SEANCE DU 19 DECEMBRE 2001
ACTION SOCIALE ET MÉDICO-SOCIALE
Adoption des conclusions
d'une commission mixte paritaire
M. le président.
L'ordre du jour appelle la discussion des conclusions du rapport (n° 110,
2001-2002) de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur le
projet de loi rénovant l'action sociale et médico-sociale.
Dans la discussion générale, la parole est à M. le rapporteur.
M. Paul Blanc,
rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire.
Monsieur le
président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le projet de loi
visant à rénover l'action sociale et médico-sociale est un texte qui aura des
conséquences importantes pour plus de 1 000 000 de personnes accueillies dans
les 25 000 établissements et services sociaux et médico-sociaux que compte
notre pays. Les responsables et acteurs de terrain attendent de ce texte qu'il
leur fournisse les instruments pour mieux accomplir leur activité.
Ce projet de loi réaffirme la place des usagers et de leur famille afin de
mieux répondre à leurs besoins et de mieux respecter leurs droits. Il actualise
les missions de l'action sociale et médico-sociale dans le sens de
l'élargissement et de l'adaptation aux nouvelles aspirations à une vie plus
autonome des personnes prises en charge. Enfin, ce texte renforce et modernise
les mécanismes de régulation et de coopération dans le secteur.
La commission des affaires sociales du Sénat se félicite que, sur ce texte, la
commission mixte paritaire ait abouti dans des conditions satisfaisantes,
mettant ainsi un terme, dans un climat constructif, au processus de réforme
lancé par M. Jacques Barrot en juin 1995 et poursuivi par le gouvernement
suivant.
Au cours de la présente législature, c'est la troisième fois qu'une commission
mixte paritaire réunissant des membres de la commission des affaires
culturelles, familiales et sociales de l'Assemblée nationale et de la
commission des affaires sociales du Sénat débouche sur un texte commun, après
la loi sur le contrôle et la sécurité sanitaire et la loi sur la contraception
d'urgence. Cela montre que des accords sont toujours possibles sur des textes
importants.
La commission des affaires sociales se félicite également que l'examen de ce
texte se soit déroulé dans un climat dépassionné, chacun ayant pu participer à
l'élaboration d'un nouveau texte de référence. La première lecture devant notre
assemblée illustre bien ce choix qui était le mien et également celui du
rapporteur à l'Assemblée nationale.
Non seulement plus de la moitié des amendements adoptés sur l'initiative de
notre commission avaient reçu un avis favorable du Gouvernement, mais des
amendements provenant de tous les groupes du Sénat ont été adoptés sur ce
texte.
Mme Paulette Guinchard-Kunstler,
secrétaire d'Etat aux personnes âgées.
Tout à fait !
M. Paul Blanc,
rapporteur.
Notre assemblée a modifié utilement le texte sur plusieurs
points.
Tout d'abord, le Sénat a significativement renforcé le degré d'exigence
vis-à-vis des associations gestionnaires.
Il a prévu l'élaboration d'une charte nationale posant des principes éthiques
et déontologiques publiée au
Journal officiel
, qui sera portée par le
secteur associatif.
Nous avons utilement précisé comment pouvait être effectué un transfert
d'activité et comment assurer la liquidation financière en cas de fermeture
définitive d'un établissement ou d'un service à la suite d'une mesure de
sanction.
Bien entendu, notre assemblée s'est souciée du rôle des collectivités locales
: elle a souhaité que tous les départements puissent être représentés au sein
du comité régional de l'organisation sanitaire et sociale lorsque des décisions
les concernent. Par ailleurs, elle a prévu que le président du conseil général
présiderait la nouvelle commission départementale de l'accueil des jeunes
enfants.
Sans esprit de chapelle, le Sénat a renforcé les possibilités de coopération
entre le secteur social et médico-social et le secteur hospitalier.
Enfin, s'agissant du rôle des associations, le Sénat a souhaité qu'elles
puissent utiliser légalement l'appellation d'institutions sociales et
médico-sociales, dès lors qu'elles sont gestionnaires d'un établissement ou
d'un service.
En outre, sur la question importante des conditions parfois contestées dans
lesquelles sont agréées par le ministre les conventions collectives du secteur
social et médico-social, le Sénat a fait une avancée en indiquant que le
ministre devrait présenter chaque année, devant la commission d'agrément, un
rapport sur l'année écoulée et les orientations en matière d'agrément des
accords et d'évolution de masse salariale pour l'année en cours.
Nous souhaitons d'ailleurs, madame la secrétaire d'Etat, que cette disposition
soit appliquée, dès cette année, dans l'esprit dans lequel le législateur l'a
voulu, c'est-à-dire en garantissant un processus de décision plus transparent à
partir de la réalité du coût des engagements pris et des marges de manoeuvre
raisonnablement envisageables.
Bien entendu, cette liste n'est pas exhaustive et elle n'inclut notamment pas
les nombreux amendements rendus nécessaires pour mettre le texte en conformité
avec le nouveau code de l'action sociale et des familles publié après le dépôt
du projet de loi initial.
Le travail accompli par le Sénat, aussi bien que par l'Assemblée nationale,
sur un texte qui avait déjà fait l'objet d'une longue concertation, conduit
votre commission à exprimer un regret : nous estimons que le Gouvernement a eu
tort d'assortir ce projet de loi d'une déclaration d'urgence.
Cette urgence est paradoxale : l'Assemblée nationale a examiné le texte en
janvier 2001 et le projet de loi n'a été inscrit à l'ordre du jour prioritaire
des travaux du Sénat qu'à la fin du mois d'octobre de cette année.
Cette urgence est critiquable, car le travail de codification aurait pu être
utilement peaufiné au cours d'une deuxième lecture dans chaque assemblée au
lieu d'être poursuivi en commission mixte paritaire.
Quoi qu'il en soit, cette commission mixte paritaire a permis de lever le
point principal de divergence entre nos deux assemblées, qui portait sur la
durée des autorisations de fonctionnement dans le secteur social et
médico-social.
Dégager une position commune a été d'autant plus facile que le Sénat n'avait
pas souhaité faire du caractère illimité de l'autorisation une question de
principe ; il s'agissait seulement de souligner que la durée de dix ans
apparaissait peu adaptée aux contraintes posées par les établissements de
crédit pour investir dans la création de nouveaux établissements ou services.
Il s'agissait aussi de refuser l'idée selon laquelle un établissement qui
fonctionne bien pourrait être menacé dans son existence tous les dix ans, parce
que le schéma d'organisation sociale ou médico-sociale aurait été modifié ou
parce que les enveloppes financières auraient été réduites.
Nous nous sommes mis d'accord sur le dispositif suivant.
La durée de l'autorisation passe de dix à quinze ans, ce qui semble plus
raisonnable au regard des délais d'amortissement des investissements dans le
secteur.
Par ailleurs, l'autorisation initiale est bien différenciée du renouvellement
et il est précisé que ce dernier est exclusivement subordonné aux résultats de
l'évaluation externe. Ce point est important, car l'évaluation ne porte que sur
les activités et la qualité des prestations fournies : il s'agit donc de tenir
compte des résultats qualitatifs de l'établissement et non pas de facteurs
externes que celui-ci ne maîtriserait pas.
Enfin, il est prévu de mettre en place un authentique régime d'approbation
tacite au moment du renouvellement de l'autorisation.
L'établissement ou le service ne dépose plus automatiquement de demande de
renouvellement ; en revanche, il appartient à l'autorité compétente au vue de
l'évaluation externe, d'enjoindre éventuellement à l'établissement ou au
service de présenter une telle demande.
Le rythme des évaluations externes est accéléré. Une première évaluation
externe devra avoir lieu dans les sept ans qui suivent l'autorisation initiale
ou un renouvellement ; une deuxième évaluation externe devra être
obligatoirement effectuée au moins deux ans avant la date du renouvellement
suivant.
Nous nous félicitons d'avoir réussi à trouver cet accord, dans un esprit
d'ouverture avec nos collègues de l'Assemblée nationale.
En cette période, si vous le permettez, je ne peux que former un double
voeu.
Tout d'abord, que le même esprit, quelles que soient les échéances, continue
de souffler sur la préparation du projet de réforme de la première loi du 30
juin 1975, la loi d'orientation relative aux personnes handicapées, car le
législateur est également très attendu pour donner une impulsion vigoureuse en
vue de procurer une vie meilleure et plus juste à tous nos concitoyens qui
souffrent d'un handicap.
M. Alain Gournac.
C'est vrai !
M. Paul Blanc,
rapporteur.
Vous le savez, les associations attendent beaucoup de ce
projet de loi.
M. Alain Gournac.
Oui, beaucoup !
M. Paul Blanc,
rapporteur.
Ensuite, que les décrets d'application sortent dans les
meilleurs délais puisque le Gouvernement a largement eu le temps de les
préparer.
La conclusion des travaux sur le projet de loi rénovant l'action sociale et
médico-sociale marque, en tout cas, une étape importante.
Je vous invite donc, mes chers collègues, à adopter, comme l'a fait
l'Assemblée nationale hier, le texte élaboré par la commission mixte paritaire.
(Applaudissements).
M. le président.
La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Paulette Guinchard-Kunstler,
secrétaire d'Etat aux personnes âgées.
Monsieur le président, monsieur le
rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, le Sénat doit se prononcer
définitivement sur ce projet de loi, après un accord entre les deux assemblées
en commission mixte paritaire, validé à l'unanimité par les députés hier soir.
Je m'en réjouis d'autant plus qu'un accord de ce type est relativement rare
dans les travaux de la représentation nationale.
Ce projet de loi s'inscrit dans la volonté du Gouvernement de lutter contre
toutes les formes d'exclusion et de reconnaître à chacun une égale dignité.
Trois principes majeurs ont présidé à l'élaboration de cette réforme :
garantir les droits des usagers de ce secteur, promouvoir l'innovation sociale
et médico-sociale, responsabiliser l'ensemble des décideurs et des acteurs en
organisant leurs relations avec plus de transparence et de rigueur.
Lors de la première lecture du projet de loi par l'Assemblée nationale, les
députés ont sensiblement enrichi le texte initial présenté par le
Gouvernement.
Reconnaissant le droit des usagers, l'Assemblée nationale a introduit la
participation directe de l'intéressé à son projet d'accueil et d'accompagnement
et associé les usagers et leur entourage au fonctionnement des
établissements.
Les députés ont introduit une plus grande transparence dans les relations
entre les pouvoirs publics et leurs partenaires institutionnels en créant un
conseil supérieur des établissements et services sociaux et médico-sociaux.
Les députés ont aussi très sensiblement développé et renforcé les dispositions
visant à promouvoir les démarches d'évaluation de la qualité des prestations
délivrées par nos établissements et services.
Vous avez introduit l'obligation d'une évaluation externe par des organismes
indépendants sur les bases d'un cahier des charges.
La base légale a été conférée au financement des foyers à double tarification
et il sera possible de tarifer l'accueil temporaire, mode de prise en charge
tant attendu.
Les députés ont aussi élargi le régime des incapacités professionnelles, dans
ce secteur, aux personnes condamnées pour crime sexuel ou atteintes aux
personnes.
Lorsque, à son tour, votre Haute Assemblée a examiné ce texte en octobre
dernier, vous avez également procédé à des améliorations notables de la
codification complète du projet de loi.
Dans le champ des conventions collectives régissant les personnels du secteur
associatif, le Sénat a approuvé un sous-amendement du Gouvernement introduisant
une information annuelle, en début d'année, des partenaires sociaux sur les
orientations et les perspectives du Gouvernement en matière de politique
salariale : vous y avez, monsieur le rapporteur, fait allusion il y a quelques
instants.
Vous avez enfin accepté les propositions du Gouvernement permettant aux
pouvoirs publics de se doter d'outils de lutte contre les actes de maltraitance
en établissements et contre les indélicatesses financières de certains
gestionnaires.
Dorénavant, les organismes gestionnaires devront définir, au sein d'une charte
nationale, les principes éthiques et déontologiques portés par le secteur
social et médico-social.
Le projet de loi prévoit également des modalités d'inspection mieux définies,
des modes d'injonction plus précis, une période plus longue d'intervention de
l'administrateur provisoire, des procédures plus efficaces de fermeture des
établissements pour des raisons tenant à l'atteinte au bien-être physique ou
moral des personnes.
Je salue donc ici le sens des responsabilités dont a su faire preuve le Sénat
pour garantir les meilleures conditions possibles de sécurité des publics
particulièrement fragiles accueillis dans les établissements régis par la loi
sociale.
Comme vous venez de le préciser, monsieur le rapporteur, la commission mixte
paritaire a réalisé un bon compromis sur les quelques points de divergence
encore existants. Ainsi, le Gouvernement approuve sans réserve le
rétablissement des fenêtres de dépôt et d'examen des projets de création
portant sur des établissements et des services de même nature. Il approuve
également le rétablissement des autorisations à durée déterminée, même si une
durée fixée à quinze ans peut paraître un peu longue, mais un compromis postule
des concessions de part et d'autre.
La commission mixte paritaire a également mieux précisé et distingué les
critères liés à l'autorisation initiale et celui qui préside au renouvellement
de cette autorisation ainsi qu'à sa reconduction tacite. Ce dispositif
épargnera ainsi la constitution de dossiers inutiles, facilitera la tâche des
services de l'Etat et des services départementaux.
La commission mixte paritaire a également rétabli l'habilitation par le seul
préfet des établissements accueillant des mineurs au titre de l'assistance
éducative prescrite par le juge. J'en viens à vos deux voeux, monsieur le
rapporteur.
S'agissant de la loi d'orientation du 30 juin 1975, vous savez - je l'avais
déjà indiqué dans cette enceinte au mois d'octobre - que Ségolène Royal a mis
en place un groupe de travail. Les débats en cours montrent qu'il est important
d'aller vite, tout en prenant en compte le temps de la réflexion pour faire en
sorte que la loi future soit réellement adaptée aux attentes des personnes
handicapées et de leurs associations.
Quant aux décrets d'application, bon nombre d'entre eux sont en préparation.
Ils seront tous élaborés après une concertation au sein d'ateliers organisés
par la direction générale de l'action sociale, et le Gouvernement s'engage à
faire paraître avant la fin du premier semestre 2002 les décrets les plus
structurants, s'agissant par exemple des droits des usagers, de l'organisation
du nouveau conseil, du nouveau régime des autorisations, des nouvelles
procédures budgétaires et comptables ou de la tarification des modes de prise
en charge innovants, notamment l'accueil temporaire.
Que l'on ne s'y trompe pas ! Derrière l'ensemble de ces nouvelles
dispositions, c'est bel et bien la vie quotidienne de plusieurs centaines de
milliers de nos concitoyens qui v'a s'en trouver améliorée.
Cette loi était attendue par la totalité des acteurs du secteur social et
médico-social, et c'est d'abord un succès pour le Parlement que d'avoir répondu
aux attentes de ce secteur d'avoir fait prévaloir l'intérêt général, sans
arrière-pensées politiques, et d'avoir ainsi reconnu les apports des
institutions sociales et médico-sociales à la construction de la cohésion
sociale de notre pays. Les nouvelles règles du jeu instaurées par ce texte nous
y aideront efficacement.
M. le président.
La parole est à M. Cazeau.
M. Bernard Cazeau.
Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, je
tiens à vous indiquer la position du groupe socialiste sur ce texte.
La commission mixte paritaire, qui s'est réunie le 4 décembre, a réussi à
trouver un accord sur les dispositions de ce projet de loi qui restaient en
discussion.
Depuis plusieurs années, la nécessité de la réforme du texte fondateur en la
matière était reconnue par tous. Malgré les vingt modifications législatives
intervenues en un quart de siècle, cette nécessité s'est imposée eu égard à
l'évolution non seulement des populations concernées mais encore des réponses
apportées aux problèmes rencontrés.
Cette réforme a été bien préparée, dans la concertation et avec l'accord du
monde associatif. Nous nous en réjouissons.
Le groupe socialiste, en première lecture, a voté contre ce projet de loi, car
il voulait, à travers ce vote, marquer sa désapprobation par rapport à la durée
illimitée dans le temps des autorisations de fonctionnement.
La commission mixe paritaire a fixée la durée desdites autorisations à quinze
ans ; bien évidemment, nous aurions préféré qu'elle reste fixée à dix ans, mais
c'est un progrès évident par rapport à la première lecture.
Nous nous réjouissons donc de la réussite de la commission mixte paritaire et
nous voterons ce texte, car nous savons qu'il est très attendu dans un secteur
qui est en pleine mutation.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion des articles.
Je rappelle que, en application de l'article 42, alinéa 12, du règlement,
lorsqu'il examine après l'Assemblée nationale le texte élaboré par la
commission mixte paritaire, le Sénat se prononce par un seul vote sur
l'ensemble du texte.
Je donne lecture du texte de la commission mixte paritaire :