SEANCE DU 31 JANVIER 2002
M. le président.
La séance est reprise.
Nous poursuivons l'examen des sous-amendements n°s 422 et 423.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Je retire le sous-amendement n° 423, mais nous en déposons un autre. Celui-ci
vise à rédiger ainsi la fin du troisième alinéa du texte proposé par le I de
l'amendement n° 15 : « leur préjudice ». Il s'agit donc de supprimer l'adjectif
« moral », que tout le monde a d'ailleurs déjà supprimé. Il s'agit également de
ne pas ajouter le mot « seul » devant le mot « préjudice ». En effet, quand on
parle du préjudice des parents, il ne s'agit évidemment que du leur. Il n'est
pas nécessaire de le répéter. De même, il n'est pas utile de répéter que
l'enfant ne peut pas demander une indemnité, puisque cela vient d'être dit
a
contrario
!
M. le président.
Le sous-amendement n° 423 est retiré.
Je suis donc saisi d'un sous-amendement n° 424, présenté par M.
Dreyfus-Schmidt et les membres du groupe socialiste et apparentés, et ainsi
libellé :
« A la fin du troisième alinéa du I de l'amendement n° 15, supprimer le mot :
"moral". »
Quel est l'avis de la commission sur ce sous-amendement ?
M. Francis Giraud,
rapporteur.
La commission émet un avis défavorable, car ce
sous-amendement s'écarte de l'amendement qu'elle a déposé.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
C'est toujours le cas d'un sous-amendement !
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement sur le sous-amendement n° 424 ?
M. Bernard Kouchner,
ministre délégué.
Le Gouvernement émet un avis favorable sur ce
sous-amendement. Compte tenu de la discussion que nous avons eue hier soir et
ce matin, je ne comprends pas ce qui choque. Nous avons gommé quelques
aspérités, ce qui nous permettra d'aboutir enfin à un accord, notamment lors de
la commission mixte paritaire. Lorsque la commission des affaires sociales a
accepté que l'on supprime l'adjectif « moral », cela allait dans le même sens.
Cet adjectif, dont on nous dit qu'il ne faudrait pas abuser peut-être même ne
pas employer sur le plan juridique, n'apporte rien.
Monsieur le président About, messieurs les rapporteurs, nous en sommes
exactement au point où nous en étions arrivés hier à une heure, en étant
d'accord sur le texte qui vient d'être présenté...
M. Nicolas About,
président de la commission des affaires sociales.
Absolument pas !
M. Bernard Kouchner,
ministre délégué.
Si ! Nous en étions là. Ensuite, Mme Demessine a
proposé d'ajouter une phrase qui, selon moi, est redondante. En effet,
désormais l'enfant - et c'était l'objet même de notre débat et de l'amendement
qui a été proposé après l'arrêt Perruche - ne peut demander une indemnisation
du seul fait de sa naissance. S'agissant de ce que vous appeliez le « préjudice
moral », vous avez satisfaction car il s'agit du préjudice des parents.
L'adjectif « moral », dont j'avais demandé, au nom du Gouvernement, la
suppression, désignait exactement ce qui est souhaité par le sous-amendement
présenté par M. Dreyfus-Schmidt, même si on n'est pas d'accord sur cette
acception un peu vague de l'adjectif « moral ». Il existait une possibilité, je
l'ai bien compris, non seulement d'augmenter la solidarité nationale - c'est
notre objectif commun - mais également de ne pas stigmatiser les enfants et de
ne pas leur faire supporter un fardeau supplémentaire. Voilà ce que la
discussion m'a apporté, et ceux qui vivent de près les handicaps de personnes
qui leur sont chères le savent mieux que moi.
J'ai bien compris qu'on ne pouvait pas faire la différence, en se servant
d'une faute médicale et, si j'ose dire, grâce à cette faute médicale, entre une
contribution supplémentaire et ce qui devrait être pris en charge par la
solidarité nationale. Nous en sommes là, et, à mon avis, cela devrait permettre
de parvenir plus facilement à une rédaction commune entre les deux assemblées,
ce qui est mon souhait le plus cher.
M. le président.
Je vais mettre aux voix le sous-amendement n° 424.
M. Nicolas About,
président de la commission des affaires sociales.
Je demande la
parole.
M. le président.
La parole est à M. le président de la commission des affaires sociales.
M. Nicolas About,
président de la commission des affaires sociales.
Je crois qu'on ne gère
pas le problème de cette manière. Si nous nous limitons à cela, entérinons
purement et simplement l'arrêt Quarez, rien de plus ! Par conséquent, dans
notre travail, nous n'avons pas fait le début du commencement du premier
centimètre ; nous en sommes revenus à la situation qui prévalait avant la
saisine du Parlement. Or, ce n'est pas acceptable.
L'arrêt Quarez et l'arrêt Perruche ne donnent satisfaction à personne.
(M.
Dreyfus-Schmidt s'exclame.)
M. Pierre Fauchon,
rapporteur pour avis.
Cela dépend ! Cela donne satisfaction à ceux qui en
profitent !
M. Nicolas About,
président de la commission des affaires sociales.
Ils ne donnent pas
satisfaction et, pour s'en convaincre, il suffit de relire l'avis de l'ensemble
des associations. Par conséquent, si nous ne progressons pas sur ce point, je
ne vois vraiment pas pourquoi nous en discutons !
A mon avis, il nous faut en revenir à l'amendement n° 15 de la commission, que
M. le rapporteur se propose de rectifier et qui donne satisfaction, en ne
faisant pas apparaître la personne handicapée comme étant un préjudice. Il
permet en outre aux parents, conformément à ce qui a été exprimé, d'obtenir la
réparation de leur préjudice, qui est un préjudice de perte de choix - il ne
faut pas utiliser le terme « chance », qui est affreux - dont on a vu comment
il pouvait être réparé, et ce de façon assez large. Cela laisse une place
importante à l'interprétation du juge.
En revanche, après avoir précisé que les parents ont le droit à
l'indemnisation « de leur préjudice » ou « de leur seul préjudice » - il est
d'ailleurs amusant de constater que les juristes, tantôt souhaitent préciser
les choses, tantôt préfèrent ne pas le faire... -, il faut immédiatement
affirmer que ce préjudice ne saurait permettre d'atteindre l'enfant. C'est
pourquoi je suis heureux que M. le rapporteur se propose de rectifier son
amendement.
Mme Michelle Demessine.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à Mme Demessine.
Mme Michelle Demessine.
Je souhaite rectifier mon sous-amendement n° 422. Il nous faut rester très
sereins, car il est extrêmement difficile de trouver la solution aux problèmes
qui ont été soulevés par les arrêts Quarez et Perruche.
Nous continuons à progresser dans notre réflexion. Tous nos échanges montrent
bien nos inquiétudes au moment de légiférer sur un sujet aussi délicat, qui
soulève des problèmes de société et d'éthique non encore réglés.
Afin de tenir compte de ce débat, je vous propose, mes chers collègues, de
maintenir l'expression « au titre de leur seul préjudice ». En effet, bien que
l'adjectif « seul » soit discutable sur le plan juridique, les associations de
personnes handicapées, mentales en particulier, tiennent, je le sais, à ce mot,
qui leur apporte une garantie de nature à apaiser leurs inquiétudes.
En revanche, je reconnais que la rédaction de mon sous-amendement n° 422 donne
l'impression de fermer complètement la porte à une indemnisation au titre du
seul préjudice. Par conséquent, je la rectifie afin que le texte présenté dans
le sous-amendement se lise ainsi : « seul préjudice. Les charges particulières
découlant, tout au long de la vie de l'enfant, de ce handicap sont assumées par
la solidarité nationale ».
M. le président.
Je suis donc saisi d'un sous-amendement n° 422 rectifié, présenté par Mme
Demessine et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, et
tendant, après les mots : « qu'au titre de leur », à rédiger comme suit la fin
du troisième alinéa du texte proposé par le I de l'amendement n° 15 : « seul
préjudice. Les charges particulières découlant, tout au long de la vie de
l'enfant, de ce handicap sont assumées par la solidarité nationale. »
M. Nicolas About,
président de la commission des affaires sociales.
Je demande la
parole.
M. le président.
La parole est à M. le président de la commission des affaires sociales.
M. Nicolas About,
président de la commission des affaires sociales.
Que Mme Demessine a
raison ! Toutefois, elle relie la première partie de son sous-amendement, qui a
une portée juridique très claire, à une seconde partie qui, si elle est certes
louable, n'a cependant qu'une portée purement déclarative puisque le lien
juridique disparaît.
Par conséquent, pour donner satisfaction à Mme Demessine, ainsi qu'à M. Jean
Arthuis, qui a contribué à la rédaction de cette proposition, il me paraît
judicieux d'examiner maintenant la rectification de l'amendement n° 15, qui
donne une dimension juridique à la volonté de Mme Demessine.
M. Francis Giraud,
rapporteur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Giraud, rapporteur.
M. Francis Giraud,
rapporteur.
Comme vient de l'annoncer M. le président de la commission,
je rectifie l'amendement afin que le troisième alinéa du paragraphe I se lise
ainsi :
« Lorsque la responsabilité d'un professionnel ou d'un établissement de santé
est engagée vis-à-vis des parents d'un enfant né avec un handicap non décelé
pendant la grossesse à la suite d'une faute caractérisée, les parents peuvent
demander une indemnité au titre de leur seul préjudice. Ce préjudice ne saurait
inclure les charges particulières découlant, tout au long de la vie de
l'enfant, de ce handicap, dont la compensation est assumée par la solidarité
nationale. »
M. le président.
Je suis donc saisi d'un amendement n° 15 rectifié, présenté par MM. Giraud,
Dériot et Lorrain, au nom de la commission des affaires sociales, et ainsi
libellé :
« Avant le titre Ier, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Nul ne peut se prévaloir d'un préjudice du seul fait de sa
naissance.
« La personne née avec un handicap dû à une faute médicale peut obtenir la
réparation de son préjudice lorsque l'acte fautif a provoqué directement le
handicap ou l'a aggravé, ou n'a pas permis de prendre les mesures susceptibles
de l'atténuer.
« Lorsque la responsabilité d'un professionnel ou d'un établissement de santé
est engagée vis-à-vis des parents d'un enfant né avec un handicap non décelé
pendant la grossesse à la suite d'une faute caractérisée, les parents peuvent
demander une indemnité au titre de leur seul préjudice. Ce préjudice ne saurait
inclure les charges particulières découlant, tout au long de la vie de
l'enfant, de ce handicap, dont la compensation est assumée par la solidarité
nationale.
« Les dispositions du présent paragraphe sont applicables aux instances en
cours, à l'exception de celles où il a été irrévocablement statué sur le
principe de l'indemnisation.
« II. - Toute personne handicapée a droit, quelle que soit la cause de sa
déficience, à la solidarité de l'ensemble de la collectivité nationale.
« III. - Il est créé, dans des conditions définies par décret, un Observatoire
de l'accueil et de l'intégration des personnes handicapées, chargé d'observer
la situation matérielle, financière et morale des personnes handicapées en
France et de présenter toutes les propositions jugées nécessaires au Parlement
et au Gouvernement visant à assurer, par une programmation pluriannuelle
continue, la prise en charge de ces personnes.
« IV. - Le présent article est applicable en Polynésie française, en
Nouvelle-Calédonie, dans les îles Wallis et Futuna ainsi qu'à Mayotte et
Saint-Pierre-et-Miquelon. »
Cet amendement intègre donc les préoccupations exprimées par Mme Demessine.
M. Francis Giraud,
rapporteur.
Tout à fait !
M. le président.
Dans ces conditions, madame Demessine, le sous-amendement n° 422 rectifié
est-il maintenu ?...
M. Pierre Fauchon,
rapporteur pour avis.
Je demande la parole pour un rappel au
règlement.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Pierre Fauchon,
rapporteur pour avis.
Monsieur le président, alors que nous examinons une
question délicate, nous élaborons, pratiquement au fil de la discussion, une
rédaction constamment évolutive.
Je demande donc que, avant de nous prononcer, nous disposions d'un texte
écrit, afin de savoir exactement quelle rédaction est soumise à notre vote !
M. Robert Badinter.
Tout à fait !
M. Pierre Fauchon,
rapporteur pour avis.
Cela me paraît indispensable !
M. Jean-François Picheral.
Il faut une suspension de séance !
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Monsieur le président, je demande une nouvelle suspension de séance.
M. le président.
Cela me paraît sage, en effet, compte tenu de l'importance du sujet.
En conséquence, mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos
travaux ; nous les reprendrons à quinze heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à douze heures trente, est reprise à quinze heures, sous
la présidence de M. Christian Poncelet.)