SEANCE DU 7 DECEMBRE 2001
M. le président.
Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi concernant
l'aménagement du territoire et l'environnement : II. - Environnement.
J'indique au Sénat que, pour cette discussion, la conférence des présidents a
opté pour la formule expérimentée l'an dernier et fondée sur le principe d'une
réponse immédiate du Gouvernement aux différents intervenants, rapporteurs ou
orateurs des groupes.
Ainsi, M. le ministre répondra immédiatement et successivement au rapporteur
spécial, aux deux rapporteurs pour avis, à chaque orateur des groupes.
Ces réponses successives se substitueront à la réponse unique en fin de
discussion.
Pour chaque question, les orateurs des groupes interviendront pendant cinq
minutes au maximum. La durée de la réponse du Gouvernement sera fixée à trois
minutes, chaque orateur disposant d'un droit de réplique de deux minutes au
maximum.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Philippe Adnot,
rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et
des comptes économiques de la nation.
Monsieur le président, monsieur le
ministre, mes chers collègues, mon rapport spécial sur le projet de budget pour
2002 du ministère de l'environnement s'intitule : « Environnement, un affichage
politique ». Je pourrais m'en tenir là et recueillir des mains du président le
prix spécial de la plus courte intervention de tous les rapporteurs !
(Sourires.)
Je pense, monsieur le ministre, mes chers collègues, que vous savez d'ores et
déjà où je veux en venir : le Gouvernement classe chaque année ce budget parmi
les « budgets prioritaires », mais cette priorité n'est qu'apparente car, pour
accroître son périmètre politique, le ministère de l'environnement a
délibérément sacrifié la dépense d'investissement.
Si priorité a été donnée, c'est à l'affichage de progressions « mirobolantes »
des crédits, grâce à de nombreuses modifications du périmètre budgétaire : tout
au long de la législature, telle la grenouille de La Fontaine, que j'évoquais
l'an dernier à cette même tribune, le budget de l'environnement a gonflé de
manière largement factice.
Si l'on fait la somme des crédits préexistants qui ont rejoint le budget de
l'environnement, ce sont 381 millions sur les 761 millions d'euros du budget
pour 2002 - soit plus de 50 % ! - qui résultent de simples modifications du
périmètre budgétaire et qui ne sont que de la « poudre aux yeux ».
On nous annonce une augmentation de 6,3 % pour cette année, mais un autre
calcul me permet d'obtenir un pourcentage de 4,1 %. Et ces progressions «
mirobolantes » sont d'autant moins crédibles que les crédits votés par le
Parlement sont très mal consommés : à peine 43 % en 2000 !
Autrement dit, monsieur le ministre, 57 % des crédits que votre gouvernement
nous a demandé de voter en loi de finances pour 2000 n'ont pas été utilisés !
L'exercice, déjà très formel, que l'on nous demande ici n'est qu'un exercice de
dupes !
Je dois toutefois indiquer que les crédits les mieux consommés sont
traditionnellement les crédits de fonctionnement et je m'étonne que vous n'ayez
pas réussi à maintenir votre taux de consommation grâce à la déformation de la
structure du budget.
Les dépenses ordinaires représentaient, en 2000, 42 % de votre budget ; en
2002, elles atteignent 82 % ! Vous avez négligé les dépenses en capital, qui
sont tombées de 58 % du budget à seulement 18 %...
En effet, votre priorité numéro un a été, non pas telle ou telle politique
environnementale, mais l'emploi public : vous allez augmenter de 10 % vos
effectifs en 2002. J'estime que de tels recrutements ne sont absolument pas
raisonnables dans le contexte budgétaire actuel.
J'en arrive ainsi à la première question que je souhaitais vous poser. J'ai
appris que la moitié des 300 créations d'emplois prévues pour 2002 dans votre
ministère devait permettre le passage aux 35 heures. Comment cela est-il
compatible avec l'engagement formulé ici même l'an dernier par M. Michel Sapin,
ministre de la fonction publique, d'appliquer les 35 heures dans la fonction
publique « à effectifs constants » ? Par ailleurs, pouvez-vous nous indiquer
quel est le coût de l'application des 35 heures pour votre ministère ?
Si l'on s'attache aux politiques environnementales proprement dites, on ne
peut qu'être étonné du détournement du fonds national de solidarité pour l'eau,
le FNSE, abondé par les agences de l'eau, qui devrait ne financer que des
dépenses d'intérêt commun aux agences.
Ni la Cour des comptes ni nous-mêmes n'avons compris le critère de répartition
entre les dépenses du FNSE et celles de votre budget. D'où ma deuxième question
: pouvez-vous très simplement définir ce critère ? En quoi le financement de
compteurs dans les logements sociaux, pour ne prendre qu'un exemple,
relève-t-il plus du FNSE que du budget général de l'Etat ?
Sur la politique de l'eau, j'ai aussi une inquiétude : je redoute un scénario
du type « ADEME » pour les agences de l'eau.
S'agissant de l'ADEME, l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de
l'énergie, je le rappelle, on a d'abord augmenté les taxes de 50 %. On a
ensuite diminué de moitié les subventions aux collectivités locales pour les
installations de traitement des déchets. L'Etat s'est, de ce fait, trouvé à la
tête d'un magot non-consommé, sur lequel il a fait main basse pour financier
les 35 heures. N'est-ce pas exactement ce qui va se passer avec les agences de
l'eau ?
Monsieur le ministre, pouvez-vous nous dire quelles seront les conséquences
des dispositions qui viennent d'être adoptées par l'Assemblée nationale et nous
assurer que l'intégration des redevances des agences dans le budget général ne
va pas conduire, demain, au même processus que celui que je viens de rappeler
?
S'agissant de la politique de prévention des risques industriels, je regrette
très vivement que le ministère n'ait promu cette politique au rang de «
priorité » qu'après l'accident de Toulouse. En effet, cette politique n'a
souvent bénéficié que de reconductions de crédits d'une année sur l'autre et
les effectifs qui y étaient affectés ont régressé en part relative dans les
effectifs totaux du ministère. La priorité, c'étaient les services centraux
!
Ma troisième question porte sur la « rallonge budgétaire » improvisée qui a
été votée à l'Assemblée nationale. La dotation pour la prévention des risques
industriels est importante : 100 emplois, soit près de 3 % de vos effectifs, et
8 millions d'euros, soit plus de 1 % du budget. Ce n'est pas la mesure en
elle-même que nous critiquons. Nous nous demandons seulement si le ministère a
été à ce point imprévoyant...
Dernier sujet que je souhaite évoquer, l'ADEME, bien sûr. J'ai consacré à cet
établissement un rapport qui est paru en mars dernier et je tiens d'abord à
souligner les efforts entrepris depuis la publication de mon rapport
d'information et du rapport de l'inspection générale des finances. S'il fallait
démontrer la pertinence de ces rapports, les modifications entreprises y
suffiraient !
Cette année encore, les crédits de paiement de l'ADEME diminuent pour
s'ajuster aux besoins de l'établissement. Soit ! Je ne peux pas critiquer cette
« saine gestion » puisque j'avais moi-même dénoncé le gonflement hypocrite des
crédits de l'ADEME en 1999 et 2000.
Toutefois, je souhaite connaître le montant prévisible des crédits de paiement
qui devront être budgétés pour l'ADEME en 2003 et 2004 ?
N'y a t'il pas là une petite bombe budgétaire à retardement que vous laissez
au prochain gouvernement ? En effet, en 2003 et 2004, il faudra bien financer
l'ADEME par des ressources nouvelles. Les crédits de paiement sont tombés si
bas qu'il faudra au moins les tripler. Or les dotations en autorisations de
programme ont continué de progresser. Il faudrait au moins 350 millions d'euros
cette année et vous n'en avez prévu que 90 millions. Comment trouvera-t-on la
différence ?
En ce qui concerne l'énergie éolienne, j'aimerais savoir, monsieur le
ministre, quelles mesures vous entendez prendre pour protéger les oiseaux et
les sites contre l'implantation anarchique des éoliennes.
D'autre part, comment comptez-vous indemniser les consommateurs qui,
lorsqu'ils paient leur facture, financent sans le savoir un « courant
idéologique » qui vaut 55 centimes le kilowattheure au lieu de 18 centimes pour
de l'électricité produite dans des conditions « classiques » ?
En résumé, mes chers collègues, dans la mesure où ce budget est
essentiellement tourné vers le fonctionnement, où il sacrifie une fois de plus
les dépenses d'investissement liées à la protection de l'environnement - plus
de 400 millions d'euros ont été détournés de l'environnement en deux ans - et
où il n'est pas sincère puisque le taux de réalisation des crédits est
systématiquement surévalué, je vous propose, au nom de la commission des
finances, de rejeter ce projet de budget pour 2002.
(Applaudissements sur
les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union
centriste.)
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Yves Cochet,
ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.
Monsieur
le rapporteur spécial, j'ai apprécié la qualité et la vivacité de votre propos
mais je dois vous dire que sa précision n'est, elle aussi, qu'apparente. Je
souhaite donc apporter quelques correctifs aux chiffres que vous avez
mentionnés et, du même coup, mieux préciser les orientations que les chiffres
de ce budget traduisent.
Ce projet de budget présente une hausse de 7,4 % en dépenses ordinaires et
crédits de paiement, pour atteindre 769,54 millions d'euros, et de 6,6 % en
moyens d'engagement - dépenses ordinaires et autorisations de programme -, pour
atteindre 1 046,9 millions d'euros.
Certes, des transferts sont intervenus. Mais, après tout, nous sommes fiers
que le ministère ait vu son périmètre augmenter, de telle manière, par exemple,
que les crédits de l'office pour la protection des rayons ionisants, l'OPRI,
soient désormais intégrés dans ce budget, en même temps que la gestion du
personnel de cet organisme a été rattachée au ministère.
A structure constante, le budget connaît une augmentation de 5,3 % en dépenses
ordinaires et crédits de paiement et de 5 % en dépenses ordinaires et
autorisations de programme. La progression demeure donc importante.
Vous parlez d'affichage. Eh bien, oui, le Gouvernement affiche, pour la
cinquième année consécutive, la priorité qu'il accorde au budget de
l'environnement.
Lors de mon audition par votre commission, j'ai indiqué que la
sous-consommation globale des crédits était principalement due à une hypothèse
un peu trop volontariste dans les premières années d'inscription budgétaire des
crédits de paiement de l'ADEME.
Depuis deux ans, en effet, nous essayons de créer plus d'emplois. Il ne s'agit
pas de dépenser à tout prix les crédits : nous nous soucions simplement de
répondre à la demande de nos concitoyens de voir s'accroître les services
rendus dans le domaine de l'environnement.
En dépit de la diminution des crédits de l'ADEME, le budget de
l'environnement progresse. Je ne crois pas que c'est faire là de l'affichage au
sens où vous l'entendez, monsieur Adnot. En effet, hors ADEME, c'est une
progression de 16 % que nous aurions pu afficher pour 2002 !
M. Philippe Adnot,
rapporteur spécial.
En emplois !
M. Yves Cochet,
ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.
Non ! Je
parle du budget !
Par ailleurs, si l'on met de côté la sous-consommation liée aux crédits de
l'ADEME, l'exécution du budget de l'environnement est fort honorable et n'a pas
à rougir de la comparaison avec les autres ministères : en 2000, le montant de
la dépense du budget de l'environnement hors ADEME était de 472 millions
d'euros, alors que, en loi de finances pour 2000, l'inscription était de 393
millions d'euros. Le ministère de l'environnement a donc consommé l'ensemble de
sa loi de finances et une partie de ses reports de 1999, pour se situer à un
niveau de consommation de 74 % de ses crédits disponibles.
Vous m'avez posé d'autres questions, notamment sur l'emploi. Je ne comprends
pas pourquoi cette priorité vous déplaît. Si l'on crée des emplois, c'est non
pas pour avoir un plus grand ministère - encore que telle est évidemment mon
intention - non pas pour être simplement fier du nombre d'emplois, mais pour
répondre aux besoins de nos concitoyens. L'an prochain, ce sont en effet 400
emplois nouveaux qui seront créés au ministère de l'environnement, dont 150
permettront de renforcer le contrôle des installations classées.
Faut-il vous rappeler qu'en 1997, quand nous sommes arrivés au gouvernement,
les effectifs de ce ministère étaient légèrement inférieurs à 2 400 personnes ?
Ils seront en 2002 de près de 3 500, ce qui représente une augmentation de plus
de 45 %.
Les moyens de fonctionnement ont forcément suivi cette évolution pour faire
face à une croissance très forte de nos missions et à une attente de plus en
plus grande de nos concitoyens.
D'ailleurs, ces emplois ne sont pas en administration centrale. Ils sont
majoritairement et prioritairement dirigés vers les directions régionales de
l'environnement, les DIREN - pour 162 - et vers les inspections des
installations classées - pour 150. Il s'agit en fait de la reconnaissance de
nos capacités d'expertise dans ces domaines.
Vous dites que M. Sapin ne serait pas content de savoir que cette évolution
correspond à l'application des 35 heures. Ce n'est pas tout à fait exact.
Certes, mon ministère a été le premier ministère civil à signer un accord de 35
heures voilà quelques mois. Des négociations sont également en cours au
ministère de la défense, mais elles ne sont pas encore tout à fait achevées. Je
suis très fier d'avoir obtenu ces résultats sans remettre en cause l'objectif
général de stabilisation des emplois publics.
En effet, le coût direct de la mise en place des 35 heures au sein du
ministère de l'environnement s'élève à un peu plus de 3 millions d'euros. Le
dispositif se décline en quatre mesures : les crédits d'astreintes, les heures
supplémentaires, les indemnités de sujétions spéciales pour l'annonce de crue,
les indemnités versées aux observateurs de crue.
A cet égard, peut-être avez-vous lu dans
Le Figaro
ou
Le
Parisien
que le préfet du port nous met en garde contre d'éventuels
débordements de la Seine. Autant dire que j'espère qu'il ne pleuvra pas trop,
ni dans la baie de Seine ni dans la vallée de la Somme.
La politique de l'eau s'inscrit dans une tradition. Vous dites que ses crédits
sont réduits dans ce projet de budget. Tel n'est pas mon sentiment. Je peux
vous donner, comme vous le souhaitez, la répartition exacte des actions entre
le budget général et le Fonds national de solidarité pour l'eau.
Les opérations à caractère régalien sont financées sur les crédits du budget
général. Il s'agit de la police de l'eau, du plan risques et des dépenses de
fonctionnement de la direction de l'eau.
Les autres politiques sont financées sur les crédits du Fonds national de
solidarité pour l'eau. Ses principaux domaines d'intervention concernent les
réseaux de mesures, les données sur l'eau, la connaissance, les politiques de
lutte contre les pollutions d'origine agricole, la restauration des milieux
dégradés, l'assainissement, les schémas directeurs d'aménagement et de gestion
de l'eau, les offices de l'eau et les comités de bassin outre-mer, la
restauration des rivières et des zones humides, les poissons migrateurs...
Vous posez la question de savoir si l'on peut demander aux agences de l'eau,
qui perçoivent des redevances auprès des citoyens, de faire l'effort de
participer, par le biais d'un prélèvement, à cette politique. Je réponds, bien
sûr, par l'affirmative. C'est d'ailleurs M. Juppé qui y a songé le premier en
instaurant ce prélèvement sur les agences de l'eau afin d'abonder, par voie de
fonds de concours, les crédits du chapitre budgétaire du ministère de
l'environnement.
Monsieur le rapporteur spécial, vous m'avez interrogé sur la prévention des
risques industriels. Vous avez souligné que le Gouvernement - et je m'en
félicite - a décidé, à la suite du tragique accident de Toulouse, de renforcer
les moyens de prévention des risques technologiques.
Outre la création de 100 postes d'inspecteur, quelques postes seront créés à
l'INERIS, l'Institut national de l'environnement industriel et des risques,
notre laboratoire d'expertise, d'évaluation et de contrôle. Quelques postes -
peu nombreux - seront également créés au sein de l'administration centrale, à
la DTPR, la direction de la prévention de la pollution et des risques.
Au total, près de 10 millions d'euros de moyens d'engagement supplémentaires
ont été ainsi ajoutés au projet de loi initial. Je m'en félicite mais je ne
m'en satisfais pas, surtout lorsque j'apprécie l'immensité du problème. A
l'issue des tables rondes régionales, aura lieu mardi prochain, au ministère,
le débat national auquel tous les acteurs des risques industriels sont
conviés.
Je me félicite de la création de 150 emplois à la DRIRE, la direction
régionale de l'industrie, de la recherche et de l'environnement. Si on les
additionne aux 870 équivalents-temps plein actuellement employés en tant
qu'inspecteur dans les installations classées, on arrive à 1 020 emplois. Mais
il en faudrait, bien entendu, 2 000.
On compte en France environ 1 250 usines classées Seveso, mais il y en a
peut-être 3 000 qui devraient être classées usines à risques. Il est du rôle de
l'Etat et de la responsabilité du Gouvernement de répondre à cette demande de
nos concitoyens, qui est réelle.
En outre, les comités locaux de prévention seront généralisés et un plan de
prévention des risques technologiques sera créé pour maîtriser l'urbanisme. Un
débat démocratique sera organisé pour faire émerger des idées nouvelles.
Peut-être la sécurité interne dans les usines classées Seveso n'est-elle pas
suffisante ? Comment les CHSCT, les comités d'hygiène, de sécurité et des
conditions de travail, pourraient-ils être mieux associés aux études de danger
? Ce sont deux pistes de réflexion.
Je reviens brièvement sur la situation de l'ADEME. Voilà deux ans que vous «
chatouillez » le Gouvernement à ce propos. Vos critiques, permettez-moi de vous
le dire, sont contradictoires, et je m'en explique.
Les crédits budgétaires de cette agence ont été effectivement revus à la
baisse pour permettre un meilleur phasage entre les engagements et les
paiements. Je vous l'ai indiqué tout à l'heure. Ils devront en effet être
réajustés à la hausse, progressivement, en fonction de la montée en puissance
des « services votés », comme l'ensemble des dotations, qui, sur le budget de
l'Etat, répondent à cette mécanique d'autorisations de programme et de crédits
de paiement. Il n'y a là rien que de très naturel et je ne vois aucune bombe à
retardement.
Vous persistez à vouloir porter le débat sur la désaffectation des taxes
autrefois perçues par l'ADEME. Peut-être n'est-il pas inutile de s'expliquer de
nouveau. Je vous dirai simplement que, oui, le Gouvernement a souhaité marquer
un engagement fort de sa politique environnementale en inscrivant, comme il le
fait depuis quelques années maintenant, au sein du budget, les crédits de
l'ADEME.
Je ne reviens pas sur la gestion, qui a fait l'objet de polémiques, y compris
dans certains journaux, voilà plus de six mois. Je crois d'ailleurs qu'il en
avait été question lors de mon audition en commission. Evidemment, l'ADEME a
beaucoup à faire. Elle doit notamment accroître son effort en matière de
maîtrise de l'énergie pour respecter le protocole de Kyoto. Nous avons connu de
bons succès à Bonn, puis à Marrakech. Aussi 152 millions d'euros y seront
consacrés.
La qualité de l'air est une grande préoccupation de nos concitoyens : 106,7
millions d'euros y seront consacrés l'an prochain.
Je termine sur une problématique entre les éoliennes et les oiseaux qui me
tient à coeur et qui ne relève pas d'une politique purement « écolo-écolo ».
(Sourires.)
Figurez-vous qu'on aime les deux, car ce n'est pas
incompatible !
Une directive européenne à laquelle M. Lepeltier, semble porter grand intérêt,
vise à faire couvrir 22 % de la consommation européenne d'électricité par
l'énergie renouvelable. La France est elle-même invitée à faire passer la part
d'électricité d'origine renouvelable d'environ 15 % actuellement à 21 % en
2010. Sur ces 15 %, 14,9 % proviennent de l'hydraulique et 0,1 % - peut-être,
et encore ! - de quelques petites éoliennes par-ci, de quelques petites
photovoltaïques par là, mais c'est epsilonesque.
Au regard des capacités industrielles, c'est l'éolien qui, à court terme,
offre les plus grandes perspectives de croissance du potentiel d'électricité
renouvelable en France. Je n'exclus pas qu'il puisse exister d'autres types
d'électricité renouvelable : peut-être un peu de photovoltaïque, un peu de
micro centrale, mais pas trop, car il faut faire attention aux pêcheurs. Là
aussi, il faut prendre garde à l'éventuel conflit écolo-écolo. Donc, on se
méfie. Comme nous sommes très ouverts au dialogue, nous organisons des groupes
de travail, auxquels participent aussi bien les pêcheurs que les protecteurs
des poissons, aussi bien les ornithologues que les éoliens. Et il n'y a pas de
problème !
J'ai rencontré M. Bougrain Dubourg, que vous connaissez peut-être, qui est un
homme très dynamique. Lui ne pense pas que quelques dizaines, centaines, voire
milliers d'éoliennes, soient un vrai danger. D'autant plus qu'à peu près les
deux tiers de celles-ci seraient
off-shore
, ce qui éviterait tout
problème, même pour les vols d'oiseaux migrateurs. Il peut arriver par ci, par
là, qu'un grand oiseau soit éventuellement touché. Mais, quand ils volent en
formation, ils ne sont jamais atteints.
J'en viens au prix de l'électricité. Vous me demandez, monsieur le rapporteur
spécial, pourquoi nous continuons de produire de l'électricité aussi chère,
alors qu'on peut avoir le kilowatt-heure à 18 centimes, dites-vous. Ce chiffre
correspond, non pas au prix facturé au consommateur final, mais au prix à la
sortie de la centrale nucléaire. Néanmoins, je ne manque pas de poser
régulièrement la question à M. Roussely.
Bien sûr, depuis 1974, depuis le gouvernement Messmer, la France a consenti un
effort considérable pour développer un immense programme électronucléaire
puisque nous y avons consacré 1 500 milliards de francs.
Heureusement qu'on arrive à un kilowat-theure à 18 centimes, sinon on pourrait
s'étonner, après tant d'investissements, de ne pas avoir l'un des meilleurs
résultats de l'Union européenne ! Mais quel était le prix du kilowatt-heure
nucléaire en 1950, ou même en 1973 ? A l'époque, il était très cher. Or, la
politique de la France, c'est la diversification, pour ne pas mettre tous ses
oeufs dans le même panier.
On va donc avoir des arrêtés tarifaires. Celui sur l'énergie éolienne existe
déjà. Il correspond à une véritable diversification, y compris d'ailleurs dans
des perspectives d'exportation. Les Danois, les Espagnols, les Hollandais, les
Allemands, vous le savez, ont maintenant de grandes industries éoliennes. La
France, qui en a les capacités industrielles et intellectuelles, peut faire de
même.
Il faut donc aider au départ, pendant quelques années, avec des tarifs
garantis, cette industrie naissante qui est une sorte de
start up
dans
le domaine de l'énergie électrique renouvelable en attendant de rattraper, au
fur et à mesure, les prix du marché.
Je prends le pari que, si nous soutenons bien ce secteur, qui relève, non pas
du bricolage dominical d'écolo, mais d'un véritable projet industriel, nous
aurons dans vingt ans une grande industrie éolienne et d'autres énergies
renouvelables. Nous serons ainsi compétitifs sur le marché mondial, monsieur le
rapporteur spécial.
M. le président.
La parole est à M. Bizet, rapporteur pour avis.
M. Jean Bizet,
rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, sur le
budget de l'environnement, après avoir rappelé quelques chiffres, je ferai une
remarque d'ordre général avant d'orienter mes questions sur certains aspects
spécifiques des politiques d'intervention du ministère.
Les crédits demandés au titre de l'environnement pour 2002 sont, on le sait,
en progression de 6,3 %.
Mais il convient de souligner que, comme les années précédentes, cette
augmentation résulte pour une large part de la prise en charge de structures
existantes et du renforcement des structures et des moyens de fonctionnement du
ministère.
Les moyens affectés aux politiques environnementales
stricto sensu
ne
bénéficient pas de la même faveur !
Ma remarque d'ordre général portera - pour le regretter - sur le problème
chronique de la sous-consommation des crédits du ministère de l'environnement
mis en évidence par la Cour des comptes.
Comme l'a relevé le rapporteur spécial de la commission des finances, les
reports de crédits de 2000 pourraient atteindre un nouveau record avec un
montant de 513,75 millions d'euros, ce qui représente 72 % du budget 2001 voté
en loi de finances initiale.
Cette sous-consommation concerne principalement les crédits de l'Agence de
l'environnement et de la maîtrise de l'énergie, l'ADEME, mais également ceux du
Fonds national de solidarité pour l'eau, le FNSE, alimenté par des prélèvements
opérés sur les agences de l'eau.
S'agissant de l'ADEME, et comme l'a excellemment dénoncé, M. le rapporteur
spécial en 1999 et 2000, par pur souci d'affichage politique et pour faire «
passer la pilule » de la taxe générale sur les activités polluantes, la TGAP,
les dotations en crédits de paiement ont été largement surévaluées en loi de
finances. Mais n'ont été délégués ensuite, en cours d'année, que les crédits
dont l'Agence avait effectivement besoin.
Le même phénomène se constate sur les dotations au FNSE, le taux de
consommation des crédits étant inférieur à 8,6 % au 1er août 2001.
En outre, la Cour des comptes s'interroge sur la logique qui prévaut dans la
répartition des dépenses entre le budget de l'Etat et le FNSE, allant même
jusqu'à se demander si les actions de solidarité financées par le FNSE ne
devraient pas plutôt relever du budget général.
La commission des affaires économiques, hostile, dès son instauration, au
premier prélèvement sur les agences de l'eau en 1996, ne peut que partager une
telle analyse.
Mais votre rapporteur pour avis, mes chers collègues, souhaiterait également
pointer - pour les dénoncer fortement - les divergences constatées dans les
réponses apportées par le Gouvernement à cette sous-consommation des
crédits.
Dans le cas de l'ADEME, et pour la deuxième année consécutive, les crédits de
paiement diminuent fortement, compte tenu des reports importants. Mais,
s'agissant du FNSE, et malgré l'importance des reports, les crédits sont
augmentés pour 2002.
Il s'agit, il est vrai, dans un cas, du budget de l'Etat et, dans l'autre,
d'un prélèvement « facile » opéré sur les agences de l'eau ; chacun appréciera
ce double langage.
Ainsi, force est de constater, au-delà des critiques formulées à l'encontre
d'une stratégie guidée par le seul souci de l'affichage et traduisant un
rééquilibrage subtil au sein de l'échiquier politique, que l'intérêt général
est loin d'y trouver son compte et que le vote du Parlement sur les dépenses
budgétaires n'a plus guère de sens.
S'agissant des crédits d'intervention du ministère, et plus particulièrement
de la politique de l'eau, je constate que, si les crédits du FNSE augmentent,
les dépenses strictement budgétaires consacrées à la protection de l'eau
diminuent de 23 %, ce qui est regrettable.
A propos des actions menées pour protéger l'eau, je voudrais vous interroger,
monsieur le ministre, sur les conséquences à attendre de la nouvelle
réglementation du programme de maîtrise des pollutions d'origine agricole, le
PMPOA.
Certes, les taux de subvention sont à peu près maintenus, mais le zonage
prioritaire introduit des discriminations entre agriculteurs.
De plus, le champ des travaux subventionnables est modifié dans un sens plus
restrictif.
Plus généralement, monsieur le ministre, et compte tenu des difficultés
majeures que rencontrent les agriculteurs, pensez-vous que ceux-ci aient encore
les moyens et la volonté de s'engager dans une telle démarche ?
Dans le même ordre d'idée, pour améliorer la qualité de l'eau, et c'est un
objectif que je partage, l'application depuis juillet 2001 du deuxième
programme d'action contre les nitrates se traduit par des contraintes
supplémentaires et renforcées, notamment dans les zones vulnérables. Et déjà
s'annoncerait un troisième programme de mesures encore plus contraignantes !
Monsieur le ministre, je ne méconnais pas le bien-fondé de ces politiques
visant à la restauration de la qualité de l'eau, mais ne pensez-vous pas qu'il
faille prendre également en compte la réalité du tissu économique et social de
ce secteur agricole ?
Compte tenu des modifications incessantes de la réglementation et des normes,
certains agriculteurs ayant fait l'effort de se mettre aux normes ne le seront
bientôt plus, et beaucoup d'autres n'ont plus les ressources financières pour
appliquer ces nouvelles mesures.
Ne craignez-vous pas, monsieur le ministre, que l'application de certaines de
ces réglementations entraîne la disparition des exploitations les plus
fragiles, forçant ceux qui veulent survivre à augmenter leur superficie pour
supporter ces coûts supplémentaires, ce qui n'est souhaitable du point de vue
ni de l'aménagement du territoire ni de l'emploi ?
Enfin, à propos de la discussion du projet de loi sur l'eau, j'estime que les
manoeuvres conduites en ce moment au sein de la majorité plurielle peuvent
avoir des conséquences désastreuses sur notre gestion de l'eau en France. Je
suis en effet quasiment convaincu que l'article additionnel adopté à la
sauvette par l'Assemblée nationale dans le cadre du projet de loi de finances
rectificative pour 2001 serait censuré, dans sa rédaction actuelle, par le
Conseil constitutionnel. Vous prenez alors le risque, le Conseil s'étant
reconnu le droit d'examiner la « régularité au regard de la Constitution des
termes d'une loi déjà promulguée », de voir sanctionner l'inconstitutionnalité
de la loi du 16 décembre 1964, qui fonde le système des redevances des agences
de l'eau.
Que se passera-t-il, alors, à compter du 1er janvier 2002 et quelles seront
les bases juridiques du système de financement des agences ? Nous attendons,
monsieur le ministre, des réponses sur ce point précis.
En outre, je constate que les droits du Parlement sont à nouveau bafoués sur
un sujet aussi fondamental et que, ce soir, plus personne ne connaît le contenu
exact du projet de loi qui doit être examiné en janvier prochain. C'est
inacceptable !
S'agissant des dotations consacrées à la protection de la nature, il convient
de souligner, pour le regretter également, que seules les dépenses ordinaires
progressent, alors que les crédits de paiement sur les titres V et VI diminuent
fortement.
En ce qui concerne la mise en place de Natura 2000, le feuilleton judiciaire
se poursuit dans des conditions qui portent gravement atteinte au droit de
propriété.
En effet, on peut légitimement s'inquiéter de ce que le décret du 8 novembre
2001 n'associe en aucune manière à la procédure de désignation des sites les
représentants des professionnels concernés, qu'il s'agisse des agriculteurs,
des forestiers, des chasseurs, des propriétaires ou des exploitants, alors même
que le projet de décret qui avait été transmis lors des débats sur le projet de
loi autorisant le Gouvernement à transposer par ordonnance la directive n°
92/43 « Habitats naturels » le prévoyait expressément.
De plus, aucune mesure de publicité n'accompagne cette procédure, alors même
que la transmission d'une proposition de site susceptible d'être reconnu
d'intérêt communautaire entraîne, dès ce stade, des contraintes de gestion
fortes qui peuvent aller jusqu'à l'interdiction pure et simple d'une activité
économique.
J'en veux pour preuve l'ordonnance du Conseil d'Etat du 9 juillet 2001
suspendant l'application d'un arrêté du 6 février 2001, relatif aux
contingentements de plantations de vignes pour la campagne 2000-2001. Cet
arrêté autorisait la plantation de vignes sur les parcelles situées dans le
Haut-Rhin, incluses dans une liste de sites transmise par l'Etat français et
susceptibles d'être retenues dans le futur réseau Natura 2000 ; il a été
considéré que la plantation de ces vignes impliquant des travaux de
terrassement, ces derniers pourraient faire disparaître la faune et la flore,
de type méditerranéen, caractéristiques des « pelouses calcaires » identifiées
sur ces parcelles et correspondant à des habitats naturels prioritaires.
Il est donc confirmé que les contraintes s'imposent dès le début de la
procédure de désignation des sites, et non pas seulement au stade de la
négociation du contrat d'objectifs et de gestion de la parcelle définitivement
incluse dans le réseau.
La Commission européenne a d'ailleurs déploré récemment que, dans certains
Etats, les propriétaires fonciers et les utilisateurs soient insuffisamment
consultés et informés tout au long du processus de désignation.
Dans ces conditions, monsieur le ministre, que comptez-vous faire pour
remédier à cette situation, et pouvez-vous prendre l'engagement de corriger,
dans les plus brefs délais, le décret « procédure » du 8 novembre 2001 ?
Enfin, vous n'êtes pas sans savoir que la loi du 26 juillet 2000 relative à la
chasse est loin d'avoir favorisé le rétablissement d'un climat apaisé sur un
sujet aussi sensible.
Il est clair que le Gouvernement a échoué dans cette entreprise, faute d'une
réelle concertation avec les chasseurs et faute d'avoir voulu effectivement
faire évoluer la réglementation européenne.
Les contentieux sur les dates de chasse se multiplient, comme par le passé,
qu'il s'agisse de l'ouverture ou de la fermeture de la chasse au gibier d'eau.
Ainsi, l'arrêté du 8 janvier 2001 relatif aux dérogations concernant les dates
de fermeture, pour permettre la chasse en petites quantités de certains
oiseaux, a été annulé par le Conseil d'Etat, le 27 juillet 2001.
Sur ce point précis, que proposez-vous, monsieur le ministre, pour permettre,
en France, l'application de l'article 9 de la directive « Oiseaux » autorisant
expressément ce type de chasse ?
Compte tenu de ces observations et de ces critiques, la commission des
affaires économiques a émis un avis défavorable à l'adoption des crédits
consacrés à l'environnement.
(Applaudissements sur les travées du RPR, de
l'Union centriste et des Républicains et Indépendants.)
M. le président.
La parole est à M. Dupont, rapporteur pour avis.
M. Ambroise Dupont,
rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles.
Monsieur
le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les crédits inscrits
en loi de finances initiale au budget de votre ministère pour 2002 s'élèvent à
plus de 761 millions d'euros - près de 5 milliards de francs - soit une hausse
de 6,3 % par rapport à 2001. Si l'on neutralise l'effet du transfert de
l'Office de protection contre les rayonnements ionisants, l'OPRI, pour
raisonner à périmètre constant elle n'est plus que de 4 %. Elle est en revanche
de 7,4 %, vous venez de nous le dire, monsieur le ministre, si l'on intègre les
amendements déposés par le Gouvernement lors de la discussion en première
lecture et qui traduisent les mesures annoncées par le Premier ministre à la
suite de la catastrophe de Toulouse.
Vous m'avez compris, monsieur le ministre, la progression des crédits de votre
ministère est d'une grandeur quelque peu insaisissable. Mais je vous accorde
que, quel que soit le chiffre que l'on retienne, elle est hors normes, comparée
à la hausse du budget de l'Etat, fixée à 2,2 %.
Cette forte hausse apparaît cependant presque modeste au regard des trois
précédents budgets, qui ont abouti à vous confier, aujourd'hui, une enveloppe
de cinq milliards de francs - 5,5 milliards si l'on y ajoute les crédits du
Fonds national de solidarité pour l'eau, le FNSE - alors que, en 1997 et 1998,
le budget de votre ministère ne s'élevait qu'à 1,8 milliard de francs.
Il a donc plus que doublé en 1999, tout le monde s'en souvient, sous l'effet
de la création de la taxe générale sur les activités polluantes et de
l'inscription au bleu de votre ministère des taxes affectées à l'Agence de
l'environnement et de la maîtrise de l'énergie.
En 2000, les crédits de fonctionnement de votre administration ont crû de 26 %
sous l'effet, en particulier, de la création de la nouvelle direction des
études économiques et de l'évaluation environnementale. La création du Fonds
national de solidarité pour l'eau, doté de 500 millions de francs, est encore
venue grossir les moyens financiers mis à la disposition de votre ministère.
En 2001, le rattachement de l'Institut de protection et de sûreté nucléaire et
de sa dotation - 1,33 milliard de francs - aurait provoqué à nouveau une
nouvelle explosion apparente de vos crédits si celle-ci n'avait pas été
compensée en partie par la contraction très brutale des crédits de l'ADEME,
ramenés de 1,7 milliard de francs en 2000 à 492 millions de francs en 2001.
Celle-ci marquait l'aveu des pathologies d'une croissance artificiellement
dopée. Vous nous en avez dit quelques mots, monsieur le ministre.
Je m'étais alarmé, l'an dernier, de l'augmentation exponentielle des reports
de crédits et de la dégradation des taux de consommation des crédits de
paiement. Ces craintes ont été confirmées par la Cour des comptes dans son
rapport sur l'exécution de la loi de finances pour 2000. Elle a relevé que le
taux de consommation des crédits n'a cessé de se dégrader, passant de 85 % en
1997 à 47 % en 2000 : autrement dit, le ministère a utilisé, cette année-là,
moins de la moitié des crédits qui lui étaient attribués.
Cette situation ne se limite pas à la gestion de l'ADEME, évoquée par mon
collègue Jean Bizet. La Cour des comptes en conclut qu'il s'agit d'un phénomène
très général. Lors de votre audition devant la commission des affaires
culturelles du Sénat - vous nous l'avez redit ce soir -, vous avez estimé que
l'exécution du budget pour 2000 était bonne. En êtes-vous si sûr ? Quelles
assurances pouvez-vous nous donner que le budget de cette année et celui pour
l'année 2002 qui nous est soumis correspondront plus fidèlement au volume des
crédits que vous demandez au Parlement ?
Puis-je souligner qu'un aussi faible taux de consommation des crédits, et son
corollaire, l'ampleur des reports de crédits sur l'exercice suivant, faussent
toute possibilité de contrôle parlementaire ?
Ainsi nous constatons que, dans le projet de budget que vous nous présentez
pour 2002, les crédits de paiement du titre V baissent de 35 % et ceux du titre
VI de 25 %, mais cette forte contraction correspond-elle à une diminution des
moyens de paiement dont vous disposez, à la nécessité d'éponger d'amples
reports de crédits non consommés ou encore à la volonté de mieux ajuster vos
ressources à des besoins naguère surestimés ? Un peu de ces trois
considérations sans doute, mais dans quelles proportions ? C'est en ce sens
aussi, et même surtout, que votre budget est, pour nous, insaisissable.
Monsieur le ministre, je n'entrerai pas dans l'analyse détaillée de votre
budget qu'ont parfaitement réalisée mes collègues Philippe Adnot et Jean Bizet,
dont je partage les conclusions et les questions restées sans réponse,
notamment sur la redevance.
Je centrerai mon propos, cette année, sur le Conservatoire de l'espace
littoral et des rivages lacustres et sur son avenir. Je souhaite connaître les
réflexions que vous inspirent les perspectives tracées par notre collègue Louis
Le Pensec dans le rapport qu'il a rendu au Premier ministre.
Il y brosse un bilan très positif de l'action de ce conservatoire. C'est un
constat qui est, je crois, très généralement partagé. Depuis sa création en
1975, le Conservatoire a acquis 810 kilomètres de côtes, soit 162 000 hectares,
répartis entre 465 sites. Présent sur l'ensemble des côtes françaises, il est
donc devenu un acteur de premier plan dans la politique nationale de protection
de la nature et des sites.
Le Conservatoire, dont la stratégie d'intervention a été validée par le
gouvernement en 1995, s'était fixé comme objectif global l'acquisition, d'ici à
2050, de 200 000 hectares, soit 21 % du linéaire côtier. Ces acquisitions,
complétées par les autres modes de protection existants, devraient permettre
d'atteindre l'objectif du « tiers naturel » ou du « tiers sauvage ». M. Le
Pensec ne remet pas en question cette stratégie et propose même d'accélérer le
rythme des acquisitions pour prendre de vitesse, en quelque sorte, le
renchérissement du coût des terrains. Partagez-vous cette analyse, monsieur le
ministre ? Comment conviendrait-il, selon vous, de réactualiser cet objectif ?
Quelles en seraient les implications financières pour l'Etat ?
Le rapport souligne également l'intérêt d'enrichir les missions du
Conservatoire, de façon à lui confier un rôle central dans la gestion du
littoral : son champ d'intervention devrait, non pas se borner à la frange
terrestre, mais s'étendre à certains points du domaine maritime. Le
Conservatoire devrait être consulté lors de l'élaboration de certains documents
d'aménagement du territoire ou d'urbanisme, comme les schémas de mise en valeur
de la mer ou les schémas de cohérence territoriale. Enfin, on pourrait aussi
lui confier ponctuellement le rôle d'opérateur pour la mise en oeuvre de
programmes nationaux ou communautaires, comme
Life
ou Natura 2000.
Votre ministère envisagerait-il favorablement cette extension du rôle du
Conservatoire ? Quel serait, en ce domaine, le point de vue des autres
administrations concernées ?
J'en viens au coeur des propositions formulées par le rapport. Celui-ci part
du constat que le Conservatoire du littoral, dont le patrimoine s'est
considérablement étendu, n'a plus les moyens d'assurer pleinement ses
responsabilités de propriétaire. Il observe également que le partenariat
fructueux tissé avec les collectivités territoriales, et particulièrement les
communes, présente des limites et des faiblesses.
Il propose, en conséquence, de confier à des structures intermédiaires toute
une série de compétences allant de la mise en oeuvre du programme d'aménagement
et du dispositif conventionnel à la maîtrise d'ouvrage des travaux et au suivi
de gestion. Ces structures intermédiaires auraient le statut d'établissement
public de l'Etat à compétence territoriale limitée. Il s'agirait là d'une
nouvelle catégorie d'établissement public que, je le souligne, seule une loi
pourrait créer. Ces établissements seraient placés sous la tutelle du
Conservatoire du littoral, qui jouerait le rôle de tête de réseau, et ils
seraient dirigés par des conseils d'administration composés d'élus locaux, les
conseils de rivages.
C'est une proposition intéressante, qui mérite examen et sur laquelle nous
souhaiterions, monsieur le ministre, connaître le point de vue de votre
ministère.
Enfin, notre collègue Louis Le Pensec prône un renforcement significatif des
moyens du Conservatoire du littoral, puisqu'il suggère le doublement, d'ici à
2005, des moyens humains et de la subvention versée par l'Etat. J'ai relevé
que, dans le projet de budget pour 2002 de votre ministère, les crédits versés
au Conservatoire du littoral augmentaient de 7 %, que cette hausse concernait
principalement les crédits de fonctionnement, permettant en particulier la
création de quinze emplois non budgétaires, et que les crédits d'investissement
n'enregistraient qu'une hausse nominale de 0,3 %.
Devons-nous considérer ces mesures, appréciables, comme des mesures
ponctuelles ou bien comme l'amorce encore timide du renforcement des moyens du
Conservatoire du littoral préconisé par M. Le Pensec ?
S'il est indispensable de renforcer les moyens de fonctionnement du
Conservatoire du littoral, il convient également de réfléchir à l'adaptation de
ses moyens d'investissement. Cette réflexion doit porter non seulement sur
l'évolution des enveloppes financières consacrées chaque année à la politique
d'acquisition foncière, mais également sur les assouplissements qu'il convient
d'apporter au système.
L'achat, cette année, du site remarquable des Salins d'Hyères montre que la
politique d'achat du Conservatoire du littoral peut, au gré des opportunités
qui se présentent, être soumise à de brusques à-coups. L'attitude compréhensive
du ministère de l'environnement, du ministère de l'économie, des finances et de
l'industrie, ainsi que l'aide de la région Provence-Alpes-Côte-d'Azur et de
l'agence de l'eau Rhône-Méditerranée-Corse ont ponctuellement permis de faire
face à cette lourde dépense. Mais ne pensez-vous pas qu'une réflexion est
aujourd'hui nécessaire pour adapter le système actuel aux fluctuations
inévitables de la politique d'achat ?
Soyez certain, monsieur le ministre, que le Sénat et la commission des
affaires culturelles, qui portent depuis longtemps un vif intérêt au
Conservatoire du littoral, seront très attentifs aux réflexions que vous nous
communiquerez.
Cependant, par-delà la question du Conservatoire du littoral, les observations
que nous avons été amenés à faire, tant sur l'exécution des précédents budgets,
dont vous n'aviez pas la responsabilité, que sur le projet de budget pour 2002,
rejoignent les conclusions de nos collègues de la commission des finances et
celles des affaires économiques. C'est pourquoi la commission des affaires
culturelles a émis un avis défavorable à l'adoption des crédits du ministère de
l'environnement.
(Applaudissements sur les travées des Républicains et
Indépendants.)
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Yves Cochet,
ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.
M. Bizet
m'a interrogé sur le programme de maîtrise des pollutions d'origine agricole.
J'y suis particulièrement sensible pour avoir vécu plus de cinquante ans en
Bretagne. Les problèmes de cette région sont réels et ils ne sont pas encore
résolus : vous avez peut-être lu la page qui y est consacrée dans un journal du
soir aujourd'hui. Il faut donc essayer d'améliorer la situation.
Ce programme a fait l'objet, en 1993, d'un accord entre différents ministères
et les organisations professionnelles. Son volet « élevage » repose sur
l'attribution d'aides financières, à hauteur de 60 % du montant des projets,
financées par les agences de l'eau, l'Etat et les collectivités locales, au
profit des éleveurs afin qu'ils réalisent les améliorations nécessaires à la
maîtrise des pollutions de leur exploitation.
Ce que l'on appelle le PMPOA n° 1, qui est en phase d'achèvement, n'a pas
produit les efforts escomptés, nous l'avons tous constaté, du fait, entre
autres, de la fiscalité, de la dérive des coûts, de la faible application du
principe pollueur-payeur ou non-pollueur - non-payeur - le principe vaut dans
les deux sens - et d'une efficacité environnementale très limitée, comme la
presse s'en fait l'écho aujourd'hui.
Dès lors, le programme a été profondément réorienté pour être élargi aux plus
petites exploitations situées dans les zones prioritaires et son assise
juridique a été confortée. A l'issue de nombreuses conversations, débats,
rencontres et réunions, la Commission européenne vient d'approuver les
propositions du nouveau dispositif en fixant les conditions suivantes que je
vais vous détailler.
Premièrement, l'attribution des aides d'Etat à un taux de 60 % ne devra pas
être poursuivie au-delà de 2006, c'est-à-dire à la fin du PMPOA n° 2.
M. Jean Bizet,
rapporteur pour avis.
C'est court, monsieur le ministre !
M. Yves Cochet,
ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.
Uniquement
dans les zones vulnérables, monsieur le rapporteur !
Deuxièmement, pour être éligibles, les éleveurs souhaitant adhérer au
programme devront se manifester avant le 31 décembre 2002 ; ils ont donc encore
plus d'un an pour le faire. Et ceux qui sont situés en zone vulnérable devront
respecter, à cette date, les exigences minimales au titre de la directive «
nitrates » qui ne nécessitent pas d'investissement particulier, à savoir,
l'élaboration d'un plan de fumure prévisionnel, la tenue à jour d'un cahier
d'épandage et le respect du plafond d'apport organique fixé par la directive «
nitrates » à 170 kilogrammes de nitrates par hectare et par an.
Enfin, troisièmement, 80 % des financements nationaux du programme doivent
être affectés dans les zones vulnérables.
Les textes réglementaires définissant les modalités de mise en oeuvre du
nouveau dispositif seront prochainement signés par les ministres concernés. Le
décret est en cours de signature.
Afin d'assurer une transition avec l'ancien dispositif, les élevages de plus
de 90 unités de gros bétail continueront d'être éligibles sur l'ensemble du
territoire, tandis que les élevages situés en zone prioritaire seront éligibles
aux aides, indépendamment de leur taille.
Les préfets de région devront délimiter les zones d'actions prioritaires après
avis du conseil d'administration de l'agence de l'eau.
Le coût du nouveau programme - c'est une fourchette assez large sur six ans -
est estimé entre 6 milliards et 10 milliards de francs en fonction du taux
d'adhésion des éleveurs éligibles et du coût moyen des travaux.
Je ne doute pas que les éleveurs auront à coeur de se mettre aux normes et, en
conséquence, d'utiliser cette faculté de percevoir des aides publiques pour ce
faire.
Vous m'avez également interrogé sur le dossier Natura 2000. C'est le grand
point d'interrogation ! Mais nous avons beaucoup travaillé avec la Commission
européenne et même récemment avec M. Barnier, car ce dossier a fait l'objet de
trop nombreux contentieux aussi bien communautaires que nationaux.
M. Jean Bizet,
rapporteur pour avis.
Il reste beaucoup à faire, monsieur le ministre
!
M. Yves Cochet,
ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.
Effectivement ! J'ai rencontré par deux fois l'ensemble des préfets et je leur
ai demandé de presser le pas, tout en instaurant une concertation la plus large
possible, mais en « défragilisant » les dispositions du décret de 1995, je
n'ose pas dire le « décret Barnier », parce que c'est le même commissaire
Barnier que nous avons revu récemment et avec lequel nous avons eu une
conversation très ferme, mais très franche. Je vous rappelle que lui-même a été
très ferme à propos de la Wallonie.
M. Barnier a prévu une sorte d'épée de Damoclès. En effet, il nous a dit : si
vous ne transmettez pas le dossier, on va tout simplement suspendre, voire
supprimer les fonds structurels. Il faut donc agir dans de bonnes conditions de
concertation.
Dès lors, il nous fallait disposer de textes qui garantissent une sécurité
juridique et qui soient en même temps opérationnel, de manière que le réseau
Natura 2000 puisse être mis en oeuvre le plus rapidement possible. Ces
dispositifs ont été agréés et examinés par le Conseil d'Etat pour éviter de
trop nombreux contentieux. Comme je vous l'ai dit, le commissaire Barnier a été
clair : si on n'exécutait pas nos obligations, des sanctions pourraient être
prises, à savoir la suspension des fonds structurels.
Le décret relatif à la procédure de désignation des sites Natura 2000, qui a
été publié le 9 novembre 2001, est le strict reflet de la volonté du
législateur telle qu'elle a été exprimée dans la loi d'habilitation du 3
janvier 2001 et reprise dans l'ordonnance du 11 avril 2001.
En ce sens, il conforte le rôle essentiel des collectivités locales et des
établissements publics de coopération intercommunale dans la désignation des
sites et précise le statut juridique de ces derniers sites, afin de permettre
aux différents acteurs de mettre en oeuvre, de façon sûre et pérenne, la
gestion contractuelle des milieux naturels et des espèces pour lesquels ces
sites sont désignés. Il prévoit également la motivation de ces avis ainsi que
de la proposition du préfet au ministre s'il s'en écarte.
Ce décret sera suivi très prochainement - dans quelques jours - d'un deuxième
décret relatif à la gestion des sites - documents d'objectifs et contrats
Natura 2000 - et à l'évaluation des incidences des programmes ou projets
susceptibles d'affecter des sites Natura 2000 - contenu et champ d'application.
Ces sujets ont fait l'objet d'une large concertation, au sein notamment du
Comité national de suivi Natura 2000.
Dans certaines de nos campagnes, j'ai entendu des gens fantasmer : « On ne
pourra plus chasser ! On ne pourra plus construire ! » Il ne s'agit pas de
créer des musées ! Ce que nous voulons, c'est protéger certaines espèces et
certains espaces, et non pas faire de ces sites des « espaces mis sous cloche
».
La priorité donnée aux mesures de gestion contractuelles a été clairement
reprise, notamment pour les agriculteurs, dans le cadre du contrat territorial
d'exploitation, le CTE. Il s'agit, là encore, d'une invention de M. Le Pensec,
dont on va reparler bientôt.
Les mesures réglementaires à mettre en oeuvre le cas échéant dans les sites
selon les régimes existants - les réserves, les parcs... - feront l'objet d'une
concertation dans le cadre du document d'objectifs.
Aucun régime d'autorisation spécifique aux sites Natura 2000 n'a été créé. Dès
lors, un régime de publicité foncière n'apparaît plus nécessaire. De plus, il a
été précisé que les activités piscicoles, la chasse - je tiens à dissiper les
fantasmes à cet égard - et les autres activités cynégétiques, pratiquées
évidemment dans les conditions et sur les territoires autorisés par les lois,
ne constituent pas des activités perturbantes ou ayant de tels effets.
Vous m'avez également interrogé sur la chasse, monsieur le rapporteur pour
avis.
Bien sûr, il y a l'actualité ! Nous nous préparons dans de bonnes conditions,
notamment parce que nous n'avons aucune volonté, par je ne sais quelle
étroitesse mentale ou par dogmatisme, de ne pas nous entendre à la fois avec
les associations de protection de la nature et avec les chasseurs.
Dominique Voynet a eu le courage de transcrire en droit français une directive
qui datait d'une vingtaine d'années. Depuis une quinzaine de mois, c'est fait !
Il existe maintenant une loi. Mais cela ne suffit pas, parce que, notamment
pour le gibier d'eau, se pose encore un problème qu'il nous faut régler.
La situation est la suivante : le décret du 1er août 2000, qui prévoyait des
dates d'ouverture et de fermeture de la chasse au gibier d'eau échelonnées
selon les espèces, les zones et les départements du 10 août au 1er septembre
pour l'ouverture et du 31 janvier au 20 février pour la fermeture, a été soumis
au Conseil d'Etat. Nous pensions que celui-ci allait se réunir voilà une
dizaine de jours et qu'il aurait émis un avis sur ce point. Tel n'a pas été le
cas ! Finalement, il rendra son avis au cours de la seconde quinzaine du mois
de janvier.
Cependant, plusieurs arrêtés préfectoraux fixant les dates d'ouverture et de
fermeture de la chasse au gibier d'eau dans les départements, pris sur le
fondement du décret du 1er août 2000, ont été suspendus par les tribunaux
administratifs à la demande d'associations de protection de la nature, pour
non-conformité des dates qu'ils fixaient - donc du décret - avec la directive «
Oiseaux » du 2 avril 1979.
Je ne peux évidemment pas préjuger les conclusions du Conseil d'Etat, mais
nous examinons actuellement la mise en oeuvre d'un nouveau dispositif qui
permettrait aux chasseurs d'exercer leur loisir dans des conditions
juridiquement acceptables au regard du droit communautaire et du droit national
et qui prendrait en compte les intérêts des uns et des autres. Bien entendu, un
arbitrage interviendra lorsque ces intérêts seront contradictoires.
Ce dispositif sera soumis à la concertation, et je dois rencontrer la semaine
prochaine les présidents des fédérations et organismes concernés afin qu'on
puisse aboutir à un consensus, mot que je n'hésite pas à employer parce que je
suis ambitieux et parce que, dans leur immense majorité, les chasseurs sont
raisonnables, de même que les protecteurs de la nature, et notamment des
oiseaux.
Je crois donc que nous allons aboutir à un consensus et nous prendrons ensuite
des décisions - des décrets, des arrêtés - qui seront discutées avec tous les
intéressés, c'est-à-dire les associations ornithologiques et les chasseurs
eux-mêmes, à condition toutefois que tous acceptent de discuter ensemble.
J'ai personnellement bon espoir et j'ai même reçu des garanties du
milieu associatif. Vous connaissez M. Bougrain-Dubourg que j'ai déjà cité. De
même, je rencontrerai la semaine prochaine M. de Ponchalon. J'essaierai de les
réunir la semaine suivante, avant Noël, afin que la date du 31 janvier prochain
ne soit plus une échéance dramatique.
En ce qui concerne le Conservatoire de l'espace littoral, vous avez souligné,
monsieur Dupont, l'excellence et l'ambition du rapport de M. Louis Le Pensec,
qui a été remis le 20 juillet dernier à M. le Premier ministre.
Le Conservatoire a acquis depuis sa création, voilà vingt-six ans, 62 000
hectares, 831 kilomètres de rivages et 465 sites préservés dans leur richesse
naturelle et leur beauté. L'objectif est d'atteindre le plus rapidement
possible, peut-être même avant 2050, 200 000 hectares, soit un tiers du
littoral. La pertinence de cet objectif a été réaffirmée par M. Le Pensec et je
suis tout à fait d'accord.
Les secteurs d'intervention prioritaires font l'objet d'acquisitions, le plus
souvent dans le cadre des zones de préemption des espaces naturels sensibles
délimitées par les départements. Ces interventions progressives, souvent
négociées à l'amiable, devraient permettre le maintien du « tiers naturel » des
côtes françaises. Nous avons même essayé d'appliquer le principe en Corse. Le
débat a été enrichissant et vos collègues de l'Assemblée nationale ont pris, à
cet égard, une décision tout à fait intéressante.
La restauration des côtes françaises et leur ouverture au public, dans la
limite de leur bonne conservation, sont de nature à permettre un aménagement
équilibré des rivages français.
M. Le Pensec a réaffirmé que la préservation durable du littoral français
passe par la maîtrise du foncier et l'intervention publique. L'objectif
ambitieux de 200 000 hectares doit être maintenu. Un effort particulier est en
cours et un travail est réalisé afin de clarifier le rôle du Conservatoire,
propriétaire, et celui des collectivités locales, gestionnaires.
Le rapport Le Pensec a aussi mis l'accent sur la nécessité de faciliter
l'intervention du Conservatoire et sa cohérence, notamment en prévoyant une
coordination entre la gestion de la partie terrestre, propriété du
Conservatoire, et le domaine public maritime. Ces orientations s'inscrivent
dans le cadre de la gestion intégrée des zones côtières préconisée par l'Union
européenne.
L'année 2001 est ainsi marquée par l'intervention du Conservatoire sur les
anciens Salins d'Hyères, qui recouvrent 900 hectares. Il a fallu du temps pour
parvenir à une décision, car il s'agit d'une opération très coûteuse, même si
la région PACA a consenti - et je l'en remercie - une sorte de prêt-relais.
La décision est intervenue assez récemment. Cette intervention sur les Salins
d'Hyères est nécessaire, et elle est nécessaire maintenant, sinon le site sera
perdu, d'autant qu'il attire les touristes.
Pour 2002, les moyens du Conservatoire ont été renforcés puisque sa dotation
budgétaire a été augmentée de 21 % et que dix-sept emplois ont été créés, dont
deux permettront de mettre en oeuvre des mesures de résorption de l'emploi
précaire. Sur les quatre dernières années, les effectifs du Conservatoire
auront augmenté de 40 %. Mais, comme le dit dans son rapport M. Le Pensec, il
faut encore aller plus loin.
Des solutions seront proposées aux emplois-jeunes, qui pourront s'inscrire
dans le cadre des plans de résorption de l'emploi précaire ou bénéficier
d'aides à la formation leur permettant de passer des concours.
Le renforcement des moyens humains est donc en cours. Il devra être poursuivi
et permettra de régulariser la situation par intégration progressive des
personnels au statut précaire.
Enfin, une collaboration s'est établie avec les services du ministère de
l'économie et des finances sur les points précis que sont la récupération d'une
partie de la TVA sur les travaux ou la péréquation des ressources entre les
communes soucieuses de préserver leurs espaces naturels et les autres.
Les arbitrages n'ont pas encore été rendus, mais je suis comme vous très
attentif à la prise en compte effective de ces diverses propositions.
M. le président.
Nous passons aux questions.
Je rappelle que chaque intervenant dispose de cinq minutes maximum pour sa
question, que le ministre dispose de trois minutes pour répondre et que
l'orateur dispose d'un droit de réplique de deux minutes maximum.
La parole est à M. Soulage.
M. Daniel Soulage.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, en 1992, la
loi sur les déchets a imposé aux collectivités locales de moderniser la gestion
de leurs déchets d'ici à 2002. Les collectivités locales, conscientes des
enjeux, se sont donc largement impliquées, et des dizaines de milliards de
francs d'investissement ont été consacrés à la politique de modernisation de la
gestion des déchets. Parallèlement, l'Etat a mis en place des soutiens à
l'investissement gérés par l'ADEME, et a permis la création d'organismes tels
que Eco-Emballages ou Adelphe.
Dix ans plus tard, tout en reconnaissant le succès de cette loi, mais face à
une production sans cesse croissante des déchets, il est nécessaire de repenser
notre politique d'amélioration de la gestion de déchets, tout en intégrant les
mesures apportées par la loi sur l'intercommunalité de 1999.
C'est pourquoi, monsieur le ministre, je souhaiterais connaître votre position
sur quelques points.
Tout d'abord, quel est le territoire pertinent pour l'élimination des déchets
?
La loi du 12 juillet 1999, en distinguant les deux activités de traitement et
de collecte, pose le principe du territoire pertinent. Compte tenu de
l'importance des investissements et des enjeux financiers, sociaux,
environnementaux, la planification est une nécessité. Or, aujourd'hui, les
plans figent les limites administratives à l'échelon départemental. Le choix de
la loi de 1992 était de se limiter au territoire départemental, mais, avec le
choix de l'intercommunalité, le département est-il, dans tous les cas, le
territoire le plus adapté ?
En relation toujours avec la loi de 1999, monsieur le ministre, je voudrais
vous soumettre le problème de la compétence de la collecte et de celle du
traitement. Les EPCI règlent souvent les problèmes de collecte, et il est, du
moins en milieu rural, souvent indispensable de se regrouper pour réaliser le
traitement, qu'il s'agisse d'enfouissement ou d'incinération.
Monsieur le ministre, les opérations de compostage étant liées à la collecte
des déchets verts et à un territoire, ne serait-il pas plus opportun de lier
cette activité à la compétence collecte ou, mieux, de laisser le libre choix au
niveau départemental ?
Il en est de même en ce qui concerne le tri.
Cela permettrait, me semble-t-il, de mieux prendre en compte les structures
locales, d'être plus efficace et de diminuer les coûts et la pollution liés au
transport. Je souhaite, monsieur le ministre, que vous me donniez votre
sentiment sur ce sujet.
Autre problème consécutif à cette loi : les communes ou groupements de
communes doivent unifier le mode de financement sur leur territoire avant le 15
octobre 2002. L'objectif, on le comprend, est de rationaliser et de sécuriser
le système de financement par le regroupement des moyens, mais cette date
butoir commence à être une source d'angoisse pour nombre d'élus. N'est-il pas
possible de reculer cette date afin que les communes puissent réfléchir en
toute sérénité au mode de financement idéal compte tenu de leur situation ?
De même, ne faut-il pas remettre en question et moderniser le financement aval
des déchets ?
Aujourd'hui, les collectivités collectent et traitent des déchets ménagers et
assimilés qui ne sont pas dans le champ des ressources des services de collecte
et de traitement. Ainsi, les commerçants, les artisans et les administrations
ne contribuent pas à ces services, sauf si la redevance d'enlèvement des
ordures ménagères - la REOM - est instituée ou lorsque les collectivités ont
retenu la redevance spéciale.
Cependant, dans la pratique, cette redevance spéciale est peu appliquée,
notamment parce qu'il est difficile de définir la frontière entre déchets
ménagers et déchets commerciaux. Que proposerez-vous afin que les producteurs
de déchets commerciaux, industriels et artisanaux contribuent équitablement aux
frais d'élimination de ces déchets ?
Puisque j'ai abordé le financement aval, je ne peux oublier le financement
amont. C'est la loi de 1992 qui a contribué à la première mise en place d'un
financement amont lors de l'acte d'achat. Aujourd'hui, en 2001, ne peut-on pas
penser à consolider cette loi, particulièrement sur l'extension du financement
amont limité aux seuls emballages ? L'usager et le contribuable ne doivent pas
être les seuls à supporter les coûts de collecte et de traitement des
déchets.
Enfin, la législation communautaire a contribué à la mise en place de filières
de valorisation et d'élimination dédiées, dont la responsabilité incombe au
producteur des biens mis sur le marché. Ces filières ont cependant
l'inconvénient de multiplier les systèmes de collecte et d'augmenter les coûts
pour un résultat mitigé. Ne vaudrait-il pas mieux fixer des objectifs de
recyclage par famille de matériaux - emballages, véhicules en fin de vie,
piles, etc. -, dont la gestion serait assurée par un organisme distinct créé
sur le modèle d'Eco-Emballage ?
Enfin, le système d'aides de l'ADEME est en place jusqu'au 30 juin 2002.
Sachant que ces aides avaient une importance majeure pour les collectivités
locales, qu'adviendra-t-il après cette date ?
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Yves Cochet,
ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.
Je
m'attendais à ce que vous ne me posiez qu'une seule question, monsieur le
sénateur, mais vous m'en avez posé sept !
(Sourires.)
Comme je dispose de deux minutes de moins que vous, je ne
vous répondrait que sur deux points, qui sont tout de même les plus importants
: d'une part, les territoires, d'autre part, puisque nous sommes dans le cadre
de la discussion budgétaire, les aspects financiers de la collecte des
déchets.
Le département est-il le territoire le plus adapté pour l'élimination des
déchets ? C'est en tout cas l'échelon qui a été retenu et Mme Voynet l'a
confirmé en avril 1998 dans une circulaire réaffirmant le caractère
volontariste de la politique de traitement des déchets ménagers.
En avril 1998, on était à peu près à mi-parcours entre la loi de 1992 et
l'échéance de 2002, et c'est la raison pour laquelle Mme Voymet a tenu a
rappelé les orientations en matière de collectes sélectives, de taux de
récupération, de revalorisation, etc. Elle a bien fait puisque les deux tiers,
voire les trois quarts des départements ont révisé leurs plans départementaux.
Cette circulaire a donc donné une impulsion.
Il n'en reste pas moins qu'une coordination interdépartementale peut être
nécessaire, mais cela ne se fait évidemment pas sans difficulté. Je pense par
exemple à l'Ile-de-France, non pas parce que nous nous y trouvons mais parce
que Paris est dans une situation particulière et a du mal à gérer ses propres
déchets. C'est évidemment la ville qui génère le plus de déchets, mais elle a
peu d'espace pour les traiter. La nécessité de la coordination
interdépartementale est, là, évidente.
Il faudrait engager une réflexion. Après tout, les conseils généraux ne
pourraient-ils pas s'en saisir aussi ?
M. Philippe Adnot,
rapporteur spécial.
Ils le peuvent !
M. Yves Cochet,
ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.
Mais ils
le font rarement.
M. Ambroise Dupont,
rapporteur pour avis.
En effet !
M. Yves Cochet,
ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.
Il faut
bien dire que cela inquiète tous les élus, notamment les maires, et les
établissements publics intercommunaux. On le comprend puisque l'échéance est en
2002.
Il est vrai que de nombreux investissements sont réalisés. Les communes ont
été amenées la plupart du temps à transférer les compétences en matière de
traitement des déchets à des structures intercommunales, dont la taille était
plus pertinente s'agissant d'investissements de type industriel, représentant
une lourde charge financière. Bien entendu, cela a engendré des situations
assez complexes, la collecte et le traitement des déchets étant parfois confiés
à deux établissements publics de coopération intercommunale différents.
Vous avez évoqué, monsieur le sénateur, la loi de juillet 1999 relative au
renforcement et à la simplification de la coopération intercommunale qui a
rationalisé les périmètres et instauré des modalités de financement de
l'élimination et de la valorisation des ordures ménagères. L'application de
cette loi relève du ministère de l'intérieur, mais les modalités du transfert
de compétences aux EPCI ont été clarifiées.
En effet, seule la compétence globale, recouvrant à la fois la collecte et le
traitement, ou le traitement peuvent faire l'objet d'un transfert : il n'est
plus possible de transférer à deux organismes distincts l'une et l'autre de ces
compétences. En outre, il n'est plus non plus possible de transférer la
compétence relative à la seule collecte. Enfin, le financement doit, à terme,
être uniforme au sein d'un même périmètre intercommunal, ce qui constitue une
tentative de rationalisation.
D'une manière générale, le suivi et la qualité du service public d'élimination
des déchets ménagers et assimilés, le contrôle de l'évolution des coûts et de
leurs modalités de financement tant par les ménages que par les autres
bénéficiaires du service public représentent évidemment une préoccupation
extrêmement forte du ministère, ainsi que de l'ADEME. C'est pourquoi nous avons
créé, le 5 juillet 2001, le conseil national des déchets, qui se réunira
prochainement et s'attachera à nous faire au plus vite des propositions pour
l'année 2002, ainsi que, dans une optique plus prospective, pour la période
2002-2012.
M. Daniel Soulage.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Soulage.
M. Daniel Soulage.
J'ai bien compris que les compétences en matière de collecte et d'élimination
des ordures ménagères sont clairement définies et que le tri et le compostage
relèvent de la compétence « traitement ».
Cela étant, je voudrais simplement souligner, monsieur le ministre, qu'un
certain nombre de problèmes se posent parfois, notamment en cas de transfert
des compétences en cascade et non en étoile. Je n'entrerai pas dans ce débat,
mais je pense qu'il aurait été beaucoup plus opportun de traiter le problème du
compostage, où des masses d'eau importantes sont en jeu, à l'échelon par
exemple des syndicats d'arrondissement.
En outre, dans ma région, un certain nombre de centres de tri faisant
largement appel à du personnel en stage d'insertion professionnelle ont été
constitués sous une forme associative. Or le transfert des compétences à un
syndicat départemental complique terriblement, voire empêche, le recours à ce
genre de formule. A l'échelon européen, il me semble que le tri est associé à
la collecte. Par conséquent les modalités de répartition des compétences ne
devraient pas être fixées de façon aussi absolue : un peu d'huile dans les
rouages serait bienvenue !
M. le président.
La parole est à M. Lepeltier.
M. Serge Lepeltier.
Monsieur le ministre, je viens de remettre à la délégation du Sénat pour la
planification un rapport sur les nuisances de l'automobile : vous ne serez donc
pas étonné que ma question porte sur la pollution automobile et sur la
nécessité d'accélérer le développement des voitures à énergie propre.
Je voudrais tout d'abord souligner que le dispositif présenté dans le projet
de loi de finances - je parle naturellement du crédit d'impôt - n'est pas à la
hauteur de l'enjeu, et ce pour trois raisons.
En premier lieu, son montant, qui est de 10 000 francs, est largement
insuffisant. On sait bien, en effet, que le surcoût d'une voiture à énergie
propre est nettement supérieur, et l'on ne peut pas demander aux Français
d'être vertueux d'un point de vue à la fois écologique - utiliser une voiture à
énergie propre implique un certain nombre de contraintes - et financier.
En deuxième lieu, l'indemnisation de 5 000 francs qui est prévue dans le
projet de loi de finances pour les automobilistes qui feront détruire un
véhicule vieux de plus de dix ans est, à mon sens, inefficace. En effet,
lorsque l'on vise deux objectifs à la fois, on prend le risque de n'en
atteindre aucun. Comment imaginer que des personnes possédant une voiture très
ancienne auront subitement les moyens d'acheter une voiture à énergie
propre, dont le prix est plus élevé que celui d'une voiture traditionnelle ?
En troisième lieu, le dispositif est mal ciblé, car il ne concerne pas
exclusivement les véhicules émettant peu de gaz à effet de serre. Or,
aujourd'hui, la question la plus grave en matière d'environnement, comme je
l'indique d'ailleurs dans mon rapport, est celle des gaz à effet de serre et du
réchauffement climatique, puisque le problème de la pollution de l'air est en
voie d'être résolu de par la conception des véhicules actuellement
construits.
Ce dont nous avons besoin, en matière fiscale, c'est d'un système à la fois
volontariste et simplifié. Dans le rapport adopté par la délégation du Sénat
pour la planification, je suggère à cette fin la création de deux primes
fondées chacune sur un seul critère : une prime au rebut et une prime ou crédit
d'impôt à la voiture propre majorée.
Nous avons estimé que le montant de la première prime devrait atteindre 5 000
francs pour la mise au rebut de véhicules de plus de dix ans, sans que soit
prévu aucun autre critère d'attribution. L'objectif est de rajeunir le parc. Si
l'âge moyen des véhicules est aujourd'hui de sept ans et demi, des voitures
très anciennes, quelquefois vieilles de plus de vingt ans, circulent encore :
ce sont elles qui polluent, 20 % des véhicules étant responsables de 60 % de la
pollution de l'air. Ainsi, un véhicule construit voilà quinze ans pollue
davantage que vingt véhicules neufs ; l'objectif est donc d'éliminer du parc le
maximum de vieux véhicules.
Par ailleurs, il faut inscrire cette prime dans la durée, pour limiter l'effet
d'anticipation, qui avait pu jouer pour des primes mises en place dans le
passé.
En ce qui concerne la prime ou crédit d'impôt à la voiture propre majorée,
nous reprenons en quelque sorte le principe de la prime de 10 000 francs, qui
était toutefois largement insuffisante. Cette prime vaudrait aussi bien pour
les particuliers que pour les entreprises, ce qui signifie que les flottes
captives, notamment les flottes d'entreprise, seraient concernées. Ce point est
très important, car l'utilisation de petits véhicules de livraison se développe
de plus en plus en ville, pour les besoins du commerce. Par conséquent, la
question de l'autonomie se pose beaucoup moins, ce qui permet de recourir à
l'énergie électrique.
En outre, cette prime serait octroyée pour les véhicules émettant le moins de
gaz à effet de serre, puisque les véhicules neufs, je le répète, n'engendrent
presque plus aucune pollution chimique de l'air. La prime concernerait donc des
véhicules fonctionnant à l'électricité, avec des moteurs hybrides, au gaz
naturel de ville, le GNV, qui ne propulse pour l'heure que des flottes
d'entreprise, ou, à terme, équipés d'une pile à combustible.
Monsieur le ministre, que pensez-vous de ces propositions ? Ne croyez-vous pas
qu'elles nous permettraient de nous engager, si elles étaient appliquées, sur
la voie de l'abandon du pétrole, option indispensable pour prévenir le
réchauffement climatique, conformément aux objectifs de la lutte contre les gaz
à effet de serre et du plan national qui avait été adopté à ce titre en 1999
?
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Yves Cochet,
ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.
Monsieur
le sénateur, vos questions sont très pertinentes, car vous connaissez bien les
problèmes que vous évoquez. Vos propositions sont intéressantes et recoupent
d'ailleurs l'action du Gouvernement, qui a d'ailleurs en partie été inspirée
par les débats parlementaires qui se sont tenus ces dernières années sur des
thèmes environnementaux, auxquels ont participé certains d'entre vous,
mesdames, messieurs les sénateurs, siégeant à droite comme à gauche de
l'hémicycle. Je me souviens, à ce propos, que M. Jégou et moi-même avions des
opinions assez convergentes sur ce point précis.
Le Gouvernement a choisi d'instaurer en 2002 un crédit d'impôt de 2 500 francs
pour l'achat d'un véhicule fonctionnant au GPL ou au gaz naturel ou d'un
cyclomoteur électrique. Ce crédit d'impôt est porté à 15 000 francs en cas de
destruction d'une voiture ayant été immatriculée avant le 1er janvier 1992,
donc vieille de plus de dix ans.
Nous avons également prévu des aides à l'achat d'autobus roulant au gaz, ainsi
que la prorogation du dispositif visant à inciter à l'acquisition de véhicules
électriques neufs.
Ces mesures étant nouvelles, nous ne pouvons bien sûr mesurer leur efficacité.
Cela étant, certaines personnes m'ont dit qu'elles s'étaient adressées, après
le 1er janvier 2001, à des constructeurs français pour acheter un véhicule
fonctionnant par exemple au GPL. Or elles ont rencontré des difficultés dans
leur démarche, car nos constructeurs n'avaient peut-être pas encore compris que
leur intérêt était de proposer ce type de véhicules mixtes à bicarburation dans
l'ensemble de leurs gammes. Ils ont réagi depuis, et les acheteurs auront
peut-être plus de chance en 2002 !
Par ailleurs, vous avez avancé une autre proposition, monsieur le sénateur,
visant à la création d'une simple prime à l'achat de véhicule. Cette
suggestion, qui a eu un certain retentissement dans la presse, me fait penser
aux « balladurettes » ou aux « jupettes » de naguère.
A cet égard, d'un point de vue politique, je m'étonne toujours que des
personnes défendant une vision libérale de l'économie puissent promouvoir une
mesure d'inspiration keynésienne !
Certes, les voitures actuelles sont, d'une manière générale, quels que soient
les constructeurs, plus propres que leurs devancières. C'est d'ailleurs
heureux, car nous avons suffisamment incité nos constructeurs à concevoir des
voitures plus économes et moins polluantes. La qualité de l'air s'en est
trouvée améliorée, du moins au regard de la teneur en certains polluants.
Depuis dix ou vingt ans, des innovations techniques ont donc permis de rendre
les voitures moins polluantes, mais cela ne doit pas nous amener à aider les
gens à acheter des véhicules. Il s'agit d'une forme de soutien artificiel, qui
a montré ses limites, puisque l'arrêt du dispositif a engendré, dans le passé,
des difficultés pour les constructeurs, dues à l'effet de seuil.
En ce qui concerne le crédit d'impôt, je pense, tout comme vous, qu'il doit
aussi concerner les petits véhicules utilitaires, en particulier les véhicules
de livraison. Une telle mesure devrait être prise, car les gestionnaires de
parc automobile sont peut-être plus faciles à toucher que les particuliers et
prennent des décisions de grande ampleur. Malheureusement, la surface
financière de mon ministère ne me le permet pas, aussi conviendrait-il que
j'entame une négociation avec M. Fabius pour obtenir les moyens nécessaires.
L'année prochaine, nous serons toujours là
(Sourires)...
M. Jean Bizet,
rapporteur pour avis.
Ce n'est pas sûr !
M. Yves Cochet,
ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.
Nous
verrons ! Quoi qu'il en soit, étendre le bénéfice du crédit d'impôt aux flottes
de véhicules est une très bonne idée.
En conclusion, je voudrais souligner que le recours à la technologie n'est pas
l'unique moyen de lutter contre la production excessive de gaz à effet de
serre. Nous devons également inciter nos concitoyens à prendre les transports
en commun, comme le fait actuellement, par exemple, la nouvelle municipalité
parisienne. Les lignes devront être plus nombreuses et desservies par des
véhicules, quels qu'ils soient, plus rapides, plus confortables, plus sûrs,
plus fréquents et circulant la nuit.
La solution ne réside donc pas seulement dans la technologie. Elle réside
aussi dans le fait que, de toute façon, même si on avait des voitures plus
propres - elles le sont de plus en plus, je m'en félicite - des problèmes
d'embouteillage, des problèmes de masse surfacique au sol se posent. La
chaussée n'est pas extensible à l'infini. Je préfère qu'il y ait un bus, voire
un tramway, un métro, un train de banlieue, un RER, qui, finalement, du point
de vue de l'énergie dépensée par kilomètre et par voyageur, est tout de même
plus intéressant que les véhicules individuels à moteur thermique.
M. Serge Lepeltier.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Lepeltier.
M. Serge Lepeltier.
Monsieur le ministre, je vous remercie de votre réponse.
Je souhaiterais simplement revenir sur deux points.
D'abord, vous avez beaucoup insisté sur le GPL. Actuellement existent des
mesures d'incitation, pour encourager l'usage du GPL. Mais soyons très
vigilants, car ce carburant émet des gaz à effet de serre.
M. Yves Cochet,
ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.
Le diesel
aussi !
M. Serge Lepeltier.
C'est la raison pour laquelle j'indiquais qu'il convenait de recentrer nos
incitations sur les énergies qui n'émettent pas de gaz à effet de serre. Le
diesel en émet, certes, mais moins que l'essence. A ce seul titre, il est plus
écologique que l'essence, ce qui est paradoxal compte tenu de tout ce qui a pu
être dit et de ce qui était vrai voilà une dizaine d'années.
Ensuite, vous avez évoqué le système libéral et vous êtes surpris que des
libéraux ou, en tout cas, des personnes appartenant au système libéral puissent
proposer l'octroi de primes. Monsieur le ministre, l'incitation est libérale.
Ce qui n'est pas libéral, c'est la contrainte. Nous cherchons, nous, par
l'incitation fiscale, à changer les comportements. En effet, quand on est dans
la contrainte, on est dans l'interdiction, et là on n'est plus dans le
libéralisme !
Un sénateur du RPR.
Bravo !
M. le président.
La parole est à Mme Borvo.
Mme Nicole Borvo.
Monsieur le ministre, votre projet de budget est en progression sensible, plus
de 7 %, ce qui est bien sûr positif. Je suis toujours étonnée de constater que
nos collègues de la majorité sénatoriale, si soucieux d'économiser les deniers
publics, demandent toujours plus de crédits pour certains budgets.
Ma question a trait aux conséquences de la catastrophe de Toulouse. Une partie
de l'augmentation des crédits de votre ministère correspond au plan d'urgence
annoncé par le Gouvernement à la suite de cette catastrophe et à la prise de
conscience des graves menaces auxquelles nous expose notre développement
économique et industriel.
L'augmentation des crédits de la direction régionale de l'industrie, de la
recherche et de l'environnement, la DRIRE, avec, à la clé, la création d'une
centaine d'emplois affectés au contrôle des sites classés, et le renforcement
des moyens de l'INERIS sont autant de mesures qui témoignent d'une réelle
volonté d'accroître le nombre des procédures de contrôle et d'expertise.
Ces mesures, pour importantes qu'elles soient, permettront-elles véritablement
de mieux maîtriser les risques technologiques et industriels ?
Certains exigent la délocalisation des sites classés Seveso et la fermeture
définitive du site AZF. Les récentes déclarations de Thierry Desmarest ne sont
guère rassurantes pour l'ensemble des salariés.
Bien entendu, après ce drame, rassurer la population est une nécessité. Mais
évitons de verser dans la démagogie en négligeant la part de responsabilité des
uns et des autres dans cette catastrophe tragique. Tandis que la commission
d'enquête de l'Assemblée nationale pense qu'il y aurait eu « sous-estimation »
du risque, on a de bonnes raisons de soupçonner TotalFinaElf de vouloir,
aujourd'hui, se désengager d'une activité qu'il juge peu rentable.
N'oublions pas que, sur les trente personnes qui ont perdu la vie ce 21
septembre, vingt-deux étaient des salariés d'AZF.
Ne négligeons pas les conséquences, sur le plan économique et social,
qu'impliqueraient des mesures aussi radicales que les délocalisations des
productions dangereuses.
On sait qu'en France, sur les 1 250 sites classés Seveso, plus de la moitié
sont situés en zone urbanisée. Il faut donc avoir une certaine responsabilité
pour répondre à ce genre de question.
Ne devons-nous pas d'abord, monsieur le ministre, insister pour que la
priorité des entreprises soit la sécurité ? D'ailleurs, notre groupe a déposé
deux amendements sur ce sujet au cours de la discussion de la première partie
du projet de loi de finances pour 2002.
Or la recherche actuelle, par les grandes compagnies de pétrochimie, d'une
réduction systématique des coûts se traduit par des diminutions d'emplois, par
le développement de la sous-traitance et par le recours à des formes précaires
d'emploi, qui mettent directement en cause la sécurité sur les sites de
production.
Ainsi, dans de nombreuses entreprises à risques, on observe une réduction
importante du nombre des postes qui étaient autrefois directement affectés à la
sécurité sur le site de production. C'est le cas, par exemple, des effectifs de
pompiers professionnels, jugés insuffisamment rentables pour être maintenus.
De telles équipes de sécurité, spécialement formées aux risques propres à
chaque site, jouent pourtant un rôle essentiel, y compris en matière de
prévention. Il faut toujours rappeler que, sur le site de Toulouse, leur
effectif était passé de vingt-cinq à trois !
Comment ne pas souligner aussi que, dans les entreprises dangereuses, la
fonction de maintenance est primordiale pour assurer aux équipements un état
optimal de sécurité. Elle suppose des exigences en matière de formation aux
règles et procédures de contrôle des matériels et produits manipulés.
Lorsqu'on réduit la maintenance, le recours aux intérimaires et
l'accroissement du turnover sont autant de pratiques qui déstabilisent et
fragilisent les collectifs de travail, déstructurent la cohérence et les
synergies qui existent au niveau des ateliers sur un même site de
production.
Reconnaissons, monsieur le ministre, que l'emploi est au coeur des
préoccupations de sécurité. En ce sens, un haut degré de sécurité exige le
retour d'une politique riche en emplois stables, plus qualifiés et mieux
sensibilisés aux questions de sécurité.
Cela nécessite aussi, comme mon collègue Yves Coquelle l'a rappelé ici même
voilà quelques semaines, un renforcement du rôle des CHSCT, ainsi qu'une
relation régulière et privilégiée entre la DRIRE et les CHSCT.
Monsieur le ministre, après ces observations, je souhaiterais connaître les
initiatives que vous comptez prendre, en coordination avec d'autres ministères,
pour éviter que de tels drames ne se reproduisent.
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Yves Cochet,
ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.
Madame la
sénatrice, la tragédie de Toulouse nous oblige en effet à réfléchir assez
profondément sur la société dans laquelle nous vivons et la manière dont, avec
le progrès industriel lui-même, nous générons de façon coextensive des risques
qui peuvent se transformer en dommages. Au-delà, bien sûr, du plan d'urgence et
de la gestion de la crise réalisés par le Gouvernement et pour lesquels nous
avons débloqué, dans les premiers jours qui ont suivi le 21 septembre, plus de
1,5 milliard de francs en matière scolaire, en matière d'habitat et, bien
entendu, en matière sanitaire, le Premier ministre et le Gouvernement ont voulu
que s'ouvre un débat général et très approfondi, sans aucun tabou, dans toute
la société.
Pour cela, nous avons fait des visites de terrain. Je me suis rendu sur les
quatre ou cinq sites les plus représentatifs de l'industrie, non seulement la
chimie de l'azote, mais aussi la pétrochimie, comme à Dunkerque, ou la chimie
organique, comme Rhodia, par exemple, au sud de Lyon, dans le couloir de la
chimie. C'est très impressionnant. Nous avons été également à l'usine du
Grand-Quevilly, près de Rouen, qui est finalement la grande soeur de l'usine
qui a explosé à Toulouse et qui appartient au même groupe, Grande Paroisse.
Nous avons donc rencontré tous les acteurs : les exploitants eux-mêmes, les
syndicats, les CHSCT, les riverains, les élus, les associations, les médias,
bref, ceux qui s'intéressent à ces problèmes de sécurité industrielle.
Nous avons également rencontré les représentants nationaux de chacun de ces
différents types d'acteurs, ainsi que les patrons. Ils étaient vingt-cinq
patrons qui représentaient, peut-être, 25 % du PIB et 60 % du risque industriel
en France. Etaient notamment présents M. Francis Mer d'Usinor, des gens de GDF,
d'EDF, de Rhodia, de Grande Paroisse, de TotalFinaElf et d'Air liquide. Je leur
ai posé la question suivante : quel est votre avis et quelles sont vos
propositions, mesdames, messieurs ? ou plutôt messieurs car il n'y avait que
des hommes à ce niveau de responsabilité.
(Mme Borvo s'exclame.)
Je
parle des patrons !
(Sourires.)
M. Philippe Adnot,
rapporteur spécial.
Même au ministère de l'environnement, les femmes ne
sont pas assez nombreuses !
M. Yves Cochet,
ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.
Au
ministère de l'environnement, c'est l'alternance !
Nous avons aussi rencontré les syndicats, les confédérations syndicales, les
grandes associations de l'environnement, les associations d'élus, notamment
l'association des maires de France, présidée par M. Jean-Paul Delevoye, et
l'association des maires de grandes villes.
Puis, nous avons organisé vingt-six débats régionaux, le dernier à Lyon le 5
décembre dernier. Dans quelques jours, mardi prochain pour être précis, se
tiendra au ministère de l'aménagement du territoire et de l'environnement le
dernier débat national s'étant tenu en présence de M. le Premier ministre ainsi
que de Mme Marie-Noëlle Lienemann et de M. Christian Pierret qui ont été
associés à l'ensemble de cette réflexion.
Quelles sont nos intentions ? Au vu des centaines de propositions qui ont été
faires, le débat semble se focaliser essentiellement sur trois domaines.
Le premier, c'est le risque interne aux entreprises elles-mêmes : comment
faire pour que les industriels, les syndicats, les CHSCT et les travailleurs
eux-mêmes aient une meilleure culture du risque, afin que, grâce à la
vigilance, les niveaux de risque soient abaissés et que la sécurité soit accrue
?
Pour cela, comme vous l'avez rappelé, madame la sénatrice, nous allons essayer
d'élargir le périmètre des prérogatives du CHSCT. Il s'agit, d'une part, de
développer la coordination avec les DRIRE et l'inspection des installations
classées. D'ailleurs, il vaut mieux dire « installations classées » que « sites
classés », car les sites classés sont moins dangereux que les installations
classées. Il s'agit, d'autre part, au sein du CHSCT, d'accroître les pouvoirs,
notamment en matière d'alerte, concernant les problèmes de sécurité
industrielle. Tel est le volet social.
Le deuxième volet - il sera débattu une dernière fois mardi prochain et sera
éventuellement traduit dans une loi, mais je ne veux pas dévoiler ce que dira
M. le Premier ministre, mardi soir - c'est le volet urbanisme-usines à risques.
Il y a là, à l'évidence, une cohabitation dont la proximité peut être assez
dangereuse. A cet égard, les paysages sont d'ailleurs très contrasté. Ainsi, à
Toulouse, c'est la ville qui a rattrapé l'usine, laquelle, auparavant, en 1924,
était à la campagne. A Dunkerque, au contraire, ce sont les usines plus
récentes, qui datent de vingt ou vingt-cinq ans, qui ont enserré un petit
village, Mardyck. Là, ce sont plutôt les usines qui ont rattrapé la ville.
Le troisième volet, c'est le volet démocratique. Je le répète, mais pas comme
un slogan fétichiste, la démocratie est un facteur efficace d'amélioration de
la sécurité industrielle en France.
Pour la sécurité, il faut bien sûr, vous l'avez dit vous-même, des
professionnels, y compris au sein des entreprises, notamment des pompiers. Mais
la sécurité, c'est l'affaire de tous. On le voit bien, au moment où les maires
font déposer de l'information dans les boîtes aux lettres de leurs concitoyens,
comme ils sont en principe tenus de le faire au titre des plans particuliers
d'intervention. En effet, cela n'est pas suffisant. Il faut aussi organiser des
exercices et inciter la population à participer. Nous allons créer des
commissions locales d'information sur les risques technologiques, à l'instar
des CLIS, les commissions locales d'information et de surveillance, autour des
centrales nucléaires. Cela permettra d'assurer une sorte de vigilance citoyenne
active, incitant à s'informer, à discuter et à exercer non seulement un droit
de contrôle mais également des pouvoirs et des moyens de contre-expertise,
auxquels vous tenez beaucoup.
Ainsi, nous parviendrons, je l'espère, à élever le niveau de sécurité
industrielle en France, afin que : « plus jamais ça ! », comme on le dit à
Toulouse.
Mme Nicole Borvo.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à Mme Borvo.
Mme Nicole Borvo.
J'attendrai donc mardi prochain pour connaître les décisions qui seront
prises.
Monsieur le ministre, je partage les orientations que vous avez énoncées et
qui sont très générales. J'insisterai de nouveau sur le fait que les directions
d'entreprise, dans leur stratégie d'emploi et de redéploiement interne, ont une
responsabilité en matière de sécurité.
M. le président.
La parole est à Mme Herviaux.
Mme Odette Herviaux.
L'actualité nous joue parfois des tours, et vous l'avez évoqué tout à l'heure,
monsieur le ministre. Un article paru dans un grand quotidien du soir a eu le
don de me mettre un peu en colère et d'illustrer parfaitement le sujet que
j'aborderai dans quelques instants.
Auparavant, permettez-moi, monsieur le ministre, de vous dire que, aux yeux du
groupe socialiste, le budget que vous nous soumettez pour 2002 traduit, comme
les budgets précédents, la volonté de prendre réellement en compte tout ce qui
concerne les questions de l'environnement. Il semble important de rappeler
qu'en quatre ans les crédits attribués dans ce domaine ont presque triplé,
alors qu'ils étaient restés quasiment stables entre 1993 et 1997.
Vous avez vous-même, monsieur le ministre, utilisé les termes d' « ambitieux
et de réaliste » pour qualifier ce budget, et notre groupe apprécie le souci du
Gouvernement d'avoir voulu faire de votre ministère un ministère de plein
exercice qui prenne réellement en compte la nécessité d'élargir le périmètre et
les secteurs d'intervention, de promouvoir des politiques environnementales
volontaristes et de répondre aux attentes légitimes de nos concitoyens en ce
qui concerne l'environnement et la protection contre les risques.
Ambitieux, donc, votre budget l'est aussi dans le domaine de la création
d'emplois.
Réaliste, il l'est également, puique vous nous avez expliqué la baisse des
autorisations de programme par votre souhait d'adapter les dotations, notamment
celles de l'ADEME, à la réalité des paiements sans pour autant nuire à sa
capacité d'intervention.
On ne peut tout à la fois reprocher à votre ministère des effets d'annonce et
regretter, par ailleurs, que vous procédiez à un ajustement réaliste des
consommations !
Vous l'aurez compris, monsieur le ministre, avec une progression de 7,4 %,
votre budget nous satisfait. Cependant - et ce sera l'objet de ma question -,
je souhaiterais attirer votre attention sur un point particulier qui concerne
la prévention des pollutions dans le cadre de la politique des bassins versants
- c'est d'actualité à en croire l'article de presse que je citais tout à
l'heure - et la reconquête de la qualité de l'eau.
Cette originalité française semble avoir séduit l'Europe puisque le Parlement
européen, dans une directive, ainsi que le Conseil, le 23 octobre 2000, ont
établi un cadre pour une politique communautaire dans le domaine de l'eau. Ne
serait-il pas temps, à ce sujet, d'élargir les aides à l'ensemble des bassins
versants où il existe une véritable volonté de préservation de la qualité de
l'eau, plutôt que de les restreindre aux bassins où les taux de nitrate
dépassent les normes autorisées ?
Originaire et élue d'une région, la Bretagne, que vous connaissez bien,
monsieur le ministre, et qui, à mon avis, a été trop longtemps décriée et
montrée du doigt - elle l'est encore aujourd'hui - pour la mauvaise qualité de
son eau, je souhaiterais être le porte-parole de tous ceux qui se sont engagés
concrètement depuis plusieurs années sur le terrain de la reconquête de la
qualité de l'eau en vous apportant un certain nombre d'informations dont on ne
parle pratiquement jamais - n'en déplaise à cet article de presse - et qui vous
permettraient de ne pas mettre systématiquement au pilori les agriculteurs, du
moins ceux qui sont volontaires pour essayer de reconquérir une eau de
qualité.
Il est temps que l'on cesse d'entendre « qu'il n'y a pas aujourd'hui
d'éléments convaincants d'une amélioration de la qualité de l'eau » car nous
avions - et nous avons toujours - une obligation de résultat, et cela me semble
en bonne voie, au moins dans un bassin versant, sur le grand bassin de l'Oust,
que je connais bien.
Ce grand bassin représente à lui seul un quart des bassins versants de
Bretagne, 40 % de leurs agriculteurs et, avec 300 000 hectares, 35 % de leur
superficie.
Il présente une double originalité : celle de regrouper huit bassins versants
contigus, constitués en associations et rassemblés dans une unité et une
identité d'action, ce qui permet une économie d'échelle et celle de fédérer
élus, acteurs économiques volontaires et animateurs de bassin afin de pouvoir
réaliser directement le maximum d'actions de terrain.
Quant aux résultats, tant décriés par certains, quelques années seulement
après la mise en place de ce bassin versant, on peut dire qu'ils peuvent être
considérés comme encourageants. Ainsi, sur le bassin le plus ancien, le taux
d'atrazine - substance qui dépasse les nitrates en termes de pollution - a été
divisé par vingt, passant de 8 microgrammes à 0,4 microgramme par litre lors de
pics, une large majorité de mois faisant apparaître des résultats inférieurs
aux normes autorisées.
La courbe des nitrates sur les points de prélèvement s'est partout stabilisée,
et s'est souvent même infléchie grâce aux investissements de nombreux acteurs
sur le terrain.
Par ailleurs, 85 % des agriculteurs de ce secteur sont engagés dans des
actions d'analyse de sols et de conseils agronomiques individualisés pour
lutter contre la surfertilisation azotée.
La couverture végétale des sols en hiver pour éviter leur lessivage
représente, cette année, environ 14 000 hectares, dépassant largement les
objectifs qui étaient de 1 000 hectares par bassin.
De plus, des efforts ont également été réalisés pour mieux utiliser les
produits phytosanitaires grâce à un classement de parcelles à risques : sur 15
000 hectares, le réglage des pulvérisateurs et les plans de désherbage
communaux devraient améliorer la situation.
Cela étant, si certains agriculteurs polluent, ils ne sont pas les seuls.
Ainsi, les taux de diuron sont systématiquement au-dessus des normes en bordure
des routes à quatre voies et des routes départementales.
Par ailleurs, plus de 100 kilomètres linéaires d'aménagement paysager ont été
réalisés par la reconstitution de haies et de talus, et sept projets
d'aménagement hydraulique sont en cours de réalisation.
Ainsi, monsieur le ministre, même sans faire preuve d'un optimisme exagéré, on
peut constater que les pratiques évoluent et que les Bretons, discrètement
comme toujours, sans effet d'annonce mais avec la volonté et la ténacité qui
les caractérisent, se sont attaqués concrètement aux problèmes de la reconquête
de la qualité de l'eau.
Ce sera, bien sûr, long et coûteux ; toutefois pour les aider dans cette
implication forte et afin de ne pas retarder les actions ni de décourager les
bonnes volontés, il serait souhaitable que toutes les dotations individuelles
proposées dans votre budget concernant l'ensemble des programmes en cause
soient versées directement et le plus rapidement possible aux associations des
bassins versants, accélérant ainsi les processus et évitant à chacun des
complications administratives et des remboursements tardifs, ce qui risquerait
de démobiliser tous les acteurs de ces actions basées sur le volontariat.
Tel est le sens de ma question : envisagez-vous de faire verser directement
aux associations qui en ont la responsabilité les subventions concernant
l'évolution des pratiques agronomiques, dans le cadre des contrats d'objectifs
et dans le respect de votre enveloppe budgétaire ?
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Yves Cochet,
ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.
Madame la
sénatrice, je ne vais pas revenir sur tous les points que vous avez évoqués,
car je crois avoir déjà répondu aux différents rapporteurs en ce qui concerne
le PMPOA n° 2, qui, je l'espère, sera plus efficace que le PMPOA n° 1.
Cependant, je veux vous apporter quelques éléments complémentaires en ce qui
concerne les textes d'application de la directive relative aux nitrates, qui
ont pour objet de renforcer les actions à mener dans les bassins versants où
l'eau est trop polluée.
Comme vous le savez, en Bretagne, il existe un véritable problème - l'article
de presse auquel vous avez fait allusion le montre bien - puisque, dans la
moitié ou presque des communes et des cantons, l'eau n'est pas potable. C'est
tout à fait anormal et j'en suis aussi contrit que vous, madame, car je suis
également originaire de cette région.
Les arrêtés préfectoraux d'application ont été signés, dans les départements
bretons, en juillet dernier. Le périmètre des zones d'excédents structurels,
les ZES, seront revus à la hausse, répondant ainsi au voeu de l'association «
Eau et rivières de Bretagne », que vous connaissez sans doute (
Mme Herviaux
acquiesce
), et dont j'ai été un militant dès sa création. A l'époque -
c'était dans les années 1972 - elle s'appelait d'ailleurs APPSB, c'est-à-dire «
Association pour la protection des salmonidés en Bretagne ».
Pour tenir compte du recensement général effectué en 2000 et des nouvelles
références techniques sur les rejets des animaux, le nombre de cantons classés
en zone d'excédents structurels augmentera donc notablement, même si toute la
Bretagne n'est pas concernée, comme l'aurait souhaité l'association à laquelle
je viens de faire allusion.
Par ailleurs, le projet de loi sur l'eau, MM. les rapporteurs l'ont évoqué,
sera examiné dès le 8 janvier à l'Assemblée nationale, et il vous sera alors
proposé de rééquilibrer l'ensemble des redevances et de créer, notamment, une
taxe sur les excédents d'azote afin de lutter contre la pollution.
Ce sera typiquement une redevance « non-pollueur - non-payeur », car ceux qui
utilisent déjà de bonnes méthodes agricoles - c'est-à-dire 75 % des
agriculteurs bretons - ne paieront rien. Quant aux 25 % restants, il leur
suffira de pratiquer une agriculture plus raisonnable pour ne pas être touchés.
Ainsi, personne ne paiera cette redevance « azote », ce qui est bien mon
souhait. En effet, il ne s'agit pas pour moi de faire entrer de l'argent dans
les caisses de l'Etat, mais d'obtenir que les agriculteurs utilisent des
méthodes plus saines pour l'environnement et pour la santé humaine.
Le projet de loi sur l'eau aura donc à cet égard une réelle efficacité, à
condition, bien sûr, que le débat parlementaire ne déséquilibre pas trop un
texte dont la préparation aura nécessité plus de trois ans et demi de
rencontres, de réunions, de concertations. Nous avons ainsi rencontré les
agriculteurs, mais aussi les pêcheurs et tous ceux qui, à un titre ou à un
autre, utilisent l'eau. Or tout le monde est, à un moment donné, utilisateur
!
Vous savez également que le comité interministériel pour l'aménagement et le
développement du territoire qui s'est tenu le 9 juillet 2001 a pris une
décision particulièrement importante, puisque le préfet de Bretagne a été
chargé d'élaborer avec l'ensemble des acteurs concernés un plan de
réorientation de l'agriculture et de l'industrie agroalimentaire au service
d'un développement économique régional pérenne et respectueux de
l'environnement. Autrement dit, c'est le modèle productiviste breton qui est en
cause et sur lequel il faut réfléchir.
Le président du conseil général des Côtes-d'Armor, le bien nommé M. Lebreton,
a également pris une initiative très intéressante avec ce qu'il a appelé le «
compromis breton ». Il a peut-être d'ailleurs, ce faisant, quelque peu brûlé
les étapes, parce que c'est en général à la fin d'une négociation que l'on
parvient à un compromis, mais peu importe : c'est sans doute un homme
raisonnable.
Quant au préfet du Finistère, que vous connaissez bien également, il n'a pas
hésité, au cours de l'été dernier, à reconnaître, s'agissant des zones
d'excédent structurel, que certains agriculteurs avaient un petit peu « triché
» sur l'extension de leur porcherie. Il a alors pratiqué ce que j'appellerai
pudiquement des « réductions de cheptel ». Eh bien, s'il faut en faire
d'autres, nous le ferons !
De la sorte, grâce à ces mesures de dialogue, de réflexion, de planification,
d'aide et d'incitation, mais aussi de fermeté, j'espère que non seulement en
Bretagne mais également dans l'ensemble de la France - voire de l'Europe, où il
nous faudra réexaminer, comme le prévoit le calendrier européen, la politique
agricole commune - nous parviendrons à marier plus harmonieusement la santé,
l'environnement et l'agriculture.
M. le président.
La parole est à M. Lecerf.
M. Jean-René Lecerf.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je
souhaiterais exprimer ma grande inquiétude devant l'importance croissante du
prélèvement opéré par le Fonds national de solidarité sur l'eau. le FNSE, sur
les moyens financiers des agences de l'eau.
J'étais, il y a quelques semaines encore, président de la commission «
programme » de l'agence Artois-Picardie, et je suis très heureux de saluer la
présence dans cet hémicycle de notre collègue Paul Raoult, qui assume,
aujourd'hui, cette responsabilité.
C'est en fonction de la situation de ce bassin que je tenterai de vous faire
partager mes préoccupations.
Ces dernières années, les grandes agglomérations de ce secteur, notamment la
métropole lilloise, ont multiplié les grands travaux d'assainissement, avec la
construction ou la requalification totale - ce qui revient au même - d'un parc
de stations d'épuration capable de traiter de façon satisfaisante les eaux
usées domestiques dans des délais ne s'éloignant pas trop des prescriptions de
la directive européenne de 1991 et de la loi de 1992.
Parallèlement, les entreprises ont été averties qu'elles ne pourraient plus, à
court terme, continuer d'envoyer leurs effluents industriels vers des stations
qui n'ont pas été conçues pour les traiter. Tout cela a d'ailleurs suscité une
abondante littérature sur les risques de « déraccordement » et les conséquences
tragiques qui en résulteraient sur le plan de l'emploi.
La solution réside dans la maîtrise de la pollution par les industriels
eux-mêmes, mais elle ne pouvait aboutir qu'avec des aides, parfois
particulièrement significatives, de l'agence.
Ainsi, dans le secteur de l'ennoblissement textile, qui cumule des difficultés
considérables et un coût d'épuration fort important, les aides de l'agence ont
pu atteindre 50 % en subvention, et de 30 % à 40 % en avance remboursable sans
intérêt. Ce niveau d'aide, qui s'avérait pourtant indispensable pour la
pérennité de cette branche, risque malheureusement de ne plus pouvoir
s'appliquer dans le futur en raison de nouveaux textes européens sur
l'encadrement des aides de l'Etat, mais il est impératif que, à tout le moins,
l'agence assume les engagements déjà contractés.
A cette situation particulière s'ajoutent les implications financières
engendrées par les inondations catastrophiques du secteur des wateringues de la
fin de 1999 et, bien sûr, de la Somme, au printemps dernier, ainsi que le souci
des élus de voir, dans le prochain programme, l'agence intervenir plus
activement dans la gestion des eaux pluviales.
On pourrait encore évoquer la volonté de requalification des rivières et des
canaux, terriblement dégradés depuis des décennies dans notre région, où la
faiblesse des dénivellations est à l'origine de faibles débits. Cette volonté
est illustrée, par exemple, par le dossier, désormais bien avancé, de remise en
navigation du canal de la Deule à l'Escaut.
Lorsqu'on sait, en outre, qu'il est aujourd'hui quasiment impossible de
signer de nouveaux contrats pluriannuels d'assainissement ou de nouveaux
contrats ruraux pour l'eau, on comprend que l'inquiétude des élus rejoigne
celle des industriels devant la mise en cause des capacités d'intervention de
l'agence.
Enfin, en constatant à la fois le caractère quelque peu homéopathique des taux
de consommation des crédits affectés au FNSE en 2000, les risques d'opacité
liés à des implications croisées du FNSE et des agences sur des actions
similaires et l'extrême rigidité des interventions du fonds au regard de la
souplesse et de la rapidité de réaction des agences, on ne peut que souhaiter
une limitation stricte du prélèvement opéré sur les agences, tant cette année
que dans les années à venir.
Monsieur le ministre, les comités de bassin constituent de véritables
parlements locaux de l'eau. Le système, mis en place avec les agences, de
gestion de l'eau décentralisée par bassins a fait école en Europe, mais il a
besoin de continuité et de confiance pour préserver son efficacité. Ne
pensez-vous pas qu'il serait urgent de rassurer l'ensemble des acteurs de l'eau
sur le devenir des agences, les pouvoirs de leurs comités de bassin et de leurs
conseils d'administration, et leur capacité à faire face à la hauteur de leurs
responsabilités ?
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Yves Cochet,
ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.
J'espère
rassurer M. Lecerf. En tout cas, je puis lui dire que le projet de loi sur
l'eau vise, notamment, au renforcement des capacités des agences : l'ensemble
du titre III du texte leur est consacré.
Bien sûr, on ne peut que se féliciter du fait que le système français en
matière de gestion de l'eau, mis en place par les lois de 1964 et de 1992, ait
fait école en Europe. En particulier, la manière dont, en France, a été
envisagé le découpage du territoire via les bassins hydrographiques a été
reprise par la directive d'octobre 2000 que, pour une bonne part, nous avons
transposée par anticipation, puisqu'elle s'inspire de notre législation, et que
nous transposerons pour une autre part avec le futur projet de loi sur
l'eau.
Pour le reste, ainsi que vous l'avez signalé, monsieur Lecerf, les agences de
l'eau attribuent des aides significatives sous forme d'avances remboursables ou
de subventions.
Le bilan provisoire du programme actuel fait ressortir un taux d'engagement
supérieur à 95 % pour les années 1997 à 2001. Compte tenu du niveau de leurs
recettes et de leur fonds de roulement, les agences ont donc la capacité
d'assumer les engagements déjà contractés.
Bien sûr, en fin de programme, les conseils d'administration sont plus
sélectifs dans les décisions d'aide en fonction des marges de crédits qui
restent disponibles. C'est le cas dans le bassin Artois-Picardie.
Dans cette conjoncture, les agences de l'eau doivent financer prioritairement
les investissements nécessaires pour éviter que la France ne soit mise en cause
par la Commission et par la Cour de justice des communautés ; il existe
évidemment toujours des risques de contentieux !
C'est donc à juste titre que les grandes agglomérations du bassin, notamment
la métropole lilloise, multiplient les travaux d'assainissement, et que les
élus locaux veillent avec attention à ce que les industriels raccordés ne
rejettent pas de polluants toxiques dans les réseaux publics.
Le secteur de l'ennoblissement textile pourra être aidé par l'agence, à
condition qu'il rattrape très vite son retard dans la mise en conformité de ses
installations.
Notre volonté est évidemment de renforcer l'efficacité des agences de l'eau.
Le projet de réforme des redevances vise à rendre celles-ci plus incitatives,
tout en confortant les capacités d'intervention des agences et l'adaptation
concrète des conditions d'aide aux priorités d'action arrêtées par les
instances de bassin.
Enfin, le bassin Artois-Picardie a été bénéficiaire net des mesures de
solidarité nationale financées par le FNSE, notamment pour accélérer le
programme de restauration de la qualité de l'eau dans les canaux très
pollués.
Permettez-moi d'évoquer un souvenir personnel. Alors que je me trouvais en
campagne électorale à Lille, en 1985, j'ai pu constater que, par - 7°, l'eau
d'une petite rivière était tellement polluée qu'elle ne gelait pas ! Nous avons
même pu faire du canoë-kayak ! J'espère que, depuis, la qualité de l'eau de
cette rivière s'est améliorée... et qu'il fait moins froid dans le
Nord-Pas-de-Calais !
(Sourires.)
En tout cas, la qualité de l'eau dans les canaux très pollués s'améliore et
une aide est accordée par l'agence et par les collectivités territoriales.
M. Jean-René Lecerf.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Lecerf.
M. Jean-René Lecerf.
Je vous remercie, monsieur le ministre, de votre réponse.
Confidence pour confidence, j'ai le souvenir d'une véritable vision
d'Apocalypse à Marcq-en-Baroeul, ville dont j'ai été le maire jusqu'à il y a
peu. Voilà quelques années, l'eau de la rivière qui traverse la commune, la
Marcq, s'est enflammée ! Depuis, heureusement, bien des progrès ont été
réalisés.
En ce qui concerne la participation des agences au financement du FNSE, les
agences ne sont pas toutes sur un même pied. Ainsi, de toutes les agences de
bassin, l'agence Artois-Picardie est la plus petite par la superficie qu'elle
gère mais aussi celle qui a le fonds de roulement le plus tendu.
Le traitement égalitaire de situations inégalitaires n'est peut-être pas
toujours le plus équitable.
M. le président.
La parole est à M. Muzeau.
M. Roland Muzeau.
L'actualité, monsieur le ministre, porte à nouveau sur la grave question des
inondations qui, depuis plusieurs années, en Bretagne, dans l'Aude, dans le
Grand Bassin parisien, dans la Somme, en Camargue, dans l'Hérault et les
Bouches-du-Rhône, plongent les habitants dans les pires difficultés. Souligner
l'origine naturelle des inondations ne saurait conduire à considérer qu'elles
relèvent de la seule fatalité.
C'est ce qui a conduit l'Assemblée nationale unanime ainsi que le Sénat à
décider la mise en place de commissions d'enquête, afin de mieux comprendre les
phénomènes en cause et de dégager des propositions.
Les inondations, qu'elles soient répétées ou exceptionnelles, observées au
cours de ces dernières années ne sont pas des phénomènes nouveaux. Déjà en
1994, une précédente commission d'enquête avait présenté des analyses et des
propositions, qui ont d'ailleurs connu un début d'application.
Nul ne peut dire que des moyens financiers n'ont pas été dégagés, mais la
détresse des personnes les occulte vite.
Le président de la mission interministérielle sur les inondations de la Somme
a souligné que les crues de mars 2001 résultaient d'une accumulation de pluies
durant sept mois, jamais connue depuis un siècle. En Bretagne, une telle
pluviométrie sur une longue période n'avait jamais non plus été observée depuis
un siècle.
Quant aux dégâts consécutifs aux précipitations orageuses brutales et de forte
ampleur qu'ont connues Vaison-la-Romaine, Nîmes, le Tarn et les
Pyrénées-Orientales, ils appellent d'autres constats, impliquant plus encore
l'urbanisation, voire l'imprévoyance de l'aménagement.
De nombreuses polémiques se sont développées sur ces catastrophes d'origine
naturelle mais aux conséquences amplifiées par l'action de l'homme. La « rumeur
de la Somme », selon laquelle les pouvoirs publics auraient noyé ce département
en détournant la Seine, a pu prêter à sourire, mais la gravité des drames vécus
a conduit le Gouvernement à parler haut et fort pour rétablir la vérité. Les
différentes commissions d'enquête ont balayé cette rumeur qui, finalement,
n'avait pour origine qu'une piètre manoeuvre politicienne.
Quoi qu'il en soit, ces différents événements ont amené les pouvoirs publics à
renforcer leur action en partenariat avec les collectivités.
Vous disposez, monsieur le ministre, d'un budget important. Ce budget a
pratiquement été multiplié par trois depuis 1997, passant de 302 millions
d'euros, à 852 millions d'euros en 2002, et nous souhaitons qu'il soit
largement consommé.
A l'intérieur de ce budget des mouvements contradictoires sont constatés. Les
crédits destinés à la « réduction des risques liés aux crues et aux inondations
» diminue de près de 50 %, ce qui nous inquiète vivement. Nous souhaiterions
entendre vos explications sur ce point.
Il en est de même pour deux autres agrégats budgétaires : les crédits
consacrés à la « gestion de l'eau, des milieux et de leurs usages », diminuent
de 70 % et ceux de la « reconquête de la qualité des milieux » sont divisés par
6 !
Certes, monsieur le ministre, intervient la question des reports, mais il faut
avouer qu'il est difficile de s'y retrouver !
Ces mouvements suscitent également des interrogations sur les décisions
ministérielles que vous comptez prendre dans la lutte pour la prévention des
inondations. Je pense notamment aux informations qui circulent sur les risques
pour la région parisienne et à la mise en oeuvre des propositions issues des
commissions d'enquête parlementaires.
L'Assemblée nationale a retenu vingt-quatre propositions, le Sénat
trente-trois. Certaines se recouvrent, d'autres se complètent. Monsieur le
ministre, pouvez-vous nous éclairer sur ces questions importantes ?
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Yves Cochet,
ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.
Depuis
1997, et notamment dans les contrats de plan 2000-2006, les moyens
d'intervention des programmes pluriannuels « Risques » et « Loire grandeur
nature » ont été fortement accrus pour tenir compte de l'aggravation des
dommages constatés dans plusieurs régions.
Comme vous l'avez vous-même souligné, monsieur Muzeau, les inondations
deviennent encore plus dommageables du fait de l'intervention humaine. Au
demeurant, et je réponds là également à M. Lepeltier, c'est peut-être aussi du
fait de l'activité humaine, à travers ses effets sur le climat, que les
précipitations deviennent moins prédictibles ou prennent un caractère brutal et
surprenant.
Les crédits consacrés annuellement par notre ministère à la cartographie des
zones exposées aux risques naturels et à l'information préventive des élus et
des populations ont été portés à 110 millions de francs par an. Les moyens
financiers de l'annonce des crues s'élèvent à 50 millions de francs par an au
lieu de 36 millions de francs en 1994. Les subventions aux collectivités
locales pour financer les ouvrages de protection des lieux habités sont
intégralement consacrés aux contrats de plan - 13 millions de francs - ainsi
que l'essentiel des crédits affectés à la restauration des rivières : 90
millions de francs par an. Enfin, l'Etat consacre 89 millions de francs par an
à l'entretien et à la restauration des cours d'eau et des ouvrages domaniaux
dont mon ministère assume la responsabilité.
Il n'y a pas, monsieur Muzeau, de mouvements contradictoires de crédits à
l'intérieur du budget consacré à la prévention des inondations entre 1997 et
2002. Les écarts de chiffres correspondent au fait que les subventions pour la
restauration des rivières ont été financées depuis 2000 par le FNSE et que
l'agrégat « Eau » retrace les seules dépenses budgétaires. Il y donc bien eu
une augmentation globale des crédits d'Etat pour la prévention des
inondations.
Vous me demandez ce qu'envisage le Gouvernement en matière de lutte contre les
inondations.
Dans la préparation du projet de loi portant réforme de la politique de l'eau,
nous avons été inspirés par les travaux des commissions d'enquête du Sénat et
de l'Assemblée nationale, qui ont recommandé que l'Etat et les collectivités
locales se dotent de moyens nouveaux pour prévenir les dommages provoqués par
les inondations. Je citerai notamment l'élargissement des possibilités
d'intervention des collectivités locales en matière de gestion des rivières et
des zones inondables, la possibilité de créer des servitudes de sur-inondation
pour écrêter les crues, l'utilisation du fonds « Barnier » pour des actions de
prévention des inondations.
Voilà quelques-unes des trente-trois mesures contenues, dans le rapport de
l'Assemblée nationale.
M. Roland Muzeau.
Il y en a bien plus dans le rapport du Sénat !
M. Yves Cochet,
ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.
Je n'en
attendais pas moins de la sagesse de votre Haute Assemblée.
(Sourires.)
A l'occasion du débat parlementaire qui aura lieu bientôt, le Gouvernement est
tout prêt à examiner avec intérêt les amendements proposés par les commissions
d'enquêtes.
M. le président.
La parole est à M. Raoult.
M. Paul Raoult.
Monsieur le ministre, votre projet de budget pour 2002 confirme cette année
encore le souci du Gouvernement de prendre en compte l'environnement parmi ses
engagements.
Avec un budget total de plus de un milliard d'euros, il bénéficie, parmi les
ministères, de la plus forte croissance de dotations budgétaires en dépenses
ordinaires et crédits de paiement, dont la hausse atteint 6,27 %.
Je saluerai notamment la poursuite, pour la quatrième année consécutive, du
renforcement des moyens humains et financiers de votre ministère, ainsi que la
prise en compte des grands défis lancés à notre société. Je pense à la sécurité
environnementale et à la prévention des risques naturels ou industriels.
Parmi les différents volets de ce budget, l'eau tient une place très
particulière.
Tous s'accordent désormais pour penser que l'eau, à travers sa préservation,
sa gestion, la reconquête de la qualité des milieux et la lutte contre les
pollutions, représente elle aussi un des principaux enjeux collectifs du xxie
siècle.
Dans ce contexte, le projet de budget qui nous est présenté traduit des choix
clairs. Les autorisations de programme sont presque reconduites, avec 35,9
millions d'euros, soit 1,2 % de moins, et les crédits de paiement proprement
dits chutent de 56,6 %, à 10,6 millions d'euros.
En revanche, avec 21,9 millions d'euros, les dépenses ordinaires s'accroissent
de 21,6 %.
Le Gouvernement a, de fait, choisi d'intensifier son effort dans les moyens de
fonctionnement et dans les interventions destinées à promouvoir la politique de
l'eau.
En raison des responsabilités locales que j'assume, je suis, monsieur le
ministre, particulièrement attentif à l'évolution de cette dernière, qui sera
au coeur du projet de loi que vous nous présenterez au début de l'année
prochaine.
D'ailleurs, conformément aux orientations de la réforme que vous nous
proposerez, le compte d'affectation spéciale n° 902/00, plus connu sous le nom
de « Fonds national de l'eau », va voir accrue sa section B, le « Fonds
national de solidarité pour l'eau », alimenté par le produit du prélèvement de
solidarité pour l'eau versé par les agences de bassin.
En effet, il est prévu que ce prélèvement augmente de 7,1 % pour atteindre
81,63 millions d'euros, alors qu'entre 2000 et 2001 la contribution des six
agences avait été identique. Le Gouvernement manifeste ainsi sa volonté de
permettre à ce fonds d'assumer sa mission de péréquation.
Toutefois, je voudrais m'associer à Jean-René Lecerf pour dire combien ce
prélèvement pose des problèmes de gestion financière à nos agences. C'est le
cas en particulier pour l'agence Artois-Picardie, dont le programme d'aide,
aussi bien aux industriels qu'aux collectivités locales ou territoriales, est
bloqué.
Dans le passé, l'agence disposait d'un matelas financier extrêmement épais.
Dès lors, les pouvoirs publics l'ont incitée à accorder, après délibération,
des subventions en surnombre, qui ont mis son budget « à sec » - si je puis me
permettre l'expression. Nous avons donc bloqué toutes les subventions liées aux
contrats pluriannuels et nous avons arrêté tout nouveau programme. Dans ces
conditions, le prélèvement supplémentaire ne me paraît guère judicieux.
Ce nouveau fonds n'a heureusement pas remis en cause l'existence du Fonds
national pour le développement des adduction d'eau, le FNDAE, auquel les
communes rurales demeurent très attachées.
Cependant, le sort récemment réservé aux crédits du FNDAE semble donner raison
à ceux qui craignent pour l'indispensable territorialisation des actions à
travers chacun des bassins, laquelle ne saurait être remise en cause.
Je veux parler de la ponction de 150 millions de francs par an destinée à
alimenter le PMPOA puis, sous prétexte d'une sous-consommation, de la reprise
de crédits pour une redistribution ultérieure.
Je compte, monsieur le ministre, sur votre vigilance pour éviter toute
recentralisation trop importante par le biais du FNSE, dans le cadre du
huitième programme des agences de bassin.
A cet égard, je souhaiterais obtenir de votre part des assurances quant à la
mise à la disposition de ces agences de moyens financiers spécifiquement en
rapport avec les échéances prochaines en matière de suppression du plomb dans
les branchements et, subséquemment, les canalisations.
Si cette éradication ne doit être achevée qu'en 2013, il va de soi qu'il nous
faut engager d'ores et déjà d'importants travaux de substitution.
Pour illustrer mon propos, je vais évoquer la situation d'un syndicat
intercommunal de distribution d'eau que je connais particulièrement bien pour
en être le président.
Il apparaît que 37 700 de ses branchements, soit 15 % d'entre eux, sont à
remplacer dans 176 communes sur 340, pour une sommes dépassant les 400 millions
de francs, même en ne changeant que partiellement les conduites principales.
Ayant décidé du principe du programme pluriannuel pour faire face à ce défi,
le syndicat intercommunal s'est adressé à l'agence de bassin dont il relève
afin qu'elle participe à son financement.
Or, il lui a été répondu que ce ne serait pas possible dans l'immédiat et que
le sujet serait évoqué à l'occasion de la préparation du huitième programme des
agences.
C'est pourquoi si les collectivités qui interviennent dans le domaine de
l'adduction d'eau comptent prendre leurs responsabilités face à cet enjeu, il
conviendrait que l'Etat manifeste sa volonté d'appuyer ces efforts à leur
niveau ainsi qu'à celui des particuliers.
Cette démonstration pourrait être apportée soit par une aide directe, soit par
un concours aux agences de bassin pour leur permettre de répondre aux attentes
des opérateurs qui se mobilisent en vue de faire appliquer une mesure sur
laquelle ils n'ont pas de prise.
Monsieur le ministre, comment comptez-vous donner aux acteurs locaux les armes
nécessaires pour triompher face au plomb puisqu'il nous faut, tel l'amiante, le
bannir de notre univers ?
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Yves Cochet,
ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.
Monsieur
le sénateur, vous avez exprimé une crainte concernant la recentralisation -
c'est le mot que vous employez - du FNSE. Je vais m'efforcer de vous rassurer
sans tricher. Vous m'avez ensuite interrogé sur le changement des canalisations
en plomb.
Depuis l'origine, le Gouvernement a veillé à ce que le FNSE ne soit pas un
instrument de recentralisation.
D'abord, le comité consultatif, qui regroupe des représentants des six comités
de bassins de métropole, est un instrument de transparence des décisions du
FNSE. Il se réunit deux fois par an. La prochaine réunion est prévue pour le 11
décembre.
Ensuite, plus de 80 % des crédits sont déconcentrés et plus de 45 % des
crédits sont inscrits dans les contrats de plan Etat-régions, tandis que 66 %
des crédits prévus en 2002 correspondent à des actions de solidarité et de
péréquation en faveur des collectivités locales ou en faveur de la dépollution
agricole, pour près de 20 %. J'ai déjà cité la lutte contre les pesticides et
la couverture générale des sols.
Enfin, pour apaiser tout à fait vos inquiétudes quant à la recentralisation,
je dirai que 17 % des crédits sont affectés à des programmes d'intérêt commun
aux bassins en matière de données sur l'eau.
En ce qui concerne le changement des canalisations en plomb, vous vous
souvenez que la lettre de cadrage du huitième programme, signée par Mme Voynet
en novembre 1999, indiquait : « La prévention des contaminations
bactériologiques et l'élimination à terme de la teneur en plomb dans les
réseaux publics devront trouver des réponses par des actions contractualisées
avec les collectivités décentralisées. » Il appartiendra donc aux élus locaux
d'examiner avec l'agence les conditions d'octroi des aides qui pourraient être
retenues.
Les délais d'application de la directive « eau potable » relative au plomb
permettront une prise en compte étalée des dépenses dans la programmation
normale du renouvellement des canalisations anciennes.
Afin de faciliter cette action de renouvellement, le Gouvernement propose un
certain nombre de réformes dans le fameux projet de loi sur l'eau qui me tient
tant à coeur.
D'une part, il s'agit de garantir que les provisions financières non affectées
par les délégataires aux travaux prévus dans les contrats reviennent à la
collectivité au lieu d'être réaffectés à d'autres investissements privés.
D'autre part, il s'agit de donner aux régies des moyens juridiques équivalents
à ceux des délégataires pour provisionner à l'avance le financement de travaux
futurs.
M. Paul Raoult.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Raoult.
M. Paul Raoult.
J'ai tout de même le sentiment d'être confronté à un problème aux implications
financières considérables.
Le syndicat intercommunal de 340 communes, que je préside et qui regroupe
environ 500 000 habitants, doit investir un montant de l'ordre de 400 à 500
millions de francs pour faire face à ces dépenses. C'est dire qu'il s'agit d'un
engagement financier extrêmement lourd.
Nous aurons besoin de l'aide de l'Etat ou des agences pour mettre en oeuvre un
tel programme afin de faire disparaître ces branchements pour l'horizon 2013.
L'autre problème non résolu concerne la part du branchement « plomb » chez les
particuliers, car certains n'auront pas l'argent pour réaliser cette
transformation. Par conséquent, si les modifications ne sont apportées que sur
les canalisations du domaine public sans être élargies au domaine privé, nous
n'obtiendrons pas au robinet le résultat escompté.
M. le président.
La parole est à M. Béteille.
M. Laurent Béteille.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ma question
concerne le traitement et la gestion des déchets.
Face aux nombreux objectifs définis par la réglementaiton nationale et
européenne en matière de traitement des déchets, certaines actions ont été
menées. Je pense, en particulier, au développement des capacités de traitement
modernes plus respectueuses de l'environnement, notamment eu égard à l'effet de
serre, et au développement du tri sélectif.
Force est cependant de constater que, dans ce domaine, beaucoup de chemin
reste encore à parcourir.
En effet, si la modernisation de la politique de gestion des déchets est un
nouveau défi à relever, votre politique dans ce domaine nous laisse plus que
dubitatifs.
Faut-il rappeler que, de nos jours, la population française produit
globalement environ 25 millions de tonnes d'ordures ?
Faut-il rappeler aussi qu'il reste encore quelque 6 000 décharges illégales
sur le territoire, et qu'il faudra investir d'importants moyens pour les
réhabiliter ?
Faut-il rappeler en outre que, très prochainement, et en application de la loi
du 13 juillet 1993, les collectivités locales, à compter du 1er juillet 2002,
devront gérer la fin des décharges à l'exception des résidus ultimes ? Pourtant
le Gouvernement n'a dressé ni bilan ni perspectives quant à l'avenir
environnemental, politique et budgétaire de ces collectivités.
Les communes, qui seront en première ligne, devront opérer de nombreux
investissements pour se conformer aux diverses échéances et exigences. Et
certaines d'entre elles devront faire face à la double obligation de financer
la collecte et le traitement des déchets d'aujourd'hui, et, au travers de la
réhabilitation des décharges, d'assurer le traitement des déchets d'hier.
Pour financer leurs équipements et mettre en oeuvre les plans départementaux
d'élimination des déchets, les collectivités locales bénéficient des aides
publiques de l'ADEME, du moins en théorie.
En effet, les différentes mesures budgéraires et fiscales prises ces dernières
années par ce gouvernement sont inquiétantes et ce, à plusieurs titres.
Tout d'abord, le barème d'aides de l'ADEME au profit des collectivités locales
a été revu à la baisse et les taux de subventions ont été réduits de 38 %. Dans
le même temps, le taux de la taxe sur les déchets a été augmenté et la gestion
politique opaque des crédits de l'ADEME a suscité bien des interrogations,
comme l'a dénoncé notre collègue Philippe Adnot dans un rapport
d'information.
En effet, désormais, et depuis la mise en place de la TGAP, les ressources de
l'ADEME sont budgétisées. Ce changement n'a pas été conduit de manière
satisfaisante par le Gouvernement : surdimensionnement volontaire des crédits
débouchant curieusement sur des taux de mandatement excessivement faibles,
inadéquation entre les crédits votés et les besoins réels amenant
de facto
à une sous-consommation des crédits, voire à une non-consommation, et au
report de ceux-ci d'année en année. Cette année encore, malgré les effets
d'annonce, les crédits de paiement et les autorisations de programme sont une
nouvelle fois en baisse.
Monsieur le ministre, comment expliquez-vous la baisse des autorisations de
programme, alors que les besoins des collectivités locales, comme je l'ai
expliqué, sont croissants dans ce domaine ?
Comment comptez-vous répondre aux fortes hausses de besoin de paiement de
l'établissement prévues pour 2003 et 2004 ?
Enfin, étant donné que nous ne sommes pas favorables à la création de
nouvelles taxes, quelles ressources existantes comptez-vous affecter au
financement de cet établissement public ?
Pour ma part, je pense que la TGAP, affectée aujourd'hui au budget de l'Etat
afin de financer la coûteuse réforme des 35 heures, pourrait retrouver sa
véritable vocation première. J'espère que l'écologiste que vous êtes, monsieur
le ministre, ne me contredira pas sur ce point.
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Yves Cochet,
ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.
Monsieur
le sénateur, vous me demandez quelles sont les intentions du Gouvernement en
matière d'aide à l'investissement des collectivités locales dans le domaine des
déchets et vous souhaitez que soient relevés les taux d'aide de l'ADEME, dont
la baisse, dites-vous, avait été décidée en 1999, ainsi que les autorisations
de programme inscrites au chapitre 67-30, article 20, du projet de loi de
finances.
La baisse des taux d'aide a été plus que compensée, pour les collectivités
locales, par la diminution du taux de TVA sur le traitement des déchets et par
l'accroissement des aides à Eco-emballages.
La dotation en autorisations de programme tient compte du portefeuille de
projets identifiés par l'ADEME comme pouvant être aidés en 2002, du système
d'aides actuel et des disponibilités d'engagement prévisibles de
l'établissement à la fin de cette année 2001.
La dotation en crédits de paiement inscrite au projet de budget correspond,
elle aussi, aux besoins identifiés, en tenant compte des disponibilités
prévisibles de l'établissement à la fin de 2001.
Bien sûr, comme vous l'indiquez, il est vraisemblable, il est même certain que
cette dernière dotation devra être majorée en 2003 et même en 2004. Mais nous
ne renonçons pas à la budgétisation des ressources de l'ADEME, très justement
décidée pour permettre d'adapter, année après année, les ressources aux
besoins. Elle se traduit, bien sûr, par des évolutions à la baisse ou à la
hausse des dotations.
Vous avez remarqué, dans votre propos, que le volume des déchets augmentait.
Ce problème a été souligné lors des Assises nationales des déchets à La Baule,
en septembre dernier. Ainsi que M. Pélissard le faisait remarquer, le volume
des déchets a dépassé le kilogramme par habitant et par jour. C'est trop ! Il
faut donc faire des efforts pour que ce volume diminue. Mais il faut également
faire face à cette augmentation.
En tout cas, je puis vous dire que le Gouvernement n'envisage pas de revenir
sur la TGAP et sur la budgétisation des ressources de l'ADEME. Eventuellement,
des crédits complémentaires nécessaires pour honorer les engagements de l'ADEME
seront dégagés en 2003 et en 2004.
M. le président.
Nous allons procéder à l'examen et au vote des crédits figurant aux états B et
C concernant l'aménagement du territoire et l'environnement : II. -
Environnement.
ÉTAT B
M. le président. « Titre III : 38 786 512 euros. »