SEANCE DU 23 JANVIER 2002


M. le président. L'amendement n° 394 rectifié, présenté par MM. Lardeux, Doligé, Gournac et de Richemont, est ainsi libellé :
« I. - Rédiger ainsi la première phrase du premier alinéa du texte proposé par l'article 50 pour l'article L. 1331-2 du code général des collectivités territoriales :

« Le président de l'organe délibérant de la collectivité territoriale ou l'établissement public saisit le représentant de l'Etat ; ensemble, ils conduisent la concertation. »
« II. - En conséquence, dans la seconde phrase du même alinéa, remplacer les mots : "il en dresse" par les mots : "le représentant de l'Etat en dresse". »
La parole est à M. Lardeux.
M. André Lardeux. L'article 50 laisse une impression un peu particulière, dans la mesure où il semble induire une relative méfiance des autorités de l'Etat vis-à-vis des élus locaux.
Sans vouloir remettre en cause l'autorité du représentant de l'Etat dans le département, nous proposons donc d'associer le président de l'exécutif de l'organe délibérant de la collectivité territoriale ou de l'établissement public à la concertation tout en maintenant son rôle au représentant de l'Etat.
Il s'agit donc plutôt de prévoir un code de bonne conduite. Si l'on procédait ainsi, on éviterait probablement certains conflits.
Et si l'on nous répond que le représentant de l'Etat est là pour contrôler la légalité - ce que je ne conteste pas, bien au contraire - l'article était inutile.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Daniel Hoeffel, rapporteur. Sagesse positive !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Yves Cochet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Défavorable constructif ! (Sourires.) Il faut savoir où sont les responsabilités des uns et des autres.
L'objet de la concertation avec les collectivités locales, c'est en effet que le représentant de l'Etat veille à ce que tel ou tel projet ne remette pas en cause l'intérêt général et respecte bien la loi.
Par conséquent, on ne peut pas employer l'adverbe « ensemble ». Cela entraînerait une confusion puisque des représentants locaux ne peuvent être associés à un contrôle de la légalité.
Il convient de laisser le texte tel quel, ce qui n'exclut pas la concertation avec les collectivités concernées. C'est la raison pour laquelle le Gouvernement est défavorable à l'amendement.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 394 rectifié.
M. André Lardeux. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Lardeux.
M. André Lardeux. La réponse de M. le ministre ne me rassure pas. Elle confirme mon sentiment, à savoir qu'il y a là, selon moi, réintroduction d'une centralisation, d'un contrôle a priori sur les décisions des collectivités locales.
Que le préfet contrôle que l'intérêt général est bien respecté et que les procédures se déroulent comme la loi l'a prévu, je ne le conteste pas. Il convient, en revanche, d'éviter de laisser penser qu'il pourrait y avoir un contrôle sur l'opportunité des décisions prises par les collectivités locales.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 394 rectifié, repoussé par le Gouvernement et pour lequel la commission s'en remet à la sagesse du Sénat.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. L'amendement n° 147, présenté par M. Hoeffel, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
« Dans la seconde phrase du premier alinéa du texte proposé par l'article 50 pour l'article L. 1331-2 du code général des collectivités territoriales, remplacer les mots : ", justifiées par des dispositions législatives ou réglementaires" par les mots : "ou le respect de la légalité". »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Daniel Hoeffel, rapporteur. Cet amendement vise à rétablir la rédaction initiale proposée pour l'article L. 1331-2 du code général des collectivités territoriales.
En effet, la modification qui y a été introduite par l'Assemblée nationale est inopportune puisque le préfet doit pouvoir apprécier si le projet posera problème au regard des polices spéciales qu'il est chargé de faire appliquer. Il est préférable que ces difficultés soient soulevées en amont, au stade de la concertation entre l'Etat et les collectivités territoriales, plutôt qu'après l'enquête publique.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Yves Cochet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Favorable.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 147, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 327 rectifié, présenté par MM. de Broissia, Doligé, Lardeux, Leroy et Sido, est ainsi libellé :
« Après le premier alinéa du texte proposé par l'article 50 pour l'article L. 1331-2 du code général des collectivités territoriales, insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Le cas échéant, le maître d'ouvrage communique au représentant de l'Etat les observations relatives à cette lettre motivée. »
L'amendement n° 648, présenté par M. Mercier, est ainsi libellé :
« Après le premier alinéa du texte proposé par le 2° de l'article 50 pour l'article L. 1331-2 du code général des collectivités territoriales, insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Le maître d'ouvrage communique au représentant de l'Etat ses observations à cette lettre motivée. »
La parole est à M. Lardeux, pour défendre l'amendement n° 327 rectifié.
M. André Lardeux. Cet amendement vise à préciser la procédure : le maître d'ouvrage doit pouvoir faire valoir ses observations et son argumentation au représentant de l'Etat.
M. le président. L'amendement n° 648 n'est pas soutenu.
Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 327 rectifié ?
M. Daniel Hoeffel, rapporteur. Favorable !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Yves Cochet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. L'avis du Gouvernement est défavorable !
La concertation relative aux projets des collectivités locales a pour objet, je le redis, « de s'assurer que le projet ne porte atteinte à aucun des intérêts publics civils et militaires dont l'Etat a la charge et de veiller au respect des dispositions législatives et réglementaires ». C'est le représentant de l'Etat qui s'en charge.
Lorsque ce dernier adresse une lettre motivée au maître d'ouvrage, c'est pour le mettre en garde s'il constate que le projet n'est pas conforme aux intérêts que je viens de citer et à la loi.
C'est la raison pour laquelle j'ai employé le terme « constructif » à l'occasion d'un autre amendement : c'est constructif dans la mesure où, s'il n'était pas tenu compte de ses observations, un projet pourrait être remis en cause.
Est-il utile que le maître d'ouvrage réponde à la lettre motivée du préfet ? Non ! Le maître d'ouvrage assumera ses responsabilités, il tiendra compte ou non des remarques du préfet.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 327 rectifié, accepté par la commission et repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. L'amendement n° 148, présenté par M. Hoeffel, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
« Remplacer la première phrase du troisième alinéa du texte proposé par l'article 50 pour l'article L. 1331-2 du code général des collectivités territoriales par deux phrases ainsi rédigées :
« La procédure de concertation a une durée maximale de six mois. L'enquête publique ne peut être ouverte avant sa conclusion. »
Le sous-amendement, n° 396 rectifié, présenté par MM. Lardeux, Doligé et de Richemont, est ainsi libellé :
« A la fin de la première phrase du texte proposé par l'amendement n° 148, remplacer les mots : "six mois" par les mots "deux mois". »
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 148.
M. Daniel Hoeffel, rapporteur. Il s'agit de reprendre une préconisation de la commission Questiaux pour fixer la durée de la concertation prévue par la loi.
M. le président. La parole est à M. Lardeux, pour défendre le sous-amendement n° 396 rectifié.
M. André Lardeux. Ce sous-amendement, je le reconnais, va volontairement un peu loin. En effet, comme cela a déjà été dit à plusieurs reprises, prenons garde de ne pas décourager les investissements.
L'essentiel des investissements sont le fait des collectivités locales. Qu'on leur mette encore un peu plus de bâtons dans les roues, et je ne sais pas si elles continueront à investir !
Les chambres régionales des comptes rappellent régulièrement - à juste titre, sur le plan des règles budgétaires - que les reports d'une année sur l'autre sont trop élevés. Mais les causes de ces reports, ce sont la multiplicité des procédures et les chicanes à l'égard des collectivités locales.
Permettez-moi d'illustrer mon propos par une anecdote.
La construction d'une déviation dans mon département a suscité contestation. Mais c'est normal, on préfère toujours que la route traverse le jardin du voisin ! (Sourires.)
L'affaire a été portée par une association devant le tribunal administratif, qui a décidé d'annuler la DUP prise par le préfet. Bien sûr, je ne conteste pas l'autorité de la chose jugée. Mais l'association à l'origine des contentieux m'a écrit huit jours après la décision pour me dire que ce n'était pas ce qu'elle souhaitait.
Pourquoi avait-elle donc décidé d'engager une telle procédure ? Je me le demande !
Je ne connais pas l'avis que la commission va émettre sur mon sous-amendement, mais je m'en doute !
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Daniel Hoeffel, rapporteur. M. Lardeux a raison d'appeler une fois de plus notre attention sur la nécessité de ne pas abuser de délais trop longs, qui pourraient être « démobilisateurs » et freiner un certain nombre de projets. Plusieurs des amendements qui ont été déposés par les commissions et adoptés cet après-midi tendaient déjà à éviter l'instauration abusive de tels délais.
Je me demande en réalité s'il ne s'agit pas, de la part de M. Lardeux, d'un sous-amendement d'appel pour marquer, une fois de plus, le souci qu'ont les élus locaux de respecter des délais qui soient non seulement brefs mais compatibles avec la nécessité de réaliser des projets, d'autant qu'il paraît conscient - c'est en tout cas ce que j'ai cru déceler dans l'introduction de la présentation qu'il a faite de son sous-amendement - d'avoir peut-être « tiré » un peu loin ! (Sourires.)
M. le président. Monsieur Lardeux, maintenez-vous le sous-amendement n° 396 rectifié ?
M. André Lardeux. Monsieur le rapporteur, je reconnais là votre sagacité habituelle ! Je retire ce sous-amendement, car je reconnais bien volontiers que le délai de deux mois est un peu court. Mais, de grâce ! Ne tardons pas trop à équiper et à moderniser ce pays.
M. le président. Le sous-amendement n° 396 rectifié est retiré.
Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 148 ?
M. Yves Cochet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. J'ai déjà indiqué les raisons pour lesquelles je suis défavorable à un tel amendement.
Le projet comportait déjà quelques délais, ce qui montre bien notre volonté commune de cadrer et de conserver un certain rythme à ces débats démocratiques. Mais cet amendement est plutôt de nature réglementaire.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 148.
M. Jean-Pierre Sueur. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Sueur.
M. Jean-Pierre Sueur. Le groupe socialiste s'en tient à la position qu'il a adoptée jusqu'à présent sur la plupart des amendements concernant les délais présentés par M. le rapporteur. Il considère qu'il est vraiment irréaliste de vouloir faire en deux mois ce qui nécessite souvent aujourd'hui, hélas ! un délai de dix-huit mois, voire de deux ans !
Deux mois, c'est trop court. En effet, le ministère de l'environnement s'assure que l'on ne porte pas atteinte à la flore et à la faune ; le ministère de la culture vérifie que l'on préserve le patrimoine ; le ministère de la défense contrôle que les chars peuvent bien circuler, etc. La procédure est très compliquée et beaucoup de choses doivent être vérifiées.
En revanche, dans le cadre d'une procédure déconcentrée, un délai de six mois paraît raisonnable. C'est d'ailleurs celui qu'a proposé Nicole Questiaux dans le rapport qu'elle a présenté au Conseil d'Etat. Nous pensons, par conséquent, qu'il est bon de l'inscrire dans la loi, d'autant que celle-ci instaure cinq procédures successives dont il est très important de bien cadrer les délais pour atteindre l'efficacité souhaitée.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 148, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 649, présenté par M. Mercier, est ainsi libellé :
« Rédiger ainsi la seconde phrase du dernier alinéa du texte proposé par le 2° de l'article 50 pour l'article L. 1331-2 du code général des collectivités territoriales :
« Les conclusions motivées du représentant de l'Etat et la réponse du maître d'ouvrage sont jointes au dossier d'enquête. »
L'amendement n° 330 rectifié, présenté par MM. de Broissia, Doligé, Lardeux, Leroy et Sido, est ainsi libellé :
« Dans la dernière phrase du dernier alinéa du texte proposé par l'article 50 pour l'article L. 1331-2 du code général des collectivités territoriales, après les mots : "conclusions motivées", insérer les mots : "du représentant de l'Etat et la réponse du maître d'ouvrage". »
La parole est à M. Mercier, pour défendre l'amendement n° 649.
M. Michel Mercier. Cet amendement, qui apporte une précision utile, se justifie par son texte même.
M. le président. La parole est à M. Lardeux, pour présenter l'amendement n° 330 rectifié.
M. André Lardeux. Cet amendement de coordination avec l'amendement précédent a le même objet que celui de M. Mercier. Je ne sais lequel doit fusionner avec l'autre.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Daniel Hoeffel, rapporteur. La commission est favorable à ces deux amendements. Aux auteurs de se mettre d'accord sur celui qu'il conviendra de retenir !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Yves Cochet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Le Gouvernement est défavorable à ces deux amendements, dont l'objet est d'ailleurs lié à l'amendement n° 327 rectifié, car ils lui semblent peu utiles.
En effet, il est déjà prévu dans le projet que les conclusions motivées du représentant de l'Etat sont jointes au dossier d'enquête publique. Ces conclusions, qui font état du déroulement de la concertation, sont destinées à faire le lien entre cette procédure de concertation et l'enquête publique qui va lui succéder. A ce stade, nous ne sommes pas, en effet, dans une procédure contradictoire. Rien n'interdit donc au maître d'ouvrage de modifier son projet ou de compléter son dossier pour mieux justifier ses choix.
M. André Lardeux. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Lardeux.
M. André Lardeux. Monsieur le président, je me rallie à la rédaction de l'amendement n° 649 et je souhaite, par conséquent, rectifier le mien pour qu'il devienne identique à celui de M. Mercier.
M. le président. Je suis donc saisi d'un amendement n° 330 rectifié bis , présenté par MM. de Broissia, Doligé, Lardeux, Leroy et Sido, et ainsi libellé :
« Rédiger ainsi la seconde phrase du dernier alinéa du texte proposé par l'article 50 pour l'article L. 1331-2 du code général des collectivités territoriales :
« Les conclusions motivées du représentant de l'Etat et la réponse du maître d'ouvrage sont jointes au dossier d'enquête. »
Veuillez poursuivre, monsieur Lardeux.
M. André Lardeux. Cela étant, monsieur le ministre, une concertation étant en général contradictoire, il est normal, me semble-t-il, de pouvoir faire des remarques pour approuver ou désapprouver le contenu du rapport adressé par le représentant de l'Etat.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques n°s 649 et 330 rectifié bis , acceptés par la commission et repoussés par le Gouvernement.

(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. L'amendement n° 604, présenté par MM. Sueur et Bel, Mme Blandin, MM. Debarge, Domeizel et Dreyfus-Schmidt, Mme Durrieu, M. Frécon, Mme Herviaux, MM. Lagauche, Le Pensec, Marc, Masseret, Mauroy, Peyronnet, Picheral, Raoul, Teston et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
« Après le troisième alinéa du texte proposé par l'article 50 pour l'article L. 1331-2 du code général des collectivités territoriales, insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Si le représentant de l'Etat n'a pas remis ses conclusions six mois après l'ouverture de la concertation entre l'Etat et les collectivités territoriales, sa position est réputée favorable au projet présenté. »
La parole est à M. Sueur.
M. Jean-Pierre Sueur. Cet amendement a pour objet de préciser que, si le représentant de l'Etat n'a pas remis ses conclusions six mois après l'ouverture de la concertation entre l'Etat et les collectivités territoriales, sa position est réputée favorable.
Mais le Sénat ayant adopté un amendement fixant la durée de la procédure de concertation à une durée maximale de six mois, il me semble que le mien est satisfait. On peut considérer en effet que l'ensemble de la procédure couvre la période allant de son ouverture jusqu'au moment où le représentant de l'Etat fait part de sa position. Si tel est le cas, je suis prêt à retirer le présent amendement.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Daniel Hoeffel, rapporteur. Bien qu'elle ait examiné cet amendement dans une optique favorable, elle constate avec satisfaction l'accord qui vient d'intervenir, car il est évidemmment inutile de répéter ce qui est confirmé.
M. Jean-Pierre Sueur. Dans ces conditions, je retire mon amendement.
M. le président. L'amendement n° 604 est retiré.
Je mets aux voix, modifié, le texte proposé pour l'article L. 1331-2 du code général des collectivités territoriales.

(Ce texte est adopté.)

ARTICLE L. 1331-3 DU CODE GÉNÉRAL
DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES