SEANCE DU 17 JANVIER 2002
M. le président.
L'amendement n° 319, présenté par M. Vasselle, est ainsi libellé :
« Avant l'article 31, insérer un article additionnel rédigé comme suit :
« I. - Avant l'article L. 2121-27 du code général des collectivités
territoriales il est inséré un article additionnel ainsi rédigé :
«
Art. L.
... - Les moyens humains, logistiques et financiers qui
seront mis à la disposition des élus pour l'exercice de leurs fonctions seront
fixés par l'assemblée délibérante. »
« II. - Après l'article L. 3121-23, est insérée dans le code général des
collectivités territoriales une division additionnelle ainsi rédigée :
«
Sous-section
... - Moyens mis à la disposition des élus ».
«
Art. L.
... - Les moyens humains, logistiques et financiers qui
seront mis à la disposition des élus pour l'exercice de leurs fonctions seront
fixés par l'assemblée délibérante. »
« III. - Après l'article L. 4132-22, est insérée dans le code général des
collectivités territoriales une division additionnelle ainsi rédigée :
«
Sous-section
... - Moyens mis à la disposition des élus ».
«
Art. L.
... - Les moyens humains, logistiques et financiers qui
seront mis à la disposition des élus pour l'exercice de leurs fonctions seront
fixés par l'assemblée délibérante. »
« IV. - Après l'article L. 5211-11, est insérée dans le code général des
collectivités territoriales une division additionnelle ainsi rédigée :
«
Sous-section
... - Moyens mis à la disposition des élus ».
«
Art. L.
... - Les moyens humains, logistiques et financiers qui
seront mis à la disposition des élus pour l'exercice de leurs fonctions seront
fixés par l'assemblée délibérante. »
La parole est à M. Vasselle.
M. Alain Vasselle.
Cet amendement vise à redéfinir les conditions dans lesquelles les élus locaux
peuvent disposer de moyens humains, logistiques et financiers pour l'exercice
de leur mandat.
Jusqu'à présent, ces conditions sont définies par l'intermédiaire des groupes
politiques. Il me paraît souhaitable, depuis qu'ont été votées les lois de
décentralisation qui ont affirmé le principe d'une libre administration des
collectivités territoriales, que nous laissions à chaque assemblée délibérante
le soin de définir les modalités et les niveaux de concours en termes de moyens
humains, logistiques et financiers qu'elle souhaite mettre à la disposition des
élus.
Je ferai référence à un débat que j'ai vécu voilà quelques semaines au sein de
l'assemblée départementale dans laquelle je siège depuis plusieurs années. Tous
les groupes politiques de l'assemblée ont demandé que soient renforcés les
moyens mis à leur disposition pour exercer leur mandat. Le groupe communiste et
le groupe socialiste, notamment, demandaient au président de l'assemblée
départementale que chacun des élus puisse bénéficier d'un micro-ordinateur. Or
la dotation allouée aux groupes est utilisée en totalité, et même si le montant
en a été sensiblement revalorisé grâce à l'adoption d'un amendement précédent,
elle demeure insuffisante pour faire face à l'ensemble des dépenses matérielles
qui correspondent à des besoins tout à fait légitimes de chacun des membres de
l'assemblée. Il est vrai qu'à l'époque de l'ordinateur et de la
télécommunication il serait naturel que des élus puissent disposer au minimum
de ce type d'équipement !
D'ailleurs, les assemblées parlementaires ont pris des initiatives en ce sens
puisque chacun d'entre nous dispose d'un fax et d'un micro-ordinateur. Il
devrait appartenir à chaque assemblée délibérante - je vise surtout les
conseils généraux et les conseils régionaux car, à l'évidence, dans une commune
de quelques milliers d'habitants, on ne peut pas envisager de fournir à chaque
conseiller municipal ce type d'équipement - d'apprécier le niveau des moyens à
apporter à chacun de ses membres.
Cela me paraît tout à fait dans l'esprit des lois de décentralisation, et je
souhaite, bien entendu, que la commission et le Gouvernement émettent un avis
favorable sur cet amendement.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Daniel Hoeffel,
rapporteur.
Nous avons eu, la semaine dernière, un débat sur l'ampleur
des moyens financiers à mettre à la disposition des groupes des différentes
assemblées. Nous avons décidé de porter le seuil de 25 % du montant global des
indemnités allouées aux élus de la collectivité concernée à 30 %. Dans le cadre
de ces 30 % affectés aux groupes d'élus, les moyens humains, logistiques et
financiers pourront être mis à la disposition des élus. Il ne doit d'ailleurs
pas y avoir d'équivoque à ce sujet, puisque l'article L. 2121-28 du code
général des collectivités territoriales dispose : « Dans les conditions qu'il
définit, le conseil municipal peut affecter aux groupes d'élus, pour leur usage
propre ou pour un usage commun, un local administratif, du matériel de bureau »
- cela comprend évidemment l'informatique - « et prendre en charge leurs frais
de documentation, de courrier et de télécommunications. »
Le souci qu'il était légitime de rappeler en cet instant me paraît satisfait
puisque, la semaine dernière, nous avons pu parvenir à un vote consacrant 30 %
comme étant la règle désormais applicable aux groupes d'élus. Ce qui vaut pour
les conseils municipaux vaut également, bien sûr, pour les conseils généraux et
pour les conseils régionaux.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Daniel Vaillant,
ministre de l'intérieur.
Comme M. Hoeffel l'a dit, nous avons débattu de
ce point lors de l'examen du titre Ier et le Sénat a adopté deux amendements
améliorant le fonctionnement des groupes d'élus. Je souhaiterais rappeler la
teneur essentielle de ce que je vous avais alors dit.
Etendre la possibilité de recrutement de collaborateurs au profit de
l'ensemble des élus locaux de toute collectivité ou établissement, alors même
que la préparation des réunions des assemblées délibérantes est assurée par les
services administratifs de la collectivité ou de l'établissement, services
auxquels les élus peuvent faire appel, irait à l'encontre du souci de
transparence de la vie politique que poursuit le Gouvernement et conduirait à
désengager les services administratifs des collectivités ou des établissements
dans leur appui au fonctionnement des assemblées locales.
Je me permets d'ajouter un argument : le fait de passer par les groupes pour
disposer de moyens, comme nous l'avons décidé, notamment sur la demande
insistante de M. Chérioux, la semaine dernière, est aussi un élément qui
concourt au rassemblement de la vie politique. En effet, en permettant à chaque
élu de disposer d'un moyen, on affaiblirait la dimension du groupe
politique...
M. Jean-Claude Peyronnet.
Tout à fait !
M. Daniel Vaillant.
... et cela inciterait à une forme d'individualisme, voire de dissidence.
(Exclamations sur plusieurs travées du RPR.)
Je connais tout de même un
peu le sujet ! Les éléments qui rassemblent au sein des groupes politiques sont
un point important, qu'il faut prendre en compte.
En outre, c'est sans doute moins onéreux pour les assemblées, donc pour les
contribuables.
M. Jean-Pierre Schosteck.
Il ne faudrait pas faire du caporalisme !
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 319.
M. Jean Chérioux.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Chérioux.
M. Jean Chérioux.
Je n'avais pas l'intention de m'exprimer, mais ayant été en quelque sorte
provoqué - en des termes amicaux - par M. le ministre, je ne peux m'empêcher de
lui répondre.
Je comprends bien qu'il soit soucieux des deniers publics - cela va de soi -
et d'une certaine cohérence dans le fonctionnement des assemblées. Cependant,
sous prétexte de cohérence, il ne faudrait pas inciter à la politisation.
M. Jean-Pierre Schosteck.
Effectivement !
M. Jean Chérioux.
Dans les collectivités locales, l'essentiel, qu'il ne faut pas perdre de vue,
c'est tout de même le dialogue entre l'élu et les électeurs ! Je pense
notamment à certaines assemblées que j'ai évoquées voilà quelques jours et que
vous connaissez presque aussi bien que moi, monsieur le ministre. Je me permets
de dire « presque », car l'ancienneté parle pour moi. Trente-six ans, cela
compte !
N'oublions pas que l'élu est au service du citoyen. Or ce n'est pas dans les
palabres qui ont lieu au sein des groupes que l'on est au service du citoyen.
On est au service du citoyen quand on est à son écoute. Et, pour être à son
écoute, pour avoir la possibilité d'intervenir normalement et de faire bien son
travail, il faut des moyens.
Cela ne signifie pas, bien sûr, que chacun doit avoir sa secrétaire. Il faut
cependant avoir conscience de ce qu'est le courrier d'un élu dans certaines
villes importantes. Je n'en dirai pas plus de crainte de m'entendre dire que je
« parisianise » le débat.
De même, je le dis solennellement par rapport aux groupes qui existent dans
toutes ces villes, quand le texte précise que les moyens sont mis à la
disposition des groupes, cela ne signifie pas qu'ils sont mis à la disposition
du secrétariat des groupes. Ils sont mis à la disposition des groupes pour que
ceux-ci permettent ensuite aux conseillers de travailler. C'est cela qui doit
prévaloir. Je vous mets en garde contre la caporalisation. Un groupe, ce n'est
pas seulement son état-major, ce sont aussi tous ceux qui travaillent sur le
terrain.
M. Robert Bret.
Visiblement, il y a des problèmes de caporalisation au RPR !
M. Jean-Pierre Schosteck.
Nous avons pris des leçons, nous vous avons observés.
M. Alain Vasselle.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Vasselle.
M. Alain Vasselle.
Jean Chérioux vient de donner des explications...
M. Jean-Pierre Schosteck.
Parisiennes !
M. Alain Vasselle.
Non, pas uniquement parisiennes, parce que, sur l'aspect purement politique et
sur les groupes, elles valent aussi bien pour Paris que pour les autres
assemblées délibérantes.
La constitution énonce que les « collectivités locales s'administrent
librement par des conseils d'élus ».
A partir du moment où ce principe est affirmé, je considère qu'il ne faut pas
encadrer, comme nous le faisons, les conditions dans lesquelles les élus
décident d'administrer les collectivités locales et d'assurer l'exercice de
leur mandat.
Faisons-nous oui ou non confiance à notre peuple, qui nous sanctionne le
moment venu, en ce qui concerne la situation des élus locaux ? Si des élus, par
aventure, compte tenu de cette liberté qui leur serait octroyée de définir les
moyens qu'ils mettraient à la disposition ou de leur groupe ou de chacun des
élus pour exercer leur mandat, allaient au-delà du raisonnable, je suis
persuadé que d'autres élus ne manqueraient alors pas d'exploiter ce
comportement inadmissible pour en tirer profit dans le cadre d'une élection
!
Je pense donc, pour ma part, qu'il n'est pas souhaitable d'encadrer les
conditions dans lesquelles les élus locaux exercent leur mandat. Tel est
l'unique objet de mon amendement.
Je sais bien que la situation des groupes politiques a été améliorée, puisque
le plafond des moyens mis à leur disposition a été porté de 25 % à 30 % et que
les mesures législatives et réglementaires actuelles permettent à chacune des
assemblées de définir ses moyens dans la limite d'une enveloppe fixée par la
voie législative.
Mais, pour ma part, je veux faire « sauter » cette limite et laisser chaque
assemblée décider librement du niveau de ses moyens. Et je serais très étonné
que des assemblées prennent l'initiative de le multiplier par trois, par quatre
ou par cinq. D'ailleurs, essayons d'être cohérents avec nous-mêmes : pourquoi
ce qui vaudrait pour les assemblées locales ne vaudrait-il pas pour l'Assemblée
nationale et le Sénat ? Que diriez-vous, mes chers collègues, si je déposais un
amendement visant à limiter à 30 % du montant total des indemnités
parlementaires les moyens mis à la disposition de chacun des groupes politiques
des assemblées pour permettre à chaque élu d'assurer les conditions matérielles
de son mandat ? Nous observerions alors sans aucun doute des levées de bouclier
et quelques réactions !
Par conséquent, mes chers collègues, pourquoi n'accepterions-nous pas que soit
accordé aux assemblées départementales, régionales, voire municipales, ce que
nous acceptons pour nous-mêmes ? Arrêtons les débats hypocrites, même si ces
questions, je le sais bien, sont extrêmement sensibles ! Nous avons peur des
réactions de l'opinion publique et d'une exploitation à notre encontre par les
médias des positions que nous pourrions prendre. Mais il suffit de faire preuve
de sens de la communication pour arriver à faire comprendre qu'il nous faut
tirer toutes les conséquences des lois de décentralisation, d'ailleurs
acceptées par le peuple.
Monsieur le rapporteur, vous êtes tout à fait dans la logique, dans la
cohérence, dans l'économie générale du texte retenu par la commission des lois
et pour la défense duquel vous avez été mandaté. Mais si des amendements
extérieurs peuvent être déposés, c'est bien pour permettre éventuellement à
l'assemblée d'aller plus loin ; c'est pour ma part ce que je souhaite. Il
appartiendra, bien sûr, à la Haute Assemblée de se déterminer. Si elle ne veut
pas me suivre, elle ne me suivra pas. Mais, au moins, le compte rendu de nos
débats permettra d'éclairer les élus ! Et, pour ma part, je considérerai que
j'aurai rempli ma tâche.
Je dois d'ailleurs dire que tous les conseillers généraux de mon département,
qu'ils soient communistes, socialistes ou qu'ils appartiennent à la majorité
départementale, ont été unanimes à approuver mon souhait de déposer une
proposition en ce sens.
M. Daniel Hoeffel,
rapporteur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Daniel Hoeffel,
rapporteur.
Monsieur Vasselle, la semaine dernière, nous avons pris deux
décisions en la matière.
En premier lieu, nous avons élevé le plafond des moyens mis à la disposition
des groupes, en le portant de 25 % à 30 % des indemnités allouées aux élus de
la collectivité concernée.
M. Alain Vasselle.
Ce n'est pas suffisant !
M. Daniel Hoeffel,
rapporteur.
La décision n'a d'ailleurs pas été prise à la sauvette :
différents taux ayant été proposés, un débat s'est instauré, et c'est le taux
de 30 % qui a été adopté.
Je souhaite donc que nous ne changions pas d'avis d'une semaine à l'autre, de
surcroît dans le cadre de la discussion d'un même texte !
En second lieu, nous avons décidé - et c'est le mérite du Sénat - s'agissant
du fonctionnement interne des assemblées, de supprimer tout ce qui pouvait
apparaître comme une trop grande contrainte, comme un carcan.
Je demande donc au Sénat de ne pas se déjuger d'une semaine à l'autre à propos
d'un problème de même nature. Vous avez été porteur d'un voeu, je le comprends
; mais, cher collègue Vasselle, si vous étiez à ma place, ici, comme
rapporteur, ce qui, de temps à autre, me soulagerait (
sourires
), je suis
sûr que vous n'adopteriez pas une autre attitude que celle que je préconise. Et
nous savons que, chaque fois que des dispositions de principe sont en jeu, nous
pouvons compter sur votre concours bienveillant.
M. Alain Vasselle.
Je ne fais pas de reproche, monsieur le rapporteur !
M. Michel Mercier.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Mercier.
M. Michel Mercier.
Je comprends la position de M. Vasselle, mais son amendement est largement
superfétatoire. L'affaire du conseil général de l'Oise qu'il a donnée en
exemple peut trouver une solution dans le cadre des textes en vigueur, puisque
ceux-ci prévoient que le conseil général peut attribuer des moyens
matériels.
Seules les communes qui comptent entre 3 500 et 100 000 habitants peuvent
rencontrer ce problème. Pour ce qui est des autres collectivités, la
réglementation existante répond tout à fait au voeu fondé que vient d'émettre
notre collègue.
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° 319, repoussé par la commission et par le
Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
En conséquence, l'amendement n° 343 rectifié, précédemment réservé, n'a plus
d'objet.
Article 31