SEANCE DU 8 JANVIER 2002
SOMMAIRE
PRÉSIDENCE DE M. GUY FISCHER
1.
Procès-verbal
(p.
0
).
M. le président.
2.
Décisions du Conseil constitutionnel
(p.
1
).
3.
Questions orales
(p.
2
).
coût financier de la réhabilitation
des logements de gendarmes (p.
3
)
Question de M. Jean-François Le Grand. - MM. Jacques Floch, secrétaire d'Etat à la défense chargé des anciens combattants ; Jean-François Le Grand.
application de la cmu
et difficultés financières des mutuelles (p.
4
)
Question de Mme Valérie Létard. - Mmes Nicole Péry, secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle ; Valérie Létard.
remboursement du traitement de l'ostéoporose (p. 5 )
Question de Mme Marie-Claude Beaudeau. - Mmes Nicole Péry, secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle ; Marie-Claude Beaudeau.
maltraitance des personnes âgées (p. 6 )
Question de M. Michel Teston. - Mme Nicole Péry, secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle ; M. Michel Teston.
insuffisance de la desserte ferroviaire
de la haute-savoie (p.
7
)
Question de M. Jean-Claude Carle. - Mme Marie-Noëlle Lienemann, secrétaire d'Etat au logement ; M. Jean-Claude Carle.
expérimentation de la réglementation du dépassement pour les poids-lourds sur l'axe nord-sud alsacien autoroutier ou l'axe à deux fois deux voies entre strasbourg et mulhouse (p. 8 )
Question de M. Hubert Haenel. - Mme Marie-Noëlle Lienemann, secrétaire d'Etat au logement ; M. Hubert Haenel.
politique du 1 % logement (p. 9 )
Question de M. Fernand Demilly. - Mme Marie-Noëlle Lienemann, secrétaire d'Etat au logement ; M. Fernand Demilly.
conséquences de la création
de la holding alliance (p.
10
)
Question de M. Ivan Renar. - MM. François Huwart, secrétaire d'Etat au commerce extérieur ; Ivan Renar.
réorganisation de la poste (p. 11 )
Question de M. Jean-Pierre Demerliat. - MM. François Huwart, secrétaire d'Etat au commerce extérieur ; Jean-Pierre Demerliat.
compétences des architectes
des bâtiments de france (p.
12
)
Question de Mme Gisèle Printz. - M. Michel Duffour, secrétaire d'Etat au patrimoine et à la décentralisation culturelle ; Mme Gisèle Printz.
droits de photocopies
dans les écoles élémentaires (p.
13
)
Question de M. Henri de Richemont. - MM. Michel Duffour, secrétaire d'Etat au patrimoine et à la décentralisation culturelle ; Henri de Richemont.
situation de l'institut universitaire
de technologie de ville-d'avray (p.
14
)
Question de M. Denis Badré. - MM. Michel Duffour, secrétaire d'Etat au patrimoine et à la décentralisation culturelle ; Denis Badré.
pouvoirs du maire en matière
de délivrance d'attestations d'accueil (p.
15
)
Question de M. Jean-Patrick Courtois. - MM. Michel Duffour, secrétaire d'Etat au patrimoine et à la décentralisation culturelle ; Jean-Patrick Courtois.
âge requis pour devenir
sapeur-pompier volontaire (p.
16
)
Question de M. Claude Biwer. - MM. Michel Duffour, secrétaire d'Etat au patrimoine et à la décentralisation culturelle ; Claude Biwer.
élaboration des schémas
de cohérence territoriale (p.
17
)
Question de M. Philippe Nogrix. - MM. Michel Duffour, secrétaire d'Etat au patrimoine et à la décentralisation culturelle ; Philippe Nogrix.
réforme du programme de maîtrise
des pollutions d'origine agricole (p.
18
)
Question de M. René-Pierre Signé. - MM. Charles Josselin, ministre délégué à la coopération et à la francophonie ; René-Pierre Signé.
situation des coopérants
ayant perdu le droit à titularisation (p.
19
)
Question de M. Louis Souvet. - MM. Charles Josselin, ministre délégué à la coopération et à la francophonie ; Louis Souvet.
Suspension et reprise de la séance (p. 20 )
PRÉSIDENCE DE M. SERGE VINÇON
4.
Demande de consultation d'assemblées territoriales
(p.
21
).
5.
Démocratie de proximité.
- Discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence (p.
22
).
Discussion générale : MM. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur ; Daniel
Hoeffel, rapporteur de la commission des lois ; Michel Mercier, rapporteur pour
avis de la commission des finances ; Patrick Lassourd, rapporteur pour avis de
la commission des affaires économiques ; Xavier Darcos, rapporteur pour avis de
la commission des affaires culturelles ; Jean-Claude Peyronnet, Alex Türk,
Henri de Raincourt, Gilbert Barbier, Jean-Paul Delevoye, Jean-Jacques Hyest,
Mme Josiane Mathon, M. Pierre Mauroy.
Renvoi de la suite de la discussion.
6.
Communication de l'adoption définitive de textes soumis au Sénat en application
de l'article 88-4 de la Constitution
(p.
23
).
7.
Dépôt d'une proposition de loi
(p.
24
).
8.
Dépôts rattachés pour ordre au procès-verbal de la séance du 20 décembre 2001
(p.
25
).
9.
Ordre du jour
(p.
26
).
COMPTE RENDU INTÉGRAL
PRÉSIDENCE DE M. GUY FISCHER
vice-président
M. le président.
La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à neuf heures trente.)
1
PROCÈS-VERBAL
M. le président.
Le procès-verbal de la séance du jeudi 20 décembre 2001 a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ?...
Le procès-verbal est adopté.
A l'occasion de cette première séance de l'année, qui correspond à la reprise
de nos travaux, je voudrais vous adresser, monsieur le secrétaire d'Etat, mes
chers collègues, ainsi qu'au personnel du Sénat tous mes voeux pour 2002, en
espérant que nous ferons ensemble quelques pas sur les chemins de la paix, de
la tolérance, de la justice et de la lutte contre toutes les exclusions.
2
DÉCISIONS DU CONSEIL CONSTITUTIONNEL
M. le président.
M. le président du Sénat a reçu de M. le président du Conseil constitutionnel,
par lettre en date du 27 décembre 2001, le texte des décisions rendues par le
Conseil constitutionnel sur la loi de finances pour 2002 et sur la loi de
finances rectificative pour 2001.
Acte est donné de cette communication.
Ces décisions du Conseil constitutionnel ont été publiées au Journal Officiel , édition des lois et décrets.3
QUESTIONS ORALES
M. le président. L'ordre du jour appelle les réponses à des questions orales.
COÛT FINANCIER DE LA RÉHABILITATION
DES LOGEMENTS DE GENDARMES
M. le président.
La parole est à M. Le Grand, auteur de la question n° 1715, adressée à M. le
ministre de la défense.
M. Jean-François Le Grand.
Qu'il me soit permis, à mon tour, de vous souhaiter une bonne année, monsieur
le président, ainsi qu'à vous, monsieur le secrétaire d'Etat, comme à tous nos
collaborateurs.
Ma question concerne donc les gendarmeries.
Vous savez bien, monsieur le secrétaire d'Etat, puisque vous avez été maire,
que les gendarmeries doivent être construites par les collectivités, qui en
sont propriétaires.
Or les prix de location payés par l'Etat sont notoirement insuffisants
puisqu'ils ne permettent pas aux collectivités d'asseoir leurs investissements
sur des recettes suffisantes. Dès lors elles se trouvent dans des situations
extrêmement difficiles.
Au demeurant, les situations sont très disparates dans la mesure où, selon
leur propriétaire - communes, établissements publics intercommunaux, conseils
généraux - les gendarmeries sont plus ou moins réhabilitées.
En prime, si je peux m'exprimer ainsi, la TVA sur les travaux n'est pas
récupérable, ce qui aggrave très sérieusement les choses : ainsi, en
l'occurrence, alors que les collectivités agissent au nom de l'Etat, on leur «
pique la TVA », si vous me permettez cette expression un peu triviale.
En 1957, il avait été envisagé d'autoriser l'Etat à prendre à bail des
logements HLM. Or, en 1977, alors que sévissait une crise du logement, une loi
a limité cette possibilité de recours aux offices d'HLM. Depuis lors, très
régulièrement, les chambres régionales des comptes nous disent que nous n'avons
pas le droit d'utiliser les logements HLM pour loger des gendarmes.
Monsieur le secrétaire d'Etat, essayons de sortir de cette situation un peu
alambiquée : ou bien on autorise les offices d'HLM à intervenir de nouveau,
auquel cas on pourra proposer des logements décents à nos gendarmes soit en
caserne, soit hors caserne, ou bien l'Etat augmente sa participation au travers
du prix de la location, de manière que les opérations redeviennent
rentables.
Monsieur le secrétaire d'Etat, vous avez entendu les recommandations de M. le
président : luttons contre les exclusions ! En l'occurrence, n'excluons pas les
gendarmes !
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Jacques Floch,
secrétaire d'Etat à la défense chargé des anciens combattants.
Monsieur
le président, je vous remercie très sincèrement de vos voeux. A mon tour, à
l'occasion de cette nouvelle année, je vous adresse les miens, ainsi qu'à
l'ensemble des membres de la Haute Assemblée.
Je profite également de cette occasion pour remercier le personnel du Sénat de
l'accueil qui m'a été réservé depuis quelques mois et pour lui présenter mes
meilleurs voeux pour l'année 2002, qui va être dense en matière politique ;
mais c'est le débat républicain et démocratique qui le veut ainsi !
J'espère en tout cas que nous aurons encore l'occasion de discuter de mesures
propres à améliorer le sort des Françaises et des Français, à qui je souhaite
également une très bonne année 2002.
Monsieur Le Grand, la question que vous avez soulevée est une question grave.
Elle faisait d'ailleurs partie des revendications formulées par les gendarmes
lors des manifestations auxquelles ils se sont livrés, manifestations dont nous
avons pu à la fois constater l'importance mais aussi critiquer le déroulement,
et j'emploie ce mot « critiquer » au sens littéral du terme, c'est-à-dire dans
le sens à la fois d'approuver et de désapprouver. Nous pensons en effet que le
statut militaire de la gendarmerie, que vous défendez d'ailleurs, monsieur le
sénateur, et dont je suis moi aussi assez partisan entraîne des droits et
devoirs, notamment quelques obligations particulières.
Ainsi, s'agissant du problème que vous évoquez, c'est-à-dire le logement de
ces militaires, ne peuvent pas être appliquées les règles normales auxquelles
obéit l'Etat pour loger ses fonctionnaires.
Certes, l'Etat dispose de moyens particuliers pour assurer le logement de
certains fonctionnaires civils. C'est le cas pour la police, et l'on sait les
problèmes que cela pose dans la région parisienne, par exemple !
En ce qui concerne les gendarmes, des propositions vont être faites pour
assurer une égalité entre eux quel que soit leur lieu d'affectation.
Actuellement, certains sont, en effet, très bien logés parce que des
collectiviés territoriales, avec l'aide de l'Etat, ont accompli des efforts
considérables. J'en sais quelque chose, puisque j'ai été maire, comme vous
l'avez rappelé, monsieur le sénateur, d'une ville dans laquelle il a fallu
reconstituer complètement une compagnie de gendarmerie. Avec l'appui des
services de la gendarmerie, nous avons pu loger de façon très convenable les
gendarmes concernés, qui ne s'en plaignent pas !
En réalité le problème réside dans le fait que l'Etat s'est vu interdire
d'occuper des logements dont le financement intègre des prêts sociaux, prèts
locatifs aidés, PLA, ou primes à l'amélioration des logements à usage locatif
et à occupation sociale, PALULOS. Cette interdiction a été rappelée à la
gendarmerie par la Cour des comptes dans son référé du 18 mars 1981.
Par le passé, des dérogations ont été accordée à titre exceptionnel et
temporaire à la gendarmerie. Mais, par lettre du 4 mars 1999, le ministère de
l'économie, des finances et de l'industrie a rappelé la réglementation en
vigueur au ministère de la défense.
Aujourd'hui, les collectivités territoriales sont quelque peu démunies, mais
elles ne le sont pas complètement car il existe des possibilités de remédier à
l'insuffisance des moyens financiers dont elles disposent en vue d'améliorer le
parc immobilier loué auprès d'elles par la gendarmerie.
Un régime de subventions a ainsi été institué afin de soutenir leurs efforts
en matière de réalisation des casernements.
Certes, il faudra, un jour ou l'autre, revoir le niveau des loyers payés parce
que, si une collectivité territoriale, par ses propres moyens, participe à
l'amélioration des logements, soit en les réhabilitant, soit en procédant à des
constructions, il faut au moins que les loyers perçus permettent le
remboursement des frais engagés, ce qui n'est pas toujours le cas.
Cela étant, l'Etat a déjà accordé des moyens supplémentaires à certaines
collectivités dans lesquelles les conditions de logement des gendarmes étaient
par trop indécentes.
Ainsi, la circulaire du Premier ministre et le décret n° 93-130 modifiés du 28
janvier 1993 prévoient-ils, pour les opérations de construction,
reconstruction, extension ou réhabilitation totale des casernements de
gendarmerie, la possibilité d'une aide en capital sous forme d'une subvention
d'Etat dont le montant est déterminé sur la base du coût TTC des travaux dans
la limite du coût plafond de l'opération.
Le montant maximal de chaque subvention ne peut excéder 20 % du coût de
référence pour les opérations réalisées par les communes dont la population est
inférieure ou égale à 10 000 habitants et qui ne bénéficient pas du concours
financier d'une ou plusieurs autres collectivités territoriales, et 18 % de ce
même coût pour les opérations réalisées par les communes dont la population est
inférieure ou égale à 10 000 habitants et qui bénéficient de ce concours
financier, par les communes dont la population est supérieure à 10 000
habitants, par les groupements de communes ou par les départements.
Par ailleurs, les travaux d'amélioration, notamment ceux qui visent à
l'économie d'énergie ou à la sécurité des casernes, voire les aménagements peu
importants réalisés à la demande de la gendarmerie, peuvent faire l'objet d'une
majoration du loyer, après avis favorable des services fiscaux, qui, en règle
générale, donnent un avis favorable.
Certes, monsieur Le Grand, il va falloir prévoir des moyens nouveaux pour
améliorer la situation. C'est dans le cadre des discussions en cours avec la
gendarmerie mais aussi avec les collectivités locales que l'on pourra trouver
les solutions aptes à résoudre ce problème particulier, qui intéresse non
seulement les gendarmes, les élus locaux, mais aussi l'ensemble de la
population.
M. Jean-François Le Grand.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Le Grand.
M. Jean-François Le Grand.
Monsieur le secrétaire d'Etat, c'est bien d'avoir rappelé les données, mais
elles ne font que souligner la difficulté.
Permettez-moi de vous le dire en toute amitié, en nous annonçant que des
discussions sont en cours, qu'à l'issue de cette phase de concertation on
trouvera des solutions, vous n'avez pas complètement répondu à notre
attente.
Pourriez-vous au moins fixer un terme ou une perspective à cette discussion ?
En effet, dans l'immédiat, les gendarmes attendent : dans un certain nombre de
gendarmeries du département dont j'ai l'honneur de présider le conseil général,
comme dans bien d'autres, on a besoin de réponses précises. Il y va de la
programmation et de la mise en oeuvre des constructions nécessaires à la
gendarmerie.
M. Jacques Floch,
secrétaire d'Etat.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Jacques Floch,
secrétaire d'Etat.
Monsieur le président, si je demande à m'exprimer de
nouveau, même si ce n'est pas l'usage, c'est parce que la question est
particulièrement importante.
Monsieur le sénateur, les discussions actuellement en cours devraient se
terminer avant la fin des quatre premiers mois de l'année 2002.
M. Jean-François Le Grand.
Donc, avant les présidentielles !
M. Jacques Floch,
secrétaire d'Etat.
Peut-être après les présidentielles !
M. Jean-François Le Grand.
D'accord !
M. Jacques Floch,
secrétaire d'Etat.
Les grandes échéances nationales n'empêchent pas le
Gouvernement de travailler !
M. le président.
Un engagement est pris : nous l'avons noté, monsieur le secrétaire
d'Etat.
APPLICATION DE LA CMU
ET DIFFICULTÉS FINANCIÈRES DES MUTUELLES
M. le président.
La parole est à Mme Létard, auteur de la question n° 1207, adressée à Mme le
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Mme Valérie Létard.
Avant d'aborder l'objet de ma question orale, je tiens, à mon tour, à adresser
à tous mes meilleurs voeux pour cette nouvelle année.
Si chacun s'est accordé à reconnaître le bien-fondé de la mise en oeuvre d'une
couverture maladie universelle, notre assemblée, lors de la discussion du
projet de loi qui en a porté création, en juin 1999, avait largement alerté Mme
Aubry, alors ministre de l'emploi et de la solidarité, sur les modalités
d'évaluation du panier de soins dans le dispositif de prise en charge de la
part complémentaire de la CMU. L'évaluation était alors de 1 500 francs par
personne et par an.
Notre commission des affaires sociales s'était inquiétée d'un coût unitaire
qui lui paraissait nettement sous-évalué dans la mesure où il reposait sur des
données de 1995 qui n'avaient pas été réactualisées. De plus, ce coût avait été
calculé par référence à une population qui ne recouvrait pas complètement celle
de la CMU.
Force est de constater aujourd'hui que ces craintes étaient largement
justifiées. L'enveloppe de 1 500 francs n'a jamais pu être respectée et, pour
les mutuelles, qui ont pour la plupart d'entre elles choisi de participer au
système, le coût a toujours été nettement supérieur à cette limite. Je ne
citerai qu'un exemple, celui de la mutuelle Choralis, dans mon département, qui
fait état d'un montant minimum de 1 900 francs - hors frais de gestion - dans
ses prévisions les plus optimistes. Pour cette mutuelle, le montant de
prestations payées pour 2001 - jusqu'au 18 décembre en date de soins - s'élève
à 7 400 551 francs, largement supérieur à celui des prestations versées en
2000, qui n'était que de 3 297 249 francs. La déduction de 1 500 francs par
bénéficiaire, pour un montant de 5 176 000 francs en 2001, est loin de couvrir
la totalité des frais engagés.
Si elles veulent assurer le financement du dispositif, les mutuelles se
trouvent contraintes d'augmenter les cotisations réglées par leurs adhérents.
Celles qui refusent d'alourdir la contribution déjà demandée n'ont d'autre
solution que de sortir du système. C'est le cas de la mutuelle Intégrance, dont
l'effectif des cotisants est composé à 74 % de handicapés et de familles très
modestes, et qui a refusé d'alourdir la charge financière supportée par ses
adhérents ; elle a évalué la consommation moyenne du panier de soins à environ
3 100 francs pour l'année 2001.
D'autres mutuelles membres de la fédération nationale de la mutualité
interprofessionnelle, dans une résolution adoptée à plus de 90 % des voix le 27
octobre dernier, ont annoncé le maintien provisoire de leur participation, mais
leur intention de se retirer en 2003 si le principe d'une réévaluation annuelle
des remboursements de la part complémentaire n'est pas envisagé.
En 1999, dans sa réponse aux orateurs intervenus dans la discussion générale
du projet de loi créant la CMU, Mme Aubry avait indiqué : « Nous avons donc
retenu le chiffre de 1 500 francs. En agissant ainsi, nous avons la conviction
que nous avons gardé une marge de sécurité. Le Gouvernement est cependant tout
à fait d'accord pour faire un bilan année après année. Et s'il s'avérait qu'il
y a des modifications, dont aujourd'hui je n'ai aucune raison de penser
qu'elles doivent intervenir, nous en tirerions les conséquences. »
Le fonctionnement du dispositif a montré que le financement actuel a largement
sous-estimé la progression des dépenses. Le Gouvernement va-t-il, avant que les
organismes complémentaires ne se désengagent massivement, tirer les
conséquences de cet état de fait, comme Mme Aubry en avait pris l'engagement
devant notre assemblée ?
M. le président.
La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Nicole Péry,
secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle.
Madame la sénatrice, vous voudrez bien excuser l'absence de Mme Elisabeth
Guigou, au nom de laquelle je vous apporte la réponse que voici.
Alors que l'ancienne aide médicale des départements ne couvrait que 3 400 000
personnes - et encore de façon inégale sur l'ensemble du territoire ! - près de
5 millions de personnes disposent aujourd'hui, grâce à la CMU, d'une bien
meilleure couverture maladie. Ce succès est le fruit de l'engagement de tous
les acteurs de la CMU, dont, naturellement, les organismes de couverture
maladie complémentaire : mutuelles, compagnies d'assurance, institutions de
prévoyance.
Vous évoquez, madame la sénatrice, les difficultés que rencontrent certaines
mutuelles à assumer les engagements qu'elles ont pris dans le cadre de la
CMU.
Consciente de ces difficultés, Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité
a demandé au directeur du fonds de financement de la CMU d'analyser ce
problème. Il ressort de l'étude qu'il a rendue en décembre 2001 que, tous
organismes confondus, le coût moyen de la CMU s'est élevé à 1 113 francs en
2000, soit 169,68 euros, et à 1 543 francs en 2001, soit 235,23 euros.
Il est probable que l'année 2002 verra une nouvelle progression des coûts
moyens de la CMU du fait de la poursuite de la montée en charge de ce
dispositif. Si cette tendance se confirmait, le Gouvernement étudierait la
possibilité de revaloriser le montant de la déduction dont bénéficient les
organismes complémentaires. Il reste que, globalement, le bien-fondé de la
participation des organismes de couverture maladie complémentaire à la CMU
n'est pas aujourd'hui remise en cause, notamment au regard des chiffres que je
viens de citer.
Vous évoquez le cas de la mutuelle Intégrance : celui-ci est rès spécifique,
car elle accueille un grand nombre de personnes handicapées, dont les dépenses
de santé sont très élevées - supérieures à 3 000 francs en moyenne - en raison
principalement des frais de prise en charge du forfait hospitalier journalier.
Cette mutuelle a demandé à revenir sur son engagement de participer à la CMU.
Je soulignerai que les personnes concernées ne subiront aucune rupture de
droit, car elles seront prochainement prises en charge au titre de la CMU
complémentaire par les caisses primaires d'assurance maladie.
Le Gouvernement attache évidemment un grand intérêt à la participation des
organismes complémentaires à la couverture maladie des personnes aux ressources
modestes. Nous mettrons en place dans les prochains jours un dispositif d'aide
à l'acquisition de contrats de couverture maladie complémentaire en faveur des
personnes dont les ressources dépassent de moins de 10 % le plafond de la CMU ;
cette aide sera apportée par les fonds d'action sanitaire et sociale des
caisses primaires d'assurances maladie et devrait couvrir la moitié environ du
coût d'un contrat offrant une couverture représentant l'équivalent de la
CMU.
Tels sont, madame la sénatrice, les éléments de réponse que je pouvais
aujourd'hui vous apporter.
Mme Valérie Létard.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à Mme Létard.
Mme Valérie Létard.
Je vous remercie de votre réponse, madame la secrétaire d'Etat, mais il est
évident que je n'ai satisfaction que sur une petite partie de ma demande.
Permettez-moi d'évoquer le cas que je connais le mieux, celui de la mutuelle
Choralis, qui intervient dans le Valenciennois. Voilà un territoire où une très
grande partie de la population est en difficulté, et il ne s'agit pas seulement
des personnes handicapées : nous avons l'un des taux de chômage les plus
importants de France, et le seul arrondissement de Valenciennes compte 5 000
bénéficiaires de la CMU, avec un panier de soins représentant 1 900 francs.
Au 1er janvier 2003, cette mutuelle se désengagera, comme 90 % de celles qui
adhèrent à la fédération nationale des mutuelles interprofessionnelles, et cela
contre son propre souhait. Il n'empêche qu'elle va devoir changer sa politique
en faveur des populations en difficulté.
De plus, les cinq personnes qui, au sein de la mutuelle, travaillent à temps
plein à la mise en oeuvre de la part complémentaire de la CMU vont voir leur
activité cesser dans ce domaine.
Je pense que tout cela mérite qu'on y réfléchisse sérieusement.
REMBOURSEMENT DU TRAITEMENT DE L'OSTÉOPOROSE
M. le président.
La parole est à Mme Beaudeau, auteur de la question n° 1209, adressée à M. le
ministre délégué à la santé.
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Je tiens, moi aussi, à présenter à tous mes voeux de très bonne année 2002,
formulant surtout le souhait de voir toutes les guerres cesser dans le
monde.
Ma question me paraît importante, car elle soulève un problème de santé
publique de caractère national, elle laisse entrevoir une possibilité de faire
reculer une maladie aujourd'hui parfaitement connue, elle permet d'insister sur
la nécessité d'en prévenir et d'en retarder l'apparition par une prévention qui
a forcément un prix et elle me donne enfin l'occasion de préconiser une série
de mesures propres à faire réaliser des économies.
L'ostéoporose touche aujourd'hui en France 2 millions de personnes. Elle en
concernera un nombre croissant au fur et à mesure du vieillissement de la
population française et de l'allongement de la durée de la vie dans notre
pays.
Dans le document de l'Assistance publique-hôpitaux de Paris intitulé « Cent
questions sur l'ostéoporose », les spécialistes et l'Institut de rhumatologie
affirment que, sur cent femmes françaises atteignant la ménopause, quarante
auront, avant la fin de leur vie, une fracture due à la fragilité des os, avec
des conséquences graves sur la qualité de vie et même sur l'espérance de vie,
en particulier à la suite d'une fracture du col du fémur. Rappelons que,
actuellement, en France, 50 000 personnes sont victimes chaque année de cet
accident. Selon les prévisions, on en dénombrera 100 000 en 2010 et 150 000 en
2050.
Or, fait assez rare pour être signalé, il existe un consensus sur cette
maladie dans le milieu médical. L'ostéoporose est responsable de la plupart des
fractures dont je parlais, car il s'agit d'une maladie qui associe diminution
de la densité des os et modification de l'architecture osseuse. La perte
osseuse est linéaire chez l'homme : 0,5 % par an ; elle s'accélère à la
ménopause - de 2 % à 5 % - chez la femme ; elle est continue chez les personnes
âgées de plus de soixante-dix ans.
Nous sommes donc en présence d'un problème qui se pose de manière permanente,
et il s'agit bien d'une question de caractère national, appelant des décisions
de la part du ministère de la santé.
Je souhaiterais savoir, précisément, quelles mesures sont envisagées pour, à
la fois, lutter selon des formes nouvelles contre cette maladie et s'opposer au
fatalisme qu'elle suscite, y compris dans le monde médical.
La densité osseuse peut se mesurer soit par rayons, soit par
ostéodensitométrie. Il existe une définition densitométrique de l'ostéoporose
qui fait l'objet d'une codification de la part de l'Organisation mondiale de la
santé. Pourquoi la densitométrie, qui est une méthode fiable de dépistage,
demeure-t-elle ignorée par l'assurance maladie puisque celle-ci ne rembourse
pas l'examen ? Cette maladie va-t-elle rester la seule dont le dépistage ne
ferait pas l'objet d'un remboursement ? Pourquoi ce sort particulier fait à
l'ostéoporose ?
Le coût de cet acte médical, du fait de son non-remboursement, est
difficilement appréciable. Il varierait, me dit-on, de 300 francs à 1 500
francs.
Ce non-remboursement a également deux conséquences graves : d'une part, les
hôpitaux publics ne s'équipent pas pour la pratique des analyses et la
recherche de la maladie ; d'autre part, une médecine à deux vitesses se
dessine. Certaines personnes, disposant de revenus confortables, peuvent se
soigner. Les autres, faute de moyens suffisants, doivent subir les atteintes de
cette maladie.
Il en va de même pour les traitements. Au cours des dernières années, de
nombreux progrès scientifiques ont été réalisés dans la compréhension de
l'activité des cellules osseuses et des mécanismes de l'ostéoporose. Un fait
nouveau se dessine : des traitements, des médicaments se montrent aujourd'hui
efficaces. Il en est ainsi du traitement hormonal, qui permet de compenser la
carence en oestrogène, principale cause de l'ostéoporose. L'efficacité de ce
traitement hormonal substitutif est toujours efficace, quel que soit l'âge.
Comme la durée de traitement varie de cinq à dix ans, le remboursement
insuffisant par l'assurance maladie a un effet ségrégatif selon les revenus des
patientes.
Je souligne enfin qu'une politique de prévention fondée sur le remboursement
des actes représenterait une économie de 20 % des dépenses médicales. Voilà qui
est intéressant lorsque l'on recherche des économies pour la sécurité sociale
!
L'ostéoporose est une maladie dont la gravité est aujourd'hui reconnue.
Pourquoi refuse-t-on la prise en charge à 100 % des examens qui permettent de
la dépister et des traitements qui permettent de la combattre lorsqu'elle est
survenue ?
M. le président.
La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Nicole Péry,
secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle.
Cette fois, c'est au nom du ministre délégué à la santé, dont vous voudrez
bien excuser l'absence, que je m'exprimerai. Compte tenu du caractère
éminemment technique de votre question, madame Beaudeau, vous accepterez
certainement que certains éléments de réponse vous soient apportés par
écrit.
La prévention de l'ostéoporose repose, d'abord, sur le respect des mesures
hygiéno-diététiques qui visent à préserver le capital osseux par l'activité
physique, un apport suffisant en calcium et en vitamine D.
Le programme national nutrition-santé 2001-2005 prévoit des mesures éducatives
afin d'améliorer ces apports dans l'alimentation de la population en général et
de façon plus particulière chez les personnes âgées. Chez ces dernières, il est
aussi très important de prévenir les chutes, qui sont souvent à l'origine de
fractures. La prévention des chutes des personnes âgées fait ainsi l'objet de
campagnes d'information du Comité français d'éducation pour la santé et de la
Caisse nationale de l'assurance maladie des travailleurs salariés.
En ce qui concerne le dépistage de l'ostéoporose, les travaux ont montré qu'il
n'y a pas d'intérêt à réaliser un examen de dépistage tel que
l'ostéodensitométrie de façon systématique en population générale. L'Agence
nationale d'accréditation et d'évaluation en santé, l'ANAES, vient de présenter
des recommandations relatives aux « méthodes diagnostiques de l'ostéoporose
post-ménopausique et chez les sujets traités par corticoïdes et leurs
indications ».
Une étude complémentaire, demandée par la direction générale de la santé, est
en cours de réalisation afin d'estimer le nombre de femmes présentant ces
facteurs de risque et qui seraient donc susceptibles de tirer un bénéfice de
l'ostéodensitométrie. Des recommandations de stratégies thérapeutiques sont
aussi en cours d'élaboration par l'Agence française de sécurité sanitaire des
produits de santé.
Les mesures ultrasoniques de la densité osseuse restent du domaine de la
recherche. Une étude comparative des méthodes ultrasoniques et par absorption
biphotonique, lancée par l'INSERM, est actuellement en cours de
développement.
S'agissant des traitements médicamenteux, je vous précise, - mais vous le
savez, madame la sénatrice - que, d'une part, les traitements hormonaux
substitutifs, dont l'une des indications est la prévention de l'ostéoporose,
sont aujourd'hui pris en charge par l'assurance maladie et que, d'autre part,
les médicaments ayant une indication dans le traitement de l'ostéoporose sont
également pris en charge.
Tels sont les éléments de réponse que je pouvais vous apporter.
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à Mme Beaudeau.
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Madame la secrétaire d'Etat, je vous remercie de votre réponse, même si elle
ne me satisfait pas complètement.
Je ne doute pas que le Gouvernement est conscient des problèmes. Et qu'il ait
un plan pour l'avenir, heureusement ! Mais ce qui est en question ici, c'est le
remboursement par l'assurance maladie de certains actes de radiologie tels que
la densitométrie. Je ne demande pas un dépistage systématique, je souhaite
simplement que, lorsqu'un médecin prescrit un tel acte de radiologie, celui-ci
soit remboursé, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui. En effet, tous les
traitements hormonaux ne sont pas totalement remboursés, en tout cas pas ceux
de la dernière génération.
Par ailleurs, l'ostéoporose n'est pas uniquement une maladie de femmes
ménopausées ou de personnes vieillissantes. Ainsi, les polyarthrites
rhumatoïdes et les traitements à base de corticoïdes sont susceptibles
d'entraîner une ostéoporose en l'absence de traitements hormonaux.
Il y a beaucoup à faire en la matière, car cette maladie peut concerner des
personnes jeunes, voire des adolescents ou des enfants. C'est un problème de
santé pour toutes et tous, et il faudra aller beaucoup plus loin dans le
traitement de cette maladie.
La question est importante, et je constate que vous semblez partager cette
opinion.
(Mme le secrétaire d'Etat acquiesce.)
MALTRAITANCE DES PERSONNES ÂGÉES
M. le président.
La parole est à M. Teston, auteur de la question n° 1204, adressée à Mme le
secrétaire d'Etat aux personnes âgées.
M. Michel Teston.
Madame la secrétaire d'Etat, je souhaite appeler votre attention sur la
maltraitance des personnes âgées.
Aujourd'hui encore largement méconnue, cette maltraitance concernerait 5 % des
personnes âgées de plus de soixante-cinq ans, soit 600 000 milles personnes en
France. A l'origine des abus, on trouve la famille dans 49 % des cas, les
professionnels soignants à domicile ou en institution dans 22 % des cas, les
amis et les voisins dans 16 % des cas.
Si 15 % des cas de maltraitance sont dus à des violences physiques, une part
importante résulte d'un manque de soins tels que le refus d'aide, par exemple
pour les repas et pour l'hygiène quotidienne, ou encore la privation de visites
ou le non-respect de la vie privée.
Certes, une charte des personnes âgées dépendantes a été établie en 1986 par
la Fondation nationale de gérontologie et est déjà diffusée auprès des
établissements accueillant les personnes âgées ; mais cette liste de
recommandations constitue avant tout une simple référence pour les acteurs de
la prévention contre la maltraitance et elle est donc insuffisante pour
répondre à l'ampleur des difficultés rencontrées.
Par ailleurs, cette problématique, qui rappelle celle de l'enfance en danger,
nécessite la mise en oeuvre de mesures de sensibilisation et de prévention,
mais également de protection. En effet, une fois les signalements effectués,
des mesures de placement ou d'aide éducative en milieu ouvert seraient
nécessaires pour accompagner les familles et élaborer des solutions telles que
l'orientation vers un établissement, la recherche d'une famille d'accueil,
l'accueil temporaire ou de jour dans une maison de retraite.
Aussi, madame le secrétaire d'Etat, permettez-moi de vous poser trois
questions.
Tout d'abord, est-il possible d'engager une grande campagne de sensibilisation
afin d'informer les familles, les différents partenaires socioprofessionnels
concernés, ainsi que les victimes elles-mêmes ?
Ensuite, quelles sont les mesures de prévention susceptibles d'être adoptées
?
Enfin, quelles dispositions législatives pourriez-vous proposer pour la mise
en oeuvre de réponses concrètes permettant de donner suite aux signalements de
maltraitance ?
M. le président.
La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Nicole Péry,
secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle.
Monsieur le sénateur, vous voudrez bien excuser l'absence de Mme Paulette
Guinchard-Kunstler, au nom de laquelle je puis vous apporter les éléments de
réponse suivants.
Mme le secrétaire d'Etat aux personnes âgées a installé, le 4 septembre
dernier, un groupe de travail sur les maltraitances envers les personnes âgées
pour trouver des réponses adéquates à ce problème. Ce groupe, présidé par le
professeur Michel Debout, membre du Conseil économique et social, devra
proposer des mesures permettant de mieux répondre aux cinq orientations
prioritaires suivantes.
Il s'agit tout d'abord de mesurer l'ampleur du phénomène, d'en identifier et
d'en évaluer les évolutions.
L'amélioration de l'information, de la sensibilisation et de la formation de
tous les professionnels, du corps médical comme des secteurs sanitaire et
social, constitue un deuxième objectif.
Ce groupe de travail devra également formuler des recommandations précises
pour améliorer l'accueil et la prise en charge des personnes âgées à l'hôpital,
notamment dans les services des urgences et, plus largement, dans tous les
établissements médico-sociaux.
Il s'agit ensuite d'accélérer les conditions de mise en place d'un véritable
réseau national d'écoute et de suivi des signalements de maltraitance envers
les personnes âgées ou handicapées à partir du dispositif actuel animé par
Alma, Allô maltraitance.
Il s'agit enfin de proposer des perspectives de mise en oeuvre des
recommandations du groupe de travail interministériel sur le dispositif de
protection des majeurs.
Les travaux du groupe s'achèveront bientôt et le professeur Debout doit
remettre son rapport le 22 janvier à Mme Paulette Guinchard-Kunstler. Vous
comprendrez, monsieur le sénateur, qu'elle souhaite faire part elle-même des
conclusions de ce rapport et des mesures qu'elle compte prendre, soit par voie
de circulaire, soit par voie législative.
A titre personnel, monsieur le sénateur, permettez-moi de vous dire que je
pense que nous aurions tous intérêt à globaliser l'approche de la violence -
des violences - dans notre société.
M. Alain Dufaut.
Oui, c'est vrai !
Mme Nicole Péry,
secrétaire d'Etat.
Trop longtemps, en effet, nous nous sommes tus.
Pour ma part, j'ai commandé un rapport national sur les violences subies par
les femmes. Ses conclusions ont stupéfait l'ensemble de l'opinion publique ! La
maltraitance des personnes âgées est demeurée longtemps complètement taboue. Il
est temps, aujourd'hui, d'en analyser les causes, d'oser en parler, de faire
front.
Il n'y a pas, à mon avis, une violence urbaine, une violence des jeunes, une
violence subie par les femmes et une violence subie par les personnes âgées ;
il faut reconnaître que la violence existe dans notre société, et c'est d'une
façon globale que nous devons nous y attaquer.
(Applaudissements sur toutes
les travées.)
M. Michel Teston.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Teston.
M. Michel Teston.
Je prends acte des mesures de prévention et de protection qui ont déjà été
engagées et je sais qu'un groupe de travail doit remettre prochainement ses
conclusions au Gouvernement.
Je suis satisfait de votre réponse, madame la secrétaire d'Etat. Elle prouve -
mais j'en étais déjà tout à fait conscient - que le Gouvernement a bien pris la
mesure de ces problèmes.
INSUFFISANCE DE LA DESSERTE FERROVIAIRE
DE LA HAUTE-SAVOIE
M. le président.
La parole est à M. Carle, auteur de la question n° 1205, adressée à M. le
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
M. Jean-Claude Carle.
Ma question s'adressait à M. le ministre de l'équipement, des transports et du
logement, mais je ne doute pas de la qualité de la réponse que Mme le
secrétaire d'Etat au logement y apportera.
Cette question a trait aux insuffisances de la desserte ferroviaire du
département de la Haute-Savoie.
Frontalier de la Suisse et de l'Italie, ce département est au carrefour
d'importants flux de marchandises en Europe. Premier département touristique
hiver et été confondus, il est aussi un lieu de destination privilégié pour les
vacanciers et la clientèle étrangère.
Malgré sa situation exceptionnelle, la Haute-Savoie est mal desservie en
matière ferroviaire, ce qui porte préjudice à son développement économique et
touristique.
Les dessertes rapides vers Paris et Lyon au départ d'Annecy ne sont pas à la
mesure des besoins, le tronçon Annecy - Rumilly - Aix-les-Bains en
particulier.
L'amélioration liée à la mise en service de la ligne à grande vitesse entre
Lyon-Saint-Exupéry et Chambéry reste une perspective lointaine.
La volonté de desservir le nord de la Haute-Savoie est loin d'être évidente,
même si une amélioration paraît possible avec la modernisation du tronçon
reliant Bourg-en-Bresse et Bellegarde, qui apporterait un gain de temps
significatif sur la liaison entre Paris et Genève.
L'agglomération d'Annemasse, le Chablais et la vallée de l'Arve ne semblent
pas pris en considération, alors que les TGV au départ de Genève sont remplis à
plus de 25 % par une clientèle haut-savoyarde.
Selon le projet actuel, la liaison Paris-Genève, qui compte sept aller-retour
quotidiens, serait complétée par un TGV supplémentaire, mais aucune circulation
quotidienne ne serait prévue entre Paris et le nord de la Haute-Savoie. Le site
de Nurieux, dans l'Ain, retenu pour dédoubler les rames, paraît avant tout
destiné à améliorer la desserte du bassin d'Oyonnax.
La création de la ligne du haut Bugey devait offrir une opportunité de
rattraper, au moins en partie, le retard affiché par la Haute-Savoie, qui est
malheureusement déjà traitée exclusivement en voies uniques. Or rien, dans la
présentation actuelle de la SNCF et de Réseau ferré de France, ne mentionne de
solution adaptée pour la desserte ferroviaire du nord du département.
C'est pourquoi je vous demande, madame le secrétaire d'Etat, quelle est la
position du Gouvernement et quelles mesures vous comptez prendre pour réparer
cet oubli, si toutefois il s'agit effectivement d'un oubli.
M. le président.
La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Marie-Noëlle Lienemann,
secrétaire d'Etat au logement.
Monsieur le sénateur, M. Jean-Claude
Gayssot, qui est actuellement en séance à l'Assemblée nationale, m'a demandé de
vous communiquer sa réponse.
L'accessibilité des villes du sillon alpin et du bassin franco-genevois fait
partie intégrante de la politique de développement du transport ferroviaire qui
a été actée dans le contrat de plan Etat-région pour la période 2000-2006.
Plusieurs opérations concernent la Haute-Savoie dans ce contrat de plan.
Tout d'abord, pour les lignes existantes, des crédits d'investissement sont
prévus sur l'étoile ferroviaire d'Annemasse, en gare d'Annecy et le long de la
ligne Aix-les-Bains-Annecy.
Ensuite, la réalisation de la ligne nouvelle à grande vitesse entre Lyon et le
sillon alpin permettra de réduire les temps de parcours depuis Paris et Lyon
d'environ trente minutes vers Chambéry et trente-cinq minutes vers Annecy.
Parallèlement, la réouverture de la ligne Bourg-Bellegarde, dite du haut
Bugey, et décidée par ce gouvernement, se traduira par un gain de temps de
l'ordre d'une vingtaine de minutes entre Paris ou Bruxelles, d'une part, et
Genève et les villes de la Haute-Savoie, d'autre part. Associée aux relèvements
de vitesse entre Paris et Lyon qui ont précédé la mise en service du TGV
Méditerranée, la réalisation de ce projet permettra notamment de relier Paris à
Genève en trois heures.
M. Gayssot a eu l'occasion d'évoquer ce dossier à plusieurs reprises avec le
ministre suisse, M. Moritz Leuenberger, avec qui il entretient d'excellentes
relations. L'accord de la Suisse pour une participation financière aux
investissements d'infrastructures situées en France traduit bien la volonté
conjointe et l'intérêt partagé des deux pays à ce projet.
Les études d'avant-projet sommaire sont désormais achevées. Elles reposent sur
un accroissement de l'offre ferroviaire avec deux aller-retour supplémentaires
vers Paris, et la création d'une halte à Nurieux permettant l'accroche de rames
directes vers la Haute-Savoie avec les rames en provenance ou à destination de
Genève. Sachez que le dossier intègre ainsi pleinement les besoins liés à la
desserte de la Haute-Savoie, conformément au souhait des collectivités
territoriales.
Dans la mesure où ce projet apporte une réponse à court terme aux besoins
d'améliorer les dessertes de la Haute-Savoie, à la fois par correspondance TER
ou par TGV directs, M. Gayssot a demandé que toutes les dispositions soient
prises afin qu'une mise en service puisse intervenir en 2006, conformément aux
calendriers mis au point conjointement avec la Suisse. Ainsi, toutes les
procédures administratives seront engagées dans le courant du premier semestre
de l'année 2002.
Enfin, la Haute-Savoie est également concernée par les études engagées par
Réseau Ferré de France, RFF, à la demande de l'Etat, sur la réouverture de la
ligne du Tonkin, qui longe le lac Léman.
M. Jean-Claude Carle.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Carle.
M. Jean-Claude Carle.
Je voudrais d'abord vous remercier, madame le secrétaire d'Etat, des
précisions que vous avez bien voulu m'apporter. Vous avez rappelé les
engagements qui ont été pris dans le contrat de plan Etat-région.
Certes, je ne m'attendais pas à ce que vous me donniez, ce matin, un
calendrier précis des réalisations, mais je reste néanmoins quelque peu sur ma
faim.
Je sais que M. Gayssot a la volonté de développer le chemin de fer, qu'il
s'agisse du transport des voyageurs ou de celui des marchandises. Si la volonté
est sans doute nécessaire, elle n'est toutefois pas suffisante. Elle doit se
traduire dans les actes.
Je souhaite donc que RFF et la SNCF prennent des décisions rapides, car c'est
le développement global de notre département, industriel et surtout
touristique, qui en souffre. En effet, bon nombre de touristes sont aujourd'hui
dissuadés de prendre le train, à cause notamment des ruptures de charges, et ne
fréquentent pas, de ce fait, les stations du Chablais et de la vallée de
l'Arve.
EXPÉRIMENTATION DE LA RÉGLEMENTATION DU DÉPASSEMENT POUR LES POIDS LOURDS SUR
L'AXE NORD-SUD ALSACIEN AUTOROUTIER OU L'AXE À DEUX FOIS DEUX VOIES ENTRE
STRASBOURG ET MULHOUSE
M. le président.
La parole est à M. Haenel, auteur de la question n° 1107, adressée à M. le
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
M. Hubert Haenel.
Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, ma
question vise à demander à M. le ministre de l'équipement, des transports et du
logement quelles mesures il compte prendre pour mettre fin au ballet des
camions qui circulent sur l'axe nord-sud alsacien autoroutier ou l'axe à deux
fois deux voies entre Mulhouse et Strasbourg, qui se dépassent et bloquent la
circulation parfois pendant dix minutes ou un quart d'heure, comme j'ai pu le
constater maintes fois.
Soulignant les risques d'accidents consécutifs à ces dépassements anarchiques
et dangereux pour les usagers de la route, je demande la mise en place d'une
expérimentation visant à réglementer, voire à interdire, sur certaines portions
le dépassement des poids lourds sur la RN 83 et, plus particulièrement, entre
Mulhouse et Colmar et entre Colmar et Sélestat, notamment au niveau de Guémar,
section de quinze kilomètres sinueuse et très chargée.
Après de nombreuses interventions écrites et orales, et plusieurs coups de
colère face à l'inertie des services, j'ai obtenu en partie satisfaction
puisqu'une expérimentation a été mise en place. Toutefois, madame la secrétaire
d'Etat, pourquoi ne pas étudier ce problème du dépassement des poids lourds sur
un plan plus général et procéder à des expérimentations dans d'autres régions
de France, afin d'évaluer les avantages d'une telle réglementation ?
A l'occasion de mes nombreux déplacements à l'étranger, j'ai constaté que le
sujet avait été traité ailleurs, tout particulièrement chez nos voisins
allemands. La France semble être en retard sur ce type de réglementation.
Faudra-t-il, pour réagir, que survienne un grave accident consécutif à un
dépassement anarchique ou au non-respect de l'intervalle réglementaire entre
deux poids lourds ? Quelles explications seraient alors données aux victimes et
à leur famille ?
Madame la secrétaire d'Etat, quelles mesures compte prendre le Gouvernement
pour remédier à cette situation ?
M. le président.
La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Marie-Noëlle Lienemann,
secrétaire d'Etat au logement.
Monsieur le sénateur, la question que vous
posez est extrêmement importante, puisqu'elle concerne la sécurité routière.
Même si la situation tend à s'améliorer en la matière, vous connaissez en effet
le nombre des victimes, tués ou blessés, des accidents de la route.
Il ne faut pas croire que les pouvoirs publics n'ont pas réfléchi à cette
question. Au-delà de l'expérimentation dont vous avez parlé et qui est engagée,
sans doute est-il nécessaire de mieux faire connaître les possibilités de
réglementer localement en fonction de la situation.
Votre question est pour moi l'occasion de rappeler les moyens qui peuvent être
mobilisés pour la sécurité de nos concitoyens.
Tout d'abord, dans le cadre de leurs pouvoirs de police, les préfets sont
chargés d'adapter les conditions de la circulation sur les routes et autoroutes
de leur département en fonction de leurs caractéristiques et des dangers
particuliers découlant du trafic. L'article R. 411-8 du code de la route leur
permet de prendre des mesures plus rigoureuses que les dispositions
réglementaires générales, si la sécurité de la circulation routière ou de
l'ordre public l'exige. C'est au regard de ces dispositions qu'une interdiction
de dépassements là où ils sont dangereux peut être mise en oeuvre.
En règle générale, les dépassements entre poids lourds sont autorisés s'ils
respectent notamment l'article R. 414-4 du code de la route. Celui-ci spécifie
qu'avant de dépasser le conducteur doit s'assurer qu'il peut le faire sans
danger, c'est-à-dire qu'il a la possibilité de reprendre sa place dans le
courant normal de la circulation sans la gêner, et que la vitesse relative des
deux véhicules permet d'effectuer le dépassement dans un temps suffisamment
bref.
Sur la proposition de cantonner à une seule voie de circulation les poids
lourds, il faut considérer l'extrême variabilité de leur vitesse maximale
autorisée, qui est, par exemple, sur autoroute, de 80 kilomètres à l'heure pour
les transports de matières dangereuses, de 110 kilomètres à l'heure pour les
véhicules de transport de marchandises d'un poids total autorisé en charge de
moins de 12 tonnes, en passant par 100 kilomètres à l'heure pour certains
véhicules de transport de voyageurs. De plus, le code de la route autorise la
circulation sur autoroute sur la voie de droite pour des vitesses encore plus
lentes.
Interdire le dépassement reviendrait à limiter la vitesse de certains de ces
véhicules à celle du véhicule le plus lent et aurait pour conséquence
prévisible de les inciter à transgresser la règle, ce qui irait à l'encontre de
l'objectif d'amélioration de la sécurité routière.
Les véhicules de plus de 3,5 tonnes et de plus de sept mètres sont astreints à
des règles plus strictes que les autres en ce qui concerne la distance à
maintenir par rapport aux véhicules qui les précèdent.
En effet, à l'obligation nouvelle du décret du 23 novembre 2001, qui fixe la
distance minimale à celle qui est parcourue en deux secondes en fonction de la
vitesse, s'ajoute cumulativement l'obligation antérieure d'une distance
minimale de cinquante mètres quelle que soit la vitesse pour les véhicules dont
j'ai parlé. De plus, le non-respect de cette obligation est désormais
sanctionné plus lourdement, puisque à une amende de deuxième classe de 35 euros
a été substituée une amende de quatrième classe de 135 euros à laquelle
s'ajoute un retrait de trois points du permis de conduire.
Enfin, il convient de rappeler que, lorsqu'une autoroute comporte plus de deux
voies, l'article R. 412-25 du code de la route interdit l'accès de la voie la
plus à gauche à la totalité des poids lourds.
Monsieur le sénateur, vous voyez que les réglementations existent.
L'idée de responsabiliser d'abord et avant tout le conducteur est au coeur de
nos préoccupations. Le ministère des transports est très soucieux de porter à
la connaissance des préfets les marges de manoeuvre qu'ils ont, localement, en
partenariat avec les élus, pour trouver les bonnes adaptations des
réglementations, et à la connaissance des transporteurs les contraintes qui
pèsent sur chacun d'eux et qui méritent d'être rappelées.
M. Hubert Haenel.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Haenel.
M. Hubert Haenel.
Madame la secrétaire d'Etat, j'apprécie votre réponse et le fait que vous ayez
rappelé avec précision tant les grands principes que le cadre législatif et
réglementaire.
Il serait toutefois souhaitable qu'une note ou une circulaire soit adressée à
tous les préfets pour leur rappeler les différentes possibilités qui s'offrent
à eux.
Par ailleurs, on pourrait aussi envisager que, de temps en temps, les forces
de police et de gendarmerie concentrent leurs contrôles sur ces points
particuliers.
POLITIQUE DU 1 % LOGEMENT
M. le président.
La parole est à M. Demilly, auteur de la question n° 1219, adressée à Mme le
secrétaire d'Etat au logement.
M. Fernand Demilly.
Madame la secrétaire d'Etat, je souhaite appeler votre attention sur l'utilité
et la légitimité des comités interprofessionnels du logement, les CIL,
gestionnaires du 1 % logement au regard des négociations qui se sont tenues
entre les partenaires sociaux et l'Etat dans le cadre des « conventions »
d'octobre 2001.
A la lecture de ces conventions, c'est plus de 12 milliards de francs, sur les
17 milliards de francs collectés, qui seront utilisés par l'Etat.
Le CIL, organisme paritaire collecteur des cotisations d'entreprises, voit
ainsi son rôle de décideur local nié par les décisions prises à l'échelon
national, lesquelles le détournent de sa vocation première, à savoir être au
service des entreprises assujetties et de leurs salariés par des aides à
l'accession à la propriété, à la rénovation et à la location.
Ces aides contingentées et restreintes excluent parfois les salariés eux-mêmes
au profit de nouveaux ayants droit sans lien avec le monde du travail.
Dans ces conditions, quelle est la légitimité même du 1 % logement ? Le rôle
de l'entreprise ne va-t-il pas se limiter à être le payeur, sans retour au
profit de ses salariés ?
La nouvelle destination des fonds collectés - démolition - reconstruction de «
quartiers », financement de HLM, etc. - est-elle légitime pour l'entreprise,
qui devient une nouvelle manne financière de la politique sociale du
Gouvernement ?
Madame la secrétaire d'Etat, comptez-vous redonner aux entreprises et aux CIL
les moyens et les pouvoirs qui leur sont dévolus ?
M. le président.
La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Marie-Noëlle Lienemann,
secrétaire d'Etat au logement.
Monsieur le sénateur, quel plaidoyer pour
la disparition du rôle du 1 %, qui lèserait les entreprises !
Or l'accord que nous venons de signer au mois de décembre - puisque nous ne
sommes plus dans la convention - a été obtenu avec l'unanimité des syndicats et
du MEDEF, et approuvé pour le Gouvernement. Je n'imagine pas que l'ensemble de
ces forces sociales cessent soudain de prendre en compte l'intérêt des salariés
et des entreprises !
L'accord trouvé, fondateur pour l'avenir, me paraît consolider le pacte
républicain et répondre parfaitement aux besoins des salariés des
entreprises.
Premièrement, il est clair qu'un certain nombre de logements réservés par les
entreprises ne trouvaient pas preneur chez les salariés, ce qui concourait à
aggraver la ségrégation sociale dans certains secteurs où les poches de
pauvreté s'accroissaient.
C'est pourquoi les gestionnaires du 1 % et l'ensemble des forces sociales se
sont associés à l'idée que le Gouvernement défend, avec, me semble-t-il, un
large accord de tous, à savoir l'accélération des démolitions dans certains
quartiers pour y réinstaurer de la mixité sociale et pour y offrir à nos
concitoyens une qualité de vie grâce à des appartements mieux adaptés à
l'attente d'aujourd'hui.
Le 1 % reste, pour une large part, dans ses fonctions originelles. Il y a
d'abord le soutien à l'accession à la propriété. Je vous rappelle que 4,3
milliards de francs - pardonnez-moi, je n'ai pas fait la conversion en euros -
étaient historiquement consacrés au soutien aux HLM, qui accueillent
massivement des salariés, et heureusement, car ceux-ci ont aussi droit au
logement !
Deuxièmement, les aides qui sont destinées aux travaux d'amélioration sont
maintenues à la même hauteur. Ce qui est fondamentalement nouveau, c'est
d'abord l'accompagnement des démolitions par des reconstructions et la
constitution d'un outil foncier pour accroître l'offre locative de logements
intermédiaires pour les classes moyennes dans les quartiers qui sont
aujourd'hui trop monolithiques et trop touchés par le risque de ghettoïsation ;
c'est ensuite la création de logements sociaux, voire très sociaux, pour des
salariés. En effet, vous le savez, monsieur le sénateur, il y a des salariés
qui vivent en dessous du seuil de pauvreté, ce qui est un autre problème. Nous
créons donc des logements sociaux pour les salariés dans les secteurs où il y
en a peu, dans les centres villes ou dans les villes qui n'atteignent pas le
seuil de 20 % de logements conventionnés fixé par la loi.
Nous sommes donc devant le partage d'une responsabilité : faire vivre la
mixité sociale, que je crois être la déclinaison urbaine du pacte
républicain.
Les organismes collecteurs du 1 % logement ont émis la crainte d'être
dessaisis des politiques locales. Bien évidemment, le Gouvernement a également
été très attentif à ce que l'action de l'association foncière et le 1 %
logement soient liés aux plans locaux de l'habitat et aux programmes locaux
définis par les élus locaux et par les partenaires sociaux, les collecteurs du
1 % logement sur le terrain.
C'est pourquoi l'association Foncière comportera obligatoirement une structure
régionale qui permettra aux différents organismes collecteurs de veiller à ce
qu'il n'y ait pas une « captation » du 1 % logement en direction de certaines
régions au détriment d'autres. En tout cas, sur ce point, la convention est
claire : la répartition du 1 % logement doit correspondre à la réalité du
territoire et répondre à l'attente des entreprises.
M. Fernand Demilly,
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Demilly.
M. Fernand Demilly.
Je vous remercie, madame la secrétaire d'Etat, de votre réponse. Mes
informations différent des vôtres ; elles émanent des comités
interprofessionnels du logement et de leurs conseils d'administration.
Ma question concernait effectivement la légitimité et l'utilité de ces comités
interprofessionnels du logement, organismes paritaires et gestionnaires, en
principe, de ce que l'on appelle toujours le « 1 % logement » et qui est
devenu, après un certain nombre de baisses successives, le « 0,45 % ». Il
permettait néanmoins aux entreprises d'aider leurs salariés - j'en fus le
gestionnaire dans une grande entreprise - par des prêts pour l'accession à la
propriété et les travaux d'entretien ou d'amélioration, notamment pour les
salariés victimes des inondations, et par des aides au locatif et à la mobilité
professionnelle.
Sans aucunement contester les objectifs du Gouvernement en matière de
politique sociale du logement, il est évident que, de plus en plus, le rôle de
ces comités interprofessionnels du logement devient celui de tiroir-caisse pour
des actions de l'Etat. Le rôle de l'entreprise se limite donc à celui de
payeur, sans toujours en avoir un retour au profit de ses propres salariés.
De ce point de vue, la réponse ne peut être satisfaisante puisque, au fil des
années, le 1 % logement continue d'être détourné de sa vocation première - être
au service des entreprises et de leurs salariés - pour devenir une manne
financière au service de la politique sociale de l'Etat.
J'aurais souhaité, madame la secrétaire d'Etat, que vous nous fassiez part
d'intentions positives pour redonner à ces comités interprofessionnels du
logement leur utilité et leur pouvoir local et faire en sorte que le 1 %
logement retrouve sa légitimité.
CONSÉQUENCES DE LA CRÉATION
DE LA HOLDING ALLIANCE
M. le président.
La parole est à M. Renar, auteur de la question n° 1212, adressée à M. le
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
M. Ivan Renar.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, en
juin dernier, le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie
annonçait le projet de rapprochement de la Caisse des dépôts et consignations
et des caisses d'épargne au sein d'une holding. Pour parler franchement, en ce
début d'année, les éléments d'information en notre possession, même s'ils
restent insuffisants, n'ont guère levé nos doutes et nos craintes sur les
objectifs réels de ce projet et sur ses conséquences.
La création d'« Eulia » - c'est désormais le nom de l'opération - a pour objet
le regroupement des activités concurrentielles de la Caisse des dépôts et
consignations et des caisses d'épargne pour les orienter vers les marchés
financiers.
De fait, la Caisse des dépôts et consignations et les caisses d'épargne sont
deux véritables institutions de notre pays qui occupent une place singulière
essentielle pour le financement des activités publiques et d'intérêt général.
Depuis deux siècles, ces deux institutions poursuivent une coopération tout à
fait originale : la première centralise l'épargne populaire collectée par la
seconde pour l'utiliser, pour l'Etat et les collectivités locales, au
financement d'actions d'utilité publique.
La Caisse des dépôts et consignations est l'un des plus grands investisseurs
publics dans des domaines aussi variés que le logement, les infrastructures et
les transports, l'équipement des collectivités locales, l'aménagement du
territoire. C'est également le plus grand bailleur du logement social
français.
On mesure les conséquences de l'irruption des intérêts privés dans ces sphères
d'activités, car nous savons bien que la satisfaction de l'intérêt général est
rarement au coeur de leurs priorités.
Une enquête récente de la Banque de France mettait en évidence les difficultés
que rencontrent les PME pour obtenir des prêts auprès des banques. Qu'en
sera-t-il demain pour les communes, surtout les plus petites, celles qui sont
jugées moins solvables ?
Les dangers existent également pour les clients, ceux des caisses d'épargne et
de La Poste. Nous savons en effet que les services financiers de La Poste sont
appelés, à terme, à intégrer ce nouveau pôle financier. La Poste et les caisses
d'épargne rassemblent l'essentiel des comptes de clients « modestes »,
titulaires de comptes à faibles revenus, jugés non rentables par les autres
institutions. Ces deux établissements représentent l'essentiel du réseau
bancaire des petites communes. Par ailleurs, 40 % de ces communes qui ont un
bureau de poste ne disposent pas d'un établissement bancaire.
On sait depuis longtemps que les regroupements signifient non pas
multiplication des structures, mais bien fermeture de bureaux, réduction des
activités et suppression d'emplois.
Les personnels de ces entreprises ont bien raison de s'inquiéter.
Le Gouvernement avait annoncé, voilà deux ans, lors de la discussion du projet
de réforme des caisses d'épargne, sa volonté de constituer un vétitable pôle
public financier, afin de permettre le développement d'une nouvelle grande
mission de service public de l'épargne et du crédit au service de l'emploi et
de la formation. Or ce projet tourne totalement le dos à cet objectif et
s'apparente davantage à une privatisation supplémentaire. Ses conséquences, que
j'ai évoquées, sont trop graves à tout point de vue pour qu'il soit réalisé
sans véritable concertation et sans débat.
Je pense que ce projet doit être gelé et que toutes les dispositions doivent
être prises pour engager un véritable débat national sur la place et le rôle
d'un pôle financier public, conforme aux engagements gouvernementaux de
1999.
Je vous demande, monsieur le secrétaire d'Etat, de bien vouloir me préciser
les intentions du gouvernement à ce sujet.
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. François Huwart,
secrétaire d'Etat au commerce extérieur.
Monsieur le sénateur, la
constitution d'Eulia, le 11 décembre dernier, crée le troisième groupe bancaire
français. Le projet industriel de la Caisse des dépôts et consignations et du
groupe des caisses d'épargne contribue au renforcement du pôle financier public
fort que nous appelons de nos voeux et qui est le garant de l'intérêt général
comme des intérêts des salariés de ces entreprises.
Le rapprochement concerne exclusivement les activités bancaires et financières
des deux groupes qui se situent, vous l'avez noté, dans le champ concurrentiel.
Il constitue le prolongement de la création de CDC-Ixis, autorisée par le
Parlement lors de l'adoption de la loi relative aux nouvelles régulations
économiques. La société commune sea détenue à 50,1 % par la Caisse des dépôts
et consignations et à 49,9 % par le groupe des caisses d'épargne.
Le groupe des caisses d'épargne apporte à la société commune l'activité
financière de la Caisse nationale des caisses d'épargne, 40 % du Crédit foncier
de France, son pôle immobilier et ses activités dans le domaine de l'assurance
dommages. La Caisse des dépôts et consignations apporte de son côté 53 % de
CDC-Ixis, sa banque d'investissement avec ses participations.
Le troisième grand acteur du pôle financier public, La Poste, est un
partenaire de longue date de la Caisse des dépôts et consignations et du groupe
des caisses d'épargne, notamment au sein de la Caisse nationale de prévoyance,
la CNP, dont elle est un actionnaire important et dont elle assure la
distribution des produits. Elle partage aussi le monopole de la collecte du
Livret A avec les caisses d'épargne. Sa place dans le pôle financier public est
naturelle en raison de sa contribution de fait en matière d'aménagement du
territoire et de son rôle avéré dans les zones urbaines sensibles.
Le Gouvernement souhaite conforter l'activité des services financiers de La
Poste. Celle-ci devra naturellement trouver une articulation avec Eulia et ses
deux principaux actionnaires, la Caisse des dépôts et consignations et le
groupe des caisses d'épargne. Les travaux d'élaboration du nouveau contrat de
plan entre La Poste et l'Etat seront l'occasion de mener une réflexion sur ce
sujet.
S'agissant des missions d'intérêt général des deux groupes, la constitution
d'Eulia, loin de les marginaliser, permettra de les renforcer non seulement en
regroupant plus clairement des activités purement concurrentielles, mais aussi
en apportant aux deux groupes des moyens nouveaux au service de l'intérêt
général.
Le Gouvernement a, pour sa part, régulièrement exprimé sa confiance dans la
vocation d'intérêt général du pôle financier public : la Caisse des dépôts et
consignations assure désormais le monopole de collecte des dépôts des notaires
; elle joue un rôle central dans la politique de la ville, notamment au travers
du fonds de renouvellement urbain, doté de 3 milliards de francs. La loi lui a
confié la gestion administrative de l'établissement public Fonds de réserve
pour les retraites et le Gouvernement a décidé, en juillet 2000, l'extension
des emplois des fonds d'épargne à des emplois d'intérêt général dans le secteur
de l'environnement, des transports urbains et de la politique de la ville.
Enfin, lors du comité interministériel d'aménagement et de développement du
territoire du 9 juillet dernier, le financement des réseaux à haut débit lui a
été affecté.
Le groupe des caisses d'épargne conserve, pour sa part, l'exercice de ses
missions d'intérêt général telles qu'elles lui sont conférées par la loi de
1999 portant réforme des caisses d'épargne.
Ces quelques exemples illustrent le renforcement du pôle financier public et
semi-public s'appuyant de manière équilibrée, nous semble-t-il, sur ces deux
piliers. C'est tout le sens de la création d'Eulia.
M. Ivan Renar.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Renar.
M. Ivan Renar.
Je vous remercie, monsieur le secrétaire d'Etat, de votre réponse, qui
n'apaise cependant pas totalement mes craintes. En effet, vous avez terminé en
parlant de pôle financier « public et semi-public », j'ajouterai : « privé
».
Ce que je crains, c'est que l'orientation totalement nouvelle donnée à ce pôle
public ou semi-public ne se traduise, à très court terme, par la primauté de
l'intérêt privé, rentable rapidement, au détriment des missions de service
public et d'intérêt général, avec pour conséquences - on le voit déjà avec La
Poste - des emplois en moins, des agences et des bureaux supprimés, des clients
modestes ignorés, des coûts financiers supplémentaires importants pour les
collectivités, quand il ne s'agira pas de l'impossibilité, pour les plus
petites d'entre elles, de trouver l'argent nécessaire à la réalisation de leurs
investissements.
On peut donc craindre que, progressivement, l'Etat ne se prive de ses propres
instruments de développement économique et social.
Le
statu quo
est-il une solution ? Non ! Il faut réformer, non pas en
privatisant, mais en mettant sur pied un vrai pôle public financier, qui
pourrait être chargé de développer une mission nouvelle de service public pour
l'emploi et la formation et d'encourager réellement les investissements.
Le pôle actuel Eulia peut être un moyen de départ, à condition d'en changer
radicalement les objectifs et les missions et d'en élargir le périmètre, tout
en maintenant l'intégrité de chacune de ses composantes. Votre réponse,
monsieur le secrétaire d'Etat, semble bien confirmer que tel n'est pas tout à
fait le choix fait par le Gouvernement.
Un tel débat ne peut pas revêtir simplement la forme d'une question orale.
Avec mes collègues du groupe communiste républicain et citoyen, nous verrons
quelles mesures doivent être prises pour que puisse s'ouvrir un débat beaucoup
plus large que celui qui peut résulter d'une séance de questions orales comme
celle d'aujourd'hui.
RÉORGANISATION DE LA POSTE
M. le président.
La parole est à M. Demeriat, auteur de la question n° 1210, adressée à M. le
secrétaire d'Etat à l'industrie.
M. Jean-Pierre Demerliat.
Monsieur le secrétaire d'Etat, je souhaite vous interroger sur la mise en
place de la nouvelle déconcentration opérationnelle, la NDO, au sein de
l'entreprise La Poste et aussi vous faire part des inquiétudes concernant son
activité actuelle, inquiétude que je sens se développer chez les usagers, les
élus locaux et les agents de cette entreprise.
Même si cette NDO a été expérimentée par le programme SOFT, ou schéma
d'organisation des fonctions transversales, il reste à craindre qu'elle ne
débouche sur une organisation des services complexe dans laquelle une dilution
des responsabilités serait susceptible de pénaliser les usagers.
En Haute-Vienne, par exemple, cette nouvelle organisation se matérialisera par
le remplacement des quatre groupements généralistes actuels par deux
groupements « courrier » et trois groupements « grand public ».
Pouvez-vous nous assurer, monsieur le secrétaire d'Etat, que l'efficacité de
ce nouveau système sera supérieure à celle de l'ancien ? Les usagers et les
personnels y trouveront-ils leur compte ?
Plus important encore, à mon sens, un sentiment d'abandon, donc d'injustice,
semble gagner nos zones rurales. En effet, malgré l'embauche de quatre mille
agents et le maintien de dix-sept mille points de contact avec le public au
niveau national, les fermetures estivales et les réductions des horaires
d'ouverture des bureaux de poste en milieu rural ont commencé à atteindre le
moral des usagers, des élus locaux et des agents.
Les difficultés de remplacement, en cas de congé-maladie, d'un agent, surtout
quand ce dernier exerce dans plusieurs communes, ne font que renforcer ce
sentiment.
Les élus locaux regrettent fortement le déclassement d'agences postales en
simples guichets dits de proximité.
La concentration des tournées de distribution qui en découle amoindrira
mécaniquement la « rentabilité » des bureaux ainsi déclassés, ce qui pourrait
conduire la direction de La Poste à s'interroger, en un deuxième temps, sur la
pertinence du maintien de tels sites. J'espère, bien évidemment, que tel
n'était pas l'objectif visé.
Les élus, notamment les élus locaux, regrettent aussi que les directeurs de
groupement chargés d'assurer l'information préalable sur les modalités de
fonctionnement des bureaux de poste pratiquent peu la concertation avec les
élus et prennent insuffisamment en considération leurs demandes. Dans ces
conditions, les conseils locaux de présence postale pourraient perdre de leur
utilité.
Enfin, la distribution du courrier s'effectue de plus en plus tardivement.
Ainsi, 77 % seulement des lettres sont distribuées à J + 1 alors que l'objectif
du contrat de plan 1998-2001 était de 84 %.
Monsieur le secrétaire d'Etat, ces remarques ne sont bien évidemment pas
dirigées contre La Poste. Au contraire, elles marquent l'attachement des
usagers, des élus, surtout les élus locaux, à cette entreprise.
Ma question sera donc très simple : quelle action sera entreprise pour que La
Poste continue à jouer son rôle d'acteur du service public, du service au
public, dans le respect des usagers, des élus locaux et aussi de ses agents
?
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. François Huwart,
secrétaire d'Etat au commerce extérieur.
Monsieur le sénateur, tout
d'abord, la nouvelle déconcentration opérationnelle à La Poste concerne moins
de 4 % des effectifs. Cette déconcentration opérationnelle est limitée à
l'organisation des directions départementales et des groupements ainsi qu'à
l'encadrement des deux mille plus grands bureaux.
Elle vise à responsabiliser les agents d'encadrement sur des missions
clarifiées. Cette déconcentration des responsabilités a été précédée d'une
phase expérimentale conduite entre juillet 2000 et mai 2001 et a commencé,
depuis, à se déployer sur l'ensemble du territoire.
L'objet de cette déconcentration est de déboucher sur une organisation plus
efficace et plus réactive, donc de mieux répondre aux attentes des usagers.
Sa réussite passe par son appropriation par le personnel concerné. C'est
pourquoi, pendant toute la phase de déploiement, il est prévu de poursuivre les
concertations avec les personnels, au niveau tant local que régional. C'est
pourquoi il a également été décidé de suspendre le déploiement de la nouvelle
déconcentration opérationnelle durant la mise en place de l'euro, jusqu'au mois
de mars, afin d'engager tous les moyens sur l'introduction de la nouvelle
monnaie.
Concernant, ensuite, la présence postale en milieu rural, avec 17 000 points
de contact, la France dispose du réseau postal le plus dense d'Europe. Il est
particulièrement développé en zone rurale, avec une implantation postale pour
850 personnes dans les communes de moins de 2 000 habitants, contre une
implantation postale pour 10 370 personnes dans les communes de plus de 10 000
habitants. Cette présence postale n'a pas été remise en cause par le contrat de
plan signé en 1998 : le nombre de points de contact est resté stable.
Il convient également de s'assurer qu'à l'échelon local les implantations
postales et les horaires d'ouverture correspondent bien aux besoins des
populations. C'est pourquoi ont été mises en place depuis 1999, dans chaque
département et sous la présidence d'un élu, des commissions départementales de
présence postale territoriale, afin de disposer d'un lieu d'échange et de
dialogue.
Aucune évolution ne doit se réaliser sans concertation préalable et ne doit
déboucher sur une dégradation du service rendu aux usagers. Les partenariats
entre les communes et La Poste peuvent être utilement développés. Tel est le
cahier des charges de ces commissions, qui sont un outil mis à la disposition
des élus.
Tels sont, monsieur le sénateur, les éléments de réponse à votre question que
je voulais apporter, en lieu et place de mon collègue Christian Pierret.
M. Jean-Pierre Demerliat.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Demerliat.
M. Jean-Pierre Demerliat.
Je vous remercie, monsieur le secrétaire d'Etat, des précisions que vous avez
bien voulu m'apporter.
Je profite de l'occasion qui m'est donnée pour saluer l'action menée par notre
représentant lors du Conseil européen des ministres chargés de la poste, le 15
octobre dernier. En effet, grâce à M. Pierret, il n'y aura pas de
libéralisation totale du secteur de la poste avant 2009.
C'est heureux, car, outre son activité classique de courrier, La Poste remplit
des missions d'intérêt général, ce que le secteur privé ne souhaite pas faire.
Elle assume un rôle social important, car elle constitue, en fait, la banque
des plus démunis.
C'est pourquoi, monsieur le secrétaire d'Etat, le prochain contrat d'objectif
entre l'Etat et La Poste doit donner à celle-ci les moyens d'assurer une
présence forte dans les quartiers urbains sensibles, mais aussi, surtout en ce
qui concerne mon département, dans les zones rurales.
En effet, La Poste est et doit rester l'un des acteurs du renforcement de la
cohésion sociale de la nation.
COMPÉTENCES DES ARCHITECTES
DES BÂTIMENTS DE FRANCE
M. le président.
La parole est à Mme Printz, auteur de la question n° 1199, adressée à Mme le
ministre de la culture et de la communication.
Mme Gisèle Printz.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues,
nous connaissons toutes et tous la règle : tout projet de construction ou de
travaux situé dans un périmètre de 500 mètres autour d'un édifice protégé au
titre des différentes lois sur les monuments historiques, les secteurs
sauvegardés ou les zones de protection du patrimoine architectural et urbain,
est soumis à l'avis des architectes des Bâtiments de France, les ABF.
Depuis les années soixante, les ABF veillent à la sauvegarde de notre
patrimoine, mais, aujourd'hui, leur rôle est régulièrement contesté. En effet,
qui d'entre nous n'a pas été confronté aux sollicitations d'élus, de
responsables d'association ou de particuliers désireux d'entreprendre une
démolition, une restauration ou une construction et se heurtant aux services
des architectes des Bâtiments de France ?
Les contestations sont nombreuses, et parmi celles-ci figurent notamment la
fluctuation des règles et l'obligation de faire appel à des entreprises
agréées.
En effet, il n'est pas rare, dans les périmètres protégés, que les règles
varient en fonction des personnes et des circonstances.
Ces changements conduisent aujourd'hui de nombreuses personnes à s'interroger
sur la pertinence des remarques des architectes des Bâtiments de France, à
qualifier d'abus de pouvoir les décisions de cette autorité administrative et,
surtout, à demander qu'un règlement connu, transparent et qui ne change pas au
gré des personnes soit appliqué.
En outre, les voies de recours sont rares, ce qui n'atténue que très peu les
pouvoirs de cette autorité, même si des avancées ont été obtenues par le
passé.
Ce fut le cas en 1983, dans le cadre des lois de décentralisation, mais
uniquement pour les zones de protection du patrimoine architectural et urbain
créées par les communes.
Plus près de nous, la loi du 28 février 1997 relative à l'instruction des
autorisations de travaux dans le champ de visibilité des édifices classés ou
inscrits et dans les secteurs sauvegardés a institué une commission du
patrimoine et des sites.
Malheureusement, celle-ci a montré ses limites puisque, en quatre ans, les
recours dont a été saisie cette commission restent d'ordre anecdotique, et ses
infirmations des décisions de l'architecte des Bâtiments de France représentent
moins d'un quart des contentieux qui lui ont été soumis.
Il n'est pas question aujourd'hui de jeter la pierre aux architectes des
Bâtiments de France, car nul ne contestera le rôle inestimable qu'ils ont joué,
qu'ils jouent toujours et qu'ils doivent continuer à jouer dans la préservation
de notre patrimoine. Toutefois, leurs décisions doivent pouvoir faire l'objet
d'un recours, au même titre que toute autre décision administrative, et les
règles qu'ils appliquent doivent être transparentes.
A défaut d'un accord sur le texte que nous avons examiné en juin dernier, le
débat que nous avons eu à ce sujet n'a pas manqué d'intérêt. Il a révélé
plusieurs préoccupations communes à nos différents groupes.
Mais, comme vous l'aviez fort justement souligné à ce moment, monsieur le
secrétaire d'Etat, il ne faut pas légiférer à la hâte. La qualité
architecturale en espaces protégés ne doit pas passer après le souci de
surmonter un avis négatif de l'architecte des Bâtiments de France.
Je souhaite donc connaître les pistes que le Gouvernement privilégie en vue
d'améliorer et d'étendre les possibilités de recours contre les décisions des
ABF, et, plus particulièrement, s'il est envisagé de moderniser les commissions
pour que les élus, qui sont les principaux intéressés, y trouvent une juste
place. Par ailleurs, est-il question d'instaurer, une bonne fois pour toutes,
des règles publiques et durables au sein des périmètres protégés ?
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Michel Duffour,
secrétaire d'Etat au patrimoine et à la décentralisation culturelle.
Vous
vous interrogez, madame la sénatrice, sur les décisions des architectes des
Bâtiments de France dans les périmètres protégés et sur les possibilités de
recours contre ces décisions, en souhaitant mieux y associer les élus.
Le Gouvernement partage votre souci. Depuis l'adoption par votre Haute
Assemblée, le 14 juin 2001, de la proposition de loi de M. Fauchon rapportée
par M. Richert, nous avons poursuivi notre réflexion.
En effet, si les zones de protection du patrimoine architectural, urbain et
paysager et les secteurs sauvegardés font l'objet de règles connues et donc
prévisibles pour les élus et les pétitionnaires, il n'en est pas de même pour
les abords des monuments historiques. Nous souhaitons donc, dans l'intérêt de
tous, améliorer l'information du public sur ces règles de protection.
En ce qui concerne les recours, outre le droit commun qui permet à une
personne s'étant vu refuser un permis de construire de saisir la juridiction
administrative, il existe, en vertu de la loi du 28 février 1997, pour tous les
espaces protégés, une procédure de recours contre l'avis de l'ABF ouverte aux
maires. Mais celle-ci n'ayant pas donné de résultats suffisamment probants, le
Gouvernement a décidé de la faire évoluer en l'ouvrant aux pétitionnaires,
comme l'avait souhaité le Sénat.
S'agissant de la commission statuant sur les recours, tout en gardant le
niveau régional, qui permet de prendre le recul nécessaire vis-à-vis des
intérêts locaux et qui présente une plus grande pertinence sur le plan
scientifique, nous proposerons d'en revoir la composition et le fonctionnement
en y associant mieux les élus locaux.
Le Gouvernement est donc prêt à avancer dans le sens de la modernisation du
dispositif entourant les décisions des ABF. Il déposera des amendements au
projet de loi relatif à la démocratie de proximité, lors de son examen par
votre Haute Assemblée, examen qui doit débuter aujourd'hui même.
Mme Gisèle Printz.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à Mme Printz.
Mme Gisèle Printz.
J'apprécie les réponses que M. le secrétaire d'Etat vient de me donner, et
surtout le fait que les élus locaux seront impliqués dans ces commissions de
recours. J'espère que ces nouvelles dispositions seront favorablement
accueillies par les ABF ?
DROITS DE PHOTOCOPIES
DANS LES ÉCOLES ÉLÉMENTAIRES
M. le président.
La parole est à M. de Richemont, auteur de la question n° 1206, adressée à M.
le ministre de l'éducation nationale.
M. Henri de Richemont.
Monsieur le président, ma question s'adresse à M. le ministre de l'éducation
nationale, mais je ne doute pas que M. le secrétaire d'Etat m'apportera la
réponse précise que nous attendons.
Cette question vise l'envoi en cours de 1 500 courriers du Centre français de
la copie privée, le CFC, aux maires des communes de plus de 10 000 habitants -
de plus de 5 000 habitants en région parisienne, ... et le maire d'une petite
commune rurale que je suis s'attend à recevoir une lettre du même genre - les
mettant en demeure d'acquitter un droit annuel de 10 francs par élève pour se
mettre en conformité avec la loi du 3 janvier 1995 complétant le code de la
propriété intellectuelle.
Cette loi, vous le savez, prévoit que toute reproduction par reprographie
d'une oeuvre protégée est soumise à autorisation préalable et repose sur la
gestion collective de ce droit par des sociétés, agréées par le ministère de la
culture, de perception et de répartition des droits d'auteur.
L'éducation nationale est une grande consommatrice de reproductions d'oeuvres
à destination des élèves et des étudiants. La question s'est donc posée de
savoir si se secteur était ou non exclu du champ d'application de la loi
précitée.
Depuis plusieurs années, des contacts entre le CFC et les universités puis les
lycées et les collèges ont été engagés. Ils ont abouti à la signature de
conventions visant à facturer un montant de dix francs par élève et par an,
avec un plafond de 180 copies annuelles. Aux termes de ces conventions, le
règlement de ces sommes est pris en charge par l'éducation nationale.
A la suite de cet accord, le Centre français de la copie privée a lancé une
campagne en adressant les lettres dont j'ai fait état tout à l'heure à toutes
les communes, responsables de l'enseignement primaire. Il les mettait en
demeure - je pèse mes mots, car il s'agit d'un véritable racket - de payer
elles aussi une redevance. « Si vous ne signez pas cette convention comme l'ont
fait les collèges, les lycées et les universités, vous serez en infraction avec
la loi », leur écrivait-on !
Comme je l'ai indiqué, le ministère de l'éducation nationale a pris à sa
charge les coûts de reprographie pour les collèges et les lycées, mais il n'est
nullement prévu qu'il en fasse de même pour les écoles primaires. Les maires se
sont bien entendu inquiétés de cette situation et l'Association des maires de
France, l'AMF, a saisi le ministre de l'éducation nationale de ce problème. A
ce jour, aucune réponse n'a été apportée.
Monsieur le secrétaire d'Etat, je ne vois vraiment pas pourquoi les communes
devraient, à la différence des départements et des régions, supporter les coûts
de reprographie, car si elles doivent, certes, assumer la location et
l'entretien des bâtiments et l'acquisition du mobilier scolaire, les modalités
de mise en oeuvre de l'enseignement primaire ne relèvent absolument pas de
leurs compétences. Si cette nouvelle contrainte devait leur être imposée, les
communes se verraient dans l'obligation de renoncer à acheter des
photocopieurs, afin de ne pas avoir à acquitter des charges supplémentaires.
Monsieur le secrétaire d'Etat, à l'heure où le Gouvernement s'attache, à juste
titre, à faire disparaître le racket dans les écoles, nous considérons qu'il
s'agit précisément, en l'occurrence, d'un véritable racket exercé aux dépens
des communes. C'est la raison pour laquelle je vous demande de donner une
réponse claire à la question suivante : l'Etat est-il oui ou non d'accord pour
s'engager à supporter cette dépense de dix francs par élève des écoles
primaires, comme il le fait pour les collèges et les lycées ?
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Michel Duffour,
secrétaire d'Etat au patrimoine et à la décentralisation culturelle.
Monsieur le sénateur, vous avez appelé l'attention du ministre de l'éducation
nationale sur le lancement par le Centre français d'exploitation du droit de
copie, le CFC, d'une campagne de mise en conformité de l'enseignement primaire
au regard des dispositions du code de la propriété intellectuelle.
M. Lang vous prie de bien vouloir excuser son absence et m'a chargé de vous
communiquer la réponse suivante.
La question de l'acquittement d'un droit de reprographie pour la reproduction
d'oeuvres protégées, prévu par la loi du 3 janvier 1995 complétant le code de
la propriété intellectuelle et relative à la gestion collective du droit de
reproduction par reprographie, se pose en des termes différents pour
l'enseignement supérieur, pour l'enseignement du second degré et pour celui du
premier degré. Elle a été réglée de façon satisfaisante pour les universités et
les établissements d'enseignement secondaire.
En effet, pour ce qui concerne les universités, un protocole d'accord a été
conclu en novembre 1998 entre la conférence des présidents d'université, le CFC
et la Société des éditeurs et des auteurs de musique, la SEAM. Le versement de
la redevance due en contrepartie des photocopies réalisées à des fins
pédagogiques est assumée par les budgets des universités.
S'agissant de l'enseignement secondaire, un protocole d'accord a été signé le
17 novembre 1999 par le ministère de l'éducation nationale, le CFC et la SEAM.
En application de ce protocole, les établissements publics locaux
d'enseignement ont, pour la quasi-totalité d'entre eux, conclu un contrat avec
le CFC et la SEAM, aux termes duquel le versement d'une redevance de dix francs
par élève les autorise à effectuer un maximum de cent quatre-vingts copies par
élève et par an. Il s'agit là d'une dépense pédagogique à la charge de l'Etat,
comme l'a établi le Conseil d'Etat dans un avis rendu le 25 mai 1999. En 2001,
le ministère a délégué à ce titre 46 millions de francs aux établissements
publics locaux d'enseignement, ainsi que 11,5 millions de francs aux
établissements privés sous contrat.
L'Etat a donc, dans ces deux cas, rempli sans tergiverser les obligations qui
lui incombent.
La situation des établissements du premier degré est différente, et il
apparaît que la solution retenue pour le second degré ne leur est pas
transposable.
En effet, à la différence des établissements du second degré, les écoles
élémentaires ne sont pas des établissements publics dotés de la personnalité
morale. Elles ne peuvent donc conclure par elles-mêmes un contrat avec le
CFC.
Mais, surtout, la répartition des compétences entre l'Etat et les communes
pour l'enseignement primaire n'est pas identique, en droit, à celle qui est
organisée entre l'Etat, d'une part, et les départements et les régions, d'autre
part, pour l'enseignement secondaire.
Dans ce dernier cas, la loi met explicitement à la charge de l'Etat les
dépenses pédagogiques des collèges et des lycées, en vertu de l'article L.
211-8 du code de l'éducation. Pour le primaire, en revanche, la loi met à la
charge des communes l'ensemble des dépenses de fonctionnement des écoles, sans
réserver un sort particulier aux dépenses à caractère pédagogique. Ainsi, les
communes supportent ordinairement la charge liée à l'acquisition des manuels
scolaires.
Saisi récemment de ce problème par l'association des maires de France, le
ministère a apporté une réponse identique à celle qui est faite aujourd'hui :
en droit, rien ne semble justifier une intervention de l'Etat dans cette
négociation, ni une prise en charge financière par ses soins de la dépense en
question.
M. Henri de Richemont.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. de Richemont.
M. Henri de Richemont.
Je suis profondément déçu de cette réponse, monsieur le secrétaire d'Etat,
même si je comprends l'argumentation tout à fait juridique, mais aussi quelque
peu jésuitique, qui la sous-tend.
Dans cette affaire, le Gouvernement nous dit que les collèges et les lycées
relèvent de collectivités territoriales dotées de la personnalité morale et qui
peuvent donc passer une convention avec le CFC, ce qui n'est pas le cas des
communes. Pour cette raison, l'Etat refuse de prendre en charge, pour le
premier degré, des coûts qu'il assume pour le second degré : ceux-ci, dans le
premier cas, feraient partie des dépenses de fonctionnement entendues de
manière globale.
Pourtant, si ma mémoire est bonne, monsieur le secrétaire d'Etat,
l'acquisition des livres scolaires constitue bien une dépense à caractère
pédagogique, financée par l'Etat pour les collèges. Je trouve donc absolument
anormal que l'on restreigne, pour les élèves des écoles primaires, où débute
l'éducation, l'accès aux photocopies et, par là même, à la littérature ou à
l'art. Cela me paraît tout à fait dommageable pour ces enfants, et je ne
comprends pas comment l'Etat peut ne pas aider les écoles primaires, comme il
le fait déjà pour les collèges et les lycées, à financer cette dépense qui
relève, à mon avis, de sa compétence.
SITUATION DE L'INSTITUT UNIVERSITAIRE
DE TECHNOLOGIE DE VILLE-D'AVRAY
M. le président.
La parole est à M. Badré, auteur de la question n° 1217, adressée à M. le
ministre de l'éducation nationale.
M. Denis Badré.
Ma question concerne l'institut universitaire de technologie de Ville-d'Avray,
qui jouit à juste titre d'une réputation flatteuse - vous le savez, monsieur le
secrétaire d'Etat, vous qui connaissez bien les Hauts-de-Seine ! - dans les
domaines du génie électrique, du génie mécanique, du génie thermique et de
l'aéronautique.
Malheureusement, cet établissement voit aujourd'hui son développement brisé,
son rayonnement s'éteint et son avenir me paraît tout à fait compromis. Ses
enseignants et ses étudiants sont complètement démotivés, alors qu'ils
travaillaient sur des créneaux où la France se doit d'être présente et qui
permettaient d'ouvrir à nos jeunes des carrières très intéressantes et
utiles.
C'est un vrai gâchis, un véritable scandale, et j'ajoute, en tant que maire
de Ville-d'Avray, que je regrette de voir ma ville entièrement défigurée par ce
que l'on doit appeler une « friche universitaire », alors que ses habitants
sont attachés à la préservation d'un cadre naturel et d'un patrimoine
prestigieux.
Que s'est-il donc passé ? La commission départementale de sécurité, effectuant
normalement son travail, a déclaré, en 1995, l'établissement dangereux en cas
d'incendie. La réponse à ce problème a été très naturellement élaborée dans le
cadre d'une concertation entre l'Etat et la région, au terme de laquelle ont
été débloqués 80 millions de francs de crédits pour rénover le bâtiment. Un
concours d'architecture a alors été organisé, là encore tout à fait
normalement, et un projet a été retenu en 1997 - deux années s'étaient déjà
écoulées - les travaux devant débuter en janvier 1998. Nous avons
malheureusement l'habitude, lorsque l'Etat intervient, de délais de cet ordre,
que l'on peut encore qualifier d' « acceptables », même si l'on ne peut que les
déplorer.
Mais, depuis janvier 1998, plus rien n'a été fait, et nous sommes maintenant
en janvier 2002 !
Le scandale prend des proportions qui me paraissent devoir être dénoncées !
Dans cette affaire, l'Etat fait preuve d'une incurie totale, et sa
responsabilité me semble entièrement engagée, monsieur le secrétaire d'Etat.
En effet, quatre ans ont passé en vain : c'est inexplicable, et j'ajoute que
des solutions transitoires ont dû être mises en place pour que l'IUT puisse
continuer à fonctionner. Ainsi, le nomadisme a été organisé : on dispense tel
enseignement à tel endroit, on accueille tels étudiants en tel lieu. Les
contribuables sont quand même en droit de s'interroger sur cette situation,
ainsi que le Parlement, qui a notamment pour mission de contrôler l'utilisation
des crédits de l'Etat, car les solutions provisoires mises en oeuvre ont coûté
30 millions de francs depuis 1995 !
Par conséquent, alors que 80 millions de francs avaient été affectés à
l'origine à cette opération, près de la moitié de ce montant a déjà dû être
engagé pour prendre des mesures transitoires. Je le répète, la situation est
tout à fait scandaleuse !
Ce provisoire ne peut durer. A cet égard, monsieur le secrétaire d'Etat, si la
commune assurait la maîtrise d'ouvrage d'une opération dans de telles
conditions, le maire se ferait tuer par ses administrés ! Quatre ans
d'inaction, c'est impensable ! Parce que l'Etat est plus lointain, devons-nous
tout accepter de sa part ?
Au regard de ce constat, je vous poserai deux questions, monsieur le
secrétaire d'Etat : quel aura été le coût exact de ces solutions transitoires
et que compte maintenant faire le Gouvernement pour mettre un terme à ces
errements ? En effet, il convient de ne plus attendre passivement et d'éviter
la mort pure et simple de l'IUT ; nous ne pouvons accepter une telle dérive,
nous ne pouvons laisser ce dossier aller au fil de l'eau, en nous résignant à
la disparition d'un établissement aussi prestigieux.
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Michel Duffour,
secrétaire d'Etat au patrimoine et à la décentralisation culturelle.
Monsieur le sénateur, vous avez souhaité obtenir des informations concernant le
projet de reconstruction et d'extension de l'IUT de Ville-d'Avray, et je vais
donc maintenant vous communiquer une série d'éléments de réponse à vos
questions.
Ce projet, dont le coût était évalué à 80 millions de francs, prévoyait la
démolition et la reconstruction des locaux du département de génie électrique
et d'informatique industrielle, la création de locaux pour le département de
génie thermique et la restructuration et la mise en sécurité de l'ensemble des
bâtiments. Il était prévu que la région d'Ile-de-France le finance à hauteur de
30 millions de francs et l'Etat, maître d'ouvrage, à hauteur de 50 millions de
francs.
La réalisation de ce projet a connu, comme vous l'avez souligné, d'importants
retards dus, en premier lieu, à la modification du projet initial par l'IUT,
qui a souhaité privilégier la construction de surfaces neuves aux dépens de la
restructuration de surfaces existantes, et, en second lieu, à une
sous-évaluation du coût de l'opération. En effet, un premier appel d'offres
s'est révélé infructueux en septembre 1999 ; l'Etat a alors débloqué la
situation en mobilisant, en 2000, 7 millions de francs supplémentaires, portant
ainsi le montant de l'enveloppe globale à 87 millions de francs.
Les organismes de contrôle, considérant qu'une partie des modifications que je
viens d'évoquer ne pouvaient être contractualisées par avenant au marché de
maîtrise d'oeuvre, ont exigé une nouvelle consultation, ce qui a imposé
plusieurs mois de procédure.
Après déblocage de la situation, un nouvel appel d'offres a été lancé à l'été
2001 et a été déclaré infructueux, comme c'est actuellement souvent le cas en
raison de la conjoncture dans le secteur du bâtiment et des travaux publics. Un
nouvel appel d'offres sera lancé en janvier 2002, l'Etat prévoyant d'allouer
une nouvelle enveloppe complémentaire de 5 millions de francs. Si cet appel
d'offres est fructueux, le marché de travaux sera signé en mai 2002, compte
tenu des procédures relatives aux marchés publics.
M. Denis Badré.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Badré.
M. Denis Badré.
Je remercie M. le secrétaire d'Etat des précisions qu'il m'apporte, même si
ces précisions ne me rassurent pas du tout ; mais M. Duffour, qui, comme moi,
connaît bien le département des Hauts-de-Seine et a personnellement, je le
sais, examiné la situation réelle, n'est sans doute pas plus rassuré que
moi...
Nous sommes face à un dérapage splendide, mais triste ! Je voudrais bien que
la chronique de ce dérapage ne devienne pas celle d'une mort annoncée et que ne
s'ajoutent pas de nouvelles difficultés d'année en année. La responsabilité de
l'Etat, maître d'ouvrage, est engagée, et l'Etat doit assumer sa responsabilité
quelles que soient les difficultés. Un maître d'ouvrage en rencontre d'ailleurs
toujours, comme les maires ici présents le savent bien : il n'y a pas un
chantier sur lequel on ne rencontre pas de difficultés ! Mais ces dernières
n'expliquent pas et ne peuvent pas justifier de tels retards.
Je rappelle que le recteur, interrogé, voilà deux ans, à la suite d'une
manifestation des étudiants et des enseignants, s'était personnellement engagé
à ce que les travaux commencent en janvier 2001. Un an s'est écoulé depuis.
Maintenant, le Gouvernement nous dit que, sous certaines conditions, le
chantier démarrera peut-être dans six mois. Ce n'est pas admissible !
Monsieur le secrétaire d'Etat, j'attire à nouveau solennellement votre
attention sur ce fait : si vous ne voulez pas que cet IUT meure, il faut que
des décisions radicales, drastiques soient prises immédiatement par l'Etat,
responsable de ce chantier, pour que celui-ci puisse être mené à bien dans de
bonnes conditions et dans les meilleurs délais.
POUVOIRS DU MAIRE EN MATIÈRE
DE DÉLIVRANCE D'ATTESTATIONS D'ACCUEIL
M. le président.
La parole est à M. Courtois, auteur de la question n° 1187, adressée à M. le
ministre de l'intérieur.
M. Jean-Patrick Courtois.
Monsieur le président, je voudrais appeler l'attention de M. le ministre de
l'intérieur sur certaines conséquences engendrées par la loi n° 98-349 du 11
mai 1998 relative à l'entrée et au séjour des étrangers en France.
Cette loi prévoit, pour les étrangers souhaitant un visa de court séjour en
France, le remplacement du certificat d'hébergement délivré par les maires par
l'établissement d'une attestation d'accueil. La mise en place de l'attestation
d'accueil, gratuite et délivrée sans la moindre vérification de la capacité de
l'hébergeant à accueillir un ou plusieurs étrangers, a entraîné une très forte
augmentation des attestations délivrées, notamment dans la ville de Mâcon, où
le nombre de demandes est passé de 400 à 600 en moins de deux ans.
En effet, la réglementation ne confère aucune compétence au maire pour
apprécier l'opportunité de l'accueil d'un étranger par le demandeur de
l'attestation d'accueil puisque le maire doit seulement s'assurer de son
identité et de la réalité de son domicile dans la commune. Ainsi, la demande
d'attestation est faite à la mairie de sa commune par l'hébergeant, qui doit se
présenter personnellement, muni d'un justificatif d'identité et de deux
justificatifs de domicile. Dès lors que les pièces mentionnées sont produites,
la certification par le maire est immédiate.
Dans la mesure où le maire ne peut refuser la délivrance d'une attestation
qu'en cas de non-présentation des pièces justificatives de l'identité et du
domicile ou d'un doute de l'authenticité et qu'il ne dispose, de surcroît,
d'aucun pouvoir propre d'investigation, il est contraint d'accorder dans la
quasi-totalité des cas l'attestation d'accueil qui lui est demandée.
Dans un souci de simplification administrative et du fait de l'absence de tout
moyen de contrôle concernant l'opportunité de la délivrance de l'attestation
d'accueil, il semblerait opportun que cette attestation puisse être délivrée
directement et immédiatement par les services instructeurs de la mairie, du
commissariat de police ou de la préfecture.
Dans la négative, et dans la mesure où un contrôle de l'opportunité de la
délivrance d'une attestation d'accueil paraîtrait nécessaire, je souhaiterais
que les critères d'appréciation devant être retenus me soient précisés.
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Michel Duffour,
secrétaire d'Etat au patrimoine et à la décentralisation culturelle.
Monsieur le sénateur, M. le ministre de l'intérieur vous prie de bien vouloir
excuser son absence et m'a chargé de vous faire cette réponse.
Le décret du 27 mai 1982, modifié après l'adoption de la loi du 11 mai 1998,
ne laisse pas, en effet, à l'autorité chargée de certifier les autorisations
d'accueil la possibilité de refuser la délivrance de ces documents, sauf en
l'absence des pièces justificatives relatives à l'identité du demandeur et au
lieu d'accueil de l'étranger.
Mais, pour autant, l'allégement de la procédure de délivrance des certificats
d'hébergement jugée trop contraignante par le législateur lors du vote de la
loi du 11 mai 1998 ne signifie pas que les autorités chargées de viser les
attestations d'accueil doivent accepter de certifier des demandes qui
constituent des détournements de procédure.
Les demandes multipes d'attestation d'accueil signées par un seul hébergeant «
attestant pouvoir accueillir », pendant la même période, un nombre de personnes
excessif au regard de sa capacité à les héberger peuvent constituer la preuve
d'une aide à l'immigration irrégulière, et donc d'une fraude à la loi.
Plus généralement, en vertu d'une jurisprudence ancienne et constante du
Conseil d'Etat, lorsqu'un administré se place dans une situation prévue par un
texte à des fins étrangères à celles que le législateur ou le pouvoir
réglementaire avait en vue, l'administration dispose de la faculté de faire
échec aux agissements de cet administré. Tel semble être le cas de la personne
qui demande la certification de multiples attestations d'accueil dans le but de
faciliter l'entrée sur le territoire d'étrangers qu'elle n'a ni l'intention ni
d'ailleurs les possibilités d'accueillir.
Dans cette situation, l'autorité chargée de viser l'attestation d'accueil n'a
pas besoin d'une habilitation expresse résultant du texte dont l'application
est revendiquée - c'est l'article 2-1 du décret du 27 mai 1982 - pour prendre
une décision de refus de certification au motif que la demande de certification
constitue une fraude à la loi.
Par ailleurs, en leur qualité d'officiers de police judiciaire, les maires,
les commissaires de police ou les commandants de brigade de gendarmerie
disposent de la possibilité de constater les infractions à la loi pénale. En
tant qu'officiers publics, ils ont le devoir de faire usage de l'article 40 du
code de procédure pénale et sont par conséquent tenus d'aviser sans délai le
procureur de la République lorsqu'ils ont connaissance d'un délit.
Lors de la conférence annuelle des ambassadeurs de France, qui s'est tenue le
28 août dernier, l'attention de M. le ministre de l'intérieur a été appelée par
les ambassadeurs sur les nombreuses tentatives de fraude portant sur les
attestations d'accueil dans le cadre de la délivrance des visas.
A cette occasion, M. Vaillant a demandé aux ambassadeurs de faire établir des
contacts directs entre leurs services et ceux des préfectures pour faciliter
les recherches et lutter contre une telle fraude. Un télégramme du 17 octobre
2000 a invité les préfets à entretenir, en ce domaine, des relations directes
avec les consulats de France.
M. Jean-Patrick Courtois.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Courtois.
M. Jean-Patrick Courtois.
Je vous remercie de vos informations, monsieur le secrétaire d'Etat, mais
elles ne règlent pas le problème des mairies !
A l'heure actuelle, lorsque les étrangers se présentent dans les services
d'état civil des collectivités locales, ils fournissent des documents conformes
au décret du 27 mai 1982 modifié après l'adoption de la loi du 11 mai 1998 et
aux circulaires ministérielles ; dès lors - c'est automatique ! - le maire
certifie l'autorisation d'accueil.
De deux choses l'une : ou bien l'on considère que cette procédure doit être
conservée, et je ne vois pas pourquoi les services instructeurs de la
préfecture, du commissariat de police et de la mairie ne pourraient pas
délivrer directement les attestations aux particuliers - on leur ferait au
moins gagner du temps ! -, ou bien l'on considère - et cela va dans le sens de
la demande des ambassadeurs - qu'une vérification plus poussée est
nécessaire.
Dans ce dernier cas, il faut donner aux collectivités locales les moyens
juridiques de contrôler les demandes présentées par les étrangers, notamment la
capacité de l'hébergeant, le nombre de demandes déjà formulées au cours des
douze derniers mois et la solvabilité de ceux qui accueillent, afin que
l'étranger venant en résidence en France ne se retrouve pas rapidement à la
charge tant du centre communal d'action sociale de la collectivité que de
l'établissement hospitalier qui, neuf fois sur dix, va être obligé de
l'accueillir. Il faut donc donner de manière très précise des instructions aux
collectivités locales pour qu'elles aient les moyens de vérifier les demandes
d'attestation d'accueil.
ÂGE REQUIS POUR DEVENIR
SAPEUR-POMPIER VOLONTAIRE
M. le président.
La parole est à M. Biwer, auteur de la question n° 1202, adressée à M. le
ministre de l'intérieur.
M. Claude Biwer.
Monsieur le président, Monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, la
nouvelle réglementation édictée par l'Etat, qui a fixé à dix-huit ans l'âge à
partir duquel les jeunes qui le souhaitent peuvent devenir sapeurs-pompiers
volontaires, pose assurément de multiples problèmes.
En premier lieu, elle a totalement méconnu la situation des jeunes « cadets »
âgés de plus de quatorze ans qui se préparaient à devenir sapeurs-pompiers dès
l'âge de seize ans : ils sont techniquement prêts, mais doivent désormais
patienter jusqu'à l'âge de dix-huit ans.
Le résultat n'a pas tardé : nombreux sont ceux qui, lassés par une trop longue
attente, ont préféré renoncer. C'est ainsi que les corps de sapeurs-pompiers
ont perdu de précieux éléments qui auraient pu, ultérieurement, assurer la
relève des plus anciens.
Je trouve tout particulièrement regrettable que, par une réglementation
absurde, l'on ait ainsi découragé des jeunes, pourtant motivés, alors que, dans
ce domaine comme dans beaucoup d'autres, le volontariat donne des signes
d'essoufflement.
Des jeunes de seize ans peuvent être très utiles aux services d'incendie et de
secours dans certaines opérations, ainsi que dans le service intérieur. Il est
bien entendu hors de question de les faire participer à des emplois
opérationnels de pointe afin de ne pas leur faire courir de risques
inutiles.
Pour autant, il me semble que le report de seize à dix-huit ans de l'âge
minimum d'entrée dans les corps de sapeurs-pompiers devrait faire l'objet de
mesures d'accompagnement visant à ne pas décourager les jeunes gens et les
jeunes filles intéressés.
Pourquoi ne pas créer l'emploi ou le grade d'« apprenti sapeur-pompier
volontaire », qui serait accessible aux jeunes de seize ans titulaires du
brevet de cadet de sapeur-pompier ? Il conviendrait de préciser que ces
apprentis sapeurs-pompiers volontaires ne pourraient participer aux missions
d'attaque de feu ou de secours aux victimes ou encore aux opérations de nuit.
Le taux de base de leur vacation pourrait être légèrement inférieur à celui des
sapeurs-pompiers volontaires des autres grades.
Il serait, par ailleurs, utile de rendre accessibles à ces apprentis
sapeurs-pompiers volontaires toutes les formations de base des sapeurs-pompiers
volontaires.
Enfin, pourquoi ne pas favoriser l'accès au concours de sapeur-pompier
professionnel des apprentis sapeurs-pompiers volontaires ayant déjà plus de
douze mois de présence dans un corps et étant titulaires de certaines
qualifications de base ?
Monsieur le secrétaire d'Etat, toutes ces mesures seraient, à mon avis, de
nature à remotiver les jeunes souhaitant se destiner au volontariat dans les
corps de sapeurs-pompiers : nous avons besoin de leur compétence et de leur
générosité, surtout en milieu rural, où leur rôle est irremplaçable.
Qu'il me soit permis de leur rendre hommage et de rappeler à quel point la
population et les élus leur sont reconnaissants pour les inestimables services
qu'ils leur rendent.
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Michel Duffour,
secrétaire d'Etat au patrimoine et à la décentralisation culturelle.
Monsieur le sénateur, vous avez appelé l'attention du ministre de l'intérieur
sur l'application du décret du 10 décembre 1999 modifiant la condition d'âge
minimum pour intégrer un corps de sapeurs-pompiers.
En effet, l'article 5 de ce décret a fixé à dix-huit ans l'âge minimum
permettant de souscrire un engagement de sapeur-pompier volontaire. Cette
disposition trouve son origine dans un avis du Conseil d'Etat du 3 mars 1993
dans lequel la haute juridiction estime que les sapeurs-pompiers volontaires
sont des agents publics contractuels à temps partiel. Or, l'âge minimum
permettant l'accès aux cadres d'emplois des sapeurs-pompiers professionnels
non-officiers est de dix-huit ans.
De plus, il ressort des différents avis émis sur cette question que la nature
des tâches confiées aux sapeurs-pompiers volontaires nécessite souvent une
maturité psychologique rarement atteinte avant l'âge de dix-huit ans.
Toutefois, l'article 71 du décret précité relatif aux sapeurs-pompiers
volontaires prévoit une dérogation en faveur des jeunes sapeurs-pompiers
volontaires inscrits, à la date de publication de ce texte, dans une
association préparant au brevet de cadet de sapeur-pompier. En effet, en
application de cet article, les intéressés ont la possibilité, pendant un délai
de cinq ans à compter de cette date de publication, de souscrire un engagement
de sapeur-pompier volontaire dès l'âge de seize ans.
Par ailleurs, les jeunes gens qui sont intéressés par l'activité de
sapeur-pompier volontaire et qui ne peuvent bénéficier de la dérogation prévue
à l'article 71 du décret susmentionné ont la possibilité de s'inscrire dans
l'une des associations habilitées de jeunes sapeurs-pompiers prévues par le
décret du 28 août 2000 au sein de laquelle ils peuvent recevoir, jusqu'à l'âge
de dix-huit ans, une formation théorique et pratique essentiellement fondée sur
l'apprentissage des techniques de secours et l'entraînement sportif.
Toutefois, sur la proposition de M. Vaillant, les conditions de l'âge
d'intégration dans un corps de sapeurs-pompiers feront l'objet d'une
concertation avec les différents partenaires dans le cadre d'une réflexion plus
globale sur le volontariat qui sera lancée en 2002.
M. Claude Biwer.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Biwer.
M. Claude Biwer.
J'ai bien écouté vos arguments, monsieur le secrétaire d'Etat, mais il me
semble tout de même anormal que seul l'âge témoigne de la maturité des
intéressés.
C'est le milieu rural qui est particulièrement pénalisé par cette disposition.
En effet, si, dans les grands centres, les jeunes intéressés par l'activité de
sapeur-pompier volontaire peuvent recevoir, au sein des associations habilitées
de jeunes sapeurs-pompiers prévues par le décret du 28 août 2000, une formation
théorique et pratique, il n'en va pas de même dans les milieux ruraux profonds.
C'est d'autant plus regrettable que le volontariat donne des signes
d'essoufflement.
ÉLABORATION DES SCHÉMAS
DE COHÉRENCE TERRITORIALE
M. le président.
La parole est à M. Nogrix, auteur de la question n° 1211, adressée à M. le
ministre de l'intérieur.
M. Philippe Nogrix.
Ma question s'adresse à M. le ministre de l'intérieur et concerne
l'application de la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains,
plus précisément l'article L. 122-3, alinéa II, relatif à l'élaboration des
schémas de cohérence territoriale, les SCOT. Cet alinéa se lit ainsi : « Le
périmètre du schéma de cohérence territoriale délimite un territoire d'un seul
tenant et sans enclave. Lorsque ce périmètre concerne des établissements
publics de coopération intercommunale compétents en matière de schémas de
cohérence territoriale, il recouvre la totalité du périmètre de ces
établissements. »
Monsieur le secrétaire d'Etat, je souhaiterais savoir si cet extrait d'article
doit être interprété comme contenant deux propositions alternatives. La seconde
proposition doit-elle être considérée comme une règle dérogatoire à la première
proposition exposant le principe général, permettant ainsi aux établissements
publics de coopération intercommunale, les EPCI, auxquels la loi n° 99-586 du
12 juillet 1999 a permis le maintien d'une enclave en leur sein, d'établir un
SCOT sur la totalité de leur périmètre ?
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Michel Duffour,
secrétaire d'Etat au patrimoine et à la décentralisation culturelle.
Monsieur le sénateur, les schémas de cohérence territoriale, les SCOT, ont pout
objet de fixer les grandes orientations au niveau des politiques d'urbanisme,
d'habitat, de déplacements et d'implantation commerciale sur un périmètre
adéquat.
Afin de permettre une analyse prospective dans les domaines susvisés, le
périmètre des SCOT doit s'inscrire dans les contours d'un bassin de vie
préexistant. C'est pourquoi, aux termes de l'article L. 122-3, alinéa II, du
code de l'urbanisme, le périmètre d'un SCOT délimite un territoire d'un seul
tenant et sans enclave.
Cette règle générale ne souffre aucune exception. Si le SCOT doit recouvrir la
totalité du périmètre des EPCI compétents en matière de SCOT, il doit également
respecter l'obligation de continuité territoriale. La délimitation du périmètre
d'un SCOT est soumise à cette double exigence.
Ainsi, le maintien d'une enclave au sein d'un EPCI, admise dans des cas très
exceptionnels, ne saurait en aucun cas autoriser ce dernier à élaborer un SCOT
sur un territoire discontinu. Il y aurait là un manquement à la loi qui
affecterait, sans aucun doute, la légalité du SCOT lui-même.
La situation qui vous préoccupe, monsieur le sénateur, est cependant tout à
fait exceptionnelle puisqu'une seule communauté d'agglomération a été
autorisée, par dérogation du législateur, à présenter une discontinuité
territoriale.
M. Vaillant est prêt à examiner, avec M. le ministre de l'équipement, des
transports et du logement, la meilleure solution au problème très particulier
que vous évoquez.
M. Philippe Nogrix.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Nogrix.
M. Philippe Nogrix.
Monsieur le secrétaire d'Etat, vous voudrez bien remercier vos collègues MM.
Vaillant et Gayssot. J'espère qu'ils examineront le problème avec beaucoup
d'attention.
En effet, il est tout de même un peu curieux que, parce que le législateur a
voté une loi exigeant une cohérence territoriale et que, antérieurement, une
dérogation a été accordée, dans un bassin de vie de 45 000 personnes, à une
petite commune de mille habitants pour se raccrocher à un autre EPCI, le pays
ne puisse pas élaborer un SCOT. Cela va à l'encontre de l'esprit du
législateur. On s'en tient à la forme, alors qu'il s'agit de répondre à
l'esprit de la loi.
Je vous remercie donc de votre réponse et je veillerai à ce qu'une suite y
soit donnée.
RÉFORME DU PROGRAMME DE MAÎTRISE
DES POLLUTIONS D'ORIGINE AGRICOLE
M. le président.
La parole est à M. Signé, auteur de la question n° 1203, adressée à M. le
ministre de l'agriculture et de la pêche.
M. René-Pierre Signé.
Je souhaite attirer l'attention de M. le ministre de l'agriculture et de la
pêche sur la réforme du PMPOA, le programme de maîtrise des pollutions
d'origine agricole.
La profession agricole s'est engagée, depuis quelques années, dans la
protection de l'environnement, consciente qu'il s'agit d'une composante du
développement de l'agriculture ainsi que d'une demande de la société.
Le PMPOA a été lancé en 1993 et, après de longues négociations, la Commission
européenne a approuvé son projet de réforme.
S'il est bien de réformer un outil indispensable, encore faut-il s'assurer du
bon traitement des dossiers instruits pendant la période transitoire. Or on
constate, en tout cas dans la Nièvre, que certains dossiers de demande d'aides
déposés en avril 2000 n'ont toujours pas été traités par l'agence de l'eau. Les
grandes exploitations ayant été traitées en priorité, la ligne de trésorerie
est épuisée et ne permet plus de satisfaire les programmes les plus modestes,
c'est-à-dire ceux qui concernent les petits éleveurs.
Sur quelles bases l'instruction des dossiers se fera-t-elle dorénavant ? Quel
programme sera reconduit en 2002 ? Cela revient à demander quelles sont les
nouvelles priorités du programme et dans quelles conditions les petites
exploitations y seront intégrées. Enfin, comment seront traités tous les
dossiers, notamment ceux des listes d'attente qui se sont constituées sur la
base des anciennes modalités ?
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Charles Josselin,
ministre délégué à la coopération et à la francophonie.
Monsieur le
sénateur, je vous prie d'excuser M. Jean Glavany, qui préside ce matin le
Conseil supérieur d'orientation et de coordination de l'économie agricole et
alimentaire, ce qui me conduit à le remplacer pour répondre à une question sur
les PMPOA, dont l'ancien président du conseil général des Côtes-d'Armor que je
fus longtemps a souvent eu à connaître.
L'accord de la Commission européenne concernant le nouveau programme de
maîtrise des pollutions d'origine agricole vient d'être notifié au gouvernement
français.
Je crois tout d'abord que nous devons nous en féliciter, car cet accord
entérine notre projet de réforme sur les bases financières initialement
proposées, à savoir, pour la plupart des travaux, une aide représentant 60 %
des dépenses. Vous n'ignorez pas, en effet, que nos échanges avec les services
de la Commission se sont avérés d'autant plus difficiles que l'ancien
dispositif de 1994, jamais notifié à Bruxelles, a conduit la Commission à
engager contre la France, en mai dernier, une procédure contentieuse.
Comme vous l'avez rappelé, monsieur le sénateur, le prochain PMPOA doit
permettre, comme nous l'avions prévu, d'intervenir en priorité dans les zones
où la qualité de l'eau est dégradée ou menacée, là où des actions renforcées se
justifient.
Cela ne remet nullement en cause le fait que les élevages de plus de
quatre-vingt-dix unités de gros bovins resteront éligibles sur tout le
territoire, de même que ceux de plus de soixante-dix unités de gros bovins
conduits par de jeunes agriculteurs installés depuis moins de cinq ans à la
date de leur demande de financement de l'étude préalable et éligibles aux aides
à l'installation au sens de l'article R. 343 du code rural.
Pour le reste, cela nous conduira à privilégier les zones vulnérables définies
par la directive « nitrate » ainsi que certaines autres zones prioritaires dans
lesquelles on observe effectivement une menace réelle sur la qualité de l'eau.
Dans ces zones, tous les élevages seront éligibles quelle que soit leur
taille.
La priorité donnée aux zones vulnérables ne fait, en réalité, que refléter la
situation géographique des bénéficiaires du PMPOA.
S'agissant de ceux qui sont entrés jusqu'à présent dans le programme en
fonction d'un critère de taille, on observe que 70 % sont situés dans des zones
vulnérables.
En ce qui concerne ceux qui restent éligibles, nous ne devons pas être loin de
ce pourcentage.
M. Jean Glavany souhaite enfin rappeler que les dossiers de demande de
financement de travaux déposés avant la date de réception par les préfets de la
note du 1er décembre 2000 qui suspend l'ancien dispositif PMPOA seront traités,
quant à eux, selon les règles antérieures, tant par l'Etat ou les collectivités
locales que par l'agence de l'eau concernée.
M. René-Pierre Signé.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Signé.
M. René-Pierre Signé.
Monsieur le ministre, je vous remercie des précisions que vous m'avez
apportées et qui sont rassurantes pour l'avenir du PMPOA.
Cependant, je voudrais insister sur deux points.
En premier lieu, un retard considérable a été pris dans le traitement des
dossiers par les agences de l'eau. Jusqu'à présent, le financement est réparti
en trois parts égales entre l'Etat, l'agence de l'eau et l'exploitant. Or
l'agence de l'eau a laissé s'accumuler les dossiers. Certains exploitants
attendent toujours une réponse, alors qu'ils ont déposé leur dossier en avril
2000.
Par ailleurs, les critères de financement retenus par l'Etat et par les
agences de l'eau sont différents. On constate une dysharmonie évidente. Ainsi,
les agences de l'eau ne s'intéressent pas aux bâtiments eux-mêmes, elles ne
financent que le traitement de la pollution qui émane des bâtiments sans savoir
si ces derniers peuvent être mis aux normes. Cette disparité de traitement et
de financement est importante. Je souhaiterais, monsieur le ministre, que vous
transmettiez ce message aux autorités compétentes pour que l'Etat et les
agences de l'eau se mettent d'accord sur les critères de financement du
PMPOA.
En second lieu, j'insiste sur le fait que les dossiers doivent être traités le
plus rapidement possible, en particulier ceux qui ont été déposés par les
petits exploitants. Vous m'avez rassuré en disant que tous les dossiers
seraient examinés et que ce programme serait poursuivi. Il n'en demeure pas
moins que, à l'heure actuelle, l'examen des dossiers des petits exploitants a
pris un retard considérable. Il serait bon que les grandes exploitations ne
soient pas traitées en priorité.
SITUATION DES COOPÉRANTS
AYANT PERDU LE DROIT À TITULARISATION
M. le président.
La parole est à M. Souvet, auteur de la question n° 1119, adressée à M. le
ministre délégué à la coopération et à la francophonie.
M. Louis Souvet.
Monsieur le ministre, j'ai beaucoup de chance de vous avoir en face de moi. Il
est en effet plus agréable pour celui qui pose une question de s'adresser au
ministre compétent plutôt qu'à un ministre qui lit un papier et qui ne connaît
pas forcément le sujet. Je tiens donc à vous remercier de votre présence.
La réponse que vous allez développer dans un instant semblera, je n'en doute
pas, fort généreuse, du moins pour les personnes qui ne connaissent pas le
dossier. Vous allez, avec les accents de la sincérité, me rappeler que, comme
la titularisation de ces coopérants avait été organisée, il appartenait à ces
derniers d'opter pour leur titularisation. Faute de l'avoir fait dans les
délais requis, les agents concernés ont perdu leur vocation à
titularisation.
A l'heure où une très grande majorité d'emplois-jeunes de l'enseignement vont
être titularisés grâce à un concours spécial, il est savoureux de prendre
connaissance de ce que la nation proposait à des docteurs d'Etat, à des
coopérants d'expérience, bardés de diplômes de l'enseignement supérieur. Le
terme « bardé » n'est pas galvaudé.
Ici commence le paradoxe français.
L'Etat n'hésite pas, contrairement à nombre d'exemples étrangers, à se séparer
d'hommes et de femmes à qui leurs nombreux titres, mais aussi l'expérience
irremplaçable du terrain, confèrent des atouts sans pareil. Chercherait-on à se
priver d'éléments de valeur, d'une potentialité sans équivalent que l'on ne s'y
prendrait pas autrement !
Paradoxe de l'Etat, qui déplore, dans le même temps, la fuite des « cerveaux »
à l'étranger, par exemple pour des raisons d'application mesquine de l'âge de
la retraite, pour des raisons de manque de moyens financiers dans nos
différents laboratoires de recherche.
Mes chers collègues, je vais vous rappeler ce que l'Etat proposait royalement
à nos coopérants qui possèdent des dizaines d'années d'expérience et dont le
curriculum vitae
dense témoigne d'un brillant parcours tant
universitaire que professionnel. Il s'agissait d'une titularisation dans le
corps des adjoints d'enseignement.
Ce corps et les membres qui le composent sont tout à fait honorables, et je
salue ici la qualité du travail qu'ils accomplissent. Mais il convient de
savoir raison garder. Mettez-vous à la place des coopérants auxquels il est
proposé, d'un trait de plume, de faire abstraction de leurs plus hauts diplômes
universitaires, de leurs recherches, du soutien qu'ils ont apporté à de
nombreux thésards, ces derniers constituant ensuite l'élite de leurs pays
respectifs ! Ces coopérants se sont consacrés corps et âme à leur tâche, ne
comptant ni les heures de travail ni les conditions de vie quelquefois
spartiates. Que leur a-t-on proposé en retour ? Une peau de chagrin, des
miettes de la fonction publique.
L'Etat peut-il s'abriter derrière la logique financière en arguant du nombre
d'intéressés concernés, comme il pourrait le faire, soit dit en passant, pour
les dizaines de milliers d'emplois-jeunes de l'éducation nationale ? Moins d'un
an avant les échéances électorales, bien évidemment, il est des sujets tabous
!
En l'occurrence, ce n'est même pas le cas puisqu'une centaine de coopérants
ont fait l'objet d'un licenciement. Il est vrai que le poids électoral est
inversement proportionnel au coût engendré par une titularisation digne de ce
nom ! Ni les rues de la capitale ni celles des grandes villes de province ne
risquent de connaître des manifestations faisant date dans les annales des
renseignements généraux !
Même si le nombre des personnes concernées ne plaide pas en leur faveur eu
égard au rapport de forces, l'équité commande toutefois de prendre en compte,
de façon objective, leur revendication. Il serait déplorable que l'arithmétique
corporatiste soit l'unique et exclusif paramètre pris en compte par les
pouvoirs publics au détriment des cursus universitaires.
Monsieur le ministre, je vous demande si vous saurez entendre l'appel de ces
coopérants, afin de renforcer le pôle d'excellence que doit constituer
l'éducation nationale, pôle d'excellence qu'un ancien ministre de ce ministère
appelait de ses voeux.
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Charles Josselin,
ministre délégué à la coopération et à la francophonie.
Permettez-moi
tout d'abord de vous dire, monsieur le sénateur, que je préfère, moi aussi,
répondre personnellement aux questions qui me sont posées, mais - et je parle
là au nom de tous mes collègues du Gouvernement - nos agendas ne nous
permettent pas toujours d'être présents aux rendez-vous que nous fixent les
assemblées parlementaires.
J'en viens à la réponse à la question que vous avez posée.
La loi n° 83-481 du 11 juin 1983, dite « loi Le Pors », qui a été intégrée
dans la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la
fonction publique de l'Etat, prévoit que les personnels civils de coopération
culturelle, scientifique et technique en fonction auprès d'Etats étrangers ont
vocation à être titularisés dans un corps de la fonction publique de l'Etat,
sous réserve de remplir certaines conditions fixées par cette même loi.
Plusieurs décrets d'application ont été pris pour tenir compte de la diversité
des situations dans lesquelles se trouvaient les ayants droit.
A ce jour, tous les coopérants ont eu la possibilité de faire valoir leur
vocation à titularisation. Ce dossier peut maintenant être considéré comme clos
dans la mesure où les derniers intéressés devaient se manifester auprès du
ministère des affaires étrangères avant la mi-octobre 2001. Un dernier concours
sera d'ailleurs organisé par le ministre des affaires étrangères en 2002 à
l'intention de ceux qui se sont manifestés.
Plusieurs situations peuvent se présenter.
Les coopérants « ayants droit Le Pors » peuvent avoir perdu leur vocation à
titularisation, soit parce qu'ils ont réussi un concours de la fonction
publique avant que n'aient lieu les examens professionnels organisés en vue de
leur titularisation, soit parce qu'ils ont volontairement mis fin au lien qui
les unissait à l'Etat, soit parce qu'ils ont négligé de se manifester dans les
délais fixés par lesdits décrets d'application, soit parce qu'ils ont échoué
aux examens susmentionnés, soit, enfin, parce qu'ils ont expressément manifesté
leur volonté de ne pas être titularisés.
L'article 82, alinéa 2, du statut général de la fonction publique de l'Etat
dispose que les agents non titulaires qui n'ont plus de vocation à
titularisation dans le cadre de la loi Le Pors continuent à être employés dans
les conditions prévues par la réglementation qui leur est applicable et par les
stipulations de leurs contrats.
Le Conseil d'Etat a estimé à l'occasion de plusieurs recours contentieux et
avis dont il a été saisi que : d'une part, l'agent lié par un contrat à durée
indéterminée et qui a perdu sa vocation à titularisation peut être licencié
pour l'un des motifs et dans les conditions prévues par la réglementation qui
le régit et par le contrat qu'il a souscrit ; d'autre part, l'agent lié par un
contrat à durée déterminée qui a perdu sa vocation à titularisation peut
bénéficier du renouvellement de son contrat une fois que ce dernier est arrivé
à échéance, sans que cela constitue une obligation pour l'administration. Cet
agent peut également être licencié sous réserve du respect des règles
juridiques qui lui sont applicables.
Quoi qu'il en soit, monsieur le sénateur, je voudrais vous assurer de ma
volonté de préserver, bien évidemment dans le cadre des moyens dont je dispose,
le capital de compétences dont vous parliez à l'instant, qui constitue en effet
pour nous un élément précieux dans le maintien du lien que l'histoire a forgé
entre nous et l'Afrique notamment.
M. Louis Souvet.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Souvet.
M. Louis Souvet.
Votre réponse est exactement telle que je l'imaginais, monsieur le ministre.
Je le répète, je ne crois pas qu'il soit convenable de proposer des postes
d'adjoint d'enseignement à des titulaires de doctorats. Certes, les adjoints
d'enseignement sont nécessaires, et je salue leur travail, mais en proposant de
tels postes à des docteurs qui justifient de dizaines d'années d'expérience, on
gaspille, me semble-t-il, un potentiel très important, qui pourrait être mieux
utilisé.
A ce propos, je rappellerai le fameux proverbe selon lequel au lieu de donner
du poisson, il vaut mieux apprendre à pêcher aux intéressés.
Il me semble que les coopérants concernés dispensent un enseignement très
riche dans les pays dans lesquels ils se trouvent et dont ils forment l'élite,
et nous avons tout intérêt à ce que cette élite continue à se réclamer d'une
formation française !
M. Charles Josselin,
ministre délégué.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Charles Josselin,
ministre délégué.
Monsieur le sénateur, puisque les agents dont nous
parlons sont en nombre limité, je veux bien, si vous le désirez, m'engager à
examiner au plus près les cas que vous souhaiterez me soumettre, sans qu'il
soit question pour moi d'autre chose que de m'assurer que le maximum a bien été
fait pour que soit prise en compte la compétence que vous souligniez à
l'instant.
M. Louis Souvet.
Je vous en remercie, monsieur le ministre.
M. le président.
Mes chers collègues, l'ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons
maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à seize heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à onze heures cinquante, est reprise à seize heures
quinze, sous la présidence de M. Serge Vinçon.)
PRÉSIDENCE DE M. SERGE VINÇON
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
4
DEMANDE DE CONSULTATION
D'ASSEMBLÉES TERRITORIALES
M. le président. J'informe le Sénat que M. le président du Sénat a saisi, le 7 janvier 2002, M. le Premier ministre d'une demande de consultation, en application de l'article 74 de la Constitution, de l'Assemblée de la Polynésie française, du Congrès de la Nouvelle-Calédonie et de l'Assemblée territoriale de Wallis-et-Futuna sur la proposition de loi organique n° 163 (2001-2002) de M. Robert Badinter, relative à la coopération avec la Cour pénale internationale.
5
DÉMOCRATIE DE PROXIMITÉ
Discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence
M. le président.
L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi (n° 415, 2000-2001),
adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, relatif à la
démocratie de proximité. [Rapport n° 156 (2001-2002) et avis n°s 161, 153 et
155 (2001-2002).]
Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.
M. Daniel Vaillant,
ministre de l'intérieur.
Monsieur le président, messieurs les
rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, je veux tout d'abord vous prier
d'excuser mon retard à rejoindre cet hémicycle pour entamer le débat qui va
nous occuper pendant quelques jours : j'ai dû répondre à la dernière question
d'actualité qui était posée aujourd'hui à l'Assemblée nationale et, bien
entendu, je ne pouvais me soustraire à cet exercice.
Le projet de loi relatif à la démocratie de proximité que vous examinez à
partir d'aujourd'hui s'inscrit dans la nouvelle étape de la décentralisation
engagée par le Premier ministre le 27 octobre 2000, à Lille.
Après avoir rappelé la place qu'occupe le présent projet de loi dans cette
démarche, je vous en présenterai les principales dispositions telles qu'elles
ont été adoptées par l'Assemblée nationale.
Le contenu et les orientations de la nouvelle étape de la décentralisation ont
été précisés à plusieurs reprises, notamment lors du débat d'orientation
générale sur la décentralisation, le 17 janvier 2001, à l'Assemblée
nationale.
En octobre 1999, le Premier ministre a confié à Pierre Mauroy, qui fut avec
Gaston Defferre à l'origine de la décentralisation que nous connaissons
aujourd'hui, la présidence de la commission pour l'avenir de la
décentralisation. Cette commission a remis son rapport un an après et a
répondu, par ses 154 propositions, à la demande du Premier ministre : présenter
les mesures susceptibles d'approfondir la décentralisation dans un sens plus
légitime, plus efficace, plus solidaire, en un mot plus citoyen. En s'appuyant
sur ce rapport, consensuel pour l'essentiel, le Gouvernement a dégagé six
priorités.
C'est, premièrement, la rénovation et la modernisation des institutions
locales.
C'est, deuxièmement, la clarification de l'exercice de leurs compétences par
les collectivités locales.
C'est, troisièmement, la modernisation des finances locales.
Sur ce point précis, le Premier ministre m'a chargé d'élaborer, conjointement
avec le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, un premier
rapport sur les voies et moyens d'une réforme des finances locales, rapport qui
sera remis au Parlement dans les toutes prochaines semaines. Ce rapport doit
étudier les mesures susceptibles de remédier aux défauts de la fiscalité locale
actuelle, obsolète sur certains points et trop souvent injuste, comme aux
défauts des dotations de l'Etat aux collectivités locales, peu lisibles et
insuffisamment péréquatrices.
Depuis le mois de juillet, une première note d'orientation, adressée au comité
des finances locales et aux commissions parlementaires ainsi qu'aux principales
associations d'élus, a permis d'engager la concertation sur un sujet difficile,
aux enjeux majeurs pour les collectivités locales, et donc pour les Français.
J'ai, bien sûr, noté avec beaucoup d'intérêt les propositions exprimées ici par
les uns et les autres lors du débat sur le projet de loi de finances pour
2002.
La quatrième priorité est la prise en compte des attentes de la fonction
publique territoriale.
La cinquième est la relance de la déconcentration, inséparable d'une
décentralisation réussie.
Enfin, sixièmement, il s'agit d'approfondir la démocratie locale et de mettre
en oeuvre les mesures susceptibles d'aider les citoyens qui le souhaitent à
assumer les responsabilités locales comme celles qui permettent de mieux les
associer aux décisions locales. L'actuelle exigence de proximité, de plus en
plus forte chez nos concitoyens, témoigne en effet du souhait des Français de
participer à la préparation et à la définition des actions et projets publics
qui les concernent au quotidien.
Je pense d'ailleurs que l'abstention de plus en plus forte depuis 1977 et
jusqu'aux dernières élections municipales, dans les communes de droite comme de
gauche, est effectivement, même s'il existe d'autres raisons, la conséquence
d'une carence à cet égard et qu'il est nécessaire d'y remédier par des mesures
concrètes, non par de simples déclarations d'intention.
C'est tout le sens de ce projet de loi, qui reprend nombre des conclusions de
la commission pour l'avenir de la décentralisation, présidée par Pierre
Mauroy.
Il tient compte également des préoccupations exprimées par les principales
associations d'élus locaux, toutes membres ès qualités de la commission Mauroy,
ainsi que de celles qui ont été émises dans le rapport de la mission
parlementaire d'information des sénateurs Jean-Paul Delevoye et Michel Mercier,
ou de celles qui ont émergé à l'occasion de débats particuliers, lors de
l'examen de propositions de loi à l'Assemblée nationale comme au Sénat.
Ce projet de loi s'attache donc - et c'est son objet premier - à organiser et
à promouvoir l'appronfondissement de la démocratie locale dans ses deux aspects
complémentaires que sont la démocratie participative - titres Ier et IV - et la
démocratie représentative, socle de notre démocratie - titres Ier et II.
Les autres dispositions intéressant les transferts ou, plus généralement,
l'exercice des compétences des collectivités locales y sont évidemment
largement liées ; c'est le cas du titre III, avec la départementalisation des
services départementaux d'incendie et de secours, les SDIS, et le transfert de
nouvelles compétences aux régions.
Le titre V, qui porte sur le recensement, est loin d'y être étranger : on sait
à quel point nous avons tous le souci de la bonne représentation de la
population.
Je voulais insister sur la cohérence de la démarche et sur le double objectif,
clairement affiché, de ce projet de loi, qui est riche de 124 articles depuis
son adoption en première lecture par l'Assemblée nationale, mais dont l'objet
premier est, tout au long de ses principales dispositions, d'approfondir la
démocratie locale.
Comme je l'ai déjà indiqué lors de mon audition par votre commission des lois,
le projet de loi enrichi par l'Assemblée nationale comprend des dispositions
importantes et intéressantes qui sont parfois à la périphérie de son objectif
majeur ; j'ai bien noté que certains des amendements déposés par vos
commissions ou par quelques-uns d'entre vous présentent cette même
caractéristique.
Compte tenu de la période, cette tentation est logique ; je conviens qu'il
faut être pragmatique et régler éventuellement des problèmes urgents sans
revenir pour autant sur les objectifs et sur la philosophie de ce projet de loi
ou, plus généralement, de la décentralisation.
Néanmoins, il ne faut pas qualifier péjorativement un projet de loi dont un
objectif clair inspire les dispositions essentielles et qui est, en outre,
riche - notamment grâce au Parlement lui-même - de nombreuses dispositions
permettant d'améliorer encore le fonctionnement de nos institutions
décentralisées.
Il eût certes été dommage de ne conserver que le noyau dur des dispositions du
projet de loi initial, même si, en apparence, cela lui eût donné une image plus
concentrée sur son seul objet. D'ailleurs, vos commissions ne le proposent pas.
Il n'empêche que ce noyau dur reste - et, je l'espère, restera - contenu dans
ce projet de loi.
Je vais maintenant décliner les grands thèmes qui forment les titres Ier à V
du projet de loi.
Le projet de loi organise tout d'abord la participation des habitants à
l'action et au débat publics, en s'appuyant sur la création obligatoire de
conseils de quartier dans les communes de 50 000 habitants et plus, pour chacun
des quartiers qui les constituent. Mais seulement un peu plus d'une centaine de
communes atteignant cette taille, le Gouvernement souhaite que ce seuil soit
ramené à 20 000 habitants.
Le titre Ier comporte également un chapitre spécifique relatif au renforcement
des droits des élus locaux au sein des assemblées délibérantes, notamment des
élus de la minorité, ainsi qu'un article visant à améliorer la situation des
membres des conseils économiques et sociaux régionaux.
Les conseils de quartier doivent être des instances consultatives permettant
d'associer, aux côtés des élus, des représentants d'habitants et d'associations
pour traiter de toute question intéressant le quartier et la commune.
Complémentaires et non concurrents du conseil municipal, du fait même du mode
de désignation de leurs membres, qui est du ressort de l'assemblée délibérante,
comme de la définition de leurs missions, que le projet de loi encadre, ces
conseils de quartiers doivent être dotés des moyens de fonctionnement
nécessaires.
Dans le souci du respect de la pluralité des expériences, la présence des
conseillers municipaux doit être laissée au choix de chaque conseil municipal
et, afin qu'aucune fraction de la population ne puisse être exclue, un conseil
doit être créé dans chaque quartier.
Les règles de constitution et les missions dévolues aux conseils de quartier
doivent permettre leur institution dans les communes urbaines qui ne se
seraient pas, à ce jour, engagées dans une telle démarche participative.
Bien sûr, de nombreuses communes ont déjà mis en place des structures
similaires, et je me suis exprimé à plusieurs reprises sur mon souhait de ne
pas revenir sur ces expériences, afin d'autoriser la mise en oeuvre du
dispositif le plus adapté aux spécificités locales.
Toutefois, comme l'indique le Conseil national des villes dans son avis sur ce
point, la loi se doit de fixer des règles de constitution obligatoire,
fussent-elles empreintes de la nécessaire souplesse, afin d'appuyer le bon
développement de la démocratie locale et d'aider les collectivités encore un
peu réticentes à s'engager dans cette voie nécessaire.
Il ne faut pas oublier que toutes les communes ne sont pas, loin de là,
engagées dans un soutien résolu à la démocratie participative et que de
nombreux quartiers souffrent encore aujourd'hui de l'absence d'une telle
démarche, qui est certainement, pourtant, une condition de la réussite du
renouveau social et urbain de nos villes.
J'ai d'ailleurs, à la suite des différentes concertations que j'ai menées
depuis le 26 juin dernier date du vote de l'Assemblée nationale - et à la
lecture des amendements adoptés par votre commission des lois - déposé deux
amendements qui tiennent compte des principales critiques émises et qui
garantissent expressément la souplesse nécessaire à de telles structures ainsi
que la pérennisation des structures actuelles, mais qui ne vont pas jusqu'à
faire perdre
de facto
son sens aux dispositions présentées.
Le projet de loi prévoit également la possibilité, pour les conseils
municipaux des communes de plus de 50 000 habitants, de créer des postes
spécifiques d'adjoints chargés principalement et non exclusivement du
traitement des questions intéressant certains quartiers. Cette possibilité
n'est évidemment pas une obligation, et leur création est prévue en sus du
nombre d'adjoints au maire, plafonné à 30 % du conseil municipal par la loi. Je
m'étonne d'ailleurs que, par un amendement, la commission des lois prévoie la
suppression de cet article qui donnait quelque souplesse et une liberté
supplémentaire au conseil municipal.
Le projet de loi rend également obligatoire, pour les communes de plus de 100
000 habitants, la création dans les quartiers d'annexes de la mairie offrant
aux habitants des services publics de proximité. Là encore, cette disposition,
importante pour la population des grandes villes, ne devrait pas être
supprimée, comme le propose, par un amendement, votre commission des lois.
Le premier chapitre du projet de loi accroît enfin considérablement le rôle et
les compétences des commissions des services publics locaux. Là encore, il
s'agit bien de proposer aux citoyens des lieux de débat, de réflexion et
d'initiative.
Par ailleurs, les droits des minorités dans les assemblées élues seront
renforcés afin de contribuer à l'expression du pluralisme des opinions et à
l'information générale des habitants.
C'est ainsi que des séances spécifiques devraient être consacrées à l'examen
des projets de délibération de l'opposition. Le règlement intérieur adopté par
le conseil municipal, selon les dispositions expressément inscrites dans le
projet de loi, doit encadrer cette séance afin de satisfaire l'objectif de
cette mesure et non de le dévoyer. Par amendement parlementaire, cette
disposition a été étendue aux conseils généraux et, à partir du 1er janvier
2004, date d'entrée en vigueur du nouveau mode de scrutin, aux conseils
régionaux.
C'est ainsi également que les procès-verbaux des délibérations des conseils
municipaux des petites communes seront complétés afin de faire apparaître le
nom des intervenants et le contenu de leurs interventions au cours des
débats.
Une place sera également réservée à l'opposition dans les documents
d'information générale qui ne seraient pas purement descriptifs ou pratiques.
Cette disposition pourrait être précisée, dans un souci de bonne lisibilité et
d'opérationnabilité.
Des missions d'information et d'évaluation d'un projet ou du fonctionnement du
service public pourront enfin être constituées à la demande du cinquième du
conseil municipal dans les communes de plus de 3 500 habitants - le
Gouvernement avait proposé 10 000 - et dans les conseils généraux et régionaux.
Là encore, le projet de loi encadre les modalités de désignation de leurs
membres, leur rôle et leurs missions, afin de ne pas détourner ces missions de
leur objet et de ne pas en faire, notamment, des occasions de pure opposition
politique.
Je ne peux que regretter les amendements de suppression de ce dispositif et
vous demander de ne pas refuser en bloc cette augmentation des droits des
minorités. Si quelques-unes de ces dispositions vous semblent perfectibles,
perfectionnons-les, j'y suis prêt ! Si vous souhaitez en proposer d'autres,
plus novatrices ou plus profondes, je suis prêt également à les examiner et à
m'en réjouir ! Mais les supprimer en bloc ne me paraîtrait pas vraiment
améliorer la démocratie de proximité que tous les élus et la population
appellent de leurs voeux.
Dans ce premier titre, les conditions d'exercice de leurs fonctions par les
conseillers économiques et sociaux régionaux seront également améliorées afin
de faciliter, notamment, la présence et la participation des membres salariés,
à la suite de la concertation avec l'Assemblée des présidents de conseils
économiques et sociaux régionaux et avec l'Assemblée des régions de France.
Vous aurez également noté que plusieurs amendements parlementaires ont été
adoptés par l'Assemblée nationale, qui visent à accroître les compétences des
conseils d'arrondissement de Paris, Lyon et Marseille et qui modifient la loi
du 31 décembre 1982, dite « loi PLM ». Il s'agit, là encore, de se rapprocher
de la population et d'approfondir la démocratie locale.
Le deuxième titre du présent projet de loi vise à démocratiser l'accès de tous
aux fonctions électives locales afin, notamment, que la composition des
assemblées locales soit plus encore qu'aujourd'hui un reflet de la diversité de
la société française.
Ces dispositions améliorent, en conséquence, les conditions d'exercice des
fonctions électives locales, de la candidature jusqu'à la fin du mandat, en
développant tout particulièrement les mesures assurant une meilleure
compatibilité tant avec l'activité professionnelle qu'avec la vie personnelle
et familiale.
Sur cette base, il s'agit de permettre à tout citoyen de disposer d'un réel
choix pour consacrer à son mandat le temps qu'il estime nécessaire, sans que
son exercice en soit entravé par des contraintes matérielles ou des charges
dissuasives.
En raison de la diversité des situations, le projet de loi privilégie souvent
la libre appréciation des collectivités dans la mise en oeuvre de telle ou
telle garantie, en fonction notamment des responsabilités exercées, plutôt que
l'adoption de mesures de revalorisation de portée trop générale.
Le projet de loi vise ainsi à faciliter l'accès aux élections en instituant un
droit à un temps d'absence pour participer aux élections locales.
Il vise également à mieux articuler le mandat local avec l'activité
professionnelle, qu'elle soit salariée ou non, en accroissant, d'une part, les
possibilités de disposer de crédits d'heures et, d'autre part, les
compensations financières par la collectivité de ces absences aux élus non
indemnisés.
Il prévoit de sécuriser la sortie du mandat, pour les élus ayant choisi
d'interrompre leur activité professionnelle, par la création d'une allocation
différentielle de fin de mandat versée pendant les six mois qui suivent cette
fin de mandat. Cette allocation sera financée par une cotisation à la charge
des collectivités concernées, afin de permettre une mutualisation des
charges.
Le texte qui vous est présenté renforce également la formation en début ou en
fin de mandat afin de mieux l'adapter aux besoins et aux contraintes des élus.
Il convient, dans ce cadre, d'encourager les collectivités à mieux mobiliser
les crédits liés à la formation et à mieux les répartir entre les divers
élus.
Les dispositions présentées à votre examen prévoient encore des délibérations
obligatoires des conseils municipaux en la matière, le triplement du congé
formation de six jours à dix-huit jours et la mutualisation de ces dépenses en
s'appuyant sur les structures intercommunales.
Le projet de loi revalorise également les indemnités de fonction des élus en
redéfinissant le barème des indemnités des adjoints. Il institue, en outre, une
enveloppe complémentaire en faveur des maires adjoints - 10 % de la masse
indemnitaire - laissée à la libre répartition du conseil municipal et incite au
versement des indemnités à taux plein aux plus petites communes, en renforçant
les indemnités des conseillers municipaux bénéficiant de délégations.
La nomination de conseillers municipaux délégués est facilitée et la
possibilité de rémunérer les conseillers municipaux dans leur ensemble, y
compris pour les communes de moins de 100 000 habitants, a été ouverte par
l'Assemblée nationale.
Dans le même esprit, le projet de loi vise à mieux adapter le remboursement
des frais de déplacement ou des frais liés à des mandats spéciaux et à
accompagner l'institution récente de la parité dans les conseils municipaux par
le remboursement des frais de garde d'enfants.
Ce titre vise, enfin, à mieux garantir la couverture sociale des élus, en
tenant compte de leur situation professionnelle et de leurs charges de
famille.
Les dispositions des titres Ier et II ont été adaptées pour pouvoir être mises
en oeuvre, telles que je viens de vous les présenter, dans les établissements
publics de coopération intercommunale comme à Paris, Lyon et Marseille.
Je veux enfin rappeler, au sujet de ce deuxième titre, que ses dispositions,
annoncées et précisées dès la fin de l'année 2000, reprennent nombre de celles
qui ont été adoptées à l'Assemblée nationale lors de l'examen en séance
publique de la proposition de loi déposée par le groupe communiste, le 14
décembre 2000, comme nombre de celles qui ont été adoptées au Sénat le 18
janvier 2001 et que Jean-Paul Delevoye avait rapportées.
Bien entendu, elles me paraissent ne pouvoir être examinées que de concert
avec les autres dispositions d'approfondissement de la démocratie locale, une
compétence accrue pour les collectivités locales et une participation accrue
des habitants aux décisions qui les concernent.
Le troisième titre vise à améliorer le fonctionnement des services d'incendie
et de secours, en s'inspirant des conclusions du rapport du député Jacques
Fleury. Il ne constitue pas, vous l'aurez certainement remarqué, le tout
prochain projet de loi sur la modernisation de la sécurité civile, qui a une
vocation beaucoup plus large et qui devra être examiné par un prochain conseil
des ministres. Ce dernier projet ne sera pas discuté dans le cadre de cette
législature, bien évidemment, mais je ne l'ai d'ailleurs jamais laissé entendre
: j'avais ainsi annoncé devant le congrès des sapeurs-pompiers à Strasbourg, le
7 octobre 2000, l'élaboration d'un projet de loi de modernisation de la
sécurité civile qui serait déposé devant le Parlement avant la fin de la
législature. Tel sera bien le cas !
Le projet de loi relatif à la démocratie de proximité accroît le rôle des
conseils généraux, dès lors majoritaires dans le conseil d'administration des
services départementaux d'incendie et de secours ; il rationalise, dans le même
mouvement, les modalités du financement des services départementaux par un gel
partiel de l'évolution des contributions des communes et des groupements à leur
budget.
Le dispositif adopté par l'Assemblée nationale est plus précis encore, trop
peut-être, puisqu'il prévoit la suppression, au 1er janvier 2006, de toute
contribution des communes et des groupements de communes au budget des services
départementaux d'incendie et de secours. Nous aurons certainement l'occasion
d'en reparler au cours des débats à venir !
Le titre III comprend également quelques propositions concrètes de transfert
de compétences, au bénéfice essentiellement des collectivités régionales.
Soucieux de répondre aux attentes exprimées sur tous les bancs de l'Assemblée
nationale lors du débat sur la Corse, j'avais indiqué que le Gouvernement
inclurait dans ce projet de loi les transferts de compétences aux régions les
plus consensuelles.
A l'issue du débat à l'Assemblée nationale, un certain nombre de transferts ou
d'extensions de compétences ont été retenus.
Tout d'abord, en matière économique, les régions pourront instaurer, par
délibération, leurs propres régimes d'aides directes aux entreprises, sous
forme de subventions, de bonifications d'intérêts ou de prêts et avances
remboursables, y compris à taux nul, dans le respect, bien sûr, de nos
engagements internationaux.
Les régions pourront également doter un fonds de capital-investissement qui
sera géré par une société de capital-investissement.
Ensuite, dans le domaine de la formation professionnelle, les régions se
voient transférer la pleine compétence de l'apprentissage et de la formation
professionnelle des jeunes comme des adultes. Les régions arrêteront ainsi le
schéma régional des formations de l'Association nationale pour la formation
professionnelle des adultes, l'AFPA, et se verront confier la gestion des
primes à l'incitation à l'embauche d'apprentis.
En outre, une expérimentation sera lancée pour étudier les modalités d'un
transfert définitif de la gestion de certains ports et aéroports à l'ensemble
des régions. Plusieurs d'entre elles pourront, à leur demande, procéder à cette
expérimentation, en accord avec l'Etat. Les départements pourront, s'ils le
souhaitent, s'y joindre également.
Enfin, en matière d'environnement, les régions se verront transférer la
compétence de planification pour la qualité de l'air et les déchets industriels
spéciaux. Elles devraient également être compétentes pour le classement de
certaines des réserves naturelles et pour l'élaboration de certains inventaires
faunistiques et floristiques.
D'autres transferts ont été étudiés, mais il n'a paru ni possible ni opportun
de les inscrire dès maintenant dans ce projet de loi, au regard de leurs
incidences, notamment, sur la situation des personnels concernés ainsi que sur
les finances des collectivités. C'est en ce sens, et par référence à la
nouvelle étape de la décentralisation, que doit être comprise l'expression
selon laquelle les transferts de compétences n'épuisent pas l'ambition de ce
gouvernement, mais vont aussi loin que possible aujourd'hui. D'autres
transferts devront être étudiés. Mais chaque chose en son temps !
Vous remarquerez, en outre - mais cela ne vous surprendra pas -, que les
transferts de nouvelles compétences confiées aux régions ne reprennent pas
l'ensemble des mesures retenues pour la Corse. En raison de sa spécificité, la
Corse continuera de justifier, quelles que soient les avancées de la
décentralisation dans notre pays, un statut particulier.
J'ai déjà déclaré que j'examinerai avec attention les transferts de
compétences intéressant les autres niveaux de collectivités territoriales qui
seraient proposés par les sénateurs et qui ne demanderaient pas des expertises
ou des concertations impossibles à mener avant la fin de la session
parlementaire.
Nous en reparlerons dans les jours à venir. Je suis prêt à dialoguer sur ce
point.
J'indique par ailleurs au Sénat que le titre IV sera présenté par M. Yves
Cochet, le ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement, lors
de l'examen des articles en séance.
Toujours dans le souci d'accroître la participation des habitants aux
décisions qui les concernent, ce titre a pour objet d'élargir de manière très
significative le champ du débat public sur les grands projets par un
accroissement des domaines d'intervention de la Commission nationale du débat
public.
Parallèlement, le projet de loi clarifie les modalités de la concertation
entre l'Etat et les élus locaux et renforce la responsabilité des collectivités
locales dans les procédures d'enquête publique.
Enfin, le titre V a pour objet de réformer le recensement ponctuel qui est
organisé tous les sept à neuf ans par une procédure statistiquement actualisée
chaque année et susceptible de donner une meilleure photographie de la France
entre les deux recensements actuels.
Mesdames, messieurs les sénateurs, ce projet de loi permettra des avancées
très significatives tant du nécessaire approfondissement de la démocratie
locale que de la décentralisation renforcée au bénéfice des collectivités
régionales.
Il présente une cohérence et des objectifs clairs, même s'il n'a pas vocation,
je le répète, à épuiser les ambitions du Gouvernement en matière de transferts
de compétences et, plus généralement, de nouvelle étape de la
décentralisation.
C'est ainsi que les réformes et les simulations sont déjà largement engagées
pour les finances locales et que les priorités sont dégagées pour l'avenir. Il
s'agit en effet d'une première étape et non d'effets d'annonce non maîtrisée ou
de parties de Meccano institutionnel !
Le Gouvernement et la majorité qui le soutient depuis 1997 se situent dans la
même logique que celle de leurs prédécesseurs de gauche qui, depuis 1982, ont
fait oeuvre concrète en matière de démocratie locale et de décentralisation.
Je souhaite que l'examen par le Sénat du projet de loi que j'ai eu l'honneur
de présenter permette d'améliorer les dispositions proposées sans revenir sur
les objectifs et sur les avancées qu'il prévoit.
Il serait décevant que ces dispositions, que l'ensemble des élus locaux
attendent, ne puissent pas être adoptées par le Parlement avant la fin de cette
législature. Ni les élus ni les Français ne le comprendraient. C'est d'ailleurs
ce souci, ce seul souci qui a amené le Gouvernement à déclarer l'urgence sur ce
projet de loi.
Le calendrier parlementaire de cet automne n'a pas permis que ce texte soit
examiné dans de bonnes conditions du fait de la discussion des projets de lois
de finances et du projet de loi de financement de la sécurité sociale. Je me
réjouis que le Sénat en entame la discussion aujourd'hui. Il a ainsi pu
disposer de six mois, depuis le 26 juin dernier, pour l'étudier. Il l'a
d'ailleurs examiné dans le détail puisque 700 amendements ont été déposés.
M. René Garrec,
président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du
suffrage universel, du règlement et d'administration générale.
Un peu
moins !
M. Daniel Vaillant,
ministre de l'intérieur.
Guère ! Leur nombre démontre, s'il en était
besoin, l'intérêt que vous portez à la démocratie locale, à la démocratie
participative, au nécessaire équilibre entre la démocratie participative et la
démocratie représentative...
M. Charles Revet.
C'est votre manière de voir !
M. Daniel Vaillant,
ministre de l'intérieur.
... et à l'exercice par les élus de leurs
mandats locaux.
M. Henri de Raincourt.
C'est le rôle du Sénat !
M. Daniel Vaillant,
ministre de l'intérieur.
Je suis convaincu qu'animés du même souci de
faire avancer concrètement la démocratie de proximité nous allons aboutir avant
la fin de la présente législature.
Le temps viendra, lors d'une autre législature, de mener à bien d'autres
étapes de la décentralisation, car le travail ne sera de toute façon jamais
achevé.
Quoi qu'il en soit, je vous propose, mesdames, messieurs les sénateurs, de
commencer ce travail patient. Nous avons le temps d'étudier au fond tous les
sujets. C'est ce à quoi je vous appelle maintenant.
En tout cas, je vous remercie d'ores et déjà de votre investissement sur ce
projet de loi d'importance.
(Applaudissements sur les travées socialistes, sur celles du groupe communiste
républicain et citoyen et sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Daniel Hoeffel,
rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du
suffrage universel, du règlement et d'administration générale.
Monsieur le
président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi sur la
démocratie de proximité qui est soumis à l'examen du Sénat est un texte
complexe que la commission des lois a analysé après avoir procédé à l'audition
de nombreuses personnalités, élus, experts ou responsables administratifs de
toute nature.
L'opinion que notre commission s'est forgée, en liaison avec les trois
commissions saisies pour avis, tient largement compte des réalités vécues sur
le terrain, et qui doivent donner aux termes « démocratie de proximité » toute
leur signification.
Elle s'inspire également des intentions exprimées par les propositions de loi
de nos collègues Jacques Oudin, Josselin de Rohan, Joseph Ostermann et Claude
Biwer, dont l'examen a eu lieu en même temps que celui du projet de loi
gouvernemental.
Trois réflexions liminaires s'imposent avant l'analyse approfondie à laquelle
je vais me livrer et après celles que vous venez de nous présenter, monsieur le
ministre.
La première réflexion est liée à la procédure d'urgence à laquelle est soumis
ce texte. Son caractère technique et son ampleur auraient mérité le recours à
une procédure normale et auraient évité qu'une commission mixte paritaire, une
fois de plus, fasse un travail de deuxième lecture, comme cela a été le cas,
par exemple, pour la loi relative à la simplification et au renforcement de la
coopération intercommunale.
La deuxième observation tient au caractère hétéroclite du projet de loi, qui
est davantage un texte portant diverses dispositions relatives aux
collectivités locales qu'une nouvelle étape de la décentralisation. C'est un
texte qui comporte des mesures attendues ou déjà proposées par la commission
Mauroy, telles celles qui sont relatives aux conditions d'exercice des mandats
locaux, et d'autres, moins urgentes, voulues par le Gouvernement, comme la
réforme du recensement, ou injectées par l'Assemblée nationale, comme le
changement du mode d'élection des membres des structures intercommunales.
La troisième remarque liminaire tient à notre souci justifié de voir
pleinement reconnu le rôle qui incombe au Sénat lorsqu'il s'agit, en
particulier, des collectivités locales. Ainsi le Sénat avait-il, en janvier
2001, voilà exactement un an, sur le rapport de notre collègue Jean-Paul
Delevoye, adopté un certain nombre de mesures qui vont dans le sens d'un statut
de l'élu et qui, à notre grand regret, n'ont jamais fait l'objet d'une
inscription à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale. Aujourd'hui, nous les
retrouvons en grande partie dans le texte relatif à la démocratie de
proximité.
Ces rappels étant faits, la commission des lois a fixé un certain nombre de
principes qui imprègnent les orientations qu'elle vous propose dans un esprit
constructif. Ces principes sont au nombre de six.
Le premier principe qui doit nous guider tient à l'affirmation, dans une
démocratie de proximité, de la primauté de la démocratie élective sur la
démocratie participative, sans pour autant opposer l'une à l'autre, car elles
sont complémentaires. Il n'est pas question, en affirmant ce principe, de
remettre en cause le rôle d'un mouvement associatif qui est si nécessaire à la
vie et à la vitalité des quartiers, des villes et des villages et qui est
d'ailleurs très souvent le partenaire privilégié des communes, des départements
et des régions.
Mais il est un temps pour la concertation et un temps pour la décision, et
cette dernière ne peut échoir qu'aux élus régulièrement soumis au contrôle et
au verdict du corps électoral.
M. Gérard Braun.
Très bien !
M. Daniel Hoeffel,
rapporteur.
C'est cette position qui guide nos propositions, par exemple,
sur les conseils de quartier, sur les consultations locales ou sur la
participation du public à l'élaboration des grands projets.
Le deuxième principe qui doit être affirmé tient à la nécessité de respecter
la diversité des expériences et des collectivités locales.
Depuis des décennies, nous constatons en France un nombre considérable
d'initiatives prises à cet égard, un éventail de formules mises en pratique et
une grande spontanéité dans l'éclosion de formules variées. Conseils de
quartier, commissions consultatives et mairies de quartier existent déjà dans
beaucoup de villes de toutes tendances. Ils y contribuent à l'ancrage des
municipalités et ils y favorisent le dialogue avec la population.
De telles initiatives doivent être saluées, surtout lorsqu'elles concernent
des quartiers guettés par l'anonymat où il est nécessaire pour une municipalité
de trouver des interlocuteurs.
Il nous appartient de les encourager, de les stimuler, mais gardons-nous de
les enserrer dans un carcan rigide qui, par nature, ne tiendrait pas compte des
tempéraments des hommes et des femmes cherchant à les mettre en oeuvre et qui
imposerait des dispositions inutilement contraignantes. Cela est vrai pour les
conseils de quartier, mais aussi pour les droits des élus dans les assemblées
délibérantes ou pour l'adaptation du statut des villes de Paris, Marseille et
Lyon.
Que l'Etat n'impose pas aux collectivités locales l'implantation obligatoire
de telles structures de quartier, alors qu'il n'est plus en mesure lui-même -
et nous comprenons parfois les raisons qui l'y amènent - de préserver la
présence des services publics ou ayant vocation de l'être - police, gendarmerie
ou poste - dans toutes les zones rurales et dans tous les quartiers urbains
!
Le troisième principe concerne les conditions d'exercice des mandats locaux,
dont la motivation principale est - et doit rester - de rendre plus réelle
l'égalité des citoyens devant les fonctions électives. Tout ce qui est prévu
pour améliorer la formation, faciliter le reclassement, assurer la
compatibilité entre l'activité professionnelle et l'exercice d'un mandat et
améliorer les conditions d'indemnisation des élus, va dans ce sens, et c'est le
bon sens ! La structure communale française, originale, et son incompatibilité
avec une professionnalisation des élus locaux exigent que l'on s'en tienne à
une telle orientation. C'est ce que le Sénat a très clairement affirmé, en
janvier 2001, lorsqu'il a adopté les conclusions du rapport de notre collègue
M. Jean-Paul Delevoye sur le statut de l'élu local.
Le quatrième principe, qui donne lieu aux débats les plus passionnés et qui
doit être rappelé clairement, tient au rôle de la commune dans l'édifice
institutionnel français.
Le débat sur l'élection au suffrage universel direct des délégués
intercommunaux ne date pas d'aujourd'hui. Il a eu lieu à l'occasion du vote de
la loi sur l'intercommunalité en 1999 et nous y avons consacré, nous-mêmes, un
certain nombre d'heures. Il a fait l'objet, dans les deux assemblées
parlementaires, de propositions venant des horizons politiques les plus
divers.
On peut comprendre les motivations de ceux qui estiment que ce débat est
légitime compte tenu du poids croissant des budgets intercommunaux, mais il
faut qu'eux-mêmes admettent que le suffrage indirect n'en est pas moins
universel et donc légitime. L'intercommunalité à fiscalité intégrée a pris son
élan en France parce qu'elle a su préserver l'identité de la commune et le
climat de confiance entre la commune et l'établissement public de coopération
intercommunale.
M. Charles Revet.
Voilà bien l'essentiel !
M. Daniel Hoeffel,
rapporteur.
L'intercommunalité ne se généralisera en France que si elle
continue à être assise sur les communes et si ce lien de confiance entre
commune et intercommunalité n'est pas brisé. Telle est la position clairement
affirmée à tous les niveaux de l'Etat, notamment lors du dernier congrès des
maires et des présidents de communautés de France organisé par l'AMF. Cela nous
amène à rappeler que le cadre communal est, pour nous, le seul concevable pour
une telle élection et que tout conseiller communautaire devrait, comme
aujourd'hui, être conseiller municipal.
M. René-Pierre Signé.
Il a raison !
M. Daniel Hoeffel,
rapporteur.
En disant cela, nous ne fixons en aucun cas une quelconque
loi électorale qui ne saurait être du ressort du texte que nous examinons
aujourd'hui, mais nous nous prémunissons contre toute interprétation hasardeuse
qui pourrait être donnée dans l'avenir.
Le cinquième principe concerne les transferts de compétences vers les régions
et les départements, qui n'ont de sens que dans la mesure où ils garantissent
une plus grande efficacité pour l'usager et pour le contribuable. Cela vise les
dispositions du projet de loi prévoyant de nouveaux transferts de compétences
aux régions - ports, aéroports, aides économiques et formation - et aux
départements - services d'incendie et de secours. Ils vont dans la bonne
direction, à condition que le pragmatisme et le réalisme en inspirent
l'application.
Il est à cet égard nécessaire que, en matière d'aide économique, la notion de
collectivité chef de file, qui permet la coopération de plusieurs niveaux de
collectivités, soit bien admise. Il est indispensable que le transfert formel
des compétences portuaires et aéroportuaires aux régions préserve la position
des chambres de commerce et d'industrie, qui ont souvent démontré leur
savoir-faire et leur expérience d'autorité gestionnaire.
En ce qui concerne les services d'incendie et de secours, comment ne pas
approuver des dispositions qui permettront d'identifier à nouveau clairement
les élus responsables de leur gestion, et donc garants d'une mise en oeuvre
moins coûteuse que précédemment ?
S'il y a un domaine où la notion de proximité revêt tout son sens, c'est bien
celui des pompiers. Il n'est pas inutile de rappeler que les catastrophes
naturelles de ces dernières années ont démontré l'importance déterminante que
revêt l'intervention des volontaires, qui sont proches de la population, qui
ont une bonne connaissance du terrain et qui méritent considération.
C'est une question d'efficacité et surtout de respect devant un engagement
humain auquel aucune professionnalisation ne saurait se substituer, surtout à
une époque marquée, hélas ! par la prépondérance des droits sur les devoirs.
M. René-Pierre Signé.
C'est beau !
M. Daniel Hoeffel,
rapporteur.
Le sixième principe qui doit être souligné découle d'une
disposition nouvelle que nous vous demandons d'intégrer au projet de loi.
Le texte qui nous est soumis comporte un très large éventail de dispositions
de nature différente et il ne serait donc pas dénaturé d'y inclure le texte de
la proposition de loi votée par le Sénat en mai dernier sur le rapport de notre
collègue Patrice Gélard et relatif aux sondages d'opinion.
Pourquoi ? D'abord, parce que la loi interdisant la publication de sondages
d'opinion dans la semaine qui précède un scrutin n'est absolument plus adaptée
à l'évolution des moyens de communication. Ensuite, parce qu'un arrêt de la
Cour de cassation de septembre dernier et une prise de position de la
Commission nationale des sondages et en tirent les conclusions et invitent le
législateur à prendre ses responsabilités.
Voilà pourquoi nous vous proposons de confirmer le vote du Sénat du mois de
mai.
Point n'est besoin de recourir à un projet de loi nouveau et d'allonger la
procédure parlementaire, alors que le Sénat avait, de façon prémonitoire,
montré la voie voilà huit mois. Ce serait, en outre, une manière concrète
d'affirmer la vitalité du bicamérisme.
Le respect de l'ensemble de ces principes nous paraît parfaitement compatible
avec la volonté de rapprocher les collectivités locales des citoyens. Sur ce
plan, les collectivités ont une longue expérience dont beaucoup d'autres
structures pourraient s'inspirer.
Il est compatible avec notre souci de voir la décentralisation continuer à
avancer et ne porte en rien atteinte à la cause de l'intercommunalité, édifice
auquel le Sénat a apporté sa pierre.
Les principes que nous tenons à rappeler ont pour objet de souligner que,
comme pour tout ce qui touche à la vie des collectivités et des hommes et des
femmes qui y vivent et y oeuvrent, il faut laisser une large place à
l'expérience, à la souplesse, à l'imagination, à la capacité d'adaptation ; il
faut les stimuler et non les brider, leur faire confiance pour avancer, pour
évoluer et pour aller avec leur temps.
C'est dans cet esprit que nous abordons, je le crois, d'une manière
constructive, la discussion de ce texte, voulu par le Gouvernement, largement
amendé par l'Assemblée nationale et intégrant, sur des points importants, des
dispositions déjà votées préalablement par le Sénat.
Et puissions-nous, malgré l'absence d'une navette, gage de bon travail
législatif, aboutir à une issue positive ! Celle-ci me paraît nécessaire chaque
fois qu'on aborde des problèmes relatifs aux collectivités locales qui, par
nature, méritent d'être résolus d'un commun accord par les deux assemblées
parlementaires.
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du
RPR et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du
RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Mercier, rapporteur pour avis.
M. Michel Mercier,
rapporteur pour avis de la commission des finances, du contrôle budgétaire et
des comptes économiques de la nation.
Monsieur le président, monsieur le
ministre, mes chers collègues, six mois après l'Assemblée nationale, le Sénat
est donc amené à étudier en urgence le projet de loi relatif à la démocratie de
proximité. Vous comprendrez, monsieur le ministre, que, chaque fois qu'un
gouvernement recourt à de mauvaises habitudes, nous lui rappelions qu'il
pourrait faire mieux.
Vous l'avez reconnu, cette procédure d'urgence est détestable et nuisible à la
bonne confection des textes. Nous ne pouvons donc que regretter un tel choix.
D'ailleurs, l'urgence n'a guère de sens en l'espèce car, si l'importance de ce
texte avait été reconnue par le Gouvernement, le Sénat aurait pu trouver le
temps de l'examiner avant le début de l'année 2002, c'est-à-dire six mois après
l'Assemblée nationale.
Le rapporteur a fait allusion au caractère hétéroclite de ce projet de loi,
qui serait davantage un texte portant diverses dispositions relatives aux
collectivités territoriales. C'est exact, les mesures qu'il comporte sont
variées et ne présentent pas toutes le même intérêt ; nous reviendrons tout au
long de la discussion des articles sur ces différents points.
Tout d'abord, je souhaite, au nom de la commission des finances, remercier la
commission des lois de lui avoir délégué deux articles techniques portant sur
les questions de financement des collectivités locales. Au travers de leur
examen, nous vous proposerons de donner à la Commission consultative sur
l'évaluation des charges un rôle plus important. En effet, elle a été bien
oubliée, même si, monsieur le ministre, vous l'avez utilement « réveillée » le
13 décembre dernier, après deux années de sommeil. Si ce projet de loi ne
servait qu'à la revivifier, son apport serait déjà non négligeable !
Parmi tous les sujets qu'aborde le texte qui nous est soumis, la commission
des finances a choisi d'axer son avis sur les services départementaux
d'incendie et de secours, les SDIS. Pourquoi avoir fait ce choix ? D'abord,
parce qu'un chapitre entier du projet de loi leur est consacré ; ensuite, parce
que la réforme de 1996, qui a institué les SDIS dans leur esprit nouveau, nous
semble être l'exemple même de ce qu'il ne faut probablement pas faire en
matière de décentralisation : elle présente un certain nombre de défauts
auxquels nous proposerons de porter remède.
Il convient, en premier lieu, de dresser un constat et, à partir de là, de
proposer un certain nombre d'améliorations.
Pour nous, le constat est clair : la réforme de 1996 a largement dérapé,...
M. René-Pierre Signé.
C'est la loi Debré !
M. Michel Mercier,
rapporteur pour avis.
... et cela a été accepté par tout le monde. C'est
d'ailleurs la constatation unanime qu'a faite la commission des finances, ce
qui l'a amenée à prendre une position claire sur ce point.
Le dérapage de la réforme de 1996 revêt plusieurs aspects : d'abord,
l'établissement public qui devait réunir tous les participants à l'oeuvre de
secours apparaît largement comme un leurre ; ensuite, les collectivités locales
sont confinées dans un rôle de financeur obligé ; enfin, le mécanisme
institutionnel mis en place en 1996 me semble contraire à l'esprit de la
décentralisation, puisque, pour reprendre l'un des principes avancés par le
rapporteur, il ne permet pas de définir clairement la responsabilité de ceux
qui doivent lever l'impôt.
Je reviens très rapidement sur ces trois points.
Premièrement : l'établissement public n'est qu'un leurre. L'Etat avait un
choix à faire : les services départementaux d'incendie et de secours
devaient-ils relever des collectivités locales ou de l'Etat ? Pour des raisons
à la fois historiques, psychologiques et financières, il faut bien le dire,
l'Etat n'a pas voulu prendre en charge ces services - on peut le comprendre -
et il les a confiés aux collectivités locales, tout en se réservant un rôle
important dans leur mise en oeuvre.
Une fois ce principe posé, il faut bien reconnaître que l'Etat n'est pas resté
étranger à la gestion de ces services, même s'il n'en assurait pas la
responsabilité. Entre mai 1996 et septembre 2001 - le dernier texte a été
publié le 31 décembre 2001 - cinq lois, vingt-huit décrets, soixante-dix-huit
arrêtés et vingt-deux circulaires sont intervenus pour indiquer aux
collectivités locales réunies dans cet établissement public
sui generis
la façon dont elles devaient gérer les sapeurs-pompiers.
Cette boulimie de textes s'est très naturellement traduite par une inflation
de mesures de toute nature, mais qui vont toutes dans le même sens,
c'est-à-dire une augmentation des coûts.
Il faut d'ailleurs regretter, de ce point de vue, que les sapeurs-pompiers,
notamment professionnels, se gèrent eux-mêmes. En effet, ce n'est pas la
direction générale des collectivités locales qui intervient, mais un autre
service, au sein duquel des sapeurs-pompiers gèrent d'autres sapeurs-pompiers.
Or il s'agit de services des collectivités locales et de fonctionnaires
territoriaux !
Cela donne des résultats extrêmement surprenants : de 1996 à 2001, le nombre
de colonels est passé de 46 à 80 et celui des lieutenants-colonels de 153 à 290
; et je pourrais donner bien d'autres exemples qui vont dans ce sens.
Les textes de juillet 2001, modifiant la liste des départements qui avaient
droit à des colonels ou à des lieutenants-colonels pour diriger leurs services,
ont prévu de renverser la tendance : auparavant, les corps de sapeurs-pompiers
comptaient 40 % de sous-officiers ou officiers et 60 % de caporaux et sapeurs ;
désormais, 80 % des sapeurs-pompiers seront officiers ou sous-officiers.
M. Charles Revet.
C'est l'année mexicaine !
M. Michel Mercier
rapporteur pour avis.
Une telle situation pourrait susciter des critiques
un peu ironiques si elle n'avait un coût ! C'est le deuxième dérapage de la
réforme de 1996.
Ainsi, de 1996 à 2001, les budgets des services départementaux d'incendie et
de secours se sont accrus de plus de 30 %, et les textes de 2001 entraîneront
forcément un accroissement de ces dépenses dans des proportions supérieures à
celles que nous avons connues.
Aujourd'hui, les collectivités locales consacrent pratiquement 20 milliards de
francs au financement des SDIS. Si l'Etat, au travers des décisions prises par
votre ministère, monsieur le ministre, est très largement à l'origine de ces
dépenses, il ne participe que très peu à leur financement. En effet, s'il est
vrai que l'Etat finance près du quart du budget de la brigade des
sapeurs-pompiers de Paris, il ne prend plus en charge que 3 % environ du budget
de l'ensemble des autres SDIS. De surcroît, ces 3 % sont prélevés sur la
dotation globale d'équipement des communes. Ainsi, aucun financement spécifique
de l'Etat n'est prévu pour des services que votre ministère sur-administre,
compte tenu du nombre de textes que j'ai cités tout à l'heure et qui sont
largement mis en oeuvre - nous n'en contestons pas le bien-fondé - par les
représentants de l'Etat dans les départements. Un dérapage financier peut donc
tout naturellement être constaté.
Mais plus grave encore est la philosophie, en quelque sorte institutionnelle,
qui résulte de l'expérience de ces cinq années de fonctionnement.
Un établissement public composé de représentants des communes et des
départements vote des dépenses obligatoires pour les communes et les
départements. Ces dépenses ne peuvent pas être débattues par les collectivités
qui vont devoir en assurer le financement, ce qui est contraire à l'esprit de
la décentralisation.
Si l'on se ralliait au projet de loi tel qu'il nous vient de l'Assemblée
nationale et tel que nous le présentait tout à l'heure le rapporteur au fond,
les départements se verraient imposer, en dehors de toute décision des conseils
généraux, des dépenses obligatoires portant sur plusieurs centaines de millions
de francs.
Très honnêtement, je ne vois pas comment des collectivités locales pourraient
se voir imposer de telles dépenses résultant de l'application de textes édictés
par le ministère de l'intérieur et transitant par un établissement public qui
ne serait plus véritablement l'émanation des collectivités locales, qui, elles,
devraient seulement payer !
On voit bien les risques de mécontentement et de mauvaise entente que
pourraient susciter les décisions de cet établissement public. A cet égard, à
l'une des questions que j'ai posées à votre ministère dans le cadre de la
préparation de ce texte et du budget, la direction de la défense et de la
sécurité civiles m'a répondu que, pour l'essentiel, le mécontentement
concernant le montant du financement des services départementaux d'incendie et
de secours était dû à la répartition de celui-ci entre les communes et les
départements. Nous nous devions de souligner cette désinvolture.
Compte tenu de ces dysfonctionnements, la réforme de 1996 est-elle toujours
pertinente ? Pour la commission des finances, cette réforme qui repose sur
l'idée de mutualisation, à l'échelon du territoire départemental, de l'ensemble
des moyens de secours est une bonne réforme. Toutefois, pour que les
dysfonctionnements constatés ne nuisent pas à cette réforme, il importe de
mettre en place les mesures nécessaires au bon fonctionnement des services
départementaux d'incendie et de secours. La commission des finances m'a demandé
de soutenir devant vous une idée simple : la décentralisation, c'est la
responsabilité ; ceux qui lèvent l'impôt doivent être ceux à qui incombera le
soin de diriger les services financés par cet impôt.
Nous proposerons donc que, au terme du délai qui ressort des travaux de
l'Assemblée nationale et de notre commission des lois, c'est-à-dire en 2006, le
service d'incendie et de secours soit un service départemental placé sous
l'autorité du conseil général et de son président, qu'il conserve très
naturellement une autonomie financière dans le cadre d'un budget annexe, que
les maires soient associés à sa gestion dans le cadre d'un conseil
d'orientation et, enfin, que les communes continuent d'apporter une
participation dans les conditions identiques à celles qui avaient été mises en
place à l'occasion de la suppression des contingents communaux d'aide
sociale.
Avoir un service clairement identifié, avec des responsables eux-mêmes
clairement identifiés, de telle façon que nos concitoyens puissent savoir ce
qui est consacré à leur sécurité et qu'ils puissent juger celles et ceux qui
devront assurer la gestion de ce service, voilà, je crois, une exigence qui
relève du principe même de la décentralisation !
C'est, en tout cas, le sens des amendements que je soutiendrai devant le
Sénat, au nom de la commission des finances, amendements qui s'inscrivent dans
le droit-fil des principes que notre rapporteur au fond vient de développer :
responsabilité, clarté et respect de la démocratie élective.
Ceux qui seront responsables devant les électeurs des mesures qu'ils auront
prises auront été directement élus par nos concitoyens : ce seront les membres
de l'assemblée départementale. Ils pourront ainsi fournir à ce service tout ce
qui est nécessaire à son bon fonctionnement et, dans le même temps, le faire
vivre sous l'empire d'une claire responsabilité locale.
(Applaudissements
sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et
Indépendants.)
M. Louis de Broissia.
Très bien !
M. le président.
La parole est à M. Lassourd, rapporteur pour avis.
M. Patrick Lassourd,
rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan.
Monsieur le président, mes chers collègues, une nouvelle fois, c'est la
procédure d'urgence que choisit le Gouvernement pour soumettre au Parlement le
projet de loi relatif à la démocratie de proximité qui nous réunit aujourd'hui.
Rien ne justifiait cette procédure !
Je souhaite, cette procédure en préliminaire, brièvement mais fermement,
dénoncer cette banalisation de la déclaration d'urgence de textes souvent
volumineux, techniques et toujours présentés comme ambitieux, qui auraient
paradoxalement mérité un examen attentif et non un débat tronqué. Il est très
grave, à mes yeux, monsieur le ministre, de confisquer ainsi à la
représentation nationale une partie de sa mission et les moyens de
l'accomplir.
Vous comprendrez donc combien le titre flatteur du projet de loi que j'ai
l'honneur de rapporter, au nom de la commission des affaires économiques
résonne avec ironie dans un tel contexte. Démocratie de proximité ? Un beau
programme, certes, mais qu'il aurait fallu appliquer au tout premier chef à
ceux qui sont chargés d'en débattre !
J'en viens au présent projet de loi, qui s'articule autour de quatre titres,
sur lesquels M. Hoeffel a exprimé des convictions fortes.
La saisine pour avis de la commission des affaires économiques portait
initialement sur le titre IV, consacré à la participation du public à
l'élaboration des grands projets et porté par le ministère de l'aménagement du
territoire et de l'environnement.
Toutefois, nous avons été conduits à nous intéresser également à certains des
très nombreux amendements adoptés par l'Assemblée nationale en première lecture
et qui font perdre malheureusement beaucoup de sa cohérence au dispositif,
celui-ci se transformant en un texte « fourre-tout » portant diverses mesures
relatives aux collectivités territoriales.
Cette méthode présente deux graves faiblesses, à commencer par l'absence de
concertation. Un comble pour un texte dont l'objet est précisément de
promouvoir la concertation et pour un gouvernement donneur de leçons en la
matière ! Insérer par amendement, sans réel débat, des mesures nouvelles
consacrées à certains transferts de compétences aux régions ne peut tenir lieu
de vraie politique de décentralisation ! Le procédé a surpris et inquiété bien
des interlocuteurs des collectivités territoriales.
Je prendrai un seul exemple : les associations gérant les réserves naturelles,
dont j'ai reçu les représentants en audition, m'ont fait part de leur amertume
devant ce changement important intervenu en catimini, sans aucune concertation
préalable. C'est incroyable pour un texte dont l'ambition est précisément de
prôner la participation !
M. Gérard Larcher.
C'est la méthode habituelle !
M. Patrick Lassourd,
rapporteur pour avis.
Le Gouvernement aurait pu s'appliquer à lui-même
cette ambition en respectant le temps de la concertation avec les associations
concernées et le temps de la discussion avec le Parlement !
Mais ce texte souffre d'une seconde faiblesse, du fait de son caractère de
projet de loi « fourre-tout ». Les thèmes s'y succèdent en effet sans logique :
participation des citoyens, statut des élus, dispositions environnementales,
SDIS, recensement. Aucun fil conducteur ni apparaît dans ce texte.
La commission des affaires économiques a donc élargi sa saisine à un volet du
projet de loi qui, ajouté par le Gouvernement par voie d'amendements, organise
certains transferts de compétences aux régions.
Sur ce point, je veux d'emblée dénoncer la méthode retenue par le Gouvernement
qui, sous couvert d'engagements pris lors du débat sur la Corse, manque
singulièrement d'ambition et de cohérence.
Cette pseudo-décentralisation qui nous est proposée est un dispositif de
circonstance, parcellaire et inachevé. Il ne s'inscrit pas dans une vision
d'ensemble de la décentralisation et prive le Parlement, tout particulièrement
le Sénat, d'un débat attendu et nécessaire sur les moyens à mettre en oeuvre
pour relancer la dynamique de la décentralisation.
S'agissant de la réforme du cadre légal d'intervention économique des
collectivités locales, personne ne conteste la légitimité d'une modernisation
du régime légal des aides économiques, mais le dispositif proposé ne constitue
qu'une réponse partielle aux problèmes identifiés.
Il est aussi déraisonnable que désinvolte de traiter d'un tel sujet par
amendement, sans réflexion de fond ni d'ensemble sur des sujets aussi
importants que les zonages nationaux et européens, ou la volonté de l'Etat en
matière d'aménagement du territoire. Nous regrettons vivement que les heureuses
initiatives sénatoriales prises en la matière, cohérentes et garantes
d'efficacité, comme le rapport d'information de MM. Delevoye et Mercier de
1999, ou la proposition de loi déposée par MM. Grignon et Raffarin tendant à
favoriser la création d'entreprises et adoptée en février 2000, n'aient pas
abouti. Le Gouvernement s'est contenté de les « picorer » pour en extraire des
mesures disparates.
S'agissant de l'expérimentation confiant la gestion des ports et des
infrastructures aéroportuaires aux régions, là encore, la démocratie de
proximité ne s'applique pas ! Si j'adhère au principe, je m'interroge néanmoins
: pourquoi ne pas avoir ouvert l'expérimentation à toutes les collectivités
concernées, tout en sachant que les capitales régionales ne peuvent être
absentes du débat ?
Enfin, le projet de loi semble « faire son marché » dans le code de
l'environnement, guidé par certains des arbitrages rendus à l'occasion de
l'examen du projet de loi sur la Corse !
On retrouve les mêmes incohérences, la même absence de bon sens. Le patrimoine
floristique et faunistique est abordé sans aucune interrogation sur la
pertinence de l'échelon régional au regard des biotopes, qui se moquent bien
des limites administratives ! Quant aux réserves naturelles, leur
décentralisation s'exprime de manière simpliste : il suffit que, dans le texte,
on substitue les mots « président du conseil régional » au mot « préfet », et
le tour est joué ! Aucun souci de consultation des associations gestionnaires !
Aucune prévision de transfert de crédits !
Que peut donc signifier cette pseudo-décentralisation qui consiste, après
transfert de compétence à la région, à confier au préfet tout pouvoir
d'injonction et de substitution ?
Parmi cet inventaire à la Prévert, certaines dispositions vont dans le bon
sens et méritent d'être conservées, dès lors que le mécanisme de transfert est
simplifié et ne crée pas de tutelle d'une collectivité territoriale sur une
autre, tout en acceptant le principe de chef de file.
En ce qui concerne l'examen du titre IV du projet de loi, relatif à la
participation du public, il faut admettre que les procédures actuelles
d'information et de participation du public, qu'il s'agisse de la commission
nationale du débat public mise en place par la loi du 2 février 1995 ou encore
du mécanisme des enquêtes publiques de la loi du 13 juillet 1983 ne remplissent
plus leur office.
Ainsi, le public, dans cette procédure, a l'impression d'être invité à donner
son avis sur un projet alors que toutes ses composantes ainsi que la décision
finale sont déjà arrêtées, d'où la multiplication des contestations et des
contentieux.
Quant aux collectivités territoriales porteuses de projets et aux maîtres
d'ouvrage, ils se plaignent de la multiplicité des contentieux et de la
paralysie des procédures. Ils reconnaissent, néanmoins, devoir désormais mettre
en oeuvre des procédures de concertation plus approfondies avec le public,
c'est-à-dire les citoyens de la commune, les riverains concernés, les
associations d'usagers ou de protection de l'environnement, pour agir sur le
niveau d'acceptabilité sociale du projet qu'ils défendent.
La circulaire du 15 décembre 1992 sur les infrastructures a mis en place des
circuits de concertation et d'information, tout au long du processus de
décision puis de réalisation du projet, mais son champ d'application reste
limité.
Outre ce diagnostic de blocage établi sur le plan interne, il faut également
prendre en compte les obligations de la France en ce qui concerne la
transposition de la convention d'Aarhus qui, signée en 1998, traite du droit à
l'information et à la participation du public au processus décisionnel et à
l'accès à la justice.
La commission des affaires économiques s'est attachée à améliorer ce titre IV
par des amendements visant, notamment, à préserver le caractère spécifique du
débat public, organisé par la Commission nationale du débat public, la CNDP,
débat qui doit être réservé à l'examen de projets ayant un intérêt national. Ce
point est très important pour nous.
Il apparaît également nécessaire de préserver jusqu'au bout la qualité
d'autorité indépendante et autonome de la commission : quand le maître
d'ouvrage sera l'Etat, il y aura confrontation entre les logiques des
ministères chargés de l'équipement, de l'industrie ou de l'agriculture et celle
du ministère de l'environnement ; cette confrontation est normale et saine. La
commission nationale doit donc être placée sous l'autorité du Premier ministre,
en ce qui concerne tant le rapport hiérarchique et les nominations que les
moyens de fonctionnement octroyés ; seul le Premier ministre peut, en effet,
faire prévaloir l'intérêt général qui résultera de cette confrontation.
Nous avons souhaité, par ailleurs, encadrer les différentes phases du
processus de participation, afin d'éviter que des délais trop longs ou mal
définis ne paralysent la prise de décision finale.
Ces propositions sont dictées par notre volonté de garantir un véritable
équilibre entre le souci légitime d'associer le public et de le tenir informé
et la nécessité de préserver la responsabilité de la décision, qui appartient,
en dernier ressort, au maître d'ouvrage ou à la collectivité publique
compétente.
En amont, il s'agit donc de respecter l'intention du maître d'ouvrage,
notamment l'Etat, dans sa politique d'aménagement du territoire. Le débat doit
alors se situer au niveau gouvernemental et parlementaire. Pour le troisième
aéroport, par exemple, la décision relève du Gouvernement et aurait dû faire
l'objet d'un débat au Parlement.
En aval, le débat public doit clairement se démarquer de l'enquête publique,
dont la finalité est de donner la parole aux collectivités et aux citoyens
conernés par la réalisation du projet dans ses modalités.
En somme, le débat public doit permettre d'expliquer au public le sens du
projet, de susciter son adhésion, d'améliorer le dispositif proposé, bref, de
remplir un rôle pédagogique.
Il ne s'agit pas de remettre en cause la légitimité de la démocratie
représentative, qui doit rester le principe fondamental du fonctionnement de la
République.
C'est dire que la « fenêtre de tir » est étroite et mérite d'être clairement
précisée, si nous voulons respecter la légitimité du débat public, tout en
conservant aux élus le pouvoir de décision, et garantir, en fin de compte, la
réalisation efficace des projets. Le député européen Bernard Poignant, qui a
été le président de la commission nationale du débat public concernant
l'implantation du troisième aéroport en Ile-de-France, ne dit pas autre chose :
« Il faut répéter à nos concitoyens que la légitimité de la décision appartient
au suffrage universel. Plus la démocratie montre un fonctionnement
participatif, plus la responsabilité de la démocratie représentative doit être
affirmée et confortée. »
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je termine
ici mon bref exposé des réflexions qu'a suscitées ce texte et des amendements
que vous proposera la commission des affaires économiques et du Plan.
(Très
bien ! et applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et
Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président.
La parole est à M. Darcos, rapporteur pour avis.
M. Xavier Darcos,
rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles.
Monsieur
le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, lors de l'examen à
l'Assemblée nationale du projet de loi qui nous est aujourd'hui soumis, le
Gouvernement a déposé un certain nombre d'amendements destinés à étendre à
l'ensemble des régions françaises des dispositifs adoptés dans le cadre du
projet de loi relatif à la Corse.
Sous cet habillage, qui n'est pas en lui-même de nature à susciter notre
enthousiasme, ont été adoptés dix articles se rapportant à des sujets très
divers, dont certains intéressent les domaines de compétence de la commission
des affaires culturelles du Sénat.
Parmi ceux-ci, un seul, en réalité, s'inspire du projet de loi relatif à la
Corse, les autres relèvent de la volonté de marquer « une nouvelle étape de la
décentralisation ».
Sans préjuger l'appréciation que portera le Sénat sur ces dispositions, la
commission des affaires culturelles n'a pu que constater leur caractère fort
disparate et leur singulier manque d'ambition.
Caractère fort disparate, d'abord : en effet, les différents ministères
semblent avoir saisi cette occasion pour présenter aux assemblées des
dispositifs jusque-là en mal de support législatif. Cet appel aux bonnes
volontés est touchant, mais il ne peut prétendre constituer l'ossature d'une
véritable loi de décentralisation. Au demeurant, cette modestie est à demi
avouée : à l'Assemblée nationale, vous avez assuré, monsieur le ministre, que
ces amendements « n'épuisent naturellement pas les ambitions du Gouvernement en
matière de décentralisation ». Compte tenu des contraintes du calendrier
parlementaire, nous sommes en droit de nous interroger sur les conditions dans
lesquelles ces ambitions pourront finalement prendre corps.
Il faut voir dans ces dispositions moins le produit d'une inspiration
réformatrice que l'indice d'une précipitation qui confine à l'improvisation.
La décentralisation dans les domaines de la formation et de la culture mérite
mieux qu'un débat à la va-vite, au détour d'un texte qui, sans être dépourvu de
tout lien avec ce sujet, n'y est pas consacré à titre principal.
Cette improvisation se retrouve, d'abord, dans les dispositions relevant de la
formation : en effet, l'Assemblée nationale a introduit, lors de la discussion
du projet de loi, sur proposition du Gouvernement, un article 43 F. Celui-ci
confère aux régions compétence pour élaborer un plan régional de développement
des formations professionnelles, désormais étendu aux adultes, en reprenant,
avec des variantes non négligeables, les dispositions de l'article 22 du projet
de loi relatif à la Corse. Je rappelle d'ailleurs que la Corse est
paradoxalement l'une des rares régions à n'avoir pas élaboré un plan régional
de développement de la formation professionnelle des jeunes, qui est pourtant
explicitement prévu par la loi quinquennale relative au travail, à l'emploi et
à la formation professionnelle du 20 décembre 1993.
Le présent projet de loi vise ainsi, pour l'ensemble des régions, à introduire
la formation des adultes dans le plan régional, à régionaliser l'AFPA,
l'Association nationale pour la formation professionnelle des adultes, et à
modifier de manière non négligeable les modalités de la concertation entre les
divers et nombreux acteurs de la formation professionnelle à l'échelon
régional.
Je ne suis pas persuadé que ces aménagements successifs, qui succèdent
eux-mêmes à ceux qui sont prévus par la loi de modernisation sociale - toujours
en attente de promulgation - et auxquels il convient d'ajouter l'article 43 E
du projet de loi, qui vise à transférer aux régions la charge du versement à
l'employeur de l'indemnité compensatrice forfaitaire liée au contrat
d'apprentissage, contribuent à améliorer dans l'immédiat la lisibilité d'un
dispositif régional des formations professionnelles déjà passablement
complexe.
Je noterai également, monsieur le ministre, que certaines de vos propositions
n'ont pas été retenues par l'Assemblée nationale elle-même. Vous aviez en effet
présenté, en accord avec votre collègue chargé de l'éducation nationale, un
amendement tendant à étendre à l'ensemble des régions le dispositif figurant à
l'article 5 du projet de loi relatif à la Corse. Cette disposition aurait
permis aux régions de passer des conventions avec des établissements
d'enseignement supérieur ou avec des organismes de recherche, en vue
d'organiser des actions d'enseignement supérieur complémentaires de celles de
l'Etat.
Au cours d'un débat quelque peu confus, après que le rapporteur se fut
désolidarisé de la position de la commission, certains de nos collègues députés
ont exprimé pêle-mêle leurs craintes qu'un tel dispositif n'entraîne la
multiplication d'établissements privés d'enseignement, la création de diplômes
Universitaires illisibles, qu'il ne mette en cause le caractère national des
diplômes et ne porte atteinte à l'équilibre régional des formations
universitaires et de la recherche, voire à la démocratisation de
l'Université.
De telles craintes étaient, à dire vrai, infondées, puisque ces formations
complémentaires restaient, en toute hypothèse, soumises au contrôle de l'Etat,
qui a, seul, la responsabilité d'homologuer les titres et les diplômes.
Là encore, la commission des affaires culturelles ne peut que souligner le
caractère improvisé, et d'ailleurs superfétatoire, de cette initiative du
Gouvernement, puisque plusieurs régions ont d'ores et déjà passé de nombreuses
conventions avec des établissements d'enseignement supérieur pour mettre en
place des formations complémentaires spécifiques adaptées aux besoins locaux.
Cette pratique s'inscrit d'ailleurs dans le droit-fil de l'article L. 214-2 du
code de l'éducation, qui précise le rôle de la région dans la définition des
plans régionaux de développement des formations de l'enseignement supérieur et
dans celle de la carte des formations supérieures et de la recherche.
Ne peut-on voir dans le sort funeste que l'Assemblée nationale a réservé à
votre amendement la conséquence d'une insuffisante coordination
interministérielle, voire intraministérielle, ou la crainte de réactions de
certaines organisations étudiantes ?
En sens inverse, j'observerai que le Gouvernement n'a pas jugé utile d'étendre
à l'ensemble des régions le dispositif prévu par l'article 6 du projet de loi
relatif à la Corse qui, lui, prévoyait de transférer à la collectivité
territoriale la compétence pour financer la construction et l'entretien des
établissements d'enseignement supérieur, alors qu'un tel transfert était, lui
aussi, préconisé par le rapport de la commission Mauroy pour l'avenir de la
décentralisation.
En tout état de cause, la commission des affaires culturelles considère que le
présent projet de loi n'est sans doute pas le cadre le plus approprié pour
amorcer une décentralisation plus ambitieuse de l'enseignement supérieur et de
la recherche. Nous y reviendrons sans doute dans l'avenir.
J'en viens maintenant aux dispositions intéressant la culture.
Les articles 43 H et 43 I, relatifs respectivement au cinéma et au patrimoine,
s'ils n'ont pas d'équivalent dans le projet de loi relatif à la Corse,
ressortissent à la catégorie des mesures destinées à approfondir la
décentralisation dans le domaine culturel.
Cet objectif correspond à une revendication maintes fois défendue par les
collectivités territoriales. Les lois de décentralisation, sous réserve des
dispositions relatives aux archives et aux bibliothèques, n'ont pas concerné le
champ culturel, pour lequel il n'existe pas de règles de partage de compétences
entre l'Etat et les collectivités territoriales. Cette particularité n'a pas
dissuadé ces dernières de multiplier les initiatives en ce domaine, au
contraire : en témoigne la très forte progression de leurs dépenses culturelles
depuis 1982. Le schéma qui prévaut est le cofinancement des initiatives, mais
il montre désormais ses limites : les collectivités territoriales, principales
contributrices de la politique culturelle, revendiquent un droit à l'autonomie
que l'Etat est encore réticent à leur concéder.
A cet égard, on aurait pu espérer qu'après des textes d'inspiration très
jacobine comme la loi sur l'archéologie préventive ou le projet de loi relatif
aux musées de France une avancée puisse être proposée au Parlement afin
d'alléger la tutelle qui pèse sur les collectivités territoriales. Or il faut
bien admettre qu'en ce domaine la décentralisation n'est pas pour demain.
Certes, les collectivités locales peuvent continuer à payer. C'est d'ailleurs
le sens de l'article 43 H, qui modifie la loi du 13 juillet 1992, dite loi
Sueur, afin d'étendre le champ des aides que peuvent accorder les communes et
les départements aux établissements de spectacle cinématographique. Le projet
de loi tend à relever de 2 500 à 10 000 entrées hebdomadaires le seuil en deçà
duquel ces aides peuvent être octroyées.
Cette disposition constitue dans son principe une mesure très positive, car
elle permet aux collectivités locales de disposer des instruments nécessaires
pour soutenir de manière efficace l'exploitation indépendante dans un contexte
marqué par la concurrence féroce des multiplexes. Toutefois, l'ampleur du
relèvement proposé, sans rapport avec l'accroissement de la fréquentation
depuis 1992, aboutirait à ce que 96 % des cinémas puissent être ainsi
subventionnés, ce qui est apparu à la commission des affaires culturelles
comporter des risques non négligeables de distorsions de concurrence entre les
différents opérateurs.
Pour cette raison, la commission proposera de faire preuve de prudence en
retenant le seuil de 5 000 entrées hebdomadaires qui, au demeurant, est celui
qui est désormais retenu pour les exonérations de taxe professionnelle. Nous
resterions ainsi fidèles à l'esprit de la loi Sueur, qui était destinée à
soutenir l'exploitation indépendante. Il sera toujours temps de relever à
nouveau le seuil, cette fois en toute connaissance de cause. Par ailleurs, les
aides aux établissements bénéficiant d'un classement « art et essai » ont été
déplafonnées, à juste titre.
Si le projet de loi accroît le droit de tirage sur les finances locales, il
traduit parallèlement la réticence des services de l'Etat à concevoir une
véritable décentralisation culturelle.
A cet égard, l'article 43 I, qui prévoit les modalités d'une expérimentation
destinée à préfigurer des transferts de compétences de l'Etat vers les
collectivités en matière patrimoniale, révèle tout l'ambiguïté des objectifs du
Gouvernement en ce domaine.
Cette expérimentation est, en effet, bien loin de pouvoir justifier sa propre
dénomination ; les « protocoles de décentralisation culturelle » se contentent
pour l'instant de s'inscrire dans la logique bien connue des cofinancements.
Nous sommes donc en droit de nous demander pourquoi une telle loi était
nécessaire. L'article 43 I relève même d'une fiction juridique : on nous
annonce l'ébauche d'une décentralisation, mais l'expérimentation, au demeurant
déjà largement engagée, puisque huit protocoles ont été conclus, ne nécessite
pas pour l'heure, compte tenu de la modestie de ses modalités, de dérogation
aux dispositions législatives en vigueur.
Les objectifs de cette expérimentation tels qu'ils ressortent du dispositif à
la fois imprécis et ambivalent de l'article 43 I restent flous, et l'on voit
mal comment, au terme de cette expérimentation, pourront être envisagés des
transferts effectifs de compétences.
En résumé, on peut estimer qu'au mieux ces protocoles constituent une
demi-mesure non dénuée de conséquences financières pour les collectivités
territoriales. Elles pourront procéder à des inscriptions à l'inventaire
supplémentaire des monuments historiques et seront compétentes pour
subventionner les travaux d'entretien et de restauration des monuments
inscrits, mais l'Etat restera seul compétent pour délivrer les autorisations de
travaux.
Au pis, le texte, au prétexte de décentraliser, pose le principe d'une
nouvelle compétence de l'Etat : le contrôle scientifique de l'inventaire, qui
jusqu'à présent ne figurait dans aucun texte.
Dans la plupart des cas, à l'image de ceux qui sont déjà signés, les
protocoles se borneront à attribuer aux collectivités la gestion des monuments
inscrits, terme pudique pour faire peser sur elles la charge financière de leur
préservation.
La commission des affaires culturelles s'est longuement interrogée sur la
pertinence d'une disposition législative consacrant une expérience qu'il serait
abusif de considérer comme une nouvelle étape vers la décentralisation
culturelle. Elle n'a toutefois pas saisi le prétexte de la modestie de la
démarche pour la remettre en cause.
Les protocoles traduisent l'engagement des collectivités locales en faveur du
patrimoine et permettent aux services de l'Etat de prendre en compte de manière
plus systématique leurs initiatives. Toutefois, ces avantages demeurent bien
modestes au regard des risques de transfert de charges que représentent ces
conventions fort peu novatrices.
Afin d'infléchir la portée de l'expérimentation, la commission des affaires
culturelles proposera donc d'adopter une nouvelle rédaction de l'article 43 I
destinée à réaffirmer l'objectif de décentralisation culturelle en matière
patrimoniale. Les protocoles pourront donc déroger aux règles posées par la loi
de 1913 en matière d'inscription à l'inventaire supplémentaire afin de
reconnaître une compétence décisionnelle aux collectivités, en matière non
seulement de financement des travaux d'entretien et de restauration mais
également d'autorisations de travaux sur les monuments inscrits et sur les
monuments situés dans leur champ de visibilité.
Cette dernière possibilité permet d'éviter l'écueil, déjà évoqué, qui
consisterait à faire assumer aux collectivités la charge budgétaire du
patrimoine, tout en maintenant à l'Etat sa compétence de prescripteur. En
revanche, il ne convient pas de prévoir des dispositions spécifiques en matière
d'inventaire ou de patrimoine non protégé, domaines qui sont dans les faits
d'ores et déjà décentralisés, faute de dispositions législatives précisant les
compétences de l'Etat.
Dans le même souci d'assurer une plus étroite collaboration entre l'Etat et
les collectivités locales en matière patrimoniale, la commission des affaires
culturelles a souhaité saisir l'occasion de l'examen du projet de loi relatif à
la démocratie de proximité pour améliorer la mise en oeuvre de la loi du 28
février 1997. Cette loi, je vous le rappelle, mes chers collègues, avait créé
une possibilité de recours contre les avis conformes émis par les architectes
des Bâtiments de France. L'amendement que la commission des affaires
culturelles soumettra au Sénat reprend les termes de la proposition de loi
adoptée le 14 juin 2001 par notre assemblée, qui confiait à une instance,
instituée à l'échelon du département et composée paritairement de représentants
de l'Etat et des collectivités territoriales, le soin de se prononcer sur les
recours et qui ouvrait aux pétitionnaires la possibilité d'exercer un
recours.
M. Charles Revet.
C'est très bien ! Très bonne initiative !
M. Pierre Laffitte.
Très bien !
M. Xavier Darcos,
rapporteur pour avis.
Ce dispositif aurait toute sa place dans le projet
de loi, puisqu'il permet d'infléchir les pratiques administratives dans le sens
souhaité par nos concitoyens, celui d'un Etat qui cherche à expliquer plutôt
qu'à convaincre.
Mes chers collègues, sous réserve de l'adoption des amendements qu'elle vous
soumettra, la commission des affaires culturelles vous proposera d'adopter les
articles dont elle s'est saisie pour avis.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et
de l'Union centriste.)
M. le président.
J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la
conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour
cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République, 72 minutes ;
Groupe socialiste, 65 minutes ;
Groupe de l'Union centriste, 49 minutes ;
Groupe des Républicains et Indépendants, 42 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 33 minutes ;
Groupe du Rassemblement démocratique et social européen, 31 minutes ;
Réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe,
8 minutes.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Peyronnet.
(Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. Jean-Claude Peyronnet.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, dans moins
de deux mois, nous célébrerons le vingtième anniversaire de la loi du 2 mars
1982, grande loi fondatrice de la décentralisation à la française, loi
révolutionnaire qui rompait enfin, après des décennies de palabres
infructueuses, avec le centralisme multiséculaire de l'Etat français, lui
évitant ainsi l'apoplexie administrative. Pour ma part, je rendrai spécialement
hommage à celui qui en fut la cheville ouvrière dans le premier gouvernement
Mauroy, le ministre d'Etat Gaston Defferre.
Cette réforme majeure, discutée par le parti socialiste et intégrée dans son
programme dès le début des années soixante-dix, puis incorporée dans le
programme commun de la gauche, fut violemment critiquée, lorsqu'il s'agit de la
mettre en oeuvre,...
M. Louis de Broissia.
C'est de l'histoire !
M. Jean-Claude Peyronnet.
... par tous ceux qui craignaient je ne sais quelle dissolution de l'Etat,
quelle généralisation du clientélisme, quelle multiplication des actes de
corruption, et j'en passe !
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Très bien !
M. Jean-Claude Peyronnet.
Rien de tout cela ne s'est produit ou, lorsque ce fut le cas, la
décentralisation n'y était pour rien.
Je me réjouis sincèrement que les bases posées à ce moment-là soient défendues
aujourd'hui par tout le monde comme des valeurs essentielles et que certains
des opposants les plus vigoureux de l'époque soient devenus les défenseurs
ardents de ce qui est désormais acquis et, qui mieux est, les chantres de
l'accélération du mouvement.
M. Louis de Broissia.
C'est comme vous pour la Ve République ! Vous l'aviez combattue !
M. Jean-Claude Peyronnet.
Monsieur de Brossia, je dis qu'il est très bien qu'il en soit ainsi !
Cependant, je les appelle à un peu de retenue et de mesure. Il est difficile
pour notre famille politique, qui a été à l'origine du mouvement et qui
poursuit dans cette voie, notamment avec vous, monsieur le ministre, d'accepter
de se voir reprocher sans cesse de n'en pas faire assez ou de ne pas le faire
assez vite.
C'est pourquoi, monsieur le ministre, je ne suis pas de ceux qui font la moue
devant votre texte en le trouvant trop peu ceci ou trop peu cela. Vous avez
décidément choisi de refuser les grands effets, les grandes envolées,...
M. Michel Mercier,
rapporteur pour avis.
Si l'on s'envolait, on retomberait vite !
(Sourires.)
M. Jean-Claude Peyronnet.
... les échafaudages intellectuels appuyés sur des principes éthérés qui, trop
souvent, ne font que nourrir de beaux discours sans lendemain, préférant une
démarche pragmatique et un texte cohérent, à propos duquel vous laissez
largement s'exercer le droit d'amendement parlementaire.
M. Daniel Vaillant,
ministre de l'intérieur.
Très bien !
M. Jean-Claude Peyronnet.
A cet égard, il est bien vrai que, comme il s'agit du dernier grand texte de
la législature portant sur ce sujet, nombre de députés et, sans doute, de
sénateurs ne résistent pas à la tentation d'essayer de régler par voie
d'amendement telle ou telle question que chacun, individuellement, considère
comme majeure ou qui, à défaut, peut au moins être importante ou
intéressante.
Il en résulte que le corps initial du texte a perdu de sa cohérence. Il était,
à l'origine, clair et logique, et s'articulait de façon rationnelle : d'abord
les questions liées à la démocratie de proximité ; puis, tout naturellement, un
gros titre fort attendu relatif aux conditions d'exercice des mandats locaux ;
enfin, un titre portant la participation du public à l'élaboration des grands
projets. Il existait bien déjà quelques scories, la plus grosse, pourtant
nécessaire car très attendue, étant relative aux SDIS, une autre concernant les
opérations de recensement : cela étant, l'ensemble ne manquait pas d'allure.
Tout cela demeure. Il est vrai cependant que le travail considérable effectué
par nos collègues de l'Assemblée nationale ne l'a pas été dans le souci
d'assurer la plus grande lisibilité possible. Mais c'est l'inconvénient de
l'avantage, et là encore il est très difficile de souhaiter que le Parlement
exerce pleinement ses droits et de regretter ensuite que le résultat législatif
soit quelque peu touffu.
De même, il est très contestable de reprocher à tel ou tel moment qu'une
évaluation suffisante des conséquences de telle ou telle mesure prise par le
Gouvernement n'ait pas été faite et de se proposer ensuite de transférer à tout
va des compétences majeures, par exemple aux départements pour les routes
nationales ou aux régions pour les bâtiments universitaires. Certes, ces
évolutions projetées sont intéressantes et sûrement souhaitables, mais ne
légiférons pas dans la précipitation !
Enfin - et cela nous concerne en tant que sénateurs - si ce texte manquait
tellement d'intérêt, d'où vient que le très excellent rapport de M. Daniel
Hoeffel, qui est sans conteste l'un des tout meilleurs spécialistes de la
question, ne fait pas moins de 555 pages, hors tableaux comparatifs ? D'où
vient d'ailleurs que, à y regarder de près, la commission des lois, saisie à
titre principal, propose en fin de compte la suppression de très peu d'articles
? D'où vient qu'elle en ajoute même volontiers, y compris s'agissant de
dispositions introduites par l'Assemblée nationale ?
Par conséquent, arrêtons de minimiser l'importance d'un texte qui, j'ose le
dire, monsieur le ministre, apporte beaucoup. Certes, il n'annonce pas le grand
soir de la décentralisation, mais il s'inscrit dans une perspective de
mouvement qui ne s'est pas démentie depuis cinq ans, tout au long de cette
législature.
En outre, soyons clairs : que reste-t-il à faire ? Deux choses majeures, tout
le reste pouvant être réglé par le biais de textes particuliers de
clarification : il reste à transférer de nouvelles compétences et à réformer la
fiscalité locale. Je concède que ce n'est pas le plus simple. Pour autant,
est-il inconvenant de faire remarquer que c'est une démarche de début de
législature plutôt que de fin de mandat ? A cet égard, j'ai bon espoir,
monsieur le ministre, de vous retrouver à ce banc, dans quelques mois, cette
fois pour l'examen du texte du grand soir ou du petit matin !
(Sourires.)
M. Louis de Broissia.
Il n'y croit pas lui-même !
M. Jean-Claude Peyronnet.
Quoi qu'il en soit, je ne puis, pas plus que mes amis politiques, accepter
l'idée que ce gouvernement aurait fait reculer la décentralisation. Un seul
point fait débat - nous ne sommes pas forcément tous d'accord sur ce sujet - à
savoir l'autonomie des collectivités au regard de l'accroissement de la part
des dotations de l'Etat. Il faudra régler cette question, même si j'observe
que, jusqu'à présent, le Conseil constitutionnel n'a pas jugé que les libertés
des collectivités étaient menacées.
M. Henri de Raincourt.
Hélas !
M. Jean-Claude Peyronnet.
Peut-être, mais c'est ainsi !
(Rires.)
Pour le reste, il ne s'est guère passé d'année, depuis trois ans, après que se
furent écoulés les dix-huit mois nécessaires à la mise au point, où nous
n'ayons eu à adopter des textes souvent majeurs et dont on voit bien, sur le
terrain, la cohérence. Je pense en particulier ici à la loi présentée par votre
prédécesseur, monsieur le ministre, à la loi Voynet et à la loi Besson-Gayssot,
et je rappellerai maintenant l'historique de ce processus.
En 1999, la loi relative au renforcement et à la simplification de la
coopération intercommunale, inspirée au départ par le seul fait urbain, a
finalement été adoptée par la commission mixte paritaire, après avoir fait
l'objet d'un gros travail parlementaire. Elle est en train de provoquer, à une
vitesse extraordinaire, un regroupement volontaire des communes en zones
urbaines, rurales ou semi-rurales, et structurera de façon extrêmement forte le
paysage administratif local.
En 1999 également, la loi d'orientation pour l'aménagement et le développement
durable du territoire, utile elle aussi, quoique moins structurante, offre une
base de réflexion pour les objectifs locaux, dans un cadre large, et fournit
une assise à la contractualisation en fonction d'un projet commun.
En 2000 a été promulguée la loi relative à la solidarité et au renouvellement
urbains. Qui pourrait prétendre, là encore, que ce texte n'est pas important ?
J'ai même plutôt le sentiment qu'il convient d'abord de le « digérer » avant
d'aller plus loin,...
M. Michel Mercier,
rapporteur pour avis.
C'est vrai !
M. Jean-Claude Peyronnet.
... n'en déplaise aux esprits pressés.
Ce sont là les textes les plus fondamentaux, mais il y en a bien d'autres.
Ainsi, en 2000, la loi organique relative aux incompatibilités entre mandats
électoraux a été prolongée. Que l'on approuve ou non ses modalités ou son
ampleur, qui pourrait nier son importance et qui pourrait nier que, avec
l'instauration de la parité, elle entraîne une évolution majeure pour le
personnel politique du pays ?
Je citerai encore, au titre de 2001, l'aboutissement de la réforme du code des
marchés - il s'agit plutôt ici du domaine réglementaire - la loi relative aux
chambres régionales des comptes et à la Cour des comptes, la proposition de loi
tendant à moderniser le statut des sociétés d'économie mixte locales et, enfin,
la loi relative à la résorption de l'emploi précaire et à la modernisation du
recrutement dans la fonction publique ainsi qu'au temps de travail dans la
fonction publique territoriale.
Dans tous ces textes, des dispositions importantes permettent de faire
progresser la décentralisation en complétant, en précisant ou en rectifiant les
choses au vu de l'expérience.
Votre projet de loi, monsieur le ministre, se situe dans cette continuité.
J'en ai évoqué les grandes lignes tout à l'heure, et je constate que lui aussi
constitue une forte avancée.
Dans le cheminement suivi ces cinq dernières années, il existe une étape
majeure : la mise en place, à l'automne 1999, de la commission sur l'avenir de
la décentralisation, dite « commission Mauroy », dont j'ai eu le privilège de
faire partie, comme deux de nos rapporteurs, MM. Hoeffel et Mercier, ainsi que
d'autres collègues.
Quoi qu'on en ait dit, cette commission a travaillé, sous la houlette
bienveillante mais ferme de son président, dans une grande sérénité, et elle a
abouti à un large consensus. Ce n'est pas la péripétie politicienne des
dernières semaines, alors que tout était déjà dit et approuvé, qui change
quelque chose à l'importance des conclusions, très largement consensuelles - je
le répète - rendues à l'automne 2000 sous la forme de cent cinquante-quatre
propositions, auxquelles, monsieur le ministre, vous avez fait allusion.
Je me suis amusé à faire un décompte des mesures prises et de celles qui vont
l'être. Ce décompte vaut ce qu'il vaut, car les mesures sont d'ampleur très
inégale - certaines sont majeures, d'autres sont de détail - mais il indique
néanmoins que vingt et une mesures sont déjà acquises, et, plus intéressant
encore, que vingt-huit nouvelles mesures, issues des travaux de la commission
Mauroy, sont reprises par vous, monsieur le ministre, dans le texte que vous
nous présentez. Comme certains amendements parlementaires susceptibles d'être
adoptés en ajouteront sans doute quelques autres à cette liste, on peut dire
que, un peu plus d'un an après qu'elle eut remis ses conclusions, la commission
Mauroy, qui avait annoncé, par la voix de son président, travailler à une
échéance de dix ou quinze ans, aura vu passer dans le projet de loi un bon
tiers de ses propositions.
Après ça, on nous dira que la décentralisation recule ! Elle avance, au
contraire, avec ce gouvernement, et grâce à votre texte, monsieur le
ministre.
Elle avance par le biais du rapprochement du citoyen de la gestion et de la
prise de décision, que ce soit par l'instauration de mairies annexes ou, plus
encore, par la constitution de conseils de quartier consultatifs, intéressante
expérience au cours de laquelle il faudra veiller, cependant, à sauvegarder ce
qui existe déjà ici ou là, ainsi que - je suis d'accord avec M. le rapporteur
sur ce point - la primauté
in fine
du mandat électif, que le texte
gouvernemental ne me semble toutefois pas remettre en cause.
La décentralisation avance aussi grâce à l'effort important consenti pour
reconnaître et mettre en oeuvre le droit des minorités dans les assemblées
territoriales. Nous sommes pleinement d'accord sur le principe, même si la
fameuse séance annuelle consacrée à la minorité nous semble peu opérante. Sans
doute le travail parlementaire nous permettra-t-il d'évoluer vers des
dispositions plus raisonnables, mais surtout plus efficaces. Cependant, je n'ai
pas la naïveté de penser que l'on peut s'en remettre purement et simplement au
bon vouloir des exécutifs locaux : je suis beaucoup plus sceptique que M. le
rapporteur sur ce point.
La décentralisation avance de façon considérable grâce au titre II, qui,
incontestablement, facilitera l'accès à la fonction élective par un effort
financier significatif en termes d'indemnités et de remboursement de frais, par
un effort pour diversifier socialement l'accès à ces fonctions, comme pour
favoriser les reconversions au terme du mandat et pour permettre une meilleure
formation des élus. Cette section du texte représente un progrès considérable
s'agissant des facilités accordées aux élus pour qu'ils puissent exercer
pleinement et efficacement leurs mandats.
De la même façon, nous approuvons les dispositions issues des recommandations
du rapport Fleury, que vous nous présentez en anticipation de l'examen du texte
portant sur la modernisation de la sécurité civile et sur les services
d'incendie et de secours, sous la réserve expresse que soient bien clarifiés
les flux financiers entre les collectivités locales.
La règle fixée par les lois Defferre, et qui doit continuer à s'appliquer,
veut que tout transfert de compétence soit financièrement neutre, au moins au
début. Cela implique donc que les départements ne sauraient se passer de la
contribution des communes. Que celle-ci soit gelée, soit, mais qu'elle existe
sous une forme ou sous une autre, par transfert de DGF par exemple. Cela va de
soi, nous dit-on ! Cela ira encore mieux en le disant !
Je m'en tiendrai là, ou presque, me réservant d'intervenir avec mes collègues
du groupe socialiste lors de l'examen des articles.
Je n'évoquerai pas non plus, ou j'évoquerai peu, les amendements de la
commission que nous voterons ; il en existe, par exemple celui qui porte sur
les sondages électoraux. Je n'évoquerai pas non plus au fond ceux que nous
déposerons, quelquefois parallèlement à d'autres, et qui concernent l'utilité
et le débat publics, les réserves naturelles ou les facilités financières
proposées aux élus handicapés pour l'exercice de leur mandat.
Je ne retiendrai qu'un amendement qui traite de la question du cadre électoral
de l'élection des conseillers communautaires.
Monsieur le ministre, il y a là un problème de fond. Il n'est que temps de
lever l'ambiguïté et de rassurer des maires de plus en plus inquiets.
Votre prédécesseur a fait voter une loi majeure, car, incontestablement, elle
fait évoluer le paysage administratif français. Il a habilement joué d'un
discours républicain qui mêlait, dans un cocktail dont il connaissait seul le
dosage, le jacobinisme et la décentralisation, la défense de la commune et sa
dissolution prévisible dans la mixture communautaire.
M. Louis de Broissia.
C'est assez subtil !
M. Jean-Claude Peyronnet.
Oserai-je dire qu'on n'était pas loin du double langage et que parmi nous,
consciemment ou pas, certains n'y ont pas échappé ?
M. Charles Revet.
C'est sûr !
M. Jean-Claude Peyronnet.
Il faut lever les ambiguïtés ! Oui ou non, comme je le souhaite et le pense,
est-il possible, tout en les faisant travailler ensemble, de conserver les 36
000 communes françaises ? Je le crois, mais il est vrai que les mécanismes mis
en place, notamment le coefficient d'intégration fiscale, constituent une
mécanique redoutable qui incite au transfert accéléré des compétences jusqu'à
ce que les maires se rendent compte qu'ils sont tout nus.
M. Charles Revet.
Absolument !
M. Jean-Claude Peyronnet.
La carotte financière paraît tellement attractive qu'elle a pu masquer les
inconvénients de la perte d'identité. Or, même si j'ai voté en conscience cette
loi, j'ai à l'époque, et nombre de mes amis avec moi, attiré l'attention sur
ces inconvénients-là, c'est-à-dire celui qu'il y aurait à voir disparaître ces
lieux de démocratie, d'animation et de vie qui quadrillent de façon efficace,
exceptionnelle et peu coûteuse l'ensemble du territoire français.
M. Charles Revet.
Sur ce point, nous sommes d'accord !
M. Jean-Claude Peyronnet.
Pourtant, ces lieux disparaîtront si la fonction de maire n'est plus
attractive et n'attire plus des gens de qualité, comme c'est encore
heureusement le cas aujourd'hui.
Un sénateur socialiste.
Effectivement !
M. Jean-Claude Peyronnet.
De ce point de vue, l'idée de l'élection au suffrage universel direct des
conseillers communautaires, qui s'imposera notamment dans les grandes
agglomérations en raison du poids financier des établissements publics de
coopération intercommunale, doit être clarifiée, afin, précisément, que
l'identité communale soit sauvegardée. L'un des moyens, peut-être pas suffisant
mais en tout cas nécessaire, est de procéder à l'élection des conseillers
communautaires prévues par la future loi dans le cadre communal. C'est ce que
nous proposons de préciser dès maintenant sans attendre ladite future loi.
Vous le constatez, monsieur le rapporteur, sur ces points-là, nous ne sommes
pas très éloignés les uns des autres. D'ailleurs, sur les six principes que
vous avez énoncés, je n'ai pas grand-chose à redire.
Reste que tout ne sera pas résolu pour autant. Je pense, notamment, à un
aspect dont on parle peu : le rôle de la commune-centre. J'ai l'impression que
certains maires de grandes villes n'ont pas complètement imaginé que le
pilotage des communautés urbaines ou des communautés d'agglomération pourrait
leur échapper, ou échapper à un représentant du conseil municipal de leur
ville. Pourtant, en fonction du mode de scrutin retenu, c'est bien sûr une
possibilité à ne pas écarter. Est-ce possible ? Est-ce souhaitable ? Est-il
acceptable, par exemple, que la communauté urbaine de Lyon soit présidée par le
maire d'une commune disons de 5 000 habitants, quand on sait - c'est le maire
qui nous l'a dit - que les deux tiers des investissements de la ville de Lyon
sont assurés par la communauté urbaine ?
M. Michel Mercier,
rapporteur pour avis.
C'est une chance que les autres paient !
M. Jean-Claude Peyronnet.
Je pourrais, je suppose, dire la même chose pour Bordeaux, Lille, Toulouse ou
Nantes. Prenons garde, mes chers collègues, à ne pas jouer les apprentis
sorciers dans ce domaine comme dans d'autres. Il faut bien réfléchir.
Monsieur le ministre, je ne reviens pas sur la richesse de votre texte. Il est
très attendu par les élus et très suivi par nos collègues. La masse des
amendements le prouve. Il est évident qu'un très gros travail législatif va
être effectué dans les semaines à venir. Je souhaite qu'il aboutisse à un
accord entre les deux chambres et je ne doute pas des efforts de nos
rapporteurs pour qu'il en soit ainsi.
(Applaudissements sur les travées socialistes. - M. Darniche applaudit
également.)
M. le président.
La parole est à M. Türk.
M. Alex Turk.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, mon
intervention sera très courte, et ce pour deux raisons. D'une part, parce que
mon collègue Philippe Darniche interviendra sur l'ensemble du texte. D'autre
part, parce que le rapporteur m'en a donné l'occasion puisque - il s'agit là
d'un paradoxe - alors que je ne compte évoquer que le problème de l'élection au
suffrage universel dans les structures intercommunales, j'ai constaté que M.
Hoeffel a été dans l'obligation d'insérer cette question parmi les principes
fondamentaux. En effet, à l'origine, celle-ci ne figurait pas dans le texte et
elle ne fait l'objet que d'un amendement. Il est tout de même paradoxal que
notre rapporteur en soit réduit à agir ainsi. Cela signifie tout simplement que
nous sommes dans une situation ambiguë, puisque l'on nous demande de traiter
une question fondamentale pour l'avenir au détour d'un amendement sur un
texte.
Je ne reviendrai pas sur le problème de l'urgence, qui a été évoqué à de
nombreuses reprises. Le problème de l'élection au suffrage universel dans les
structures intercommunales subira donc le même traitement.
Je ne reviens pas non plus sur le fait que l'on recourt à une procédure
consistant à passer par un amendement pour traiter une question qui est
fondamentale. Je dirai simplement qu'il est un peu curieux - l'orateur qui m'a
précédé pensait qu'il s'agissait là d'une excellente initiative ; pour ma part,
je ne crois pas que ce soit le cas - de vouloir s'auto-conditionner ou de faire
en sorte que le législateur conditionne un autre législateur, au-delà d'une
alternance, en fixant un principe et en renvoyant le vote de ses modalités
d'application dans l'avenir. En effet, c'est au minimum une manoeuvre politique
et, à coup sûr, une ineptie sur le plan juridique.
Sur le fond, cette initiative me paraît totalement déconnectée des
réalités.
D'abord, elle est déconnectée de la réalité du terrain parce qu'elle ne tient
pas compte de la forte disparité qui existe aujourd'hui dans nos départements -
notamment dans le Nord, département dont je suis originaire - par exemple entre
les communautés urbaines et les communautés de communes.
Il me paraît très regrettable de prendre une telle initiative de manière aussi
rapide et intempestive, alors même que nombre de communautés de communes sont
très loin d'avoir acquis leur rythme de croisière. Alors même qu'elles n'ont
pas encore trouvé leur équilibre, on pose déjà le problème du mode de
recrutement de ceux qui participent à leurs organes délibératifs.
De la même manière, s'agissant du problème des budgets, il est bien évident
qu'entre certaines communautés urbaines comme celle de Lille, dont le budget
équivaut à lui seul à celui de plusieurs grandes villes de France, et certaines
communautés de communes de points plus reculés de notre département, qui à
elles seules ont un budget très inférieur à celui d'une petite commune, il n'y
a rien de commun. Or on voudrait les associer dans un même traitement.
Cette initiative est également déconnectée de la réalité institutionnelle. En
effet, il n'y a aucune réflexion globale sur le problème des échelons
administratifs. Nous en avons cinq, sans compter l'échelon européen. Or, qu'on
le veuille ou non, on décide d'instituer au suffrage universel un nouvel
échelon, sans avoir réfléchi à l'ensemble du dispositif. D'ailleurs, il n'y a
pas non plus eu de réflexion sur les conséquences inévitables quant à
l'organisation de l'interdiction du cumul des mandats, qui posera des problèmes
techniques considérables si ce texte est adopté en l'état.
On n'a pas non plus réfléchi au fait que, incidemment, on crée un semi-échelon
ou un embryon d'échelon avec le système des conseils de quartier. D'une
certaine façon, les communes seront prises dans un étau : elles seront, par le
bas, poussées par les conseils de quartier et, par le haut, comprimées par les
structures intercommunales issues du suffrage universel.
Telles sont les raisons pour lesquelles il me paraît extrêmement dangereux
d'aller plus loin sur un texte comme celui-là.
De ce point de vue, je voudrais rendre hommage à M. le rapporteur. En effet,
la proposition qu'il présente me semble pertinente. Au fond, elle permet de
résoudre deux questions. D'une part, il refuse de dissocier le principe des
modalités, ce qui, le moment venu, nous obligerait à prendre globalement nos
responsabilités. D'autre part, il précise et conforte le faisceau des
garanties. Telles étaient bien les questions que l'on pouvait au moins espérer
régler dans le débat qui nous agite aujourd'hui !
Enfin, je conclurai par une remarque. Il est troublant de constater que, en
général, ceux qui remettent en cause la légitimité à travers la
représentativité du Sénat en voulant tirer le suffrage universel indirect vers
le suffrage universel direct sont aussi ceux qui agissent à peu près dans les
mêmes termes à l'égard de l'autonomie communale. Ils oublient un principe
fondamental : la conjugaison du suffrage universel indirect et du suffrage
universel direct est inscrite dans la tradition de nos républiques
parlementaires depuis 1875 et elle est également, depuis les lois de la IIIe
République, inscrite dans le principe de la liberté et de l'autonomie
communales.
(Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et
Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président.
La parole est à M. de Raincourt.
M. Henri de Raincourt.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, à vingt ans,
on souhaite généralement acquérir son autonomie financière et sa liberté ; on
souhaite assumer les choix de son existence. C'est vrai pour les personnes ;
c'est vrai aussi pour les collectivités locales.
Dans quelques mois, la décentralisation aura vingt ans monsieur le Premier
ministre Pierre Mauroy. Cela fera vingt ans que, grâce à vous et à Gaston
Defferre, les collectivités territoriales décentralisées existent. Mais au fil
du temps, on le voit bien, leur autonomie financière s'amenuise et leur liberté
de décision s'effiloche.
Aujourd'hui, les collectivités territoriales voudraient pouvoir s'administrer
librement au sein de la République. Ce principe simple doit avoir tout son
sens. L'écrire est une chose : il y a la lettre, mais aussi l'esprit. Or
l'esprit de la décentralisation mérite plus que d'être invoqué. Cet après-midi,
mon propos est exclusivement celui d'un praticien du terrain ; il n'a rien à
voir avec un engagement politique partisan.
Monsieur le ministre, votre projet de loi pourrait en apparence faire croire
que nous sommes sur la bonne voie : un titre évocateur et alléchant, une
multitude de dispositions concernant les droits des élus, les conditions
d'exercice des mandats locaux, les transferts de compétences, la participation
du public à l'élaboration de grands projets, etc.
Mais, à y regarder de près, les espoirs ne sont pas à la hauteur des enjeux,
Ce texte, cela a été dit, a une ambition modeste, ce qui, selon moi, n'est pas
forcément un défaut. Si, sur certains points, il réglera certaines questions,
sur d'autres, il va singulièrement compliquer la situation.
En réalité, il ne donne pas à la décentralisation l'élan nouveau que nous
attendons, il ne répond pas aux vraies questions que nous nous posons et il ne
comporte que peu de propositions nouvelles, même si celles qui y figurent
soulèvent de grandes questions.
Vous voulez accroître la participation de tous les citoyens à la démocratie,
grâce aux conseils de quartier, au renforcement des droits de l'opposition dans
les assemblées locales et aux nouvelles modalités de fonctionnement du débat
public.
Quel est l'intérêt réel de ces mesures ? Un grand nombre d'élus et de
nombreuses collectivités ont, depuis longtemps, pris l'habitude de consulter la
population en instaurant, sous une forme ou sous une autre, adaptée à la
réalité locale, une authentique culture du dialogue.
M. Jean-Paul Virapoullé.
Bien sûr !
M. Henri de Raincourt.
Ils n'ont pas eu besoin de loi pour le faire ! Pourquoi rigidifier encore en
imposant une démarche identique sur l'ensemble du territoire ? Pourquoi ne pas
laisser subsister cet espace de liberté en autorisant les collectivités locales
à user de cette culture du dialogue comme elles l'entendent ?
M. Roland du Luart.
C'est l'esprit partisan !
M. Henri de Raincourt.
Aujourd'hui, dans les assemblées locales, rien n'empêche, me semble-t-il,
l'opposition de poser des questions et de formuler des propositions. Le droit
d'expression est une condition essentielle de la démocratie. Pourquoi
l'enfermer dans une séance qui deviendra formelle, source de beaucoup de
démagogie et d'exacerbation des oppositions ?
Remettre en cause la pratique actuelle pour figer dans la loi les droits des
élus minoritaires présente le risque de créer des oppositions politiques là où
elles n'existent pas nécessairement. Au conseil général de l'Yonne, par
exemple, l'opposition pose des questions et dépose des motions quand elle le
souhaite. Par ailleurs, les publications du conseil général ne sortent qu'après
avoir reçu l'approbation d'un comité de rédaction représentatif de tous les
groupes politiques siégeant au conseil général.
Cette pratique a le mérite d'exister. Je ne vois donc pas pourquoi la loi
l'encadrerait, la formaliserait et, au fond, lui enlèverait de sa force et de
son élan.
L'article 7
ter,
qui est essentiel, arrête le principe de l'élection au
suffrage universel des délégués aux établissements publics de coopération
intercommunale, les EPCI, à fiscalité propre. A première vue, cette intention
apparaît tout à fait louable. Mais, si l'on y regarde de plus près, on en vient
à être plus réservé avant d'y devenir franchement hostile.
Ne nous y trompons pas : de notre point de vue, le franchissement de cette
nouvelle étape représenterait un nouvel et peut-être décisif affaiblissement de
la commune et de sa légitimité.
(Applaudissements sur les travées des
Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.)
M. Philippe Darniche.
C'est évident !
M. Henri de Raincourt.
Est-ce opportun ?
Est-ce utile à la démocratie ?
(Non, sur les mêmes travées.)
Est-ce favorable à l'équilibre même de notre société ?
M. Bruno Sido.
Absolument pas !
M. Henri de Raincourt.
Les Français sont viscéralement attachés à leurs communes. Il me semble même
que cet attachement va grandissant.
M. Philippe Darniche.
C'est vrai !
M. Henri de Raincourt.
On peut le comprendre et partager ce sentiment. En effet, dans un monde ouvert
où les frontières ont disparu, l'être humain se trouve désemparé par
l'immensité de son environnement. Il a un très grand besoin, pour ne pas
craindre ni rejeter cette réalité, de proximité et de sentir qu'il appartient à
une communauté de destin.
C'est la commune et elle seule qui lui ouvre cet univers à sa dimension,
rassurant et réconfortant. Déjà Tocqueville l'écrivait : « Si l'on ôte la force
de la commune, on n'aura que des administrés et point de citoyens. »
Gambetta reprenait cette idée lorsqu'il écrivait ceci : « C'est à la mairie
que tout commence. » Mais pas une mairie désincarnée, vidée de sa substance,
une mairie alibi d'une démocratie qui aurait fui ! »
Je suis un partisan déterminé de l'intercommunalité et j'ai même le privilège
d'en présider une qui a été créée en 1926.
M. Charles Revet.
Ce n'est pas nouveau !
M. Roland du Luart.
Vous ne paraissez pas votre âge !
(Rires.)
M. Henri de Raincourt.
Ce n'est pas moi qui la préside depuis 1926, je vous rassure
(Nouveaux
Rires.)
M. Jean-Claude Peyronnet.
C'était son ancêtre !
M. Henri de Raincourt.
Non, ce n'était pas mon ancêtre non plus !
Mais, là comme ailleurs, il faut rechercher l'équilibre.
Mes chers collègues, après les lois Chevènement sur l'intercommunalité - notre
collègue Jean-Claude Peyronnet y faisait référence - la loi Voynet sur les pays
et la loi Gayssot plus récente sur les fameux SCOT, les schémas de cohérence
territoriale, voici une nouvelle disposition proposée qui rompt cet équilibre
et qui va inéluctablement éloigner l'élu de l'électeur, alors même que c'est à
l'inverse qu'il faut tendre si l'on veut redonner confiance à nos compatriotes
en la démocratie représentative.
Mes chers collègues, nous faisons fausse route, même si la volonté apparaît -
je le répète - tout à fait louable. Je vous incite donc, à cet égard, à une
grande réflexion et à une grande prudence.
Je n'aborderai que brièvement l'aspect pratique de la mise en oeuvre de cette
disposition. Par exemple, l'organisation de trois élections le même jour - les
élections municipales, intercommunales et cantonales - posera des problèmes
énormes dans bon nombre de nos communes.
Par ailleurs, soyons réalistes : point n'est besoin d'être grand clerc pour
deviner que, quand évolueront sur un territoire presque identique le maire, le
président de l'établissement public de coopération intercommunale, le
conseiller général, voire...
M. Bruno Sido.
Les sénateurs !
M. Henri de Raincourt.
... le conseiller régional, il y aura trop de crocodiles dans le marigot !
(Sourires. - M. Jean-Paul Virapoullé applaudit.)
M. Bruno Sido.
Eh oui !
M. Henri de Raincourt.
Les ambitions et les rivalités de personnes paralyseront l'action.
M. Bruno Sido.
C'est exact !
M. Henri de Raincourt.
Encore une fois, c'est le développement même de l'aire géographique concernée
qui s'en trouvera notablement et durablement affecté.
Pour développer les collectivités locales, il faut rassembler. Or si plusieurs
personnes tirent, elles tireront forcément non pas dans le même sens mais à hue
et à dia ! Le phénomène est naturel et, hélas ! inévitable.
Si la proposition contenue dans l'article 7
ter
peut paraître
séduisante et sympathique, elle n'est pas raisonnable. Ou alors - je rejoins à
cet égard les propos qu'a tenus notre collègue Jean-Claude Peyronnet - que l'on
définisse clairement la vision que la France a de son organisation
territoriale, quels échelons elle veut conserver, ceux qu'elle veut supprimer,
et le Sénat en débattra. Ce sera un processus tout à fait démocratique.
Telle est la raison pour laquelle le groupe des Républicains et Indépendants,
s'il est très reconnaissant à la commission des lois d'avoir encadré le
dispositif qui nous vient de l'Assemblée nationale, va cependant un cran plus
loin, considérant que, aujourd'hui, le Sénat ne peut pas donner de lui aux
maires de France l'image d'une assemblée favorable à l'élection des délégués au
suffrage universel.
(Applaudissements sur les travées des Républicains et
Indépendants, du RPR et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées
du RDSE.)
M. Charles Revet.
Absolument !
M. Henri de Raincourt.
J'en arrive maintenant au titre III traitant des compétences locales.
Je laisse le soin à mes collègues élus régionaux d'aborder les questions qui
les concernent et dont vous avez parlé tout à l'heure, monsieur le ministre.
Je déplore la rédaction de l'article 43 A concernant l'aide aux entreprises.
Je n'ai toujours pas compris la raison pour laquelle cette rédaction lie
l'intervention des communes et des départements à la signature d'une convention
obligatoire avec la région. L'obligation, là encore, n'est ni gage d'efficacité
ni respectueuse de l'autonomie des collectivités locales.
L'article 43 I ouvre la possibilité d'une expérimentation relative à une
intervention différente des collectivités territoriales dans le domaine du
patrimoine. Sur le principe, je n'y vois pas d'objection. Dans la réalité, une
nouvelle fois, la pratique me conduit à dire que, si l'on devait s'engager dans
cette voie, il faudrait avoir réglé au préalable l'épineuse question des
relations entre les collectivités territoriales, la direction régionale des
affaires culturelles, la conservation des monuments historiques, sans même
parler du statut - résurgence de l'ancien régime - des architectes en chef des
monuments historiques !
Le chapitre II, qui aborde le fonctionnement des SDIS, les services
départementaux d'incendie et de secours, retient plus particulièrement mon
attention.
Je considère - je vous le dis franchement, monsieur le ministre - que l'on y
fait du rafistolage sans aborder la question au fond. Cela signifie qu'il
faudra réexaminer cette dernière. C'est dommage. C'est une occasion manquée. Je
l'affirme d'autant plus librement que la situation défavorable d'aujourd'hui
résulte d'une loi que j'ai votée. Je n'ai donc aucun scrupule à dire que cela
ne fonctionne pas et qu'il faudrait essayer de clarifier les choses.
Comme vous l'avez dit vous-même tout à l'heure, monsieur le ministre, la
reprise d'éléments contenus dans le rapport Fleury me paraît insuffisante.
L'application de la loi actuelle ne donne pas satisfaction. Il faudra bien
qu'un jour l'on dise qui est l'autorité compétente pour diriger le SDIS, qui le
finance, et comment il est financé. Ainsi, les choses seraient claires.
Ce choix n'est pas proposé dans le texte, sauf à alourdir encore les dépenses
obligatoires des conseils généraux. Certes, on parle un jour, mais pas le
lendemain, de compensation par l'Etat de la part communale qui serait supprimée
en 2006. On parle de pourcentage des uns ou de pourcentage des autres. Je suis
défavorable à tout cela.
On nous dit que le conseil général aura la majorité au sein du conseil
d'administration du SDIS, avec 14 membres au moins sur 22. Mais la désignation
des membres de ce dernier se faisant à la proportionnelle, il n'est pas certain
que ce sera systématiquement un représentant de la majorité du conseil général
qui sera élu à sa tête. Je crois qu'il y a là quelque chose auquel il
conviendrait de faire attention.
Quant au système qui confie à un conseil d'administration le soin de fixer la
dépense obligatoire incombant au conseil général, je le trouve, pour ma part,
désagréable, déplorable et détestable.
(Très bien ! et applaudissements sur
les travées des Républicains et Indépendants et du RPR, ainsi que sur certaines
travées de l'Union centriste.)
Peut-on imaginer qu'un jour on aura le courage d'aller plus loin que la «
communication », jointe à l'avis d'imposition à la taxe d'habitation, du
montant des contributions des collectivités locales rapporté au nombre
d'habitants du département ?
Monsieur le ministre, la vraie mesure consisterait à dire clairement qui
dirige le conseil d'administration. Si c'est le conseil général, on n'a pas
besoin de conseil d'administration.
M. Bruno Sido.
Bien sûr !
M. Henri de Raincourt.
Le SDIS devient alors un service du département.
M. Bruno Sido.
Bravo !
M. Henri de Raincourt.
Quant au financement, soit il incombe aux communes et aux départements, et il
est alors normal qu'il y ait un conseil d'administration, soit, comme je le
souhaite moi-même, on aura un jour le courage de faire figurer clairement sur
la feuille d'imposition locale une colonne supplémentaire...
M. Patrick Lassourd.
Tout à fait !
M. Henri de Raincourt.
... intitulée « coût des services d'incendie et de secours ». Ainsi, comme
pour les ordures ménagères, chaque contribuable connaîtrait alors le coût réel
du service et le financerait directement.
(Applaudissements sur les travées
des Républicains et Indépendants et du RPR, ainsi que sur certaines travées de
l'Union centriste.)
Ce serait plus simple et plus clair !
Voilà pourquoi, sur ces deux points, le texte ne me paraît pas à la hauteur
des enjeux et ne répond à mon avis pas suffisamment aux préoccupations locales.
Il ne prend pas assez en compte la réalité telle que nous la percevons sur le
terrain. Nombre de dispositions sont incomplètes. Elles mériteraient d'être
précisées, et pourraient même à elles seules faire l'objet d'un texte
spécifique.
Le transfert de nouvelles compétences aux collectivités locales par voie
d'amendement lors de la première lecture à l'Assemblée nationale, sans
véritable vision d'ensemble, constitue aussi, selon moi, une erreur de
méthode.
Enfin, la procédure d'urgence appliquée à ce texte ne correspond pas à ce que
nous pouvions attendre sur l'importante question de la décentralisation et va
brider le débat parlementaire là où une discussion tout à fait approfondie
s'impose. Mes collègues et moi-même appelons de nos voeux une vraie relance de
la décentralisation, sans aucune arrière-pensée, une réforme qui poserait les
vrais problèmes mais qui apporterait aussi les bonnes solutions. C'est une idée
que, avec d'autres, avec beaucoup de modestie et d'humilité, croyez-le bien,
nous avons toujours défendue et que nous continuerons à défendre, considérant
que, dans ce domaine qui touche au coeur du fonctionnement de notre société et
de notre pays, elle passe avant toutes les autres.
(Très bien ! et vifs
applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de
l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Barbier.
M. Gilbert Barbier.
Comme vous l'avez souligné, monsieur le ministre, lors des dernières élections
municipales, les Français ont clairement manifesté leur volonté de peser
directement sur les décisions qui engagent l'évolution de leur cadre de vie.
Le Gouvernement a confié à M. Pierre Mauroy la présidence d'une commission
chargée de formuler des propositions sur l'avenir de la décentralisation. La
vivacité des débats, mais aussi le caractère novateur et ambitieux de certaines
revendications ou propositions sont révélateurs des frustrations, des
impatiences, des lassitudes et surtout des attentes des décideurs locaux,
conscients que la décentralisation française est désormais à un tournant de son
histoire.
Le projet de loi dont nous débattons aujourd'hui vise à replacer le citoyen au
coeur d'une décentralisation plus légitime, plus efficace, plus solidaire.
L'ambition du Gouvernement est, certes, louable et justifiée, mais,
malheureusement, le contenu du projet de loi laisse perplexe, notamment après
l'intégration de nombreux amendements adoptés par l'Assemblée nationale. A vrai
dire, il donne l'impression désagréable d'un texte fourre-tout, sans vision
globale, incluant aussi bien l'organisation de conseils de quartiers que
l'élection au suffrage universel des membres des EPCI, aussi bien des
dispositions relatives au statut de l'élu que le fonctionnement des services
d'incendie et de secours, aussi bien la réforme du recensement qu'un volet sur
les grands projets d'utilité publique.
De nombreuses communes mènent depuis longtemps des expériences de démocratie
de proximité qui reposent sur des règles souples, garantes de leur succès. Or
le projet de loi introduit des dispositions formelles, comme l'obligation de
créer des conseils de quartier dans les villes de plus de 20 000 habitants, qui
risquent tout simplement de freiner ou de remettre en cause ces pratiques
quotidiennes. Il est des villes et des quartiers où cette création se justifie,
d'autres où ce n'est pas le cas.
On peut d'ailleurs s'interroger sur la pertinence du quartier comme unité de
référence de la proximité. Comment rendre compte d'un espace à géométrie
variable selon qu'il est vécu par la municipalité, par les habitants, par ceux
qui y travaillent, par les services publics ou par les acteurs privés ?
La création de ces instances soulève également la question de leur légitimité.
Il s'agit en effet de trouver un juste équilibre entre la démocratie
représentative - celle des élus municipaux, qui jouissent de la légitimité du
suffrage universel - et la démocratie participative issue d'une demande de la
société locale. Ne risque-t-on pas de voir se constituer un contre-pouvoir se
prévalant d'une légalité propre ?
Le projet de loi prévoit, de surcroît, la présence d'élus au sein de ces
conseils de quartier. Si cette mesure peut permettre d'assurer un lien direct
avec le conseil municipal, elle risque surtout de mettre l'élu présent dans ces
conseils dans des situations souvent très difficiles à gérer.
Je crois, monsieur le ministre, qu'il vaudrait mieux laisser les expériences
se poursuivre en fonction des réalités du terrain et non plaquer un modèle
unique de participation des citoyens à la décision publique.
Autre point contestable de ce projet de loi : les transferts de compétences
aux régions dans les domaines de l'aide directe aux entreprises, de
l'enseignement supérieur, de la formation professionnelle ou de
l'environnement, introduits par une série d'amendements déposés par le
Gouvernement.
Si l'on peut se réjouir de ce nouveau pas vers une décentralisation accrue, on
doit, néanmoins, regretter la méthode. Ces transferts de compétences auraient
certainement mérité un débat plus approfondi. Par ailleurs, ils ne sauraient
suffire à répondre aux attentes légitimes des collectivités locales et des
Français.
Le volet relatif au SDIS n'échappe pas non plus à la critique. En ma qualité
d'ancien président du SDIS du Jura, j'ai pu constater combien un transfert de
charges ne signifiait pas nécessairement un transfert de responsabilités.
L'Etat décide et impose par l'intermédiaire du préfet, le maire est responsable
de la sécurité dans sa commune et les collectivités paient. Non seulement le
projet de loi maintient cette ambiguïté, mais il confirme également le
désengagement financier de l'Etat en matière de secours.
Je crois savoir que le Gouvernement prépare un autre texte sur les services de
secours. Monsieur le ministre, pourriez-vous nous dire où en est la réflexion
?
Enfin, comme nombre d'orateurs précédents, je reste réservé sur l'opportunité
d'élire au suffrage universel les membres des EPCI.
En premier lieu, cette mesure ne manquera pas de politiser une institution où
il n'y avait jusque-là pas trop de clivages politiques manifestes, mis à part
une opposition entre petites, moyennes ou grandes communes.
En second lieu, l'organisation de cette élection me paraît relever d'un
véritable casse-tête. Comment et par quel mode de scrutin garantir à la fois la
représentation de chaque commune par au moins un siège et le respect du
principe de parité entre les hommes et les femmes ? Ne craignez-vous pas de
semer la confusion parmi les électeurs, amenés à voter le même jour pour les
conseillers municipaux, les conseillers des EPCI et parfois aussi les
conseillers généraux ? Cela ne va pas dans le sens de la simplification
souhaitée !
En tout état de cause, je suis inquiet de voir les municipalités se vider
petit à petit par le haut et par le bas. En quelques années, trois nouveaux
niveaux de décision - l'intercommunalité, la région et l'Europe - ont été créés
et de nombreuses autres structures ont émergé autour de la commune, comme les
pays ou, demain, les conseils de quartier. Qui fera quoi ? Quelle sera
l'organisation subsidiaire des fonctions et des pouvoirs de l'infra et du
supra-communal ! Il faudra bien un jour avoir le courage de revoir ce «
millefeuilles » et de le clarifier.
Le présent projet de loi comporte néanmoins quelques points positifs.
Le titre II apporte notamment une partie des réponses que nous attendions sur
le statut de l'élu. Les élus pourront désormais exercer leur mandat sans être
pénalisés comme ils l'étaient auparavant dans leur vie professionnelle ou
familiale en raison du temps passé au service de leurs concitoyens.
Je note également avec satisfaction la possibilité ouverte par l'article 11
bis
de délégation à des conseillers municipaux dès lors que l'ensemble
des adjoints sont titulaires d'une délégation. Jusqu'à aujourd'hui, cela
n'était possible qu'en l'absence ou en cas d'empêchement des adjoints.
Dans la pratique, de nombreux maires ont accordé des délégations à des
conseillers municipaux en dehors de ces deux cas. Les services chargés du
contrôle de légalité ont eu, à cet égard, des attitudes et des interprétations
bien différentes. Certains maires n'ont jamais été inquiétés, d'autres, en
revanche, ont été assignés devant le tribunal administratif.
C'est mon cas. J'ai pu, pendant dix-huit ans, désigner des conseillers
délégués et leur verser une rémunération prise dans l'enveloppe globale. Or,
dernièrement, le préfet de mon département a porté l'affaire devant le tribunal
administratif, qui a annulé l'arrêté municipal en cause. Cet article 11
bis
permettra, je l'espère, de clarifier les choses.
Pour conclure, on peut se demander s'il ne faudrait pas d'abord se préoccuper
de redonner du souffle à la démocratie électorale en restaurant la confiance
entre la classe politique, les institutions et les citoyens. A l'évidence, les
bons sentiments et le volontarisme politique n'y suffiront pas. A faire
l'économie d'une véritable réflexion sur les moyens de restaurer une réelle
crédibilité démocratique, on prend le risque de voir la démocratie de proximité
déboucher sur un voeu pieux et sur une pseudo-participation.
Ce que les auteurs du projet de loi appellent une « nouvelle étape de la
décentralisation » manque un peu d'ambition. Nous aurions souhaité voir l'Etat
se recentrer sur ses missions régulatrices, l'articulation des pouvoirs locaux
clarifiée et simplifiée, leurs compétences s'élargir, la fiscalité locale
rénovée dans le sens de l'autonomie, le droit à l'expérimentation reconnu.
M. Charles Revet.
Exactement !
M. Gilbert Barbier.
C'est pourquoi, monsieur le ministre, je ne peux approuver le texte que vous
nous présentez.
(Applaudissements sur les travées du RDSE, de l'Union centriste, des
Républicains et Indépendants et du RPR.)
M. le président.
La parole est à M. Delevoye.
(Applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et
Indépendants.)
M. Jean-Paul Delevoye.
Monsieur le président, monmonsieur le ministre, mes chers collègues,
permettez-moi quelques remarques sur ce texte, qui a déjà fait l'objet de
nombreux débats et qui, pour utiliser une expression couramment employée, nous
interpelle.
Je regrette pour ma part, après de nombreux orateurs, que ce même texte traite
de plusieurs sujets très différents - la participation des habitants, le statut
de l'élu, un pan de décentralisation - minorant ainsi la valeur de chacun de
ces domaines, qui méritait à lui seul un débat.
En fait, il s'agit de savoir quelles nouvelles actions publiques nous voulons
répartir entre l'Etat et les collectivités locales.
La décentralisation doit reposer sur un principe clair : « Qui paye commande
», comme M. de Raincourt le disait à propos du service d'incendie,...
M. Charles Revet.
Eh oui !
M. Jean-Paul Delevoye.
... mais aussi sur la stabilité des règles.
Or je ne puis m'empêcher de remarquer que, texte après texte, les règles
financières changent, les compétences changent, ce qui déstabilise chacun par
rapport aux actions publiques. Revenons à une articulation plus stable, bien
cadrée et surtout plus pérenne des relations entre l'Etat et les collectivités
locales !
En réalité, nous avons l'impression, peut-être fausse, que, chaque fois que
l'Etat cherche à précipiter un nouveau transfert de compétences, c'est plus
pour lui permettre de se débarrasser d'un domaine dans lequel il a du mal à
exercer financièrement ses compétences
(Applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et
Indépendants),...
M. Louis de Broissia.
Toujours !
M. Jean-Paul Delevoye.
... que pour rechercher l'efficacité dans l'action publique qu'attendent nos
concitoyens.
M. Henri de Raincourt.
Très bien !
M. Charles Revet.
Tout à fait !
M. Jean-Paul Delevoye.
S'agissant du statut de l'élu, vous avez parlé d'urgence, monsieur le
ministre. A ce sujet, je répéterai les propos que nous tenions voilà quelques
mois à cette tribune : si vraiment il y avait urgence, il fallait reprendre le
texte voté par le Sénat...
M. Charles Revet.
Exactement !
M. Jean-Paul Delevoye.
... et le mettre à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale. Ce texte serait
adopté depuis quelques mois déjà. Il s'agissait d'un texte équilibré, complet
et qui devrait permettre à chacun d'exercer à parité un mandat toujours plus
difficile à remplir.
Pour la clarté de l'exposé, je concentrerai mon propos sur trois sujets.
Dès son intitulé, ce texte attire notre attention sur la démocratie de
proximité. On ne peut s'empêcher de remarquer que le système démocratique
s'impose partout dans le monde au moment même où le doute sur sa pratique
s'installe.
En fait, le défi politique qui nous attend est celui de notre capacité à faire
prévaloir l'intérêt général sur les intérêts catégoriels.
A partir du moment où l'Etat a souhaité légiférer sur la démocratie des
collectivités locales, j'ai pensé qu'il devait avoir le souci de s'imposer à
lui-même ce qu'il souhaitait exiger des collectivités locales.
Or, dès que j'ai vu une loi de finances votée par le Parlement être
immédiatement transformée par un ministre, des mesures annoncées à la
télévision avant d'être entérinées par ce même Parlement, j'ai compris que nous
étions en train de remettre en cause la démocratie parlementaire et d'instiller
le doute chez nos concitoyens sur l'efficacité de cette démocratie dite
représentative.
(Applaudissements sur les travées du RPR, de l'Union
centriste et des Républicains et Indépendants.)
M. Charles Revet.
C'est vrai !
M. Jean-Paul Delevoye.
Ainsi, au moment même où l'Etat, en quelque sorte, se tire une balle dans le
pied, il exprime de la méfiance à l'égard de la pratique politique des élus.
Je ne suis pas certain d'avoir raison, mais, pour moi, la démocratie n'est pas
une affaire d'éloignement ou de proximité : c'est d'abord et avant tout une
légitimité tirée du peuple ; c'est la capacité de faire participer le peuple à
l'élaboration des décisions et à leur exécution. Or je constate qu'actuellement
plus un seul élu n'imaginerait de prendre une décision, d'engager une action
sur des travaux publics, par exemple, sans opérer au préalable une
concertation, sans donner à la population la possibilité de s'approprier le
projet sur lequel on lui demande de s'exprimer.
Je pensais, monsieur le ministre, qu'en vous interrogeant sur l'efficacité de
la démocratie représentative, vous instilleriez un peu de démocratie directe
dans votre projet de loi. Je m'aperçois, en fait, que vous semblez vouloir
opposer à la légitimité conférée au conseil municipal par le suffrage universel
une institutionnalisation du conseil de quartier qui enferme la population dans
cette représentation. Pourtant, dans la pratique quotidienne, lorqu'un élu se
rend dans un même quartier pour aborder des sujets politiques différents, il
rencontre des habitants différents, les uns intéressés par la politique
sportive, d'autres par la politique éducative, d'autres encore par la politique
de sécurité. Ce qui est important, pour les habitants, c'est d'avoir un contact
direct avec le décideur politique, sans barrage,...
M. Charles Revet.
Bien sûr !
M. Jean-Paul Delevoye.
... sans avoir l'impression d'être instrumentalisé par l'élu ou par un organe
représentatif, la notion de représentativité étant d'ailleurs aujourd'hui
extrêmement difficile à cerner, certaines associations étant spontanément
créées non pas pour apporter une contribution à l'intérêt général, mais surtout
et avant tout pour défendre des intérêts particuliers.
L'Association des maires de France avait réfléchi à cette notion de conseil de
quartier, et je me souviens avoir entendu M. Pierre Mauroy me dire : « Mais
cela se pratique chez moi, il faut donc l'inscrire dans la loi. » Mais si cela
se pratique, pourquoi légiférer ?
M. Charles Revet.
Eh oui !
M. Jean-Paul Delevoye.
Il faut promouvoir la démocratie directe plutôt que d'inscrire la pratique
dans la loi ! Laissons faire les choses, et l'exemplarité de l'action publique
permettra d'éviter d'opposer demain la légitimité du suffrage universel à celle
du conseil de quartier.
En même temps, nous avons réfléchi au renforcement des pouvoirs d'expression
des minorités. Sur ce point, M. le rapporteur a eu raison, à mon avis, de ne
pas donner suite à cette idée de séance réservée à l'opposition. En effet,
l'opposition a la faculté d'intervenir tout au long de l'année dans les
instances délibératives pour apporter sa capacité d'alternative ; on ne doit
pas cantonner à une seule séance dans l'année son pouvoir d'expression !
M. Daniel Vaillant,
ministre de l'intérieur.
Nous avons été vingt-trois ans dans
l'opposition. Nous avons vu ce que cela donnait !
M. Henri de Raincourt.
Nous, ça fait quinze ans !
M. Charles Revet.
En fait, vous pensez à votre futur !
M. Didier Boulaud.
Qu'est-ce que c'est que ces chasseurs d'ours ?
M. Jean-Paul Delevoye.
Mais j'ai bien compris, monsieur le ministre, que vous souhaitiez renforcer
les droits de l'opposition pour pouvoir mieux les exercer dans quelque
temps.
M. Daniel Vaillant,
ministre de l'intérieur.
Soyez prudent ! C'est la période des voeux, mais
tout de même !
M. Louis de Broissia.
C'est la bonne année !
M. Jean-Paul Delevoye.
Quoi qu'il en soit, il m'apparaît vraiment important de réfléchir plus avant
sur ce point et j'approuve à cet égard la commission d'avoir donné un caractère
facultatif et incitatif à une pratique démocratique, plutôt que d'instituer une
obligation, ce qui aurait faussé le débat démocratique.
J'en viens à l'élection au suffrage universel des délégués intercommunaux.
M. Henri de Raincourt.
Ah !
M. Jean-Paul Delevoye.
J'ai entendu l'argument selon lequel celui qui lève l'impôt doit être
systématiquement élu au suffrage universel. Certes, la douleur du contribuable
peut amener l'élu à un peu plus de sagesse, comme je le dis parfois, mais je
demeure sceptique sur la valeur de cet argument dès lors que l'intercommunalité
est fortement incitée à passer à la taxe professionnelle unique. Cela
signifie-t-il, aux yeux de celles et ceux qui avancent cet argument, que seules
les entreprises doivent participer à l'élection pour pouvoir contrôler l'usage
de leur impôt ? Je ne le crois pas !
M. Roland du Luart.
Ce serait louis-philippard !
M. Jean-Paul Delevoye.
Cet argument ne tient donc pas, non plus que celui qui consiste à affirmer que
le suffrage universel est le moyen de contrôler les élus. Je ne vois pas
pourquoi ces derniers auraient un chèque en blanc pour six ans ! Il convient,
au contraire, de mettre en place des pratiques qui permettent l'organisation de
débats annuels sur les comptes administratifs ou sur les orientations
budgétaires.
La vraie question, qu'évoquait M. le ministre et qui est dans l'esprit de
chacun, est celle-ci : qu'est-ce que l'intercommunalité ?
Pour nous, l'intercommunalité, c'est d'abord et avant tout la volonté des
communes de mettre en commun certains de leurs moyens pour être plus
efficaces.
M. Jacques Legendre.
Eh oui !
M. Charles Revet.
Très bien !
M. Jean-Paul Delevoye.
A l'évidence, vouloir faire élire des délégués intercommunaux sur l'espace de
l'intercommunalité revient - allons jusqu'au bout de la réflexion - à annoncer
la suppression d'une dimension de la commune.
(Applaudissements sur les travée du RPR et des Républicains et
Indépendants.)
M. Charles Revet.
Exactement ! C'est ce que veut le Gouvernement, mais il n'ose pas le dire !
M. Jean-Paul Delevoye.
Il y a là un vrai débat : la commune est-elle le lieu d'application d'une
politique intercommunale, ou bien l'intercommunalité est-elle la mise en commun
des volontés des communes pour être plus efficaces et plus performantes, ce qui
implique le contrôle de la mutualisation de ses moyens par la commune elle-même
?
Voilà pourquoi les délégués intercommunautaires ne peuvent être que des
conseillers municipaux issus des communes sur le territoire communal, leur
choix intervenant le même jour. Pour l'instant, je suis donc extrêmement
réservé sur le fait de vouloir afficher un principe sans en discuter des
modalités.
Les uns et les autres, nous devons dire très clairement que nous refusons la
notion de supracommunalité, et il serait intéressant de vous entendre sur ce
sujet, monsieur le ministre.
M. Roland du Luart.
Oui !
M. Jean-Paul Delevoye.
S'agissant des SDIS, j'ai entendu l'intervention de M. de Raincourt, je n'y
reviens donc pas.
Il est cependant un troisième sujet que je souhaite évoquer, même si son
importance est moindre au sein du présent projet de loi, à savoir les
recensements et leurs conséquences.
Aux termes du projet du Gouvernement, nous devrions pouvoir disposer tous les
ans d'une analyse chiffrée sur l'évolution de la démographie. J'ai déposé un
amendement, peut-être un peu brutal, tendant à la suppression de cette
disposition, parce que le franchissement de certains seuils démographiques
entraîne nombre de conséquences pour les collectivités locales, qu'il s'agisse
du statut des fonctionnaires, de certaines obligations légales de procédure, de
délais de convocation, de l'application de la loi relative aux nomades, que
sais-je encore : aujourd'hui, près de deux cents textes sont directement
concernés par la notion de seuils démographiques.
Nous ne pouvons donc accepter ce principe sympathique qui consiste à disposer
d'un instrument de lecture de notre évolution démographique que si vous prenez
l'engagement, monsieur le ministre, de faire en sorte que soient analysées très
clairement les conséquences directes des recensements ainsi opérés, aussi bien
la première année d'application que les années suivantes.
Enfin, au moment où nous célébrons le vingtième anniversaire des lois de
décentralisation, j'aurais souhaité que l'on ne nous soumette plus des textes
qui, ajout après ajout, transfèrent des compétences sans en mesurer les
conséquences et sans vision globale. Alors que M. Mercier a accompli un grand
travail de réflexion sur l'articulation entre l'Etat et les collectivités
locales, je regrette que vous n'ayez pas eu la volonté de mettre en place un
chantier qui nous permette cette vision globale afin d'avoir une approche
sereine de ce type de débat.
Pour ma part, je suis de ceux qui pensent que la participation du citoyen est
un élément déterminant pour la vie démocratique, mais je considère en même
temps qu'en aucun cas l'institutionnalisation de la démocratie ne donne du
souffle à cette démocratie.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des
Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines
travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Hyest.
M. Jean-Jacques Hyest.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, voilà
quelques semaines, nous débattions de la police de proximité.
M. Daniel Vaillant,
ministre de l'intérieur.
De la sécurité urbaine !
M. Jean-Jacques Hyest.
Certes, mais il s'agissait bien de police de proximité, grand thème cher au
ministre de l'intérieur.
Aujourd'hui, voici maintenant la démocratie de proximité. Voilà quelques
jours, au sujet d'un champion sportif que tout le monde connaît, un grand
journal du soir évoquait, pour sa part, un « héros de proximité ».
C'est donc la saison de la proximité.
(Sourires.)
Voilà quelques mois, c'était la modernité.
M. Charles Revet.
Absolument !
M. Jean-Jacques Hyest.
Toutes les lois étaient « de modernisation ». On modernisait ! C'était le
maître mot du discours politique : je vous renvoie, à cet égard, à quelques
titres pompeux de certains projets de loi.
L'effet de mode est intéressant d'un point de vue sociologique, mais il est
peut-être moins pertinent sur le plan législatif.
Je ne reviendrai pas, monsieur le ministre - d'autres orateurs l'ont évoqué
avant moi - sur la détestable manière dont nous sommes contraints de légiférer.
On peut tenir de grands discours sur l'attachement que l'on manifeste vis-à-vis
du respect du Parlement. On peut même préciser, comme plusieurs ministres l'ont
fait ces dernières semaines, que le bicamérisme est utile pour améliorer la
législation et approfondir les débats de société.
Force est cependant de constater, d'une part, que le projet de loi qui nous
est soumis n'est pas débattu dans des conditions convenables, et, d'autre part,
qu'il ne s'agit pas d'un texte fondateur, son contenu n'étant pas à la hauteur
des promesses de son titre.
M. Charles Revet.
Très bien !
M. Jean-Jacques Hyest.
Il fut un temps - mais c'était il y a une décennie - où la loi du 6 février
1992 relative à l'administration territoriale de la République faisait l'objet
d'un examen approfondi, étalé sur plusieurs mois, après deux lectures dans
chaque assemblée du Parlement. Etait-ce parce qu'il n'y avait qu'une majorité
relative à l'Assemblée nationale, ce qui conduit à la sagesse, ou s'agissait-il
plutôt de respecter le Sénat comme représentant légitime des collectivités
territoriales de la République ?
On pourrait en dire autant des conditions dans lesquelles avait été élaborée
la loi du 12 juillet 1999 sur l'intercommunalité.
Aujourd'hui, la précipitation, l'urgence à la fin d'une session parlementaire
ne peuvent être le gage d'une bonne politique pour les collectivités locales,
et le projet de loi qui nous est soumis, « enrichi » par une avalanche
d'articles à l'issue du débat à l'Assemblée nationale, est, comme l'indiquait
notre excellent rapporteur Daniel Hoeffel, un de ces trop nombreux projets
portant « diverses dispositions d'ordre législatif » - devrais-je ajouter
largement réglementaire ? - concernant cette fois-ci les collectivités
territoriales.
Plusieurs de nos collègues du groupe de l'Union centriste interviendront sur
les divers chapitres du projet de loi, et je n'évoquerai que quelques points
particuliers dans cette discussion générale, en félicitant d'abord le
rapporteur de la commission des lois - un expert ! - et les rapporteurs pour
avis de la qualité de leurs analyses et de leurs propositions.
Notons tout d'abord que le titre II, relatif aux conditions d'exercice des
mandats locaux, aurait dû faire l'objet d'un
copyright
- pardonnez-moi
cet anglicisme - tant il semble inspiré d'une proposition de loi votée il y a
quelques mois par le Sénat. Vous reprenez ainsi des textes adoptés par le Sénat
mais non transmis à l'Assemblée nationale, sans toutefois le reconnaître.
Sans tomber dans le formalisme stérilisant qui semble être la marque de la
législation proposée par le Gouvernement, encouragé en cela par la majorité de
l'Assemblée nationale, au point de tout réglementer jusqu'à la liberté de
formation des élus locaux, peut-on présenter une supplique aux pouvoirs publics
et aux administrations en leur demandant de ne pas submerger indûment les
emplois du temps des élus locaux sous le prétexte d'une amélioration de leur
statut, par une succession de réunions insipides, non décisionnelles, où tous,
élus et fonctionnaires, perdent largement leur énergie ?
N'y a-t-il pas de moyen plus moderne de gérer la concertation nécessaire,
d'autant que, lorsqu'il s'agit de dossiers importants, les élus locaux
demeurent bien souvent les derniers informés ?
Parfois, l'intitulé même de certaines dispositions ne manquerait pas, si elles
étaient adoptées, de provoquer quelques articles humoristiques justifiés : il
en est ainsi de ce « bureau des temps », censé favoriser l'harmonisation des
horaires des services publics avec les besoins des usagers. Une telle
institution, monsieur le ministre, devrait être d'abord préconisée dans les
services de l'Etat, qu'ils soient déconcentrés ou non, tant l'application de la
réduction du temps de travail a d'incidence sur l'ouverture des services au
public, nous le constatons tous sur le terrain.
Mais venons-en aux principales dispositions qui concernent la participation
des habitants à la vie locale, les compétences des collectivités locales,
notamment en matière d'incendie et de secours, et la participation du public à
l'élaboration de grands projets.
Sur le premier point, nous ne pouvons qu'approuver les conclusions de la
commission des lois, qui visent à assouplir les mesures préconisées, notamment
en ce qui concerne les conseils de quartier. M. Jean-Paul Delevoye vient d'en
parler. Laissons se développer les expériences en cours et les traditions bien
établies dans certaines métropoles régionales, et, surtout, laissons les
conseils municipaux libres d'organiser comme ils l'entendent la concertation
nécessaire au niveau des quartiers.
Mais - et ce n'est pas une proposition du Gouvernement - on ne peut que
s'interroger sur la disposition introduite à l'Assemblée nationale relative à
l'élection au suffrage universel direct des membres des organes délibérants des
structures intercommunales à fiscalité propre.
A ce sujet, quelques observations doivent être présentées.
Tout d'abord - je m'interroge - quelle est cette nouvelle catégorie de lois
qui renvoient à une loi ultérieure le soin de déterminer les conditions
d'application d'un principe ? Depuis quand a-t-on vu le législateur faire une
sorte de « pacte sur succession future » ? Le caractère normatif de la
disposition présentée n'apparaît pas évident, et le débat ne sera en tout état
de cause pas clos aujourd'hui.
Encore faut-il préciser que nous ne souhaitons en aucune manière que la «
supracommunalité » se substitue à « l'intercommunalité », cela pour deux motifs
essentiels.
M. Jacques Legendre.
Très bien !
M. Jean-Jacques Hyest.
Il nous apparaît que la commune, à une époque où l'on parle de proximité, de
la nécessité de trouver des lieux de solidarité et d'enracinement - on veut
généraliser les conseils de quartier - demeure plus que jamais nécessaire, même
si elle ne peut remplir toutes les fonctions de la cité. La loi sur
l'intercommunalité, dont le succès a été, même pour ses promoteurs, une
surprise, est une loi d'équilibre. Il s'agit de libre administration des
communes et il serait dommage de stopper l'élan de cette loi en changeant les
règles du jeu, surtout pour quelques secteurs où elle est difficile à mettre en
oeuvre. C'est vraiment une erreur profonde de soulever à nouveau ce débat en ce
moment.
M. Charles Revet.
Tout à fait !
M. Jean-Jacques Hyest.
Même si nous ne pouvons qu'approuver
a minima,
et dans une perspective
de dialogue, les conditions précises fixées par la commission des lois pour
envisager un jour cette élection au suffrage universel direct, nous aurions
préféré que ce débat n'intervînt pas dans ces conditions, d'autant qu'il est
faux à nos yeux d'affirmer que seul le suffrage universel direct est pertinent,
au risque de mettre en cause l'article 3 de la Constitution, dont le troisième
alinéa précise que : « Le suffrage peut être direct ou indirect dans les
conditions prévues par la Constitution. Il est toujours universel, égal et
secret. »
(MM. Michel Mercier, rapporteur pour avis, et Pierre Fauchon,
approuvent vivement.)
Veut-on changer la Constitution ?
La légitimité d'un maire est-elle contestable parce qu'il est élu - même si
cela est formel dans les grandes villes - au suffrage indirect ?
M. Pierre Fauchon.
Bien sûr !
M. Jean-Jacques Hyest.
Mes chers collègues, voulez-vous saper définitivement le rôle constitutionnel
de notre Haute Assemblée ? Personne ne le veut ici, ou si quelqu'un le
souhaite, il faut qu'il quitte l'hémicycle.
Méfions-nous du faux syllogisme qui identifie légitimité et suffrage
direct.
De surcroît, comment ne pas s'inquiéter de la concurrence entre assemblées
élues au suffrage universel direct, pour des compétences partagées ? Entre le
maire et le président de la communauté d'agglomération ou de communes - et
leurs technostructures, il ne faut jamais l'oublier - ne manquera pas de se
développer une compétition devant l'opinion publique. Comment éviter qu'une
assemblée élue au suffrage universel direct ne revendique pas le statut de
collectivité locale de plein exercice si les liens sont distendus avec les
communes ?
Certains, sans le dire explicitement, ont condamné la commune et se
réjouissent à l'avance de voir le département suivre le même sort. Il vaut
mieux dire carrément qu'on envisage un bouleversement de nos structures locales
plutôt que d'avancer masqué en mettant en avant le généreux principe de la
participation des citoyens à la vie locale.
M. Pierre Fauchon.
Ce n'est pas bien d'avancer masqué !
M. Jean-Jacques Hyest.
Ce n'est pas vous, monsieur le ministre, mais certains le pensent et
l'écrivent !
J'en viens au deuxième point : les compétences des collectivités locales.
Elles visent essentiellement les transferts aux régions, qu'on ne peut
qu'approuver en ce qui concerne la formation professionnelle, dans un souci de
lisibilité. La limite entre les responsabilités de l'Etat et celles de la
région n'étaient pas claires. C'est donc une bonne réforme.
Mais avouons franchement que le transfert de compétences en matière portuaire
et aéroportuaire n'est peut-être pas le plus urgent et mérite en tout état de
cause une vraie expérimentation. La nouvelle étape de la décentralisation
pourtant annoncée en fanfare - n'est-ce pas monsieur Mauroy ? - est largement
démentie par les faits, à moins que les transferts de charges qui ont été
imposés...
M. Pierre Mauroy.
Par vous !
M. Jean-Jacques Hyest.
... aux collectivités locales ces derniers mois en tiennent lieu ?
Venons-en maintenant au chapitre relatif aux services d'incendie et de
secours.
J'entends les plaintes des présidents de conseils généraux, j'entends les
plaintes des maires devant une augmentation sensible des dépenses afférentes
non seulement à la prévention - dont les collectivités locales ne sont pas
responsables, mais dont elles paient les moyens - mais aussi aux secours. On
croit que ce sont les collectivités locales qui prennent les mesures. Ce sont
les préfets qui les signent. Les collectivités paient !
Au risque d'être mal compris, qu'il soit permis de dire que la loi de 1996,
loin d'être, comme certains l'ont prétendu, une loi pour les sapeurs-pompiers
professionnels - dite « loi des colonels » - a eu au moins cet avantage de
faire apparaître les dépenses réelles engagées et la nécessité pour certains de
mettre à niveau leur équipement et leurs effectifs, surtout avec la RTT. Le
décret du 31 décembre ne facilite pas la négociation ! Cela ne signifie
nullement que le volontariat ne conserve pas toute sa place dans ce dispositif.
Il faudra encore l'encourager plus fortement car, après la suppression de la
conscription, il est une des seules occasions concrètes pour des jeunes de
s'engager dans un service civique.
En outre, s'il faut se féliciter d'une disposition adoptée - et à préciser -
concernant les secours à personne, on s'aperçoit d'une dérive en matière de
secours médicaux d'urgence. La grève des urgences médicales et des ambulanciers
a fait apparaître que les sapeurs-pompiers étaient sollicités indûment pour des
missions ne relevant pas de leurs compétences - près de 50 % dans certains
départements urbains. Faut-il parler de tâches indues ou au moins prévoir des
compensations financières ?
Si la loi de 1992 avait prévu la départementalisation des services d'incendie
et de secours, nous en sommes arrivés avec la loi de 1996, pour des motifs
tenant à la complexité des situations selon les départements, à un système
hybride, même si globalement cette étape a pu être utile pour convaincre les
élus, mais aussi les volontaires sapeurs-pompiers, que l'échelon départemental
était pertinent pour une meilleure harmonisation des secours et pour assurer
une économie d'échelle, à condition que cet établissement public soit en lien
étroit avec le conseil général, qui doit en être le principal financeur.
C'est pourquoi toutes les propositions allant dans le sens d'une réelle
départementalisation - et notamment, celle de la commission des finances - ne
peuvent que recueillir notre approbation. Le conseil général doit être
responsable de la gestion des moyens des SDIS, même si la gestion
opérationnelle, pour des raisons évidentes de coopération avec les services de
l'Etat, doit demeurer au préfet. C'est pourquoi il est tout à fait regrettable
que le texte annoncé sur la sécurité civile ne soit pas présenté parallèlement
c'est une question de cohérence. Après les propositions de certains voulant
faire des maires des « shérifs », ne tombons pas dans le ridicule en voulant
faire du président du conseil général un
Fire Chief Officer
, comme l'on
dit à New York !
M. Pierre Fauchon.
Un pompier en chef !
M. Jean-Jacques Hyest.
En revanche, il serait normal que l'Etat participe financièrement aux missions
de prévention, qui sont régaliennes, et, comme je l'ai dit plus haut, que les
services d'incendie et de secours soient au moins indemnisés pour les
interventions ne relevant pas de leurs compétences.
Si l'on passe sur l'inclusion dans ce texte de l'abandon du recensement
traditionnel - et cela aurait mérité un débat en soi - reste tout ce qui
concerne la participation du public à l'élaboration des grands projets.
Si elle doit être encouragée, encore faut-il encadrer ce débat, comme le
préconise la commission des lois, pour éviter que les groupes de pression ne
paralysent tout grand projet. Nous le savons, parfois certains groupements se
sont spécialisés pour empêcher toute nouvelle infrastructure, toute ouverture
de carrière, etc., et masquent des égoïsmes et des intérêts particuliers sous
couvert d'un intérêt général qu'ils prétendent défendre.
M. Pierre Fauchon
Ce n'est pas possible !
M. Jean-Jacques Hyest.
Telles sont les observations que je voulais faire et que mes collègues du
groupe de l'Union centriste ne manqueront pas de compléter au cours du débat.
Nous voterons les conclusions de nos commissions, tout en regrettant que ce
débat intervienne à la toute fin de la législature et alourdisse un peu plus -
mais je pense qu'on va l'alléger - une législation déjà trop touffue, là où la
liberté des collectivités locales et leur capacité d'innovation seraient les
plus fructueuses. Nous attendons encore d'avoir droit à l'expérimentation.
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste du RPR et des
Républicains et Indépendants.)
M. le président.
La parole est à Mme Mathon.
Mme Josiane Mathon.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, c'est avec
un grand intérêt que le groupe communiste républicain et citoyen a pris et
prend part aux travaux de notre assemblée consacrés au projet de loi relatif à
la démocratie de proximité. En effet, l'opportunité d'une démarche législative
sur ce thème est sans conteste.
L'aspiration des individus à mieux maîtriser leur environnement et à prendre
part aux décisions les impliquant directement est aujourd'hui un moteur
essentiel à la poursuite de la démocratisation de notre société. C'est pourquoi
tout texte de loi se fixant comme belle ambition de promouvoir la démocratie
est perçu avec un
a priori
très positif par notre groupe.
Notons toutefois qu'il aura fallu attendre la fin de cette législature pour
qu'un tel texte nous soit soumis par le Gouvernement, et encore, dans des
conditions restrictives, du fait de la déclaration d'urgence dont il fait
l'objet.
En réalité, depuis cinq ans, la réforme de nos institutions n'aura pas été
aussi profonde et rapide que la progression de la crise de confiance d'un
nombre croissant de nos concitoyennes et concitoyens dans notre système
politique.
Si l'abstention électorale et la distance envers les élus et les institutions
progressent, les exigences des citoyens et citoyennes à être pris au sérieux,
respectés et valorisés dans le processus démocratique quotidien ont également
grandi. C'est pourquoi l'avenir de la démocratie élective, de notre système
délégataire,...
M. Patrick Lassourd.
Allons bon !
Mme Josiane Mathon.
... réside dans la recherche d'une démocratie participative où l'apport
permanent de l'ensemble des individus enrichit la réflexion des élus pour la
conduite des affaires de la cité.
M. Patrick Lassourd,
rapporteur pour avis.
Ah !
Mme Josiane Mathon.
C'est bien ce que semble craindre la majorité sénatoriale - j'ai entendu des
exclamations - qui s'effraye de voir les citoyens dotés de droits nouveaux pour
interpeller les élus locaux, dialoguer en permanence avec eux. Les amendements
adoptés au sein de la commission des lois en témoignent.
Pourtant, favoriser la démocratie participative, ce n'est pas dévaloriser le
rôle des élus du suffrage universel ou nier la représentativité dont ils sont
porteurs.
M. Patrick Lassourd.
C'est juste l'écorner !
Mme Josiane Mathon.
C'est au contraire leur donner des moyens supplémentaires de jouer leur rôle,
de fournir des réponses précises, en adéquation avec les attentes de leurs
administrés.
Mais attention ! Il s'agit bien de démocratiser nos institutions en partant
des attentes des citoyennes et des citoyens. Or le présent projet de loi, avant
même d'être vidé de sa substance par la majorité sénatoriale, est déjà
restrictif de ce point de vue. Il encadre et réglemente plus qu'il ne libère et
n'émancipe l'intervention citoyenne.
Aussi proposons-nous des amendements qui visent, dans le titre Ier traitant de
la démocratie participative, à ne pas restreindre les expériences actuelles, à
ne pas limiter les possibilités de développement de ces pratiques.
Il s'agit, par exemple, de faire bénéficier des conseils de quartier
l'ensemble des habitants des communes de 3 500 habitants et plus. Ces espaces
doivent non pas être imposés, mais réfléchis et élaborés par accord entre les
élus et la population. Nous proposerons dans le débat des modifications du
texte en ce sens.
Ni instruments de la gestion municipale ni lieux de contre-pouvoirs, les
conseils de quartier doivent être des lieux d'où émerge la politique
municipale.
Il serait en effet présomptueux de fixer par la loi des frontières à
l'expression des citoyens, de décider à leur place des sujets et préoccupations
qui leur tiennent à coeur. Une politique municipale se décide non pas quartier
par quartier, mais dans une cohérence d'ensemble ; c'est une question de
crédibilité.
Ces conseils doivent, par ailleurs, être ouverts à tous les habitants et pas
seulement, comme le propose la majorité sénatoriale, aux seuls électeurs. En
toile de fond se profile la question de la reconnaissance de la citoyenneté des
étrangers non communautaires. Une partie de la population qui vit, travaille,
participe à la vie sociale et associative de nos communes se trouve exclue au
moment de débattre des choix municipaux. Pourtant, il est des quartiers où,
sans eux, les conseils de quartier n'auront aucun sens.
Où est l'égalité ? Où est la fraternité dans ce déni de citoyenneté ? Quel
danger plane sur la République et ses collectivités locales à reconnaître à
chaque habitant la part de responsabilité qui est la sienne à oeuvrer
pleinement à la construction de la société ? Oui, nous souhaitons que
l'ensemble des habitants puissent participer aux conseils de quartier. Nous ne
désespérons pas que nos initiatives pour obtenir le plus rapidement possible le
droit de vote et l'éligibilité des étrangers non communautaires aux élections
locales débouchent enfin ! Nous présenterons un amendement dans le présent
débat : à chacun de prendre ses responsabilités !
Je dirai un dernier mot sur les conseils de quartier : leur composition, leur
mode de fonctionnement et leur présidence ne doivent pas être figés par la loi.
Celle-ci doit, certes, je viens de le rappeler, garantir des droits à
l'ensemble des habitants, mais elle ne doit pas leur imposer un schéma unique,
alors que nous nous accordons toutes et tous ici à reconnaître et à apprécier
la diversité des expériences en cours. La loi doit alors avoir pour objet
d'édicter des règles qui favorisent toutes les formes d'organisation citoyenne,
que celles-ci soient dues à l'initiative des collectivités ou à celle des
citoyens eux-mêmes, en leur reconnaissant des droits et en leur octroyant des
moyens ; je pense ici à la notion de budget participatif.
La promotion de la démocratie participative ne s'oppose pas au développement
des pratiques démocratiques au sein des institutions. Ainsi le projet de texte
prévoit-il un renforcement des droits des élus minoritaires au sein des
assemblées délibérantes des collectivités. Avec mon groupe, nous soutenons sans
réserve les dispositions qui visent à permettre à tous les élus de jouer leur
rôle en toute transparence par rapport aux citoyens. Nous proposons d'aller
plus loin et de permettre la reconnaissance des groupes politiques dans les
communes de plus de 3 500 habitants avec l'attribution de moyens correspondant
à la taille de la commune.
Mon ami Gérard Le Cam interviendra au nom de notre groupe sur la partie du
texte consacrée à l'intercommunalité, et notamment sur le suffrage universel
direct. De même, ma collègue Marie-France Beaufils prendra la parole à propos
du statut de l'élu. Aussi serai-je très brève sur ces deux points
importants.
Le premier point ne peut être traité sans tenir compte des communes, qui
doivent au contraire trouver dans l'intercommunalité une source supplémentaire
de légitimité et d'efficacité de leur action. Il ne peut donc y avoir
d'intercommunalité sans commune et de conseillers communautaires qui ne soient
conseillers municipaux.
Le second point nous apporte la satisfaction de constater que le thème du
statut des élus et de leurs droits est enfin devenu incontournable. Des
avancées ont ainsi été adoptées par l'Assemblée nationale, que la commission
des lois du Sénat cherche à descendre en flèche. Pourtant, ce texte devrait
permettre une réflexion et une reconnaissance du statut de l'élu, tant
politique que social ou associatif, ce qui favoriserait un essor puissant de la
vie démocratique.
Le projet de loi qui nous est proposé organise de nouveaux transferts de
compétences aux régions. Certes, ce texte trouve son origine dans les suites du
rapport de la commission présidée par Pierre Mauroy. Mais, justement, la
décentralisation ne saurait se faire petit bout par petit bout, sans avoir une
vue d'ensemble. Aussi regrettons-nous que la méthode choisie soit celle de
l'effilochage. En effet, fondamentalement, de quoi s'agit-il ? D'un
réaménagement technique des compétences à tel ou tel niveau de la gestion
publique ou d'un vrai projet d'organisation, au plus près des citoyens, des
prises de décisions les concernant ?
Nous sommes convaincus qu'il faut rénover et approfondir les lois de
décentralisation, mais en nous appuyant sur la participation des populations.
Nous sommes favorables à un vrai mouvement de décentralisation qui aurait pour
origine le droit des citoyens à gérer eux-mêmes leurs propres affaires, là où
les questions se posent.
Cette vision renversée de la subsidiarité implique que le niveau territorial
le plus élevé n'intervienne qu'en fonction des impératifs de cohérence et
d'efficacité, d'une part, de mise en oeuvre des diverses formes de solidarité,
d'autre part.
L'Etat ne doit pas disparaître ou être réduit au minimum : il doit donner les
moyens aux citoyens et à leurs collectivités locales d'organiser, dans la
cohérence nationale et européenne, le développement harmonieux de leur
territoire. C'est la voie d'un aménagement solidaire et équitable des espaces
géographiques et humains. Il ne s'agit pas, comme le proposent la droite et les
tenants du tout-libéral, de transférer aux collectivités locales le coût et la
responsabilité politique des carences de la puissance publique à répondre aux
besoins sociaux.
Mes chers collègues, la décentralisation mérite non pas une déclaration
d'urgence mais un grand débat public.
(Applaudissements sur les travées du
groupe communiste, républicain et citoyen, ainsi que sur les travées
socialistes et sur certaines travées du RPR.)
M. Bruno Sido.
Sur ce point, nous sommes d'accord !
M. le président.
La parole est à M. Mauroy.
M. Pierre Mauroy.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, dans la
lettre de mission qu'il m'a adressée le 13 octobre 1999, le Premier ministre
Lionel Jospin soulignait : « Les lois de décentralisation ont fait franchir des
étapes décisives à notre pays.
« Elles ont créé de nouveaux foyers de responsabilité, favorisé la libération
d'initiatives. Les collectivités locales sont devenues des acteurs majeurs de
la vie économique, sociale et culturelle. Avec elles, l'action publique s'est
enrichie et la démocratie a progressé. »
Il ajoutait : « De nouvelles étapes peuvent être franchies afin que la
décentralisation soit plus légitime, plus efficace et plus solidaire. » Pour
les préparer, il m'informait qu'il avait décidé d'instituer une commission pour
l'avenir de la décentralisation, qu'il me demandait de présider.
Cette commission a été constituée de façon pluraliste. Plusieurs membres de
notre assemblée y ont participé, notamment, et M. Hoeffel, rapporteur de la
commission des lois, M. Mercier, rapporteur pour avis de la commission des
finances, et je tiens à les en remercier. Ces travaux se sont déroulés dans une
ambiance de travail cordiale, même si des arrière-pensées politiques ont
toujours été présentes.
(M. Sido s'exclame.)
M. Pierre Fauchon.
Oh ! C'est consternant !
(Sourires.)
M. Pierre Mauroy.
C'est la règle du jeu parlementaire !
Ce qui est important pour notre démocratie, c'est que la grande majorité des
154 propositions pour « refonder l'action publique locale » ont fait l'objet
d'un consensus implicite. Mon ami Jean-Claude Peyronnet a montré en quoi
celles-ci ont inspiré l'action du Gouvernement et particulièrement celle du
ministre de l'intérieur, Daniel Vaillant. Il a même chiffré ces propositions.
Je suis heureux, monsieur le ministre, que ce travail vous ait été utile et je
vous remercie de l'intérêt que vous y avez porté.
Votre texte reprend nombre de ces propositions et bien d'autres. Il est dense,
il va au-devant de diverses suggestions et de très nombreux amendements que
vous avez déposés, mes chers collègues, sur l'ensemble des travées
(M.
Joyandet s'exclame)
, ce qui signifie qu'en la matière il y a vraiment
profusion. Dès lors, comment voulez-vous que le texte qui nous est soumis ne
soit pas dense lui-même ? Je crois qu'il fallait aller jusque-là, mais à
condition de rester cohérent et de garder à la politique de décentralisation
tout son souffle.
Dans mon propos, je veux m'en tenir à votre cohérence, monsieur le ministre,
et à l'ampleur de la politique de décentralisation du Gouvernement de Lionel
Jospin. J'ai eu l'impression que certains ici en doutaient. Eh bien ! je veux
leur démontrer qu'il faut sortir de ce doute existentiel !
(M. Fauchon s'exclame.)
On mesure que l'ambition de l'An II de la décentralisation va bien au-delà du
projet de loi qui nous est soumis aujourd'hui. Elle s'inscrit dans la longue
liste des mesures importantes déjà adoptées dans ce sens : par exemple, la
nouvelle loi d'orientation du 25 juin 1999 pour l'aménagement et le
développement durable du territoire, préparée par Dominique Voynet, alors
ministre de l'environnement, ou du 12 juillet 1999 relative au renforcement et
à la simplification de la coopération intercommunale, présentée par Jean-Pierre
Chevènement, alors ministre de l'intérieur.
M. Alain Joyandet.
Ils sont partis tous les deux !
M. Pierre Mauroy.
J'inclus également dans ce mouvement, car il participe de l'esprit même de la
décentralisation, l'important chantier de modernisation de la vie politique
engagé par le Gouvernement au cours de la législature qui s'achève, je pense à
l'abaissement de la durée des mandats, celui des conseillers régionaux comme
celui du Président de la République.
Il ne tient qu'à vous, mes chers collègues, pour être en phase avec ce nouveau
rythme de la démocratie, que le mandat des sénateurs soit ramené à six ans !
Cela pourrait faire l'objet d'un amendement au texte sur la décentralisation
!
(M. Fauchon rit.)
Je pense aussi, malgré vos réticences ou votre opposition, à la limitation du
cumul des mandats et à la loi sur la parité. Les résultats, notamment lors des
élections municipales de mars 2001, témoignent du succès de cette dernière : la
représentation féminine dans les conseils municipaux est passé de 21,5 % à 47,5
%. Il faut continuer !
Je pense aussi aux propositions de la commission sur l'avenir de la
décentralisation.
On le voit, l'ampleur de l'action du Gouvernement en matière de
décentralisation apparaît clairement si on regroupe l'ensemble de ces
dispositions. Certes, la décentralisation sera au centre, avec d'autres thèmes,
des prochaines campagnes électorales, mais elle est déjà au coeur de vos
préoccupations, monsieur le ministre. Je constate que le Gouvernement de Lionel
Jospin, avant même les rendez-vous majeurs avec les Français, a pris ses
responsabilités et engagé résolument d'ores et déjà l'acte II de la
décentralisation.
(Très bien ! et applaudissements sur les travées
socialistes. - Exclamations sur les travées du RPR.)
Pour autant, le texte proposé est-il le point d'orgue de votre démarche,
monsieur le ministre ? Y en aura-t-il jamais un, d'ailleurs ? Je ne le pense
pas. La décentralisation ne se résume pas à une addition de réformes : elle est
avant tout une volonté d'aller toujours plus avant dans l'approfondissement de
la démocratie. En la matière, le Gouvernement, sa majorité, et notamment les
sénateurs socialistes, ont un mot d'ordre : aller jusqu'au bout de la
démocratie progressivement et accompagner les attentes de la société.
Aujourd'hui, au point du processus où nous en sommes, la démarche
décentralisatrice doit répondre à un double mouvement.
Tout d'abord, il est essentiel d'établir un équilibre entre le pouvoir central
et les territoires, ce qui signifie un partage des compétences, un partage des
moyens financiers et un partage de l'autorité. Ce partage est nécessaire mais
pas suffisant.
Il est indispensable, par ailleurs, que le citoyen soit associé aux décisions.
Cela fait tout de même des années que l'on entend cela ! En ce début de siècle,
la liberté est inséparable de la responsabilité participative. Mais cette
liberté n'est respectée qu'à la condition de respecter la démocratie de
représentation. Sur ce plan, nous sommes formels !
En 1982, les lois de décentralisation ont largement engagé le premier
mouvement en affirmant l'autorité de l'Etat et en faisant des communes, des
départements et des régions des institutions autonomes et majeures. L'évolution
des esprits commandait alors de rompre enfin avec la longue tradition d'un
centralisme devenu excessif. Il a dominé la France pendant des siècles, mais,
je ne l'oublie pas, il a permis à la Royauté de construire l'unité du pays,
puis à la République de réaffirmer cette unité et d'imprimer alors nos valeurs
nouvelles - la liberté, l'égalité, la fraternité - à l'ensemble du
territoire.
La décentralisation de 1982 a fait souffler un vent de liberté et de renouveau
sur nos institutions et a revitalisé notre démocratie. Incontestablement, cette
démarche a été une réussite. La meilleure preuve en est que, après l'avoir
tellement combattue, pratiquement tout le monde s'y est rallié.
M. Didier Boulaud.
Eh oui !
M. Pierre Mauroy
La commune, le département et la région sont aujourd'hui des repères forts
pour les Français, pour leur mieux-être quotidien et pour leur usage de la
démocratie.
Vingt ans après cette « première révolution » institutionnelle, qu'il faut
amplifier, le moment est venu de mettre particulièrement l'accent sur le second
mouvement de la décentralisation, celui qui rapproche, plus qu'aujourd'hui, les
citoyens des décisions qui les concernent dans leur vie quotidienne.
Cette avancée va pouvoir se réaliser dans un climat beaucoup plus apaisé. La
décentralisation bénéficie désormais d'un consensus. Alors qu'elle était
âprement discutée il y a vingt ans, elle est aujourd'hui plébiscitée par
l'opinion. Tous les sondages le démontrent, plus des deux tiers des Français
souhaitent son approfondissement et désirent participer plus activement à son
fonctionnement.
Je pense que le Gouvernement est ici en phase avec l'opinion.
M. Jean-Pierre Plancade.
Tout à fait !
M. Pierre Mauroy.
Monsieur le ministre, cette nouvelle avancée décentralisatrice, qui modèlera
l'organisation politico-administrative de notre pays à l'horizon 2015, doit,
pour produire tous ses effets, s'ordonner autour de trois grandes priorités ;
elles sous-tendent votre texte.
Tout d'abord, il faut poursuivre hardiment la dynamique en cours de
l'intercommunalité.
En effet, il est regrettable que la France ait laissé dépérir des milliers de
communes.
(Exclamations sur les travées du RPR et des Républicains et
Indépendants.)
Vous le savez fort bien, des milliers de communes ne sont
plus que l'ombre de ce qu'elles étaient il y a vingt ans, pour ne pas remonter
plus loin, il y a cinquante ans.
(Rires et nouvelles exclamations sur les
mêmes travées.)
Chers collègues, écoutez ceux qui vous ont précédés ! Alors que tous les
gouvernements européens se sont rendu compte tout de même de cette réalité et
ont su créer des collectivités locales viables, économiquement au moins, la
France, loin de reprendre certaines des solutions mises en oeuvre, a voulu
vivre la chose « à la française ». Je salue donc l'action du gouvernement de
Lionel Jospin, qui a commencé à changer la donne grâce à cette révolution
intercommunale dont le succès amorce enfin la rénovation de nos structures
locales. Certes, nous comptons 36 000 communes, mais combien de communes de
moins de 3 000 habitants ?
M. Henri de Richemont.
Quel aveu !
M. Patrick Lassourd.
Cela a le mérite d'être clair !
M. Pierre Mauroy.
Chers collègues, ce que je dis ici, je peux le dire devant tous les Français,
car ils savent bien le dépérissement dont souffrent ces communes qui perdent
peu à peu les habitants qui leur restent, comme ils savent qu'il est absolument
nécessaire de remédier à cette situation. C'est un levier très important de la
réforme que vous proposez, monsieur le ministre.
M. Patrick Lassourd.
Surtout celle-là !
M. Pierre Mauroy.
Cette démarche doit progressivement modifier la carte des collectivités
territoriales, celle de l'intercommunalité.
(Exclamations sur les travées du
RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. Alain Joyandet.
Et voilà !
M. Pierre Mauroy.
Elle va permettre, dans le respect des communes existantes,...
M. Alain Joyandet.
Respect ?
M. Pierre Mauroy.
... d'aboutir, d'ici à dix ans, à un maillage du territoire autour de quelques
milliers de communautés de communes, d'environ cent trente communautés
d'agglomération et d'une vingtaine de communautés urbaines. Ainsi regroupées,
les petites communes, particulièrement les communes rurales, doivent retrouver
leur vigueur perdue.
(Protestations sur les travées du RPR et des Républicains et
Indépendants.)
M. Jean-Pierre Plancade.
Bien sûr !
M. Louis de Broissia.
C'est pitoyable !
M. Pierre Mauroy.
Dans ce nouveau schéma, le rôle du département doit être maintenu,...
M. Patrick Lassourd.
Tout et son contraire !
M. Pierre Mauroy.
... même s'il devra être redéfini et renouvelé par la mise en place de
l'intercommunalité.
(Exclamations sur les mêmes travées.)
M. Jean-Pierre Demerliat.
Très bien !
M. Jean-Pierre Plancade.
Oui, et dès maintenant !
M. Pierre Mauroy.
Chers amis de la majorité sénatoriale, vous pouvez protester, mais,
rappelez-vous que d'autres, avant vous, il y a vingt ans, ont protesté beaucoup
plus fort, pour reconnaître aujourd'hui qu'ils avaient tort. D'ici à quelques
années, ce que nous propose M. le ministre aujourd'hui sera peut-être devenu si
banal et aura fait l'objet d'une telle adhésion de la part de l'ensemble des
Françaises et des Français que vous y viendrez vous-mêmes.
(Rires et exclamations sur les travées du RPR.)
Ne doutez pas à ce point
de vous !
(Marques d'approbation sur les travées socialistes.)
Toutefois, pour être pleinement accepté, ce processus de regroupement de
communes doit être démocratique. Vous avez accepté l'intercommunalité. Faites
un effort ! Ne vous contentez pas d'adhérer au début de la réforme pour mieux
freiner sa mise en oeuvre par la suite. Non, il faut aller jusqu'au bout quand
on avance dans une réforme !
M. Bruno Sido.
Ils veulent supprimer les communes !
M. Pierre Mauroy.
Mais non !
A l'horizon 2007, les différents établissements publics de coopération
intercommunale devront être élus au suffrage universel direct. C'est évident,
c'est la loi de la démocratie. Je me réjouis que l'Assemblée nationale ait
introduit ce principe dans le projet de loi et que le Gouvernement l'ait
accepté. Pour moi, cette proposition fait vraiment la différence entre ceux qui
sont véritablement progressistes, et ce quelle que soit la travée sur laquelle
on siège, et les conservateurs, c'est-à-dire ceux qui acceptent la réforme
parce qu'ils ne peuvent pas faire autrement, mais qui s'emploient à la freiner,
et à la freiner encore. Nous, nous ne freinons pas, nous avançons.
M. Jean-Pierre Bel.
Très bien !
M. Louis de Broissia.
Vous pédalez, oui !
M. Pierre Mauroy.
Les modalités du mode de scrutin qui sera retenu pour l'élection des
conseillers de communauté devront à la fois respecter la commune et rendre
efficace l'intercommunalité.
L'avenir est en effet dans la mise en place, et en mouvement - c'est
important, cela devrait nous rassembler - d'un couple interactif à la base de
la République : la commune et l'assemblée intercommunale. D'où l'expression : «
le suffrage universel dans le cadre communal ».
Plusieurs solutions sont possibles. Il suffira, le moment venu, d'opter. Mais
vous n'y couperez pas, chers collègues, si vous voulez avancer sur ce plan-là
!
A la base de la République, il nous faut 36 000 communes ? Soit ! C'est ce que
vous voulez, c'est ce que veulent les Français, et c'est bien ainsi, mais il
faut aussi l'intercommunalité et ce mouvement absolument indispensable pour les
lier, je le répète, dans le cadrecommunal.
On parle moins de la deuxième priorité : il faut assigner à la région - vous
l'évoquiez, monsieur le ministre - tout son rôle. Paralysée par un mode de
scrutin inadapté - l'actuel gouvernement l'a d'ailleurs modifié - la région n'a
pas pris la place que ses compétences, en matière de programmation notamment,
auraient dû lui valoir. Interlocutrice de l'Etat pour la planification, pour la
déclinaison de la politique nationale d'aménagement du territoire, elle doit
faire la preuve de son excellence en fixant les orientations à moyen terme. Il
serait en effet absurde d'engager les communes à bâtir des schémas directeurs
ou autres projets pour les quinze ans à venir sans que cette vision s'insère
dans celle d'un territoire plus large, qui est naturellement celui de la
région.
Dans cette optique, la région apparaît comme l'institution la mieux à même de
réaliser, par le dialogue et la concertation, la coordination avec les
différentes institutions, sans toutefois que cela entraîne une quelconque
subordination entre les collectivités territoriales ; ce serait contraire à
l'esprit de la décentralisation et au principe constitutionnel de libre
administration des collectivités locales.
Pour assumer dans de bonnes conditions son rôle anticipateur et coordinateur,
la région doit disposer de capacités de développement plus fortes, et donc
bénéficier de compétences renforcées.
Dans la foulée de ce qui est prévu pour la Corse, le projet de loi relatif à
la démocratie de proximité opère de nouveaux transferts dans le domaine
économique et en matière d'environnement, d'infrastructures, de formation
professionnelle et de culture - je ne détaille pas. Cela va dans le bon sens,
monsieur le ministre. Cependant, ces transferts restent limités. Pour que la
région prenne toute sa place dans la dynamique de la décentralisation, ils
devront, demain, être amplifiés
(M. le ministre opine),
vous l'avez vous-même souligné, notamment dans
les domaines du logement et - je m'avance un peu pour rejoindre presque
certains d'entre vous, chers collègues, sur ce point-là - de l'enseignement
supérieur et de la recherche ainsi que de l'équipement sanitaire, du
tourisme... Mais ce ne sont que des exemples.
Il serait également bon d'encourager dès maintenant le développement de
l'interrégionalité pour initier la réalisation de grands projets ou d'actions
plus larges et pour préparer les échéances, à mon sens inéluctables, même si
elles sont encore assez lointaines. Ces transferts de compétences, et donc
d'autorité, de l'Etat aux collectivités territoriales doivent naturellement
s'accompagner du renforcement de la démocratie pour conduire les citoyens à
participer activement à la vie locale et pour améliorer le fonctionnement
interne de ces collectivités.
Dans ce mouvement réside le nécessaire équilibre entre la démocratie
représentative, qui est l'armature essentielle, et celle que certains nomment
désormais « démocratie de proximité » et d'autres « démocratie participative ».
Elle constitue la troisième priorité et l'originalité de ce texte. Je ne suis
pas étonné, d'ailleurs, que ce soit la partie qui soit la plus discutée, car
c'est aussi la plus novatrice. Le texte du Gouvernement la concrétise avec,
notamment, la création obligatoire de conseils de quartier dans les ville de
plus de 20 000 habitants, seuil retenu par le Gouvernement.
J'ai plaisir, avec tout le groupe socialiste, à soutenir cette mesure, pour la
mise en place de laquelle je me suis beaucoup impliqué au fil des années. J'ai,
en effet, été l'un des premiers, dès le début de mon mandat de maire de Lille,
dans les années soixante-dix, à créer des « villages dans la ville ». J'en ai
créé onze qui, depuis trente ans, n'ont cessé de rencontrer l'adhésion des élus
et de la population.
Pour moi - je voudrais vous en convaincre, mais vous le savez bien - le
quartier est le territoire le plus proche des citoyens, celui où il est plus
facile de les informer et de leur demander leur avis sur des projets qui les
concernent.
M. Patrick Lassourd.
Comme la commune !
M. Pierre Mauroy.
C'est à ce niveau que la puissance publique peut le plus rapidement apporter
des réponses concrètes sur le plan sanitaire et social, en matière de logement,
de propreté, ou sur celui, essentiel, de la sécurité.
Sur ce dernier point - vous le savez tous - la rue et les quartiers ont
beaucoup changé au cours des dernières années : les problèmes de sécurité y
sont devenus plus sensibles. C'est au niveau du quartier que le maire peut le
mieux trouver, à condition de bien l'associer à cette politique, le point
d'articulation entre l'action des différentes forces de sécurité, celle de la
police de proximité, mise en place par le Gouvernement, qui reste du ressort de
l'Etat, et celle de la police municipale.
Bref, les conseils de quartier doivent jouer, dans l'avenir, un rôle majeur
pour améliorer la vie quotidienne des citoyens.
M. Jean-Pierre Plancade.
Très bien !
M. Pierre Mauroy.
Ils constituent en effet la jointure démocratique la plus sensible entre
l'autorité du maire et celle, nouvelle, que nous voulons donner aux populations
qui vivent dans le quartier. Par conséquent, on ne peut pas résumer l'action
d'un conseil de quartier à la tenue de réunions avec les représentants des
associations. C'est beaucoup plus que cela. Certes, les associations sont bien
réunies, mais dans un cadre articulé avec le pouvoir du maire et du conseil
municipal élus sur l'ensemble de la ville.
M. Jean-Pierre Plancade.
Très bien !
M. Pierre Mauroy.
La création, dans les villes importantes, à côté des conseils de quartier, de
mairies de quartier dotées des services techniques appropriés, est un gage
supplémentaire de bonne gouvernance municipale.
Le temps me manque, mais d'autres orateurs du groupe socialiste évoqueront
l'ensemble des dispositions qui favorisent la participation accrue à la vie
locale et l'implication dans le débat public, qu'il s'agisse des procédures de
décentralisation, des enquêtes publiques et de la participation des usagers à
la vie des services publics.
J'approuve les mesures affirmant les droits des élus au sein des assemblées
locales, notamment de ceux de l'opposition, à condition que leur intervention
ne tourne pas à la farce.
(Sourires.)
Que voulez-vous, chers collègues
de la majorité sénatoriale, c'est cela, la démocratie ! Tantôt nous en sommes
heureux, tantôt elle nous fait mal, mais il s'agit quand même du pouvoir assuré
entre deux scrutins par une majorité qui s'est dégagée des urnes.
M. Jean-Pierre Demerliat.
Très bien !
M. Pierre Mauroy.
Eh oui, il n'y a pas d'autres solutions !
M. Jean-Pierre Plancade.
Voilà !
M. Pierre Mauroy.
Il faut donc adoucir le sort des oppositions, il faut les associer, les
informer. Mais tous les gadgets qui tendraient à se substituer peu ou prou à
des majorités seraient synonymes de désordres démocratiques.
M. Jean-Pierre Plancade.
Très bien !
M. Pierre Mauroy.
Ceux qui ont de l'expérience connaissent cela par coeur.
J'approuve aussi que l'on facilite l'accès aux fonctions électives de
catégories plus diversifiées, telles que les femmes, les jeunes, les salariés
du secteur privé.
M. Patrick Lassourd.
Les fonctionnaires aussi !
M. Pierre Mauroy.
Je me félicite également des dispositions qui tendent à définir les contours -
dois-je le dire, monsieur le ministre ? - d'un « statut », même si le terme
doit être censuré. Mais, finalement, toutes les mesures que vous prenez depuis
un certain temps et qui sont contenues dans votre projet de loi vont dans le
sens de l'élaboration d'un statut, qui a été réclamé sur toutes les travées
depuis bien des années. Sur ce plan, on fait une avancée, et on a raison ! Ces
dispositions conduisent à rapprocher du droit commun le sort de ceux qui
dédient une partie de leur vie à la chose politique, en ce qui concerne
notamment les droits sociaux et le retour à la vie professionnelle. Tout cela
participe de l'esprit de la décentralisation et tend à moderniser et à faire
évoluer notre démocratie.
J'évoquerai maintenant brièvement les services départementaux d'incendie et de
secours. Comment avons-nous pu créer cette usine à gaz ? Si j'ai bonne mémoire,
le dispositif est d'origine parlementaire...
Il était indispensable de revoir la loi sur les SDIS. Vous avez eu le courage
de le faire, monsieur le ministre, et je m'en réjouis. La commission pour
l'avenir de la décentralisation avait émis l'idée que ce service soit adossé au
conseil général : c'est ce que vous avez prévu. Cette disposition doit donner
satisfaction, à condition que les crédits soient abondés. C'est d'ailleurs une
proposition que vous formulez pour les communes, et elle sera appréciée.
Mais la commission que j'ai présidée avait lancé une autre idée, qui n'avait
pas recueilli l'accord de tous ses membres. Nous en avions longuement débattu
et j'y étais assez favorable, je dois le dire. Il s'agissait de la création
d'un grand service public de sécurité civile composé de personnels formés pour
faire face aux catastrophes naturelles, aux attentats, aux risques industriels,
notamment, bref toutes actions qui n'entrent pas directement dans les
attributions de la police ou de l'armée de métier.
Il n'est pas possible de mettre des policiers partout, mais je pense qu'on
serait bien inspiré de diversifier en ce domaine, d'autant que ce corps ne
serait pas un autre corps de police. Il devrait être adapté aux collectivités
territoriales. En tout cas, je ne fais qu'évoquer cette idée, persuadé que nous
y reviendrons et qu'elle fera son chemin.
Au total, monsieur le ministre, mes chers collègues, je suis convaincu que ce
texte et l'ensemble des dispositions déjà adoptées comme celles qui ont été
annoncées constituent bien une nouvelle étape de la décentralisation dans notre
pays.
Le vieux modèle français s'épuise. Les assemblées parlementaires, en
particulier le Sénat, devraient toutes s'accorder à le constater.
Le moment était venu d'équilibrer dans la République le mouvement d'en haut,
l'autorité de l'Etat, et celui d'en bas, les légitimes aspirations de nos
concitoyens. Mais, pour prendre tout son sens et sa force, ce nouveau schéma
doit être complété par deux réformes qui conditionnent la réussite de
l'ensemble et qui restent à entreprendre. Compte tenu du lien unissant la
décentralisation et la déconcentration, il est indispensable d'engager une
nouvelle étape de la déconcentration des services et des missions de l'Etat au
niveau des préfets, des régions, des départements et surtout de réaliser la
nécessaire réforme de l'Etat. Mais c'est une autre histoire et tel n'est pas le
sujet de notre débat.
La seconde réforme essentielle est celle des finances locales, dont on parle
toujours, mais qui ne se fait pas. Je sais que le Gouvernement y travaille
actuellement et qu'il devra formuler prochainement des propositions. Nous en
reparlerons donc.
Telles sont les réflexions que m'inspire le projet de loi dont nous débattons.
Je sais, monsieur le ministre, que vous partagez ma conviction que la démarche
de décentralisation est un vrai projet de société et un vrai projet d'avenir,
qui doit susciter dans la population, chez les élus, comme chez ceux qui ont
choisi de servir l'Etat, enthousiasme et mobilisation.
Je pense que tous les fonctionnaires qui servent l'Etat doivent aussi servir
la décentralisation. De la même façon, tous ceux qui animent des collectivités
territoriales doivent être habités par l'esprit de la décentralisation, car il
ne servirait à rien de demander la décentralisation à l'Etat si l'on
n'acceptait pas de la pratiquer dans les communes, dans les départements et
dans les régions.
L'enjeu est important. Nous nous félicitons, monsieur le ministre, qu'à
travers ce projet de loi et l'ensemble des mesures déjà prises le gouvernement
de Lionel Jospin nous livre ainsi, avant le grand débat démocratique des
prochains mois, sa vision de la France de demain. Je ne doute point que cette
France-là, c'est-à-dire la nôtre, sera républicaine et décentralisée.
(Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur certaines travées
du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président.
La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.
6
COMMUNICATION DE L'ADOPTION DÉFINITIVE
DE TEXTES SOUMIS AU SÉNAT
EN APPLICATION DE L'ARTICLE 88-4
DE LA CONSTITUTION
M. le président.
M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre une communication,
en date du 7 janvier 2002, l'informant de l'adoption définitive des
soixante-douze textes soumis en application de l'article 88-4 de la
Constitution suivants :
N° E 193. - Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil sur
les dessins ou modèles communautaires (adoptée le 12 décembre 2001).
N° E 1280. - Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil
instituant un code communautaire relatif aux médicaments à usage humain
(version codifiée) (adoptée le 6 novembre 2001).
N° E 1293. - Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil
modifiant la directive 91/308/CEE du Conseil du 10 juin 1991 relative à la
prévention de l'utilisation du système financier aux fins du blanchiment de
capitaux (présentée par la Commission) (adoptée le 4 décembre 2001).
N° E 1311. - Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil
instituant un code communautaire relatif aux médicaments vétérinaires (version
codifiée) (adoptée le 6 novembre 2001).
N° E 1619. - Proposition de décision du Conseil relative à l'association des
pays et territoires d'outre-mer à la Communauté européenne (outre-mer) (adoptée
le 27 novembre 2001).
N° E 1652. - Annexe 01. - Avant-projet de budget rectificatif et supplémentaire
n° 1 au budget 2001. - Section III. - Commission (adopté suite à l'arrêt
définitif du budget rectificatif et supplémentaire signé par la présidente du
Parlement européen le 1er mars 2001).
N° E 1652. - Annexe 02. - Avant-projet de budget rectificatif et supplémentaire
n° 2 au budget 2001. - Section II. - Conseil (adopté suite à l'arrêt définitif
du budget rectificatif et supplémentaire signé par la présidente du Parlement
européen le 17 mai 2001).
N° E 1654. - Initiative du Gouvernement de la République française visant à
faire adopter par le Conseil un projet de décision du Conseil relative à la
protection de l'euro contre le faux monnayage (adoptée le 7 décembre 2001).
N° E 1692. - Proposition de décision du Conseil concernant la signature de
l'accord entre la Communauté européenne et la Roumanie établissant certaines
conditions pour le transport de marchandises par route et la promotion du
transport combiné. Proposition de décision du Conseil concernant la conclusion
de l'accord entre la Communauté européenne et la Roumanie établissant certaines
conditions pour le transport de marchandises par route et la promotion du
transport combiné :
1re proposition : adoptée le 18 juin 2001.
2e proposition : adoptée le 6 décembre 2001.
N° E 1705. - Demande de dérogation présentée par l'Espagne conformément à
l'article 27, paragraphe 2, de la sixième directive du Conseil du 17 mai 1977
en matière de TVA (or d'investissement) : lettre de la Commission aux Etats
membres (adoptée le 6 novembre 2001).
N° E 1712. - Proposition de règlement du Conseil modifiant le règlement (CE) n°
1267/1999 établissant un instrument structurel de préadhésion (adoptée le 4
décembre 2001).
N° E 1719. - Deux projets d'instruments juridiques prévoyant d'éventuelles
modifications de la convention EUROPOL ainsi qu'une extension du mandat
d'EUROPOL : initiative du Royaume de Suède en vue de l'adoption d'un acte du
Conseil établissant, sur la base de l'article 43, paragraphe 1, de la
convention EUROPOL, le protocole modifiant l'article 2 de ladite convention
(participation d'EUROPOL à des équipes communes d'enquête, possibilités qu'a
EUROPOL de demander aux Etats membres d'ouvrir des enquêtes). Initiative du
Royaume de Suède en vue de l'adoption d'une décision du Conseil étendant le
mandat d'EUROPOL à la lutte contre les formes graves de criminalité
internationale énumérées à l'annexe de la convention EUROPOL et ajoutant des
définitions de ces formes de criminalité à ladite annexe : note de la
présidence au groupe EUROPOL.
1re proposition : devenue caduque suite à l'initiative du Royaume de Belgique,
de la République française, du Royaume d'Espagne et du Royaume-Uni en vue de
l'adoption d'une décision-cadre du Conseil (n° E 1832).
2e proposition : adoptée le 7 décembre 2001.
N° E 1734. - Proposition de règlement du Conseil concernant l'aide financière
de préadhésion en faveur de la Turquie (adoptée le 17 décembre 2001).
N° E 1747. - Proposition de décision du Conseil accordant une garantie de la
Communauté à la Banque européenne d'investissement pour les pertes résultant
d'une action spéciale de prêt pour la réalisation de projets environnementaux
sélectionnés dans la partie russe du bassin de la mer Baltique relevant de la «
dimension septentrionale » (adoptée le 6 novembre 2001).
N° E 1754. - Proposition de décision du Conseil concernant une deuxième
contribution de la Communauté européenne à la Banque européenne pour la
reconstruction et le développement en faveur du fonds pour la réalisation d'un
massif de protection à Tchernobyl (adoptée le 16 novembre 2001).
N° E 1757. - Proposition de règlement du Conseil portant application d'un
schéma de préférences tarifaires généralisées (SPG) pour la période du 1er
janvier 2002 au 31 décembre 2004 (adoptée le 10 décembre 2001).
N° E 1759. - Proposition de règlement du Conseil portant organisation commune
des marchés dans le secteur des viandes ovine et caprine (adoptée le 19
décembre 2001).
N° E 1764. - Proposition de règlement du Conseil modifiant le règlement (CE) n°
1493/1999 portant organisation commune du marché vitivinicole (adoptée le 19
décembre 2001).
N° E 1768. - Proposition de règlement du Conseil relatif aux modalités
d'application de l'article 12, paragraphe 2, de l'accord sous forme d'échange
de lettres entre la Communauté économique européenne et la Principauté
d'Andorre (adoptée le 15 novembre 2001).
N° E 1769. - Proposition de décision du Conseil modifiant la décision
2000/24/CE afin d'étendre la garantie accordée par la Communauté à la Banque
européenne d'investissement aux prêts en faveur de projets réalisés dans la
République fédérale de Yougoslavie (adoptée le 6 novembre 2001).
N° 1772. - Communication du Royaume de Suède : initiative du Royaume de Suède
visant à l'adoption par le Conseil d'une décision-cadre portant modification de
la décision-cadre 2000/383/JAI du Conseil du 29 mai 2000 visant à renforcer par
des sanctions pénales et autres la protection contre le faux monnayage en vue
de la mise en circulation de l'euro. - Note de transmission de Gunnar Lund,
représentant permanent de la Suède, à Javier Solana, Secrétaire général/Haut
Représentant (adoptée le 7 décembre 2001).
N° E 1781. - Proposition de décision du Conseil relative à la conclusion, entre
la Communauté européenne et la République slovaque, d'un accord concernant les
produits de la pêche sous la forme d'un protocole additionnel à l'accord
européen établissant une association entre les Communautés européennes et leurs
Etats membres, d'une part, et la République slovaque, d'autre part (adoptée le
17 décembre 2001).
N° E 1782. - Proposition de décision du Conseil relative à la conclusion, entre
la Communauté européenne et la République de Hongrie, d'un accord concernant
les produits de la pêche sous la forme d'un protocole additionnel à l'accord
européen établissant une association entre les Communautés européennes et leurs
Etats membres, d'une part, et la République de Hongrie, d'autre part (adoptée
le 17 décembre 2001).
N° E 1783. - Proposition de décision du Conseil relative à la conclusion, entre
la Communauté européenne et la République de Pologne, d'un accord concernant
les produits de la pêche sous la forme d'un protocole additionnel à l'accord
européen établissant une association entre les Communautés européennes et leurs
Etats membres, d'une part, et la République de Pologne, d'autre part (adoptée
le 17 décembre 2001).
N° E 1784. - Proposition de décision du Conseil relative à la conclusion, entre
la Communauté européenne et la République de Slovénie, d'un accord concernant
les produits de la pêche sous la forme d'un protocole additionnel à l'accord
européen établissant une association entre les Communautés européennes et leurs
Etats membres, d'une part, et la République de Slovénie, d'autre part (adoptée
le 17 décembre 2001).
N° E 1785. - Proposition de décision du Conseil relative à la conclusion, entre
la Communauté européenne et la République d'Estonie, d'un accord concernant les
produits de la pêche sous la forme d'un protocole additionnel à l'accord
européen établissant une association entre les Communautés européennes et leurs
Etats membres, d'une part, et la République d'Estonie, d'autre part (adoptée le
17 décembre 2001).
N° E 1787. - Proposition de règlement du Conseil relatif à la conclusion du
protocole fixant les possibilités de pêche et la contrepartie financière
prévues dans l'accord entre la Communauté économique européenne et la
République démocratique de Madagascar concernant la pêche au large de
Madagascar pour la période du 21 mai 2001 au 20 mai 2004 (adoptée le 17
décembre 2001).
N° E 1788. - Proposition de règlement du Conseil modifiant le règlement (CEE)
n° 2204/90 établissant des règles générales complémentaires de l'organisation
commune des marchés dans le secteur du lait et des produits laitiers en ce qui
concerne les fromages (adoptée le 19 décembre 2001).
N° E 1790. - Proposition de décision du Conseil autorisant la tacite
reconduction ou le maintien en vigueur pour quatre ans, jusqu'au 30 avril 2005,
des dispositions dont les matières relèvent de la politique commerciale
commune, contenues dans les traités d'amitié, de commerce et de navigation et
dans les accords commerciaux, ceux de l'annexe de la décision 95/133, conclus
par les Etats membres avec les pays tiers (adoptée le 15 novembre 2001).
N° E 1791. - Proposition de décision du Conseil relative à la conclusion, entre
la Communauté européenne et la République de Lituanie, d'un accord concernant
les produits de la pêche sous forme d'un protocole additionnel à l'accord
européen établissant une association entre les Communautés européennes et leurs
Etats membres, d'une part, et la République de Lituanie, d'autre part (adoptée
le 17 décembre 2001).
N° E 1792. - Proposition de décision du Conseil relative à la conclusion, entre
la Communauté européenne et la République de Lettonie, d'un accord concernant
les produits de la pêche sous la forme d'un protocole additionnel à l'accord
européen établissant une association entre les Communautés européennes et leurs
Etats membres, d'une part, et la République de Lettonie, d'autre part (adoptée
le 17 décembre 2001).
N° E 1797. - Proposition de règlement du Conseil relatif à la conclusion de
deux accords sous forme d'échanges de lettres relatifs à la prorogation du
protocole fixant les possibilités de pêche et la contrepartie financière
prévues par l'accord conclu entre la Communauté économique européenne et le
Gouvernement de la République du Sénégal concernant la pêche au large de la
côte sénégalaise pour les périodes allant du 1er mai 2001 au 31 juillet 2001 et
du 1er août 2001 au 31 décembre 2001 (adoptée le 15 novembre 2001).
N° E 1799. - Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil
concernant les paiements transfrontaliers en euros (adoptée le 19 décembre
2001).
N° E 1801. - Proposition de décision du Conseil relative à la conclusion d'un
protocole additionnel d'adaptation des aspects commerciaux de l'accord européen
établissant une association entre les Communautés européennes et leurs Etats
membres, agissant dans le cadre de l'Union européenne, d'une part, et la
République de Slovénie, d'autre part, pour tenir compte des résultats des
négociations entre les parties concernant l'établissement de concessions
préférentielles réciproques pour certains vins et spiritueux, la
reconnaissance, la protection et le contrôle des dénominations de vins, ainsi
que la reconnaissance, la protection et le contrôle réciproques des
appellations de spiritueux et de boissons aromatisées (adoptée le 4 décembre
2001).
N° E 1802. - Proposition de décision du Conseil relative à la conclusion d'un
protocole additionnel à l'accord de stabilisation et d'association entre les
Communautés européennes et leurs Etats membres, d'une part, et la République de
Croatie, d'autre part, pour tenir compte des résultats des négociations entre
les parties concernant l'établissement de concessions préférentielles
réciproques pour certains vins et spiritueux, la reconnaissance, la protection
et le contrôle réciproques des dénominations de vins, ainsi que la
reconnaissance, la protection et le contrôle réciproques des appellations de
spiritueux et de boissons aromatisées (adoptée le 3 décembre 2001).
N° E 1803. - Proposition de règlement du Conseil portant ouverture et mode de
gestion d'un contingent tarifaire pour les importations de café soluble
relevant du code NC 2101 11 11 (adoptée le 5 novembre 2001).
N° E 1804. - Proposition de décision du Conseil relative à la conclusion d'un
protocole additionnel à l'accord intérimaire entre les Communautés européennes
et leurs Etats membres, d'une part, et la République de Croatie, d'autre part,
pour tenir compte des résultats des négociations entre les parties concernant
l'établissement de concessions préférentielles réciproques pour certains vins
et spiritueux, la reconnaissance, la protection et le contrôle réciproques des
dénominations de vins, ainsi que la reconnaissance, la protection et le
contrôle réciproques des appellations de spiritueux et de boissons aromatisées
(adoptée le 3 décembre 2001).
N° E 1805. - Proposition de décision du Conseil relative à la conclusion d'un
protocole additionnel à l'accord de stabilisation et d'association entre les
Communautés européennes et leurs Etats membres, d'une part, et l'ancienne
République yougoslave de Macédoine, d'autre part, pour tenir compte des
résultats des négociations entre les parties concernant l'établissement de
concessions préférentielles réciproques pour certains vins et spiritueux, la
reconnaissance, la protection et le contrôle réciproques des dénominations de
vins, ainsi que la reconnaissance, la protection et le contrôle réciproques des
appellations de spiritueux et de boissons aromatisées (adoptée le 3 décembre
2001).
N° E 1806. - Proposition de décision du Conseil relative à la conclusion d'un
protocole additionnel à l'accord intérimaire entre les Communautés européennes
et leurs Etats membres, d'une part, et l'ancienne République yougoslave de
Macédoine, d'autre part, pour tenir compte des résultats des négociations entre
les parties concernant l'établissement de concessions préférentielles
réciproques pour certains vins et spiritueux, la reconnaissance, la protection
et le contrôle réciproques des dénominations de vins, ainsi que la
reconnaissance, la protection et le contrôle réciproques des appellations de
spiritueux et de boissons aromatisées (adoptée le 3 décembre 2001).
N° E 1807. - Projet d'accord entre EUROPOL et la Pologne : projet d'accord
entre la République de Pologne et l'Office européen de police en matière de
coopération dans la lutte contre la criminalité (adopté le 5 novembre 2001).
N° E 1808. - Projet d'accord entre EUROPOL et la Hongrie (adopté le 5 novembre
2001)
N° E 1809. - Projet d'accord entre EUROPOL et l'Estonie (adopté le 5 novembre
2001)
N° E 1810. - Projet d'accord entre EUROPOL et la Slovénie (adopté le 5 novembre
2001)
N° E 1812. - Proposition de règlement du Conseil modifiant le règlement (CEE)
n° 404/93 portant organisation commune des marchés dans le secteur de la banane
(adoptée le 19 décembre 2001).
N° E 1815. - Propositions de décisions du Conseil relatives à la conclusion
d'un accord-cadre entre la Communauté européenne et respectivement les
Républiques de Chypre, de Malte et de Turquie établissant les principes
généraux de la participation des Républiques de Chypre, de Malte et de Turquie
aux programmes communautaires. [Annexe financière concernant les contributions
estimées de Chypre, Malte et la Turquie en vue de leur participation aux
programmes communautaires, voir SEC (2001) 1576] (adoptées le 17 décembre
2001).
N° E 1817. - Accises : huiles minérales : Irlande : demande de dérogation en
application de la directive 92/81/CE, article 8, paragraphe 4 : gazole en
faible teneur en soufre (50 ppm) (adoptée le 4 décembre 2001).
N° E 1821. - Proposition de règlement du Conseil modifiant le droit autonome du
tarif douanier commun applicable à l'ail (code NC 0703 20 00) (adoptée le 15
novembre 2001).
N° E 1822. - Proposition de règlement du Conseil modifiant le règlement (CE) n°
2666/2000 du Conseil relatif à l'aide à l'Albanie, à la Bosnie-Herzégovine, à
la Croatie, à la République fédérale de Yougoslavie et à l'ancienne République
yougoslave de Macédoine et abrogeant le règlement (CE) n° 1628/96 ainsi que
modifiant les règlements (CEE) n° 3906/89 et (CEE) n° 1360/90 et les décisions
97/256/CEE et 1999/311/CE, et le règlement (CE) n° 2667/2000 du Conseil relatif
à l'Agence européenne pour la reconstruction (adoptée le 10 décembre 2001).
N° E 1823. - Proposition de règlement du Conseil concernant l'adoption de
mesures restrictives à l'encontre de certaines personnes et entités dans le
cadre de la lutte contre le terrorisme international (adoptée le 27 décembre
2001).
N° E 1824. - Proposition de décision du Conseil relative à la conclusion d'un
accord entre la Communauté européenne et la République de Malte concernant les
poissons et les produits de la pêche sous la forme d'un protocole additionnel à
l'accord établissant une association entre la Communauté européenne et Malte
(adoptée le 10 décembre 2001).
N° E 1825. - Proposition de décision du Conseil modifiant la décision
1999/733/CE du Conseil portant attribution d'une aide macrofinancière
supplémentaire à l'ancienne République yougoslave de Macédoine (adoptée le 10
décembre 2001).
N° E 1826. - Proposition de règlement du Conseil modifiant le règlement (CE) n°
47/1999 relatif au régime d'importation pour certains produits textiles
originaires de Taïwan (art. 4) (adoptée le 16 novembre 2001).
N° E 1833. - Proposition de décision du Conseil relative à la conclusion de
l'accord sous forme d'échange de lettres relatif à l'application provisoire du
protocole fixant les possibilités de pêche et la contrepartie financière
prévues dans l'accord entre la Communauté économique européenne et la
République du Cap-Vert concernant la pêche au large du Cap-Vert pour la période
allant du 1er juillet 2001 au 30 juin 2004 (adoptée le 17 décembre 2001).
N° E 1840. - Proposition de décision du Conseil relative à la conclusion d'un
accord entre la Communauté européenne et la République de Chypre concernant les
poissons et les produits de la pêche sous la forme d'un protocole additionnel à
l'accord établissant une association entre la Communauté économique européenne
et la République de Chypre (adoptée le 10 décembre 2001).
N° E 1843. - Proposition de règlement du Conseil portant modification et mise à
jour du règlement (CE) n° 1334/2000 instituant un régime communautaire de
contrôle des exportations de biens et technologies à double usage (adoptée le
20 novembre 2001).
N° E 1844. - Proposition de décision du Conseil établissant certaines
concessions autonomes et transitoires sous forme de contingents tarifaires
communautaires applicables à l'importation dans la Communauté de tomates
originaires du Royaume du Maroc (adoptée le 21 novembre 2001).
N° E 1845. - Proposition de décision du Conseil concernant la conclusion de
l'accord sous forme d'échange de lettres relatif à l'application provisoire du
protocole fixant, pour la période allant du 16 juin 2001 au 15 juin 2006, les
possibilités de pêche et la contrepartie financière prévues dans l'accord entre
la Communauté économique europénne et le Gouvernement de la République de
Guinée-Bissau concernant la pêche au large de la côte de Guinée-Bissau (adoptée
le 10 décembre 2001).
N° E 1847. - Projet de décision 2001/.../CECA de la Commission modifiant
l'annexe de la décision n° 244/2001/CECA de la Commission relative à
l'administration de certaines restrictions à l'importation de certains produits
sidérurgiques en provenance de la Fédération de Russie (avis conforme du
Conseil adopté le 21 novembre 2001).
N° E 1848. - Proposition de règlement du Conseil abrogeant le règlement (CE) n°
926/98 concernant la réduction de certaines relations économiques avec la
République fédérale de Yougoslavie (adoptée le 5 novembre 2001).
N° E 1849. - Proposition de règlement du Conseil modifiant le règlement (CEE)
n° 2658/87 et suspendant, à titre autonome, les droits du tarif douanier commun
sur certains produits industriels (préparation sous forme de gel pour être
utilisée en médecine, plomb, simulateur pour entretien au sol des aéronefs)
(adoptée le 6 décembre 2001).
N° E 1853. - Proposition de décision du Conseil modifiant la décision
2001/549/CE du 16 juillet 2001 portant attribution d'une aide macrofinancière à
la République fédérale de Yougoslavie (adoptée le 10 décembre 2001).
N° E 1854. - Proposition de règlement du Conseil modifiant le règlement (CE) n°
1255/96 portant suspension temporaire des droits autonomes du tarif douanier
commun sur certains produits industriels, agricoles et de la pêche
(remplacement complet de l'annexe) (adoptée le 19 décembre 2001).
N° E 1855. - Proposition de décision du Conseil portant approbation de la
conclusion, par la Commission, de l'accord entre la Communauté européenne de
l'énergie atomique et l'Organisation pour le développement énergétique de la
péninsule coréenne (KEDO) (adoptée le 7 décembre 2001).
N° E 1859. - Proposition de décision du Conseil relative à la conclusion des
accords sous forme d'échange de lettres entre la Communauté européenne et,
d'une part, la Barbade, le Belize, la République du Congo, Fidji, la République
coopérative de Guyana, la République de Côte d'Ivoire, la Jamaïque, la
République du Kenya, la République de Madagascar, la République du Malawi, la
République de Maurice, la République du Suriname, Saint-Christophe-et-Nevis, le
Royaume du Swaziland, la République unie de Tanzanie, la République de
Trinidad-et-Tobago, la République d'Ouganda, la République de Zambie, la
République du Zimbabwe, d'autre part, la République de l'Inde sur
l'approvisionnement en sucre brut de canne à raffiner (adoptée le 3 décembre
2001).
N° E 1861. - Proposition de décision du Conseil relative à la conclusion de
l'accord sous forme d'échange de lettres relatif à l'application provisoire du
protocole fixant les possibilités de pêche et la contrepartie financière
prévues dans l'accord de coopération en matière de pêches maritimes entre la
Communauté européenne et la République islamique de Mauritanie pour la période
allant du 1er août 2001 au 31 juillet 2006 (adoptée le 17 décembre 2001).
N° E 1862. - Proposition de règlement du Conseil relative à la conclusion du
protocole fixant les possibilités de pêche et la contrepartie financière
prévues dans l'accord de coopération en matière de pêches maritimes entre la
Communauté européenne et la République islamique de Mauritanie pour la période
allant du 1er août 2001 au 31 juillet 2006 (adoptée le 17 décembre 2001).
N° E 1863. - Proposition de décision du Conseil modifiant la décision
1999/325/CE du Conseil portant attribution d'une aide macrofinancière à la
Bosnie-Herzégovine (adoptée le 10 décembre 2001).
N° E 1865. - Proposition de règlement du Conseil modifiant le règlement (CE) n°
2505/96 portant ouverture et mode de gestion de contingents tarifaires
communautaires autonomes pour certains produits agricoles et industriels
(annexe I : remplacement du tableau) (adoptée le 17 décembre 2001).
N° E 1869. - Projet d'accord entre les Etats-Unis d'Amérique et l'Office
européen de police (EUROPOL) (adoptée le 7 décembre 2001).
N° E 1874. - Proposition de décision du Conseil relative à la signature, au nom
de la Communauté européenne, d'un accord sous forme de protocole d'accord
(paraphé le 15 octobre 2001), entre la Communauté européenne et la République
islamique du Pakistan, concernant des arrangements dans le domaine de l'accès
au marché des produits textiles et d'habillement, et autorisant son application
provisoire (adoptée le 17 décembre 2001).
N° E 1888. - Proposition de règlement du Conseil modifiant le règlement (CE) n°
2820/98 portant application d'un schéma pluriannuel de préférences tarifaires
généralisées pour la période du 1er juillet 1999 au 31 décembre 2001, afin
d'inclure le Sénégal dans la liste des pays bénéficiant du dispositif
spécifique d'aide en faveur des pays les moins avancés (adoptée le 19 décembre
2001).
N° E 1889. - Proposition de décision du Conseil relative à un échange de
lettres entre la Communauté européenne et l'Office de secours et de travaux des
Nations unies pour les réfugiés de Palestine au Proche-Orient (UNRWA)
concernant un financement supplémentaire en 2001, pour la période 1999-2001, au
titre de la convention CE-UNRWA actuellement en vigueur (adoptée le 19 décembre
2001).
7
DÉPÔT D'UNE PROPOSITION DE LOI
M. le président.
J'ai reçu de M. Jean-Louis Masson une proposition de loi tendant à ce que les
services départementaux d'incendie et de secours soient financés à 100 % par
les départements.
La proposition de loi sera imprimée sous le numéro 165, distribuée et renvoyée
à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage
universel, du règlement et d'administration générale, sous réserve de la
constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues
par le règlement.
8
DÉPÔTS RATTACHÉS POUR ORDRE
AU PROCÈS-VERBAL DE LA SÉANCE
DU 20 DÉCEMBRE 2001
TEXTES SOUMIS EN APPLICATION
DE L'ARTICLE 88-4 DE LA CONSTITUTION
M. le président.
M. le président du Sénat a reçu le 26 décembre 2001 de M. le Premier ministre
le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de
l'article 88-4 de la Constitution :
- Accord sous forme d'échange de lettres concernant l'application provisoire
de certains accords entre la Communauté européenne et la République d'Afrique
du Sud relatif au commerce des vins et au commerce des boissons
spiritueuses.
Ce texte sera imprimé sous le numéro E 1894 et distribué.
M. le président du Sénat a reçu le 26 décembre 2001 de M. le Premier ministre
le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de
l'article 88-4 de la Constitution :
- Proposition de décision-cadre du Conseil concernant la lutte contre le
racisme et la xénophobie.
Ce texte sera imprimé sous le numéro E 1895 et distribué.
M. le président du Sénat a reçu le 26 décembre 2001 de M. le Premier ministre
le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de
l'article 88-4 de la Constitution :
- Proposition de règlement du Conseil portant suspension temporaire des droits
autonomes du tarif douanier commun lors de l'importation d'un certain nombre de
produits industriels et portant ouverture et mode de gestion de contingents
tarifaires communautaires autonomes lors de l'importation de certains produits
de la pêche aux îles Canaries.
Ce texte sera imprimé sous le numéro E 1896 et distribué.
M. le président du Sénat a reçu le 26 décembre 2001 de M. le Premier ministre
le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de
l'article 88-4 de la Constitution :
- Proposition de décision du Conseil relative au régime d'impôt AIEM
applicable aux îles Canaries.
Ce texte sera imprimé sous le numéro E 1897 et distribué.
M. le président du Sénat a reçu le 26 décembre 2001 de M. le Premier ministre
le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de
l'article 88-4 de la Constitution :
- Projet de budget rectificatif et supplémentaire d'EUROPOL pour 2002.
Ce texte sera imprimé sous le numéro E-1898 et distribué.
M. le président du Sénat a reçu le 26 décembre 2001 de M. le Premier ministre
le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de
l'article 88-4 de la Constitution :
- Projet d'accord entre EUROPOL et la Confédération suisse.
Ce texte sera imprimé sous le numéro E-1899 et distribué.
M. le président du Sénat a reçu le 26 décembre 2001 de M. le Premier ministre
le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de
l'article 88-4 de la Constitution :
- Projet d'accord entre EUROPOL et la République tchèque.
Ce texte sera imprimé sous le numéro E-1900 et distribué.
M. le président du Sénat a reçu le 26 décembre 2001 de M. le Premier ministre
le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de
l'article 88-4 de la Constitution :
- Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité
économique et social et au Comité des régions - Programme de travail de la
Commission pour 2002.
Ce texte sera imprimé sous le numéro E-1901 et distribué.
M. le président du Sénat a reçu le 4 janvier 2002 de M. le Premier ministre le
texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article
88-4 de la Constitution :
- Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil établissant les
procédures communautaires pour l'autorisation, la surveillance et la
pharmacovigilance en ce qui concerne les médicaments à usage humain et à usage
vétérinaire et instituant une agence européenne pour l'évaluation des
médicaments. Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil
modifiant la directive 2001/83/CE instituant un code communautaire relatif aux
médicaments à usage humain. Proposition de directive du Parlement européen et
du Conseil modifiant la directive 2001/82/CE instituant un code communautaire
relatif aux médicaments vétérinaires.
Ce texte sera imprimé sous le numéro E-1902 et distribué.
M. le président du Sénat a reçu le 4 janvier 2002 de M. le Premier ministre le
texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article
88-4 de la Constitution :
- Proposition de décision du Conseil relative à l'approbation, au nom de la
Communauté européenne, du protocole de Kyoto à la convention-cadre des Nations
unies sur les changements climatiques et l'exécution conjointe des engagements
qui en découlent.
Ce texte sera imprimé sous le numéro E-1903 et distribué.
M. le président du Sénat a reçu le 4 janvier 2002 de M. le Premier ministre le
texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article
88-4 de la Constitution :
- Proposition de décision du Conseil relative à la conclusion par la
Communauté européenne de la convention sur la conservation et la gestion des
ressources halieutiques de l'Atlantique Sud-Est.
Ce texte sera imprimé sous le numéro E-1904 et distribué.
DÉPÔT D'UN RAPPORT D'INFORMATION
M. le président.
M. le président du Sénat a reçu le 3 janvier 2002 de M. René Garrec un rapport
d'information fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de
législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale
sur la jurisprudence « Perruche ».
Ce rapport d'information sera imprimé sous le numéro 164 et distribué.
9
ORDRE DU JOUR
M. le président.
Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment
fixée au mercredi 9 janvier 2002 :
Suite de la discussion du projet de loi (n° 415, 2000-2001), adopté par
l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, relatif à la démocratie de
proximité.
Rapport (n° 156, 2001-2002) de M. Daniel Hoeffel, fait au nom de la commission
des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du
règlement et d'administration générale.
Avis (n° 161, 2001-2002) de M. Michel Mercier, fait au nom de la commission
des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la
nation.
Avis (n° 153) de M. Patrick Lassourd, fait au nom de la commission des
affaires économiques et du Plan.
Avis (n° 155) de M. Xavier Darcos, fait au nom de la commission des affaires
culturelles.
Aucune inscription de parole dans la discussion générale n'est plus
recevable.
Le délai limite pour le dépôt des amendements est expiré.
Personne ne demande la parole ?...
La séance est levée.
(La séance est levée à vingt heures.)
Le Directeur
du service du compte rendu intégral,
MONIQUE MUYARD
QUESTIONS ORALES REMISES À LA PRÉSIDENCE DU SÉNAT (Application des articles 76 à 78 du réglement)
Mise en valeur de la trufficulture
1237.
- 21 décembre 2001. -
M. Xavier Darcos
appelle l'attention de
M. le ministre de l'agriculture et de la pêche
sur la mise en valeur de la trufficulture qui, notamment en Dordogne,
représente une part importante de l'économie locale. La trufficulture repose
sur la plantation d'arbres mycorhizés (chênes, noisetiers, charmes...), à
raison de 300 arbres à l'hectare, concourant à la constitution de forêts qui se
révèlent être d'excellents protecteurs contre les incendies. Il souhaite donc
connaître les mesures susceptibles d'être prises afin de mieux associer, dans
le cadre de la loi d'orientation de la forêt, valeur forestière et
trufficulture qui apporte un revenu d'appoint pour le sylviculteur. A la suite
des violentes tempêtes qui ont ravagé la Dordogne en décembre 1999, des plans
de reboisement prenant mieux en compte les perspectives d'avenir de la
trufficulture seraient un atout majeur pour l'économie de la Dordogne.
Utilisation des mines antipersonnel en Afghanistan
1238.
- 21 décembre 2001. -
Mme Marie-Claude Beaudeau
attire l'attention
M. le ministre des affaires étrangères
sur l'utilisation de mines antipersonnel en Afghanistan. Elle lui demande de
lui confirmer que les bombardiers B 52 et B 1 auraient largué des munitions
incluant des Gators 89, système mixte de mines antipersonnel et antivéhicules.
Larguées en grappes, sans possibilités de ciblage précis sur des objectifs
militaires, d'autres sous-munitions CBU 87 auraient également accompagné les
bombardements, certaines explosant à l'impact, d'autres plus tardivement avec
les mêmes effets que les mines antipersonnel. Elle lui fait remarquer que
l'Afghanistan est déjà un des pays les plus touchés par les mines antipersonnel
(5 à 7 millions de mines), et que dans ces conditions, compte tenu des
importants déplacements de population, une recrudescence d'accidents est à
prévoir. Elle lui rappelle que, en juin 1998, notre pays a ratifié le traité
d'interdiction des mines qui, dans son article 1er, « interdit d'assister,
encourager ou inciter de quelque manière quiconque à s'engager dans toute
activité interdite à un Etat Partie ». Elle lui demande de lui confirmer que la
France se désolidarise et exprime son opposition à toute utilisation de mines
antipersonnel par l'armée américaine et refuse toute participation à une
opération conjointe au cours de laquelle des mines antipersonnel ou munitions
aux mêmes effets pourraient être utilisées. Elle lui demande de lui faire
connaître également les mesures qu'il envisage pour soutenir l'adoption par
l'OTAN d'une interdiction de ces mines dans toute opération ou exercice
conjoint. Elle lui rappelle que dix-sept pays sur dix-neuf de l'OTAN sont liés
comme la France par la signature du traité d'interdiction.
Seuils de passation d'une délégation
de service public
1239.
- 31 décembre 2001. -
M. Marcel-Pierre Cléach
appelle l'attention
M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie
sur l'article L. 1411-12 du code général des collectivités territoriales. Il
souhaite notamment que soient précisées les modalités de calcul des seuils de
passation d'une délégation de service public selon la procédure simplifiée
prévue par cet article du code. Il souligne qu'une certaine ambiguïté existe
sur le mode de calcul à retenir en l'absence d'un texte d'application précis et
en raison des contradictions des différents services de l'Etat consultés sur
cette question. C'est pourquoi, il le remercie de bien vouloir lui indiquer
s'il convient de prendre en compte le chiffre ou le résultat d'exploitation de
la délégation de service public.
Décharge du Thot
1240.
- 8 janvier 2001. -
M. Gérard Delfau
attire l'attention de
M. le ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement
sur l'atteinte grave à l'environnement et à la santé publique que représente la
décharge du Thot. Il s'agit de cette décharge publique à ciel ouvert, située
sur la route de Villeneuve-lès-Maguelone à Palavas, où Montpellier continue à
déverser en toute illégalité ses ordures ménagères. Il lui demande pendant
combien de temps sera tolérée cette montagne d'immondices, d'une quarantaine de
mètres de haut, dont les effluents ne peuvent manquer de polluer la nappe
phréatique et d'être vecteurs de maladies à des kilomètres à la ronde. Il lui
demande surtout comment, dans ces conditions, le représentant de l'Etat a pu
prendre un arrêté de périmètre pour la nouvelle communauté d'agglomération de
Montpellier, qui a pour effet de casser le syndicat mixte « Pic et étangs »,
dont les ordures ménagères étaient jusqu'ici traitées par l'incinérateur de
Lunel-Vieil. Est-il raisonnable que les trente-huit communes le composant
soient
de facto
obligées de renoncer aux services de l'incinérateur de
Lunel-Vieil, qui vient d'être construit, pour venir apporter leurs déchets à
cette même décharge du Thot ? Il souhaite connaître les mesures qu'il compte
prendre pour faire respecter la législation sur les ordures ménagères et rendre
au littoral languedocien un paysage en harmonie avec son ciel.