SEANCE DU 14 FEVRIER 2002
M. le président.
L'amendement n° 5, présenté par M. Béteille, au nom de la commission, est
ainsi libellé :
« Dans le deuxième alinéa du texte proposé par le IV de l'article 4 pour
l'article 373-2-10 du code civil, après le mot : "médiateur" insérer le mot :
"familial". »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Laurent Béteille,
rapporteur.
La rédaction proposée par l'Assemblée nationale fait état
d'un « médiateur », puis d'un « médiateur familial agréé ».
La commission vous propose d'opter, dans l'ensemble du texte, pour
l'expression de « médiateur familial ». Elle souhaite ainsi souligner que le
médiateur doit être compétent dans le domaine du droit de la famille, qui est à
nul autre pareil. Il s'agit de rappeler que la médiation familiale nous paraît
utile.
En revanche, nous en reparlerons à l'occasion de l'examen de l'amendement n°
7, il ne nous semble pas nécessaire de parler de « médiateur familial agréé »
dans la mesure où je n'ai pas l'impression que les travaux de l'instance
présidée par Mme Sassier prévoient nécessairement un agrément à ce stade de la
réflexion.
L'amendement n° 5 et l'amendement n° 7 visent donc à retenir la formule de «
médiateur familial ».
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Ségolène Royal,
ministre déléguée.
Le Gouvernement est tout à fait favorable à cet
amendement.
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° 5, accepté par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
L'amendement n° 6, présenté par M. Béteille, au nom de la commission, est
ainsi libellé :
« Après le mot : "procéder", supprimer la fin du deuxième alinéa du texte
proposé par le IV de l'article 4 pour l'article 373-2-10 du code civil. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Laurent Béteille,
rapporteur.
Il s'agit ici d'un problème tout à fait délicat, qui a amené
nombre d'entre nous à réfléchir sur l'opportunité d'exclure le recours à la
médiation en cas de violences familiales.
En première lecture, nous avions supprimé cette restriction, estimant qu'il
convenait de laisser au juge le soin de trancher dans des circonstances aussi
graves. En effet, il nous paraît souhaitable de ne pas exclure
a priori
l'intervention d'un médiateur quand des violences, physiques ou morales, ont
été commises : il s'agit de décider si l'on fait confiance ou non à la
médiation, car si l'on prévoit qu'il ne sera fait appel au médiateur que pour
régler les situations les plus simples, on sera passé à côté de la
difficulté.
Je pense qu'une médiation bien conduite peut, y compris dans des cas
difficiles, permettre de dégager des solutions, et à défaut contribuer à
améliorer les relations. Cette démarche ne suffira peut-être pas, mais elle
peut marquer le début d'un apaisement des querelles et du conflit qui a abouti
à la rupture.
Par conséquent, si l'on considère que la médiation peut représenter une bonne
solution, il faut non pas limiter par avance son champ d'application, mais
laisser au juge la faculté d'apprécier, même en cas de violences familiales, si
elle peut être utile ou si elle est contre-indiquée.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Ségolène Royal,
ministre déléguée.
Il s'agit là en effet d'un point très délicat, qui a
donné lieu à des débats passionnés, notamment au sein de la délégation aux
droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes.
Faut-il supprimer la possibilité de recourir à la médiation familiale en cas
de violences conjugales ? Lorsque j'ai réformé cette procédure et que j'ai
installé le Conseil national de la médiation familiale, présidé par Mme Monique
Sassier, qui occupe des fonctions éminentes au sein de l'Union nationale des
associations familiales, j'ai bien insisté, auprès de l'ensemble des membres de
ce conseil formé de magistrat, d'avocats, de représentants des professions
juridiques, d'associations de femmes et d'associations familiales, sur le fait
que la médiation familiale est une démarche volontaire, qui suppose l'égalité
entre les personnes concernées. Je crois que nous étions tous d'accord sur ce
point.
Or il est vrai que les violences physiques ou morales, des rapports de force
trop intenses ou une trop grande inégalité entre les personnes constituent une
contre-indication au recours à la médiation. Dans ces situations,
l'intervention du juge et le rappel à la loi demeurent nécessaires, car il
serait illusoire de penser que tout peut se régler par la voie de la médiation.
En effet, il existe des conflits qui sont trop exacerbés pour permettre une
certaine sérénité des esprits, et le médiateur se trouve alors désarmé. Je
profite de cette discussion pour souligner qu'il paraît essentiel aujourd'hui
de changer le regard porté par la société sur les violences conjugales. En
effet, l'enquête nationale sur les violences commises à l'encontre des femmes a
permis de prendre la mesure d'un phénomène intolérable, plus largement répandu
qu'on ne le pensait. Il est donc important que les professionnels se penchent
avec beaucoup d'attention sur les cas de violences conjugales. Les formations
dispensées aux policiers, aux travailleurs sociaux ou aux magistrats prennent
d'ailleurs désormais en compte cette nécessité.
Cela étant, toutes les violences ne sont pas identiques. Ainsi, certaines
d'entre elles, liées à la séparation elle-même, peuvent ne pas faire obstacle à
la reprise du dialogue dans le cadre d'une médiation, le cas échéant après
sanction. Cela montre que l'on peut souhaiter que le juge puisse conserver la
possibilité de proposer de recourir à la médiation dans de telles situations. A
cet égard, je crois important de souligner que le texte, dans sa rédaction
actuelle, prévoit que le juge peut imposer non pas le recours à la médiation
familiale, mais la participation à une séance d'information sur celle-ci.
Puisque nous sommes en train d'améliorer les conditions d'exercice de la
fonction de médiateur, de créer un diplôme et également d'élaborer un code
éthique - telle est la mission du Conseil national de la médiation familiale
que j'ai mis en place - je pense que nous pouvons faire confiance à la
médiation familiale. Ce sujet suscite beaucoup d'émotion et nous recevons
actuellement de nombreux courriers de la part des associations de femmes,
notamment de celles d'entre elles qui traitent des violences conjugales.
Nous pouvons leur apporter deux éléments de réponse.
D'une part, comme je l'ai déjà indiqué, c'est non pas la médiation qui serait
rendue obligatoire, mais l'assistance à une séance d'information sur celle-ci.
Même en cas de violences conjugales, cette démarche peut permettre à des
adultes de se ressaisir. D'autre part, rien n'est pire, pour l'enfant, que la
survenue de violences entre ses parents, qui perdent alors de leur crédibilité
à ses yeux. Il est essentiel qu'un enfant puisse garder une image digne de ses
parents et que ceux-ci se séparent dans des conditions correctes. L'enfant, une
fois devenu adulte, devra avoir envie d'être lui aussi parent.
Par conséquent, tout ce qui peut permettre d'apaiser et d'aider les parents en
situation de violence conjugale va dans le bon sens. A partir du moment où je
crois en l'efficacité de la médiation familiale, je ne puis m'opposer à
l'amendement que vous avez présenté, monsieur le rapporteur, et je m'en
remettrai donc à la sagesse du Sénat.
J'ajouterai à l'intention des femmes qui, au sein tant de la délégation aux
droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes du
Sénat que de la délégation aux droits des femmes de l'Assemblée nationale, sont
très sensibilisées à ces questions que la réforme du divorce est également en
cours. La problématique des violences conjugales pourra être prise en compte
dans ce texte et la réflexion se poursuivre, alors que nous examinons
aujourd'hui une proposition de loi relative à l'autorité parentale qui ne vise
pas directement les conflits du couple, mais qui tend à poser et à établir les
indispensables règles devant régir l'exercice des responsabilités parentales.
Dans un esprit d'appel à la responsabilité des parents, je pense que nous
pouvons raisonnablement penser que le juge pourra en toute connaissance de
cause demander aux parents d'assister, même en cas de violences conjugales, à
une séance d'information sur la médiation.
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° 6, pour lequel le Gouvernement s'en remet à
la sagesse du Sénat.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
L'amendement n° 7, présenté par M. Béteille, au nom de la commission, est
ainsi libellé :
« Dans le dernier alinéa du texte proposé par le IV de l'article 4 pour
l'article 373-2-10 du code civil, après le mot : "familial", supprimer le mot :
"agréé". »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Laurent Béteille,
rapporteur.
L'expression : « médiateur familial agréé » ne recouvre pour
l'instant aucune réalité, pas davantage que les termes : « médiateur familial
diplômé », qui figuraient dans la rédaction initiale du texte.
Nous proposons donc d'en rester à l'appellation « médiateur familial ». Pour
le reste, il appartiendra au décret de définir ce que l'on attend de ce
médiateur.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Ségolène Royal,
ministre déléguée.
Favorable.
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° 7, accepté par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
L'amendement n° 8, présenté par M. Béteille, au nom de la commission, est
ainsi libellé :
« Après le mot : "mesure", supprimer la fin du dernier alinéa du texte proposé
par le IV de l'article 4 pour l'article 373-2-10 du code civil. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Laurent Béteille,
rapporteur.
Il s'agit, pour l'essentiel, d'un amendement rédactionnel.
Dans la mesure où le médiateur qui anime la séance d'information n'est pas
nécessairement celui qui assurera ultérieurement la médiation - plusieurs
couples pourront être regroupés pour une séance d'information commune - il
n'est pas opportun d'indiquer que le médiateur qui présente la médiation sera
ensuite appelé à procéder à celle-ci si les époux souhaitent recourir à cette
démarche.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Ségolène Royal,
ministre déléguée.
Favorable.
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° 8, accepté par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Je mets aux voix, modifié, le texte proposé pour l'article 373-2-10 du code
civil.
(Ce texte est adopté.)
ARTICLE 373-2-11 DU CODE CIVIL