SEANCE DU 17 JUILLET 2002
SOUTIEN À l'EMPLOI
DES JEUNES EN ENTREPRISE
Adoption d'un projet de loi déclaré d'urgence
M. le président.
L'ordre du jour appelle la discussion, après déclaration d'urgence, du projet
de loi (n° 351, 2001-2002) portant création d'un dispositif de soutien à
l'emploi des jeunes en entreprise. [Rapport n° 356 (2001-2002).]
Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.
M. François Fillon,
ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité.
Monsieur
le président, je voudrais d'abord vous remercier des paroles aimables que vous
venez de m'adresser et vous dire combien je suis honoré d'être le ministre
chargé de présenter au Sénat le premier texte correspondant aux engagements qui
ont été pris par le Président de la République et par la majorité parlementaire
à l'occasion des récentes élections.
Nous sortons en effet d'une élection révélatrice des tensions et des doutes
qui parcourent notre pays, d'où l'intensité des attentes et des espoirs. Cette
situation tendue résulte d'un essoufflement du modèle français, victime d'une
vision malthusienne du progrès peu propice au développement d'une croissance
durable, mieux partagée, irriguant l'ensemble de notre espace social, d'une
croissance délivrant l'esprit d'initiative, redonnant sens au dialogue social,
élargissant les perspectives de promotion professionnelle et salariale,
revalorisant les valeurs du travail, du mérite et de la responsabilité, d'une
croissance dénouant, en définitive, les noeuds de crispation qui enserrent
notre pacte économique et social, en minant au passage le socle républicain
lui-même.
La France a besoin de retrouver le chemin du mouvement et de la confiance :
confiance en elle-même, confiance en ses atouts, confiance en sa capacité à
surmonter les défis du xxie siècle, confiance en sa faculté à se moderniser
pour se réinventer.
Au coeur de ce défi, il y a la jeunesse. Parce qu'elle est disposée à prendre
des risques, à s'engager, à dépasser les pesanteurs structurelles et les
habitudes culturelles, c'est elle qui fait battre plus ou moins vite le coeur
de notre pays. A cet égard, c'est elle qui dessine le visage de la France.
Lorsque la jeunesse doute, la France broie du noir ; lorsqu'elle espère et
s'engage, alors la France se remet à croire en son étoile.
Cette jeunesse n'attend pas d'être idéalisée, assistée ou convoitée.
(M.
Alain Gournac approuve.)
Elle n'attend que deux choses : d'une part, qu'on
ne la berce pas d'illusions sur les réalités du monde contemporain, notamment
économique, au sein duquel elle est appelée à évoluer et à se battre ; d'autre
part, qu'on lui offre la possibilité d'exprimer sa détermination et de révéler
son énergie et ses talents.
Mesdames, messieurs les sénateurs, en soumettant à votre assemblée ce projet
de loi portant création d'un dispositif de soutien à l'emploi des jeunes en
entreprise, le Gouvernement obéit à une double conviction.
La première est que le combat pour le plein emploi suppose une stratégie à la
fois globale et ciblée : stratégie globale tenant à la baisse des charges qui
pèsent sur les entreprises, charges qui sont supérieures à la moyenne
européenne, et à un assouplissement négocié des 35 heures, permettant de
réconcilier la liberté des salariés et la compétitivité des entreprises ;
stratégie ciblée, tendant à une concentration de nos efforts sur des publics
précis, tels que les jeunes sans qualification, à qui il convient d'offrir une
perspective professionnelle. L'objectif est de remettre l'ascenseur social en
marche pour celles et ceux qui, à la sortie de l'adolescence, oscillent
dangereusement entre l'amertume et le décrochage.
Notre seconde conviction est que les forces de la croissance et du
développement de l'emploi se situent au premier chef dans l'entreprise. Il est
plus que temps de mettre à l'honneur toutes celles et tous ceux qui font
tourner le moteur économique de la France, qui entreprennent, créent des
richesses, élargissent les horizons de la croissance nationale. Il est temps de
réévaluer le rôle de la sphère économique privée et les valeurs de courage,
d'opiniâtreté et parfois même d'aventure qui l'animent. L'une des erreurs liées
au dispositif des emplois-jeunes est le détournement d'une partie de la
jeunesse - notamment celle qui, dotée d'une formation, pouvait légitimement
espérer se voir ouvrir les portes de l'entreprise ou se présenter aux concours
de la fonction publique -...
M. Alain Gournac.
Tout à fait !
M. François Fillon,
ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité.
... d'un
parcours professionnel sans doute plus exigeant, mais humainement plus
riche.
M. Alain Gournac.
Tout à fait !
M. Jean-Pierre Demerliat.
Mais bien sûr !
(Sourires sur les travées socialistes.)
M. François Fillon,
ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité.
Nous
estimons qu'il est dans l'intérêt de la jeunesse, de notre pays et de nos
entreprises de s'engager là où bat le coeur économique, là où les jeunes
peuvent faire valoir leur volonté de réussite, faire leurs armes, apprendre un
métier.
M. Didier Boulaud.
On va voir ça !
M. François Fillon,
ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité.
Relancer
l'ascenseur social en misant sur le dynamisme du monde de l'entreprise : voilà
la conviction complémentaire qui forge l'esprit de ce projet.
Lors de la campagne de l'élection présidentielle, Jacques Chirac s'était
engagé à répondre à l'urgence de la situation des jeunes au regard du marché du
travail. Le Gouvernement est fidèle à cet engagement et veut aller vite, car le
temps presse.
La situation s'est, en effet, fortement dégradée depuis un an. Le chômage des
jeunes s'est accru de 15 % entre mai 2001 et mai 2002, alors que, pour
l'ensemble des demandeurs d'emploi, la hausse s'est établie à 8 %. Parmi ces
jeunes, le taux de chômage est proportionnellement beaucoup plus élevé pour les
non-qualifiés ou les peu qualifiés : 33 % pour les premiers, 17 % pour les
seconds, ayant atteint le niveau du certificat d'aptitude professionnelle, le
CAP, ou du brevet d'études professionnelles, le BEP.
M. Jean-Pierre Demerliat.
C'est moins qu'en 1997 !
M. François Fillon,
ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité.
C'est
pour favoriser l'insertion professionnelle de ces derniers que le dispositif de
soutien a été conçu, et ce à partir de trois constats.
Premier constat : les entreprises n'embauchent pas naturellement les jeunes
sans qualification, qui sont placés, de façon quasiment systématique, au bout
de la file d'attente des demandeurs d'emploi.
Deuxième constat : les dispositifs existants - ils sont nombreux et, pour la
plupart, ont leurs mérites -, en particulier les dispositifs de formation en
alternance, ne touchent pas les jeunes les moins qualifiés, ceux qui se
trouvent en situation d'échec scolaire et que toute démarche préalable de
formation tend à écarter.
Troisième constat : l'insertion des jeunes sans qualification ou peu qualifiés
est caractérisée par des trajectoires précaires, discontinues, comportant
souvent des périodes de dénuement, lesquelles sont parfois le prélude à une
exclusion et à une marginalisation sociale.
Au regard de ces trois constats, largement partagés par les partenaires
sociaux qui ont eu l'occasion d'être sensibilisés et associés au cheminement de
notre projet, nous avons eu le souci d'élaborer un dispositif précis, attractif
pour l'entreprise et ambitieux pour le jeune salarié, et, enfin, opérationnel
et pragmatique.
Tout d'abord, le dispositif est précis quant au public visé.
A l'instant, j'ai cité quelques chiffres qui démontrent que les niveaux de
formation et de diplôme déterminent les conditions d'insertion dans le monde
professionnel. Alors que les trois quarts des jeunes sortis du système scolaire
en 1998 ont bénéficié durant les trois premières années de leur vie active d'un
emploi, les jeunes sans diplôme ou ayant un CAP ou un BEP ont passé au moins la
moitié de cette période au chômage. Dans cette même génération, les jeunes non
diplômés sont sept fois plus souvent au chômage que les jeunes diplômés de
niveau bac + 2.
Il existe donc une cassure nette entre les jeunes. C'est pourquoi ce
dispositif s'adresse aux jeunes âgés de seize à vingt-deux ans, sans
qualification ou avec une qualification de niveau V : CAP, BEP, niveau bac sans
le bac.
Le choix consistant à cibler un âge d'entrée précoce dans le dispositif, à
savoir seize ans, c'est-à-dire l'âge correspondant à la fin de la scolarité
obligatoire, vise à prévenir les conséquences des situations d'échec scolaire
et à encourager une insertion rapide de ceux qui sortent du système de
formation initiale sans diplôme et qui sont 60 000 chaque année. La limite
supérieure, fixée à vingt-deux ans, vise, quant à elle, à toucher les cohortes
les plus importantes dans le chômage des moins de vingt-cinq ans, puisque 40 %
des jeunes concernés ont entre vingt et un ans et vingt-deux ans.
Le champ resserré du dispositif présente un double avantage : il concentre
l'effort sur la population la plus exposée au chômage et limite,
a fortiori,
les risques de dérive et de détournement de l'aide qui auraient pu
apparaître si le dispositif avait été élargi à des jeunes plus âgés.
En phase de maturité, c'est-à-dire d'ici à trois ans, ce « contrat jeune en
entreprise » pourrait concerner près de 200 000 jeunes.
Nous avons également voulu que le dispositif soit attractif et ambitieux.
Il est attractif pour l'entreprise, car il lui offre la possibilité d'assurer
une embauche qui soit sans charges. L'aide de l'Etat compensera les charges
patronales, représentant le surcoût lié pour l'entreprise à l'embauche d'un
jeune. Au niveau du SMIC, cette aide prévue sur trois ans, qui sera dégressive
la troisième année, représentera 2 700 euros par an en plus des allégements
généraux de charges existants. Elle aboutira à supprimer quarante-cinq points
de cotisations patronales jusqu'à 1,3 SMIC. C'est donc, pour l'entreprise, une
incitation forte et une opportunité pour rajeunir ses effectifs et anticiper,
le cas échéant, des difficultés de recrutement.
Le dispositif est ambitieux pour le jeune, car il garantit une insertion
durable permettant à celui-ci, par le biais d'un contrat à durée
indéterminée,...
M. Alain Gournac.
A durée indéterminée, en effet !
M. Didier Boulaud.
Il ne va pas être content le baron !
M. François Fillon,
ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité.
... de
trouver ses marques, d'apprendre le métier, de s'épanouir et, dès lors - du
moins nous pouvons légitimement l'escompter -, de se rendre, sur le long terme,
indispensable à l'entreprise. Articuler notre dispositif sur une embauche en
CDI, ou contrat à durée indéterminée, cette disposition, nous l'avons mûrement
réfléchie, nous l'avons précisément voulue ! En effet, pour ces jeunes, nous
recherchons la stabilité, qui est à la source d'une insertion professionnelle
réussie. En adoptant ce dispositif, l'entreprise fera un choix prospectif qui
ne sera pas exclusivement guidé par le bénéfice de l'exonération de charges.
M. Claude Domeizel.
Mais si, mais si !
M. François Fillon,
ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité.
Là
encore, c'est le gage que les effets d'aubaine seront limités.
(Exclamations sur plusieurs travées du groupe communiste républicain et
citoyen.)
Parce que le mécanisme prévu vise un public singulier et parce qu'il respecte
le principe d'une insertion sur la durée, nous n'avons pas estimé nécessaire
d'imposer des clauses de formation obligatoire. C'est un choix opérationnel et
pragmatique.
Il faut bien comprendre que les jeunes auxquels le dispositif s'adresse ne
souhaitent pas ou ne peuvent pas s'engager immédiatement dans une démarche de
formation.
M. Claude Domeizel.
C'est vous qui le dites !
M. François Fillon,
ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité.
Ils sont
souvent en situation d'échec scolaire, se détournent des formations qu'ils
jugent - à tort ou à raison - décalées par rapport à leurs attentes immédiates.
L'insertion dans l'entreprise nous apparaît donc comme le moyen privilégié
d'assurer leur socialisation et leur entrée dans la vie active, pour ne pas
dire dans leur vie d'adulte. Bénéficiant d'un contrat de travail et d'une
rémunération au moins égale au SMIC, ils verront s'engager le processus de
reconnaissance et de responsabilisation dont ils sont en quête.
Une fois l'insertion réalisée, ils pourront revenir à une démarche de
formation continue au sein de leur entreprise - comme n'importe quel salarié de
l'entreprise, ils bénéficient du plan de formation - ou, le cas échéant, de
formation en alternance qui pourra prendre la forme d'un contrat de
qualification, voire d'un contrat d'apprentissage. Les intéressés pourront à
tout moment faire ce choix, sans préavis. Le projet de loi prévoit
explicitement cette possibilité.
Par ailleurs, le dispositif renvoie aux branches professionnelles le soin de
négocier une reconnaissance des acquis de l'expérience liés à leur parcours
professionnel dans l'entreprise. Ces jeunes bénéficieront ainsi d'une
validation de leurs acquis, sous la forme et selon les modalités qui seront
retenues par les partenaires sociaux au niveau des branches
professionnelles.
Ce choix opérationnel que nous avons privilégié ne remet pas en cause les
mécanismes de formation en alternance existants. Le Gouvernement est soucieux
de ne pas déstabiliser la formation en alternance, qui constitue une filière
d'insertion qualifiante particulièrement précieuse. Vous noterez d'ailleurs que
le coût horaire d'un contrat de qualification reste inférieur au nouveau
dispositif, sauf, il est vrai, pour les contrats de qualification destinés aux
jeunes âgés de plus de vingt et un ans. L'utilisation des contrats en
alternance résulte souvent de cultures de branches et d'entreprises fortement
ancrées, que l'arrivée du contrat jeune n'est pas susceptible de remettre en
cause, même si, dans la pratique, il est souhaitable qu'une articulation
s'opère entre les différents dispositifs.
L'existence de ce dispositif de soutien à l'embauche des jeunes ne doit
nullement porter préjudice aux initiatives que pourraient prendre les
partenaires sociaux dans le domaine de la formation en alternance, afin d'en
rénover les mécanismes et d'en renforcer l'attractivité. De même, le dispositif
que le Gouvernement propose aujourd'hui peut sans doute être complété, si
nécessaire, au niveau des entreprises par des modalités de mise en oeuvre que
pourraient décider les partenaires sociaux, comme le tutorat.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, vous aurez saisi
l'essence de notre ambition : donner un coup d'accélérateur à la politique
d'insertion des jeunes, cette insertion étant orientée vers le secteur privé,
qu'il soit économique ou associatif. Nous parions sur l'alliance d'une jeunesse
en quête de reconnaissance et d'un monde du travail ouvert par nature à celles
et à ceux qui sont prêts à se retrousser les manches.
La confiance d'une nation dépend du degré d'engagement de la jeunesse et donc
de la nature des perspectives qui lui sont offertes. Pour cette jeunesse qui
doit surmonter ses doutes et délivrer le meilleur d'elle-même, j'ai l'honneur
de soumettre à votre assemblée ce projet de loi.
(Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR, de l'Union centriste
et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du
RDSE.).
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Louis Souvet,
rapporteur de la commission des affaires sociales.
Monsieur le ministre,
je préciserai d'emblée que le Sénat est sensible à l'honneur qui lui est fait
de débattre en premier de cette réforme.
Le projet de loi que nous examinons aujourd'hui est important, à plus d'un
titre.
Il répond, d'abord, à un engagement fort du Président de la République, pris
lors de la campagne pour l'élection présidentielle, réitéré lors de la campagne
pour les élections législatives, et bien évidemment repris et précisé par le
Premier ministre lors de sa récente déclaration de politique générale.
Ce projet de loi répond, ensuite, à une évidente carence de nos politiques
d'insertion. Malgré la diversité des dispositifs proposés, il n'existe
aujourd'hui aucune mesure de soutien favorisant l'accès direct à l'entreprise
des jeunes les moins qualifiés, dès leur sortie du système éducatif, dans le
cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée, gage d'une insertion dans
la durée.
Ce projet de loi répond, enfin, à une urgence, car le chômage des jeunes a
beaucoup progressé depuis un an. En effet, leur taux de chômage est désormais
deux fois plus élevé que la moyenne nationale.
Le Gouvernement a fait le choix d'agir à la fois rapidement et fortement. Il
nous présente aujourd'hui un ambitieux dispositif de soutien à l'emploi en
entreprise des jeunes les moins qualifiés. Ce dispositif tend à exonérer leurs
employeurs des cotisations et contributions sociales patronales de toutes
natures.
La commission des affaires sociales souscrit pleinement à cette démarche, qui
concilie insertion professionnelle durable et allégement massif du coût du
travail. Elle l'appelait de ses voeux depuis de nombreuses années.
Je ne m'attarderai pas ici sur le contexte. Je vous renvoie à mon rapport
écrit et aux propros que j'avais tenus en 1993, lors de mon rapport sur la loi
quinquennale relative au travail, à l'emploi et à la formation
professionnelle.
Je tiens tout de même à insister sur deux points qui me paraissent
fondamentaux.
Il faut d'abord rappeler l'extrême vulnérabilité des jeunes les moins
qualifiés. Les jeunes sans diplôme subissent aujourd'hui un taux de chômage de
32 %. Chaque année, quelque 60 000 jeunes sortent de l'école sans diplôme.
Cette situation est d'autant plus préoccupante que ses conséquences sont
graves. Un chômage précoce et souvent durable est en effet très déstructurant
pour les jeunes les plus fragiles. Cela risque de les enfermer dans une spirale
de l'échec, faite d'une succession de périodes de chômage ou de sous-emploi. Ce
n'est pas ce que nous voulons pour nos enfants.
Ma deuxième remarque concerne les dispositifs d'insertion. C'est vrai qu'ils
existent : ils concernent même près d'un million de jeunes. C'est vrai aussi
qu'ils ont leurs mérites. Mais je considère qu'ils sont inadaptés à un double
titre : ils ignorent le plus souvent les jeunes les plus en difficulté et ils
restent principalement orientés vers le secteur non marchand. Je constate
d'ailleurs que ces deux traits saillants se sont, hélas !, encore accentués,
ces dernières années, notamment sous l'effet du programme « emplois-jeunes ».
Il y a donc à la fois une urgence et une faille. C'est à cette faille et à
cette urgence que ce projet de loi veut apporter une réponse.
La logique de ce texte est claire et, monsieur le ministre, vous venez de
l'exposer fort bien : ce projet de loi vise à favoriser l'embauche des jeunes
les moins qualifiés dans le secteur privé et sur des emplois durables de droit
commun, grâce à une exonération totale des charges sociales patronales.
Ce projet de loi présente quatre particularités par rapport aux autres
dispositifs d'insertion.
Première particularité : la mesure vise les jeunes qui sont les plus en
difficulté. Sur ce point, les deux critères retenus me semblent pertinents. Le
choix de la tranche d'âge, seize ans à vingt-deux ans, permet d'offrir
immédiatement, dès leur sortie de l'école, une solution d'insertion aux jeunes
les plus en difficulté. Cela permet de prévenir très en amont le risque d'une
spirale de l'exclusion. De même, le choix des jeunes n'ayant pas le bac permet,
à l'évidence, de cibler la population la plus exposée au risque de chômage.
Deuxième particularité : il s'agit de contrats de travail à durée
indéterminée. Je me félicite de ce choix. L'embauche en CDI constitue en effet,
comme vous l'avez souligné, monsieur le ministre, un gage de stabilité pour les
jeunes. Il représente un « engagement de long terme » pour l'entreprise qui ne
peut être seulement motivée - cela me semble évident - par la perspective d'une
exonération de charges.
Troisième particularité : il s'agit d'emplois dans le secteur privé. Or ce
sont bien les entreprises, mais aussi les associations, qui créent des
emplois.
Dernière particularité : c'est une mesure véritablement incitative. Elle est
suffisamment attractive puisqu'elle équivaut à une exonération totale des
charges sociales patronales. Celle-ci devrait varier, en fonction de la
rémunération, de 2 700 euros à 3 500 euros par an. J'ajoute que sa
progressivité, dans la limite de 1,3 SMIC, devrait permettre d'éviter toute «
trappe à bas salaire ». Cette mesure est en outre suffisamment durable - trois
ans - pour laisser au jeune le temps de s'insérer dans l'entreprise.
Ces quatre particularités constituent, pour la commission, tout l'intérêt du
dispositif. Elles répondent à une double exigence : une exigence d'insertion,
pour faire en sorte que le jeune accède durablement au monde du travail, et une
exigence d'efficacité, pour faire en sorte que les entreprises utilisent ce
dispositif afin de créer de l'emploi.
Certaines voix se sont élevées, de manière d'ailleurs très mesurée, pour
émettre quelques réserves sur ce projet de loi. J'ai eu l'occasion d'aborder
cette question en détail, la semaine dernière, au cours des nombreuses
auditions des partenaires sociaux. Je crois pouvoir dire que ces auditions me
permettent, aujourd'hui, de relativiser très fortement ces réserves.
La première réserve concernait le risque d'effet d'aubaine. Certes, celui-ci
peut exister - pourquoi le nier ? - comme pour toute mesure d'aide à l'emploi.
Toutefois, il me semble minime en l'occurrence, compte tenu du public visé ; la
sévérité des conditions de qualification rend en effet très largement caduque
la thèse des effets d'aubaine : où est l'aubaine pour un employeur qui embauche
un jeune non qualifié alors qu'il va devoir investir pour accompagner ce jeune
dans l'emploi et lui assurer un contrat à durée indéterminée, avec tous les
droits qui s'y rapportent ? Sur ce point, le dispositif me paraît donc
suffisamment verrouillé.
La deuxième réserve portait sur une éventuelle « cannibalisation » des
formations en alternance. Cette crainte me paraît également infondée. Elle n'a
d'ailleurs guère été reprise par mes interlocuteurs, qui l'ont, pour la
plupart, minimisée. Il est vrai que les publics visés sont très différents. Il
est également vrai que, pour les entreprises qui la pratiquent, l'alternance
garde son attrait : elle demeure à la fois moins coûteuse, en termes de
rémunération, et moins longue, en termes de stabilité des contrats. Les deux
logiques sont donc bien distinctes.
La dernière réserve concernait l'absence de contenu en formation du
dispositif. Vous vous en êtes, monsieur le ministre, très longuement expliqué
devant la commission la semaine dernière et, voilà un instant, à cette
tribune.
J'ai été convaincu pour deux raisons.
D'abord, le dispositif s'adresse avant tout aux jeunes en situation d'échec
scolaire, fortement déstructurés et devenus rétifs à toute idée de formation.
Ce qui importe pour eux, c'est l'accès à l'emploi. Et c'est l'emploi qui
constitue alors la première formation.
Dès lors, l'introduction d'une formation obligatoire aurait été, pour eux,
inadaptée. La perspective d'une validation ultérieure de leurs acquis
professionnels me paraît plus appropriée. Pour ceux qui souhaitent poursuivre
immédiatement une formation, des solutions existent : c'est justement
l'alternance.
Ensuite, une fois recruté, le jeune devient un salarié comme les autres,...
M. Claude Domeizel.
Presque comme les autres !
M. Louis Souvet,
rapporteur.
... bénéficiant du même régime que tous ses collègues. C'est
un point fondamental, car cette formule évite toute stigmatisation du jeune,
comme cela aurait pu être le cas si on avait choisi de créer un nouveau
contrat-jeunes.
Introduire une formation obligatoire aurait fragilisé cet équilibre, en posant
une première forme de discrimination. De toute façon, l'employeur aura tout
intérêt à former ce jeune, qui pourra, bien évidemment, accéder à la formation
dans les conditions de droit commun.
Il apparaît alors souhaitable de renvoyer à des négociations entre les
partenaires sociaux le soin de déterminer les conditions d'accès à la
formation, à l'image de ce que prévoit le projet de loi en matière de
validation des acquis.
Cette question de la formation pose, en définitive, moins la question du
contenu du dispositif que celle, plus globale, de la réforme de notre système
de formation professionnelle. Chacun en connaît les limites, notamment pour les
jeunes non qualifiés, qui n'accèdent que trop rarement à la formation. Je crois
donc que c'est dans le cadre de la négociation interprofessionnelle sur la
formation, qui devrait bientôt reprendre, que cette question doit être
examinée.
Vous l'aurez compris, mes chers collègues, la commission approuve très
largement le dispositif proposé. Elle n'a donc pas souhaité le modifier en
profondeur.
Au demeurant, elle considère qu'il existe une marge d'amélioration à un double
niveau.
Il lui semble d'abord souhaitable de renforcer la portée du dispositif afin de
maximiser ses effets sur l'emploi.
Sur ce point, la commission vous propose notamment d'adopter trois
amendements.
Le premier vise à étendre la mesure à toutes les entreprises. Je vous rappelle
que le projet de loi ne concerne que les établissements employant au plus 250
salariés.
Une telle extension nous apparaît à la fois réaliste et nécessaire.
Elle est réaliste, car je crois avoir démontré l'extrême fragilité de
l'hypothèse d'un éventuel effet d'aubaine.
Elle est nécessaire, car ce qui importe avant tout, c'est le jeune et non
l'entreprise. C'est pour le jeune que ce projet de loi a été envisagé, et je ne
crois pas qu'il faille fermer à celui-ci de nouvelles portes.
Le deuxième amendement tend à consolider la sécurité juridique du dispositif.
En effet, si la mesure proposée vise effectivement à exonérer l'employeur de
ses charges sociales, la solution retenue par le projet de loi n'est pas, au
sens strict, une exonération : il s'agit en réalité, dans un souci de
simplicité, d'un soutien de l'Etat équivalant, pour l'employeur, à une telle
exonération. Il est donc nécessaire d'apporter cette précision.
Le troisième amendement concerne les PME. La commission a souhaité desserrer
un possible frein à l'appropriation du dispositif par les PME. Elle vous
proposera donc de « neutraliser » temporairement l'effet de seuil d'effectif en
ne comptabilisant pas le jeune pendant deux ans pour le calcul des effectifs de
l'entreprise.
M. Didier Boulaud.
C'est scandaleux !
M. Louis Souvet,
rapporteur.
Certes, la commission a bien conscience qu'une telle
proposition introduit un nouveau « particularisme » après le précédent que
constitue la possibilité pour le jeune d'une rupture sans préavis.
Mais nous pensons qu'il faut, là encore, être réalistes car les répercussions
financières d'un franchissement de seuil lié à l'embauche du jeune - laquelle
ferait passer, par exemple, les effectifs de neuf à dix salariés - risquent
d'être très dissuasives dans la mesure où elles pourraient même absorber - et
bien au-delà - le bénéfice de la mesure, ce qui serait, vous en conviendrez,
paradoxal !
La seconde possibilité d'amélioration réside, à mon sens, dans les
perspectives d'insertion professionnelle du jeune. La commission des affaires
sociales croit possible de les favoriser davantage de trois manières : d'abord,
en encadrant la possibilité de recours au temps partiel, en le limitant à au
moins un mi-temps, car il ne s'agit pas en l'occurrence d'encourager quelque «
petit boulot » ; ensuite, en favorisant la mise en place, sur l'initiative des
partenaires sociaux, d'un accompagnement du jeune dans l'entreprise ; enfin, là
encore sur l'initiative des partenaires sociaux, en facilitant l'accès du jeune
au bilan de compétences.
Telles sont, mes chers collègues, les principales modifications que la
commission des affaires sociales vous proposera d'adopter. Elles ne changent
pas l'équilibre du texte, mais en prolongent plutôt la logique.
J'ai la conviction que c'est dans cette logique, dans cette volonté d'offrir
une « deuxième chance » aux jeunes les plus en difficulté que réside tout
l'intérêt du projet de loi.
M. Nicolas About,
président de la commission des affaires sociales.
C'est vrai !
M. Louis Souvet,
rapporteur.
Voilà pourquoi la commission vous demandera de l'adopter
ainsi amendé.
(Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et
Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du
RDSE.)
M. le président.
J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la
conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour
cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République, 30 minutes ;
Groupe socialiste, 27 minutes ;
Groupe de l'Union centriste, 19 minutes ;
Groupe des Républicains et Indépendants, 16 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 11 minutes ;
Groupe du Rassemblement démocratique et social européen, 10 minutes ;
Réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe,
7 minutes.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Bernard Joly.
M. Bernard Joly.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, si l'on
excepte la déclaration de politique générale, voici donc le premier texte du
nouveau gouvernement que nous examinons aujourd'hui en séance publique. Il me
semble significatif qu'il porte sur les jeunes après la part active que ceux-ci
ont prise au rejet des extrêmes dès l'annonce des résultats du premier tour des
élections présidentielles. Ils ont démontré qu'ils s'engageaient pour infléchir
l'avenir de leur pays ; il est donc normal que le Parlement prenne des mesures
leur assurant une meilleure entrée dans la vie active.
M. Emmanuel Hamel.
Très bien !
M. Bernard Joly.
Certes, il convenait d'agir dans les plus brefs délais afin que les
dispositions proposées puissent entrer en vigueur dès ce mois de juillet. Mais,
si l'urgence s'imposait, n'aurait-on pu prévoir au minimum vingt-quatre heures
entre le dépôt du rapport de la commission des affaires sociales et la séance
au cours de laquelle ses conclusions seraient débattues ? Il y a toujours des
enseignements à tirer des orientations tracées et des observations formulées
par les commissions saisies au fond.
La proportion des jeunes sans diplôme inscrits à l'ANPE est trop importante.
En outre, et c'est un réel paradoxe, leur vie active commence par une période
de chômage.
Avoir entre seize et vingt-deux ans sans avoir atteint le niveau du
baccalauréat, en étant titulaire au mieux d'un CAP ou d'un BEP est synonyme de
situation précaire et d'insertion hypothétique. Or, ces dernières années, cette
population n'a pas fait l'objet d'attention particulière, à l'inverse de jeunes
au parcours universitaire mal adapté ou inachevé, intégrés dans le secteur
associatif ou public sans véritable utilité.
Le dispositif annoncé conduirait près de 300 000 jeunes à une activité
qualifiante au terme de trois ans. Il complète les formations en alternance ou
professionnelles plus ciblées.
L'intérêt de la démarche s'impose parce que cette dernière dépasse la simple
embauche, qui porte en elle son terme si rien ne s'y ajoute. Toutefois,
j'aurais aimé que la contrepartie des allégements de charges soit assortie d'un
engagement clair de qualification.
(Très bien ! sur plusieurs travées socialistes.)
Il ne s'agit pas d'imposer, d'encadrer de façon rigide une décision libre
prise par une entreprise. Toutefois, il convient d'éviter les écueils
antérieurs.
M. Didier Boulaud.
Très bien !
M. Bernard Joly.
Les chiffres montrent que le précédent traitement du chômage des jeunes a été
inopérant puisque nous sommes de nouveau confrontés au même problème.
M. Gilbert Chabroux.
Très bien !
M. Bernard Joly.
Son inefficacité tient pour beaucoup au fait que la formation concomitante à
l'activité nouvelle ait été occultée. A cet égard, l'article 2 du texte qui
nous est soumis aurait pu être plus précis.
M. Didier Boulaud.
On verra les résultats !
M. Bernard Joly.
Il faut considérer que la population à qui vont s'adresser ces contrats est
constituée de jeunes en situation d'échec, sortis prématurément du système
scolaire et qui n'ont pu bénéficier de post-formations. L'embauche, en soi,
constitue une réponse temporaire, différée en quelque sorte du traitement de
fond du problème existant.
Certains sont totalement hostiles à un retour déguisé à un encadrement
éducatif ; mais ne pourrait-on, de façon pragmatique, délivrer un savoir-faire
dont la validation à terme valoriserait le parcours accompli ? Il faut faire en
sorte que ce travail non qualifié initial se résorbe et saisir l'opportunité de
l'encadrement professionnel.
L'augmentation notable du chômage des jeunes au cours des douze derniers mois,
tout comme la proportion de sans-diplôme inscrits à l'ANPE prouvent
l'inadéquation de notre système scolaire, ce qui n'est pas une nouveauté ! Que
tout le monde ne soit pas destiné au même type d'enseignement se conçoit, mais
que l'on enregistre des chiffres aussi alarmants d'élèves n'ayant pu acquérir
une formation quelle qu'elle soit ne laisse pas d'être inquiétant.
En décembre 1997, la direction de l'évaluation et de la prospective de
l'éducation nationale, instance peu suspecte de complaisance avec qui que ce
soit, estimait que 62 % des enfants qui entraient en sixième ne pouvaient
comprendre les consignes contenues dans un texte simple. La situation ne s'est
pas améliorée depuis cette date, c'est-à-dire au cours des cinq dernières
années.
Comment peut-on envisager d'autres apprentissages lorsque les acquis
fondamentaux ne sont pas fixés ? Il n'y a aucune fatalité en la matière ; il
faut revoir seulement les méthodes.
Après la famille et l'école, l'entreprise peut être le lieu d'une transmission
de connaissances. Il y va d'une forme de solidarité sociale. Ce texte devra
donc permettre de casser l'enchaînement des « petits boulots », peu porteurs de
réalisation personnelle et d'insertion.
(Applaudissements sur les travées du RDSE, de l'Union centriste, du RPR et des
Républicains et Indépendants.)
M. le président.
La parole est à M. Roland Muzeau.
M. Roland Muzeau.
Le chômage des jeunes et les difficultés particulières d'insertion de ceux
dont le niveau de formation est faible ne doivent pas être prétextes à
polémique. Ils nécessitent de sérieuses observations et des mesures à la
hauteur des besoins.
Alors que la première intervention du gouvernement de gauche en faveur de
l'emploi des jeunes avait consisté à lancer le plan emplois-jeunes, le
gouvernement, auquel vous appartenez, monsieur le ministre, a choisi comme
première mesure la mise en place, dans le secteur marchand, d'un nouveau
contrat exonéré de charges sociales réservé aux jeunes sans formation.
M. Jean Chérioux.
Eh oui !
M. Roland Muzeau.
La presse n'a pas manqué de relever ce symbole. En intitulant l'un de ses
articles « Les contrats-jeunes contre les emplois-jeunes », le journal
Libération
du 10 juillet dernier donnait bien le ton. Mais l'important
est de savoir qui, des jeunes ou des entreprises, bénéficiera le plus des
décisions envisagées.
Considérant, par pur dogmatisme, que seuls les emplois créés dans le secteur
marchand ou susceptibles d'y entrer engendrent des richesses et de la
croissance, la droite s'est farouchement opposée à ce que l'Etat « aide »
l'emploi dans la sphère publique ou associative.
Vous ne cessez de prôner la mise en place d'une société libérale où l'Etat
intervient le moins possible dans l'économie mais, parallèlement, vous soutenez
pleinement les demandes du MEDEF en vue de l'octroi de nouvelles aides
publiques, directes ou indirectes.
M. Jean Chérioux.
C'est usé tout cela !
M. Roland Muzeau.
Aujourd'hui, vous condamnez les emplois-jeunes.
Vous avez confirmé, monsieur le ministre, qu'il n'était pas question de
pérenniser les aides, notamment pour les collectivités locales.
Le plan de consolidation présenté par Mme Guigou, que nous ne jugions pourtant
pas à la hauteur des attentes, ne sera donc pas honoré. Les personnes qui ont
effectivement réussi à faire la preuve de l'utilité sociale des nouveaux
métiers qu'elles ont contribué à faire émerger se voient refuser la
concrétisation de l'emploi qu'elles attendaient.
M. Jean Chérioux.
Lequel ?
M. Roland Muzeau.
Comment un gouvernement qui place en tête de ses priorités la sécurité et
fonde la relance de la démocratie locale sur la proximité, peut-il, faute d'un
soutien financier
ad hoc
aux collectivités locales, laisser supprimer
des dizaines de milliers d'emplois publics et associatifs, notamment dans les
quartiers difficiles ?
M. Robert Calmejane.
Et vous, qu'aviez-vous prévu ?
M. Roland Muzeau.
Que va-t-il advenir de l'autre volet du plan de consolidation visant à assurer
un avenir professionnel aux jeunes par des actions de formation et de
validation des acquis de leur expérience ?
Enfin, l'objectif premier de ce gouvernement étant de diminuer le nombre de
fonctionnaires, dans l'éducation nationale par exemple, qu'en sera-t-il des
passerelles vers un emploi durable et statutaire pour les 70 000
aides-éducateurs ? Aucune ouverture de crédits n'étant inscrite dans le projet
de loi de finances rectificative pour 2002, cela se ferait, expliquez-vous, par
redéploiements au sein du budget du travail et de l'emploi. Sur quels postes
alors, en dehors des emplois-jeunes, envisagez-vous de faire des économies pour
compenser les exonérations de cotisations sociales que vous consentez ?
Quelles qu'aient été les réserves - réserves fondées - que nous avions
exprimées lors du lancement du programme « nouveaux services, nouveaux emplois
», qu'il s'agisse du salaire, du droit à la formation, de la nécessaire
reconnaissance des qualifications ou de la nature hybride de ces emplois non
statutaires, il convient de constater que de nouveaux métiers d'utilité sociale
ont bel et bien été créés et que le retour à l'emploi des jeunes est réel.
M. Jean Chérioux.
Pour quel coût ?
M. Roland Muzeau.
Selon une étude du ministère de l'emploi et de la solidarité - premières
informations et premières synthèses - de janvier 2002, près de sept jeunes sur
dix sortis prématurément du dispositif ont un emploi et 30 % travaillent dans
une entreprise privée.
Surtout, la logique de ce programme - logique non pas d'abaissement du coût du
travail ou d'insertion mais de développement de l'emploi - nous paraissait
intéressante dans la mesure où elle renvoyait à l'idée que le « sur-chômage »
des jeunes était dû à l'insuffisance d'emplois et non, comme vous l'affirmez, à
un coût du travail trop élevé. En 1997, un des plus farouches détracteurs des
emplois-jeunes dans cette assemblée, notre collègue Alain Gournac, reprochait
au Gouvernement d'« assister arbitrairement une classe d'âge ». Que vaut
aujourd'hui ce genre d'argument ?
Que les choses soient claires : face au libéralisme, les sénateurs communistes
soutiennent le principe d'une intervention législative en faveur de l'emploi et
contre les licenciements. L'acuité du problème du chômage des jeunes appelle
des mesures ciblées, volontaristes, couplées à une politique économique active.
Vous ne proposez rien de tel.
Une enquête du CEREQ, le centre d'études et de recherches sur les
qualifications, nous apprend que les jeunes sortis de formation initiale en
1998 ont globalement bénéficié de l'embellie économique mais que les disparités
par niveau de formation se sont accentuées. Cela confirme, s'il en était encore
besoin, le poids du niveau de formation sur les trajectoires d'insertion dans
la vie active. Au bout de trois ans de vie active, 70 % des jeunes de niveau
CAP ou BEP ne travaillent pas !
La dernière enquête emploi de l'INSEE, qui date de mars 2002, confirme la
remontée du chômage, situation qui accroît les risques d'exclusion durable du
marché du travail des moins qualifiés. Le chômage des plus diplômés augmente,
quant à lui, pour la première fois depuis 1998.
Dans ce contexte, il est légitime de s'interroger sur l'orientation des
politiques publiques : politiques d'insertion professionnelle et d'aides à
l'emploi.
Comme le souligne la Commission nationale pour l'autonomie des jeunes dans son
rapport d'avril 2002, « cette politique est devenue massive », non seulement en
termes de postes de dépenses, mais également en termes de jeunes concernés : «
Plus d'un jeune sur deux passe, dans les années suivant la sortie du système
scolaire, par au moins l'un des dispositifs d'insertion professionnelle ; 40 %
des seize - vingt-cinq ans en activité, soit plus de 1,1 million de jeunes,
bénéficient d'emplois aidés et des dispositifs généraux de la politique de
l'emploi, notamment les mesures d'allégement de cotisations sociales. »
Pourquoi ne pas avoir opté, monsieur le ministre, pour un diagnostic des
dispositifs existants ? Le panel est assez large. La piste de l'alternance sous
ses diverses formes aurait mérité d'être étudiée. Les différents contrats
auraient pu être corrigés et améliorés ; je pense, en particulier, au contrat
de qualification qui connaît un fort développement dans le secteur tertiaire et
permet d'acquérir une formation professionnelle ; puisqu'il est devenu un mode
de recrutement efficace des jeunes, pourquoi ne pas avoir cherché à le centrer
davantage sur les jeunes n'ayant pas le niveau V de formation ? Pourquoi ne pas
envisager d'intervenir pour réhausser leur rémunération au moins au niveau du
SMIC ? Pourquoi n'avoir pas, non plus, renforcé le programme TRACE, ou trajet
d'accès à l'emploi ?
Il est tout aussi normal de réfléchir aux perspectives d'avenir offertes aux
jeunes qui, chaque année, malgré l'accroissement de l'effort éducatif, quittent
le système scolaire en situation d'échec, c'est-à-dire sans diplôme ou
qualification.
L'enseignement preofessionnel mérite d'être revalorisé. La voie technologique
devrait, elle aussi, être rénovée. Le Gouvernement installera-t-il le lycée des
métiers ?
Les attentes des jeunes adultes, désireux de s'installer durablement sur le
marché du travail et d'acquérir ainsi leur autonomie, sont immenses et les
inquiétudes des familles bien réelles.
Devons-nous pour autant accepter une norme d'emploi à part,
a minima
et
tirant le monde du travail vers le bas ? La réponse est non.
Nous mesurons pleinement l'ampleur des décisions prises dans le passé, qui ont
certes conduit, en vingt ans, à enrichir la croissance en emplois, mais cela,
bien souvent, au prix d'une terrible précarité. C'est pourquoi nous ne
cautionnons pas la politique de faux-semblants qu'introduit ce texte et
qu'aggravent les amendements de la commission.
En instituant un type nouveau de contrat totalement exonéré de cotisations
sociales, c'est un signal fort que votre majorité de droite adresse, non aux
Français qui ont exprimé leur exaspération devant tant d'insécurité sociale,
mais aux entreprises, qui demandent, elles, toutes sortes d'allégements
financiers et la levée de diverses contraintes.
Après la déclaration de politique générale dans laquelle M. le Premier
ministre a fait des allégements de charges fiscales et sociales, ainsi que de
la « simplification » du code du travail en matière de licenciements
économiques et de RTT, la clef de voûte de sa stratégie pour le retour à
l'emploi, le MEDEF a applaudi des deux mains.
Les syndicats, eux, se sont montrés beaucoup plus réservés, voire inquiets, en
tout cas déçus du maigre programme du Gouvernement en faveur de l'emploi.
Pour la CGT, « s'il est nécessaire de prendre des mesures fortes en matière
d'intégration des jeunes non diplômés dans l'emploi, le choix de l'exonération
totale de cotisations sociales va accroître la concurrence avec les autres
jeunes et les salariés déjà les moins bien payés ».
La CFDT, quant à elle, évoque la « partie congrue » réservée à la politique de
l'emploi et déplore « la stratégie du Gouvernement reposant essentiellement sur
des recettes classiques de baisse des charges et des impôts ».
Le texte que vous nous présentez, monsieur le ministre, décline ce credo
libéral. Il a pour unique ambition d'abaisser le coût du travail des jeunes de
seize à vingt-deux ans afin de fournir à certains secteurs d'activité de la
main-d'oeuvre à bon marché.
(Protestations sur les travées du RPR.)
M. Jean Chérioux.
Dites carrément que nous encourageons l'esclavage !
M. Roland Muzeau.
Nous contestons la validité de nouveaux allégements des charges, qu'ils soient
généraux ou ciblés, tout simplement parce que nous connaissons les effets
néfastes des politiques qui ont déjà été menées en ce sens.
Vous n'apportez au débat aucun élément susceptible d'établir un lien de
causalité entre réduction du coût du travail et création d'emplois.
Jusqu'à présent, ces politiques ont eu notamment pour effet de substituer des
salariés à d'autres.
Le syndicat Force ouvrière estime à ce sujet qu'« il est contradictoire de
prôner le maintien des plus de cinquante ans dans l'emploi tout en proposant un
contrat jeune avec exonérations de charges... car les patrons vont licencier
les vieux et embaucher les jeunes ».
(Exactement ! sur les travées
socialistes.)
Vous passez sous silence les effets « collatéraux » des mesures d'allégement
de charges qui ont déstructuré le marché de l'emploi en « flexibilisant »
davantage encore les emplois non qualifiés. Pourtant, inverser la tendance à la
dégradation de la qualité de l'emploi est l'enjeu essentiel si nous voulons que
notre société renoue effectivement avec le plein emploi.
Le lien n'est plus à faire entre l'accentuation des politiques d'allégement de
cotisations patronales sur les bas salaires et les transformations de l'emploi
non qualifié, où les bas salaires sont nombreux.
Selon une enquête de l'INSEE datant de juillet 2001, non seulement l'emploi
non qualifié aurait retrouvé son niveau élevé d'il y a vingt ans, mais, de
surcroît, les salariés concernés concentrent sur eux de graves inégalités : ils
suivent moins souvent une formation au sein de leur entreprise que les autres ;
leurs perspectives d'accéder à un emploi qualifié sont plus faibles ; les
risques de chômage sont plus forts.
Pour beaucoup, l'essor de formes particulières d'emploi telles que l'intérim
ou le temps partiel est responsable de la paupérisation : c'est une situation
que connaissent déjà de nombreux jeunes.
L'amélioration générale du marché du travail passe par la relance de la
croissance, par une politique active en faveur des salaires et de la
consommation, mais également par un renforcement significatif de la formation
continue, formation tout au long de la vie.
Outre ces remarques, d'autres raisons, tant de forme que de fond, nous
conduisent à contester votre démarche.
Après le « couac » de la non-revalorisation du SMIC, vous avez fait l'économie
de la consultation, de l'avis des syndicats et des associations de chômeurs ;
vous les avez simplement, selon votre propre terme, « informés ».
M. Jean Chérioux.
Mais, vous, qu'avez-vous fait pendant cinq ans ?
Mme Nicole Borvo.
Beaucoup !
M. Jean Chérioux.
Un peu de modestie !
M. Didier Boulaud.
C'est la France d'en haut qui décide !
M. Roland Muzeau.
Au niveau parlementaire, le besoin d'entendre les partenaires sociaux est, lui
aussi, à géométrie variable. La commission n'a procédé à aucune audition. Et je
n'épiloguerai pas sur la procédure d'urgence, tant décriée il y a peu encore,
qui n'est pas propice à l'exercice démocratique.
Sur le fond maintenant, trois points du projet de loi ont tout
particulièrement attiré notre attention.
Il s'agit d'abord de la nature du contrat. Le texte fait référence au CDI.
C'est la seule chose positive
(Ah ! sur les travées du RPR)...
M. Jean Chérioux.
Mais c'est l'essentiel !
M. Roland Muzeau.
... mais le silence est bien lourd sur ce qu'il adviendra de ces salariés
après la fin de l'aide forfaitaire.
En acceptant d'expérimenter ce type de contrat, n'ouvre-t-on pas la porte au
développement de CDI à durée maximale, présentant l'avantage de délier
l'employeur des obligations attachées à la nature précaire du contrat à durée
déterminée, ou CDD ?
J'en viens à l'articulation de ces nouvelles exonérations avec les dispositifs
existants.
Les entreprises bénéficient déjà largement d'aides à l'emploi reposant sur les
exonérations de cotisations sociales à d'autres titres. Prévoyez-vous de fixer,
par voie réglementaire, une limite au cumul ? Prévoyez-vous un mécanisme de
reversement de l'aide si l'employeur ne remplit pas ses obligations ?
M. Didier Boulaud.
Sûrement pas !
M. Roland Muzeau.
Enfin, et c'est là aussi pour nous un grief majeur, aucune obligation de
formation ou d'accompagnement personnalisé n'est « finalisé. »
M. Alain Gournac.
Comme pour les emplois-jeunes !
M. Roland Muzeau.
Le titre du communiqué de presse de l'UPA concernant ce texte est explicite :
« La formation reste le meilleur passeport vers l'emploi. »
Monsieur le ministre, agir sur l'employabilité est nécessaire, mais l'avenir
de ces jeunes et leur liberté face à la recherche d'emploi passent par les
acquis de la formation. La seule validation de l'expérience, mesure contenue
d'ailleurs dans la loi de modernisation sociale, ne suffit pas.
Les syndicats comme les chefs d'entreprise évoquent les risques de conclusion
de contrat-jeunes sans garantie de formation. La CGPME considère à juste titre
que, dans sa forme actuelle, le dispositif crée une distorsion de concurrence
par rapport au contrat d'apprentissage et au contrat de qualification.
L'absence d'ambition de votre texte comme son orientation exclusive vers les
attentes financières des entreprises ne sauraient nous satisfaire. Nous sommes
d'autant plus sceptiques que la commission des affaires sociales, par les
amendements qu'elle propose, déverrouille complètement le dispositif sans que
l'on y gagne en efficacité en termes d'insertion durable des jeunes dans un
emploi justement rémunéré.
M. Didier Boulaud.
Eh oui !
M. Roland Muzeau.
Vous envisagez de permettre aux employeurs de ne pas inclure dans leurs
effectifs ces jeunes embauchés pendant les deux dernières années. C'est une
évolution grave du code du travail, car elle fait échapper les entreprises à
leurs obligations légales : délégués syndicaux, comités d'entreprise, comités
d'hygiène. Rappelons que cette disposition était un fondement des contrats
initiative-emploi, tant décriés, à juste titre.
M. Didier Boulaud.
Très bien !
M. Roland Muzeau.
Vous envisagez, d'autre part, de supprimer le maximum de 250 salariés pour le
bénéfice de ces exonérations sociales. L'argument sur les PME en difficulté n'a
pas résisté longtemps à l'appétit féroce et sans limite du MEDEF sur les
allégements de charges.
M. Didier Boulaud.
C'est le baron vorace !
M. Nicolas About,
président de la commission des affaires sociales.
Ah ! si vous n'aviez
pas le MEDEF !
M. Roland Muzeau.
Si la commission des affaires sociales est suivie par la majorité des
sénateurs, nous ne pourrons que nous opposer au projet de loi.
(Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et
citoyen, ainsi que sur les travées socialistes.)
Mme Nelly Olin.
Ça, ce n'est pas une surprise !
M. Nicolas About,
président de la commission des affaires sociales.
Vous vous y opposez
parce qu'il ne s'agit pas d'emplois précaires !
M. le président.
La parole est à M. Gilbert Chabroux.
M. Gilbert Chabroux.
Monsieur le ministre, par ce projet de loi, vous affichez une ambition, celle
de vous attaquer au problème récurrent du chômage des jeunes dans notre
pays.
Vous agissez d'ailleurs avec beaucoup de célérité puisque vous nous demandez
de débattre d'un dispositif qui devrait prendre effet rétroactivement le 1er
juillet. Nous entrons donc de plain-pied dans l'ère de la validation
législative !
Nous observons aussi que, dans votre hâte, vous avez omis de consulter les
partenaires sociaux. (M. le ministre fait une moue de désapprobation.)
Ou alors la consultation a été bien courte. Il serait plus juste de dire
qu'ils ont été simplement informés, comme cela avait été le cas pour la
revalorisation du SMIC sans coup de pouce.
M. Alain Gournac.
C'est comme cela que faisait Martine Aubry !
M. Jean Chérioux.
Et Mme Guigou !
M. Gilbert Chabroux.
On peut s'interroger, monsieur le ministre : tourneriez-vous déjà le dos au
dialogue social
(Protestations sur les travées du RPR)
et à la méthode préconisée par M.
Raffarin comme par le Président Chirac ?
Mme Nelly Olin.
Parlez-en à Mme Guigou du dialogue social ! Demandez-lui comment elle faisait
!
M. Alain Gournac.
Oui, parlez-en donc à Mmes Aubry et Guigou !
M. Gilbert Chabroux.
Moi, je me souviens encore de ce qui a été dit ici par M. Raffarin.
Cela vous vaut déjà, monsieur le ministre - mais ce n'est pas de notre part un
reproche - les critiques de M. Seillière.
(Protestations sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de
l'Union centriste.)
M. Jean Chérioux.
Et alors ?
M. Gilbert Chabroux.
Quand il peut servir à quelque chose, j'en fais usage !
Cela vous vaut donc, disais-je, les critiques de M. Seillière, qui regrette à
voix haute dans les médias de n'être pas l'inspirateur de ce texte.
M. Jean Chérioux.
Tant mieux !
M. Gilbert Chabroux.
Tant mieux ? C'est vraiment un cri du coeur !
M. Jean Chérioux.
Le MEDEF n'est pas l'inspirateur de ce texte !
M. Louis Souvet,
rapporteur.
Vous n'allez pas vous en plaindre !
M. Gilbert Chabroux.
Je ne m'en plains pas ! Je souhaiterais d'ailleurs avoir un plus grand nombre
d'occasions de citer M. Seillière dans le bon sens !
M. Didier Boulaud.
M. le baron !
Mme Nelly Olin.
Vous l'avez déjà cité !
M. Gilbert Chabroux.
Monsieur le ministre, vous connaissez fort bien tout ce qui a déjà été fait
pour combattre le chômage des jeunes, notamment depuis cinq ans. A ce propos,
je voudrais rétablir quelques vérités.
M. Didier Boulaud.
Absolument !
M. Alain Gournac.
Ah ! Enfin !
M. Gilbert Chabroux.
Le chômage des jeunes, qui s'élevait à 25 % en 1996,...
Mme Nelly Olin.
Et avant ?
M. Gilbert Chabroux.
... a été ramené à 20 % en mai 2002. De 25 % à 20 %, le chiffre est encore
très lourd, mais il représente un incontestable progrès dû essentiellement à
une politique volontariste en matière de croissance et au succès des
emplois-jeunes, qui ont permis un net enrichissement de la croissance en
emplois.
Mme Nelly Olin.
Ah oui, ça !...
M. Gilbert Chabroux.
Je crois qu'il ne faudrait pas l'oublier, et vous en savez quelque chose dans
vos collectivités !
(Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur celles du groupe
communiste républicain et citoyen. - Protestations sur les travées des
Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.)
Je voudrais saluer à cette occasion l'action des collectivités territoriales
et des élus de toutes sensibilités politiques qui, malgré les critiques ou les
réserves qui ont pu être émises ici ou là, ont appliqué ce dispositif avec
beaucoup d'efficacité au profit des jeunes. Ceux-là mêmes qui, sur ces travées,
avaient voté contre la loi...
M. Marcel-Pierre Cleach.
Ce n'est pas bien, cela !
(Sourires.)
M. Gilbert Chabroux.
Vous vous reconnaissez !
(Nouveaux sourires.)
... n'ont pas manqué de répondre à la demande de leurs administrés lorsqu'il
s'est agi de créer des emplois-jeunes dans leur collectivité.
M. Alain Gournac.
La loi, une fois votée, s'applique à tout le monde !
M. Gilbert Chabroux.
M. Gournac s'est reconnu !
M. Alain Gournac.
La loi est la même pour tout le monde !
M. Claude Estier.
Laissez parler l'opposition, mes chers collègues ! C'est insupportable !
M. le président.
Mes chers collègues, je vous en prie ! Seul M. Chabroux a la parole.
Poursuivez, monsieur Chabroux, mais ne provoquez pas !
M. Gilbert Chabroux.
Ce débat est intéressant, et permettez-moi de continuer ! Vous ne vous
étonnerez cependant pas que je pose comme préalable la question de l'avenir des
emplois-jeunes !
Dans les services de l'Etat, dans les collectivités territoriales, ce
dispositif est maintenant en phase de pérennisation pour ceux qui y sont entrés
depuis plusieurs années : de nombreux jeunes intègrent par la voie du concours
les différentes fonctions publiques, où ils viendront compenser pour partie les
départs à la retraite ; d'autres se dirigent vers le secteur privé, où ils font
valoir leur première expérience professionnelle.
La question est plus aiguë pour les emplois-jeunes dans le secteur associatif,
qui sont financés pour une part par les collectivités territoriales : que va
devenir la participation de l'Etat qui soutenait, jusqu'à présent, ces nouveaux
services à la population ?
M. Jean Chérioux.
Qu'aviez-vous envisagé, vous ?
M. Didier Boulaud.
Vous les envoyez à l'ANPE, vous !
M. Gilbert Chabroux.
Tous ces nouveaux services ne sont pas encore solvabilisés, loin s'en faut !
Pourtant, ils répondent à un réel besoin social.
Le Gouvernement a-t-il l'intention de poursuivre au moins la pérennisation des
emplois-jeunes ? Et, si oui, selon quelles modalités ?
M. Claude Estier.
C'est une très bonne question !
M. Didier Boulaud.
Très bien !
M. Gilbert Chabroux.
Pouvons-nous savoir clairement si, oui ou non, les contrats-jeunes dans le
secteur privé sont appelés à remplacer les emplois-jeunes dans le secteur
public et dans le secteur associatif, ce qui ne relève pas du tout de la même
philosophie ? Pour de nombreuses collectivités territoriales de tous bords, et
plus encore pour le mouvement associatif, qui représente des millions de
citoyens, cette question est cruciale !
Tous espéraient du gouvernement auquel vous appartenez des engagements précis.
Il serait en effet dommageable de détruire, pour des motifs idéologiques,...
M. Didier Boulaud.
Absolument !
M. Gilbert Chabroux.
... un système qui fonctionne.
Permettez-moi de vous demander, monsieur le ministre, le sens précis -
budgétaire, si l'on peut dire - de la déclaration que vous avez faite au
journal
Le Monde
le 11 juillet dernier. Qu'entendez-vous exactement par
: « veiller à l'insertion des jeunes concernés, mais aussi tenir compte des
nouveaux besoins apparus dans certaines associations » ? Est-ce à dire qu'un
tri sera réalisé - et alors par quelle instance ? - entre les associations qui
répondront à certains critères de votre choix et les autres ? J'appelle
l'attention de l'ensemble des élus sur le fait que les associations rejetées ne
manqueront pas de se tourner vers nous.
M. Nicolas About,
président de la commission des affaires sociales.
Nous leur rendrons des
comptes !
M. Gilbert Chabroux.
Nous aurons à assumer sur le terrain les difficultés que recontreront les
personnes directement concernées, mais aussi les conséquences économiques et
sociales de la suppression de telle ou telle activité. Mes chers collègues, ne
risquons-nous pas d'être, si vous me permettez l'expression, les dindons de la
farce ? En tant que représentants des collectivités territoriales, nous sommes
aussi très inquiets de votre annonce d'une suppression des aides directes : les
jeunes et leurs familles ne manqueront pas de vous demander pourquoi nous, élus
locaux, refusons aujourd'hui ce que nous acceptions hier, à savoir la création
de nouveaux services et de nouveaux emplois. C'est sans doute une manière
habile de la part du Gouvernement de se défausser sur les élus locaux,...
M. Didier Boulaud.
Très bien !
M. Alain Gournac.
Vous l'avez fait !
M. Jean-Guy Branger.
Et l'APA ?
M. Gilbert Chabroux.
... mais est-ce bien la méthode Raffarin que d'annoncer la concertation et le
partenariat et de prendre ensuite des mesures brutales unilatérales et
antisociales, sans aucun dialogue ?
M. Guy Fischer.
Bien sûr !
Mme Nelly Olin.
C'est faux !
M. Gilbert Chabroux.
Monsieur le ministre, avez-vous une telle confiance en vous et en la
croissance future que vous preniez le risque de supprimer un dispositif qui
fonctionne et qui permet à des jeunes d'acquérir une première expérience
professionnelle ?
M. Jean Chérioux.
Pseudo-professionnelle !
M. Gilbert Chabroux.
Votre nouveau dispositif, pour intéressant qu'il soit pour les jeunes non
diplômés, laisse en effet de côté, pour l'avenir, les jeunes titulaires du
baccalauréat ou d'un diplôme supérieur.
M. Alain Gournac.
Ah oui !
M. Gilbert Chabroux.
C'est une question ! Posez-la à ces jeunes, ils vous répondront !
Pour s'en tenir au texte de votre projet de loi, il est juste de reconnaître
que le problème des jeunes sans diplôme ni qualification demeure, quelles que
soient les solutions préconisées par les différents gouvernements qui se sont
succédé.
Les jeunes qui sont en situation d'échec dans le système scolaire ont ensuite
le plus grand mal à intégrer le monde du travail, c'est malheureusement une
constante, il serait donc tout à fait mal venu de notre part de vous faire un
procès d'intention sur ce point, puisque vous affichez d'entrée votre volonté
de vous attaquer à ce dossier extrêmement difficile.
Cela serait d'autant plus surprenant que votre dispositif - vous ne pouvez pas
l'ignorer, monsieur le ministre - n'est pas sans rappeler l'exo-jeunes, mesure
qui avait été mise en place en 1992 par Martine Aubry. Il s'agissait d'ailleurs
bien de CDI et non de CDD, contrairement à ce qui a été dit en commission.
Cette exonération n'a connu qu'une brève durée de vie. Elle a été supprimée
dès 1993...
M. Didier Boulaud.
Par Balladur !
M. Gilbert Chabroux.
... par le gouvernement d'Edouard Balladur, au profit du CIP, le contrat
d'insertion professionnelle.
M. Didier Boulaud.
Et avec quel succès !
M. Gilbert Chabroux.
Nous souvenons-nous du CIP,...
M. Didier Boulaud.
Ah oui !
Mme Nelly Olin.
Vous avez la mémoire sélective !
M. Gilbert Chabroux.
... qui fut plus que météorique, virtuel,...
M. Didier Boulaud.
Pas dans la rue !
M. Gilbert Chabroux.
... si ce n'est, effectivement, dans la rue ?
Mais il ne me semble pas nécessaire de revenir sur ce dernier épisode.
L'intérêt des jeunes commande plutôt que nous examinions de façon pragmatique
ce qui peut maintenant être fait pour eux, ce qui n'exclut pas de notre part
les questions, les remarques et les réserves.
Nous relevons deux points positifs importants dans le texte initial du projet
de loi : les contrats de travail seraient des contrats à durée
indéterminée...
M. Jean Chérioux.
Seront !
Mme Nelly Olin.
Oui, seront !
M. Gilbert Chabroux.
Attendons d'avoir voté !
... et ils seraient réservés aux établissements de moins de 250 salariés.
Il ne s'agit donc pas,
a priori,
d'un dispositif purement statistique
qui permettrait à des entreprises importantes de disposer d'un volant
supplémentaire de main-d'oeuvre précaire.
M. Jean Chérioux.
Ce n'est pas une catégorie d'emplois précaires !
M. Gilbert Chabroux.
Bien évidemment, votre intention de créer des emplois durables est combattue
par le MEDEF, par la voix de M. Seillière, qui croit judicieux de développer
systématiquement la précarité !
M. Jean Chérioux.
Encore !
M. Didier Boulaud.
Oui, encore le baron !
M. Gilbert Chabroux.
Il faut bien citer nos sources ! Il est pourtant primordial de donner à ces
jeunes des perspectives à moyen et long terme qui leur permettent de sortir de
la spirale de l'échec et de bâtir un projet de vie. Or l'emploi stable est l'un
des deux ou trois éléments fondateurs de l'insertion d'un jeune dans la
société, non seulement en ce qui concerne les règles de la vie quotidienne,
mais aussi pour l'acceptation du fonctionnement de notre vie démocratique.
Votre dispositif semble prendre ces données en considération. A nos yeux,
c'est un aspect positif, je n'hésite pas à le dire !
Mme Nelly Olin.
Très bien !
M. Gilbert Chabroux.
Par ailleurs, il se fonde exclusivement sur la croyance en l'efficacité des
exonérations de cotisations sociales pour créer des emplois, particulièrement
des emplois non qualifiés. Contrairement à vos plus zélés partisans, qui
disposent peut-être, contrairement au Premier ministre, d'un petit Livre bleu,
je n'adopterai pas de position théologique et définitive sur ce point.
La création d'emplois durables, surtout en direction de ces types de publics,
est une affaire complexe qui exige, en réalité, une synergie de moyens.
Certes, les exonérations de cotisations sociales jouent un rôle en la matière,
mais elles sont loin d'être les seules.
Notre seule certitude dans ce domaine est que les exonérations contribuent
grandement à abaisser, pour les entreprises, le coût du travail non qualifié,
mais conduisent à un transfert direct du financement de la protection sociale
sur les contribuables, donc sur les ménages. C'est un choix politique.
M. Claude Estier.
Absolument !
M. Gilbert Chabroux.
Il est, en revanche, beaucoup plus risqué de déterminer de manière chiffrée,
comme certains le font avec une sorte de frénésie, le rôle exact des
exonérations sur la création d'emplois.
Vous nous permettrez de penser que la croissance, moteur de l'investissement
des employeurs en moyens humains et matériels, joue certainement un rôle
beaucoup plus fondamental.
M. Guy Fischer.
Bien sûr !
M. Gilbert Chabroux.
Il en est de même de la formation initiale et continue, et j'y reviendrai.
Vous nous permettrez ainsi de vous rappeler que, s'agissant des jeunes sans
diplôme ni qualification, des dispositifs existent déjà, qui ont permis
d'obtenir des résultats. Il s'agit, bien sûr, du programme TRACE, qui offre à
70 % de ses bénéficiaires un débouché sur un emploi ou une formation en
alternance - avec, maintenant, une bourse d'accès à l'emploi pendant toute sa
durée -, sans oublier les contrats en alternance, les contrats d'orientation et
d'adaptation, les formations qualifiantes et préqualifiantes.
Les contrats de qualification attirent, quant à eux, un public déjà formé,
mais l'apprentissage et la formation sous statut scolaire en lycée
professionnel entrent très exactement dans le champ de votre contrat-jeunes.
Dès lors, plusieurs questions, qui ne sont pas minces et auxquelles vous
tiendrez sûrement à nous donner réponse, se posent : comment votre dispositif
s'insère-t-il dans l'existant ? Envisageriez-vous de supprimer le programme
TRACE, comme l'avait fait M. Balladur ?
J'appelle particulièrement votre attention sur ce point : le programme TRACE
permet à des jeunes en grande difficulté d'acquérir la formation de base qui
leur fait défaut et de réaliser une première insertion sociale. Le bénéfice
pour les entreprises est peut-être négligeable, mais il est important sur le
plan humain.
Il faut d'ailleurs rendre hommage aux salariés des missions locales, aux
éducateurs et aux formateurs, qui réalisent un travail remarquable. Il serait
dommage de casser cet outil sous prétexte qu'il n'apporte pas de profit
immédiatement mesurable sur un strict plan comptable, comme le veut l'air du
temps.
Que vont devenir les contrats de formation en alternance ? Il est regrettable
que les partenaires sociaux n'aient pas été consultés sur l'articulation entre
ces différents contrats.
Ce nouveau contrat-jeunes ne risque-t-il pas d'agir comme un « aspirateur »
sur les effectifs de l'apprentissage et de la formation en lycée professionnel
? La Confédération générale des petites et moyennes entreprises elle-même,
citée dans le journal
Libération
du 11 juillet et par M. Muzeau à
l'instant, redoute que « le contrat-jeune, dans sa forme actuelle, ne crée une
distorsion de concurrence avec les contrats d'apprentissage et de qualification
».
Cette remarque concerne essentiellement le créneau des jeunes de seize à
dix-huit ans qui entrent dans le champ d'application de votre texte.
Nous n'avons pas oublié non plus les cris d'alarme lancés par des proviseurs
quand ils s'aperçoivent que des jeunes quittent les établissements scolaires
quelques semaines avant l'examen final parce qu'ils ont été débauchés par des
employeurs.
M. Didier Boulaud.
Absolument !
MM. Guy Fischer et Roland Muzeau.
Peugeot, par exemple !
M. Gilbert Chabroux.
Cela compromet gravement l'avenir professionnel à long terme de ces jeunes.
Comment pourront-ils bien se reconvertir, comme ils devront immanquablement le
faire un jour, s'ils ne disposent pas d'une formation de base complète ?
L'intérêt immédiat de l'employeur ne doit pas supplanter l'intérêt à long
terme du jeune en formation.
(Très bien ! sur les travées socialistes, ainsi que sur celles du groupe
communiste républicain et citoyen.)
Nous redoutons cependant que le contrat-jeune n'aboutisse à ce résultat,
d'autant que ce dispositif ne comprend pas de volet « formation ». C'est une
très grave lacune, car il est à craindre que le jeune embauché ne soit ainsi
voué à un avenir de travail non qualifié, mal rémunéré, et ne courre le risque
non négligeable de retourner à la précarité s'il est licencié.
(M. Alain Gournac s'exclame.)
Vous prévoyez que les jeunes bénéficiaires de ce contrat-jeune auront accès à
la validation des acquis de l'expérience au bout de leurs trois années de
travail. Mais c'est vrai pour tous les salariés de droit privé. C'est vrai pour
tout le monde !
M. Alain Gournac.
Tant mieux pour eux !
M. Gilbert Chabroux.
Rien de spécifique n'est donc prévu pour ces jeunes de seize à vingt-deux ans
qui, plus que d'autres, ont besoin de soutien et de formation
professionnelle.
M. Alain Gournac.
Vous êtes des donneurs de leçons !
M. Gilbert Chabroux.
Par exemple, il n'est nulle part fait mention d'un crédit d'heures pour
acquérir cette formation.
En d'autres termes, après avoir rapporté à leur employeur, pendant trois ans,
une exonération totale, puis partielle, des cotisations sociales, ils ne
bénéficieront, en tout et pour tout, que du droit commun.
M. Nicolas About,
président de la commission des affaires sociales.
C'est un emploi de
droit commun !
M. Gilbert Chabroux.
Où est l'équilibre ? Où est la contrepartie ?
Le risque est réel que ces jeunes n'accomplissent durant toute leur vie
professionnelle des besognes non qualifiées, des tâches sans grandes
perspectives personnelles. Ils pourraient constituer une sorte de «
sous-salariat » exploité par le patronat, comme le fait observer la CGT.
M. Alain Gournac.
C'est mieux que de ne pas avoir de travail !
M. Gilbert Chabroux.
Il est vrai, monsieur le ministre - je vous le concède -, qu'ils peuvent être,
au départ, rétifs à l'idée d'une formation professionnelle obligatoire et trop
scolaire.
(Mme Nelly Olin proteste.)
Mais il y a bien d'autres méthodes, tel le tutorat, par exemple, qui permet
de transmettre des savoirs et d'aider, d'accompagner le jeune dans sa
progression.
En tout cas, les entreprises, elles, ne doivent pas être rétives. Il faut
qu'elles aient une véritable obligation de formation. C'est une contrepartie
nécessaire.
Je me demande s'il n'y a pas une grave contradiction interne au Gouvernement
entre, d'une part, les propos du Premier ministre qui, dans sa déclaration de
politique générale, avait mis en avant l'importance de la formation
professionnelle et proclamé que « la formation professionnelle est la condition
indispensable à l'accès d'un grand nombre de jeunes à la vie active »,...
M. Nicolas About,
président de la commission des affaires sociales.
Cela existe déjà dans
le droit du travail ! Ce sera mis en oeuvre !
Mme Nelly Olin.
Quel est le problème ?
M. Gilbert Chabroux.
... et, d'autre part, l'absence totale de contenu de ce projet de loi en la
matière.
Le divorce est prononcé, il est flagrant !
La remarque du nouveau secrétaire général de la CFDT, citée par
Les
Echos
du 9 juillet dernier, est à cet égard pertinente. Il disait : « On
court surtout le risque, faute d'un volet formation, de voir ces jeunes au
chômage dans trois ou quatre ans ».
M. Didier Boulaud.
Bien sûr !
M. Claude Domeizel.
Evidemment !
M. Gilbert Chabroux.
En effet, qu'adviendra-t-il d'eux lorsqu'ils cesseront de rapporter des
exonérations de cotisations sociales ? Ne risquent-ils pas d'être licenciés
sous un prétexte quelconque au terme des trois ans et remplacés par d'autres
jeunes ?
(Bien sûr ! sur les travées socialistes.)
M. Alain Gournac.
Il faudrait les laisser au chômage !
M. Gilbert Chabroux.
A cela s'ajoute le fait que l'employeur n'a, cette fois, rien à rembourser.
M. Nicolas About,
président de la commission des affaires sociales.
Pour les
emplois-jeunes, il rembourse !
M. Gilbert Chabroux.
La CFE-CGC insiste, elle aussi, sur l'obligation d'une formation qualifiante
afin d'éviter « les effets d'aubaine » - c'est elle qui le dit - et « la
stagnation des jeunes dans les emplois de basse qualification ».
(Exclamations sur les travées du RPR.)
Il ne s'agit pas de noircir le tableau !...
M. Jean Chérioux.
Si peu !
Mme Nelly Olin.
Il l'est bien assez avec l'héritage !
M. Gilbert Chabroux.
On peut néanmoins se poser un certain nombre de questions et il est
indispensable de prendre des précautions et d'apporter des garanties.
Monsieur le ministre, il semblerait que les dirigeants des petites entreprises
agissent en général avec plus de scrupules que les autres, mais, je le répète,
le dispositif du contrat-jeune n'est pas clair et pèche par ce que je
qualifierai d'« excès d'optimisme ».
Vous le voyez, monsieur le ministre, mon propos soulève de vraies
interrogations sur de vrais risques inhérents à tout dispositif de cet
ordre.
Ces questions portent sur l'articulation avec l'existant, l'efficacité par
rapport au coût, l'avenir des jeunes au-delà de la période de trois ans, leur
formation, l'inévitable effet d'aubaine, et elles appellent de votre part des
réponses.
Nous prenons acte, en l'état actuel du projet de loi, de la volonté qui semble
vous animer de proposer à ces jeunes des contrats à durée indéterminée ; nous
ne pouvons considérer cet objectif comme négatif.
Nous sommes en revanche beaucoup plus inquiets de l'absence de tout volet
formation, ce qui risque sérieusement d'obérer les perspectives d'avenir de ces
jeunes. Nous suivrons donc les débats avec intérêt.
Toutefois, nous n'entendons pas nous opposer
a priori
à un dispositif
qui peut ou devrait pouvoir aider les jeunes à obtenir un premier emploi et à
bien démarrer leur vie d'adulte.
Cela dit, il est impératif que ce texte ne soit pas déséquilibré, modifié
dans le sens de la précarité à l'occasion de la discussion qui va maintenant
s'ouvrir.
Le Gouvernement doit par ailleurs préciser ses intentions sur le panel de
mesures existant, surtout les emplois-jeunes et le programme TRACE.
Monsieur le ministre, nous attendons vos réponses.
(Applaudissements sur
les travées socialistes, ainsi que sur celles du groupe communiste républicain
et citoyen.)
M. Nicolas About,
président de la commission des affaires sociales.
Je demande la
parole.
M. le président.
La parole est à M. le président de la commission.
M. Nicolas About,
président de la commission des affaires sociales.
M. Chabroux a reproché
à la commission de n'avoir pas entendu tous ceux qui auraient dû l'être. Je
tiens à préciser à cet égard que M. le rapporteur a auditionné tous les
partenaires sociaux. Il semble, par ailleurs, à travers ses propos, que, s'il
ne les a pas entendus, M. Chabroux a néanmoins réussi à lire quelques bribes de
leurs avis.
Je tiens par ailleurs à remercier M. le ministre qui a accepté, depuis sa
nomination, de venir deux fois devant la commission.
Mme Nelly Olin.
Tout à fait ! Nous n'étions plus habitués à cela !
M. Nicolas About,
président de la commission des affaires sociales.
Effectivement, et ce
sera ma conclusion, nous n'y étions plus habitués !
(Très bien ! sur les
travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union
centriste.)
En matière de respect de la règle, monsieur Chabroux, permettez-moi enfin
d'évoquer un événement. Nous avons dû émettre, par l'intermédiaire de M. le
président du Sénat, une vive protestation auprès du Premier ministre de
l'époque pour obtenir que le prédécesseur de M. le ministre vienne défendre son
budget. La titulaire de ce poste ne souhaitait pas venir devant nous, pas plus
d'ailleurs que devant la commission des finances. Mais elle a finalement déféré
aux ordres du Premier ministre.
S'agissant des auditions, nous n'avons donc de leçons à recevoir de quiconque
!
(Nouveaux applaudissements sur les mêmes travées.)
M. le président.
La parole est à M. Bernard Seillier.
M. Bernard Seillier.
Le projet de loi que vous présentez, monsieur le ministre, dénote une claire
volonté de s'attaquer à un blocage de notre société. Il instaure un dispositif
simple pour inverser la spirale de l'exclusion qui guette de nombreux jeunes de
seize à vingt-deux ans, des jeunes qui quittent sans diplôme l'appareil
scolaire.
Ayant subi comme une punition la scolarité obligatoire, 60 000 d'entre eux
sortent chaque année du système scolaire, souvent bien au-delà de l'âge légal,
sans formation générale ou professionnelle suffisante pour postuler au moindre
emploi.
Sans vouloir faire de procès précis à qui que ce soit, il faut admettre que le
contexte culturel, économique, social, médiatique et spécialement audiovisuel,
prépare peu les adolescents aux conditions réelles de la vie active
salariée.
Leur connaissance du monde, inspirée par les images dont ils sont nourris,
peut leur laisser croire que la vie est jouée d'avance. On réussit ou on échoue
; on aime ou on n'aime pas ; on est fait pour le travail ou pas. C'est une
vision mécaniciste de l'humanité, mais aussi manichéenne.
Rejetant toute admiration pour l'école dès qu'ils subissent le moindre échec,
certains en sont venus à mépriser ou même à haïr l'institution scolaire. Ils y
traînent leur lassitude précoce jusqu'à seize ans révolus ou jusqu'à ce que,
plus dociles à l'insistance des parents, arrive le moment du rejet définitif et
sans appel du système scolaire, qui met un terme au chemin douloureux des
redoublements accumulés au long d'une scolarité démoralisante pour eux-mêmes,
pour leurs parents et pour leurs éducateurs. Bienheureux sont-ils si leur santé
ne s'est pas dégradée par l'usage de stupéfiants ou par l'alcool au cours de
leur douloureuse expérience.
Ce sont ces jeunes qui sont menacés de poursuivre hors de l'école une errance
sans but et de devenir les victimes de la spirale de l'exclusion après quelques
modestes rebonds, de petits boulots en petits boulots, ce qu'ils appellent « la
galère ».
Comment leur redonner une chance en les relançant dans la vie avec une
impulsion vigoureuse à la limite de l'utopie ? Tel est le sens, que je perçois
clairement, de ce projet de loi.
Il ne s'agit pas de proposer une autre façon de réussir à des adolescents sans
histoire, il s'agit d'offrir une chance de vivre à des jeunes sans espoir.
Il ne faudrait pas penser que rien n'a été fait dans ce domaine. Je veux au
contraire rendre hommage à tous les bénévoles et à tous les professionnels de
l'insertion des jeunes, de la réinsertion sociale ou de l'insertion par
l'activité économique. Leur dévouement et leur compétence sont des valeurs
précieuses que vous avez vous-même saluées, monsieur le ministre, lors de votre
audition par notre commission.
Les dispositifs législatifs et réglementaires mis en place au cours des années
ont apporté leur pierre à l'édifice et doivent continuer à être
perfectionnés.
Comment ne pas saluer aussi les expériences innovantes, très proches par leur
inspiration du texte que nous allons examiner, que sont les opérations de
recrutement mises en place conjointement par l'Agence nationale pour l'emploi
et l'Association de formation professionnelle pour adultes, à partir de tests
d'habileté.
Mais ce projet de loi est plus qu'un perfectionnement, c'est un pari audacieux
qui mérite d'être tenté dans l'enthousiasme.
Il vise à inverser le handicap de l'échec de la formation initiale, générale,
technologique ou professionnelle, en ouvrant largement et sans conditions, aux
jeunes gens dans cette situation la grande porte d'entrée dans la vie active
d'emblée, celle du contrat de travail à durée indéterminée.
Ce projet de loi leur offre cette chance, sans diminuer pour autant celle de
ceux qui, à l'évidence, sont et resteront toujours mieux préparés par leur
formation initiale à une entrée plus facile dans la vie active. C'est une vraie
révolution dans un pays où le dogme « hors de l'école, point de salut » reste
si prégnant.
Le fait que l'accès à l'emploi est conditionné par la formation préalable est,
en effet, difficile à récuser.
L'apprentissage et la formation en alternance ont aménagé marginalement cet
accès par la formation simultanée. Votre projet de loi, monsieur le ministre,
offre à des jeunes la possibilité de retrouver leur dignité personnelle sans
aucun succès scolaire préalable.
Ce n'est pas mépris pour la formation, mais rappel de la véritable hiérarchie
des valeurs : celle de la richesse intérieure de la personne, avant celle de
son enrichissement par un apport extérieur. Il faut d'abord être pour pouvoir
devenir plus.
La formation existe d'abord dans et par la vie elle-même avant d'être un
apport à la vie. C'est cette réalité profonde qui est rappelée par cette offre
de contrat à durée indéterminée à celui qui n'a pas de formation prédéterminée.
Alors, surtout, ne commençons pas par exiger une formation extérieure à la
personne avant de lui donner les moyens de rétablir sa confiance en elle-même.
Celle qui a la chance de retrouver l'espoir de vivre par son travail
découvrira, soyons-en sûrs, le désir d'apprendre dans son travail. Sachons
parier sur cette vérité profonde ancrée en chacun de nous.
Mme Nelly Olin.
Bien sûr !
M. Bernard Seillier.
L'homme doit d'abord trouver en lui-même ses propres dons. C'est à ce niveau
que se situe le véritable défi, dès lors qu'il n'y a pas déjà réussi à seize ou
à vingt-deux ans.
Aujourd'hui, les dispositifs de formation permanente et la vigilance des
partenaires sociaux dans l'entreprise offrent une garantie suffisante, à mes
yeux, pour écarter le fantasme anachronique du salarié aliéné à un employeur
particulier. En effet, la situation que nous avons à affronter dans le cas qui
nous occupe est celle de la recherche d'employeurs prêts à offrir une chance à
des jeunes qui se présentent sans qualification.
La vraie question est bien celle de restaurer l'espoir de vivre chez des
jeunes menacés par le désespoir. Le contrat-jeune peut être cette nouvelle
carte offerte à celui qui pense ne plus en avoir.
Les amendements préparés par notre excellent rapporteur viennent perfectionner
le dispositif fondamental du projet de loi. La méthode retenue est
juridiquement la meilleure : celle de la convention ou de l'accord collectif de
branche. Les points d'appui sont ce que l'expérience de l'insertion a révélé de
plus valable : l'accompagnement, le bilan de compétences.
Ici aussi, comme pour la formation, il eut été facile juridiquement de rendre
obligatoire le recours à ces méthodes : formation, tutorat ou accompagnement,
bilan de compétences. Il est facile de légiférer sur les bons principes. On
peut se donner cette bonne conscience. Mais elle risque de tuer la conscience
tout court, celle de la situation à inverser.
L'emploi, c'est la vie ; la formation, c'est aussi la vie ; l'accompagnement,
c'est non seulement la vie, mais c'est aussi la fraternité ! Je crois
qu'aujourd'hui ces réalités sont suffisamment vécues et intégrées dans la
conscience de tous ceux qui auront le courage d'offrir des contrats à durée
indéterminée à des jeunes sans qualification déterminée pour que la condition
de leur succès soit aussi fondée sur une marge de liberté et de confiance
laissée aux employeurs potentiels.
Ce projet de loi est d'abord un appel à la fraternité du personnel
d'encadrement des entreprises et des associations. Il ne peut pas faire des
jeunes demandeurs d'emploi sans qualification des victimes : ils le sont déjà !
Dans la situation où ils se trouvent, ils ne pourront pas réussir durablement
dans la vie active sans recevoir une formation et bénéficier d'un
accompagnement. On peut prendre ce pari.
Ce qui leur manque pour commencer, c'est une offre d'emploi. C'est sur ce
point décisif que ce projet de loi peut être efficace. La compensation
financière offerte aux employeurs qui entendront cet appel à la fraternité et
au civisme n'est pas une aubaine. Ce n'est que la contrepartie apportée pour
que l'effort qui leur est demandé, ainsi qu'à leur personnel déjà qualifié, ne
relève pas de l'héroïsme.
C'est pourquoi les sénateurs qui ne figurent sur la liste d'aucun groupe m'ont
tous dit qu'ils voteront, comme moi, avec conviction ce projet de loi, ainsi
que les amendements présentés par notre excellent rapporteur, Louis Souvet, au
nom de la commission des affaires sociales.
(Très bien ! et applaudissements
sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union
centriste, ainsi que certaines travées du RDSE.)
M. Alain Gournac.
Bravo, monsieur Seillier !
M. le président.
La parole est à M. Jean-Claude Carle.
M. Jean-Claude Carle.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, lors de son
entretien télévisé, le 14 juillet dernier, le Président de la République a
indiqué que le temps de l'action et de la responsabilité était venu.
Avec le projet de loi que vous nous présentez, monsieur le ministre, le
Gouvernement démontre sa volonté d'apporter sans tarder une réponse à l'une des
principales préoccupations de nos compatriotes.
En effet, pendant la campagne présidentielle, puis celle des élections
législatives, les électeurs nous ont dit que l'emploi figurait au premier rang
de leurs attentes, avec la sécurité et la baisse des impôts. Sur ces trois
points, le Gouvernement tient les engagements pris par le Président de la
République.
Monsieur le ministre, votre projet de loi présente à nos yeux trois qualités
sur lesquelles je reviendrai brièvement : il prévoit une mesure rapide, simple
et lisible ; il rompt avec vingt ans d'erreurs ou d'errance en la matière ; il
adresse un signal fort aux jeunes et aux entreprises.
Tout d'abord, il s'agit d'une mesure rapide, simple et efficace. Ce dispositif
de soutien à l'emploi des jeunes en entreprise a été mis au point en quelques
semaines, sans pour autant sacrifier le nécessaire dialogue avec les
partenaires sociaux.
A l'exonération des charges, qui aurait nécessité de renégocier les
conventions avec plus de 70 organismes, a été préférée la couverture intégrale
par l'Etat, gérée par l'UNEDIC. Ainsi les jeunes qui ont le plus de
difficultés, faute d'une qualification suffisante, pourront très vite accéder à
un emploi.
Ce qui se conçoit bien s'énonce clairement. Nul besoin d'une circulaire de 165
pages pour comprendre l'intention du Gouvernement, comme c'était le cas avec la
loi Aubry sur les 35 heures. Fini également le temps des lois fourre-tout
chères à Mme Guigou !
(Rires et marques d'approbation sur les travées des
Républicains et Indépendants et du RPR.)
M. Alain Gournac.
C'est vrai !
M. Jean-Claude Carle.
En deux articles, monsieur le ministre, votre projet de loi fixe un principe :
l'Etat couvre les charges des entreprises pour l'embauche de jeunes en contrat
à durée indéterminée. Aux entreprises, ensuite, de préciser entre elles comment
valider les acquis des jeunes et assurer leur participation aux actions de
formation.
Autre qualité : l'effort du Gouvernement est ciblé sur les jeunes sans
qualification ou avec une faible qualification, c'est-à-dire ceux qui sont le
plus exposés au chômage et qui restent très souvent sur le bord du chemin.
Si j'insiste sur ce dernier point, c'est parce que le Gouvernement a su tirer
les leçons de l'expérience des emplois-jeunes. Dans un certain nombre de cas,
ces emplois subventionnés ont permis à des jeunes de mettre le pied à l'étrier,
voire, comme dans le secteur éducatif ou associatif, de susciter de nouveaux
services.
Globalement, ils ont cependant provoqué des déceptions à la mesure des espoirs
suscités : déception des jeunes sans qualification qui se sont vu préférer des
jeunes diplômés ; déception des jeunes diplômés qui, très vite, ont compris que
les emplois-jeunes n'offraient d'autre perspective que celle d'une fonction
publique de seconde zone ; déception - inquiétude, dirais-je même - de nos
collègues élus locaux qui avaient vu dans les emplois-jeunes une aubaine. Faute
de moyens financiers suffisants et de marge de manoeuvre fiscale, nombreuses
sont les communes qui se demandent aujourd'hui comment pérenniser ces emplois
ou en sortir. Preuve, s'il en était besoin, que l'enfer peut être pavé des
meilleures intentions !
Or n'oublions pas que, au bout du compte, il y a ces jeunes et leurs familles
qui espèrent. Comme vous l'avez rappelé, monsieur le ministre, nous n'avons pas
le droit de les décevoir.
Vous nous proposez de vrais emplois plutôt que de faux espoirs.
Vous nous proposez de vrais emplois plutôt que des emplois au rabais,
c'est-à-dire des contrats de droit commun avec un salaire rémunérant un travail
effectif et non pas un poste d'agent de la fonction publique sans titre ni
fonction.
Vous nous proposez de vrais emplois plutôt que des emplois précaires,
c'est-à-dire des contrats à durée indéterminée et non pas des emplois suspendus
à l'aide provisoire de l'Etat. C'est toute la différence avec le « socialisme
providence », tel que nous l'avons vécu ces dernières années.
En entendant les collègues socialistes et communistes qui m'ont précédé à
cette tribune, je me dis qu'ils n'ont décidément pas entendu le message que les
Français nous ont adressé lors des dernières élections.
(Applaudissements
sur les travées des Républicains et Indépendants et du RPR. - Protestations sur
les travées socialistes.)
A vous entendre, mes chers collègues, le bilan de la gauche plurielle est bon.
Ce sont les Français qui n'auraient rien compris. Cela nous rappelle quelque
chose : « puisque le peuple se trompe, changeons le peuple ! »
(Sourires sur
les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
Mais interrogez-vous : si la politique du gouvernement Jospin était si bonne,
pourquoi le taux de chômage des jeunes est-il de 18 %, un taux parmi les plus
importants en Europe ? Pourquoi le taux de chômage des jeunes sans
qualification est-il de 31 % ? Pourquoi, chaque année, 60 000 jeunes
sortent-ils du système éducatif sans qualification ?
En vérité, nous n'avons pas la même conception des choses.
Avant de redistribuer les richesses, comme vous le préconisez, il faut
commencer par les créer. Or qui, sinon les entreprises, créent les richesses
dans notre pays ?
L'Etat n'est pas là pour se substituer à elles ; il est là pour créer les
conditions favorables au développement de leurs activités, et donc à l'emploi.
Ce projet de loi y contribue en donnant aux entreprises un outil simple et
efficace.
Mais il n'y a pas que cela. Notre débat n'est pas seulement économique. Comme
Bernard Seillier vient de le rappeler, il est avant tout humain. Et là non
plus, nous ne voyons pas les choses de la même manière que vous, chers
collègues de gauche.
A confondre égalité et égalitarisme, solidarité et assistanat, à vouloir à
tout prix faire le bonheur des gens malgré eux, vous méconnaissez ce qu'il y a
de plus fondamental dans la personne humaine, ce qui fonde sa dignité et son
autonomie, ce qui nourrit sa volonté et sa capacité à prendre son avenir en
main. Toutes les aides de l'Etat, dans ce domaine, n'y changeront rien.
Rien de plus choquant, à nos yeux, que cette proposition d'un RMI jeune lancé
par le candidat Jospin pendant la campagne présidentielle. Rien de plus
choquant que cette vision d'une jeunesse française présumée en situation
d'échec, une jeunesse qui n'aurait pas d'autre avenir que celui d'être assistée
!
Vous vouliez donner de l'argent aux jeunes. Nous, nous voulons les aider à
trouver du travail, à réussir leur vie professionnelle. Nous pensons au
contraire que le travail, loin d'être une contrainte ou un facteur
d'asservissement, est un facteur essentiel d'identité, d'épanouissement et
d'enracinement dans la société. Pour nous, l'entreprise, c'est aussi une
aventure humaine, ce sentiment d'appartenance à une même équipe qui peut
permettre aux jeunes,
a priori
en difficulté, de trouver leur place et
donc de réussir leur vie.
A tous ces points de vue, votre projet, monsieur le ministre, envoie un
premier signal fort aux jeunes et aux entreprises. Un premier pas important est
ainsi franchi. Mais, monsieur le ministre, mes chers collègues, il reste
beaucoup à faire pour que travailler redevienne plus intéressant, plus
motivant, que d'être inactif. Pour cela, il faut que les revenus du travail
rapportent plus que les revenus de l'assistance.
(Applaudissements sur les
travées des Républicains et Indépendants et du RPR.)
M. Jean-Guy Branger.
Bravo !
M. Jean-Claude Carle.
La prime pour l'emploi instituée par le précédent grouvernement n'a pas permis
d'y parvenir.
Quand un arboriculteur me dit qu'il est obligé de faire venir de la
main-d'oeuvre étrangère pour la récolte parce qu'aucun demandeur d'emploi «
français » ne veut faire un travail aussi pénible pour un salaire aussi faible,
je m'interroge. Quand ce même arboriculteur me dit qu'il voit des demandeurs
d'emploi envoyés par l'ANPE rester une journée, voire une simple matinée, et
lui demander le coup de tampon pour l'ANPE avant de s'en aller, je
m'interroge.
Des témoignages comme celui-ci, chacun de nous pourrait en citer des dizaines,
pour avoir vécu de telles situations ou en avoir entendu parler dans son
département.
Si j'ai choisi cet exemple, monsieur le ministre, c'est pour souligner le fait
que les emplois saisonniers ne sont pas pris en considération dans votre texte,
alors qu'ils constituent une activité et une source de revenus importantes,
pour les étudiants notamment.
A l'heure où certains s'interrogent sur l'opportunité d'instaurer un revenu
étudiant, je pense que mieux vaudrait créer les conditions d'un vrai salaire.
Le travail ne manque pas, les volontaires désireux de financer leurs études non
plus. Sans doute faudrait-il envisager avec le Gouvernement des solutions
appropriées à ce problème spécifique.
M. Jean-Guy Branger.
Très bien !
M. Jean-Claude Carle.
Il reste aussi beaucoup à faire pour améliorer les dispositifs d'orientation
scolaire et professionnelle.
Plus de 50 % des produits que nous consommons et des métiers que les jeunes
exerceront dans les dix prochaines années n'existent pas encore. Créer les
conditions favorables à l'embauche est une chose, mais ne pourrait-on se donner
pour objectif d'orienter les jeunes vers des métiers d'avenir, là où des
perspectives de qualification et des débouchés existent ?
Cela m'amène naturellement à la formation.
Alors que nous réfléchissons aux moyens d'aider des jeunes sans qualification
à trouver du travail, les entreprises, elles, ne parviennent pas à recruter des
jeunes formés ou prêts à se former. Cela est particulièrement vrai pour le
secteur du bâtiment et des travaux publics, la restauration et les métiers de
bouche.
Vous n'avez pas souhaité conditionner le bénéfice des « CDI à charge zéro » à
une obligation de formation. Dans le cas de jeunes réfractaires au système
scolaire, on peut le comprendre. Encore que l'apprentissage, pour ne citer que
cet exemple, offre un espace dans lequel, bien souvent, des jeunes en situation
d'échec trouveraient à s'affirmer.
Nos collègues socialistes critiquaient à l'instant le projet de loi en
soulignant l'absence d'obligation de formation. Que je sache, il n'y en avait
pas non plus dans les emplois-jeunes !
M. Alain Gournac.
Absolument !
M. Jean-Claude Carle.
Il est clair surtout qu'il existe déjà, dans le cadre des contrats de
qualification et de la formation par alternance, d'autres formules pour prendre
le relais quand le jeune titulaire d'un CDI aura pris ses marques dans
l'entreprise. Autant ne pas en créer une nouvelle qui leur ferait
concurrence.
En revanche, il me paraît nécessaire de veiller à un bilan de compétences
relativement régulier. Car la réussite de votre projet ne se mesurera pas
seulement au nombre de CDI signés à court terme ; elle se mesurera aussi, à
plus long terme, à l'expérience et à la qualification acquise par chaque
jeune.
M. Jean Chérioux.
Très bien !
M. Jean-Claude Carle.
J'avais songé à en faire la proposition par voie d'amendement. Mais, plutôt
que de créer un énième observatoire, je vous pose la question, monsieur le
ministre : ne pouvez-vous prendre devant nous l'engagement de produire chaque
année un bilan d'étape avec, à la clé, la possibilité de faire évoluer le
dispositif ?
M. Alain Gournac.
Très bien !
M. Jean-Claude Carle.
Il faudra bien, un jour où l'autre, mettre en relation politique économique,
politique sociale et politique éducative, afin de répondre en même temps au
projet du jeune et aux besoins de notre économie.
C'est enfin admettre qu'il existe aussi une intelligence de la main et du
geste, qu'il faut donner à l'enseignement professionnel toute sa place. Mieux
vaut un jeune électricien, un jeune boulanger ou un jeune plombier qui pousse
la porte d'une entreprise plutôt qu'un jeune titulaire d'un bac + 6 qui pousse
celle de l'ANPE !
Dans le même ordre d'idée, il faudra faire le lien avec les politiques
contractuelles, très souvent efficaces, mises en place sur le plan local,
notamment par les régions ; vous êtes bien placé pour le savoir. Il y a là un
savoir-faire, des ressources et des synergies qui ne demandent qu'à être
exploités.
Enfin, il reste beaucoup à accomplir pour simplifier et rendre transparent
l'ensemble du dispositif législatif et réglementaire de soutien à l'emploi :
emplois-jeunes, programme TRACE, missions locales, tremplins pour l'emploi...
trente-quatre formules différentes d'allégement des charges, et j'en passe !
Avec ses réformes qui se superposent les unes aux autres et se sédimentent
année après année, ce n'est plus un code du travail, c'est un véritable
mille-feuilles !
Que votre projet de loi vise d'abord les PME est une excellente chose. Prenons
garde cependant au problème d'encadrement que nécessite la formation des
jeunes. Les petites et les très petites entreprises risquent de ne pouvoir
apporter aux jeunes le tutorat dont ils ont besoin. Voilà pourquoi je rejoins
la commission des affaires sociales, qui propose de supprimer l'effet de seuil
fixé à 250 salariés et d'étendre le bénéfice du projet de loi aux entreprises
de plus grande taille.
Fort de ces quelques remarques, vous pourrez naturellement, monsieur le
ministre, compter sur le soutien des sénateurs du groupe des Républicains et
Indépendants, qui voteront ce projet de loi, complété par les propositions de
la commission des affaires sociales.
Je salue le président et le rapporteur de la commission pour l'excellent
travail qu'ils ont effectué en faveur des jeunes. En effet, comme l'écrivait
Robert Debré : « Nos enfants, c'est notre éternité. »
(Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et
de l'Union centriste.)
M. le président.
La parole est à Mme Annick Bocandé.
Mme Annick Bocandé.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'une des
premières mesures concrètes prises par notre nouveau gouvernement prévoit la
création d'un contrat sans charges sociales, diminuant ainsi le coût du travail
pour les entreprises, afin de favoriser l'embauche des jeunes peu ou pas
qualifiés.
Ce projet de loi répond à une attente profonde de notre société, qui ne peut
admettre que 60 000 jeunes sortent chaque année du système scolaire sans aucune
qualification, ayant trop souvent comme seul avenir les emplois précaires ou,
pis, le chômage de longue durée.
C'est le constat de l'inadéquation de notre système scolaire avec les réalités
du monde du travail d'aujourd'hui.
Cela relance le débat autour de l'orientation beaucoup plus précoce des jeunes
en difficulté scolaire et le développement d'autres filières de formation,
notamment l'apprentissage, et plus généralement les formations par alternance,
formations qui, rappelons-le, ont été malheureusement fragilisées ces dernières
années.
J'espère, monsieur le ministre, que le Gouvernement va rapidement s'intéresser
à cette question et, par une politique dynamique clairement exprimée, permettre
que le travail manuel retrouve enfin l'image positive qu'il n'aurait jamais dû
perdre aux yeux des jeunes et de leur famille. C'est en effet une voie
d'intégration sociale sûre qui correspond à une demande pressante des
employeurs, notamment des artisans qui trouvent difficilement une main-d'oeuvre
compétente et s'inquiètent pour la pérennité de leur entreprise.
Aujourd'hui, vous nous proposez, monsieur le ministre, un dispositif qui offre
beaucoup d'avantages.
Sur la forme, tout d'abord : très clair dans sa présentation, il est en
rupture avec les textes précédents, dont la complexité pouvait faire hésiter.
Cette simplicité est sans aucun doute un gage d'efficacité.
Sur le fond, ensuite : il s'adresse aux entreprises du secteur privé, offrant
de véritables emplois à durée indéterminée permettant à ces jeunes âgés de
seize à vingt-deux ans, peu ou pas qualifiés, de s'insérer durablement dans
l'entreprise.
Parmi les réserves émises sur ce texte, il est souvent fait référence à un «
effet d'aubaine » pour les entreprises. Celui-ci sera sans aucun doute limité
par les difficultés auxquelles ces dernières vont se heurter en embauchant des
jeunes peu ou pas qualifiés, qui sont souvent socialement défavorisés et qui
manquent de confiance, voire de motivation, du fait de leur parcours
chaotique.
Ce sera donc pour les entreprises un acte citoyen d'assumer cette
responsabilité et de permettre ainsi à ces jeunes de s'insérer et de retrouver
confiance en eux-mêmes et en la société.
Il me paraît également important de rappeler que l'entreprise est un lieu de
formation pratique, dans lequel ces jeunes pourront bénéficier, s'ils le
désirent, au même titre que les autres salariés, de formations complémentaires.
Je me félicite d'ailleurs qu'un amendement de M. le rapporteur, au nom de la
commission, aille dans ce sens.
Je souhaite qu'une véritable complémentarité se crée entre ce texte, qui
permet aux jeunes d'accéder à l'emploi, et les dispositifs existants de
formation continue par alternance au sein des entreprises, notamment les
contrats de qualification jeunes.
Faut-il rappeler que, si la formation est un atout pour le salarié, qui doit
s'adapter à son environnement professionnel, c'est aussi un capital
irremplaçable pour l'entreprise que d'avoir du personnel bien formé.
Faisons donc confiance aux entreprises pour mettre en place les conditions
nécessaires à leur réussite, réussite qui passe aussi par la formation de leurs
salariés et, éventuellement, de ces jeunes peu qualifiés. Faisons confiance à
la négociation dans les entreprises et dans les branches professionnelles pour
en définir les modalités.
Quoi qu'il en soit, le dispositif de validation des acquis de l'expérience
offre la possibilité à ces jeunes de faire reconnaître leurs nouvelles
compétences professionnelles.
Le texte que vous nous proposez, monsieur le ministre, est, par sa nature,
extrêmement différent de la philosophie qui a prévalu à la mise en place des
emplois-jeunes, dont seulement 20 % ont conduit à des contrats à durée
indéterminée, alors que 80 % des jeunes concernés étaient au minimum titulaires
du baccalauréat.
Il est temps de sortir de cette logique de créations d'emplois financés sur
les ressources publiques et de faire en sorte que la France ne détienne plus ce
triste record à l'échelon européen, à savoir que 32 % de jeunes sans diplôme
sont au chômage.
Je souhaite très sincèrement, monsieur le ministre, que ce projet réussisse et
conduise 200 000 jeunes peu ou non qualifiés à une réelle intégration
professionnelle et sociale.
C'est pourquoi, avec le groupe de l'Union centriste, je voterai ce texte
excellemment amendé par M. le rapporteur, au nom de la commission des affaires
sociales.
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, des
Républicains et Indépendants et du RPR.)
M. le président.
La parole est à M. Alain Gournac.
M. Alain Gournac.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, laissez-moi
tout d'abord vous exprimer ma satisfaction de voir se réaliser enfin ce que je
prône avec d'autres, et en vain, depuis cinq ans : soutenir l'embauche dans le
secteur marchand, donc concurrentiel, de nos jeunes sans qualification ou à
faible niveau de formation, grâce à un abaissement massif des charges
salariales patronales, et ce pour leur permettre de trouver un premier emploi
dans le monde du travail au sein de nos entreprises.
En effet, en septembre 1997, lors de l'examen du projet de loi relatif aux
emplois-jeunes, je disais ceci au ministre : « Nous avons créé des
emplois-villes qui ont très bien fonctionné. Le contrat initiative-emploi a été
étendu aux jeunes sortis du système éducatif sans qualification, et nous avons
aidé le développement de l'apprentissage. Mais toujours dans le secteur
marchand. »
J'avais déposé plusieurs amendements pour limiter les effets pervers du texte
relatif aux emplois-jeunes. L'un en particulier tendait à ce que ceux-ci soient
en priorité réservés aux non-diplômés. Un autre visait à ce qu'ils débouchent
sur une véritable insertion dans le marché du travail par la pérennisation de
l'emploi, qui devait être transféré au secteur marchand à l'issue du contrat de
cinq ans.
En juin 1998, j'étais rapporteur de la proposition de loi tendant à alléger
les charges sur les bas salaires, déposée sur l'initiative de Christian
Poncelet, alors président de la commission des finances.
Je préconisais une généralisation progressive des baisses de charges en
fonction de la proportion des bas salaires et du nombre de travailleurs manuels
dans chaque entreprise.
En décembre 1998, dans le volet emploi du projet de loi de finances pour 1999,
j'intervenais à nouveau pour faire remarquer au Gouvernement qu'il n'avait pas
choisi la bonne approche pour lutter contre le chômage. J'insistais sur le fait
que, dans tous les pays industrialisés, une baisse du chômage avait été
constatée grâce à la création d'emplois dans le secteur privé. Je préconisais
encore la réduction des charges sur les bas salaires, dont l'efficacité était
démontrée dans de nombreux pays voisins.
En octobre 2000, j'étais rapporteur du bilan à mi-parcours des emplois-jeunes.
Nous savions alors que l'objectif des 350 000 emplois-jeunes dans le secteur
privé resterait malheureusement lettre morte.
Par ailleurs, le texte avait manqué sa cible puisque, tout en reconnaissant
l'effet quantitatif certain du dispositif, j'avais indiqué que 60 % des jeunes
concernés avaient au moins le baccalauréat, dont 33 % avaient suivi des études
supérieures. Seuls 23 % étaient sans qualification.
En décembre 2000, dans le volet emploi du projet de loi de finances pour 2001,
je préconisais une nouvelle fois une baisse massive des charges sociales afin
de favoriser le retour à l'emploi.
J'insistais alors sur le multisalariat, cher à mon ami André Jourdain, et sur
la prime dégressive à l'embauche pour le retour des emplois-jeunes dans le
secteur marchand. En effet, nous étions dans une situation de pénurie de
main-d'oeuvre dans de nombreux secteurs et nous le sommes encore
aujourd'hui.
J'insistais sur le fait qu'il était impératif de baisser le coût du travail.
C'était une nécessité pour les entreprises, afin de défendre leur
compétitivité. C'était aussi, et cela le demeure, une recommandation de la
Commission européenne.
En décembre 2000 également j'intervenais, en tant que rapporteur de la
proposition de loi permettant de faire face aux pénuries de main-d'oeuvre et de
lever les obstacles à la poursuite de la croissance économique.
Cette proposition, signée par plus de 120 sénateurs, préconisait, entre
autres, la baisse des charges sociales pour que les chômeurs retrouvent le
chemin de l'emploi.
En avril 2001, rapporteur pour plusieurs articles du projet de loi de
modernisation sociale, je souhaitais introduire un nouveau volet sur les
emplois-jeunes.
J'avais proposé de créer une passerelle entre les emplois-jeunes et le secteur
marchand, en instituant une prime dégressive à leur embauche par un nouvel
employeur, bien entendu sous certaines conditions et grâce à un « basculement »
partiel de l'aide publique. L'entreprise intéressée devait proposer un contrat
à durée indéterminée. Les jeunes concernés étaient de niveau V, V
bis
et
VI, ceux-ci constituant déjà les publics prioritaires, car les plus touchés par
le chômage et la mauvaise politique de l'emploi. Le gouvernement de M. Jospin
n'avait pas jugé utile d'examiner cette proposition.
Monsieur le ministre, ne voyez aucun signe d'autosatisfaction dans cette
énumération.
M. Roland Muzeau.
Ah bon !
M. Alain Gournac.
Je suis simplement heureux de ne plus m'exprimer systématiquement dans le
désert et que soit enfin mise en oeuvre une politique qui s'inscrit dans la
réalité et dans l'action.
M. Roland Muzeau.
Vous auriez dû être ministre !
(Sourires.)
M. Alain Gournac.
Je tiens à vous féliciter pour avoir élaboré, en si peu de temps, ce que nous,
majorité sénatoriale, réclamions depuis cinq ans. Le choix des jeunes de seize
à vingt-deux ans, sans qualification ou avec une qualification de niveau V, me
semble tout à fait approprié, puisque nous savons que ceux-ci connaissent
malheureusement le taux de chômage le plus élevé : 32 % en 2002.
C'est exactement vers cette population jeune, sans diplôme et rétive à tout
enseignement professionnel « classique » que nous devons concentrer nos
efforts. Les faire entrer dans les entreprises qui sont confrontées aux
pénuries de main-d'oeuvre est judicieux.
Ce texte répond aux attentes de toute une catégorie de jeunes qui, sortis du
système scolaire, ne veulent pas y retourner et ont le désir de s'insérer
directement dans une entreprise. Il faut leur permettre une première embauche
en contrat à durée indéterminée dans une entreprise, sans passer par des «
petits boulots », des stages « parking », des heures d'attente dans les locaux
de l'ANPE. C'est l'une des meilleures opportunités que l'on peut leur offrir. A
eux de faire leurs preuves, mais nous leur donnons une chance. Bien entendu, il
leur faudra de la formation, un tuteur, mais faisons enfin confiance aux
partenaires sociaux et à nos entreprises, dont l'intérêt est de rendre ces
jeunes opérationnels et de les garder.
En leur proposant un contrat à durée indéterminée, on leur offre un emploi
solvable et non pas un emploi « fabriqué », contrairement à ce que le
gouvernement socialiste a fait précédemment.
De plus, il ne s'agit pas d'un emploi précaire, puisque les contrats à durée
déterminée ne sont pas concernés. Il s'agit bien d'un contrat de travail de
droit commun, l'Etat se bornant à accompagner les trois premières années de
travail et à encourager les entreprises à s'investir dans l'insertion des
jeunes dans le monde de l'entreprise.
Ainsi, en accomplissant cela, on permet aux jeunes non seulement de se
réaliser professionnellement, mais aussi de trouver leur place dans la société.
Car ce projet de loi assure aussi la réalisation personnelle des jeunes qui en
bénéficieront. Avoir un emploi, pour chacun de ces jeunes, c'est aussi exister,
s'insérer, trouver sa place dans une société où enfin il se sentira
accueilli.
Je tiens à saluer ici tout particulièrement l'excellent travail accompli par
notre rapporteur, M. Louis Souvet. Les propositions qu'il défend au nom de la
commission des affaires sociales enrichissent le texte qui nous est soumis et
renforcent la portée du dispositif.
La commission se fixe trois objectifs : premièrement, la consolidation de la
sécurité juridique du dispositif pour assurer sa lisibilité ; deuxièmement,
l'extension de la mesure à toutes les entreprises ; troisièmement, la mise en
place de l'accompagnement du jeune dans l'entreprise.
Enfin, et c'est un aspect auquel je tiens personnellement beaucoup, ce projet
de loi s'attache à faciliter au maximum l'accès au bilan de compétences, qui
est un excellent moyen d'établir un plan d'action professionnel pour ces jeunes
sans qualification, en définissant leurs besoins personnels.
Je tenais à saluer également, monsieur le ministre, votre volonté tenace et,
je dois le dire, extrêmement courageuse, de mettre en place un système simple
et lisible pour tous.
M. Roland du Luart.
C'est novateur !
M. Alain Gournac.
Oui, c'est nouveau !
Un des pires ennemis de l'emploi, en effet, est la complexité des dispositifs
mis en place pour l'encourager. La législation est devenue tellement complexe
qu'elle fait surtout la fortune des consultants.
M. Jacques Legendre.
Eh oui !
M. Alain Gournac.
Notre pays a avant tout besoin de messages clairs et de dispositifs simples et
lisibles afin de libérer notre économie et d'encourager la croissance.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants
et de l'Union centriste.)
M. Nicolas About,
président de la commission des affaires sociales.
Très bien !
M. le président.
La parole est à Mme Valérie Létard.
Mme Valérie Létard.
Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat,
mes chers collègues, le projet de loi dont nous débattons aujourd'hui répond à
un souhait très largement partagé par tous les jeunes : accéder à un emploi
stable, normalement rémunéré, leur permettant d'avoir un logement, d'assumer
une vie de couple à leur guise et de ne plus être dépendants.
Les jeunes les plus diplômés parviennent plus aisément et plus rapidement à ce
résultat. Il paraît donc légitime que la collectivité concentre ses efforts sur
ceux qui rencontrent les plus grandes difficultés. En centrant votre dispositif
sur les jeunes de seize à vingt-deux ans d'un niveau d'études inférieur au
baccalauréat, en leur offrant la possibilité d'accéder à un contrat de droit
commun à durée indéterminée, loin de la spirale des emplois précaires, vous
avez, monsieur le ministre, déterminé un coeur de cible parfaitement
pertinent.
Abaisser le coût du travail de ces jeunes non qualifiés constituera, pour les
entreprises, une incitation réelle à l'embauche. Pourtant, ne nous y trompons
pas : si l'on veut que ces embauches se développent et se pérennisent avec
suffisamment d'ampleur, il faudra que ces jeunes puissent répondre aux besoins
légitimes de leurs employeurs, donc qu'ils soient efficaces, autonomes et
productifs. Or la plupart des jeunes que peuvent rencontrer les responsables
des missions locales pour l'emploi constituent un public plutôt volatil,
parfois instable, confronté à de multiples difficultés pour se loger, se
déplacer et se soigner. Et ce sont ces jeunes, souvent issus de quartiers
sensibles, qui seront majoritairement concernés par cette mesure.
Peut-on raisonnablement demander à une entreprise de prendre en charge tous
les aspects de l'environnement social de son jeune employé ? Cela ne me paraît
ni possible ni souhaitable. Autant, en effet, il importe qu'un effort soit fait
au sein de l'entreprise pour mettre en place des formes souples de tutorat,
pour transmettre les savoir-faire indispensables - vous l'avez vous-même évoqué
lors de votre audition par notre commission, monsieur le ministre -, autant les
autres difficultés que peuvent rencontrer ces jeunes doivent être résolues hors
de l'entreprise.
M. Philippe Arnaud.
Tout à fait !
Mme Valérie Létard.
C'est pourquoi il me semble indispensable que le jeune, lorsque sa situation
l'exige, puisse bénéficier d'un accompagnement social en liaison avec
l'entreprise durant les six premiers mois dans son nouvel emploi. Il pourrait
ainsi être aidé pour aplanir toutes les démarches - en matière de logement, de
couverture sociale ou de santé - que son changement de vie pourrait entraîner.
Les correspondants des missions locales pour l'emploi pourraient, me
semble-t-il, assurer ce soutien extérieur. Il suffirait, pour ce faire,
d'utiliser les procédures et les moyens humains qui ont été prévus pour mettre
en oeuvre le programme Trajet d'accès à l'emploi, ou programme TRACE, en en
revoyant, au besoin, certaines modalités.
Il s'agit de donner ou de redonner à ces jeunes qui se sentent laissés pour
compte le goût de l'activité professionnelle et la fierté du travail accompli.
Je comprends, et j'approuve, le souci de ne pas imposer de contraintes en
matière de formation à des jeunes souvent sortis du système scolaire rebelles à
toute forme d'enseignement théorique. L'expérience acquise dans l'entreprise
devrait les amener, dans un second temps, à vouloir acquérir de nouvelles
compétences. Il sera alors temps de leur proposer une formation, éventuellement
en alternance.
Comme l'a fort bien dit notre rapporteur, ces mesures viennent en complément
de l'ensemble des dispositifs existants. Le texte ne s'y oppose pas, bien au
contraire ; il offre une autre approche en permettant l'entrée directement dans
l'emploi.
Le texte proposé est souple, ce qui devrait permettre une application sans
difficultés ni complications extrêmes. Il répond à notre souci de privilégier
des lois simples et lisibles.
Néanmoins, il serait souhaitable - et je rejoins M. Carle sur ce point,
monsieur le ministre - de prévoir une évaluation au bout d'un an afin d'ajuster
la mise en oeuvre du dispositif aux problèmes qui pourraient éventuellement se
présenter.
Par ailleurs, les travaux de la commission nationale pour l'autonomie de la
jeunesse, auxquels j'ai participé, ont montré le besoin urgent de mettre en
cohérence la multiplicité des dispositifs existants pour les jeunes ; je pense
ici aux initiatives des collectivités territoriales, qui s'ajoutent aux
diverses aides nationales, parfois contradictoires. Un travail de
rationalisation de ces mesures doit être mené, bien évidemment en concertation
avec l'échelon local. Je souhaite que le Gouvernement ouvre rapidement ce
chantier.
Comme mes collègues du groupe de l'Union centriste, je voterai ce texte avec
la conviction qu'il représente une réelle avancée dans l'accès des jeunes à un
emploi durable.
(Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'Union
centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président.
La parole est à M. Gérard Delfau.
M. Gérard Delfau.
Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat,
mes chers collègues, le texte qui nous réunit aujourd'hui a pour ambition de
contribuer à résorber le chômage des jeunes les plus exposés, à savoir les
jeunes de seize à vingt-deux ans sans qualification ou d'un niveau inférieur à
celui du baccalauréat. L'objectif affiché par le Gouvernement est de créer 300
000 emplois sur trois ans. On devine sans peine la volonté de répondre par une
initiative symbolique au geste fort accompli par le précédent gouvernement
quand il a proposé la création du dispositif des emplois-jeunes.
J'ai soutenu, en son temps, ce dispositif-là, et je considère aujourd'hui avec
intérêt un contrat-jeune qui s'adresse de façon ciblée aux jeunes éprouvant les
plus grandes difficultés à entrer dans le monde du travail, faute d'une
qualification ou d'un diplôme.
En fait, les deux dispositifs sont complémentaires, et, si l'on souhaite faire
baisser durablement et massivement le chômage des jeunes, chacun d'eux a son
utilité indiscutable.
D'où ma première question : votre dispositif, monsieur le ministre, a-t-il
pour vocation de se substituer à celui des emplois-jeunes et, pour parler
franc, le financement de l'un, celui des contrats-jeunes, se fera-t-il au
détriment de l'autre, celui des emplois-jeunes ?
Plusieurs dizaines de milliers de collectivités locales et d'associations
attendent avec inquiétude votre réponse au moment où se prépare le projet de
loi de finances pour 2003. Votre silence serait difficilement acceptable pour
le Sénat, qui doit être informé au moment où s'engage cette discussion.
Mais revenons à votre projet de loi.
Le choix du public, nos jeunes en échec scolaire, est judicieux. De même, la
forme du contrat de travail, le CDI, est un atout indiscutable, et elle permet
aux jeunes salariés d'avoir accès aux mêmes droits ou presque que les autres
agents de l'entreprise. Mieux, elle inscrit leur parcours dans la durée et dans
la stabilité, comme vous l'avez vous-même souligné.
Pourtant, surgit ici une deuxième interrogation : quelle garantie aura le
jeune embauché quant à la pérennité de son emploi au-delà de la période
d'exonération complète ou partielle des charges salariales et patronales ? N'y
a-t-il pas un risque d'effet d'aubaine pour l'entreprise qui créerait un
turnover
de jeunes salariés afin de bénéficier à plein et continûment de
l'effort financier attaché à ces postes de travail ?
Troisième question : qu'en est-il du risque de « cannibalisation », selon le
terme consacré, que ce dispositif fera subir aux autres modes d'insertion, ceux
de l'alternance ou, plus pervers encore, par rapport au public des lycées
professionnels, qui ont déjà tant de mal à recruter des élèves ?
Certes, me répondrez-vous, les jeunes concernés par votre dispositif sont
rétifs à la formation et donc en dehors de ces établissements. Soit ! Mais le
danger demeure.
En effet, que feront les jeunes qui suivent une filière d'apprentissage ou de
qualification ? Pensez-vous qu'ils choisiront de rester en formation s'ils
peuvent bénéficier d'un CDI payé au SMIC alors que, dans le cadre de leur
formation en contrat d'apprentissage ou de qualification, ils sont rémunérés
selon un pourcentage évolutif du SMIC, l'employeur s'étant engagé à leur
assurer une formation en contrepartie ?
Vous le voyez, des questions se posent auxquelles il n'est pas si facile
aujourd'hui de répondre. En tout cas, je vous suis quand vous vous refusez à
étendre cette mesure à des jeunes titulaires du baccalauréat.
M. Alain Gournac.
Ah !
M. Gérard Delfau.
Le dispositif aurait alors, à coup sûr, un effet de substitution.
M. Louis Souvet,
rapporteur.
Absolument !
M. Gérard Delfau.
Le Gouvernement n'a pas attendu que les partenaires sociaux se mettent
d'accord pour agir, et il a choisi d'agir vite, peut-être même dans la
précipitation. Cette attitude ne doit pas pour autant porter préjudice aux
premiers intéressés, à savoir les jeunes de seize à vingt-deux ans les moins
qualifiés, les moins bien insérés dans notre vie collective. Cette absence de
concertation doit être compensée par un effort tout particulier, non seulement
d'information des jeunes sur leurs droits en tant que salariés, mais aussi de
formation permanente et de valorisation de leurs acquis.
Il faut inventer avec les partenaires sociaux - c'est le point crucial de ce
débat - un dispositif qui incite ces jeunes à s'engager dans des actions de
formation pour valoriser leur expérience et construire leur parcours
professionnel dans l'avenir. En effet, le marché du travail, notamment celui
des petites entreprises, est principalement demandeur d'une main-d'oeuvre
qualifiée ou spécialisée qui fait aujourd'hui cruellement défaut. Offrez à ces
entreprises cette chance en même temps que vous donnerez à la partie la plus
défavorisée de notre jeunesse l'occasion de trouver un emploi.
L'obligation de formation et d'information est un élément essentiel du
dispositif que vous nous présentez. Pour moi, c'est l'une des clés de cette
discussion.
Etant rappelé que j'attache la plus grande importance à la position que vous
prendrez sur les amendements que je présenterai, vous comprendrez que, par voie
de conséquence, mon vote dépendra des réponses que vous apporterez aux
interrogations que, comme beaucoup de mes collègues, j'ai formulées.
M. le président.
La parole est à M. Joseph Ostermann.
M. Joseph Ostermann.
Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat,
mes chers collègues, c'est avec satisfaction que nous ouvrons cette nouvelle
législature sur le thème de l'emploi des jeunes. Il s'agit en effet d'une
priorité ancienne et constante du chef de l'Etat, mais aussi d'un défi national
auquel nous devons apporter des réponses fortes et rapides.
Jacques Chirac a depuis longtemps exprimé son intérêt pour l'emploi des
jeunes. A la veille de sa première mandature à l'Elysée, il en appelait déjà à
une initiative solennelle pour élever l'insertion des jeunes à la hauteur d'un
devoir national.
Et il a eu l'occasion dernièrement, lors de la campagne électorale, d'aborder
ce thème et de proposer la création de ce qu'il a appelé un « contrat
d'insertion dans la vie sociale », destiné à apporter une réponse globale et
personnalisée au problème du chômage des jeunes. Le projet de loi que nous
examinons aujourd'hui constitue l'un des volets de ce contrat. Il s'agit en
effet d'un véritable défi pour notre pays dont les implications globales
dépassent le simple cadre économique.
Le chômage des jeunes est, tout d'abord, source d'exclusion sociale. Les
jeunes sont surreprésentés dans les populations en grande difficulté. Le taux
de pauvreté des jeunes entre vingt et vingt-neuf ans avait ainsi atteint 18 %
en 1998 contre 11 % en 1990.
Autre conséquence possible : la violence. Si une activité stable et rémunérée
est génératrice de liberté, d'émancipation, d'autonomie et de
responsabilisation, l'insécurité économique peut
a contrario
être source
d'angoisse et de violence.
L'emploi des jeunes peut, par ailleurs, avoir un impact important en matière
d'aménagement du territoire. Les difficultés rencontrées par de nombreux jeunes
pour trouver un emploi en milieu rural les conduisent trop souvent à quitter
leur « pays natal », ce qu'ils font en général à contrecoeur, accentuant ainsi
le phénomène de désertification rurale.
Enfin, l'insécurité économique des jeunes a des conséquences en termes de
civisme. La proportion des jeunes sans emploi est plus de deux fois supérieure
à la moyenne nationale, et la population jeune représente la couche la plus
abstentionniste de l'électorat. Le lien semble évident. Or, après le premier
tour de l'élection présidentielle, nous ne pouvons plus ignorer la menace que
constitue cet abstentionnisme pour notre démocratie.
La question de l'emploi des jeunes ne doit donc pas être considérée à la
légère, et ce d'autant moins que l'ampleur prise par le phénomène est très
préoccupante. Le taux de chômage des jeunes sans diplôme, avec 33,1 %, est très
élevé, trop élevé. Le chômage des jeunes de moins de vingt-cinq ans a connu la
progression la plus forte, puisqu'il a augmenté de 15 % entre avril 2001 et
avril 2002.
Le phénomène le plus inquiétant est le chômage des jeunes sans qualification.
Ces derniers sont en moyenne entre 50 000 et 70 000 à arriver chaque année sur
le marché du travail, alors que, dans le même temps, le niveau d'études ne
cesse de s'élever, devenant un facteur de plus en plus déterminant dans l'accès
à l'emploi. Les inégalités sociales se creusent ainsi fortement au sein de la
population jeune ; c'est probablement l'esquisse d'une accentuation à l'avenir,
par effet de génération, des inégalités.
Nous avons par conséquent le devoir d'agir rapidement et efficacement. Le
texte que nous examinons aujourd'hui semble répondre à cette double exigence,
et ce à plusieurs titres.
Tout d'abord, monsieur le ministre, vous évitez les errements du précédent
gouvernement en proposant une mesure destinée à assurer un traitement
économique et non social du chômage.
La possibilité d'offrir du travail aux jeunes doit être prioritaire : il
convient d'éviter le piège de l'assistanat, dans lequel semblait vouloir tomber
votre prédécesseur en évoquant, avant son départ, un projet de « RMI jeune »
versé dans le cadre du plan d'aide au retour à l'emploi, le PARE.
Le deuxième point positif de votre projet de loi, monsieur le ministre, réside
dans le fait que les contrats concernés seront exclusivement des CDI. C'est une
bonne chose, car les CDD, et surtout le travail temporaire, s'ils permettent en
apparence de mettre les jeunes non qualifiés au travail, entraînent néanmoins
de multiples effets pervers et peuvent se révéler néfastes. En effet, d'une
part, du fait de la facilité à trouver un emploi grâce à l'intérim, certains
jeunes renoncent à poursuivre leurs études ; d'autre part, ces emplois
temporaires semblent les maintenir dans une situation de grande précarité et
n'ouvrent que peu de perspectives de carrière.
En outre, le dispositif que vous proposez, monsieur le ministre, s'adresse
essentiellement au secteur privé et semble avoir pour objet de remédier aux
défauts des emplois-jeunes en étant explicitement réservé aux jeunes non
qualifiés.
Les emplois-jeunes présentent en effet de nombreux défauts : ils concernent
bien souvent des jeunes surqualifiés, employés à des tâches peu enrichissantes,
qui risquent d'être confrontés à des difficultés d'insertion plus grandes à la
sortie du dispositif.
Leur coût est par ailleurs excessif pour les finances publiques : un budget de
4 milliards d'euros par an qui n'a nullement empêché la France de se distinguer
en se voyant attribuer le record européen du chômage des jeunes non diplômés
!
M. Jean Chérioux.
C'est vrai !
M. Joseph Ostermann.
Pourriez-vous nous indiquer, monsieur le ministre, comment et selon quel
calendrier vous entendez faire évoluer ce dispositif ?
Enfin, permettez-moi de saluer la mesure qui est au coeur de votre projet de
loi, à savoir la baisse des charges. Comme je n'ai eu de cesse de le répéter au
cours de la précédente législature, le poids des charges nuit fortement à
l'emploi, à la compétitivité et à l'attractivité de notre pays. J'ai ainsi
déposé en 1998 une proposition de loi n° 224, quasiment identique à votre
projet de loi, monsieur le ministre.
M. Emmanuel Hamel.
Vous êtes un précurseur !
M. Joseph Ostermann.
Au total, le nombre d'emplois créés par les investisseurs étrangers a baissé
de 28 % par rapport à 2000. Selon une étude publiée à la fin du mois de juin,
l'environnement législatif demeure dans le collimateur des dirigeants
internationaux. Dans leur esprit, les coûts salariaux, les charges fiscales
pesant sur les entreprises ainsi que la faible flexibilité du travail sont
autant de handicaps pour l'attractivité de notre pays.
Il en va de même pour les PME et les artisans, pour qui les charges
constituent un obstacle majeur à la création d'emplois.
Le dispositif que vous soumettez à notre examen, monsieur le ministre, va donc
dans la bonne direction. Je ne peux que vous en féliciter. Toutefois,
permettez-moi d'attirer votre attention sur quelques points qu'il conviendrait
d'améliorer.
Tout d'abord, je crains que la mesure concernant la réduction des charges
n'entre en concurrence avec certains allégements, tels que les contrats
d'apprentissage, qu'il faudrait veiller à ne pas menacer. Pourriez-vous me
rassurer sur ce point ?
Par ailleurs, ne conviendrait-il pas d'entamer dans les mois à venir une
remise à plat de l'ensemble des exonérations de cotisations sociales liées à la
politique de l'emploi ?
Un référé de la Cour des comptes du 21 septembre 2001 rappelait ainsi qu'il
n'existe pas moins de trente-cinq mesures de ce type empilées les unes sur les
autres et que leur grande diversité d'objet, de modalités d'application et de
gestion entraîne de sérieuses difficultés d'application, ainsi que des
interprétations divergentes de la réglementation.
L'autre point sur lequel des améliorations du texte me semblent souhaitables a
trait aux possibles effets de seuils dus aux limites d'âge proposées ainsi
qu'au risque d'effet d'aubaine produit par le caractère forfaitaire de l'aide
quelle que soit la nature du contrat, à temps plein ou à temps partiel.
Enfin, je vous invite à poursuivre votre action en faveur des jeunes dans les
mois et les années à venir en la complétant par un volet indispensable
concernant la formation professionnelle.
Comme l'a si justement affirmé le Premier ministre dans son discours de
politique générale, la réforme de notre système de formation est nécessaire
pour une meilleure efficacité et, surtout, pour plus de simplicité.
La seule réduction des charges ne peut suffire. Dans de nombreux secteurs, le
problème central est celui de l'inadéquation entre l'offre et la demande et,
par conséquent, celui de la pénurie de main-d'oeuvre qualifiée.
Je citerai l'exemple du secteur de l'hôtellerie-restauration. Selon une étude
de la direction de l'animation de la recherche, des études et des statistiques,
la DARES, de 1997 à 2000, les offres enregistrées par l'ANPE ont augmenté de 29
%, et les embauches de 23 %. Inversement, le nombre de chômeurs susceptibles
d'y répondre a baissé de 15 %.
Par conséquent, il me semble impératif, dans un premier temps, d'inciter les
partenaires sociaux à reprendre les négociations qui n'ont jusqu'à présent pas
abouti et, dans un second temps, d'élaborer et de mettre en oeuvre une
véritable refonte de notre système de formation dans son ensemble.
En ce qui concerne notre système de formation professionnelle, je pense que
nous aurions beaucoup à gagner à observer nos voisins allemands, que j'ai
l'occasion de rencontrer régulièrement dans mon département, qui est frontalier
de l'Allemagne, et à nous inspirer de leur exemple.
En France, environ 250 000 jeunes suivent chaque année un apprentissage. Ils
sont plus de 1,5 million en Allemagne où, même si le système éducatif et
scolaire pose quelques problèmes, le taux d'insertion des jeunes apprentis est
de plus de 95 % contre 62 % en France.
Outre-Rhin, 55 % des actifs sont issus de la filière professionnelle avec des
diplômes correspondant aux besoins de l'entreprise. Les entreprises recrutent
d'abord les jeunes pour les former avec le concours des institutions. Les
employeurs assurent la maîtrise d'oeuvre de la formation professionnelle
initiale et ils ont une voix prépondérante dans l'élaboration des programmes et
la définition des diplômes.
En France, en revanche, certains jeunes sortent de formation avec un diplôme
dont le contenu est bien souvent déjà dépassé au regard des besoins des
employeurs et du marché.
Monsieur le ministre, vous nous proposez un texte simple de compréhension et
facile d'application, éléments qui garantiront son efficacité. Il vous reste,
cependant, beaucoup à accomplir ; mais vous disposez de cinq longues années
devant vous. Avec le présent texte, vous êtes sur la bonne voie et vous pouvez
compter sur les sénateurs du RPR pour vous aider à atteindre vos objectifs. Je
voterai par conséquent votre projet de loi.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et
de l'Union centriste.)
M. le président.
La parole est à M. Jean-Paul Virapoullé.
M. Jean-Paul Virapoullé.
Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat,
mes chers collègues, j'aborderai ce sujet avec, si possible, beaucoup de
réalisme et, très certainement, beaucoup d'humilité.
Le chômage n'est pas une affaire avec laquelle on plaisante. Il y a tellement
d'échecs sur le chemin de chacun de nous, tellement de misère sur la route de
ces jeunes, tellement de désespérance dans les familles qu'il faut analyser ce
projet de loi comme étant la première « carte de visite » de ce nouveau
gouvernement, monsieur le ministre. Je parle de première carte de visite parce
que, si notre action sur les cinq ans à venir se limitait à ce projet de loi,
on dirait bien évidemment qu'elle est insuffisante. Mais il faudrait être bien
naïf pour faire un tel procès d'intention.
En revanche, nous sommes tous suffisamment réalistes pour reconnaître à ce
projet de loi un certain nombre de mérites.
Tout d'abord, il constitue un signal fort en faveur d'une baisse des coûts du
travail et en direction des jeunes pour les inciter à renoncer à certains
circuits d'assistance et à venir travailler.
Ce texte est simple : la preuve, je l'ai compris ! C'est donc un grand progrès
!
(Sourires.)
Je ne sais si c'est moi qui ai fait des progrès ou si c'est
le rédacteur du projet de loi, mais, à mon avis, c'est plutôt ce dernier, et je
l'en félicite.
Ce texte s'adresse à des jeunes employables immédiatement pour les faire
sortir de la valse des CDD et les conduire vers des CDI. Je pense que tous les
sénateurs ici présents souligneront cet acquis.
En outre, l'on engage, par un accord de branche, un processus de validation
des acquis et l'on ouvre, pour ces jeunes, la possibilité d'un plan de
formation dans l'entreprise lorsque cela existe. Sur ce point, monsieur le
ministre, les orateurs du groupe de l'Union centriste qui m'ont brillamment
précédé à cette tribune vous ont dit que ce texte méritait certainement des
améliorations. En effet, si la baisse des charges est une incitation pour
l'employeur à faire appel aux jeunes, elle doit être accompagnée d'un système
permettant l'amélioration de la qualité professionnelle des jeunes pour que, au
fur et à mesure que l'aide diminue, la performance dans le travail du jeune
s'améliore et pour que celui-ci puisse demeurer dans l'entreprise.
Mais alors, pourquoi, malheureusement, ce texte ne saurait-il concerner tous
les jeunes âgés de seize à vingt-cinq ans ? Eh bien, parce qu'il n'y a pas une
seule strate de jeunes entre seize et vingt-cinq ans. Il existe en effet
différents degrés de désespérance des jeunes - je parle ici en tant que maire,
et je pense que tous les maires ici présents partageront mon sentiment.
Certains jeunes ont été exclus des liens familiaux, du logement ou de toute
qualification ; ils ne possèdent aucune maîtrise, ni de la lecture, ni de
l'écriture, ni du calcul ; ceux-là sont inemployables et ne seront donc pas
concernés par ce projet de loi, pas plus d'ailleurs que par aucun autre texte.
Ces jeunes-là sont la proie des réseaux mafieux, des réseaux de délinquance,
dont ils constituent parfois aussi volontairement le ferment.
Or, vous ne pourrez pas dire à un employeur : « Employez ce jeune, il ne sait
rien faire » ! Il faut donc que, dans les cinq années qui viennent, au cours
desquelles nous devrons, pour honorer la confiance des Français, changer le
visage de notre pays, nous puissions mettre en place deux grandes réformes,
monsieur le ministre.
La première réforme, qui relève de votre ministère et du ministère de
l'éducation nationale, concerne l'acquisition d'un minimum de savoirs pour
chaque jeune citoyen de la République : que chacun sache lire, écrire, compter
et parler français grâce au soutien scolaire, qu'il faudrait généraliser, et
grâce à un parcours éducatif personnalisé.
Le coût budgétaire, le coût social, le coût sur le plan de la sécurité de
l'inadaptation de ces milliers de jeunes est énorme pour la société, et nous
devrions consacrer une part non négligeable de notre richesse à remédier à ce
mal si nous voulons inaugurer une nouvelle politique.
La seconde réforme est liée à celle de l'école. Aujourd'hui, on fait jouer à
votre ministère le rôle du SAMU social pour pallier les échecs du ministère de
l'éducation nationale.
M. Jean Chérioux.
Exactement !
M. Jean-Paul Virapoullé.
C'est parce que l'école de la République n'est plus le centre de gravité de
l'égalité sociale, de l'égalité des chances quant à l'accès au savoir et donc à
l'emploi que nous devons inventer systèmes d'aides sur systèmes d'aides ; sans
pour autant parvenir à atteindre les cibles les plus pauvres de notre
société.
Simultanément à la réforme de l'école, c'est donc une réforme de notre système
d'incitation à l'emploi des jeunes qu'il faut mettre en oeuvre. Si nous
concentrons nos efforts sur un seul aspect en négligeant l'autre, nous aurons
un système déséquilibré et, les mêmes causes produisant les mêmes effets, nous
subirons les échecs que nous avons connus précédemment.
C'est la raison pour laquelle je propose, monsieur le ministre, que la
nouvelle majorité, qui soutient activement le Gouvernement, travaille, dans les
mois et les années à venir, avec vous-même et avec votre collègue ministre de
l'éducation nationale, afin de sortir des dogmes et des carcans dépassés et de
changer en profondeur la société française.
Sur le terrain, j'ai entendu dire qu'il y a ceux qui savent tout, qui habitent
Paris, qui siègent à tous les niveaux de l'administration du pays et imposent à
la nation entière leur vision de l'avenir, laquelle n'est pas celle de
l'intérêt de la France.
Que demande-t-on sur le terrain ? Qu'on change un peu les façons de faire !
M. Jean Chérioux.
Tout à fait !
M. Jean-Paul Virapoullé.
Il faut savoir qu'il y a non pas une population homogène de jeunes, mais une
multitude de jeunes qui sont dissemblables par leur naissance, leurs
compétences, leurs capacités, leur origine sociale !
Il faut savoir que le collège à tronc unique est une aberration qui casse des
générations entières de jeunes !
Il faut savoir que l'information n'atteint plus les jeunes. Lorsque nous
aurons voté ce dispositif, combien de jeunes de nos banlieues, de nos quartiers
déshérités seront-ils informés de sa création ?
Il faut redynamiser les services de l'ANPE et des missions locales, les
remettre en contact avec ces populations de jeunes pour qu'elles retrouvent la
voie de l'espérance et du travail.
Enfin, nous attendons également que ce gouvernement libère les entreprises
françaises des dogmes passéistes qui les ont paralysées. C'est le marché qui
crée la richesse et donc l'emploi. Si on néglige cette vérité, qui est reconnue
dans tous les pays développés, on pourra créer tous les systèmes d'aides
imaginables sans jamais atteindre le plein emploi.
Je vous remercie, monsieur le ministre, au nom du groupe de l'Union centriste,
de nous avoir annoncé que le Gouvernement entend simplifier les procédures
administratives et réduire les coûts pour les entreprises pour la mise en
oeuvre du dispositif de soutien à l'emploi des jeunes.
Comme l'a demandé Mme Valérie Létard, nous attendons que vous nous donniez une
évaluation de l'application du dispositif au terme d'une période d'un an. Mais
nous vous demandons surtout de prêcher, là où le vote des Français vous a
placé, pour la mise en oeuvre d'une grande réforme tendant à l'équilibre des
pouvoirs entre le ministère de la jeunesse, l'éducation nationale et de la
recherche et le ministère des affaires sociales, du travail et de la
solidarité, pour que l'égalité devant le savoir et devant l'emploi ne soient
plus des professions de foi mais deviennent une réalité quotidienne.
(Bravo
! et applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des
Républicains et Indépendants.)
M. le président.
Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
M. François Fillon,
ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité.
Je
demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. François Fillon,
ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité.
Monsieur
le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je veux d'abord remercier le
Sénat pour l'élévation, la qualité et la précision de ce débat. A cette
occasion, j'ai remarqué que, au-delà des divergences politiques, ce texte
contient plusieurs points de consensus. Ils sont dus, me semble-t-il, pour une
large part, au travail accompli par la commission, par son président et, en
particulier, par son rapporteur.
(Vifs applaudissements sur les travées du
RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. Henri de Raincourt.
C'est un très bon rapporteur !
M. François Fillon,
ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité.
Je tiens
à remercier M. Souvet pour la qualité de son travail. Je n'en suis pas étonné,
car il connaît parfaitement les sujets que nous abordons aujourd'hui, en raison
de son expérience de législateur, mais également de son expérience personnelle,
professionnelle et d'élu local.
M. Souvet a procédé à de nombreuses auditions, notamment des partenaires
sociaux...
M. Jean Chérioux.
Eh oui !
M. François Fillon,
ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité.
... qui
ont permis de relativiser les critiques et les craintes formulées ici ou là sur
ce texte.
Il a suggéré des aménagements qui ne remettent en cause ni l'esprit ni
l'architecture du présent projet de loi. Il a en particulier ouvert un débat
sur le point relatif aux seuils d'effectif des entreprises éligibles au
dispositif. Il a proposé d'apporter des précisions quant au terme « exonération
» afin d'indiquer ce qu'il recouvre en réalité.
Il a proposé de mieux encadrer le travail à temps partiel et d'introduire des
aménagements, en discussion avec les partenaires sociaux, visant à mettre en
place un accompagnement du jeune dans l'entreprise et à faciliter son accès aux
bilans de compétences.
Ce sont là des sujets sur lesquels le Gouvernement se montrera ouvert lors de
l'examen des amendements.
Enfin et surtout, M. Souvet a défini le présent texte de la meilleure manière
qui soit, en soulignant dans sa conclusion que le dispositif qui est proposé
constitue une deuxième chance offerte aux jeunes qui ont échoué dans le système
éducatif.
M. Joly a regretté que le Parlement soit obligé de travailler dans l'urgence,
mais il sait que le calendrier politique et électoral, le calendrier des
travaux parlementaires qui a peut-être nécessité de ne pas tenir le Parlement
occupé pendant tout l'été, nous a contraints d'agir vite.
Monsieur Joly, le Gouvernement a fait le pari de ne pas introduire dans ce
texte d'obligation de formation, et, comme vous-même et beaucoup de sénateurs
m'avez interrogé sur ce sujet qui est au coeur de notre débat, je voudrais
revenir sur les raisons que j'ai données dans mon propos liminaire.
A l'instar de M. Joly et de beaucoup d'entre vous, je pense évidemment que la
formation est la meilleure garantie pour le salarié. J'aurai d'ailleurs
l'occasion de proposer au Parlement, dans les mois qui viennent, comme l'a
rappelé M. le Président de la République à l'occasion de l'entretien qu'il a
accordé le 14 juillet, un dispositif d'assurance emploi qui vise à instaurer un
compte individuel de formation professionnelle, dispositif au fond beaucoup
plus efficace, selon nous, pour lutter contre les conséquences et les aléas du
marché, de l'économie, que toutes les lois tendant à interdire les
licenciements.
Il faut reconnaître - plusieurs d'entre vous l'ont d'ailleurs souligné - que
certains jeunes n'ont aucun goût pour ce qui leur rappelle, d'une manière ou
d'une autre, la scolarité. Il vaut mieux alors compléter le dispositif pour
faire en sorte que, à côté des formations en alternance qui leur sont ouvertes
mais vers lesquelles ils ne se tournent pas, un vrai départ dans la vie leur
soit proposé, afin de leur éviter la succession plus ou moins réussie d'emplois
précaires. Il faut bien entendu espérer que le salarié comprendra que son
intérêt est d'acquérir non seulement un savoir-faire, mais également une
véritable qualification. Il pourra choisir à tout moment d'entrer dans un cycle
de formation en alternance, sans préavis.
Les employeurs ont aussi intérêt à former les jeunes qu'ils embauchent,...
M. Alain Gournac.
Bien sûr !
M. François Fillon,
ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité.
...
notamment en CDI. C'est un investissement utile, d'autant plus naturel que se
crée, avec le temps, une relation personnelle avec le jeune salarié qui est
accueilli dans l'entreprise.
Enfin, je fonde beaucoup d'espoirs sur les partenaires sociaux, afin qu'ils
négocient, au sein de chaque branche, les conditions de validation des acquis
de l'expérience au terme des trois années de soutien par l'Etat.
En écoutant M. Muzeau, j'ai eu le sentiment qu'il avait envie de voter ce
texte...
M. Alain Gournac.
Il était ennuyé !
M. Jean Chérioux.
Mais oui !
M. François Fillon,
ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité.
... mais
que, au fond, il ne pouvait pas vraiment le faire.
Il a d'abord soumis son avis, comme nombre d'autres sénateurs de l'opposition,
à la position qu'adoptera le Gouvernement s'agissant des emplois-jeunes ; j'y
reviendrai dans un instant. Mais je retiens volontiers certaines de ses
propositions visant à faire un diagnostic des dispositifs existants, afin de
veiller notamment à ce qu'ils soient bien articulés.
Vous avez aussi souhaité, monsieur Muzeau, que le programme TRACE soit
renforcé. Je peux vous assurer qu'il le sera. Nous le ferons évoluer, comme M.
le Président de la République s'y est engagé, vers un contrat d'insertion dans
la vie sociale, le CIVIS, qui correspond au fond à un programme TRACE plus
ambitieux encore et ouvert à un public plus large.
M. Muzeau s'est inquiété du fait que ce texte pourrait créer une norme
d'emploi
a minima.
Or en instituant un contrat à durée indéterminée avec
une rémunération correspondant aux conditions normales du marché du travail,
nous évitons précisément tous les systèmes antérieurs qui avaient été adoptés
par des majorités différentes, et qui tous, au fond, faisaient que le jeune ne
bénéficiait pas d'un contrat de travail comme celui des autres salariés.
Enfin, il a émis des critiques très vives sur la politique d'allégement des
charges. J'aurai l'occasion d'y revenir un peu plus tard.
Je partage le diagnostic qu'a fait M. Chabroux de la situation lorsqu'il a
dénoncé la paupérisation et l'exclusion qui caractérisent une partie de la
jeunesse. Il réclame une augmentation des salaires, une réforme de la formation
et une relance du dialogue social. Nul ne saurait formuler de meilleure
critique de la politique qui a été conduite ces cinq dernières années !
M. Jean Chérioux.
Absolument !
M. Alain Gournac.
C'est vrai !
M. François Fillon,
ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité.
C'est
parce que nous sommes dans cette situation que le Gouvernement entend créer une
nouvelle donne.
M. Chabroux s'est inquiété de ce que ce texte serait applicable au 1er
juillet. Il s'agirait au fond d'une sorte de « validation législative ». Telle
est l'expression qu'il a employée. Il sait bien que cette disposition
rétroactive a pour effet d'éviter que, dès l'annonce de la mesure - plus
avantageuse - que le Gouvernement allait prendre, les entreprises ne cessent de
recruter en attendant sa mise en place.
J'ajoute que cette période de l'été est très importante pour les jeunes, parce
que c'est celle où ils sortent du système de formation.
Il était donc naturel que nous proposions cette anticipation.
M. Chabroux a regretté qu'il n'y ait pas eu assez de concertation avec les
partenaires sociaux et il s'est interrogé sur le point de savoir si le
Gouvernement entendait renoncer au dialogue social, qui est l'une des pierres
angulaires de la politique que nous voulons conduire. Il a pris l'exemple du
SMIC, qui est un très mauvais exemple,...
M. Alain Gournac.
Eh oui !
M. Gilbert Chabroux.
Allons !
M. François Fillon,
ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité.
... car,
comme je l'ai déjà dit, c'est un débat de tartuffes. Jamais - vous le savez
bien, monsieur le sénateur - le précédent gouvernement n'a négocié
l'augmentation du SMIC. J'ai retrouvé un discours dans lequel mon prédécesseur
annonçait, au début même de la réunion de la commission nationale de
concertation, le niveau auquel le gouvernement d'alors avait décidé de fixer le
SMIC !
Sur ce texte, il y a eu concertation avec les partenaires sociaux. Toutefois,
il est vrai que cette concertation, compte tenu des délais qui nous ont été
imposés, n'a pas été aussi longue qu'ils l'auraient souhaité.
Nous devons arbitrer entre la nécessité du dialogue social - et je prends
l'engagement que ce dialogue social sera respecté par le Gouvernement - et
l'urgence à agir après le message que nous avons reçu à l'occasion de ces
élections. Rien ne paraît pire que de dire à la jeunesse, au peuple français
qui vient de s'exprimer, que, puisque nous voulons le dialogue social, nous
n'allons pas pouvoir lui proposer quelque avancée que ce soit dans le domaine
social avant l'année 2003.
C'est à peu près ce qui se serait passé si nous n'avions pas été en mesure de
vous proposer ce texte au cours de la présente session.
M. Chabroux s'est félicité de la baisse du chômage des jeunes lors des années
précédentes. Il a tout juste omis de préciser que nous avions connu une
croissance exceptionnelle pendant ces années-là,...
M. Gilbert Chabroux.
Grâce à qui ?
M. François Fillon,
ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité.
... que
les emplois-jeunes, comme il l'a reconnu, ne sont pas pour rien dans la baisse
du chômage. Mais précisément, ce ne sont pas des emplois durables, définitifs.
Par conséquent, nombre de jeunes se retrouvent au chômage à la sortie du
dispositif.
M. Chabroux a aussi omis de préciser que la France, malgré cette croissance,
malgré les emplois-jeunes et les 35 heures, fait toujours moins bien que
l'ensemble des pays européens en matière de chômage des jeunes.
Il a regretté que l'on laisse en dehors du système les jeunes qualifiés. Mais,
monsieur le sénateur, c'est justement parce que nous ne voulions pas que les
critiques qui avaient été formulées à l'occasion de la mise en oeuvre du CIP,
que vous avez vous-même cité tout à l'heure, soient renouvelées sur le présent
texte que nous avons évité d'y inclure les jeunes diplômés. Nous ne voulons pas
dévaloriser les diplômes, notamment le diplôme d'études universitaires
générales, ou DEUG. Vous l'avez bien compris.
M. Chabroux a également comparé les mesures prévues par ce projet de loi au
dispositif « exo-jeunes » de 1991. Cette comparaison intéressante n'est pas
forcément illégitime. Elle pourrait d'ailleurs conduire certains des membres de
cette assemblée à soutenir aujourd'hui ce texte !
M. Nicolas About,
président de la commission des affaires sociales.
Bien sûr !
M. Alain Gournac.
Ah !
M. François Fillon,
ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité.
Mais
notre projet de loi relève d'une ambition différente.
Tout d'abord, la durée de l'aide que nous proposons d'instaurer est deux fois
plus longue que celle que prévoyait le dispositif « exo-jeunes », laquelle
était de dix-huit mois.
Par ailleurs, il s'agit d'une aide pérenne, et non d'une aide disponible entre
le 15 octobre et le 31 mai, ce qui, convenons-en, majorait l'effet
d'aubaine.
M. Chabroux a raison de dire que, au fond, si l'on estime que le dispositif «
exo-jeunes » était intéressant, il est dommage qu'il ait été supprimé en 1993.
Toutefois, monsieur le sénateur, vous ne pouvez pas avoir oublié quelle était
la situation économique et financière de notre pays cette année-là.
Permettez-moi de vous rappeler que le déficit budgétaire atteignait, à
l'époque, 6 % du produit intérieur brut. Il était nécessaire de défendre le
franc et, naturellement, il a fallu procéder à des coupes dans les dépenses
publiques, pour rétablir un équilibre que vous souhaitez vous-même,
aujourd'hui, sauvegarder.
Enfin, monsieur Chabroux, vous avez évoqué longuement la formation.
A cet égard, je voudrais que l'on n'oublie pas que le salarié a des droits à
la formation professionnelle en entreprise. S'il est titulaire d'un CDI, ces
droits seront plus grands que s'il enchaîne les CDD ou les missions
d'intérim.
En outre, monsieur le sénateur, l'entreprise est rationnelle. Dans bien des
cas, elle devra, au début, socialiser et intégrer le jeune, ce qui représente
un investissement. Or, si elle consent cet effort, ce ne sera pas pour mettre
le jeune à la porte à l'issue du programme. D'ailleurs, si une entreprise en
venait à licencier des salariés pour des raisons économiques, elle ne pourrait
bien évidemment plus bénéficier du dispositif.
La question du financement a été évoquée par plusieurs orateurs. Sur ce point,
je voudrais souligner que la montée en puissance du dispositif sera bien sûr
progressive. Nous devons pouvoir gérer un redéploiement jusqu'à l'examen du
projet de loi de finances pour 2003, sans porter préjudice au dispositif
existant. Bien entendu, il en sera rendu compte en détail au Parlement dans le
collectif budgétaire de fin d'année. Par ailleurs, nous avons prévu, pour 2003,
des crédits d'un montant de l'ordre de 160 millions d'euros. En régime de
croisière, en 2005, on devra tabler sur une dépense de quelque 500 millions
d'euros.
Plusieurs intervenants se sont inquiétés de l'avenir du programme TRACE. Je
leur ai répondu en indiquant que nous avons l'intention de l'amplifier.
Cela étant, la question ayant principalement retenu l'attention des orateurs
de l'opposition est celle des emplois-jeunes. Je voudrais d'abord dire que la
proposition que nous faisons aujourd'hui ne constitue pas un substitut à ce
dispositif. Ne nous trompons pas de débat ! La question des emplois-jeunes sera
notamment discutée lors de l'examen de la loi de finances.
M. Nicolas About,
président de la commission des affaires sociales.
Très bien !
M. Gérard Delfau.
Oui !
M. François Fillon,
ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité.
Je peux,
cependant, vous indiquer dès maintenant dans quelle direction s'oriente notre
réflexion.
Les emplois-jeunes ont rendu des services, en particulier dans les
associations et dans les quartiers.
MM. Gilbert Chabroux et Claude Domeizel.
C'est bien de le reconnaître !
M. Guy Fischer.
Vous avez entendu M. le ministre, chers collègues ?
Mme Michelle Demessine.
Dans les collectivités aussi !
M. François Fillon,
ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité.
Beaucoup
font du bon travail. Mais permettez-moi de me placer du point de vue des jeunes
: est-il raisonnable d'orienter ainsi des jeunes - le plus souvent diplômés, on
l'a dit, puisque 80 % d'entre eux ont le bac ou plus - vers des emplois
temporaires qui n'ouvrent sur aucune perspective professionnelle durable ?
M. Eric Doligé.
C'est du camouflage !
M. Alain Gournac.
Ce sont des emplois « parking » !
M. François Fillon,
ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité.
Ne
faudrait-il pas faire un meilleur arbitrage de l'utilisation des fonds publics
au bénéfice des jeunes les moins qualifiés, en offrant de réelles possibilités
d'apprendre un métier ?
Je rappelle que les emplois-jeunes coûtent plus de 3 milliards d'euros à
l'Etat ! Ne doit-on pas s'interroger sur la situation de jeunes qui, pendant
cinq ans, auront certes fait des choses utiles et intéressantes, mais ne se
seront pas préparés à entrer dans la vie active au sein des entreprises ? Ces
dernières n'ont-elles pas besoin aujourd'hui de ces jeunes-là ?
M. Alain Gournac.
Eh oui !
M. François Fillon,
ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité.
La
logique qui sous-tend ce projet de loi, c'est celle du soutien à l'emploi des
jeunes en entreprise. Elle nous paraît meilleure que celle qui prévalait
auparavant, mais cela ne signifie pas, pour autant, que nous allons mettre
brutalement un terme aux contrats-jeunes en cours d'exécution.
A cet égard, nous allons non seulement tenir les engagements pris par l'Etat,
mais aussi favoriser les sorties du système, et ce de toutes les façons
possibles : dans le secteur marchand et dans la fonction publique, via les
concours.
En outre, nous allons réduire le nombre des entrées dans le dispositif des
emplois-jeunes. Nous n'avons pas le choix cette année, puisque le quota de dix
mille contrats qui avait été prévu par le précédent gouvernement est déjà
dépassé de plus de mille unités. Sans doute était-on pressé...
M. Alain Gournac.
De partir !
M. François Fillon,
ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité.
...
d'agir avant les élections !
Prenons maintenant le temps de réfléchir, dans l'intérêt des jeunes eux-mêmes
et des secteurs concernés, en liaison avec les collectivités locales et le
monde associatif. Certes, je mesure l'importance des besoins, que ce soit dans
les quartiers, en matière d'application de la politique de la ville, dans le
secteur social ou encore au sein de l'éducation nationale, mais il faut aussi
que nous prenions l'exacte mesure de ce que l'Etat peut et doit faire dans la
durée. A ma connaissance, il n'a jamais été dit que les contrats-jeunes
seraient permanents. L'idée d'un horizon à cinq ans était clairement affirmée
au départ. On savait dès lors qu'un problème sérieux se poserait à cette
échéance. Nous le résoudrons, mesdames, messieurs les sénateurs, en gardant
bien à l'esprit l'intérêt public et la nécessité d'un juste partage des
responsabilités.
Je voudrais maintenant saluer l'humanisme de M. Seillier, qui a su dépasser
les querelles mesquines et rappeler que le travail est d'abord, pour beaucoup,
une source de dignité, d'autonomie et d'épanouissement. Il a par ailleurs
évoqué les fausses valeurs que véhicule notre société et dont les jeunes sont,
plus que les autres, les victimes.
M. Carle a souligné avec beaucoup d'à-propos qu'il s'agissait, dans notre
projet de loi, de créer de vrais emplois et non pas de susciter de faux
espoirs. Il est exact que le contrat-jeune en entreprise ouvre la voie à une
autre manière d'intervenir dans la lutte contre le chômage.
D'abord, nous proposons d'appliquer avant tout le droit commun et non de
mettre en place des dispositifs
ad hoc
, nécessairement peu évolutifs
puisque que construits en fonction d'une logique de spécificité.
Ensuite, nous souhaitons ouvrir aux partenaires sociaux la faculté, soit à
l'échelon interprofessionnel, soit à celui des branches, d'enrichir le
dispositif, notamment en matière de formation, ce qui n'est pas possible
lorsque la loi prévoit les modalités dans le détail, comme c'était trop souvent
le cas par le passé.
Enfin, nous voulons inscrire ces dispositifs dans les territoires, ce qui
laissera une grande latitude aux collectivités locales.
Comme M. Carle, je suis favorable à l'établissement régulier d'un bilan
d'étape. Les choses ne doivent pas être figées : il est possible que, d'ici à
trois ou quatre ans, l'insertion des jeunes sur le marché du travail pose moins
de difficultés que le reclassement des salariés âgés. C'est d'ailleurs sans
doute en ce sens que la situation évoluera, et il faudra alors abroger ce
dispositif ou le modifier, afin de répondre aux problèmes qu'affrontera la
société dans les années à venir.
D'une manière générale, il faut adapter nos dispositifs, qui sont trop
nombreux et pas toujours suffisamment lisibles.
Mme Bocandé a eu raison de rappeler que l'entreprise est également un lieu de
formation : la validation des acquis relève bien de ce constat.
M. Gournac, quant à lui, a souligné à juste titre qu'une vraie politique de
l'emploi ne peut faire abstraction de la question des charges pesant sur les
salaires les plus modestes. Je voudrais lui dire que ce texte sur l'emploi des
jeunes en entreprise constitue, dans mon esprit, une première étape vers un
allégement général du coût du travail : c'est dans cette perspective que nous
travaillons, conformément d'ailleurs aux orientations définies par le Président
de la République et rappelées de nouveau le 14 juillet dernier.
M. Guy Fischer.
Toujours plus !
M. François Fillon,
ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité.
Comme l'a
précisé Mme Létard, le dispositif devra bien sûr être promu auprès des jeunes
par tous ceux qui s'efforcent de les aider dans leur orientation et dans leur
parcours d'insertion. De ce point de vue, je crois qu'il sera un outil utile
pour permettre aux missions locales de jouer leur rôle d'accompagnement.
Je suis d'accord avec vous, monsieur Delfau, pour estimer qu'il faudra
construire, au profit des jeunes bénéficiaires du dispositif, un parcours de
qualification, mais je crois qu'il ne revient pas à la loi de le définir de
manière uniforme. Je fais confiance aux partenaires sociaux, à l'échelon des
branches, pour encadrer la validation des acquis de manière constructive et
précise.
M. Ostermann a eu raison de souligner que le taux d'abstention parmi les
jeunes est beaucoup trop élevé. Je me réjouis que le Gouvernement et le
Parlement puissent faire, par le biais de ce texte, un geste concret en
direction des jeunes, notamment des moins favorisés d'entre eux.
Je voudrais rassurer M. Ostermann quant à la concurrence éventuelle entre ce
dispositif et celui de l'apprentissage. Il n'y en aura pas, à mon sens, parce
que le niveau du soutien de l'Etat est calibré pour maintenir un avantage, en
termes de coût horaire, au profit des formations en alternance.
Enfin, j'ai entendu plusieurs sénateurs stigmatiser le dogmatisme de la
droite, qui ne ferait confiance qu'au secteur privé pour développer l'emploi.
(Rires sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. Alain Gournac.
Elle est bonne, celle-là !
M. François Fillon,
ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité.
On
pourrait opposer à ce dogmatisme celui de la gauche, qui ne fait confiance
qu'au secteur public pour intégrer les jeunes et lutter contre le chômage.
Il faut sortir de ce débat, qui a d'ailleurs été condamné sans appel par les
Français à l'occasion du premier tour de l'élection présidentielle.
(Protestations sur les travées socialistes et sur celles du groupe communiste
républicain et citoyen.)
M. Guy Fischer.
19 % !
M. Alain Gournac.
C'est mieux que 3 % !
M. Jean Chérioux.
Un peu de modestie !
M. Alain Gournac.
Trois, c'est un bon chiffre !
M. François Fillon,
ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité.
J'affirme
qu'il faut sortir de ce débat entre deux dogmatismes qui sont aussi faux l'un
que l'autre. A ce propos, je crois que l'éparpillement des voix au premier tour
de l'élection présidentielle traduit précisément le rejet de ces
dogmatismes.
Nous sommes aujourd'hui, du fait de ce premier tour de l'élection
présidentielle, dans une situation de crise politique et sociale, et le
résultat des élections législatives n'en a pas effacé les causes.
M. Henri de Raincourt.
Absolument !
M. François Fillon,
ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité.
Si nous
voulons sortir de cette crise, nous devons renoncer aux débats convenus qui
sont les nôtres, en essayant de trouver ensemble les moyens de rétablir
l'autorité de l'Etat, de restaurer les valeurs du travail et de l'effort et de
donner aux collectivités locales et aux partenaires sociaux plus de liberté et
de responsabilités, et en cherchant à concilier l'entreprise et les nécessités
de la compétitivité économique avec la question de la condition sociale.
Celle-ci est évidemment pour nous fondamentale, puisque nous sommes tous réunis
ici en vue de donner des règles à la société, qui ne peut pas être régulée
simplement par le marché. Dans cette optique, je considère pour ma part que le
texte que je vous présente aujourd'hui n'est pas dogmatique ; il traduit une
nouvelle attitude, qui est une attitude d'humilité.
M. Alain Gournac.
Cela change beaucoup !
M. François Fillon,
ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité.
Je ne
prétends pas que ce texte pourra permettre de résoudre tous les problèmes liés
au chômage des jeunes ; je n'oppose pas les « emplois Fillon » aux « emplois
Aubry » ; je ne dis pas que tous les emplois-jeunes doivent disparaître demain
parce que ce n'est pas nous qui les avons créés ! Nous sommes engagés dans une
véritable guerre contre le chômage et contre l'exclusion : dans cette guerre,
il faut utiliser toutes les armes dont nous disposons, et ce projet de loi en
est une. Il constitue à mes yeux une étape dans une politique plus globale de
lutte contre le chômage et l'exclusion.
En conclusion, j'indiquerai que j'ai la conviction que les jeunes, qui sont
extrêmement critiques à l'égard de l'ensemble du personnel politique, nous
regardent, et qu'ils nous jugeront. Je souhaite que, grâce à ce texte, ainsi
qu'à d'autres actions que nous allons engager, ils puissent retrouver un peu
plus de confiance dans la société et dans le monde des adultes.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants
et de l'Union centriste.)
M. Nicolas About,
président de la commission des affaires sociales.
Je demande la
parole.
M. le président.
La parole est à M. le président de la commission.
M. Nicolas About,
président de la commission des affaires sociales.
Monsieur le président,
je demande une suspension de séance d'une vingtaine de minutes, afin de réunir
la commission.
M. le président.
La suspension est de droit.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-huit heures, est reprise à dix-huit heures
vingt.)