. La procédure budgétaire en reste lisible, car le contrôle
parlementaire peut s'exercer sur les crédits alloués région par région.
En ce qui concerne les monuments historiques n'appartenant pas à l'Etat, notre
politique, notamment vis-à-vis des propriétaires privés, dont nous connaissons
les difficultés, se traduit par une augmentation de 5 % de l'enveloppe. Nous
favorisons l'entretien régulier des monuments, condition indispensable de
sauvegarde à long terme, comme vous l'avez très justement dit, monsieur le
rapporteur pour avis. C'est un mouvement que nous développons de manière
générale dans notre budget patrimoine.
Cette politique d'augmentation est constante : je rappellerai que, de 1997 à
2001, les crédits consacrés à ces édifices ont augmenté de 20,7 %.
Enfin, une nouvelle mesure de déduction des primes d'assurance constitue une
grande avancée en matière d'aide à la préservation des monuments historiques
appartenant à des propriétaires privés.
Nous travaillons étroitement avec la Fondation du patrimoine, dont le siège
sera à Chaillot, au sein de la Cité de l'architecture et du patrimoine, où elle
bénéficiera de ses équipements et de ses compétences.
Comme pour l'ensemble des organismes architecturaux situés sur ces lieux
actuellement, un autre hébergement provisoire est nécessaire pendant la durée
des travaux. Il a été convenu, avec la fondation, que seraient d'abord
recherchés des locaux publics et gratuits et que, en cas d'insuccès, le
ministère de la culture et de la communication prendrait à sa charge les locaux
privés que louerait la fondation. Les travaux seront engagés à la mi-2002, et
nous serons prêts d'ici là. Les déductions fiscales attachées au label attribué
par la fondation peuvent atteindre 50 % des travaux relatifs aux toitures,
façades et infrastructures. L'évaluation de ces mesures, annoncées en 2001 par
Catherine Tasca, va pouvoir s'engager.
Quant à l'Institut national de recherche en archéologie préventive, les
décrets d'application de la loi du 17 janvier 2001 étant prêts, il sera créé au
début de 2002. Il permettra de concilier au sein de la mission d'Etat les
contraintes scientifiques et les impératifs liés à l'aménagement. La dotation à
l'archéologie préventive diminuera puisque la loi a mis en place une redevance
payée par les aménageurs. Une subvention de 5,03 millions d'euros est néanmoins
maintenue, et 35 emplois sont créés pour la carte archéologique. Les crédits
d'investissement pour les fouilles programmées et dépôts de fouilles
augmentent, quant à eux, de 12 %, en passant à 3,58 millions d'euros.
Ces éléments, brossés à grands traits dans les quelques minutes qui me sont
imparties, démontrent la marche dynamique de notre politique patrimoniale que
traduit notre projet de budget et répond à l'intérêt croissant de nos citoyens
pour tout le patrimoine national.
En ce qui concerne la décentralisation, les protocoles de décentralisation
culturelle se construisent sur la base d'un contrat entre l'Etat et une
collectivité volontaire. Ils expérimentent, dans le cadre de la législation
actuelle, de nouvelles formes du partage de la responsabilité.
Il s'agit donc non pas de procéder à un transfert de compétences au sens
juridique du terme, mais bien de tester une nouvelle répartition des
responsabilités permises par les lois en vigueur. L'Etat a choisi d'accompagner
ce programme de 15 millions de francs de mesures nouvelles en 2001 pour sept
protocoles. Il engagera une dernière étape de cette expérimentation en 2002,
pour laquelle nous avons inscrit 8 millions de francs de mesures nouvelles.
La culture doit rester une compétence partagée, car elle est l'affaire de
tous.
Nous pensons avoir engagé une démarche correspondant aux attentes des élus et,
pour avoir signé des protocoles dans des régions qui vous sont chères,
messieurs Valade et Nachbar, je sais que l'écho a été très positif.
(Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et
citoyen.)
M. le président.
Nous passons aux questions.
Je rappelle que chaque intervenant dispose de cinq minutes maximum pour poser
sa question, que le ministre dispose de trois minutes pour répondre et que
l'orateur dispose d'un droit de réplique de deux minutes maximum.
La parole est à M. Joly.
M. Bernard Joly.
Monsieur le président, madame le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes
chers collègues, l'organisation de notre discussion budgétaire m'incite à ne
pas revenir sur les propos de nos excellents rapporteurs, qui viennent de nous
commenter les crédits du ministère de la culture. Aussi ai-je choisi de centrer
mon intervention sur les difficultés du développement culturel dans un
département rural.
La culture est au coeur de l'identité nationale et régionale. Certes, Paris
est l'une des capitales culturelles du monde ; mais ce qui gravite brillamment
autour de ce pôle contribue également à notre rayonnement culturel.
En effet, nos départements, souvent ruraux, possèdent un potentiel et des
atouts touristiques et culturels indéniables : leur patrimoine archéologique,
historique et rural particulièrement abondant doit être sauvegardé, promu et
transmis dans des conditions satisfaisantes. C'est bien là l'objectif premier
de notre société, le geste essentiel que nous devons à nos enfants.
S'agissant des conseils d'architecture, d'urbanisme et de l'environnement, les
CAUE, le cadre législatif les implique de plus en plus. Je pense notamment aux
lois relatives à la décentralisation, à l'intercommunalité, au renouvellement
urbain, à l'aménagement durable. Je ne peux que me féliciter de cette
reconnaissance progressive, comme en témoignent la sollicitation croissante des
acteurs de terrain ainsi que la diversification de la demande.
Malgré le travail remarquable qu'ils réalisent, spécialement en milieu rural,
les CAUE connaissent de graves difficultés financières. En effet, les
ressources de ces instances, provenant essentiellement de la taxe
départementale des CAUE, assise sur la construction neuve, ne cessent de
diminuer.
Créés par la loi sur l'architecture de 1977, ces conseils constituent pourtant
un outil très précieux : conseils aux particuliers, accompagnement de la
maîtrise d'ouvrage publique, sensibilisation des artisans et des plus jeunes en
milieu scolaire.
Ces missions d'une grande amplitude sont malheureusement disproportionnées par
rapport au potentiel réel d'intervention des CAUE. Le budget moyen nécessaire
au bon fonctionnement d'un CAUE devrait être de l'ordre de 10 francs par
habitant. Or, en 1999, 83 CAUE se partageaient 183 millions de francs.
Le mode de financement des CAUE est injuste, insuffisant et inadapté.
Il est injuste, parce que la pression fiscale est concentrée sur un nombre
limité de ménages et que la taxe départementale des CAUE est aisément
détournée, notamment par les sociétés civiles immobilières, les SCI.
Il est insuffisant, car le produit de cette taxe stagne en francs
constants.
Il est enfin inadapté, de par les difficultés de recouvrement.
Les perspectives sont alarmantes : la baisse structurelle de la construction
neuve annonce une régression financière ; le montant des prélèvements fiscaux,
avec la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains, pourrait
diminuer de 18 % à 30 %.
Depuis plusieurs années, j'interviens régulièrement pour souligner les
difficultés rencontrées par ces instances, dont l'action est pourtant
irremplaçable. En vain !
La situation précaire dans laquelle se trouvent les CAUE devrait conduire, si
aucune amélioration n'est apportée, à une fragilisation, voire à la disparition
de ces structures.
La valorisation du patrimoine culturel rural relève aussi d'initiatives
locales. A la haine révolutionnaire, aux lubies despotiques, n'associons plus,
madame le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, l'Etat vandale. Ne nous
offrons plus le luxe de toutes les formes de destruction. La France, dont les
innombrables beautés devraient être impérissables, semble depuis des décennies
débordée par la charge qui lui incombe. La situation des monuments affectés
trop souvent aux caprices de nos régimes, désaffectés, abandonnés, démembrés
aussi, sauvés parfois par des admirateurs étrangers, restaurés, mais souvent
trop tard, doit appeler votre attention. Je la sais réelle et passionnée.
Le patrimoine est menacé, nos régions en souffrent déjà. Vos services, votre
budget ne peuvent pas tout. Les initiatives locales méritent votre appui. Je
pense notamment à l'association des Petites cités comtoises de caractère, dont
j'ai été le président-fondateur en 1989. Cette association, qui fédère
vingt-trois communes rurales franc-comtoises, valorise le patrimoine et les
savoir-faire d'hier et d'aujourd'hui, affirme l'identité locale enracinée dans
un passé commun régional et met en réseau les potentiels culturels et
touristiques des cités membres.
L'Etat s'appuie sur les associations pour faire vivre des projets, mais
celles-ci pâtissent d'une reconnaissance insuffisante que je déplore.
Tout d'abord, la multiplicité des interlocuteurs engendre de nombreuses
difficultés. L'absence de convention pluriannuelle thématique oblige
l'association à renégocier ponctuellement chaque programme. Compte tenu de la
dimension régionale de l'association, il serait judicieux de définir un contrat
d'objectifs pluriannuel.
Ensuite, les difficultés résultent également de l'insuffisance du financement.
Excepté quelques subventions pour favoriser des opérations ponctuelles de
sensibilisation du public, l'unique soutien de l'Etat concerne actuellement le
recrutement d'un emploi-jeune. Je pense que l'Etat devrait davantage apporter
son soutien financier à une association qui favorise la prise en compte de
l'aspect culturel dans les projets de développement local.
J'aurais aimé parler des métiers d'art, qui mériteraient une aide financière
de votre part, madame le ministre ; mais, faute de temps, je m'abstiendrai, en
vous informant toutefois du projet de la société d'encouragement aux métiers
d'art, la SEMA, de lancer en 2002 les classes à projet artistique et culturel
sur le thème des métiers d'art.
Madame le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, que comptez-vous faire en
faveur du développement culturel des départements ruraux qui, je le répète,
participent incontestablement au rayonnement culturel de la France ? Ils sont
les détenteurs principaux de la richesse de notre pays. Ils demeurent
aujourd'hui les parents les plus pauvres de notre patrimoine.
M. Louis de Broissia.
Très bien !
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Michel Duffour,
secrétaire d'Etat.
Monsieur le sénateur, la politique du ministère en
direction du milieu rural passe par un partenariat durable avec les
collectivités territoriales. Le Gouvernement y tient beaucoup puisque, comme
vous, il souligne la richesse des réalisations en milieu rural.
Dans ce but, les directions régionales des affaires culturelles, les DRAC,
disposent de moyens pour soutenir les volets culturels des contrats de pays et
des intercommunalités. Lors de ma visite dans votre région, j'ai beaucoup
insisté auprès de la DRAC pour qu'il en soit ainsi.
Vous avez évoqué le conseil d'architecture, d'urbanisme et de l'environnement
de la Haute-Saône. Nous connaissons son action positive et militante, ainsi que
ses performances en matière de pédagogie et de culture architecturale, urbaine
et paysagère. C'est un bon CAUE, qui mène dans les communes une action
remarquable d'assistance architecturale aux permis de construire.
Il est vrai - j'abonde dans votre sens, monsieur le sénateur - que le
financement actuel des CAUE par une taxe départementale sur la construction est
par nature non seulement aléatoire, mais aussi inégalitaire et inadapté à la
demande sociale de plus en plus forte tant des particuliers que des
collectivités.
C'est pourquoi nous engageons un projet de réforme et nous sommes en
concertation à ce sujet avec le ministère de l'équipement, des transports et du
logement et le ministère de l'aménagement du territoire et de l'environnement.
Ce projet, prenant en compte la nécessaire évolution des missions des CAUE,
doit prévoir un nouveau mode de financement permettant la stabilisation des
ressources et la continuité du service public, plus de justice fiscale, mais
surtout une meilleure péréquation entre les CAUE, ce qui, monsieur le sénateur,
répondrait à votre souci. Il sera intégré au projet de loi sur
l'architecture.
(Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. Bernard Joly.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Joly.
M. Bernard Joly.
Je tiens à remercier M. le secrétaire d'Etat de ces bonnes nouvelles, qui
permettront de récompenser les CAUE dynamiques. Une solution pourrait
d'ailleurs, à mon avis, être trouvée dans la formule : « Aide-toi, le ciel
t'aidera » ; il faudrait en effet un apport du conseil général du département
de même nature que celui de l'Etat.
Je conclurai ce propos en insistant pour que les métiers d'art ne soient pas
oubliés.
M. le président.
La parole est à M. de Broissia.
M. Louis de Broissia.
Monsieur le président, madame le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes
chers collègues, dans la note de présentation que nous a adressée notre
distingué rapporteur spécial, M. Yann Gaillard - mais M. Philippe Nachbar,
rapporteur pour avis, l'a également rappelé - il est indiqué qu'il existe «
pour les dépenses en capital un décalage de plus en plus net entre les crédits
inscrits et ceux effectivement décalés, décalage dont le ministère semble
prendre son parti, quand il ne s'efforce pas d'en tirer parti ».
Je mets cette phrase en exergue, madame le ministre, monsieur le secrétaire
d'Etat, parce qu'elle semble écrite pour résumer l'attitude de l'Etat sur un
projet qui me tient à coeur, l'aménagement du parc archéologique d'Alésia, en
Côte-d'Or, et qui est exemplaire de l'engagement de l'Etat dans de nombreux
dossiers départementaux ou régionaux en matière culturelle.
Vous le savez, mes chers collègues, depuis 1999, l'assemblée départementale a
décidé de remettre en valeur le site, en particulier le site paysager, de ce
haut lieu historique où Vercingétorix plia devant Jules César, inutile de vous
le rappeler ! Le conseil général a donc accepté le principe de l'aménagement
d'un parc archéologique pour remettre en valeur de façon visuelle cette
bataille fondatrice de l'histoire de notre nation et de l'Europe. Nous
souhaitons que les Français se réapproprient ainsi leur patrimoine et leur
histoire. Ces ambitions sont partagées, nous le savons.
Deux ans après son lancement, ce projet avance pas à pas, mois après mois :
études de faisabilité, préprogrammation, engagements des démarches nécessaires,
mise en route des travaux préalables à la restauration des vestiges du théâtre
gallo-romain - cela me donne l'occasion d'inviter mes collègues à venir voir,
mois après mois, que les opérations avancent puisque je leur en avais parlé
l'an dernier - mise en place des comités de pilotage scientifiques réunissant
de grands archéologues français et européens, mise en oeuvre des marchés
d'études de définition. Nous travaillons jour après jour, madame le ministre,
monsieur le secrétaire d'Etat. Cette opération prend tournure et nous en sommes
fiers. Nous sommes maintenant engagés de façon irréversible.
J'ai cru comprendre, madame le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, que ce
projet ne vous laissait pas indifférents, ce dont je me réjouis. J'ai lu avec
intérêt, dans les documents de présentation de vos crédits budgétaires pour
2002, au chapitre consacré à la poursuite de la politique de l'Etat en faveur
des monuments historiques, que « la priorité reste le traitement des urgences
sanitaires mais », et c'est cela qui m'intéresse, qu'« une place importante
sera réservée aux divers programmes d'envergure tels que la restauration de
l'abbaye de Lavoûte-Chilhac, l'aménagement du site d'Alésia, le programme de
restauration des grands monuments de la ville de Paris et de Lille. »
Madame le ministre, je suis très heureux de cette bonne nouvelle, mais, étant
un peu comme saint Thomas, j'aimerais être sûr que les engagements budgétaires
pourront être retenus. Nous attendons toujours que l'Etat nous précise
clairement quels seront ses engagements financiers pour 2002 et pour les années
suivantes. J'ai posé la question à M. Duffour lorsqu'il est venu à Dijon. Je la
lui poserai de nouveau chaque fois qu'il viendra.
Madame le ministre, il en va donc de la crédibilité de cette opération, qui a
été présentée devant les instances européennes et qui pourrait obtenir en 2004
une reconnaissance sous la forme d'un label européen. Et ce qui pourrait être
accordé à cette grande bataille pourrait être envisagé pour d'autres grandes
batailles de l'histoire de l'Europe...
J'aimerais, madame la ministre, que vous nous affirmiez que les engagements de
l'Etat seront confirmés et que 2054 ans après la première bataille de
l'histoire de France, Alésia pourra revivre.
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Michel Duffour,
secrétaire d'Etat.
Monsieur de Broissia, nous connaissons votre
attachement à ce projet. Lors de mon déplacement à Dijon, vous avez su, avec
passion, m'en montrer tout l'intérêt.
Ce projet est né avec l'appui de la direction régionale des affaires
culturelles, qui a toujours été très intéressée et s'est impliquée dans son
élaboration. Un certain temps s'est écoulé depuis mon déplacement, monsieur le
sénateur, mais le projet appelle la contribution de trois de nos directions
puisqu'il s'agit de l'aménagement du site archéologique, de la rénovation du
musée et de l'aménagement culturel du territoire ; cela implique une certaine
harmonisation.
Un projet de cette importance devait se donner les moyens et les garanties de
son ambition. Dès lors que le conseil général a pris la responsabilité d'en
être le chef de file, et notamment de recruter un conservateur et un chef de
projet, le ministère de la culture accompagnera la démarche et confirmera son
engagement sur l'ensemble du programme dans les semaines qui viennent.
M. Louis de Broissia.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. de Brossia.
M. Louis de Broissia.
J'espère que La Poste fonctionnera bien, monsieur le secrétaire d'Etat.
(Sourires.)
A la limite, j'irai chercher la lettre de confirmation chez
vous, cela fera gagner du temps, la rue de Valois n'est pas si loin !
Je voudrais surtout vous sensibiliser, madame la ministre, monsieur le
secrétaire d'Etat, à l'importance de la reconstitution des sites des grandes
batailles.
Permettez-moi de vous citer un fait qui va peut-être vous amuser ; en tout
cas, moi, j'en ai conçu un peu de honte.
M'étant rendu à Bruxelles pour défendre mon projet devant la direction
générale compétente, j'ai appris que la première reconstitution de site qui
avait été retenu était celle de Waterloo !
(Sourires.)
Une fois de plus,
les Français ont raté une occasion !
M. le président.
Je rappelle que nous sommes à la veille de la date anniversaire de la bataille
d'Austerlitz !
(Nouveaux sourires.)
La parole est à M. Nogrix.
M. Philippe Nogrix.
Les Archives nationales remplissent une mission primordiale.
Aujourd'hui, faute de place, de moyens, et surtout de personnel, les Archives
nationales ne peuvent plus remplir correctement cette mission. Elles sont
victimes de leur succès. Comme l'a récemment rappelé le Président de la
République, « les Français se passionnent pour l'histoire de leur pays ».
Dans le rapport qu'il avait déposé en 1996, Guy Braibant, conseiller d'Etat,
avait formulé des recommandation pour remédier à ces difficultés. Depuis, et en
dépit des promesses réitérées de la part du Gouvernement, aucune mesure n'a vu
le jour.
Malheureusement, les Archives demeurent le parent pauvre du ministère de la
culture. Récemment, lors du colloque sur le thème « Les Français et leurs
archives », le Premier ministre a réaffirmé sa volonté, sa promesse de créer un
nouveau centre et un comité interministériel des archives de France. Espérons
que ces déclarations ne resteront pas au stade des intentions !
Madame le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, quand allez-vous donner des
moyens supplémentaires aux Archives nationales ? Comment comptez-vous financer
la nouvelle cité des archives ? Quand sera-t-elle opérationnelle ? Enfin,
avez-vous l'intention de réformer la loi sur les archives ?
Les crédits consacrés au patrimoine rural sont dérisoires. En 2002, la ligne
budgétaire a été purement et simplement supprimée pour être globalisée au sein
du chapitre des opérations déconcentrées.
L'engagement de l'Etat en faveur de ce patrimoine n'apparaît donc pas
clairement et, encore une fois, les collectivités territoriales vont être
obligées de pallier le manque d'engagement de l'Etat.
La Fondation du patrimoine a d'indéniables difficultés pour s'affirmer,
s'identifier, faute, notamment, d'un franc soutien de l'Etat. Madame le
ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, pourquoi l'avantage fiscal attaché à
la délivrance, par la fondation, - de son label n'est-il pas systématique ?
Quand la fondation sera-t-elle associée à la conduite de la politique du
patrimoine ?
M. le président.
La parole est à Mme le ministre.
Mme Catherine Tasca,
ministre de la culture et de la communication.
Monsieur le sénateur, vous
avez raison de souligner l'importance des Archives de France. Pour ma part, je
ferai également mention du travail qui est accompli par les archives
départementales, lesquelles forment un réseau tout à fait remarquable sur notre
territoire.
Cette grande fonction régalienne de l'Etat est devenue très importante aux
yeux de nos concitoyens, qui sont de plus en plus nombreux à vouloir accéder
aux sources de leur mémoire, à toutes les traces de notre histoire, traces
écrites, bien sûr, mais aussi archives orales et visuelles. Un colloque
consacré aux archives orales a d'ailleurs eu lieu au Conseil économique et
social, voilà quelques mois, sur un rapport de Mme Georgette Elgey.
Un très grand nombre de Français sont également pris de passion pour la
généalogie : ils sont à la recherche de leurs origines familiales.
Tout ce mouvement peut s'expliquer par la richesse de la recherche historique
dans notre pays, mais aussi par le sentiment du temps qui passe de plus en plus
vite et qui risque d'effacer les traces de la mémoire individuelle ou
collective. La fonction des archives est donc, aux yeux du Gouvernement, une
fonction tout à fait fondamentale.
Il est vrai qu'aujourd'hui notre administration n'est pas encore dotée de tous
les moyens pour faire face à cette grande mission et à l'attente de nos
concitoyens.
Le 5 novembre, encore au Conseil économique et social, le Premier ministre
s'est engagé personnellement dans l'accomplissement de cette mission. Il a
annoncé la création d'un nouveau centre pour les Archives nationales et il a
confié une mission à Mme la directrice des Archives nationales, qui doit nous
remettre très prochainement un rapport.
Un premier conseil supérieur des archives se réunira d'ici à la fin du mois de
janvier 2002. Il devra, notamment, proposer au Gouvernement le choix du terrain
sur lequel sera implantée cette cité des archives. Le Premier ministre estime
qu'elle devrait être située celle-ci devait être implantée en Ile-de-France, à
proximité des moyens de transports en commun et qu'elle devrait être dotée de
tous les moyens modernes susceptibles d'en faire une tête de réseau très
précieuse pour la recherche.
A la fin du mois de janvier, le Premier ministre pourra arbitrer entre les
différentes candidatures qui se proposent pour l'accueillir.
Dans le présent projet de budget sont déjà prévus des crédits d'études pour
l'établissement du programme de réalisation de cette opération, à laquelle nous
sommes, tous, très attachés. Nous espérons que sa mise en oeuvre pourra être
engagée le plus rapidement possible.
M. Philippe Nogrix.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Nogrix.
M. Philippe Nogrix.
Je vous remercie, madame, des propos que vous venez de tenir. Votre analyse
sur ce que les Français attendent des archives est bonne.
Toutefois, si les intentions sont louables, les moyens font défaut. Il est
vrai que M. le Premier ministre a classé ce projet parmi les priorités. Mais,
comme chaque fois qu'il prend la parole, c'est pour définir une priorité, au
milieu de toutes ces priorités on ne sait plus lesquelles en sont
véritablement.
Par ailleurs, vous annoncez que cette cité doit être implantée en
Ile-de-France. Merci pour la décentralisation ! Merci pour nos provinces et nos
départements ! Je pensais qu'avec les moyens de communication qui existent
aujourd'hui on aurait pu donner un signal en installant les archives dans une
province qui les aime bien. Et pourquoi pas en Bretagne !
(Sourires.)
M. Michel Duffour,
secrétaire d'Etat.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Michel Duffour,
secrétaire d'Etat.
Dans mon court exposé à la tribune, j'ai indiqué qu'il
y avait eu regroupement sur une même ligne des crédits affectés aux patrimoines
ruraux non protégés et des crédits destinés aux monuments historiques et à
l'archéologie. Nous attachons néanmoins beaucoup d'importance à ces patrimoines
ruraux puisqu'ils tiennent dans les protocoles de décentralisation culturelle
une très grande place. Le protocole signé en Lozère, par exemple, portait
essentiellement sur ce sujet.
S'agissant de la Fondation du patrimoine, je peux dire que nous travaillons au
mieux avec elle.
A propos des archives, je ferai tout de même remarquer que la progression des
archives départementales constitue un très bel exemple de décentralisation au
cours de ces vingt dernières années !
M. le président.
La parole est à M. Ralite.
M. Jack Ralite.
Je tiens à dire tout d'abord à Mme la ministre et à M. le secrétaire d'Etat
que je voterai, avec mon groupe, leur budget pour les niveaux qu'il atteint,
pour l'augmentation des crédits de création, pour la diversité culturelle, que,
personnellement, je préfère appeler « exception » et qu'ils défendent avec
énergie, pour les postes créés dans l'administration, pour la lettre écrite aux
artistes récemment, et pour le projet de loi sur les intermittents, adopté à
l'Assemblée nationale et dont j'espère que le Sénat va se saisir rapidement.
Cela étant dit, je souhaite revenir sur une question que j'ai évoquée tout à
l'heure lors du débat sur l'audiovisuel. Vous m'avez alors répondu, madame la
ministre, que rien n'était réglé, et je suis d'autant plus préoccupé que,
l'année dernière, nous avons déjà eu cette discussion sur les cartes
d'abonnement cinématographique.
Sans doute ne disposons-nous pas de tous les résultats mais nous savons que le
marché a augmenté de 7 %, que 80 établissements cinématographiques de la région
parisienne ont augmenté leur diffusion de 30 % et que cette progression n'a
concerné que de grands circuits, plus deux opérateurs indépendants.
Et pendant ce temps, la majorité des opérateurs indépendants ont vu leur
activité reculer de 4 % à 5 %, certains de 40 %. Seul UGC est sorti gagnant de
l'opération : cela soulève quand même un problème quant au pluralisme de
l'offre.
Les questions qui sont soulevées à propos de l'émission
PopStars
sont
des questions de fond au regard de la notion d'oeuvre. Mais il y a aussi la
diffusion du film
Titanic
en deux épisodes, la revendication des
fabricants de jeux sur la copie privée, les décisions de l'IFPI - fédération
internationale de l'industrie phonographique - visant à mettre en concurrence
au niveau européen les sociétés de gestion collective, la diminution des
obligations de M 6, ou encore les demandes des chaînes thématiques de voir
réduire leurs propres obligations. C'est là tout un ensemble d'accrocs à la
législation qui font leur chemin et qui ont malheureusement trouvé un appui
auprès du CNC, lequel a fait une nouvelle fois, à mes yeux, preuve
d'irresponsabilité en reconnaissant à
PopStars
le statut d'« oeuvre
».
Et le CSA a suivi !
D'ailleurs, le CSA aime bien les querelles de vocabulaire : dans le dernier
numéro de sa revue, la rubrique intitulée « Langue française » est consacrée à
la confusion entre les préfixes « aéro » et « aréo »... Eh bien, que le CSA,
lui, ne fasse pas de confusion entre ce qui est oeuvre et ce qui ne l'est pas
!
Il est vrai que les textes de 1990 ne donnent de la notion d'oeuvre qu'une
définition négative en excluant tout ce qui est journal télévisé, émission
sportive, émission de variétés, émission de plateau. Sans doute faut-il
travailler à une nouvelle définition. Sans doute faut-il prendre en compte les
expressions culturelles ou artistiques qui naissent ici ou là.
Mais le principal danger, si l'on élargit la définition, c'est d'ouvrir à de
prétendues nouvelles « oeuvres » l'accès au fonds de soutien, de faire qu'elles
soient prises en compte dans les quotas, et c'est alors la si délicate question
de la présence des émissions françaises et européennes qui se trouvera, d'une
certaine manière, mise en cause.
Toutes ces tensions apparaissent bien dans les débats qui ont lieu
actuellement.
Par exemple, au Salon du livre, au cours d'un colloque sur la littérature,
voici ce qu'on a pu entendre : « Les auteurs, musiciens et cinéastes doivent
être à l'écoute de leurs clients... Il faut produire des oeuvres qui soient
adaptées à tout le monde... L'imprimeur devient un fabricant de livres... La
création doit devenir créativité... Les lecteurs sont des consommateurs de
livres... Les prix doivent être fonction de la demande. » Certains intervenants
ont mis l'accent sur la « fugacité et la mobilité des contenus ».
C'est la même démarche que celle qui tend à faire entrer, comme certains le
proposent,
Fort Boyard
dans le champ des « oeuvres » ! Et après,
jusqu'où ira-t-on ?
J'ai eu la curiosité de visionner
PopStars
pendant une heure et demie.
Si on veut les aider, qu'on le fasse, mais pas en tant que créateurs d'une
oeuvre ! Ne confondons pas !
Cette question de la définition de l'oeuvre est actuellement vraiment
cruciale.
Le
Nouvel Observateur
de la semaine dernière a consacré un dossier à de
jeunes auteurs anglais baptisés les « nouveaux puritains ». Eh bien, je suis
fier qu'une dizaine de jeunes auteurs français expliquent en quoi cette voie
n'est pas la leur, l'un d'eux s'appuyant sur Kafka, pour qui un écrivain, c'est
quelqu'un qui fait « un bond hors du rang ».
Franchement, l'émission que le CNC a cru bon de distinguer fait peut-être un
bond en audience, elle fait sans doute faire des bonds dans un coffre-fort,
mais elle ne fait certainement pas un « bond hors du rang » !
Reprenant une image utilisée par une poétesse russe, je vous soumets cette
petite fable sur la chaussure et l'art. Le matériau d'une chaussure peut être
estimé : il est fini. Le matériau d'une oeuvre d'art, l'esprit, ne peut être
estimé : il est infini. Il n'existe pas de chaussure pour toujours. Chaque vers
de Sapho est donné une fois pour toutes. Des chaussures incomprises, cela
n'existe pas, tandis que des vers incompris, ô combien !
C'est vraiment une question forte.
M. Michel Caldaguès.
Mais ce n'est pas très clair !
M. Jack Ralite.
Bien sûr, les nouvelles technologies induisent des modifications.
Aux états généraux de la culture qui tenaient hier soir leur session annuelle
à Aubervilliers, ont été évoqués des travaux faits en 1988 à l'Ecole
polytechnique sur les
novellas,
ces feuilletons brésiliens si
discrédités. Ces émissions avaient fait l'objet d'un vrai débat et on voyait
bien que cette affaire de définition soulevait d'innombrables problèmes.
Mais soyons rigoureux sur la notion d'oeuvre. Sinon, nous aurons des
lendemains...
M. Ivan Renar.
Qui déchantent !
(Sourires.)
M. Jack Ralite.
... préoccupants.
Il serait vraiment important qu'une initiative gouvernementale soit rapidement
prise pour qu'un colloque travaille sur cette notion.
M. Michel Caldaguès.
Un colloque ! Cela va tout arranger !
M. Jack Ralite.
Quoi qu'il en soit, tout mitage sera préjudiciable.
M. le président.
La parole est à Mme le ministre.
Mme Catherine Tasca,
ministre de la culture et de la communication.
Monsieur le sénateur, je
pense que toutes les interrogations que vous formulez sont fondées et appellent
en effet des clarifications, lesquelles ne peuvent d'ailleurs venir du seul
Gouvernement. Je pense qu'il est souhaitable qu'y participent l'ensemble des
professionnels et, au-delà, l'ensemble de l'opinion.
S'agissant des cartes d'abonnement lancées par les grands circuits de salles
de cinéma, je rappelle que les lois du 15 mai et du 17 juillet 2001, qui sont
destinées à encadrer cette formule commerciale, visent à assurer une
rémunération équitable à l'égard des ayants droit de la filière
cinématographique et à permettre que les petits exploitants situés dans la zone
de chalandise où une carte d'abonnement est lancée ne soient pas pénalisés par
cette initiative.
On peut penser que, grâce à cet encadrement législatif, il sera possible de
concilier la très grande vague de ces cartes d'abonnement, en particulier
auprès du public jeune, et la préservation de ce que nous avons toujours
défendu, à savoir la diversité du parc de salles et la diversité de
l'exploitation.
Mme Danièle Pourtaud.
Absolument !
Mme Catherine Tasca,
ministre de la culture et de la communication.
L'ensemble du dispositif
d'intervention publique dans ce secteur, vous le savez bien, monsieur Ralite,
doit constamment prendre en compte deux objectifs.
L'un est d'ordre économique. Notre intérêt à tous est de favoriser le
développement des entreprises de l'audiovisuel, du secteur cinématographique,
de tous les secteurs de la création culturelle, en vérité, parce que cela
contribue à la création d'emplois dans notre pays, à la vigueur de notre
économie.
L'autre objectif, auquel je suis attachée autant que vous, est la défense de
la diversité de la création et sa liberté. On parle beaucoup de diversité, mais
on oublie parfois d'évoquer aussi la nécessaire liberté. Celle-ci suppose
l'indépendance, le pluralisme de ce que nous pouvons appeler les « guichets »
en matière de création. Et c'est à cela que nous devons veiller à travers notre
réglementation et à travers le fonctionnement du CNC.
En ce qui concerne
PopStars,
je veux d'abord souligner qu'il s'agit
d'un soutien automatique, et non pas du soutien collectif ; c'est donc
prioritairement le soutien économique qui est en cause. En outre, la décision
prise par le CNC est provisoire. L'octroi définitif du soutien ne sera décidé
qu'après visionnage de l'ensemble de la série. Cela étant, comme vous, je
m'interroge sur la qualification « documentaire » appliquée à cette émission,
étant entendu qu'un documentaire, au sens fort du terme, est une oeuvre de
création.
Quoi qu'il en soit, je le répète, ce sujet devra être clarifié lorsque nous
aurons eu une vision d'ensemble sur l'émission.
Sachez que je suis moi-même très attentive à toutes les tentations
d'élargissement non contrôlé ou non contrôlable de l'acception du mot « oeuvre
» et des conséquences que l'on en tire sur le plan de l'attribution des aides
publiques.
Mme Danièle Pourtaud.
Très bien !
M. Jack Ralite.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Ralite.
M. Jack Ralite.
Madame la ministre, votre réponse ne m'étonne pas et je souhaite contribuer,
pour la part qui peut me revenir, à vous donner les moyens d'intervenir.
Tous deux, nous nous trouvions la semaine dernière à Bourges pour célébrer la
mémoire de celui qui fut le premier ministre de la culture de notre histoire,
André Malraux, ce même André Malraux qui n'avait pas hésité à opposer « le
puissant effort des usines du rêve producteur d'argent » et « celui, à
construire, des usines du rêve producteur d'esprit ». Nous sommes à ce
rendez-vous, et il me plaît de vous entendre aller dans le même sens avec toute
l'énergie que vous avez mise dans votre réponse.
Quant à l'initiative qui pourrait être prise, je tiens à évoquer le Conseil
supérieur de la propriété littéraire et artistique, que vous avez créé par
arrêté du 10 juillet 2000. Ne pourrait-il animer la démarche d'étude sur la
notion d'oeuvre ?
Je parle là, en réalité, de ce que vous appeliez, lors d'un débat auquel
j'assistais, le « socle de la vie », c'est-à-dire le statut de l'esprit. Bien
évidemment, c'est un point très fort, qui engage toute une démarche
philosophique et humaine très profonde.
En ce qui concerne le CNC, je suis blessé qu'une administration de cette
importance, qui a tant contribué à créer le cinéma français et à garantir son
existence, nous fasse chaque année un petit cadeau empoisonné. Il faut, je
crois, rappeler le CNC à l'ordre.
Il me fait penser à ce que disait Robert Musil à un ami zoologiste alors
qu'ils polémiquaient sur les quadrupèdes : « Quand tu parles de quadrupèdes, tu
nous donnes comme exemple une chaise, un chien, une table et une équation du
quatrième degré. » Eh bien, l'oeuvre n'est rien de tout cela ! C'est
l'autonomie humaine.
Dans un pays comme le nôtre, l'attachement à la création authentique, à l'idée
d'oeuvre, est une tradition nationale et peut-être l'une des raisons pour
lesquelles on nous aime dans le monde.
J'ajouterai un dernier mot. J'ai assisté, la semaine dernière, à la projection
du film de Bertrand Tavernier sur la double peine. Je me suis aperçu que le
service public de l'audiovisuel n'en avait point voulu, non plus que les salles
de cinéma privées de la région parisienne, qu'elles soient indépendantes ou
qu'elles appartiennent à des groupes. Seul le Saint-Michel a accepté de le
programmer. Or je vous assure, mes chers collègues, que c'est une oeuvre
cinématographique - pas de la télé-réalité, mais du cinéma-humanité - qui fait
beaucoup réfléchir.
Puisque le ciné-club du Sénat a récemment présenté une oeuvre sur l'ex-Union
soviétique - une initiative que j'applaudis - je me permets de vous demander,
monsieur le président, d'intercéder auprès du président Poncelet pour que ce
film de Bertrand Tavernier y soit projeté un jour. Le Sénat pourrait ainsi
prendre - avec sagesse ! - toute la mesure de ce problème social qu'est la
double peine.
M. le président.
La parole est à Mme Pourtaud.
Mme Danièle Pourtaud.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, c'est René
Char que, pour ma part, je citerai : « Ne t'attarde pas à l'ornière du résultat
», écrivait-il. N'en déplaise au poète, il me semble que le résultat peut avoir
son importance.
Le fameux seuil du 1 %, tant convoité par tous les ministres de la culture
depuis mai 68, sera atteint en 2002, après l'avoir été une première fois en
1993, grâce au volontarisme de Jack Lang.
Pour autant, cette revendication n'a jamais été une finalité, et encore moins
une frontière, vous l'avez rappelé à l'instant, madame la ministre. Elle était
bel et bien un cap, la partie émergée d'une exigence de refondation de la
politique culturelle.
A cet égard, votre budget, madame la ministre, peut d'emblée être qualifié
d'excellent.
Je citerai quatre motifs de satisfaction particulièrement emblématiques, avant
d'en venir à ma question.
Tout d'abord, la culture n'est plus considérée comme la « danseuse » de
l'économie. Enfin !
En l'espace d'une mandature, son budget augmente de plus de 16 %, alors qu'il
avait subi une coupe de 11 % entre 1993 et 1997. Souvenez-vous, mes chers
collègues : par un tour de passe-passe destiné à masquer cette chute brutale
des crédits, Philippe Douste-Blazy avait transféré des charges et des
compétences, ce qui, en éparpillant les crédits, n'a fait qu'affaiblir le coeur
des missions et des métiers du ministère.
Par ailleurs, un pont est enfin lancé entre la culture et l'éducation, pour
former le regard et l'esprit, éveiller la sensibilité artistique des jeunes, et
même des enfants.
C'est un constat unanime, les politiques tarifaires ne suffisent pas pour
élargir les publics : la fréquentation des oeuvres d'art nécessite une
formation et une pratique dès le plus jeune âge.
Encore fallait-il se donner les moyens d'un rapprochement entre les deux
ministères, sceller un partenariat. Vous l'avez fait, madame la ministre.
Cette année, ce sont plus de 1,7 milliard de francs qui seront consacrés à
l'enseignement et à l'éducation artistique, soit une progression de 35 % sur la
mandature.
Voilà qui redonne du souffle à l'idéal de « démocratisation de la culture ».
Un spectacle, une exposition, un événement culturel sont la rencontre d'une
création et de spectateurs, d'une oeuvre et d'un public. Toute politique
culturelle n'a de sens que dans sa capacité à toucher le plus grand nombre.
Enfin, troisième satisfaction, l'Etat prend acte de ce qu'il n'a plus le
monopole de la défense des arts et de la culture. Votre ministère joue
pleinement son rôle en impulsant de nouveaux partenariats avec les
collectivités locales. Je veux ainsi rendre hommage au volontarisme du
secrétaire d'Etat au patrimoine et à la décentralisation culturelle, Michel
Duffour.
Je pense, en particulier, aux protocoles de décentralisation culturelle,
initiés pour trois ans. Nous devrons à l'avenir multiplier les opportunités de
convention entre les porteurs de projets, les collectivités et les directions
régionales des affaires culturelles, les DRAC.
Il est nécessaire d'avoir l'ambition d'initier des aventures d'envergure,
proches de tous les citoyens, en concertation avec tous les partenaires
publics.
C'est également cette démarche que vont permettre de conforter les
établissements publics à caractère culturel, les EPCC, qui, je l'espère,
verront bientôt le jour.
Quatrième motif de satisfaction - et c'est le fait le plus marquant de ce
budget -, la création est plus que jamais à l'honneur en 2002 pour favoriser
l'émergence de nouveaux talents et les nouvelles esthétiques, comme les arts de
la rue, le cirque nouveau ou la création numérique.
La première de vos missions est bien d'assurer le renouveau des générations
artistiques, sans négliger aucune discipline.
Vous avez ainsi réussi à débrider la capacité d'initiative du ministère,
c'est-à-dire à élargir les marges artistiques au regard de ses missions
incompressibles, avec 750 millions de francs de mesures nouvelles pour 2002.
Certains regrettent que cette manne profite en priorité aux arts vivants, ces
cigales que vous évoquiez tendrement tout à l'heure. Avec 160 millions de
francs supplémentaires en 2002, soit le double de cette année, ces crédits ont
augmenté de 30,8 % depuis le début de la législature.
Il fallait renforcer les moyens de ces arts si populaires, avec l'émergence
des scènes de musiques actuelles dans toute la France ou l'appel des auteurs du
théâtre en faveur des textes contemporains. Il fallait aussi promouvoir la
danse, trop longtemps oubliée.
J'ajouterai que la génération montante des créateurs, faute d'avoir accès aux
grandes institutions, a su investir des lieux insolites. Ces créateurs ont
d'ailleurs trouvé auprès de vous le soutien nécessaire à leurs innovations.
Nous voyons ainsi émerger un peu partout de nouvelles spontanéités
artistiques, qui transforment les repères, plus proches du tissu urbain et des
quartiers dans les friches industrielles ou les immeubles désaffectés.
Les frontières entre les disciplines s'estompent, et c'est une très belle
chose. On voit des expositions alliant la sculpture et la photographie, des
comédiens dans la rue qui mettent en scène les arts plastiques. Le festival
d'automne à Paris, qui fête cette année ses trente ans d'existence, traduit à
merveille cette tendance à l'interpénétration des arts, avec une campagne de
communication au slogan très évocateur : « Je lis ta peau ».
Il va de soi que le rôle de votre ministère est d'accompagner ces
transformations dans l'art, reflet des désirs latents de notre société.
Ma question ne vous surprendra pas, madame la ministre. A travers ce budget,
vous montrez clairement votre volonté d'impulser une création d'aujourd'hui
pour un public d'aujourd'hui.
Je souhaiterais donc avoir des précisions sur la manière dont votre ministère
va accompagner cette émergence de l'interdisciplinarité dans l'art, et en
particulier les arts de la rue, le cirque, la danse ou la création numérique.
(Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe
communiste républicain et citoyen.)
M. le président.
La parole est à Mme le ministre.
Mme Catherine Tasca,
ministre de la culture et de la communication.
Madame le sénateur, je
vous remercie d'avoir donné cette vision globale de la politique que nous
développons. En cet instant, je répondrai à votre question sur l'accompagnement
de l'interdisciplinarité. Je saisis cette occasion pour dire qu'elle a
d'ailleurs toujours été historiquement présente dans la vie artistique de notre
pays, mais tous les trains, il est vrai, ne cheminent pas à la même vitesse.
Depuis quelques années, les nouvelles générations d'artistes et de public
manifestent un véritable appétit pour ces croisements, ces échanges, voire ces
métissages, entre des expressions d'un type nouveau, qui sont parfois vécues
dans des lieux séparés et avec des équipes distinctes. C'est vrai, vous l'avez
souligné, nous avons choisi d'augmenter considérablement, à travers toutes ces
disciplines, les moyens de la création vivante.
J'ai demandé à la direction de la musique, de la danse, du théâtre et des
spectacles ainsi qu'aux directions régionales des affaires culturelles de
consacrer 50 % des mesures nouvelles dégagées en 2002 à ces disciplines moins
reconnues ou moins installéees que ne l'étaient, par exemple, le théâtre ou
d'autres expressions dans les institutions établies.
J'ai demandé, en particulier, que nous renforcions en 2002 notre soutien aux
compagnies indépendantes et aux nouveaux espaces et lieux de création.
Dans le même esprit de soutien à la novation, nous avons décidé d'encourager
la création numérique, notamment au travers du DICREAM, le dispositif pour la
création artistique multimédia, auquel nous consacrerons dix millions de francs
en 2002.
Notre constant soutien aux institutions culturelles pour reconstituer leurs
marges artistiques et renouveler leurs équipes permettra aussi d'appuyer cette
interdisciplinarité, si porteuse d'avenir. Nous demandons en effet aux
responsables des scènes nationales des différentes institutions de faire place
à de nouvelles équipes de création dans leurs murs, dans leurs programmations
et dans leurs projets de production.
C'est à travers tous ces maillons du réseau culturel - nouveaux lieux comme
lieux installés - que je compte accompagner avec beaucoup d'attention, de
curiosité et de constance les nouvelles formes de l'expression artistique.
(Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe
communiste républicain et citoyen.)
Mme Danièle Pourtaud.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à Mme Pourtaud.
Mme Danièle Pourtaud.
Je vous remercie, madame la ministre, pour ces précisions. En tant que
responsable de la culture dans le 14e arrondissement de Paris, je suis d'autant
plus sensible à cette réponse.
Je rencontre en effet tous les jours de jeunes compagnies, de jeunes
créateurs, des comédiens, des danseurs, des plasticiens qui souhaitent obtenir
le soutien despouvoirs publics pour monter des projets très en prise sur les
quartiers, dans des lieux insolites et en associant des artistes de toutes les
disciplines.
C'est en soutenant de telles expériences que nous pourrons conquérir de
nouveaux publics.
Je sais aussi combien les collectivités locales ont besoin en la matière de
l'impulsion de votre ministère, qui définit les grands objectifs et joue un
rôle moteur considérable.
Je le redis, j'espère qu'à l'avenir, les collectivités pourront continuer à
s'appuyer sur le soutien financier de l'Etat pour favoriser des projets
innovants, le cirque, la création en temps réel dans la rue, la création
numérique, etc.
Je crois comme vous qu'un vent nouveau souffle dans notre société, avec des
attentes et des espoirs que nous devons accompagner.
C'est avec plaisir que le groupe socialiste votera ce budget ; il vous
encourage, d'ailleurs, mes chers collègues, à faire de même. J'espère que les
missions du ministère de la culture, que vous avez contribué à restaurer,
madame la ministre, pourront s'épanouir pleinement dans les prochaines années.
(Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe
communiste républicain et citoyen.)
M. le président.
La parole est à M. Marest.
M. Max Marest.
Votre projet de budget pour 2002 est en augmentation de 2,08 %, pour atteindre
1 % du budget de l'Etat et nous nous en réjouissons, madame la ministre.
Comme vous pouvez l'imaginer, ce n'est pas tant le montant du budget que les
objectifs que vous lui fixez qui nous intéressent.
Or, nous constatons que vos choix traduisent - ou risquent de traduire - un
manque d'équilibre. En effet, si le budget privilégie de façon extraordinaire
le spectacle du vivant, avec une dotation de 80 millions de francs
supplémentaires par rapport à 2001, soit un doublement, il laisse de côté
d'autres secteurs pourtant indispensables, comme les archives, les musées, les
arts plastiques, les monuments historiques et l'architecture. Vous nous avez
déjà apporté quelques réponses à cet égard au cours de ce débat.
Je m'attacherai à évoquer deux préoccupations que mon groupe partage avec les
intéressés : la situation des arts plastiques et les écoles d'architecture.
Vous avez, semble-t-il, tout simplement oublié les arts plastiques. En tout
cas, vous leur avez donné la place de dernier de la classe. Pourquoi ? Selon
votre projet de budget, la délégation aux arts plastiques, la DAP, est l'une
des victimes de votre politique culturelle. En effet, elle s'est vu ponctionner
sur ses crédits centraux d'intervention la somme de 11,5 millions de francs,
destinée à financer l'ouverture du centre de la jeune création du Palais de
Tokyo, à Paris.
Cette nouvelle institution parisienne se voit « habillée » avec la grande
partie du budget d'une autre institution. C'est la méthode que nous connaissons
tous en vertu de laquelle « on déshabille Pierre pour habiller Paul ». En
termes de politique culturelle, c'est gênant.
Pourquoi ne pas avoir respecté ce qu'avait annoncé à ce sujet votre
prédécesseur, Mme Trautmann ? En effet, elle avait prévu un rééquilibrage entre
Paris et la province.
Les moyens dégagés pour les acquisitions, c'est-à-dire les achats et les
commandes du Fonds national d'art contemporain et des fonds régionaux d'art
contemporain, ainsi que les commandes publiques et les commandes des
manufactures et du mobilier national ne sont pas plus favorisés puisqu'ils
subiront une réelle stagnation en 2002. Depuis 1999, ces crédits auront donc
baissé de 1,6 %, soit de 1,1 million de francs.
Pourtant, malgré cette baisse budgétaire, donc une baisse des moyens, aussi
minimale soit-elle, le ministère de la culture continue de fixer à la DAP, la
délégation des arts plastiques, des objectifs ambitieux en matière
d'acquisition, puisque le dossier de présentation du budget pour 2002 prévoit
que « outre l'objectif d'enrichissement des collections publiques, ces moyens
permettront de poursuivre l'action de soutien au marché de l'art et de répondre
à la demande des collectivités locales en matière d'insertion de l'art
contemporain dans les espaces publics ».
Bien qu'ayant subi une ponction de 11,5 millions de francs sur ses crédits
centraux d'intervention, la DAP doit pouvoir mener les mêmes missions
qu'auparavant !
J'aimerais beaucoup, madame le ministre, que vous nous donniez quelques
explications sur les répercussions d'une telle disposition. Quelles missions
précises vont souffrir de cette perte budgétaire ?
Je comprends bien que, compte tenu du budget qui vous est imparti sur la
totalité du budget de l'Etat et qui représente 1 %, vous ayez dû opérer des
choix ; c'est un constat facile à faire ! Je souhaiterais simplement que vous
nous indiquiez comment ces choix ont été décidés.
Mener une véritable politique culturelle, cela veut dire parvenir à modifier
les inégalités culturelles, notamment par la décentralisation.
A mon tour, je cite André Malraux, qui s'exprimait ainsi en 1966 : « Faire
pour la culture ce que la IIIe République a fait pour l'enseignement : chaque
enfant de France a droit aux tableaux, au théâtre, au cinéma comme à
l'alphabet. »
Mme Danièle Pourtaud.
Oui, mais il ne l'a pas fait !
M. Max Marest.
Je n'ai pas l'habitude d'interrompre les orateurs, madame Pourtaud,...
Mme Nelly Olin.
Il ne vous a d'ailleurs pas interrompue vous-même !
M. Max Marest.
... d'autant plus que j'essaye d'être courtois avec les dames !
M. Alain Lambert.
Malraux sert à charge et à décharge !
M. le président.
Veuillez poursuivre, monsieur Marest.
M. Max Marest.
Cette ambition n'a rien perdu de son actualité et de son urgence, tant la
politique des grands travaux a souvent donné l'impression aux Français que la
France, pour le Gouvernement, se réduisait à sa capitale.
Symboliquement, l'ouverture du centre de la jeune création du Palais de Tokyo
s'inscrit, à moins que vous me donniez une autre explication, dans cette
logique d'un élitisme géographique, et ce au détriment de nos régions, qui se
font une idée plus juste, madame le ministre, de la démocratisation de la
culture.
Je voudrais maintenant évoquer la situation des écoles d'architectes, qui
sont, elles aussi, des laissées-pour-compte.
Même si - en 2002 - sept postes de maîtres assistants seront créés pour les
écoles, qui bénéficieront aussi d'une mesure de 11 millions de francs pour
leurs moyens de fonctionnement, les crédits prévus ne sont pas à la hauteur des
besoins.
En effet, la comparaison avec les moyens déployés dans les pays de l'Union
européenne fait apparaître que la formation des architectes français est
aujourd'hui une formation supérieure au rabais, bien moins coûteuse pour la
collectivité que celle de nos futurs ingénieurs dispensée par le secrétariat
d'Etat à l'industrie, et qui est un exemple à suivre.
Pourtant, leurs besoins grandissent d'année en année, en raison de la
faiblesse des crédits qui leur sont alloués par votre ministère.
Ces écoles manquent de personnels enseignants et les conditions de travail y
sont déplorables également du fait de la vétusté des locaux, locaux qui,
parfois, ne respectent pas les normes de sécurité.
Comme beaucoup de mes collègues, j'estime qu'il est impératif de prendre
conscience du fait que la situation se dégrade au fil des ans. J'estime
également qu'il faut faire de la formation des architectes une priorité du
budget de la culture.
Pour conclure, je dirai que le 1 % culturel ne peut plus constituer un
objectif en matière de culture. En effet, cet objectif est trop faible par
rapport à l'ensemble des fonds publics qui devraient être consacrés à la
culture. C'est un objectif insuffisant.
M. le président.
La parole est à Mme le ministre.
Mme Catherine Tasca,
ministre de la culture et de la communication.
En ce qui concerne les
arts plastiques, monsieur le sénateur, je suis sûre que vos propos seront très
appréciés par l'ADAP, qui aura pu constater l'attention que vous lui portez et
combien vous prenez sa défense. Je peux néanmoins vous rassurer en ce qui
concerne la situation de ce service auquel je suis très attentive.
Le budget des arts plastiques a connu, entre 2001 et 2002, une réelle
progression. A structure constante, il enregistre en effet une hausse globale
de 1,7 %. Cette évolution s'appuie d'abord sur l'existence d'un réseau, qui
nous est envié à l'étranger, de lieux publics consacrés à l'art
contemporain.
On ne peut pas traiter de parent pauvre un secteur qui jouit actuellement d'un
certain nombre de musées spécialisés en art contemporain tout à fait
remarquables. Je pense, par exemple, aux collections de Grenoble, de Nantes.
Nous avons également tous les fonds régionaux consacrés à l'art contemporain,
qui font, sur l'ensemble du territoire, un travail admirable de constitution de
collections d'art contemporain et qui savent, de plus en plus, proposer des
expositions à travers une politique d'échanges que j'encourage.
Je rappelle aussi la place occupée par le centre Georges-Pompidou, qui a
rouvert ses portes au début de l'année et qui est évidemment un outil
extrêmement intéressant de diffusion de l'art contemporain en direction de nos
concitoyens.
Je signale également qu'un prochain décret élargira à l'ensemble des
investissements publics portés par nos ministères le principe du 1 %. Pour tous
les artistes, c'est un espoir formidable de voir leurs créations trouver place
dans l'espace public.
Enfin, l'ouverture, dès le mois de janvier, du centre de la jeune création au
Palais de Tokyo n'est pas le signe d'un centralisme renaissant. Au contraire,
notre capitale était privée jusqu'à présent d'un lieu qui soit véritablement
consacré à la création en train de se faire. Jusqu'à présent, nous avions
d'admirables expositions d'art contemporain, mais peu de place pour la nouvelle
création.
Tout cela prouve assez l'intérêt qui est porté par moi-même et par le
Gouvernement à la création en ce domaine.
Quant aux écoles d'architecture, je rappelle que ce dossier souffre
effectivement d'un certain handicap compte tenu des conditions dans lesquelles
le secteur de l'architecture a été transféré du ministère de l'équipement au
ministère de la culture sans que les moyens aient pleinement suivi.
Nous travaillons à redresser ces moyens, qui seront accrus de 1,68 million
d'euros dans le budget pour 2002. Des emplois sont créés et nous inaugurerons
très prochainement les grands ateliers de L'Isle-d'Abeau.
J'ai pris également soin, s'agissant des créations d'emplois dans les DRAC, de
poursuivre l'effort, que j'avais engagé l'an dernier, de créations d'emplois
spécifiques consacrés à l'architecture.
Enfin, la construction de l'école installée sur le site de Tolbiac apportera
une réponse tout à fait légitime à l'attente de nos enseignants et de nos
étudiants en architecture. Nous sommes bien engagés sur ce chemin, monsieur le
sénateur, et j'espère pouvoir, lors de la présentation du prochain budget, vous
démontrer que c'est un engagement constant.
(Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. Max Marest.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Marest.
M. Max Marest.
Je voudrais simplement remercier Mme la ministre de ses réponses et, surtout,
la féliciter pour son acte d'espérance.
M. le président.
La parole est à M. Weber.
M. Henri Weber.
Je vais moi aussi revenir sur la question des arts plastiques, ce qui ne
signifie pas que la réponse de Mme la ministre ne me satisfait pas, au
contraire. Le budget des arts plastiques a en effet augmenté au moins autant
que le budget de la culture dans son ensemble et nous disposons de réseaux de
diffusion et d'exposition que le monde nous envie : les nombreux fonds
régionaux d'art contemporain, les FRAC, les écoles d'arts.
J'ajoute, puisque Mme la ministre n'y a pas fait allusion, qu'elle a fait
preuve d'une grande pugnacité dans la bataille récente sur un point particulier
de la loi sur les musées, à propos d'un amendement qui a été déposé à
l'Assemblée nationale en première lecture par vos amis de l'opposition, mes
chers collègues.
Cet amendement déniait le caractère d'inaliénabilité des oeuvres d'art
contemporain récemment acquises, et ce pendant trente ans, ce qui jetait la
suspiscion sur leur valeur artistique.
Vous avez fortement combattu cet amendement et il a été repoussé. Cet exemple
ne fait qu'ajouter encore au sérieux de vos préoccupations !
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances.
On a le droit de préférer la
ministre au Gouvernement !
M. Henri Weber.
Vous avez tous les droits, cher ami, mais je souhaitrais mettre en exergue une
certaine solidarité et, surtout, une certaine cohérence.
J'étais avec Mme la ministre à Nantes, à la mi-novembre, à un salon
interprofessionnel de l'art contemporain. A cette occasion, j'ai pu mesurer à
quel point les artistes plasticiens éprouvaient le sentiment, si je puis dire,
d'être les « Cendrillon » de la politique culturelle.
Nombre d'entre eux soupçonnent l'Etat de privilégier d'autres secteurs
culturels, le spectacle vivant, le cinéma, le patrimoine, les bibliothèques, et
de ne réserver aux beaux-arts qu'une attention distraite et des prestations
minimales. Leur soupçon est injuste, je viens de le montrer, mais le sentiment
persiste. Nos performances dans le domaine des arts visuels semblent
aujourd'hui moins brillantes que nos performances dans d'autres domaines
culturels : le cinéma, la danse, la musique et, évidemment, les spectacles
vivants.
Ces performances brillantes et remarquables sont autant d'hommages rendus à la
politique de ce ministère et de ce Gouvernement depuis cinq ans. Mais il est
vrai que, pour les arts plastiques, il y a une interrogation.
Il y a eu des études et des enquêtes. Elles ont été contestées et elles sont
contestables. Elles ont cependant donné lieu à des campagnes selon lesquelles
la France, qui avait été pendant un siècle et davantage à la pointe du marché
de l'art et de la création esthétique, qui était l'épicentre de la création
artistique et esthétique, était en train de « décrocher » au profit des
artistes, des plasticiens non seulement des Etats-Unis, mais aussi de
Grande-Bretagne et d'Allemagne.
En fait, si la France importe pour un milliard ou 2 milliards de francs
d'oeuvres d'art par an, elle en exporte pour 6 milliards ou 7 milliards de
francs, ce qui soulève quelques interrogations.
Madame la ministre, quelle est votre appréciation sur la situation des arts
plastiques dans notre pays, par rapport à ces campagnes de presse, par rapport
à ces suspicions ? Comment entendez-vous conforter leur situation dans notre
pays ?
En attendant, j'indique d'ores et déjà que la loi relative aux musées de
France en cours d'examen prévoit un dispositif fiscal fortement incitatif
destiné à encourager les entreprises privées à concourir à la protection des
trésors nationaux, et que d'autres mesures d'incitation fiscale à l'acquisition
d'oeuvres d'art sont en débat ou à l'étude.
Par ailleurs, madame la ministre, quel rôle de complément peuvent jouer, selon
vous, le mécénat et l'aide aux collectionneurs privés dans le soutien aux arts
plastiques et, plus particulièrement, à l'art contemporain ?
M. le président.
La parole est à Mme le ministre.
Mme Catherine Tasca,
ministre de la culture et de la communication.
Monsieur le sénateur,
comme vous, j'ai senti la préoccupation des artistes plasticiens au salon
international du patrimoine culturel, le SIPAC, à Nantes. Comme vous, je pense
que le soupçon d'une préférence de notre action publique pour d'autres
expressions n'est pas légitime. Je dois toutefois prendre ce sentiment en
considération.
Une ministre n'a pas à préférer tel ou tel secteur. Il lui faut néanmoins,
parfois, établir des priorités. A cet égard, il me semble que vous étiez
convenu vous-même qu'il était nécessaire de donner cette année la priorité
auxspectacles vivants et à de nouvelles formes d'expression. Il n'en demeure
pas moins que des efforts ont également été consentis en faveur de la création
contemporaine.
A cet égard, j'ai d'ailleurs noté avec plaisir, à Nantes, que les artistes
eux-mêmes commençaient à s'organiser pour mieux participer au débat public sur
la politique culturelle. Je m'en réjouis et je suis certaine que cela
facilitera le dialogue entre les pouvoirs publics, les artistes et le
public.
Je ne partage pas toutes les inquiétudes qui sont souvent nées d'un rapport
très particulier sur la place de la France sur la scène artistique mondiale.
Certes, ce n'est plus le début du siècle, ce ne sont plus les années cinquante,
ni même les années récentes, qui furent très prospères pour le marché de l'art.
Je suis néanmoins confiante dans l'évolution de l'art contemporain français sur
la scène internationale, ne serait-ce que parce que je vois quelle est notre
participation dans les grandes manifestations internationales.
Mon ministère accompagne, soutient la présence artistique française dans les
grands salons, dans les capitales internationales. J'ai d'ailleurs eu le
plaisir, comme beaucoup d'autres, de voir un artiste français, Pierre Huyghe,
remporter le succès que l'on sait pour l'oeuvre qu'il présentait au pavillon
français de la Biennale de Venise.
Mais il est bien d'autres talents et, tout récemment, en Allemagne, la
créativité de la scène française a également été saluée.
Le rôle de l'Etat, c'est d'accompagner ce mouvement. J'ai envie de dire
également qu'au-delà de la grande confiance que j'ai, pour ma part, dans la
création française - je m'empresse de dire que j'y intègre les oeuvres des
artistes étrangers qui ont choisi de vivre sur notre terre et d'y exprimer leur
démarche artistique - doit se joindre le soutien de celles et de ceux dont le
métier est de repérer, d'encourager, de susciter ce qu'on appelle d'un mot
barbare la « monstration » de la création contemporaine.
J'ai parfois le sentiment que certains de nos professionnels et que certains
spécialistes portent un regard d'une sévérité extrême sur nos propres créateurs
ou, en tout cas, qu'ils font preuve de moins d'attention à leur égard qu'à la
création qui nous vient d'au-delà des frontières. C'est ce chemin-là que je
compte encourager. C'est en ce sens que va travailler la nouvelle structure du
Palais de Tokyo.
L'équipe qui l'anime a le souci constant de faire une place importante à la
création contemporaine qui vit sur notre territoire tout en étant ouverte vers
l'extérieur. C'est le travail que font aussi, pour la plupart, les centres
d'art contemporain dans les régions et les fonds régionaux d'art
contemporain.
Il y a, vous le voyez, de nombreuses raisons d'espérer.
M. Henri Weber.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Weber.
M. Henri Weber.
Je souhaite remercier Mme la ministre de ces précisions et l'encourager à
faire en sorte que le regard sévère posé par ceux qui organisent ces «
monstrations » - puisqu'il faut employer ce terme - s'adoucisse.
Je veux également insister sur la nécessité d'inciter, juridiquement et
fiscalement, au développement des collections privées et des fondations.
Si nous refusons, depuis une vingtaine d'années - période au cours de laquelle
nous sommes revenus durablement au pouvoir, à l'exception de quelques «
incursions » de l'opposition de droite qui sont autant de parenthèses
(Exclamations sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants) -
si nous refusons, disais-je, malgré toutes les offensives récurrentes, de
ne pas intégrer les oeuvres d'art, comme on nous y invitait constamment, dans
la fiscalisation de l'impôt sur la grande fortune, ce n'est pas pour conforter
ou préserver un privilège ! C'est tout simplement parce que, nous le savons, le
marché de l'art joue, dans ce domaine, un rôle très important et qu'il est de
plus en plus international. Il ne faut donc pas décourager les collectionneurs,
bien au contraire !
Si l'action publique et les institutions sont tout à fait essentielles, les
actions privées, les amateurs privés, les collections et les fondations ont
également de l'importance. Nous avons d'ailleurs pris une série de mesures pour
les encourager. Le projet de loi relatif aux musées de France y contribue
grandement. Nous devons persister dans cette direction.
(Applaudissements
sur les travées socialistes.)
M. le président.
La parole est à Mme Olin.
Mme Nelly Olin.
Madame le ministre, mon intervention portera essentiellement sur les problèmes
auxquels vous avez été confrontée avec les personnels de votre ministère
concernant le passage au 35 heures ; mais je crois avoir entendu que tout était
réglé ou en voie de l'être.
Si tel est le cas, nous nous en réjouissons, car ce conflit, qui, on s'en
souvient, est à l'origine de plusieurs semaines de grève des personnels des
musées et des châteaux nationaux, a donné une image déplorable de notre pays à
tous les touristes étrangers, puisque ceux-ci se sont vu interdire l'accès à
des sites culturels tels que le musée du Louvre.
Nous souhaiterions vivement connaître les dispositions que vous avez prises
pour qu'une telle situation ne se reproduise plus. J'espère que vous
comprendrez ma démarche. En effet, loin de vouloir donner des leçons, je
cherche seulement à comprendre quelle est votre politique en matière d'emploi.
Etes-vous en mesure de nous dire quels accords ont été signés et quel a été
l'objet et le résultat des négociations ?
La réduction du temps de travail était annoncée comme un grand projet de
société, « le » grand projet de société, devrais-je dire, visant, d'une part, à
améliorer les conditions de vie et de travail et, d'autre part, à créer des
emplois pour lutter contre le chômage. Or, au travers du conflit que je viens
d'évoquer, il semble que, s'agissant de l'application des 35 heures, l'Etat
soit le plus mauvais élève de la République ! De plus, sur les 350 créations de
postes pour 2002, 200 ne sont en fait que des consolidations, comme vous venez
de le signaler, madame le ministre. Il était, certes, nécessaire de résorber
l'emploi précaire, mais cela ne laisse que 150 créations nouvelles. Si tel est
le cas, c'est bien peu !
Un autre point mérite d'être souligné. De nombreux acquis sociaux, comme la
semaine Malraux, seraient remis en cause. C'est un nouveau mode de
commémoration de la naissance de l'auteur qui n'est pas du tout du goût du
personnel !
Je souhaite également vous interroger sur le musée de l'Homme, dont les
personnels sont, ou étaient, en grève depuis le 19 novembre dernier. Ou en est
la situation ? Ce conflit est-il réglé et, dans l'affirmative, comment l'a-t-il
été ?
Je crois savoir qu'il est question de délocaliser les collections de ce musée
dans le nouveau musée des Arts premiers du quai Branly pour 2004. Les
personnels du musée de l'Homme sont très inquiets quant à leur devenir et
s'insurgent contre la suppression d'une institution qui est un peu la leur et
qu'ils considèrent, à juste titre, comme l'une des plus prestigieuses de
l'histoire de la muséographie. En outre, toujours selon les personnels de ce
musée, la nouvelle institution ne remplacerait en aucun cas la mission
culturelle qui est aujourd'hui celle du musée de l'Homme.
Madame la ministre, avez-vous, d'ores et déjà, envisagé la réintégration du
personnel du musée de l'Homme au sein du nouveau musée des Arts premiers et
avez-vous prévu la création de nouveaux emplois à cette occasion ?
Je conclurai mon propos en rappelant que votre budget est décevant, que la
politique culturelle de votre gouvernement manque de souffle, de clarté et
d'imagination. Ce n'est pas en oubliant la nécessité du rayonnement culturel de
la France que l'Europe se fera mieux.
Pour ces raisons, mon groupe et moi-même ne voterons pas votre budget.
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Michel Duffour,
secrétaire d'Etat.
Je vous prie tout d'abord de bien vouloir excuser Mme
Tasca, qui a été obligée de s'absenter.
Le conflit relatif aux 35 heures est terminé. Par ailleurs, si, à la suite de
quelques perturbations sérieuses, certains musées ont effectivement fermé leurs
portes, cela n'a pas duré deux mois. La plupart ont été fort heureusement
ouverts ces derniers temps et ont été en mesure d'accueillir les visiteurs.
Nous n'avons pas abouti à la signature d'un accord. Nous sommes parvenus à un
non-accord non conflictuel, cela au niveau national, ce qui est important. En
effet, les négociations continuent au sein de nos services, des directions
régionales et des établissements publics, et les discussions positives que nous
avons nous permettent de penser que nous parviendrons, dans les prochaines
semaines, à un accord.
Nous devons cette modification du climat social, d'une part, au rappel du
nombre non négligeable d'emplois qui ont été créés au sein de notre ministère -
cela a été dit tout à l'heure - et, d'autre part, comme dans toute négociation,
à la prise en compte des aspirations des personnels. Nous avons également
rappelé les grands principes. Cela a permis d'aboutir à une situation qui,
comme je l'ai déjà dit, sera beaucoup plus apaisée, nos personnels étant mieux
à même de remplir leur tâche.
Madame le sénateur, s'agissant du musée de l'Homme, que vous avez évoqué, je
vous rappelle qu'il est sous la tutelle non pas du ministère de la culture,
mais du ministère de l'éducation nationale.
Nous attachons une grande importance au musée des Arts premiers.
Vous êtes bien placée pour savoir que ce musée est également cher au coeur du
Président de la République. A l'heure actuelle, des discussions ont lieu au
sujet des collections du musée de l'Homme et elles devraient aboutir à une
solution positive pour le patrimoine français et pour nos collections.
(Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et
citoyen, ainsi que sur les travées socialistes.)
M. Jean-Philippe Lachenaud.
C'est très flou !
Mme Nelly Olin.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à Mme Olin.
Mme Nelly Olin.
Je vous remercie, monsieur le secrétaire d'Etat. Nous attendons donc la suite
des accords qui devraient être signés et j'espère que nous serons tenus au
courant. Souhaitons que des grèves ne perturbent pas à nouveau le
fonctionnement des musées, afin que l'image qui a été donnée aux touristes
étrangers ne perdure pas !
M. le président.
Nous allons procéder à l'examen et au vote des crédits concernant la culture
et figurant aux états B et C.
ETAT B
M. le président. « Titre III : 33 179 144 euros. »
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances.
Monsieur le président, monsieur
le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, je souhaite donner les raisons pour
lesquelles la commission des finances demande au Sénat de rejeter les crédits
qui nous sont proposés.
Il s'agit d'un budget et non de la « grande fresque » de la politique menée
par un ministère ! Il convient toujours de rappeler à quoi servent les débats
que nous avons.
En outre, les compétences de la commission des finances sont d'abord des
compétences budgétaires, que nous essayons, au nom du Sénat, d'assumer de notre
mieux, de même que nous nous efforçons d'éclairer le Sénat sur les
imperfections - surtout lorsqu'elles sont grandes - de l'utilisation des
crédits.
A ce propos, l'analyse qui a été faite par notre rapporteur spécial, M. Yann
Gaillard, illustre la dérive générale qui a été constatée en matière de
politique budgétaire au cours de cette législature et qui consiste à laisser
filer les moyens de fonctionnement au détriment des investissements, qui sont
pourtant si urgents.
Madame Pourtaud, à plusieurs reprises, vous en avez appelé à notre bonne foi.
Personnellement, je ne doute nullement de la vôtre et je vous remercie de
vouloir bien ne pas douter de la nôtre.
(Mme Pourtaud fait une moue
dubitative.)
M. Louis de Broissia.
Mme Pourtaud ne le peut pas !
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances.
En effet, chacun se détermine en
conscience et notre rôle de parlementaire - c'est presque un préalable ! - nous
impose de respecter les convictions des uns et des autres.
Je m'adresserai maintenant à vous, monsieur le secrétaire d'Etat et, à travers
vous, à Mme Catherine Tasca, qui a dû partir.
Nous avons tout de même constaté les problèmes liés à la consommation des
crédits consacrés à nos monuments historiques. Franchement, pour les sénateurs
de la France entière, cette situation est incompréhensible et montre les
difficultés que vous avez à assumer votre mission.
S'agissant de l'accroissement des dépenses ordinaires, dont j'ai parlé tout à
l'heure, nous avons constaté - je parle sous le contrôle de M. Gaillard - une
dérive d'un milliard de francs entre 1997 et 2000, alors que les dépenses en
capital ont régressé de 500 millions de francs.
Les crédits de paiement du patrimoine servent de variables d'ajustement, et
ces procédures - je vais employer un euphémisme pour vous le dire de
façondistinguée, cher secrétaire d'Etat et ancien collègue - font peu de cas de
l'autorisation parlementaire à laquelle nous procédons au moment de la
discussion budgétaire et pour laquelle le Parlement a été institué, mes chers
collègues. S'il n'en est tenu aucun compte, où est la démocratie dans notre
pays ?
Disons alors franchement que c'est le Gouvernement qui est souverain et non
plus le peuple français, incarné dans sa représentation nationale !
Monsieur le secrétaire d'Etat, les pratiques de votre ministère ne sont pas
acceptables du point de vue budgétaire. Ne serait-ce que pour cette raison, je
souhaite, monsieur le président, que le Sénat s'exprime par un scrutin public,
lequel confère à la sanction d'un acte budgétaire la solennité qui s'impose.
Mes chers collègues, je vous remercie de bien vouloir suivre l'avis de la
commission des finances.
(Applaudissements sur les travées de l'Union
centriste, du RPR, et des Républicains et Indépendants.)
M. le président.
Je mets aux voix les crédits figurant au titre III.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant de la commission des
finances.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions réglementaires.
(Le
scrutin a lieu.)
M. le président.
Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrution est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
Nombre de votants | 313 |
Nombre de suffrages exprimés | 313 |
Majorité absolue des suffrages | 157 |
Pour l'adoption | 112 |
Contre | 201 |
M. le président. « Titre IV : 49 167 114 euros. »
Sur ces crédits, la parole est à M. Renar.
M. Ivan Renar.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, la
qualité et la diversité de la culture et de la création françaises sont
appréciées et reconnues dans le monde entier. Le particularisme bien français -
implication très forte de la puissance publique et protection de l'emploi
culturel - rend possible ce dynamisme en donnant les moyens aux artistes
d'exprimer leur talent et leur créativité.
Le régime des intermittents du spectacle est aujourd'hui directement menacé
par le MEDEF, qui refuse d'ouvrir toute négociation permettant l'annexion à la
convention générale de l'UNEDIC des annexes VIII et X régissant l'assurance
chômage des salariés du spectacle, du cinéma et de l'audiovisuel.
La volonté de remettre en cause ce régime n'est pas nouvelle et la refonte du
régime général de l'UNEDIC sert aujourd'hui de prétexte à une nouvelle
tentative visant à mettre un terme à un dispositif spécifique jugé
exorbitant.
Les artistes, les salariés du spectacle, du cinéma et de l'audiovisuel ne sont
pourtant pas des privilégiés. Leur régime d'assurance chômage existe en raison
de la spécificité même du travail de ces professions, marqué par l'alternance
de contrats à durée déterminée et de périodes de chômage qui sont aussi souvent
des périodes de préparation, de répétitions.
Si le patronat veut réellement abolir les privilèges, je le soutiendrai dans
toute initiative pour une nouvelle nuit du 4 août.
Mme Danièle Pourtaud.
Bravo !
M. Ivan Renar.
Je suis même tout disposé à lui donner quelques conseils et quelques pistes
avisés.
Mais, dans ce cas précis, il s'agit d'une attaque en règle et tout à fait
inadmissible contre les artistes, qui, pour beaucoup d'entre eux, connaissent
les dures réalités de la précarité.
Intégrer les artistes dans le régime des intérimaires - c'est la proposition
qui est faite - exclurait de toute indemnité la moitié des bénéficiaires du
régime des intermittents. De fait, ce serait porter un coup très grave à la
création française et à toute la vie culturelle française.
En attendant, et depuis le 1er janvier 2001, les intermittents se trouvent
devant un vide juridique. Légalement, leur statut n'existe plus. Ce n'est pas
sans conséquences concrètes. Si les indemnités leur sont toujours versées, ils
sont en revanche exclus de la non-dégressivité des allocations chômage dont
bénéficient les salariés du régime général et des dispositions relatives à la
réduction du temps de travail.
Pour ma part, je suis un défenseur du paritarisme et des négociations entre
partenaires sociaux. Mais, quand blocage il y a, force doit revenir à la loi.
Des propositions ont été faites en ce sens, à l'Assemblée nationale, par mes
amis et par le groupe socialiste et elles seront examinées en séance publique
le 12 décembre prochain. Un acccord professionnel majoritaire existe en la
matière depuis le mois de juin 2000, actualisé depuis pour tenir compte de la
convention générale.
Aussi, je vous remercie, monsieur le secrétaire d'Etat, de nous préciser
concrètement ce que le Gouvernement compte faire pour pérenniser le régime des
intermittents du spectacle. Je souhaite - c'est la proposition que je ferai au
président Jacques Valade et à mes collègues de la commission des affaires
culturelles de la Haute Assemblée - qu'une mission d'information fasse le point
sur le régime de l'intermittence du spectacle, au-delà même de la loi qui
devrait être adoptée par les deux assemblées.
M. Michel Duffour,
secrétaire d'Etat.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Michel Duffour,
secrétaire d'Etat.
Comme vous l'avez souligné, monsieur le sénateur, le
régime d'assurance chômage des intermittents du spectacle concerne des métiers
qui représentent environ 2 % de la population active et 4 % des demandeurs
d'emploi. La protection assurée par ce régime est un élément essentiel de la
vitalité de la création dans notre pays.
Comme vous l'avez également indiqué, la nouvelle convention de l'UNEDIC,
entrée en vigueur le 1er juillet 2001, a modifié substantiellement le régime
interprofessionnel de l'assurance chômage dans un sens qui n'est pas adapté en
tous points aux réalités du secteur.
Les dispositions protectrices spécifiques aux intermittents du spectacle,
prévues par les annexes VIII et X de l'ancien accord de l'UNEDIC, ont néanmoins
été provisoirement maintenues en vigueur.
Face au refus du MEDEF de rouvrir le dialogue, je vous confirme qu'une
proposition de loi vient d'être déposée à l'Assemblée nationale, afin de donner
une base légale au maintien du dispositif existant tant qu'un nouvel accord
n'aura pas été agréé ; sa discussion aura bien lieu le 12 décembre prochain.
Le Gouvernement regrette que le législateur soit obligé d'intervenir pour
garantir une protection sociale dont la justification est avérée et qui aurait
dû se trouver confortée par la négociation entre les partenaires sociaux. Mais
nous prenons nos responsabilités et, par cette proposition de loi, nous créons
la possiblité de maintien de ces annexes jusqu'à ce qu'un accord puisse être
trouvé.
(Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen
et sur les travées socialistes.)
M. le président.
Je mets aux voix les crédits figurant au titre IV.
(Ces crédits ne sont pas adoptés.)
ÉTAT C
M. le président. « Titre V. - Autorisations de programme : 291 909 000 euros ;
« Crédits de paiement : 70 979 000 euros. »
Je mets aux voix les crédits figurant au titre V.
(Ces crédits ne sont pas adoptés.)
M. le président.
« Titre VI. - Autorisations de programme : 275 432 000 euros ;
« Crédits de paiement : 174 198 000 euros. »
Je vais mettre aux voix les crédits figurant au titre VI.
M. Jean-Philippe Lachenaud.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Lachenaud.
M. Jean-Philippe Lachenaud.
Je souhaite apporter le soutien du groupe des Républicains et Indépendants
ainsi que mon soutien personnel particulièrement argumenté à la demande de
rejet et du titre V et du titre VI.
J'ai été particulièrement sensible aux critiques justifiées, et répétées année
après année, qui figurent dans le rapport de Yann Gaillard sur la question des
reports et des sous-consommations des crédits à la fois du titre V et du titre
VI. Il est vrai que l'autorisation parlementaire se trouve ainsi privée de
toute signification, comme l'a rappelé tout à l'heure le président Alain
Lambert.
Il faut bien voir que du point de vue tant du gestionnaire des crédits du
ministère - j'ai assumé ces fonctions il y a longtemps - que du président d'un
exécutif, notamment d'un maire, d'un président de conseil général ou régional,
cette sous-consommation de crédits a des effets catastrophiques : les crédits
sont soit annulés, soit affectés à d'autres chapitres, ce qui introduit un
désordre dans la programmation et dans la réalisation des projets de l'Etat.
Cette observation concerne le titre V.
S'agissant du titre VI, dès lors que la programmation ne peut pas être suivie,
c'est toute la contractualisation, les fonds de concours, l'avancement et le
suivi des chantiers, de plus en plus complexe, qui se trouvent perturbés. Je
tenais à le dire au moment du vote des crédits.
Il est stupéfiant de constater que, face à une situation qui dure depuis
vingt-cinq ou trente ans, le ministère ne fait aucune proposition pour analyser
les raisons de cet état de choses. Elles tiennent aux conditions de la maîtrise
d'ouvrage, aux procédures financières, aux procédures d'études, aux procédures
techniques, aux procédures des fonds de concours et aux conditions de
réalisation des ouvrages.
Finalement, on semble considérer que cette sous-consommation ne doit pas
soulever d'inquiétudes. Je tenais à faire remarquer qu'elle pose des problèmes
pour les grands projets culturels et aussi aux autorités locales.
(Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR
et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
Je mets aux voix les crédits figurant au titre VI.
(Ces crédits ne sont pas adoptés.)
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances.
Au terme de cette discussion
budgétaire expérimentale, je souhaite, monsieur le président, vous exprimer les
remerciements de la commission des finances et les miens. Vous avez fait en
sorte, avec l'élégance et la courtoisie qui vous caractérisent, que chacun
puisse s'exprimer, tout en veillant au respect des temps de parole.
Je remercie aussi le Gouvernement de l'effort qu'il a accompli, car l'exercice
n'est pas commode.
Je remercie également tous nos collègues qui ont bien voulu accepter de jouer
le jeu.
Tout à l'heure, j'ai oublié de dire à Jack Ralite que nous attachons une
grande importance aux travaux écrits qui précèdent la discussion en séance
publique. Mes chers collègues, ce sont à la fois les travaux écrits, les
auditions en commission et le travail en séance publique qui font véritablement
la discussion budgétaire. Nous avons souhaité que, lors de la séance publique,
les sénateurs puissent poser des questions précises auxquelles le Gouvernement
pourrait répondre également de façon précise.
Nous ne sommes sans doute pas parvenus au degré ultime de perfection ce soir,
mais nous avons progressé. Je vous remercie de l'avoir permis, monsieur le
président.
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et
des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du
RDSE.)
M. le président.
A mon tour, je tiens à remercier Mme le ministre, M. le secrétaire d'Etat,
vous-même, monsieur le président de la commission, MM. les rapporteurs, ainsi
que tous ces intervenants d'avoir facilité l'exercice de la présidence.
Nous avons achevé l'examen des dispositions du projet de loi de finances
concernant la culture.
Anciens combattants
M. le président.
Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi de finances concernant
le ministère des anciens combattants.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Jacques Baudot,
rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et
des comptes économiques de la nation.
Monsieur le secrétaire d'Etat, avant
d'entamer l'examen des crédits pour 2002 de votre secrétariat d'Etat, je tiens
à rendre hommage au travail accompli par votre prédécesseur, qui a rejoint nos
travées et qui ne manquera pas, j'en suis sûr, de poursuivre ainsi l'action
qu'il a si positivement menée en faveur du monde combattant durant les années
où il présidait à sa destinée.
J'en profite également, monsieur le secrétaire d'Etat, pour vous souhaiter la
bienvenue dans la Haute Assemblée. C'est une première, car, depuis vingt ans,
vous avez été plus habitué à siéger au sein de la chambre basse du Parlement,
où vous vous êtes spécialisé - comme moi ici - dans la défense du monde des
anciens combattants !
Défendant un budget que vous n'avez pas préparé, monsieur le secrétaire
d'Etat, c'est en quelque sorte votre baptême du feu, et je vous souhaite
sincèrement bonne chance dans cet intérim que vous allez assurer jusqu'en juin
prochain. Nous espérons tous que vous ne gérerez pas uniquement les affaires
courantes de ce secrétariat d'Etat.
Venons-en maintenant à l'analyse des crédits de votre portefeuille, qui ne me
semble, au départ, pas très garni ! Sa perte de valeur est indéniable.
En tout cas, j'ai lu, dans le compte rendu des débats de l'Assemblée nationale
paru au
Journal officiel,
que ce budget avait été sévèrement critiqué
par des membres éminents de la majorité plurielle, et particulièrement par l'un
de vos amis, je veux parler de M. Georges Sarre, qui s'est exprimé en ces
termes : « Ce projet de budget des anciens combattants manque singulièrement
d'ambition. Il manque de ce souffle, de cette volonté d'honorer dignement ceux
qui, hier, se sont battus pour notre nation ».
Vous me direz que c'est une bonne introduction...
En raison tout à la fois des transferts du budget des anciens combattants vers
la défense, de l'intégration, au sein du budget des anciens combattants, de
lignes budgétaires relevant antérieurement des charges communes et du passage à
l'euro, les crédits du secrétariat d'Etat aux anciens combattants manquent un
peu de lisibilité. Rien à voir, de ce point de vue, avec le calcul du rapport
constant, me direz-vous !
Je vais donc tenter, sans trop vous abreuver de chiffres, de vous présenter le
projet de budget pour 2002 tel qu'il est issu des travaux de l'Assemblée
nationale, le 7 novembre dernier et le 19 novembre, pour la deuxième
délibération.
Les crédits du secrétariat d'Etat aux anciens combattants prévus au projet de
loi de finances pour 2002 s'élèvent à 3,63 milliards d'euros, soit 23,798
milliards de francs, ce qui semble constituer une infime augmentation - 0,02 %
- par rapport aux crédits pour 2001.
Ce n'est en effet qu'une apparence, en raison des transferts entre sections
dont je viens de parler, auxquels il nous faut ajouter la diminution mécanique
du nombre de parties prenantes - à peu près 4 % - sachant que le nombre de
pensionnaires diminue, tandis que le nombre de bénéficiaires de la retraite du
combattant monte en puissance. Il faut y voir l'effet, d'une part, de l'arrivée
en âge des anciens combattants d'Afrique du Nord, d'autre part, de l'extension
des conditions d'attribution de la carte du combattant depuis 1997.
Quoi qu'il en soit, le chiffre que nous retiendrons ce soir est celui de 3,63
milliards d'euros. J'y reviendrai ultérieurement, mais, dès à présent, je tiens
à insister sur les trois amendements gouvernementaux, adoptés par l'Assemblée
nationale, par lesquels vous avez majoré, d'une part, les crédits de l'ONAC,
l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre, de 1,52
million d'euros et, d'autre part, le chapitre 46-20 en faveur des ayants cause
des anciens combattants des anciennes colonies, pour le même montant, et,
enfin, le chapitre 46-40 en faveur, notamment, des actions de mémoire, pour 47
100 euros.
Les crédits d'intervention représentant 98 % du budget global, essentiellement
constitués par la dette viagère, je noterai que la subvention de fonctionnement
de l'ONAC progresse de 3,5 %, pour atteindre un montant total de 38,7 millions
d'euros, et que celle de l'INI, l'Institution nationale des invalides, diminue
de 8,6 %, représentant 6,24 millions d'euros.
Concernant l'ONAC, cette augmentation devrait lui permettre d'entamer la
réalisation de son projet « Nouvel élan pour l'ONAC », en poursuivant,
notamment, la mise aux normes de ses maisons de retraite qui, je le sais, est
en cours.
J'aimerais cependant que vous nous confirmiez ou que vous nous infirmiez,
monsieur le secrétaire d'Etat, l'information selon laquelle l'Etat envisagerait
de ne pas verser à l'ONAC la subvention de fonctionnement de 60 millions de
francs votée dans le cadre du dernier budget. J'ai lu les débats de l'Assemblée
nationale et, pas plus que les députés, je n'ai constaté de « oui » franc ou de
« non » franc, tout juste un « oui, mais » ou un « non, mais ». Je n'ai pas
compris. J'attends donc de vous, monsieur le secrétaire d'Etat, que vous nous
disiez si c'est oui ou si c'est non !
M. Jacques Floch,
secrétaire d'Etat à la défense chargé des anciens combattants.
C'est un «
oui » franc !
(Sourires.)
M. Jacques Baudot,
rapporteur spécial.
Concernant l'INI, je rappellerai qu'elle est
désormais intégrée dans le service hospitalier et qu'elle perçoit, à ce titre,
la dotation globale hospitalière.
L'INI, qui s'est, par ailleurs, engagée à améliorer la qualité et la sécurité
des soins qu'elle délivre, devrait obtenir prochainement son accréditation
hospitalière.
Par un formidable effet d'annonce auquel nous a, certes, habitués votre
gouvernement, vous nous proposez, monsieur le secrétaire d'Etat, quatre
nouvelles mesures. Personnellement, je n'en dénombre que deux, et je m'en
explique.
Premièrement, l'article 61, qui prévoit le relèvement de cinq points du
plafond majorable de la rente mutualiste, n'est en fait qu'une simple
application de l'indice de référence, à savoir le point de pension militaire
d'invalidité, tel qu'il a été décidé dans la loi de finances pour 1998. Je ne
vois pas là grand-chose de novateur !
Je voudrais rappeler que, contrairement à l'engagement du Gouvernement - ou,
plus précisément, du Premier ministre, Lionel Jospin, alors candidat à
l'élection présidentielle - les cent trente points permettant d'accéder au
plafond de 10 000 francs ne seront pas atteints avant la fin de la législature.
Nous le répétons tous les ans, mais cela reste vrai !
La seconde de ces « nouvelles » mesures vise à rétablir l'unicité du point des
pensions d'invalidité. C'est l'objet de l'article 64.
Là non plus, il n'y a pas vraiment de surprise ! Depuis deux ans que
s'appliquait l'échelonnement, je dois vous avouer que nous attendions
logiquement ce solde. Faute d'être surpris, je dois, en revanche, vous faire
part de mon étonnement quant au montant alloué à cette opération. Il me semble,
en effet, nettement sous-évalué : 2,59 millions d'euros, soit 17 millions de
francs, au lieu des 35 millions de francs considérés comme nécessaires pour
solder ce dossier.
Après ces deux fausses nouvelles mesures, j'aborderai les deux réelles ; car
il y en a tout de même deux !
Elles concernent les grands invalides et leurs veuves. Monsieur le secrétaire
d'Etat, leur cas est prioritaire car, en plus du sacrifice de leur jeunesse
sous les drapeaux, ils ont, une vie durant, porté le fardeau d'une blessure ou
d'une maladie. Il n'est que justice de tenter d'adoucir leur peine.
L'article 63 accorde aux bénéficiaires d'une pension d'invalidité le droit à
la retraite du combattant dès soixante ans. C'est une bonne mesure, et nous
nous en réjouissons, tout en déplorant qu'aucun geste, même minime, n'ait été
accompli en direction des anciens combattants non pensionnés.
Admettant que l'extension de cette mesure à tous les anciens combattants
pesait trop lourd sur le budget, j'avais pourtant proposé, l'année dernière
déjà - mais je n'avais pas été le seul - plusieurs pistes de réflexion : elles
n'ont pas même été étudiées.
J'avais ainsi proposé un passage progressif, en une ou deux étapes, à soixante
ans ou, tout simplement, le relèvement de l'indice, l'indice 33, qui, je vous
le rappelle, est bloqué depuis 1977.
Seconde nouvelle mesure « réelle », l'article 62 prévoit l'augmentation de
cent vingts points de la pension des veuves de grands invalides, soit près de
10 000 francs par an. Quoi de plus normal ? Le sacrifice de ces femmes fidèles
et courageuses méritait la considération de la société.
Je ne puis, toutefois, m'empêcher de penser aux veuves de combattants qui, si
elles n'ont pas partagé le poids d'une invalidité, se retrouvent souvent
démunies au décès de leur mari. Heureusement, le 7 novembre dernier, peut-être
mu par un remords, vous avez alimenté les comptes de l'ONAC de 10 millions de
francs supplémentaires.
L'intervention de l'ONAC, dans sa mission sociale, est fondamentale, tout
particulièrement auprès des veuves.
Cela étant, permettez-moi de jeter un regard critique, monsieur le secrétaire
d'Etat, sur votre récente initiative de proposer la désignation, dans chaque
mairie, d'un interlocuteur chargé d'« écouter » les veuves et les orphelins -
on ne voit d'ailleurs pas ce qu'il pourrait faire d'autre, puisqu'il ne
disposera pas de crédits - et votre appel aux maires, les priant de leur rendre
hommage. Au regard du désappointement et du dénuement de ces femmes, cette idée
semble bien dérisoire et sans fondement. Je dirai presque que vous jetez de la
poudre aux yeux.
Bien que cette mesure ne soit pas, à proprement parler, budgétaire, je
n'oublierai pas l'article 64
bis,
voté en deuxième délibération, à la
suite d'un amendement de la commission des affaires culturelles de l'Assemblée
nationale, et visant à présenter au Parlement, avant la discussion budgétaire
prochaine, un rapport d'évaluation du coût de la mise en place de centres de
soins de proximité adaptés au traitement des psychotraumatismes de guerre.
J'espère que les crédits pour 2003 - je pense que vous allez vous en occuper
pendant les six mois qui viennent - concrétiseront les conclusions de ce
rapport attendu.
A la fin de ce débat, il nous sera demandé, mes chers collègues, de nous
prononcer sur ces mesures. Il est évident que, malgré la modicité de ces
avancées, nous ne pourrons que leur accorder notre approbation.
J'aborderai maintenant les dossiers que le projet de budget a totalement
passés sous silence.
Il n'est pas dans mon intention de faire un catalogue, comme celui de
La
Redoute,
des multiples revendications du monde combattant. Je mettrai
seulement le doigt sur les dérobades de votre gouvernement face à des doléances
légitimes.
J'évoquerai, tout d'abord, le problème des anciens combattants d'outre-mer.
Vous savez combien ce dossier me tient à coeur. Je considère, en effet, que le
geste symbolique accompli à l'Assemblée nationale ne constitue pas, à
proprement parler, un début de solution.
Alors qu'en ces lieux-mêmes votre prédécesseur annonçait, il y a tout juste un
an, et dans les mêmes circonstances, la mise en place d'une commission
tripartite chargée d'étudier les conditions d'une décristallisation des
pensions servies à nos anciens compagnons d'armes, hélas ! il a attendu la
semaine de son départ du Gouvernement pour la réunir. Nos anciens combattants
d'outre-mer ont attendu un an !
Dans ces conditions, le budget pour 2002, tel qu'il a été soumis à notre
approbation à l'issue de l'arbitrage, était, bien entendu, silencieux sur leur
sort.
Sous la pression des parlementaires, j'ai moi-même déposé une proposition de
loi soumettant l'idée d'un dégel des retraites seules, comprenant que l'effort
financier global serait difficilement assimilable en une fois, ce dont nous
étions tous conscients. Vous avez donc abondé les comptes du chapitre 46-20
d'une somme de 1,52 million d'euros en faveur de leurs ayants cause. Nous ne
pouvons qu'approuver, monsieur le secrétaire d'Etat, ce « repentir ».
De même, nous apprécions la démarche accomplie en direction des harkis : le 25
septembre est désormais une date officielle de commémoration, mais je pense que
ces combattants n'ont pas encore obtenu, de la part de la communauté nationale,
la reconnaissance qu'ils méritent.
Ne pensez donc pas que cette ébauche de mesure, accordée en fin de débat pour
calmer le mécontentement de parlementaires scandalisés par l'ingratitude
prolongée du Gouvernement, suffise à nous satisfaire. Un geste en direction des
anciens combattants du Maghreb, de loin les plus défavorisés, aurait prouvé une
volonté réelle de sortir de ce coupable et durable « oubli ».
Je profite de l'opportunité qui m'est offerte d'aborder le problème des
anciens combattants d'outre-mer pour attirer votre attention, monsieur le
secrétaire d'Etat, sur ce qui n'est, très certainement, qu'une erreur
administrative.
L'année passée, votre prédécesseur avait levé la forclusion qui frappait le
droit à la retraite du combattant. Or seuls les anciens d'Afrique ont profité
de cette mesure. En effet, les anciens d'Indochine, certes très peu nombreux,
ont été exclus du dispositif, mais je sais que vous allez nous en parler.
Je ne doute pas un instant de la bonne foi du Gouvernement dans cette
omission, vu la modicité des sommes en jeu, mais il serait souhaitable - nous
le demandons même instamment - par souci d'équité, d'y remédier au plus
vite.
Venons-en maintenant à ce que je qualifierai de « pirouette » ; je veux parler
du dossier récurrent des RAD-KHD. Après avoir sollicité l'engagement
conditionnel de l'« entente franco-allemande », qui vous l'a accordé dès 1998,
le Gouvernement a alors demandé l'évaluation chiffrée du nombre de
bénéficiaires potentiels.
Si, comme vous l'affirmez aujourd'hui, le Gouvernement n'a jamais eu
l'intention de verser quoi que ce soit, pourquoi diable ce comptage ? Pourquoi
faire naître un légitime espoir chez les intéressés ?
Comment y voir autre chose qu'une manoeuvre dilatoire ? Je m'élève d'autant
plus contre votre refus d'apporter une solution à ce dossier - vous y
remédierez peut-être d'ici à la fin de notre débat - qu'il appelle une dépense
non reconductible, nous le savons, alors que l'utilisation du différentiel
budgétaire aurait largement suffi à mettre fin à ce contentieux.
Pis encore, s'il est possible, l'arrêté du 25 juillet dernier, paru au
Journal officiel
du 27 juillet - la date elle-même est suspecte,
c'étaient les vacances ! - et signé par votre prédécesseur peu avant son
départ, a pour objet de réduire le montant de l'indemnité d'hébergement versée
durant les séjours en cure thermale. Vous connaissez bien ce dossier, vous en
avez hérité. Non seulement cette économie de bouts de chandelle est mesquine,
mais, en plus, elle est dangereuse, car elle tend à « socialiser » le droit à
réparation.
Je ne céderai pas à la tentation de m'engager dans la négociation de marchand
de tapis à laquelle incite cette mesure : elle est indigne du monde combattant,
pour lequel j'ai trop de respect. Mais je me permettrai de vous rappeler,
monsieur le secrétaire d'Etat, que nous ne devons pas nous tromper de budget.
Nous ne sommes pas ici pour venir en aide à une catégorie sociale défavorisée ;
nous cherchons au contraire comment la nation peut s'acquitter de son devoir à
l'égard de ceux à qui elle est redevable. C'est cela, le sens du droit à
réparation !
Mais vous allez nous répondre sur ce sujet, monsieur le secrétaire d'Etat,
comme sur tous les points mineurs que j'ai évoqués, et nous donner
satisfaction, j'en suis persuadé.
J'aborderai enfin une mesure qui, si elle n'est pas financée sur les crédits
de votre portefeuille, monsieur le secrétaire d'Etat, est gérée par les
services de l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre,
l'ONAC. Vous aurez tous compris que je veux parler du décret du 13 juillet 2000
instaurant une indemnisation au profit des orphelins dont les parents ont été
victimes de persécutions antisémites, et d'eux seuls ! Cette décision a été
prise par le Premier ministre et par lui seul, monsieur le secrétaire d'Etat,
puisque le secrétaire d'Etat aux anciens combattants l'a apprise presque par
hasard, le lendemain. La nouvelle a été lancée à l'issue d'une réunion, et non
pas à la fin d'un repas, comme on aurait pu le croire.
Nul n'a contesté le bien-fondé de cette initiative. Mais, en ravivant de
douloureux souvenirs et en instaurant une injustice entre les victimes de la
barbarie nazie, une telle mesure, qui repose sur un critère confessionnel, ne
pouvait que faire renaître des sentiments contre lesquels nous luttons ensemble
et que nous pensions disparus à jamais.
Alors que le Gouvernement crie haut et fort vouloir « gommer les différences
», il érige en principe la différence raciale, se fait le chantre de la
ségrégation et divise la population. Mon affliction va autant vers les oubliés
de cette mesure que vers ceux qui en bénificient, au prix du sentiment de
jalousie dont ils sont l'objet.
Avant de conclure mon propos, j'aimerais conjointement à ce débat budgétaire,
aborder le problème des emplois-mémoire. Je louerai d'abord le travail
remarquable qu'ont accompli ces jeunes, qui ont ainsi trouvé le chemin de
l'activité et la satisfaction d'une mission utile. Car la mission qui leur a
été impartie, et qui a trouvé tout son sens dans le projet gouvernemental de
développement décentralisé de la politique de la mémoire, a su les motiver
alors qu'ils désespéraient du monde du travail. Les réalisations, qu'elles
portent sur l'information, la communication, la recherche historique ou la
pédagogie, ont été appréciées de tous.
A ces louanges, j'opposerai toutefois un bémol et il est de taille ! Ces
jeunes, qui ont trouvé une raison d'être à travers cette passionnante mission,
sont aujourd'hui déçus, frustrés, de devoir, pour vivre, abandonner un emploi
qui les épanouit. Ils ressentent cruellement une impression de travail
inachevé. Que ne leur avez-vous offert la possibilité d'obtenir une
titularisation au sein de votre administration ? Le Gouvernement voyait-il donc
uniquement dans ces emplois un moyen d'abaisser la courbe du chômage ? Je ne le
crois pas, mais je regrette vraiment que vous n'ayez pas su les apprécier à
leur valeur.
Vous aurez compris, monsieur le ministre, que la commission des finances
demeure bien frustrée, comme son rapporteur spécial, devant la modicité des
mesures proposées et que dans ces conditions, sauf effort considérable de votre
part - dont vous ne manquerez pas de nous faire part - elle se verra dans
l'obligation de rejeter votre budget.
Restent les traditionnelles « questions diverses ». J'en ai une, monsieur le
secrétaire d'Etat, et elle est d'actualité, même si elle n'a aucune incidence
financière à court terme.
M. Gayssot vous a-t-il consulté lorsqu'il a décidé de créer le troisième
aéroport international ? Des discussions ont-elles eu lieu ?
Car, vous le savez tous, il y a près de Chaulnes une importante nécropole.
Que deviendra-t-elle ? Telle est la dernière question d'actualité que je vous
pose.
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des
Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Marcel Lesbros,
rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales.
Monsieur le
président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, notre débat
revêt ce soir une importance toute particulière. D'abord, il nous permet
d'accueillir et de saluer un nouveau secrétaire d'Etat, M. Jacques Floch,
spécialiste des anciens combattants. Ensuite, nous examinons le dernier budget
de la présente législature.
Vous comprendrez donc, monsieur le secrétaire d'Etat, que la commission en
profite pour dresser un premier bilan de l'action du Gouvernement, j'y
reviendrai tout à l'heure.
Permettez-moi de commencer par quelques considérations sur le présent projet
de budget. Par avance, je vous demande de bien vouloir m'excuser s'il m'arrive
de répéter certains des propos tenus par M. Jacques Baudot dans son excellente
intervention. Mieux vaut enfoncer le clou plutôt deux fois qu'une ! Car je
reviendrai sur certains problèmes, hélas ! toujours d'actualité.
En 2002, les crédits des anciens combattants diminueront, à structure
constante, de 2 %, baisse bien supérieure à celle qui a été enregistrée l'année
passée, qui ne s'établissait qu'à 1,2 %.
Cette diminution ne serait pas illégitime si elle permettait de reconduire
dans de bonnes conditions les actions actuellement menées et d'apporter des
réponses adaptées aux attentes les plus vives et les plus justifiées du monde
combattant.
Tel n'est pourtant pas le cas ; car le budget se caractérise avant tout par
une évidente fragilisation des dispositifs existants et par la modicité des
mesures nouvelles - Jacques Baudot l'a rappelé.
Ce budget consacre ainsi une sérieuse remise en question du droit à
réparation. Je fais ici allusion - mais vous l'aurez déjà compris, monsieur le
secrétaire d'Etat - aux conditions de remboursement des frais d'hébergement
pour les invalides de guerre effectuant une cure thermale. L'arrêté du 25
juillet 2001, dont nous venons de parler, a en effet diminué très sensiblement
le plafond de remboursement, qui est ainsi passé de 4 920 francs à 2 952
francs.
Une telle mesure, prise subrepticement, sans la moindre consultation, me
paraît doublement inacceptable. D'une part, elle touche prioritairement les
pensionnés les plus modestes, qui n'auront plus les ressources suffisantes pour
partir en cure. D'autre part, elle constitue surtout une remise en cause très
grave du droit à réparation, lézardant ainsi tout l'édifice issu de la loi du
31 mars 1919. Vous le savez, monsieur le secrétaire d'Etat, ce droit à
réparation est sacré pour les anciens combattants.
J'observe d'ailleurs que cette mesure ne fait que reprendre pour partie une
récente proposition de la Cour des comptes, proposition à laquelle votre
prédécesseur avait pourtant répondu en ces termes : « La dérogation permanente
accordée pour la prise en charge des cures thermales des pensionnés constitue
un dispositif lié au droit à réparation, auquel le monde combattant est
particulièrement attaché. Il n'est pas envisagé de l'abroger. »
Aussi ne puis-je que regretter que le Gouvernement ait si brutalement changé
d'avis. Je vous invite très solennellement, monsieur le secrétaire d'Etat, à
revenir sur cette décision inutile et vexatoire.
Une de mes craintes concerne la politique de solidarité, qui est le parent
pauvre de ce budget : les crédits qui lui sont consacrés diminueront de plus de
15 % l'an prochain.
La commission des affaires sociales regrette notamment que le Gouvernement
n'ait prévu aucun dispositif de solidarité alternatif pour faire face à
l'extinction programmée du fonds de solidarité, si ce n'est une majoration bien
tardive et bien modeste des crédits sociaux de l'ONAC.
Or de nombreux anciens combattants se trouvent dans des situations de grande
précarité lorsqu'ils cessent de bénéficier du fonds de solidarité : ils doivent
fréquemment se contenter du minimum vieillesse et de secours individuels
accordés par l'ONAC. Un redéploiement des dotations du fonds de solidarité en
leur faveur nous aurait semblé plus justifié que les mesures d'annulation de
crédits qui se multiplient.
Ma dernière préoccupation touche à la politique de la mémoire.
La commission attache une importance toute particulière aux sépultures des
Morts pour la France, car elles ont vocation à incarner et à représenter
l'hommage et la reconnaissance de la nation à ses morts. Or l'Etat n'accorde
aujourd'hui - et ce depuis 1980 - que 8 francs par tombe et par an pour
l'entretien des tombes des Morts pour la France dans les carrés communaux,
alors que le coût annuel de leur entretien est de 38 francs. La charge
financière repose alors sur les collectivités locales et sur le Souvenir
français. Elu local, je suis bien placé pour le savoir.
Nous considérons qu'un tel financement n'est pas satisfaisant, et je regrette
le désengagement de l'Etat, dans un domaine pourtant lourd de symboles. A titre
de comparaison, il faut savoir que là où l'Etat français verse aujourd'hui 8
francs par an, le Royaume-Uni en verse 48. Il me semble donc légitime
d'augmenter la participation de l'Etat à cette charge. Cela me semble, en
outre, réaliste d'un point de vue budgétaire, car le taux de consommation des
crédits de mémoire reste bien faible. Une augmentation pourrait, là encore,
passer par un redéploiement des crédits.
A ce propos, je souhaite, après M. Jacques Baudot, attirer votre attention,
monsieur le secrétaire d'Etat, sur les conséquences sans doute imprévues du
choix du Gouvernement pour l'implantation de la troisième plate-forme
aéroportuaire du Bassin parisien. En effet, sur la zone retenue sont implantés
de vastes cimetières militaires qui abritent les tombes de milliers de victimes
des terribles combats de la Somme en 1916. On imagine mal tout déplacement de
ces sépultures, qui ne constituerait qu'une atteinte supplémentaire à la
mémoire de ces combattants, qui ont déjà payé de leur vie leur dévouement à la
nation. Nous aimerions donc savoir comment, sur ce cas concret, sera mise en
oeuvre la politique de la mémoire.
La fragilisation des dispositifs actuellement en vigueur n'est, hélas ! pas
compensée par des mesures nouvelles réellement ambitieuses.
Deux des mesures nouvelles ne font que prolonger les budgets précédents.
Ainsi, l'article 61 prévoit de relever le plafond majorable de la retraite
mutualiste pour faire passer l'indice de référence de 110 à 115 points. Cette
revalorisation, identique à celle des années précédentes, reste relativement
faible et a pour conséquence de reporter la réalisation de l'objectif de 130
points, qu'il me semble souhaitable d'atteindre dans des délais
raisonnables.
Quant à l'article 64, il achève enfin le rattrapage de la valeur du point de
pension des plus grands invalides, rattrapage qui avait été amorcé, je le
rappelle, dès le budget pour 2000.
Les deux autres mesures nouvelles sont plus novatrices, même si leur portée
est en définitive relativement modeste.
La première - c'est l'article 62 - concerne les veuves de grands invalides et
vise à augmenter la majoration de pension dont elles bénéficient. Je précise
qu'il s'agit des seules veuves ayant passé au moins quinze ans à assister leur
mari invalide à 85 % et plus. Mais seules 1 400 veuves seraient concernées par
cette mesure !
La seconde mesure - c'est l'article 63 - tend à ramener de soixante-cinq à
soixante ans l'âge d'attribution de la retraite du combattant pour les
titulaires d'une pension militaire d'invalidité. J'observe néanmoins qu'une
telle mesure reste très en retrait des attentes du monde combattant, qui
espérait un versement anticipé dès l'âge de soixante ans à l'ensemble des
titulaires de la carte du combattant et une revalorisation du niveau de la
retraite.
Monsieur le secrétaire d'Etat, nous n'avons pas intérêt, à l'égard des anciens
combattants, à procéder au « compte-gouttes ». Il est nécessaire de parfois
leur donner une satisfaction marquante : il sont très attachés à cette retraite
à soixante ans, et je crois que nous avons aujourd'hui la possibilité de le
faire.
Toutes ces conditions m'amènent, en définitive, à juger décevant le projet de
budget qui nous est soumis. La commission des affaires sociales vous proposera
d'ailleurs, mes chers collègues, d'adopter trois amendements, qu'elle a
acceptés à l'unanimité, pour en renforcer la portée.
Ces amendements - nous sommes les premiers à le déplorer - restent
relativement modestes, mais ils permettront de lever certaines difficultés
juridiques particulièrement préjudiciables pour le monde combattant.
Notre déception serait, bien entendu, largement atténuée si le bilan de
l'action du Gouvernement depuis près de cinq ans était positif.
La commission des affaires sociales du Sénat s'est donc attachée à examiner
celui-ci avec la plus grande objectivité. Il ne s'agit bien sûr pas pour nous
de revenir sur l'action personnelle de notre collègue Jean-Pierre Masseret. Je
tiens à ce propos à souligner son implication dans le traitement des dossiers,
même si je regrette que les arbitrages interministériels lui aient été trop
souvent défavorables.
Ce bilan, autant l'annoncer tout de suite, m'apparaît en demi-teinte.
Certes, la commission des affaires sociales se félicite de nombreuses
évolutions très positives que le Gouvernement a amorcées ou accompagnées.
Je pense notamment à l'élargissement des conditions d'accès aux différents
titres.
Je pense également au souci d'assurer une meilleure reconnaissance à la
troisième génération du feu. A cet égard, j'insiste sur l'importance de la loi
du 18 octobre 1999, adoptée à l'unanimité par le Parlement, qui a enfin
qualifié une guerre restée trop longtemps sans nom.
Je pense encore à la modernisation en cours des institutions du monde
combattant : l'ONAC, l'INI mais aussi le secrétariat d'Etat se sont engagés,
non sans heurts, dans un louable processus de réforme, avec le double souci
d'assurer leur pérennité et d'améliorer la qualité du service rendu.
Je pense enfin à quelques mesures de solidarité, comme l'élargissement de
l'accès au fonds de solidarité, ou de reconnaissance, comme la majoration
progressive de la rente mutualiste ou la réunification de la valeur du point
pour les grands invalides. Ces mesures, longtemps attendues, étaient à
l'évidence nécessaires pour conforter la place du monde combattant dans notre
société, qui évolue très vite et qui tend à oublier les souffrances que de
nombreux hommes et femmes ont endurées pour notre pays.
Je ne m'étendrai pas davantage sur ces indéniables avancées, qui prolongent
d'ailleurs bien souvent l'action des gouvernements précédents et qui sont
fréquemment d'origine parlementaire. Je suis bien sûr que nos collègues de
l'opposition sénatoriale y reviendront très longuement tout à l'heure.
Pour autant, le bilan du Gouvernement est, me semble-t-il, plus marqué par des
carences que par des réalisations.
Je ne m'attarderai pas sur la baisse très sensible des crédits depuis 1997.
Ceux-ci ont diminué de 16 % sur la période en unité monétaire constante, alors
que la population combattante dans son ensemble ne s'est réduite qu'à un rythme
deux fois moindre.
Cependant, il n'est pas dans mon propos d'alimenter ici je ne sais quelle
querelle statistique qui ne pourrait être que stérile. Il me semble plus
constructif de rappeler l'insuffisance des avancées obtenues.
Certes, nous sommes bien conscients que tout ne peut pas être fait tout de
suite, mais le Gouvernement a néanmoins ignoré de nombreuses questions
particulièrement urgentes et sensibles pour le monde combattant.
Je passerai rapidement sur deux revendications au sujet desquelles le
Gouvernement a « joué la montre » : la retraite anticipée et l'attribution de
la retraite du combattant dès soixante ans. J'insisterai, en revanche, sur
plusieurs questions auxquelles s'attache traditionnellement la commission des
affaires sociales.
Certaines restent aujourd'hui encore en jachère : l'indemnisation des
incorporés de force dans les formations paramilitaires allemandes ou la réforme
du rapport constant en sont de bons exemples.
D'autres n'ont reçu qu'une réponse hélas ! trop partielle, qui ne règle pas
les problèmes quant au fond. Je pense notamment à l'indemnisation des victimes
du nazisme, qui ne concerne que les seuls orphelins des déportés juifs ; je
pense surtout à la situation des veuves, pour lesquelles rien n'a été fait
depuis 1997, ou à la question de la « décristallisation ».
Voilà deux ans que le Gouvernement nous annonce son intention de « remettre à
plat » les dispositifs en faveur des veuves. Il est vrai que leur situation
mérite une attention particulière, car nombre d'entre elles ne perçoivent que
de très faibles revenus et connaissent des conditions de vie souvent très
précaires.
Mais il semble aujourd'hui que la « remise à plat » annoncée soit bien
modeste. La large consultation a tourné court et s'est résumée à la simple
réunion d'un groupe de travail. Surtout, l'unique mesure prévue par le projet
de budget, hormis l'aumône de quelques crédits d'action sociale, ne vise que
les veuves des grands invalides. Seules 1 400 veuves seraient concernées, soit
environ un millième de la population totale : rien n'est fait pour les veuves
de guerre ou les simples veuves d'anciens combattants. La commission des
affaires sociales avait pourtant fait des propositions les années précédentes ;
elles n'ont pas été entendues, et je le regrette.
La résolution d'un autre problème qui nous tient à coeur, celui de la
décristallisation, est également au point mort. Elle ferait pourtant honneur à
la France.
En dépit de l'engagement pris par le Gouvernement, voilà trois ans maintenant,
d'ouvrir une réflexion sur la base de la comparaison des pouvoirs d'achat,
aucune avancée n'est intervenue. La seule mesure prévue l'an passé dans le
budget visait simplement à mettre les faits en accord avec le droit, car
l'administration refusait d'appliquer la loi. Elle n'a fait, en définitive,
qu'attiser des espérances immédiatement déçues.
La commission des affaires sociales avait pourtant, là encore, élaboré des
propositions très raisonnables qui pourraient servir de fondement à des
améliorations sub-stantielles et constituer enfin un premier pas dans la voie
de la reconnaissance et de l'équité.
Le débat à l'Assemblée nationale a permis, semble-t-il, d'ouvrir une première
brèche, mais celle-ci reste pour l'instant sans portée juridique. Nous espérons
que le débat d'aujourd'hui permettra d'apporter les éclaircissements attendus
sur les intentions du Gouvernement en la matière.
Ces considérations me conduisent à dresser un bilan très mitigé de cinq années
d'action gouvernementale.
Au terme de ce tour d'horizon bien trop rapide, hélas ! me revient en mémoire
une maxime de La Rochefoucauld : « Peu de gens sont assez sages pour préférer
le blâme qui leur est utile à la louange qui les trahit ».
(Sourires.)
Je suis certain, monsieur le secrétaire d'Etat, que vous faites partie de
cette catégorie d'hommes ! Vous aurez donc compris que mes remarques, parfois
très critiques, visent avant tout à vous inciter à accentuer votre effort en
faveur des anciens combattants dans les mois qui nous séparent de la fin de la
législature.
Dans cette attente, la commission des affaires sociales du Sénat s'est
déclarée défavorable à l'adoption des crédits, mais favorable à l'adoption des
cinq articles rattachés.
5
NOMINATION DE MEMBRES
D'UNE COMMISSION MIXTE PARITAIRE
M. le président.
Il va être procédé à la nomination de sept membres titulaires et de sept
membres suppléants de la commission mixte paritaire chargée de proposer un
texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi
relative à la création d'établissements publics de coopération culturelle.
La liste des candidats établie par la commission des affaires culturelles a
été affichée conformément à l'article 12 du règlement.
Je n'ai reçu aucune opposition.
En conséquence, cette liste est ratifiée, et je proclame représentants du
Sénat à cette commission mixte paritaire :
Titulaires : MM. Jacques Valade, Ivan Renar, Louis Duvernois, Mme Françoise
Férat, MM. Philippe Nachbar, Fernand Demilly, Mme Danièle Pourtaud.
Suppléants : Mme Marie-Christine Blandin, MM. Louis de Broissia, Jean-Claude
Carle, Bernard Fournier, Bernard Murat, Philippe Nogrix, Henri Weber.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les
reprendrons à vingt-deux heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures cinquante-cinq, est reprise à
vingt-deux heures.)
M. le président. La séance est reprise.
6
COMMISSION MIXTE PARITAIRE
M. le président.
M. le président a reçu de M. le Premier ministre la lettre suivante :
« Monsieur le président,
« Conformément à l'article 45, deuxième alinéa, de la Constitution, j'ai
l'honneur de vous faire connaître que j'ai décidé de provoquer la réunion d'une
commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions
restant en discussion de la proposition de loi tendant à moderniser le statut
des sociétés d'économie mixte locales.
« Je vous serais obligé de bien vouloir, en conséquence, inviter le Sénat à
désigner ses représentants au sein de cette commission.
« J'adresse ce jour, à M. le président de l'Assemblée nationale, une demande
tendant aux mêmes fins.
« Veuillez agréer, monsieur le président, l'assurance de ma haute
considération.
« Signé : Lionel Jospin »
Il sera procédé à la nomination des représentants du Sénat à cette commission mixte paritaire selon les modalités prévues par l'article 12 du règlement.
7
LOI DE FINANCES POUR 2002
Suite de la discussion d'un projet de loi
M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi de finances pour 2002, adopté par l'Assemblée nationale.
Anciens combattants (suite)
M. le président.
Nous poursuivons l'examen des dispositions du projet de loi de finances
concernant le ministre des anciens combattants.
J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la
conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour
cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République, 24 minutes ;
Groupe socialiste, 21 minutes ;
Groupe de l'Union centriste, 13 minutes ;
Groupe des Républicains et Indépendants, 12 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 6 minutes ;
Groupe du Rassemblement démocratique et social européen, 8 minutes ;
Réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe,
5 minutes.
Je rappelle que, en application des décisions de la conférence des présidents,
aucune intervention des orateurs des groupes ne doit dépasser dix minutes.
Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Joly.
M. Bernard Joly.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le
devoir de mémoire est un impératif.
Votre propre département ministériel, monsieur le secrétaire d'Etat, comme les
fondations privées ou les associations, initient et favorisent à différents
niveaux les témoignages indispensables sous les formes les plus diverses :
reconnaissances statutaires, manifestations de recueillement, récits
enregistrés ou délivrés par des acteurs encore présents. Il est indéniable que
ces pans de notre histoire doivent être présents dans les esprits.
C'est bien, mais ce n'est pas suffisant ! Chaque année, monsieur le secrétaire
d'Etat, on souligne les diminutions des effectifs relevant de votre
responsabilité. En conséquence, les questions litigieuses, les dossiers en
souffrance sur des problèmes de fond, les demandes insatisfaites devraient eux
aussi fondre d'année en année. Et, même si des avancées sont enregistrées, il
faut convenir qu'elles sont obtenues un peu au forceps et que bien des
revendications perdurent.
Le devoir de mémoire est indissociable du droit à réparation. Il a été acquis,
il est imprescriptible ! Pourtant, on enregistre des replis, des reprises de ce
qui est dû. A mon tour de dire que, depuis sept ans, ne cesse de diminuer la
prise en charge des frais d'hébergement dans les stations thermales pour les
curistes assurés sociaux et leurs ayants droit relevant de l'article 115 du
code des pensions militaires et des victimes de guerre. Pourtant, le contenu de
cet article est précis : « L'Etat doit gratuitement aux titulaires d'une
pension d'invalidité attribuer au titre du présent code les prestations
médicales, paramédicales,... »
Pour justifier ce désengagement, vous précisez, monsieur le secrétaire d'Etat,
qu'il s'agit d'une « aide à l'hébergement » et non d'une aide aux soins, et
que, par ailleurs, la gratuité existait parce que l'armée disposait alors de
centres d'hébergement pour les curistes venant de ses rangs. Une fois ces lieux
fermés, il fallait trouver une solution. Ainsi, vous avez demandé au juge du
droit de dire le droit, et ce dernier a estimé qu'il n'y avait pas de texte sur
lequel on pouvait s'appuyer.
A mon sens, il est tout à fait inconvenant, dans l'obligation de réparation,
de distinguer le soin, qui ne peut être délivré que dans une unité spécialisée,
de l'hébergement qui est connexe. La blessure reçue ou la maladie contractée a
bien ouvert le droit à pension, mais des frais incontournables pour l'ayant
droit seront laissés à sa charge.
Ce point que je me suis attaché à développer a valeur d'exemple dans
l'attitude parcimonieuse opposée à nombre de nos concitoyens qui, eux, n'ont
pas compté quand la nation les a appelés.
Certes, monsieur le secrétaire d'Etat, toute dépense doit recevoir l'aval de
Bercy, qui semble insensible à vos demandes et se fait parfois menaçant. La
dernière réunion de la commission des finances du conseil d'administration de
l'ONAC, l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre, a pu
déjouer la tentative du représentant du secrétariat d'Etat au budget de
conserver les 60 millions votés pour l'Office. Un peu d'humanité et de décence
seraient les bienvenues !
Comment peut-on augmenter les crédits qui iront aux actions de reconnaissance,
de solidarité et de mémoire tout en rognant les droits acquis ?
On ne peut nier, monsieur le secrétaire d'Etat, qu'il y a à la fois une
diminution des ressortissants de votre département et des crédits qui y sont
affectés. Le rapport est plus modéré cette année, mais rien ne devrait le
justifier, au contraire ! Le volant supplémentaire autorisait des avancées plus
significatives et la réalisation de demandes anciennes. Faire de l'arithmétique
avec des vies laisse un goût amer.
M. Michel Pelchat.
Absolument !
M. Bernard Joly.
L'attribution de la retraite du combattant dès soixante ans à tous les
bénéficiaires d'une pension militaire d'invalidité profite à environ 30 000
personnes. Le champ est réduit par rapport aux attentes. En effet, bon an, mal
an, le gros des anciens combattants arrive à cet âge.
En corollaire de l'achèvement du processus de dégel des pensions des grands
invalides, il convient de citer l'augmentation de la pension des veuves de ces
derniers. Pleinement fondée, cette compensation s'inscrit au regard de grands
dévouements, souvent de sacrifices qui s'ouvraient sur des situations de
dénuement, Mais, ici, le contrepoint existe : les veuves d'anciens
combattants.
Sur l'ensemble des veuves ressortissantes de l'ONAC, un peu plus de 8 %
d'entre elles seulement étaient pensionnées au 1er janvier 2000, ce qui
signifie qu'elles bénéficiaient de la pension d'invalidité de leur époux
décédé. Il me semble urgent d'assouplir les conditions de réversion des
pensions d'invalidité et d'introduire une possibilité de réversion de la
retraite du combattant. Certes, le terme « retraite » est impropre s'agissant
d'une prestation de reconnaissance ou de droit à réparation ; mais, comme pour
les frais d'hébergement liés aux cures thermales, il me paraît particulièrement
déplacé d'ouvrir une querelle de sémantique sur des souffrances de tous
ordres.
L'augmentation du plafond majorable de la rente mutualiste du combattant
portant l'indice de référence de 110 à 115 points marque une étape vers
l'objectif des 130 points que les associations demandent. Ici encore, on peut
se demander si, avec un maintien des crédits, une accélération n'aurait pu
avoir lieu.
Reste un problème entier, celui de la décristallisation : 1 400 000 de
ressortissants d'anciens territoires venus combattre à nos côtés pour défendre
la République attendent toujours un signe. Cette dette s'enlise, actuellement,
dans un examen en commission qui, je l'espère, ne sera pas, selon l'expression
consacrée, « un comité théodule ». L'image de la France, que l'on voudrait
rayonnante, passe naturellement par une reconnaissance qui se fait attendre.
La repentance, si elle est nécessaire, serait inutile si la réparation que
l'on doit s'exerçait du vivant des acteurs. Elle apparaît, en effet, comme un
vecteur de bonne conscience quand les carences ont perduré faute de volonté
d'aboutir dans la réparation.
(Applaudissements sur les travées de l'Union
centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président.
La parole est à M. Flandre.
M. Hilaire Flandre.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues,
l'insertion des services chargés des anciens combattants au sein du ministère
de la défense a eu pour conséquence une modification du périmètre du budget des
anciens combattants qui rend difficilement lisible et comparable le montant
total des crédits alloués par l'Etat au monde combattant. Par conséquent, si, à
périmètre constant, les crédits des anciens combattants semblent relativement
stables, ils sont en réalité en diminution de 2 %. On peut donc s'interroger
sur la réalité de l'effort accompli par le Gouvernement s'agissant des
nouvelles mesures annoncées dans le projet de budget pour 2002 ; cet effort
semble en effet bien relatif.
Cependant, nous nous félicitons des mesures qui, bien que partielles, vont
dans le bon sens : il en est ainsi de la dernière étape de rattrapage
concernant l'unicité du point de pension pour les grands invalides, qui marque
la fin d'une grande injustice émanant du gouvernement de 1991, de
l'augmentation de la majoration de pension servie aux veuves des grands
invalides, de l'attribution, dès l'âge de soixante ans, de la retraite du
combattant aux bénéficiaires d'une pension militaire d'invalidité, de
l'augmentation à 115 points d'indice de la pension militaire d'invalidité du
plafond majorable de la rente mutualiste du combattant et, enfin, de la
rédaction d'un rapport sur les psychotraumatismes de guerre, qui nous permettra
de mieux connaître ces phénomènes sans toutefois se substituer à la nécessité
d'améliorer leur prise en charge.
Nous apporterons donc notre soutien à ces mesures.
Néanmoins, le projet de budget pour 2002 ignore encore bien des revendications
légitimes du monde des anciens combattants.
S'agissant, par exemple, de l'anticipation de l'âge de versement de la
retraite du combattant, il y a une certaine urgence à satisfaire cette
revendication puisqu'elle perd naturellement de sa pertinence au fil du temps,
un nombre important d'anciens combattants dépassant d'ores et déjà l'âge de
soixante ans. Il est regrettable que le Gouvernement n'ait pas choisi le projet
de budget pour 2002 pour engager le mouvement.
De même, le montant de la retraite du combattant est actuellement calculé sur
l'indice 33 des pensions militaires d'invalidité. Les associations d'anciens
combattants souhaiteraient que ce montant puisse être réévalué afin de
permettre aux personnes concernées de disposer de revenus plus décents.
Je souscris pleinement à cette revendication. Compte tenu du coût d'une
revalorisation des indices de pensions, je pense qu'il convient de procéder par
étape afin d'amorcer cette réforme tant attendue et d'atteindre à terme
l'indice 48.
La situation des veuves mérite également toute notre attention. L'augmentation
de la majoration des pensions des veuves de grands invalides est pour nous une
très bonne mesure en faveur de près de 15 000 femmes qui se trouvent dans une
situation de grande précarité, alors même qu'elles se sont bien souvent
dévouées sans compter pendant toute leur vie auprès d'un mari très atteint.
J'espère que ce dispositif pourra être amplifié et intégré dans une réforme
plus globale à venir. Il est en effet indispensable que des propositions
concrètes soient faites pour améliorer la situation de toutes les veuves.
Il est nécessaire de rappeler que, au 1er janvier 1998, 1 750 000 veuves
étaient ressortissantes de l'ONAC et que moins de 150 000 d'entre elles étaient
pensionnées au 1er janvier 2000, c'est-à-dire bénéficiaient de la pension
d'invalidité de leur époux décédé.
Ces veuves sont pourtant confrontées de plus en plus régulièrement à de graves
difficultés financières. J'en veux pour preuve l'intervention de plus en plus
fréquente des services départementaux de l'ONAC. Ainsi, en 2000, ces services
ont dispensé une aide financière à 8 068 veuves pour un montant global de 19
millions de francs, soit une augmentation de 6,3 % du nombre de bénéficiaires
et de 15 % du montant des dépenses par rapport à l'exercice 1999.
Sans délai, il est impératif de trouver une solution, ainsi que l'a formulé
précédemment la commission des affaires sociales, par l'assouplissement des
conditions de réversion des pensions d'invalidité, par l'introduction d'une
possibilité de réversion de la retraite du combattant, ou encore par la
revalorisation des pensions des veuves.
S'agissant du plafond majorable de la retraite mutualiste du combattant, le
projet de budget pour 2002 prévoit un relèvement de cinq points du plafond
majorable au 1er janvier 2002, pour 15 millions de francs. Il s'agit certes
d'un progrès, mais ce dernier reste limité au regard des aspirations du monde
combattant, qui milite depuis plusieurs années pour une réévaluation à 130
points. Il m'apparaît donc nécessaire de plaider en faveur d'un relèvement plus
substantiel du plafond de la rente mutualiste afin d'atteindre à terme l'indice
130. Une telle réforme nécessite un effort financier qui n'est pas trop
important et que le Gouvernement devrait juger supportable.
En ce qui concerne la campagne double, monsieur le secrétaire d'Etat, votre
prédécesseur avait pris la décision de confier une nouvelle mission aux
services en vue d'affiner l'évaluation du coût de cette mesure. Pouvez-vous
nous faire connaître le résultat de cette étude ?
Quant à la question de la décristallisation des pensions et des retraites des
anciens ressortissants des pays antérieurement placés sous la souveraineté
française, je pense que l'on pourrait faire mieux, et surtout plus rapide.
L'année dernière, une commission d'étude - une de plus ! - chargée de faire des
propositions sur la revalorisation des pensions a été créée. Elle ne s'est
réunie que très récemment. J'insiste, monsieur le secrétaire d'Etat, pour que
cette commission rende ses conclusions le plus rapidement possible afin de
rétablir les droits à la retraite des anciens combattants de l'Union.
J'attire aussi votre attention sur l'importante question de l'indemnisation
des orphelins de déportés.
Comme beaucoup d'autres, je me suis réjouis de la décision d'indemniser les
orphelins des déportés juifs partis de France pendant la Seconde Guerre
mondiale, car il était urgent d'exprimer une reconnaissance concrète de la
spécificité de la Shoah pour que jamais ne soit oublié le caractère absolu de
ce crime.
Plus d'une année s'est écoulée depuis la parution du décret du 13 juillet 2000
portant indemnisation des enfants dont les parents sont morts lors de ces
persécutions.
Dès sa parution, nous avons été nombreux à dénoncer la différence de
traitement qu'il introduisait en matière d'indemnisation des orphelins de
déportés et à interpeller votre prédécesseur sur cette discrimination, qui
provoque la colère des personnes concernées devant l'inégalité flagrante des
traitements qui leur sont appliqués. Je regrette que le budget des anciens
combattants pour 2002 n'ait pas apporté la réponse attendue par les familles de
déportés non juifs, les familles de ceux qui se sont aussi sacrifiés pour que
vive la France.
Il est également urgent de clore au plus vite la question de l'indemnisation
des incorporés de force dans les formations paramilitaires allemandes, les RAD
-
Reichsarbeitsdienst
- et le KHD -
Kriegshilfsdienst
.
Malgré l'accord intervenu le 25 juin 1998 au sein de la fondation Entente
franco-allemande, rien n'est inscrit dans les crédits pour l'année 2002. En
effet, la fondation a précisé qu'elle conditionnait le versement d'une
allocation indemnitaire à la participation de l'Etat français. Pourriez-vous,
monsieur le secrétaire d'Etat, nous préciser quelles sont vos intentions dans
ce domaine afin de respecter la légitime revendication des personnes concernées
?
Quant à la prise en charge des soins et des appareillages, il y a réellement
nécessité de mettre en place un dispositif élargissant les possibilités en
faveur des anciens combattants.
En outre, ainsi que l'a remarqué le rapporteur, nous ne pouvons que déplorer
que le plafond de remboursement des frais d'hébergement pour les invalides de
guerre relevant de l'article 115 du code des pensions militaires d'invalidité
effectuant une cure thermale ait été abaissé.
Une telle mesure, qui n'a fait l'objet d'aucune concertation, est très
décevante, car elle remet en cause le droit à réparation. J'invite le
Gouvernement à revenir sur cette décision sans doute un peu rapide.
Je tiens également à attirer votre attention, monsieur le secrétaire d'Etat,
sur la situation des maisons de retraite d'anciens combattants, en particulier
sur celle de Carignan, dans les Ardennes - je suis moi-même ardennais - et sur
son avenir, qui inquiète le monde combattant de ce département.
Quant à la reconnaissance officielle de la date du 19 mars 1962 comme journée
du souvenir, de la mémoire et du recueillement à l'égard de l'ensemble des
anciens combattants et des victimes de la guerre d'Algérie, il s'agit d'un
sujet sensible. Bien entendu, j'approuve le principe de la fixation d'une date
du souvenir, mais, comme vous ne l'ignorez pas, le 19 mars est loin de faire
l'unanimité parmi les associations des anciens combattants et victimes de cette
guerre. Bien des personnes ont perdu des êtres chers après cette date, les
combats n'ayant pas totalement cessé. Ainsi que vous nous l'avez déclaré, «
cette date doit être débattue en dehors des traditionnels clivages politiques
et exige un consensus pour ne pas diviser le monde combattant ». Je souhaite
bien sincèrement que le souvenir et le recueillement l'emportent sur les
divisions.
Une association d'anciens combattants d'Algérie milite avec beaucoup de
ténacité, pour que soit retenue la date du 19 mars.
Elle s'appuie pour cela sur une récente étude de l'IFOP d'où elle tire la
conclusion hâtive, à mon avis, que trois Français sur quatre seraient d'accord
avec ce choix.
Je ne vous apprendrai rien, monsieur le secrétaire d'Etat, en disant que les
sondages ont une constante, celle d'apporter des réponses conformes aux
souhaits de ceux qui les ont commandités et payés. Pour arriver à ce résultat,
il suffit de choisir les questions qui appellent spontanément les réponses
attendues.
En outre, si on observe les résultats de ce sondage de plus près, on constate
que si, effectivement, sept enquêtés sur dix préfèrent la date du 19 mars à
celle du 16 octobre, sachant qu'aucun autre choix de date ne leur était
proposé, ils ne sont plus que cinq sur dix lorsque l'on interroge ceux qui ont
soixante-cinq ans et plus, c'est-à-dire lorsque l'on interroge ceux qui ont
effectivement vécu ces moments difficiles et qui sont, me semble-t-il, les
premiers concernés.
Enfin, monsieur le secrétaire d'Etat, je voudrais m'insurger de la façon la
plus véhémente contre une campagne calomnieuse, née de déclarations de
prétendus intellectuels ou historiens qui, bien souvent, ont en commun de
n'avoir pas vécu ces événements sur le terrain et voudraient accréditer l'idée
que l'armée française et ses appelés pratiquaient au quotidien la torture, les
exécutions sommaires et des exactions de toutes sortes.
Le procès actuel d'un général sans doute en recherche d'une célébrité que ses
faits d'armes ne lui ont pas donnée et la publication de ses écrits par des
éditeurs motivés par d'autres intérêts sont prétexte à amplifier cette campagne
de mépris à l'encontre de tous mes compagnons d'armes.
J'ai servi moi-même en Algérie en 1958 et 1959. Je n'ai jamais été témoin de
telles actions. Je ne l'aurais d'ailleurs pas supporté. Je ne nie pas cependant
qu'elles aient pu exister, mais je proteste contre les généralisations trop
simplistes. Je peux témoigner au contraire de l'action menée par mes collègues,
entre deux opérations, en matière de construction de mechtas et de routes, de
scolarisation des enfants ou de soins sanitaires à la population.
On pourrait certes rester indifférent et peut-être même sourire des excès de
ces thuriféraires de la culpabilisation et de la repentance, mais ce serait
leur donner raison puisque, selon l'adage, qui ne dit mot consent.
Non, mes chers collègues, je ne rougis pas de mon attitude en Algérie, et je
n'ai pas l'intention, n'en déplaise aux bonnes âmes, de faire je ne sais quelle
action de repentance. Si un regret me tourmente, c'est d'avoir vu notre pays
abandonner à leur triste sort les harkis, qui avaient fait le choix de la
France.
Cette campagne ne fait pas que ternir l'action qu'ont accomplie en Algérie, où
les ont envoyés les gouvernements successifs et légitimes de notre pays, dix
classes d'appelés ou de rappelés. Elle jette aussi le trouble dans les jeunes
esprits, et j'ai eu la tristesse d'entendre, cette semaine, mon petit-fils de
dix ans poser cette question angoissée à sa mère : « Dis, maman, quand papy
était en Algérie, est-ce qu'il a tué des gens ? ».
Laisser se répandre la calomnie, c'est semer le doute et l'angoisse. Je suis
pour que la vérité soit dite, mais toute la vérité.
Devant ce budget qui ne répond qu'imparfaitement et d'une façon très
incomplète aux légitimes revendications du monde combattant, le groupe du RPR
ne pourra que s'associer à l'avis défavorable émis par les commissions des
affaires sociales et des finances et voter contre.
(Applaudissements sur les
travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi
que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Grignon.
M. Francis Grignon.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le
budget des anciens combattants connaît cette année des avancées significatives,
permettant de répondre au devoir de mémoire et de solidarité auquel nous sommes
tous très attachés.
Sénateur du Bas-Rhin, j'ai été particulièrement sensible, comme tous mes
collègues sénateurs alsaciens et mosellans, à la reconnaissance de
particularités issues de l'annexion de l'Alsace-Moselle lors du dernier conflit
mondial.
Néanmoins, il subsiste encore quelques dossiers en souffrance, et nous
espérons que l'année 2002 en verra enfin le règlement.
Je pense notamment à la délicate question de l'indemnisation des anciennes et
des anciens du RAD et du KHD, qui constitue l'un des derniers contentieux
alsacien-mosellan issus de la Seconde Guerre mondiale.
L'an dernier, j'avais déposé avec mes collègues alsaciens un amendement à
cette fin. Je ne vais pas manquer, monsieur le secrétaire d'Etat, de le
présenter à nouveau cette année, et j'espère qu'il sera enfin adopté, avec un
avis favorable du Gouvernement.
Les engagements que votre prédécesseur, M. Masseret, avait pris concernant
l'indemnisation des incorporés de force dans les formations paramilitaires
allemandes, par alignement sur la situation des incorporés de force dans
l'armée allemande, n'ont toujours pas été tenus. Le recensement a pourtant été
effectué depuis plus de deux ans et la quasi-totalité des 10 000 demandes
d'indemnisation reçues en 1998 ont été examinées.
Cependant, la fondation Entente franco-allemande est prête à financer en
grande partie cette indemnisation, sous réserve que le gouvernement français
s'engage lui aussi.
Le problème, c'est que le Gouvernement français ne s'estime pas tenu à cet
engagement. Ce qui fait que la fondation ne bouge pas et que les principaux
intéressés attendent toujours depuis des années. Cette situation n'est plus
admissible parce que trois éléments fondamentaux attestent du droit à
l'indemnisation des anciens incorporés de force dans le RAD et le KHD.
Premier élément : la France a reconnu que l'incorporation de force par voie
d'appel dans le service allemand du travail devait être assimilée à
l'incorporation de force dans l'armée allemande. En effet, la loi du 31
décembre 1953, devenue l'article L. 239-2 du code des pensions militaires
d'invalidité et victimes de guerre, dispose que les « Alsaciens et Lorrains
incorporés de force par voie d'appel dans le service allemand du travail et
leurs ayants cause sont assimilés aux incorporés de force dans l'armée
allemande ».
Deuxième élément : l'Allemagne a, elle aussi, pris en compte l'incorporation
de force dans le RAD et le KHD. Après avoir été astreint à six mois de services
au
Reichsarbeitsdienst
RAD, le personnel féminin était affecté, dans la
plupart des cas connus, au
Kriegshilfdienst
KHD, conformément au décret
du 29 juillet 1941. Ces deux périodes de deux fois six mois d'obligation de
service sont reconnues en Allemagne comme services effectués à la suite des
forces armées ou services paramilitaires et ouvrent droit au calcul de
l'indemnité compensatrice en complément d'une pension de retraite au sens du
paragraphe 3 des législations concernant les pensions de la République fédérale
d'Allemagne. Il est notamment stipulé, sous la rubrique du paragraphe 3
desdistes lois, que le
Reichsarbeitsdienst
est considéré comme
paramilitaire.
Troisième élément enfin : le rapport de MM. Moeller et Hoeffel du 9 février
1979, qui a débouché sur l'accord franco-allemand du 31 mars 1981 concernant la
question relative à l'enrôlement des ressortissants français de la Moselle, du
Bas-Rhin et du Haut-Rhin pendant la Seconde Guerre mondiale, précise que la
fondation Entente franco-allemande aura pour objet de contribuer aux solutions
des problèmes sociaux des anciens incorporés de force.
Ces différents éléments montrent bien que les anciens incorporés de force dans
le RAD et le KHD ont droit à une indemnisation. M. Jean Laurain, président de
la fondation Entente franco-allemande, le sait. Il l'a reconnu et écrit dans le
rapport qu'il a présenté au comité directeur de la fondation Entente
franco-allemande, le 25 juin 1998.
Lors de l'examen du budget des anciens combattants à l'Assemblée nationale, le
7 novembre dernier, vous avez reconnu, monsieur le secrétaire d'Etat, que les
intéressés sont surtout des femmes - c'étaient des jeunes filles, à l'époque -
victimes d'une politique misogyne qui les a empêchées de bénéficier de cette
légitime réparation.
Vous avez indiqué que le Gouvernement s'engagerait à trouver les moyens
nécessaires pour compléter les fonds si la fondation Entente franco-allemande
ne disposait pas de moyens suffisants. Puisque la fondation a indiqué de son
côté qu'elle était prête à financer une grande partie de l'indemnisation,
n'est-il donc pas possible au Gouvernement français de s'entendre avec elle et
de faire un premier pas pour débloquer cette situation qui devient offensante
pour les intéressés ?
J'indique à mes collègues qu'il ne s'agit que de quelques milliers de francs
pour quelques milliers de personnes. Il ne s'agit pas de sommes astronomiques,
et je suis vraiment triste de constater que, plus de cinquante ans après les
faits, un sénateur né après la guerre doive encore soumettre ce genre de
problèmes au Parlement.
M. Jacques Floch,
secrétaire d'Etat.
Eh oui !
M. Francis Grignon.
Je présenterai donc mon amendement, lors de l'examen des crédits, monsieur le
secrétaire d'Etat, en espérant très vivement de votre part, puisque vous êtes
nouveau dans cette fonction, une compréhension toute particulière, et surtout
la volonté de voir réglé ce dossier une fois pour toutes afin que notre pays
puisse remplir son devoir de mémoire jusqu'au bout, sans discrimination aucune.
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, des Républicains et
Indépendants et du RPR, ainsi que sur certaines travées du RDSE. - Mme Gisèle
Printz, applaudit également.)
M. le président.
La parole est à M. Fischer.
M. Guy Fischer.
Monsieur le secrétaire d'Etat, permettez-moi, avant de vous souhaiter la
bienvenue, de saluer l'action de votre prédécesseur, M. Jean-Pierre Masseret,
qui est redevenu un de nos collègues sur les travées de la Haute Assemblée.
Quels qu'aient pu être nos points de désaccord, notamment sur le vote de ce
budget, j'ai toujours eu pour lui la plus haute estime. Je reconnais et loue
son action tenace au service du monde combattant et son sens très fin du
dialogue. Par rapport à ses prédécesseurs, son bilan est éloquent. Je ne doute
pas, monsieur le secrétaire d'Etat, que vous saurez de même être à l'écoute des
attentes du monde combattant.
Je ne reviendrai pas sur les quatre nouvelles mesures prévues pour 2002, ni
sur les amendements qui ont enrichi le texte à l'Assemblée nationale.
Je me réjouis notamment du rétablissement de l'unicité de la valeur du point
de pension des plus grands invalides de guerre, de l'effort réalisé en
direction des veuves, de l'augmentation des crédits consacrés à la mémoire, qui
devraient permettre de lancer la construction du futur centre européen du
déporté résistant au Struthof et de réaliser le mémorial national de la guerre
d'Algérie.
Je salue par ailleurs votre décision, monsieur le secrétaire d'Etat, de donner
votre accord à l'institution d'une journée nationale de la Résistance, le 27
mai de chaque année.
Je déplore cependant que, comme chaque année, le budget qui nous est proposé
soit en baisse. La population des ayants droit décroîtcertes plus rapidement -
c'est l'argument immuable du Gouvernement - mais le simple maintien des crédits
à la hauteur de l'an passé en francs constants aurait permis de satisfaire
l'essentiel des demandes des anciens combattants.
Je veux également parler des revendications du monde combattant qui sont les
grandes absentes de ce budget : la retraite du combattant à soixante ans pour
tous, sa nécessaire revalorisation, les droits des anciens combattants des
ex-colonies françaises, le remboursement des cures thermales, qui feront tout à
l'heure l'objet de mes amendements.
Ce budget me semble également se situer dans un contexte préoccupant qui
pourrait être interprété - c'est ainsi que je le ressens vraiment - comme une
atteinte au droit imprescriptible à réparation, même si, monsieur le secrétaire
d'Etat, vous avez proposé devant l'Assemblée nationale de faire établir un «
code du droit à réparation » en recensant les textes existants.
Parmi les exemples les plus édifiants, je citerai d'abord la décristallisation
des pensions des soldats de l'ex-Union française, qui n'avance pas. Il faut, à
notre sens, légiférer au plus tôt afin de lever cette dernière forclusion.
Je mentionnerai ensuite la réduction de 40 % du remboursement forfaitaire des
cures thermales, inacceptable pour tous ceux qui vivent douloureusement dans
leur chair les conséquences de leur engagement pour la nation.
Que dire encore du décret du 13 juillet 2000, qui instaure une différence de
traitement entre les orphelins dont les parents ont été victimes de
persécutions antisémites et les autres catégories d'orphelins ? Sur ce point,
mon groupe et moi-même avons d'ailleurs déposé une proposition de loi.
N'est-il pas regrettable que la commission nationale CVR, qui attribue la
carte de combattant volontaire de la Résistance, ne se soit pas réunie depuis
de longs mois, alors que les candidatures de résistants éminents ont été
présentées et n'ont toujours pas été agréées ?
Et puis, monsieur le secrétaire d'Etat, j'attendais de vous, je dois le dire,
quelques efforts supplémentaires pour améliorer les conditions de vie des
anciens combattants et de leurs ayants droit.
N'est-il pas urgent, en effet, de faire bénéficier de l'allocation
différentielle du fonds de solidarité et de l'allocation de préparation à la
retraite les titulaires du titre de reconnaissance de la nation de moins de
soixante ans - certains sont demandeurs d'emploi - pour la période du 2 juillet
1962 au 1er juillet 1964 ? Les instructions ont été données voilà six mois.
Avez-vous, oui ou non, obtenu l'aval de Bercy ?
Ne serait-il pas juste d'abaisser pour les anciens combattants le bénéfice de
la demi-part d'impôt de soixante-quinze ans à soixante-cinq ans, même de façon
progressive, afin de pallier le fait qu'ils ne bénéficient pas de la mesure
fiscale que constitue la prime pour l'emploi ? Je sais toutefois que cela ne
rentre pas dans le cadre du budget que nous examinons.
La progression de cinq points, de 110 à 115, du plafond majorable de la rente
mutualiste est un bien petit pas. Nous sommes encore loin du plafond demandé,
et promis, à 130 points.
Je voudrais également attirer votre attention sur l'attribution de la carte du
combattant aux appelés et rappelés ayant servi au Maroc et en Tunisie. La
plupart ont fait trois mois, trois mois et demi de présence avant la date
butoir de mars 1956 et encore trois mois après 1956. Il y aurait un geste à
faire, sachant que la médaille commémorative a été attribuée par le ministère
de la défense jusqu'au 5 mai 1958.
Quant aux veuves, l'article 62 vise à majorer la pension de réversion
seulement pour les veuves des plus grands invalides. Un effort reste à faire
pour les autres, qui vivent souvent dans des conditions difficiles. Elles
devraient pouvoir percevoir des avantages sociaux plus importants en provenance
de l'ONAC en leur qualité de veuve d'ancien combattant titulaire de la carte du
combattant ou du titre de reconnaissance de la nation.
J'aimerais, monsieur le secrétaire d'Etat, connaître l'évolution de la
réflexion sur le rapport constant. Le groupe de travail qui a été constitué
a-t-il enfin élaboré des propositions ?
Nous déplorons qu'aucune enveloppe budgétaire n'ait été prévue pour
l'indemnisation des incorporés de force dans les formations paramilitaires
nazies.
J'évoquerai encore un souci dont il m'a été fait part quant au texte à
paraître sur le renouvellement des conseils d'administration de l'Office
national des anciens combattants et des offices départementaux. Pouvez-vous
m'assurer que ce décret est en cours de contreseing, ainsi que vous l'aviez
laissé entendre le 7 novembre dernier devant l'Assemblée nationale ? Ce serait
la moindre des choses pour concrétiser le « nouvel élan pour l'office » voulu
par votre prédécesseur.
Je voudrais clore mon propos en évoquant l'officialisation de la date du 19
mars 1962 comme journée nationale du souvenir et du recueillement pour la
guerre d'Algérie et les combats en Tunisie et au Maroc, qui ont coûté à la
nation 30 000 morts et plus de 200 000 blessés.
Vous avez, me semble-t-il, fait preuve de sagesse en vous engageant à faire
examiner par le Parlement avant la fin de la législature les propositions de
loi déposées tout en requérant une très large majorité pour vous permettre de
trancher.
Après avoir contribué à la reconnaissance de l'état de guerre en Algérie, mon
groupe et moi-même avions déposé une proposition de loi dans ce sens dès le 6
avril 2000.
Je suis convaincu, pour ma part, que le respect mutuel et la tolérance
finiront par l'emporter et que nous pourrons nous enorgueillir d'avoir enfin
mis un terme à ce débat à l'occasion symbolique du quarantième anniversaire de
la fin de la guerre d'Algérie. Nous aurons ainsi contribué à conforter la
mémoire historique de ce dernier conflit du XXe siècle.
Monsieur le secrétaire d'Etat, à l'instar des députés communistes, nous
voterons votre budget, en souhaitant demain prolonger le dialogue pour
satisfaire les nombreuses attentes du monde combattant.
(Applaudissements
sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen et sur les travées
socialistes. - M. Grignon applaudit également.)
M. Jacques Baudot,
rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et
des comptes économiques de la nation.
Ils vont plus loin que nous dans
leurs revendications et ils votent le budget !
M. le président.
La parole est à M. Chabroux.
M. Gilbert Chabroux.
Monsieur le secrétaire d'Etat, c'est le premier budget que vous présentez au
Sénat. Mais nous savons tous avec quelle attention et quelle vigilance vous
avez suivi les précédents budgets des anciens combattants à l'Assemblée
nationale.
Nous savons aussi combien votre sensibilité, votre histoire personnelle et
familiale vous attachent au ministère dont vous avez aujourd'hui la charge.
Comme le rapporteur de la commission des affaires sociales, notre collègue
Marcel Lesbros, l'a dit et redit, ce budget est le dernier de la législature.
Il nous offre l'occasion de dresser le bilan de l'action qui aura été menée au
cours de ces cinq années, d'abord par Jean-Pierre Masseret - dont nous saluons
tous l'implication et l'engagement - et maintenant par vous-même.
Ce bilan doit être, bien sûr, objectif, juste et sincère. Il doit mesurer les
avancées qui ont été réalisées et faire la part des difficultés qui peuvent
subsister.
Lors de la discussion de précédents budgets, notre commission des affaires
sociales avait émis un avis favorable ou s'en était remise à la sagesse de
notre assemblée. C'est bien qu'elle considérait que la politique menée en
faveur des anciens combattants était dans la bonne voie. Je m'étonne donc
qu'aujourd'hui le bilan lui apparaisse comme négatif.
M. Raymond Courrière.
On approche des élections !
M. Gilbert Chabroux.
Il manque, dans le jugement que vous portez, un peu d'objectivité et de
sincérité. Les prochaines échéances électorales y sont sans doute en effet pour
quelque chose.
On peut ainsi s'interroger sur le nouveau mode de calcul choisi par la
commission pour mesurer l'évolution des crédits budgétaires depuis 1997.
Certes, nous avions tous souhaité que ces crédits puissent être maintenus,
année après année, alors qu'ils ont diminué de 2 % environ par an. Le nombre de
pensionnés a, lui, baissé de 4 % chaque année. En revanche, il y a,
relativement, de plus en plus - près de dix fois plus - de ressortissants de
l'ONAC qui ne sont pas des pensionnés. Mais les sommes versées sont sans
commune mesure, nous le savons bien. Et, monsieur Lesbros, vous n'avez pas
raison de vouloir faire une moyenne sur 4,3 millions de personnes qui sont dans
des situations très différentes les unes des autres.
Nous avons tous reconnu, les années précédentes, que l'évolution était
positive, même si elle pouvait paraître insuffisante. Pourquoi changez-vous le
mode de calcul ? Et pourquoi le faites-vous cette année ?
M. Raymond Courrière.
Parce que c'est la droite !
M. Gilbert Chabroux.
Faisons donc le point, mes chers collègues, avec un peu d'objectivité, sur les
principaux dossiers.
Il y a cinq ans, le contentieux le plus lourd concernait les anciens d'Afrique
du Nord. Il fallait savoir reconnaître officiellement la guerre d'Algérie et
les combats en Tunisie et au Maroc. Cela a été fait. Il fallait aussi élargir
les conditions d'accès à la carte du combattant et au titre de reconnaissance
de la nation. Cela a été fait également. Que peut-on faire de plus pour l'accès
à ces titres ? Faut-il accorder la carte du combattant au-dessous de douze mois
de présence ?
M. Jacques Baudot,
rapporteur spécial.
Certainement pas !
M. Gilbert Chabroux.
Cela ne paraît pas justifié. Dans le projet de budget pour 2002, vous
proposez, monsieur le secrétaire d'Etat, que la retraite du combattant soit
versée à partir de soixante ans pour les titulaires d'une pension militaire
d'invalidité. C'est une mesure très intéressante, en précisant bien que cette
retraite, liée au droit à réparation, ne doit pas se transformer en une
prestation sociale modulable avec l'âge et les revenus.
Mais cela ne suffira pas. Il faudra faire plus et, d'abord, revaloriser
sensiblement le montant de cette retraite. Le nombre de bénéficiaires va se
stabiliser en 2003 ; ce doit être l'occasion de franchir une étape
significative.
Toujours par rapport à la guerre d'Algérie, nous apprécions que la discussion
à l'Assemblée nationale ait permis une avancée sur le dossier, difficile et
sensible, des psychotraumatismes de guerre. Il faut mettre en place des centres
de traitements adaptés à ce type de traumatismes.
Nous étions nombreux à souhaiter que le mémorial national de la guerre
d'Algérie soit inauguré pour le quarantième anniversaire du cessez-le-feu. Ce
sera malheureusement un peu plus tard.
Mais le problème de la date commémorative de la guerre d'Algérie se pose de
plus en plus, et je pense comme vous que le moment est venu d'en débattre le
plus sereinement possible.
Comment envisagez-vous de procéder sachant que les Français considèrent très
majoritairement, à 72 %, que la date qui convient le mieux pour organiser cette
cérémonie est celle du 19 mars ? Comment envisagez-vous les cérémonies qui
seront organisées le 19 mars 2002 ?
Les anciens d'AFN ont besoin d'une reconnaissance morale et de justice à un
moment où certains pourraient mettre en cause leur honneur et leur dignité en
évoquant la torture et le viol en Algérie.
Il y a un problème d'information, en particulier par rapport aux nouvelles
générations. La position du Gouvernement a été tout à fait claire. Comme l'a
dit M. le Premier ministre et comme vous l'avez dit vous-même, monsieur le
secrétaire d'Etat, il faut « appeler à un travail de lucidité sur les moments
sombres de la guerre d'Algérie ». Mais en aucun cas il ne peut y avoir de
généralisation outrancière à l'égard de la majorité des participants à cette
guerre et de repentance.
Il y a sans doute beaucoup de questions à se poser sur la guerre d'Algérie,
mais il faut d'abord répondre à celles que nous adressent les jeunes : pourquoi
a-t-on fait cette guerre ? Où se situent les responsabilités ? Pourquoi
a-t-elle duré si longtemps ? Il y a, je le répète, un vrai problème
d'information.
D'autres dossiers ont également beaucoup progressé au cours des dernières
années. Je pense notamment, bien sûr, à la réunification de la valeur du point
pour les grands invalides, même s'il a fallu du temps pour y parvenir.
M. Jacques Baudot,
rapporteur spécial.
Trois ans !
M. Gilbert Chabroux.
Certes, mais il fallait le faire et cela a été fait !
Vous allez prolonger, en quelque sorte, ces dispositions en prévoyant, en
2002, une augmentation de la majoration de pension dont bénéficient les veuves
des grands invalides. C'est une mesure d'équité, sachant dans quelle situation
peuvent se trouver ces veuves, sachant aussi qu'elles ont occupé une fonction
dans la nation.
Sur le plan de la solidarité et de la reconnaissance, il faut souligner la
nouvelle progression du plafond majorable de la retraite mutualiste. Il est
vrai que l'on peut souhaiter plus pour atteindre plus vite l'objectif des 130
points. Mais l'augmentation de 1998 à 2002 aura tout de même été de 20 % alors
qu'elle n'avait pas dépassé 11 % pour la période de 1993 à 1997. Il faut par
ailleurs se féliciter que ce soient bien les mutuelles d'anciens combattants
qui gèrent cette retraite et non le secteur marchand.
Les crédits sociaux de l'ONAC ont été augmentés lors de la discussion à
l'Assemblée nationale. Cela devrait permettre de mieux venir en aide aux veuves
d'anciens combattants qui sont dans des situations difficiles. Mais, sur ce
dossier aussi, il conviendra d'aller plus loin, avec des critères adaptés et
des mesures ciblées.
Monsieur le secrétaire d'Etat, vous avez fait part de votre intention
d'allouer des moyens supplémentaires aux associations concernées pour essayer
d'apporter une solution au douloureux problème de l'indemnisation de tous les
orphelins des victimes du nazisme. Une solution égalitaire est infiniment
souhaitable. Il s'agit du droit à réparation, qui doit être égal pour tous.
Avez-vous avancé dans les négociations ?
Dans un tout autre domaine, avez-vous trouvé une solution pour résoudre le
problème du remboursement des cures thermales ? Il serait souhaitable, là
aussi, qu'il s'agisse bien d'un droit à réparation et non d'action sociale.
Au sujet des crédits de l'ONAC, nous approuvons tous le geste qui est fait
pour rétablir le droit à réversion de pension pour les veuves dont l'époux
ancien combattant des ex-pays coloniaux était titulaire d'une pension militaire
d'invalidité.
Ce n'est pas véritablement la décristallisation que nous appelons de nos
voeux, mais c'est un signe encourageant en attendant le projet de loi que vous
devez présenter. Il est vrai que la situation créée par la cristallisation est
indigne, et M. Lesbros a raison de le dire. Mais qui en est responsable ? Qui a
cristallisé ?
M. Raymond Courrière.
Eh oui !
M. Gilbert Chabroux.
Enfin, j'ajouterai quelques mots sur la politique de la mémoire.
Je m'étonne qu'elle puisse être décriée. De nombreuses initiatives ont été
prises les années précédentes avec, par exemple, les adjoints-mémoire, et les
crédits vont encore augmenter de 20 % en 2002.
Le budget accorde une place particulière à la mémoire de la Seconde Guerre
mondiale et à celle de la guerre d'Algérie. Parmi les propositions qui ont été
évoquées, il en est une qui m'apparaît très intéressante, celle qui porte sur
l'institution d'une journée nationale de la Résistance. De nombreuses villes
organisent déjà des cérémonies le 27 mai, en souvenir de l'unification de la
Résistance et du Conseil national de la Résistance.
Pour terminer sur le bilan, je voudrais rappeler, mes chers collègues, les
menaces qui pesaient, il y a quelques années, sur les institutions du monde
combattant, à commencer par le département ministériel dont vous avez
maintenant la charge, monsieur le secrétaire d'Etat, et dont il fallait d'abord
assurer la pérennité.
Les mêmes questions se posaient pour l'ONAC, voire pour l'institution
nationale des Invalides. Tous deux ont su s'engager dans un processus de
réforme et de modernisation qui conforte leur place. Le rôle qu'ils jouent est
irremplaçable. Le Gouvernement a su conduire ce processus et cela fait partie
de son bilan.
M. Raymond Courrière.
Très bien !
M. Gilbert Chabroux.
Le groupe socialiste a toujours été convaincu que la politique menée par le
gouvernement de Lionel Jospin en faveur des anciens combattants se situait dans
la bonne voie. Elle donne des résultats très positifs et elle doit nous
permettre de progresser encore.
Nous vous apporterons donc, monsieur le secrétaire d'Etat, tout notre soutien
pour franchir avec vous une nouvelle étape, et d'abord en votant le budget que
vous nous présentez.
(Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. Jacques Baudot,
rapporteur spécial.
C'est la méthode Coué !
M. le président.
La parole est à M. Durand-Chastel.
M. Hubert Durand-Chastel.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le
projet de budget des anciens combattants pour 2002 s'inscrit dans la
continuité. Il a été réduit de 2 % par rapport au budget de 2001, le nombre des
bénéficiaires se réduisant dans le même temps de 4 %.
Les Français de l'étranger, que je représente, sont souvent d'autant plus
attachés aux grands problèmes de notre pays qu'ils en vivent éloignés.
J'examinerai d'abord les problèmes relatifs aux anciens combattants de
l'étranger, Français ou originaires d'anciens territoires français. Je
reprendrai à cette tribune les voeux exprimés en septembre dernier par le
Conseil supérieur des Français de l'étranger, le CSFE, lors de sa dernière
assemblée plénière.
J'évoquerai, d'abord, la cristallisation des pensions de retraite des anciens
combattants de nos anciens territoires. Celles-ci avaient été fixées lors de la
proclamation des indépendances, il y a en général plus d'un demi-siècle. Leurs
montants en francs ont été lourdement dévalorisés par l'inflation et la
dépréciation des monnaies. Certaines pensions - c'est le cas en Indochine -
sont devenues si faibles qu'elles ne justifient plus le déplacement de leurs
bénéficiaires pour aller les toucher aux consulats de France.
L'idée a même été exprimée de les remplacer par une somme forfaitaire
attribuée comme solde de tout compte une fois pour toutes. Ne serait-il pas
possible, monsieur le secrétaire d'Etat, d'affecter ces pensions d'un
coefficient de revalorisation qui serait mis à jour à certaines échéances ?
Par ailleurs, la disparité des montants de ces pensions dans les anciens
territoires français est tout à fait irrationnelle. La commission que vous avez
récemment mise en place ne pourrait-elle pas vous présenter des mesures
concrètes dans des délais raisonnables ?
Le CSFE avait aussi demandé que l'âge de la retraite soit fixé à soixante ans,
en particulier pour les invalides de guerre, les pensionnés militaires
d'invalidité de nos ex-territoires, si mal traités par la cristallisation. En
outre, leurs veuves, pour des raisons de solidarité tout à fait justifiables,
devraient percevoir une allocation équivalente à une réversion de 50 % des
pensions.
Le CSFE a également demandé que la rente viagère prévue par la loi du 30
décembre 1999, accordée aux harkis et aux supplétifs de la guerre d'Algérie,
soit complètement réversible à leurs veuves à titre de reconnaissances de la
nation. Cette disposition, prévue dans la loi de finances de 2000, honore nos
150 000 compagnons d'armes harkis morts pour avoir aimé la France. Elle
correspond bien à l'hommage national aux harkis rendu par le Président de la
République le 25 septembre dernier, en votre présence, monsieur le secrétaire
d'Etat, à l'hôtel national des Invalides.
J'ajoute que la date du 19 mars, si elle était officiellement retenue comme
journée nationale, constituerait pour tous les harkis morts après ce jour de
1962, et qui sont plus nombreux que ceux qui sont disparus antérieurement, un
deuxième sacrifice et une insulte à leur mémoire.
(MM. Cleach et Joly
applaudissent.)
Enfin, le CSFE a demandé que les blessures et traumatismes subis au cours de
missions en opérations extérieures soient considérés comme imputables au
service.
Je terminerai mon exposé en parlant de la mémoire historique.
Merci, monsieur le secrétaire d'Etat, d'avoir augmenté de 20 % les crédits qui
lui sont alloués. Votre action doit être renforcée par le ministère de
l'éducation nationale et passer par l'école pour que la mémoire historique
reste vivante dans les nouvelles générations. Les anciens accords entre les
deux ministères doivent être réactualisés.
Dans cette optique, les pélerinages dans les cimetières militaires doivent
être encouragés. Ils se développent beaucoup à partir des pays lointains ayant
participé très activement aux guerres mondiales, les Etats-Unis d'Amérique, la
Nouvelle-Zélande, l'Australie, mais aussi à partir de l'Allemagne. On ne peut
que regretter, à ce sujet, que la médaille interalliée de la guerre 1914-1918
n'ait pas été reprise en 1939-1945 pour tous les militaires étrangers ayant
contribué à la victoire.
Nombre de cimetières militaires constituent des sites remarquablement
aménagés, comme le cimetière du Bois Beleau, où les Américains ont regroupé
tous leurs nationaux morts depuis la Première Guerre mondiale. De nombreux
cimetières anglais évoquent aussi des espaces de paix, véritables jardins
anglais où le gazon est une
English mixture
et où les roses proviennent
d'Angleterre. Nous sommes loin de nos « carrés français » où nous regroupons
nos soldats non identifiés !
Il faut dire que les Anglais dépenseraient, semble-t-il, chaque année 150
francs par tombe, les Allemands de même, alors que votre secrétariat d'Etat,
monsieur le secrétaire d'Etat, ne dépense toujours que 8 francs par tombe.
M. Jacques Floch,
secrétaire d'Etat.
Mais non ! C'est une légende !
M. Hubert Durand-Chastel.
Cela se voit au Chemin des Dames, aux Eparges, à Villeroy.
Les Français auraient-ils la mémoire plus courte que leurs voisins, qui savent
développer un tourisme de la mémoire en pleine progression ? La France, pays du
tourisme par excellence, qui accueille 80 millions de touristes par an, ne
devrait-elle pas aussi s'y intéresser ? A moins que M. Jean-Claude Gayssot ait
eu une prémonition en choisissant Chaulnes, dans la Somme, comme troisième
aéroport parisien !
Je vous remercie par avance de votre réponse, monsieur le secrétaire d'Etat.
(Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR
et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Cleach.
M. Marcel-Pierre Cleach.
Monsieur le secrétaire d'Etat, votre projet de budget suscite des
appréciations mitigées : il s'inscrit en effet dans la continuité des budgets
précédents, tous marqués par des réponses partiellement positives, mais
généralement raisonnables, aux revendications du monde combattant.
Nos rapporteurs et les collègues qui m'ont précédé à la tribune ont fait leur
choix parmi les plus et les moins. Je ne reviendrai pas sur les insuffisances
signalées plusieurs fois, ni sur les avancées reconnues en faveur des plus
grands invalides ou de leurs veuves et des titulaires d'une pension militaire
d'invalidité. Mais, comme l'ont souligné MM. les rapporteurs, plusieurs
orateurs, et comme nous le faisons chaque année, je tiens à vous dire combien
nous souhaiterions voir enfin initié le processus de décristallisation pour
lequel votre prédécesseur avait fait d'intéressantes propositions.
La France, aujourd'hui si critiquée, si attaquée, appelée de-ci, de-là à la
repentance, s'honorerait en faisant ce geste en faveur de ses anciens
combattants d'outre-mer. C'est notre devoir de mémoire et de reconnaissance.
Toutefois, le budget, avec ses qualités et ses insuffisances, est un acte
politique. C'est l'occasion pour moi, ancien d'Algérie, membre d'une
association nationale d'anciens d'Afrique du Nord, de vous dire mon sentiment
sur le problème du choix d'une date commémorative de la fin de ce que nous
sommes convenus, à l'unanimité des parlementaires des deux chambres, d'appeler
la guerre d'Algérie. Je tiens à y consacrer l'essentiel de mon intervention.
A ma connaissance, deux associations d'anciens combattants sont à l'origine de
cette demande. Toutes deux souhaitent que le 19 mars, date anniversaire du 19
mars 1962, elle-même date théorique, date juridique du cessez-le-feu en
Algérie, soit retenu pour commémorer nos morts, penser à ceux qui, survivants,
ont cependant payé un lourd tribut et surtout, « fêter » la fin de la guerre,
car il est vrai que ce fut un soulagement pour beaucoup de combattants, appelés
ou militaires de carrière, et leurs familles.
Il s'agirait de faire du 19 mars, si j'ai bien compris, un autre 8 Mai, un
autre 11 Novembre.
Vous savez, monsieur le secrétaire d'Etat, que le monde combattant est
particulièrement et profondément divisé sur cette question. L'un de vos
prédécesseurs avait réuni, en septembre 1981, trente et une associations
regroupant les anciens d'AFN : sur ces trente et une associations, vingt-neuf
s'étaient alors opposées au choix du 19 mars comme date d'une quelconque
commémoration.
La situation n'a pas évolué depuis. Les associations, résolument et
définitivement opposées à ce choix, le sont pour plusieurs raisons.
La première concerne la vérité historique. En effet, les hostilités ne se sont
pas arrêtées le 19 mars 1962. A partir de cette date, et tout au long de
l'année 1962, malgré les stipulations des accords d'Evian garantissant le
respect des anciens combattants d'origine algérienne ayant servi sous le
drapeau français - les harkis, les supplétifs, etc. - près de 150 000, dit-on,
de ceux-ci furent exécutés par le FLN dans des conditions atroces. Et s'ils ne
furent que 60 000, comme le prétendent d'autres sources, ils furent 60 000 de
trop, exécutés après l'armistice, alors que nous respections, nous, les accords
engageant notre pays.
Au cours de la même période, l'armée française eut 152 tués, 422 blessés et
162 disparus. Ce n'était donc pas la fin de la guerre d'Algérie.
La deuxième raison a trait à la tradition la France ne célèbre que des
victoires ou des actes exceptionnels de bravoure. Célébrons-nous le 22 juin
1940, date de la signature par le maréchal Pétain de l'Armistice consacrant la
défaite de la France ? Célébrons-nous le 21 juillet 1954, date de la signature
des accords de Genève mettant fin à la guerre d'Indochine et, par là même, à la
présence françaisse en Indochine ? Non, nous célébrons avec ferveur le 8 Mai,
date de la victoire sur l'Allemagne nazie et le 11 Novembre, date de la
victoire de la Première Guerre mondiale.
La troisième raison tient à la décence. Nous devons imaginer l'épreuve morale
que représenterait, pour les anciens d'Algérie - en tout cas pour beaucoup
d'entre eux - le fait de célébrer le souvenir de leurs morts le même jour que
l'Algérie indépendante - et c'est son droit ! - fête sa victoire. Le 19 mars
est devenu en Algérie la fête de la victoire. Pour les anciens d'Algérie, il
est particulièrement inacceptable, compte tenu du nombre de morts survenues
postérieurement au 19 mars, et notamment chez les harkis, de célébrer quoi que
ce soit en ce jour anniversaire.
Choisir cette date du 19 mars, c'est raviver les pires souvenirs de tous ceux,
militaires du contingent et professionnels, qui, séjournant en Algérie après
cette date, ont constaté, impuissants, toutes les exactions commises par le FLN
et les malheurs frappant la population tant européenne que maghrébine.
Ces sentiments sont restés très forts, monsieur le secrétaire d'Etat. Je vous
assure que ceux qui les partagent - et j'en suis - n'accepteront jamais de
donner au 19 mars le caractère d'une journée nationale du souvenir.
(Applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et
Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Où sera le recueillement quand, dans un même village, une partie - une partie
seulement - des anciens d'Algérie ira se recueillir devant le monument aux
morts ?
Comment expliquerons-nous à nos enfants cette division, ce ressentiment entre
anciens du même combat ?
Il est inconcevable, tristement inconcevable, que le monde combattant se
divise sur une telle question, se déchirer pour le choix d'une date est
dérisoire.
Vous êtes le secrétaire d'Etat chargé des anciens combattants, de tous les
anciens combattants ! Vous devez tout faire pour les rassembler et ne rien
faire qui puisse ajouter à leurs divisions.
Que chacun ait sa vérité, son interprétation des causes et des événements de
la guerre d'Algérie ; oui, bien sûr ; que les historiens fassent leur travail
en toute transparence, oui ; que les excès soient condamnés, mais dans les deux
camps ; oui, bien sûr ; qu'il soit tenu compte des horribles circonstances de
cette guerre aussi mais que les anciens d'Algérie, qui ont fait leur devoir,
tout simplement, ne soient pas tous écoutés sur une question aussi symbolique,
non !
Les anciens combattants d'Algérie doivent rester unis pour la mémoire de ceux
qu'ils ont perdus et pour expliquer aux enfants de France ce que furent leurs
combats, ce que signifiaient pour eux l'esprit civique, le devoir, le
patriotisme, quelle que fût leur appréciation personnelle de la situation.
Mais les faits sont là : il n'y a pas unanimité sur le choix d'une date de
commémoration. Il y a même, hélas ! une très grave division entre les anciens
combattants d'Algérie. Appartient-il à leur secrétaire d'Etat de prendre parti
et de prendre le risque d'une plus grande division encore ? Appartient-il
seulement au Parlement d'y participer ? N'est-ce pas plutôt aux intéressés
eux-mêmes, unis sur bien d'autres plans, de rechercher ensemble une solution ?
(M. le secrétaire d'Etat s'exclame.)
Ne pensez-vous pas, monsieur le
secrétaire d'Etat, qu'une telle décision appartient d'abord aux anciens
combattants concernés et qu'elle requiert l'unanimité ?
M. Jacques Floch,
secrétaire d'Etat.
Eh oui !
M. Marcel-Pierre Cleach.
J'avais, avec quelques autres sénateurs, décidé de proposer une autre date
pour cette commémoration. Nous n'avons pas déposé notre proposition pour éviter
d'alimenter la querelle ; nous n'avons pas voulu ajouter à la division.
(M.
Courrière s'exclame.)
Comme j'ai déjà eu l'occasion de l'indiquer lors de la discussion de la
proposition de loi relative à la reconnaissance de la guerre d'Algérie, il
convient de trouver une solution qui rallie l'ensemble des anciens d'Algérie ;
je sais qu'elle n'est pas simple. Alors, et alors seulement, nous pourrons
dignement rendre hommage à toutes les victimes, sans distinction de race ni de
religion, celles qui sont tombées avant comme celles qui sont tombées après le
19 mars 1962, sans oublier ceux qui ont été blessés, qui ont souffert ou qui
souffrent encore, ainsi que les ascendants, veuves ou orphelins de nos
camarades morts pour la France.
Nous attendons de vous, monsieur le secrétaire d'Etat, que vous nous y aidiez.
(Très bien ! et applaudissements sur les travées des Républicains et
Indépendants et du RPR, ainsi que sur certaines travées du groupe du
RDSE.)
M. le président.
La parole est à Mme Printz.
Mme Gisèle Printz.
Monsieur le secrétaire d'Etat, avant d'aborder mon propos sur le dernier
budget de la législature concernant les anciens combattants, je souhaite saluer
l'action menée par votre prédécesseur, Jean-Pierre Masseret, aujourd'hui réélu
au Sénat et siégeant à nos côtés. En effet, nous avons eu en lui, pendant plus
de quatre ans, un homme de dialogue. Ses qualités d'écoute et sa volonté de
répondre aux attentes du monde combattant ont été unanimement appréciées. Je ne
doute pas que vous-même, ancien combattant ayant beaucoup travaillé sur le
sujet, poursuiviez l'action qu'il a menée.
Aujourd'hui encore, monsieur le secrétaire d'Etat, les différentes
associations du monde combattant se posent un certain nombre de questions,
malgré le travail important accompli, et même si de nouvelles mesures sont
proposées apportant de nouvelles avancées : le relèvement de 110 à 115 points
d'indice de PMI du plafond majorable des rentes mutualistes ; le rattrapage -
c'est la dernière étape - concernant l'unicité du point de pension pour les
grands invalides ; l'attribution à soixante ans de la retraite du combattant
pour les titulaires d'une pension militaire d'invalidité ; l'augmentation de la
majoration de pension servie aux veuves des grands invalides - cent vingt
points ; le renforcement de la politique sociale de l'ONAC ; l'augmentation des
crédits consacrés à la mémoire et en particulier aux fondations de la
Déportation et de la Résistance ; sans oublier les nouvelles décisions prises à
la suite des débats de l'Assemblée nationale, comme la levée de la forclusion
pour les veuves des anciens combattants de nos ex-colonies. Malgré tout cela,
un certain nombre de points achoppent.
Je veux, encore une fois, insister sur un problème particulier lié à
l'Alsace-Moselle : vous l'avez bien compris, monsieur le secrétaire d'Etat, il
s'agit des anciens incorporés de force dans les organismes paramilitaires
allemands, c'est-à-dire le RAD et le KHD.
Le 25 juin 1998, le comité directeur de l'Entente franco-allemande décidait
l'attribution d'une allocation aux anciens du RAD et du KHD en conditionnant sa
participation à celle de l'Etat. Je rappelle qu'au début des années
quatre-vingt la fondation avait écarté les anciens incorporés de force dans le
RAD et le KHD de l'indemnisation prévue dans le cadre de l'accord du 31 mars
1981 entre le Gouvernement de la République française et celui de la République
fédérale d'Allemagne.
Depuis lors, les anciens du RAD et du KHD attendent et souhaitent connaître
les intentions de l'Etat.
De son côté, l'Etat demande à l'Entente de procéder au versement qu'elle
aurait dû normalement effectuer, puisque, au départ, aucune distinction
n'aurait dû être faite entre les incorporés de force dans la Wehrmacht et ceux
qui l'ont été dans des organismes paramilitaires.
Nous en sommes là : chacun se renvoie la balle et rien ne bouge. Cette
situation de blocage est désespérante et tragique pour les personnes
concernées, âgées et fragiles.
L'enveloppe budgétaire nécessaire pour clore ce dossier serait d'environ 20
millions de francs, somme qui pourrait être répartie sur trois ans. Cette somme
ne semble vraiment pas être en mesure de remettre en cause les grands
équilibres économiques de la France et elle permettrait d'effacer l'une des
dernières séquelles de la Seconde Guerre mondiale, cinquante-cinq ans après, en
respectant ce qui a été une grande souffrance pour nos concitoyens
alsaciens-mosellans.
Le deuxième problème qui me tient particulièrement à coeur est celui des
veuves d'anciens combattants.
Cette année, le projet de budget pour 2002 voit l'achèvement du processus de
dégel des pensions des grands invalides, processus engagé depuis deux ans et
qui s'accompagne d'une mesure en faveur des quinze mille veuves des grands
invalides, faisant augmenter leur pension de cent vingt points.
Nous attendions cette mesure, monsieur le secrétaire d'Etat. Il s'agit d'une
compensation apportée au dévouement de ces femmes qui ont, la plupart du temps,
sacrifié leur vie personnelle et professionnelle pour s'occuper de leur époux
et qui se trouvent, à la dispariton de celui-ci, dans des situations souvent
très difficiles.
Mais cela ne résout pas le problème d'ensemble des veuves d'anciens
combattants. En effet, au 1er janvier 1998, 1 750 000 veuves étaient
ressortissantes de l'ONAC. Pourtant, au 1er janvier 2000, seulement 150 000
bénéficiaient de la pension d'invalidité de leur époux. Les services
départementaux de l'ONAC sont amenés, de plus en plus fréquemment, à intervenir
en leur faveur. C'est bien la preuve que ces femmes rencontrent plus qu'avant
des difficultés financières au décès, souvent précoce, de leur époux.
Aussi, monsieur le secrétaire d'Etat, ne serait-il pas possible de trouver
rapidement une solution pour qu'existe, sous certaines conditions de
ressources, une possibilité de réversion de la retraite d'ancien combattant ou
de la pension d'invalidité pour les veuves les plus démunies ou, si cela n'est
pas possible juridiquement, que l'on remplace celle-ci par une allocation
équivalente ? C'est un principe de solidarité nationale que j'ai l'honneur de
vous exposer.
Le troisième point qui me tient aussi très à coeur est celui de la
décristallisation.
En effet, un arrêté rendu par le Conseil d'Etat en novembre 1999 a infirmé
l'interprétation administrative selon laquelle la cristallisation gelait à la
fois la valeur des pensions et retraites à la date d'indépendance des Etats et
l'accès aux droits nouveaux.
Cette nouvelle interprétation juridique a eu pour conséquence l'inscription
dans la loi de finances de 2001 - il s'agit des articles 109 et 110 - de la
levée, à compter du 1er janvier 2001, de la forclusion concernant les demandes
de retraite du combattant présentées par des ressortissants originaires de
l'ancienne Union française, d'une part, et l'institution d'une commission
d'étude chargée de proposer des mesures d'ordre législatif et réglementaire
permettant la revalorisation des rentes, retraites et pensions des anciens
combattants, d'autre part.
Depuis l'an dernier, la commission a été mise en place et elle s'est réunie.
Ses conclusions sont attendues avec impatience, car il est juste que ces
soldats qui ont servi la France, comme leurs compatriotes de la métropole,
puissent enfin toucher ce qui leur est dû.
S'agissant de la levée de la forclusion pour la retraite du combattant, tout
se passe bien pour les anciens combattants d'Afrique et d'Afrique du Nord, mais
il n'en est pas de même pour les anciens combattants de l'ex-Indochine. En
effet, la loi ne fait référence qu'aux textes régissant la cristallisation pour
les Africains et les Nord-Africains ; elle omet de citer l'ordonnance de 1958
qui fonde la forclusion pour les ex-Indochinois, rendant ainsi la mesure
inapplicable pour ceux-ci.
Vu la modicité de la dépense - il n'y a plus que 1 530 ayants droit - le
problème devrait pouvoir se régler rapidement.
Monsieur le secrétaire d'Etat, nous comptons sur vous pour que, dans ce projet
de budget, les différents points que je viens d'aborder trouvent enfin une
solution.
Les diverses avancées apportées au monde combattant dans la loi de finances
pour 2002 font que la politique entamée en 1997 se poursuit et que le
Gouvernement prend en compte les revendications du monde combattant
progressivement.
Nous poursuivrons donc, à vos côtés, le travail qui a été entrepris et nous
voterons votre budget.
(Très bien ! et applaudissements sur les travées du
groupe socialiste et sur celles du groupe communiste républicain et
citoyens.)
M. le président.
La parole est à M. Pelchat.
M. Michel Pelchat.
Monsieur le secrétaire d'Etat, j'ai bien noté le satisfecit que vous vous êtes
accordé en présentant le budget des anciens combattants pour 2002 lors de vos
diverses interventions à l'Assemblée nationale et en commission au Sénat et,
plus généralement, le bilan du Gouvernement concernant votre département
ministériel.
Je crois honnête de reconnaître, en effet, que des mesures favorables au monde
combattant ont été prises. Je reconnaîtrais même, d'ailleurs, que votre
prédécesseur, qui a rejoint notre assemblée, a oeuvré en ce sens, et de cela,
je tiens aujourd'hui à lui rendre hommage.
M. Raymond Courrière.
Très bien !
M. Michel Pelchat.
Toutefois, trop de revendications légitimes, et d'importance, demeurent
aujourd'hui sans réponse pour que l'on puisse se satisfaire de la situation.
A structure constante, le budget des anciens combattants est, encore une fois,
en baisse, si l'on ne tient pas compte des sommes, en provenance du budget des
charges communes et du budget de la défense, qui sont transférées à ce
budget.
Alors que la diminution de ce budget était déjà de 1,32 % dans la loi de
finances pour 2001, elle est de près de 2 % pour 2002. Je ne peux donc que
relever la diminution continue du budget des anciens combattants depuis 1997,
année, d'ailleurs, de votre arrivée au pouvoir et où la baisse avait été de 5
%.
Alors, je vous le demande, monsieur le secrétaire d'Etat, peut-on exprimer de
la satisfaction quand la politique à l'égard du monde combattant et le
financement des nouvelles mesures dont vous vous targuez ne sont échafaudés que
sur des calculs prévisionnels macabres, à savoir une diminution moins rapide,
en pourcentage, des crédits du secrétariat d'Etat par rapport à la réduction «
naturelle » du nombre des bénéficiaires potentiels ?
C'est d'autant plus déplorable à souligner que le maintien à un niveau
constant des crédits du secrétariat d'Etat par rapport à l'an dernier aurait
permis, chacun le sait, de satisfaire une grande partie des légitimes
revendications des anciens combattants qui demeurent, année après année, sans
réponse. C'est un constat que nous pouvons tous faire.
S'agissant du budget que vous nous présentez ce soir à proprement parler, je
ne reviendrai pas sur les quatre avancées qu'il comprend. Les rapporteurs les
ont très clairement exposées, comme ils ont, à juste titre, déploré leur
caractère partiel.
Je souhaite, pour ma part, insister, cette année encore et bien
malheureusement, sur le dossier de la décristallisation de la retraite des
anciens combattants de nos anciens territoires d'outre-mer.
Cette douloureuse question n'a toujours pas trouvé de réponse. Or, ne
l'oublions pas, le dispositif dit de « cristallisation » est applicable depuis
1958 !
J'avais exprimé quelque satisfaction, l'an dernier, devant l'avancée, certes
timide, mais avancée tout de même, que constituait la levée de la forclusion
sur l'attribution de droits nouveaux s'agissant de la retraite de ces anciens
combattants. Mais ce petit pas est resté sans suite ! Il était d'ailleurs
inachevé, comme nous le verrons tout à l'heure.
Une commission d'étude de la revalorisation des pensions avait été instituée
par la loi de finances pour 2001, qui avait pour mission de proposer, dans les
six mois de son installation, des mesures permettant la revalorisation des
rentes, retraites et pensions des anciens combattants de l'outre-mer.
Or, monsieur le secrétaire d'Etat, ce n'est que le 19 octobre dernier que
l'arrêté portant nomination des membres de cette commission est paru au
Journal officiel
. Ne croyez-vous pas que l'on se moque un peu de nous,
dans cette affaire ?
M. Jacques Floch,
secrétaire d'Etat.
On en parlera !
M. Michel Pelchat.
Quand je pense aux dizaines de milliers de soldats du Maghreb, d'Afrique
noire, d'Indochine et de Madagascar qui ont cru en nos valeurs au point de se
battre pour la France, reprenant les propos de mon ami Marcel Bigeard, je dirai
: « J'ai mal à la France. »
Il me semble que la politique sur le « devoir de mémoire », citée à tout-va et
à plus ou moins bon escient, est un peu trop sélective. Au lieu de donner des
leçons d'histoire à d'autres nations, la France serait bien inspirée de faire
préalablement son propre examen de conscience dans ce domaine.
Il n'est pas trop tard pour rendre justice à ces anciens soldats, qui
méritent, convenez-en, monsieur le secrétaire d'Etat, au moins autant qu'un
ouvrier étranger qui a travaillé en France, par exemple, dans une entreprise
automobile, et qui, une fois retourné dans son pays d'origine, perçoit une
pleine pension sans aucune distinction avec ses collègues français qui ont
travaillé à ses côtés. En revanche, celui qui s'est battu pour la France,
celui-là, on le sanctionne !
M. Jacques Floch,
secrétaire d'Etat.
Eh oui !
M. Michel Pelchat.
Avouez, monsieur le secrétaire d'Etat, qu'il s'agit là d'une drôle de méthode
!
Par ailleurs, toujours au sujet de ces soldats, j'ai déposé, au mois de mai
2000, sur le bureau du Sénat, une proposition de loi qui a été cosignée par un
très grand nombre de mes collègues, et dont l'objet est de permettre
l'attribution de la nationalité française aux ressortissants des ex-territoires
d'outre-mer ayant combattu dans une unité de l'armée française et ayant été
gravement blessés au combat. Ce serait un minimum ! Nous l'avons fait pour des
soldats de régiments étrangers qui ont combattu sur notre sol. A nos anciens
combattants ressortissants des ex-territoires d'outre-mer, nous pourrions, pour
le moins, accorder le même droit.
Malheureusement, cette proposition de loi n'a pu être discutée durant la
dernière session, mais j'espère qu'elle sera inscrite dans une prochaine
fenêtre parlementaire et qu'elle sera adoptée.
Comme vous avez pu l'entendre, monsieur le secrétaire d'Etat, je suis loin
d'afficher de la satisfaction, même si je garde cependant espoir de voir les
problèmes afférents au monde des anciens combattants résolus un jour.
Globalement, monsieur le secrétaire d'Etat, votre projet de budget manque
cruellement de volonté politique d'honorer dignement tous nos anciens
combattants. C'est pour cela et pour toutes les autres raisons évoquées que je
ne voterai pas le projet de budget que vous nous présentez ce soir ; mais je
voterai les articles rattachés.
(Applaudissements sur les través des
Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste, ainsi que sur
certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Jacques Floch,
secrétaire d'Etat à la défense chargé des anciens combattants.
Monsieur
le président, mesdames, messieurs les sénateurs, montant pour la première fois
à cette tribune, je ressens particulièrement l'honneur qui m'a été fait par le
Président de la République et le Premier ministre en me nommant secrétaire
d'Etat à la défense chargé des anciens combattants. Car de cette tribune
illustre, sans doute l'un des plus prestigieux lieux du Parlement, se sont
exprimés les grands noms de la République. Comprenez que celui qui gravit ces
marches pour la première fois ressente une légitime émotion.
Permettez qu'à cette occasion je salue mon prédécesseur, votre collègue
Jean-Pierre Masseret, qui a choisi de revenir siéger à la Haute Assemblée après
avoir, pendant plus de quatre ans, assuré la défense du monde combattant avec
ténacité, avec courage, avec savoir-faire aussi, sans jamais se départir de sa
grande courtoisie et sans cesser d'être à l'écoute. Au juste hommage que vous
lui avez les uns et les autres rendu, et sur toutes les travées, je me devais,
ce soir, de m'associer.
Mesdames, messieurs les sénateurs, les orateurs qui sont montés à cette
tribune pour présenter le budget - et pas toujours pour le défendre, mais c'est
la règle du jeu, n'est-ce pas, messieurs les rapporteurs ! - en ont fait une
analyse qui me laisse penser que, dans le fond, ils n'en sont pas si
mécontents.
Quand on est, comme vous, des tenants de l'opposition au Gouvernement, et des
opposants de qualité, car vos arguments sont forts et servis par des propos qui
permettent la réflexion, on ne peut manquer de reconnaître, une fois constaté
le manque de lisibilité du budget, qu'il comporte cependant quelques avancées.
Mais plus qu'à une analyse de ce budget, le dernier de cette législature, c'est
à un bilan qu'ont procédé M. le rapporteur spécial et M. le rapporteur pour
avis, un bilan presque satisfaisant pour le Gouvernement. Presque, parce que
vous n'avez pas été au bout des choses, messieurs les rapporteurs. J'aurais
aimé entendre que ce que le Gouvernement avait accompli en ce domaine était de
qualité et que, ce faisant, il avait en grande partie rempli la mission qui lui
avait été confiée, à savoir la défense des intérêts matériels et moraux du
monde combattant.
Vous avez souligné, à juste titre, la continuité dans l'effort. Il n'y a
jamais eu, depuis 1997, de récession. Tous les budgets qui ont été présentés
par Jean-Pierre Masseret comportaient des avancées, et c'est encore le cas de
celui que j'ai l'honneur de vous présenter aujourd'hui.
M. Raymond Courrière.
C'est exact !
M. Jacques Floch,
secrétaire d'Etat.
Certes, ces avancées sont toujours insuffisantes. Sans
être un très vieux parlementaire, je compte tout de même vingt années de
Parlement derrière moi : j'ai vécu des moments dans la majorité et des moments
dans l'opposition, et je connais le positionnement que l'on adopte quand on
s'exprime sur le budget. On a toujours tendance à dire que l'on pourrait faire
mieux et plus.
Oui, on devrait faire mieux et plus. Mais il y a les impératifs budgétaires,
notamment de l'équilibre du budget, les impératifs autres que ceux du budget
propre que l'on défend, ou que l'on attaque, ou que l'on propose ; il y a
l'impératif général des finances de l'Etat, des finances de la République.
C'est au nom de ces impératifs que, parfois, des arbitrages sont pris qui ne
satisfont pas. Souvent, le responsable d'un département ministériel n'y trouve
pas son compte et sait qu'il ne pourra pas répondre aux questions qui lui sont
ou qui lui seront posées, bref, qu'il devra se contenter d'une part moindre que
celle qu'il espérait. Mais cela fait partie aussi de la règle du jeu !
Cela étant, dans le budget des anciens combattants, il y a bien autre chose
que des questions de gros sous, bien autre chose que des considérations
d'argent et de comptabilité publique. Il y a aussi toute une série de problèmes
qui ne relèvent pas d'un crédit budgétaire ou qui n'en relèvent que de manière
accessoire ; je veux parler de ce que vous avez appelé très justement le devoir
de mémoire.
A cet égard, je suis inquiet. En effet, les textes sur lesquels nous nous
fondons pour faire appliquer un certain nombre de propositions que le Parlement
a adoptées sont de vieux textes législatifs, qui ont été votés après la Grande
Guerre, quand Clemenceau a pu dire : « Ils ont des droits sur nous. »
Ce fut le tout début d'un droit nouveau, un droit à réparation en faveur des
anciens combattants. Oui, ceux qui s'étaient battus pour la patrie avaient des
droits sur la nation ; la grande loi de 1919, notamment, est claire sur ce
point. Or, petit à petit, au fil des ans, au fil des majorités, des ministères
et des gouvernements, sont venus s'ajouter aux lois de nombreux textes
réglementaires, circulaires et instructions ministérielles.
Mais, dans un pays de droit, c'est la loi qui s'applique, c'est la loi qui
traduit la responsabilité d'une décision politique. Le reste, ce n'est que
l'application de la loi. Dans un pays de droit, quand on demande au juge du
droit, tribunal administratif ou Conseil d'Etat, de regarder comment est
appliquée la loi, sur quoi telle ou telle décision se fonde, le juge du droit
fait son travail et regarde sur quelle base législative la décision
s'appuie.
Or, dans ce dossier délicat du remboursement de l'hébergement des cures
médicales - dossier dont j'ai hérité tout à fait normalement et dont j'assume
pleinement la responsabilité - sur quoi s'appuyait-on ? Sur une vieille
pratique qui datait du temps où il y avait des établissements thermaux
militaires qui accueillaient les anciens combattants. C'est une simple lettre
circulaire consacrant un accord entre le ministère de la défense et le
ministère des anciens combattants qui permettait aux anciens combattants d'être
accueillis dans ces établissements militaires : la loi de 1919, qui pose le
droit aux soins et à la cure, ne dit mot de l'hébergement ! Vous le savez bien,
vous qui êtes le législateur : la puissance des mots dans la loi est
d'importance fondamentale.
Pendant des années et des années, le système a fonctionné sans heurts. Puis
les établissements thermaux militaires ont été supprimés, et ce qui ressemblait
à un droit à l'hébergement pour les anciens combattants, qui était acquis de
par l'histoire, a été remplacé par une indemnité s'élevant à cinq fois celle
qui est accordée aux autres curistes par la sécurité sociale et que l'on
appelle « unité », soit à peu près 5 000 francs.
Un ancien combattant, mécontent de ce qu'il touchait, a demandé au juge de
dire le droit, et le juge a dit le droit : il a consulté les textes et constaté
que le terme « hébergement » n'y apparaissait pas. Ce n'est donc pas le
Gouvernement, et vous le savez, qui a proposé la diminution de la somme allouée
pour l'hébergement ; c'est le juge du droit qui, ne s'appuyant que sur les
textes législatifs, a tranché en la ramenant au niveau du droit commun, soit
une unité.
M. Jacques Baudot,
rapporteur spécial.
C'est le Gouvernement qui a signé l'arrêté !
M. Jacques Floch,
secrétaire d'Etat.
Un arrêté ne suffit pas, il faut une nouvelle loi !
C'est pourquoi Jean-Pierre Masseret, après ce jugement, a entamé des
pourparlers, au cours de négociations normales entre les services du
secrétariat d'Etat au budget et les nôtres, afin de déterminer ce que nous
pouvions accorder dans le cadre de la loi de finances.
Le niveau de trois unités qui a été retenu est insuffisant : il ne correspond
pas à la réalité des besoins. On essaye aujourd'hui de compenser cette
situation par des versements complémentaires effectués par l'ONAC sur ses
propres crédits, mais il ne s'agit plus tout à fait du droit à réparation ; de
ce point de vue, vous avez raison.
C'est pourquoi j'ai proposé, à l'Assemblée nationale - j'avais déjà évoqué
cette possibilité avec les représentants des grandes associations d'anciens
combattants - de reprendre tous les textes existants pour envisager, sur cette
base, une codification du droit à réparation et pour que vous, sénateurs, avec
vos collègues députés, puissiez légiférer sur les points sur lesquels les
textes sont insuffisants, de façon qu'il n'y ait plus d'ambiguïté. Ensemble -
et il n'y a plus de droite, de gauche ou de centre qui tienne, parce que c'est
une question d'équité - nous devons combler les lacunes de la loi sur le droit
à réparation pour que celui-ci ne soit pas remis en cause.
L'un d'entre vous le remarquait tout à l'heure, les plus jeunes de nos
concitoyens comprennent parfois mal notre attachement à ce droit particulier.
Certes, dans le milieu des anciens combattants, certes, dans le milieu des
législateurs, surtout parmi ceux qui s'intéressent particulièrement à ces
problèmes, on sait ce que ce droit signifie ; mais je suis loin d'être certain
qu'il soit définitivement acquis aux yeux d'une grande majorité de nos
concitoyens. C'est encore plus vrai pour les plus jeunes d'entre eux, et c'est
ce qui est difficile à accepter.
C'est la raison pour laquelle j'ai entrepris ce travail, dont les résultats
vous seront bientôt présentés. Nous avons besoin de faire le point et
d'exprimer clairement, fortement, notre position sur ce sujet, car l'enjeu, je
le disais, est de savoir si le droit à réparation restera définitivement acquis
aux anciens combattants.
En tant que représentant du Gouvernement, j'affirme que le droit à réparation
doit continuer d'exister.
M. Michel Pelchat.
Il le faut !
M. Jacques Floch,
secrétaire d'Etat.
C'est pourquoi je vous ai exposé les difficultés : il
est inutile que nous nous jetions à la figure de mauvais arguments alors que
l'occasion s'offre à nous de réaliser un travail important.
Le projet de budget pour 2002 se traduit-il par une progression, par des
avancées ? Ce n'est pas moi qui vous dirai le contraire !
M. Marcel-Pierre Cleach.
Ce serait gênant !
M. Jacques Floch,
secrétaire d'Etat.
Est-il suffisant ? Certes non ! Compte tenu de
l'ensemble des demandes, d'importants budgets supplémentaires auraient été
nécessaires si cela avait été possible. Mais c'est ce que dit chaque
gouvernement !
L'important, cependant, est que chaque ayant droit ne voie pas sa part
diminuer. Et l'on peut faire tous les calculs que l'on veut sur le nombre des
ayants droit, des pensionnés, des personnes qui émargent au budget des anciens
combattants, il reste que, entre 1997 et 2002, nous passons de 45 195 francs à
51 168 francs par personne. L'augmentation est irréfutable, et c'est cela qui
compte.
Vous avez insisté avec juste raison sur quelques points qui nous permettront
de mieux servir un certain nombre d'ayants droit.
D'abord, nous mettons fin à l'injustice qui frappait les grands invalides en
réglant cette malheureuse prise de position qui était - je l'avais dit lorsque
j'étais parlementaire, je le répète très clairement - inconvenante, pour ne pas
utiliser d'autre mot.
Nous relevons donc, plusieurs d'entre vous l'ont souligné, la majoration de
pension servie aux veuves de grands invalides, et ce n'est là, je crois, que
juste reconnaissance de la nation envers cette catégorie de population.
Cette augmentation est exprimée en points. Nous savons, ici, ce que cela
représente. Mais qu'est-ce que cela signifie pour nos concitoyens ? Pas grand
chose ! Il faut donc parler en francs.
L'augmentation décidée est tout de même de moins de 10 000 francs par an. Le
geste est fort, certes, mais il n'est pas exagéré. Je le souligne, car nombreux
sont ceux qui ont craint que le crédit correspondant ne soit trop important.
Cela représente moins de 780 francs par mois ! Si l'on estime qu'une
augmentation de 780 francs par mois pour les veuves qui ont servi la France en
s'occupant de leurs grands invalides, c'est trop, alors, il y a abus de langage
! Cependant, la somme est suffisamment importante pour être prise en
considération.
Nombre d'entre vous ont évoqué la question de l'augmentation de la retraite du
combattant et son attribution dès l'âge de soixante ans. Pourquoi pas ? Ces
demandes ne sont pas illégitimes, d'autant que, il faut le rappeler, cette
retraite s'élève à un peu moins de 2 800 francs par an, et non par mois, comme
je l'ai entendu dire. Ce n'est donc pas exagéré.
Certes, le nombre de bénéficiaires augmente. Pourquoi ? Parce que les anciens
d'Afrique du Nord commencent à percevoir cette pension, tandis que les anciens
de 1939-1945 sont encore parmi nous. Ils disparaissent plus vite aujourd'hui,
puisqu'ils ont tous atteint un âge honorable et vénérable, mais ils sont encore
nombreux à la toucher.
Dans l'état actuel des choses, comme il fallait - excusez le terme - « amorcer
la pompe » pour que la retraite, un jour ou l'autre, puisse être versée à tout
le monde à soixante ans, mais comme nous ne pouvions faire le geste que pour
certains, nous avons pensé que tous les titulaires d'une pension militaire
d'invalidité pourraient être les premiers à en bénéficier à soixante ans. Cela
nous permet de maintenir le droit à réparation : ce n'est pas un nouveau droit
social, puisque nous ne tiendrons pas compte du revenu des allocataires.
Un certain nombre d'inquiétudes se sont manifestées au sujet de la
décristallisation des pensions des ressortissants des anciennes colonies
françaises, de nos camarades anciens combattants.
Mais faisons tout de même un petit effort de mémoire : s'il est question de
décristallisation, c'est qu'il y a eu cristallisation !
M. Michel Pelchat.
Tout à fait !
M. Jacques Floch,
secrétaire d'Etat.
Nous avons commis cette erreur historique au moment où
nos anciennes colonies ont acquis l'indépendance ; c'était peut-être une forme
de sanction, c'était en tout cas une mesure injuste.
M. Michel Pelchat.
Tout à fait !
M. Jacques Floch,
secrétaire d'Etat.
Ensemble, il nous faut donc essayer de réparer cette
injustice. Je le dis du haut de cette tribune : entre 1981 et aujourd'hui, la
gauche a été au pouvoir, la droite aussi ; ni l'une ni l'autre n'a fait
beaucoup pour redresser les choses, même si quelques corrections ont été
apportées.
Aujourd'hui, il nous faut décider si nous sommes prêts à faire, ensemble, un
geste suffisant pour la décristallisation des pensions.
Voilà dix-huit mois, alors que j'étais député, j'avais déposé, à la demande de
M. Jean-Pierre Masseret, une proposition de loi concernant cette question et
visant à trouver les moyens de mesurer la parité de pouvoir d'achat. En effet,
ce problème - juste ou injuste - nous était opposé, en particulier, par les
gouvernements des pays actuellement indépendants, qui nous demandaient que la
parité de pouvoir d'achat joue sur ce titre de pension. Peut-être ! Il existe,
dans l'arsenal international de la mesure de parité des monnaies, un indice,
publié chaque année par les Nations unies et reconnu par la France, qui permet
d'appliquer aux pensions décristallisées cette mesure de parité de pouvoir
d'achat.
Une commission d'étude a été mise en place, certes avec beaucoup de retard -
vous l'avez souligné à juste titre, monsier Pelchat - et ses membres,
parlementaires, mais aussi représentants des grandes associations, se sont mis
au travail. Ils avancent plus vite que nous ne le pensions, et je recevrai dans
quelques jours le conseiller d'Etat chargé d'animer cette commission, M. Anicet
Le Pors.
Nous serons peut-être en mesure, d'ici à quelques semaines, de faire le point
sur certaines propositions, ce qui nous permettra, à nous, Gouvernement, mais
aussi à vous, assemblées, de réfléchir aux moyens que nous pourrons mettre en
oeuvre pour que les 30 000 pensionnés, les 62 000 bénéficiaires de la retraite
du combattant puissent voir leur pension, leur allocation, revalorisées de
façon significative. Car la France se déshonore, se déshonore même beaucoup en
ne franchissant pas un pas nouveau.
M. Marcel-Pierre Cleach.
Tout à fait !
M. Jacques Floch,
secrétaire d'Etat.
Un serpent de mer a également été évoqué auquel je
voudrais couper le cou une fois pour toutes : j'ai nommé le fameux rapport
constant.
Longtemps, certains se sont demandé qui était ce « M. Constant » qui publiait
régulièrement un rapport.
(Sourires.)
Foin de plaisanterie ! Nous
disposons aujourd'hui des moyens de calculer l'évolution de pension de façon
convenable et correcte ; nous disposons des moyens de mesurer la richesse
produite par l'ensemble des Français et sa répartition ; nous disposons de
grands indices qui permettent de mesurer cette évolution. Il en est un que je
propose de prendre pour référence : l'indice qui mesure l'évolution des
rémunérations brutes de la fonction publique, qui, précisément, prend en compte
l'évolution des richesses. Et je ne vois pas pourquoi les pensions
augmenteraient plus vite, ou moins vite, que les salaires de la fonction
publique !
Cet indice est maintenant publié tous les mois, et il pourrait être appliqué
en continu aux pensions sans qu'il soit nécessaire de procéder à ces savants
calculs de rattrapage qui coûtent si cher aux services. Car il faut calculer
d'abord, il faut notifier ensuite... Cette année, on en est à 0,04 % de
rattrapage, ce qui est - j'allais parler comme mes petits-enfants - « nul »
rapporté au travail fourni pour le calculer, alors qu'on a les moyens de faire
évoluer les pensions et retraites de façon convenable grâce à un indice que
nous pourrions tous admettre. Et quand je dis « tous », je pense à la fois aux
associations d'anciens combattants, au Parlement et au Gouvernement.
Encore faut-il que nous disposions d'une base de calcul pour établir la
réévaluation, et c'est sur ce point que la commission doit formuler une
proposition. Je pense que nous pourrions trouver un accord. Quoi qu'il en soit,
cessons de nous référer à ce fameux huissier de troisième catégorie qui a
aujourd'hui disparu de la grille des salaires de la fonction publique ! On
concevrait mal qu'une administration digne de ce nom se fonde sur l'indice
d'une catégorie supprimée pour calculer la revalorisation des pensions des
anciens combattants ! Il faut sortir du folklore pour revenir à des choses
saines et sereines. Je pense que, dans quelque temps, la commission pourra
proposer, à l'issue de ses travaux, une solution non pas pleinement
satisfaisante pour tout le monde, mais convenable et acceptable.
S'agissant du devoir de reconnaissance, il est exact que nous disposons de
crédits permettant d'envisager de prendre des mesures relatives à la retraite
du combattant. Il est vrai que le nombre des titulaires de celle-ci a augmenté,
mais plusieurs intervenants ont expliqué les raisons de cette évolution.
En outre, deux orateurs ont évoqué la question des incorporés de force dans
les formations paramilitaires allemandes, le RAD et le KHD. Pour l'homme de
l'Ouest que je suis, elle était un peu difficile à comprendre, mais je
m'exprimerai plus longuement tout à l'heure sur ce sujet à l'occasion de la
présentation d'un amendement. Toutefois, j'indique dès à présent que j'ai
essayé de me faire ma propre philosophie sur cette question récurrente ; à mon
avis, si l'on en a vraiment la volonté, il sera possible de trouver une
solution immédiate.
En ce qui concerne le dispositif de solidarité, j'en ai parlé à propos des
veuves des grands invalides, mais nous devrons aussi examiner la situation de
l'ensemble des veuves de guerre et des veuves d'anciens combattants. Il est
nécessaire de faire le point de temps à autre, car cela permet de mesurer les
progrès qui restent à accomplir et d'étudier quelles nouvelles actions
pourraient être entreprises.
S'agissant de la politique de mémoire, nous disposons certes, aujourd'hui, de
crédits supplémentaires à ce titre. Un effort important a été consenti en
faveur du patrimoine, et certains d'entre vous, mesdames, messieurs les
sénateurs, ont parlé à raison de tourisme de mémoire.
M. Pelchat a par ailleurs attiré notre attention sur des problèmes
préoccupants et délicats à exposer, ainsi qu'à résoudre.
Nous avons souhaité que soient reconnues toutes les souffrances liées à nos
guerres. Ainsi, comme M. le rapporteur spécial l'a souligné, j'ai demandé à
tous les maires, à toutes les communes de notre pays - villes, bourgs, villages
- de rendre hommage aux veuves de guerre.
Cela n'avait jamais été fait, sauf dans la seule commune de France ayant érigé
un monument qui leur soit dédié. Pourtant, au cours du xxe siècle, les
différents conflits qu'a traversés ce pays ont fait 800 000 veuves et 1 500 000
orphelins de guerre ! Oui, 800 000 femmes ont vu leur vie brisée ! Il
s'agissait d'ailleurs de jeunes femmes, parce que les combattants de 1914-1918
qui ont laissé des veuves étaient de jeunes hommes âgés de vingt à trente-cinq
ans. Le même drame s'est répété lors de la guerre de 1939-1945 et des conflits
sur les théâtres extérieurs. Qui sait, par exemple, que la guerre d'Algérie a
commis - j'emploie ce verbe à dessein - 2 500 veuves de jeunes combattants,
pour la plupart appelés ou rappelés ?
La nation doit se souvenir de ces femmes. Leur consacrer une simple plaque
dans chaque commune ne coûtera pas très cher à nos concitoyens : s'il faut
saluer le sacrifice des combattants, celui de leurs veuves doit aussi être
reconnu, parce qu'il est important pour la mémoire collective.
C'est aussi parce qu'il est nécessaire de maintenir cette mémoire que le grand
service public de la défense - l'expression pourra choquer certains - ne doit
pas être coupé de la nation. Je suis, en tant que secrétaire d'Etat à la
défense, notamment chargé des relations entre la nation et son armée. Au moment
où celle-ci se professionnalise, il faut sauvegarder le lien fort que
représentait la conscription. De 350 000 à 450 000 jeunes passaient chaque
année sous les drapeaux ; aujourd'hui, de 750 000 à 800 000 jeunes filles et
garçons participent aux journées de préparation à la défense, 20 % d'entre eux
souhaitant un autre contact avec l'armée.
Nous allons donc essayer d'ouvrir à ces derniers les unités militaires,
c'est-à-dire les régiments, les compagnies, etc., qui pourraient accueillir
chaque année un certain nombre de jeunes. Ainsi, l'année prochaine, près de 3
000 jeunes gens les rejoindront pour des stages rémunérés de trois semaines à
un mois, au titre des emplois-jeunes.
Par ailleurs, nos 36 000 communes et nos 500 000 conseillers municipaux sont
une force pour la démocratie. Pourquoi ne pas les solliciter ? On prétend
souvent que la France compte trop de communes, mais ce que nous perdons
peut-être en efficacité - je ne suis pas persuadé que cela soit la réalité -
nous le regagnons sur le plan de la démocratie. Dans chaque commune, en effet,
un conseiller municipal pourrait être le correspondant de la défense, comme il
existe des conseillers municipaux chargés des affaires sociales, de l'urbanisme
ou des écoles. Ce correspondant recevrait des informations du ministère de la
défense, qu'il répercuterait auprès de la population. Si nous disposions d'un
tel réseau de 36 000 citoyens déjà bien avertis de la chose publique, parce que
membres d'un conseil municipal, peut-être le lien entre la nation et son armée
serait-il alors garanti.
Je voudrais maintenant évoquer quelques problèmes soulevés par différents
orateurs.
Nous aurons les moyens de financer l'année prochaine la construction du centre
européen du résistant-déporté, dans l'ancien camp de Natzwiler-Struthof, du
mémorial de l'annexion de fait de l'Alsace-Moselle, à Schirmeck, d'un nouveau
monument au Mont-Valérien, ainsi que du monument rappelant le souvenir de la
guerre d'Algérie et des combats au Maroc et en Tunisie. Ainsi, les Françaises,
les Français et tous ceux qui aiment la France pourront se recueillir devant
ces monuments.
A cet égard, la France a rendu hommage à tous ceux, que l'on appelle les
Justes, qui ont sauvé la vie de juifs français ou étrangers vivant sur notre
territoire.
Mais nous avons aussi amorcé une réflexion sur la journée du 27 mai. Pour ma
part, je suis favorable à ce qu'une journée rappelle l'esprit de résistance qui
animait tous ceux qui se sont levés, entre 1939 et 1945, pour sauvegarder
l'honneur de la France et pour montrer aux Françaises et aux Français qu'ils
pouvaient résister à l'oppression, qu'ils pouvaient défendre les valeurs de la
démocratie et de la liberté, les grands idéaux de la République. Je pense que
nous devons inculquer cet esprit aux jeunes générations, leur faire connaître
cette dimension de notre histoire.
J'ai vécu ma petite enfance pendant la guerre : j'ai vu mon père partir ; mon
grand-père est mort dans un camp de concentration. Mais beaucoup,
malheureusement, ne comprennent pas toujours qu'il a fallu que certains hommes
et certaines femmes se dressent contre l'occupant.
Avant-hier, j'assistais à la présentation d'un très beau livre sur les femmes
résistantes et les femmes déportées. On ne parle pas souvent du combat des
femmes pendant la guerre de 1939-1945. Je crois que cet ouvrage permettra de
leur rendre hommage.
Cependant, quelle est la signification de tout cela pour les jeunes
générations ? Les anciens résistants que j'ai rencontrés, tous ceux qui sont
porteurs du message que j'évoquais ne souhaitent pas l'instauration d'une
journée de commémoration ; ils désirent que l'on parle de leur esprit de
résistance, ils veulent pouvoir apporter une contribution pédagogique. C'est la
raison pour laquelle nous allons proposer, avec le ministère de l'éducation
nationale, que le 27 mai soit un jour d'explication de la Résistance dans
toutes les écoles, tous les collèges et tous les lycées, au cours de laquelle
les derniers anciens résistants encore vivants pourront témoigner.
Telles sont, mesdames, messieurs les sénateurs, les propositions que je
souhaitais formuler sur cet important sujet.
S'agissant toujours de la mémoire, M. Flandre a fait référence à la journée
d'hommage national aux harkis. Pourquoi ne pas prolonger cette initiative, sans
pour autant organiser tous les 25 septembre une manifestation de caractère
aussi large et aussi officiel que celle qui a eu lieu cette année et qui était
importante parce qu'elle a permis à l'ensemble des Français de reconnaître le
fait harki, de reconnaître le malheur de ces personnes, de reconnaître que la
France les avait abandonnées, de reconnaître qu'il y avait eu faute ? J'ai
considéré que la commission composée de représentants des harkis devait être
maintenue.
Toutefois, cette population, qui compte aujourd'hui, en incluant les
descendants de harkis, près de 400 000 personnes, se regroupe dans cinq cents
associations : comment s'assurer de la représentativité de celles-ci ?
Certaines rassemblent simplement les harkis vivant dans un même village ou
appartenant à quelques familles. La difficulté est réelle, mais la journée du
25 septembre a quand même montré que certains membres de la communauté
pouvaient prétendre représenter cette partie de la population française et
souhaitaient continuer à travailler avec la puissance publique. Nous
poursuivrons dans cette voie !
Enfin, divers sujets sensibles et difficiles ont été abordés avec une grande
franchise, ce dont je remercie le Sénat.
Je voudrais évoquer tout d'abord le décret du 13 juillet 2000, qui devait
concerner 17 000 orphelins victimes des persécutions antisémites pendant la
dernière guerre. Ce décret a été élaboré pour faire suite à la demande qui
avait été formulée par la commission Mattéoli de réparation des spoliations.
L'écriture restrictive du décret fait qu'il ne peut s'appliquer qu'aux victimes
de la Shoah, et uniquement à celles-ci.
Le Conseil d'Etat a reconnu le bien-fondé de cette discrimination positive,
mais nous avons reçu des demandes émanant de juifs devenus orphelins pendant la
guerre, dont les parents sont morts non pas en déportation mais fusillés par
les Allemands pour faits de résistance. Comment pourrait-on leur répondre qu'il
aurait mieux valu que leurs parents aient été déportés, car cela seul leur
aurait permis de percevoir la pension supplémentaire ou le crédit qu'ils
sollicitent ? Ce serait inconvenant, insupportable ! D'autres personnes encore
nous ont écrit pour nous signaler que leurs parents étaient morts à Drancy. Or
Drancy n'était pas un camp de concentration : doit-on répondre à ces personnes
que leurs parents sont morts trop tôt ?
En fait, le décret issu de l'étude menée par le président Mattéoli a conduit à
une espèce d'injustice que les uns et les autres nous reconnaissons.
Mais, pour ma part, je ne suis pas partisan de modifier ce décret.
Appliquons-le aux victimes strictes de la Shoah, et étudions avec les autres
parties - c'est ce que j'ai commencé à faire avec les grandes associations de
déportés et les grandes associations de résistants, ainsi qu'avec les deux
fondations que sont la Fondation de la Déportation et la Fondation de la
Résistance - comment trouver une autre solution.
La plupart de ceux qui nous écrivent font part de leur souhait d'être reconnus
comme orphelins de résistant ou comme orphelins de déporté, certains d'entre
eux ajoutant même qu'ils ne veulent pas d'argent. Compte tenu de ce désir de
reconnaissance, voyons comment cette dernière peut leur être accordée.
Peut-être faudra-t-il trouver des fonds.
En tout cas, ne mélangeons pas les genres. Ceux qui ont été victimes de la
Shoah ont été victimes d'une barbarie particulière. Par conséquent, il nous
faut, pour satisfaire la demande d'une juste revendication, trouver un autre
moyen que la modification du décret.
Enfin, plusieurs d'entre vous ont parlé du problème difficile et délicat - il
me concerne d'ailleurs aussi, car je suis de cette génération - d'une journée
de recueillement, de souvenir en mémoire de la guerre d'Algérie et des combats
du Maroc et de Tunisie.
Sur ce point - et je le regrette - le débat entre les grandes associations n'a
pas pu aboutir, certaines proposant des dates différentes et d'autres ne
proposant pas de date du tout. Pourtant, avec beaucoup de bonne volonté,
beaucoup de savoir-faire, de connaissances historiques et une écoute plus
grande des autres, nous aurions pu ensemble trouver une solution au débat. Mais
ce dernier est maintenant tellement engagé qu'on y associe les politiques,
c'est-à-dire les représentants de la nation que vous êtes - la preuve, c'est
que vous en parlez ! - à qui l'on demande de trancher, comme si c'était au
législateur de statuer dans un domaine qui pourrait n'être qu'historique !
En réalité, le domaine est plus qu'historique : il touche au profond de
nous-mêmes, de notre histoire, de l'histoire de la France, de l'histoire des
Françaises et des Français, et c'est bien pour cela que sénateurs et députés
sont maintenant chargés de dire leur mot.
Des textes ont été déposés, sur lesquels il faut réfléchir et ouvrir un vrai
débat. Mais, sur un sujet comme celui-ci, on ne peut décider par une simple
majorité politique ou politicienne : que signifierait une décision prise à 51 %
des votants ? Lorsque le texte relatif à l'utilisation du terme : « guerre »
pour l'Algérie, à l'origine duquel je suis, a été voté à l'unanimité à
l'Assemblée nationale, nous avons alors vu, dans les tribunes, les anciens
combattants se lever et applaudir : soyez assurés que nombre d'entre nous
avaient alors les larmes aux yeux, car ce vote nous touchait et permettait des
avancées.
De la même manière, nous devrions donc pouvoir mener un débat sage et
raisonnable sur la question d'une date éventuelle de souvenir et de
recueillement. Mais saurons-nous le faire ? Les uns et les autres, nous savons
avancer les arguments nécessaires et nous savons qu'il y a des moments
historiques ; mais ces derniers sont-ils suffisamment forts pour nous imposer
une date ? Telle est la question qu'il faut se poser. Que de chagrins, de
deuils, de moments de bonheur et de malheur peut-on trouver derrière une date
!
Au point où nous en sommes, le Parlement va devoir débattre de cette question.
Mais le secrétaire d'Etat à la défense, chargé des anciens combattants, que je
suis considère que, en l'absence d'une majorité d'au moins 70 % des votants se
dégageant sur une date, en l'absence d'une espèce de consensus de caractère
national sur un sujet de cette importance, il sera de notre devoir de
redemander à l'ensemble tant des partis et groupements politiques que des
associations d'anciens combattants représentatives des anciens combattants
d'Afrique du Nord de débattre à nouveau sur le sujet et de prendre position.
Nous ne sommes pas à quelques jours près. Pour l'instant, puisque le débat est
sur la place publique, c'est aux représentants de la nation de se saisir de
cette question et de dire le droit sur ce sujet.
Voilà, mesdames, messieurs les sénateurs, ce que je voulais vous dire sur le
budget des anciens combattants. Peut-être n'est-il pas aussi satisfaisant que
vous l'auriez souhaité, pas aussi important que vous l'auriez aimé. En tout
cas, il est suffisamment équilibré pour que vous puissiez le voter !
(Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe
communiste républicain et citoyen.)
M. le président.
Nous allons procéder à l'examen et au vote des crédits concernant le ministère
des anciens combattants et figurant à l'état B.
ÉTAT B
M. le président. « Titre III : 721 857 euros. »
Je mets aux voix les crédits figurant au titre III.
(Ces crédits ne sont pas adoptés.)
M. le président.
« Titre IV : 51 721 863 euros. »
L'amendement n° II-56, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
« Majorer les crédits du titre IV de 41 000 euros. »
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Jacques Floch,
secrétaire d'Etat .
L'article 109 de la loi de finances pour 2001 a omis
de prendre en considération les ressortissants de l'ex-Indochine pour
l'ouverture du droit à la retraite du combattant à taux cristallisé. Cet
amendement, qui vise à corriger cette omission, ainsi que certains d'entre vous
l'ont souhaité, conduit à majorer les crédits de l'article 10 du chapitre 46-21
de 41 000 euros - vous convertirez vous-mêmes ce montant en francs à l'aide de
la calculette qui vous a été offerte
(Rires.)
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Jacques Baudot,
rapporteur spécial.
Favorable.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° II-56.
M. Michel Pelchat.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Pelchat.
M. Michel Pelchat.
En tant qu'ancien d'Indochine, je suis sensible à cette question. Je voterai
des deux mains cet amendement qui vise à réparer un oubli. En effet, si, lors
de la discussion sur la levée de la forclusion, l'an dernier, nous avions
évoqué la situation des anciens d'Indochine, ceux-ci n'étaient cependant pas
expressément mentionnés dans l'article 109 de la loi de finances pour 2001.
Je voudrais néanmoins m'assurer de deux choses, monsieur le secrétaire
d'Etat.
Tout d'abord, la somme inscrite dans l'amendement n° II-56 permettra-t-elle
d'opérer un rattrapage de ce qui n'a pas été versé, au cours de la dernière
année, aux anciens d'Indochine ?
Par ailleurs, je tiens à attirer l'attention de la Haute Assemblée sur le fait
que parmi les dizaines de milliers de nos camarades indochinois ayant combattu
à nos côtés, il n'en reste que 1 500 à avoir atteint l'âge de soixant-cinq ans
l'année dernière. Ils sont donc très nombreux à avoir disparu. Je ne veux pas
faire d'assimilation avec d'autres combattants qui ont servi sous nos armes, en
Algérie notamment, mais un phénomène certainement semblable a dû se produire
pour ces anciens combattants lorsqu'ils ont été reconnus comme ayant combattu
aux côtés de la France ; je ne pouvais pas ne pas le mentionner à l'occasion de
ce texte, que je voterai, bien entendu.
M. Jacques Floch,
secrétaire d'Etat.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Jacques Floch,
secrétaire d'Etat.
Monsieur le sénateur, je répondrai de façon positive à
la question que vous avez eu raison de poser : comme c'est un correctif de la
loi de l'an dernier, c'est la loi de l'an dernier qui s'applique.
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° II-56, accepté par la commission.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Je mets aux voix, modifiés, les crédits figurant au titre IV.
(Ces crédits ne sont pas adoptés.)
M. Gilbert Chabroux.
Il y a une contradiction dans les votes !
M. le président.
J'appelle en discussion les articles 61 à 64 et 64
bis,
qui sont
rattachés pour leur examen aux crédits affectés aux anciens combattants.
Article 61
M. le président.
« Art. 61. - Le montant maximal donnant lieu à majoration par l'Etat de la
rente qui peut être constituée au profit des bénéficiaires mentionnés à
l'article L. 222-2 du code de la mutualité est fixé par référence à 115 points
d'indice de pension militaire d'invalidité. »
Sur l'article, la parole est à M. Courrière.
M. Raymond Courrière.
L'augmentation du plafond majorable de la rente mutualiste du combattant, en
portant l'indice de référence de 110 à 115 points, emporte notre adhésion.
Je rappellerai ici que le régime des retraites mutualistes des anciens
combattants constitue un avantage particulièrement apprécié.
Cet effort, qui profite actuellement aux anciens d'Afrique du Nord, s'ajoute
aux dispositions dont ils bénéficient : une demi-part du quotient familial à
l'impôt sur le revenu à soixante-quinze ans et l'action sociale de l'Office
national des anciens combattants, notamment.
Le nombre de bénéficiaires est estimé à 320 000, pour une rente d'un montant
moyen de 5 700 francs.
En ce qui concerne le plafond majorable, qui motive mon intervention sur cet
article, c'est la loi de finances pour 1998 qui a instauré un nouveau mode
d'indexation permettant de faire évoluer le montant du plafond majorable en
garantissant une progression plus favorable que celle qui est liée à
l'évolution des prix hors tabac.
Les points d'indice de pension servant au calcul du plafond majorable n'ont
cessé d'augmenter depuis trois ans. Poursuivant l'effort, cet article prévoit
une mesure nouvelle de relèvement de 110 à 115 points d'indice de pension.
Ainsi le plafond de la rente a-t-il été porté de 7 091 francs en 1997 à 9
012,85 francs pour 2002.
Je dois souligner l'effort constant et sans précédent qui a été accompli dans
ce domaine.
Cette mesure, comme d'autres, montre que le Gouvernement s'intéresse d'une
façon claire, nette et entière au monde combattant, et qu'il essaie de faire
avancer les choses. Nous sommes prêts à poursuivre à vos côtés pour essayer de
faire mieux encore !
(Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président.
L'amendement n° II-47, présenté par M. Fischer et les membres du groupe
communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
« A - Dans l'article 61, remplacer la mention : "115 points," par la mention
"130 points".
« B - Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
« ... - Les charges découlant de l'application du changement de référence du
plafond majorable de la rente mutualiste du combattant sont compensées par la
création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A
du code général des impôts. »
« C - En conséquence, faire précéder cet article de la mention : "I". »
L'amendement n° II-48, présenté par M. Fischer et les membres du groupe
communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
« A - Compléter l'article 61 par un paragraphe aisi rédigé :
« ... - A compter de la promulgation de la présente loi et dans un délai de
six mois, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur les perspectives de
revalorisation des rentes versées en vertu des dispositions de l'article L.
222-2 du code de la mutualité. »
« B - En conséquence, faire précéder cet article de la mention : "I". »
La parole est à M. Fischer.
M. Guy Fischer.
D'après l'article 61, « le montant maximal donnant lieu à la majoration par
l'Etat de la rente qui peut être constituée au profit des bénéficiaires
mentionnés à l'article L. 222-2 du code de la mutualité est fixé par référence
à 115 points d'indice de pension militaire d'invalidité ».
L'amendement n° II-47, qui vise à fixer le plafond à 130 points par référence
à l'une des propositions du programme de ce gouvernement, est un amendement d'«
appel ».
Nous avons constaté un effort indéniable - je l'ai reconnu - mais nous
regrettons véritablement qu'en cette fin de législature ce plafond n'ait pu
être atteint. C'est pourquoi nous avons déposé cet amendement, certes sans
illusion...
Nous avons, par ailleurs, déposé un amendement de repli qui tend à proposer
qu'il soit procédé à l'étude d'une revalorisation de la référence de calcul de
la rente mutualiste et de son incidence.
C'est donc dans le souci d'augmenter l'information de la représentation
nationale que nous avons déposé ces deux amendements ; nous vous invitons à les
adopter, mes chers collègues, de façon que nous puissions poursuivre notre
action dès l'année prochaine.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s II-47 et II-48 ?
M. Jacques Baudot,
rapporteur spécial.
La commission souhaite connaître l'avis du
Gouvernement.
M. le président.
Quel est donc l'avis du Gouvernement ?
M. Jacques Floch,
secrétaire d'Etat.
J'ai, en quelque sorte, déjà répondu à M. Fischer dans
mon discours introductif. Je rappelle que le plafond majorable de la retraite a
augmenté de 33 % en quatre ans et que le point d'indice a augmenté de cinq
points cette année.
Certes, on peut considérer qu'il aurait fallu atteindre l'indice 130. Je me
demande d'ailleurs quelle est l'origine de cet indice.
M. Guy Fischer.
Ce serait intéressant de le savoir !
M. Jacques Floch,
secrétaire d'Etat.
Ce serait effectivement assez intéressant de savoir
qui l'avait lancé !
M. Jacques Baudot,
rapporteur spécial.
Le candidat Jospin !
M. Jacques Floch,
secrétaire d'Etat.
Ce sont surtout les associations, qui, très justement,
avaient demandé que l'indice progresse jusqu'à ce niveau.
M. Hilaire Flandre.
C'est celui qui s'occupait des anciens combattants au sein du parti socialiste
!
(Sourires.)
M. Jacques Floch,
secrétaire d'Etat.
Je ne crois pas avoir écrit cela ! En général, je me
souviens de ce que j'ai écrit.
J'en viens à votre deuxième proposition, monsieur Fischer. Point n'est besoin
de créer une commission d'études ; je pourrai vous fournir d'ici à quelques
jours une étude complète sur le coût d'une retraite mutualiste fixée par
référence à l'indice 130, ainsi que sur son évolution dans le temps.
Au demeurant, pour l'instant, je vais être obligé d'opposer l'article 40 de la
Constitution à l'amendement n° II-47, si vous ne le retirez pas.
M. le président.
Monsieur Fischer, l'amendement n° II-47 est-il maintenu ?
M. Guy Fischer.
Puisque M. le secrétaire d'Etat vient de prendre l'engagement, devant témoins,
de nous procurer dans les jours qui viennent une étude qui nous permettra
d'avoir la certitude d'une évolution rapide vers les 130 points, je retire mes
deux amendements.
M. le président.
Les amendements n°s II-47 et II-48 sont retirés.
Je mets aux voix l'article 61.
(L'article 61 est adopté.)
Article additionnel après l'article 61
M. le président.
L'amendement n° II-49, présenté par M. Fischer et les membres du groupe
communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
« Après l'article 61, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« Dans un délai de six mois, à compter de la promulgation de la loi de
finances pour 2002 (n° ...du...), le Gouvernement remet au Parlement un rapport
sur les perspectives de revalorisation des pensions militaires d'invalidité.
« Ce rapport portera, notamment sur la question de la revalorisation des
indices de référence utilisés pour le calcul des pensions. »
La parole est à M. Fischer.
M. Guy Fischer.
Le présent amendement propose de mettre à l'étude l'évolution envisageable des
pensions militaires d'invalidité.
Les objectifs essentiels que nous fixons à ce rapport sont évidemment
d'améliorer le pouvoir d'achat des pensions servies et de mesurer avec le plus
de précision possible la portée d'une telle mesure, au demeurant parfaitement
nécessaire et légitime.
Sous le bénéfice de ces observations, je vous invite, mes chers collègues, à
adopter cet amendement. D'ailleurs, lorsque M. le secrétaire d'Etat a
longuement commenté le dossier de l'évolution des pensions militaires, j'ai cru
comprendre qu'il s'engageait à envisager une progression significative.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Jacques Baudot,
rapporteur spécial.
Favorable.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jacques Floch,
secrétaire d'Etat.
Des rapports parlementaires, nous en avons plein les
étagères, et des rapports du Gouvernement plein nos armoires !
(Sourires.)
Si l'on pouvait éviter de surcharger nos bibliothèques, ce
ne serait pas un mal !
Monsieur Fischer, j'ai dit tout à l'heure à la tribune qu'il fallait remettre
à plat cela correspond en grande partie à votre demande - la législation sur le
droit à réparation - et cette remise à plat devrait être suivie d'une remise à
jour de l'étude qui a été faite par la Cour des comptes en 1998.
Cette étude faisait justement le point sur l'ensemble des pensions militaires
d'invalidité et montrait à la fois ce qui avait été fait et ce qui pouvait
apparaître comme des avancées ou, surtout, des retards.
Laissez-moi quelque temps ! Certes, je ne vous promets pas un rapport tel que
vous le souhaitez - si on le peut, il vaut mieux faire simple - mais, comme je
me suis engagé, du haut de cette tribune, à vous fournir dans les meilleurs
délais une réflexion sur le droit à réparation, j'étudierai comment il est
possible de remettre au goût du jour le rapport de la Cour des comptes. Vous
aurez ainsi satisfaction. Je vous demande donc de retirer votre amendement.
M. le président.
Monsieur Fischer, l'amendement est-il maintenu ?
M. Guy Fischer.
Celui-ci, monsieur le secrétaire d'Etat, je ne le retirerai pas, parce que je
sens que j'ai peut-être l'occasion unique de le voir adopté à l'unanimité.
(Sourires.)
Comme il n'engage pas de dépenses, qu'il pose des problèmes
de fond et qu'il permettrait ensuite à l'ensemble des associations d'anciens
combattants de rediscuter de problèmes essentiels, je souhaite qu'il soit
soumis aux suffrages de notre assemblée.
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° II-49, accepté par la commission et repoussé
par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Je constate que cet amendement a été adopté à l'unanimité.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet
de loi de finances, après l'article 61.
M. Jacques Floch,
secrétaire d'Etat.
A vos ordres, mesdames, messieurs les sénateurs !
(Sourires.)
Article 62
M. le président.
« Art. 62. - Au deuxième alinéa de l'article L. 52-2 du code des pensions
militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, l'indice : "230" est
remplacé par l'indice : "350" et, au quatrième alinéa du même article, l'indice
: "140" est remplacé par l'indice : "260". » -
(Adopté.)
Article additionnel avant l'article 63
M. le président.
L'amendement n° II-50, présenté par M. Fischer et les membres du groupe
communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
« Avant l'article 63, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Dans le dernier alinéa de l'article L. 256 du code des pensions
militaires d'invalidité, la mention : "65 ans" est remplacée par la mention :
"60 ans".
« II. - L'augmentation du prélèvement sur recettes résultant de l'application
du paragraphe I ci-dessus est compensée à due concurrence par la majoration de
la tranche supérieure du tarif de l'impôt sur la fortune. »
La parole est à M. Fischer.
M. Guy Fischer.
Cet amendement a pour objet d'abaisser à soixante ans l'âge requis pour
bénéficier de la retraite du combattant, satisfaisant ainsi une très ancienne
revendication des associations.
Certes, l'article 63 accorde cet abaissement de l'âge requis aux pensionnés
militaires titulaires de la carte du combattant, mais sa généralisation à tous
les titulaires de la carte du combattant serait la traduction de l'égalité qui
doit exister entre tous les combattants face au droit à réparation.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Jacques Baudot,
rapporteur spécial.
La commission souhaiterait connaître l'avis du
Gouvernement.
M. le président.
Quel est donc l'avis du Gouvernement ?
M. Jacques Floch,
secrétaire d'Etat.
J'ai expliqué tout à l'heure à la tribune qu'un pas
était fait vers la retraite à soixante ans puisqu'on l'accordait cette année
aux titulaires d'une pension militaire d'invalidité. Le Gouvernement ne pense
pas qu'il faille aller plus loin aujourd'hui, sachant que, sur cinq ans, le
coût cumulé de l'abaissement de l'âge de la retraite à soixante ans pour tous
les titulaires de la carte du combattant coûterait 2,9 milliards de francs au
budget de l'Etat. Le geste qui est fait cette année est déjà significatif,
puisque la mesure prévue coûtera tout de même 80 millions de francs.
Dans ces conditions, monsieur Fischer, je suis obligé d'invoquer l'article 40
de la Constitution.
M. le président.
Monsieur Baudot, l'article 40 de la Constitution est-il applicable ?
M. Jacques Baudot,
rapporteur spécial.
Il l'est, monsieur le président.
M. le président.
En conséquence, l'amendement n° II-50 n'est pas recevable.
Article 63
M. le président.
« Art. 63. - L'article L. 256 du code des pensions militaires d'invalidité et
des victimes de la guerre est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Les bénéficiaires d'une pension d'invalidité au titre du présent code,
indemnisant une ou plusieurs infirmités imputables à des services accomplis au
cours d'opérations déclarées campagne de guerre ou d'opérations de maintien de
l'ordre hors métropole et titulaires de la carte du combattant, ont droit à la
retraite du combattant à l'âge de soixante ans. »
Sur l'article, la parole est à M. Courrière.
M. Raymond Courrière.
L'article 63 prévoit une extension des conditions d'attribution de la retraite
du combattant.
Il vise à permettre son attribution dès soixante ans, au lieu de soixante-cinq
ans, aux anciens combattants ayant subi des infirmités liées à des services
accomplis, hors métropole, dans le cadre d'opérations de maintien de l'ordre ou
de campagne de guerre.
Il faut noter que cette mesure sera applicable aux fonctionnaires de police, y
compris à ceux ayant appartenu aux compagnies républicaines de sécurité qui ont
effectué des séjours en Algérie et totalisant au moins quatre mois de
présence.
Cette mesure, qui doit être particulièrement soulignée, se traduit par
l'inscription d'une dotation supplémentaire de 12,2 millions d'euros, soit 80
millions de francs.
Elle traduit la politique volontariste mise en place par le Gouvernement,
laquelle a permis de prendre en compte les objectifs prioritaires fixés au
début de la législature, à savoir : défendre l'imprescriptibilité du droit à
réparation ; favoriser le renforcement du devoir de mémoire ; initier et
développer une politique de reconnaissance ; accroître l'exercice de la
solidarité entre générations ; régler le contentieux avec la troisième
génération du feu ; moderniser les structures du monde combattant ; enfin,
poursuivre le dialogue avec les associations représentatives.
Vous avez su, monsieur le secrétaire d'Etat, ainsi que M. Masseret, engager et
maintenir le dialogue dans un climat constructif de confiance et de sérénité.
Nous vous en remercions.
M. le président.
Je mets aux voix l'article 63.
(L'article 63 est adopté.)
Article additionnel après l'article 63
M. le président.
L'amendement n° II-51, présenté par M. Fischer et les membres du groupe
communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
« Après l'article 63, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« Le droit aux soins que constitue le remboursement des frais afférents aux
cures thermales est rétabli dans son intégralité. »
La parole est à M. Fischer.
M. Guy Fischer.
Face au tollé provoqué par la diminution du forfait de remboursement des frais
d'hébergement des cures thermales, vous avez, monsieur le secrétaire d'Etat,
proposé à l'Assemblée nationale que la différence soit imputée sur les crédits
d'action sociale de l'ONAC.
Cette mesure nous semble constituer une dérive tout à fait anormale. Elle est
considérée par le monde combattant comme de l'assistanat social et, de plus,
elle grève les crédits de l'ONAC. C'est le premier geste significatif
d'atteinte au droit à réparation ; il est vécu douloureusement par le monde
combattant.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Jacques Baudot,
rapporteur spécial.
Favorable.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jacques Floch,
secrétaire d'Etat.
Je crois m'être déjà expliqué très longuement sur ce
point. Il nous faut réécrire le texte législatif du droit à réparation.
Outre les centres de cures thermales, d'autres lieux, les centres de
réadaptation, par exemple, exigent hébergement ou déplacement, et certains
anciens combattants vont souvent s'y faire soigner. Mais, comme la loi de 1919
ne mentionne pas le mot hébergement - vous, savez très bien, vous législateurs,
qu'il faut être précis dans les textes de loi - il va falloir inscrire ce mot
dans la loi. Que l'initiative vienne du Sénat ou de l'Assemblée nationale, nous
aurons à apporter cette correction afin que le droit à réparation ne puisse
être remis en cause en raison d'une simple omission juridique.
Pour cette raison, et bien que j'aie compris votre appel, je souhaiterais,
monsieur Fischer, que vous retiriez cet amendement.
Je tiens à évoquer maintenant les crédits sociaux de l'ONAC, qui, je m'en suis
aperçu, ne sont pas consommés dans un certain nombre de départements, ce qui
m'inquiète beaucoup. Non que je veuille pousser à la consommation, mais je
souhaite que les ODAC examinent de plus près la manière dont sont consommés ces
crédits et à qui ils sont attribués. Ils le sont souvent de façon restrictive
parce que n'a pas eu lieu le recensement des veuves d'anciens combattants qui
pourraient en avoir besoin.
Peut-être aussi y-a-t-il une erreur au niveau de l'administration ? En effet,
au décès d'un ancien combattant, il arrive que sa veuve reçoive une lettre lui
enjoignant de rendre la carte du combattant et, comme il ne lui est remis aucun
reçu, elle n'a plus aucun élément matériel de preuve pour établir qu'elle est
effectivement la veuve d'un ancien combattant. Il suffit, par exemple, qu'elle
change de département pour ne plus être en mesure de faire valoir ses
droits.
Au ministère de la défense, il va nous falloir étudier - et nous avons déjà
commencé - comment nous pourrions aider les veuves d'anciens combattants à
conserver trace du titre pour pouvoir être ressortissantes des ODAC.
Ceux-ci, du même coup, pourront peut-être mieux contrôler la consommation de
ces crédits, et notamment éviter de demander des crédits qui ne seront pas
consommés. Moins on rend d'argent au ministère de l'économie et des finances,
mieux on se porte ; vous le savez - et bien entendu, je ne vous ai rien dit.
(Sourires.)
M. le président.
Monsieur Fischer, l'amendement est-il maintenu ?
M. Guy Fischer.
J'aurais aimé faire plaisir à M. le secrétaire d'Etat.
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Mieux vaudrait faire plaisir aux anciens combattants !
M. Guy Fischer.
Dans la mesure où il s'agit ici d'une question qui est posée avec force par le
monde des anciens combattants, je ne peux que maintenir l'amendement.
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° II-51, accepté par la commission et repoussé
par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet
de loi des finances, après l'article 63.
Articles 64 et 64 bis
M. le président.
« Art. 64. - L'article L. 114
bis
du code des pensions militaires
d'invalidité et des victimes de la guerre est abrogé à compter du 1er janvier
2002. »
(Adopté.)
« Art. 64
bis.
- Le Gouvernement présentera au Parlement, au plus tard
le 1er septembre 2002, un rapport sur les victimes de psychotraumatismes de
guerre. Ce rapport fournira une évaluation détaillée du coût de la mise en
place des centres de soins de proximité adaptés au traitement de ces
traumatismes et du coût de formation des personnels compétents nécessaires pour
les faire fonctionner.
(Adopté.)
Articles additionnels après l'article 64 bis
M. le président.
L'amendement II-4 rectifié, présenté par MM. Grignon, Hoeffel, Lorrain,
Richert, Eckenspieller, Haenel et Ostermann, est ainsi libellé :
« Après l'article 64
bis
, insérer un article additionnel ainsi rédigé
:
« I. - L'Etat s'engage à indemniser partiellement et en complément de la
Fondation entente franco-allemande les Alsaciens Mosellans incorporés de force
dans les organisations paramilitaires du régime nazi.
« II. - Les pertes de recettes résultant du I ci-dessus sont compensées à due
concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés aux
articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
La parole est à M. Grignon.
M. Francis Grignon.
Sans revenir sur le fond de l'amendement, qui traite de l'indemnisation au
titre du RAD et du KHD, et que j'ai déjà longuement exposé, je souhaite ajouter
quelques remarques.
D'abord, dans la discussion générale, tous nos collègues, sur quelque travée
qu'ils siègent, se sont accordés sur la nécessité d'agir dans ce domaine.
Ensuite, il s'agit non pas de financer l'intégralité de la mesure, mais
d'amorcer la pompe. C'est la raison pour laquelle j'ai rectifié l'amendement en
évrivant : « l'Etat s'engage à indemniser partiellement et en complément de la
fondation Entente franco-allemande les Alsaciens Mosellans incorporés de force
dans les organisations paramilitaires du régime nazi » En effet, si des
réticences devaient apparaître au niveau de la fondation, il reviendrait à
l'Etat de faire preuve d'intelligence et de passer outre ces réticences pour
que ce problème soit enfin résolu.
Enfin, monsieur le secrétaire d'Etat, j'ose espérer que vous n'invoquerez pas
l'article 40 de la Constitution contre cet amendement qui porte sur une somme
dérisoire - vingt millions de francs selon Mme Printz, et encore, cela me
semble vraiment être le maximum !
Nous avons voulu faire en sorte que la discussion puisse s'ouvrir entre le
Gouvernement et la fondation, quitte à aller jusqu'au bout des moyens de cette
dernière.
Non seulement les sommes en jeu sont dérisoires, mais comme vous l'avez dit en
répondant aux orateurs qui sont intervenus dans la discussion, dans ce budget,
tout n'est pas financier. Il ne faut pas oublier la symbolique de la
reconnaissance et de la considération pour tous ces gens. Il est certain qu'ils
n'iront pas manifester dans la rue pour demander qu'on leur verse quelque
chose, mais nous avons le devoir de les défendre, plus de soixante ans après.
Telle est la raison pour laquelle j'ai déposé cet amendement.
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Très bien !
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Jacques Baudot,
rapporteur spécial.
Favorable.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jacques Floch,
secrétaire d'Etat.
J'avais annoncé dans la discussion que je
m'expliquerais sur ce sujet. Il est vrai, monsieur le sénateur, que je ne
connaissais pas bien ce problème lorsque j'ai pris mes fonctions, mais j'ai
vite compris qu'il y avait là une grave difficulté.
Après avoir étudié le droit à réparation des autres catégories des victimes du
nazisme en Moselle et en Alsace, j'ai constaté que le Gouvernement français
avait négocié pour obtenir de son homologue allemand un crédit important en vue
d'accorder des réparations à toutes les victimes des incorporations forcées, à
toutes les victimes des différentes exactions commises par les nazis auprès de
la population mosellane et alsacienne.
Je suis allé deux fois en Alsace au cours du dernier mois. J'y ai rencontré
les responsables de la fondation, j'ai même assisté à la célébration de son
vingtième anniversaire.
Lorsque j'ai présidé les cérémonies nationales de l'anniversaire du serment de
Koufra, j'ai rencontré d'autres responsables alsaciens et mosellans qui m'ont
parlé de ces sujets. J'ai rencontré aussi, je dois le dire, des gens qui
étaient violemment opposés à l'indemnisation des RAD.
Les arguments que vous avez évoqués tout à l'heure peuvent paraître justes, et
j'ai demandé à la fondation, spécialement mise en place, elle, d'apprécier si
elle était ou non en mesure de financer l'indemnisation qui pouvait être due
aux RAD.
Or la fondation a les moyens d'assurer l'indemnisation. Mais pour cela, il
faut un vote majoritaire au sein de son conseil d'administration. Un vote a
bien été obtenu il y a quelques mois par le président Laurain et son
vice-président, M. Bord. Mais son objet était d'accorder une indemnité aux RAD,
à condition que le Gouvernement apporte sa contribution, alors que celui-ci
n'avait même pas été invité à participer aux négociations ni à un débat sur la
contribution.
La seule négociation à laquelle a participé le Gouvernement a eu lieu avec le
gouvernement de la République fédérale allemande. Son objet était d'attribuer
les fonds à la fondation Entente franco-allemande pour assurer la
réparation.
Si la fondation n'avait plus d'argent, j'admettrais que le Gouvernement doive
étudier la possibilité d'une participation.
Mais, d'abord, que la fondation qui a été créée et qui a reçu des fonds à cet
effet les distribue complètement, y compris aux RAD ! La réparation, alors,
aura été faite.
Pourquoi le Gouvernement, le budget de l'Etat assurerait-il un complément du
droit à réparation, alors qu'il ne le fait pas pour d'autres catégories qui ont
été victimes elles aussi du nazisme ou du fascisme italien ? Non, une fondation
a reçu spécialement des fonds pour assurer la réparation. Qu'elle fasse donc
son travail et finance l'opération !
A l'encontre de l'amendement, j'invoque l'article 40 de la Constitution.
M. le président.
L'article 40 de la Constitution est-il applicable ?
M. Jacques Baudot,
rapporteur spécial.
Monsieur le secrétaire d'Etat, je répète la question
que j'ai déjà posée. Pourquoi le Gouvernement a-t-il demandé, voilà deux ans,
le comptage des personnes qui étaient en service au RAD et au KHD ? Pour gagner
du temps ou se débarrasser du problème ?
A l'époque, le principe était accepté. Il suffisait de procéder au comptage.
Et voilà que, brutalement, vous nous annoncez que la fondation a de l'argent et
qu'on ne compte plus ! Mais vous avez, ce faisant, donné de faux espoirs !
Quant à l'article 40, puisque vous l'invoquez, je confirme qu'il est
applicable.
M. Jacques Floch,
secrétaire d'Etat.
Il y a de l'argent à la fondation pour assurer ce
financement !
(Exclamations sur les travées du RPR, des Républicains et
Indépendants et de l'Union centriste.)
M. Jacques Baudot,
rapporteur spécial.
En somme, partout où il y a de l'argent, vous prenez
?
Vous aviez donné votre accord voilà deux ans.
M. Jacques Floch,
secrétaire d'Etat.
Non !
M. Jacques Baudot,
rapporteur spécial.
Nous avons demandé au précédent secrétaire d'Etat
chargé des anciens combattants de suivre ce dossier. Il avait confirmé que le
Gouvernement allait procéder à un décompte. C'est donc qu'il voulait
s'engager.
M. Jacques Floch,
secrétaire d'Etat.
C'est une interprétation ! Un notaire vous dirait que
ce n'est pas valable !
M. Jacques Baudot,
rapporteur spécial.
Il y avait un contrat moral ! Il n'est pas respecté
ce soir !
Qoui qu'il en soit, monsieur le président, je confirme que l'article 40 est
applicable.
M. le président.
L'article 40 étant applicable, l'amendement n° II-4 rectifié n'est pas
recevable.
L'amendement n° II-16, présenté par M. Lesbros, au nom de la commission des
affaires sociales, est ainsi libellé :
« Après l'article 64
bis,
insérer un article additionnel ainsi rédigé
:
« Il est inséré, après l'article L. 48 du code des pensions militaires
d'invalidité et des victimes de la guerre, un article L. 48-1 ainsi rédigé :
«
Art. L. 48-1. -
Le conjoint divorcé non remarié d'un pensionné
lui-même remarié a droit à pension dans les conditions prévues à l'article L.
43.
« Lorsque, au décès du pensionné, il existe plusieurs conjoints, divorcés ou
survivants, ayant droit à la pension définie à l'article L. 43, la pension est
partagée entre ces conjoints au prorata de la durée respective de chaque
mariage, à compter de la date d'origine de l'invalidité indemnisée. Ce partage
est opéré lors de la liquidation des droits du premier d'entre eux qui en fait
le demande.
« Au décès de l'un des bénéficiaires, sa part accroîtra la part de l'autre ou,
s'il y a lieu, des autres, sauf réversion du droit au profit des orphelins dans
les conditions prévues à l'article L. 46. ».
La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Marcel Lesbros,
rapporteur pour avis.
Cet amendement tend à assurer une plus grande
équité dans la prise en charge des veuves par le code des pensions
militaires.
Il tend à aménager le régime de réversion des pensions militaires d'invalidité
en cas de pluralité de conjoints survivants ou divorcés. La pension de
réversion serait partagée entre les conjoints non remariés au
prorata
temporis
de la durée respective de chaque mariage, à compter de la date
d'origine de l'invalidité, c'est-à-dire du fait dommageable.
Cet amendement, qui est d'équité et de justice, va donc dans le bon sens.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Jacques Baudot,
rapporteur spécial.
Favorable.
M. le président.
Qu'en pense le Gouvernement ?
M. Jacques Floch,
secrétaire d'Etat.
Pas le plus grand bien ! Estimez-vous que l'on va
vraiment assurer une meilleure équité en ouvrant cette possibilité ? En fait,
cet amendement vise à ouvrir un droit à pension de veuve aux ex-conjointes de
l'invalide lorsque ce dernier est décédé sans s'être remarié. Telle n'est pas
la situation actuelle. L'amendement, parce qu'il créée des dépenses
supplémentaires, suscite une difficulté importante.
Nous aurons un débat sur les pensions en général et pas seulement sur les
pensions d'invalidité ou les pensions concernant les veuves de guerre et le
régime de réversion aux conjointes ou conjoints. Dans l'état actuel des choses,
il est donc prématuré de se prononcer sur ce sujet.
Par ailleurs, l'amendement ayant un coût budgétaire non négligeable, j'invoque
l'article 40.
M. le président.
Monsieur le rapporteur spécial, l'article 40 de la Constitution est-il
applicable ?
M. Jacques Baudot,
rapporteur spécial.
La commission des finances prie M. le secrétaire
d'Etat de l'excuser, mais elle estime que l'article 40 de la Constitution ne
peut pas être invoqué dans la mesure où l'amendement n'engendre pas de
nouvelles dépenses. Il prévoit seulement un partage à l'intérieur d'une
enveloppe.
M. Hilaire Flandre.
C'est le droit commun !
Mme Nelly Olin.
Tout à fait !
M. Marcel Lesbros,
rapporteur pour avis.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Marcel Lesbros,
rapporteur pour avis.
Je voudrais confirmer que l'article 40 de la
Constitution ne s'applique pas à l'égard de cet amendement prévoyant une mesure
d'équité en faveur des veuves de guerre.
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° II-16, accepté par la commission.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet
de loi de finances, après l'article 64
bis
.
M. le président.
Je suis saisi de quatre amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion
commune.
L'amendement n° II-17, présenté par M. Lesbros, au nom de la commission des
affaires sociales, est ainsi libellé :
« Après l'article 64
bis
, insérer un article additionnel ainsi rédigé
:
« Le V de l'article 170 de l'ordonnance n° 58-1374 du 30 décembre 1958 portant
loi de finances pour 1959 est ainsi rédigé :
« V. - Par dérogation aux dispositions qui précèdent, sont recevables les
demandes d'attribution de retraite du combattant, au tarif tel qu'il est défini
au I. »
L'amendement n° II-34, présenté par Mme Printz, MM. Chabroux et Courrière, est
ainsi libellé :
« Après l'article 64
bis
, insérer un article additionnel ainsi rédigé
:
« I. - Le V de l'article 170 de l'ordonnance n° 58-1374 du 30 décembre 1958
portant loi de finances pour 1959 est ainsi rédigé :
« V. - Par dérogation aux dispositions qui précèdent, sont recevables les
demandes d'attribution de retraite du combattant, au tarif tel qu'il est défini
au I. »
« II. - La tranche supérieure de l'impôt de solidarité sur la fortune est
majorée à due concurrence. »
L'amendement n° II-52, présenté par M. Fischer et les membres du groupe
communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
« Après l'article 64
bis
, insérer un article additionnel ainsi rédigé
:
« I. - Le V de l'article 170 de l'ordonnance n° 58-1374 du 30 décembre 1958
portant la loi de finances pour 1959 est ainsi rédigé :
« V. - Par dérogation aux dispositions qui précèdent, sont recevables les
demandes d'attribution de retraite du combattant, au tarif tel qu'il est défini
au I. »
« II. - La tranche supérieure du tarif de l'impôt de solidarité sur la fortune
est majorée à due concurrence. »
L'amendement n° II-57, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
« Après l'article 64
bis
, insérer un article additionnel ainsi rédigé
:
« L'article 170 de l'ordonnance n° 58-1374 du 30 décembre 1958 portant loi de
finances pour 1959 est complété par deux paragraphes ainsi rédigés :
« ... Une indemnité peut être accordée à compter du 1er janvier 2002 aux
anciens combattants qui remplissent les conditions requises pour l'attribution
de la retraite du combattant ; elle est calculée sur la base du tarif fixé au
paragraphe I du présent article.
« ... Des dérogations aux dispositions prévues aux paragraphes précédents
pourront être accordées par décrets pour une durée d'un an qui sera susceptible
d'être dérogée également par décret. »
La parole est à M. le rapporteur pour avis, pour défendre l'amendement n°
II-17.
M. Marcel Lesbros,
rapporteur pour avis.
Cet amendement vise à corriger un oubli dont nous
avons parlé tout à l'heure et que votre commission avait déjà souligné l'an
passé dans son avis budgétaire.
L'article 109 de la loi de finances pour 2001 lève la forclusion opposée aux
demandes de retraite du combattant présentées par les anciens combattants
ressortissants des anciennes colonies. Mais cet article ne vise pas
l'Indochine. Est-ce un oubli ?
Malgré la levée temporaire des forclusions autorisée par le précédent
gouvernement dans la loi de finances pour 1996 pour trois ans, environ 1 500
anciens combattants de l'ex-Indochine n'ont pas pu faire valoir leurs
droits.
L'amendement tend à réparer cet oubli, pour permettre aux ressortissants de
l'ex-Indochine de bénéficier de la retraite du combattant au taux
cristallisé.
M. le président.
La parole est à Mme Printz, pour défendre l'amendement n° II-34.
Mme Gisèle Printz.
Cet amendement étant satisfait par l'amendement n° II-57 du Gouvernement, je
le retire.
M. le président.
L'amendement n° II-34 est retiré.
La parole est à M. Fischer, pour présenter l'amendement n° II-52.
M. Guy Fischer.
Cet amendement vise lui aussi à résoudre un problème d'inégalité de traitement
vis-à-vis des anciens combattants de l'Union française, et, comme Mme Printz,
je le retire.
M. le président.
L'amendement n° II-52 est retiré.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat, pour présenter l'amendement n°
II-57.
M. Jacques Floch
secrétaire d'Etat.
Ainsi que je l'expliquais précédemment, le
Gouvernement a repris à son compte une proposition qui lui paraissait
intéressante. L'amendement n° II-57 vise en effet à réparer un oubli commis
l'année dernière dans la loi de finances pour 2001.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° II-57 ?
M. Jacques Baudot,
rapporteur spécial.
Favorable.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° II-17 ?
M. Jacques Floch,
secrétaire d'Etat.
S'il était favorable à l'amendement de la commission
des affaires sociales, le Gouvernement ne serait plus favorable à son propre
amendement. Je demande donc le retrait de l'amendement n° II-17.
M. le président.
Monsieur le rapporteur pour avis, l'amendement est-il maintenu ?
M. Marcel Lesbros,
rapporteur pour avis.
Je le retire, monsieur le président.
M. le président.
L'amendement n° II-17 est retiré.
Je mets aux voix l'amendement n° II-57, accepté par la commission.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet
de loi de finances, après l'article 64
bis
.
Je suis saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion
commune.
L'amendement n° II-18, présenté par M. Lesbros, au nom de la commission des
affaires sociales, est ainsi libellé :
« Après l'article 64
bis,
insérer un article additionnel ainsi rédigé
:
« I. - L'article 170 de l'ordonnance n° 58-1374 du 30 décembre 1958 portant
loi de finances pour 1959 est complété par un paragraphe ainsi rédigé :
« VI. - Par dérogation aux dispositions qui précèdent, sont recevables les
demandes d'attribution de pension militaire d'invalidité d'ayant cause au titre
des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre. »
« II. - L'article 71 de la loi de finances pour 1960 (n° 59-1454 du 26
décembre 1959) est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Par dérogation aux dispositions qui précèdent, sont recevables les demandes
d'attribution de pension militaire d'invalidité d'ayant cause au titre du code
des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre. »
« III. - L'article 26 de la loi de finances rectificative pour 1981 (n° 81-734
du 3 août 1981) est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Par dérogation aux dispositions qui précèdent, sont recevables les demandes
d'attribution de pension militaire d'invalidité d'ayant cause au titre du code
des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre. »
L'amendement n° II-58, présenté par le Gouvernement, est ainsi rédigé :
« Après l'article 64
bis,
insérer un article additionnel ainsi rédigé
:
« I. - L'article 170 de l'ordonnance n° 58-1374 du 30 décembre 1958 portant
loi de finances pour 1959 est complété par un paragraphe ainsi rédigé :
« ... Les ayants cause des titulaires d'une indemnité annuelle au titre du
code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre
bénéficient, à compter du 1er janvier 2002, d'une indemnité annuelle de
réversion calculée sur la base du tarif fixé au paragraphe I du présent
article. »
« II. - L'article 71 de la loi de finances pour 1960 (n° 59-1454 du 26
décembre 1959) est complété par un paragraphe ainsi rédigé :
« ... Les ayants cause des titulaires d'une indemnité annuelle au titre du
code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre
bénéficient, à compter du 1er janvier 2002, d'une indemnité annuelle de
réversion calculée sur la base du tarif fixé au paragraphe I du présent
article. »
« III. - L'article 26 de la loi de finances rectificative pour 1981 (n° 81-734
du 3 août 1981) est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Les ayants cause des pensionnés relevant des dispositions du code des
pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre bénéficient, à
compter du 1er janvier 2002, d'une pension annuelle de réversion calculée sur
la base du tarif fixé au présent article. »
« IV. - L'application du droit des pensions aux intéressés et la situation de
famille sont appréciées à la date d'effet des dispositions des articles 170, 71
et 26 susvisés pour chaque Etat concerné. »
La parole est à M. le rapporteur pour avis, pour présenter l'amendement n°
II-18.
M. Marcel Lesbros,
rapporteur pour avis.
Lors de l'examen du budget des anciens combattants,
l'Assemblée nationale a majoré les crédits de 1,5 million d'euros « afin de
financer l'ouverture des droits aux pensions pour les ayants cause des anciens
combattants des anciennes colonies ».
Par ailleurs, le Gouvernement propose de lever l'obstacle juridique en
supprimant les interdictions législatives.
Je retire donc l'amendement.
M. le président.
L'amendement n° II-18 est retiré.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat, pour présenter l'amendement n°
II-58.
M. Jacques Floch,
secrétaire d'Etat.
Cet amendement du Gouvernement a le même objet que
l'amendement que vient de retirer M. le rapporteur pour avis. Je demande que le
Sénat l'adopte.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Jacques Baudot,
rapporteur spécial.
Favorable.
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° II-58, accepté par la commission.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Un article additionnel ainsi rédigé est donc inséré dans le projet de loi de
finances, après l'article 64
bis.
M. Jacques Floch,
secrétaire d'Etat.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Jacques Floch,
secrétaire d'Etat.
Monsieur le président, tout à l'heure, dans mon exposé
liminaire, j'ai oublié de traiter d'une question importante : l'aéroport de
Chaulnes, en Picardie.
Avant de prendre sa décision, le Gouvernement a d'abord choisi une région où
il pouvait installer ce troisième aéroport, puis un site et, actuellement, rien
n'est décidé quant à l'emplacement exact de cet aéroport.
Les plans que j'ai vus dans une grande revue nationale n'ont rien à voir avec
le travail préparatoire qui est engagé par le ministère de l'équipement, des
transports et du logement.
(Mme Olin proteste.)
Madame la sénatrice, dans l'état actuel des choses, il n'existe pas de plan
définitif de cet aéroport montrant, par exemple, que de grandes nécropoles sont
sur le site.
J'ajoute, mesdames, messieurs les sénateurs, que mon département ministériel a
été consulté par le ministère des transports pour savoir s'il y avait des
obstacles. Nous avons alors signalé, mais il suffit de regarder les photos
aériennes ou les plans pour s'en rendre compte, l'existence de grandes
nécropoles. Il en existe en Picardie comme dans le Nord - Pas-de-Calais ou dans
l'ensemble des régions de France où il y a eu de grandes batailles, chacun le
sait.
En étudiant les plans, nous pourrons savoir si des nécropoles seront touchées
par l'emplacement définitif de l'aéroport. Il faudra bien veiller à ce que ce
ne soit pas le cas. Mais nous pouvons compter sur vous, mesdames, messieurs les
sénateurs.
Il serait faux de prétendre que cela ne s'est jamais produit. Il est déjà
arrivé d'avoir à transporter des tombes, des cercueils de soldats morts pour la
France soit dans des pays d'outre-mer, soit dans des terres lointaines, soit
même en France, et nous avons su le faire avec dignité ! Cela dit, aujourd'hui,
personne ne peut affirmer que les nécropoles qui se trouvent sur le territoire
de Chaulnes seront touchées par l'aéroport.
Seules les études définitives d'implantation permettront de le savoir.
Ne vous offusquez pas, madame le sénateur ! Comme vous, nous savons le respect
que nous devons porter aux grandes nécropoles françaises.
Certains ont crié trop fort et trop tôt, et vous pouvez être assurée,
mesdames, messieurs les sénateurs, que nous veillons particulièrement à ce que
les grandes nécropoles ne soient pas touchées.
Par ailleurs, les plans qui sont parus ne venaient pas du ministère de
l'équipement puisqu'il n'existe pas encore de plans définitifs.
Mme Nelly Olin.
Comment pouvez-vous dire qu'ils n'existent pas ? Vraiment, j'aurais aimé au
moins pouvoir répondre sur ce point !
M. Jacques Floch,
secrétaire d'Etat.
Monsieur le président, je ne vois aucun inconvénient à
être interrompu par Mme le sénateur.
M. le président.
La parole est à Mme Olin, avec l'autorisation de M. le secrétaire d'Etat.
Mme Nelly Olin.
Monsieur le secrétaire d'Etat, ce n'est pas vous que nous mettons en cause,
car nous sommes bien conscients que vous avez effectivement à coeur de défendre
les tombes de nos soldats. Mais cette affaire est atterrante surtout pour nous,
Val-d'Oisiens.
Depuis des années, du fait des nuisances de Roissy, nous nous battons pour que
soit installé un troisième aéroport. Nous espérions dès lors qu'avant de
choisir un site, on aurait au moins pris les précautions minimum, fait des
études de faisabilité, réalisé des avant-projets. Or aujourd'hui, vos propos
nous confortent presque dans l'idée qu'on a annoncé le choix d'un site sans en
avoir pris la dimension et la mesure, simplement pour calmer les riverains de
Roissy.
M. Hilaire Flandre.
Voilà !
Mme Nelly Olin.
Je vous remercie, monsieur le secrétaire d'Etat, de m'avoir autorisée à
intervenir sur ce sujet.
M. le président.
Veuillez poursuivre, monsieur le secrétaire d'Etat.
M. Jacques Floch,
secrétaire d'Etat.
Je ne suis pas ici pour répondre en lieu et place de
M. le ministre des transports sur ce dossier. Ma seule responsabilité sur cette
question, c'est d'assurer la défense des nécropoles.
Puisque j'ai été interrogé par certains qui m'ont demandé si j'avais été
informé je réponds : non seulement j'ai été informé, mais le département
ministériel chargé des anciens combattants a fourni les éléments d'information
concernant les nécropoles britanniques, allemandes, de membres du Commonwealth
et françaises qui sont sur une partie du territoire de Chaulnes.
Que certains écrivent d'ores et déjà que l'on va détruire des milliers de
tombes, que l'on va manquer de respect à l'égard de ceux qui sont morts pour la
France et qui sont enterrés là, cela ne peut que m'offusquer. C'est le moins
que je puisse faire.
Je dis surtout à tous ceux qui reprennent ces informations de vérifier leurs
dires avant de crier haut et fort. Je leur demande aussi de participer aux
débats qui ne manqueront pas d'avoir lieu avec les élus locaux, les habitants
de la région et les responsables des nécropoles.
C'est un débat de longue haleine. Vous le savez bien, madame la sénatrice,
nous ne sommes pas au bout de nos peines.
M. Jacques Baudot,
rapporteur spécial.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Jacques Baudot,
rapporteur spécial.
Je ne vais pas rouvrir le débat, monsieur le
secrétaire d'Etat, mais vous avez été consulté par M. Gayssot et vous
continuez, vous et vos services, à participer aux réunions de travail. C'est
vous le responsable ! Ce n'est pas à nous, sénateurs ou députés, de suivre ce
dossier, sauf ceux qui représentent ce secteur. Vous êtes garant que ces tombes
ne seront pas détruites, déportées, et que les nécropoles resteront donc à cet
endroit-là. Ou alors, vous nous en informerez et, là, nous pourrons intervenir.
Mais, je le répète, c'est vous, monsieur le secrétaire d'Etat, qui êtes garant
du maintien de ces nécropoles en place.
M. Jacques Floch,
secrétaire d'Etat.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Jacques Floch,
secrétaire d'Etat.
Ce que vient de dire le rapporteur spécial de la
commission des finances me paraît suffisamment grave pour que je me permette de
reprendre la parole.
Ce que vous voulez me faire dire ce soir, monsieur Baudot, c'est que l'on ne
touchera pas aux tombes. Je n'en sais pas plus que vous ! Je participe aux
travaux de réflexion, je fournis la documentation nécessaire et je fais ce qui
est en mon pouvoir pour que l'on ne touche pas à ces nécropoles. Dans l'état
actuel des choses, c'est tout ! Vous savez très bien que l'installation d'un
aéroport de cette importance ne se fait pas comme ça.
Mme Nelly Olin.
Il y en a au moins pour quinze ans !
M. Jacques Floch,
secrétaire d'Etat.
Effectivement !
Souvenez-vous de Roissy ! Pourtant, le contexte était différent ! A l'heure
actuelle, mon travail consiste à dire à mes collègues du Gouvernement qu'il
s'agit là de lieux qui se trouvent sous ma responsabilité et que je veux
protéger.
Telle est l'information que je voulais vous donner. Je puis vous affirmer que
je ferai tout ce qui est en mon pouvoir pour défendre ce qui doit l'être par
moi.
M. Jacques Baudot,
rapporteur spécial.
C'est ce que je voulais entendre !
Mme Nelly Olin.
Les Britanniques ont déjà émis de vives protestations !
M. le président.
Nous avons achevé l'examen des dispositions du projet de loi de finances
concernant le ministère des anciens combattants.
Le sujet était suffisamment important pour que nous ayons une lecture souple
du règlement, afin que le débat puisse être complet, franc et courtois. J'en
remercie M. le secrétaire d'Etat, MM. les rapporteurs et tous ceux de nos
collègues qui y ont participé.
8
DÉPÔT DE PROPOSITIONS DE LOI
M. le président.
J'ai reçu de MM. Bernard Fournier et Patrick Lassourd une proposition de loi
tendant à reporter au 1er janvier 2003 la date butoir de définition du
périmètre des schémas de cohérence territoriale et prenant en considération
pour l'élaboration de schémas de cohérence territoriale les établissements
publics de coopération intercommunale comportant des enclaves ou des
discontinuités territoriales.
La proposition de loi sera imprimée sous le n° 106, distribuée et renvoyée à
la commission des affaires économiques et du Plan sous réserve de la
constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues
par le règlement.
J'ai reçu de Mmes Nicole Borvo, Michelle Demessine, MM. Guy Fischer, Roland
Muzeau, François Autain, Jean-Yves, Autexier, Mmes Marie-Claude Beaudeau,
Marie-France Beaufils, M. Pierre Biarnès, Mme Danielle Bidard-Reydet, MM.
Robert Bret, Yves Coquelle, Mmes Annie David, Evelyne Didier, M. Thierry
Foucaud, Gérard Le Cam, Paul Loridant, Mmes Hélène Luc, Josiane Mathon, MM.
Jack Ralite, Ivan Renar, Mme Odette Terrade et M. Paul Vergès, une proposition
de loi tendant à ouvrir le droit à la retraite à taux plein pour les salariés
ayant cotisé quarante annuités avant d'atteindre l'âge de 60 ans.
La proposition de loi sera imprimée sous le n° 107, distribuée et renvoyée à
la commission des affaires sociales sous réserve de la constitution éventuelle
d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.
9
ORDRE DU JOUR
M. le président.
Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment
fixée au lundi 3 décembre 2001, à neuf heures trente, à quinze heures et le
soir :
Suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2002, adopté par
l'Assemblée nationale (n°s 86 et 87, 2001-2002). - M. Philippe Marini,
rapporteur général de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des
comptes économiques de la nation.
Deuxième partie. -
Moyens des services et dispositions spéciales :
Equipement, transports et logement :
V. -
Tourisme :
Mme Marie-Claude Beaudeau, rapporteur spécial (rapport n° 87, annexe n°
26) ;
M. Charles Ginésy, rapporteur pour avis de la commission des affaires
économiques et du Plan (avis n° 89, tome XVI).
I. -
Services communs*.
II. -
Urbanisme et logement* :
M. Jacques Pelletier, rapporteur spécial (rapport n° 87, annexes n°s 20 et 21)
;
M. Bernard Piras, rapporteur pour avis de la commission des affaires
économiques et du Plan (urbanisme, avis n° 89, tome XV) ;
M. Jean-Yves Mano, rapporteur pour avis de la commission des affaires
économiques et du Plan (logement, avis n° 89, tome XIV) ;
Mme Françoise Henneron, rapporteur pour avis de la commission des affaires
sociales (logement social, avis n° 91, tome IX).
III. -
Transports et sécurité routière :
1. Transports terrestres*.
2. Routes et sécurité routière*.
M. Jacques Oudin, rapporteur spécial (transports et intermodalité, rapport n°
87, annexe n° 22) ;
M. Gérard Miquel, rapporteur spécial (routes et sécurité routière, rapport n°
87, annexe n° 23) ;
M. Bernard Joly, rapporteur pour avis de la commission des affaires
économiques et du Plan (transports terrestres, avis n° 89, tome XVIII) ;
M. Georges Gruillot, rapporteur pour avis de la commission des affaires
économiques et du Plan (routes et voies navigables, avis n° 89, tome XIII).
3. Aviation et aéronautique civiles.
Budget annexe de l'aviation civile :
M. Yvon Collin, rapporteur spécial (rapport n° 87, annexe n° 24) ;
M. Jean-François Le Grand, rapporteur pour avis de la commission des affaires
économiques et du Plan (aviation civile et transport aérien, avis n° 89, tome
XIX).
IV. -
Mer (et article 73) :
M. Marc Massion, rapporteur spécial (marine marchande, rapport n° 87, annexe
n° 25) ;
M. Charles Revet, rapporteur pour avis de la commission des affaires
économiques et du Plan (avis n° 89, tome XX).
Délai limite pour les inscriptions de parole
dans les discussions précédant
l'examen des crédits de chaque ministère
Le délai limite pour les inscriptions de parole dans les discussions précédant
l'examen des crédits de chaque ministère est fixé à la veille du jour prévu
pour la discussion, à dix-sept heures.
Délai limite pour le dépôt des amendements
aux crédits budgétaires pour le projet
de loi de finances pour 2002.
Le délai limite pour le dépôt des amendements aux divers crédits budgétaires
et articles rattachés du projet de loi de finances pour 2002 est fixé à la
veille du jour prévu pour la discussion, à dix-sept heures.
Délai limite pour le dépôt des amendements
aux articles de la deuxième partie, non joints
à l'examen des crédits du projet de loi de finances pour 2002
Le délai limite pour le dépôt des amendements aux articles de la deuxième
partie, non joints à l'examen des crédits du projet de loi de finances pour
2002, est fixé au vendredi 7 décembre 2001, à seize heures.
Personne ne demande la parole ?...
La séance est levée.
(La séance est levée le dimanche 2 décembre 2001, à une heure.)
Le Directeur
du service du compte rendu intégral,
MONIQUE MUYARD
ANNEXE AU PROCÈS-VERBAL
de la séance
du samedi 1er décembre 2001
SCRUTIN (n° 24)
sur le titre III de l'état B du projet de loi de finances pour 2002, adopté par
l'Assemblée nationale (budget de la culture et de la
communication)
Nombre de votants : | 312 |
Nombre de suffrages exprimés : | 312 |
Pour : | 112 |
Contre : | 200 |
Le Sénat n'a pas adopté.
ANALYSE DU SCRUTIN
GROUPE COMMUNISTE REPUBLICAIN ET CITOYEN (23) :
Pour :
23.
GROUPE DU RASSEMBLEMENT DEMOCRATIQUE ET SOCIAL EUROPEEN (19) :
Pour :
6. _ MM. Jean-Michel Baylet, André Boyer, Yvon Collin, Gérard
Delfau, Rodolphe Désiré et François Fortassin
Contre :
13.
GROUPE DU RASSEMBLEMENT POUR LA REPUBLIQUE (95) :
Contre :
93.
N'ont pas pris part au vote :
2. _ M. Christian Poncelet, président du
Sénat et M. Serge Vinçon, qui présidait la séance.
GROUPE SOCIALISTE (83) :
Pour :
83.
GROUPE DE L'UNION CENTRISTE (53) :
Contre :
53.
GROUPE DES REPUBLICAINS ET INDEPENDANTS (41) :
Contre :
41.
SENATEURS NE FIGURANT SUR LA LISTE D'AUCUN GROUPE (6) :
N'ont pas pris part au vote :
6.
Ont voté pour
Michèle André
Bernard Angels
Henri d'Attilio
Bertrand Auban
François Autain
Jean-Yves Autexier
Robert Badinter
Jean-Michel Baylet
Marie-Claude Beaudeau
Marie-France Beaufils
Jean-Pierre Bel
Jacques Bellanger
Maryse Bergé-Lavigne
Jean Besson
Pierre Biarnès
Danielle Bidard-Reydet
Marie-Christine Blandin
Nicole Borvo
Didier Boulaud
André Boyer
Yolande Boyer
Robert Bret
Claire-Lise Campion
Jean-Louis Carrère
Bernard Cazeau
Monique Cerisier-ben Guiga
Gilbert Chabroux
Michel Charasse
Yvon Collin
Gérard Collomb
Yves Coquelle
Raymond Courrière
Roland Courteau
Yves Dauge
Annie David
Marcel Debarge
Gérard Delfau
Jean-Pierre Demerliat
Michelle Demessine
Dinah Derycke
Rodolphe Désiré
Evelyne Didier
Claude Domeizel
Michel Dreyfus-Schmidt
Josette Durrieu
Bernard Dussaut
Claude Estier
Guy Fischer
François Fortassin
Thierry Foucaud
Jean-Claude Frécon
Charles Gautier
Jean-Pierre Godefroy
Jean-Noël Guérini
Claude Haut
Odette Herviaux
Alain Journet
André Labarrère
Philippe Labeyrie
Serge Lagauche
Roger Lagorsse
Dominique Larifla
Gérard Le Cam
André Lejeune
Louis Le Pensec
Claude Lise
Paul Loridant
Hélène Luc
Philippe Madrelle
Jacques Mahéas
Jean-Yves Mano
François Marc
Jean-Pierre Masseret
Marc Massion
Josiane Mathon
Pierre Mauroy
Louis Mermaz
Gérard Miquel
Michel Moreigne
Roland Muzeau
Jean-Marc Pastor
Guy Penne
Daniel Percheron
Jean-Claude Peyronnet
Jean-François Picheral
Bernard Piras
Jean-Pierre Plancade
Danièle Pourtaud
Gisèle Printz
Jack Ralite
Daniel Raoul
Paul Raoult
Daniel Reiner
Ivan Renar
Roger Rinchet
Gérard Roujas
André Rouvière
Michèle San Vicente
Claude Saunier
Michel Sergent
René-Pierre Signé
Jean-Pierre Sueur
Simon Sutour
Odette Terrade
Michel Teston
Jean-Marc Todeschini
Pierre-Yvon Tremel
André Vantomme
Paul Vergès
André Vezinhet
Marcel Vidal
Henri Weber
Ont voté contre
Nicolas About
Jean-Paul Alduy
Jean-Paul Amoudry
Pierre André
Philippe Arnaud
Jean Arthuis
Denis Badré
Gérard Bailly
José Balarello
Gilbert Barbier
Bernard Barraux
Jacques Baudot
Michel Bécot
Claude Belot
Daniel Bernardet
Roger Besse
Laurent Béteille
Joël Billard
Claude Biwer
Jean Bizet
Jacques Blanc
Paul Blanc
Maurice Blin
Annick Bocandé
Didier Borotra
Joël Bourdin
Jean Boyer
Jean-Guy Branger
Gérard Braun
Dominique Braye
Paulette Brisepierre
Louis de Broissia
Michel Caldaguès
Robert Calmejane
Jean-Pierre Cantegrit
Jean-Claude Carle
Auguste Cazalet
Charles Ceccaldi-Raynaud
Gérard César
Jacques Chaumont
Jean Chérioux
Marcel-Pierre Cleach
Jean Clouet
Christian Cointat
Gérard Cornu
Jean-Patrick Courtois
Xavier Darcos
Robert Del Picchia
Jean-Paul Delevoye
Fernand Demilly
Christian Demuynck
Marcel Deneux
Gérard Dériot
Yves Detraigne
Eric Doligé
Jacques Dominati
Michel Doublet
Paul Dubrule
Alain Dufaut
André Dulait
Ambroise Dupont
Jean-Léonce Dupont
Louis Duvernois
Daniel Eckenspieller
Jean-Paul Emin
Jean-Paul Emorine
Michel Esneu
Jean-Claude Etienne
Hubert Falco
Pierre Fauchon
Jean Faure
Françoise Férat
André Ferrand
Hilaire Flandre
Gaston Flosse
Jean-Pierre Fourcade
Bernard Fournier
Serge Franchis
Philippe François
Jean François-Poncet
Yves Fréville
Yann Gaillard
René Garrec
Christian Gaudin
Jean-Claude Gaudin
Philippe de Gaulle
Gisèle Gautier
Patrice Gélard
Alain Gérard
François Gerbaud
Charles Ginésy
Francis Giraud
Paul Girod
Daniel Goulet
Jacqueline Gourault
Alain Gournac
Adrien Gouteyron
Francis Grignon
Louis Grillot
Georges Gruillot
Charles Guené
Michel Guerry
Hubert Haenel
Emmanuel Hamel
Françoise Henneron
Marcel Henry
Pierre Hérisson
Daniel Hoeffel
Jean-François Humbert
Jean-Jacques Hyest
Pierre Jarlier
Bernard Joly
Alain Joyandet
Jean-Marc Juilhard
Roger Karoutchi
Joseph Kerguéris
Christian de La Malène
Jean-Philippe Lachenaud
Pierre Laffitte
Alain Lambert
Lucien Lanier
Jacques Larché
Gérard Larcher
André Lardeux
Patrick Lassourd
Robert Laufoaulu
René-Georges Laurin
Jean-René Lecerf
Dominique Leclerc
Jacques Legendre
Jean-François Le Grand
Serge Lepeltier
Philippe Leroy
Marcel Lesbros
Valérie Létard
Gérard Longuet
Jean-Louis Lorrain
Simon Loueckhote
Roland du Luart
Max Marest
Philippe Marini
Pierre Martin
Jean Louis Masson
Serge Mathieu
Michel Mercier
Lucette Michaux-Chevry
Jean-Luc Miraux
Louis Moinard
René Monory
Aymeri de Montesquiou
Georges Mouly
Bernard Murat
Philippe Nachbar
Paul Natali
Philippe Nogrix
Nelly Olin
Joseph Ostermann
Georges Othily
Jacques Oudin
Monique Papon
Anne-Marie Payet
Michel Pelchat
Jacques Pelletier
Jean Pépin
Jacques Peyrat
Xavier Pintat
Bernard Plasait
Jean-Marie Poirier
Ladislas Poniatowski
André Pourny
Jean Puech
Jean-Pierre Raffarin
Henri de Raincourt
Victor Reux
Charles Revet
Henri Revol
Henri de Richemont
Philippe Richert
Yves Rispat
Josselin de Rohan
Janine Rozier
Bernard Saugey
Jean-Pierre Schosteck
Bruno Sido
Daniel Soulage
Louis Souvet
Michel Thiollière
Henri Torre
René Trégouët
André Trillard
François Trucy
Maurice Ulrich
Jacques Valade
André Vallet
Jean-Marie Vanlerenberghe
Alain Vasselle
Jean-Pierre Vial
Xavier de Villepin
Jean-Paul Virapoullé
François Zocchetto
N'ont pas pris part au vote
Philippe Adnot, Philippe Darniche, Sylvie Desmarescaux, Hubert Durand-Chastel,
Bernard Seillier, Alex Türk, Christian Poncelet, président du Sénat, et Serge
Vinçon, qui présidait la séance.
Les nombres annoncés en séance avaient été de :
Nombre de votants : | 313 |
Nombre des suffrages exprimés | 313 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 157 |
Pour : | 112 |
Contre : | 201 |
Mais, après vérification, ces nombres ont été rectifiés conformément à la liste ci-dessus.