SEANCE DU 23 JANVIER 2002


M. le président. « Art. 46 bis . - I. - La deuxième phrase du premier alinéa de l'article L. 1231-4 du code général des collectivités territoriales est complétée par les mots : ", dont l'une, consacrée aux services publics d'incendie et de secours, est consultée sur tout projet de texte législatif ou réglementaire ayant une incidence sur le fonctionnement, le financement ou les personnels des services d'incendie et de secours".
« II. - Le deuxième alinéa du même article est ainsi rédigé :
« La composition et les modalités de fonctionnement du conseil national et de ses sections sont fixées par arrêté. La section mentionnée à l'alinéa précédent est composée pour moitié de représentants des conseils d'administration des services départementaux d'incendie et de secours, pour un quart de représentants de l'Etat, et pour un quart de représentants des sapeurs-pompiers bénévoles et professionnels. »
L'amendement n° 227, présenté par M. Mercier, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
« Rédiger ainsi l'article 46 bis :
« L'article L. 1231-4 du code général des collectivités territoriales est complété par deux alinéas ainsi rédigés :
« L'une des sections, consacrée aux services publics d'incendie et de secours, est consultée sur tout projet de texte législatif ou réglementaire ayant une incidence sur le fonctionnement, le financement ou les personnels des services d'incendie et de secours.
« La section mentionnée à l'alinéa précédent est composée pour moitié de représentants des conseils d'administration des services départementaux d'incendie et de secours, pour un quart de représentants de l'Etat et pour un quart de représentants des sapeurs-pompiers bénévoles et professionnels. Les représentants des conseils d'administration des services départementaux d'incendie et de secours sont choisis au moins pour moitié dans les départements comptant plus de trois cents sapeurs-pompiers professionnels. »
La parole est à M. Mercier, rapporteur pour avis.
M. Michel Mercier, rapporteur pour avis. Avec cet amendement, nous revenons sur un sujet longuement débattu hier soir.
Cet amendement vise à organiser une consultation obligatoire du Conseil national des services publics départementaux et communaux sur tout texte de nature réglementaire ou infra-réglementaire ou sur tout projet de loi qui aurait des conséquences financières ou autres pour les services départementaux d'incendie et de secours.
Par ailleurs, cet amendement satisfait la demande qu'a émise notre collègue Michel Charasse hier soir.
M. Michel Charasse. Pas tout à fait !
M. Michel Mercier, rapporteur pour avis. C'est un premier pas !
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Daniel Hoeffel, rapporteur. Favorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur. A ce moment de la discussion et avant de m'exprimer sur l'amendement n° 227, je voudrais revenir sur la question qui a été évoquée par M. Mercier lors de l'examen d'un amendement, qu'il avait proposé, visant à créer une section spécialisée au sein du Conseil national des services publics départementaux et communaux.
Je ferai trois observations.
Comme je l'ai déjà dit, je conçois que les représentants des élus locaux ressentent un déficit de concertation au moment où l'application de la loi de 1996 produit ses effets de rattrapage sur l'équipement des SDIS. J'observe que l'augmentation des dépenses tient aussi au vide laissé par cette loi sur les difficiles questions de financement.
En second lieu, je rappellerai que les textes réglementaires qui sont d'ordre statutaire sont toujours présentés au Conseil supérieur de la fonction publique territoriale où siègent les représentants des élus à parité avec les représentants syndicaux.
S'agissant de l'hypothèse d'une consultation du comité des finances locales, je dois rappeler qu'il n'est pas dans les missions, définies par la loi, de ce conseil d'être consulté sur les textes comportant des dépenses, puisqu'il donne un avis sur les textes à caractère financier. Si l'on empruntait la voie qui semblait être tracée en commençant par les SDIS, qui représentent environ 15 milliards de francs, le comité des finances locales deviendrait alors une troisième assemblée parlementaire ! Faudrait-il le consulter sur tout le reste, jusqu'aux 800 milliards de francs que représentent les budgets locaux ?
En revanche, je ne m'oppose pas au principe - je l'ai d'ailleurs dit hier - d'une consultation plus systématique dans le cadre, par exemple, d'un conseil des services publics, proposition d'ailleurs reprise dans l'amendement n° 227 de M. Mercier. Je dois vous faire observer que ce conseil est tombé en désuétude depuis plus de dix ans, en raison notamment de l'abandon, à la demande des élus eux-mêmes, de sa principale mission qui concernait la rédaction des cahiers des charges types par les services techniques des collectivités en matière d'eau et d'assainissement.
On pourrait aussi très bien organiser, avec les grandes associations d'élus, une concertation plus systématique, sans formaliser la méthode, dans un conseil qu'il faudrait ou qu'il faudra faire revivre.
En revanche, si vous exprimez la volonté des élus de redonner une véritable vitalité à ce conseil avec, à la fois les avantages mais aussi les contraintes qui peuvent en découler, je m'en remettrai à la sagesse du Sénat.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 227.
M. Michel Charasse. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Charasse.
M. Michel Charasse. Je souhaiterais sous-amender l'amendement n° 227 en supprimant, dans la première phrase du deuxième alinéa du texte proposé pour l'article L. 1231-4, les mots « pour moitié » et les mots « pour un quart de représentants de l'Etat et pour un quart de représentants des sapeurs-pompiers bénévoles et professionnels ».
Je me demande quel est l'intérêt de l'avis que peut émettre cette instance qui a, en son sein, les rédacteurs du texte, ceux qui ont demandé les textes et ceux qui vont en bénéficier : seuls les payeurs doivent être consultés. Je propose donc que l'on enlève de l'amendement tous ceux qui ne sont pas payeurs et responsables devant les contribuables.
M. le président. Je suis donc saisi, par M. Charasse, d'un sous-amendement n° 735, ainsi libellé :
« Dans la première phrase du deuxième alinéa du texte proposé par l'amendement n° 227 de la commission des finances :
« a) supprimer les mots : "pour moitié" ;
« b) supprimer les mots : "pour un quart de représentants de l'Etat et pour un quart de représentants des sapeurs-pompiers bénévoles et professionnels". »
M. Michel Mercier, rapporteur pour avis. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Mercier, rapporteur pour avis.
M. Michel Mercier, rapporteur pour avis. Au cours des dernières années, plus particulièrement au cours des derniers mois, nous avons constaté un véritable déficit d'information, de débat et de chiffrage des projets.
M. Michel Charasse. Exactement !
M. Michel Mercier, rapporteur pour avis. Tout d'abord, je vous signale, monsieur le ministre, que mon amendement n'est que rédactionnel puisqu'il ne vise qu'à améliorer un peu le texte qui vient de l'Assemblée nationale. S'il n'est pas adopté, nous en resterons au texte de l'Assemblée nationale, qui comporte la même obligation.
Il s'agit, en quelque sorte, d'obliger le Gouvernement à dire qu'il prévoit telle réforme, tel aménagement de carrière, telle modification de norme, bref tout ce que l'on peut imaginer, et l'on a vu qu'en la matière il avait de la ressource ! Il faudrait que tout cela soit chiffré avant d'être soumis à l'avis juridique d'une instance. J'aurais envie de dire, peu importe l'instance pourvu que cette présentation ait lieu.
J'ai l'impression d'ailleurs qu'en certaines circonstances, si le Gouvernement avait fait ce travail d'étude, il aurait peut-être renoncé de lui-même à certains projets, prenant conscience de ce qu'il allait faire. C'est parce qu'on s'est lancé sans bien savoir où l'on allait que sont apparus parfois quelques dysfonctionnements.
Par conséquent, ce conseil des services locaux n'est certainement pas ce qu'il y a de mieux, mais c'est un endroit où chacun peut se rencontrer, écouter, voir, entendre et, à partir de là, modifier les choses si nécessaire avant qu'il ne soit trop tard.
En fait, comme nous l'entendons depuis hier, ce qui a entraîné le ras-le-bol des élus, c'était d'apprendre, à la lecture du Journal officiel , ce qu'ils allaient devoir financer dans les jours et les mois à venir. Si ce travail d'information est fait, je suis sûr que nous trouverons les moyens de vous dire : « C'est trop, cela ne va pas ! » ; un dialogue pourra alors s'engager, et c'est ce que nous recherchons.
Si les bénéficiaires doivent être présents, cela ne me gêne pas trop, personnellement. Ils pourront alors connaître la position de ceux qui se présenteront ensuite devant les contribuables...
M. Michel Charasse. Ils s'en fichent !
M. Michel Mercier, rapporteur pour avis. Mais non, ils ne s'en fichent pas, parce qu'ils sont aussi contribuables et qu'ils discutent avec leurs voisins, leurs amis, des conséquences des mesures qui sont prises.
S'engager dans le dialogue, c'est la bonne voie, et c'est ce qui a manqué jusqu'à présent. Si on pouvait le favoriser, ce serait un véritable progrès, même si tout ne sera pas parfait du premier coup.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur le sous-amendement n° 735 ?
M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur. L'amendement de M. Charasse dénature la proposition initiale de M. le rapporteur pour avis.
M. Michel Charasse. C'est exact !
M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur. En effet, et cela me surprend de la part de M. Charasse, il supprime tout esprit partenarial.
M. Michel Charasse. C'est exact !
M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur. C'est peut-être votre conception, monsieur le sénateur, mais, pour ma part, je constate que, dans les ministères, on finance et on dialogue. C'est par le dialogue, par la compréhension, par l'écoute qu'on arrive le mieux à résoudre les problèmes. En tout cas, je ne crois pas que l'on puisse en appeler au dialogue d'un côté et le supprimer de l'autre. C'est pourquoi j'émets un avis défavorable sur le sous-amendement n° 735.
M. Michel Charasse. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Charasse.
M. Michel Charasse. Je veux bien que le ministre de l'intérieur dialogue avec les pompiers, mais, jusqu'à présent, il dialogue, et c'est nous qui payons, c'est clair ! C'est facile de dialoguer quand on ne met pas la main à la poche ! N'est-ce pas, mon cher Daniel Vaillant, c'est peut-être une position très auvergnate, mais elle a au moins le mérite d'être réaliste et à mon avis, dans la Nièvre, on n'est pas loin d'avoir la même. (Sourires.)
J'en viens à l'amendement de Michel Mercier.
Cher collègue et ami, les représentants des SDIS, qui sont des payeurs, seront à égalité avec les représentants de l'Etat, qui défendront leur texte, et les représentants des sapeurs-pompiers, qui, ayant dialogué et obtenu ces textes les défendront aussi. Au mieux, il y aura égalité de vote et la section en question ne pourra pas se prononcer ; au pire, il y aura toujours un président ou un représentant de SDIS qui « craquera » pour des raisons politiques ou autres et qui votera avec les autres.
Dès lors, on nous dira : mais enfin, pourquoi râlez-vous, puisque la section unetelle a donné un avis favorable ? On n'aura plus qu'à mettre la main à la poche, à payer et à la fermer !
Je veux bien admettre que mon sous-amendement est un peu brutal dans la mesure où il supprime tous les corps étrangers, encore que, mon cher collègue Mercier, si le comité des finances locales n'était pas composé d'une majorité d'élus, les votes n'y seraient pas ce qu'ils sont ! Toujours est-il que j'accepte de rectifier mon texte.
On pourrait remplacer les mots : « pour moitié » par les mots : « les deux tiers », le tiers restant étant réparti entre les représentants de l'Etat et les représentants des sapeurs-pompiers bénévoles et professionnels. Cela fait deux tiers, un tiers. Je veux bien modifier mon amendement dans ce sens, sans aller jusqu'à l'égalité. On n'est pas égal au moment de payer ! Je n'ai jamais dialogué sur le terrain avec des gens pour ensuite envoyer la facture au ministère de l'intérieur ! (Sourires.)
M. le président. Je suis donc saisi d'un sous-amendement n° 735 rectifié, présenté par M. Charasse, et ainsi libellé :
« Dans la première phrase du deuxième alinéa du texte proposé par l'amendement n° 227 de la commission des finances :
« a) remplacer les mots : "pour moitié" par les mots : "pour les deux tiers" ;
« b) remplacer les mots : "pour un quart de représentants de l'Etat et pour un quart de représentants des sapeurs-pompiers bénévoles et professionnels" par les mots : "et pour le tiers restant de représentants de l'Etat des représentants des sapeurs-pompiers bénévoles et professionnels". »
Quel est l'avis de la commission ?
M. Daniel Hoeffel, rapporteur. J'avais émis un avis favorable sur l'amendement n° 227, que notre collègue Michel Charasse nous propose de sous-amender, ce qui nous entraîne dans un débat long, à une heure tardive.
Pour avoir été, avant 1998, président d'un CASDIS - structure qui comptait des élus et des représentants des pompiers - je ne vois pour ma part que des avantages à ce que les instances qui décident des recettes et, surtout, des dépenses, siègent en présence de ceux qui en sont les utilisateurs. Ces derniers peuvent ainsi se rendre compte - il s'agit de pédagogie - des efforts qui sont faits en leur direction.
C'est la raison pour laquelle, cher collègue Charasse, j'ose encore espérer qu'après avoir posé la question de principe - et vous avez eu raison de le faire - vous accepterez de retirer votre proposition de modification.
Il était en effet légitime qu'un « coup de trompette » soit donné ; maintenant, restons-en au texte de l'amendement n° 227.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur le sous-amendement n° 735 rectifié ?
M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur. Le Gouvernement s'en est remis à la sagesse du Sénat sur l'amendement n° 227 : je le répète, tout ce qui va dans le sens de la concertation est une bonne chose. Autant cette proposition me semble préserver l'esprit qui doit présider en la matière, celui du dialogue et de la concertation, autant, je suis désolé de le dire, la formule caricaturale proposée par M. Charasse ne peut recueillir de ma part qu'un avis défavorable.
M. le président. Je vais mettre aux voix le sous-amendement n° 735 rectifié.
M. Alain Vasselle. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Vasselle.
M. Alain Vasselle. Je souscris pour l'essentiel aux propos qu'a tenus M. Charasse. Ce dont il a fait état vaut également pour ce qui concerne le Conseil supérieur de la fonction publique territoriale, où règne le paritarisme. Sont juges et parties un certain nombre de ceux qui sont chargés de donner un avis sur ce qui les concerne directement ; je n'insiste pas davantage.
Je voudrais surtout faire remarquer qu'on a engagé un débat dans lequel on se fait plaisir ! On veut se donner bonne conscience.
En fait, le problème de fond, c'est l'incidence financière des dispositions réglementaires qui sont adoptées. Je pense que l'amendement n° 227 aurait eu toute sa force et sa raison d'être s'il avait été accompagné d'une obligation pour l'Etat de compenser financièrement les décisions qu'il prendra.
En définitive, on fera de la concertation, on fera de la consultation, mais c'est le Gouvernement qui prendra la décision qu'il jugera utile de prendre, quel que soit l'avis que nous donnerons. Nous pouvons toujours dire que nous exercerons une pression morale sur le Gouvernement s'il prend un avis contraire à celui qu'aura émis la section ! Mais nous avons vu avec le Conseil supérieur de la fonction publique territoriale que le Gouvernement ne suivait pas toujours les avis émis.
Je me rappelle d'ailleurs que l'avis de l'Association des maires de France concernant l'évolution du statut des pompiers professionnels n'était pas toujours en harmonie avec ce que souhaitait le Gouvernement : au bout du compte, celui-ci a continué d'avancer, et l'Association des maires de France a dû gérer la situation qui en est résultée.
On se fait plaisir, certes, mais j'ai bien peur que le résultat ne soit pas du tout à la hauteur des espérances. Vous y croyez, vous monsieur Mercier, et je souhaite que vous soyez exaucé dans vos voeux, mais j'ai bien peur que ce ne soit que voeux pieux !
M. Michel Charasse. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Charasse.
M. Michel Charasse. D'abord, je pense qu'une section qui comporte un nombre égal de représentants du SDIS, de rédacteurs des textes qu'on leur soumet et de représentants des bénéficiaires de ces textes n'est pas une bonne solution puisqu'il risque de ne pas se dégager de majorité et que, lorsqu'il s'en dégagera une, ce sera toujours parce que quelqu'un aura « craqué » pour se ranger du côté des représentants du SDIS et qu'ensuite on nous enverra constamment dans les gencives l'avis favorable ainsi obtenu.
Ensuite, je dis amicalement tant à M. le rapporteur qu'à M. le ministre que je n'accepterai jamais cette République « mollassonne » qui considère de plus en plus que les élus du suffrage universel, responsables de l'impôt devant les citoyens contribuables - et c'est ainsi depuis 1789 - doivent être réduits à faire de la figuration avec des gens qui ne représentent qu'eux-mêmes. (Applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 735 rectifié, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 227, accepté par la commission et pour lequel le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.
M. Michel Charasse. Je vote contre : la figuration, c'est pour les autres !

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'article 46 bis est ainsi rédigé.

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