SEANCE DU 31 JANVIER 2002
M. le président.
La parole est à M. Eckenspieller.
M. Daniel Eckenspieller.
Ma question s'adresse à M. le ministre délégué à la santé.
Des aides-soignantes aux infirmières et aux médecins, des hospitaliers aux
libéraux, tous les professionnels de santé sont engagés depuis plusieurs
semaines dans un mouvement de protestation qui n'a jamais connu d'équivalent
dans notre pays.
(Exclamations sur les travées socialistes.)
Leur mal-être est tel, et ses causes sont si évidentes et si profondes, que
tous nos concitoyens expriment leur solidarité malgré la gêne que peut leur
occasionner cette situation.
Le Gouvernement est donc contraint de traiter à chaud ce dossier, faute
d'avoir mené de vraies négociations et d'avoir élaboré des réformes depuis cinq
ans. Aussi la gestion de la crise apparaît-elle aujourd'hui bien laborieuse,
notamment parce que le rôle des partenaires sociaux a été trop longtemps
négligé.
Et ce n'est pas le Grenelle de la santé organisé il y a quelques mois qui aura
permis de rattraper le temps perdu ! Si cette réunion avait porté ses fruits,
les professionnels de la santé seraient-ils aujourd'hui dans la rue ?
M. Alain Vasselle.
Exact !
M. Daniel Eckenspieller.
Le Gouvernement s'apprête à présenter devant le Sénat un texte qui prétend
rétablir sur des bases saines les relations entre les caisses d'assurance
maladie et les professionnels de la santé. Il s'agit d'un accord signé à la
hâte avec le syndicat minoritaire des médecins généralistes, alors que la
majorité des praticiens concernés le rejettent avec détermination.
M. Alain Vasselle.
C'est vrai !
M. Daniel Eckenspieller.
Les questions qu'appelle dès lors cette situation sont les suivantes : quand
le Gouvernement prendra-t-il la juste mesure de la crise qui secoue en
profondeur le monde des professionnels de la santé ?
M. Alain Gournac.
Dites cela à Mme Guigou !
M. Daniel Eckenspieller.
Quand cessera-t-il de rejeter sempiternellement sur d'autres que lui-même les
conséquences d'erreurs accumulées depuis cinq ans ?
M. Alain Gournac.
Mme Guigou !
M. Daniel Eckenspieller.
Quand prendra-t-il, enfin, les mesures nécessaires pour permettre aux
médecins, aux infirmières ainsi qu'aux autres soignants d'exercer leur noble
mais difficile métier dans la dignité et dans la sérénité à laquelle ils ont
droit ?
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants, de
l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. René-Pierre Signé.
C'est très excessif !
M. Alain Lambert.
Ne l'écoutez pas, monsieur le président, il dit toujours la même chose !
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Bernard Kouchner,
ministre délégué à la santé.
Quand ce gouvernement prendra-t-il la mesure
de la crise dont vous parlez, monsieur le sénateur ? Maintenant, avant, après ?
Ce n'est pas terminé !
Vous m'accorderez que je n'ai pas l'habitude de rejeter sur les autres les
fautes dont vous m'accablez, mais quand vous faites remonter aux cinq dernières
années les troubles de la profession médicale, je ne puis que vous dire,
monsieur le sénateur, que vous avez la mémoire courte, c'est le moins que l'on
puisse dire.
M. René-Pierre Signé.
Oh oui !
M. Paul Raoult.
Très courte en effet !
M. Bernard Kouchner,
ministre délégué.
Je veux bien admettre que le dialogue avec les
professions de santé n'est pas chose facile.
Mais si je suis arrivé en retard, monsieur le sénateur, c'est que la
manifestation qui se déroule actuellement devant mon ministère a déjà fait onze
blessés dans les forces de l'ordre, dont deux sérieusement atteints, pour ne
pas parler des vitres du bâtiment qui ont volé en éclats.
Je crains, monsieur le sénateur, que les professionnels dont vous venez de
parler n'emploient pas des moyens conformes à leur objectif et donnent, en
matière de violence, un exemple qui n'est absolument pas celui qu'il faut
suivre.
(Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. Alain Vasselle.
C'est la conséquence d'un manque de dialogue !
M. Bernard Kouchner,
ministre délégué.
Pour ce qui est du dialogue, je n'ai de leçons à
recevoir de personne, en tout cas pas de ceux qui n'ont pas de mémoire.
M. Alain Vasselle.
C'est Guigou !
M. Bernard Kouchner,
ministre délégué.
Je ne suis pas Elisabeth Guigou, je suis Bernard
Kouchner, et c'est moi qui ai dialogué avec les professions que vous citez,
même si Elisabeth Guigou l'a fait, elle aussi.
Toutes les professions que vous avez citées, monsieur le sénateur, les
aides-soignantes, les infirmières et maintenant les infirmières libérales...
dialoguent aujourd'hui, avec la CNAM comme le veut la loi.
Si vous voulez changer la loi, je suis tout à fait d'accord avec vous pour en
parler, car je pense que notre système de santé mériterait d'évoluer.
Quoi qu'il en soit, pour le moment, les infirmières libérales comme les
médecins généralistes doivent dialoguer avec la CNAM à qui les Français ont
confié l'argent nécessaire, et d'ailleurs, toujours insuffisant, pour que le
système se perpétue.
Nous avons passé des accords avec toutes les professions que vous avez citées.
Je parle de l'hôpital puisque vous y avez fait allusion. J'espère
qu'aujourd'hui ou demain un accord sera trouvé concernant la revalorisation,
que je juge absolument indispensable, du statut des infirmières libérales. Je
ne doute d'ailleurs pas que cela sera fait.
Pour ce qui est des généralistes, vous dites que nous avons signé avec des
syndicats minoritaires ; c'est la tradition syndicale française ! Je suis prêt
à signer avec les syndicats majoritaires. Je ne doute pas qu'un jour ce sera
fait, mais, pour le moment, il en est ainsi.
Je ne vous accablerai pas de chiffres sur ce point mais, vous le savez, la
revalorisation de la visite, qui était indispensable, atteindra un jour les 20
euros, bien entendu, et même les dépassera. Il y a eu un certain nombre
d'avancées et les syndicats reconnaissent eux-mêmes. Je le sais parce qu'ils me
l'ont dit récemment.
Non seulement la consultation a été revalorisée, mais la consultation
approfondie est déjà à 23 euros. Vous me dites que ce n'est pas assez. Ce n'est
jamais vraiment assez, mais il faut se contenter de l'argent que nous avons.
La visite de nuit aussi est revalorisée, la visite des malades bénéficiant du
maintien à domicile également, les consultations le samedi après-midi ainsi que
les astreintes et les gardes sont par ailleurs désormais prises en
considération.
Evidemment, je trouve que l'on pourrait, si on en avait les moyens, aller plus
loin. Nous le ferons sans aucun doute.
M. le président.
Veuillez conclure, je vous prie, monsieur le ministre.
M. Bernard Kouchner,
ministre délégué.
S'agissant du malaise profond de ces professions, il
mérite d'autres solutions qu'une simple revalorisation. Nous nous y
employons.
Nous avons fixé quatre rendez-vous avec les syndicats. Ils doivent se dérouler
dans les jours qui viennent et ils seront maintenus. Cela dit, je suis d'accord
avec vous : il faut changer notre vue sur le système dans son ensemble.
(Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président.
Nous en avons terminé avec les questions d'actualité au Gouvernement.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux quelques
instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures, est reprise à seize heures cinq, sous la
présidence de M. Bernard Angels.)