SEANCE DU 12 FEVRIER 2002
SOMMAIRE
PRÉSIDENCE DE M. ADRIEN GOUTEYRON
1.
Procès-verbal
(p.
0
).
2.
Création d'une commission d'enquête sur la délinquance des mineurs.
-
Adoption des conclusions du rapport d'une commission.
(Ordre du jour
réservé.)
(p.
1
).
Discussion générale : MM. Jean-Jacques Hyest, rapporteur de la commission des
lois ; Simon Sutour, Robert Bret, Alain Joyandet.
Clôture de la discussion générale.
Adoption de l'article unique de la proposition de résolution.
3.
Cour pénale internationale.
- Adoption des conclusions du rapport d'une commission.
(Ordre du jour
réservé.)
(p.
2
).
Discussion générale : M. Patrice Gélard, rapporteur de la commission des lois ;
Mme Marylise Lebranchu, garde des sceaux, ministre de la justice ; MM. Robert
Badinter, Robert Bret.
Clôture de la discussion générale.
Articles 1er à 5. - Adoption (p. 3 )
Adoption de l'ensemble de la proposition de loi.
4.
Candidatures à une commission mixte paritaire
(p.
4
).
5.
Crimes imprescriptibles en matière de terrorisme.
- Renvoi d'une
proposition de loi à la commission.
(Ordre du jour réservé.)
(p.
5
).
Discussion générale : M. Patrice Gélard, en remplacement de M. Henri de
Richemont, rapporteur de la commission des lois ; Mme Marylise Lebranchu, garde
des sceaux, ministre de la justice ; MM. Robert Badinter, Aymeri de
Montesquiou, Paul Girod, Mme Nicole Borvo.
Mme le garde des sceaux.
Clôture de la discussion générale.
Demande de renvoi à la commission (p. 6 )
Motion n° 1 de M. Jacques Pelletier. - MM. Jacques Pelletier, René Garrec, président de la commission des lois ; Mme le garde des sceaux. - Adoption de la motion ordonnant le renvoi à la commission de la proposition de loi.
Suspension et reprise de la séance (p. 7 )
PRÉSIDENCE DE M. DANIEL HOEFFEL
6.
Communication relative à une commission mixte paritaire
(p.
8
).
7.
Conférence des présidents
(p.
9
).
8.
Nomination de membres d'une commission mixte paritaire
(p.
10
).
9.
Journée nationale pour l'abolition universelle de la peine de mort.
- Adoption des conclusions du rapport d'une commission.
(Ordre du jour
réservé.)
(p.
11
).
Discussion générale : Mmes Nicole Borvo, rapporteur de la commission des lois ;
Marylise Lebranchu, garde des sceaux, ministre de la justice ; M. Robert
Badinter.
Clôture de la discussion générale.
Article 1er (p. 12 )
MM. Michel Caldaguès, Patrice Gélard, Philippe de Gaulle.
Adoption de l'article.
Articles 2 à 4. - Adoption (p. 13 )
Adoption de l'ensemble de la proposition de loi.
10.
Résorption des décharges brutes.
- Discussion d'une question orale avec débat.
(Ordre du jour réservé.)
(p.
14
).
MM. Gérard Delfau, auteur de la question ; Max Marest, Philippe Arnaud, Gérard
Le Cam.
MM. Yves Cochet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement
; Gérard Delfau.
Clôture du débat.
11.
Dépôt d'une proposition de loi
(p.
15
).
12.
Texte soumis au Sénat en application de l'article 88-4 de la Constitution
(p.
16
).
13.
Dépôt d'un rapport
(p.
17
).
14.
Dépôt rattaché pour ordre au procès-verbal de la séance du 7 février 2002
(p.
18
).
15.
Ordre du jour
(p.
19
).
COMPTE RENDU INTÉGRAL
PRÉSIDENCE DE M. ADRIEN GOUTEYRON
vice-président
M. le président.
La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à neuf heures trente.)
1
PROCÈS-VERBAL
M. le président.
Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ?...
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.
2
CRÉATION D'UNE COMMISSION D'ENQUÊTE
SUR LA DÉLINQUANCE DES MINEURS
(Ordre du jour réservé)
Adoption des conclusions
du rapport d'une commission
M. le président.
L'ordre du jour appelle la discussion des conclusions du rapport (n° 213,
2001-2002) de M. Jean-Jacques Hyest, fait au nom de la commission des lois
constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et
d'administration générale sur la proposition de résolution (n° 332, 2000-2001)
de MM. Henri de Raincourt, Jean Arthuis, Guy-Pierre Cabanel et Josselin de
Rohan tendant à la création d'une commission d'enquête sur les diverses mesures
de protection, d'assistance, de surveillance et d'éducation auxquelles les
mineurs délinquants peuvent être soumis et leur adaptation à la nécessité de
réinsertion de ces mineurs.
Dans la discussion générale, la parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Jacques Hyest,
rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du
suffrage universel, du règlement et d'administration générale.
Mes chers
collègues, nous sommes appelés à examiner la proposition de résolution de MM.
de Raincourt, Arthuis, Cabanel et de Rohan tendant à créer une commission
d'enquête sur les « diverses mesures de protection, d'assistance, de
surveillance et d'éducation auxquelles les mineurs délinquants peuvent être
soumis et leur adaptation à la nécessité de réinsertion de ces mineurs. »
La commission des lois a eu à examiner à la fois la recevabilité juridique et
l'opportunité, compte tenu de son objet, de la création de cette commission
d'enquête, en application de l'article 11 de notre règlement.
Sur le premier point, la recevabilité juridique, et conformément aux
conditions fixées par l'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958 et par
l'article 11 du règlement du Sénat, il ne s'agit pas d'enquêter sur des faits
déterminés. La saisine, par M. le président du Sénat, de la chancellerie n'est
donc pas nécessaire.
En revanche, la proposition correspond bien à l'objet du deuxième type de
commission d'enquête visant à « recueillir des éléments d'information sur la
gestion des services publics, en vue de soumettre leurs conclusions à
l'assemblée qui les a créées ». Je vous rappelle que nous avons fusionné, voilà
quelques années, les commissions d'enquête et les commissions de contrôle.
Ayant pour objet de contrôler le fonctionnement d'un service public de la
justice, en particulier de la protection judiciaire de la jeunesse, la
proposition entre parfaitement dans le champ défini par l'article 6 de
l'ordonnance précitée.
La proposition prévoit que la commission d'enquête sera, comme c'est l'usage,
composée de vingt et un membres ; elle détermine avec précision son champ
d'investigation et est donc recevable comme répondant aux conditions de
l'article 11 du règlement du Sénat.
En ce qui concerne le second point, l'opportunité, la création d'une
commission d'enquête est pleinement justifiée par l'évolution de la délinquance
des mineurs.
Il y a lieu de rappeler que le nombre des mineurs mis en cause par les
services de police et de gendarmerie a progressé de plus de 78 % entre 1990 et
2000, pour atteindre, en 2001, un total de 177 017.
Selon des études récentes, la délinquance des mineurs s'est banalisée, en même
temps que l'usage de la violence : outre l'augmentation considérable des
atteintes aux biens, les atteintes aux personnes se sont multipliées.
C'est ainsi que le nombre de mineurs condamnés est passé, de 1995 à 1999, de 9
404 à 36 787. Pour cette dernière année, les atteintes à la personne -
principalement les coups et blessures volontaires - représentent 6 258
condamnations, soit une multiplication par quatre. Dans le même temps, les
condamnations pour atteintes sexuelles et les infractions en matière de
stupéfiants ont été multipliées respectivement par trois et trois et demi.
Il apparaît que la progression des condamnations est parallèle à celle des
fait constatés, ce qui soulève la question de l'efficacité de la prévention et
de la répression de la délinquance des mineurs.
C'est donc à un travail approfondi que vous invitent les auteurs de la
proposition de résolution en vue de rechercher les moyens d'améliorer les
réponses de la société à la délinquance des mineurs.
En effet, « ce phénomène constitue à l'évidence un défi majeur pour notre
société, qui ne peut laisser sur le bas-côté une partie de sa jeunesse ni
laisser sans protection les victimes de cette délinquance, le plus souvent
elles-mêmes mineures », comme le notent, à juste titre, les auteurs de la
proposition de résolution.
Aucun travail d'enquête n'a été récemment mené sur cette question par les
assemblées parlementaires. Certes, des enquêtes extrêmement approfondies ont
été consacrées au fonctionnement de la justice par notre assemblée, mais aucune
ne portait spécifiquement sur la justice des mineurs. Le Sénat, comme il l'a
fait sur d'autres sujets - je pense à notre récente enquête sur les prisons -,
pourra ainsi apporter une contribution importante à la réflexion sur la
délinquance des mineurs.
La commission des lois vous propose de retenir, comme champ d'investigation de
la commission d'enquête, les moyens de répondre à la « délinquance des mineurs
», notamment les mesures de protection, d'assistance, de surveillance et
d'éducation auxquelles les mineurs délinquants peuvent être soumis et leur
adaptation à la mission de réinsertion.
En effet, si la question des structures d'accueil des mineurs délinquants est
l'une des plus importantes, il n'apparaît pas souhaitable de restreindre le
domaine de l'enquête et il est bon de pouvoir examiner les règles gouvernant la
justice des mineurs.
Je suis convaincu qu'au-delà des polémiques et des anathèmes, au-delà des
quatre prochains mois durant lesquels nous risquons fort d'entendre tout et son
contraire, la commission saura proposer des remèdes concrets face à cette
situation préoccupante, face aussi à une relative impuissance des familles, de
l'école et de la justice.
M. le président.
La parole est à M. Sutour.
M. Simon Sutour.
« La question de l'enfance coupable est une des plus urgentes de l'époque
présente. »
Cette citation, mes chers collègues, est extraite de l'exposé des motifs de
l'ordonnance du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante. Vous le savez,
en ce temps, la France sortait des désordres de la dernière guerre mondiale et
le souci du gouvernement provisoire de la République, sur un tel sujet, était
de veiller à la protection de jeunes sans repères, qui avaient subi des
troubles sérieux d'ordre matériel et moral et qui étaient tombés dans la
délinquance.
Aujourd'hui, heureusement, le contexte n'est plus le même. Cependant, cette
préoccupation conserve toute son importance.
Il faut en convenir, mes chers collègues, la question de la délinquance
juvénile relève d'une actualité permanente, car se trouve en jeu notre capacité
à réussir l'intégration paisible dans la société de jeunes femmes et de jeunes
hommes en devenir, partageant le respect de valeurs communes sans lesquelles il
ne peut exister une cohésion solide du corps social. Il s'agit, à chaque fois,
d'un terrible défi pour la préservation de l'avenir que, nous, les adultes,
devons relever.
En disant cela, je ne cherche pas à relativiser la gravité de la situation
actuelle. Les statistiques des crimes et délits constatés par les services de
police et de gendarmerie en France, au cours de ces dernières années, sont
préoccupantes, en particulier celles qui sont relatives aux mineurs mis en
cause. Si nous examinons les chiffres pour la période comprise entre 1992 et
2001, nous constatons que nous sommes passés de 98 864 à 177 010 mineurs
impliqués. Au cours de la même période, donc un peu moins de dix ans, la part
des mineurs dans le total des personnes mises en cause pour crimes et délits a
progressé, passant de 13,9 % à 21,2 %.
Il n'est donc pas question ici de nier la hausse tendancielle de la
délinquance des mineurs constatée dans notre pays ; elle se confirme d'année en
année et - ce qui est grave - se caractérise par une baisse de l'âge des
mineurs mis en cause dans les faits de plus en plus violents et par une
multiplication d'actes de délinquance commis en groupe.
Ayons simplement à l'esprit que la délinquance juvénile n'est pas un phénomène
inédit. Cependant, elle se développe aujourd'hui dans des proportions telles
qu'elle suscite, à juste titre, l'exaspération croissante des victimes et
accentue le sentiment général d'insécurité dans la population.
Dans ces circonstances, il est légitime que les élus s'emparent de la question
pour non seulement mieux comprendre ce phénomène et animer la réflexion sur ce
sujet, mais aussi pour tenter d'apporter des réponses concrètes.
Ainsi, la proposition de résolution tendant à la création d'une commission
d'enquête dans le but de rechercher les moyens d'améliorer les réponses de la
société à la délinquance des mineurs nous paraît totalement fondée dans son
principe.
Toutefois, une telle démarche appelle de notre part un certain nombre
d'observations qui sont autant de mises au point face aux reproches injustes
exprimés à l'encontre de la justice des mineurs et au faux procès de carences
engagé à l'encontre de l'action gouvernementale.
Vous dites, monsieur le rapporteur, qu'aucun travail d'enquête n'a récemment
été accompli dans le cadre des assemblées parlementaires.
M. Jean-Jacques Hyest,
rapporteur.
Oui !
M. Simon Sutour.
Je voudrais tout de même signaler la journée d'auditions publiques organisée,
en 1996, par M. Jacques Larché, alors président de la commission des lois, à
laquelle avaient participé, outre le garde des sceaux, des personnes
quotidiennement confrontées au problème de la délinquance juvénile, avocats,
juges des enfants, magistrats du parquet, fonctionnaires de police et membres
des corps enseignant et préfectoral. Le compte rendu de l'ensemble de ces
auditions avait été publié dans un rapport d'information, intitulé, d'ailleurs
:
La délinquance juvénile : comment y répondre ?
Vous noterez la permanence de ce problème, puisque, en 1945 comme en 2002,
nous nous posons la même question.
Contrairement à ce qu'affirment les détracteurs de la justice des mineurs, il
ne faut pas y voir le signe de ce que l'on appelle trop souvent ces temps-ci le
« laxisme des magistrats de la jeunesse ». Le taux de réponse pénale des
mineurs s'améliore : le nombre de peines d'emprisonnement pour délits est passé
de 6 475 en 1993 à 13 169 en 1998.
M. Jean-Jacques Hyest,
rapporteur.
Ce n'est peut-être pas ce qu'il y a de mieux !
M. Simon Sutour.
En proportion, la justice est plus sévère avec les mineurs qu'avec les
majeurs.
Très vite, dans les premiers mois qui ont suivi son entrée en fonction, le
gouvernement de Lionel Jospin a pris conscience de ce problème de société en
ouvrant la réflexion en profondeur et en apportant des réponses concrètes.
Le 1er décembre 1997, le Premier ministre a confié à deux députés, Mme
Christine Lazerges et M. Jean-Pierre Balduyck, une mission interministérielle
sur le traitement de la délinquance des mineurs.
Le conseil de sécurité intérieure du 8 juin 1998 a arrêté un plan de lutte
gouvernemental contre la délinquance des mineurs. Le 27 janvier 1999 et le 30
janvier 2001, le conseil de sécurité intérieure a pris acte de l'action engagée
et des résultats qu'elle avait d'ores et déjà obtenus, tout en arrêtant de
nouvelles décisions tendant à la poursuivre et à l'amplifier.
Une circulaire du 9 mai 2001 relative à l'action publique et à la sécurité a
été diffusée aux procureurs généraux et aux procureurs de la République.
Les principales orientations mises en oeuvre visent à apporter une réponse
judiciaire aux premiers actes de délinquance commis par les mineurs en
développant les rappels à la loi grâce au recrutement des délégués du procureur
et à répondre rapidement à tous les faits de délinquance en assurant une
continuité de l'intervention.
Elles tendent à diversifier les réponses éducatives, notamment le
perfectionnement des dispositifs d'accueil et d'urgence, afin de faciliter le
placement des mineurs déférés dans le cadre d'une procédure pénale. La mise en
place des centres de placement immédiat, les CPI ; et le développement des
centres éducatifs renforcés, les CER ; est considérée comme une priorité :
quarante-deux CPI sont ouverts et cinq projets sont en cours de réalisation ;
quarante-sept CER sont ouverts et vingt-cinq projets sont en préparation.
Elles ont également pour objet de mieux associer les familles et les acteurs
sociaux concernés, en permettant notamment aux parents d'exercer leurs
responsabilités éducatives dans toutes les procédures concernant leur enfant
mineur.
Elles s'appliquent, enfin, à améliorer la coordination de l'intervention des
différents acteurs judiciaires.
L'action du Gouvernement trouve aussi sa traduction dans la politique menée en
matière de protection judiciaire de la jeunesse. Je vous rappelle que les
crédits qui lui sont alloués dans la loi de finances ont connu, au cours des
années précédentes, une forte progression, de 6,4 % en 1999, de 14,7 % en 2000
et de 7,3 % en 2001. Paradoxalement, lors du dernier examen du projet de loi de
finances pour 2002, la majorité sénatoriale a rejeté ces crédits.
On ne peut donc critiquer le Gouvernement de manquer de volonté ni taxer le
service public de la justice d'agir avec faiblesse. Mais la justice des mineurs
ne peut pas, à elle seule, répondre au problème global posé par la délinquance
des jeunes. La justice n'offre qu'une réponse individualisée à des enfants qui
sont passés à l'acte violent.
Ces mises au point étant faites, une question demeure : si la création de la
commission d'enquête qui est proposée par les présidents des groupes de la
majorité sénatoriale est appropriée, est-elle pour autant utile et opportune
dans le contexte actuel ? Nous ne le pensons pas et c'est pourquoi les membres
du groupe socialiste s'abstiendront au moment du vote sur la proposition de
résolution, comme ils l'ont fait en commission.
Les travaux du Parlement vont être suspendus en raison des prochaines
échéances électorales, présidentielle et législatives. L'actualité démontre que
les choses ont tendance à s'accélérer en la matière !
M. Jean-Pierre Sueur.
Absolument !
M. Simon Sutour.
Au cours de cette période électorale qui représente le rendez-vous
démocratique par excellence pour le pays, les programmes politiques seront
comparés et permettront d'éclairer les enjeux à venir. Il n'est pas sûr que le
moment soit propice à un travail en profondeur de la commission d'enquête et
que ses membres soient disponibles.
Par ailleurs, la campagne électorale métamorphosera sans doute profondément la
nature du débat. Le temps des investigations et de la réflexion cédera
naturellement la place aux acteurs de cette confrontation démocratique qui
devront expliciter leur projet de réformes et tracer les perspectives de leur
politique pour les cinq ans à venir.
Enfin, et sans préjuger des conclusions auxquelles aboutira la commission - si
toutefois elle aboutit à des conclusions pendant cette période, monsieur le
rapporteur -, le contexte électoral risque de porter atteinte à la sérénité
même de ses travaux. La droite a tellement agité le chiffon rouge de
l'insécurité ces derniers mois qu'on la voit mal ne pas se servir de cet
instrument de contrôle, malheureusement à des fins uniquement polémiques. Je
vous renvoie, là encore, à l'actualité. Je suis un élu du département du Gard,
proche d'un département dans lequel se situe une ville dont il a été beaucoup
question hier !
Comment ne pas s'interroger, sachant que la proposition de résolution a été
déposée au mois de mai 2001, soit depuis bientôt un an, quelques jours avant
l'examen par le Sénat du projet de loi relatif à la sécurité quotidienne ?
Nous nous demandons également quel est l'intérêt actuel de tels travaux.
S'agissant de la délinquance des mineurs, les propositions de la droite
parlementaire sont connues ; elles se résument en une formule : réformer
l'ordonnance de 1945. Elles ont été largement explicitées tant au Sénat, à
l'occasion de l'examen du projet de loi sur la sécurité quotidienne, au mois de
mai 2001, qu'à l'Assemblée nationale, en octobre dernier, lors de la discussion
d'une proposition de loi déposée par les présidents des groupes de
l'opposition.
Permettez-moi d'en citer quelques-unes, parmi les plus caractéristiques :
faciliter la retenue des enfants de dix à treize ans dans les locaux de la
police, abaisser à dix ans, au lieu de treize, l'âge auquel un enfant pourra
être condamné à une peine, permettre de prononcer à l'égard des enfants de dix
ans des peines de travail d'intérêt général, revenir à la possibilité de placer
les enfants de moins de seize ans en détention provisoire pour une durée de
quinze jours renouvelable une fois et supprimer les allocations familiales à la
famille comprenant un jeune délinquant. J'arrêterai là mon énumération.
Face à de telles propositions, le groupe socialiste du Sénat a exprimé son
opposition. D'une part, nous ne pouvons laisser croire que les problèmes lourds
posés par la délinquance des mineurs peuvent se réduire à une simple réécriture
d'un texte qui a déjà été modifié à de multiples reprises. D'autre part, nous
sommes attachés à privilégier les réponses éducatives parce que, pour reprendre
la formule de notre collègue Robert Badinter, « l'enfant ou le mineur
délinquant n'est pas un adulte en réduction (...) mais un être en devenir ».
Affirmer cette réalité ne revient pas à nier la nécessité de la sanction.
Celle-ci doit simplement être mieux adaptée à l'âge de l'enfant.
Nous sommes encore plus convaincus aujourd'hui qu'il faut apporter une réponse
globale dans le cadre d'une politique publique d'envergure. Peut-être
parviendrons-nous à vous convaincre de mieux appréhender le débat actuel sur
l'insécurité ? Les réponses policières et judiciaires ne peuvent suffire face à
l'enjeu de société que représente la délinquance des jeunes. Les réponses
relèvent d'une dynamique collective. C'est pourquoi nous soutenons ardemment la
proposition de Lionel Jospin tendant à faire de la prévention de la délinquance
des mineurs une grande cause nationale.
Quoi qu'il en soit, si le moment choisi pour la création de la commission
d'enquête nous paraît inopportun, pour ne pas dire opportuniste, nous préférons
privilégier les arguments de fond aux arguments de forme. Ainsi, tout au long
des travaux d'investigation de la commission, nous veillerons à ce que ne soit
pas négligé tout ce qui favorise la socialisation et la responsabilisation des
mineurs, c'est-à-dire l'apprentissage élémentaire de la citoyenneté.
(Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur celles du
groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président.
La parole est à M. Bret.
M. Robert Bret.
Monsieur le président, mes chers collègues, nous sommes de nouveau saisis de
la proposition des présidents des trois groupes de la majorité sénatoriale de
constituer une commission d'enquête sur les diverses mesures de protection,
d'assistance, de surveillance et d'éducation auxquelles les mineurs délinquants
peuvent être soumis et leur adaptation à la nécessité de réinsertion de ces
mineurs, à quinze jours de l'interruption de la session parlementaire.
Cette proposition ne nous paraît pas particulièrement bienvenue, s'agissant
tant de la façon dont « l'affaire » a été traitée que du fond même de
l'initiative.
Tout d'abord, on ne peut que déplorer d'avoir attendu la fin de session pour
inscrire à l'ordre du jour du Sénat une demande tendant à la constitution d'une
commission d'enquête parlementaire.
Il y a huit mois, la conférence des présidents avait décidé l'inscription de
cette même proposition de loi à l'ordre du jour de la séance mensuelle
réservée, à la veille de l'interruption d'été. Elle avait alors été retirée
in extremis
après que certains d'entre nous eurent fait valoir qu'une
période d'intersession à la veille d'un renouvellement sénatorial n'était pas
forcément le bon moment pour faire fonctionner une commission d'enquête
parlementaire !
Pourtant, il a fallu attendre à nouveau la veille d'une interruption de
session parlementaire pour que la proposition de résolution réapparaisse
subitement. Pas plus qu'au mois de juin dernier, je ne trouve ce choix
pertinent.
On peut d'autant plus être surpris de cette manière de procéder que la charge
de l'ordre du jour n'explique pas tout : nous avions suggéré dès le dépôt de la
proposition de loi qu'elle fasse l'objet d'une mission d'information, ce qui
aurait permis de subir de façon moins forte les contraintes de l'ordre du jour
tout en permettant un travail de fond et de recueillir les témoignages et les
avis des personnes compétentes. Cette solution aurait permis également
d'associer les membres d'autres commissions, ce qui était évidemment utile,
mais certainement moins spectaculaire.
Nous n'avons pas été suivis sur ce terrain et nous sommes aujourd'hui en droit
de nous interroger sur les motivations de nos collègues de la majorité
sénatoriale.
De deux choses l'une, soit l'initiative n'est que formelle, seul l'affichage
importe, et il est vrai que les conditions dans lesquelles la commission
d'enquête sera amenée à travailler laissent perplexe. Constituée dans une
période de campagne électorale guère propice à l'investissement et à la
disponibilité des uns et des autres, amenée à rendre son rapport en plein mois
d'août sans présentation en séance publique, on semble cumuler les handicaps !
Alors cela vaut-il la peine de gagner six mois et pourquoi ne pas renvoyer la
question à la session d'octobre ?
Soit il s'agit pour l'opposition de droite, la majorité sénatoriale, de
continuer à se donner une tribune parlementaire hors session, pendant les
échéances électorales. La commission d'enquête parlementaire travaillera alors
à grands coups de renfort médiatique, ne servant pas la cause de ceux qui se
battent pour refuser la fatalité de la délinquance de mineurs.
Si telle est l'option que vous nous proposez, il ne faut pas compter sur notre
soutien.
Reconnaissez, mesdames, messieurs de la majorité sénatoriale, que le caractère
partisan de votre initiative - vous n'avez à aucun moment cherché à privilégier
une démarche consensuelle associant l'ensemble des groupes représentés au Sénat
- a de quoi faire douter de votre réelle volonté de procéder à une évaluation
approfondie de l'ordonnance de 1945 dans tous ses aspects !
Souvenons-nous également de la petite histoire du dépôt de la proposition de
résolution : à la veille de la discussion en première lecture du projet de loi
sur la sécurité quotidienne, la droite avait décidé de profiter de l'occasion
pour tester son programme électoral anti-jeunes délinquants, voire anti-jeunes
des banlieues.
Mise en difficulté devant le caractère extrême de certaines propositions,
contestée même sur une partie de ses travées, elle avait sorti de son chapeau
une commission d'enquête alibi, pour légitimer son discours démagogique et
sécuritaire en se donnant la caution d'une initiative apparemment axée sur la
réinsertion.
Notre collègue M. Delfau avait alors mis en garde la majorité sénatoriale en
lançant « un appel solennel à nos collègues de la majorité sénatoriale contre
la tentation de travailler dans la perspective d'une échéance électorale. Ce
sujet est trop grave et trop pressant pour que nous en fassions un argument de
campagne pré-présidentielle ».
Il est fort dommage qu'il n'ait pas été entendu et que la droite ait choisi
une fois de plus de privilégier l'affichage politique sur une réelle analyse de
fond de la délinquance des mineurs.
L'effet et le message qui en ressortiront sont, de mon point de vue, tout à
fait déplorables, car ils ne manqueront pas de donner le sentiment aux Français
que cette question, qui les préoccupe particulièrement et à juste titre, ne
sera traitée que dans une perspective électoraliste.
En tout cas, une telle situation n'est pas propice à la sérénité que l'on
serait en droit d'attendre des parlementaires sur un tel sujet.
C'est également sur le fond que la proposition peut être critiquée !
Nous ne sommes pas opposés, sur le principe, à la création d'une commission
d'enquête sur la délinquance des mineurs. Bien au contraire, une telle
initiative permettra sans nul doute de revenir sur des jugements hâtifs et sur
des présupposés concernant le soi-disant laxisme des juges, cette affirmation
allant en effet à l'encontre de ce que les professionnels observent sur le
terrain.
N'oublions pas que la pratique de la réponse systématique - qui n'existe pas
pour les majeurs - rend, à bien des égards, la justice pénale des mineurs plus
sévère, comme vient de le rappeler Simon Sutour.
Car si, comme le souligne le rapporteur, aucune commission d'enquête n'a
encore eu lieu, vous n'ignorez pas que différents rapport, notamment
parlementaires, ont déjà été publiés sur le sujet et font référence.
Il y a également fort à parier, sans vouloir anticiper sur les conclusions de
la commission d'enquête, que l'ordonnance de 1945, particulièrement mise en
cause ces derniers temps, révélera avec force la pertinence et la modernité de
ses principes fondateurs.
Nous ne sommes pas « arc-boutés » sur l'ordonnance de 1945 et réfractaires à
toute révision, mais nous considérons qu'elle est une référence pour beaucoup
d'entre nous, parce qu'elle a su montrer qu'une sanction dépourvue de dimension
éducative n'a pas de sens.
Il faut espérer que les travaux de la commission d'enquête permettront ainsi à
certains de renoncer à la tentation aberrante de déconstruire la spécificité du
droit des mineurs pour calquer celui-ci sur le droit des majeurs.
Cette conception est en effet à l'opposé de toutes les évolutions
progressistes, telles qu'elles sont systématisées dans les textes
internationaux, qui montrent que le mineur ne peut être considéré comme un
adulte en miniature et que l'on doit lui reconnaître une identité propre. Toute
autre solution ne peut que conduire à une impasse et hypothèque toute chance de
réinsertion dans l'avenir.
Enfin, nous pouvons espérer qu'une étude approfondie permette d'identifier
précisément les difficultés réelles, notamment en termes de moyens, et les
points sur lesquels concentrer les efforts. Certains découvriront peut-être à
cette occasion que, plus qu'une modification des textes - l'ordonnance de 1945
offre une large palette de mesures - les juges attendent un surcroît de moyens
et que, quand la prévention est mise en oeuvre, elle est largement une
réussite. Quant aux centres de placement, c'est essentiellement à un problème
de recrutement qu'ils sont aujourd'hui confrontés.
Nous accueillons en tout cas favorablement les propositions de modification de
M. le rapporteur tendant à élargir le champ d'investigation de la commission
d'enquête, tant celui qui avait été retenu à l'origine nous paraissait partiel
et partial.
En effet, malgré les apparences, la proposition de résolution s'inscrivait
dans une perspective exclusivement répressive. L'emploi du terme « réinsertion
» ne pouvait ainsi faire longtemps illusion si l'on se référait à l'exposé des
motifs. Dès lors que l'on choisit de n'aborder la question de la « réinsertion
des mineurs délinquants » que sous l'angle du renforcement des centres
d'éducation renforcée, les CER, et des centres de placement immédiat, les CPI,
voire de la création de nouvelles structures, dès lors que l'on se refuse à
évoquer d'autres modes de réinsertion, tels que les mesures de réparation ou le
développement des travaux d'intérêt général, on ne peut prétendre vouloir autre
chose que la punition.
Cette crainte ne pouvait d'ailleurs qu'être confortée par les débats du 11
octobre dernier à l'Assemblée nationale sur la proposition de loi des députés
du groupe du RPR « tendant à modifier l'ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945
ainsi qu'à renforcer la protection des mineurs », car la volonté affichée de
remettre en cause le primat éducatif institué par l'ordonnance de 1945
conduisait les auteurs de ce texte à proposer la mise en place de nouvelles
structures en remplacement des CER et des CPI : des « structures fermées »,
précisait M. Cuq, « pouvant constituer une alternative crédible à
l'incarcération des mineurs ». C'est donc toujours une logique d'enfermement
que l'on fait prévaloir, sans même la garantie du judiciaire, comme l'avait
fort justement souligné alors Mme Lebranchu.
Une telle évolution ne pourrait que contredire les conclusions auxquelles
était parvenue, monsieur le rapporteur, la commission d'enquête sur les
prisons, qui montraient combien l'enfermement constitue un facteur
supplémentaire de déstructuration plutôt que de réinsertion : substituer un
enfermement à un autre ne semble pas particulièrement efficace !
Ces solutions de facilité ne peuvent qu'être un motif de découragement pour
tous ceux qui mènent un lent et patient travail de fond au quotidien : je pense
aux policiers, aux magistrats, aux éducateurs, aux enseignants, ainsi qu'aux
parlementaires qui s'intéressent à ces questions.
On doit donc se réjouir que M. le rapporteur n'ait pas souhaité s'en tenir à
cette vision parcellaire ; relevant, à juste titre, qu'il n'était pas
souhaitable « d'écarter
a priori
du champ d'investigation de la
commission d'enquête l'examen des règles gouvernant la justice des mineurs »,
notamment de celles qui figurent dans l'ordonnance du 2 février 1945, il nous
invite à procéder à « un examen serein et approfondi de ces règles ». Nous
faisons nôtre cette vision, qui nous semble bien préférable et de nature à
permettre d'établir un véritable « état des lieux » de l'application de
l'ordonnance de 1945, dans l'ensemble de ses aspects : préventifs, éducatifs et
répressifs.
Pour l'heure, les sénateurs communistes ne peuvent cautionner une initiative
dont le caractère politicien n'a pu échapper à personne. Ils ne prendront donc
pas part au vote de la proposition de résolution.
Néanmoins, parce qu'il n'est pas dans leurs habitudes de s'opposer à une
démarche visant à renforcer le droit d'initiative législative ou le contrôle
parlementaire, ils ne refuseront pas de participer aux travaux de cette
commission. Les propos très modérés du rapporteur, M. Hyest, les y
encouragent.
Cependant, nous ne persisterons dans cette attitude que dans la mesure où des
garanties nous seront données en matière de sérénité et de neutralité et où la
majorité sénatoriale acceptera de jouer le jeu sans céder aux pressions
sécuritaires à laquelle la période semble décidément bien propice.
(Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et
citoyen et sur les travées socialistes.)
M. le président.
La parole est à M. Joyandet.
M. Alain Joyandet.
Monsieur le président, mes chers collègues, il nous est donc proposé
aujourd'hui de créer une commission d'enquête sur la délinquance des
mineurs.
Cette proposition de résolution, à l'origine de laquelle se trouvent les
quatre présidents de groupe de la majorité sénatoriale, est tout à fait
pertinente dans la mesure où la délinquance des mineurs a connu une progression
exponentielle ces dernières années et où l'on a constaté, surtout, une
aggravation de la violence accompagnant ces actes délictueux.
En effet, en dix ans, le nombre de jeunes mis en cause dans des actes de
délinquance a quasiment doublé, passant de 98 000 à 175 000. Par ailleurs, les
chiffres annoncés par le préfet de police de Paris montrent la participation
croissante des mineurs aux actes avec violence.
Je ne reviendrai pas sur les propos de notre excellent rapporteur, qui a
démontré l'intérêt que présente la création de cette commission d'enquête par
notre assemblée. En revanche, j'aimerais rappeler les circonstances qui ont
conduit au dépôt de la proposition de résolution.
Cette dernière avait été déposée à l'occasion de l'examen en première lecture
par notre assemblée, en mai dernier, du projet de loi relatif à la sécurité
quotidienne.
La majorité sénatoriale a toujours considéré que le problème de la délinquance
des mineurs ne pouvait pas être traité sous un seul de ses aspects. Nous avons
toujours refusé le débat stérile entre répression et prévention.
Cependant, le Gouvernement, depuis cinq ans, pèche par angélisme, et le
discours laxiste de la majorité plurielle, que nous avons encore entendu à
l'instant, n'a pu apparaître que comme un blanc-seing donné à une certaine
jeunesse pour persister dans la voie de la délinquance. A force d'avoir voulu
privilégier, sans résultat, la seule prévention, le Gouvernement porte une très
grande responsabilité dans la progression incessante de cette nouvelle
délinquance.
Pour autant, monsieur Bret, nous ne sommes pas des tenants de la seule
répression et nous sommes au contraire persuadés que seule une constante
association de la prévention à celle-ci peut être efficace.
C'est la raison pour laquelle nous avions, à l'occasion de l'examen du projet
de loi relatif à la sécurité quotidienne, formulé des propositions en matière
de prévention et de réinsertion de la jeunesse délinquante. Malheureusement, la
quasi-totalité de ces propositions relevaient du domaine réglementaire et ne
pouvaient donner lieu au dépôt d'amendements.
C'est pourquoi cette proposition de résolution a été déposée. Nous ne nous
étions pas trompés sur son utilité, puisque les membres du groupe communiste
républicain et citoyen, par la voix de Mme Borvo, avaient alors salué cette
initiative. Ce même orateur avait d'ailleurs fustigé la majorité sénatoriale,
qui, dénonçant son caractère de façade, n'avait toujours pas examiné ce texte
lors de la deuxième lecture, à l'automne dernier, du projet de loi que j'ai
évoqué.
Comme vous pouvez le constater, mes chers collègues, la majorité sénatoriale
n'a nullement l'intention de laisser passer cette occasion. Elle souhaite
mettre à profit la période de suspension de l'activité législative pour étudier
au fond cette importante question. Il s'agit non pas, pour nous, d'en faire un
sujet permanent de communication grâce aux tribunes qui nous seront offertes
dans les mois à venir, mais de réaliser, monsieur le rapporteur, un travail
approfondi et très sérieux.
M. Jean-Jacques Hyest,
rapporteur.
Tout à fait !
M. Alain Joyandet.
La proposition de loi initiale visait uniquement à étudier les diverses
mesures de protection, d'assistance, de surveillance et d'éducation auxquelles
les mineurs délinquants pouvaient être soumis et leur adaptation à la nécessité
de réinsérer ces derniers.
Le champ d'étude retenu pouvait paraître restrictif, mais il s'inscrivait,
comme je viens de le rappeler, dans le cadre défini par le projet de loi
relatif à la sécurité quotidienne, dont l'examen nous avait déjà permis de
formuler d'autres propositions relatives à la répression de la délinquance des
mineurs. Le volet afférent à la réinsertion étant d'ordre réglementaire, nous
ne pouvions faire de suggestions sur ce plan à cette occasion.
Cela aurait pourtant été fort utile, car, sans réinsertion, la répression de
la délinquance est vaine. En effet, dans certains cas, les centres de détention
pour mineurs présentent le risque de précipiter plus rapidement encore ces
jeunes dans une spirale fatale.
Nos propositions n'ayant pas été retenues par l'Assemblée nationale, il semble
à présent tout à fait judicieux d'étendre, comme nous l'offre M. le rapporteur,
le champ d'investigation de cette commission d'enquête à l'ensemble de la
question de la délinquance des mineurs, qu'il est indispensable, je le répète,
d'envisager de façon globale.
Notre groupe se satisfait donc de l'extension du champ d'investigation et
votera, bien entendu, la création de la commission d'enquête.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants
et de l'Union centriste.)
M. Jean-Jacques Hyest,
rapporteur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Jacques Hyest,
rapporteur.
Je crois avoir tenu des propos mesurés, ce qui n'a pas été
forcément le cas de nos collègues du groupe communiste républicain et citoyen
et, surtout, du groupe socialiste. L'électoralisme se manifeste généralement
chez ceux qui la dénoncent chez les autres, mais je n'engagerai pas un débat
sur ce sujet !
Il est vrai que nous ne disposons pas aujourd'hui d'études approfondies sur
l'ensemble du problème de la délinquance des mineurs, c'est-à-dire sur les
volets afférents respectivement à la prévention, à la répression et à la
réinsertion. Ainsi, M. Bret sait que la commission d'enquête sur les prisons
avait déploré de façon unanime, s'agissant notamment des maisons d'arrêt, que
l'on n'examine pas la question de la détention des mineurs, dont on connaît
très bien les implications : actuellement, on dénombre 700 mineurs
incarcérés.
Cette situation, parmi d'autres raisons, a amené la formulation d'un certain
nombre de propositions et conduit les présidents des groupes de la majorité
sénatoriale à souhaiter la création d'une commission d'enquête sur la
délinquance des mineurs.
Cela étant, je rappelle que les commissions d'enquête sont tenues à certaines
précautions : tant que leurs conclusions n'ont pas été élaborées, le secret
s'impose, et il n'est pas question de se lancer dans des opérations
médiatiques. Tel n'avait d'ailleurs pas été le cas à l'occasion de commissions
d'enquête précédentes.
Par ailleurs, certains nous objectent que nous serons très occupés dans les
six mois à venir. Je leur répondrai que nous le serons de toute façon moins que
nous ne l'avons été au cours de l'année écoulée, qui nous a vus souvent
légiférer dans l'urgence et siéger la nuit ! Dans ces conditions, il était
alors presque impossible de mettre en place une mission d'information ou une
commission d'enquête.
La suspension de nos travaux, qui n'interrompt d'ailleurs pas la mission de
contrôle du Parlement, nous permettra donc, à mon sens, d'accomplir une tâche
de fond et d'enquêter sur la délinquance des mineurs. Je suis convaincu que
nombre des banalités que l'on entend tous les jours à ce propos perdront tout
crédit si nous savons une nouvelle fois dépasser les petites polémiques
politiciennes et travailler à résoudre un problème qui préoccupe l'ensemble de
la société.
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et du
RPR.)
M. le président.
Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion de l'article unique.
«
Article unique
. - En application de l'article 11 du règlement du
Sénat et de l'article 6 de l'ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958, il est
créé une commission d'enquête de vingt et un membres sur les moyens de répondre
à la délinquance des mineurs, en particulier sur les mesures de protection,
d'assistance, de surveillance et d'éducation auxquelles les mineurs délinquants
peuvent être soumis et leur adaptation à la nécessité de réinsertion de ces
mineurs. »
J'indique au Sénat que la commission des lois propose de rédiger comme suit
l'intitulé de la proposition de résolution : « Proposition de résolution
tendant à créer une commission d'enquête sur la délinquance des mineurs. »
Il n'y a pas d'opposition ?...
Il en est ainsi décidé.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les conclusions du rapport de la commission des lois sur
l'article unique de la proposition de résolution n° 332.
M. Robert Bret.
Le groupe communiste républicain et citoyen ne participe pas au vote.
M. Simon Sutour.
Le groupe socialiste s'abstient.
(La proposition de résolution est adoptée.)
3
COUR PÉNALE INTERNATIONALE
(Ordre du jour réservé)
Adoption des conclusions du rapport
d'une commission
M. le président.
L'ordre du jour appelle la discussion des conclusions du rapport (n° 205,
2001-2002) de M. Patrice Gélard, fait au nom de la commission des lois
constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et
d'administration générale, sur la proposition de loi de M. Robert Badinter
relative à la coopération avec la Cour pénale internationale (n° 163,
2001-2002).
Dans la discussion générale, la parole est à M. le rapporteur.
M. Patrice Gélard,
rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du
suffrage universel, du règlement et d'administration générale.
Monsieur le
président, madame la ministre, mes chers collègues, nous débattons aujourd'hui
d'une proposition de loi de notre excellent collègue M. Robert Badinter
relative à la coopération avec la Cour pénale internationale.
Il est souhaitable que ce texte, qui arrive à temps, soit adopté dans les plus
brefs délais, c'est-à-dire avant l'interruption de la session parlementaire,
pour des raisons que je vais tenter d'expliquer.
Tout d'abord, il faut rappeler que la France a participé au fonctionnement du
tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie et du tribunal international
pour le Rwanda. Nous avions, en temps utile, adopté les mesures permettant une
transposition dans notre droit interne des règles applicables à ces deux
tribunaux internationaux. A l'époque, nous n'avions pas codifié ces règles,
compte tenu du caractère provisoire de ces juridictions.
Le 17 juillet 1998, s'est tenue, à Rome, une conférence diplomatique visant à
créer, cette fois, une cour pénale internationale permanente, et non plus un
tribunal adapté à une situation particulière, comme pour le Rwanda et
l'ex-Yougoslavie. Certains mauvais auteurs ont pensé que cette cour pénale
internationale ne verrait jamais le jour. Il est vrai que, à plusieurs
reprises, au cours de la conférence de Rome, les choses n'ont pas été faciles.
Il faut rendre hommage aux plénipotentiaires français d'avoir su, le moment
venu, trouver les formules qui ont permis de convaincre chacun de la nécessité
de mettre en place une juridiction pénale internationale afin de lutter contre
le génocide et les crimes contre l'humanité.
C'est grâce au rôle joué par les Français qu'un article, en particulier, a été
inséré dans la convention internationale, je veux parler du fameux article 124,
dont je dirai quelques mots tout à l'heure.
Les choses sont allées beaucoup plus vite qu'on ne pouvait le croire. Le 28
juin 1999, nous avons modifié, à Versailles, notre Constitution afin de
permettre la ratification du traité instituant une cour pénale internationale
et, voilà dix-huit mois, le 9 juin 2000, nous avons ratifié la convention
internationale.
Depuis, les choses sont allées très vite : à ce jour, cinquante-deux Etats ont
ratifié la convention internationale. Cette convention s'appliquera dès que
soixante Etats l'auront ratifiée. On peut donc penser qu'elle entrera en
vigueur avant le mois de juin prochain. La France sera alors liée par sa
signature. Aussi, nous devons, d'ores et déjà, préparer les mesures juridiques
permettant l'application de cette convention sur notre territoire et la
coopération de nos autorités judiciaires avec la Cour pénale internationale.
C'est l'objet de cette proposition de loi, et son seul objet.
Au cours des auditions qui ont précédé l'élaboration de notre rapport, un
certain nombre de responsables d'organisations non gouvernementales ont exprimé
deux demandes.
Il s'agit, d'abord, de la nécessité d'introduire, au sein de notre code pénal,
la notion de crime de guerre. En effet, actuellement, notre code pénal ne
comporte aucune disposition en tant que telle visant à sanctionner le crime de
guerre. En revanche, les dispositions de notre code pénal s'appliquent pour
tous les crimes qui peuvent intervenir dans ces situations.
Il s'agit, ensuite, de la mise en place de la compétence universelle,
c'est-à-dire que les tribunaux français recevraient une compétence étendue pour
tous les crimes mentionnés dans le statut de la Cour. On n'aurait donc même pas
à envoyer les auteurs de génocide, de crimes contre l'humanité ou de crimes de
guerre devant la juridiction internationale. Cela soulève des problèmes
considérables, en particulier quand l'inculpation visera quelqu'un qui n'a
aucun rapport avec la France et qui se trouvera sur le territoire métropolitain
par hasard.
La commission des lois, suivant dans ce domaine l'auteur de la proposition de
loi, notre excellent collègue M. Robert Badinter, a considéré qu'en procédant à
une refonte du code pénal pour que le crime de guerre soit considéré comme l'un
des crimes considérés comme crimes contre l'humanité, on s'engagerait dans une
réforme profonde du code pénal pour laquelle nous ne sommes pas prêts et que,
de toute façon, on irait à l'encontre de la réserve de l'article 124 que la
France a signé et aux termes duquel, pendant une période de sept ans, les
crimes de guerre ne relèveront pas, en ce qui concerne la France, de la
juridiction pénale internationale.
Cela n'empêchera pas pour autant le Gouvernement français de considérer, à un
moment donné, dans la période qui s'ouvrira entre l'application de la
convention de Rome et les sept années, que, après tout, les garanties offertes
par la Cour sont suffisantes pour pouvoir permettre de lever l'article 124.
Mais, en l'état actuel, c'est le droit qui s'applique à nous, c'est le droit
que nous avons ratifié et il n'y a pas lieu de le changer de façon
prématurée.
J'ajouterai que la réforme profonde du code pénal que cela impliquerait n'est
pas mûre et qu'il est préférable de se limiter à ce qui est immédiatement et
directement applicable, c'est-à-dire à toutes les règles de procédure
permettant d'assurer la coopération de la République française avec la Cour
pénale internationale, en ce qui concerne tant l'instruction que l'application
des peines.
Je n'entrerai pas dans les détails - il suffit de se rapporter au rapport
écrit - des propositions qui sont faites, et qui sont d'ailleurs déjà connues
puisqu'il s'agit simplement de reprendre et d'adapter ce que nous avions adopté
dans le passé en ce qui concerne l'ex-Yougoslavie et le Rwanda.
Nous avons tout de même été un peu plus loin en pensant qu'il était
nécessaire, compte tenu du caractère permanent de la Cour pénale
internationale, de codifier la proposition de loi de notre collègue M.
Badinter. En effet, ce travail de codification permettra de rendre ces
dispositions plus claires et plus accessibles. Aussi, nous avons modifié ou
ajouté un certain nombre d'articles dans le code de procédure pénale.
Il est vrai que certaines de ces propositions relèvent plutôt du pouvoir
réglementaire. Cependant, la nature des dispositions contenues dans le code de
procédure pénale est complexe. En effet on ne sait pas toujours très bien ce
qui a un caractère législatif et ce qui a un caractère réglementaire.
Compte tenu de la solennité que constitue la prise en compte des crimes contre
l'humanité, l'intervention du Parlement est justifiée et légitime. C'est
pourquoi nous allons vous demander, mes chers collègues, d'adopter un ensemble
de dispositions visant à faire en sorte que, rapidement, la République
française soit en mesure d'honorer ses engagements internationaux et de
collaborer pleinement à la mise en place de cette cour pénale
internationale.
Je vous proposerai donc, sous le bénéfice de ces observations, d'adopter la
proposition de loi, modifiée par la commission des lois.
(Applaudissements
sur les travées du RPR. - M. Badinter applaudit également.)
M. le président.
La parole est à Mme le garde des sceaux.
Mme Marylise Lebranchu,
garde des sceaux, ministre de la justice.
Monsieur le président,
mesdames, messieurs les sénateurs, la proposition de loi que vous allez
examiner a été présentée par M. Badinter. Avant tout, je voudrais lui exprimer
ma gratitude. Monsieur Badinter, non seulement vous avez bien voulu porter ce
texte ici, mais, surtout, vous avez joué un rôle essentiel tout au long des
discussions qui ont présidé à la naissance de la Cour pénale internationale, et
dans les débats d'idées qui ont contribué à l'évolution que nous connaissons
aujourd'hui dans l'approche des Etats à l'égard de la justice internationale.
Soyez-en remercié.
Cette proposition de loi est un texte de toute première importance.
En effet, en mettant en place un système de coopération entre la France et la
Cour pénale internationale, ce texte marque la volonté de notre pays de donner
à la Cour les moyens concrets de son fonctionnement.
Le traité sur le statut de la Cour pénale internationale adopté à Rome en
juillet 1998 a été signé par cent trente-neuf Etats et, à ce jour, il a été
ratifié par cinquante-deux d'entre eux ; les choses vont vite ! Il crée la
première cour de justice permanente pour juger les crimes les plus graves :
crimes de guerre, génocides, crimes contre l'humanité.
Ainsi, contrairement aux deux tribunaux pénaux internationaux pour
l'ex-Yougoslavie et le Rwanda, la compétence de la Cour n'est pas limitée aux
crimes commis au cours d'un conflit, dans une région du monde ou pour une
période données.
La Cour pénale internationale a une seconde caractéristique importante : sa
compétence repose sur l'engagement à coopérer des Etats parties au statut.
La qualité de cette coopération sera d'autant plus essentielle que, en vertu
du principe de subsidiarité posé par le statut, la compétence de la Cour ne
s'exercera que pour suppléer la carence des Etats.
Elle constituera ainsi, en quelque sorte, l'ultime recours contre l'impunité
des auteurs des crimes prévus au statut, et la dernière voie pour que les
victimes puissent être entendues et leur préjudice réparé, si tant est qu'il
puisse l'être.
La mise en place de ce système de coopération avec la Cour est devenu urgent.
En effet, alors que, voilà encore quelques années, seuls quelques-uns croyaient
à l'avènement de cette Cour, il s'est créé un mouvement en sa faveur qui a fait
évoluer l'attitude des Etats à son égard. Le rythme des ratifications s'est
sensiblement accéléré, en particulier depuis la dernière commission
préparatoire, qui s'est tenue au mois d'octobre dernier. Je le disais voilà un
instant : nous comptons aujourd'hui cinquante-deux ratifications, sur les
soixante qui sont nécessaires pour l'entrée en vigueur du statut, si bien que
l'on peut raisonnablement estimer que la Cour ouvrira ses portes dès l'année
prochaine.
L'imminence de cette échéance appelle à l'évidence une accélération de nos
propres travaux de préparation. En particulier, il nous faut rapidement mettre
en place le système de coopération avec la Cour. C'est l'objet de la présente
proposition de loi.
Cette même urgence justifie que nous procédions en deux temps : nous discutons
aujourd'hui une première étape pour la mise en place des modes de coopération ;
une seconde étape consistera à adapter notre droit pénal au fond, j'y
reviendrai.
Je le disais, la définition des modes de coopération avec la Cour pénale
internationale traduit la mise en oeuvre des engagements que nous avons pris en
signant le statut aux premières heures de son existence, le 18 juillet 1998, et
en le ratifiant, après modification de notre Constitution, au mois de juin
2000.
Je souhaiterais revenir sur le contenu des obligations de coopération que nous
impose le statut de la Cour pénale internationale.
L'article 86 du statut prévoit que « les Etats coopèrent pleinement avec la
Cour dans les enquêtes et poursuites qu'elle mène pour les crimes relevant de
sa compétence ».
Il convient d'insister sur le mot « pleinement », car il fournit une
indication essentielle sur la nature de la coopération qui est attendue.
On pourrait en effet entendre le terme de « coopération » dans le sens d'une
négociation d'égal à égal entre la Cour et l'Etat destinataire de la demande de
coopération, selon le modèle de référence des coopérations entre Etats. Mais ce
modèle n'est pas applicable en l'espèce, dans la mesure où la Cour ne peut être
assimilée à une autorité étrangère. De ce fait, la coopération avec la Cour ne
souffrira pas des obstacles liés à la souveraineté de l'Etat requis, que l'on
rencontre habituellement dans le cadre de l'entraide judiciaire entre deux
pays.
En ratifiant le statut, les Etats reconnaissent la validité du système de la
Cour. Ils ne peuvent en conséquence refuser de coopérer pour des motifs non
prévus au statut.
Un Etat qui rencontrerait une difficulté pour coopérer est tenu de consulter
la Cour pour trouver une solution. En cas d'échec de ces consultations, la Cour
peut saisir l'assemblée des Etats parties ou le Conseil de sécurité des Nations
unies du refus de coopérer.
C'est ce principe du « dernier mot » laissé à la Cour en matière de
coopération qui a été repris dans le texte qui vous est fort opportunément
soumis.
L'article 88 du statut de Rome dispose, pour sa part, que « les Etats parties
veillent à prévoir dans leur législation nationale les procédures qui
permettent la réalisation de toutes les formes de coopération ».
Les Etats parties doivent donc prendre des dispositions de droit interne afin
de se mettre en conformité avec les obligations résultant du statut en matière
de coopération : le statut de Rome n'étant pas un texte d'application directe,
il nécessite une adaptation du droit interne.
Ces dispositions nationales doivent envisager toutes les formes de coopération
prévues au statut, notamment en ce qui concerne l'arrestation et la remise des
personnes recherchées par la Cour et des mesures de réparation accordées aux
victimes.
Par ailleurs, elles doivent être conformes au statut en ce qui concerne le
respect des droits fondamentaux des personnes.
La proposition de loi que vous allez examiner vise à ce que soient respectées
ces obligations, conformément à la lettre, mais aussi à l'esprit du statut, qui
a pour objectif de permettre de trouver, dans tous les cas, un juge pour les
crimes les plus graves.
C'est précisément en raison de la gravité des infractions visées par le statut
et de la menace qu'elles constituent pour la paix et la sécurité qu'il
appartient aux Etats de ne pas faire écran entre l'ordre juridique
international et l'individu responsable de tels actes.
Concernant le texte de loi lui-même, je voudrais revenir sur ce que
j'indiquais tout à l'heure quant à la démarche en deux temps qui a été retenue
pour mettre la France en conformité avec ses engagements internationaux.
Le titre de la proposition de loi traduit clairement cette volonté d'avancer
en deux étapes, puisqu'il s'agit d'une « proposition de loi relative à la
coopération avec la Cour pénale internationale » et non d'une proposition de
loi d'adaptation au statut.
C'est le premier volet de la démarche qui vous est présenté aujourd'hui ;
c'est un premier pas fondamental dans l'adaptation de notre droit. Il est
motivé par l'urgence de mettre la France en mesure de coopérer avec la Cour dès
son installation.
Cependant, il ne signifie en rien que le Gouvernement se désintéresserait de
l'adaptation de notre droit au fond. Je tiens au contraire à préciser que les
services de la Chancellerie, sollicités par M. Badinter, ont déjà largement
engagé les travaux de rédaction de ce second texte en vue de réviser et
d'adapter les différents codes : le code pénal, bien entendu, mais aussi le
code de justice militaire.
Ce travail est cependant long et difficile ; par conséquent, si nous avions
attendu qu'il soit achevé pour examiner en bloc les procédures et le fond, nous
aurions pris le risque de laisser se créer une situation de vide juridique au
moment de l'entrée en fonction de la Cour. Cela n'était pas envisageable.
A l'inverse, en soutenant dès maintenant la proposition de loi présentée par
M. Badinter, le Gouvernement opte pour la voie de la sagesse, c'est-à-dire pour
la voie de la coopération.
Cette proposition de loi s'inspire en grande partie des lois de 1995 et de
1996 qui adaptent notre législation au statut des tribunaux pénaux
internationaux pour l'ex-Yougoslavie et le Rwanda, sous réserve, naturellement,
des particularités de la Cour, que j'ai déjà évoquées.
Deux points me semblent cependant devoir être soulignés.
D'une part, en ce qui concerne le problème de l'exécution des peines
d'emprisonnement, la proposition de loi tend à anticiper sur ce qui devrait
être également adopté pour le tribunal pénal international pour
l'ex-Yougoslavie, à la suite de l'accord signé le 25 février 2000 entre la
France et celui-ci, pour l'exécution, en France, des peines que cette
juridiction prononcera.
D'autre part, je souhaite appeler l'attention du Sénat sur les mesures de
réparation en faveur des victimes, qui constituent une nouveauté par rapport
aux lois d'adaptation concernant les deux tribunaux pénaux internationaux,
puisque ces derniers n'ont pas, contrairement à la Cour pénale internationale,
compétence pour les indemniser.
J'insiste sur cette question : le statut de la Cour pénale internationale
constitue une avancée majeure sur ce point. La victime va pouvoir non seulement
être associée au procès, mais également solliciter une indemnisation auprès de
la Cour.
Cette conquête est le résultat d'une bataille constante menée par la France,
tout au long des négociations, pour faire reconnaître la victime comme une
partie au procès, et une partie disposant de droits. Ainsi, la victime n'est
plus seulement victime, voire témoin : elle devient un acteur à part entière du
procès.
La proposition de loi relative à la coopération avec la Cour pénale
internationale qui vous est présentée permettra d'exécuter les décisions
rendues en matière de réparation en faveur de ces personnes.
Après un article 1er, introductif, qui fixe le champ d'application de la loi,
le texte de la proposition de loi s'articule en deux grandes parties : un
premier titre est consacré à la coopération judiciaire ; un second titre traite
de l'exécution des peines et des mesures de réparation prononcées par la Cour
pénale internationale.
Ce faisant, l'ensemble des engagements pris par la France à l'égard de la Cour
en matière de coopération pourront être tenus.
La ratification du statut a constitué une première étape. Il convient à
présent de donner à la Cour les moyens de son action et de son efficacité.
La proposition de loi qui vous est présentée aujourd'hui par M. Robert
Badinter, que je tiens à remercier une nouvelle fois d'avoir bien voulu porter
ce texte avec toute sa conviction et son savoir-faire, est le premier pas
fondateur de notre participation à la mise en oeuvre effective de la Cour
pénale internationale, qui pourra compter avec la coopération de la France.
Je tiens à associer à ces remerciements M. le président et M. le rapporteur de
la commission des lois qui ont bien voulu examiner ce texte et permettre ainsi
son inscription à l'ordre du jour du Sénat.
(Applaudissements sur les
travées socialistes, ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et
citoyen.)
M. le président.
La parole est à M. Badinter.
M. Robert Badinter.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, c'est
assurément un jour très important pour tous ceux qui ont foi dans la justice
pénale internationale, car nous allons enfin pouvoir lutter avec plus
d'efficacité contre l'impunité des auteurs de crimes contre l'humanité. Je dis
cela non à propos de la proposition de loi qui nous est soumise mais parce que
le hasard du calendrier fait que s'ouvre aujourd'hui à La Haye le procès de
Slobodan Milosevic, premier chef d'Etat dans l'histoire à répondre devant une
justice pénale internationale de l'accusation de génocide, de crimes contre
l'humanité et de crimes de guerre.
Voilà dix ans - permettez à un militant de cette cause de le rappeler - cette
perspective, lorsqu'elle était évoquée, était toujours accueillie avec un
scepticisme poli.
Mais l'imprescriptibilité, la volonté que justice soit rendue, le caractère et
la fermeté des magistrats du tribunal pénal international de l'ex-Yougoslavie,
présidé, je le rappelle, par un magistrat français, M. Claude Jorda, ont fait
qu'aujourd'hui l'un de ceux qui symbolisent ainsi la lutte contre l'impunité
des auteurs de crimes contre l'humanité aura à répondre, dans le plus absolu
respect des exigences d'un procès équitable, des accusations qui pèsent sur
lui. Il s'agit d'un pas essentiel dans cette lutte.
S'agissant de la présente proposition de loi, j'exprimerai d'abord, comme vous
l'avez fait, madame la ministre, toute ma reconnaissance à l'égard de notre
excellent rapporteur, M. Patrice Gélard, qui s'est attaché à l'examen de cette
proposition de loi, ainsi qu'au président de la commission, qui a veillé à nous
permettre, dans toute la mesure possible, de surmonter la difficulté
extraordinaire d'un calendrier parlementaire extrêmement chargé en cette fin de
législature. Permettez-moi à mon tour, madame la ministre - mais n'y voyez
aucune analogie avec les opéras chinois où les applaudissements émanent
successivement de la scène et du public
(sourires) -
de vous exprimer ma
reconnaissance pour la conviction et la fermeté avec lesquelles vous avez
soutenu l'évolution de cette proposition de loi, remerciements auxquels
j'associe d'ailleurs certains des spécialistes de la Chancellerie.
Depuis le vote, à Rome, du traité portant statut de la Cour pénale
internationale, les autorités françaises, qu'il s'agisse du Président de la
République, du Premier ministre ou de votre prédécesseur, Mme Guigou, ont
toujours oeuvré avec fermeté et conviction pour que la France participe, à son
rang, à la mise en oeuvre de la Cour pénale internationale.
Nous sommes aujourd'hui à la veille de cette mise en oeuvre. C'est la raison
pour laquelle la proposition de loi qui vous est soumise se présente sous un
aspect extrêmement technique. Il est en effet des moments où il faut mesurer
les impératifs et, sans renoncer à aucun des objectifs, aller vers ce qui est
indispensable sans espérer atteindre la perfection du premier coup.
Or, c'était indispensable, pour nous, après le vote largement majoritaire mais
difficile du traité portant statut de la Cour pénale internationale - 120 Etats
mais des opposants de poids, tels les Etats-Unis, la Chine, l'Inde, pour ne
parler que des principaux ! -, de satisfaire à l'exigence de la ratification
par 60 Etats.
Je peux vous assurer, au nom de ceux qui ont milité pour cette cause tout au
long de ces années, que cela n'a pas été facile du tout !
Mais peu à peu, notamment grâce à l'Union européenne, le cercle des
ratifications s'est élargi ; et depuis l'automne, le mouvement s'est accéléré
de façon très révélatrice, au regard des inquiétudes nées des attentats du 11
septembre et du sentiment qu'une juridiction pénale internationale était
nécessaire pour juger de tels actes ; or ce pourrait être la Cour pénale
internationale, car les attentats de ce type peuvent relever de l'article 7 du
traité, signé à Rome, portant statut de la Cour pénale internationale.
C'est ainsi que nous avons vu les ratifications se succéder. Nous en sommes -
vous l'avez rappelé, madame la ministre - à 52, les deux dernières
ratifications étant intervenues très récemment. Selon les informations dont
nous disposons, nous pouvons légitimement espérer atteindre le seuil des 60
ratifications à la fin du printemps.
Dès l'automne, lorsque nous avons eu l'occasion d'en parler, madame la
ministre, cette évolution se dessinait déjà. Mais l'évidente accélération
commandait, de la part du Gouvernement et du Parlement, la prise en compte
d'une nécessité première : la ratification obtenue, il fallait que la France
fût prête à jouer son rôle immédiatement. S'agissant de la nécessaire
coopération judiciaire, il fallait mesurer ce qui était indispensable. Or, ce
qui était indispensable, c'était évidemment l'ajustement des dispositions du
code de procédure pénale pour permettre la pleine, entière et efficace
coopération avec la Cour pénale internationale afin que le système conçu par le
traité signé à Rome puisse fonctionner comme il convenait.
Le calendrier a ses exigences, et nous savions dès l'automne, à regarder le
programme, qu'il nous serait impossible de faire adopter avant la fin de la
législature un projet prenant en compte les dispositions indispensables pour
que puisse fonctionner la justice française dans le cadre du traité, signé à
Rome, portant statut de la Cour pénale internationale, et inscrivant également
dans notre droit ce qui fait défaut, c'est-à-dire les définitions de droit
interne concernant les crimes de guerre.
C'était évident pour quiconque connaît le fonctionnement du Parlement, ainsi
que les priorités gouvernementales, tout à fait respectables d'ailleurs. La
discussion aurait été renvoyée à une date ultérieure. En effet, l'expérience
politique enseigne qu'en début de législature toute majorité a à coeur de faire
examiner les textes qui traduisent immédiatement la volonté des vainqueurs des
élections présidentielle et législatives. Aussi, ne nous trompons pas, un an au
moins se serait écoulé avant que l'on puisse aboutir et, pendant ce temps-là,
la Cour serait née, le traité de Rome serait entré en vigueur et nous n'aurions
pas été à même d'y tenir notre rôle.
Cela n'eût pas été concevable compte tenu de la situation inquiétante qui
prévaut, s'agissant de la justice pénale internationale à l'égard des crimes
contre l'humanité.
En effet, à la faveur d'événements particuliers qui ont à juste titre mobilisé
les opinions publiques, sur décision du Conseil de sécurité s'appuyant sur le
chapitre VII de la charte des Nations unies, ont été créés deux tribunaux
pénaux internationaux spéciaux, consacrés l'un aux crimes perpétrés dans le
cadre de l'ex-Yougoslavie, l'autre afférente à ce que l'on a appelé le terrible
génocide du Rwanda. Or ces tribunaux
ad hoc
ne valent que dans la limite
de leurs compétences définies.
Il est malheureusement plus que probable que la création de nouvelles
juridictions pénales internationales par décision du Conseil de sécurité se
heurterait à des difficultés insurmontables. Pourquoi ?
Il faut rappeler que siègent au Conseil de sécurité des Nations unies de
grandes puissances dont la position à l'égard de la justice pénale
internationale n'est pas la même que la nôtre ni que celle des Etats membres de
l'Union européenne ou celle d'autres Etats. Autrement dit, les Etats-Unis, la
Chine et la Russie, cette dernière pour des raisons qui tiennent à la guerre de
Tchétchénie, ne sont évidemment pas, au premier chef, enclins à favoriser la
création successive de juridictions pénales internationales.
Or je rappelle que la Cour pénale internationale ne pourra connaître que des
crimes commis après son entrée en vigueur, en vertu de la règle de
non-rétroactivité.
Dès lors, aussi longtemps que la Cour pénale internationale ne sera pas en
vigueur, compte tenu des réticences, pour ne pas dire plus, manifestées par les
puissances que j'ai évoquées quant à la création de juridictions concernant tel
ou tel crime contre l'humanité, nous serons dans une sorte de vide juridique
tel que les criminels contre l'humanité verront à proprement parler un
boulevard ouvert devant eux.
Et pourtant, après le terrible génocide du peuple cambodgien par les Khmers ou
les événements récents survenus en Indonésie, la conscience internationale ne
peut qu'appeler de ses voeux la mise en oeuvre de juridictions pénales !
Je m'arrête un instant sur la question du Cambodge, d'où je reviens.
A quoi venons nous d'assister ? Voilà quarante-huit heures, le secrétaire
général des Nations unies et le secrétaire général adjoint pour les questions
juridiques, M. Hans Corell, ont fait savoir que, compte tenu des réticences
qu'ils rencontraient au Cambodge, l'ONU ne participerait pas à l'élaboration
d'un tribunal mixte chargé de juger les Khmers rouges, pour des crimes qui sont
pourtant parmi les plus atroces que le xxe siècle ait connu.
Devant de telles défaillances de la justice, quelles que soient les
considérations politiques exposées, les exigences de pacification dans le
Cambodge aujourd'hui libéré, il est d'une urgence absolue de mettre en oeuvre
la Cour pénale internationale, dans laquelle notre pays doit tenir toute sa
place.
Nous avons espéré un instant que nous serions le premier Etat européen à y
participer. En effet, ni le Parlement ni le Gouvernement n'ont ménagé leurs
efforts. Ainsi sont intervenues, d'abord la révision constitutionnelle, sur
l'initiative du Président de la République, puis la ratification dans les
meilleurs délais. Restait la réforme nécessaire de certaines de nos
dispositions de procédures pénales. C'est l'objet du texte que nous examinons
aujourd'hui.
J'ai dit pourquoi il était indispensable que ce texte soit voté dans les
meilleurs délais. Cela nous a conduit, non pas à renoncer - qui renoncerait
dans ce domaine ? - mais à différer, comme vous l'avez fait remarquer, Mme la
garde des sceaux, l'élaboration des dispositions de droit pénal interne qui
sont nécessaires pour la pleine mise en oeuvre de la Cour pénale
internationale.
Il en est une que nous avons considérée, M. Gélard et moi, comme
particulièrement nécessaire d'apporter. Il s'agit de l'élargissement de
l'incrimination des crimes contre l'humanité aux viols collectifs organisés et
poursuivis dans une fin qui rappelle les pires heures de l'histoire
européenne.
Pourquoi cela ne figurait-il pas dans notre droit interne ? Pour une raison
aisée à comprendre. J'ai présidé, en son temps, la commission, de révision du
code pénal et, lorsque nous avons travaillé sur la notion de crime contre
l'humanité, nous n'avions pas encore pris toute la mesure de la réalité des
viols collectifs systématiquement organisés dans une perspective atroce de
purification ethnique. C'est la tragédie qui est advenue dans l'ex-Yougoslavie,
au cours des guerres successives survenues en Croatie, en Bosnie, au Kosovo,
qui a fait prendre conscience de cette nouvelle forme de crime contre
l'humanité.
Restait la question très importante des crimes de guerre. Nous savons que nos
dispositions de droit interne en la matière ne sont pas satisfaisantes,
qu'elles sont loin de répondre aux exigences du siècle qui s'ouvre.
Vous avez dit justement, madame la ministre, que nous n'avions pas fait autre
chose que de considérer les priorités sans renoncer à l'élaboration du texte.
Pour ce qui me concerne, je déposerai, à l'automne prochain, après m'en être
entretenu comme il convient avec les services de la chancellerie, le garde des
sceaux et nos collègues les plus intéressés, une proposition de loi qui, bien
entendu, sera élaborée avec les ONG, auxquelles nous devons tant dans cette
difficile entreprise.
Pour l'immédiat, qu'il me soit permis de dire que j'attends des autorités
françaises qu'elles aillent plus loin.
Vous avez évoqué, cher ami Gélard, la question de l'article 124. Il est vrai
que c'est à l'initiative de la France que cette option a été introduite. Il est
non moins vrai que, au-delà, fort heureusement, nos plénipotentiaires ont tenu
dans les négociations de Rome une place considérable et qu'une part du succès
de ces dernières leur revient.
Il n'en demeure pas moins - et cela a été le sentiment de tous les groupes
parlementaires lors de la révision de la Constitution et de la ratification du
traité - qu'adopter une réserve pendant sept ans, aux termes de laquelle, en
France, les crimes de guerre ne relèveront pas de la juridiction pénale
internationale ne nous met pas dans une bonne position ; je ne cesserai jamais
de le dire. Cette clause met en cause, d'une certaine manière, aux yeux de bien
des Etats, notre volonté, qui est pourtant si forte, de faire progresser la
justice pénale internationale, y compris en matière de crimes de guerre.
En outre, il me semble qu'elle risque de faire naître une sorte de soupçon sur
nos forces armées, qui assurent dans des conditions très difficiles les
opérations de maintien de la paix, que ce soit en Afghanistan ou au Kosovo. On
pourrait y voir la conséquence d'une sorte de prédisposition à la commission de
tels crimes de la part de nos militaires, alors qu'il n'en est rien ?
Je crois donc qu'il est de l'intérêt non seulement de la France en général
mais de nos forces armées et de toutes ses composantes en particulier que
soient levées dans un très proche avenir les réserves de l'article 124. Cela
résoudrait d'ailleurs pour l'essentiel, en termes de technique juridique, le
problème de la poursuite des crimes de guerre et des incriminations à cet égard
contenues dans le traité de Rome. La question serait, pour une très grande
part, sinon en totalité, réglée.
A ce propos, je pense qu'il ne serait pas inutile, qu'il serait même très
souhaitable que, au cours de la campagne présidentielle qui va s'ouvrir, on
pose publiquement à chacun des candidats à la présidence de la République la
question suivante : ne considérez-vous pas qu'il serait de l'intérêt de la
France de lever sans délai les réserves de l'article 124 ? Je crois que l'on
prendrait ainsi conscience de l'impossibilité de les conserver.
Telles sont les réflexions que je souhaitais formuler devant notre assemblée.
Une nouvelle fois, je remercie chacun d'avoir compris l'importance qu'il y
avait pour nous d'être présents dans cette grande cause. Pour ma part - je
n'hésite pas à le dire - je la considère comme aussi importante que l'abolition
universelle de la peine de mort.
(Applaudissements sur les travées
socialistes, ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et
citoyen.)
M. le président.
La parole est à M. Bret.
M. Robert Bret.
Monsieur le président, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, après
l'intervention de notre collègue Robert Badinter, je présenterai en quelques
mots la position du groupe communiste républicain et citoyen.
Notre groupe votera les conclusions de la commission des lois relatives à la
Cour pénale internationale.
Nous soutenons, en effet, l'instauration rapide de cette juridiction
internationale après la ratification, par plus de soixante pays, du traité de
Rome, signé le 17 juin 1998, qui instituait ladite Cour.
Le droit avance, chers collègues, mais conservons à l'esprit que sept pays qui
représentent la moitié de la population mondiale, dont la Chine, les
Etats-Unis, la Russie, l'Inde ou Israël, comme vient de le rappeler Robert
Badinter, ont refusé de signer le texte.
Considérant les blocages auxquels nous sommes confrontés, je tiens à faire
deux remarques principales sur la nature et sur le contexte de la mise en place
de cette institution.
Le contexte dans lequel nous nous trouvons est celui d'une mise en cause
progressive du droit international, par le terrorisme, bien sûr, mais aussi par
l'unilatéralisme des Etats-Unis. Nous pouvons donc nous demander si le droit
international existe toujours.
L'opération menée en Afghanistan, si compréhensible soit-elle, ne pose-t-elle
pas de graves questions sur ce point ? La capture, le déplacement et les
conditions de détention des prisonniers lors de ce conflit ne suscitent-ils pas
des interrogations sur le respect minimum des conventions internationales ?
N'est-il pas paradoxal, à l'heure où la Cour pénale internationale s'établit,
que les Etats-Unis, puissance mondiale dominante, affiche une fin de
non-recevoir à sa compétence ?
Comment ne pas rappeler que le Sénat américain votait, dès le mois de décembre
2001, un projet de loi interdisant aux Etats-Unis de coopérer avec la future
Cour pénale internationale ? Peut-on accepter que la première puissance
mondiale se déclare ainsi au-dessus du droit ?
Plus généralement se pose la question de la viabilité d'une juridiction
internationale en dehors d'une régulation internationale sur le plan
institutionnel.
En un mot, la restauration du rôle des Nations unies pour plus de démocratie
et pour une plus grande efficacité en vue de rétablir et de consolider la paix,
conformément à sa charte, n'est-elle pas indispensable au bon fonctionnement
impartial de cette future cour, qui aura, n'en doutons pas, une valeur
dissuasive ?
Ma seconde remarque concerne l'inquiétude des organisations non
gouvernementales sur le contenu et le champ de la proposition de loi que nous
examinons aujourd'hui.
M. le rapporteur a indiqué que la commission des lois comprenait et approuvait
leurs critiques mais que, par souci d'efficacité, la session parlementaire
s'interrompant dans une semaine, il fallait aller vite, au risque de
l'imperfection, pour que notre pays ne retarde pas l'installation de la Cour.
Cinquante-deux pays ayant déjà ratifié le traité de Rome signé en 2000, il est
possible, en effet, d'atteindre le nombre de soixante pays d'ici au mois de
juillet.
Cette explication fondée sur le calendrier n'est pourtant pas totalement
satisfaisante.
En effet, ces ONG constatent, comme nous, que certaines grandes puissances, à
des degrés divers, ne souhaitent pas que les crimes de guerre qui peuvent être
perpétrés à l'occasion de leurs actions militaires extérieures soient jugés par
une juridiction internationale ; ces pays cherchent donc à exclure ces crimes
du champ de compétence de la Cour pénale internationale. C'est sur ce problème
que les ONG en question attendent une réponse.
Enfin, comme mon collègue Robert Badinter, je regrette, madame la ministre,
que la France maintienne sa demande d'une réserve de sept ans quant à
l'implication de ses forces militaires à l'étranger.
Nous avions déjà, par le passé, noté cette tentative de la France d'échapper à
certaines de ses responsabilités. Nous sommes désolés de devoir la noter à
nouveau aujourd'hui. Comme le disait Robert Badinter, il y va de l'intérêt de
la France de lever cette réserve.
Sous le bénéfice de ces observations, nous voterons les conclusions de la
commission des lois afin de permettre à la justice internationale de progresser
de manière significative.
(Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen
ainsi que sur les travées socialistes. - MM. Lesbros et About applaudissent
également.)
M. le président.
Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion des articles.
Article 1er
M. le président.
« Art. 1er. - Il est inséré, dans le livre IV du code de procédure pénale,
avant le titre Ier, qui devient le titre Ier
bis
et dont l'article 627
devient l'article 627-21, un nouveau titre ainsi rédigé :
« TITRE Ier
« DE LA COOPÉRATION
AVEC LA COUR PÉNALE INTERNATIONALE
«
Art. 627
. - Pour l'application du Statut de la Cour pénale
internationale signé le 18 juillet 1998, la France participe à la répression
des infractions et coopère avec cette juridiction dans les conditions fixées
par le présent titre.
« Les dispositions qui suivent sont applicables à toute personne poursuivie
devant la Cour pénale internationale ou condamnée par celle-ci à raison des
actes qui constituent, au sens des articles 6 à 8 et 25 du Statut, un génocide,
des crimes contre l'humanité ou des crimes de guerre.
« Chapitre Ier
« De la coopération judiciaire
« Section 1
« De l'entraide judiciaire
«
Art. 627-1
. - Les demandes d'entraide émanant de la Cour pénale
internationale sont adressées aux autorités compétentes en vertu de l'article
87 du Statut en original ou en copie certifiée conforme accompagnées de toutes
pièces justificatives.
« Ces documents sont transmis au procureur de la République de Paris qui leur
donne toutes suites utiles.
« En cas d'urgence, ces documents peuvent être transmis directement et par
tout moyen à ce magistrat. Ils sont ensuite transmis dans les formes prévues
aux alinéas précédents.
«
Art. 627-2.
- Les demandes d'entraide sont exécutées, selon les cas,
par le procureur de la République ou par le juge d'instruction de Paris, qui
agissent sur l'ensemble du territoire national en présence, le cas échéant, du
procureur près la Cour pénale internationale ou de son représentant, ou de
toute autre personne mentionnée dans la demande de la Cour pénale
internationale.
« Les procès-verbaux établis en exécution de ces demandes sont adressés à la
Cour pénale internationale par les autorités compétentes en vertu de l'article
87 du Statut.
« En cas d'urgence, les copies certifiées conformes des procès-verbaux peuvent
être adressées directement et par tout moyen à la Cour pénale internationale.
Les procès-verbaux sont ensuite transmis dans les formes prévues aux alinéas
précédents.
«
Art. 627-3.
- L'exécution sur le territoire français des mesures
conservatoires mentionnées au (k) du paragraphe 1 de l'article 93 du Statut est
ordonnée, aux frais avancés du Trésor et selon les modalités prévues par le
code de procédure civile, par le procureur de la République de Paris. La durée
maximale de ces mesures est limitée à deux ans. Elles peuvent être renouvelées
dans les mêmes conditions avant l'expiration de ce délai à la demande de la
Cour pénale internationale.
« Le procureur de la République de Paris transmet aux autorités compétentes,
en vertu de l'article 87 du Statut, toute difficulté relative à l'exécution de
ces mesures, afin que soient menées les consultations prévues aux articles 93,
paragraphe 3, et 97 du statut.
« Section 2
« De l'arrestation et de la remise
«
Art. 627-4.
- Les demandes d'arrestation aux fins de remise délivrées
par la Cour pénale internationale sont adressées, en original et accompagnées
de toutes pièces justificatives, aux autorités compétentes en vertu de
l'article 87 du Statut qui, après s'être assurées de leur régularité formelle,
les transmettent au procureur général près la cour d'appel de Paris et, dans le
même temps, les mettent à exécution dans toute l'étendue du territoire de la
République.
« En cas d'urgence, ces demandes peuvent aussi être adressées directement et
par tout moyen au procureur de la République territorialement compétent. Elles
sont ensuite transmises dans les formes prévues à l'alinéa précédent.
«
Art. 627-5. -
Toute personne appréhendée en vertu d'une demande
d'arrestation aux fins de remise doit être déférée dans les vingt-quatre heures
au procureur de la République territorialement compétent. Dans ce délai, les
dispositions des articles 63-1 à 63-5 du présent code lui sont applicables.
« Après avoir vérifié l'identité de cette personne, ce magistrat l'informe,
dans une langue qu'elle comprend, qu'elle fait l'objet d'une demande
d'arrestation aux fins de remise et qu'elle comparaîtra, dans un délai maximum
de cinq jours, devant le procureur général près la cour d'appel de Paris. Le
procureur de la République l'informe également qu'elle pourra être assistée par
un avocat de son choix ou, à défaut, par un avocat commis d'office par le
bâtonnier de l'ordre des avocats, informé sans délai et par tout moyen. Il
l'avise de même qu'elle pourra s'entretenir immédiatement avec l'avocat
désigné.
« Mention de ces informations est faite au procès-verbal, qui est aussitôt
transmis au procureur général près la cour d'appel de Paris.
« Le procureur de la République ordonne l'incarcération de la personne
réclamée à la maison d'arrêt.
«
Art. 627-6.
- La personne réclamée est transférée, s'il y a lieu, et
écrouée à la maison d'arrêt du ressort de la cour d'appel de Paris. Le
transfèrement doit avoir lieu dans un délai maximum de cinq jours à compter de
sa présentation au procureur de la République, faute de quoi la personne
réclamée est immédiatement libérée sur décision du président de la chambre de
l'instruction de la cour d'appel de Paris, à moins que le transfèrement ait été
retardé par des circonstances insurmontables.
« Le procureur général près cette même cour lui notifie, dans une langue
qu'elle comprend, la demande d'arrestation aux fins de remise ainsi que les
chefs d'accusation portés contre elle.
« Lorsque la personne réclamée a déjà demandé l'assistance d'un avocat et que
celui-ci a été dûment convoqué, le procureur général reçoit ses
déclarations.
« Dans les autres cas, ce magistrat lui rappelle son droit de choisir un
avocat ou de demander qu'il lui en soit désigné un d'office. L'avocat choisi
ou, dans le cas d'une demande de commission d'office, le bâtonnier de l'ordre
des avocats en est informé par tout moyen et sans délai. L'avocat peut
consulter sur-le-champ le dossier et communiquer librement avec la personne
réclamée. Le procureur général reçoit les déclarations de cette dernière après
l'avoir avertie qu'elle est libre de ne pas en faire. Mention de cet
avertissement est faite au procès-verbal.
«
Art. 627-7.
- La chambre de l'instruction est immédiatement saisie de
la procédure. La personne réclamée comparaît devant elle dans un délai de huit
jours à compter de sa présentation au procureur général. Sur la demande de ce
dernier ou de la personne réclamée, un délai supplémentaire de huit jours peut
être accordé avant les débats. Il est ensuite procédé à un interrogatoire dont
il est dressé procès-verbal.
« Les débats se déroulent et l'arrêt est rendu en audience publique, sauf si
la publicité est de nature à nuire au bon déroulement de la procédure en cours,
aux intérêts d'un tiers ou à la dignité de la personne. Dans ce cas, la chambre
de l'instruction, à la demande du ministère public, de la personne réclamée ou
d'office, statue par un arrêt rendu en chambre du conseil qui n'est susceptible
de pourvoi en cassation qu'en même temps que l'arrêt portant sur la remise
prévue à l'article 627-8.
« Le ministère public et la personne réclamée sont entendus, cette dernière
assistée, le cas échéant, de son avocat et, s'il y a lieu, en présence d'un
interprète.
«
Art. 627-8.
- Lorsque la chambre de l'instruction constate qu'il n'y
a pas d'erreur évidente, elle ordonne la remise de la personne réclamée et, si
celle-ci est libre, son incarcération à cette fin. Toute autre question soumise
à la chambre de l'instruction est renvoyée à la Cour pénale internationale qui
lui donne les suites utiles.
« La chambre de l'instruction statue dans les quinze jours de la comparution
devant elle de la personne réclamée. En cas de pourvoi, la chambre criminelle
de la Cour de cassation statue dans un délai de deux mois suivant la réception
du dossier à la Cour de cassation.
«
Art. 627-9.
- La mise en liberté peut être demandée à tout moment à
la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, qui procède
conformément à l'article 59 du Statut et à la procédure prévue aux articles
148-1 et suivants du présent code.
« La chambre de l'instruction statue par un arrêt rendu en audience publique
et motivé par référence aux dispositions du quatrième paragraphe de l'article
59 susvisé.
«
Art. 627-10.
- L'arrêt rendu par la chambre de l'instruction et, le
cas échéant, le lieu et la date de la remise de la personne réclamée, ainsi que
la durée de la détention subie en vue de cette remise, sont portés à la
connaissance de la Cour pénale internationale, par tout moyen, par les
autorités compétentes en vertu de l'article 87 du Statut.
« La personne réclamée est remise dans un délai d'un mois à compter du jour où
cette décision est devenue définitive, faute de quoi elle est immédiatement
libérée sur décision du président de la chambre de l'instruction à moins que sa
remise ait été retardée par des circonstances insurmontables.
«
Art. 627-11.
- Les dispositions des articles 627-4 à 627-10 sont
également applicables si la personne réclamée est poursuivie ou condamnée en
France pour d'autres chefs que ceux visés par la demande de la Cour pénale
internationale. Toutefois, la personne détenue dans ces conditions ne peut
bénéficier d'une mise en liberté au titre des articles 627-6, 627-9 et du
second alinéa de l'article 627-10.
« La procédure suivie devant la Cour pénale internationale suspend, à l'égard
de cette personne, la prescription de l'action publique et de la peine.
«
Art. 627-12. -
Le transit sur le territoire français est autorisé
conformément à l'article 89 du Statut par les autorités compétentes en vertu de
l'article 87.
«
Art. 627-13. -
Lorsque la Cour sollicite l'extension des conditions
de la remise accordée par les autorités françaises, la demande est transmise
aux autorités compétentes en vertu de l'article 87 du Statut, qui la
communiquent, avec toutes les pièces justificatives ainsi que les observations
éventuelles de l'intéressé, à la chambre de l'instruction de la cour d'appel de
Paris.
« Si, au vu des pièces considérées et, le cas échéant, des explications de
l'avocat de la personne concernée, la chambre de l'instruction constate qu'il
n'y a pas d'erreur évidente, elle autorise l'extension sollicitée.
«
Art. 627-14. -
La personne qui a fait l'objet d'une arrestation
provisoire dans les conditions prévues à l'article 92 du Statut peut, si elle y
consent, être remise à la Cour pénale internationale avant que les autorités
compétentes en vertu de l'article 87 du Statut aient été saisies d'une demande
formelle de remise de la part de la juridiction internationale.
« La décision de remise est prise par la chambre de l'instruction de la cour
d'appel de Paris après que celle-ci a informé la personne concernée de son
droit à une procédure formelle de remise et a recueilli son consentement.
« Au cours de son audition par la chambre de l'instruction, la personne
concernée peut se faire assister par un avocat de son choix ou, à défaut, par
un avocat commis d'office par le bâtonnier et, s'il y a lieu, par un
interprète.
« La personne qui a fait l'objet d'une arrestation provisoire dans les
conditions prévues à l'article 92 du Statut et qui n'a pas consenti à être
remise à la Cour peut être libérée si les autorités compétentes en vertu de
l'article 87 du Statut ne reçoivent pas de demande formelle de remise dans le
délai prescrit par le règlement de procédure et de preuve de cette juridiction
internationale.
« La libération est décidée par la chambre de l'instruction sur requête
présentée par l'intéressé. La chambre de l'instruction statue dans les huit
jours de la comparution devant elle de la personne arrêtée.
«
Art. 627-15. -
Toute personne détenue sur le territoire de la
République peut, si elle y consent, être transférée à la Cour pénale
internationale à des fins d'identification ou d'audition ou pour
l'accomplissement de tout autre acte d'instruction. Le transfert est autorisé
par le ministre de la justice.
« Chapitre II
« De l'exécution des peines et des mesures
de réparation prononcées par
la Cour pénale internationale
« Section 1
« De l'exécution des peines d'amende et de consfiscation
ainsi que des mesures de réparation en faveur des victimes
« Art. 627-16. -
Lorsque la Cour pénale internationale en fait la
demande, l'exécution des peines d'amende et de confiscation ou des décisions
concernant les réparations prononcées par celle-ci est autorisée par le
tribunal correctionnel de Paris saisi, à cette fin, par le procureur de la
République. La procédure suivie devant le tribunal correctionnel obéit aux
règles du présent code.
« Le tribunal est lié par la décision de la Cour pénale internationale, y
compris en ce qui concerne les dispositions relatives aux droits des tiers.
Toutefois, dans le cas d'exécution d'une ordonnance de confiscation, il peut
ordonner toutes les mesures destinées à permettre de récupérer la valeur du
produit, des biens ou des avoirs dont la Cour a ordonné la confiscation,
lorsqu'il apparaît que l'ordonnance de confiscation ne peut être exécutée. Le
tribunal entend le condamné ainsi que toute personne ayant des droits sur les
biens, au besoin par commission rogatoire. Ces personnes peuvent se faire
représenter par un avocat.
« Lorsque le tribunal constate que l'exécution d'une ordonnance de
confiscation ou de réparation aurait pour effet de porter préjudice à un tiers
de bonne foi qui ne peut relever appel de ladite ordonnance, il en informe le
procureur de la République aux fins de renvoi de la question à la Cour pénale
internationale, qui lui donne toutes suites utiles.
« Art. 627-17. -
L'autorisation d'exécution rendue par le tribunal
correctionnel en vertu de l'article précédent entraîne, selon la décision de la
Cour pénale internationale, transfert du produit des amendes et des biens
confisqués ou du produit de leur vente à la Cour ou au fonds en faveur des
victimes. Ces biens ou sommes peuvent également être attribués aux victimes si
la Cour en a décidé et a procédé à leur désignation.
« Toute contestation relative à l'affectation du produit des amendes, des
biens ou du produit de leur vente est renvoyée à la Cour pénale internationale,
qui lui donne les suites utiles.
« Section 2
« De l'exécution des peines d'emprisonnement
« Art. 627-18. -
Lorsque, en application de l'article 103 du Statut, le
Gouvernement a accepté de recevoir une personne condamnée par la Cour pénale
internationale sur le territoire de la République afin que celle-ci y purge sa
peine d'emprisonnement, la condamnation prononcée est directement et
immédiatement exécutoire dès le transfert de cette personne sur le sol
national, pour la partie de peine restant à subir.
« Sous réserve des dispositions du Statut et de la présente section,
l'exécution et l'application de la peine sont régies par les dispositions du
présent code, à l'exception des articles 713-1 à 713-7.
«
Art. 627-19. -
Dès son arrivée sur le territoire de la République, la
personne transférée est présentée au procureur de la République du lieu
d'arrivée, qui procède à son interrogatoire d'identité et en dresse
procès-verbal. Toutefois, si l'interrogatoire ne peut être immédiatement
effectué, la personne est conduite à la maison d'arrêt où elle ne peut être
détenue plus de vingt-quatre heures. A l'expiration de ce délai, elle est
conduite d'office devant le procureur de la République, par les soins du chef
d'établissement.
« Au vu des pièces constatant l'accord entre le Gouvernement français et la
Cour pénale internationale concernant le transfert de l'intéressé, d'une copie
certifiée conforme du jugement de condamnation et d'une notification par la
Cour de la date de début d'exécution de la peine et de la durée restant à
accomplir, le procureur de la République ordonne l'incarcération immédiate de
la personne condamnée.
«
Art. 627-20. -
Si la personne condamnée dépose une demande de
placement à l'extérieur, de semi-liberté, de réduction de peine, de
fractionnement ou de suspension de peine, de placement sous surveillance
électronique ou de libération conditionnelle, sa requête est adressée au
procureur général près la cour d'appel dans le ressort de laquelle elle est
incarcérée, qui la transmet au ministre de la justice. Celui-ci communique la
requête à la Cour pénale internationale dans les meilleurs délais, avec tous
les documents pertinents.
« La Cour pénale internationale décide si la personne condamnée peut ou non
bénéficier de la mesure considérée. Lorsque la décision de la Cour est
négative, le Gouvernement indique à la Cour s'il accepte de garder la personne
condamnée sur le territoire de la République ou s'il entend demander son
transfert dans un autre Etat qu'elle aura désigné. »
Je mets aux voix l'article 1er.
(L'article 1er est adopté.)
Articles 2 à 5
M. le président.
« Art. 2. - Dans les articles 630 et 632 du code de procédure pénale, les
références à l'article 627 sont remplacées par des références à l'article
627-21. » -
(Adopté.)
« Art. 3. - Il est inséré, après l'article 16 de la loi n° 95-1 du 2 janvier
1995, une division additionnelle ainsi rédigée :
« Chapitre III
« De l'exécution des peines d'emprisonnement
«
Art. 16-1.
- Lorsque, en application de l'accord entre le
Gouvernement de la République française et l'Organisation des Nations unies
concernant l'exécution des peines prononcées par le Tribunal pénal
international pour l'ex-Yougoslavie, fait à La Haye le 25 février 2000, la
France a donné son accord pour recevoir une personne condamnée par le Tribunal
pénal international afin que celle-ci y purge sa peine d'emprisonnement, les
dispositions des articles 627-18 à 627-20 du code de procédure pénale sont
applicables.
« Les références à la Cour pénale internationale sont alors remplacées par des
références au Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie. De même, les
références aux articles du Statut de la Cour pénale internationale sont
remplacées par des références aux articles correspondants des instruments
internationaux régissant ledit tribunal. » -
(Adopté.)
« Art. 4. - I. - Il est inséré, dans le chapitre XI du titre Ier du livre VI
du code de procédure pénale, avant l'article 860, un article 859-1 ainsi rédigé
:
«
Art. 859-1. -
Le délai prévu au premier alinéa de l'article 627-6 est
porté à quinze jours lorsque le transfèrement se fait à partir de la
Nouvelle-Calédonie, de la Polynésie française ou des îles Wallis-et-Futuna.
»
« II. - Il est inséré, dans le chapitre VIII du titre II du livre VI du code
de procédure pénale, avant l'article 898, un article 897-1 ainsi rédigé ;
«
Art. 897-1. -
Le délai prévu au premier alinéa de l'article 627-6 est
porté à quinze jours lorsque le transfèrement se fait à partir de la
collectivité territoriale. »
« III. - Il est inséré, dans le chapitre II du titre III du livre VI du code
de procédure pénale, après l'article 907, un article 907-1 ainsi rédigé :
«
Art. 907-1. -
Les délais prévus à l'article 130 et au premier alinéa
de l'article 627-6 sont portés à quinze jours lorsque le transfèrement se fait
à partir de la collectivité territoriale. » -
(Adopté.)
« Art. 5. - La présente loi est applicable en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie
française et à Wallis-et-Futuna. » -
(Adopté.)
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les conclusions du rapport de la commission des lois sur la
proposition de loi n° 163.
(La proposition de loi est adoptée.)
M. le président.
Je constate que cette proposition de loi a été adoptée à l'unanimité.
(Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe
communiste républicain et citoyen. - M. Doublet applaudit également.)
4
CANDIDATURES À UNE COMMISSION
MIXTE PARITAIRE
M. le président.
M. le président a reçu de M. le Premier ministre la demande de constitution
d'une commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les
dispositions restant en discussion de la proposition de loi complétant la loi
n° 2000-516 du 15 juin 2000 renforçant la protection de la présomption
d'innocence et les droits des victimes.
J'informe le Sénat que la commission des lois m'a fait connaître qu'elle a
procédé à la désignation des candidats qu'elle présente à cette commission
mixte paritaire.
Cette liste a été affichée et la nomination des membres de cette commission
mixte paritaire aura lieu conformément à l'article 9 du règlement.
5
CRIMES IMPRESCRIPTIBLES
EN MATIÈRE DE TERRORISME
(Ordre du jour réservé)
Renvoi en commission d'une proposition de loi
M. le président.
L'ordre du jour appelle la discussion des conclusions du rapport (n° 204,
2001-2002) de M. Henri de Richemont, fait au nom de la commission des lois
constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et
d'administration générale sur la proposition de loi de M. Aymeri de Montesquiou
tendant à rendre imprescriptibles les crimes et incompressibles les peines en
matière de terrorisme (n° 440 rectifié, 2000-2001).
Dans la discussion générale, la parole est à M. Gérard, en remplacement de M.
de Richemont, rapporteur.
M. Patrice Gélard,
en remplacement de M. Henri de Richemont, rapporteur de la commission des lois
constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et
d'administration générale.
Monsieur le président, madame la ministre, mes
chers collègues, je suis amené ce matin à remplacer notre collègue M. de
Richemont, retenu par des obligations impératives, et je vous prie de bien
vouloir m'excuser si le rapport que je vais présenter en son nom n'aura pas la
qualité que lui-même lui aurait conférée.
Le 11 septembre 2001, les Etats-Unis d'Amérique ont été, comme chacun sait,
victimes d'attentats particulièrement effroyables, qui ne sauraient rester
impunis.
Ces dramatiques événements ont montré que nous ne disposions pas toujours,
dans notre arsenal législatif, des moyens de combattre le terrorisme avec
suffisamment d'efficacité. C'est la raison pour laquelle, en octobre dernier,
le Gouvernement a soumis au Parlement, qui les a adoptées, plusieurs mesures
destinées à renforcer l'efficacité de notre dispositif de lutte contre le
terrorisme.
Ces dispositions avaient notamment pour objet de permettre, sous certaines
conditions, la fouille des véhicules, de prévoir la possibilité pour les agents
d'entreprise de sécurité de procéder à des fouilles de bagages et à des
palpations de sécurité ou de réglementer la conservation des données de
communication.
Le Sénat est à présent saisi d'une proposition de loi présentée par notre
excellent collègue Aymeri de Montesquieu tendant à rendre imprescriptibles les
crimes et incompressibles les peines en matière de terrorisme.
Il convient d'abord de rappeler les règles actuelles quant à la prescription
et aux périodes de sûreté.
Les règles relatives à la prescription de l'action publique sont définies par
le code de procédure pénale.
En matière de crime, l'action publique se prescrit par dix années révolues à
compter du jour où le crime a été commis. En matière de délit, la prescription
de l'action publique est de trois années révolues.
En ce qui concerne la prescription des peines, les peines prononcées pour un
crime se prescrivent par vingt années révolues à compter de la date à laquelle
la décision de condamnation est devenue définitive. S'agissant des peines
prononcées pour un délit, cette durée est de cinq années révolues.
Ces règles font l'objet d'aménagements pour certaines catégories
d'infractions.
Ainsi, des règles particulières ont été prévues par le législateur dans le cas
de certaines infractions commises contre les mineurs, pour lesquelles le délai
de prescription de l'action publique ne commence à courir qu'à partir de la
majorité des victimes. Ces règles sont justifiées par la nécessité de tenir
compte de la grande difficulté, pour un mineur, de révéler des crimes ou des
délits de nature sexuelle qui ont pu être commis à son encontre par un membre
de sa famille.
Par ailleurs, en matière de stupéfiants, le délai de prescription de l'action
publique est de trente ans en ce qui concerne les infractions les plus graves
et de vingt ans pour plusieurs délits.
Des aménagements aux règles générales de prescription sont également prévus en
matière de terrorisme.
Aux termes de l'article 706-25-1, l'action publique se prescrit par trente
ans, et non par dix ans, pour l'ensemble des crimes terroristes. De plus,
l'action publique des délits constitutifs d'actes de terrorisme se prescrit par
vingt ans et non par trois ans.
Le droit français reconnaît le caractère imprescriptible d'une catégorie
unique de crimes : les crimes contre l'humanité, notamment le génocide,
auxquels s'ajouteront peut-être les autres catégories prévues par la convention
internationale dont nous venons de rendre les dispositions applicables en
France, à savoir les crimes de guerre et, sans doute, les « crimes d'agression
», dont on ne connaît pas encore la définition.
La loi de 1964 dispose que les crimes contre l'humanité « sont
imprescriptibles par leur nature ». Je rappelle que la définition des crimes
contre l'humanité figure désormais aux articles 211-1 et 212-1 du code pénal,
l'article 213-5 du même code prévoyant que l'action publique et les peines
prononcées sont imprescriptibles.
Il n'existe donc aujourd'hui, en droit français, qu'une seule catégorie de
crimes imprescriptibles : les crimes contre l'humanité. La proposition de loi
de notre collègue de Montesquiou vise, par conséquent, à créer une nouvelle
catégorie de crimes imprescriptibles.
J'en viens maintenant à la question des périodes de sûreté ou des peines
incompressibles.
La procédure pénale prévoit de nombreuses possibilités d'individualisation de
la peine en cours d'exécution. Dans les conditions prévues par le code de
procédure pénale, des mesures de réduction, de suspension, de fractionnement de
peines, ainsi que des mesures de libération conditionnelle peuvent être
prononcées.
Dès lors, le juge dispose d'une grande latitude d'appréciation.
Afin de corriger cette situation, le législateur a institué en 1978 une
période de sûreté interdisant, pendant sa durée, toute mesure
d'individualisation de la peine. Depuis, les règles relatives à la période de
sûreté ont été fréquemment modifiées.
En principe, les périodes de sûreté correspondent à la moitié de la peine
prononcée ou à dix-huit ans d'emprisonnement lorsque la réclusion à perpétuité
a été prononcée. Il convient de noter que les périodes de sûreté, qui visent à
empêcher l'individualisation des peines, peuvent être elles-mêmes
individualisées.
Ainsi, les commutations et remises de peine décidées par un décret de grâce
ont pour effet de diminuer la durée des périodes de sûreté. En outre, une
procédure de révision de la période de sûreté, certes très encadrée, est prévue
par le code de procédure pénale.
Par ailleurs, deux dispositions du code de procédure pénale permettent à une
juridiction de prononcer une peine incompressible.
En cas de meurtre ou d'assassinat d'un mineur de quinze ans, précédé ou
accompagné de viol ou de tortures ou d'actes de barbarie, la juridiction est
autorisée à porter la période de sûreté à la durée totale de la peine
prononcée, même lorsqu'elle a prononcé la réclusion criminelle à perpétuité.
Toutefois, le législateur a prévu une possibilité, certes très limitée,
d'atténuer la rigueur de ce régime : une révision peut intervenir après une
période de trente ans.
Il n'existe donc actuellement, en droit français, aucune peine totalement
incompressible.
Notre excellent collègue Aymeri de Montesquiou propose, en matière de
terrorisme, de rendre imprescriptibles les crimes et incompressibles les
peines. Comme il l'indique à juste titre dans l'exposé des motifs de sa
proposition de loi, « les attentats barbares et injustifiables commis à New
York et à Washington le 11 septembre 2001 ont traumatisé la population
américaine et choqué tous les gouvernements et l'ensemble des populations ».
L'exposé des motifs souligne que, dans ces conditions, « pour l'avenir, il est
indispensable que chaque Etat, individuellement et collectivement, se dote des
instruments juridiques appropriés pour punir ces actes impardonnables sans
faiblesse ».
Il est maintenant temps pour moi d'expliquer la position de la commission des
lois sur la proposition de loi de notre très estimé collègue.
La commission des lois comprend parfaitement sa démarche, mais considère que
l'adoption de sa proposition soulèverait des difficultés considérables et qu'il
n'est pas nécessaire, pour réprimer efficacement et avec rigueur les actes de
terrorisme, de recourir à l'arme suprême de l'imprescriptibilité et de
l'incompressibilité.
En ce qui concerne les règles relatives à la prescription, la commission
constate que, actuellement, les crimes de terrorisme se prescrivent par trente
ans, ce qui est considérable au regard des règles générales. Je rappelle que
les actes d'enquête ou d'instruction ont pour effet d'interrompre cette
prescription, de telle sorte que les faits peuvent n'être prescrits que bien
plus de trente ans après la commission du crime.
Dans ces conditions, poser le principe de l'imprescriptibilité des crimes de
terrorisme aurait un effet essentiellement symbolique, ce qui n'est pas
négligeable, mais n'est pas pleinement opérationnel.
Cependant, la commission estime qu'une telle évolution n'est pas souhaitable,
car elle aurait pour conséquence d'atténuer la spécificité qui s'attache aux
crimes contre l'humanité, qui seuls, aujourd'hui, sont imprescriptibles.
On peut d'ailleurs se poser la question de savoir si les crimes commis le 11
septembre ne sont pas des crimes contre l'humanité. Peut-être une réponse nous
sera-t-elle apportée au cours des procès de ceux qui sont actuellement
inculpés.
En outre, les crimes terroristes ne peuvent pas, de manière générale, être
comparés aux crimes contre l'humanité : si certains peuvent l'être, d'autres ne
le sont manifestement pas.
Une autre raison justifie que le droit actuel ne soit pas modifié : les crimes
du 11 septembre 2001 constituent incontestablement des actes terroristes ; mais
ils constituent aussi des crimes contre l'humanité, qui, eux, sont
imprescriptibles.
Comme l'a récemment déclaré notre excellent collègue M. Robert Badinter : «
Les attentats du 11 septembre constituent des crimes contre l'humanité au sens
du traité de Rome créant la Cour pénale internationale. »
En définitive, votre commission considère que l'imprescriptibilité des crimes
de terrorisme n'apporterait guère d'efficacité supplémentaire à la répression
et risquerait, paradoxalement, de banaliser les crimes du 11 septembre, dont la
barbarie en fait plus que des crimes terroristes.
En ce qui concerne l'article 2 de la proposition de loi, qui pose le principe
du caractère incompressible de toutes les peines prononcées en matière de
terrorisme, la commission a constaté qu'il heurtait certains principes
fondamentaux et qu'il était sans doute contraire à la Convention européenne des
droits de l'homme.
L'article VIII de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen dispose
que « la loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment
nécessaires ». Dans une décision du 20 janvier 1994, le Conseil
constitutionnel, après avoir rappelé le principe, a énoncé que « l'exécution
des peines privatives de liberté en matière correctionnelle et criminelle a été
conçue, non seulement pour protéger la société et assurer la punition du
condamné, mais aussi pour favoriser l'amendement de celui-ci et préparer son
éventuelle réinsertion ».
Il est clair qu'un système de peine incompressible, notamment de peine
perpétuelle incompressible, exclut toute prise en compte de l'évolution
éventuelle du condamné.
Le texte qui nous est soumis ne laisse aucune latitude à la juridiction pour
apprécier le caractère nécessaire de la peine incompressible et ne prévoit
aucune possibilité d'aménagement ; il ne peut donc être retenu.
Par ailleurs, nous ne sommes pas certains qu'il soit nécessaire de prévoir, en
matière de terrorisme, le même régime que celui qui est prévu pour les meurtres
d'enfants, les règles actuelles, qui permettent de prononcer des peines de
sûreté allant jusqu'à vingt-deux ans, paraissant suffisantes.
Rappelons en effet que, si la période de sûreté empêche toute mesure
d'individualisation, son expiration ne signifie pas pour autant la libération
d'un condamné. L'expiration de la période de sûreté ouvre seulement des
possibilités d'individualisation de la peine à la juridiction compétente.
Pour l'ensemble de ces raisons, la commission des lois a décidé de ne pas
retenir la proposition de loi qui lui était soumise, même si elle comprend
parfaitement les motivations de son auteur et partage pleinement le souci de
voir réprimés effectivement les crimes de terrorisme.
M. le président.
La parole est à Mme le garde des sceaux.
Mme Marylise Lebranchu,
garde des sceaux, ministre de la justice.
Monsieur le président,
mesdames, messieurs les sénateurs, le Sénat examine aujourd'hui les conclusions
du rapport de votre commission des lois sur la proposition de loi déposée par
M. Aymeri de Montesquiou tendant à rendre imprescriptibles les crimes et
incompressibles les peines en matière de terrorisme.
Je comprends parfaitement les motifs du dépôt de la présente proposition de
loi : ils sont liés aux événements tragiques du 11 septembre 2000, qui ont
choqué l'ensemble de la communauté internationale.
Toutefois, et sans sous-estimer ni la menace terroriste ni l'horreur de ces
crimes, le Gouvernement est opposé à cette proposition de loi, pour des raisons
proches de celles qui viennent d'être exposées à l'instant par M. Gélard, au
nom de la commission.
La position du Gouvernement rejoint ainsi celle de votre commission des lois
et de son rapporteur, M. de Richemont, qui ont décidé de ne pas retenir le
texte de cette proposition de loi, même si les motivations de son dépôt sont
largement louables.
Le premier objet de ce texte est de rendre les crimes terroristes
imprescriptibles.
Je vous rappelle que, depuis 1996, la prescription des crimes terroristes est
de trente ans, au lieu des dix ans prévus par le droit commun. Compte tenu de
l'extrême longueur de ce délai, il n'apparaît pas nécessaire, au regard de
considérations d'efficacité, de modifier à nouveau la loi et de prévoir
l'imprescriptibilité de ces crimes.
Faut-il alors, pour des raisons symboliques, rendre ces crimes
imprescriptibles ? Je ne le pense pas non plus.
Il n'est, en effet, pas envisageable de porter atteinte au caractère
spécifique des crimes contre l'humanité, qui justifie que l'imprescriptibilité
soit réservée à ces seuls crimes et qu'elle ne soit pas étendue à d'autres
infractions, quelles que soient leur nature ou leur gravité.
Etendre à d'autres crimes que les crimes contre l'humanité le principe
d'imprescriptibilité reviendrait à mon sens, à affaiblir la notion même de «
crime contre l'humanité ».
En disant cela, je ne banalise pas un seul instant les crimes du 11 septembre
car, après analyse, il apparaît bien que ces crimes, par leur nature et leur
extrême gravité, constituent en réalité, outre des actes de terrorisme, des
crimes contre l'humanité.
Ils paraissent en effet tomber sous le coup de l'article 212-2 du code pénal,
qui réprime « la pratique massive et systématique (...) d'actes inhumains
inspirés par des motifs politiques (...) raciaux ou religieux et organisés en
application d'un plan concerté à l'encontre d'un groupe de population civile
».
Le second objet de la proposition de loi est de rendre incompressibles les
peines en matière de terrorisme, y compris la réclusion criminelle à
perpétuité.
Comme vous l'avez rappelé, monsieur le rapporteur, cette proposition est
toutefois contraire à l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du
citoyen tel qu'interprété par le Conseil constitutionnel dans sa décision du 20
janvier 1994.
Le Conseil constitutionnel a en effet jugé dans cette décision que «
l'exécution des peines privatives de liberté en matière correctionnelle et
criminelle a été conçue, non seulement pour protéger la société et assurer la
punition du condamné, mais aussi pour favoriser l'amendement de celui-ci et
préparer son éventuelle réinsertion ».
Ainsi, le Conseil constitutionnel n'a déclaré conformes à la Constitution les
dispositions de la loi du 1er février 1994 qui instauraient la « peine
perpétuelle incompressible » pour les assassinats d'enfants qui sont punis de
la réclusion criminelle à perpétuité que parce que cette peine n'était pas
véritablement incompressible, dans la mesure où la période de sûreté pouvait
être levée à l'issue d'un délai de trente ans.
Je rappelle au demeurant que, lors de l'examen de cette loi, c'est votre
assemblée qui avait pris l'initiative d'amender le texte du projet initial, qui
prévoyait une perpétuité incompressible pour permettre de lever la période de
sûreté après trente ans.
Prévoir l'incompressibilité des peines en matière de terrorisme serait donc
contraire à la Constitution.
D'une manière générale, notre arsenal juridique actuel contre les actes de
terrorisme présente une particulière sévérité - nous en avons d'ailleurs
réexaminé certaines dispositions à la fin de l'année 2001 - et il est adapté
pour lutter contre la menace à laquelle doivent faire face quasiment
quotidiennement les Etats de droit.
Comme vous le savez, cet arsenal a été sensiblement amélioré par plusieurs
dispositions figurant dans la loi du 15 novembre 2001 relative à la sécurité
quotidienne, que le Gouvernement a demandé au Parlement d'adopter à la suite
des attentats du 11 septembre. Cet arsenal est vraisemblablement suffisant même
si nous savons bien qu'au-delà des textes une coopération est nécessaire avec
l'ensemble des pays démocratiques.
Je vous demande donc de ne pas adopter cette proposition de loi, ainsi que
vous y invite la commission des lois même si je rends hommage, comme vous,
monsieur le rapporteur, au travail accompli par M. de Montesquiou qui tend à
affirmer solennellement, aujourd'hui, devant le Sénat que nous n'accepterons
jamais que le terrorisme tienne lieu de débat ou de réponse à ceux qui ont
choisi la mort pour faire passer leurs idées.
(Applaudissements sur les
travées socialistes ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et
citoyen. - M. le président de la commission des lois et M. Longuet
applaudissent également.)
M. le président.
La parole est à M. Badinter.
M. Robert Badinter.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je serai d'une
brièveté remarquable.
Notre excellent collègue, M. Gélard, au nom de la commission des lois, a
parfaitement précisé les raisons pour lesquelles, en dépit de l'excellence des
motifs qui guident l'auteur de la proposition de loi, M. de Montesquiou, la
commission des lois ne pouvait être favorable, en l'état, à sa proposition.
Je dirai simplement que nous disposons d'ores et déjà, pour lutter contre le
terrorisme, d'un arsenal législatif qui, je crois, est très complet d'autant
que de récentes modifications y ont encore été apportées à l'automne.
Nous allons assister - je l'ai longuement évoqué tout à l'heure - à la
naissance de la Cour pénale internationale. Les dispositions qui s'y attachent
permettront de qualifier de crime contre l'humanité les crimes de terrorisme
les plus graves qui puissent se concevoir, comme ceux du 11 septembre.
J'ajoute qu'un acte de terrorisme peut constituer un crime contre l'humanité,
mais que tout acte de terrorisme ne constitue pas un crime contre l'humanité.
Dès lors, conservons ce qui constitue la marque spécifique du crime contre
l'humanité : le fait qu'il attente à l'humanité entière, au-delà des
malheureuses victimes, appelle l'imprescriptibilité parce que c'est l'humanité
entière qui est en cause. Pour le reste, les dispositions existantes suffisent.
Il n'y a donc pas lieu d'aller au-delà.
C'est la raison pour laquelle le groupe socialiste votera conformément à la
position de la commission des lois.
(Applaudissements sur les travées
socialistes, ainsi que sur les travées du groupe communiste républicain et
citoyen.)
M. le président.
La parole est à M. de Montesquiou.
M. Aymeri de Montesquiou.
Monsieur le président, madame le garde des sceaux, mes chers collègues, si nul
n'est censé ignorer la loi, encore faut-il qu'elle soit comprise par tous, par
les citoyens, mais aussi par les délinquants et les criminels.
Or, à ce jour, les lois s'entremêlent dans un maquis parfois impénétrable où
les malfaiteurs s'abritent et face auquel les victimes désarmées constatent
avec amertume qu'il est souvent source d'impunité pour les malfaiteurs. Il est
donc nécessaire d'élaborer des règles simples, notamment pour que les criminels
potentiels connaissent les sanctions qu'ils encourent.
Les attentats du 11 septembre ont créé un électrochoc planétaire : sans
distinction de nationalité, de race ou de religion, toutes les consciences ont
été frappées. Ils ont provoqué une réponse militaire, ils ont également suscité
des réactions normatives à tous les niveaux : au niveau international, tout
d'abord, avec l'accélération de la lutte contre le financement du terrorisme ;
au niveau communautaire, ensuite, avec la création d'un mandat d'arrêt
européen, en particulier pour les crimes et délits terroristes ; au niveau
national, enfin, en commençant à compléter notre législation spécifique pour
combattre le terrorisme : le Gouvernement a en effet « musclé » son projet de
loi sur la sécurité quotidienne avec des dispositions qui, dans d'autres
circonstances, avaient été repoussées par la gauche pas encore plurielle.
Peut-on refuser de légiférer « à chaud » ? Non ! bien sûr, et le Sénat l'a
bien montré en votant des mesures exceptionnelles à l'automne dernier.
Vous comprenez donc, mes chers collègues, l'esprit dans lequel j'ai déposé
cette proposition de loi dès la fin du mois de septembre. Il s'appuie sur une
volonté de clarification et d'adaptation.
La législation française est-elle suffisante ? Non ! et les législateurs que
nous sommes ne peuvent pas se contenter d'invoquer le droit existant. Nous
avons vocation à innover.
La proposition de loi que je soumets à votre examen a ainsi pour objet de
déclencher un débat. Je me placerai d'emblée dans l'optique du citoyen qui
disposerait du pouvoir législatif et non dans celle du juriste que je ne ferai
pas semblant d'être.
Le terrorisme a déjà frappé de trop nombreux pays, dont le nôtre. Cette forme
de criminalité sauvage et aveugle n'est pas nouvelle, mais elle a pris une
ampleur sans égale qui la conduit à un changement de nature.
Passé le temps de la stupeur, de l'émotion et des interrogations, il
appartient désormais à ceux que le peuple a désignés pour faire entendre sa
voix de prendre leurs responsabilités.
C'est au Parlement qu'il revient certainement de contrôler la politique
budgétaire du Gouvernement, c'est-à-dire de lui allouer les moyens nécessaires
à ce combat, mais aussi et surtout, en l'occurrence, de voter la loi et de
décider ainsi des outils mis à la disposition de l'institution judiciaire pour
qu'elle mène à bien la lutte contre ce fléau.
Mes chers collègues, soyons lucides ! En l'état actuel du droit, notre Etat ne
dispose pas des moyens juridiques suffisamment dissuasifs pour décourager
d'abord et drastiques pour punir ensuite les terroristes. Le temps est venu de
faire preuve d'une détermination égale à celle de l'adversaire.
Le texte que je vous propose est à la mesure de ce que doit être notre combat
contre toutes les formes de terrorisme : radical.
Le premier volet de la proposition de loi que j'ai l'honneur de soumettre à
votre examen vise ainsi à rendre imprescriptibles les crimes de terrorisme.
Ce message s'adresse aux terroristes, à ceux qui les poursuivent et à ceux qui
les subissent.
Aux terroristes, il s'agit de pouvoir affirmer : quelles que soient les
motivations de vos barbaries, quelles que soient les complicités dont vous
bénéficierez pour fuir la justice, quelle que soit la durée de votre fuite,
quel que soit votre âge le jour de votre arrestation, vous êtes résolus, nous
aussi. Vous nous avez déclaré la guerre, nous vous combattrons et vous
répondrez de vos actes !
Aux magistrats, nous devons dire : quelles que soient les difficultés de vos
enquêtes, quelle que soit la complexité des réseaux que vous démantelez, quelle
que soit la durée des poursuites, quels que soient les échecs que vous
rencontrerez, vous jugerez ces individus ! La France vous en donne la
responsabilité. Le Parlement doit vous en offrir les moyens.
Aux victimes, nous pourrons dire : quelle que soit votre douleur, quelle que
soit votre incompréhension, quels que soient vos doutes quant à la victoire de
la démocratie, quel que soit votre découragement, vous serez entendues ! Ne les
décevons pas.
Je me rends bien compte que la prescription de trente ans constitue une durée
déjà longue au regard de la vie d'un individu. Toutefois, compte tenu du
caractère symbolique affirmé des actes de terrorisme, ce que reconnaît
volontiers M. le rapporteur, il nous appartient d'apporter à ces crimes une
réponse non seulement symbolique, mais peut-être dissuasive.
Je suis convaincu que chacun reconnaît, en son âme et conscience, le
bien-fondé de la proposition de loi que je vous soumets.
Je sais aussi l'hésitation qui conduit certains d'entre nous à douter de la
possibilité d'appliquer une telle règle à des crimes autres que ceux qui sont
qualifiés de « crimes contre l'humanité », en raison du contexte historique qui
a donné naissance à la notion d'imprescriptibilité.
Il y a six ans, lors de la discussion d'un amendement au projet de loi,
présenté par M. Jacques Toubon, alors garde des sceaux, tendant à renforcer la
répression du terrorisme, le Sénat avait débattu de cette question.
Notre commission des lois, par la voix de son rapporteur, M. Paul Masson,
avait refusé cet amendement au motif que « l'imprescriptibilité a toujours
concerné uniquement les actes qui touchent à la substance même de notre
structure démocratique. »
Les crimes terroristes actuels répondent-ils à ce critère ? Nos démocraties,
et plus particulièrement la démocratie française, ne sont-elles pas touchées
par ces crimes terroristes qui visent à déstabiliser la société, créer le
désarroi et la perte de confiance dans un Etat qui serait incapable d'assurer
la sécurité de ses citoyens ?
Notre éminent collègue M. Robert Badinter rappelait, pour sa part, que «
l'imprescriptibilité est née du refus de nos consciences d'accepter que
demeurent impunis, après des décennies, les auteurs qui nient l'humanité ». Il
concluait dès lors que « l'imprescriptibilité doit demeurer tout à fait
exceptionnelle : elle doit être limitée aux crimes contre l'humanité et ne
saurait être étendue aux crimes qui sont en relation avec une entreprise
terroriste ».
Pour ces mêmes raisons, notre commission des lois vous demandera tout à
l'heure de repousser le texte que je défends.
Mais est-il concevable qu'un terroriste ayant massacré un, dix, cent, mille
innocents puisse s'abriter dans un pays complice, hors d'atteinte de toute
poursuite, et réapparaisse en toute impunité, la prescription étant acquise,
certain de ne subir aucune sanction ?
Interrogeons-nous ! Qu'est-ce qu'un acte de terrorisme ? Quelle est la
motivation de son auteur ? Quel objectif se fixe-t-il ? Quelle conscience
a-t-il du sort des femmes et des hommes qui croisent son chemin ?
Lorsque Oussama Ben Laden appelait ses prétendus frères musulmans à massacrer
ceux qu'il dénomme les infidèles, lorsque Al Qaïda avait pour objectif la
transformation de l'Afghanistan en émirat et la déstabilisation des pays
voisins, obligeant une coalition internationale à se constituer afin de
protéger ceux-ci, ne doit-on pas en conclure que la substance même de nos
structures démocratiques a été menacée ?
Lorsque les représentants de cette organisation terroriste n'envisagent
l'existence de la Palestine qu'à travers la disparition des Juifs d'Israël,
n'est-ce-pas, là encore, une négation de l'humanité ?
Je comprends l'émotion de ceux dont la famille a péri dans les camps de la
mort, à l'idée qu'un crime, quel qu'il soit, puisse souffrir d'une comparaison
avec les atrocités commises à Auschwitz, Dachau ou Buchenwald. Naturellement,
la mémoire des millions de victimes du nazisme ne peut pas supporter la moindre
analogie. Il n'y a aucune confusion dans mon esprit.
Néanmoins, nous devons rendre imprescriptibles les crimes terroristes, parce
que, tout simplement, les citoyens du monde aspirent à voir juger les auteurs
de ces actes.
La question de la qualification de ces actes est au coeur du débat. Je
souligne, comme l'a rappelé M. Gélard, que la commission des lois serait prête
à qualifier les attentats du 11 septembre de crimes contre l'humanité, et donc
à requérir l'imprescriptibilité en l'espèce.
Deux procédés permettraient de parvenir à l'imprescriptibilité des crimes
terroristes. Le premier, celui que je propose, consiste à rendre
imprescriptibles les crimes terroristes. Le second consiste à qualifier d'abord
de crimes contre l'humanité tel ou tel crime que l'on ne souhaite pas voir
automatiquement prescrit, et cela au cas par cas. Mais le citoyen peut-il
comprendre que le crime terroriste doive passer par cette qualification de
crime contre l'humanité pour devenir imprescriptible ?
La question d'un découplage « crimes contre l'humanité - imprescriptibilité »
doit être posée. Ainsi, si tous les crimes contre l'humanité sont
imprescriptibles par nautre, pourquoi l'imprescriptibilité serait-elle réservée
exclusivement aux crimes contre l'humanité ?
Il n'est pas satisfaisant de dire que le caractère exceptionnel de la réponse
judiciaire apportée aux atrocités nazies résulterait de leur seule
imprescriptibilité. Il résulte surtout du raisonnement salutaire de la justice
qui, notamment lors du procès Barbie, a permis d'appliquer la loi
d'imprescriptibilité de 1964 à raison de faits commis pendant la guerre, sans
contrevenir au princice de la non-rétroactivité de la loi pénale.
Rendre imprescriptibles les actes de terrorisme ne présenterait pas ce
caractère exceptionnel qui confirme la singularité des poursuites diligentées
contre les auteurs des atrocités nazies. En effet, il ne saurait être question
de déroger au code pénal, qui prévoit que les lois relatives à la prescription
sont applicables immédiatement, sauf quand elles ont pour effet d'aggraver la
situation de l'intéressé.
En matière d'imprescriptibilité des crimes terroristes, traduisons les
aspirations de nos concitoyens. Pour eux, c'est avant tout notre conscience qui
devrait dicter le droit.
Le second volet de la proposition de loi que je soumets à votre examen
concerne les modalités d'exécution des peines applicables aux crimes
terroristes. Pourquoi faut-il que les peines prononcées à l'encontre des
terroristes soient incompressibles ?
Le terroriste, par essence, nie le fonctionnement de nos sociétés
démocratiques. Il n'est pas capable de s'amender, car s'amender consiste, en
quelque sorte, à solliciter le pardon de la société. Or le terroriste ne
reconnaît pas la société : il la combat.
De plus, la société peut-elle préparer l'éventuelle réinsertion de celui qui
la dénie ?
L'adoption de la règle de droit que je propose aurait pour effet
l'instauration de peines de perpétuité réelles pour des terroristes.
Si nous refusons ce principe de perpétuité, nous devons, d'une part, le dire,
comme l'ont fait les orateurs, et, d'autre part, modifier en conséquence tous
les articles du code pénal qui prévoient la réclusion criminelle à
perpétuité.
A quoi bon voter des lois dont nous savons aujourd'hui qu'elles ne seront pas
appliquées ? J'ai le sentiment profond qu'en agissant ainsi nous trompons ceux
qui nous ont élus.
Monsieur le rapporteur, vous rappelez en juriste de profession que le droit
français ne comporte aucune peine totalement incompressible. Est-ce cependant à
vos yeux une raison suffisante et raisonnable pour ne pas faire évoluer le
droit ? Le Parlement ne doit-il pas constituer une source vivante du droit ?
Vous expliquez que l'institution de peines incompressibles trouve sa source
non seulement dans l'extrême gravité des faits, mais aussi, et surtout, par la
crainte de la récidive. Je n'imagine pas qu'en matière de terrorisme la
récidive ne puisse vous inquiéter.
Vous nous dites, enfin, que les dispositions du droit laissent au juge une
grande latitude en matière d'individualisation des peines : permettez-moi
d'oser souhaiter qu'il y soit mis fin lorsqu'il s'agit de terrorisme.
Il y a peu d'éléments dissuasifs à des actes criminels perpétrés pour des
raisons idéologiques, politiques ou religieuses. A-t-on cependant le droit d'en
négliger un qui pourrait épargner de nouvelles victimes potentielles ? Faut-il
permettre, vu la gravité exceptionnelle des crimes, qu'un juge ait la faculté
de libérer un terroriste, parfois tueur de masse, au bout de quinze ou
vingt-deux ans maximum ?
Chers collègues, je vous en prie, considérez cet argument supplémentaire et
donnons-nous les meilleurs outils pour travailler à la sécurité de nos
concitoyens.
Monsieur le rapporteur, les conclusions que vous avez présentées sont
négatives pour ce qui concerne l'incompressibilité au motif, selon vous, que le
texte qui vous a été soumis « ne laisse aucune latitude à la juridiction pour
apprécier le caractère nécessaire de la peine incompressible et ne prévoit
aucune possibilité d'aménagement ».
Si cette proposition de loi avait permis cette latitude et cette possibilité
d'aménagement, aurait-elle reçu un avis favorable de la commission des lois ?
M'inscrivant dans votre logique, je vous pose la question : pourquoi la
commission ne propose-t-elle pas alors un amendement ?
Monsieur le président, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, je ne
saurais vous cacher mon étonnement devant les réactions des médias quant au
sort de deux talibans détenus sur l'île de Cuba.
Certes, on doit s'assurer que leur traitement est digne, et pas seulement au
motif qu'ils ont un jour possédé une carte d'identité française. Mais on doit
quand même au moins s'assurer également qu'ils seront effectivement poursuivis,
jugés et condamnés.
Mes chers collègues, la proposition de loi que j'ai l'honneur de vous
soumettre répond aux attentes profondes et légitimes de notre conscience
collective. Ne la rejettez pas ! Le contexte que nous impose le terrorisme est
totalement nouveau : il nous interdit de faire appel à un arsenal de lois
obsolètes.
De plus, Mme la garde des sceaux et M. le rapporteur ont déclaré comprendre
mes motifs, mais... Ce « mais » a peu de poids en regard des souffrances
passées et des dangers à venir.
Imaginons que nous débattions au lendemain des attentats du 11 septembre :
nous n'aurions pas déjà oublié que nous sommes en guerre. Une démocratie qui ne
se défend pas est en réel danger.
(Applaudissements sur les travées du RDSE et de l'Union centriste.)
M. Patrice Gélard,
rapporteur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Patrice Gélard,
rapporteur.
Permettez-moi de faire deux observations.
Tout d'abord, sur l'imprescriptibilité, j'estime qu'elle est, en l'occurrence,
inconstitutionnelle.
Seuls les crimes de nature internationale tel le crime contre l'humanité
peuvent, me semble-t-il, faire l'objet de l'imprescriptibilité. L'extension à
d'autres crimes nécessiterait une convention internationale. Quant aux Etats
qui ouvriraient la brèche en introduisant dans leur code pénal
l'imprescriptibilité des crimes en matière de terrorisme, en attendant d'autres
extensions, je ne suis pas sûr qu'ils resteraient encore conformes à la
définition même de la démocratie.
Ensuite, sur l'incompressibilité des peines, je constate qu'elle ne serait
également pas conforme à la Constitution, pas plus d'ailleurs qu'à la
Déclaration des droits de l'homme et du citoyen ou à la Convention européenne
des droits de l'homme.
Non, vraiment, mes chers collègues, nous nous engagerions dans une voie
extrêmement dangereuse si nous vous suivions, et quels que soient les motifs
qui vous animent.
J'ajoute qu'il faut distinguer : il y a terrorisme et terrorisme. Prenez
l'exemple du plastiquage d'une perception : va-t-on prévoir
l'imprescriptibilité et l'incompressibilité pour un acte de cette nature,
purement matériel ?
En réalité, c'est le sort des victimes innocentes qui intéresse les auteurs de
la proposition de loi. Mais, chers collègues, les victimes innocentes sont
d'ores et déjà prises en compte au titre du crime contre l'humanité. A cet
égard, les attentats du 11 septembre constituent typiquement un crime contre
l'humanité.
Si donc l'intention est bonne, le moyen utilisé n'est pas satisfaisant. C'est
la raison pour laquelle je pense que nous devons refuser cette proposition de
loi.
Nous ne pouvons pas, mes chers collègues, modifier profondément toutes les
bases de notre droit pénal pour traiter d'un cas précis ; ce serait aller dans
une direction extrêmement dangereuse. Je rappellerai, en outre, qu'en dehors
des crimes contre l'humanité les pays qui ont mis en place des
incompressibilités et des imprescriptibilités de crimes sont, en réalité, des
dictatures.
M. Robert Bret.
Très bien !
M. le président.
La parole est à M. Girod.
M. Paul Girod.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je suis membre
de la commission des lois et, à ce titre, j'ai évidemment quelque compréhension
pour les arguments qu'ont développés tant M. le rapporteur que M. Badinter.
Je conçois bien que notre droit actuel, issu d'une longue tradition, soit
difficilement compatible avec un régime d'incompressibilité et
d'imprescriptibilité.
Dans le même temps, cependant, j'ai l'honneur, succédant en cela à notre
regretté collègue Maurice Schumann, de présider le Haut comité de défense
civile. Ce comité étudie depuis de nombreuses années l'évolution des types de
menace et le style non plus seulement de protection civile mais, au-delà, de
défense civile auquel il s'agit de réfléchir pour préparer à nos sociétés un
avenir qui soit, disons, normal.
Depuis longtemps donc, nous avons été amenés à attirer l'attention d'un
certain nombre de responsables sur la transformation des menaces. Pendant la
guerre de Trente Ans, l'Europe a connu un véritable génocide croisé. Rappelons
que près de la moitié de la population européenne y est passée ! Il a fallu
surmonter beaucoup de difficultés pour mettre un terme à cette anarchie. D'une
certaine manière, les grandes lois qui régissent actuellement le cas de guerre
et le cas de paix sont issues de cette nécessité, apparue à l'époque, de
ménager un minimum de règles.
Du reste, les armées nationales sont nées aussi du même constat. Tout notre
droit est imprégné d'une tradition de quatre siècles de progrès pour le respect
de la personne humaine et pour la canalisation des tensions internationales et
des conflits armés dans un système organisé.
Le xxe a fait surgir, dans ce contexte relativement simple, un certain nombre
d'innovations majeures. Il s'agit, entre autres, du détournement de la
puissance d'Etat au service d'une idélologie sans scrupule et sans limites, qui
a débouché sur les crimes nazis, sur le goulag aussi - il ne faut tout de même
pas l'oublier - ainsi que sur des transplantations brutales de peuples entiers.
A cet égard, le conflit actuel en Tchétchénie devrait nous rappeler qu'à la fin
de la guerre de 1939-1945 Staline avait déporté tous les Tchétchènes au
Kazakhstan, sans autre forme de précaution, et que ceux-ci en ont gardé un
souvenir précis. D'ailleurs, Soljenitsyne, dans
L'Archipel du goulag
,
rend hommage à la manière dont les Tchétchènes résistaient à leur oppresseur en
ne transigeant jamais sur quoi que ce soit.
C'est donc le xxe qui a introduit dans la notion de conflit des dimensions que
nous ne connaissions pas auparavant pour déboucher, en ce début du xxie siècle,
sur une substitution : des affrontements militaires classiques nous dérivons
vers une utilisation des populations civiles. D'ailleurs, Hitler, quand il
lançait ses
stukas
à l'assaut des populations civiles en avant de ses
divisions blindées, savait parfaitement ce qu'il faisait : non seulement il
cassait le moral de tous, mais, surtout, il jetait sur les routes des masses
immenses de réfugiés qui bloquaient toute avancée des divisions ennemies.
Le moins que l'on puisse dire, c'est que cette théorie a prospéré depuis et
que, devant la menace que nous connaissons, ce sont les populations civiles
dans leur ensemble qui, par leur moral, leur économie et leur structure,
deviennent un instrument dans les mains de quiconque prétend imposer à tous une
culture très différente de celle qui a nourri la civilisation occidentale, une
culture fondée notamment sur le respect des droits de l'homme.
Par conséquent, nous sommes devant un problème totalement nouveau sur lequel
nous n'avons sûrement pas assez réfléchi. En particulier, nous semblons par
trop ignorer que ce problème n'est pas seulement originaire d'un pays démuni
d'Asie centrale mais qu'il est déjà chez nous, comme nous nous en apercevons de
jour en jour.
Grâce au ciel, en effet, notre dispositif de lutte contre le terrorisme a une
certaine efficacité et on démantèle chaque jour, chez nous et en Europe, des
réseaux, des cellules, des bases, des relais. C'est ainsi qu'à l'occasion de ce
que l'on appelle gentiment un fait divers, on arrête, comme cela s'est passé
dans le sud de notre pays, il n'y a pas si longtemps, un jeune excité qui, dans
la même journée, a tiré sur des gendarmes et tué un directeur de cabinet de
mairie et que l'on trouve, lors de la perquisition, détenteur de deux
lance-roquettes de gros calibre, bref d'un arsenal invraisemblable qu'il n'a
sûrement pas trouvé dans une pochette-surprise !
Donc, face à cette menace inédite, tout reste à inventer en termes de réponse.
Nous disposons d'un arsenal législatif concernant les individus ; nous avons un
corps de règles de la guerre s'adressant aux nations. Entre les deux, nous
devons trouver un dispositif nouveau qui prenne en compte ces menaces nouvelles
et, surtout, mettre en chantier une adaptation de nos conceptions du droit pour
faire face à la lâcheté des terroristes et aux manoeuvres qui sont les
leurs.
Sans doute les propositions de notre collègue Aymeri de Montesquiou, au
travail duquel je rends hommage, sont-elles techniquement imparfaites, mais
elles ne sont pas prématurées. Au contraire, nous aurions dû engager depuis
lontemps déjà la réflexion à la lumière d'événements dont le 11 septembre n'est
que la première manifestation massive, pour mieux « cadrer » la réaction de nos
sociétés face à cette menace diffuse et sournoise.
Je le dis tout net, je m'abstiendrai. Non pas parce que j'ai été convaincu par
les arguments de la commission des lois, qui nous dit que le texte est malvenu
et qui nous appelle à voter contre. Je ne voterai pas plus pour, parce que je
me rends bien compte des obstacles techniques, et philosophiques, aussi,
auxquels nous allons nous heurter, mais je me refuse à voter contre, pour la
simple raison que notre collègue Aymeri de Montesquiou a le mérite de saisir le
Parlement, en une période délicate - non pas seulement du fait des événements
de politique intérieure française, mais délicate pour le monde entier -, une
question sur laquelle nous n'avons pas le droit de refuser de réfléchir !
(Applaudissements sur certaines travées du RDSE et de l'Union
centriste.)
M. le président.
La parole est à Mme Borvo.
Mme Nicole Borvo.
Monsieur le président, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, je ne
vous étonnerai pas en disant que mon groupe votera contre la proposition de loi
de M. de Montesquiou, suivant en cela l'avis de la commission des lois.
Le terrorisme est, en effet, un sujet suffisamment grave pour que l'on ne
tolère aucune solution d'affichage exploitant le traumatisme et les angoisses
de nos concitoyens nés de l'horreur effroyable des attentats du 11 septembre.
Le plaidoyer de M. de Montesquiou me conforte dans cette voie.
(M. de
Montesquiou fait un signe dubitatif.)
M. le rapporteur de la commission des lois l'a très bien souligné, cette
proposition est contraire à tous les principes de notre droit.
L'imprescriptibilité n'existe que dans le cadre des crimes contre l'humanité.
Je rejoins entièrement M. Gélard lorsqu'il met en garde contre la banalisation
qu'entraînerait l'extension de cette règle à d'autres crimes.
Il est absolument indispensable de préserver le caractère exceptionnel de
cette règle. Il serait d'ailleurs souhaitable que des attentats terroristes,
tels que ceux du 11 septembre, puissent relever de la définition du crime
contre l'humanité, comme l'a dit Mme la garde des sceaux,...
M. Aymeri de Montesquiou.
Alors, soyez logique jusqu'au bout !
Mme Nicole Borvo.
... en tant que pratiques massives d'actes inhumains, perpétrés pour des
motifs politiques, religieux, philosophiques ou raciaux, et peut-être tout cela
à la fois.
De plus, l'incompressibilité des peines n'existe pas dans notre droit et
serait contraire à la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen et à
l'ensemble des normes que les démocraties se sont données et doivent
respecter.
En outre, je ne suis pas certaine qu'une telle disposition n'aboutirait pas à
exclure les exemptions et réductions de peines prévues aux articles 422-1 et
422-2 du code pénal par le législateur de 1986. Il s'agit, je le rappelle,
d'obtenir du repentant des informations permettant de prévenir des actes de
terrorisme, de préserver la vie humaine ou de contribuer au démantèlement des
réseaux terroristes. Une telle exclusion aurait des effets tout à fait négatifs
sur la lutte contre le terrorisme, qui est pourtant l'objectif majeur.
Monsieur de Montesquiou, la commission avait souhaité que vous retiriez votre
proposition de loi ; vous ne l'avez pas voulu. Le Parlement ne gagne pas en
crédibilité avec de tels textes.
Je me contenterai de deux observations.
Premièrement, parce que le terrorisme constitue un véritable défi pour la
démocratie, il convient, face à la barbarie, de toujours défendre le règne du
droit. Notre devoir est de l'assumer vis-à-vis des nos concitoyens.
Nous avions d'ailleurs défendu une position semblable lors de l'examen des
dispositions antiterroristes proposées par le Gouvernement lors de la
discussion du projet de loi relatif à la sécurité quotidienne.
L'émotion de la communauté internationale dans son ensemble devant les
conditions dans lesquelles sont traités les prisonniers de Guantanamo montre à
quel point il s'impose de privilégier le droit sur la force si l'on veut
prétendre à la légitimité. Cela nous ramène d'ailleurs au débat sur la Cour
pénale internationale : il est effectivement nécessaire que le droit
international évolue et, surtout, soit respecté, ce que, hélas, trop de grandes
puissances refusent. Face à l'horreur des camps de concentration de l'Allemagne
nazie, le procès de Nuremberg imposait la supériorité du système démocratique.
Nous ne devons jamais l'oublier.
Deuxièmement, il faut se garder des amalgames qui conduisent à tenir pour
terroristes des comportements, certes condamnables, mais qui n'entrent
évidemment pas dans les définitions légales du terrorisme.
On sait quelles interrogations ont été suscitées lors des débats européens sur
l'élaboration d'une définition commune du terrorisme. Différentes associations
de droits de l'homme, au premier rang desquelles Amnesty International, ont
montré qu'une telle définition pouvait aboutir à réprimer des formes de
protestation pacifique, telles l'occupation de lieux stratégiques ou
l'arrachage d'OGM - c'est à l'ordre du jour ! - qui ne peuvent en aucun cas
être comparées aux attentats du 11 septembre à New York.
(Applaudissements
sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
Mme Marylise Lebranchu,
garde des sceaux.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à Mme le garde des sceaux.
Mme Marylise Lebranchu,
garde des sceaux.
J'interviendrai plus à titre personnel d'ailleurs qu'en
tant que garde des sceaux.
A la suite des propos tenus par Mme Borvo, à l'instant, je rappelle que,
lorsque nous avons tenté, à l'échelon européen, de mettre en place une
harmonisation des législations en matière de terrorisme, ne serait-ce que sur
l'incrimination, nous avons constaté à quel point il fallait être vigilant sur
les mots et les phrases. Je salue d'ailleurs l'importante contribution de la
Suède, qui a permis d'avancer dans ce travail, avec beaucoup de précision.
Après les attentats du 11 septembre, il faut se poser la question des crimes
contre l'humanité et j'espère que les Etats-Unis se soucieront enfin de la
justice internationale. Car il est paradoxal que ce pays victime, déstabilisé,
prenne des mesures importantes pour lutter contre le terrorisme et refuse la
Cour pénale internationale.
Notre objectif essentiel est de lutter contre les réseaux, notamment de
blanchiment d'argent ou de trafic d'armes, qui provoquent parfois les drames
que l'on a connus dans le sud de la France, cela ne doit pas nous entraîner
au-delà de la recherche de l'efficacité.
Enfin, certains terroristes, je pense surtout à ceux d'Al Qaïda, qui offrent
leur vie pour les actes en question, sans aucun respect de la vie, ni de la
leur ni de celle des autres, qui exploitent victimes et martyrs afin de
provoquer la naissance d'autres réseaux, cherchent non seulement à nous
déstabiliser, mais aussi à porter atteinte aux principes fondamentaux du droit
dans nos démocraties. Y parvenir constituerait pour eux une première victoire.
Prenons-y garde !
(Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que
sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président.
Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Demande de renvoi à la commission
M. le président.
Je suis saisi, par M. Jacques Pelletier et les membres du groupe du
Rassemblement démocratique et social européen, d'une motion n° 1, tendant au
renvoi à la commission.
Cette motion est ainsi rédigée :
« En application de l'article 44, alinéa 5, du règlement, le Sénat décide
qu'il y a lieu de renvoyer à la commission des lois constitutionnelles, de
législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale,
la proposition de loi tendant à rendre imprescriptibles les crimes de guerre et
incompressibles les peines en matière de terrorisme (n° 440 rectifié,
2000-2001). »
Je rappelle que, en application du dernier alinéa de l'article 44 du
règlement, ont seuls droit à la parole sur cette motion l'auteur de
l'initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d'opinion
contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la
commission saisie au fond et le Gouvernement.
Aucune explication de vote n'est admise.
La parole est à M. Pelletier, auteur de la motion.
M. Jacques Pelletier.
Les auteurs de la motion considèrent que la portée de ce texte et les
ressources qu'il offre à la lutte contre le terrorisme n'ont pas été
suffisamment prises en considération et nous le regrettons vivement. Afin
d'attendre un moment plus favorable, nous demandons le renvoi de ce texte à la
commission.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. René Garrec,
président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du
suffrage universel, du règlement et d'administration générale.
Monsieur
Pelletier, le débat que nous avons eu en commission était d'une telle clarté
que je crains que nous ne répétions les mêmes arguments. En effet, l'évolution
du droit, à la suite de la mise en place de la Cour pénale internationale, ne
peut nous conduire à modifier notre position dans les jours qui viennent.
Au contraire, Mme le garde des sceaux évoquait à l'instant le fait que la
position différente des Etats-Unis puisse évoluer dans notre sens.
Il faut poser le problème. Il a été posé. Le Sénat en a débattu. Cela étant,
si vous demandez le renvoi du texte à la commission, j'y suis favorable sous
les réserves que je viens d'évoquer.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Marylise Lebranchu,
garde des sceaux.
Le Gouvernement partage bien évidemment l'avis du
président de la commission des lois. Il ne se permettrait pas d'aller contre
même si, pour ma part, je reste persuadée qu'en l'état actuel des débats, la
proposition de loi ne peut pas cheminer. Toutefois, je souligne que j'aurais
préféré qu'un vote intervienne aujourd'hui.
M. le président.
Je mets aux voix la motion n° 1, acceptée par la commission et par le
Gouvernement.
(La motion est adoptée.)
M. le président.
En conséquence, le renvoi en commission est ordonné.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les
reprendrons à seize heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à douze heures cinq, est reprise à seize heures, sous la
présidence de M. Daniel Hoeffel.)
PRÉSIDENCE DE M. DANIEL HOEFFEL
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
6
COMMUNICATION RELATIVE
À UNE COMMISSION MIXTE PARITAIRE
M. le président. J'informe le Sénat que la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur la proposition de loi portant rénovation des rapports conventionnels entre les professions de santé libérales et les organismes d'assurance maladie n'est pas parvenue à l'adoption d'un texte commun.
7
CONFÉRENCE DES PRÉSIDENTS
M. le président.
La conférence des présidents a établi comme suit l'ordre du jour des
prochaines séances du Sénat :
(La conférence des présidents a décidé de fixer pour l'ensemble des textes
inscrits à l'ordre du jour un délai limite général pour le dépôt des
amendements la veille de leur discussion à 17 heures.)
Mercredi 13 février 2002 :
A quinze heures :
1° Désignation des membres de la commission d'enquête sur la délinquance des
mineurs.
(Les candidatures à cette commission d'enquête devront être déposées au
secrétariat central du service des commissions au plus tard le mercredi 13
février 2002, à 12 heures.)
Ordre du jour prioritaire
2° Projet de loi autorisant l'approbation de l'accord sous forme d'échange de
lettres entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de
la République italienne relatif au contrôle de la circulation dans les tunnels
du Mont-Blanc et du Fréjus (n° 181, 2001-2002).
3° Nouvelle lecture de la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée
nationale en nouvelle lecture, relative au régime d'assurance chômage des
intermittents du spectacle (n° 212, 2001-2002).
4° Proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale après déclaration
d'urgence, tendant à la création d'un régime de retraite complémentaire
obligatoire pour les non-salariés agricoles (n° 126, 2001-2002).
5° Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, portant règlement
définitif du budget de 2000 (n° 13, 2001-2002).
A vingt et une heures trente :
6° Conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi relatif à
la démocratie de proximité (n° 192, 2001-2002).
7° Eventuellement, suite de l'ordre du jour de l'après-midi.
Jeudi 14 février 2002 :
Ordre du jour prioritaire
A neuf heures trente :
1° Suite de la deuxième lecture de la proposition de loi, adoptée par
l'Assemblée nationale avec modifications en deuxième lecture, relative à
l'autorité parentale (n° 131, 2001-2002).
2° Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration
d'urgence, portant réforme des tribunaux de commerce (n° 239, 2000-2001).
3° Projet de loi organique, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration
d'urgence, modifiant l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi
organique relative au statut de la magistrature et instituant le recrutement de
conseillers de cour d'appel exerçant à titre temporaire (n° 241, 2000-2001).
4° Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration
d'urgence, modifiant la loi n° 85-99 du 25 janvier 1985 relative aux
administrateurs judiciaires, mandataires judiciaires à la liquidation des
entreprises et experts en diagnostics d'entreprises (n° 243, 2000-2001).
(Le délai limite pour le dépôt des amendements à ces quatre textes est
expiré.)
A quinze heures et, éventuellement, le soir :
5° Désignation des membres de la mission commune d'information sur le bilan de
la politique de la montagne.
(Les candidatures à cette commission d'enquête devront être déposées au
secrétariat central du service des commissions au plus tard le 12 février 2002,
à 17 heures.)
Ordre du jour prioritaire
6° Suite de l'ordre du jour du matin.
Mardi 19 février 2002 :
A neuf heures trente :
1° Dix-huit questions orales (l'ordre d'appel des questions sera fixé
ultérieurement) :
- n° 1201 de M. Jean-Pierre Demerliat transmise à Mme le secrétaire d'Etat au
logement (Application de la loi SRU dans les petites communes) ;
- n° 1236 de M. Jacques Oudin à M. le ministre de l'agriculture et de la pêche
(Crise de la filière agricole due à l'emploi d'insecticides systémiques) ;
- n° 1242 de M. Bernard Piras à M. le ministre de l'aménagement du territoire
et de l'environnement (Obligations des communes en matière d'assainissement)
;
- n° 1248 de M. Xavier Darcos à M. le ministre de l'économie, des finances et
de l'industrie (Fermeture des services du Trésor dans les zones rurales décidée
pendant la trêve des confiseurs) ;
- n° 1249 de M. José Balarello à M. le ministre de l'économie, des finances et
de l'industrie (Prime de perte d'emploi versée aux salariés des bureaux de
change fermés en raison du passage à l'euro) ;
- n° 1260 de M. Georges Mouly à Mme le ministre de l'emploi et de la
solidarité (Mise en place des centres locaux d'information et de coordination
gérontologiques) ;
- n° 1263 de M. André Lardeux à M. le ministre de l'éducation nationale (Aides
financières à la réalisation des travaux de sécurité dans les collèges privés)
;
- n° 1264 de M. Jean-Marie Vanlerenberghe à Mme le ministre déléguée à la
famille, à l'enfance et aux personnes handicapées (Etablissements d'accueil des
personnes handicapées) ;
- n° 1265 de M. Roland Courteau à M. le ministre de l'agriculture et de la
pêche (Difficultés de la viticulture méridionale) ;
- n° 1266 de M. Gérard Larcher à Mme le ministre de l'emploi et de la
solidarité (Critères d'implantation d'un centre d'accueil des demandeurs
d'asile dans les Yvelines) ;
- n° 1267 de M. Claude Biwer à M. le ministre de l'économie, des finances et
de l'industrie (Seuil de consultation obligatoire des services du domaine) ;
- n° 1268 de M. Yves Coquelle à Mme le ministre déléguée à la famille, à
l'enfance et aux personnes handicapées (Manque de structures d'accueil adaptées
aux différents handicaps dans le département du Pas-de-Calais) ;
- n° 1270 de M. Jean-Patrick Courtois transmise à Mme le garde des sceaux,
ministre de la justice (Délais d'exécution des jugements des tribunaux de
commerce) ;
- n° 1271 de M. Paul Blanc à M. le ministre de l'agriculture et de la pêche
(Difficultés du lycée Le Mas-Blanc à Bourg-Madame) ;
- n° 1272 de M. Marcel-Pierre Cléach à M. le ministre de l'éducation nationale
(Réforme des études médicales) ;
- n° 1273 de M. Jean Boyer à Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité
(Plafond de recouvrement sur la succession des allocataires du fonds national
de solidarité) ;
- n° 1274 de M. Auguste Cazalet à M. le ministre de la défense (lieu
d'implantation de la brigade affectée à la sécurité du tunnel du Somport) ;
- n° 1275 de M. Didier Boulaud à M. le ministre de l'intérieur (Rédéploiement
des forces de police dans la Nièvre).
A seize heures et, éventuellement, le soir :
2° Eloge funèbre de Dinah Derycke.
Ordre du jour prioritaire
3° Suite éventuelle de l'ordre du jour du jeudi 14 février 2002.
4° Proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, portant création
d'une Fondation pour les études comparatives (n° 351, 2000-2001).
5° Conclusions de la commission mixte paritaire ou nouvelle lecture du projet
de loi relatif aux droits des malades et à la qualité du système de santé (n°
220, 2001-2002).
6° Nouvelle lecture de la proposition de loi portant rénovation des rapports
conventionnels entre les professions de santé libérales et les organismes
d'assurance-maladie.
En outre, vers dix-huit heures :
Désignation d'un membre de la délégation du Sénat aux droits des femmes et à
l'égalité des chances entre les hommes et les femmes, en remplacement de Dinah
Derycke, décédée.
Mercredi 20 février 2002 :
A quinze heures :
Séance exceptionnelle pour le bicentenaire de la naissance de Victor Hugo,
sénateur de la IIIe République.
(Au cours de cette séance interviendront le président du Sénat et un orateur
par groupe [pour dix minutes].)
Ordre du jour prioritaire
A dix-sept heures trente et le soir :
1° Eventuellement, suite de l'ordre du jour de la veille.
2° Conclusions de la commission mixte paritaire ou nouvelle lecture de la
proposition de loi complétant la loi du 15 juin 2000 renforçant la protection
de la présomption d'innocence et les droits des victimes.
3° Proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, relative au nom
patronymique (n° 225, 2000-2001).
(La conférence des présidents a fixé à dix minutes le temps d'intervention du
représentant de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances
entre les hommes et les femmes.)
Jeudi 21 février 2002 :
Ordre du jour prioritaire
A neuf heures trente :
1° Proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, portant réforme du
divorce (n° 17, 2001-2002).
(La conférence des présidents a fixé à dix minutes le temps d'intervention du
représentant de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances
entre les hommes et les femmes.)
A quinze heures et, éventuellement, le soir :
Ordre du jour prioritaire
2° Questions d'actualité au Gouvernement.
(L'inscription des auteurs de questions devra être effectuée au service de la
séance avant onze heures.)
3° Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation
de l'accord entre le Gouvernement de la République française et l'Organisation
des Nations unies concernant l'exécution des peines prononcées par le Tribunal
pénal international pour l'ex-Yougoslavie (n° 195, 2001-2002).
4° Projet de loi autorisant la ratification de la convention des Nations unies
contre la criminalité transnationale organisée (n° 117, 2001-2002).
5° Projet de loi autorisant la ratification du protocole additionnel à la
convention des Nations unies contre la criminalité transnationale organisée
visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en particulier
des femmes et des enfants (n° 118, 2001-2002).
6° Projet de loi autorisant la ratification du protocole contre le trafic
illicite de migrants par terre, air et mer, additionnel à la convention des
Nations unies contre la criminalité transnationale organisée (n° 119,
2001-2002).
7° Sous réserve de son adoption en conseil des ministres, projet de loi
autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République
française et le Gouvernement de la République italienne pour la réalisation
d'une ligne ferroviaire Lyon-Turin.
8° Projet de loi autorisant la ratification de la convention sur l'accès à
l'information, la participation du public au processus décisionnel et l'accès à
la justice en matière d'environnement (ensemble deux annexes) (AN, n° 3256).
9° Projet de loi autorisant l'approbation du protocole modifiant la convention
du 23 juillet 1990 relative à l'élimination des doubles impositions en cas de
correction des bénéfices d'entreprises associées (n° 313 rectifié,
2000-2001).
10° Projet de loi autorisant l'approbation de l'avenant à la convention du 19
décembre 1980 entre le Gouvernement de la République française et le
Gouvernement du royaume de Norvège en vue d'éviter les doubles impositions, de
prévenir l'évasion fiscale et d'établir des règles d'assistance administrative
réciproque en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune (ensemble un
protocole et un protocole additionnel) modifiée par les avenants du 14 novembre
1984 et du 7 avril 1995 (n° 401, 2000-2001).
11° Projet de loi autorisant l'approbation de la convention entre le
Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de
Guinée en vue d'éviter les doubles impositions et d'établir des règles
d'assistance réciproque en matière d'impôts sur le revenu, la fortune, les
successions et les donations (n° 285, 1999-2000).
12° Projet de loi autorisant l'approbation de l'avenant à la convention
fiscale du 21 octobre 1976 entre le Gouvernement de la République française et
le Gouvernement de la République du Cameroun (n° 181, 2000-2001).
13° Projet de loi autorisant l'approbation de la convention entre le
Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République
algérienne démocratique et populaire en vue d'éviter les doubles impositions,
de prévenir l'évasion et la fraude fiscales et d'établir des règles
d'assistance réciproque en matière d'impôts sur le revenu, sur la fortune et
sur les successions (ensemble un protocole) (n° 62, 2001-2002).
14° Eventuellement, suite de l'ordre du jour du matin.
15° Navettes diverses.
Eventuellement, vendredi 22 février 2002 :
A neuf trente et à quinze heures :
Ordre du jour prioritaire
Eventuellement, suite de l'ordre du jour de la veille.
Y a-t-il des observations en ce qui concerne les propositions de la conférence
des présidents relatives à la tenue des séances ?...
Ces propositions sont adoptées.
8
NOMINATION DES MEMBRES
D'UNE COMMISSION MIXTE PARITAIRE
M. le président.
Il va être procédé à la nomination de sept membres titulaires et de sept
membres suppléants de la commission mixte paritaire chargée de proposer un
texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi
complétant la loi n° 2000-516 du 15 juin 2000 renforçant la protection de la
présomption d'innocence et les droits des victimes.
La liste des candidats établie par la commission des lois a été affichée
conformément à l'article 12 du règlement.
Je n'ai reçu aucune opposition.
En conséquence, cette liste est ratifiée et je proclame représentants du Sénat
à cette commission mixte paritaire :
Titulaires : MM. René Garrec, Jean-Pierre Schosteck, Patrice Gélard,
Jean-Jacques Hyest, Paul Girod, Robert Badinter et Mme Nicole Borvo.
Suppléants : MM. Laurent Béteille, Christian Cointat, Michel Dreyfus-Schmidt,
Pierre Fauchon, Georges Othily, Bernard Saugey et Jean-Pierre Sueur.
9
JOURNÉE NATIONALE POUR L'ABOLITION
UNIVERSELLE DE LA PEINE DE MORT
(Ordre du jour réservé)
Adoption des conclusions
du rapport d'une commission
M. le président.
L'ordre du jour appelle la discussion des conclusions du rapport (n° 214,
2001-2002) de Mme Nicole Borvo fait au nom de la commission des lois
constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et
d'administration générale sur la proposition de loi de Mme Nicole Borvo, MM.
Robert Bret, Jean-Yves Autexier, Mme Marie-Claude Beaudeau, M. Jean-Luc Bécart,
Mme Danielle Bidard-Reydet, MM. Guy Fischer, Thierry Foucaud, Gérard Le Cam,
Pierre Lefebvre, Paul Loridant, Mme Hélène Luc, MM. Roland Muzeau, Jack Ralite,
Ivan Renar, Mme Odette Terrade et M. Paul Vergès tendant à créer une journée
nationale pour l'abolition universelle de la peine de mort (n° 374,
2000-2001).
Dans la discussion générale, la parole est à Mme le rapporteur.
Mme Nicole Borvo,
rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du
suffrage universel, du règlement et d'administration générale.
Monsieur le
président, madame la ministre, monsieur le président de la commission des lois,
mes chers collègues, le Sénat est appelé à examiner en première lecture, dans
le cadre de son ordre du jour réservé et sur l'initiative du groupe communiste
républicain et citoyen, une proposition de loi, que j'ai l'honneur de présenter
au nom de la commission des lois, tendant à créer une journée nationale pour
l'abolition universelle de la peine de mort.
Cette proposition de loi est inspirée par la volonté de réaffirmer avec force
l'engagement de la France en faveur de l'abolition de la peine capitale et de
promouvoir la généralisation de sa mise en oeuvre à l'échelle
internationale.
Les auteurs de la proposition de loi souhaitent contribuer à faire progresser
le mouvement abolitionniste en cette période où aura lieu la célébration de
deux événements symboliques et d'une importance décisive à cet égard : d'une
part, le bicentenaire de la naissance de Victor Hugo, d'autre part, le
vingtième anniversaire de l'entrée en vigueur de la loi du 9 octobre 1981, qui
a aboli la peine de mort en France.
Au début de ce xxie siècle, un double constat s'impose.
Premier constat, le processus menant à l'abolition de la peine de mort, amorcé
au xviiie siècle, s'est accéléré et a débouché au xxe siècle.
Rappelons que Voltaire s'y rallia en 1777 et s'illustra dans les affaires
Calas et du chevalier de la Barre, que la première plaidoirie en faveur de
l'abolition fut prononcée en 1791 par Louis le Pelletier de Saint-Fargeau mais
que la Constituante maintint la peine capitale.
Rappelons que, en Europe, ce châtiment fut progressivement remis en cause au
xixe siècle, que le Venezuela fut, en 1863, le premier pays à abolir la peine
de mort pour tous les crimes, tandis que, en France, l'abolition était portée
par les grandes voix de Victor Hugo et de Lamartine.
Rappelons, pour la France, la première proposition de loi, déposée sur
l'initiative de Victor de Tracy, en 1830, le débat à la Chambre des députés, en
1908, où s'illustrèrent Aristide Briand, auteur de la proposition d'abolition,
et Jean Jaurès. Par la suite, huit propositions de loi furent déposées à
l'Assemblée nationale entre 1958 et 1973, et neuf autres le furent entre 1973
et 1981, dont celle - permettez-moi de la mentionner - de Charles Lederman, au
Sénat.
Enfin, le 9 octobre 1981, la loi présentée par le garde des sceaux de
l'époque, M. Robert Badinter, portant abolition définitive et générale de la
peine de mort, sans exception aucune, fut promulguée. Le projet de loi avait
été adopté à l'Assemblée nationale par 369 députés, 113 ayant voté contre, et
au Sénat par 161 sénateurs, 126 ayant voté contre.
Ainsi, la France fut le trente-cinquième pays à s'engager dans cette voie,
alors que - Robert Badinter le rappelait ici même - un sondage réalisé en
septembre 1981 indiquait que 63 % des Français étaient partisans du maintien de
la peine de mort et que 32 % d'entre eux étaient pour son abolition. Trois ans
plus tard, 49 % y étaient favorables et, récemment, une majorité de Français se
prononçaient contre tout projet de rétablissement.
L'accélération du processus abolitionniste depuis le milieu du xxe siècle
s'est traduite par l'évolution du droit international.
Ainsi, la Déclaration universelle des droits de l'homme, en 1948, n'abolit pas
la peine de mort, mais elle consacre le droit à la vie.
Rappelons l'évolution ultérieure : tout d'abord, le pacte international
relatif aux droits civils et politiques, conclu le 16 décembre 1966, est plus
explicite s'agissant du droit à la vie et interdit la peine capitale pour les
mineurs et les femmes enceintes ; ensuite, le protocole annexe de 1989, qui
fait obstacle au rétablissement de la peine de mort, en cas de guerre, dans les
Etats qui l'ont abolie.
Par ailleurs, la convention des droits de l'enfant du 20 novembre 1989 a
interdit la peine de mort pour les personnes mineures au moment des faits et a
été ratifiée par 192 pays, à l'exception notable des Etats-Unis.
Soulignons aussi la contribution essentielle du droit européen, sous
l'impulsion du Conseil de l'Europe. Il s'agit, d'une part, du protocole n° 6 de
la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés
fondamentales, signé en 1983, qui interdit le recours à la peine de mort en
temps de paix. Il s'agit, d'autre part, de la résolution de 1994 imposant à
tous les Etats qui l'ont ratifiée l'obligation d'abolir la peine de mort, et
des nombreuses résolutions qui l'ont suivie.
Dans les Etats membres du Conseil de l'Europe, la courbe des exécutions n'a
cessé de fléchir, passant de dix-huit en 1997 à une en 1998.
Trois Etats membres - la Russie, la Turquie et l'Arménie - n'ont pas aboli la
peine de mort, mais appliquent jusqu'à présent un moratoire sur les
exécutions.
Rappelons que, récemment, le Conseil de l'Europe a pris des initiatives,
notamment le 24 janvier 2002 en incitant les Etats membres à refuser
l'extradition de personnes accusées d'actes terroristes si ces dernières
encouraient la peine de mort.
Rappelons l'action persévérante d'Amnesty international, l'action
d'associations, en particulier Ensemble contre la peine de mort et l'Action des
chrétiens contre la torture, et l'initiative remarquable qu'a constituée la
tenue, les 21, 22 et 23 juin 2001 à Strasbourg, du premier congrès mondial
contre la peine de mort, sous l'égide du Parlement européen et du Conseil de
l'Europe, dont la déclaration finale demande l'abolition universelle de la
peine de mort et appelle tous les Etats à prendre toutes les initiatives
contribuant à l'adoption par les Nations unies d'un moratoire mondial des
exécutions dans la perspective de l'abolition universelle.
A ce jour, 108 pays membres de l'ONU ont aboli légalement ou de fait la peine
de mort, dont 45 depuis 1985 et, en moyenne, plus de trois pays par an
s'engagent dans cette voie. Le mouvement abolitionniste est donc en marche et
semble irréversible.
Pourtant - c'est le second constat - l'abolition universelle reste un objectif
difficile à atteindre tant la situation est contrastée à l'échelle
internationale et, d'un certain point de vue, préoccupante.
Ainsi, 86 pays ont encore la peine de mort dans leur arsenal pénal et 64 pays
pratiquent effectivement des exécutions. Les statistiques d'Amnesty
international, qui sont sans doute en dessous de la réalité, recensaient, en
1999, 1 813 exécutions dans 31 pays, dont 1 263 en Chine, et 3 857 personnes
condamnées dans 64 pays. Elles font apparaître que l'Arabie saoudite, la Chine,
les Etats-Unis, l'Iran et la République démocratique du Congo concentrent 85 %
des exécutions.
Notons que, si la peine capitale a reculé dans la quasi-totalité des
démocraties, deux des plus importantes font exception, les Etats-Unis et le
Japon, qui enregistraient respectivement 98 exécutions en 1999 et 101
condamnations, situation choquante dans des sociétés démocratiques régies par
l'état de droit. Rappelons qu'aux Etats-Unis, où la Cour suprême a rétabli la
légalité de la peine de mort en 1976, la question de l'abolition fut posée avec
acuité avec la publication d'une étude de l'université de Columbia en 2000,
faisant apparaître de graves dysfonctionnements du système judiciaire
américain, établissant que 68 % des condamnations réexaminées au fond avaient
été annulées ; je rappelle la contribution à ce débat de M. Felix Rohatyn,
ancien ambassadeur des Etats-Unis en France. débat. Ajoutons que, depuis 1976,
95 condamnés à mort ont été innocentés et remis en liberté, après avoir passé
en moyenne huit ans et plus dans les couloirs de la mort.
Je veux aussi rappeler la situation emblématique du journaliste noir
américain, Mumia Abu-Jamal, dans les couloirs de la mort depuis vingt ans, la
révision de son procès n'ayant pas été, à ce jour, possible.
Rappelons les graves violations des normes internationales s'agissant de la
peine capitale prononcée à l'encontre de mineurs, dont les Etats-Unis
détiennent le triste record avec 14 mineurs exécutés entre 1999 et 2000, 74
étant actuellement dans les couloirs de la mort.
La récente période a connu de nombreuses initiatives pour un moratoire
universel sur les exécutions, notamment sous l'égide de l'Union européenne
avec, sous la présidence française, l'adoption de la charte des droits
fondamentaux, le 7 décembre 2000 à Nice, portant interdiction de prononcer une
condamnation à mort ou une exécution.
De même, en mars 2001, le Président de la République a lancé un appel solennel
devant la commission des droits de l'homme des Nations unies en faveur de
l'abolition universelle, dont la première étape serait un moratoire général.
Le Conseil de l'Europe a, dans le même esprit, annoncé, en juin 2001, qu'il
projetait de réétudier le statut d'observateur des Etats-Unis et du Japon si
ces deux Etats persistaient dans les exécutions.
Pourtant, à ce jour, l'inscription de la question d'un moratoire universel à
l'ordre du jour de l'Assemblée générale des Nations unies n'a pas abouti.
Ainsi, l'abolition universelle de la peine de mort reste un objectif encore
loin d'être atteint et nécessite une mobilisation internationale accrue et une
vigilance constante pour éviter tout retour en arrière. C'est dans ce contexte
que la proposition de loi qui vous est proposée doit s'avérer utile, tant dans
sa visée nationale que dans sa portée internationale.
Certes, l'institution d'une journée nationale pour l'abolition de la peine de
mort constitue une démarche qui doit demeurer exceptionnelle et solennelle en
raison de la gravité de la cause à laquelle elle est attachée. Mais elle
s'inscrit dans le prolongement d'un mouvement que le Parlement a enclenché
depuis 1996, pour s'engager sur des questions très importantes. Citons la
journée des droits de l'enfant instituée par la loi du 9 avril 1996 et dont les
effets sont très positifs. Citons également la journée nationale à la mémoire
des victimes des crimes racistes et antisémites de l'Etat français et d'hommage
aux Justes de France, instituée par la loi du 10 juillet 2000.
Le recours à la loi pour des textes plus symboliques que normatifs tient au
fait que le Parlement ne dispose pas d'autres moyens pour prendre position sur
des sujets aussi graves. On peut donc souligner, comme vous l'avez tous déjà
fait ici même lors de l'examen des textes que je viens de citer, la nécessité
d'engager une réflexion afin de donner au Parlement les moyens de s'exprimer
solennellement autrement que par la loi, notamment par des résolutions ou par
des motions.
Ces remarques étant faites, la commission des lois partage la préoccupation
des auteurs de la proposition de loi d'oeuvrer à l'abolition universelle de la
peine de mort et de permettre à la France de renouveler son attachement à ce
principe.
La commission des lois estime que la célébration, chaque année, de
l'anniversaire de l'abolition de la peine de mort s'avère utile. Le chemin vers
l'interdiction de la peine de mort est long et difficile. En France, la loi du
9 octobre 1981 est le fruit d'un processus de maturation qu'il convient de
saluer et qui mérite d'être gardé en mémoire, et je rends hommage à l'action de
M. Robert Badinter. De plus, l'institution d'une journée nationale serait
l'occasion de permettre l'expression d'une prise de conscience collective en
faveur du mouvement abolitionniste et de rappeler chaque année la légitimité de
cette cause.
A l'évidence, l'abolition universelle de la peine capitale est encore loin
d'être acquise. Conscient du caractère emblématique d'une telle démarche, le
législateur, en adoptant la présente proposition de loi, pourrait apporter une
utile contribution pour faire avancer cette idée et lancer un message solennel,
officiel et clair à l'intention des Etats qui pratiquent encore la peine
capitale, afin de les inviter à faire évoluer leur législation pour la rendre
conforme aux prescriptions du droit international. La France a, de ce point de
vue, un rôle à jouer à l'échelon international.
Enfin, l'institution d'une journée nationale en faveur de l'abolition de la
peine de mort pourrait permettre, d'une part, de rendre un hommage plus
spécifique aux nombreux innocents condamnés chaque année afin qu'ils ne tombent
pas dans l'oubli et, d'autre part, de mobiliser les énergies en faveur d'un
moratoire universel sur les exécutions. Elle permettrait également de faire
circuler des informations souvent confidentielles sur les pratiques de certains
pays comme la Chine en matière d'exécutions.
La commission des lois du Sénat souscrit pleinement à l'esprit de la présente
proposition de loi visant à imposer aux établissements d'enseignement
l'obligation d'effectuer, au cours de cette journée nationale, un travail
pédagogique de mémoire et de réflexion sur la peine capitale et sur la vie. Les
passions suscitées par les débats sur la peine de mort et la place de la
justice dans les sociétés modernes ne doivent pas empêcher les plus jeunes de
réfléchir sur des questions déterminantes pour la formation de chaque citoyen.
Les établissements d'enseignement pourraient jouer un rôle essentiel, mais non
exclusif, pour faire progresser la réflexion sur l'abolition universelle de la
peine de mort.
A l'unanimité, la commission des lois vous propose, mes chers collègues,
d'adopter cette proposition de loi, sous réserve de quelques modifications.
La première tend à préciser, à l'article 1er, que l'institution d'une journée
nationale, le 9 octobre, correspond à la date anniversaire de l'entrée en
vigueur de la loi portant abolition de la peine de mort.
La deuxième vise à confier à l'autorité compétente en matière de détermination
des programmes scolaires - le ministre de l'éducation nationale -, plutôt
qu'aux établissements d'enseignement, le soin de prévoir les conditions dans
lesquelles est effectué un travail pédagogique de réflexion sur ce thème dans
les établissements scolaires à l'occasion de cette journée.
La troisième a pour objet non pas de créer une obligation pour les services
publics, mais de leur donner la faculté de prendre part à la promotion de ce
principe.
La quatrième prévoit que, chaque année, le Gouvernement devra informer le
Parlement sur les initiatives prises par notre pays pour faire reculer la peine
de mort dans le monde.
Notre assemblée a célébré avec dignité le vingtième anniversaire de
l'abolition de la peine de mort en France. Je suis convaincue qu'elle
s'honorera en votant cette proposition de loi.
(Applaudissements sur les
travées du groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur les travées
socialistes.)
M. le président.
La parole est à Mme le garde des sceaux.
Mme Marylise Lebranchu,
garde des sceaux, ministre de la justice.
Monsieur le président, monsieur
le président de la commission, madame la rapporteure, mesdames, messieurs les
sénateurs, je salue, bien entendu, l'initiative de Mme Nicole Borvo et des
membres de votre assemblée qui proposent de créer une journée pour l'abolition
universelle de la peine de mort, alors que vient de se terminer l'année du
vingtième anniversaire de la loi du 9 octobre 1981 portant abolition de ce
châtiment barbare, texte dont le rapporteur fut ici même M. Paul Girod.
Nous étions alors le trente-cinquième Etat à abolir cette peine. Aujourd'hui,
un pays ne peut adhérer à l'Union européenne s'il pratique encore la peine de
mort dont l'abolition est inscrite dans la Charte européenne des droits de
l'homme. Sur cent quatre-vingt-neuf membres des Nations unies, cent huit Etats
ont banni ce châtiment de leur arsenal répressif. C'est dire que l'idée
abolitionniste progresse. C'est dire que la France était dans le vrai.
La justice ne peut pas tuer. Elle ne peut pas commettre l'irréparable. La
société doit être bâtie sur des valeurs différentes de celles qu'elle condamne,
et la première de ces valeurs est le respect de la personne humaine, de la vie
et de son intégrité.
C'est l'honneur de la France d'avoir mis en vigueur ces principes voilà plus
de vingt ans grâce, bien sûr, à l'action déterminante de M. Robert Badinter,
dont le nom, avec celui de François Mitterrand, restera attaché à cette
cause.
J'ai déjà eu l'occasion de dire à l'Assemblée nationale, lors de la
commémoration de l'adoption de la loi du 9 octobre 1981, à quel point tous ceux
qui ont entendu M. Robert Badinter gardent le souvenir de sa démonstration
passionnée, s'adressant au coeur et à la raison, démonstration non seulement du
caractère barbare, mais aussi de l'absurdité de la peine capitale, à laquelle
de nombreux Etats avaient déjà renoncé. J'ajouterai que c'est dans cet exemple
que l'on peut parfois puiser le courage de légiférer à contre-courant.
Il faut maintenant faire évoluer les esprits et, dans l'opinion
internationale, faire avancer l'idée de l'abolition universelle, qui doit être
une idée quotidienne.
Si nous avons fait notre chemin, si, après nous, d'autres nations ont, elles
aussi, refusé la peine capitale, s'il est manifeste qu'un mouvement mondial se
mobilise sans relâche autour de la défense des droits de l'homme, la peine de
mort continue, vous avez raison de le souligner, madame Borvo, à être pratiquée
dans un trop grand nombre de pays, comme la commission des lois du Sénat et
vous-même l'avez rappelé.
Sur les quatre-vingt-six pays qui ont maintenu la peine de mort,
soixante-quatre ont effectivement pratiqué des exécutions, dont les Etats-Unis,
le Japon et la Chine.
Cependant, même aux Etats-Unis, des certitudes vacillent devant la
démonstration de l'innocence de personnes condamnées qui se sont retrouvées
dans le couloir de la mort. Combien d'innocents ont-ils été ou sont-ils
exécutés avant que des tests fondés sur l'ADN ne révèlent brutalement l'erreur
qui a été irrémédiablement commise ?
Mais l'erreur judiciaire n'est que l'argument ultime des abolitionnistes. Il
s'agit non pas seulement de l'insupportable injustice faite à l'innocent, mais
aussi du sort inacceptable réservé au coupable.
La peine de mort, quel que soit le mode d'exécution, constitue une forme
certaine de torture.
L'emprisonnement des condamnés à mort pendant de longues années avec la
constante perspective de leur exécution est une forme de « traitement inhumain
et dégradant », au sens de l'article 3 de la Convention européenne de
sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Il faut donc rester vigilant pour obtenir que la justice se place sur un
terrain dépassionné, neutre et serein. C'est pourquoi je trouve
particulièrement salutaire et réconfortant qu'une initiative comme la vôtre,
madame le rapporteur, soit prise pour éclairer les consciences.
Déjà, vous l'avez rappelé, le Congrès mondial contre la peine de mort,
organisé à Strasbourg en juin 2001 dans les locaux du Parlement européen, avait
relancé ce débat.
C'est, de manière plus forte encore, le sens de la proposition de loi soumise
aujourd'hui à votre examen.
Comme le relève la commission des lois, un texte législatif n'était pas
indispensable. La journée pour l'abolition universelle de la peine de mort
aurait certes pu être instaurée par un texte de nature réglementaire.
Mais la loi présente ici un caractère emblématique. Elle a une vertu à la fois
mobilisatrice et pédagogique.
Elle a une vertu mobilisatrice, car l'abolition est un combat.
Elle a une vertu pédagogique, car, lorsqu'il s'agit de la mort présentée comme
un événement normal alors même que son caractère judiciaire lui donne un
caractère scandaleux, il faut expliquer et toujours expliquer où réside le
scandale.
Elle a aussi une vertu pédagogique parce que cette journée commémorative sera
porteuse d'un message dont on devra rappeler la conformité aux principes
républicains : c'est un véritable Etat de droit que l'on célébrera, avec la
volonté de le consolider.
Cette explication me paraît d'autant plus salutaire que l'on connaît le
caractère versatile de l'opinion publique à cet égard. Ainsi, en France même,
selon un sondage récent, 44 % de nos concitoyens sont favorables au
rétablissement de la peine de mort. Que leur a-t-on dit pour en arriver là ?
C'est pourquoi je souscris à cette proposition de loi dont je salue les
auteurs. Je salue aussi le travail accompli par la commission des lois, qui a
apporté les quelques précisions qui permettront au texte d'atteindre plus
efficacement son but. Aujourd'hui, c'est encore une séance honorable que tient
le Sénat.
(Applaudissements sur les travées socialistes, sur celles du
groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur celles des Républicains
et Indépendants.)
M. le président.
La parole est à M. Badinter.
M. Robert Badinter.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, sur un si
grand sujet, le pire de ma part serait ce que l'on appelle, en termes
cinématographiques, un
remake.
Je tiens simplement à rappeler - c'est le
propre de l'âge ! - le souvenir le plus précieux que j'ai gardé de la grande
bataille pour l'abolition de la peine de mort en 1981 : alors que tous les
augures politiques, sans exception, s'accordaient pour dire que le Sénat ne
voterait pas l'abolition de la peine de mort en première lecture - j'ai pris
soin, voilà deux ans, en relisant la presse de l'époque, de le mesurer -, nous
avons assisté dans cet hémicycle au cours d'un débat dont certains, j'en suis
sûr, se souviennent, la liberté de conscience étant la règle face à un sujet
qui l'engage autant, à une lente émergence de plus en plus forte de l'exigence
morale de l'abolition.
Je tiens à rendre hommage en particulier à ceux de nos collègues qui ont joué
un rôle décisif dans le vote favorable à l'abolition ce jour-là, si précieux à
mes yeux, puisque les deux chambres, et donc les deux majorités du Parlement,
s'étaient prononcées en ce sens : Léon Jozeau-Marigné, qui présidait alors la
commission des lois du Sénat, notre ami Marcel Rudloff, grand abolitionniste
qui s'est beaucoup battu ce jour-là, Charles Lederman, toujours présent dans ce
grand combat pendant tant d'années, et beaucoup d'autres, encore - la liste
serait longue. Après plusieurs décennies, ma reconnaissance à leur égard est
toujours aussi grande.
Je voterai bien entendu, avec tout le groupe socialiste, les conclusions de la
commission des lois sur la proposition de loi de notre excellente collègue Mme
Borvo. Cela va de soi. A cette proposition tendant à l'instauration d'une
journée annuelle pour l'abolition universelle de la peine de mort, je vois
plusieurs mérites que je tiens à préciser.
Le premier est lié à l'irrésistible mais difficile marche en avant de
l'abolition de la peine de mort. Nous allons célébrer ici même, la semaine
prochaine, le plus grand de nos abolitionnistes du xixe siècle, Victor Hugo,
qui siégeait à l'extrême gauche de cette salle des séances, à la place la plus
enviable de tout l'hémicycle au regard de son passé et de ses utilisateurs.
Victor Hugo, alors membre de la chambre des Pairs, s'était exclamé ici même : «
Je vote pour l'abolition pure, simple et définitive », trois adjectifs
essentiels qui m'ont toujours habité et auxquels j'ajouterai un quatrième :
universelle.
Pourquoi universelle ? Parce que, bien au-delà du fondement théologique - le «
tu ne tueras point », qui vaut pour tous, mais n'empêche évidemment pas
l'assassin d'être sacrilège - et de l'impossible, de l'inadmissible erreur
judiciaire, irréversible dans le cas du condamné à mort, angoisse de ceux qui
se font de la justice l'idée la plus exigeante - et le cas de tant de ceux qui
peuplent les quartiers des condamnés à mort, aux Etats-Unis, démontre que ce
n'est pas une hypothèse d'école -, oui, au-delà de cette double exigence, il y
en a une troisième plus contemporaine et qui justifie l'universalité.
La peine de mort - vous l'avez excellemment rappelé, madame la ministre -
constitue d'abord un châtiment cruel, inhumain et dégradant, et, à ce seul
titre, les conventions internationales en matière de droits de l'homme
suffiraient à la condamner.
Mais il y a plus, et on trouve là la dimension universelle : il y a cette
exigence première des droits de l'homme, à savoir le droit au respect de la vie
qui est acquis à tout être humain, droit qui devrait s'imposer d'abord,
évidemment, à l'Etat. Le droit au respect de la vie, droit intangible qui fonde
les autres, est par sa nature même universel, car que serait dans ce domaine un
droit à dimension variable ? Comment pourrait-on imaginer, où que ce soit dans
le monde, que le droit à la vie cesse d'être le premier des droits des êtres
humains ?
Le secrétaire général des Nations unies, Kofi Annan, avait dit un jour où l'on
débattait de l'universalisme des droits de l'homme, du relativisme culturel, du
droit à la différence des cultures, que tout cela était exact, que les
expressions étaient effectivement multiples mais que les choses pouvaient être
formulées plus simplement : parlez des droits de l'homme à la femme africaine
dont la fille a été violée et tuée pour des raisons raciales ; ou parlez-en à
un homme vivant sous une dictature, dont le fils a été arrêté et est mort sous
la torture, avait-il déclaré. Croyez-moi, vous n'avez pas besoin de leur dire
ce que sont les droits de l'homme : ils le savent beaucoup mieux que nous !
M. le secrétaire général des Nations unies avait raison : c'est là où
s'enracinent le plus profondément les droits de l'homme, et c'est la raison
pour laquelle nous devons tous ensemble oeuvrer pour aboutir à l'abolition
universelle de la peine de mort.
Que l'abolition universelle se fera, j'en suis aussi convaincu que l'était
Hugo, voilà plus d'un siècle, parlant de l'abolition de la peine de mort en
France.
Elle est en effet en marche, et les progrès à cet égard ont été excellemment
rappelé : 18 Etats abolitionnistes seulement en 1948, lors de l'adoption de la
Déclaration universelle des droits de l'homme, à Paris ; 35 lorsque, ici même,
on débattait de l'abolition de la peine de mort en France ; 108 aujourd'hui. A
ce jour, en Europe, continent qui a connu tant de crimes, tant de malheurs au
cours des siècles passés, plus aucun Etat n'a recours à la peine de mort :
celle-ci est « bannie » par un protocole additionnel à la Convention européenne
des droits de l'homme.
Vous avez évoqué les autres instruments internationaux. Deux d'entre eux
doivent, par leur signification et leur actualité, retenir spécialement notre
attention.
Le premier s'inscrit dans le cadre de l'adoption de la Charte des droits
fondamentaux qui constituera, ne l'oublions pas, le « fondement moral » de
toute l'Europe de demain : c'est la proclamation solennelle de l'interdiction
du recours à la peine de mort.
Le second, à la force symbolique peut-être plus grande encore, est le refus du
recours à la peine de mort par les 120 Etats ayant voté le traité de Rome
portant statut de la Cour pénale internationale qui verra bientôt le jour, ce
traité concernant la répression des crimes contre l'humanité, du génocide, des
crimes de guerre de la dimension que l'on connaît. Ce refus du recours à la
peine de mort marque un progrès considérable de la conscience internationale.
C'est cela la marche en avant.
Vous avez dit justement que, si cette marche s'affirmait, elle n'était, hélas
! pas encore universellement accueillie : si, aujourd'hui, la majorité des
Etats de ce monde sont abolitionnistes de droit ou de fait et ont rejeté la
pratique sanglante de la peine de mort, il en est cependant encore trop qui y
recourent, et, parmi eux, de grandes démocraties : vous avez évoqué, madame la
ministre, le Japon et vous avez cité l'exemple si préoccupant des Etats-Unis,
première puissance du monde.
Sans revenir là-dessus, je dirai simplement que, face aux difficultés que
rencontre cette marche en avant, il est bon et juste que soit rappelée chaque
année l'exigence de l'abolition universelle. C'est bon et juste parce que c'est
une très difficile marche en avant de l'humanité que celle qui l'a conduite à
l'abolition. La pulsion fondamentale des êtres humains n'est en effet pas en ce
sens, et l'abolition de la peine de mort représente donc une grande victoire de
l'être humain sur lui-même.
Il est souhaitable d'enseigner aux jeunes générations ce que signifie
l'abolition de la peine de mort au regard de la barbarie humaine, de leur
montrer qu'elle est l'une des étapes essentielles du progrès de la conscience
morale chez les êtres humains, chez les peuples et les Etats. Il est bon que
les jeunes générations prennent conscience de ce qu'elle a exigé et combien,
parfois, elle fut difficile à faire triompher.
Pour le reste, mes chers collègues, je ne peux qu'être sensible au choix de la
date. Elle permettra, je l'espère, à mes petits-enfants de mieux se souvenir de
leur grand-père.
(Sourires et applaudissements.)
M. le président.
Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion des articles.
Article 1er
M. le président.
« Art. 1er. - Le 9 octobre, jour anniversaire de l'entrée en vigueur de la loi
n° 81-908 du 9 octobre 1981 portant abolition de la peine de mort, est reconnu
journée nationale pour l'abolition universelle de la peine de mort. »
Je vais mettre aux voix l'article 1er.
M. Michel Caldaguès.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Caldaguès.
M. Michel Caldaguès.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, sur cet
article 1er, je souhaiterais expliquer mon vote en formulant un certain nombre
d'observations qui, bien sûr, vaudront pour l'ensemble du texte.
Tout d'abord, je ne pense pas qu'il soit opportun de voter pareille
proposition de loi au moment où le terrorisme atteint une dimension tragique,
faisant, d'un seul coup, des milliers de victimes, et où une lutte difficile
s'engage contre lui. Cela pourrait apparaître comme une sorte d'appel à
l'indulgence - il en fleurit déjà dans les médias - qui, selon moi, ne serait
pas de mise. C'est encore plus vrai si l'injonction paraît s'adresser à des
pays qui ont récemment subi ou subissent tous les jours le terrorisme.
La position que l'on prend sur la peine de mort est assurément du domaine de
la conscience individuelle, mais c'est aussi du domaine de la conscience
nationale.
Au demeurant, une abolition inconditionnelle ferait bon marché des crimes les
plus graves, les plus atroces : assassinats d'enfants, viols et assassinats de
personnes âgées, assassinats de représentants de l'ordre, que l'on a vu se
multiplier récemment.
Enfin, me tournant vers les auteurs de la proposition, je leur ferai une
observation que je ne pouvais évidemment pas faire en 1981 : si l'on comprend
qu'un parti politique cherche à se libérer de souvenirs historiques trop
pesants, il est difficile d'admettre qu'il se pose en dispensateur d'une morale
universelle ! Il y a une marge qui ne peut être franchie !
C'est la raison pour laquelle, en soulignant qu'un certain nombre de mes amis
partagent ma façon de voir, je voterai contre l'article 1er et contre
l'ensemble du texte.
M. Patrice Gélard.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Gélard.
M. Patrice Gélard.
Monsieur le président, madame le garde des sceaux, mes chers collègues, si je
comprends la position de notre collègue Michel Caldaguès, je ne partage pas son
point de vue : je suis en effet un fervent défenseur de l'abolition de la peine
de mort ; j'estime qu'un homme ne peut pas décider, soit-il juge, du destin de
son concitoyen.
M. Gérard Delfau.
Très bien !
M. Patrice Gélard.
Je pense en outre que la peine de mort incite, en fin de compte, à ne pas
respecter la vie humaine. Derrière la réclamation de l'abolition de la peine de
mort, c'est la condamnation de toute atteinte à l'homme que l'on vise. Il faut
que les criminels, les assassins, les tueurs d'enfants que l'on citait tout à
l'heure se rendent compte, à un moment donné de leur vie, que la vie humaine
est plus sacrée que tout et qu'il faut la protéger.
Cette journée que l'on nous propose de créer sera l'occasion, notamment dans
les écoles, de consacrer une demi-heure, trois quarts d'heure, peut-être moins
- cela dépendra des enseignants -, pour dire à tous les enfants qu'il n'y a
rien de plus odieux que la peine de mort et que ceux qui tuent quiconque
portent atteinte à ce qu'il y a de plus sacré : la vie humaine.
C'est la raison pour laquelle, même si j'approuve quelques-unes des remarques
de mon estimé collègue M. Caldaguès, je ne peux pas, en conscience, le suivre,
et c'est pourquoi je me rallie à cette proposition d'instaurer une journée
nationale qui, pour moi, sera non seulement la journée de l'abolition de la
peine de mort, mais aussi celle du respect par tous de la vie, le don essentiel
que nous avons tous reçu.
(Applaudissements sur les travées du groupe
communiste républicain et citoyen, sur les travées socialistes, ainsi que sur
quelques travées des Républicains et Indépendants et quelques travées de
l'Union centriste.)
M. Philippe de Gaulle.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. de Gaulle.
M. Philippe de Gaulle.
Monsieur le président, madame le garde des sceaux, mes chers collègues,
l'abolition de la peine de mort est une chose ; en faire une journée
internationale et médiatique en est une autre. En ces temps de terrorisme et de
grande criminalité, la conjoncture y est assez défavorable.
Je comprends tout à fait que des débats d'idée s'instaurent sur ce sujet grave
et vieux comme l'humanité, et je comprends très bien la recherche
internationale d'un dénominateur commun de civilisation, mais chaque nation
doit se réserver le numérateur en fonction de sa propre défense, de sa propre
situation d'autant plus que, en France, par exemple, le Président de la
République dispose du droit de grâce.
Aussi, comme le disait Roland Dorgelès, qui siégeait à la Chambre bleu
horizon, « aux discours des juristes et des avocats, les soldats opposent le
silence mais ils réservent leur vote ». Je ne voterai donc pas le texte visant
à l'institution d'une journée internationale tel qu'il vient de nous l'être
proposé.
Mme Hélène Luc.
C'est une journée nationale !
M. le président.
Je mets aux voix l'article 1er.
(L'article 1er est adopté.)
Articles 2 à 4
M. le président.
« Art. 2. - Le ministre chargé de l'éducation nationale fixe les modalités par
lesquelles les thèmes de la peine de mort et de la justice sont abordés dans
les programmes scolaires au cours de cette journée. » -
(Adopté.)
« Art. 3. - Les services publics peuvent apporter leur concours à la promotion
de cette journée. » -
(Adopté.)
« Art. 4. - Le Gouvernement remet chaque année au Parlement un rapport dans
lequel sont retracées les initiatives qu'il a prises à l'échelle internationale
pour faire reculer la peine de mort dans le monde. » -
(Adopté.)
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les conclusions du rapport de la commission des lois sur la
proposition de loi n° 374.
(La proposition de loi est adoptée.)
10
RÉSORPTION DES DÉCHARGES BRUTES
Discussion d'une question orale avec débat
(Ordre du jour réservé)
M. le président.
L'ordre du jour appelle la discussion de la question orale avec débat suivante
:
M. Gérard Delfau attire l'attention de M. le ministre de l'aménagement du
territoire et de l'environnement sur les difficultés rencontrées par les
communes pour satisfaire les objectifs de la loi du 13 juillet 1992, notamment
celui de la résorption des décharges brutes.
Rénovant la loi-cadre du 15 juillet 1975 relative à la gestion des déchets,
cette loi a initié une politique plus ambitieuse, axée sur le développement de
la prévention, de la valorisation et du recyclage, avec pour corollaire une
limitation de la mise en décharge, réservée à partir du 1er juillet 2002 aux
seuls déchets ultimes.
Elle impose l'obligation aux communes de réhabiliter ou de fermer les
décharges, directement exploitées par elles ou laissées à la disposition de
leurs administrés, qui n'ont pas fait l'objet d'une autorisation préfectorale
au titre de la législation sur les installations classées.
L'arrêté du 9 septembre 1997 fixe précisément les normes à respecter pour
l'aménagement et l'exploitation d'un centre de stockage de déchets.
La circulaire du 10 novembre 1997 exige l'introduction dans les plans
départementaux d'élimination des déchets ménagers et assimilés d'un volet
spécifique, comportant un inventaire précis du nombre de décharges brutes ainsi
que la planification de leur mise en conformité ou de leur fermeture.
La circulaire du 28 avril 1998 insiste à nouveau sur la nécessité de mener une
action déterminée pour la résorption des décharges brutes.
A moins de huit mois de la date butoir de 2002 et malgré l'énorme effort
d'investissement consenti par les collectivités locales, l'application de la
loi semble loin d'avoir donné tous les résultats escomptés. L'an dernier, la
mise en décharge restait, avec l'incinération, largement prépondérante.
En outre, l'inventaire national des décharges brutes, réalisé en 1998,
estimait leur nombre à plus de 6 000, malgré la fermeture de près de 3 000
décharges illégales dans les années 90. A cette date, seulement 300 sites
avaient été réhabilités. Où en est-on aujourd'hui ?
De nombreuses petites et moyennes communes n'ont pas encore mis en place les
équipements d'élimination ou de recyclage nécessaires ou ont pris du retard,
ayant opté pour des techniques difficiles à appréhender. En outre, le simple
enfouissement des décharges existantes soulève des questions eu égard à la
santé publique.
Se pose enfin le problème du financement des dépenses d'investissement et de
fonctionnement, tant pour les installations nouvelles que pour la
réhabilitation des décharges brutes et des sites. Plutôt que d'évoquer
l'échéance de 2002 comme une date couperet, ne vaudrait-il pas mieux, devant ce
constat, mobiliser les moyens financiers, techniques et humains en faveur de
ces communes ?
M. Gérard Delfau demande au ministre de dresser un bilan de l'application de
la loi de 1992, particulièrement pour ce qui concerne la résorption des
décharges brutes, et d'indiquer quelles actions il compte entreprendre pour
aider les collectivités à atteindre les objectifs fixés par la loi (N. 39).
La parole est à M. Delfau, auteur de la question.
M. Gérard Delfau.
Monsieur le ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement,
j'ai souhaité attirer votre attention sur le rendez-vous important et difficile
pour l'ensemble de nos communes, y compris les plus petites, que représente
l'élimination définitive des décharges non autorisées au 1er janvier 2002,
conformément à la loi.
Le premier stade est celui de la mise en place de déchetteries et de lieux
destinés à l'incinération ou au dépôt des déchets ultimes. Un très grand nombre
de collectivités locales ont résolu ou sont en passe de résoudre cette
condition préalable grâce au regroupement en syndicats intercommunaux ou dans
le cadre des communautés de communes ou des communautés d'agglomération.
Certaines ne l'ont pas pu pour des raisons indépendantes de leur volonté ;
quelques-unes ne l'ont pas fait par négligence ou délibérément.
Quelles seront vos instructions et, éventuellement, quels seront l'attitude ou
l'appui de vos services dans chacun de ces cas si différents ?
Reste la deuxième phrase qui a peu mobilisé jusqu'à présent la puissance
publique, à savoir la rénovation du site des anciennes décharges, leur
transformation en un lieu rendu à l'agriculture, au loisir, à la promenade ou à
une quelconque activité.
De la réussite de cette étape dépend la qualité environnementale du paysage
français.
Or on voit bien que, si l'objectif est identique, les moyens financiers que
les communes peuvent y consacrer sont inégaux, à l'image des énormes disparités
de ressources liées au revenu de la taxe professionnelle.
Le risque est grand que continuent à subsister, un peu partout dans le pays,
des décharges officiellement désaffectées, mais peu ou mal rénovées, sans
compter les décharges sauvages que certaines communes n'ont pas su ou pu
empêcher de proliférer.
Un certain nombre de départements ont lancé des programmes pour faciliter la
disparition de ces points noirs. D'autres ne l'ont pas fait. Il appartient à
l'Etat d'organiser et de faciliter, y compris en contribuant à son financement,
la rénovation des anciennes décharges dans un délai aussi rapide que
possible.
Dans cette perspective, les petites communes, plus particulièrement en zone
rurale, à la fois plus sensibles et plus pauvres en raison de leurs faibles
revenus, devraient être privilégiées. Il importe de mettre en oeuvre au niveau
national une politique du type de celle qui a permis d'étendre l'assainissement
collectif à la quasi-totalité des communes.
Votre ministère peut trouver là une mission appréciée par son effet sur la vie
quotidienne des Français, notamment en terme de santé publique.
Je voudrais connaître, monsieur le ministre, votre position sur ce sujet et
les mesures, d'ordre réglementaire, d'appui technique et de financement que
vous comptez prendre. Je voudrais savoir notamment s'il ne serait pas opportun
de prélever une partie de la taxe sur les emballages industriels pour financer
un fonds d'aide à la rénovation des décharges, en partenariat avec les conseils
généraux et les conseils régionaux.
M. le président.
La parole est à M. Marest.
M. Max Marest.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, à quelques
mois de l'échéance prévue par la loi du 13 juillet 1992 relative à
l'élimination des déchets ainsi qu'aux installations classées pour la
protection de l'environnement, il convient de s'interroger, eu égard aux
objectifs et aux priorités affichées, sur l'efficacité de la politique publique
qui a été menée au cours de ces dix années.
La loi de juillet 1992 énonçait en effet cinq objectifs fort ambitieux, dont
la réalisation devait être effective au 1er juillet 2002.
Première objectif : la fin des décharges, celles-ci étant désormais réservées
aux seuls déchets ultimes. Autrement dit, seuls les déchets qui, dans les
conditions techniques et économiques actuelles, ne sont pas susceptibles d'être
traités pour en extraire la part qui peut être valorisée ou en diminuer le
caractère dangereux pourront, à partir du 1er juillet 2002, être mis en
décharge. Je passe sur la polémique que nous avons connue quant à la définition
d'un déchet ultime !
Deuxième objectif : la prévention ou la réduction des déchets.
Troisième objectif : la limitation du transport des déchets en distance et en
volume.
Quatrième objectif : la valorisation des déchets, de manière à obtenir des
matériaux réutilisables ou de l'énergie.
Cinquième objectif : l'information du public.
Le 4 décembre dernier, sur l'initiative de mon collègue Dominique Braye,
président du groupe d'étude sénatorial relatif à la gestion des déchets, s'est
tenu au Sénat un colloque consacré à la rénovation de la politique de gestion
des déchets en France avec, pour exergue, cette question : « 1er juillet
2002... Et après ? »
Cette question, ô combien légitime, est en effet centrale et fédératrice.
L'échéance du 1er juillet 2002 suscite en effet de nombreuses inquiétudes,
monsieur le ministre, notamment en ce qui concerne le premier des objectifs que
j'ai rappelés puisque, à quelques mois de cette échéance, il convient de
conclure à un échec, ou à un semi-échec, suivant les lieux, car il semble que
nous soyons loin des résultats escomptés.
A cet égard, il convient de signaler que 21 millions de tonnes ont été mises
en centre d'enfouissement technique en 1992 et 24 millions de tonnes en 1998.
Nous n'avons pas de données précises pour les années suivantes.
Ce constat suscite de multiples questions. Force est de s'interroger,
notamment, sur le déficit grave en capacités de réception des déchets dans les
cinq à dix ans à venir, sur le caractère indispensable, voire la simple
pertinence de la décharge en tant que mode d'élimination, sur la résorption des
décharges sauvages existantes, sur le stockage des déchets de chantier.
Très prochainement, les collectivités locales vont devoir gérer la fin des
décharges, à l'exception des résidus ultimes.
Or le Gouvernement n'a pas dressé de bilan ni brossé de perspectives quant à
l'avenir environnemental, politique et budgétaire de ces collectivités.
Pourtant, celles-ci seront en première ligne et devront réaliser de nombreux
investissements pour se conformer aux diverses échéances et exigences.
Dans ce domaine, beaucoup de chemin reste à parcourir.
Certes, les collectivités locales bénéficient, en théorie, pour financer leurs
équipements et pour mettre en oeuvre les plans départementaux d'élimination des
déchets, des aides publiques de l'ADEME, l'agence de l'environnement et de la
maîtrise de l'énergie. Cependant, les différentes mesures budgétaires et
fiscales prises ces dernières années par ce gouvernement sont inquiétantes, et
ce à plusieurs titres.
Le barème d'aides de l'ADEME au profit des collectivités locales a été revu à
la baisse. Des explications ont été données, tenant à l'accroissement de la
qualité des déchets. Ainsi les taux de subventions ont-ils été réduits de 38
%.
J'ajoute que la gestion politique opaque des crédits de l'ADEME a suscité bien
des interrogations ; elle a d'ailleurs été dénoncée dans un rapport
d'information de notre collègue Philippe Adnot, intitulé : « ADEME : la grande
illusion ».
Par ailleurs, dix ans après le vote de la loi de 1992, le tonnage de déchets
ménagers continue à progresser inexorablement : on atteint aujourd'hui environ
25 millions de tonnes d'ordures et on compte 4 000 à 8 000 décharges illégales
- souvent sauvages - sur le territoire. Le retard pris dans le domaine de la
limitation du transport des déchets est considérable. Le bilan de la
valorisation des déchets est très contrasté. Enfin, l'absence de concertation
et d'information provoque de véritables blocages.
Certes, beaucoup a déjà été fait pour développer les capacités de traitement
dans un sens plus moderne et respectueux de l'environnement ainsi que pour
favoriser le tri sélectif. Cependant, des investissements importants sont
encore nécessaires. Les communes ou leurs syndicats seront, là encore, en
première ligne.
Surtout, la croissance sans fin des volumes, dont on ne perçoit pas encore
clairement les raisons, demeure un problème pour le moment sans solution.
Ce bilan contrasté, les inquiétudes des collectivités locales ainsi que le
chemin restant à parcourir pour atteindre les objectifs de la loi de 1992
mettent en lumière les lacunes et les échecs. La rénovation de la politique de
gestion des déchets en France sera, à l'aube de ce nouveau millénaire, l'un des
plus ambitieux défis à relever.
C'est pourquoi il est important qu'un bilan objectif soit établi pour que de
vraies solutions soient mises en oeuvre.
Sans doute une réelle prise de conscience pourrait-elle vous permettre,
monsieur le ministre, non pas d'interdire la mise en décharge des déchets «
tout-venant » en juillet prochain, mais au moins d'exiger que chaque
collectivité présente un plan, limité dans le temps, en fonction des réalités
du terrain et de ses capacités de financement.
M. le président.
La parole est à M. Arnaud.
M. Philippe Arnaud.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je voudrais
tout d'abord me féliciter que la majorité sénatoriale ait décidé d'inscrire à
l'ordre du jour des travaux du Sénat le débat sur la question de M. Delfau, car
il s'agit d'un sujet important pour les collectivités locales, et aussi, bien
sûr, pour notre environnement.
Aujourd'hui, la maîtrise de la gestion et de l'élimination des déchets
constitue un enjeu majeur pour tous les responsables politiques et
économiques.
En effet, nous produisons chaque année plus de 22 millions de tonnes d'ordures
ménagères, soit une moyenne de près de 370 kilogrammes par habitant, tandis que
la production d'encombrants tourne autour de 100 kilogrammes par habitant, soit
un total de 6 millions de tonnes par an.
Les collectes des collectivités locales concernent également les déchets non
ménagers provenant des commerces et des bureaux, qui représentent plus de 5
millions de tonnes. Et je ne parle pas des déchets industriels...
Nos poubelles enflent, grossissent d'année en année. Bien entendu, si la
production d'ordures ménagères ne cesse d'augmenter, c'est en raison de la
croissance de la consommation.
Or la moitié de ces déchets continue d'être mise en décharge. Les 50 %
restants vont à l'incinération, pour 35 % - dont 29 % avec valorisation
énergétique -, au recyclage, pour 8 %, et à la valorisation organique, pour 7
%.
A l'exception de la collecte du verre, il faut le reconnaître, le tri sélectif
marque le pas.
En 1950, la France ne produisait que cinq millions de tonnes de déchets
ménagers. A l'exception du verre, tout était biodégradable : on pouvait
facilement incinérer les déchets.
Par une circulaire en date du 28 avril 1998 adressée aux préfets, le ministre
de l'aménagement du territoire et de l'environnement de l'époque, Mme Voynet,
s'était efforcée de cadrer, une nouvelle fois, la politique française de
modernisation de la gestion des déchets. Louable intention ! Mais on a pu
constater que le chemin, clairement tracé par la loi du 13 juillet 1992, s'est
révélé douloureux et chaotique.
On est moins surpris de ces errements si l'on observe comment cette
législation, pourtant riche et porteuse d'avenir, n'a cessé d'être trahie par
des interprétations extrémistes, qui en ont dénaturé l'esprit.
« Plus de décharges en 2002 ! », a-t-on tout d'abord entendu pendant les
années qui ont suivi la publication de cette loi. Ces propos n'empêchaient pas
certains de penser, malgré tout, que les petites décharges brutes municipales
n'étaient pas ou ne seraient pas concernées.
Puis, en 1997, un brutal revirement s'est opéré et, tandis que la décharge
retrouvait les vertus qui lui avaient été trop hâtivement déniées, on entendit
: « Halte à l'incinération des déchets ! » En cela, on oubliait le rôle
fondamental que peut jouer la valorisation énergétique des déchets dans une
politique fondée sur les notions de développement durable, de maîtrise de
l'énergie et de préservation des ressources naturelles.
Comment ne pas s'étonner que d'aussi brusques changements de cap provoquent le
désarroi des élus, l'incompréhension des citoyens, retardent surtout la
réalisation des objectifs fixés et freinent, par conséquent, les
investissements que les collectivités locales doivent consentir pour faire face
à leurs obligations de gestion des déchets ménagers ?
Rappelons que en matière de traitement des déchets, la panacée n'existe pas et
que la solution optimale pour garantir une protection satisfaisante de
l'environnement, à un coût acceptable par la collectivité, réside dans la
complémentarité entre les différentes filières.
Il faut néanmoins se réjouir des progrès sensibles réalisés dans la mise en
oeuvre des systèmes de collecte, d'élimination et de traitement des déchets par
les communes et leurs syndicats, mais aussi de l'action pédagogique entreprise
par tous les acteurs locaux auprès des consommateurs-usagers.
Nous pouvons enregistrer aujourd'hui une réelle prise de conscience collective
sur cet important problème de société. Toutefois, si l'action est en marche,
les objectifs sont loin d'être atteints, force est de le reconnaître.
La loi du 13 juillet 1992 a donné dix ans aux collectivités locales pour
réaliser les plans de traitement des déchets, mettre en oeuvre le recyclage et
fermer les décharges. Il faut se rendre à l'évidence : l'échéance du 1er
juillet 2002 ne pourra être tenue par bon nombre de collectivités locales.
Il est indispensable de donner du temps aux collectivités locales, afin que
celles-ci puissent mener à leur terme les schémas d'élimination des déchets.
Les installations de traitement ne pourront pas être réalisées dans leur
intégralité cette année. De nombreux maires sont concernés et l'inquiétude va
croissant.
Passé l'échéance du 1er juillet, les maires ou présidents d'EPCI concernés
pourront être inquiétés pénalement pour leur décharge ou leur incinérateur ne
respectant pas encore les normes, alors même que beaucoup d'entre eux n'ont
accédé aux responsabilités que voilà quelques mois.
Il y a près de deux ans, lors d'une séance de questions d'actualité, Mme
Voynet précisait devant notre assemblée que l'échéance du 1er juillet 2002 ne
devait pas être interprétée comme la fin de la mise en décharge, qu'il ne
s'agissait pas d'une date couperet, qu'elle ne souhaitait pas qu'une
interprétation étriquée soit faite de la loi. Elle nous a expliqué que ce qui
comptait pour elle, c'était la qualité des plans départementaux beaucoup plus
que la satisfaction purement factuelle tirée d'un respect des échéances.
Le Sénat avait donc compris que les communes qui n'auraient pu atteindre
l'objectif au 1er juillet 2002 auraient la possibilité de poursuivre leur
effort pour l'atteindre après cette date. Mme Voynet laissait en effet la porte
ouverte à la concertation, et donc à une certaine souplesse.
Monsieur le ministre, je pense que vous ne pouvez que confirmer les propos que
votre prédécesseur a tenus devant notre Haute Assemblée le 4 avril 2000.
Il est bon aussi de rappeler que, déjà en février 1997, cinq ans après
l'adoption de la loi du 13 juillet 1992, un rapport parlementaire élaboré à la
demande de la commission de la production et des échanges de l'Assemblée
nationale et présenté par le député UDF Ambroise Guellec faisait état d'un
bilan mitigé de l'application de cette loi.
Si ce rapport ne remettait pas en cause le bien-fondé de la loi et de ses
objectifs, ses auteurs s'interrogeaient sur son interprétation maximaliste et
uniforme sur l'ensemble du territoire, ainsi que sur les charges qu'elle
faisait peser sur les collectivités locales.
Ce rapport dénonçait ainsi des plans départementaux d'élimination des déchets
déconnectés des réalités locales, imposant uniformément un même schéma, tablant
sur une augmentation de 2 % du volume des déchets attendus, donnant une place
prépondérante à l'incinération comme mode de traitement et sous-estimant la
valorisation et le recyclage.
Le rapport préconisait de réduire le volume des déchets à éliminer en incitant
fortement les industriels à réduire leurs emballages, et proposait de
généraliser la redevance d'enlèvement des ordures ménagères, plus
responsabilisante pour le client car calculée en fonction du service rendu.
Mais, surtout, le rapport préconisait d'élargir l'éventail des choix offerts
aux collectivités locales, insistant sur le développement du recyclage par le
biais de la collecte et du traitement, prônant une politique d'utilisation des
matériaux recyclés - notamment dans les administrations - et la mise en place
de véritables services publics à caractère industriel et commercial pour
l'utilisation des déchets.
Enfin, proposant d'adapter le traitement aux situations locales, le rapport
préconisait de revoir la tendance au « tout incinération » inscrite dans les
plans départementaux et de lever le tabou sur les décharges.
En fait, ce rapport de 1997 contestait le fondement même de la politique
française de fermeture des décharges, se faisant l'écho des préoccupations
grandissantes des élus locaux.
Le message est clair aujourd'hui : la fin des décharges, prévue pour le 1er
juillet, doit être reportée de quelques années. Il faut permettre aux
collectivités et aux groupements de communes de s'organiser et de s'équiper
pour traiter les ordures ménagères, développer le tri sélectif et rattraper
dans de bonnes conditions le retard pris.
Il faut bien reconnaître, en effet, que la politique française de gestion des
déchets ménagers piétine depuis trop longtemps et qu'elle a besoin d'une
réorientation vigoureuse.
Si les différentes politiques ont toutes leur part de responsabilité, il faut
être réaliste et admettre, aujourd'hui, qu'il faut encore quelque temps pour
que les communes puissent se mettre aux normes, car elles connaissent, pour
beaucoup d'entre elles, d'importantes difficultés de gestion.
Sur ce point, monsieur le ministre, trouvez-vous normal que 500 millions
d'euros, soit 3,3 milliards de francs, soient annuellement affectés au fonds de
financement de la réforme des cotisations patronales de sécurité sociale pour
financer les 35 heures de Mme Aubry ? Ce reproche, je l'ai déjà formulé à cette
tribune le 4 décembre 1999, mais je n'ai, hélas ! pas été entendu.
A cela s'ajoute, monsieur le ministre, la complexité administrative qui fait
que les élus chargés de la mise en oeuvre des schémas départementaux ne savent
plus à quel saint se vouer : les déchetteries, par exemple, relèvent-elles de
la collecte ou du traitement ? On nous répond aujourd'hui que le quai des
déchetteries est un élément de collecte, mais que les caissons après tri sont
des éléments de traitement ! Et je ne cite pas cet exemple pour l'anecdote,
mais parce qu'il a des conséquences graves pour les collectivités en termes de
fiscalité, et donc de ressources.
Pour ces raisons, nous vous demandons, monsieur le ministre, comme l'avait
laissé entendre votre prédécesseur voilà deux ans au Sénat, d'admettre tout
simplement un report de l'échéance du 1er juillet 2002 sur trois ou cinq ans.
Nous vous demandons aussi d'affecter à l'aide à l'investissement pour le
traitement des déchets le produit de la taxe générale sur les activités
polluantes, la TGAP.
Pour conclure, permettez-moi d'espérer que le progrès se poursuivra, que les
procédés de gestion des déchets continueront à s'améliorer, comme ce fut le cas
au cours des dernières années. Il suffit pour s'en convaincre de se rappeler à
quoi ressemblait une décharge, même contrôlée, ou un incinérateur en 1960 !
Dotons-nous de plans d'élimination suffisamment souples pour leur permettre
d'accueillir ces nouvelles technologies au fur et à mesure de leur apparition
et de leur mise au point.
Enfin, il faut aussi bien prendre conscience qu'un programme ambitieux
d'élimination des déchets est porteur d'activités créatrices d'emplois.
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et du RPR.)
M. le président.
La parole est à M. Le Cam.
M. Gérard Le Cam.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je me
félicite du débat qui se déroule aujourd'hui, sur l'initiative de notre
collègue Gérard Delfau, au sujet de la résorption des décharges brutes,
principe qui a été posé par la loi du 13 juillet 1992. Il s'agit, en effet,
d'un enjeu environnemental essentiel, d'une préoccupation majeure pour les
populations et d'un souci permanent pour les élus.
Trop souvent, faute de moyens, les collectivités territoriales ont préféré
opter pour l'enfouissement et l'incinération des déchets plutôt que de mettre
en place des équipements prévus par le dispositif législatif et réglementaire
actuel.
Le 1er juillet 2002 était considéré comme la date butoir pour la fermeture des
décharges brutes. Mais force est de constater aujourd'hui que de nombreuses
communes n'auront pas fait construire leur unité de traitement. Il s'agit donc
d'examiner les moyens de créer les conditions d'une bonne application de la
loi.
La construction d'une unité de traitement n'est pas la seule condition pour
avancer. Le programme de communication est important. L'habitant est, en effet,
au coeur de la réussite du dispositif.
Pour la première fois, les techniciens et les élus sont confrontés à une
réalité : le système ne fonctionne que sur la base du volontariat des
habitants. Il est donc nécessaire non seulement de les informer des consignes
de tri, mais aussi de répondre à leur curiosité sur le devenir des produits et
l'évolution des coûts.
Chacun doit être associé à l'ensemble de la démarche, car le tri sélectif
participe au développement de la citoyenneté. C'est pourquoi, avec mes amis du
groupe communiste républicain et citoyen, nous sommes particulièrement soucieux
de la réussite de cet immense effort national, car le succès de la filière de
traitement des déchets commence par une collecte sélective et par un
développement du tri par les habitants, démarche qui repose à 60 % au moins sur
la qualité de la communication établie entre les organismes responsables, la
collectivité locale et la population.
Je me permets d'insister sur ce point, qui peut apparaître marginal par
rapport aux coûts massifs de construction des nouveaux équipements mais qui
paraît essentiel pour la réussite globale du processus. Le système
d'information et d'échanges doit donc être sophistiqué et suivi avec
attention.
Une des caractéristiques de l'approche du traitement tient précisément à son
aspect évolutif, car il faut concilier préoccupations écologiques et
économiques et tenir compte de la disponibilité des acteurs concernés.
Quoi qu'il en soit, l'alternative la plus utile, écologiquement,
économiquement et socialement, à l'accumulation de déchets multiformes, c'est
le tri sélectif. Or, aujourd'hui - et c'est l'objet même de notre débat -, on
constate un retard non négligeable par rapport aux objectifs de 1992.
Ce retard est lié, bien entendu, aux moyens des collectivités - j'y reviendrai
dans un instant -, mais il est également lié aux conditions de la mise en place
de l'intercommunalité. Il s'agit, en effet, de l'échelon le mieux adapté, me
semble-il, à l'instauration du tri sélectif des déchets.
Je souhaite également, à l'occasion de ce débat, vous alerter sur l'émergence
de nouveaux déchets tels que les farines animales ou les boues d'épandage, qui
sont aujourd'hui, pour les collectivités locales, un lourd défi à relever et
qui constituent un enjeu majeur pour notre environnement futur.
Le financement, je l'ai indiqué, constitue une difficulté majeure pour le
traitement des déchets ménagers.
Malgré les taxes instituées en 1992 et en 1995 sur le traitement et le
stockage des déchets, la fusion des fonds dans la TGAP en 1999 ne contribue pas
à clarifier - ni à amplifier ! - les financements nécessaires aux
collectivités. En effet, le produit de la TGAP va directement dans les caisses
de l'Etat.
En dépit des aides accordées au développement des techniques innovantes, aux
équipements de traitement des déchets ménagers et assimilés, le résultat
escompté n'est pas atteint : pour cela, il aurait fallu investir environ 6
milliards de francs par an au lieu de 4 à 5 milliards, comme cela a été le
cas.
On pouvait toutefois espérer une relance des projets malgré la conjoncture
économique difficile, dans la mesure où les plans départementaux étaient de
plus en plus nombreux à être publiés et où les aides ont été, à partir de 1998,
plus importantes, les aides à l'investissement de l'ADEME ayant été portées en
moyenne à 50 %.
La loi de juillet 1992 prévoyait le financement d'une politique d'aide aux
collectivités pour les investissements à réaliser tant au niveau de la collecte
que des installations de traitement. Du fait de l'application de nouvelles
réglementations et de nouvelles techniques, les coûts de la gestion des déchets
se sont en effet accrus dans des proportions importantes.
Le maintien de l'objectif 2002 correspondait alors à une volonté claire de
mobiliser davantage de moyens pour réussir la modernisation de la gestion des
déchets. C'est dans cette perspective que l'ADEME avait relevé de 50 % en
moyenne le taux d'aide aux investissements réalisés, répondant ainsi à
l'attente du terrain et donnant un signal plus fort.
En mai 1999, les élus et les responsables de collectivités locales ont
accueilli avec désarroi la décision de l'ADEME de réduire le taux des
subventions à l'investissement, malgré les engagements pris, pour le ramener à
20 % en moyenne. Arguant de l'augmentation du nombre de projets présentés,
l'ADEME justifie son revirement par la définition de nouvelles orientations
stratégiques.
Cette baisse brutale des subventions à l'investissement se traduit par de
nouvelles difficultés dans l'adaptation nécessaire des modes de traitement des
déchets. A terme, c'est la dynamique même des politiques locales d'élimination
des déchets qui sera brisée.
On peut donc fortement regretter que l'ADEME n'ait pas eu de ligne directrice
claire dans les soutiens qu'elle accordait aux collectivités locales. On peut
s'étonner des changements de politiques brutaux qui consistent à majorer
fortement le taux de soutien - jusqu'à 50 % des dépenses d'investissement -
avant de constater, l'année suivante, qu'une telle position n'était pas
tenable, et d'être alors obligé de revenir à des taux de soutien plus
modérés.
Dans ce domaine particulièrement, les collectivités locales ont surtout besoin
de visibilité et non d'une politique en « accordéon ».
Pour conclure, j'estime important de ne pas fléchir sur les objectifs de la
loi, même s'il apparaît, bien entendu nécessaire d'établir un délai
supplémentaire pour permettre d'engager la réflexion partout, que que soit le
niveau constitutionnel concerné.
Ce débat était donc le bienvenu, tout particulièrement dans cet hémicycle, où
nous sommes toujours attentifs aux questions qui concernent directement les
citoyens et les collectivités. Demain, d'autres débats nous attendent, et je
pense naturellement à la généralisation de la mise aux normes de
l'assainissement, tout particulièrement dans nos communes rurales. Mais c'est
une autre question, que nous traiterons le moment venu.
Monsieur le ministre, je ne peux qu'espérer que les réponses que vous nous
apporterez dans un instant contribueront à rassurer les élus que nous sommes
sans remettre en cause une démarche que nous considérons juste et indispensable
pour notre environnement et notre avenir.
(M. Delfau applaudit.)
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Yves Cochet,
ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.
Mesdames,
messieurs les sénateurs, vous avez, au cours de vos interventions, évoqué
plusieurs questions portant sur le bilan de l'application de la loi sur les
déchets du 13 juillet 1992, et plus particulièrement sur les difficultés que
rencontrent les communes ou les intercommunalités pour supprimer les décharges
qui ne sont pas conformes à la réglementation.
Monsieur Delfau, vous avez très justement rappelé que la loi du 13 juillet
1992 a rénové la loi-cadre du 15 juillet 1975 relative à l'élimination des
déchets. Elle a mis en place une nouvelle politique axée sur le développement
de la prévention et de la valorisation des déchets, en insistant sur la
nécessaire limitation de la mise en décharge.
D'autres orateurs ont confirmé cette opinion et, la semaine dernière, à
l'occasion de la mise en place du Conseil national des déchets, nous avons pu
constater qu'il n'y avait pas lieu de rougir du bilan des dix années
d'application de la loi de 1992, même si celui-ci est nuancé et si beaucoup de
travail reste encore à faire.
Le premier point fort de la loi de 1992 me paraît être le fait que notre pays
s'est doté d'une sorte de boîte à outils de travail et de gestion dans ce
domaine, qui nous permet d'ores et déjà d'obtenir de bons résultats, meilleur
gage du prolongement des actions et des nouveaux progrès pour l'avenir.
Citons quelques-uns de ces outils.
Le premier est la planification. Avancée essentielle de la loi de 1992, les
plans régionaux pour les déchets industriels spéciaux, mais surtout les plans
départementaux d'élimination des déchets ménagers et assimilés doivent offrir
un cadre sur plusieurs années pour une gestion conforme à la loi. Au demeurant,
ces plans ont été - vigoureusement parfois - remis en cause par mon
prédécesseur en 1997, au motif qu'ils n'étaient pas suffisants et qu'il fallait
dont les rénover pour les rendre plus performants.
La circulaire du 28 avril 1998 fixait des objectifs plus ambitieux, mais sans
donner une date ! Mme Voynet parlait, par exemple, de 50 % de valorisation,
mais sans préciser le délai. Malheureusement, nous n'avons pas encore atteint
cet objectif.
Le deuxième outil est le partage des responsabilités des communes auxquelles,
comme vous le savez, la loi confie la plus grosse part du travail, avec un
développement extraordinaire de l'intercommunalité. Celle-ci a été récemment
précisée et fixée dans un cadre assez large par la loi sur l'intercommunalité ;
mais du travail reste à faire, en particulier en ce qui concerne le
financement.
Le troisième outil est la mise en place progressive, mais massive, du
recyclage en France.
Le recyclage, on n'en parlait pas il y a dix ans. Je me souviens que, en tant
que militants, nous disions qu'il faudrait valoriser les déchets, c'est-à-dire
dégager la valeur ajoutée, au sens économique du terme, qu'ils contiennent au
lieu de la dilapider en se contentant de les jeter dans un trou.
Nous étions donc partisans du recyclage de cette valeur ajoutée, et certains
de mes amis imaginaient même que la TVA pourrait ne pas être appliquée aux
produits de ce recyclage dans la mesure où elle avait déjà été payée une fois.
Cet argument est d'ailleurs encore en discussion !..
Le recyclage devrait être opéré grâce au renforcement ou au développement de
filières, à la création et à la montée en puissance de certains organismes de
type industriel. Je pense à cet égard à Eco-emballages et Adelphe, pour le
secteur des emballages.
Ces organismes ont signé des contrats avec un nombre très important de
communes et l'on peut estimer que, à l'heure actuelle, huit Français sur dix
bénéficient d'un système de collecte sélective.
Un effort considérable a été fait : en cinq ans, 40 millions de nos
concitoyens sont passés, d'une manière ou d'une autre, au recyclage soit par
collecte sélective, soit par tri sélectif, donc un peu plus en aval. En
Ile-de-France, où l'on est parti de pratiquement zéro en 1997, près de neuf
millions d'habitants sur onze millions sont maintenant concernés par le
recyclage de leur déchets, par collecte ou par tri.
Reste évidemment le problème de Paris, où l'habitat est plus dense et
vertical. Le recyclage se met en place, mais c'est bien plus difficile.
Le dernier outil de la loi de 1992, c'est l'information des citoyens en vue de
leur participation à la collecte sélective et la mise en place de commissions
locales d'information et de surveillance, les CLIS, pour les centres de
traitement des déchets, notamment les décharges, mais aussi le regroupement des
farines animales, qui constitue aussi un véritable problème, je vous l'accorde,
monsieur le sénateur.
Ces CLIS fonctionnent plus ou moins bien selon que les différents acteurs
concernés y participent plus ou moins activement. Il faut évidemment que les
associations, les élus, tout le monde aient la volonté de faire avancer les
choses.
En tout état de cause, ces outils existent, et c'est l'une des premières
avancées de la loi.
La deuxième avancée de cette loi concerne le traitement des déchets puisque,
avant 1992, il n'y avait pas de traitement.
On mettait alors les déchets dans un trou et, vous vous en souvenez, on en
arrivait au syndrome de Montchanin. Quelques années plus tard, la décharge
empestait et il fallait faire quelque chose. Et c'est cette loi de 1992 qui a
imposé de traiter les déchets.
Quant aux déchets toxiques ou spéciaux, les déchets hospitaliers ou les
déchets industriels dangereux, alors très médiatisés, on peut considérer qu'ils
sont maintenant globalement bien gérés.
Les quelques problèmes qui subsistent concernent non pas les déchets
massivement pris en compte dans les centre importants, mais les déchets
dispersés, ceux qu'on appelle les DTQD, les déchets toxiques en quantité
dispersée, ceux qui viennent des artisans et des ménages, des activités de
soins diffuses.
Pour les ordures ménagères qui, du point de vue du tonnage, représentent
l'immense majorité, le recyclage rencontre un succès croissant, notamment dans
le domaine des emballages.
D'autres filières de valorisation vont être ou sont mises en place, par
exemple pour les déchets électriques et électroniques, ainsi que pour les
COUNA, ces fameux courriers non adressés qui occupent une place particulière.
Leur devenir fait l'objet de débats aussi bien à l'Assemblée nationale qu'au
Sénat depuis des années.
Les élus locaux, qui trouvent que le volume important de ces courriers dans
les boîtes aux lettres finit par leur coûter très cher refusent pourtant que la
publicité politique ou les journaux municipaux soient taxés au titre des COUNA.
Et dans quelle catégorie ranger le courrier des sénateurs ? Qu'en pensez-vous,
monsieur Delfau ?
Tout cela reste à préciser. Un amendement a été voté, mais il faut maintenant
apporter des précisions par décrets interministériels.
J'en viens à la valorisation biologique, sans doute peu développée depuis dix
ans et à laquelle je crois beaucoup. Elle est bien encadrée, notamment par une
circulaire du 28 juin 2001 qui vise à la fois la qualité et la sécurité. Il
s'agit d'éviter par exemple qu'on vende du compost de mauvaise qualité à des
agriculteurs. On a parfois le syndrome de « Valorga », du nom de la première
unité français de valorisation des déchets implantée à Amiens, au milieu des
années quatre-vingt.
Aujourd'hui, nous disposons d'une technologie très fine de valorisation et de
méthanisation des déchets. Nous disposons en quelque sorte de « machines
biologiques de fabrication ». A cet égard, le site de stockage et de production
de biogaz du Plessis-Gassot, dans le Val-d'Oise est particulièrement
important.
Il est beaucoup plus intéressant de produire de l'énergie à partir des déchets
plutôt que de les laisser pourrir. Le stockage augmente les émanations de gaz à
effet de serre. En revanche, leur méthanisation limite la propagation de ce
type de gaz.
A cela s'ajoute le fait que, une fois compressé, ce méthane peut être utilisé
pour mettre en mouvement les tracteurs ou les bus comme c'est déjà le cas dans
l'agglomération lilloise, notamment.
Je ne méconnais cependant pas les difficultés et le coût des opérations qu'il
faudra engager pour respecter les objectifs qui sont fixés par la circulaire du
28 juin 2001.
Il convient de citer également le travail en commun réalisé pour doter
l'ensemble du pays d'un réseau de déchetteries. Il y en a actuellement plus de
2 300. Et ce nombre va croître encore, puisqu'il en est prévu à peu près 3 000
à moyen terme, dans quelques mois.
Ce fort développement des déchetteries - leur nombre a doublé depuis 1997 -
n'est pas sans lien avec le sujet que vous soulevez, les uns et les autres,
concernant la résorption des décharges non autorisées, puisque cela constitue
l'instrument de base pour prévenir la création de nouvelles décharges. Mais, là
encore, l'effort doit se poursuivre.
En ce qui concerne le bilan du traitement des ordures ménagères résiduelles,
je souhaite rappeler que l'action réglementaire a été très forte pour la mise
en conformité des installations, en particulier celle des usines
d'incinération. Une action d'envergure a été engagée à partir de 1997. Les
résultats sont là, même si, hélas !, ils ne sont pas totalement atteints.
Pour ce qui est des usines d'incinération de grande taille, celles qui
traitent plus de 6 tonnes-heure, une seule n'est pas encore conforme. Depuis
1997, nous avons réalisé un effort soutenu.
S'agissant des usines d'incinération de petite taille, d'un débit inférieur à
6 tonnes-heure, sur les 180 recensées en 1997, une quarantaine seulement -
c'est encore trop - sont en situation de non-conformité.
S'agissant des graves anomalies observées sur le site de Gilly-sur-Isère,
aussi bien les maires que les associations m'ont alerté parce que les études
épidémiologiques prouvaient qu'il y avait de la dioxine. C'est très
dangereux.
Je ne cesse donc de dire aux préfets qu'ils doivent ou bien mettre très
rapidement en conformité ces incinérateurs, même de petites dimensions, ou bien
les fermer.
C'est sur un autre aspect du bilan de la loi de 1992 sur la prévention de la
production des déchets, c'est-à-dire sur leur réduction, que la déception a été
la plus grande, je l'avoue. L'objectif était symbolisé par un seuil : moins de
un kilogramme de déchets par jour et par personne. Cet objectif n'a pas été
atteint, hélas ! Certains ont parlé d'échec, d'autre de semi-échec. On peut
voir cela comme on veut. Mais, c'est certain, le résultat n'est pas très
bon.
Je suis personnellement très attaché à cet objectif, à tel point que, au
moment de la mise en place du Conseil national des déchets, la semaine
dernière, j'ai indiqué que, pour la nouvelle décennie, c'est-à-dire de juillet
2002 à juillet 2012, l'un des objectifs prioritaires serait de prévenir
l'accroissement du volume des déchets, voire de parvenir à le réduire.
J'évoquais même - certains estiment que ce n'est pas assez ambitieux, mais je
ne le pense pas, à considérer la croissance tendancielle du volume des déchets
! - une réduction de 10 % en dix ans. On peut y arriver. En tout cas, je
l'espère.
Une telle perspective rejoint d'ailleurs les conclusions des travaux menés sur
l'initiative du groupe d'études du Sénat sur les déchets, animé par M.
Dominique Braye, ou du groupe homologue, animé par M. Mariot à l'Assemblée
nationale, qui est d'ailleurs aujourd'hui le président du Conseil national des
déchets.
Ces remarques ont un lien étroit avec les décharges, qui sont, en principe, le
dernier maillon de la chaîne de traitement des déchets.
La loi de 1992 prévoyait, en effet, qu'au 1er juillet 2002 seuls pourront être
mis en décharge les déchets ultimes, c'est-à-dire ceux qui ne sont pas
susceptibles d'être valorisés dans les conditions techniques ou économiques du
moment.
La remarquable circulaire de Mme Voynet du 28 avril 1998 - c'est un des textes
réglementaires les plus beaux que je connaisse, à la fois par sa force de
conviction et par ses objectifs, en même temps que par les débats qu'il a
suscités - était « un coup de fouet », au sens métaphorique du terme, à tous
les élus locaux. C'était une façon de souligner que les plans départementaux
n'allaient pas, qu'il fallait les revoir, et que, si les collectivités se
regroupaient, il y aurait demain moins de déchets.
Les résultats tardent un peu, je dois le dire, puisque la circulaire date d'il
y a pratiquement quatre ans. Nous y avons cependant gagné une définition, celle
du déchet ultime qui dépend, au premier chef, des conditions locales.
Il n'y a pas de définition du déchet ultime valable sur tout le territoire.
Tous les départements ne sont pas en mesure de traiter les mêmes produits. Cela
dit, il ne faut pas encourager ceux qui auraient fait moins d'efforts que
d'autres, il ne faut pas qu'ils puissent continuer à mettre beaucoup plus de
déchets non ultimes en décharge après le 1er juillet 2002. Il nous faut
désormais lutter aussi contre certains effets pervers des textes.
La circulaire du 28 avril 1998 rappelle également qu'en aucun cas il ne s'agit
de considérer que seuls les résidus d'incinération pourraient être qualifiés de
déchets ultimes : une politique équilibrée associe nécessairement la prévention
à la source, la collecte sélective, la valorisation et les différentes filières
de traitement des déchets. Même après le 1er juillet 2002, des décharges seront
donc, hélas ! toujours nécessaires.
Il convient de rappeler dès lors un autre objet de la loi, un objectif déjà
affiché en 1975 : les déchets doivent être éliminés dans des installations
adaptées et d'une façon respectueuse de l'environnement.
Il était en premier lieu nécessaire de définir un cadre réglementaire solide
pour ces installations, ce qui a été fait avec l'arrêté ministériel du 9
septembre 1997. Un colloque s'étant tenu au Sénat en juillet dernier sur ce
thème, je n'y reviens pas.
Un important travail a été réalisé par les préfets et les administrations
locales, à partir de 1998, pour assurer sur le plan technique la mise au norme
des décharges existantes et, à partir de 1999, pour veiller à la mise en place
des garanties financières.
Dans ce contexte, les problèmes liés à l'insuffisance des actions de
résorption des décharges anciennes se posent avec encore plus d'acuité. Je ne
sais pas à qui il faut s'en prendre.
Sans méconnaître les contraintes que cela entraîne pour les collectivités, je
tiens à souligner que leur rôle est essentiel pour la résorption des décharges
illégales ou leur mise aux normes. Pour apporter la preuve des nuisances ou des
risques potentiellement générés par ces pratiques illégales, il suffit
d'évoquer l'incendie survenu l'été dernier dans le Var, à partir de la décharge
communale non autorisée de Rians-Artigues, qui a détruit 1 000 hectares de
forêt. C'est insupportable. Dans de tels cas - je le dis avec gravité - la
jurisprudence retient la responsabilité de la commune pour les dommages subis
par des tiers.
Je ne sais pas comment évolueront les contentieux après cette date du 1er
juillet 2002, qui est la date butoir, même si elle n'est pas si fatidique que
cela. Certes, les communes seront exposées...
M. Philippe Arnaud.
Pénalement ?
M. Yves Cochet,
ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.
Elles le
sont déjà puisque toutes les décharges ne sont pas autorisées, mais il est
possible que certains plaignants, du fait de l'existence de cette date limite,
déposent plus de recours qu'aujourd'hui. Nous verrons comment tout cela va
évoluer. Il faudra suivre attentivement les dossiers.
M. Gérard Delfau.
Me permettez-vous de vous interrompre, monsieur le ministre ?
M. Yves Cochet,
ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.
Je vous en
prie.
M. le président.
La parole est à M. Delfau, avec l'autorisation de l'orateur.
M. Gérard Delfau.
Monsieur le ministre, je vous remercie.
Je comprends bien qu'il y a la loi, le règlement, la responsabilité des
communes devant la justice. Mais le moment n'est-il pas venu que les pouvoirs
publics, l'Etat, plus précisément le Gouvernement que vous représentez, se
saisissent de ce sujet et réunissent autour de la même table les représentants
de différentes collectivités territoriales - plus particulièrement les conseils
généraux, et l'Association des maires de France -, dans les trois mois qui
précèdent ce seuil fatidique - et au-delà, bien évidemment, avec le
Gouvernement qui sera en place -, cela pour organiser cette mutation et
faciliter la tâche aux communes qui sont les plus démunies, les plus exposées
?
Monsieur le ministre, le rôle de l'Etat est bien un rôle d'impulsion. Sinon,
j'ai envie de vous demander à quoi servons-nous, vous comme nous ?
M. le président.
Veuillez poursuivre, monsieur le ministre.
M. Yves Cochet,
ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.
Nous
l'avons dit, monsieur le sénateur. Par exemple, au mois de septembre, aux
assises nationales des déchets à La Baule, présidées par M. Jacques Pélissard,
nous n'avons cessé d'attirer l'attention sur le fait que le compte à rebours
était commencé et que la date approchait !
Sans vouloir stigmatiser telle ou telle collectivité, il faut bien reconnaître
que depuis la promulgation de la loi de 1992, c'est-à-dire pratiquement dix
ans, certaines ont réagi plus rapidement que d'autres et, pour éviter d'avoir
des ennuis en 2002, se sont donc mises en quête de nouvelles installations,
notamment des systèmes d'incinération.
Je parle d'incinération car, au départ, le mythe du feu qui purifie tout
prévalait. Mais on s'est aperçu par la suite que ce procédé avait des effets
pervers - je pense aux plastiques, par exemple, avec le dégagement de dioxine
et de furanes. C'est pourquoi les cheminées sont mises aux normes européennes,
lesquelles seront renforcées en 2005.
Monsieur le sénateur, au fur et à mesure que l'échéance approche, nous ne
cessons donc, d'attirer l'attention sur cette échéance. Nous l'avons dit devant
le Conseil national des déchets, qui a été mis en place la semaine dernière et
au sein duquel siègent des représentants des collectivités locales, des grandes
associations d'élus et de maires, ainsi qu'au congrès de l'Association des
maires de France voilà trois mois. On peut toujours faire de nouvelles
réunions. Mais tout le monde le sait maintenant : les préfets, les
intercommunalités, les collectivités locales, les mairies. Je le redis encore
devant vous aujourd'hui !
Pour conclure mon propos, je donnerai quelques pistes et des informations sur
l'action de l'Etat pour aider les collectivités en ce sens.
J'ai cité la circulaire du 10 novembre 1997, demandant aux préfets d'insérer
dans les plans départementaux un volet sur les actions à mener pour la
résorption des décharges non réglementaires.
Alors qu'en 1998 les trois quarts de ces plans avaient été jugés trop faibles
pour atteindre l'objectif en 2002, après avoir fait l'objet d'une
redynamisation, les plans départementaux sont maintenant pratiquement tous
achevés, à l'exception d'une petite dizaine. C'est essentiellement dans le
Sud-Ouest, si je me souviens bien, que des efforts restent à faire, mais je ne
dis pas cela pour montrer du doigt tel ou tel département.
S'agissant de la fermeture de ces sites, la circulaire a précisé qu'il devait
s'agir d'une démarche volontariste, mais graduelle. La fermeture de certaines
décharges peut en effet nécessiter un délai, afin de trouver des solutions
alternatives d'élimination des déchets admis sur ces sites. Il convient
toutefois de limiter le plus possible les nuisances pendant cette période
transitoire.
Je ne peux pas préciser le délai qui sera nécessaire, malgré les questions qui
m'ont été posées sur ce point. En effet non autorisées, des milliers de
décharges ne seront pas fermées au 1er juillet. Mais nous n'aurons de cesse de
dire aux préfets et aux collectivités de tout mettre en oeuvre pour y
parvenir.
Les collectivités qui engagent des actions de résorption peuvent être aidées
financièrement par l'ADEME dans les départements ayant contractualisé à cette
fin, ce qui est le cas de 80 % d'entre eux. Les aides apportées conjointement
par l'ADEME et le conseil général du département peuvent ainsi atteindre 60 %
pour les études et 80 % pour les travaux.
La non-contractualisation n'est pas la faute de l'Etat. Parmi les principales
causes de celle-ci, on peut noter le manque d'intérêt des élus sur le sujet ou
l'affirmation que les décharges de leur département sont déjà réhabilitées.
Là encore, je ne cesse de le dire, l'implication des collectivités locales,
depuis le conseil général jusqu'à chaque commune concernée, est tout à fait
essentielle. Il doit s'agir d'une démarche volontariste, à laquelle tout le
monde doit s'intéresser. De nombreux exemples locaux de réussite montrent
toujours une bonne implication de l'ensemble des acteurs, jusqu'à ces maires
qui signent des arrêtés municipaux de fermeture de leurs propres décharges !
Ils ont donc un souci d'écologie au quotidien, que je salue.
Ces différents outils seront d'autant mieux utilisés que la connaissance sur
le terrain des sites concernés sera précise. Mes services travaillent avec
l'ADEME à affiner les données et les connaissances disponibles. En effet, nous
constatons que la situation est très variable d'un département à l'autre, ne
serait-ce qu'en termes de connaissance localement du nombre précis de décharges
non réglementaires en exploitation et du nombre de décharges fermées à
réhabiliter. Ces disparités de connaissance se reflètent d'ailleurs dans la
manière dont les plans révisés traitent de cette question.
Pour encourager la réhabilitation de ces décharges, il est donc nécessaire
d'affiner les données sur ces sites en effectuant un recensement aussi
exhaustif que possible, complété par un diagnostic permettant de hiérarchiser
les sites prioritaires. Parmi les départements qui ont contractualisé avec
l'ADEME, cette étape est terminée pour plus de quarante d'entre eux ; elle est
en cours ou en négociations pour vingt-cinq.
Il ressort des résultats que, sur les huit mille sites à réhabiliter recensés
dans ce cadre, près d'un quart ont un impact significatif sur
l'environnement.
S'agissant maintenant des décharges non autorisées encore en exploitation, les
estimations disponibles à ce jour au niveau national varient entre six mille et
neuf mille. Certains d'entre vous ont situé la fourchette entre quatre mille et
six mille. Ce chiffre, qui paraît démesuré, est à nuancer compte tenu des
incertitudes qui s'y rattachent. Il recouvre, en effet, des situations locales
très différentes, au niveau tant de la taille des sites considérés que des
déchets admis. Dans certaines communes rurales, par exemple, ces sites anciens
sont conservés pour le dépôt de déchets verts ou d'objets encombrants. Ces
pratiques sont illégales, mais elles doivent être distinguées des décharges qui
reçoivent l'ensemble des ordures ménagères de la commune.
Même si l'image de la situation au niveau national n'est pas aussi précise
qu'on pourrait le souhaiter, l'analyse de certains indicateurs, notamment des
données disponibles par le biais de la taxe sur la mise en décharge des ordures
ménagères désormais intégrée dans la TGAP - que certains d'entre vous ont
critiquée -, fournit des éléments encourageants sur les évolutions
observées.
Sans vouloir prolonger le débat, permettez-moi d'insister sur un point : la
fongibilité des taxes. C'est très important pour l'environnement. On nous a dit
de nous méfier de Bercy, qui risquait de tout nous prendre. En fait, l'ADEME a
été injustement critiquée pour sa gestion, car elle a permis de faire beaucoup,
par un effet levier, pour les collectivités locales en matière non seulement de
déchets, mais également d'énergies renouvelables.
Le nombre de décharges, autorisées ou non, soumises à la taxe diminue : entre
1994 et 1999, il est passé de 3 079 à 1 895. Proportionnellement, la réduction
du nombre de décharges est deux fois plus importante pour les décharges non
autorisées - moins 46 % - que pour les décharges autorisées - moins 23 %.
Il est également intéressant de noter que les décharges non autorisées sont de
petites décharges. Pour l'année 1999, 75 % de ces décharges brutes ont reçu
moins de cent tonnes de déchets sur un an. La situation est inverse pour les
décharges autorisées.
Globalement, au niveau national, les quantités de déchets reçues dans les
décharges non autorisées sont très faibles - 3 % - par rapport à celles qui
sont reçues dans les décharges autorisées - 97 %, soit 24,8 millions de
tonnes.
Ces premiers éléments seront à l'évidence complétés dans le cadre des travaux
engagés sur la base du bilan général de la loi du 13 juillet 1992, notamment
par le Conseil national des déchets, dont j'évoquais la création.
Le chemin à parcourir reste long, mais je crois toutefois pouvoir d'ores et
déjà affirmer que nous sommes sur la bonne voie. Les outils réglementaires et
financiers sont là, les solutions alternatives à ces mises en décharge sauvages
existent.
Il faut maintenant, comme cela a déjà été fait dans bon nombre de
départements, mobiliser les collectivités locales et les acteurs de terrain
pour changer ces pratiques, qui sont désormais d'un autre siècle ! Je compte
également sur vous pour oeuvrer localement en ce sens. L'objectif du 1er
juillet 2002 devrait se traduire déjà, et avant tout, par la fin des ordures
brutes dans des décharges non autorisées.
M. le président.
En application de l'article 83 du règlement, je constate que le débat est
clos.
11
DÉPÔT D'UNE PROPOSITION DE LOI
M. le président.
J'ai reçu de M. Paul Girod une proposition de loi relative au mode d'élection
des juges élus des tribunaux de commerce.
La proposition de loi sera imprimée sous le numéro 221, distribuée et renvoyée
à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage
universel, du règlement et d'administration générale, sous réserve de la
constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues
par le règlement.
12
TEXTE SOUMIS AU SÉNAT EN APPLICATION
DE L'ARTICLE 88-4 DE LA CONSTITUTION
M. le président.
J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le
Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution : Livre vert
sur la révision du règlement (CEE), n° 4064/89 du Conseil.
Ce texte sera imprimé sous le numéro E-1924 et distribué.
13
DÉPÔT D'UN RAPPORT
M. le président.
J'ai reçu de M. Alain Vasselle, rapporteur pour le Sénat, un rapport fait au
nom de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur la
proposition de loi portant rénovation des rapports conventionnels entre les
professions de santé libérales et les organismes d'assurance maladie.
Le rapport sera imprimé sous le numéro 222 et distribué.
14
DÉPÔT RATTACHÉ
POUR ORDRE AU PROCÈS-VERBAL
DE LA SÉANCE DU 7 FÉVRIER 2002
M. le président.
J'ai reçu de M. Francis Giraud, rapporteur pour le Sénat, un rapport fait au
nom de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les
dispositions restant en discussion du projet de loi relatif aux droits des
malades et à la qualité du système de santé.
Le rapport sera imprimé sous le numéro 220 et distribué.
15
ORDRE DU JOUR
M. le président.
Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment
fixée au mercredi 13 février 2002 :
A quinze heures :
1.
Nomination des membres de la commission d'enquête sur la
délinquance des mineurs.
2.
Discussion du projet de loi (n° 181, 2001-2002) autorisant
l'approbation de l'accord sous forme d'échange de lettres entre le Gouvernement
de la République française et le Gouvernement de la République italienne
relatif au contrôle de la circulation dans les tunnels du Mont-Blanc et du
Fréjus.
Rapport (n° 206, 2001-2002) de M. Philippe François, fait au nom de la
commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées.
3.
Discussion en nouvelle lecture de la proposition de loi adoptée par
l'Assemblée nationale en nouvelle lecture (n° 212, 2001-2002), relative au
régime d'assurance chômage des intermittents du spectacle.
Rapport (n° 215, 2001-2002) de M. Bernard Fournier, fait au nom de la
commission des affaires culturelles.
4.
Discussion de la proposition de loi (n° 126, 2001-2002), adoptée par
l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, tendant à la création d'un
régime de retraite complémentaire obligatoire pour les non-salariés
agricoles.
Rapport (n° 211, 2001-2002) de M. Jean-MarcJuilhard, fait au nom de la
commission des affaires sociales.
Avis (n° 191, 2001-2002) de M. Gérard César, fait au nom de la commission des
affaires économiques et du Plan.
5.
Discussion du projet de loi (n° 13, 2001-2002), adopté par
l'Assemblée nationale, portant règlement définitif du budget de 2000.
Rapport (n° 50, 2001-2002) de M. Philippe Marini, fait au nom de la commission
des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la
nation.
Scrutin public ordinaire de droit sur l'ensemble.
A vingt et une heures trente :
6.
Discussion des conclusions du rapport (n° 192, 2001-2002) de la
commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions
restant en discussion du projet de loi relatif à la démocratie de proximité.
M. Daniel Hoeffel, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte
paritaire.
7.
Eventuellement, suite de l'ordre du jour de l'après-midi.
Délai limite général pour le dépôt des amendements
Le délai limite pour le dépôt des amendements à tous les textes prévus jusqu'à
la suspension des travaux parlementaires, à l'exception de ceux pour lesquels
est déterminé un délai limite spécifique, est fixé, dans chaque cas, à dix-sept
heures, la veille du jour où commence leur discussion.
Délai limite spécifique pour le dépôt des amendements
Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence,
portant réforme des tribunaux de commerce (n° 239, 2000-2001).
Le délai limite pour le dépôt des amendements est expiré.
Projet de loi organique, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration
d'urgence, modifiant l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi
organique relative au statut de la magistrature et instituant le recrutement de
conseillers de cour d'appel exerçant à titre temporaire (n° 241, 2000-2001).
Le délai limite pour le dépôt des amendements est expiré.
Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence,
modifiant la loi n° 85-99 du 25 janvier 1985 relative aux administrateurs
judiciaires, mandataires judiciaires à la liquidation des entreprises et
experts en diagnostics d'entreprises (n° 243, 2000-2001).
Le délai limite pour le dépôt des amendements est expiré.
Personne ne demande la parole ?...
La séance est levée.
(La séance est levée à dix-huit heures.)
Le Directeur
du service du compte rendu intégral,
MONIQUE MUYARD
ERRATUM
Au compte rendu intégral de la séance du 31 janvier 2002
DROITS DES MALADES
Page 850, deuxième colonne, supprimer les 4e, 5e et 6e alinéas.
ORDRE DU JOUR
DES PROCHAINES SÉANCES DU SÉNAT
établi par le Sénat dans sa séance du mardi 12 février 2002
à la suite des conclusions de la conférence des présidents
(La conférence des présidents a décidé de fixer un délai limite général pour le
dépôt des amendements à l'ensemble des textes inscrits à l'ordre du jour, la
veille de leur discussion à 17 heures, à l'exception des textes pour lesquels
est déterminé un délai limite spécifique.)
Mercredi 13 février 2002 :
A
15 heures :
1° Désignation des membres de la commission d'enquête sur la délinquance des
mineurs.
(Les candidatures à cette commission d'enquête devront être déposées au
secrétariat central du service des commissions au plus tard le mercredi 13
février 2002, à 12 heures.)
Ordre du jour prioritaire
2° Projet de loi autorisant l'approbation de l'accord sous forme d'échange de
lettres entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de
la République italienne relatif au contrôle de la circulation dans les tunnels
du Mont-Blanc et du Fréjus (n° 181, 2001-2002).
3° Nouvelle lecture de la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée
nationale en nouvelle lecture, relative au régime d'assurance chômage des
intermittents du spectacle (n° 212, 2001-2002).
4° Proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale après déclaration
d'urgence, tendant à la création d'un régime de retraite complémentaire
obligatoire pour les non-salariés agricoles (n° 126, 2001-2002).
5° Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, portant règlement
définitif du budget de 2000 (n° 13, 2001-2002).
A
21 h 30 :
Ordre du jour prioritaire
6° Conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi relatif à
la démocratie de proximité (n° 192, 2001-2002).
7° Eventuellement, suite de l'ordre du jour de l'après-midi.
Jeudi 14 février 2002 :
A
9 h 30 :
Ordre du jour prioritaire
1° Suite de la deuxième lecture de la proposition de loi, adoptée par
l'Assemblée nationale avec modifications en deuxième lecture, relative à
l'autorité parentale (n° 131, 2001-2002).
2° Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration
d'urgence, portant réforme des tribunaux de commerce (n° 239, 2000-2001).
3° Projet de loi organique, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration
d'urgence, modifiant l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi
organique relative au statut de la magistrature et instituant le recrutement de
conseillers de cour d'appel exerçant à titre temporaire (n° 241, 2000-2001).
4° Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration
d'urgence, modifiant la loi n° 85-99 du 25 janvier 1985 relative aux
administrateurs judiciaires, mandataires judiciaires à la liquidation des
entreprises et experts en diagnostics d'entreprises (n° 243, 2000-2001).
(Le délai limite pour le dépôt des amendements à ces quatre textes est
expiré.)
A
15 heures
et, éventuellement, le soir :
5° Désignation des membres de la mission commune d'information sur le bilan de
la politique de la montagne.
(Les candidatures à cette mission commune d'information devront être
déposées au secrétariat central du service des commissions au plus tard le
mardi 12 février 2002, à 17 heures.)
Ordre du jour prioritaire
6° Suite de l'ordre du jour du matin.
Mardi 19 février 2002 :
A
9 h 30 :
1° Dix-huit questions orales (l'ordre d'appel des questions sera fixé
ultérieurement) :
- n° 1201 de M. Jean-Pierre Demerliat transmise à Mme le secrétaire d'Etat au
logement (Application de la loi SRU dans les petites communes) ;
- n° 1236 de M. Jacques Oudin à M. le ministre de l'agriculture et de la pêche
(Crise de la filière agricole due à l'emploi d'insecticides systémiques) ;
- n° 1242 de M. Bernard Piras à M. le ministre de l'aménagement du territoire
et de l'environnement (Obligations des communes en matière d'assainissement)
;
- n° 1248 de M. Xavier Darcos à M. le ministre de l'économie, des finances et
de l'industrie (Fermeture des services du Trésor dans les zones rurales décidée
pendant la trêve des confiseurs) ;
- n° 1249 de M. José Balarello à M. le ministre de l'économie, des finances et
de l'industrie (Prime de perte d'emploi versée aux salarié des bureaux de
change fermés en raison du passage à l'euro) ;
- n° 1260 de M. Georges Mouly à Mme le ministre de l'emploi et de la
solidarité (Mise en place des centres locaux d'information et de coordination
gérontologiques) ;
- n° 1263 de M. André Lardeux à M. le ministre de l'éducation nationale (Aides
financières à la réalisation des travaux de sécurité dans les collèges privés)
;
- n° 1264 de M. Jean-Marie Vanlerenberghe à Mme le ministre déléguée à la
famille, à l'enfance et aux personnes handicapées (Etablissements d'accueil des
personnes handicapées) ;
- n° 1265 de M. Roland Courteau à M. le ministre de l'agriculture et de la
pêche (Difficultés de la viticulture méridionale) ;
- n° 1266 de M. Gérard Larcher à Mme le ministre de l'emploi et de la
solidarité (Critères d'implantation d'un centre d'accueil des demandeurs
d'asile dans les Yvelines) ;
- n° 1267 de M. Claude Biwer à M. le ministre de l'économie, des finances et
de l'industrie (Seuil de consultation obligatoire des services du domaine) ;
- n° 1268 de M. Yves Coquelle à Mme le ministre déléguée à la famille, à
l'enfance et aux personnes handicapées (Manque de structures d'accueil adaptées
aux différents handicaps dans le département du Pas-de-Calais) ;
- n° 1270 de M. Jean-Patrick Courtois transmise à Mme le garde des sceaux,
ministre de la justice (Délais d'exécution des jugements des tribunaux de
commerce) ;
- n° 1271 de M. Paul Blanc à M. le ministre de l'agriculture et de la pêche
(Difficultés du lycée Le Mas-Blanc à Bourg-Madame) ;
- n° 1272 de M. Marcel-Pierre Cléach à M. le ministre de l'éducation nationale
(Réforme des études médicales) ;
- n° 1273 de M. Jean Boyer à Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité
(Plafond de recouvrement de la succession des allocataires du Fonds national de
solidarité) ;
- n° 1274 de M. Auguste Cazalet à M. le ministre de la défense (Lieu
d'implantation de la brigade affectée à la sécurité du tunnel du Somport) ;
- n° 1275 de M. Didier Boulaud à M. le ministre de l'intérieur (Redéploiement
des forces de police dans la Nièvre) ;
A
16 heures
et, éventuellement, le soir :
2° Eloge funèbre de Dinah Derycke.
Ordre du jour prioritaire
3° Suite éventuelle de l'ordre du jour du jeudi 14 février 2002.
4° Proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, portant création
d'une fondation pour les études comparatives (n° 351, 2000-2001).
5° Conclusions de la commission mixte paritaire ou nouvelle lecture du projet
de loi relatif aux droits des malades et à la qualité du système de santé (n°
220, 2001-2002).
6° Nouvelle lecture de la proposition de loi portant rénovation des rapports
conventionnels entre les professions de santé libérales et les organismes
d'assurance maladie (AN, n° 3585).
En outre, vers
18 heures :
7° Désignation d'un membre de la délégation du Sénat aux droits des femmes et
à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes, en remplacement de
Dinah Derycke, décédée.
Mercredi 20 février 2002 :
A
15 heures :
Séance exceptionnelle pour le bicentenaire de la naissance de Victor Hugo,
sénateur de la IIIe République.
(Au cours de cette séance interviendront le président du Sénat et un
orateur par groupe [dix minutes].)
A
17 h 30
et le soir :
Ordre du jour prioritaire
1° Eventuellement, suite de l'ordre du jour de la veille.
2° Conclusions de la commission mixte paritaire ou nouvelle lecture de la
proposition de loi complétant la loi n° 2000-516 du 15 juin 2000 renforçant la
protection de la présomption d'innocence et les droits des victimes.
3° Proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, relative au nom
patronymique (n° 225, 2000-2001).
(La conférence des présidents a fixé à dix minutes le temps d'intervention
du représentant de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des
chances entre les hommes et les femmes.)
Jeudi 21 février 2002 :
A
9 h 30 :
Ordre du jour prioritaire
1° Proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, portant réforme du
divorce (n° 17, 2001-2002).
(La conférence des présidents a fixé à dix minutes le temps d'intervention
du représentant de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des
chances entre les hommes et les femmes.)
A
15 heures
et, éventuellement, le soir :
2° Questions d'actualité au Gouvernement.
(L'inscription des auteurs de questions devra être effectuée au service de
la séance avant 11 heures.)
Ordre du jour prioritaire
3° Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation
de l'accord entre le Gouvernement de la République française et l'Organisation
des Nations unies concernant l'exécution des peines prononcées par le Tribunal
pénal international pour l'ex-Yougoslavie (n° 195, 2001-2002).
4° Projet de loi autorisant la ratification de la convention des Nations unies
contre la criminalité transnationale organisée (n° 117, 2001-2002).
5° Projet de loi autorisant la ratification du protocole additionnel à la
convention des Nations unies contre la criminalité transnationale organisée
visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en particulier
des femmes et des enfants (n° 118, 2001-2002).
6° Projet de loi autorisant la ratification du protocole contre le trafic
illicite de migrants par terre, air et mer, additionnel à la convention des
Nations unies contre la criminalité transnationale organisée (n° 119,
2001-2002).
7° Sous réserve de son adoption en conseil des ministres, projet de loi
autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République
française et le Gouvernement de la République italienne pour la réalisation
d'une ligne ferroviaire Lyon-Turin (AN, n° 3581).
8° Sous réserve de sa transmission, projet de loi autorisant la ratification
de la convention sur l'accès à l'information, la participation du public au
processus décisionnel et l'accès à la justice en matière d'environnement
(ensemble deux annexes) (n° 210, 2001-2002).
9° Projet de loi autorisant l'approbation du protocole modifiant la convention
du 23 juillet 1990 relative à l'élimination des doubles impositions en cas de
correction des bénéfices d'entreprises associées (n° 313 rectifié,
2000-2001).
10° Projet de loi autorisant l'approbation de l'avenant à la convention du 19
décembre 1980 entre le Gouvernement de la République française et le
Gouvernement du Royaume de Norvège en vue d'éviter les doubles impositions, de
prévenir l'évasion fiscale et d'établir des règles d'assistance administrative
réciproque en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune (ensemble un
protocole et un protocole additionnel), modifiée par les avenants du 14
novembre 1984 et du 7 avril 1995 (n° 401, 2000-2001).
11° Projet de loi autorisant l'approbation de la convention entre le
Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de
Guinée en vue d'éviter les doubles impositions et d'établir des règles
d'assistance administrative réciproque en matière d'impôts sur le revenu, la
fortune, les successions et les donations (n° 285, 1999-2000).
12° Projet de loi autorisant l'approbation de l'avenant à la convention
fiscale du 21 octobre 1976 entre le Gouvernement de la République française et
le Gouvernement de la République du Cameroun (n° 181, 2000-2001).
13° Projet de loi autorisant l'approbation de la convention entre le
Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République
algérienne démocratique et populaire en vue d'éviter les doubles impositions,
de prévenir l'évasion et la fraude fiscales et d'établir des règles
d'assistance réciproque en matière d'impôts sur le revenu, sur la fortune et
sur les successions (ensemble un protocole) (n° 62, 2001-2002).
14° Eventuellement, suite de l'ordre du jour du matin.
15° Navettes diverses.
Eventuellement,
vendredi 22 février 2002 :
A
9 h 30
et à
15 heures :
Ordre du jour prioritaire
Eventuellement, suite de l'ordre du jour de la veille.
A N N E X E
Questions orales inscrites à l'ordre du jour
de la séance du mardi 19 février 2002
N° 1201. - M. Jean-Pierre Demerliat attire l'attention de M. le ministre de
l'équipement, des transports et du logement sur certaines conséquences de
l'application de la loi n° 2000-1208 du 13 décembre 2000 sur la solidarité et
le renouvellement urbains, notamment dans les petites communes, en matière
d'urbanisme. Si, sur le fond, il ne fait aucun doute que les dispositions
nouvelles simplifient des procédures parfois très lourdes, dans la pratique,
leur mise en oeuvre soulève parfois des difficultés. En particulier,
l'instauration d'une participation pour voies nouvelles et réseaux inquiète bon
nombre de maires de petites communes. D'une part, il n'est pas possible de
dissocier le financement des réseaux de celui de la voirie. Dans beaucoup de
communes, seule une extension des réseaux serait nécessaire pour permettre des
constructions nouvelles. D'autre part, les communes devront assurer le
préfinancement de ces voies et réseaux, qui sont nécessaires pour obtenir les
autorisations de construire. Cela risque fort de pénaliser lourdement les
budgets, déjà modestes, des petites communes et cela pourrait, à moyen terme,
bloquer leur développement. Il souhaiterait donc savoir quels aménagements
pourraient être apportés pour que les nouvelles dispositions de cette loi
permettent un développement harmonieux des zones rurales.
N° 1236. - M. Jacques Oudin attire l'attention de M. le ministre de
l'agriculture et de la pêche sur la crise de la filière agricole due à l'emploi
d'insecticides systémiques. L'utilisation du Gaucho et du Régent entraîne des
phénomènes de disparitions massives d'abeilles. En réponse à M. Charles
Descours le 5 avril dernier, il déclarait que « les nombreuses études n'ont pas
permis de confirmer ou d'infirmer l'éventuelle responsabilité du produit
incriminé ». Néanmoins, il apparaît clairement que ces phénomènes ne se
produisent pas dans les zones de culture non traitées et qu'ils cessent dès la
fin de la floraison des cultures traitées. De surcroît, les multiples contrôles
effectués par les services vétérinaires départementaux (Deux-Sèvres, Indre,
Vendée) n'ont jamais permis d'expliquer ce phénomène autrement que par une
intoxication due aux produits phytosanitaires insecticides. En premier lieu,
compte tenu des conclusions de multiples rapports scientifiques français et
étrangers qui attestent de l'extrême toxicité du Gaucho, même à très faible
dose, vis-à-vis de l'entomofaune et de l'environnement, il lui demande s'il
compte enfin interdire l'emploi d'imidaclopride sur toutes les cultures
traitées par ce produit. En application du principe de précaution, il lui
demande s'il compte également interdire l'usage du Régent lors du traitement
des semences de tournesol, et ceci sur tout le territoire français. L'ensemble
de la filière apicole a rejeté le projet d'une éventuelle étude
multifactorielle dont les conclusions ne pourraient être pertinentes qu'en
l'absence totale de cultures traitées Gaucho ou Régent et qu'après disparition
totale des effets dus à la persistance du produit dans le sol. Toutefois, comme
l'a manifesté le Parlement européen de façon unanime, le 13 décembre dernier,
en votant le rapport du député Dominique Souchet, les apiculteurs ne demandent
pas la multiplication des études, ni la mise en place d'un quelconque institut
technique, mais avant tout le retrait définitif et immédiat de toutes les
formes d'imidaclopride sur toutes les cultures. Et au-delà du rôle essentiel
joué par les abeilles dans le maintien de la biodiversité, c'est la sauvegarde
de l'apiculture française qui est en jeu. Enfin, considérant l'urgence de la
situation pour le monde apicole, il lui demande quelle aide financière il
entend mettre en place en faveur des apiculteurs qui subissent chaque été
depuis plusieurs années des pertes de cheptel et de récoltes graves.
N° 1242. - M. Bernard Piras attire l'attention de M. le ministre de
l'aménagement du territoire et de l'environnement sur les obligations des
communes en matière d'assainissement au regard des dispositions de la loi n°
92-3 du 3 janvier 1992 sur l'eau. Avant cette loi, il n'existait pas
d'obligation générale pour les communes de mettre en place un réseau
d'assainissement et de traiter les effluents. Ce texte leur a donné des
compétences et des obligations nouvelles dans ce domaine. Ainsi, l'article L.
2224 du code général des collectivités locales stipule que « les communes
prennent obligatoirement en charge les dépenses liées aux systèmes
d'assainissement collectif, notamment aux stations d'épuration des eaux usées
et à l'élimination des boues qu'elles produisent et les dépenses de contrôle
des systèmes d'assainissement non collectifs ». Ainsi, la mise aux normes
imposera à partir de 2005 des travaux importants engendrant des coûts
financiers très élevés. Même si des subventions publiques sont accordées aux
collectivités, les communes, notamment les plus petites qui ont par ailleurs
sur leur territoire un habitat fort dispersé, n'ont pas la capacité financière
suffisante pour financer ces travaux sans remettre en cause leur avenir. En
outre, ces communes rurales de petite taille, le problème étant aggravé
lorsqu'elles sont situées en zone de montagne, sont soumises à des contraintes
géographiques, physiques et humaines qui exigent une approche du dossier
particulière. Ce service d'assainissement étant de nature industrielle et
commerciale, les dépenses engagées pourraient et devraient même être
répercutées sur l'usager. Mais une telle solution n'est bien évidemment pas
envisageable, le prix de l'eau devenant alors prohibitif pour bon nombre de nos
concitoyens. Les maires sont très inquiets face à cette obligation qui leur
incombe, laquelle risque en l'état actuel des aides accordées de concentrer la
totalité des moyens financiers communaux et de remettre ainsi en cause les
projets d'aménagement et de développement. Pour remédier à cette situation,
deux solutions pourraient être envisagées : soit une augmentation notable des
aides publiques, en déplafonnant le seuil des 80 % et en relevant le plafond
actuel de 5 millions de francs, soit un allongement des délais d'application de
la loi sur l'eau. Il lui demande de lui indiquer les mesures qu'il entend
prendre pour rassurer l'ensemble des élus locaux.
N° 1248. - M. Xavier Darcos rappelle à M. le ministre de l'économie, des
finances et de l'industrie les termes de la question orale qu'il lui avait
posée au Sénat, le 8 février 2000, et dans laquelle il s'inquiétait sur un
projet de fermeture en zone rurale de perceptions, au maintien desquelles les
élus sont tout particulièrement attachés. A cette question, le Gouvernement
avait répondu clairement en ces termes reproduits au
Journal officiel :
« Le service public de proximité sera préservé » ; « une réforme des services
du Trésor ne provoquera aucune fermeture de trésorerie » ; « la concertation
avec les élus se poursuivra aux plans national et local ». Or, lors de la trêve
des confiseurs, un arrêté du directeur de la comptabilité publique, publié au
Journal officiel
du 28 décembre 2001, « décidait en Dordogne la
suppression de la trésorerie d'Issigeac », complétée par le regroupement des
services du Trésor dans d'autres communes, alors même que le 27 juin le
trésorier-payeur général de Dordogne avait été interrogé par le maire de
Sainte-Alvère, commune qui venait de dépenser 500 000 francs de travaux de
rénovation de sa perception, sur les raisons de la réorganisation, sans la
moindre concertation, de ce service public essentiel. Cette réorganisation,
désormais effective, s'est traduite par le départ du percepteur en titre et par
la résiliation de son logement. En conséquence, il lui demande de bien vouloir
lui faire connaître depuis le 8 février 2000, date des engagements solennels du
Gouvernement, le nombre de perceptions ou de services du Trésor supprimés en
Dordogne, le nombre de suppressions de postes de catégorie A intervenues dans
ces services pour l'ensemble du département ainsi que le nom de toutes les
communes ayant fait l'objet d'un regroupement de trésorerie en gestion
commune.
N° 1249. - M. José Balarello demande à M. le ministre de l'économie, des
finances et de l'industrie s'il ne lui apparaît pas opportun de mettre en place
rapidement une aide spécifique, sous la forme d'une prime pour perte d'emploi,
en faveur des cinq mille personnes, employés ou patrons de bureaux de change
qui, par suite du passage à l'euro, et plus particulièrement dans les régions
transfrontalières, ont perdu leur emploi souvent avec plus de dix ans
d'ancienneté dans la même branche, ces personnes ayant de grandes difficultés
pour se reconvertir. Une étude a d'ailleurs été réalisée sur ce problème à la
demande du ministre de l'emploi et de la solidarité, étude qui peut servir de
base aux modalités de mise en place de cette aide.
N° 1260. - M. Georges Mouly appelle l'attention de Mme le ministre de l'emploi
et de la solidarité sur le devenir des CLIC gérontologiques dont le
développement serait d'ores et déjà obéré par la décision de ne pas abonder la
ligne budgétaire concernée pour l'exercice 2002 alors que la circulaire de la
direction générale des affaires sociales (DGAS) du 18 mai 2001 fixant les
modalités de la campagne de labellisation pour 2001 précise que « l'année 2001
inaugure la phase opérationnelle de développement des CLIC gérontologiques...
Elle doit aboutir en 2005 à l'existence d'un réseau national correctement
implanté, parfaitement identifié, éprouvé et pérenne, organisant un maillage
cohérent du territoire national à partir des échelons locaux et
départementaux... ». Il lui demande donc de lui confirmer sa volonté de
poursuivre le développement des centres labellisés et l'implantation de
nouveaux centres pour la mise en oeuvre d'une politique publique répondant aux
attentes concrètes des personnes âgées et de leur entourage.
N° 1263. - M. André Lardeux appelle l'attention de M. le ministre de
l'éducation nationale, suite au débat sur la loi de démocratie de proximité au
cours duquel son collègue, ministre de l'intérieur, a indiqué que les problèmes
soulevés par l'application de la loi Falloux relèvent de sa compétence. Les
commissions de sécurité exigent la mise aux normes des collèges. Pour les
collèges publics, les travaux sont pris en charge par la collectivité. Pour les
collèges privés, la loi Falloux limite le montant de la subvention. Or, le coût
de ces travaux est très élevé. Aussi, en Maine-et-Loire, se sont-elles tournées
vers le département. Le conseil général, à l'unanimité de ses membres
(socialistes compris), a voté une aide. La délibération a été annulée par le
tribunal administratif de Nantes et l'appel est en cours. Les familles
considèrent cette situation comme inéquitable, ce qui semble justifié dans la
mesure où ces établissements concourent au service public de l'éducation et où
tous les jeunes de ce pays ont droit aux mêmes garanties de sécurité. Ce
sentiment est accentué par le manque de logique qui permet de subventionner une
entreprise privée ou un établissement social, même congréganiste. On objecte
souvent que les établissements ont la possibilité de recourir à la garantie des
emprunts, ce que ces collectivités font, ce qui ne fait que déplacer le
problème. Aussi, il lui demande quelles sont les possibilités qu'il y a de
mettre fin à cette situation et quelles initiatives il envisage de prendre ? Si
la situation économique de l'organisme gestionnaire contraint à la mise en
oeuvre de la garantie, que se passe-t-il si le montant des paiements est
supérieur au plafond fixé par la loi ?
N° 1264. - M. Jean-Marie Vanlerenberghe attire l'attention de Mme le ministre
déléguée à la famille, à l'enfance et aux personnes handicapées sur la
situation de près de 3000 enfants, adolescents et adultes handicapés du
département du Pas-de-Calais, qui attendent de pouvoir être accueillis dans des
structures médico-sociales adaptées à leurs besoins. Certes, il existe des
établissements, mais force est de constater qu'ils sont en nombre insuffisant
et ne correspondent pas, bien souvent, aux situations recensées, sans parler
des moyens financiers nécessaires à la gestion de ces structures qui demeurent
tout à fait dérisoires ! Le Groupement des organismes gestionnaires des
établissements médico-sociaux du Pas-de-Calais a déjà à plusieurs reprises
organisé des actions publiques pour faire entendre la voix des personnes qu'il
défend. Leur délégation a été reçue plusieurs fois au ministère sans que le
problème de fond soit réglé. Et la situation s'aggrave... Il lui demande
aujourd'hui de faire appliquer un plan d'urgence tant réclamé dans le
Pas-de-Calais.
N° 1265. - M. Roland Courteau attire l'attention de M. le ministre de
l'agriculture et de la pêche sur les difficultés que connaît la viticulture
méridionale. Face à une situation particulièrement grave, des réponses à très
court terme et moyen terme s'imposent, sous la forme de soutiens conjoncturels
et structurels. Dans cette perspective, un plan d'adaptation de la viticulture
ambitieux a été présenté. Au-delà des mesures structurelles qui conditionnent
l'avenir, ce plan comporte aussi des mesures d'urgence (élimination rapide des
excédents, soutien aux jeunes viticulteurs, mesures d'urgence en faveur des
viticulteurs en difficulté, mise en place de cellules départementales chargées
de se pencher sur leur situation, accélération du règlement des retards de
paiement, préretraite, etc.). Compte tenu de l'urgence qui s'attache au
traitement d'une situation extrêmement préoccupante, il lui demande de bien
vouloir lui faire un point précis sur la mise en oeuvre des différentes
mesures, tant conjoncturelles que structurelles, ainsi que sur les démarches,
dans le cadre des adaptations à apporter à l'organisation commune du marché du
vin.
N° 1266. - M. Gérard Larcher demande à Mme le ministre de l'emploi et de la
solidarité de lui indiquer selon quels critères a été choisi le site de
Montlieu, commune d'Emance, dans les Yvelines, pour l'installation d'un centre
d'accueil de demandeurs d'asile, et pourquoi cette implantation est envisagée
dans un village rural, sans transports collectifs, où les conditions de
traitement des eaux pluviales et des eaux usées sont notoirement insuffisantes
pour accueillir une population de 350 personnes supplémentaires. L'arrivée d'un
tel nombre de nouveaux résidents représente en effet une augmentation de plus
de 40 % de la population actuelle de la commune. Par ailleurs, il lui demande
quels sont les moyens médicaux, sociaux, éducatifs et de sécurité qui ont été
prévus pour assurer l'accueil de ces demandeurs d'asile.
N° 1267. - M. Claude Biwer attire l'attention de M. le ministre de l'économie,
des finances et de l'industrie sur les conséquences, pour de nombreuses
communes, de l'arrêté du 1er janvier 2002 ayant relevé le seuil de consultation
obligatoire des services du domaine de 30 490 euros à 76 225 euros. Celui-ci
risque de priver un très grand nombre d'entre elles d'une expertise fiable et
objective en cas d'opération immobilière. Il le prie de bien vouloir expliciter
les raisons de cette évolution et préciser si les communes qui le souhaitent
peuvent néanmoins faire appel, de manière facultative, aux services des
domaines pour des opérations dont le coût est inférieur au nouveau seuil.
N° 1268. - M. Yves Coquelle attire l'attention de Mme le ministre déléguée à
la famille, à l'enfance et aux personnes handicapées sur la situation
particulièrement préoccupante des établissements et services d'accueil pour
adultes handicapés dans le département du Pas-de-Calais. Les listes d'attente
sont démesurément longues tant en ce qui concerne l'entrée en centre d'aide
pour le travail (CAT) qu'en section occupationnelle ou en foyer de vie. Près de
4 000 adultes et environ 500 enfants ou adolescents espèrent obtenir une place
au sein d'un établissement adapté à leurs besoins. Certains jeunes handicapés
se voient même contraints à intégrer un institut spécialisé en Belgique. A
cette situation particulièrement difficile s'ajoute l'insuffisance des moyens
humains, les crédits alloués ne permettant pas de pourvoir certains postes. De
plus, il n'existe dans le département qu'un seul institut de réadaptation
psychologique alors que la moyenne nationale est de trois et que le département
du Nord en compte, à lui seul, six. En dernier lieu, il convient de constater
que dans le domaine de l'autisme et du polyhandicap, aucun projet envisagé dans
le département n'a été retenu sur le plan national en 2001. Le nombre de
structures à créer pour répondre aux besoins du département est d'une
cinquantaine pour le secteur adultes et d'une dizaine pour le secteur jeunesse,
avec, à la clé, la création de plus de 2 500 emplois. Il lui demande donc, en
parfait accord avec le groupement des organismes gestionnaires des
établissements médico-sociaux du Pas-de-Calais, rassemblant 23 organismes
publics et privés, de dégager, enfin, des moyens importants pour mettre fin à
cette situation inacceptable et pour qu'il soit véritablement tenu compte de la
situation socio-économique du département du Pas-de-Calais pour l'attribution
des crédits.
N° 1270. - M. Jean-Patrick Courtois appelle l'attention de M. le secrétaire
d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat et à la
consommation sur les conséquences, pour les entreprises françaises, des délais
d'exécution des jugements rendus par les tribunaux de commerce. En effet, une
entreprise française risque le dépôt de bilan à cause du délai d'exécution de
26 mois d'un jugement du tribunal de commerce de Mâcon. En 1997, une scierie
française fait l'acquisition d'une machine d'un montant de 110 44 EUR (722 500
F) auprès d'une société italienne. Dès sa réception, cette nouvelle
installation n'a jamais fonctionné correctement. Après rapport d'expertise, la
scierie française a assigné la société italienne devant le tribunal de commerce
de Mâcon qui, en juillet 1999, condamne celle-ci à payer 77 139 EUR (506 000 F)
à la scierie française pour préjudice commercial. La société italienne faisant
appel, la cour d'appel de Dijon annule en mars 2001 le jugement du tribunal de
commerce de Mâcon pour vice de procédure : le signataire de l'acte du jugement
n'avait pas qualité pour le faire, n'ayant pas participé au délibéré. Après
évocation de l'affaire devant la cour d'appel de Dijon en juin, celle-ci rend
sa décision en septembre 2001 et condamne la société italienne à verser 206 415
EUR (1,354 million de francs) à la scierie française. Mais, entre temps, la
société italienne a été mise en liquidation judiciaire par le tribunal de
Parme. La scierie française ne sera donc jamais indemnisée et connaît
aujourd'hui de très graves difficultés financières. En conséquence, il lui
demande de bien vouloir lui indiquer par quel moyen l'Etat peut compenser
financièrement la faute commise par l'administration judiciaire lors du
jugement du tribunal de commerce de Mâcon et quels sont les moyens de recours
dans le cadre du droit européen.
N° 1271. - M. Paul Blanc attire l'attention de M. le ministre de l'agriculture
et de la pêche sur les très grandes difficultés dans lesquelles se trouve
l'enseignement agricole privé, plus particulièrement le lycée Le Mas Blanc à
Bourg-Madame (66760). Cet établissement situé en zone de montagne voit peu à
peu ses ressources financières diminuer, ce qui met en péril son fonctionnement
normal. En outre, la suppression envisagée des filières « services aux
personnes » (sanitaire et social) serait extrêmement préjudiciable dans cette
zone défavorisée.
N° 1272. - M. Marcel-Pierre Cléach appelle l'attention de M. le ministre de
l'éducation nationale sur les conséquences pour l'enseignement des autres
disciplines scientifiques que risque de provoquer la réforme des études
médicales. Au regard des informations dont disposent les présidents
d'université, il semblerait que les étudiants puissent, à l'avenir, accéder à
plusieurs filières formant aux métiers médicaux et périmédicaux à partir de
l'obtention de la première année du premier cycle des études médicales (PCEM1).
Ainsi, en s'inscrivant en première année de médecine, les étudiants auront le
choix par un jeu de coefficients entre plusieurs débouchés possibles :
médecine, pharmacie, ergothérapie, sage-femme, etc. Les concours de recrutement
des sages-femmes commencent d'ailleurs à se mettre en place selon cette
configuration. L'effet de la réforme sera de rendre le premier cycle des études
médicales particulièrement attractif puisque ce sera l'un des seuls débuts
d'études supérieures universitaires ouvrant l'accès à plusieurs filières
réglementées par le biais d'un concours unique aux coefficients variés. On peut
raisonnablement supposer que cela entraînera un afflux d'étudiants vers cette
filière au détriment des autres formations scientifiques ou techniques. En
détournant des étudiants ayant un esprit scientifique de filières où ils font
déjà cruellement défaut, cette réforme, qui a par ailleurs ses mérites, pose un
premier problème. Elle aura en outre très vraisemblablement d'importantes
répercussions sur les universités et les villes universitaires dans lesquelles
la formation ne sera pas offerte. Cette situation serait, par exemple,
particulièrement préjudiciable pour l'université du Maine, qui n'a pas de
formation médicale mais dispose de laboratoires scientifiques de très bonne
réputation. On risque donc de pénaliser involontairement certaines universités
tout en suscitant à l'inverse des goulots d'étranglement, par exemple en
matière de logements estudiantins, dans d'autres villes. Pour y remédier,
peut-être serait-il possible de permettre la formation de première année dans
toutes les villes universitaires et de répartir les formations périmédicales
sur l'ensemble des sites, ceci tout en conservant la formation des médecins,
pharmaciens et odontologues aux seules universités liées à un centre
hospitalier universitaire (CHU). Il souhaitait connaître son appréciation sur
ces quelques réflexions et surtout l'avenir réservé à cette proposition avant
que ne soit définitivement arrêté le projet de réforme des études médicales,
projet qui implique aussi le ministère de la santé.
N° 1273. - M. Jean Boyer attire l'attention de Mme le ministre de l'emploi et
de la solidarité sur le décret n° 82-116 du 1er février 1982 qui fixe à 250 000
francs le plafond de recouvrement sur la succession des allocataires du Fonds
national de solidarité. Depuis cette date, il semble qu'aucune actualisation de
ce montant n'ai été effectuée. De ce fait, les bénéficiaires de succession se
retrouvent dans des situations dramatiques. En effet, ces allocataires sont,
pour la plupart, des personnes retraitées aux revenus très modestes. Une
actualisation de la référence de remboursement paraît devoir s'imposer dès que
possible. En effet, en 2001, la valeur immobilière retenue est totalement
différente de celle ayant cours en 1982. Il est également très important de
souligner la nécessité que représente, pour les personnes âgées, le fait de
posséder une certaine somme d'argent. Il s'agit pour eux d'une question de
sécurité et de tranquillité en cas d'hospitalisation ou d'hébergement en maison
de retraite. Bien que des abattements sur la valeur de référence du foncier non
bâti soient intervenus, il lui demande de bien vouloir étudier la possibilité
d'une actualisation qui s'impose, afin d'apporter à nos retraités la sécurité
concernant très souvent leur modeste succession.
N° 1274. - M. Auguste Cazalet rappelle à M. le ministre de la défense que la
toute prochaine ouverture, dans un premier temps aux véhicules légers, du
tunnel routier franco-espagnol du Somport va s'accompagner de la mise en place
d'un nouveau dispositif territorial de gendarmerie chargé d'exercer l'ensemble
des missions relatives au maintien de la paix et de la sécurité publique. Afin
de répondre aux impératifs qu'exige le service exclusif de la sécurité du
tunnel et de ses abords, permanence au PC d'exploitation et capacité de monter
rapidement en puissance en cas de problème, une brigade motorisée autoroutière
devait être implantée à Urdos. En effet, dans la mesure où cette commune n'est
située qu'à 7 kilomètres du tunnel et dispose, avec l'actuelle gendarmerie et
avec un immeuble de 12 logements, propriété des Douanes, des ressources
immobilières permettant de loger les personnels et leurs familles, ce choix
paraissait évident. Or, il semblerait que ce choix ait changé et que l'unité
spécialisée serait implantée dans une commune située à cinquante kilomètres du
tunnel du Somport et sans bâtiments immédiatement disponibles. Il attire son
attention non seulement sur la vive émotion et l'incompréhension qu'une telle
décision ne manquerait pas de susciter auprès des élus et de la population de
la vallée d'Aspe mais surtout sur les risques qu'elle ferait peser sur
l'efficacité du service de la sécurité des usagers du tunnel. Il lui demande de
bien vouloir lui faire connaître sa décision.
N° 1275. - M. Didier Boulaud attire l'attention de M. le ministre de
l'intérieur sur le redéploiement nécessaire des forces de police dans le
département de la Nièvre suite à la publication des chiffres de la délinquance.
Déjà évoquée auprès des services du ministère de l'intérieur, il y a deux ou
trois ans, cette question d'une inadéquation flagrante entre les effectifs du
commissariat de Nevers et la montée de la délinquance dans cette même
circonscription, permettait de relever une grave iniquité au sein du
département de la Nièvre, iniquité lourde de conséquences. En effet, les
effectifs de police de la circonscription voisine de Cosne-sur-Loire étaient
égaux environ à la moitié de ceux de la circonscription de Nevers pour une
population quatre fois inférieure. Or, on constate aujourd'hui au vu des
résultats communiqués et rendus publics par les services du ministère de
l'intérieur, que la délinquance aurait baissé de 8,7 % dans la circonscription
de Cosne-sur-Loire alors que, dans le même temps, elle augmentait de 23 % dans
la circonscription de Nevers. Aussi, en fonction de ces résultats, il lui
demande d'envisager la possibilité de rééquilibrer les effectifs des deux
commissariats de Cosne-sur-Loire et de Nevers en prenant en compte des
résultats.
Le Directeur du service du compte rendu intégral, DOMINIQUE PLANCHON QUESTIONS ORALES REMISES À LA PRÉSIDENCE DU SÉNAT (Application des articles 76 à 78 du réglement)
Droit de vote
1278.
- 12 février 2002. -
M. André Rouvière
appelle l'attention de
M. le ministre de l'intérieur
sur un problème lié à la révision des listes électorales. En effet, il paraît
anormal que suite à des révisions de listes électorales, des citoyens rayés
d'une commune soient informés de cette décision seulement quelques jours avant
le jugement et après la clôture des inscriptions. De ce fait, ces personnes se
retrouvent dans l'impossibilité de s'inscrire sur une liste complémentaire et
donc de voter lors des prochaines élections. Aussi, il lui demande s'il ne
serait pas possible d'envisager d'inscrire ces citoyens sur des listes
complémentaires dans leur commune de résidence afin de leur permettre
d'accomplir un droit civique élémentaire auquel ils ont droit ?