SEANCE DU 6 FEVRIER 2002
M. le président.
Avant de mettre aux voix l'ensemble du projet de loi, je donne la parole à M.
Fischer pour explication de vote.
M. Guy Fischer.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je tiens
tout d'abord à saluer la sérénité qui a présidé à nos débats sur ce projet de
loi, qui est porteur d'avancées attendues depuis longtemps, par les malades,
leurs associations, leurs familles, comme par les médecins.
Contrairement à ce qui s'est produit lors de débats antérieurs, la majorité
sénatoriale ne s'est pas employée à défaire ce texte. La plupart des nombreux
amendements qui ont été présentés s'inscrivaient
grosso modo
dans la
philosophie du texte initial.
M. Bernard Kouchner,
ministre délégué.
C'est vrai ! Et ils allaient souvent dans le sens d'une
amélioration !
M. Guy Fischer.
Les amendements adoptés par le Sénat ne bouleversent en rien l'économie
générale des mesures phares, qu'il s'agisse des droits des personnes malades et
de usagers du système de santé ou de l'indemnisation de l'aléa
thérapeutique.
Certes, des différences d'approche sont apparues. Si la majorité sénatoriale
n'a pas remis en cause les dispositions visant à rééquilibrer la relation
patient-médecin, des craintes ont été exprimées quant au risque de voir ce
texte aboutir à détériorer la relation de confiance entre l'un et l'autre.
La commission a cru bon de rappeler solennellement que les droits reconnus aux
usagers du système de santé sont, pour eux, autant de responsabilités
nouvelles. Je continue à ne pas très bien saisir ce que peuvent être ces
obligations particulières.
Par ailleurs, considérant que le titre de « défenseur du droit des malades »
paraissait injurieux à l'égard des professionnels de santé et mesurant mal
l'utilité de ce dernier, la majorité sénatoriale l'a supprimé, ce qui est
regrettable.
Nous restons un peu insatisfaits concernant la définition des orientations de
la politique de santé et la démocratisation du processus d'élaboration de ces
dernières. Nous sommes toujours en attente d'un véritable débat au Parlement
sur les questions de santé publique et de prévention, en amont de l'examen du
projet de loi de financement de la sécurité sociale.
Sur la partie consacrée à la qualité du système de santé, le caractère
disparate des mesures adoptées m'empêche de vous livrer un sentiment général.
En tout cas, les dispositions relatives à la formation médicale et l'accent mis
sur les réseaux de santé permettront de faire évoluer utilement notre système
de santé et de convaincre les professionnels qui doutent de leur rôle qu'il
pourront retrouver toute leur place en tant qu'acteurs de ce système.
Enfin, s'agissant du très important titre III, qui offre aux victimes
d'accident médical la possibilité de voir leurs droits à indemnisation plus
facilement reconnus - au titre soit de la solidarité nationale, soit de la
responsabilité -, je me contenterai de formuler une remarque : il est
profondément injuste que les personnes contaminées par le virus de l'hépatite C
n'aient pas été intégrées dans le champ de la loi. Cela étant, ce point a donné
lieu à un débat très intéressant.
Grâce aux échanges constructifs que nous avons pu avoir, globalement, le
projet de loi s'est enrichi, même si certaines solutions demeurent imparfaites.
Je pense tout particulièrement aux suites législatives de l'arrêt Perruche. Nos
travaux ont été de très grande qualité. Notre collègue Michelle Demessine y a
pris d'ailleurs une grande part.
Compte tenu de notre attachement à la prise en charge du handicap par la
solidarité nationale, je souhaite vivement que la commission mixte paritaire
permette de réaliser encore des avancées et qu'elle contribue à vider le texte
de toute ambiguïté.
Sous le bénéfice de ces observations, en raison de notre incompréhension face
au sort réservé à certains de nos amendements - qu'il s'agisse de la
reconnaissance d'un diplôme autonome de gynécologie médicale distinct du
diplôme de gynécologie-obstétrique, ou de l'amélioration du statut des médecins
exerçant en centres de santé municipaux -, nous nous abstiendrons lors du vote
qui va intervenir, en souhaitant vivement que la commission mixte paritaire
apporte les améliorations que ce texte est encore susceptible de recevoir.
M. le président.
La parole est à M. Cazeau.
M. Bernard Cazeau.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce dernier
grand texte de la législature en matière de santé s'inscrit parfaitement dans
la continuité des grandes réformes déjà entreprises par le Gouvernement. J'en
citerai quelques-unes : la CMU pour les plus démunis, l'amélioration de l'IVG
et de la contraception, la réforme des études médicales, le développement des
soins palliatifs et de la lutte contre la douleur ou encore le renforcement de
la veille et de la sécurité sanitaires.
Il s'agit d'un texte d'une grande ampleur, qui s'adresse à l'ensemble de nos
citoyens dans ce qu'ils ont de plus cher : leur santé et celle de leurs
proches.
Ce texte permet de réaliser trois ordres d'avancées : le développement de la
démocratie sanitaire, en faisant du malade un acteur à part entière,
participant pleinement aux décisions qui le concernent et en reconnaissant
aussi le rôle des associations ; l'amélioration de la qualité du système de
santé, notamment par l'instauration d'une formation médicale continue élargie,
mais également en garantissant au mieux la sécurité des usagers par un
encadrement plus strict des pratiques à risques ou en donnant toute sa place à
la politique de prévention ; une meilleure réparation des risques sanitaires
grâce à une procédure unique et accélérée d'indemnisation, privilégiant la
conciliation, mais aussi et peut-être surtout avec la mise en place d'un
dispositif public de réparation de l'aléa thérapeutique par un office
national.
Le texte tel qu'il nous est parvenu de l'Assemblée nationale nous convenait,
et nous l'aurions voté sans hésiter. Le Sénat y a apporté un certain nombre de
modifications : certaines l'enrichissent ; nous en regrettons quelques autres.
Mais nous tenons à souligner le sérieux et la sérénité du travail mené par la
commission des affaires sociales.
Est venu se greffer sur le texte de loi originel l'amendement consécutif à
l'arrêt Perruche. Nous nous sommes abstenus sur la proposition émanant de la
commission des affaires sociales. Nous pensons que la commission mixte
paritaire peut encore améliorer le dispositif à cet égard, en même temps,
d'ailleurs, que d'autres aspects du texte. C'est pourquoi nous nous
abstiendrons sur l'ensemble du projet de loi tel qu'il ressort des travaux du
Sénat.
(M. Guy Fischer remplace M. Adrien Gouteyron au fauteuil de la
présidence.)
PRÉSIDENCE DE M. GUY FISCHER
vice-président
M. le président.
La parole est à M. Giraud, rapporteur.
M. Francis Giraud,
rapporteur.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers
collègues, comme les orateurs précédents, je crois que nous avons eu un débat
de qualité, un débat constructif.
En tant que rapporteur pour le titre Ier, j'ai considéré que le texte qui nous
venait de l'Assemblée nationale apportait des éléments attendus par les
citoyens et par les professionnels de santé mais s'inscrivait dans une
conception de la relation du citoyen avec la santé qui méritait d'être en
quelque sorte infléchie. Il s'agissait non de détruire mais de faire valoir une
autre approche de situations que nous sommes nombreux, dans cette assemblée, à
avoir vécues.
En tout cas, dans nos amendements, c'était toujours l'intérêt du malade et,
plus généralement, du citoyen, qui nous guidait.
Il est inutile de rappeler combien sont difficiles, dans notre pays, les
conditions d'exercice des professionnels de santé. A nos yeux, une relation
équilibrée ne peut qu'être fondée sur la compétence. D'où l'importance de la
formation initiale et continue des professionnels de santé.
Peut-être y a-t-il là un point de divergence. Pour nous, la confiance ne se
décrète pas. La loi ne peut en aucun cas l'établir directement. En revanche,
elle peut créer les conditions de la confiance. Or, de ce point de vue,
certains aspects du texte qui nous a été transmis, sans aller jusqu'à parler
d'agression vis-à-vis des professionnels de santé, ne nous paraissaient pas de
nature à faciliter l'instauration de la confiance.
Mais je n'irai pas au-delà dans l'analyse : il n'y a pas les bons et les
mauvais, les méchants et les gentils, il y a une relation très difficile, une
relation ancestrale qu'il est bien difficile de conserver.
Les amendements que nous avons déposés, s'agissant de la relation avec le
malade, ont permis à ce texte d'évoluer dans un sens qui n'est sans doute pas
strictement celui que souhaitait l'Assemblée nationale - mais à quoi bon,
sinon, discuter et tenter de progresser au Sénat ? - et nous avons eu plaisir à
constater que le Gouvernement avait accepté un grand nombre de ces
amendements.
Cela étant, à l'évidence, si notre pays est riche et fort bien équipé, s'il
compte des professionnels de qualité et en grand nombre, si ses résultats en
matière de santé - en particulier s'agissant de l'espérance de vie, nous
l'avons confirmé ce matin - sont bons, tout le monde est obligé de reconnaître
qu'il reste des lacunes graves dans le fonctionnement et, surtout, dans
l'organisation de notre système de santé.
Vous nous avez parlé de la prévention, et c'est l'essentiel, mais elle n'est
pas à la hauteur des résultats que nous connaissons par ailleurs dans notre
pays, nous le savons tous, et tout ce qui pourra être fait dans ce sens est une
bonne chose.
En revanche, je le répète, monsieur le ministre - et cela ne date pas d'hier -
il n'y a pas, au sens vrai du terme, une politique de santé dans notre pays, il
n'y a que des actions de santé. Or, si elles peuvent être très efficaces
parfois, elles ne sont pas réparties de manière équitable à l'intérieur du
territoire. Par conséquent, il nous faut un ministère de la santé fort, et si
les nombreuses agences ou le Haut Conseil de la santé sont autant de structures
utiles, composées de gens très compétents, il faut bien reconnaître que leur
cohérence n'est pas absolue parce qu'elles sont trop dispersées. Cette
situation ne peut durer !
Par ailleurs, vous nous avez rappelé, monsieur le ministre, tout au long du
débat, que la question financière relevait non de l'Etat mais des
contribuables. Il faudra cependant un jour, dans ce pays, examiner ces deux
problèmes fondamentaux - le système et son financement - en même temps ! Sinon,
là aussi, des distorsions auront lieu dans un sens ou un autre.
Quant à l'organisation régionale, elle correspond à une demande, et elle ne
pose pas de réel problème.
Enfin, permettez-moi d'évoquer brièvement, après les orateurs qui m'ont
précédé, l'arrêt Perruche, qui est venu se greffer, en quelque sorte, sur le
texte relatif aux droits des malades. Je persiste à penser - et je sais que
nombreux sont ceux qui partagent ici ce sentiment - que la position de la
commission des affaires sociales, fondée sur la solidarité nationale envers les
handicapés, est une position fondamentale.
Je sais que certaines considérations juridiques doivent être prises en compte,
mais, je le répète, quels que soient les préjudices, leur réparation ne doit
pas viser le handicapé lui-même, mais le handicap. Nous avons progressé dans ce
sens avec l'amendement qui a été adopté par le Sénat, et la commission mixte
paritaire, qui se réunit demain, pourra parachever ce débat en s'inspirant des
idées de solidarité nationale et d'équité, que nous avons souhaité développer
face à ce problème dramatique des handicapés.
Monsieur le ministre, le texte auquel nous avons abouti n'est pas définitif -
il le sera demain -, mais nous le voterons parce qu'il reprend certaines des
options que nous avons défendues. Pour nous, le débat a été bon, enrichissant
et, je l'espère, bénéfique pour la santé des Français.
M. le président.
La parole est à M. Trucy.
M. François Trucy.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous l'avons
dit dès le début de la discussion, ce projet de loi traite de sujets
importants. Mais, sur bien des points, ce n'est pas le projet de loi que nous
attendions.
Alors que la gestion paritaire défaille - le MEDEF a quitté les caisses il y a
six mois - et que les dépenses de santé ne sont pas maîtrisées, le Gouvernement
nous présente un projet de loi qui ignore ces questions cruciales. C'est-à-dire
qu'il pèche d'abord par omission.
En fait, nous attendions de ce projet de loi qu'il traite aussi des relations
entre l'Etat et les caisses, de la maîtrise des dépenses de santé, de leur
régionalisation et de la démographie médicale et paramédicale.
C'était une ambition peut-être un peu large, mais avouez, monsieur le
ministre, mes chers collègues, que ce sont des questions qui nous « tarabustent
» beaucoup.
Cette absence sera préjudiciable à l'application de ce projet de loi, qui n'en
comporte pas moins de grandes avancées, que notre assemblée a confortées. Je
gage que nous essaierons d'aboutir à un accord en commission mixte
paritaire.
Le groupe des Républicains et Indépendants, en tout cas, souhaite tout
particulièrement que nous aboutissions à une solution claire sur
l'indemnisation des handicaps congénitaux, à une solution qui évite toute
indemnisation pour préjudice de vie, qui préserve l'égalité entre handicapés et
qui ne fasse pas porter aux médecins de responsabilité indue.
En conclusion, je tiens à dire que nous devons le résultat de ce débat à la
qualité du travail de nos différents rapporteurs et du président de la
commission des affaires sociales, mais également à vous, monsieur le ministre,
qui avez été constamment à l'écoute des uns et des autres. Nous aurions aimé,
tout au long de cette législature, que beaucoup de membres du Gouvernement
s'inspirent de cette méthode !
M. le président.
La parole est à M. Lorrain, rapporteur.
M. Jean-Louis Lorrain,
rapporteur.
J'essaierai de me cantonner à mon humble tâche de rapporteur
sur les questions des aléas thérapeutiques.
Ce texte était attendu depuis plus de dix ans. Malheureusement, son examen a
sans doute été quelque peu « occulté » - je ne dis pas « parasité », ce serait
tout à fait désobligeant - par un débat d'une autre dimension, je veux parler
de l'arrêt Perruche. Sur ce point, nous demandions, je le rappelle, non pas une
indemnisation, mais une compensation du handicap grâce à la solidarité
nationale. Voilà, en tout cas, un champ énorme de travail pour les
gouvernements à venir !
J'espère en tout cas que l'arrêt Perruche ne sera pas un point de désaccord au
sein de la commission mixte paritaire, car je souhaite très fortement que nous
puissions réussir à nous entendre sur un texte commun avec l'Assemblée
nationale.
Si nous avons abordé le problème des accidents sans faute, c'était toujours
dans le souci de la victime et, l'une des forces de ce texte, c'est de bien
montrer notre volonté de réformer l'expertise et de consolider la qualité des
experts, ainsi que le souhaitaient les intéressés eux-mêmes.
Nous avons eu également le souci de restaurer un équilibre entre les
professionnels de santé et les assureurs, sans privilégier les uns par rapport
aux autres : notre souci permanent s'est attaché à la victime, au malade.
En revanche, le Sénat a apporté certaines définitions et a éclairé certaines
questions en qualifiant mieux les accidents médicaux, les infections
iatrogènes, les affections nosocomiales.
Le texte auquel nous avons abouti porte la marque d'une certaine modernité.
Nous avons ainsi évoqué la médiation médicale qui, je l'espère, au-delà d'un
effet de mode, permettra de réconcilier les victimes, les malades et les
professions médicales.
Ce projet de loi a connu une longue maturation. D'aucuns d'entre nous ont
voulu, tout au long du débat, que nous soyons vigilants sur le respect des
principes de responsabilité, sur l'idée que la faute nécessitait réparation, et
cela a été notre souci permanent.
Quant au titre IV, il n'est pas pour nous un titre accessoire, je le dis avec
un profond respect envers nos concitoyens des territoires lointains d'outre-mer
: ce que nous avons pu apporter aux handicapés, aux retraités de
Saint-Pierre-et-Miquelon, par exemple, va dans le sens d'une plus grande
solidarité à leur égard.
L'important, pour nous, je le dis en toute humilité, aura été de pouvoir
résoudre des questions en suspens depuis très longtemps. L'aléa, vous le savez,
est un mot qui est maintenant passé dans notre langage commun, mais vous
connaissez ses origines : s'il a traversé les temps, c'est bien qu'il est très
résistant ! S'y attaquer, comprenez-le bien, c'était une tâche énorme qui
nécessitait véritablement le temps que nous avons dû y consacrer.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Pierre Fauchon,
rapporteur pour avis.
Je me félicite à mon tour, en tant que rapporteur
pour avis de la commission des lois - mais aussi au nom de mon groupe - du
résultat auquel nous sommes parvenus, car le texte que nous allons adopter dans
un instant comporte des avancées majeures. Les unes sont d'une efficacité
certaine, les autres voient leur efficacité subordonnée aux décrets
d'application qui seront pris, mais nous nous réjouissons, par exemple, de la
prise en compte de l'aléa thérapeutique, même si nous nous interrogeons sur
l'efficacité réelle des commissions régionales qui seront mises en place. J'ai
exprimé mon scepticisme à cet égard, mais il n'empêche que je souhaite vivement
voir ces commissions fonctionner d'une manière satisfaisante, tout simplement
parce que c'est l'intérêt général.
Je me réjouis également des avancées réalisées dans la prise en compte des
malades dans l'ensemble du système de santé. Je me suis déjà expliqué sur ce
point, je n'y reviens pas. Quoi qu'il en soit, l'efficacité de ce texte
dépendra beaucoup des décrets d'application et de la bonne volonté que les uns
et les autres manifesteront dans leur mise en oeuvre.
Je ne reviendrai pas sur l'arrêt Perruche. Le débat que nous avons eu sur ce
point a sans doute eu l'inconvénient d'intervenir de manière beaucoup trop
improvisée, et la sagesse aurait peut-être été de dissocier cette question du
reste de la discussion, mais les choses se sont présentées d'une façon telle
que nous ne pouvions nous dérober.
Je retiens simplement, en ce qui me concerne, que nous sommes en tout cas
parvenus à un accord, au terme de délibérations qui ont été claires. Même s'il
n'est pas parfait, nous sommes toutefois parvenus à établir entre nous un
contrat, sur lequel chacun s'est exprimé publiquement. De la sorte, au sein de
la commission mixte paritaire qui se réunira demain, ce ne sera ni la
commission des affaires sociales ni la commission des lois, mais le Sénat tout
entier, par l'intermédiaire de ses représentants, qui défendra l'accord qui est
intervenu.
C'est dans cet esprit que je me réjouis d'avoir pu participer à ce débat.
M. Nicolas About,
président de la commission des affaires sociales.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le président de la commission.
M. Nicolas About,
président de la commission des affaires sociales.
Monsieur le président,
monsieur le ministre, mes chers collègues, droits de la personne, droits des
usagers du système de santé, responsabilités, compétences, déontologie des
professionnels, réparation des conséquences des risques sanitaires, orientation
de la politique de santé, organisation des réseaux, prévention, nous avons
étudié tous ces sujets au fil de 94 articles, de 400 amendements, et ce dans
l'urgence.
Bien sûr, cela a entraîné beaucoup d'hésitations, quelquefois des
tâtonnements, mais tout cela a donné lieu à un travail extrêmement important en
commission et à un travail considérable en séance publique.
Je tiens à remercier tout particulièrement les quatre rapporteurs, pour leur
participation, la qualité de leur travail et les auditions qui ont été
réalisées.
Pourtant, au moins trente-trois fois, j'ai entendu l'expression : « Nous
améliorerons le texte en commission mixte paritaire ; votons-le ! » ou encore :
« Nous trouverons bien une solution » C'est fantastique ! La commission mixte
paritaire a pris une toute nouvelle dimension du fait de l'urgence.
Nous n'avons plus le temps de faire une deuxième lecture des textes. Tout
naturellement, à l'issue de la première lecture, nous avons le sentiment que
notre travail est incomplet, inachevé... D'ailleurs, tout le monde l'a dit,
même MM. Fischer et Cazeau, et tous ont placé leurs espoirs dans la réunion de
la commission mixte paritaire.
Même si, selon le rapporteur pour avis, M. Fauchon, il ne faut surtout pas
oublier que ce qui est voté ici est sacré et que personne ne peut y toucher,
nous avons bien conscience que le texte issu de nos travaux n'est pas la vérité
écrite en lettres d'or après cette première lecture en urgence et dans des
conditions extrêmement difficiles. Nous avons en effet travaillé pendant deux
semaines, plusieurs soirs de suite jusqu'à minuit, pressés par le Gouvernement,
qui sent bien la fin de sa législature arriver. Toutefois, mon cher ministre,
je suis heureux que nous ayons pris le rythme et permis à ce texte, qui
deviendra certainement la loi Kouchner, d'être voté.
.
Cela signifie-t-il que notre travail est achevé ? La réunion de la commission
mixte paritaire va servir non pas à régler, comme c'est la tradition, les
différends entre l'Assemblée nationale et le Sénat, mais à mettre au point
certains articles.
Souvenez-vous, les députés ont voté les dispositions de l'arrêt Perruche tout
en ayant conscience qu'elles n'étaient pas satisfaisantes. Pour les convaincre
de le faire, le ministre leur avait dit qu'elles seraient améliorées au Sénat.
Ici, nous avons le même sentiment et nous faisons exactement la même chose en
nous disant que le texte sera peaufiné en commission mixte paritaire !
Nous nous sommes efforcés de faire le mieux possible, mais nous avons tous
conscience, après avoir entendu l'avis de juristes, que toutes les ambiguïtés
n'ont pas été levées. Je rassure MM. Fischer et Cazeau, elles devront l'être en
commission mixte paritaire. Il en va de notre honneur. Nous n'avons
effectivement pas le droit de laisser subsister dans un texte des dispositions
auxquelles nous ne croyons pas. Ce n'est pas une façon de légiférer et, si nous
le faisions, nous ne mériterions pas de siéger dans cette enceinte.
Nous nous sommes efforcés de traiter le mieux possible les sujets très
complexes que nous avons abordés, mais nous sentons que nous n'avons pas
répondu aux attentes sur certains points : l'arrêt Perruche, la gynécologie,
l'ostéopathie. Je peux vous assurer que nous irons en commission mixte
paritaire non pas avec la volonté d'imposer les dispositions que nous avons
votées, mais avec le sentiment que nous devons faire mieux avec les députés.
(Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR,
de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Bernard Kouchner,
ministre délégué.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Bernard Kouchner,
ministre délégué.
Monsieur le président, messieurs les rapporteurs,
mesdames, messieurs les sénateurs, j'ai le sentiment, quel que peu immodeste,
du devoir accompli. Je ne vous brosserai pas le grand tableau des changements
qui sont intervenus dans le domaine des soins et de la santé, mais il est vrai
que, depuis dix ans, nous avons changé beaucoup de choses avec ceux qui eurent
la charge de ce ministère. Au fond, dans le domaine de la sécurité sanitaire,
les changements s'imposaient, en raison des dangers, des dommages très
importants et de ce qu'on a appelé les accidents sériels. Les praticiens, c'est
vrai, monsieur Giraud, vivaient mal la situation. Ils se croyaient attaqués,
alors qu'ils ne l'étaient pas. Le système n'était plus adapté : la médecine a
changé ; les patients sont devenus impatients ; les victimes se plaignent. Il
fallait donc agir, mettre en place des agences, parler un autre langage. Nous
l'avons fait.
Ces équipes, qui m'ont accompagné pendant dix ans - depuis 1992 -, ont
accompli un immense travail, ce dont je les remercie. Mais ce travail n'aurait
pas été possible sans vous, sans la réflexion de la représentation
nationale.
Certes, vous avez eu raison de le souligner, le travail est imparfait. Je
crois toutefois que nous avons fait beaucoup, tant pour les malades que pour
l'amélioration de la qualité du système de santé, ou encore les aléas
thérapeutiques. Depuis dix ans, nous pensions à ce projet de loi. Ce soir,
c'est fait, un peu pour nous, un peu pour l'honneur aussi, et, bien que ce soit
toujours trop tard pour les victimes, le principal c'est que nous l'ayons
fait.
Il nous reste - c'est important - à parler de finances, mais je suis mal placé
pour le faire en ce moment. Ce sera pour plus tard. Un nouveau dispositif est
en effet absolument nécessaire. Je vous livre là le fruit de ma réflexion au
ministère de la santé. Mais laissons passer les élections, et prenez, je vous
en supplie, le temps de réfléchir à la façon d'associer à ce financement les
professionnels et les associations de malades, après avoir travaillé à la
création des agences et aux dispositions qui ont le plus profondément modifié
le système de santé. C'est en effet de cette Haute Assemblée que sont nées les
réflexions sur ces sujets.
Avant que nous nous quittions, je voudrais rendre hommage à MM. Neuwirth,
Huriet et Descours, ainsi qu'à d'autres amis qui, eux, sont encore là. Sans
leur contribution, rien n'aurait été fait.
Malgré l'excellence de notre système de santé, il doit être encore amélioré
et, très vite, dans certains domaines - celui du financement dont je parlais,
par exemple -, cela afin d'éviter que nous n'allions de crise en crise. Je
prends en plein coeur, et vous aussi, les protestations toujours plus grandes
des professionnels, parce que nous essayons de provoquer des changements pour
les satisfaire.
Je tenais à vous dire aussi que j'ai apprécié vos interventions et beaucoup
appris, car beaucoup d'entre vous ont parlé, guidés non seulement par la raison
- sagesse du Sénat oblige - mais aussi par leur expérience, leurs sentiments et
leur amour. J'y ai été très sensible.
J'ai également apprécié que les rapporteurs ne soient pas d'accord. C'est la
démocratie ! Pourtant, nous sommes parvenus à un texte. C'est d'ailleurs
peut-être parce que vous n'étiez pas d'accord, et que, moi, je l'étais
alternativement avec l'un ou avec l'autre, que nous avons réussi ce « patchwork
» qui, je l'espère, sera amélioré et perdurera. La commission a véritablement
travaillé avec ardeur et avec conscience, mais surtout avec compétence. Je vous
remercie, monsieur le président. J'ai beaucoup apprécié ce que vous avez dit.
C'est comme cela que je conçois la politique. Même si l'affrontement est
parfois nécessaire, il ne doit pas être permanent et les formes qu'il prend
sont perfectibles.
Je tenais à m'exprimer avant le vote, dont je ne connais pas le résultat.
D'ailleurs, ceux qui s'abstiendront profiteront de la chance que réprésentera
la commission mixte paritaire, et je le comprends.
J'ai également beaucoup apprécié le fait que la commission des affaires
culturelles, familiales et sociales de l'Assemblée nationale et la commission
des affaires sociales du Sénat se soient efforcées de mettre en place un
système qui, demain, sera abouti. Mais je ne vous envie pas, car, demain, je ne
serai pas là. Donc tout est entre vos mains !
En tout cas, la fin de la législature approche. Je regrette le recours à la
procédure d'urgence, parce que ce texte, comme bien d'autres, méritait mieux.
Mais il n'aurait pas été possible de l'adopter si nous avions procédé autrement
et, personnellement, j'en aurais été extrêmement frustré.
Merci à ceux qui ont présidé et aux intervenants, et avant de terminer, je
dirai à Mme Demessine que ses propos m'ont beaucoup ému, ainsi que beaucoup
d'autres, monsieur le président.
(Applaudissements.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?... Je mets aux voix l'ensemble du projet de
loi.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant de la commission des
affaires sociales.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions réglementaires.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président.
Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
Nombre de votants | 314 |
Nombre de suffrages exprimés | 202 |
Majorité absolue des suffrages | 102 |
5