SEANCE DU 23 JUILLET 2002
SOMMAIRE
PRÉSIDENCE DE M. CHRISTIAN PONCELET
1.
Procès-verbal
(p.
0
).
2.
Mise au point au sujet d'un vote
(p.
1
).
Mme Sylvie Desmarescaux, M. le président.
3.
Cessation du mandat sénatorial d'un membre du Gouvernement
(p.
2
).
4.
Remplacement d'un sénateur
(p.
3
).
5.
Organismes extraparlementaires
(p.
4
).
6.
Candidatures à des organismes extraparlementaires
(p.
5
).
7.
Dépôt d'un rapport du Gouvernement
(p.
6
).
8.
Souhaits de bienvenue à un nouveau ministre
(p.
7
).
9.
Amnistie.
- Discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence (p.
8
).
Discussion générale : MM. Dominique Perben, garde des sceaux, ministre de la
justice ; Lucien Lanier, rapporteur de la commission des lois ; Guy Fischer.
PRÉSIDENCE DE M. ADRIEN GOUTEYRON
MM. Jean-Pierre Sueur, Georges Othily, Jean-René Lecerf, Jean-Jacques Hyest,
Gérard Delfau, Patrice Gélard.
M. le garde des sceaux.
Clôture de la discussion générale.
10.
Nomination de membres d'organismes extraparlementaires
(p.
9
).
Suspension et reprise de la séance (p. 10 )
PRÉSIDENCE DE M. DANIEL HOEFFEL
11. Amnistie. - Suite de la discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence (p. 11 ).
Article 1er. - Adoption (p.
12
)
Article 2 (p.
13
)
Amendement n° 29 de M. Michel Charasse. - MM. Michel Charasse, Lucien Lanier,
rapporteur de la commission des lois ; Dominique Perben, garde des sceaux,
ministre de la justice. - Retrait.
Adoption de l'article.
Article 3 (p. 14 )
Amendement n° 70 de M. Gérard Delfau. - MM. Gérard Delfau, le rapporteur, le
garde des sceaux. - Rejet.
Amendement n° 49 de M. Gérard Le Cam. - MM. Gérard Le Cam, le rapporteur, le
garde des sceaux, Michel Charasse. - Rejet.
Amendements identiques n°s 46 de Mme Marie-Christine Blandin et 50 rectifié de
M. Gérard Le Cam ; amendement n° 71 de M. Gérard Delfau. - Mme Marie-Christine
Blandin, MM. Gérard Le Cam, Gérard Delfau, Jean-Pierre Sueur, Michel Charasse,
Guy Fischer, René Garrec, président de la commission des lois ; Jean Chérioux.
- Rejet des trois amendements.
Amendement n° 68 rectifié de M. Jacques Peyrat. - MM. Jean-René Lecerf, le
rapporteur, le garde des sceaux, Patrice Gélard, Pierre Hérisson, Christian
Cointat. - Adoption.
Amendement n° 30 de M. Michel Charasse. - MM. Michel Charasse, le rapporteur,
le garde des sceaux, Patrice Gélard, Jean-Pierre Sueur, Jean-Jacques Hyest. -
Rejet.
Amendement n° 51 de M. Guy Fischer. - MM. Guy Fischer, le rapporteur, le garde
des sceaux. - Rejet.
Amendement n° 31 de M. Michel Charasse. - MM. Michel Charasse, le rapporteur,
le garde des sceaux. - Retrait.
Amendement n° 52 de M. Gérard Le Cam. - MM. Gérard Le Cam, le rapporteur, le
garde des sceaux. - Rejet.
Amendement n° 1 de la commission. - MM. le rapporteur, le garde des sceaux. -
Adoption.
Adoption de l'article modifié.
Article additionnel après l'article 3 (p. 15 )
Amendement n° 2 de la commission. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Article 4 (p. 16 )
Amendement n° 3 de la commission. - MM. le rapporteur, le garde des sceaux. -
Adoption.
Adoption de l'article modifié.
Article 5 (p. 17 )
Amendement n° 4 de la commission et sous-amendement n° 32 de M. Jean-Pierre
Sueur. - MM. le rapporteur, Jean-Pierre Sueur, le garde des sceaux. - Rejet du
sous-amendement ; adoption de l'amendement.
Amendement n° 36 de M. Jean-Pierre Sueur. - MM. Jean-Pierre Sueur, le
rapporteur, le garde des sceaux. - Rejet.
Amendement n° 5 de la commission. - MM. le rapporteur, le garde des sceaux. -
Adoption.
Amendement n° 6 de la commission. - Adoption.
Adoption de l'article modifié.
Article 6 (p. 18 )
Amendement n° 38 de M. Michel Charasse. - MM. Michel Charasse, le rapporteur,
le garde des sceaux. - Retrait.
Adoption de l'article.
Articles 7 et 8. - Adoption (p.
19
)
Article 9 (p.
20
)
Amendement n° 33 de M. Jean-Pierre Sueur. - MM. Jean-Pierre Sueur, le
rapporteur, le garde des sceaux. - Rejet.
Adoption de l'article.
Article 10 (p. 21 )
Amendement n° 39 de M. Michel Charasse. - MM. Michel Charasse, le rapporteur,
le garde des sceaux. - Retrait.
Amendement n° 19 de M. Christian Cointat. - MM. Christian Cointat, le
rapporteur, le garde des sceaux, Michel Charasse. - Adoption.
Amendement n° 40 de M. Michel Charasse. - M. Michel Charasse. - Retrait.
Adoption de l'article modifié.
Article 11 (p. 22 )
Amendement n° 53 de M. Guy Fischer. - MM. Guy Fischer, le rapporteur, le garde
des sceaux. - Rejet.
Adoption de l'article.
Article 12 (p. 23 )
Amendement n° 54 de M. Guy Fischer. - MM. Guy Fischer, le rapporteur, le garde
des sceaux. - Rejet.
Amendement n° 7 de la commission. - MM. le rapporteur, le garde des sceaux. -
Adoption.
Adoption de l'article modifié.
Article additionnel après l'article 12 (p. 24 )
Amendement n° 55 de M. Guy Fischer. - MM. Guy Fischer, le rapporteur, le garde des sceaux. - Rejet.
Article 13 (p. 25 )
Amendement n° 8 de la commission. - MM. le rapporteur, le garde des sceaux. -
Adoption.
Amendement n° 9 de la commission. - MM. le rapporteur, le garde des sceaux. -
Adoption.
Amendement n° 10 de la commission. - MM. le rapporteur, le garde des sceaux. -
Adoption.
Renvoi de la suite de la discussion.
12.
Dépôt d'une proposition de loi
(p.
26
).
13.
Renvoi pour avis
(p.
27
).
14.
Textes soumis au Sénat en application de l'article 88-4 de la Constitution
(p.
28
).
15.
Dépôts rattachés pour ordre au procès-verbal de la séance du 17 juillet 2002
(p.
29
).
16.
Ordre du jour
(p.
30
).
COMPTE RENDU INTÉGRAL
PRÉSIDENCE DE M. CHRISTIAN PONCELET
M. le président.
La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à seize heures.)
1
PROCÈS-VERBAL
M. le président.
Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ?...
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.
2
MISE AU POINT AU SUJET D'UN VOTE
Mme Sylvie Desmarescaux.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à Mme Desmarescaux.
Mme Sylvie Desmarescaux.
Monsieur le président, mes chers collègues, lors du débat sur la déclaration
de politique générale du Gouvernement, j'étais absente pour des raisons
familiales douloureuses, et je n'ai donc pas pu prendre part au vote.
Aujourd'hui, je tiens à affirmer ma confiance au Gouvernement.
M. le président.
Acte vous est donné de votre mise au point, ma chère collègue.
3
CESSATION DU MANDAT SÉNATORIAL
D'UN MEMBRE DU GOUVERNEMENT
M. le président. J'informe le Sénat que, en application de l'article 23 de la Constitution et de l'article 1er de l'ordonnance n° 58-1099 du 17 novembre 1958 portant loi organique pour l'application de l'article 23 de la Constitution, j'ai pris acte de la cessation le 17 juillet 2002, à minuit, du mandat sénatorial de M. Hubert Falco, sénateur du Var, nommé le 17 juin 2002 secrétaire d'Etat aux personnes âgées.
4
REMPLACEMENT D'UN SÉNATEUR
M. le président. Conformément aux articles L.O. 325 et L.O. 179 du code électoral, M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales m'a fait connaître que, en application de l'article L.O. 319 du code électoral, à compter du 18 juillet 2002, M. André Geoffroy est appelé à remplacer, en qualité de sénateur du Var, M. Hubert Falco, nommé secrétaire d'Etat aux personnes âgées le 17 juin 2002.
5
ORGANISMES EXTRAPARLEMENTAIRES
M. le président.
J'informe le Sénat que M. le Premier ministre a demandé au Sénat de bien
vouloir procéder à la désignation des sénateurs appelés à siéger au sein de
quatre organismes extraparlementaires : l'observatoire de la sécurité des
cartes de paiement ; la commission de surveillance de la Caisse des dépôts et
consignations ; le Conseil national de l'habitat ; le comité consultatif pour
la gestion du Fonds national pour le développement des adductions d'eau dans
les communes rurales.
Conformément à l'article 9 du règlement, j'invite la commission des finances
et la commission des affaires économiques à présenter des candidatures.
La nomination au sein de ces organismes aura lieu ultérieurement, dans les
conditons prévues par l'article 9 du règlement.
6
CANDIDATURES À DES ORGANISMES
EXTRAPARLEMENTAIRES
M. le président.
J'informe le Sénat que M. le Premier ministre a demandé au Sénat de bien
vouloir procéder à la désignation de sénateurs appelés à siéger au sein de
trois organismes extraparlementaires.
La commission des affaires économiques a fait connaître qu'elle propose les
candidatures de MM. Daniel Reiner et Jean-Louis Masson pour siéger à l'agence
de prévention et de surveillance des risques miniers.
La commission des affaires culturelles a fait connaître qu'elle propose les
candidatures de M. Philippe Nogrix pour siéger au conseil d'administration de
la société Réseau France outre-mer, en remplacement de M. Philippe Richert et
de M. Pierre Martin pour siéger à la Commission nationale pour l'éducation, la
science et la culture, en remplacement de M. Xavier Darcos, nommé membre du
Gouvernement.
Ces candidatures ont été affichées et seront ratifiées, conformément à
l'article 9 du règlement, s'il n'y a pas d'opposition à l'expiration du délai
d'une heure.
7
DÉPÔT D'UN RAPPORT DU GOUVERNEMENT
M. le président.
J'ai reçu de M. le Premier ministre le rapport annuel sur la gestion en 2001
du Fonds national pour le développement du sport.
Acte est donné du dépôt de ce rapport.
8
SOUHAITS DE BIENVENUE
À UN NOUVEAU MINISTRE
M. le président.
Je salue la présence au banc du Gouvernement de M. Dominique Perben, dans ses
nouvelles fonctions de garde des sceaux, ministre de la justice.
Permettez-moi, monsieur le ministre, de vous adresser, en notre nom à tous,
nos souhaits de cordiale bienvenue.
Vous allez avoir la lourde tâche de nous présenter dès cette semaine, dans le
cadre de la présente session extraordinaire, deux projets de loi importants,
l'un pour le passé, l'autre pour l'avenir.
Nous souhaitons que votre intervention dans notre débat de ce jour constitue
les prémices d'une étroite et fructueuse collaboration avec le Sénat, animée en
particulier par le souci constant d'une amélioration de la qualité des textes
législatifs et de leur lisibilité. Disant cela, je n'invente d'ailleurs rien :
mon illustre prédécesseur, Jules Ferry, avait en effet déclaré fort justement
en son temps que le Sénat était une institution chargée de veiller à la bonne
qualité des lois.
9
AMNISTIE
Discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence
M. le président.
L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi (n° 355, 2001-2002),
adopté par l'Assemblée nationale, après déclaration d'urgence, portant
amnistie. [Rapport n° 358 (2001-2002).]
Dans la discussion générale, la parole est à M. le garde des sceaux.
M. Dominique Perben,
garde des sceaux, ministre de la justice.
Monsieur le président, je tiens
tout d'abord à vous remercier des paroles de bienvenue que vous avez bien voulu
m'adresser.
Mesdames, messieurs les sénateurs, l'amnistie est le fruit d'une très longue
tradition historique dont M. Lanier rappelle, dans son rapport écrit, les
sources athéniennes.
Cette clémence collective, qui effaçait la répression et les poursuites, avait
moins pour objet l'oubli des faits eux-mêmes que l'oubli de la discorde pour
créer la concorde.
La pratique de l'amnistie s'est ensuite étiolée, même si le Moyen Age fut le
temps du pardon individuel ou de la rémission collective accordé par les
seigneurs ou les souverains. La Révolution fit renaître l'amnistie, laquelle
fut même la seule procédure de clémence jusqu'à ce que Bonaparte réintroduise
la grâce dans le droit français sans supprimer pour autant l'amnistie.
Après la Révolution, toutes les républiques firent de l'amnistie une
prérogative du pouvoir législatif. La constitution de 1958 perpétue cette
tradition républicaine dans son article 34.
La République, en effet, a dû, au fur et à mesure qu'elle s'est établie dans
les institutions et dans les esprits, cicatriser les plaies de l'histoire,
après la Commune, après l'affaire Dreyfus, aux lendemains des guerres ou des
événements violents qui déchirèrent la nation.
Dès les débuts de la IIIe République, l'amnistie illustre la fraternité
inscrite sur les frontons des lieux publics.
Elle fut défendue ici même, dans cette conception fondatrice, par le sénateur
Victor Hugo : « La guerre civile est une faute. Sur une vaste faute, il faut un
vaste oubli. Ce vaste oubli, c'est l'amnistie. »
C'est en effet une loi républicaine, de générosité et de tolérance, qui vient
régulièrement, et en particulier après chaque élection présidentielle,
affirmer, par l'effacement de certaines infractions, la valeur de la
réconciliation et de la cohésion nationales.
Au fil des années, le champ de l'amnistie varie donc en fonction des exigences
fondamentales de la République. S'il s'agit de « panser ses blessures », selon
l'expression du général de Gaulle, il s'agit aussi, dans une France réconciliée
avec elle-même, d'affirmer des valeurs : celles de la générosité, de la
tolérance et de la solidarité ; celles du civisme, de la responsabilité et de
la sécurité.
C'est l'ensemble de ces valeurs humanistes qui fondent « la France du respect
» que Jacques Chirac a incarnée lors de l'élection présidentielle et que
souhaite porter le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin.
Ces principes fondamentaux forment le socle de ce projet de loi d'amnistie,
adopté voilà quelques jours par l'Assemblée nationale. C'est le projet d'un
gouvernement, qui, comme l'a affirmé le Premier ministre dans la déclaration de
politique générale que vous avez approuvée en vertu de l'article 49, alinéa 4,
de la Constitution, fait du rétablissement de l'autorité de l'Etat et d'une
justice plus sereine, plus efficace et plus humaine une priorité essentielle de
son action.
Ce projet de loi vise à amnistier certaines infractions commises avant le 17
mai 2002, date du début du nouveau mandat confié par le peuple au Président de
la République.
Sur le fond, ce projet de loi reprend, dans ses grandes lignes, les principes
de la loi d'amnistie du 3 août 1995 qui était, je le rappelle, beaucoup plus
restrictive que les lois précédentes du 4 août 1981 et du 20 juillet 1988.
Toutefois, pour tenir compte de l'évolution de notre société et de la priorité
accordée par le Gouvernement à la lutte contre les différentes formes
d'insécurité, nous avons voulu dans ce texte mieux concilier le geste de
pardon, inspiration même de l'amnistie, avec les nécessités de la répression.
Aussi le nombre des infractions expressément exclues de l'amnistie est-il en
nette augmentation.
Sur la forme, ce texte se caractérise par une présentation nouvelle.
Le projet de loi se divise en six chapitres. Le premier, qui comprend les
articles 1er à 8, porte sur l'amnistie de droit. Sous ce vocable, nous avons
regroupé deux formes traditionnelles d'amnistie : d'une part, l'amnistie
réelle, qui consiste à amnistier les infractions en raison de leur nature ou
des circonstances dans lesquelles elles ont été commises ; d'autre part,
l'amnistie en raison de la peine, dite « au quantum », qui consiste à amnistier
les infractions ayant donné lieu à une condamnation inférieure ou égale à un
maximum fixé par le législateur.
S'agissant de la première catégorie, sont notamment amnistiés les
contraventions de police, les délits punis uniquement d'une peine d'amende, les
délits de presse, les délits militaires, ainsi que les délits commis au cours
de conflits sociaux ou professionnels.
Il reviendra au ministère public de constater l'amnistie de plein droit des
condamnations intervenues après ces événements.
L'article 3 vise également à amnistier les délits commis en relation avec des
élections de toute nature, à l'exception naturellement, comme j'ai déjà eu
l'occasion de le préciser maintes fois, de tout délit commis en relation avec
le financement direct ou indirect de campagnes électorales ou de partis
politiques.
S'agissant de l'amnistie en raison du
quantum
de la peine prononcée, le
projet de loi concerne, conformément à la tradition, les délits ayant donné
lieu à une simple peine d'amende ou de jours-amende, sous réserve du paiement
de cette amende lorsqu'elle est supérieure à 750 euros.
Pour les condamnations à une peine d'emprisonnement sans sursis, ou
accompagnées d'un sursis avec mise à l'épreuve, le
quantum
de la loi du
3 août 1995 est repris : cette peine ne doit pas excéder trois mois.
Les condamnations à une peine d'emprisonnement avec sursis, assortie de
l'obligation d'effectuer un travail d'intérêt général, sont aussi amnistiées
lorsque le travail a été effectué et que le sursis n'a pas été révoqué, si
elles sont inférieures ou égales à six mois.
Ce régime est plus sévère que celui de la loi de 1995.
En effet, le seuil au-dessus duquel les condamnations à une peine
d'emprisonnement avec sursis simple ne sont pas amnistiées a été abaissé par
rapport à la loi de 1995 : il passe de neuf mois à six mois.
Lorsque les peines amnistiables sont prononcées en même temps qu'une peine
d'amende ou de jours-amende, l'amnistie n'est acquise qu'après paiement de
l'amende si celle-ci est supérieure à 750 euros.
Le deuxième chapitre concerne cette mesure hybride, mais également
traditionnelle, dite de la « grâce amnistiante ».
Cette mesure cumule en effet les avantages de la grâce et de l'amnistie,
puisqu'elle permet, à la différence de l'amnistie de plein droit, une
individualisation de la mesure d'oubli et qu'elle efface, tout comme
l'amnistie, la condamnation pour des faits délictueux.
Cet article permet donc au Président de la République d'accorder l'amnistie
des infractions n'entrant pas dans le champ d'application de l'amnistie de
droit : d'une part, aux personnes âgées de moins de vingt et un ans au moment
des faits ; d'autre part, à des personnes ayant servi de manière déterminante
l'intérêt général. Il s'agit, à cet égard, des personnes âgées de moins de
vingt et un ans, mais aussi des anciens combattants, des résistants et des
déportés. Sont également concernées les personnes qui se sont distinguées de
manière exceptionnelle dans les domaines humanitaire, culturel, scientifique ou
économique.
Par rapport à la loi d'août 1995, nous avons souhaité étendre cette
possibilité aux personnes qui se sont distinguées de manière exceptionnelle
dans le domaine sportif. En effet, dans la société contemporaine, les sportifs
de haut niveau contribuent de façon tout à fait significative à rassembler les
Français et à leur donner confiance en eux-mêmes.
Cette faculté d'amnistie individuelle concerne les infractions non exclues de
l'amnistie par l'article 13 du projet de loi, mais elle n'est accordée que si
les personnes concernées n'ont pas été condamnées avant cette infraction à
l'emprisonnement ou à une peine plus grave pour crime ou délit de droit
commun.
J'ajoute que le bénéfice d'une telle mesure, par nature exceptionnelle, est
subordonné à la présentation d'une demande dans le délai d'un an à compter de
la publication de la loi ou de la condamnation définitive.
Le troisième chapitre concerne l'amnistie des sanctions disciplinaires ou
professionnelles.
Les fautes disciplinaires ou professionnelles, sanctionnées par les
juridictions professionnelles commises avant le 17 mai 2002, sont amnistiées de
plein droit, sous réserve des exclusions prévues à l'article 13.
Les fautes disciplinaires constituant des manquements à l'honneur, à la
probité ou aux bonnes moeurs ne peuvent être amnistiées que par une mesure
individuelle du Président de la République.
Comme je l'ai indiqué, ce projet de loi tient compte des priorités du
Gouvernement en matière de lutte contre l'insécurité. Il est donc cohérent avec
la politique pénale que nous entendons mener.
C'est pourquoi les exclusions du bénéfice de l'amnistie, qui font l'objet du
chapitre IV du projet, sont beaucoup plus nombreuses que lors des lois
précédentes.
Toutes les exclusions prévues en 1995 ont été reprises, certaines ont été
étendues et de nouvelles ont été prévues.
L'article 13, article unique de ce chapitre, dresse la liste précise de toutes
ces exclusions. Aux quarante et une rubriques prévues par le Gouvernement, les
députés en ont ajouté huit. Vous comprendrez que je vous fasse grâce - si j'ose
dire - de leur énumération détaillée.
Un bon nombre d'exclusions concernent des infractions anciennes, dont nous
avons augmenté le nombre. De nouvelles infractions ont aussi été exclues de
l'amnistie.
Dans la première catégorie, on trouve, outre les actes de terrorisme, les
discriminations, les faits de corruption, la fraude et la corruption
électorales, le trafic de stupéfiants, le trafic de main-d'oeuvre, les
atteintes à l'environnement. Sont également exclus les délits d'outrage, de
rébellion, de violence, d'injures ou de diffamation commis sur les personnes
dépositaires de l'autorité publique ou chargées d'une mission de service
public, comme les policiers, les gendarmes ou les agents de services
ferroviaires et des réseaux de transports publics.
Ce sont là des exclusions traditionnelles, mais le champ en a été élargi. Par
exemple sont exclus pour la première fois l'association de malfaiteurs et le
proxénétisme, ainsi que les infractions en matière de fausse monnaie et les
infractions relatives à la réglementation sur les armes.
Parmi les nouvelles infractions exclues de l'amnistie figurent le harcèlement
sexuel et le harcèlement moral, les infractions sexuelles commises contre des
mineurs ou encore l'abus frauduleux de l'état d'ignorance ou de faiblesse d'une
personne.
J'ajoute que le délit de recours à la prostitution de mineur, créé par la loi
du 4 mars 2002 relative à l'autorité parentale, figure logiquement pour la
première fois dans la liste des exclusions.
L'Assemblée nationale a étendu ce champ déjà large d'exclusions.
Y ont été ajoutés expressément les délits d'abus de biens sociaux et
assimilés, définis très largement.
Y ont été ajoutés également, à la demande du groupe communiste, l'entrave à
l'exercice du droit syndical, ainsi que les infractions relatives aux
institutions représentatives du personnel et à l'hygiène et à la sécurité.
L'Assemblée nationale a enfin exclu de l'amnistie les atteintes aux droits de
personnes liées aux fichiers informatiques, les délits de blanchiment et les
délits de soustraction d'enfants.
L'Assemblée nationale a souhaité ajouter à ces exclusions les sévices et actes
de cruauté envers les animaux.
Votre commission des lois propose, en outre, un amendement relatif à la
détention et au commerce de chiens dangereux qui peuvent être à l'origine
d'agressions très graves.
Nous partageons tous le sentiment de l'urgence et de la nécessité de lutter
avec sévérité contre l'insécurité routière, action dont le Président de la
République a souhaité faire une priorité nationale. A cet égard, le champ des
exclusions n'a cessé de s'élargir. La loi de 1981 limitait l'exclusion à la
conduite en état d'ivresse et aux délits de fuite liés à des blessures
involontaires. La loi de 1988 a supprimé cette condition de cumul. La loi de
1995 a exclu, outre ces infractions, tous les délits au code de la route ainsi
que les contraventions entraînant le retrait de plus de trois points du permis
de conduire.
L'article 13 du projet de loi exclut tous les délits et la plupart des
contraventions du code de la route.
Toutefois, conformément aux engagements pris par le Président de la République
pendant la campagne présidentielle, mais aussi, dois-je le rappeler, par
d'autres candidats à cette élection, les contraventions de stationnement
payant, de stationnement abusif et de stationnement gênant sont amnistiées,
sauf lorsqu'il s'agit de stationnement sur des emplacements réservés aux
véhicules de service public ou réservés aux personnes handicapées.
Le défaut de port de la ceinture de sécurité ou la conduite avec un téléphone
portable, contraventions de deuxième classe relatives à la conduite d'un
véhicule, sont, en tant que telles, exclus de l'amnistie.
Des exclusions supplémentaires ont été adoptées par l'Assemblée nationale, sur
avis favorable du Gouvernement ; elles concernent le stationnement sur les
trottoirs, sur les passages piétons ou encore sur les bandes d'arrêt
d'urgence.
Enfin, le projet exclut pour la première fois du bénéfice de l'amnistie les
délits et les contraventions commis en état de récidive légale, hypothèse qui
révèle une particulière dangerosité de l'auteur des faits puisque celui-ci a
commis une infraction après avoir déjà été condamné pour des faits similaires.
L'alinéa 40 de l'article 13 touchera notamment les petites infractions commises
à répétition.
Le chapitre V rappelle les effets traditionnels des lois d'amnistie, à
commencer par son principe, l'effet extinctif qui efface la condamnation et
éteint l'action publique. L'amnistie entraîne donc la remise de toutes les
peines, le rétablissement du condamné dans le bénéfice d'un sursis révoqué par
la condamnation amnistiée. Par ailleurs, l'amnistie n'entraîne pas d'effets
préjudiciables aux droits des tiers.
Comme dans la loi du 3 août 1995, l'amnistie n'entraîne pas la restitution ou
le rétablissement des autorisations administratives annulées ou retirées.
Certaines mesures ne peuvent être effacées par l'amnistie. Il s'agit, par
exemple, de la faillite personnelle, de l'interdiction du territoire français,
de l'interdiction de séjour ou de l'interdiction des droits civiques.
D'autres limites traditionnelles aux effets de l'amnistie sont posées, comme
l'absence d'effet sur les décisions de retrait de l'autorité parentale,
l'absence de réintégration de droit dans les grades ou emplois et le
non-rétablissement des distinctions honorifiques.
En effet, l'amnistie n'est pas synonyme d'amnésie.
Le projet de loi précise que les informations relatives aux faits amnistiés
sont maintenues dans les fichiers de police judiciaire. En effet, si l'amnistie
efface les condamnations, elle n'interdit pas de rappeler les faits eux-mêmes.
Il était par ailleurs indispensable de prévoir explicitement ce principe pour
garantir l'efficacité des fichiers de police judiciaire.
Le titre VI, enfin, est relatif à l'application de la loi dans les
territoires, les collectivités territoriales et les départements
d'outre-mer.
L'article 22 a pu susciter un peu de perplexité. Le dispositif de sécurité
juridique qu'il introduit est pourtant indispensable pour assurer la continuité
du service public des transports de personnes en Martinique, en Guadeloupe et
en Guyane.
Il fallait, en effet, répondre dans l'urgence au problème des concessions
d'exploitation de lignes de transports publics routiers dans ces départements
français d'Amérique. Sans revenir sur tous les épisodes d'une longue histoire,
qu'il me suffise de préciser que les conventions passées entre les
transporteurs et les collectivités locales ignorent, pour la plupart, les
règles de la loi Sapin du 29 janvier 1993.
La prorogation, depuis le 13 juin 2002 - date d'expiration de la prorogation
précédente - et jusqu'au 1er janvier 2006, de ces concessions permettra de
combler un vide juridique. Une négociation constructive entre toutes les
parties concernées pourra ensuite concilier le respect de la légalité, les
préoccupations des exploitants et les intérêts des usagers. Il n'y a donc dans
cette disposition, vous l'aurez compris, rien de fondamentalement contraire à
l'esprit d'une loi d'amnistie.
Je le rappelle, l'amnistie, par tradition républicaine, est une prérogative
essentielle du pouvoir législatif.
Les législateurs et les sages que vous êtes pourront réfléchir à l'avenir
d'une mesure qui jette périodiquement le voile de l'oubli sur certaines
infractions, dans une société où la mémoire tient une place parfois
paradoxale.
Notre temps n'est pas et ne peut pas être celui de l'oubli du passé. Il est
sans doute davantage celui de la commémoration. M. le Premier ministre a
rappelé, dimanche dernier en rendant hommage aux victimes de crimes
imprescriptibles, l'importance et l'actualité du travail de mémoire pour notre
collectivité nationale.
Certains historiens ont pu écrire que notre République a été fondée sur
l'amnistie. Celle-ci est intimement liée à une certaine idée de la citoyenneté,
qui trouve son origine dans un lointain passé.
Paul Ricoeur, dans
La Mémoire, l'histoire, l'oubli,
soulignait le «
caractère simplement utilitaire, thérapeutique » de l'amnistie républicaine.
C'est dans cette tradition que s'inscrit le texte qui vous est soumis, texte
mesuré, équilibré, que je crois profondément conforme à nos valeurs
humanistes.
Limité dans sa portée - par souci d'efficacité -, il me paraît adapté à
l'évolution contemporaine de notre société.
(Applaudissements sur les
travées du RPR, de l'Union centriste, des Républicains et Indépendants, ainsi
que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Lucien Lanier,
rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du
suffrage universel, du règlement et d'administration générale.
Au coeur
même de cette enceinte, Victor Hugo, que vous avez vous-même cité, monsieur le
garde des sceaux, et que nous célébrons plus particulièrement cette année, au
Sénat, s'exprimait en ces termes : « Il n'y a qu'un apaisement, c'est l'oubli.
Dans la langue politique, l'oubli s'appelle amnistie. »
Il est vrai qu'au sens étymologique la Grèce antique, dont procède notre
civilisation, usait du mot
Amnistia,
qui signifie « oubli ». Le droit
romain nous a transmis cette notion sous le terme plus ferme de « abolition
».
Tant d'autres traductions ont été usitées au cours des âges de par le fait que
l'amnistie s'est exercée dans les temps sur des événements profondément
différents les uns des autres et d'une gravité fort dissemblable.
C'est la raison pour laquelle il est souhaitable qu'un projet de loi
d'amnistie réponde à son sujet comme à son temps.
C'est pourquoi, pour éviter que, d'une amnistie à l'autre, l'indulgence ne
varie au gré des circonstances, c'est bien au peuple, par l'intermédiaire de
ses représentants, c'est-à-dire ses législateurs, qu'est obligatoirement confié
le soin d'apprécier les circonstances, de les actualiser, de les mesurer, bref,
de comprendre et d'épouser son temps de telle sorte qu'une loi d'amnistie ne
soit pas une cascade d'irrationalités.
Notons que l'amnistie n'est pas tout à fait l'oubli, car elle n'engage pas à
perdre la mémoire. Il convient, en effet, de distinguer l'effacement de la
faute pénale et le maintien des conséquences extra-pénales. Elle n'est pas non
plus la trop charismatique rédemption, pas plus que le pardon, trop
condescendant. Elle veut être apaisement, terme qui apparaît préférable, parce
qu'il lui confère son véritable symbole.
Elle est symbole d'équilibre entre l'indulgence et la rigueur, symbole si
souvent imparfait car humainement difficile à établir, symbole qui implique des
choix et la responsabilité du législateur : choix de la mesure et d'un juste
milieu excluant les arrière-pensées démagogiques autant que la fourberie des
sycophantes, choix qui, dans toute la mesure du possible, doit concilier la
générosité de l'amnistie et les exigences de la morale et du civisme.
En somme, bien comprise, l'amnistie est un point d'orgue, réfléchi et adapté,
dans l'usage de la répression.
Son caractère généreux ne se confond pas avec la faiblesse ; elle n'incite pas
à la permissivité ; au contraire, elle apparaît comme la chance offerte aux
contrevenants d'une nouvelle donne, encourageant ces derniers à mieux se
conformer aux lois comme aux règlements.
D'aucuns considèrent que l'amnistie est une instigation à contrevenir. C'est
en partie vrai, mais n'est-ce pas faire fi de la possibilité d'un appel à la
conscience comme à la raison du citoyen par un apaisement, au demeurant très
momentané, dans la systématique du châtiment, lequel, n'étant pas lui-même à
l'abri d'erreurs humaines, n'apparaît plus comme une fin en soi ?
Bien entendu, mon propos pourrait être taxé d'angélisme s'il ne se situait pas
dans le cadre du projet de loi qui nous est soumis et qui obéit au principe que
l'apaisement consenti par le législateur ne saurait être sans limite,
précisant, dans son exposé des motifs, que certains actes, de par leur nature
ou leur gravité, « ne peuvent échapper à la justice comme à la réprobation de
la société ».
En effet, le projet de loi adopté par l'Assemblée nationale présente une
amnistie moins étendue que par le passé.
Par ailleurs, il comporte des caractéristiques propres et diffère des textes
précédents par une présentation nouvelle, tendant à la clarté. Il comporte six
chapitres respectivement consacrés à l'amnistie de droit - articles 1er à 8 -,
à l'amnistie par mesures individuelles - article 9 -, à l'amnistie des
sanctions disciplinaires ou professionnelles - articles 10 à 12 -, aux
exclusions de l'amnistie - article 13 -, aux effets de l'amnistie - articles 14
à 19 -, et aux dispositions relatives à l'outre-mer - articles 20 à 22.
Il est loisible de constater que le texte qui nous est soumis est plus
restrictif que tous ceux qui furent adoptés depuis le début de la Ve
République. Ainsi, ses conséquences sur les condamnations prononcées resteront
adaptées aux exigences actuelles de notre société.
En outre, les mesures décidées s'appliqueront aux faits qui ont été commis
antérieurement au 17 mai 2002.
Notons, tout d'abord, que le champ d'application demeure restreint.
Trois formes d'amnistie dite « de droit » peuvent être distinguées :
l'amnistie réelle, qui concerne les infractions d'une certaine nature ou ayant
été commises dans certaines circonstances ; l'amnistie en raison du
quantum
ou de la nature de la peine ; l'amnistie par mesure individuelle, dite
aussi « grâce amnistiante ».
Pour ce qui est de la nature des infractions, sont visés les contravention de
police et de grande voirie, les délits punis d'une peine d'amende, les délits
de presse, les infractions au code de justice militaire ou au code du service
national.
Les circonstances sont prises en compte sous réserve que la punition soit
inférieure à dix ans de prison. Il s'agit des délits concernant les conflits du
travail, de l'enseignement, à caractère industriel ou agricole, les délits
concernant les élections ou ceux qui sont en relation avec la défense des
droits et des intérêts des Français d'outre-mer.
Relevons que la liste des infractions amnistiées en raison de leur nature ou
des circonstances de leur commission - à cette formule, qui est ambiguë, je
préfère parler des « circonstances dans lesquelles elles ont été commises » -
est semblable à celle qui a été retenue en 1995, mais elle s'applique, de
surcroît, aux membres des professions libérales comme aux salariés et aux
agents publics.
L'amnistie en raison de la nature ou du
quantum
de la peine prononcée
vise les infractions ayant donné lieu, à titre principal, à une peine d'amende
ou de jour-amende. Elle prévoit également, à l'article 5, l'amnistie de
certaines peines d'emprisonnement, à savoir les peines d'emprisonnement fermes
inférieures ou égales à trois mois, les peines d'emprisonnement inférieures ou
égales à trois mois avec sursis assorties d'une mise à l'épreuve, ainsi que les
peines d'emprisonnement inférieures ou égales à six mois assorties du sursis
simple.
Le texte prévoit en outre que certaines infractions ne pourront être
amnistiées qu'autant que la peine aura été exécutée. C'est le cas des amendes
de plus de 750 euros. C'est également le cas des peines assorties d'un travail
d'intérêt général.
Le présent projet de loi marque, à l'évidence, une évolution de l'amnistie à
l'égard de certaines peines subordonnées à leur exécution.
Il s'agit là d'une dérogation à l'article 133-9 du code pénal, qui dispose que
l'amnistie entraîne la remise de toutes les peines. Cette évolution nous semble
positive, car elle contribue à assurer un plus juste équilibre entre l'amnistie
et la nécessaire efficacité du droit pénal.
La troisième forme de l'amnistie de droit concerne les mesures individuelles :
est confié au Président de la République le soin d'amnistier certains citoyens
selon des critères fixés par la loi. Cette possibilité s'applique aux personnes
de moins de vingt et un ans au moment des faits, aux pensionnés et blessés de
guerre, aux déportés et résistants, aux engagés volontaires de 1914-1918 et de
1939-1945, aux résistants dont un ascendant est mort pour la France, aux
personnes s'étant distinguées de manière exceptionnelle en matière humanitaire,
culturelle, scientifique, économique ou sportive, ce dernier domaine étant le
seul ajout à l'article 9.
J'en viens à l'article 13, qui est un élément essentiel du projet en ce qu'il
concerne les exclusions de l'amnistie.
En effet, nombre d'infractions sont exclues du champ de la loi afin de
rappeler l'importance particulière attachée à certaines valeurs qui sont au
fondement de la société. Il s'agit de respecter la fonction expressive du droit
pénal. C'est pourquoi le projet mentionne quarante-neuf exclusions. Je rappelle
pour mémoire combien en comportaient les lois précédentes : quatre en 1966,
trois en 1969, huit en 1974, quatorze en 1981, dix-sept en 1988 et vingt-huit
en 1995.
Initialement, l'actuel projet de loi reprenait l'ensemble des exclusions
prévues par la loi de 1995, notamment les infractions terroristes, celles qui
ont trait aux stupéfiants, les atteintes à l'intégrité d'un mineur de quinze
ans, les délits d'abandon de famille, de discrimination, d'atteinte
involontaire à la vie et à l'intégrité de la personne, du risque causé à autrui
à l'occasion de la conduite d'un véhicule.
Ont été ajoutées de nouvelles exclusions, qui touchent en particulier les
associations de malfaiteurs, les délits de proxénétisme, les agressions
sexuelles, les violences sur les personnes dépositaires de l'autorité publique
et la plupart des contraventions au code de la route.
Le dernier chapitre du projet de loi regroupe les dispositions relatives à
l'outre-mer ; les articles 20 et 21, tenant compte du principe de spécialité
législative applicable aux territoires d'outre-mer et à la Nouvelle-Calédonie
et, dans une moindre mesure, à la collectivité départementale de Mayotte, ont
pour objet de proposer une grille de lecture de l'article 13 du projet de loi
en énumérant les exclusions pour ces collectivités. Ainsi est-il nécessaire de
viser des textes différents en matière de droit du travail ou de séjour des
étrangers.
Sur ces articles seront déposés trois amendements : le premier tend à
supprimer une mention purement pédagogique et dépourvue de portée normative ;
les deux autres visent à des coordinations avec des modifications adoptées par
l'Assemblée nationale.
L'article 22, disons-le franchement, n'a pas de lien direct avec l'amnistie,
mais son adoption est urgente car il tend à combler un vide juridique, apparu
le 13 juin 2002 du fait de la caducité de l'ordonnance du 7 mars 2002 portant
adaptation de la législation relative aux transports intérieurs dans les
départements de la Guadeloupe, de Guyane et de Martinique. Il s'agit de
proroger la validité de conventions et autorisations relatives au transport
public routier de personnes dans ces départements d'outre-mer.
Si l'on tient compte de l'importance de l'article 13 et des exclusions dont il
traite, on ne saurait dire sans mauvaise foi que le projet de loi qui nous est
soumis est teinté de laxisme. D'autant que la réflexion de l'Assemblée
nationale l'a conduite, par ses amendements, à étendre, de façon importante et
significative, le champ des exclusions : aux abus de biens sociaux,
détournements d'actifs, abus de confiance ; aux atteintes à l'exercice du droit
syndical, à la représentation du personnel dans les entreprises, à la
législation des comités d'hygiène, de la sécurité et des conditions de travail
; à la plupart des contraventions pour stationnement gênant ou dangereux ; aux
délits portant atteinte au droit des personnes ; aux délits de blanchiment ;
aux soustractions d'enfants ; aux sévices et actes de cruauté infligés à des
animaux.
Tous ces ajouts apportés au champ des exclusions sont utiles parce qu'ils
tendent à actualiser celui-ci et à préciser les effets de l'amnistie.
Les effets de l'amnistie sont traités, au chapitre V, par les articles 14 à
19.
Comme à l'accoutumée, l'amnistie efface les condamnations, et toutes
références ou mentions ultérieures sont passibles de 5 000 euros d'amende.
En revanche, elle n'entraîne pas automatiquement la remise de certaines
peines, comme l'interdiction du territoire français, la privation des droits
civiques ou l'interdiction d'exercer une activité sociale ou
professionnelle.
Elle n'empêche pas non plus - cela est nouveau - le maintien dans un fichier
de police judiciaire des mentions des infractions amnistiées.
Elle n'entraîne pas de droit à réintégration dans certains offices ou
fonctions.
La rédaction initiale du projet de loi aboutissait à ce que 217 900 peines
prononcées en l'an 2000 bénéficient de l'amnistie. Ce chiffre mérite d'être
actualisé en fonction des statistiques de 2001, que nous ne possédons pas
encore.
Je n'insisterai pas sur certains arguments pour ou contre l'amnistie parce
qu'ils sont étrangers à l'essence même de l'amnistie. Selon le Gouvernement,
l'effet budgétaire négatif du présent projet de loi devrait être de l'ordre de
300 millions d'euros.
La commission des lois a approuvé les orientations du projet de loi et surtout
l'effort qu'il traduit en vue d'une actualisation de l'amnistie, en la
conciliant au mieux avec la nécessaire efficacité du droit pénal.
La commission considère qu'un juste équilibre nous est proposé, qui témoigne
d'une évolution positive au regard de la lutte contre l'insécurité, plus
particulièrement en ce qui concerne les infractions au code de la route. Au vu
des ajouts de l'Assemblée nationale, nous constatons une volonté sans précédent
de limiter l'amnistie au strict minimum raisonnable.
Nous vous proposons d'apporter quelques compléments, de telle sorte que la loi
d'amnistie soit sans effet sur l'application de l'article 1er de la loi du 12
juin 2001 tendant à renforcer la prévention et la répression des mouvements
sectaires portant atteinte aux droits de l'homme et aux libertés
fondamentales.
Ces compléments impliquent aussi, dans la partie du texte qui concerne les
atteintes à l'intégrité physique ou psychique d'un mineur de quinze ans,
l'exclusion des infractions commises sur les personnes présentant une
particulière vulnérabilité, que celle-ci soit liée à l'âge, à la maladie, à une
infirmité ou à toute autre cause.
Ces compléments impliquent enfin d'exclure de l'amnistie les délits prévus par
le code rural concernant la détention et le commerce des chiens dangereux, en
dehors du cadre prévu par la loi.
La commission des lois estime, par ailleurs, nécessaire d'exclure de
l'amnistie la peine d'interdiction de détenir ou de porter, pour une durée de
cinq ans ou plus, une arme soumise à autorisation.
Ces quelques amendements s'inscrivent dans la droite ligne des réflexions et
des positions qui sont, depuis plusieurs années, en matière pénale, celles de
la commission des lois du Sénat.
Mes chers collègues, le projet de loi qui nous est soumis a pu susciter des
débats de conscience. Certaines voix se sont élevées contre le principe même de
l'amnistie, considérée comme une survivance anachronique d'un monde révolu.
Nous reconnaissons à chacun le droit de penser qu'il n'y a donc plus lieu d'en
débattre. Mais chacun doit reconnaître aussi qu'il est constitutionnellement
recevable d'en débattre sans passion, avec une mesure, un bon sens et une
réflexion dignes du sujet.
Ce sujet implique l'histoire même de la société. Notre société est certes en
permanente évolution, mais il convient, me semble-t-il, d'en préserver les
valeurs d'apaisement, de tolérance et d'humanisme. C'est là le sens de
l'amnistie !
C'est d'ailleurs ce sens que lui donnèrent plusieurs candidats, et non des
moindres, à l'élection présidentielle, qui l'ont incluse dans leur projet de
candidature.
C'est aussi, mes chers collègues, le sens que lui confère votre commission des
lois, en vous proposant, sous réserve de quelques modifications, d'adopter le
projet de loi qui vous est soumis.
(Applaudissements sur les travées du RPR,
des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur
certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Fischer.
M. Guy Fischer.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, avant d'en
venir à l'examen du projet de loi d'amnistie qui nous intéresse aujourd'hui, je
souhaite vous soumettre deux réflexions que mes amis et moi-même estimons
d'importance et qui portent sur le contexte de ce débat.
En premier lieu, je tiens à m'élever avec vigueur contre la généralisation des
procédures d'urgence à l'occasion de cette session extraordinaire du
Parlement.
La procédure d'urgence, qui limite de fait le débat à une seule lecture dans
chaque assemblée, est contraire à l'idée même d'un travail parlementaire
sérieux. En effet, dans ce cadre, la première assemblée saisie n'a pas
l'occasion d'examiner les amendements adoptés par la seconde, ce qui est
contraire au fondement même du bicamérisme.
Cette limitation du débat est d'autant plus préjudiciable que le Parlement est
saisi de textes traitant des droits fondamentaux. Le rapport des Français à la
justice, la sécurité de nos concioyens appellent, certes, rapidité
d'intervention de la part des pouvoirs publics, mais ces deux sujets sont
suffisamment importants pour ne pas être traités dans la précipation.
La loi d'amnistie, j'y reviendrai, aurait mérité elle aussi un débat plus
approfondi.
En second lieu, j'estime que les trois projets dont nous allons débattre dans
les quinze jours qui viennent auraient mérité une approche globale à l'aune des
déclarations du Premier ministre. Celui-ci plaçait, en effet, au centre de
l'action du Gouvernement l'écoute de la France dite d'« en bas » et un « nouvel
humanisme » que j'avoue - et je ne suis pas le seul - avoir bien du mal à
discerner au sein des dispositions répressives et stigmatisant certaines
catégories de la population qui nous seront présentées dans quelques jours au
Sénat.
M. Dominique Braye.
Cela n'a rien à voir !
M. Guy Fischer.
Ce « nouvel humanisme » enfin, est-il conciliable avec une politique
économique qualifiée de nouvelle, mais qui se caractérise surtout par les
privatisations, les baisses de charges sociales, les hausses généralisées des
tarifs des services publics et les restrictions salariales ?
L'amnistie qui nous intéresse aujourd'hui est empreinte d'humanisme. A travers
l'histoire, de la Grèce antique à la Révolution française, l'amnistie est
synonyme de générosité et de pardon.
En France, la République a voté l'amnistie avec constance puisque pas moins de
vingt-cinq lois d'amnistie ont été votées depuis 1947.
Nous sommes indéniablement face à une tradition républicaine. La question
n'est finalement pas celle du qualificatif, mais plutôt celle du contenu. Des
voix s'élèvent, à droite comme à gauche, pour renoncer au principe même de
l'amnistie, en particulier à sa répétition aux lendemains de chaque élection
présidentielle.
De nombreux détracteurs de cette loi mettent en avant la dérive de ce qui
devait être un texte de réconciliation nationale vers un texte de
circonstances, traitant essentiellement des contraventions et des délits liés à
la circulation routière et des petits délits de droit commun.
Nous comprenons parfaitement ce raisonnement et cette critique. Ils mettent en
cause non pas le principe même de ce projet de loi mais son contenu. Pour ma
part, à l'instar de mes amis députés communistes et républicains, j'estime
qu'il est nécessaire de recentrer l'amnistie sur son objet social : la
réconciliation nationale. Je vous proposerai donc des limites. L'incivisme sur
la route, par exemple, m'incite à exclure de l'amnistie les contraventions de
police et de grande voirie.
La question de l'amnistie des délits de droit commun, en raison du
quantum
ou de la nature de la peine, pose un problème complexe. Comme nous l'avions
indiqué en 1995, c'est non pas le pardon qui doit être en cause, mais l'absence
de politique de réinsertion ! Je n'ai d'ailleurs entendu personne s'élever sur
les bancs de la majorité contre la grâce présidentielle intervenue le 14
juillet dernier avec les traditionnelles remises de peines et libérations qui
l'accompagnent.
M. Josselin de Rohan.
Surtout pas, Maxime Gremetz !
M. Guy Fischer.
J'étais sûr que vous alliez me dire cela, monsieur de Rohan.
M. Dominique Braye.
C'est pour cela que nous l'avons fait !
M. le président.
Veuillez poursuivre, monsieur Fischer.
M. Guy Fischer.
Peut-être cette volonté d'écarter les délits de droit commun du champ de
l'amnistie relève-t-elle de l'air du temps. Je préfère, quant à moi, me
remémorer les propos d'un ancien garde des sceaux qui siège aujourd'hui parmi
nous : « L'amnistie des peines d'emprisonnement a suscité des inquiétudes
compréhensibles. J'ai relevé que cette inquiétude avait été volontiers
entretenue par ceux qui trouvent dans la peur un argument commode en faveur
d'une pratique répressive à courte vue et qui ne résout en rien les vrais
problèmes que pose cruellement à notre société la délinquance. »
Ces propos, c'est Robert Badinter qui les a tenus à cette tribune non pas il y
a quelques semaines ou quelques mois, mais il y a vingt et un ans en présentant
un projet de loi d'amnistie le 21 juillet 1981.
Ce même jour, il affirmait avec raison : « Cet esprit de générosité est sans
doute conforme à la tradition que j'évoquais et qui a constamment animé dans
l'histoire la volonté du pardon. Mais il est plus précisément encore la marque
du mouvement de la gauche française dans l'Histoire qui, à tous les grands
moments d'élan populaire, a toujours été inspiré par une volonté et une
aspiration de générosité. »
Pour ma part, je crois profondément que les lois d'amnistie pourraient tout
simplement tomber en désuétude si des choix politiques, économiques et sociaux
fondamentaux apportaient des réponses aux drames engendrés, dans notre société
par l'angoisse du lendemain, le chômage, la précarité, toutes les formes
d'exclusion.
Dans cette société que nous appelons de nos voeux - et que nous soutenons par
notre action -, un comité de locataires n'aurait nul besoin de s'opposer
physiquement à un huissier venu saisir les biens d'une famille dans le besoin,
un agriculteur pourrait sereinement travailler à l'amélioration de la qualité
de sa production puisqu'il serait libéré de la menace que la mondialisation et
l'utilisation hasardeuse des nouvelles technologies font courir à notre
production nationale, un ouvrier ne craindrait pas que des poursuites pénales
ne portent atteinte à sa mission de représentant des intérêts du personnel de
son entreprise.
A la lumière de ce rappel historique et de ces exemples, nous voyons combien
une loi d'amnistie reflète l'état d'une société à un moment donné. Il n'est
donc pas anodin d'en évoquer les dispositions. Il est ainsi paradoxal
d'instaurer une sorte d'amnistie « à plusieurs vitesses ».
Certes, nous nous félicitons et nous approuvons l'adoption d'un amendement
excluant du présent projet les délits d'abus de biens sociaux.
Je note que notre proposition présentée en 1995 par mon regretté ami Charles
Lederman avait été alors rejetée par la majorité sénatoriale.
Les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen ont toujours rejeté
l'idée même d'amnistie des délits politico-financiers. Ils seront vigilants,
aujourd'hui comme demain, pour contrecarrer toute tentative de renouveler une
telle manoeuvre, qui a déjà tant discrédité les femmes et les hommes politiques
par le passé.
M. Dominique Braye.
A l'origine : la gauche !
M. Guy Fischer.
Voyons !
M. Dominique Braye.
Il faut revenir en arrière ! C'est la réalité !
M. Guy Fischer.
Il y aurait de quoi dire, sur ce point !
M. le président.
Ne vous laissez pas interrompre, monsieur Fischer !
Monsieur Braye, si vous souhaitez intervenir, demandez la parole !
M. Guy Fischer.
Je ne peux pas laisser dire n'importe quoi !
M. le président.
Veuillez poursuivre, monsieur Fischer.
M. Guy Fischer.
Nous veillerons en particulier à ce qu'aucun amendement visant à préciser les
délais de prescription des abus de biens sociaux, et donc à atténuer
considérablement la portée de l'incrimination, ne soit inséré dans un des
textes de loi à venir. Les enjeux sont si importants que nous serons d'une
extrême vigilance.
(Exclamations sur les travées du RPR.)
M. Dominique Braye.
On vendra du muguet !
(Rires sur les mêmes bancs.)
M. Guy Fischer.
Par ailleurs, nous considérons l'aggravation des inégalités sociales dans
notre pays et nous constatons que c'est dans ce domaine que votre projet de loi
est le plus en retrait par rapport aux textes votés en 1981 et en 1988. Pour
nous, l'amnistie doit en priorité porter sur les infractions liées aux conflits
et aux luttes de toutes les catégories sociales pour leur emploi, leur outil de
travail, la sauvegarde du service public et la maîtrise des processus de
mondialisation afin d'apaiser des tensions collectives.
C'est pourquoi nous estimons qu'il est nécessaire de « ressourcer » la loi
d'amnistie en la renforçant sur le plan social. La violence dans notre société
n'a pas pour seul théâtre les quartiers populaires ou les banlieues difficiles
; elle est aussi présente dans l'entreprise, sur le lieu de travail. Et, sur ce
terrain-là, l'inégalité entre celui qui détient le pouvoir et le subordonné,
qu'il soit ouvrier, employé, cadre ou technicien, est manifeste. Le principe de
l'amnistie puise dans ce domaine une raison d'être incontestable.
Prenons un exemple : chaque année, depuis plus d'une décennie, dix mille
salariés protégés sont sanctionnés par leur employeur et sont licenciés. Le
projet de loi, dans ses articles 3 et 10, tend à effacer les sanctions. C'est
une bonne chose, mais il néglige, comme en 1995, un aspect essentiel de
l'amnistie en ce domaine : la nécessaire réintégration du salarié licencié. Que
signifie en effet cette amnistie si la principale conséquence de la sanction
amnistiée, le licenciement, n'est pas remise en cause ?
L'absence de réintégration réduit considérablement la portée de ce projet de
loi d'amnistie. Ces femmes et ces hommes qui représentent leurs camarades de
travail au sein d'institutions représentatives du personnel, ces hommes et ces
femmes qui, délégués syndicaux, soutiennent leurs collègues face à l'arbitraire
patronal...
(Murmures de réprobation sur les travées du RPR et des
Républicains et Indépendants.)
M. Eric Doligé.
Il ne faut pas en rajouter !
M. Guy Fischer.
... doivent être réellement soutenus à l'occasion du vote de l'amnistie. Par
leur action contre la « fracture sociale », si chère, il y a sept ans, au
Président de la République, ils font honneur à notre pays, à la République.
Il ne faut jamais oublier le désarroi qui frappe une famille sur laquelle
s'abat le chômage. Lui seul permet de comprendre l'importance de cette
proposition de justice sociale, cette proposition qui, je le répète, serait de
nature à rendre à l'amnistie tout son sens, son véritable sens.
M. Paul Loridant.
Il a raison !
M. Guy Fischer.
Nous demandons au Gouvernement et à la majorité sénatoriale de nous entendre
sur ce point. Je note à cet égard que les amendements déposés par nos amis
députés communistes et républicains qui visent à exclure de l'amnistie les
délits patronaux d'entrave à l'action des syndicalistes ou des institutions
représentatives du personnel ont été adoptés. Malheureusement, tous les autres
mauvais coups contre la législation du travail - je pense, par exemple, à la
non-application ou la mauvaise application des 35 heures - seront amnistiés.
Sur ces questions de droit social, nous défendrons également un amendement
visant à empêcher la décision d'exécution provisoire d'une sanction par un juge
unique. Pour une telle décision, la collégialité paraît s'imposer. Nous
proposerons par ailleurs d'étendre le champ de l'amnistie de droit des délits
commis à l'occasion de conflits du travail, d'activités syndicales et
revendicatives de salariés, aux actions d'un autre type, comme l'expression par
voie de presse.
Enfin, je souhaite, monsieur le garde des sceaux, vous faire part de mon
inquiétude à propos de l'exclusion de l'amnistie, cette année, des délits de
rébellion à l'égard de l'autorité publique ou des actes de dégradation ou de
détérioration.
Très souvent, à l'occasion de conflits plus ou moins durs, de tels faits se
produisent. Je considère que ces actes doivent entrer dans le champ du projet
de loi.
Permettez-moi de constater que tout a été prévu pour exclure de l'amnistie les
actions de la confédération paysanne et de M. José Bové.
(Murmures sur les
travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. Ivan Renar.
C'est prouvé !
M. Gérard Le Cam.
C'est gros comme un MacDo.
M. Guy Fischer.
Mais, lorsque certaines actions commises par d'autres fédérations syndicales
agricoles génèrent des milliards de francs de déprédations et de dégâts - j'ai
le dossier sous la main -, l'Etat rembourse ! Il y a deux poids, deux
mesures.
M. Eric Doligé.
C'est faux !
M. Guy Fischer.
Non ! Ce n'est pas faux ! On en discutera lors du débat.
M. Michel Charasse.
C'est comme pour la Corse. C'est toujours pareil !
M. le président.
Veuillez poursuivre, monsieur le sénateur.
M. Guy Fischer.
Même si nous ne partageons pas toutes les modalités d'action de cette
organisation,...
M. Patrick Lassourd.
Elle fait partie du show-biz...
M. Guy Fischer.
... nous estimons qu'un geste de clémence aurait été pleinement conforme à la
tradition républicaine.
Ces faits sont d'ailleurs à mettre en parallèle avec le récent conflit des
médecins et des infirmières. Malgré de violents affrontements avec les forces
de l'ordre, ce conflit a fait l'objet de dispositions d'apaisement de même
nature que celles que nous souhaiterions voir appliquées à la centrale
syndicale paysanne dont je viens de parler.
(Exclamations sur les travées du RPR.)
Je reviendrai sur le cas de ce syndicat et je vous apporterai des précisions,
mes chers collègues.
Nous interviendrons également en faveur de l'amnistie des délits commis à
l'occasion d'une procédure d'expulsion ou de saisie. Ce sont souvent des
militants associatifs et des élus qui sont confrontés à des scènes d'une rare
violence, symptomatiques des fractures de notre société. Et croyez bien que le
conseiller général des Minguettes que je suis peut vous éclairer sur ce qui se
produit lors des expulsions qui requièrent le concours de la force publique.
Enfin, avant de conclure, je souhaite m'arrêter sur la question de la double
peine.
Le présent projet de loi, comme celui de 1995, exclut de l'amnistie la peine
complémentaire d'interdiction du territoire français par le quatrième alinéa de
l'article 15.
M. Dominique Braye.
Ce n'est pas une double peine !
M. Guy Fischer.
Les sénateurs communistes sont particulièrement attentifs à cette question.
C'est pourquoi ils ont récemment déposé une proposition de loi visant à
l'abrogation de la double peine. Il y a sept ans, ils avaient déjà oeuvré pour
obtenir l'inclusion dans l'amnistie de cette peine complémentaire, qui est
souvent la cause de déchirements familiaux dramatiques. Sénateurs communistes
et socialistes avaient alors proposé la suppression des dispositions
combattues.
De récentes décisions de tribunaux confortent notre position. En effet,
comment pourrait-on accepter une discrimination sur le plan de l'amnistie entre
la personne condamnée de nationalité française et la personne condamnée de
nationalité étrangère ?
L'une recouvre sa liberté pleine et entière ; l'autre peut être séparée de sa
famille, même si elle vit en France depuis de très nombreuses années, si elle a
du travail, si elle s'est réinsérée. La non-amnistie de la double peine
illustre malheureusement le caractère inachevé de ce projet de loi d'amnistie.
Le Sénat s'honorerait en portant un coup de grâce à cette disposition inique
qui est contestée, y compris par des membres éminents de la droite
parlementaire tels que M. François Bayrou.
Pour conclure, au-delà de la nécessaire vigilance contre toute tentative
d'amnistie des délits politico-financiers, nous estimons important de recentrer
la loi d'amnistie sur ce qu'elle devrait être : un acte de générosité et de
réconciliation sur le plan social. Le projet qui nous est soumis aujourd'hui
par le Gouvernement est bien loin du « nouvel humanisme » si cher à M. le
Premier ministre !
Ce projet de loi, ni réel texte de pardon - exception faite de la détestable
amnistie des contraventions de police - ni texte de réconciliation sociale,
puisqu'il écarte de son champ d'application des hommes et des femmes qui n'ont
d'autre tort que celui de rechercher la justice, ne peut nous satisfaire. Aussi
le rejetterons-nous, s'il reste en l'état.
(Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et
citoyen.)
M. Dominique Braye.
Par quel moyen recherchent-ils la justice ?
(M. Adrien Gouteyron remplace M. Christian Poncelet au fauteuil de la
présidence.)PRÉSIDENCE DE M. ADRIEN GOUTEYRON
vice-président
M. le président.
La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.
M. Jean-Pierre Sueur.
Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat,
mes chers collègues, comment ne pas dire d'abord l'impression de malaise que
nous ressentons en écoutant depuis plusieurs semaines, et encore aujourd'hui,
ceux qui soutiennent ce projet de loi ?
On nous a tellement parlé de l'impunité zéro ! Or ce texte, ce n'est pas tout
à fait l'impunité zéro. Il en est antinomique. Il est en effet contradictoire
de réclamer l'impunité zéro et de présenter, parmi les tout premiers textes de
cette nouvelle législature, un projet de loi qui amnistie les délits de droit
commun.
Chacun ressentant et reconnaissant la contradiction, on ne peut ensuite
qu'être frappé par l'ampleur des efforts rhétoriques que vous déployez,
monsieur le ministre, monsieur le rapporteur - et nous avons pu les apprécier -
pour montrer que ce texte a une portée plus limitée, une importance moindre et
des conséquences plus réduites que tous ceux qui l'ont précédé.
Que d'efforts - il faut les saluer - pour dire et écrire ce sur quoi cette loi
ne porte pas, ce dont elle n'est pas l'objet, ce qu'elle n'efface pas, ce
qu'elle n'excuse pas, ce qu'elle n'exonère pas, mais ce qu'elle continue de
punir ! Monsieur le ministre, il ne faut ainsi pas moins de cinq ou six pages -
sept ou huit peut-être -, de quarante et un alinéas, plus les neuf alinéas
insérés par l'Assemblée nationale, soit cinquante au total, sans oublier ceux
que le Sénat, dans sa sagesse, ne manquera par d'ajouter pour énoncer tout ce
qui est exclu de cette loi d'amnistie !
En un mot, ce projet de loi décrit abondamment, surabondamment même, les
effets qu'il n'a pas, alors qu'il décrit de manière assez succincte ceux qu'il
aura et qui ne sont pourtant pas négligeables !
Le débat sur l'amnistie est très ancien. On s'est beaucoup interrogé sur les
origines monarchiques...
M. Michel Charasse.
La justice retenue !
M. Jean-Pierre Sueur.
... ou républicaines de l'amnistie, ainsi que sur les versions républicaines
de celle-ci.
Les débats ont fait apparaître qu'il y avait finalement deux formes
d'amnistie.
La première, une amnistie d'union nationale ou de rassemblement national, de
pardon national, a eu pour objet de ressouder la nation après de lourdes et
difficiles épreuves ; elle a toutefois suscité, à chaque fois, de vives
oppositions.
On nous a beaucoup cité Victor Hugo, en particulier la magnifique métonymie
par laquelle il évoque Paris qui demande l'effort d'amnistie à toutes les
communes de France. Il y a eu de telles amnisties de rassemblement national
après les guerres qui ont marqué le XXe siècle, au sujet de l'Algérie - nous
nous en souvenons -, de la Nouvelle-Calédonie. Elles furent souvent difficiles,
mais c'était une façon de refonder l'union autour de valeurs fortes, d'en
revenir à la matrice des idées et des valeurs républicaines. Ce type d'amnistie
a beaucoup de sens.
Le second type d'amnistie, celle qui nous réunit aujourd'hui, suit chaque
élection présidentielle.
M. Michel Charasse.
Depuis 1959 !
M. Jean-Pierre Sueur.
Elle n'est pas rituelle mais, contrairement à ce qu'on croit parfois, ce n'est
pas une tradition consubstantielle de la République. Ainsi, sous la IIIe et la
IVe République, on a assez peu usé de cette forme d'amnistie rituelle.
Sous la IIIe République, alors que quinze élections présidentielles ont eu
lieu - chacun s'en souvient - seules cinq d'entre elles ont été suivies d'une
loi d'amnistie.
M. Michel Charasse.
C'est exact !
M. Jean-Pierre Sueur.
Sous la IVe République, seulement une élection présidentielle sur deux a été
suivie d'une loi d'amnistie.
M. Michel Charasse.
C'est exact !
M. Jean-Pierre Sueur.
Aujourd'hui, la loi d'amnistie est devenue un rite que chacun prévoit et dont
beaucoup anticipent les effets. C'est ainsi qu'elle est devenue une sorte
d'encouragement rituel à l'incivisme.
Elle est par essence inéquitable, car on voit bien que ceux qui se sont
acquittés du montant de leurs contraventions ne seront jamais remboursés, alors
que ceux qui ne l'ont pas fait seront exonérés de tout paiement par la loi
d'amnistie.
Comme nous l'ont expliqué des juristes, les tribunaux en viennent même à
anticiper les effets de l'amnistie en ajustant les peines en conséquence !
C'est bien le signe que l'amnistie est véritablement devenue un rite, une
habitude !
On nous objectera - cela a déjà été le cas ici même - que nous avons voté les
lois d'amnistie de 1981, de 1988, et que M. Lionel Jospin en avait annoncé une
qu'il voulait fort réduite. Cela est vrai. Mais je constate que ceux-là mêmes
qui se félicitent d'honorer un engagement pris par M. Jacques Chirac -
engagement lourd lui aussi de réserves et de restrictions, on s'en souvient -
le font - vous le faites - avec beaucoup de réticences, de précautions,
d'embarras, et s'engagent à ce que cette amnistie soit finalement la dernière
!
M. Michel Charasse.
La dernière du genre !
M. Jean-Pierre Sueur.
On sent bien qu'il y a un malaise...
M. Michel Charasse.
Pas avec les Corses !
M. Jean-Pierre Sueur.
... et qu'on assiste à la fin d'un cycle, d'un rituel. Finalement, il est
heureux qu'il en soit ainsi !
Je me souviens que, durant la campagne présidentielle, de très nombreux appels
se sont élevés pour mettre un terme à ce rite. Notre collègue M. Jean-Claude
Frécon me rappelait à l'instant que, dès avant la campagne présidentielle,
l'Association des maires de France, lors de son dernier congrès, avait pris
position de manière unanime contre le principe d'une loi d'amnistie.
Ne vaut-il pas mieux - c'est en tout cas notre position -, choisir d'en finir
dès aujourd'hui avec ces lois d'amnistie postélectorales, monsieur le garde des
sceaux, surtout lorsqu'on a répété tant de fois, comme vous l'avez fait,
qu'aucune infraction, si légère soit-elle, ne doit être laissée sans réponse
?
Si votre projet de loi est voté en l'état, monsieur le garde des sceaux - cela
est très bien expliqué dans l'étude d'impact que vous nous avez fournie -, ce
sont 38 % des personnes condamnées en l'an 2000 qui en bénéficieront, soit 217
900 personnes, et le coût pour l'Etat et pour les collectivités locales sera de
300 millions d'euros, comme l'a rappelé M. le rapporteur, soit tout de même 1
milliard 900 millions de nos francs ! Cela pose beaucoup de questions !
Hier et ce matin encore, j'écoutais sur les ondes votre collègue du
Gouvernement M. Gilles de Robien. S'exprimant à propos d'un grave problème pour
notre pays, les 8 000 morts sur nos routes, il parlait avec beaucoup
d'éloquence des mesures très sévères qu'il entendait prendre en matière de
circulation routière. Il évoquait la police spéciale qu'il allait créer...
M. Gérard Delfau.
C'est bien !
M. Jean-Pierre Sueur.
... ainsi qu'une série d'autres mesures très judicieuses.
Mes chers collègues, nous pouvons aider M. de Robien en refusant dès
aujourd'hui de voter ce projet de loi. Je ne doute pas que ce coup d'arrêt
aurait une haute valeur symbolique et qu'il serait un soutien très apprécié par
M. de Robien. Chacun se souvient en effet que l'une des premières paroles qu'il
prononça après avoir été nommé ministre - et avant d'être rappelé à l'ordre -
fut pour proclamer son total désaccord avec l'amnistie qui nous est aujourd'hui
proposée ! Finalement, c'était une bonne parole !
M. Dominique Braye.
Nous espérons que vous voterez ce qu'il nous proposera !
M. Jean-Pierre Sueur.
Ça, on en reparlera !
Pour terminer, mes chers collègues, j'évoquerai quelques points plus
particuliers pour le cas, que je ne puis malheureusement exclure, où notre
position, celle du groupe socialiste que j'ai l'honneur de défendre ici, ne
serait pas suivie par le Sénat.
D'abord, il nous est apparu que ce projet de loi opérait une discrimination
entre les modes de transport. En effet, il est prévu pour ceux qui utilisent
leur voiture l'amnistie totale des contraventions figurant dans le texte.
En revanche, s'agissant des transports en commun, le défaut habituel de titre
de transport fait obstacle à l'amnistie...
M. Eric Doligé.
C'est normal !
M. Jean-Pierre Sueur.
... c'est-à-dire que si l'on ne paye jamais on n'est pas amnistié.
M. Josselin de Rohan.
Bien sûr !
M. Jean-Pierre Sueur.
On peut trouver cela normal, mais pourquoi le serait-ce dans le cas des
transports en commun et pas dans celui de l'utilisation de la voiture ? C'est
la raison pour laquelle notre groupe a retenu une suggestion de Michel Charasse
qui consiste à plafonner à 150 euros, d'une part, les infractions au code de la
route et, d'autre part, celles qui sont liées au défaut de titre de transport.
Ainsi, il y aura une parfaite équité !
M. Dominique Braye.
Merci pour ceux qui payent !
M. Jean-Pierre Sueur.
Car où est la justice, mes chers collègues, ...
M. Dominique Braye.
Ce sont des récidivistes !
M. Jean-Pierre Sueur.
...dès lors qu'une limite est fixée dans un cas, mais pas dans l'autre ? Nous
vous suggérerons donc, au travers de deux amendements, de prévoir une limite
dans les deux cas.
En deuxième lieu, nous vous proposerons - il s'agit d'une initiative de
Marie-Christine Blandin, soutenue par notre groupe - d'exclure également de
l'amnistie les délits relatifs au code de la santé publique. En effet, compte
tenu de l'importance de la sécurité en matière sanitaire et alimentaire, mes
chers collègues, comment peut-on imaginer exclure un grand nombre d'infractions
du champ de l'amnistie et ne pas en exclure les violations à un certain nombre
de règles relatives à la santé publique, violations qui, comme vous le savez,
peuvent avoir des conséquences redoutables ?
En troisième lieu, nous vous proposerons que, dans les exclusions, soient
inscrites de manière explicite les fraudes aux examens et concours, ainsi que
les fraudes à caractère électoral.
Enfin, mes chers collègues, j'aborderai l'article 9, qui porte sur l'amnistie
par mesure individuelle. Il s'agit d'un sujet qui, depuis longtemps, fait
débat. Vous savez que le droit de grâce du Président de la République est prévu
par la Constitution. Or de nombreux juristes ont mis en cause ces lois qui
donnent, en quelque sorte, un droit de grâce supplémentaire au Président de la
République. Je citerai à cet égard Pierre Mazeaud, aujourd'hui membre du
Conseil constitutionnel, et qui a justement dit ceci : « Permettre au Président
de la République d'accorder l'amnistie par décret me paraît pour le moins
condamnable. L'amnistie résulte de la loi et de la seule loi. C'est au
législateur qu'il appartient, et à lui seul, de légiférer. »
M. Josselin de Rohan.
C'est un point de vue !
M. Jean-Pierre Sueur.
Pierre Mazeaud marquait ainsi son opposition au fait que la loi donne au
Président de la République le pouvoir d'amnistier au-delà du droit de grâce
prévu par la Constitution, dont il disait d'ailleurs que c'est une « survivance
du droit régalien ».
Vous avez déclaré, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, que cet
article 9 relatif à l'amnistie par mesure individuelle était beaucoup plus
restrictif que toutes les dispositons des lois antérieures qui avaient le même
objet. Pourtant, nous avons observé une certaine extension, qui tient en un
seul adjectif : « sportif ». Nous portons tous un grand intérêt au sport, nous
soutenons le sport de masse, le sport de haut niveau. Nous pensons donc qu'il
convient d'encourager le sport. Mais, finalement, les sportifs attendent-ils
des mesures d'amnistie de par la grâce du Président de la République,
contrairement à toutes les traditions, à la faveur de cet article 9 ? Afin
d'éviter que l'introduction de cet adjectif ne soit interprétée comme une
mesure
ad hominem,
il nous paraît sage de supprimer cette mention.
Ainsi, il n'y aurait pas de procès d'intention, quel qu'il soit, et nous nous
inscririons tous dans cette philosophie de la restriction, de la rigueur, de
cette juste tradition dont s'honorent les défenseurs de ce projet de loi.
Mes chers collègues, pour sortir de ce malaise perceptible, pour répondre aux
attentes de nombreux responsables de ce pays, de nombreux élus, pour surmonter
les contradictions, pour rompre avec les discours défensifs et un peu
embarassés - et nous comprenons tout à fait la situation qui est la vôtre à cet
égard - enfin, pour des raisons de justice et d'équité, le groupe socialiste
considère que le plus simple, le plus clair, le plus crédible, consiste à voter
contre le projet de loi qui nous est aujourd'hui soumis.
(Applaudissements
sur les travées socialistes, ainsi que sur celles du groupe communiste
républicain et citoyen.)
M. le président.
La parole est à M. Georges Othily.
M. Georges Othily.
Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, « Il
n'est pas en soi condamnable d'avoir régulièrement, dans des occasions
exceptionnelles, un pardon républicain. » Ainsi s'exprimait le Président de la
République, M. Jacques Chirac, à l'occasion de la traditionnelle interview
télévisée du 14 juillet. Car c'est bien de pardon et de réconciliation dont il
s'agit aujourd'hui dans notre hémicycle et sous cette coupole.
En effet, au-delà d'une simple amnistie-amnésie, qui consisterait uniquement à
effacer et à passer l'éponge sur toute une série d'infractions et de délits,
notre Haute Assemblée hérite aujourd'hui, après l'Assemblée nationale, de la
lourde charge du « pardon républicain » évoqué tout récemment par le Président
de la République.
Mes chers collègues, il nous revient donc, au cours de ce débat, de définir
les contours et les limites du pardon. Qu'est-ce que la République peut et ne
peut pas pardonner aujourd'hui ? Autrement dit, en termes législatifs, nous
devons nous poser la question de savoir quelles sont les infractions qui
doivent être exclues du champ de la loi d'amnistie de 2002.
Cette loi, qui vient après un séisme politique de grande ampleur, ne peut-elle
pas également être l'occasion de réaffirmer l'importance de certaines valeurs
essentielles que notre société se doit de préserver ?
Ainsi, mon intervention s'attachera à rappeler la nécessité, même très
symbolique, de l'amnistie, à condition d'en user intelligemment : d'une part,
il s'agit de ne pas en abuser et de savoir en limiter les effets en adaptant la
loi à la réalité du moment ; d'autre part, alors qu'elle fait suite à une
élection présidentielle inédite et inquiétante quant aux performances de
l'extrême droite, cette loi d'amnistie de 2002 peut constituer une première
opportunité politique pour renforcer certains grands principes républicains.
Enfin, je m'attarderai quelques instants sur l'article 22 du projet de loi
relatif au transport public routier des personnes dans les départements de
Guadeloupe, de Martinique et de Guyane, et qui présente le double avantage de
combler un vide juridique et de prévenir tout risque pénal, sorte d'amnistie
par anticipation.
L'amnistie se distingue du droit de grâce. Si ce dernier est du seul ressort
du Président de la République, l'amnistie est proposée par le Gouvernement,
puis discutée et votée par le Parlement. Il en est ainsi sous la Ve République
après chaque élection présidentielle.
La loi d'amnistie est désormais une tradition républicaine, quoique
d'inspiration athénienne, comme l'a rappelé M. le rapporteur, en passant par la
« lettre d'abolition » de notre ancien droit ou encore par cette amnistie tant
voulue par les radicaux au sortir de la Commune et qui permit l'apaisement
nécessaire à l'émergence d'une IIIe République naissante. Ainsi, l'amnistie a
marqué l'histoire des civilisations, celle de notre pays et, plus encore
peut-être, celle de la République. Etre républicain, c'est savoir pardonner et
savoir amnistier !
L'amnistie, sous la forme du « pardon républicain », demeure encore
aujourd'hui une occasion rare d'apaisement et de réconciliation entre les
citoyens et leur Etat, mais aussi entre les citoyens eux-mêmes. N'oublions pas,
mes chers collègues, qu'il y a tout juste trois mois - seulement trois mois -
notre République se trouvait une fois de plus menacée et mise en danger ! Au
regard du séisme politique et institutionnel que nous venons de vivre, la loi
d'amnistie de 2002 constitue un acte républicain d'une grande charge
symbolique.
C'est pourquoi cette première loi d'amnistie du XXIe siècle doit être
interprétée comme un premier grand pas vers la réconciliation républicaine et
le rétablissement de la nécessaire confiance entre le peuple et ses élus, mais
aussi entre « la France d'en bas » et « la France d'en haut », pour paraphraser
M. le Premier ministre.
C'est donc bien le chantier de la renaissance de notre République qui se joue
depuis l'ouverture de ce double quinquennat présidentiel et législatif, et
c'est ce même chantier qui commence, en acte, par cette première pierre très
symbolique de l'amnistie et du « pardon républicain ». Non, mes chers
collègues, ne négligeons pas les symboles, surtout quand il y va de la
République et de ses institutions !
Fidèle à la tradition républicaine et attaché au symbole du « pardon
républicain », le groupe du Rassemblement démocratique et social européen, dans
sa très large majorité, ne peut être que favorable au principe d'une nouvelle
loi d'amnistie.
Toutefois, s'il est bon et utile que, « dans des occasions exceptionnelles »,
comme l'a précisé le chef de l'Etat le 14 juillet dernier, les pouvoirs
exécutif et législatif sachent faire preuve de clémence au moyen d'une loi
d'amnistie, il n'est pas possible - il n'est plus possible - de tout amnistier
de façon aveugle. Par conséquent, le « pardon républicain » doit, lui aussi,
avoir ses limites.
C'est pourquoi la loi d'amnistie se doit de concilier pardon et répression.
Soucieux du respect des valeurs républicaines, au premier rang desquelles se
trouve l'éthique de responsabilité, le groupe auquel j'appartiens se réjouit,
monsieur le garde des sceaux, de l'équilibre de votre texte entre pardon et
autorité, entre compréhension et fermeté.
En effet, ce texte s'adapte aux moeurs de notre temps en ce qu'il fixe un
seuil, une limite que je qualifierai de « limite républicaine », entre, d'une
part, ce qui est excusable, donc amnistiable, et, d'autre part, ce qui ne l'est
pas, car impardonnable dans la France d'aujourd'hui.
A l'heure où nous entendons renforcer les bases de la République et restaurer
son autorité, il est primordial de rappeler l'importance pour la société
française de certaines valeurs avec lesquelles il n'est plus possible de
transiger. Ici aussi, la force du symbole républicain et l'efficacité de
l'action politique se rejoignent et se confondent pour tenir compte des
évolutions de notre société.
Cela ne peut se traduire, bien évidemment, que par une forte augmentation du
nombre d'infractions exclues du champ d'application de l'amnistie : on recense
d'ailleurs près de cinquante exclusions dans le présent projet de loi après son
examen devant l'Assemblée nationale, contre moins de trente en 1995 et pas même
vingt en 1988. L'amnistie a donc bien ses limites !
Bien sûr, il est des exclusions à l'amnistie qui s'imposent d'elles-mêmes
comme les actes de terrorisme et le trafic de sutpéfiants, l'association de
malfaiteurs, les faits de proxénétisme, les infractions de nature sexuelle ou
encore les délits de discrimination.
Mais, aujourd'hui, avec cette loi d'amnistie, l'heure est aussi au rappel de
chacun à ses devoirs de citoyen : il s'agit d'insister clairement sur la
responsabilité individuelle et le sens civique de tout un chacun. C'est
pourquoi les actes « gratuits » et dangereux de violence routière ne sont plus
acceptables, donc pas amnistiables, pas plus que les délits de corruption ou
assimilés en matière économique et financière, ou encore l'ensemble des
infractions au code de l'environnement.
Ne pas amnistier toutes ces infractions, c'est envoyer à nos concitoyens un
signal politique fort en faveur de la responsabilisation des comportements
individuels, que ce soit au volant, au travail, dans la nature. Ne pas
amnistier la plupart des contraventions prévues par le code de la route, à
commencer par le stationnement gênant, sur des places réservées aux véhicules
de personnes handicapées ou aux véhicules de transport ou de services publics,
c'est rappeler tous les citoyens, non seulement ceux qui sont en infraction
mais aussi tous les autres, à leurs devoirs civiques tout autant qu'au respect
de la règle de droit, de cette loi dont nous avons la charge, mes chers
collègues, et que nous votons ici-même.
Par conséquent, loin d'être une simple « amnistie-anamnèse » qui se
contenterait d'oublier volontairement toute une série d'infractions, cette loi
d'amnistie 2002, qui fait suite à un séisme politique sur lequel il nous faut
continuer à réfléchir et à nous interroger, doit également prendre la forme du
passé et consacrer un retour aux sources de la République et à ses grands
principes.
Une injustice mérite d'être corrigée entre employeurs et salariés, dans le
souci d'apaiser les tensions collectives et de réablir un élément d'égalité de
traitement entre les uns et les autres, tout en excluant de l'amnistie les
récidivistes.
En effet, l'article 3 du projet de loi prévoit l'amnistie des délits commis à
l'occasion d'activités syndicales et revendicatives de salariés, lorsque les
faits sont passibles d'une peine d'emprisonnement allant jusqu'à dix ans. C'est
pourquoi je proposerai un amendement tendant à permettre l'amnistie des
employeurs condamnés au plus à un an d'emprisonnement. Nombre de chefs
d'entreprise artisanale sont souvent pénalisés à ce titre, monsieur le garde
des sceaux.
Je terminerai en faisant part de la grande satisfaction de l'élu de la Guyane
que je suis de voir intégrer au projet de loi un ultime article, l'article 22,
qui permettra de mettre un terme à une situation des plus absurdes pour les
transporteurs publics routiers de personnes dans les trois départements
français d'Amérique, Guadeloupe, Martinique et Guyane.
Cet article 22 vient, en effet, combler un vide juridique, le projet de loi de
ratification de l'ordonnance du 7 mars 2002 n'ayant pas été déposé dans le
délai imparti, soit avant le 30 juin 2002. Ainsi, l'ensemble des transporteurs
de Martinique, Guadeloupe et Guyane risquaient d'être pénalisés.
Or la caducité de l'ordonnance, fortement préjudiciable aux transporteurs
publics et, par voie de conséquence, à la population, résulte de l'inaction
regrettable du précédent gouvernement, qui a préféré remettre à plus tard la
question de l'organisation des transports publics plutôt que de déposer, comme
il y était tenu aux termes de l'article 4 de la loi d'habilitation du 12 juin
2001, un projet de loi de ratification dans un délai fixé.
L'ordonnance de mars 2002, devenue donc caduque, prévoyait, dans son article
13, une prorogation des autorisations ou concessions d'exploitation des lignes
de transport pendant une période maximale de quatre ans à compter du 13 juin
2002, comme l'exigeait l'article 19 de la loi d'orientation pour l'outre-mer du
13 décembre 2000.
Dans ces conditions, la caducité de l'ordonnance en question et l'absence, à
ce jour, de toute disposition législative d'urgence ont causé, à la date du 13
juin 2002, ce vide juridique dans lequel se trouve encore aujourd'hui le
transport public routier de ces trois départements français.
C'est pourquoi, malgré l'absence de véritable lien avec la loi d'amnistie, je
ne peux que me réjouir de la présence, dans le texte, de l'article 22 qui, en
modifiant l'article 19 de la loi d'orientation pour l'outre-mer, vient proroger
les autorisations et concessions jusqu'au 1er juin 2006 et comble parfaitement
le vide juridique né de la caducité de l'ordonnance.
Malgré les apparences et au-delà de son caractère d'urgence, cet article 22 a
sa place dans le présent projet de loi portant amnistie dans la mesure où la
prorogation de la validité des autorisations et des concessions vise à prévenir
tout risque pénal ou de gestion de fait. Mieux vaut prévenir que... punir !
Je remercie M. le garde des sceaux d'avoir intégré à son projet de loi cet
article 22 et ne doute pas que notre assemblée, pleine de bon sens, tout comme
l'Assemblée nationale avant elle, l'adoptera sans modification.
Pour toutes ces raisons, monsieur le garde des sceaux, je vous assure que le
groupe auquel j'appartiens votera bien volontiers, majoritairement, votre
projet de loi.
(Applaudissements sur les travées du RDSE, du RPR, de l'Union
centriste et des Républicains et Indépendants.)
M. le président.
La parole est à M. Jean-René Lecerf.
M. Jean-René Lecerf.
Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, le
premier sentiment que l'on éprouve, à la lecture des débats qu'a connus
l'Assemblée nationale à l'occasion de la discussion du projet de loi portant
amnistie ou à l'examen des commentaires qu'il a pu susciter dans les différents
médias, c'est l'étonnement ou, plus précisément, l'étonnement devant
l'indignation, réelle ou simulée, d'un certain nombre de parlementaires devant
un texte que j'ai trouvé - je le dis d'autant plus facilement, monsieur le
ministre, que ce n'est pas nécessairement une critique - d'une assez grande
modestie, pour ne pas dire d'une certaine banalité !
(Sourires.)
Si c'est au motif d'un tel texte qu'un certain nombre de nos collègues députés
veulent pétitionner - je les cite - « sur les plages, à la porte des stades ou
sur le parquet des guinguettes », réjouissons-nous pour eux que le ridicule ne
tue plus personne dans notre pays depuis fort longtemps !
M. Patrick Lassourd.
Heureusement !
M. Jean-René Lecerf.
Car enfin, depuis les débuts de la Ve République, chaque élection
présidentielle est suivie d'une loi d'amnistie, et l'alternance n'a rien changé
à cela, bien au contraire.
Sans remonter jusqu'à la Grèce antique, constatons simplement que la IIIe et
la IVe République ont également largement pratiqué l'amnistie, même de manière
moins systématique, dans un large souci de pardon, de réconciliation et de
fraternité.
Cherchons donc ailleurs, si vous le voulez bien, les raisons d'un pareil
tumulte.
Le Président de la République aurait-il, dans sa campagne, annoncé qu'il
souhaitait que le Parlement mette fin à cette tradition ? En aucune manière !
Et quoi de plus naturel que la majorité présidentielle ait à coeur de valider
l'engagement de son candidat ?
On ne refait ni l'histoire ni les élections. Mais M. Jospin n'avait-il pas
lui-même souhaité le vote rapide d'une loi d'amnistie ?
M. Jean-Pierre Sueur.
Je l'ai dit !
M. Jean-René Lecerf.
Et, si le sort des urnes avait été différent, ne serions-nous pas aujourd'hui
en train de discuter d'un projet de loi de même nature ?
M. Dominique Braye.
Absolument !
M. Gérard Delfau.
A front renversé !
M. Jean-René Lecerf.
Alors, c'est le contenu de ce projet de loi qui choque l'opposition, sans
doute parce qu'il prévoit une extension considérable du champ de l'amnistie ?
Pas davantage : il s'agit de l'amnistie la plus réduite qui ait jamais été
présentée, à la fois du fait de la multiplication du nombre des infractions qui
sont exclues de son champ d'application, de la limitation de ses effets et de
l'abaissement des seuils dans la fixation du
quantum
de la peine.
C'est donc avec la plus grande sérénité que l'on peut, d'un bord à l'autre de
l'hémicycle, aborder cette discussion.
Est-il opportun de réfléchir à l'avenir des lois d'amnistie ? Il est certes
indiscutable qu'elles portent atteinte à la séparation des pouvoirs que
consacre le préambule de la Constitution. N'en est-il pas de même, cependant,
de la grâce présidentielle ou, en sens inverse, de l'interprétation
contra
legem
à laquelle se livrent parfois les tribunaux, afin, nous disent les
bons auteurs, de « retirer leur venin à certains textes », c'est-à-dire de
retirer le venin que les parlementaires y ont mis.
(Sourires.)
On ne peut le nier, le passage au quinquennat et la crainte que des lois
d'amnistie plus nombreuses ne nuisent à la lutte contre l'insécurité amènent à
appréhender autrement le problème.
Le temps semble venu de renoncer aux amnisties systématiques à la suite d'une
élection présidentielle, mais ce sera aux prochains candidats à la magistrature
suprême, et à ceux qui les entourent, de prendre, sur ce point, dans moins de
cinq ans, leurs responsabilités.
Je ne comprendrais pas, en revanche, que le Parlement décide de se passer à
tout jamais de cette prérogative consacrée par la Constitution, alors que
certains événements, ou une évolution de l'esprit public sur des faits de
société, pourraient, demain, justifier à nouveau largement son utilisation.
Je suis d'ailleurs réservé sur la distinction, peut-être un peu manichéenne,
introduite par de nombreux collègues entre la bonne et la mauvaise utilisation
de l'amnistie, comme il en est de la langue d'Esope ou, pardonnez-moi cette
familiarité de langage, du cholestérol ! Ainsi donc, du bon côté de la
barrière, on trouverait l'amnistie des délits politiques, la grande amnistie de
réconciliation nationale ; de l'autre, l'amnistie de confort, décidée à
l'occasion d'une élection comme il existe, dans nos communes et nos
départements, la journée du maire ou la semaine du président du conseil général
!
M. Dominique Braye.
Autrefois !
M. Jean-René Lecerf.
Je ne suis pas convaincu que les oppositions soient aussi catégoriques et ne
puis m'empêcher de penser que, même en des temps de démocratie apaisée, hors
période de tempêtes, l'amnistie peut être un signe fort, conciliant le geste du
pardon avec les impératifs de la sécurité, et donc de la répression.
Qu'on me permette de rappeler à ceux qui s'avancent à dénoncer une application
à éclipses de la loi pénale que c'était aussi pour ne pas autoriser un « Etat à
éclipses » que le Conseil d'Etat a condamné pendant fort longtemps le droit de
grève dans les services publics. Je ne suis pas sûr que ce rapprochement
conforte leur argumentation !
Votre projet de loi, monsieur le ministre, empreint de la plus grande
modération, désamorce, par la multiplication des exceptions, l'essentiel des
cas dans lesquels l'amnistie pourrait apparaître comme un rempart de la
délinquance. Au point que l'on peut se demander, d'ailleurs, où est la règle et
où est l'exception, et s'il ne vaudrait pas mieux dresser la liste des
infractions amnistiables plutôt que celle des infractions qui ne le sont
pas.
M. Jean-Pierre Sueur.
Absolument !
M. Jean-René Lecerf.
C'est donc sans aucun état d'âme que mes amis et moi-même voterons ce texte,
et sans qu'il soit utile de faire appel à quelque discipline de vote que ce
soit !
L'amnistie qui me gêne profondément, monsieur le garde des sceaux, ce n'est
pas celle-ci, ce n'est pas celle qui est votée par le Parlement, sur
proposition du Gouvernement ; non, c'est plutôt l'amnistie honteuse, rampante,
dont profitent les délinquants et dont souffrent au quotidien les victimes.
Cette pseudo-amnistie trouve son origine dans l'extrême difficulté à obtenir,
notamment dans les quartiers difficiles, des dépôts de plaintes ou des
témoignages par peur des représailles.
Avant mon élection au Sénat, j'étais maire d'une commune de près de 40 000
habitants. Pour obtenir des témoignages, lorsque je savais que les délinquants
avaient été surpris, il m'a fallu, et à de nombreuses reprises, me rendre chez
les personnes pour les rassurer, puis les domicilier en mairie, les accompagner
au commissariat, voire demander à l'officier de police de commettre les fautes
de frappe qui transformaient M. Lebon en M. Lepan ou Mme Dupont en Mme Segond.
C'est dire l'immensité des plaintes et des témoignages qui, sans doute
fondamentaux pour la police et pour la justice, leur font cruellement défaut,
sans que l'on puisse faire à qui que ce soit le reproche de manquer de courage,
et surtout pas au père de famille, par exemple, qui craint des représailles
pour son épouse ou pour ses enfants.
La pseudo-amnistie, c'est aussi le taux préoccupant des affaires classées sans
suite et l'inexécution des décisions de justice. Quoi de plus dommageable pour
la dignité et l'exemplarité de la justice qu'un grand nombre de ses décisions
reste lettre morte ? Combien de fois avons-nous constaté, ne serait-ce que pour
l'octroi aux victimes de dommages et intérêts, que les courageux entêtés qui
finissaient pas obtenir une décision favorable se voyaient alors opposer la
mauvaise foi, l'inertie ou l'insolvabilité ? Ne pourrait-on envisager, dans ces
hypothèses, que ce soit l'Etat qui accorde l'indemnisation décidée par le juge
et qu'il soit ensuite subrogé dans les droits de la victime à l'égard de
l'auteur du dommage ?
Je m'éloigne de ce projet de loi portant amnistie. Je ne voudrais pourtant pas
anticiper sur un autre texte d'importance, le projet de loi d'orientation et de
programmation pour la justice, dont nous serons amenés à débattre dès jeudi.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants
et de l'Union centriste.)
MM. Dominique Braye et Patrick Lassourd.
Bravo !
M. le président.
La parole est à M. Jean-Jacques Hyest.
M. Jean-Jacques Hyest.
Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues,
notre rapporteur évoquait la démocratie athénienne. Sans remonter à Solon ou à
Thrasybule, l'auteur de la première loi d'amnistie, en 403 avant Jésus-Christ,
je rappellerai que les Anciens faisaient bien la différence entre l'oubli et la
réhabilitation - cette «
amnhstia
» qui a donné en français le mot «
amnistie » - et que toutes les civilisations ont connu peu ou prou l'amnistie.
D'ailleurs, la République, depuis ses origines, l'a pratiquée, non sans de
longs débats, mais généralement au lendemain de graves crises civiles. Je ne
les citerai pas ici, mais ce furent de très douloureux moments de notre
histoire. Comment faire passer l'amnistie après la Commune, mais aussi, hélas !
après l'Occupation, avec toutes ses conséquences ? Et que dire de la
décolonisation ? Les débats furent extrêmement vifs dans notre pays, et
l'amnistie était nécessaire pour réconcilier la nation avec elle-même.
Toutefois, son vote régulier, après chaque élection présidentielle, l'a
banalisée. De plus, si la fréquence de sept ans rappelait l'année sabbatique de
la Bible, qui voyait la libération des esclaves, la remise des dettes...,
maintenant qu'elle est de cinq ans, elle n'a plus grand sens.
L'amnistie n'a plus le même sens, car elle n'a plus pour objet de garantir la
paix sociale et de refonder l'unité nationale après une crise grave. Elle
s'apparenterait plutôt à la grâce présidentielle, qui intervient chaque année à
l'occasion de la fête nationale et qui, hélas ! monsieur le garde des sceaux,
est nécessaire à la régulation de la population carcérale.
L'amnistie avait été très large en 1981, un peu moins en 1988 et moins encore
en 1995 ; au fil des ans, le législateur en a progressivement exclu un grand
nombre d'infractions, en fonction de la sensibilité sociale et des « valeurs
sociales fondamentales » qu'évoque l'exposé des motifs du projet de loi,
cependant que, parallèlement, il aggravait les peines prévues dans le code
pénal en tous ces domaines. Car, régulièrement, nous ajoutons des peines, alors
qu'il faudrait peut-être commencer par mieux appliquer celles qui existent.
Il en va de même - mais cela relève de l'anecdote - pour les contraventions de
stationnement : aujourd'hui, le projet de loi d'amnistie exclut celles qui
concernent les emplacements réservés aux véhicules de transport public, aux
taxis - corporation qui s'est bien défendue ! - ou aux personnes
handicapées.
Dans le projet de loi figurent quarante et une exclusions, portées à
quarante-huit par l'Assemblée nationale. M. le rapporteur - il a eu raison - en
a ajouté une quarante-neuvième, et peut-être nos collègues nous en
proposeront-ils quelques autres. Cela démontre à l'évidence combien l'évolution
des mentalités tend à transformer l'amnistie en une survivance peu justifiée
sur le plan de l'équité et de la morale publique.
C'est particulièrement vrai en ce qui concerne les infractions au code de la
route : alors que, naguère, une grande tolérance régnait en ce domaine, la
lutte permanente et nécessaire contre l'insécurité routière, qui est à
l'origine de tant de drames, qui a brisé tant de vies justifie pleinement que
soit fortement réduite l'amnistie des contraventions de police en la
matière.
Encore pourrait-on objecter que, même limitée au stationnement, l'amnistie est
une incitation à l'incivisme et, de plus, s'apparente à une véritable loterie
dont les résultats varient en fonction de la diligence des services chargés du
recouvrement des amendes. Les collectivités locales pourraient de surcroît se
plaindre de la perte d'une partie des recettes leur permettant de financer les
équipements de sécurité routière ; car, nous le savons tous, les amendes de
police servent aussi à cela !
Dans ce domaine de la sécurité routière, l'amnistie semble avoir épuisé tous
ses bienfaits. Il serait sans doute plus convenable d'abandonner à l'avenir une
telle pratique, qui ne se justifie plus guère.
Faut-il pour autant supprimer toute amnistie, notamment celle des infractions
visées à l'article 3, qui sont commises « dans des circonstances particulières
qui justifient une mesure d'apaisement contribuant à la cohésion nationale » ?
Je répondrai par la négative, car l'amnistie correspond alors réellement au
rôle qu'elle a toujours joué après des troubles politiques ou sociaux, ou lors
de conflits du travail ou professionnels.
Reste l'amnistie en raison du
quantum
ou de la nature de la peine des
infractions visées aux articles 4 à 6 du projet de loi. Elle est plus délicate
à nos yeux, car elle a deux effets différents : d'une part, elle dispense de
l'exécution de la peine, et, d'autre part, elle efface la condamnation du
casier judiciaire.
Nous connaissons tous le taux trop faible et très variable de l'exécution des
peines, notamment des peines de courte durée, particulièrement dommageable,
vous le savez bien, monsieur le garde des sceaux, à la crédibilité de la
justice. L'amnistie ne serait-elle qu'une mesure de « déstockage », au lieu
d'être une mesure d'équité ?
A son caractère assez aléatoire s'ajoute en outre une certaine disparité. En
effet, le bénéfice de l'amnistie est conditionné par l'exécution réelle de la
peine dans le cas des travaux d'intérêt général, mais non dans le cas d'une
peine privative de liberté. Nous pouvons donc à juste titre nous interroger sur
l'équité de la mesure.
Il n'en demeure pas moins que l'autre effet de l'amnistie des condamnations
est leur effacement du casier judiciaire. Le code de procédure pénale prévoit
certes l'effacement des peines, en l'absence de nouvelle condamnation, mais au
bout de... quarante ans ; bien sûr, des exceptions existent pour les mineurs
devenus majeurs. Cependant, l'« oubli » des condamnation passées, selon une
définition qui, je le rappelle, limite celles-ci à raison de leur
quantum
et de leur nature, paraît être une mesure utile et susceptible
de conforter la réinsertion des condamnés à de courtes peines en leur donnant
une nouvelle chance dans la vie. C'est là, à mes yeux, l'une des justifications
réelles et permanentes de l'amnistie, et peut-être pourrions-nous imaginer un
autre système, qui permette, après un certain temps, d'effacer les courtes
peines et de donner aux intéressés la possibilité de prendre un nouveau
départ.
Je comprends ceux qui, par principe, refusent toute amnistie parce qu'ils
estiment qu'elle est peu compatible avec le souci général de tendre vers moins
d'impunité et moins d'incivisme et qu'elle représente un contre-exemple. Un de
nos collègues citait tout à l'heure Jean-Jacques Rousseau, sinon dans la
lettre, du moins dans l'esprit, arguant que, si les gouvernements sont bons, il
y aura moins de criminels et que l'amnistie ne sera plus nécessaire. C'est
faire montre d'une certaine naïveté ! A Rousseau, je préfère Montesquieu, qui
écrivait : « C'est un grand ressort des gouvernements modérés que les lettres
de grâce. Le principe du gouvernement despotique qui ne pardonne pas, et à qui
on ne pardonne jamais, le prive de ses avantages. »
Il serait malséant de faire sur ce point surenchère de vertu politique,
d'autant que j'ai cru comprendre qu'il est parfois difficile pour les candidats
à la présidence de la République - qui, s'ils ne font aucune proposition,
répondent néanmoins souvent à des questions sur ce thème - de s'engager dans un
refus total de l'amnistie et d'en rejeter même l'idée.
Quoi qu'il en soit - et j'espère avoir démontré le côté positif, par certains
aspects, mais aussi limité du projet de loi qui nous est soumis -, si ce texte
redonne espoir à quelques-uns, pourquoi ne pas suivre la voie de la modération
chère à Montesquieu ?
C'est en ce sens que la majorité de mes collègues du groupe de l'Union
centriste votera le projet de loi.
(Applaudissements sur les travées de
l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur
certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Gérard Delfau.
M. Gérard Delfau.
Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, je
suis favorable à l'esprit de conciliation, à la pratique du pardon que
représente le vote d'une loi d'amnistie, si fréquent depuis les origines de la
République. Le ton moralisateur de ceux qui la combattent ne m'impressionne
pas. Ces diatribes me semblent plus céder à l'air du temps, à un climat de
frilosité et de repli sur soi si caractéristique de notre époque, qu'à une
réflexion sur la marche de notre société et sur le sens des institutions.
Cela étant, encore faut-il examiner de très près le contenu du projet de loi.
Est-il équilibré ? Ne fait-il pas la part belle aux délits des puissants ? Ne
risque-t-il pas d'inciter une fraction de la population à poursuivre sur un
chemin dangereux, celui de l'insécurité routière, par exemple ? Bref, c'est sur
le fond que je jugerai.
Trois points déterminants, notamment, doivent être clarifiés : premièrement,
l'amnistie des infractions, délits et contraventions mettant en danger la
sécurité routière et la vie ou l'intégrité des personnes à l'occasion de la
conduite d'un véhicule ; deuxièmement, l'amnistie éventuelle des délits
politico-financiers ; troisièmement, l'amnistie des délits syndicaux.
Je reviens - brièvement, puisque mon collègue M. Othily a déjà largement
développé ce point - sur l'exclusion de l'amnistie des infractions, délits et
contraventions visés aux 8° et 9° de l'article 13 du projet de loi, le 8° se
référant au code pénal et le 9° au code de la route. Cette disposition rendrait
la loi très restrictive en matière d'infractions routières. En effet, en
seraient exclus les infractions et délits au code de la route qui mettent en
danger directement ou indirectement la sécurité et l'intégrité physique des
personnes.
Je soutiens totalement ces restrictions, et ce d'autant plus que les mesures
annoncées ces jours derniers par le ministre des transports en matière de
sécurité routière - encore faudra-t-il qu'elles prennent forme ! - devraient
donner à la collectivité nationale les moyens de diminuer sensiblement la
mortalité routière. J'espère simplement que M. de Robien persévérera dans cette
voie malgré les pressions.
L'amnistie des délits de stationnement apparaît donc comme un geste de bonne
volonté avant une reprise en main sévère, mais nécessaire et urgente. Cet avis
est d'ailleurs partagé par de nombreux experts.
Le deuxième point qui retiendra mon attention concerne l'exclusion de
l'amnistie, sous quelque forme que ce soit, des délits politico-financiers. Je
serai vigilant à toute tentative d'amnistie en la matière, fût-elle déguisée,
en particulier à celles qui pourraient intervenir lors de la commission mixte
paritaire, c'est-à-dire en fin de session extraordinaire.
A ce propos, je félicite mes collègues socialistes de l'Assemblée nationale
pour l'amendement qu'ils ont déposé et fait adopter, tendant à insérer à
l'article 13 un 4°
bis
qui exclut du champ de l'amnistie l'abus de biens
sociaux. Cet alinéa vient en complément du 4° de l'article 3 excluant les
délits politico-financiers. Je resterai très attentif au cours de l'examen des
amendements ainsi que lors de l'examen du projet de loi d'orientation et de
programmation pour la justice, qui sera l'occasion pour le Gouvernement de nous
donner la preuve de sa rigueur en la matière.
Le troisième point que je tiens à aborder porte sur un sujet beaucoup plus
controversé : l'amnistie des infractions et délits liés à l'activité syndicale
des organisations de salariés, d'agriculteurs et de professions libérales. J'ai
d'ailleurs déposé quatre amendements sur ce point.
Une telle amnistie est combattue par certains juristes au motif que tout
trouble à l'ordre public, assorti souvent d'une atteinte au droit de propriété,
est condamnable. Si l'opinion publique approuve généralement ce principe, sa
position, en réalité, fluctue selon les cas. Elle est même souvent favorable à
des actions musclées de salariés lorsque ceux-ci défendent leur emploi, ou
d'agriculeurs qui essaient de sauver le fruit de leur travail par des
initiatives symboliques : elle considère qu'ils sont alors en état de «
légitime défense ». Sa compréhension s'arrête, en revanche, dès qu'il y a
violence gratuite ou dégradation grave du patrimoine public ou privé.
Dès lors - et c'est là que je voulais en venir -, où classer dans cette
rubrique le cas de José Bové ? Le saccage du McDonald's de Millau peut-il être
considéré comme la réaction à une menace, au moins indirecte, contre la
profession paysanne telle que la conçoit le leader agricole ? Il est vrai que
l'épisode de la destruction des plants d'OGM est peut-être plus discutable,
puisque le champ dévasté faisait partie d'une expérimentation contrôlée par les
pouvoirs publics.
A vrai dire, dans les deux cas, on est à la limite de l'action syndicale et de
l'action politique, dans la filiation d'un courant ancien du syndicalisme
français. Or, dans l'ordre du politique, la liberté de manoeuvre des citoyens
et des organisations représentatives est moindre : le fonctionnement de notre
démocratie est strictement encadré, c'est bien naturel !
Ces considérations expliquent sans doute que l'incarcération, puis le maintien
en détention de José Bové n'aient provoqué de réactions négatives que dans une
frange minoritaire des mouvements attachés à la défense des droits de
l'homme.
Je partage le sentiment général de nos concitoyens : je n'approuve pas les
méthodes mises en oeuvre lors du saccage du McDonald's ou de la destruction des
plants d'OGM, même si les problèmes politiques soulevés à cette occasion
méritent de l'être. Pour tout dire, je condamne l'excès même de ces
manifestations, je réprouve que le passage à l'illégalité soit érigé en
stratégie syndicale : tous les moyens ne sont pas bons, même lorsque l'on
milite pour une juste cause.
Mais la question demeure, mes chers collègues : à quoi sert la prison face à
ce type de comportement ? Quel sens cela a-t-il d'incarcérer, au milieu de
détenus de droit commun, un homme qui se bat pour ses idées et dont l'intégrité
personnelle est indiscutable ? Notre société n'a-t-elle d'autre réponse à
apporter à cette provocation délibérée, à ce souci de mise en scène médiatique,
qu'une cellule dans une maison d'arrêt ? Ne faut-il pas craindre que cet
exemple ne fasse jurisprudence et ne porte atteinte aux droits syndicaux ?
La disproportion entre la sanction et les faits, le caractère inadéquat de la
mesure prise, tout cela peut préfigurer une aggravation de la répression de
l'action syndicale, en ces temps où la sécurité des biens et des personnes est
devenue la préoccupation lancinante des Français.
Pour toutes ces raisons, je crois que l'amnistie dont nous débattons doit
s'appliquer aussi au cas de José Bové.
Mesure de réparation pour les uns, moyen de sortir d'une impasse pour
d'autres, qu'importe ? A coup sûr, c'est un geste d'humanité. C'est bien, me
semble-t-il, l'objet même d'une loi d'amnistie, et c'est le sens des
amendements que j'ai déposés.
Comme les membres de tous les autres groupes, mes amis radicaux de gauche sont
partagés. Les uns éprouvent de la mauvaise conscience ou craignent les pièges
dissimulés dans un texte touffu et technique ; les autres, dont je suis, n'ont
aucune hostilité de principe à une loi d'amnistie. Tous ont décidé d'attendre
l'issue du débat pour se déterminer
(Applaudissements sur les travées du
RDSE).
M. le président.
La parole est à M. Patrice Gélard.
M. Patrice Gélard.
Le projet de loi portant amnistie qui vient de nous être présenté par M. le
garde des sceaux et que rapporte notre excellent collègue Lucien Lanier
intervient dans un contexte totalement différent des précédentes lois
d'amnistie.
Les mass media, en particulier la télévision, comme les porte-parole des
différentes formations ont en effet pris position et il apparaît que ce type de
loi fait désormais l'objet d'une attaque quasi générale.
En outre, le contexte est à la recherche de la sécurité et l'opinion publique
voit donc d'un mauvais oeil l'amnistie de certaines catégories de
condamnation.
Dans le même temps, notre système pénal, Jean-Jacques Hyest l'a souligné, est
de plus en plus rigoureux : d'année en année, le code pénal aggrave les
sanctions et la liste des délits et des crimes ne cesse d'augmenter. Dès lors,
la répression fait figure d'élément principal alors que le pardon - terme
plusieurs fois utilisé - ne semble plus à l'ordre du jour.
Je crois que c'est une erreur. Les mass media et l'opinion publique se
trompent quand ils estiment que l'amnistie est hors du temps et ne correspond
plus aux nécessités de l'époque moderne.
Tout d'abord, il convient de relever quelques éléments de forme.
Première remarque, on assiste à une confusion grandissante dans les
différentes lois portant amnistie entre les contraventions, les délits et les
crimes.
La contravention, d'après notre Constitution, relève de la compétence
gouvernementale. Or la loi portant amnistie, votée par le Parlement, porte sur
les contraventions. C'est une anomalie juridique qu'il importe de souligner.
Dans certains pays, les infractions administratives, qui tiennent lieu de
contraventions, font l'objet d'amnisties purement administratives, solution que
nous pourrions peut-être envisager à terme.
Sa deuxième remarque concerne le très long article 13, dans lequel sont
énumérées les exceptions aux règles posées dans les douzes premiers articles.
Sur le plan purement législatif, c'est, me semble-t-il, une mauvaise technique
que d'énoncer d'abord les principes, puis les exceptions. A l'avenir, il
faudrait faire disparaître les exceptions en ne retenant que les principes,
lesquels fixeraient par eux-mêmes le champ des exceptions. Une telle
présentation simplifierait les lois d'amnistie et les rendrait sans doute plus
compréhensibles.
Le plus grave est cependant la confusion qui règne à l'heure actuelle dans
l'opinion publique entre de nombreux concepts : l'amnistie, la grâce
amnistiante, la grâce et, plus important encore, le principe de
non-rétroactivité lorsque le Parlement adopte une loi pénale plus douce.
La loi portant amnistie recouvre, je l'ai dit tout à l'heure, les délits et
les contraventions, mais aussi - doivent-elles réellement relever d'une telle
loi ? - les fautes disciplinaires et professionnelles. La confusion ainsi
entretenue dénature dans l'opinion publique la loi d'amnistie.
Quant à la grâce amnistiante, elle permet au chef de l'Etat d'aller plus loin
que la grâce, puisque celle-ci n'efface pas les condamnations. L'amnistie, au
contraire, remet le casier judiciaire « à zéro ».
Chacun le sait, la dénaturation de la loi d'amnistie découle du fait que
l'essentiel - 90 % - des amnistiés sont des contrevenants au code de la route,
qui, pour la plupart d'entre eux, ont mal garé leur véhicule ; situation qui a
empiré de loi d'amnistie en loi d'amnistie.
Depuis le vote de la première loi d'amnistie de la Ve République, le nombre de
conducteurs automobiles s'est en effet accru, entraînant une multiplication des
infractions, à laquelle la généralisation depuis 1958 des parcmètres et autres
éléments de ce genre a aussi beaucoup contribué. On a été ainsi amené à dire,
notamment lors du vote des lois d'amnistie de 1988 et de 1995, que l'amnistie
était nécessaire pour désengorger les services du ministère de la justice et
ceux du ministère des finances qui ne parvenaient plus à encaisser les
contraventions et les amendes !
L'engorgement de ces services est un problème qu'il faudra un jour résoudre
autrement que par l'amnistie, car elle crée, à la veille de chaque élection
présidentielle, une situation qui ne devrait plus se reproduire : la
coexistence de trois catégories de citoyens.
Première catégorie : le bon citoyen, celui qui paie ses amendes au fur et à
mesure. Celui-là, à ma connaissance, le Trésor ne le remboursera pas, amnistie
ou pas !
Deuxième catégorie : le citoyen qui est également un bon citoyen en ce sens
qu'il connaît nos institutions qui sait qu'il y aura une amnistie - c'est la
tradition, la règle - et qui décide une fois pour toutes, à partir du 1er
janvier 2002, de ne plus payer ses contraventions. Celui-là est en règle avec
sa conscience, avec la Constitution et avec nos lois.
Troisième catégorie : le citoyen qui, systématiquement, ne paie pas ses
contraventions et que les services des finances ne parviennent parfois pas à
retrouver. Celui-là, amnistie ou pas, ne paiera de toute façon pas ses
contraventions. C'est, en quelque sorte, un contrevenant permanent.
Il faut mettre fin à ce système pour que l'amnistie représente à nouveau les
valeurs qui, chacun l'a dit, devraient la caractériser : le pardon, la
générosité, la tradition républicaine.
Je ne sais d'ailleurs pas si « pardon » est le terme adéquat. L'amnistie a une
double filiation, à la fois grecque et chrétienne, qui se retrouve aussi dans
la tradition musulmane, où l'
aman
est l'équivalent de l'absolution,
terme qui me semble mieux convenir : lorsque l'on pardonne, on n'oublie pas,
alors que, dans l'absolution, on oublie la confession, on passe l'éponge.
J'en viens là à la valeur fondamentale de l'amnistie, laquelle devra
d'ailleurs sans doute être déconnectée à l'avenir de l'élection présidentielle,
ne serait-ce que parce que le quinquennat rapprochera désormais un peu trop les
échéances. On risque ainsi d'oublier la finalité de l'amnistie, d'autant que,
de cinq ans en cinq ans, le champ d'application de celle-ci sera encore
restreint pour ne plus couvrir à terme que les infractions au stationnement non
gênantes !
Or, quels sont l'intérêt et le but de l'amnistie dans un système politique
comme le nôtre ? On l'a un peu oublié. On a parlé de la générosité, de la
cohésion nationale et de la restauration de la communauté. Il est une autre
dimension qu'il faut rappeler : le condamné, en particulier à des peines
criminelles ou à des peines délictuelles de longue durée, doit - surtout quand
il a accompli sa peine - pouvoir repartir de zéro. Or, tant que son casier
judiciaire lui interdira l'accès à tel emploi, telle profession ou tel métier,
ce sera impossible.
Notre société, à un moment donné, doit donc tourner la page. Elle doit faire
confiance à celui qui, après avoir accompli sa peine, « redémarre ». C'est, dès
lors, un citoyen comme les autres, sans casier judiciaire.
M. Lucien Lanier,
rapporteur.
Très bien !
M. Patrice Gélard.
Cette dimension de l'amnistie a progressivement été perdue de vue : la
réintégration du délinquant qui a exécuté l'intégralité de sa peine et qui a
apporté la preuve de sa volonté de se réinsérer dans la société.
L'amnistie joue en effet un rôle pédagogique essentiel en termes de
réinsertion sociale du délinquant, de l'exclu. On retrouvera ainsi une des
grandes valeurs républicaines dont on lit le nom au fronton de tous nos
édifices publics : la fraternité.
M. Lucien Lanier,
rapporteur.
Très bien !
Je conclurai en disant que toutes les grandes démocraties sans exception
pratiquent l'amnistie. Dans toutes les démocraties, c'est le Parlement qui vote
l'amnistie alors que c'est généralement le chef de l'Etat ou celui du
gouvernement qui exerce le droit de grâce. Il faut conserver ces outils
démocratiques essentiels, car sans l'amnistie et le droit de grâce, il n'y
aurait plus de République ! (
Applaudissements sur les travées du RPR, des
Républicains et Indépendants, de l'Union centriste. - M. Georges Othily
applaudit également.)
M. Dominique Perben,
garde des sceaux.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le garde des sceaux.
M. Dominique Perben,
garde des sceaux.
Je veux d'abord remercier M. le rapporteur de la
qualité de son travail sur ce sujet un peu austère qui, à l'évidence, suscite
moins l'enthousiasme de l'opinion publique qu'en d'autres temps...
A M. Fischer - mais ma réponse vaut aussi pour d'autres orateurs -, je dirai
que la question qui se pose à nous aujourd'hui ne doit pas être posée pour le
passé. Le débat sur l'amnistie - je le dis sincèrement et sans aucun esprit
polémique, monsieur Sueur - doit avoir lieu avant une élection
présidentielle.
Soyons en effet convenables à l'égard de nos concitoyens ! La plupart des
candidats - en tout cas MM. Jospin et Chirac, et M. Jospin tout
particulièrement - se sont déclarés clairement et très précisément en faveur de
l'amnistie, en allant jusqu'à détailler les infractions, en particulier en
matière routière, qui devraient ou ne devraient pas être visées. Je trouve un
peu inconvenant que ceux qui ont soutenu M. Jospin - à moins que vous ne
fassiez partie, monsieur Sueur, des socialistes qui n'ont pas voté pour lui !
(M. Jean-Pierre Sueur fait un geste de dénégation)
- viennent, au
lendemain des élections, expliquer qu'il ne faut pas amnistier. C'est, je
crois, une mauvaise habitude d'une partie de la classe politique française que
de dire après les élections le contraire de ce qui a pu être dit avant.
Nous nous accordons pour penser qu'il faut être un peu raisonnables quant au
champ de l'amnistie. L'évolution en la matière est nette depuis 1981, année de
la grande amnistie. Je n'en dirai rien, nous en avons tous le souvenir,
s'agissant en particulier d'antiterrorisme... En 1988, la loi d'amnistie est
devenue plus raisonnable. En 1995, son champ a été très fortement réduit.
En 2002, je vous propose, au nom du Gouvernement, une amnistie encore plus
limitée.
Cette réduction correspond, je l'ai dit dans mon propos introductif, aux
attentes de nos concitoyens. Il appartiendra aux candidats aux prochaines
élections présidentielles de nous dire à l'avance ce qu'ils feront - et je suis
convaincu qu'ils s'y tiendront.
M. Fischer a également évoqué une amnistie à plusieurs vitesses. Prenez garde,
monsieur Fischer, à rester en cohérence avec certaines des propositions émises,
en particulier, par le groupe communiste à l'Assemblée nationale, lesquelles
tendaient, me semble-t-il, plutôt à accentuer le côté « plusieurs vitesses »
!
M. Sueur a évoqué le problème du principe de l'amnistie ; je viens de lui
répondre. Je voudrais, d'une manière un peu plus large, indiquer que je ne
crois pas du tout que fermeté et amnistie soient contradictoires. Ce que nous
voulons faire en matière de lutte contre l'insécurité - et cela correspond au
souhait non pas seulement, il me semble, de la majorité parlementaire, mais de
l'immense majorité des Français - ne me paraît absolument pas en contradiction
avec l'idée qu'il puisse y avoir une amnistie. Ce qui est indispensable, c'est
d'appréhender et de juger. Une fois que le jugement est intervenu, on peut très
bien décider d'une forme de pardon - mais je sais que M. le rapporteur n'aime
pas ce mot, parlons donc plutôt d'amnistie -, qui est une façon, pour les
pouvoirs publics, pour la société, de tourner la page et de redonner une chance
aux intéressés. Je suis en tout cas, pour ma part, convaincu qu'il n'y a pas
nécessairement de contradiction, et c'est un peu ce qu'a voulu montrer M.
Delfau.
Plus largement et bien au-delà de ce qui nous occupe aujourd'hui, je crois
qu'une société doit se réserver les moyens, à certains moments, d'effacer et de
tourner la page. Il ne faudrait pas que ce débat amène le Parlement à imaginer
qu'il doit renoncer, pour l'avenir, et ce définitivement, à l'amnistie. Je
pense que ce serait une profonde erreur. Voilà quelques années encore, le
Parlement a été conduit à amnistier des actes graves, afin de restaurer la
concorde nationale. Il faut garder cela à l'esprit, et ne surtout pas dire : «
plus jamais d'amnistie ». Ce serait une très lourde erreur !
M. Othily a évoqué en particulier la nécessité de prendre en considération
l'évolution des valeurs de notre société. Je partage son point de vue, et je
lui dirai que c'est bien dans cette optique que nous avons essayé de construire
ce projet de loi.
M. Lecerf, quant à lui, a stigmatisé, à juste titre, l'amnistie rampante
résultant des difficultés de fonctionnement de la justice pénale. Ce faisant,
il a donc abordé par anticipation le débat qui nous réunira en fin de semaine,
mais je peux d'ores et déjà lui indiquer que le projet de loi d'orientation et
de programmation pour la justice que nous avons élaboré vise bien à répondre
aux préoccupations qu'il a exprimées.
M. Hyest s'est interrogé sur le principe même de l'amnistie et sur sa
pertinence aujourd'hui. Nous avons veillé à être très raisonnables, et c'est la
raison pour laquelle je partage tout à fait sa conclusion.
Par ailleurs, monsieur Delfau, ne me blâmez pas pour des intentions que je
n'ai pas eues ! Jugez-moi sur mes actes, c'est déjà bien suffisant : vous voyez
à quoi je fais allusion ! Rien n'est caché et il n'existe aucune intention
secrète.
Enfin, je fais miennes les analyses de M. Gélard quant au rôle joué par
l'amnistie dans la société.
En conclusion, je le répète, ce projet de loi est modeste. Il correspond aux
engagements qui ont été pris par le Président de la République, et c'est donc
avec beaucoup de sérénité et de conviction que je vous le soumets, mesdames,
messieurs les sénateurs.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des
Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président.
Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
10
NOMINATION DE MEMBRES D'ORGANISMES EXTRAPARLEMENTAIRES
M. le président.
Je rappelle que la commission des affaires économiques et la commission des
affaires culturelles ont proposé des candidatures pour trois organismes
extraparlementaires.
La présidence n'a reçu aucune opposition dans le délai d'une heure prévu par
l'article 9 du règlement.
En conséquence, ces candidatures sont ratifiées et je proclame :
- MM. Daniel Reiner et Jean-Louis Masson, membres de l'Agence de prévention et
de surveillance des risques miniers ; ...
M. Jean-Jacques Hyest.
Très bien !
M. le président.
... - M. Philippe Nogrix, membre du conseil d'administration de la société
Réseau France outre-mer, en remplacement de M. Philippe Richert ;
- M. Pierre Martin, membre de la Commission nationale pour l'éducation, la
science et la culture, en remplacement de M. Xavier Darcos, nommé membre du
Gouvernement.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les
reprendrons à vingt et une heures trente.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-huit heures vingt, est reprise à vingt et une
heures trente, sous la présidence de M. Daniel Hoeffel.)
PRÉSIDENCE DE M. DANIEL HOEFFEL
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
11
AMNISTIE
Suite de la discussion d'un projet de loi
déclaré d'urgence
M. le président.
Nous reprenons la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée
nationale, après déclaration d'urgence, portant amnistie.
Je rappelle que la discussion générale a été close.
Nous passons à la discussion des articles.
Chapitre Ier
Amnistie de droit
Article 1er
M. le président.
« Art. 1er. - Sont amnistiées de droit, en raison soit de leur nature ou des
circonstances de leur commission, soit du quantum ou de la nature de la peine
prononcée, les infractions mentionnées par le présent chapitre lorsqu'elles ont
été commises avant le 17 mai 2002, à l'exception de celles qui sont exclues du
bénéfice de l'amnistie en application des dispositions de l'article 13.
« L'amnistie prévue par le présent chapitre bénéficie aux personnes physiques
et aux personnes morales. »
Je mets aux voix l'article 1er.
(L'article 1er est adopté.)
Sous-section 1
Amnistie en raison de la nature de l'infraction
ou des circonstances de sa commission
Article 2
M. le président.
« Art. 2. - Sont amnistiés en raison de leur nature :
« 1° Les contraventions de police et les contraventions de grande voirie ;
« 2° Les délits pour lesquels seule une peine d'amende est encourue, à
l'exception de toute autre peine ou mesure ;
« 3° Les délits prévus par la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la
presse ;
« 4° Les infractions prévues par les articles 397, 398 à 406, 414, 415, 418,
429 (premier alinéa), 438, 441, 447, 451, 453, 456 (troisième alinéa), 457,
460, 461, 465, 468 et 469 (premier alinéa) du code de justice militaire et les
articles L. 118, L. 124, L. 128, L. 129, L. 131, L. 134, L. 146 à L. 149, L.
149-7, L. 149-8, L. 149-9, L. 156 et L. 159 du code du service national ;
toutefois, les délits de désertion prévus par les articles 398 à 406 du code de
justice militaire, commis par un militaire de carrière ou servant en vertu d'un
contrat, ne sont amnistiés que lorsque le point de départ des délais fixés à
l'article 398 de ce code est antérieur au 17 mai 2002 et que l'auteur s'est ou
se sera présenté volontairement devant l'autorité militaire compétente avant le
31 décembre 2002. »
L'amendement n° 29, présenté par M. Charasse et les membres du groupe
socialiste, apparentés et rattachée, est ainsi libellé :
« Dans le deuxième alinéa (1°) de l'article 2, après les mots : "Les
contraventions de police", insérer les mots : "dans la limite totale de 150 EUR
par contrevenant". »
La parole est à M. Michel Charasse.
M. Michel Charasse.
De nombreux débats ont eu lieu pour savoir s'il est possible, au sein du
fichier des contraventions - je parle des contraventions de police, et
généralement de la police au titre du code de la route - de distinguer celles
que le projet de loi prévoit de ne pas amnistier, notamment le stationnement
gênant sur les emplacements réservés aux personnes handicapées ou aux véhicules
d'urgence.
Je suis de ceux qui considèrent que la présente disposition, qui part d'un
très bon sentiment, est assez difficilement applicable car le fichier des
contraventions ne distingue pas avec précision les divers cas de contraventions
de police.
Depuis que le législateur a autorisé le prélèvement automatique des
contraventions impayées sur le compte bancaire, le Trésor public comporte un
fichier de l'ensemble des contraventions par contribuable. Le service de
recouvrement des amendes est la Trésorerie des amendes.
Aussi, il m'a paru préférable de recourir à un plafond - c'est d'ailleurs
beaucoup plus moral - qui permettrait l'amnistie des contraventions de police
dans la limite de 150 euros par contrevenant. Je précise au passage que j'ai eu
la surprise de découvrir, au moment de l'amnistie de 1988 et comme me l'avait
dit le trésorier des amendes lorsque je suis arrivé au ministère du budget, que
des personnes avaient jusqu'à 700 000 francs de l'époque de contraventions
impayées, principalement dans l'agglomération parisienne, un petit peu à Lyon
ou dans le Midi.
Par conséquent, le montant de 150 euros me semble suffisant. Cela me paraît
plus efficace, et surtout plus applicable que le dispositif qui consiste à
exclure de l'amnistie une certain nombre de contraventions et notamment celles
qui répriment le stationnement gênant sur les emplacements réservés aux
personnes handicapées.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Lucien Lanier,
rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du
suffrage universel, du règlement et d'administration générale.
Je suis
toujours séduit par les propositions de notre collègue Michel Charasse. Par son
amendement, il propose une solution qui, en apparence, est très séduisante.
Elle limite l'effet d'aubaine créé par l'annonce de la loi d'amnistie en
matière de contraventions au code de la route.
Toutefois, moi aussi je me suis renseigné. Aux yeux de la Chancellerie,
l'amnistie paraît difficile à mettre en oeuvre. En tout cas, elle supposerait
une gestion dont le coût serait très élevé, tant en personnel que sur le plan
financier.
Aussi, je souhaiterais connaître l'avis du Gouvernement pour savoir s'il s'en
remet à la sagesse du Sénat ou s'il considère, lui aussi, qu'il convient
d'émettre un avis défavorable.
M. le président.
Quel est donc l'avis du Gouvernement ?
M. Dominique Perben,
garde des sceaux, ministre de la justice.
Le Gouvernement est défavorable
à cet amendement, qui présente deux inconvénients.
Tout d'abord, je ne suis pas absolument sûr que la gestion centralisée des
informations permette à la comptabilité publique de donner l'information
souhaitée. Quand bien même cela serait possible, la question qui se pose est de
savoir comment on atteint le plafond de 150 euros. En effet, il est probable
que ce plafond ne correspondra pas à un nombre entier d'infractions. S'il
correspondait à deux fois 75 euros, tout irait bien. Or il est probable que ce
ne sera pas le cas. La mise en oeuvre de ce plafond poserait donc un problème
très complexe.
Par ailleurs, l'alinéa 37 de l'article 13 exclut de l'amnistie des
contraventions les personnes ayant fait l'objet d'une procédure d'opposition au
transfert de leur carte grise pour n'avoir pas mentionné leur changement
d'adresse et pour avoir accumulé un nombre important de procès-verbaux impayés.
Le cas que M. Charasse souhaite exclure de l'amnistie est déjà exclu par
l'alinéa 37 de l'article 13. L'amendement qu'il propose rendrait les choses
plus complexes, ce qui n'est pas négligeable.
Aussi, le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président.
Quel est, en définitive, l'avis de la commission ?
M. Lucien Lanier,
rapporteur.
Compte tenu des arguments et de l'avis du Gouvernement, la
commission émet un avis défavorable.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 29.
M. Michel Charasse.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Michel Charasse.
M. Michel Charasse.
Je ne suis pas totalement convaincu par l'argumentation de M. le ministre. Je
le suis d'autant moins que, depuis plusieurs mois, les procès-verbaux ne sont
guère recouvrés, même auprès de personnes qui n'ont pas organisé le camouflage
de leurs délits ou qui ont mentionné leur changement d'adresse.
Je me souviens de l'époque où figuraient dans le fichier de la comptabilité
publique les noms des personnes et le total des contraventions dues. Dans ce
cas, l'observation de M. le ministre ne vaut plus. En effet, si l'on fixe un
plafond de 150 euros, il suffit de retirer cette somme du total des
contraventions impayées.
Mais, compte tenu des incertitudes juridiques soulevées par M. le ministre et
qui sont confirmées par la commission, je préfère ne pas insister et je retire
mon amendement. Je regrette toutefois qu'on ne puisse pas retenir un dispositif
de cette nature, qui permettrait d'éviter certaines difficultés, puisque les
autres dispositions du texte concernant les contraventions ne me paraissent pas
applicables non plus.
M. le président.
L'amendement n° 29 est retiré.
Je mets aux voix l'article 2.
(L'article 2 est adopté.)
Article 3
M. le président.
« Art. 3. - Sont amnistiés, lorsqu'ils sont passibles de moins de dix ans
d'emprisonnement, les délits commis dans les circonstances suivantes :
« 1° Délits commis à l'occasion de conflits du travail ou à l'occasion
d'activités syndicales et revendicatives de salariés, d'agents publics et de
membres de professions libérales, y compris au cours de manifestations sur la
voie publique ou dans des lieux publics ;
« 2° Délits commis à l'occasion de conflits relatifs aux problèmes de
l'enseignement ou délits relatifs à la reproduction d'oeuvres ou à l'usage de
logiciels à des fins pédagogiques et sans but lucratif ;
« 3° Délits en relation avec des conflits de caractère industriel, agricole,
rural, artisanal ou commercial, y compris au cours de manifestations sur la
voie publique ou dans des lieux publics ;
« 4° Délits en relation avec des élections de toute nature, à l'exception de
ceux qui sont en relation avec le financement direct ou indirect de campagnes
électorales ou de partis politiques ;
« 5° Délits en relation avec la défense des droits et intérêts des Français
rapatriés d'outre-mer.
« Lorsqu'elle intervient après condamnation définitive, l'amnistie résultant
du présent article est constatée par le ministère public près la juridiction
ayant prononcé la condamnation, agissant soit d'office, soit sur requête du
condamné ou de ses ayants droit. La décision du ministère public peut être
contestée dans les conditions prévues aux deuxième et troisième alinéas de
l'article 778 du code de procédure pénale.
« En cas de condamnation pour infractions multiples, le condamné est amnistié
si l'infraction amnistiée en application des dispositions du présent article
est légalement punie de la peine la plus forte ou d'une peine égale à celles
qui sont prévues pour les autres infractions poursuivies, sauf si l'une de ces
infractions est exclue du bénéfice de la présente loi en application des
dispositions de l'article 13. »
L'amendement n° 70, présenté par M. Delfau, est ainsi libellé :
« Dans le premier alinéa de l'article 3, remplacer les mots : "lorsqu'ils sont
passibles de moins de dix ans d'emprisonnement" par les mots : "à l'exclusion
des peines prononcées de plus de dix ans d'emprisonnement". »
La parole est à M. Gérard Delfau.
M. Gérard Delfau.
Le premier alinéa de l'article 3 prévoit d'amnistier les personnes qui
encourent une peine de moins de dix ans d'emprisonnement. A ma connaissance,
c'est la première fois qu'un gouvernement introduit une telle disposition dans
une loi d'amnistie. Cette disposition me paraît à la fois contradictoire avec
d'autres aspects de ce texte et, surtout, infiniment restrictive. Il me semble
en effet plus judicieux d'amnistier non pas les personnes qui sont passibles de
moins de dix ans d'emprisonnement, comme le prévoit votre texte, monsieur le
ministre, mais plutôt celles qui ont été effectivement condamnées à des peines
de moins de dix ans d'emprisonnement.
Vous introduisez un
quantum
qui est de dix ans, non pas pour les peines
prononcées effectivement, ce qui se comprend, mais pour la peine encourue. Or
la plupart des infractions qui seraient visées par ce texte sont passibles de
dix ans d'emprisonnement dès qu'il y a récidive. C'est le cas, entre autres
personnes, de José Bové, qui a été condamné à six mois de prison alors qu'il
encourait une peine de dix ans d'emprisonnement.
La logique et la clarté ainsi que le souci de pardon que vous avez manifesté
devraient conduire à mieux circonscrire ce texte, afin que les petits délits ne
soient pas exclus de l'amnistie.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Lucien Lanier,
rapporteur.
L'aller-retour proposé par M. Delfau ne me semble pas sain.
En effet, son amendement introduirait une confusion très fâcheuse entre
l'amnistie par nature et l'amnistie au
quantum.
M. Jean-Jacques Hyest.
Exactement !
M. Lucien Lanier,
rapporteur.
Aussi, la commission émet un avis défavorable.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Dominique Perben,
garde des sceaux.
Le Gouvernement émet, lui aussi, un avis défavorable,
pour les raisons qui ont été exposées par M. le rapporteur. De surcroît,
l'adoption de cet amendement aurait pour conséquence d'exclure de l'amnistie
les personnes passibles d'une peine de moins de dix ans d'emprisonnement, ce
qui serait paradoxal.
M. Jean-Jacques Hyest.
Absolument !
M. Dominique Perben,
garde des sceaux.
Je rappelle que le principe général de l'amnistie est
précisément de ne pas amnistier les récidivistes. L'objectif est très clair.
C'est la règle habituelle.
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° 70.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
L'amendement n° 49, présenté par MM. Le Cam et Fischer, Mme Borvo, M. Bret,
Mme Mathon et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est
ainsi libellé :
« Dans le deuxième alinéa (1°) de l'article 3, remplacer les mots : "et
revendicatives" par les mots : "revendicatives et non revendicatives". »
La parole est à M. Gérard Le Cam.
M. Gérard Le Cam.
Le premier amendement que nous présentons sur ce projet de loi d'amnistie est
lié à l'action syndicale.
Comme l'a indiqué mon collègue Guy Fischer lors de son intervention dans la
discussion générale, nous plaçons la question sociale au coeur de
l'amnistie.
Selon nous, si la notion de pardon républicain a bien son sens, c'est en
matière sociale, mais aussi politique quand les circonstances s'y prêtent, que
ce concept trouve toute sa force.
L'amendement n° 49 vise à inclure les délits commis à l'occasion d'activités
syndicales non revendicatives dans le champ de l'amnistie. En effet, des
salariés sont régulièrement sanctionnés pour des faits ne relevant pas de
l'action syndicale revendicative. Il peut s'agir, par exemple, de la
participation à des réunions à l'intérieur de l'entreprise ou même des
entretiens accordés à la presse. Certains, ici, se rappelleront la fameuse «
affaire Clavaud », du nom de l'ouvrier licencié par l'entreprise Dunlop pour
avoir accordé une interview au journal
l'Humanité
.
Notre amendement vise donc à évoquer, dans le texte de loi, l'ensemble de
l'activité syndicale de manière non restrictive. Mes chers collègues, nous vous
proposons donc de l'adopter.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Lucien Lanier,
rapporteur.
La commission ne comprend pas très bien l'objet de cet
amendement. En effet, le but de l'activité syndicale est essentiellement la
revendication, dans le sens noble du terme. On ne voit pas à quoi correspond
une activité non revendicative. Ce flou a conduit la commission à demander à M.
Le Cam de bien vouloir retirer son amendement, sinon elle émettra un avis
défavorable.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Dominique Perben,
garde des sceaux.
Défavorable.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 49.
M. Michel Charasse.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Michel Charasse.
M. Michel Charasse.
Je voudrais essayer de comprendre.
La revendication en elle-même n'est pas un délit, fort heureusement.
M. Patrick Lassourd.
Pas encore !
(Sourires.)
M. Michel Charasse.
Mais l'article 3 vise « les délits commis à l'occasion de conflits du travail
ou à l'occasion d'activités syndicales et revendicatives ». Faut-il que les
activités soient à la fois syndicales et revendicatives ou simplement
syndicales ? Si elles sont simplement syndicales, M. Le Cam a satisfaction. Si,
en revanche, on exige les deux conditions, c'est-à-dire qu'elles soient à la
fois syndicales et revendicatives, la question qu'il soulève se pose. Je
souhaiterais que le Gouvernement me précise si les deux conditions sont ou non
cumulatives.
M. Dominique Perben,
garde des sceaux.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le garde des sceaux.
M. Dominique Perben,
garde des sceaux.
Ces conditions ne sont pas cumulatives. L'activité
syndicale, c'est l'activité habituelle ; l'activité revendicative, ce sont, à
certains moments, des événements particuliers.
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° 49.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
Je suis saisi de trois amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion
commune.
Les deux premiers sont identiques.
L'amendement n° 46 est présenté par Mme Blandin.
L'amendement n° 50 rectifié est déposé par MM. Le Cam et Fischer, Mme Borvo,
M. Bret, Mme Mathon et les membres du groupe communiste républicain et
citoyen.
Tous deux sont ainsi libellés :
« Dans le deuxième alinéa (1°) de l'article 3, après les mots : "de
salariés,", insérer les mots : "d'exploitants agricoles,". »
L'amendement n° 71, présenté par M. Delfau, est ainsi libellé :
« Dans le deuxième alinéa (1°) de l'article 3, après les mots "d'agents
publics", insérer les mots : "d'agriculteurs". »
La parole est à Mme Marie-Christine Blandin, pour défendre l'amendement n°
46.
Mme Marie-Christine Blandin.
Cet amendement est un simple texte de forme et de cohérence. En effet, comme
le quatrième alinéa (3°) de l'article 3 fait référence à tous les domaines de
conflits - « de caractère industriel, agricole, rural, artisanal ou commercial
» -, le deuxième alinéa de l'article 3 (1°) doit reprendre la diversité des
publics concernés, et viser les exploitants agricoles.
M. le président.
La parole est à M. Gérard Le Cam, pour défendre l'amendement n° 50
rectifié.
M. Gérard Le Cam.
Vous l'aurez compris à la lecture de notre amendement, il s'agit d'une de nos
propositions tendant à étendre l'amnistie aux exploitants agricoles qui mènent
une lutte courageuse et généreuse contre la mondialisation et ses effets
pervers sur la sécurité alimentaire, la qualité des aliments, l'identité
culturelle et, bien entendu, les dangers sur l'environnement.
Je profite de cette occasion pour m'étonner de l'acharnement dont est l'objet
le dirigeant de la Confédération paysanne, toujours incarcéré à la prison de
Villeneuve-lès-Maguelonne, où il est entré le 19 juin dernier.
(Exclamations
sur les travées du RPR.)
Le refus persistant du procureur de la République de Montpellier de libérer
José Bové, au nom d'une éventuelle « incompréhension de l'opinion publique »,
confirme cette volonté de punir.
M. Patrick Lassourd.
On lui donnera une médaille !
M. Henri Revol.
C'est un casseur !
M. Gérard Le Cam.
D'autres casseurs n'ont pas été punis, mais ils n'appartiennent pas au même
syndicat !
(Protestations sur les travées du RPR et des Républicains et
Indépendants.)
M. Guy Fischer.
Oui !
M. Patrick Lassourd.
On ne commente pas une décision de justice !
M. Gérard Le Cam.
Nous n'acceptons pas que le procureur de la République ait fait appel du
verdict du juge d'application des peines, empêchant ainsi toute remise en
liberté.
Il faut rappeler que les incidents de Millau relevaient non pas du banditisme
mais de la lutte contre l'importation de viande bovine nord-américaine aux
hormones. Un gouvernement soucieux de la santé de la population de son pays
devrait non pas sanctionner mais encourager une telle lutte.
Nous refusons également le « risque de récidive » invoqué par le procureur de
la République qui masque mal une volonté de restreindre le droit de
manifester.
Plus généralement, nous constatons une volonté de criminaliser l'action
syndicale, la lutte sociale.
Cette attitude répressive est à mettre en parallèle avec la montée en
puissance de la lutte contre la mondialisation capitaliste et ses effets
terriblement pervers pour l'humanité et la planète.
M. Patrick Lassourd.
On cherche à se refaire une santé !
M. Gérard Le Cam.
L'amendement n° 50 rectifié vise donc à inclure la catégorie sociale des
exploitants agricoles dans le deuxième alinéa (1°) de l'article 3 qui concerne
l'amnistie de droit des délits commis à l'occasion d'activités syndicales et
revendicatives.
M. le président.
La parole est à M. Gérard Delfau, pour défendre l'amendement n° 71.
M. Gérard Delfau.
Comme mes collègues, je propose que soit ajoutée aux catégories sociales et
professionnelles déjà visées celle des agriculteurs afin que ces derniers
bénéficient également de cette loi d'amnistie. Je m'étonne d'ailleurs qu'il
nous faille ajouter cette catégorie sociale dans le projet de loi ! Cela me
laisse perplexe, mais sans doute M. le ministre va-t-il s'en expliquer !
Sur un ton totalement dépassionné, à l'instar de celui que j'ai adopté tout à
l'heure, ayant alors été écouté avec une grande attention par mes collègues, je
dirai, monsieur le ministre, que cette loi d'amnistie doit à mon avis
s'appliquer à tous, jusques et y compris aux responsables de la Confédération
paysanne, dont l'action a pour caractéristique - c'est une tradition ancienne
du syndicalisme français qui remonte au début du XXe siècle - de se situer
entre le politique et le syndical. Comme je l'ai indiqué tout à l'heure, je
n'approuve pas certaines méthodes. J'ai néanmoins fait valoir - et cet argument
a porté, me semble-t-il - que l'incarcération avec des détenus de droit commun
de syndicalistes n'ayant commis aucune violence physique ne me paraissait pas
une bonne solution, non seulement pour eux mais aussi pour la bonne santé de la
démocratie et de la République.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Lucien Lanier.
Si l'amendement n° 46, tel qu'il a été défendu par Mme Blandin, pouvait
paraître anodin, avec l'ajout souhaité des termes « d'exploitants agricoles »,
en revanche les explications ayant suivi la présentation des amendements n°s 50
rectifié et 71 ont bien montré qu'il s'agit de reconnaître les actions
syndicales et revendicatives des exploitants agricoles au même titre que celles
des salariés, des agents publics et des membres de professions libérales.
Dans ces conditions, l'amendement prend une forme tout à fait différente. Le
nom de José Bové a d'ailleurs été prononcé tout à l'heure à titre d'exemple.
C'est la raison pour laquelle la commission émet un avis défavorable sur les
trois amendements n°s 46, 50 rectifié et 71.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Dominique Perben,
garde des sceaux.
Monsieur le président, je voudrais d'abord apporter
trois précisions.
Premièrement, l'objectif affiché par ces amendements est totalement satisfait
par le quatrième alinéa (3°) de l'article 3 - « Délits en relation avec des
conflits de caractère industriel, agricole, rural, artisanal ou commercial... »
- et les faits concernant des exploitants agricoles ou des salariés
d'exploitants agricoles sont donc parfaitement couverts par l'amnistie.
Deuxièmement, je voudrais, avec l'autorisation des auteurs des amendements, me
permettre de défendre avec enthousiasme le gouvernement précédent : alors que
l'un d'entre vous a indiqué, tout à l'heure, que le gouvernement précédent a
châtié José Bové, je préciserai, pour ma part, que c'est la justice qui l'a
condamné, ce qui, me semble-t-il, est un peu différent !
M. Patrick Lassourd.
Très bien !
M. Dominique Perben,
garde des sceaux.
Troisièmement, l'énumération figurant au deuxième
alinéa (1°) de l'article 3 - « Délits commis à l'occasion de conflits du
travail ou à l'occasion d'activités syndicales et revendicatives de salariés,
d'agents publics et de membres de professions libérales... » - couvre en fait
l'ensemble des situations auxquelles nos concitoyens susceptibles d'être pris
dans un conflit social risquent d'être confrontés. En effet, le terme « salarié
» n'est pas limitatif et couvre, par exemple, les salariés agricoles, mais
aussi les salariés de l'industrie ou du secteur tertiaire ; le terme « agent
public » est le mot juridiquement exact concernant la fonction publique, et les
« membres de professions libérales » englobent les personnes n'appartenant ni à
l'un ni à l'autre des cas précédents. La rédaction de l'article couvre donc
l'ensemble des dispositifs possibles.
La raison pour laquelle José Bové n'est pas amnistié ou plutôt n'est pas
amnistiable - je rappelle que la loi n'est pas en application et qu'il est
possible qu'elle n'entre en vigueur qu'après la sortie de prison de José Bové -
ne résulte absolument pas de la rédaction de cet article.
Les amendements proposés ne changeraient donc rien au contenu de cet
article.
M. le président.
Je vais mettre aux voix les amendements identiques n°s 46 et 50 rectifié.
M. Jean-Pierre Sueur.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.
M. Jean-Pierre Sueur.
J'ai été très étonné de la présentation de la position de la commission. faite
par le rapporteur.
En effet, il est patent - chacun peut en témoigner - que la commission des
lois a adopté, à l'unanimité d'ailleurs - je n'ai en effet pas constaté une
seule opposition -, l'amendement n° 46 présenté par Mme Blandin. Dès lors, je
vois mal comment M. le rapporteur peut, au nom de la commission, défendre une
position autre, quelle que soit sa propre position ou la position de la
commission sur les deux autres amendements. En effet, on ne légifère pas ici
ad hominem.
Nous y reviendrons d'ailleurs au cours du débat.
Mme Blandin et les membres de la commission des lois ont jugé judicieux de
préciser que les dispositions qu'il est prévu d'appliquer aux salariés, aux
agents publics et aux membres de professions libérales devaient également
pouvoir s'appliquer aux exploitants agricoles, la catégorie des membres de
professions libérales n'englobant pas habituellement les exploitants agricoles.
Cette précision est donc judicieuse.
De plus, M. le ministre vient de nous livrer un argument de très grand poids
en relevant à juste titre que cet amendement ne peut s'appliquer au dirigeant
de l'organisation syndicale dont nous avons évoqué le cas. Dès lors, M. le
ministre est parfaitement cohérent avec l'intention de l'auteur de
l'amendement, Mme Blandin, et de la commission des lois, qui a adopté cet
amendement dans cet esprit.
C'est pourquoi, conformément au vote de la commission des lois, je soutiens
cet amendement, et le voterai donc.
M. Michel Charasse.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Michel Charasse.
M. Michel Charasse.
Je dois avoir l'esprit brumeux, mais j'ai du mal à comprendre les raisons de
tout cela. Il paraît difficilement compréhensible que l'article 3 ne vise que
les salariés et pas les membres des professions agricoles et des professions
artisanales. Les amendements visent donc à combler en partie cette lacune. En
réalité, pourquoi ne pas viser l'ensemble ?
Mais, même si cette disposition était votée - et elle peut l'être puisqu'on ne
voit pas pourquoi l'article 3 viserait uniquement les salariés, - elle ne
s'appliquerait pas au cas de José Bové, parce que ce cas me paraît exclu...
M. Jean-Jacques Hyest.
Bien sûr !
M. Michel Charasse.
... par le trente-deuxième alinéa (31°) de l'article 13, qui exclut les «
délits de destructions »...
M. Jean-Jacques Hyest.
Voilà !
M. Michel Charasse.
... en faisant référence aux articles 322-2 et 322-3 du code pénal.
Et l'article 322-3 du code pénal aggrave la peine encourue en cas de
destruction, de dégradation ou de détérioration d'un bien appartenant à autrui
lorsque l'infraction « est commise dans un local d'habitation ou dans un lieu
utilisé ou destiné à l'entrepôt de fonds, valeurs, marchandises ou matériels,
en pénétrant dans les lieux par ruse, effraction ou escalade ».
Par conséquent, on peut à mon avis mentionner sans problème les membres des
professions agricoles à l'article 3 du projet de loi, comme l'a souhaité à
juste raison, ce matin, la commission des lois. En effet, cela ne ferait en
aucune façon profiter José Bové d'une amnistie.
Je regrette simplement, pour ma part, que la commission ne soit pas allée
jusqu'au bout en faisant également référence aux membres des professions
commerciales et artisanales.
Je voterai donc pour ma part les trois amendements n°s 46, 50 rectifié et 71,
qui s'inscrivent dans la logique de l'article 3 mais n'amnistient pas pour
autant la ou les personnes auxquelles il était fait allusion tout à l'heure...
ou alors je ne comprends plus rien au droit !
M. Guy Fischer.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Guy Fischer.
M. Guy Fischer.
Le projet de loi prend en compte l'activité agricole puisque l'article 3
prévoit une amnistie pour les infractions passibles de moins de dix ans
d'emprisonnement lorsqu'elles ont été commises en relation « avec des conflits
de caractère industriel, agricole, rural, artisanal ou commercial ».
Mais l'article 13 exclut de manière générale, c'est-à-dire y compris s'ils ont
été commis dans les circonstances désignées à l'article 3, les « délits de
destructions, dégradations ou détériorations », ce qui recouvre la
quasi-totalité des actes syndicaux qui, commis à l'occasion de manifestations,
peuvent faire l'objet de poursuites pénales. Notre collègue Michel Charasse
nous a éclairés sur ce point.
J'ai indiqué, dans la discussion générale, qu'il y a « deux poids, deux
mesures ». En l'occurrence, il s'agit, bien entendu, de M. José Bové.
L'amnistie doit être appliquée également, conformément à l'esprit qui préside à
son éxistence, à savoir contribuer à l'apaisement des tensions sociales ; c'est
ce à quoi nous nous employons ce soir.
Or force est de constater que, depuis quelques années, un profond sentiment
d'injustice se répand non seulement au sein du milieu paysan et rural mais
également dans l'ensemble de la société face à la manière outrancièrement
différente dont la justice et les pouvoirs publics traitent les actions
syndicales selon l'organisation qui les promeut. Ainsi, d'un côté, une peine de
prison ferme est prononcée pour des actions qui expriment des revendications
largement partagées par la majorité de l'opinion publique, alors que, de
l'autre, il faut noter l'absence réelle de poursuites pour de très fortes
dégradations à des biens publics ou pour des atteintes à l'autorité de l'Etat.
Celui-ci est obligé de compenser les considérables destructions commises, sans
aucune retenue, sur des biens privés ; je pense en l'occurrence aux dégâts,
d'un montant de 12 millions d'euros, causés aux entrepôts et ateliers de
découpe de Vivendus à Fougères par un commando.
Il faut voir les choses comme elles sont. Nous souhaitons avoir un débat
mesuré, éclairé par tous les éléments que nous pouvons avoir en notre
possession. C'est dans ce sens que nous avons déposé nos amendements.
M. René Garrec,
président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du
suffrage universel, du règlement et d'administration générale.
Je demande
la parole.
M. le président.
La parole est à M. le président de la commission.
M. René Garrec,
président de la commission des lois.
Je voudrais simplement rappeler que
la commission vote sur des avis. Nous avons donc voté sur l'avis du rapporteur
de la commission, qui, au vu des éléments en sa possession, nous a proposé
après débat de donner un avis favorable au premier amendement. Nous avons
ensuite donné un avis défavorable sur les deux autres.
Après l'éclairage que nous a fourni M. Le Cam, nous aurions dû, nous
semble-t-il, émettre le même vote sur le premier amendement. M. le ministre a
bien précisé les choses. L'avis de la commission, par définition, ne peut donc
qu'être défavorable.
M. Gérard Delfau.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Gérard Delfau.
M. Gérard Delfau.
Monsieur le garde des sceaux, il ne m'avait pas échappé que l'on trouverait à
l'article 3 mention des délits en relation avec des conflits de caractère
industriel, agricole, rural, artisanal et commercial. Toutefois, convenez avec
nous que l'énumération laisse insatisfait.
Notre collègue M. Charasse a tout à fait raison de dire qu'il faudrait à tout
le moins faire figurer les mentions d'agriculteur et d'artisan dans cette
énumération.
Par ailleurs, j'ai évidemment lu l'article 13 du projet de loi consacré aux
exclusions de l'amnistie et, en particulier, son paragraphe 31. Monsieur le
garde des sceaux, dans l'esprit auquel je me suis référé lors de la discussion
générale, on peut se demander jusqu'où on doit aller en matière d'amnistie. En
l'occurrence, qu'on ne me reproche pas de parler
ad hominem
, ce n'est
pas mon habitude, mais quand on prononce le nom de José Bové, qu'on le veuille
ou non, on évoque un fait de société, au-delà de la personnalité de
l'intéressé,...
M. Patrick Lassourd.
C'est le
star system
!
M. Gérard Delfau.
... même si celle-ci peut parfois prêter à commentaire.
Je me suis donc adressé à vous, monsieur le garde des sceaux, non pas pour
vous demander qu'il soit amnistié, mais simplement pour entendre le
Gouvernement assurer que la porte n'était pas fermée. Il vous appartient, d'ici
à la fin de ce débat, de vous prononcer ou non dans ce sens. C'est évidemment
de votre responsabilité, comme c'était de la mienne, en ma qualité de
parlementaire, de vous poser cette question.
M. Jean Chérioux.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Jean Chérioux.
M. Jean Chérioux.
Je suis choqué par le tour que prend ce débat.
En effet, les textes sont simples et la commission a pris une position que je
suivrai. Aussi, je suis étonné qu'on saisisse cette occasion pour faire une
publicité malvenue, car on trompe les gens. On croirait, à vous écouter, les
uns et les autres, mes chers collègues, qu'il n'y a qu'un seul homme en France
qui se batte contre le mondialisme excessif, qui se batte contre le libéralisme
excessif. Or, au sein de la majorité comme au sein du Gouvernement, il y a bien
des gens qui essaient de défendre une position plus humaine. On en a assez de
ce
star system
qui est constamment mis en avant !
M. Guy Fischer.
Nous avons simplement dit qu'il y avait deux poids deux mesures.
M. Jean Chérioux.
Le culte de la personnalité, c'était il y a quarante ans en Union soviétique !
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants,
de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
Je mets aux voix les amendements identiques n°s 46 et 50 rectifié.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° 71.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
L'amendement n° 68, présenté par MM. Peyrat, Ginésy et Lecerf, est ainsi
libellé :
« Après le deuxième alinéa (1°) de l'article 3, insérer un alinéa ainsi rédigé
:
« ...° Délits d'exercice illégal de la médecine commis à l'occasion de la
pratique d'une activité d'ostéopathie ou de chiropraxie ; ».
La parole est à M. Jean-René Lecerf.
M. Jean-René Lecerf.
Cet amendement a pour but d'ajouter aux délits qui bénéficieraient de
l'amnistie le délit de l'exercice illégal de la médecine à l'occasion de la
pratique d'une activité d'ostéopathie ou de chiropraxie.
Comme vous le savez, mes chers collègues, la loi du 4 mars 2002 relative aux
droits des malades a désormais reconnu les professions indépendantes
d'ostéopathes et de chiropracteurs. Il s'agirait donc simplement d'amnistier
des condamnations qui seraient antérieures à l'adoption de cette loi.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Lucien Lanier,
rapporteur.
Cet amendement n° 68 se réfère essentiellement à la loi du 4
mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé,
qui a consacré la reconnaissance des professions indépendantes d'ostéopathes et
de chiropracteurs.
S'il peut paraître alors opportun, en première analyse, en fonction
précisément de cette loi qui n'a que quelques mois, d'amnistier des personnes
qui sont condamnées pour l'exercice illégal de la médecine en matière
d'ostéopathie dans la mesure où cette discipline est reconnue, depuis mars
2002, comme une profession indépendante, en réalité, l'amendement aboutirait,
s'il était adopté, à amnistier des personnes qui sont encore aujourd'hui
considérées comme non susceptibles d'exercer ladite discipline.
Finalement, on amnistierait tout le monde, y compris ceux qui déshonorent la
profession. C'est la raison pour laquelle la commission est défavorable à cet
amendement.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Dominique Perben,
garde des sceaux.
Le Gouvernement partage l'avis de la commission. La loi
a permis ou va permettre à un certain nombre d'ostéopathes et de chiropracteurs
d'entrer dans l'exercice légal de la médecine. L'amendement proposé
entraînerait, lui, l'amnistie de tous les autres. Il me semble donc à cet égard
très dangereux.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 68.
M. Patrice Gélard.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Patrice Gélard.
M. Patrice Gélard.
L'affaire des ostéopathes et chiropracteurs est tout de même un peu complexe.
Il faut savoir qu'un très grand nombre de membres de cette profession ont, dans
le passé, été condamnés et traîneront cette condamnation tant qu'elle sera pas
amnistiée.
Evidemment, il y a le problème de ceux qui ne correspondent ni à la définition
d'ostéopathe ni à celle de chiropracteur, mais ceux-là, à mon avis, sont des
charlatans.
En revanche, les ostéopathes et les chiropracteurs ayant suivi des études
reconnues en tant que telles, études qui doivent être homologuées par un décret
en Conseil d'Etat - décret que nous attendons toujours d'ailleurs - devraient,
eux, être amnistiés.
La conception qu'a du problème notre excellent rapporteur me semble un peu
partielle. Je pense, quant à moi, qu'il serait bon de rectifier cet amendement
pour éviter que les membres d'une profession maintenant reconnue se voient
refuser l'amnistie de condamnations prononcées antérieurement à l'adoption de
la loi.
M. Pierre Hérisson.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Pierre Hérisson.
M. Pierre Hérisson.
Comme vient de le dire notre collègue M. Gélard, il faudrait viser par cette
amnistie ceux qui, depuis la loi du 4 mars 2002, ont la possibilité d'exercer
officiellement leur profession. Si je comprends tout à fait que ne puissent
être amnistiés ceux qui, aujourd'hui, n'ont toujours pas la possibilité
d'exercer, je me demande pourquoi on n'amnistierait pas ceux qui, de bonne foi,
depuis longtemps, remplissent un certain nombre de conditions sans que,
malheureusement, un texte législatif leur ait permis d'exercer leur
profession.
M. Christian Cointat.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Christian Cointat.
M. Christian Cointat.
J'approuve tout à fait les propos de nos collègues qui viennent de s'exprimer.
Il serait en effet totalement incohérent, très mal compris et mal perçu, de ne
pas amnistier les personnes qui répondent désormais aux critères de la loi.
Je crois que la solution consiste à rectifier cet amendement en ajoutant,
après le mot : « chiropraxie », les mots suivants : « par des professionnels
qui remplissent les conditions d'exercice prévues par la loi n° 2002-303 du 4
mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé ;
».
(Très bien ! sur de nombreuses travées.)
M. le président.
Monsieur Lecerf, acceptez-vous de rectifier en ce sens l'amendement n° 68 ?
M. Jean-René Lecerf.
Oui, monsieur le président.
M. le président.
Je suis donc saisi d'un amendement n° 68 rectifié, présenté par MM. Peyrat,
Ginésy et Lecerf, qui est ainsi libellé :
« Après le deuxième alinéa (1°) de cet article, insérer un alinéa ainsi rédigé
:
« ... Délits d'exercice illégal de la médecine commis à l'occasion de la
pratique d'une activité d'ostéopathie ou de chiropraxie par des professionnels
qui remplissent les conditions d'exercice prévues par la loi n° 2002-303 du 4
mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé ;
»
Quel est l'avis de la commission ?
M. Lucien Lanier,
rapporteur.
Favorable.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Dominique Perben
garde des sceaux.
Je m'en remets à la sagesse du Sénat.
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° 68 rectifié.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
L'amendement n° 30, présenté par M. Charasse et les membres du groupe
socialiste, apparentés et rattachée, est ainsi libellé :
« Compléter le troisième alinéa (2°) de l'article 3 par les mots suivants : ",
sauf en cas de fraude aux examens et concours ; ". »
La parole est à M. Michel Charasse.
M. Michel Charasse.
Sauf erreur, je n'ai pas vu parmi les cas d'exclusion de l'amnistie les
fraudes aux examens et aux concours. En effet, l'article 3, en son alinéa 2°,
amnistie les délits commis à l'occasion de conflits relatifs aux problèmes de
l'enseignement et ne renvoie pas, pour les fraudes aux examens et aux concours,
à l'article 13, qui énumère les infractions exclues du domaine de
l'amnistie.
J'ai donc proposé, avec mon groupe, de compléter cet alinéa afin que soit bien
précisé que les fraudes aux examens et aux concours ne bénéficient pas de
l'amnistie.
C'est quand même extrêmement grave ! La fraude peut impliquer de nombreuses
personnes.
Ainsi, il n'y a pas très longtemps, à l'université de Clermont-Ferrand, deux
professeurs ont, pour des raisons personnelles, décidé de ne pas rendre les
copies d'examen en fin d'année universitaire ! Les étudiants n'ont donc pas pu
recevoir de notes, et leur année universitaire n'a pas pu être prise en compte.
Je trouverais scandaleux que ces professeurs soient amnistiés alors qu'ils ont
perturbé la vie de trente, quarante ou cinquante étudiants qui ne peuvent
certainement pas se payer le luxe de redoubler leur année !
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Lucien Lanier,
rapporteur.
Dans le 2° de l'article 3, je le rappelle, sont visés les «
délits commis à l'occasion de conflits relatifs aux problèmes de l'enseignement
ou délits relatifs à la reproduction d'oeuvres ou à l'usage de logiciels à des
fins pédagogiques et sans but lucratif ». Cette rédaction est claire, nette et
précise. Ce qui est ici en cause, c'est notamment la reproduction, parfaitement
illégale, de livres ou d'articles par des enseignants.
Nul, ici, bien entendu, ne défendra la fraude aux examens et concours. Pour
autant, il ne me paraît guère cohérent de viser ces cas de fraude au troisième
alinéa de l'article 3, lequel concerne, ainsi que je l'ai rappelé, les délits
commis à l'occasion de conflits relatifs aux problèmes de l'enseignement et ce
que l'on appelle le « photocopillage ».
En vérité, l'adjonction du membre de phrase proposée par M. Charasse
dénaturerait totalement le troisième alinéa de l'article 2.
C'est la raison pour laquelle la commission des lois émet un avis défavorable
sur l'amendement n° 30.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Dominique Perben,
garde des sceaux.
Avis défavorable pour la même raison.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 30.
M. Patrice Gélard.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Patrice Gélard.
M. Patrice Gélard.
C'est une erreur de confondre examens et concours.
M. Jean-Jacques Hyest.
Merci !
M. Patrice Gélard.
Les concours organisés par une administration sont soumis à des règles
particulières. Ainsi, en cas de fraude au CAPES ou à l'agrégation, par exemple,
des règles particulières s'appliquent. Pour ce qui est des examens
universitaires, c'est le droit disciplinaire des universités - domaine très
particulier - qui s'applique.
Or, traditionnellement, les fautes disciplinaires universitaires ont toujours
fait l'objet d'une amnistie.
Je tiens à souligner que la fraude aux examens - et il ne s'agit pas de la
fraude organisée par des professeurs ou d'autres personnels - ne constitue ni
un délit pénal ni une contravention : c'est exclusivement une faute
disciplinaire. Mais il convient aussi de préciser que les sanctions prononcées
par les juridictions disciplinaires - sanctions au demeurant prévues par les
textes - sont parfois extrêmement lourdes. Ainsi, un fraudeur au baccalauréat
peut se voir interdire à vie, par une section disciplinaire d'université, toute
inscription dans une université.
Il apparaît donc que l'amnistie permet, évidemment après un certain temps, de
revenir sur cette interdiction absolue, qui n'est d'ailleurs, selon moi, même
pas conforme aux règles de la convention européenne des droits de l'homme.
On peut tout de même convenir que la fraude aux examens est souvent une erreur
de jeunesse. Même la fraude au brevet des collèges peut entraîner des sanctions
extrêmement lourdes !
Dès lors, vouloir maintenir définitivement des sanctions qui resteront
inscrites sur le dossier universitaire de la personne concernée me paraît plus
dangereux qu'intéressant.
M. Jean-Pierre Sueur.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.
M. Jean-Pierre Sueur.
Je veux soutenir avec beaucoup de force l'amendement de M. Charasse, et je
suis quelque peu surpris des explications que M. le doyen Gélard vient de nous
donner.
A l'heure où l'on parle beaucoup de la délinquance des mineurs, la fraude aux
examens apparaît bien comme quelque chose de grave, et même d'inacceptable.
Frauder, c'est voler un titre auquel on n'a pas droit.
Je ne suis, en outre, pas convaincu par le distinguo établi entre les examens
et les concours.
M. Patrice Gélard.
Les uns et les autres ne relèvent pas du tout des mêmes règles !
M. Jean-Pierre Sueur.
Comme si la fraude était plus acceptable dans un cas que dans l'autre !
Comment justifier cela ?
M. Michel Caldaguès.
Dans le cas d'un concours, il y a préjudice !
M. Jean-Pierre Sueur.
Il est vrai que, dans le cas d'un concours, on peut prendre la place de
quelqu'un d'autre.
M. Michel Caldaguès.
Exactement !
M. Jean-Pierre Sueur.
Mais, si l'on fraude à un examen, on peut être ensuite amené à se prévaloir
d'un titre auquel on n'a pas droit, et c'est aussi une manière de porter
atteinte aux droits d'autrui.
Quoi qu'il en soit, je considère que la fraude aux examens et aux concours est
un acte grave et que, à ce titre, elle doit être exclue de l'amnistie.
D'ailleurs, il y a beaucoup d'actes bien moins graves que l'on a déjà décidé ou
que l'on va décider d'exclure de l'amnistie.
Je veux également exprimer mon désaccord avec M. le rapporteur lorsque
celui-ci conteste la cohérence de la démarche de notre collègue pour des
raisons quasi grammaticales. La présence, au 2° de l'article 3, de la
conjonction de coordination « ou » et la virgule qui précède le membre de
phrase proposé par M. Charasse montrent bien que la restriction concernant la
fraude s'applique dans tous les cas, étant entendu que, en l'occurrence, les
photocopies illégales ne sont évidemment pas visées.
M. Jean-Jacques Hyest.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Jean-Jacques Hyest.
M. Jean-Jacques Hyest.
Je suis de plus en plus surpris par les amendements qui nous sont soumis et
par les explications qui sont apportées pour les soutenir.
L'article 3 tend à amnistier un certain nombre de délits, sous réserve qu'ils
soient passibles de moins de dix ans d'emprisonnement. Dès lors, la question
est de savoir si les fraudes aux examens ou aux concours constituent des
délits.
M. Patrice Gélard.
Non !
M. Jean-Jacques Hyest.
Dans ces conditions, je ne vois pas pourquoi il faudrait les viser à l'article
3.
M. Michel Charasse.
Mais si, ce sont des délits !
M. Jean-Jacques Hyest.
Eh bien, proposez de les exclure à l'article 13 ! A l'article 3, il est
question des conflits relatifs à l'enseignement et de la reproduction illégale.
Cela n'a rigoureusement rien à voir avec la fraude aux examens ! Pourquoi
n'avez-vous pas déposé d'amendement prévoyant une exclusion supplémentaire à
l'article 13 ? Nous n'en sommes jamais qu'à cinquante-trois ou cinquante-quatre
exclusions ! Après tout, on pourrait exclure tout le code pénal ! Cela nous
simplifierait la vie !
Il y a une cohérence du projet de loi qui distingue l'amnistie par nature et
l'amnistie au
quantum,
avec des exclusions. Respectons cette cohérence
!
Je plains les greffiers des tribunaux qui s'occupent du casier judiciaire !
Pensez à eux et simplifiez-leur la vie ! Faisons donc une législation cohérente
et claire !
C'est la raison pour laquelle je pense que cet amendement n'a pas lieu d'être
à cet endroit du texte, même si je partage le souci de M. Charasse de lutter
contre la fraude.
(M. Maurice Ulrich applaudit.)
M. Michel Charasse.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Michel Charasse.
M. Michel Charasse.
Bien entendu, je m'en voudrais de rendre le texte moins clair et la rédaction
que j'ai proposée mérite peut-être d'être améliorée. En fait, je veux surtout
savoir si la fraude aux examens et concours, laquelle constitue bien un délit -
on peut trouver facilement les articles du code pénal concernés - ...
M. Patrice Gélard.
Non !
M. Michel Charasse.
... est ou non amnistiée. Car je ne trouve pas la réponse dans la liste des
exclusions qui figure à l'article 13. C'est pourquoi j'ai proposé de prévoir
celle-ci dans cet alinéa où il est question de l'enseignement. Mais je suis
prêt à convenir que ce n'est pas forcément le meilleur endroit.
Monsieur le ministre, la question qui nous préoccupe, mes amis et moi-même,
est donc de savoir si, compte tenu des dispositions de l'article 2 tel qu'il
vient d'être voté et de celles de l'article 3, ce type de délit est exclu ou
non de l'amnistie.
Par ailleurs, je voudrais dire à mon collègue et ami le doyen Gélard, dont
j'admire la science juridique, qu'il ne s'agit pas seulement de simples
problèmes disciplinaires, et j'en parle d'expérience.
A Clermont-Ferrand, deux professeurs ont refusé de rendre les copies dont on
leur avait confié la correction, l'un parce qu'on ne lui avait pas donné un
escabeau pour atteindre le sommet de l'armoire où il rangeait ses livres,
l'autre parce qu'il avait trop chaud dans son bureau... Pour protester, ils ont
décidé de ne pas rendre les copies !
J'étais ministre à l'époque et j'ai été prévenu par le recteur. Qu'ai-je fait
? D'abord, j'ai dit au recteur : « Absence de "service fait" : vous suspendez
le salaire ! »
(Sourires.)
Je lui ai même envoyé un ordre écrit ! Je lui
ai en outre demandé de saisir immédiatement le procureur de la République pour
détournement de documents officiels.
Le procureur ayant classé l'affaire, le recteur a saisi le conseil de
discipline de l'université de Clermont-Ferrand. Et qu'ont décidé les membres
dudit conseil de discipline ? Premièrement, de ne pas sanctionner leurs deux
collègues, qui n'avaient d'ailleurs toujours pas rendu les copies.
Deuxièmement, ils ont déploré l'acte arbitraire de ce Charasse de malheur qui
avait osé suspendre le salaire de ces deux individus qui refusaient de faire
leur travail !
(Rires.)
Par conséquent, la sévérité des sanctions disciplinaires, c'est pipeau et
compagnie !
Je voudrais donc savoir si ce type de délit est amnistié ou pas.
M. Patrice Gélard.
Ce n'est pas un délit !
M. Michel Charasse.
En tout cas, il y a une soixantaine d'étudiants de Clermont-Ferrand qui n'ont
pas pu passer en année supérieure parce que deux zèbres, qui n'ont même pas été
sanctionnés - hormis la suspension du salaire -, ont décidé de ne pas rendre
les copies.
M. Jean-Jacques Hyest.
Ils n'ont pas fraudé !
M. Dominique Perben,
garde des sceaux.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le garde des sceaux.
M. Dominique Perben
garde des sceaux.
Dans le projet de loi du Gouvernement, ce type de délit
n'est pas exclu de l'amnistie, c'est tout à fait clair. C'est, bien entendu, à
l'intérieur du
quantum.
J'ajouterai, au passage, une simple observation : M. Charasse vient de
confirmer que le Gouvernement auquel il a appartenu donnait des instructions au
parquet.
(Très bien ! et sourires sur les travées du RPR.)
M. Jean Chérioux.
Merci, monsieur Charasse !
M. Michel Charasse.
Je demande la parole.
M. le président.
Puisque vous m'avez interpellé, je vous la donne.
M. Michel Charasse.
En ce qui me concerne, j'ai toujours considéré qu'il entrait dans les
prérogatives du Gouvernement de la République de donner des instructions au
Parquet.
(Très bien ! sur les travées du RPR.)
Celui-ci est le bras armé
de l'exécutif, et telle était bien la position du Président Mitterrand.
Je n'ai pas voté au deuxième tour pour Jacques Chirac pour renier ensuite la
République !
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° 30.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
L'amendement n° 51, présenté par M. Fischer, Mme Borvo, M. Bret, Mme Mathon et
les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
« Après le quatrième alinéa (3°) de l'article 3, insérer un alinéa ainsi
rédigé :
« ... ° Délits commis en relation avec des procédures d'expulsions et saisies
; ».
La parole est à M. Guy Fischer.
M. Guy Fischer.
Il s'agit, pour le groupe communiste républicain et citoyen, d'un amendement
particulièrement important.
A l'heure où il est beaucoup question de l'insécurité qui sévit dans les
cités, les grands quartiers populaires de nos agglomérations et les banlieues,
je tiens à rappeler que celle-ci est aussi liée aux difficultés sociales de
plus en plus insupportables que subissent nombre d'habitants de ces lieux. Tous
ceux qui vivent et militent dans ces quartiers constatent d'ailleurs
l'aggravation de ces inégalités.
Pour lutter efficacement contre l'insécurité - je préfère d'ailleurs parler
d'« insécurité sociale » pour englober tous les paramètres qui la définissent -
il faut poursuivre l'effort en matière de logements sociaux. De bonnes
conditions de logement et des loyers modérés contribuent à l'épanouissement des
familles avec, bien entendu, tout ce qui s'ensuit, et empêchent les enfants de
traîner au pied des tours faute de place. Or, aujourd'hui, la précarité est
trop souvent de mise dans le domaine du logement et les difficultés
s'accentuent, notamment dans certains quartiers. Nous assistons trop souvent à
des expulsions autoritaires, sans pitié de locataires souvent de bonne foi,
mais confrontés au surendettement et aux difficultés de la vie.
Des élus, des associations, des animateurs, des militants se battent aux côtés
de ces personnes qui cherchent à conserver leur dignité.
J'en parle en connaissance de cause, étant moi-même intervenu à maintes
reprises, sur le terrain, dans le quartier des Minguettes, pour tenter de
trouver des solutions et pour stopper l'arbitraire.
Trop souvent des femmes et des hommes, des familles se trouvent séparés ;
d'autres femmes et d'autres hommes, qui affirment leur solidarité, sont
poursuivis par la suite, parfois condamnés pour leurs actes généreux.
Ma démonstration serait la même pour le phénomène comparable que constituent
les saisies. Lorsque l'on fait le bilan, on s'aperçoit que les mesures mises en
place coûtent souvent bien plus cher que le maintien dans les lieux des
familles. Des dispositions sont prévues dans le cas de menace de saisie ou
d'expulsion par la loi d'orientation relative à la lutte contre les exclusions,
mais, trop souvent, malheureusement, cette loi n'est pas respectée.
Si l'amnistie a une raison d'exister, ne pensez-vous pas, mes chers collègues,
monsieur le garde des sceaux, qu'elle devrait s'appliquer aux délits commis à
l'occasion d'expulsions et de saisies ?
Les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen, eux, le pensent, et
c'est pourquoi ils vous proposent d'adopter cet amendement.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Lucien Lanier,
rapporteur.
La commission y est défavorable, monsieur le président, car
cet amendement tend à inclure dans le champ d'application de l'amnistie les
poursuites qui ont été engagées pour défendre des personnes expulsées de leur
logement ou dont les biens ont été saisis.
Je partage tout à fait l'avis de M. Fischer, il est toujours malheureux de
devoir expulser quelqu'un ; personnellement, j'en ai très souvent subi,
moralement, le contrecoup lorsque j'ai été amené à prononcer des expulsions en
tant que préfet. Mais les délits commis à l'occasion de procédures d'expulsion
étant souvent très sévères et entraînant même quelquefois une certaine
violence, le fait de les amnistier reviendrait, à mon avis, à accepter purement
et simplement des entraves aux procédures judiciaires. C'est la raison pour
laquelle la commission des lois ne peut pas donner un avis favorable sur cet
amendement.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Dominique Perben
garde des sceaux.
Le Gouvernement est défavorable à cet amendement dans
la mesure où il s'agit de délits qui ont été commis contre des décisions de
justice. On ne peut pas demander à la justice de tolérer ou de proposer
l'amnistie pour des délits qui ont été commis contre ses propres décisions !
Mme Nicole Borvo.
Autant dire que rien ne peut être amnistié !
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° 51.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Mme Nicole Borvo.
Pas d'amnistie !
M. le président.
L'amendement n° 31, présenté par M. Charasse et les membres du groupe
socialiste, apparentés et rattachée, est ainsi libellé :
« Compléter le cinquième alinéa (4°) de l'article 3 par les mots suivants : ",
et de ceux constituant des fraudes électorales ;". »
La parole est à M. Michel Charasse.
M. Michel Charasse.
Monsieur le président, j'ai peur, avec mes amis du groupe socialiste, que la
rédaction du 4° de l'article 3 n'entraîne l'amnistie des fraudes électorales.
C'est pourquoi je pense que cette précision est utile.
Toutefois, si l'on nous dit que le libellé du 4° couvre tout, naturellement,
nous n'insisterons pas.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Lucien Lanier,
rapporteur.
Permettez-moi de poser la question : qui serait favorable à
la fraude électorale ?
M. Michel Charasse.
Oh !
Mme Nicole Borvo.
Personne évidemment !
M. Lucien Lanier,
rapporteur.
J'estime que cet amendement sera satisfait par le 7° de
l'article 13, qui exclut de l'amnistie toute une série d'infractions prévues
par le code électoral. Par conséquent, il n'a pas lieu d'être, et je demande à
M. Charasse de bien vouloir le retirer.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Dominique Perben
garde des sceaux.
Le Gouvernement partage l'avis de la commission.
M. le président.
L'amendement n° 31 est-il maintenu, monsieur Charasse ?
M. Michel Charasse.
Je le retire, monsieur le président.
M. le président.
L'amendement n° 31 est retiré.
L'amendement n° 52, présenté par MM. Le Cam et Fischer, Mme Borvo, M. Bret,
Mme Mathon et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est
ainsi libellé :
« Après le septième alinéa de l'article 3, insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Sont amnistiés les délits prévus aux 1° et 3° du présent article, commis en
récidive légale, dès lors qu'ils sont commis dans le cadre d'actions syndicales
déjà visées par l'amnistie. »
La parole est à M. Gérard Le Cam.
M. Gérard Le Cam.
Cet amendement tend à inclure dans l'amnistie les délits commis en récidive
lorsqu'il s'agit d'actions syndicales.
Je ne reviendrai pas sur les arguments que j'ai développés voilà quelques
instants à propos des mouvements du monde paysan ; bien que cet amendement soit
en lien direct avec cette question puisque M. José Bové est de nouveau passible
d'emprisonnement pour des actions menées contre la culture d'OGM, culture qui
est particulièrement controversée par les scientifiques eux-mêmes, ce qui
permet le doute.
M. Patrick Lassourd.
C'est encore mieux : il en remet une couche !
M. Gérard Le Cam.
Je m'étonne, monsieur le garde des sceaux, des propos que vous avez tenus à
l'Assemblée nationale au sujet d'un amendement similaire. Vous avez en effet
indiqué qu'il n'y avait pas de tri à faire entre récidivistes, évoquant
implictement José Bové. Cette attitude - que vous démentirez aujourd'hui, je
l'espère - atteste bien la volonté de criminaliser l'action syndicale, en
l'occurrence celle du monde agricole.
M. Patrick Lassourd.
Sûrement !
M. René Garrec,
président de la commission des lois.
Il ne faut pas exagérer !
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Lucien Lanier,
rapporteur.
La commission est défavorable à cet amendement, qui
dérogerait au principe d'exclusion du bénéfice de l'amnistie tel qu'il est fixé
par le 40° de l'article 13, lequel vise les cas de récidive légale.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Dominique Perben
garde des sceaux.
Le Gouvernement est également défavorable à cet
amendement.
De plus, je maintiens les propos que j'ai tenus à l'Assemblée nationale. Le
projet déposé par le Gouvernement exclut de l'amnistie tous les cas de récidive
légale.
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° 52.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
L'amendement n° 1, présenté par M. Lanier, au nom de la commission, est ainsi
libellé :
« Supprimer le dernier alinéa de l'article 3. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Lucien Lanier,
rapporteur.
Il s'agit d'un amendement de clarification.
Le dernier alinéa de l'article 3 s'applique aux condamnations pour infractions
multiples. L'amnistie ne s'applique que si le délit amnistié par application de
l'article 3 est puni d'une peine plus forte ou égale à celles dont sont
passibles les autres infractions poursuivies. Toutefois, cette règle ne
s'appliquera pas si l'une desdites infractions est exclue du bénéfice de
l'amnistie : le condamné ne sera alors pas amnistié.
Cette disposition figure dans l'article 3, mais peut également trouver à
s'appliquer à l'article 2. En conséquence, il est préférable de la disjoindre
de l'article 3 pour en faire un article spécifique sous forme d'un article
additionnel qui suivra.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Dominique Perben,
garde des sceaux.
Favorable.
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° 1.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Je mets aux voix l'article 3, modifié.
(L'article 3 est adopté.)
Article additionnel après l'article 3
M. le président.
L'amendement n° 2, présenté par M. Lanier, au nom de la commission, est ainsi
libellé :
« Après l'article 3, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« En cas de condamnation pour infractions multiples, le condamné est amnistié
si l'infraction amnistiée en application des dispositions de la présente
section est légalement punie de la peine la plus forte ou d'une peine égale à
celles qui sont prévues pour les autres infractions poursuivies, sauf si l'une
de ces infractions est exclue du bénéfice de la présente loi en application des
dispositions de l'article 13. »
Il s'agit d'un amendement de conséquence.
Je le mets aux voix.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet
de loi, après l'article 3.
Section 2
Amnistie en raison du quantum
ou de la nature de la peine
Article 4
M. le président.
« Art. 4. - Sont amnistiés les délits qui ont été ou seront punis de peines
d'amende ou de jour-amende.
« Toutefois, si l'amende est supérieure à 750 EUR, l'amnistie ne sera acquise
qu'après le paiement de cette amende ou après qu'aura été subie l'incarcération
prévue par l'article 131-25 du code pénal ; l'amnistie sera également acquise
après exécution de la contrainte par corps, celle-ci ne faisant pas cependant
obstacle au recouvrement ultérieur de l'amende. »
L'amendement n° 3, présenté par M. Lanier, au nom de la commission, est ainsi
libellé :
« Compléter le premier alinéa de l'article 4 par les mots : ", à l'exclusion
de l'une des peines prévues à l'article 5". »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Lucien Lanier,
rapporteur.
L'article 4 prévoit l'amnistie des délits qui ont été ou
seront punis d'une peine d'amende ou de jour-amende. Dans un souci de clarté,
la commission tend, avec cet amendement, à préciser que cet article concerne
ces délits, à l'exclusion de l'une des peines mentionnées à l'article 5.
C'est alors le montant ou la nature de cette peine qui sera prise en
considération pour déterminer si l'amnistie intervient.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Dominique Perben
garde des sceaux.
Favorable.
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° 3.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Je mets aux voix l'article 4, modifié.
(L'article 4 est adopté.)
Article 5
M. le président.
« Art. 5. - Sont amnistiés les délits qui ont été ou seront punis des peines
ci-après énumérées :
« 1° Peines d'emprisonnement inférieures ou égales à trois mois sans sursis
;
« 2° Peines d'emprisonnement inférieures ou égales à trois mois avec
application du sursis avec mise à l'épreuve ;
« 3° Peines d'emprisonnement inférieures ou égales à six mois avec application
du sursis simple ;
« 4° Peines d'emprisonnement d'une durée supérieure à trois mois et ne
dépassant pas six mois avec application du sursis avec mise à l'épreuve,
lorsque la condamnation aura été déclarée non avenue en application de
l'article 132-52 du code pénal, ou que le condamné aura accompli le délai
d'épreuve prévu par l'article 132-42 du code pénal sans avoir fait l'objet, en
application des articles 132-47 à 132-51 du code pénal, d'une décision
ordonnant la révocation du sursis ;
« 5° Peines d'emprisonnement d'une durée ne dépassant pas six mois avec
application du sursis assorti de l'obligation d'accomplir un travail d'intérêt
général, lorsque le condamné aura accompli la totalité du travail d'intérêt
général sans avoir fait l'objet, en application de l'article 132-56 du code
pénal, d'une décision ordonnant la révocation du sursis ; lorsqu'il a été fait
application de la procédure prévue à l'article 132-57 du code pénal, le quantum
de la peine à prendre en considération pour l'application du présent article
est celui qui résulte de la mise en oeuvre de ladite procédure ;
« 6° Peines d'emprisonnement dont une part est assortie du sursis simple ou du
sursis avec mise à l'épreuve, lorsque la fraction ferme de l'emprisonnement est
inférieure ou égale à trois mois et que la durée totale de la peine prononcée
est inférieure ou égale à six mois, sous réserve que soient remplies, pour les
peines assorties du sursis avec mise à l'épreuve, les conditions prévues au 4°
;
« 7° Peines de travail d'intérêt général prononcées en application des
articles 131-8 du code pénal et 20-5 de l'ordonnance n° 45-174 du 2 février
1945 relative à l'enfance délinquante, l'amnistie n'étant toutefois acquise
qu'après l'accomplissement par le condamné de la totalité du travail d'intérêt
général ;
« 8° Peines alternatives prononcées en application des dispositions des 1° à
6° et 8° à 10° de l'article 131-6 du code pénal ;
« 9° Peines complémentaires prononcées à titre de peines principales en
application des dispositions de l'article 131-11 du code pénal, à l'exception
des peines mentionnées à l'article 15.
« Lorsque les peines ci-dessus ont été prononcées en même temps qu'une peine
d'amende ou de jour-amende, l'amnistie n'est acquise que sous réserve que la
condition prévue au deuxième alinéa de l'article 4 soit remplie. »
Je suis saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion
commune.
L'amendement n° 27, présenté par M. Virapoullé, est ainsi libellé :
« Supprimer l'article 5. »
L'amendement n° 4, présenté par M. Lanier, au nom de la commission, est ainsi
libellé :
« Compléter le deuxième alinéa (1°) de l'article 5 par les mots : "les peines
d'emprisonnement sans sursis résultant de la révocation d'une peine
d'emprisonnement avec application du sursis assorti de l'obligation d'accomplir
un travail d'intérêt général ne sont pas aministiées ;". »
Cet amendement est assorti d'un sous-amendement n° 32, présenté par M. Sueur
et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, et ainsi libellé
:
« Compléter
in fine
le texte proposé par l'amendement n° 4 par les mots
suivants : "pour les personnes âgées de plus de vingt et un ans au moment de la
commission de l'infraction ;". »
L'amendement n° 27 n'est pas soutenu.
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 4.
M. Lucien Lanier,
rapporteur.
Cet amendement vise à combler une lacune du dispositif.
L'article 5 prévoit que les condamnations à une peine d'emprisonnement avec
application du sursis assorti de l'obligation d'accomplir un travail d'intérêt
général sont amnistiées, lorsque le travail a été effectué, si elles sont
inférieures ou égales à six mois d'emprisonnement. L'amnistie est donc
subordonnée à l'exécution effective d'un travail d'intérêt général.
Si une personne condamnée à une peine d'une durée inférieure ou égale à trois
mois d'emprisonnement avec sursis assortie de l'obligation d'accomplir un
travail d'intérêt général n'effectue pas le travail, le sursis sera révoqué et
la peine deviendra ferme. Mais la personne sera automatiquement amnistiée,
puisque le texte prévoit que les peines fermes d'une durée inférieure ou égale
à trois mois sont amnistiées. La condition d'exécution du travail d'intérêt
général se trouvera alors contournée.
Pour éviter une telle situation, il convient de préciser que les peines
d'emprisonnement fermes qui résultent de la révocation d'une peine
d'emprisonnement avec application du sursis assorti de l'obligation d'accomplir
un travail d'intérêt général ne seront pas amnistiées.
M. le président.
La parole est M. Sueur, pour défendre le sous-amendement n° 32.
M. Jean-Pierre Sueur.
L'amendement n° 4 est plus sévère que le texte du Gouvernement, puisque ce
dernier prévoit l'amnistie des peines d'emprisonnement inférieures ou égales à
trois mois sans sursis, sans entrer dans les considérations évoquées par M.
Lanier.
Par ce sous-amendement, nous proposons une position médiane : nous souhaitons
que les dispositions prévues par l'amendement de M. Lanier ne s'appliquent pas
aux personnes de moins de vingt et un ans. Cela est conforme à l'esprit qui
sous-tend votre projet de loi, monsieur le garde des sceaux, au premier alinéa
de l'article 9.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission sur le sous-amendement n° 32 ?
M. Lucien Lanier,
rapporteur.
Ce sous-amendement semble dépourvu de lien avec l'amendement
n° 4, qui vise à combler une lacune du dispositif. Par conséquent, je ne vois
pas ce qu'il apporterait !
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 4 et sur le
sous-amendement n° 32 ?
M. Dominique Perben.
garde des sceaux.
Je m'en remets à la sagesse du Sénat sur l'amendement
n° 4.
En revanche, je suis défavorable au sous-amendement n° 32, qu'il serait très
honnêtement déraisonnable d'adopter en raison de la complexité considérable
qu'il introduirait dans le dispositif.
M. le président.
Je vais mettre aux voix le sous-amendement n° 32.
M. Jean-Pierre Sueur.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à Jean-Pierre Sueur.
M. Jean-Pierre Sueur.
Je persiste à soutenir ce sous-amendement pour deux raisons.
En premier lieu, je ne crois pas, monsieur le garde des sceaux, qu'il
introduise une complexité considérable. Si c'était le cas, en effet, le premier
alinéa de l'article 9 que vous avez vous-même rédigé souffrirait de la même
complexité. Je fais confiance à l'intelligence générale, à celle des magistrats
en particulier, pour bien comprendre cette disposition qui est extrêmement
simple.
En second lieu, je ne comprends vraiment pas, monsieur le rapporteur, comment
on peut considérer que ce sous-amendement n'a pas de lien avec l'amendement n°
4.
M. le président.
Je mets aux voix le sous-amendement n° 32.
(Le sous-amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° 4.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
L'amendement n° 36, présenté par M. Sueur et les membres du groupe socialiste,
apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
« Compléter le huitième alinéa (7°) de l'article 5 par les mots suivants : ",
lorsque celui-ci est âgé de plus de vingt et un ans au moment de la commission
de l'infraction ;". »
La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.
M. Jean-Pierre Sueur.
J'ai déjà défendu cet amendement en présentant l'amendement n° 4.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Lucien Lanier,
rapporteur.
Défavorable.
Comme je le disais tout à l'heure pour l'amendement n° 4, je ne vois pas
pourquoi il y aurait lieu d'exonérer les jeunes de moins de 21 ans de
l'accomplissement du travail d'intérêt général en les faisant bénéficier de
l'amnistie. Cela ne me paraît pas aller dans le bons sens.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Dominique Perben
garde des sceaux.
Défavorable.
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° 36.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
L'amendement n° 5, présenté par M. Lanier, au nom de la commission, est ainsi
libellé :
« Au neuvième alinéa (8°) de l'article 5, remplacer la référence : "6°" par la
référence : "5°". »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Lucien Lanier,
rapporteur.
L'Assemblée nationale a exclu de l'amnistie la peine de
confiscation d'une arme. Cette modification est bienvenue, mais elle n'a pas de
portée réelle, parce que l'amnistie n'entraîne alors aucun droit à restitution
de l'arme.
En revanche, et dans le même esprit, il convient d'exclure du bénéfice de
l'amnistie la peine d'interdiction de détenir ou de porter une arme pendant une
durée de 5 ans ou plus au terme de laquelle l'arme n'est pas restituée.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Dominique Perben
garde des sceaux.
Favorable.
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° 5.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
L'amendement n° 6, présenté par M. Lanier, au nom de la commission, est ainsi
libellé :
« Au dernier alinéa de l'article 5, remplacer les mots : "deuxième alinéa" par
les mots : "second alinéa". »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Lucien Lanier,
rapporteur.
Il s'agit d'un amendement purement rédactionnel.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Dominique Perben
garde des sceaux.
Favorable.
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° 6.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Je constate que cet amendement a été adopté à l'unanimité.
Je mets aux voix l'article 5, modifié.
(L'article 5 est adopté.)
Article 6
M. le président.
« Art. 6. - Sont amnistiées les infractions qui ont donné ou donneront lieu
:
« 1° A une dispense de peine en application des articles 132-58 et 132-59 du
code pénal ;
« 2° Soit à une mesure d'admonestation, soit à la remise du mineur à ses
parents, à son tuteur ou à la personne qui en avait la garde ou à une personne
digne de confiance, soit à la dispense de toute mesure, en application de
l'ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 précitée. »
L'amendement n° 38, présenté par M. Charasse, est ainsi libellé :
« Au début du troisième alinéa (2°) de l'article 6, ajouter les mots : Sauf en
cas de récidive,". »
La parole est à M. Michel Charasse.
M. Michel Charasse.
Le 2° de l'article 6 a pour objet d'amnistier les infractions qui ont donné
lieu à une mesure d'admonestation ou à la remise du mineur à ses parents ou à
son tuteur.
Je pense qu'il faut exclure le cas de récidive. Nous sommes dans un domaine où
les jeunes ont besoin de sentir une certaine fermeté. Passer l'éponge une fois,
c'est acceptable, mais deux fois, c'est une de trop ! Je propose donc d'ajouter
au début du 2° de l'article 6 les mots : « sauf en cas de récidive ».
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Lucien Lanier,
rapporteur.
Cet amendement est satisfait, car le 40° de l'article 13
exclut déjà les délits qui sont commis en état de récidive légale. Par
conséquent, je souhaite que M. Charasse retire son amendement.
M. le président.
L'amendement n° 38 est-il maintenu, monsieur Charasse ?
M. Michel Charasse.
C'est ce que je voulais entendre.
(Sourires.)
Par conséquent, je le
retire, monsieur le président.
M. le président.
L'amendement n° 38 est retiré.
Je mets aux voix l'article 6.
(L'article 6 est adopté.)
Article 7
M. le président.
« Art. 7. - L'amnistie prévue par les articles 4 à 6 n'est acquise qu'après
condamnation devenue définitive.
« Toutefois, hors les cas où l'amnistie est subordonnée à l'exécution de la
peine, en l'absence de partie civile et sauf opposition, appel ou pourvoi en
cassation dans les délais légaux à compter du jour de la décision, cette
amnistie est acquise, sans qu'il y ait lieu à signification, après condamnation
prononcée par défaut, par itératif défaut ou dans les conditions prévues par
les articles 410 et 411 du code de procédure pénale.
« Le condamné bénéficiant de l'amnistie prévue à l'alinéa précédent conserve
la possibilité de former opposition, d'interjeter appel ou de se pourvoir en
cassation, selon le cas, s'il fait ultérieurement l'objet d'une assignation sur
intérêts civils. Le délai d'opposition, d'appel ou de pourvoi en cassation est
alors calculé à compter du jour où le condamné a eu connaissance de cette
assignation.
« Lorsqu'il a formé un appel, une opposition ou un pourvoi en cassation avant
l'entrée en vigueur de la présente loi contre une condamnation amnistiée par
application des articles 4 à 6, le prévenu peut, par déclaration au greffe de
la juridiction qui a rendu la décision ou de l'établissement pénitentiaire dans
lequel il est détenu, se désister de la voie de recours exercée. Ce désistement
rend caducs tous les recours incidents autres que ceux formés par les parties
civiles et les autres prévenus et rend définitive la condamnation en ce qui
concerne l'action publique, à l'égard de celui qui s'est désisté. »
(Adopté.)
Section 3
Contestations relatives à l'amnistie
Article 8
M. le président.
« Art. 8. - Les contestations relatives à l'amnistie de droit prévue par le
présent chapitre sont soumises aux règles de compétence et de procédure prévues
par les deuxième et troisième alinéas de l'article 778 du code de procédure
pénale.
« Si la décision a été rendue par une juridiction militaire siégeant en
France, la requête sera soumise à la chambre de l'instruction de la cour
d'appel dans le ressort de laquelle était établi le siège de cette
juridiction.
« Si la décision a été rendue par un tribunal aux armées siégeant à
l'étranger, la requête sera présentée à la chambre de l'instruction de la cour
d'appel de Paris.
« En matière de contraventions de grande voirie, la juridiction compétente est
celle qui a prononcé la condamnation.
« En l'absence de condamnation définitive, les contestations sont soumises à
la juridiction compétente pour statuer sur la poursuite. »
(Adopté.)
Chapitre II
Amnistie par mesure individuelle
Article 9
M. le président.
« Art. 9. - Le Président de la République peut admettre, par décret, au
bénéfice de l'amnistie les personnes physiques poursuivies ou condamnées pour
toute infraction commise avant le 17 mai 2002, à l'exception des infractions
qui sont exclues du bénéfice de l'amnistie en application de l'article 13 dès
lors que ces personnes n'ont pas, avant cette infraction, fait l'objet d'une
condamnation à une peine privative de liberté pour un crime ou un délit de
droit commun et qu'elles appartiennent à l'une des catégories ci-après :
« 1° Personnes âgées de moins de vingt et un ans au moment de l'infraction
;
« 2° Personnes qui ont fait l'objet d'une citation individuelle, ou sont
titulaires d'une pension militaire d'invalidité ou ont été victimes de
blessures de guerre au cours des guerres 1914-1918, 1939-1945 ou d'Algérie, ou
des combats en Tunisie ou au Maroc, sur les théâtres d'opérations extérieures,
au cours d'opérations de maintien de l'ordre hors de la métropole ou par
l'effet d'actes de terrorisme ;
« 3° Déportés résistants ou politiques et internés résistants ou politiques
;
« 4° Résistants dont l'un des ascendants est mort pour la France ;
« 5° Engagés volontaires 1914-1918 ou 1939-1945 ;
« 6° Personnes qui se sont distinguées d'une manière exceptionnelle dans les
domaines humanitaire, culturel, sportif, scientifique ou économique.
« La demande d'amnistie peut être présentée par toute personne dans le délai
d'un an à compter soit de la promulgation de la présente loi, soit de la
condamnation définitive. En ce qui concerne les personnes mentionnées au 1° ,
le délai est prolongé jusqu'à la date à laquelle le condamné aura atteint l'âge
de vingt-deux ans.
« Les dispositions du présent article peuvent être invoquées à l'appui d'une
demande d'amnistie concernant une infraction commise même avant le 18 mai 1995
sans qu'une forclusion tirée de la loi n° 95-884 du 3 août 1995 portant
amnistie ou d'une loi d'amnistie antérieure ne puisse être opposée. »
L'amendement n° 33, présenté par M. Sueur et les membres du groupe socialiste,
apparentés et rattachée, est ainsi libellé :
« Dans le septième alinéa (6°) de l'article 9, supprimer le mot : "sportif,".
»
La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.
M. Jean-Pierre Sueur.
J'ai déjà eu l'occasion de soutenir cet amendement tout à l'heure, M. le
ministre a beaucoup insisté sur le fait que ce projet de loi d'amnistie ne
comportait aucune extension par rapport aux lois précédentes : il y avait
uniquement des restrictions. Or ces propos sont contredits par la mention du
terme « sportif » au 6° de l'article 9.
Nous soutenons tous le sport et les sportifs, vous le savez bien, mais les
sportifs sont très attachés à l'éthique et je n'en connais pas qui attende une
loi d'amnistie.
J'ai indiqué tout à l'heure que nous étions défavorables à toute législation
ad hominem
. Dès lors, chacun comprendra qu'il ne nous paraît pas
nécessaire d'ajouter ce terme dans un article qui a pour effet de permettre au
Président de la République de décider par décret l'amnistie à l'égard d'une
catégorie de personnes, étant entendu qu'aux termes de l'article 17 de la
Constitution le Président de la République peut exercer le droit de grâce dans
des conditions qu'il définit lui-même, selon la coutume.
Je vous ai entendu dire, monsieur le garde des sceaux, à l'Assemblée
nationale, qu'il s'agissait de discussions de café du Commerce. J'espère que
vous ne réitérerez pas ces propos et que chacun comprendra que se pose ici une
question de fond : ou bien nous légiférons et nous courons le risque d'être
soupçonnés de faire une loi
ad hominem
ou bien nous jugeons qu'il est
plus décent, plus clair, plus conforme à l'esprit de rigueur et de restriction
que vous avez constamment défendu, monsieur le garde des sceaux, eu égard au
projet de loi d'amnistie, de retirer ce terme « sportif ». Ainsi n'y aura-t-il
aucune forme d'équivoque, de contestation, et la loi, si elle est votée, ce
dont je ne doute pas, pèsera de tout son poids.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Lucien Lanier,
rapporteur.
Je connais trop M. Sueur pour savoir qu'il n'a aucune
arrière-pensée en présentant cet amendement.
(Sourires.)
Cela étant, aux
termes du projet de loi, peuvent bénéficier de l'amnistie par mesure
individuelle les personnes qui se sont distinguées de manière exceptionnelle
dans les domaines non seulement sportif, mais également humanitaire, culturel,
scientifique ou économique. Pourquoi ne pas prendre en compte également le
domaine sportif, à une période où les sportifs sont les meilleurs ambassadeurs
de France à l'étranger ?
M. Jean-Pierre Sueur.
Cela dépend !
M. Lucien Lanier,
rapporteur.
Effectivement, mais, même en cas d'échec, ils se sont battus
et ils ont participé ! Par conséquent, je ne vois pas pourquoi ils seraient
exclus du champ d'application du présent projet de loi. Il semble qu'il n'y ait
pas lieu de faire de différence entre un grand artiste, un grand économiste ou
un grand sportif. Comme les autres, ce dernier mérite de bénéficier de
l'amnistie. C'est la raison pour laquelle cet amendement ajoute les sportifs à
ceux qui ont bien mérité, sinon de la patrie, en tout cas de la société
française.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Dominique Perben
garde des sceaux.
Le Gouvernement est défavorable à cet amendement, ce
pour une raison très simple : depuis un certain nombre d'années, les activités
sportives jouent un rôle très important dans la vie sociale. Nous le savons
bien, les uns et les autres, c'est souvent grâce au sport que nous réalisons un
certain nombre de choses, en termes, en particulier, de cohésion sociale. Il me
paraît donc normal que les sportifs soient ajoutés à la liste qui
préexistait.
Par ailleurs, je voudrais procéder à un bref rappel historique. En 1974,
l'amnistie par mesure individuelle du Président de la République n'était
ouverte qu'aux personnes s'étant distinguées dans le domaine culturel ou
scientifique ; c'était la formule de 1969 et de 1966. En 1981, a été ajouté le
domaine humanitaire et, en 1988, le domaine économique. A l'époque, personne ne
s'était posé la question de savoir si le président Mitterrand voulait amnistier
quelqu'un appartenant au domaine humanitaire ou quelque chef d'entreprise.
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° 33.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
Je mets aux voix l'article 9.
(L'article 9 est adopté.)
Chapitre III
Amnistie des sanctions disciplinaires
ou professionnelles
Article 10
M. le président.
« Art. 10. - Sont amnistiés les faits commis avant le 17 mai 2002 en tant
qu'ils constituent des fautes passibles de sanctions disciplinaires ou
professionnelles.
« Toutefois, si ces faits ont donné lieu à une condamnation pénale, l'amnistie
des sanctions disciplinaires ou professionnelles est subordonnée à l'amnistie
ou à la réhabilitation légale ou judiciaire de la condamnation pénale.
« Sauf mesure individuelle accordée par décret du Président de la République,
sont exceptés du bénéfice de l'amnistie prévue par le présent article les faits
constituant des manquements à l'honneur, à la probité, ou aux bonnes moeurs. La
demande d'amnistie peut être présentée par toute personne intéressée dans un
délai d'un an à compter soit de la promulgation de la présente loi, soit de la
condamnation définitive. »
L'amendement n° 39, présenté par M. Charasse, est ainsi libellé :
« Compléter le premier alinéa de l'article 10 par les mots suivants : "sauf
dans les cas de mise en danger d'autrui. »"
La parole est à M. Michel Charasse.
M. Michel Charasse.
L'article 10 tend à amnistier les faits commis avant le 17 mai 2002 en tant
qu'ils constituent des fautes passibles de sanctions disciplinaires ou
professionnelles. Cette disposition comporte une liste d'exclusions : les faits
qui ont donné lieu à une condamnation pénale - la règle de l'amnistie des
sanctions professionnelles suit donc la règle pénale, si je puis dire - et la
possibilité, pour le Président de la République, d'exercer ce que l'on appelle
toujours, je crois, la grâce amnistiante.
A l'article 13 figurent des dispositions qui excluent, à bon droit, les
employeurs qui ont méconnu leurs obligations en matière de sécurité des
travailleurs. Dès lors, on se trouve dans une situation assez étrange :
l'employeur qui méconnaît les règles de sécurité dans le travail n'est pas
amnistié, ce qui est normal, mais celui qui commet une faute professionnelle
grave qui risque de faire exploser l'atelier, blesser ses voisins ou ses
collègues, etc., lui est amnistié.
Je propose donc qu'il n'y ait pas deux poids, deux mesures. Je sais bien que,
comme le disait Jean-Pierre Sueur cet après-midi, par définition, une loi
d'amnistie est une loi très inégalitaire. Mais nous touchons là à des sujets
dont nous avons longuement débattu ici, notamment à l'occasion de l'examen de
la proposition de notre collègue M. Fauchon. On ne peut pas se permettre
d'amnistier ce qui met en danger la vie d'autrui. On exclut cette possibilité
en matière de conduite automobile. On ne peut donc pas amnistier la faute
professionnelle grave qui a mis en danger la vie d'autrui et qui a justifié une
sanction.
Par conséquent, je propose de compléter le premier alinéa de l'article 10 par
les mots : « sauf dans les cas de mise en danger d'autrui. » Ainsi, que l'on
soit un employeur ou un salarié, si l'on a mis en danger la vie d'autrui, c'est
la même règle qui s'applique : on est exclu de l'amnistie
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Lucien Lanier,
rapporteur.
La commission émet un avis défavorable, dans la mesure où la
notion de mise en danger d'autrui est en réalité une notion de droit pénal. Or
l'article 10, dans lequel on veut l'introduire, traite exclusivement des fautes
passibles de sanctions disciplinaires ou professionnelles.
Par conséquent, l'amendement de M. Charasse n'a pas sa place à cet endroit, ce
qui explique la position de la commission.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Dominique Perben,
garde des sceaux.
J'ai le même avis que la commission.
S'il s'agit d'un délit, l'article 13 l'exclut ; s'il s'agit d'une faute
professionnelle, elle entre dans la catégorie des faits contraires à l'honneur
de la profession, et l'amnistie n'est pas possible non plus : quel que soit le
cas de figure, de telles conduites sont exclues de l'amnistie.
L'amendement est donc inutile.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 39.
M. Michel Charasse.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Michel Charasse.
M. Michel Charasse.
Ce que vient de dire M. le ministre est important, mais il a été clair sans
l'être totalement.
Si le ministre considère qu'une faute professionnelle mettant en cause la vie
d'autrui, même lorsqu'elle n'a pas été suivie d'une plainte au pénal - parce
que l'employeur, le dirigeant ou le patron se contente souvent, dans un premier
temps, d'une bonne sanction professionnelle - est un manquement à l'honneur
exclu en tant que tel de l'amnistie, alors je n'insiste pas. Mais si l'on doit
amnistier des fautes de cette nature, qui sont des fautes graves !...
Je connais dans mon département plusieurs entreprises où il est arrivé que des
employés commettent des fautes graves, des fautes lourdes, risquant par exemple
de flanquer le feu à l'établissement : on ne peut pas amnistier ce genre
d'agissements ! Et ce n'est pas parce qu'une telle faute n'a pas été suivie
d'une plainte au pénal qu'il faut passer l'éponge sur la sanction disciplinaire
!
M. le président.
Monsieur Charasse, est-ce à dire que vous êtes prêt à retirer cet amendement
?
M. Michel Charasse.
Cela veut dire, monsieur le président, que si le ministre opine, comme
l'écrirait le
Journal officiel (Sourires)
,...
M. Dominique Perben,
garde des sceaux.
On peut même dire que le ministre acquiesce
explicitement !
M. Michel Charasse.
... je retire mon amendement !
M. le président.
L'amendement n° 39 est retiré.
L'amendement n° 19, présenté par M. Cointat, Mme Brisepierre, MM. Del Picchia,
Duvernois et Guerry, est ainsi libellé :
« Après le premier alinéa de l'article 10, insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Sont également comprises dans les dispositions de l'alinéa précédent les
sanctions disciplinaires prononcées à l'encontre des élèves par des
établissements d'enseignement français à l'étranger visés à l'article L. 451-1
du code de l'éducation ou entrant dans le champ de compétence de l'Agence pour
l'enseignement français à l'étranger visé aux articles L. 452-2 à L. 452-5
dudit code. »
La parole est à M. Christian Cointat.
M. Christian Cointat.
L'amnistie couvre les sanctions administratives, ce qui inclut les sanctions
disciplinaires prises dans les établissements d'enseignement français. Or la
France dispose d'établissements d'enseignement également hors de son
territoire.
Il est donc nécessaire d'assurer une égalité de traitement entre tous les
élèves, et ce d'autant plus que des sanctions disciplinaires prononcées à
l'étranger - notamment l'exclusion d'un établissement, qu'elle soit temporaire
ou de longue durée - peuvent avoir des conséquences extrêmement graves pour
l'enfant qui en est l'objet.
Or le Conseil d'Etat, selon une ordonnance de référé d'avril dernier, ne
reconnaît pas aux sanctions prises par un établissement relevant de l'Agence
pour l'enseignement français à l'étranger, l'AEFE, le caractère d'actes
administratifs susceptibles d'être attaqués pour excès de pouvoir. On peut donc
s'interroger sur l'application du projet de loi que nous examinons à ces
établissements, qui, du fait de leur statut, sont couverts par les articles L.
452-3 et L. 452-4 du code de l'éducation : l'article L. 452-3 vise les
établissements en gestion directe, qui relèvent du service public et ne
devraient pas poser de difficulté, tandis que l'article L. 452-4 est relatif
aux établissements conventionnés par l'Agence. Or ces derniers établissements
sont des écoles de droit privé, même s'ils portent le nom de lycées et sont
totalement soumis aux principes d'enseignement français. En particulier, les
livrets scolaires sont les mêmes que dans les établissements de l'éducation
nationale et donnent accès aux mêmes écoles françaises, qu'elles soient en
France ou à l'étranger.
L'amendement n° 19 vise donc à éviter toute discrimination à l'égard des
jeunes Français de l'étranger scolarisés dans un établissement du réseau
français, quel que soit son statut, et c'est pourquoi je vous demande de bien
vouloir l'approuver.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Lucien Lanier,
rapporteur.
La commission a écouté M. Cointat avec intérêt et a prêté une
grande attention à ses arguments. Cependant, avant de se prononcer, elle
souhaiterait entendre l'avis du Gouvernement, car elle se demande si ce point
ne risque pas d'avoir des conséquences au-delà des établissements français
d'enseignement.
Dans le cas contraire, si la question soulevée ne concerne que les
établissements français d'enseignement, les propos de M. Cointat prennent toute
leur valeur et sont des arguments de sagesse.
M. le président.
Quel est donc l'avis du Gouvernement ?
M. Dominique Perben,
garde des sceaux.
Si tous les établissements d'enseignement français à
l'étranger relevaient de l'éducation nationale, votre amendement serait sans
objet, monsieur le sénateur, et c'est l'argument que je m'apprêtais à vous
opposer.
Mais vous avez évoqué le cas des établissements qui, selon le Conseil d'Etat,
n'entrent pas dans le cadre de l'enseignement public parce qu'ils sont régis
par contrat et dont les décisions sont d'une nature différente, ce qui m'amène
à revenir sur ma position initiale.
Il semble en effet plus prudent d'être explicite et de ne laisser subsister
aucun doute dans le texte de la loi.
M. le président.
Quel est maintenant l'avis de la commission ?
M. Lucien Lanier,
rapporteur.
Favorable.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 19.
M. Michel Charasse.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Michel Charasse.
M. Michel Charasse.
Si je comprends bien, M. Cointat propose d'étendre aux établissements français
à l'étranger une mesure qui lui paraît se déduire des dispositions de l'article
10, de façon que toutes les sanctions disciplinaires prononcées dans les
établissements publics - et, je suppose, dans les établissements privés sous
contrat, mais ce point n'est pas clair - soient amnistiées.
Est-ce à dire, monsieur le ministre, qu'un élève qui a été mis à la porte d'un
collège ou d'un lycée, après de nombreux avertissements, parce qu'il était
vraiment trop turbulent et qu'il dérangeait trop peut revenir demain dans son
établissement taper à la porte et se faire réinscrire ?
M. Christian Cointat.
Non !
M. Michel Charasse.
Si ! A la prochaine rentrée scolaire, il peut revenir !
Cela veut dire qu'à l'étranger, par exemple - il m'arrive, M. Cointat le sait,
de visiter moi aussi des établissements français à l'étranger dans le cadre de
la mission de contrôle de la commission des finances -, si un élève est exclu
parce que l'on considère qu'il a des relations assez fortes avec des milieux
terroristes dangereux, il est amnistié !
Je ne suis pas contre l'amendement de M. Cointat, mais je veux comprendre : je
veux savoir ce qui attend les principaux de collèges ou les proviseurs de
lycées en France, à la rentrée, si toutes les sanctions disciplinaires
d'exclusion sont amnistiées. Sans même parler de l'enseignement privé sous
contrat, où j'ignore ce qu'il adviendra, je pose également la question pour les
établissements français à l'étranger, lorsque des élèves, comme cela peut se
produire dans certains pays sensibles, auront été exclus en raison de relations
un peu trop fortes avec des milieux terroristes risquant de contaminer
l'établissement ou de perturber gravement son bon fonctionnement. Devra-t-on
les accepter de nouveau à la prochaine rentrée scolaire ? Je pose ces
questions, auxquelles on n'a pas forcément envie de répondre.
Quelle que soit ma sympathie - et elle est grande - pour mes collègues
représentant les Français de l'étranger, j'hésite un peu à voter l'amendement
n° 19, car je crains de donner l'impression d'approuver ce qui se passerait
dans les établissements français en France.
M. Christian Cointat.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Christian Cointat.
M. Christian Cointat.
Il ne faut pas confondre une sanction disciplinaire avec la sanction pénale
d'une action ou d'un délit pour terrorisme. Cela n'a rien à voir !
Je voudrais vous donner lecture du texte de la circulaire du ministère de
l'éducation nationale, qui concerne, bien entendu, les précédentes lois
d'amnistie et qui s'applique aux établissements français, qu'ils soient publics
ou privés sous contrat, c'est-à-dire conventionnés, le Conseil constitutionnel
ayant reconnu, le 3 juillet 1988, que l'amnistie pouvait également s'appliquer
aux établissements privés : « Il est rappelé que les lois d'amnistie concernent
aussi les sanctions administratives et donc les sanctions disciplinaires
prononcées par une autorité administrative. Elles entraînent l'effacement des
sanctions prononcées. Les faits commis avant la date qu'elle fixe ne peuvent
plus faire l'objet de poursuites disciplinaires. Les sanctions prononcées avant
son entrée en vigueur sont regardées comme n'étant pas intervenues, de sorte
que si un élève qui a fait l'objet d'une exclusion définitive d'un
établissement sollicite une nouvelle inscription, cette demande ne peut être
rejetée au motif de ladite sanction, à laquelle l'administration ne peut plus
faire référence. »
L'amendement n° 19 tend donc à introduire une égalité de traitement, dont
l'absence aurait des conséquences beaucoup plus graves à l'étranger. En France,
un élève peut toujours s'inscrire dans un autre établissement, car l'école est
obligatoire jusqu'à l'âge de seize ans. A l'étranger, en revanche, même si
notre réseau est très performant et très étendu par rapport à celui d'autres
pays, nos compatriotes ne peuvent guère espérer mieux qu'une école sur le lieu
de leur résidence. Si l'enfant ne peut pas s'y réinscrire - ce qui peut arriver
dans certains établissements où règne une très grande sévérité, que je ne
condamne pas, mais qui dépasse parfois ce qui se pratique habituellement -, son
choix sera simple : ou bien il rentrera en France, ce qui pose des problèmes
s'il est très jeune, ou bien il suivra les cours d'enseignement à distance ; et
là !...
Soyons logiques : si nous acceptons ce dispositif pour le territoire français,
nous devons l'accepter pour nos établissements à l'étranger ; si nous le
rejetons pour le territoire français, nous devons le rejeter pour nos
établissements à l'étranger.
M. Michel Charasse.
Absolument !
M. Christian Cointat.
Puisqu'il est accepté et que tout le monde reconnaît qu'il s'applique, je vous
demande simplement, mes chers collègues, d'instaurer une égalité de traitement
qui me paraît relever de la plus simple justice.
M. le président.
Monsieur Charasse, vos appréhensions sont-elles apaisées ?
M. Michel Charasse.
Je ne reproche nullement à M. Cointat de vouloir aligner la situation des
établissements français à l'étranger sur celle des établissements en France. De
ce point de vue, le principe d'égalité doit s'appliquer.
Ce que je conteste, c'est l'application dans les mêmes termes de la circulaire
de 1988 que M. Cointat nous a lue, qui risque de permettre à un élève qui a été
exclu - et je vous prie de croire que l'exclusion d'un élève est peu fréquente,
qu'elle est longue et difficile à obtenir et qu'il faut batailler pendant des
semaines - de revenir à la rentrée flanquer la pagaille dans son établissement.
Je n'y suis pas favorable. Je souhaite que nous y réfléchissions à deux fois
avant de voter l'article 10, et je pense que, pour nous laisser le temps de la
réflexion, il serait opportun de repousser cet article afin que la commission
mixte paritaire puisse trancher ce point.
Pour ma part, je voterai contre l'article 10.
M. Lucien Lanier,
rapporteur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Lucien Lanier,
rapporteur.
J'avais souligné tout à l'heure que les arguments de M.
Cointat avaient frappé la commission, qui y avait porté un grand intérêt.
Je précise que rien n'oblige l'établissement à reprendre l'élève qui aurait
été amnistié, monsieur Charasse, et qu'il reste libre, malgré l'amnistie de
l'élève, de ne pas le réintégrer à la rentrée suivante. Il ne faut donc pas
porter attention aux seuls faits exceptionnels, et je vous ferai la réponse de
Pyrrhus dans
Andromaque :
« Seigneur, trop de soucis entraînent trop de
soins, je ne sais pas prévoir les malheurs de si loin. »
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° 19.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
L'amendement n° 40, présenté par M. Charasse, est ainsi libellé :
« Après les mots : ", à la probité,", rédiger comme suit la fin de la première
phrase du dernier alinéa de l'article 10 : "aux règles relatives à la mise en
cause de la République, de l'autorité de l'Etat ou de l'autorité publique ou
aux bonnes moeurs". »
La parole est à M. Michel Charasse.
M. Michel Charasse.
En réalité, il s'agit plutôt d'un amendement d'appel.
Il me paraissait en effet difficile que le Président de la République puisse
accorder la grâce amnistiante à une personne qui aurait manqué « aux règles
relatives à la mise en cause de la République, de l'autorité de l'Etat ou de
l'autorité publique ou aux bonnes moeurs ». Mais puisque les manquements à
l'honneur figurent dans le projet de loi, si l'on peut considérer qu'ils
recouvrent les cas que je viens de citer, monsieur le garde des sceaux, je
n'insisterai pas.
M. Dominique Perben,
garde des sceaux.
Il en est bien ainsi !
M. Michel Charasse.
Je retire donc mon amendement.
M. le président.
L'amendement n° 40 est retiré.
M. Michel Charasse.
Je vote contre !
Je mets aux voix l'article 10, modifié.
(L'article 10 est adopté.)
Article 11
M. le président.
« Art. 11. - Sont amnistiés, dans les conditions prévues à l'article 10, les
faits retenus ou susceptibles d'être retenus comme motifs de sanctions
prononcées par un employeur.
« L'inspection du travail veille à ce qu'il ne puisse être fait état des faits
amnistiés. A cet effet, elle s'assure du retrait des mentions relatives à ces
sanctions dans les dossiers de toute nature concernant les travailleurs qui
bénéficient de l'amnistie.
« Les règles de compétence applicables au contentieux des sanctions sont
applicables au contentieux de l'amnistie. »
L'amendement n° 53, présenté par MM. Fischer et Muzeau, Mme Borvo, M. Bret,
Mme Mathon et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est
ainsi libellé :
« Après le premier alinéa de l'article 11, insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Pour les faits amnistiés, l'autorisation de licenciement est refusée par
l'inspecteur du travail ou le ministre concerné, lorsque les procédures de
demandes de licenciements de représentants du personnel, déposées auprès de la
DDTE ou du ministère sont en cours ou lorsque les recours engagés n'ont pas
donné lieu à une décision exécutoire définitive. Dans le cas où l'autorité
administrative concernée a refusé l'autorisation de licenciement, le recours
contentieux de l'employeur devient sans objet lorsque les fautes invoquées
comme motif de licenciement sont amnistiées. »
La parole est à M. Guy Fischer.
M. Guy Fischer.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'amendement
n° 53, dont la formulation est explicite, vise à renforcer l'amnistie des
sanctions prises dans l'entreprise à l'encontre des représentants du
personnel.
Il s'agit, lorsque les faits à l'origine d'une procédure de licenciement sont
amnistiés, d'interrompre cette dernière, qui devient nulle et non avenue.
Nous aurons l'occasion de revenir sur la question de la réintégration, étant
précisé qu'avec le présent amendement nous abordons la question de salariés
dont le sort est en suspens.
L'amnistie prend ici tout son sens. C'est la raison pour laquelle nous vous
proposons d'adopter cet amendement de justice soicale.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Lucien Lanier,
rapporteur.
La commission n'est pas favorable à cet amendement qui ne lui
semble pas très utile. En effet, il vise à préciser que l'amnistie fait «
tomber » les procédures de licenciement en cours. Or, le présent projet de loi,
comme tous ceux qui l'ont précédé, interdit expressément de faire état des
faits amnistiés. A quoi sert dès lors l'amendement ?
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Dominique Perben,
garde des sceaux.
Le Gouvernement est défavorable à cet amendement, qui
est soit juridiquement inutile, soit juridiquement inacceptable.
En effet, si une procédure de licenciement en cours contre un salarié protégé
est fondée sur une faute professionnelle amnistiée, elle devra naturellement
s'interrompre, auquel cas il n'est pas nécessaire de l'indiquer.
Il est toujours possible, en revanche, qu'une contestation s'élève soit sur le
fait que l'amnistie s'applique, soit sur le fait que le licenciement résulte
d'une faute amnistiée. La faute à l'origine de la procédure de licenciement
peut être exclue de l'amnistie si elle est contraire à l'honneur - nous en
avons parlé tout à l'heure - ou s'il y a eu condamnation pénale non
amnistiée.
En outre, le licenciement peut être justifié, non par une faute amnistiée,
mais par une grave insuffisance professionnelle, distinction traditionnelle
opérée par la chambre sociale de la Cour de cassation.
Il n'est donc pas possible de dire, comme le fait l'amendement, que le recours
contentieux de l'employeur devient sans objet puisqu'il faudra bien que la
juridiction saisie examine les éventuelles contestations.
Si l'amnistie a joué et que la demande de licenciement du salarié protégé
avait pour seule cause la faute amnistiée, le recours sera alors,
naturellement, rejeté.
Pour cet ensemble de raisons, il me semble évident que cet amendement doit
être repoussé.
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° 53.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
Je mets aux voix l'article 11.
(L'article 11 est adopté.)
Article 12
M. le président.
« Art. 12. - Les contestations relatives au bénéfice de l'amnistie des
sanctions disciplinaires ou professionnelles définitives sont portées devant
l'autorité ou la juridiction qui a rendu la décision.
« L'intéressé peut saisir cette autorité ou juridiction en vue de faire
constater que le bénéfice de l'amnistie lui est effectivement acquis.
« En l'absence de décision définitive, ces contestations sont soumises à
l'autorité ou à la juridiction saisie de la poursuite.
« L'exécution de la sanction est suspendue jusqu'à ce qu'il ait été statué sur
la demande ; le recours contentieux contre la décision de rejet de la demande a
également un caractère suspensif.
« Toutefois, l'autorité ou la juridiction saisie de la demande ou du recours
peut, par décision spécialement motivée, ordonner l'exécution provisoire de la
sanction ; cette décision, lorsqu'elle relève de la compétence d'une
juridiction, peut, en cas d'urgence, être rendue par le président de cette
juridiction ou un de ses membres délégué à cet effet.
« L'autorité ou la juridiction saisie statue après avoir entendu la victime.
»
L'amendement n° 54, présenté par M. Fischer, Mme Borvo, M. Bret, Mme Mathon et
les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
« Après les mots : "de la sanction", supprimer la fin du cinquième alinéa de
l'article 12. »
La parole est à M. Guy Fischer.
M. Guy Fischer.
Avec cet amendement, nous vous proposons une nouvelle fois de garantir les
droits sociaux dans le cadre des procédures d'amnistie.
En l'occurrence, nous suggérons de maintenir le principe de la collégialité
pour toute décision d'application provisoire d'une sanction disciplinaire ou
professionnelle pourtant amnistiée.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Lucien Lanier,
rapporteur.
Cet amendement tend à supprimer la possibilité pour un juge
unique d'ordonner en cas d'urgence l'exécution provisoire d'une sanction
disciplinaire ou professionnelle dans le cadre d'une procédure de contestation
concernant le bénéfice de l'amnistie. Or il me paraît indispensable de
conserver cette disposition, qui avait d'ailleurs été retenue dans la loi
d'amnistie de 1995, car elle garantit souplesse et efficacité.
C'est la raison pour laquelle la commission a émis un avis défavorable sur
l'amendement n° 54.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Dominique Perben,
garde des sceaux.
Défavorable, pour la même raison.
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° 54.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
L'amendement n° 7, présenté par M. Lanier, au nom de la commission, est ainsi
libellé :
« Supprimer le dernier alinéa de l'article 12. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Lucien Lanier,
rapporteur.
L'article 12 décrit les procédures de contestation relatives
au bénéfice de l'amnistie des sanctions disciplinaires ou professionnelles.
L'Assemblée nationale a complété cet article par l'alinéa dont nous proposons
la suppression pour prévoir l'audition systématique de la victime par
l'autorité ou la juridiction qui est saisie de la contestation.
Cette exigence paraît sans objet dans la mesure où la sanction disciplinaire
ou professionnelle implique rarement l'existence d'une victime...
Mme Nicole Borvo.
Ah bon ?
M. Lucien Lanier,
rapporteur.
... et, lorsque victime il y a, celle-ci peut ne pas
souhaiter être entendue.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Dominique Perben,
garde des sceaux.
Favorable.
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° 7.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Je mets aux voix l'article 12, modifié.
(L'article 12 est adopté.)
Article additionnel après l'article 12
M. le président.
L'amendement n° 55, présenté par M. Fischer, Mme Borvo, M. Bret, Mme Mathon et
les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
« Après l'article 12, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« Par dérogation au premier alinéa de l'article 17, tout salarié qui depuis le
19 mai 1995 a été licencié pour une faute autre qu'une faute lourde, commise à
l'occasion de l'exercice de sa fonction de représentant élu du personnel, de
représentant syndical au comité d'entreprise ou de délégué syndical, peut
invoquer cette qualité, que l'autorisation administrative de licenciement ait
ou non été accordée, pour obtenir sa réintégration dans son emploi ou dans un
emploi équivalent chez le même employeur ou chez l'employeur qui lui a succédé,
en aplication de l'article L. 122-12 du code du travail.
« Il doit, à cet effet, présenter une demande dans un délai de trois mois à
compter de la promulgation de la présente loi.
« L'employeur est tenu, dans le mois qui suit la demande de réintégration, de
notifier à l'intéressé, soit qu'il accepte la réintégration, soit qu'il s'y
oppose. Dans ce dernier cas, il doit indiquer les motifs de sa décision et, en
même temps qu'il la notifie à l'intéressé, en adresser une copie à l'inspecteur
du travail. Avant de prendre sa décision, l'employeur consulte le comité
d'entreprise ou, à défaut, les délégués du personnel, s'il en existe, leur avis
étant communiqué à l'inspecteur du travail.
« Si l'inspecteur du travail estime que le refus de l'employeur n'est pas
justifié, il propose la réintégration. Sa proposition écrite et motivée est
communiquée aux parties.
« Le contentieux de la réintégration est soumis à la juridiction prud'homale
qui statue comme en matière de référé. Le salarié réintégré bénéficie pendant
six mois, à compter de sa réintégration effective, de la protection attachée
par la loi à son statut antérieur au licenciement. »
La parole est à M. Guy Fisher.
M. Guy Fischer.
Cet amendement est pour nous essentiel. En effet, assurer la réintégration du
salarié protégé licencié bénéficiaire du présent texte est la condition d'une
amnistie réelle.
Ne pas prévoir la réintégration des salariés constituerait en revanche une
véritable tartufferie. La conséquence essentielle de la sanction amnistiée
était le licenciement. Amnistier sans réintégrer, c'est donc maintenir la
sanction.
En 1981, la réintégration fut de plein droit. En 1988, le Conseil
constitutionnel est intervenu, en restreignant, à notre grand regret, le texte
voté par le Parlement mais en reconnaissant comme pleinement constitutionnel le
principe de la réintégration, à condition que le fait à l'origine du
licenciement n'ait pas été une faute lourde.
Notre position de fond est que tout salarié protégé licencié pour une faute
autre qu'une faute lourde doit être l'objet d'une réintégration, mais, par
souci d'efficacité, car nous connaissons la frilosité de la majorité
sénatoriale en ce domaine, nous vous proposons de reprendre les principes
validés par le Conseil constitutionnel en 1988.
J'ai constaté, monsieur le garde des sceaux, que, une fois encore, vous avez
assimilé à l'Assemblée nationale les délits commis par des salariés protégés
aux autres délits.
Vous avez ainsi déclaré : « L'amnistie, ce n'est pas cela : elle consiste à
effacer une faute, non à redonner des droits en plus de l'effacement de la
faute. Je pense que l'on ne peut pas faire une exception dans ce cas-là, sinon
on devrait le faire pour bien d'autres conséquences de la faute. »
Le groupe communiste républicain et citoyen n'accepte pas cet amalgame rapide,
car il connaît la dure réalité que vivent ces salariés qui consacrent leur vie
à la défense de leurs camarades de travail et qui sont touchés de manière
particulièrement brutale dans leur existence tant professionnelle que
familiale.
Notre amendement est donc un amendement
a minima :
pas de réintégration
de droit, renvoi à la justice prud'homale, pas de réintégration en cas de faute
lourde.
Je vous propose de l'adopter pour adresser un signe à ceux qui luttent contre
l'arbitraire patronal, toujours si présent dans l'entreprise.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Lucien Lanier,
rapporteur.
La commission est défavorable à cet amendement pour une bonne
raison : en vertu d'un principe traditionnel, l'amnistie n'a jamais donné droit
à la réintégration.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Dominique Perben,
garde des sceaux.
Défavorable.
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° 55.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Chapitre IV
Exclusions de l'amnistie
Article 13
M. le président.
« Art. 13. - Sont exclues du bénéfice de l'amnistie prévue par la présente loi
les infractions suivantes, qu'elles aient été reprochées à des personnes
physiques ou à des personnes morales :
« 1° Infractions en matière de terrorisme entrant dans le champ d'application
de l'article 706-16 du code de procédure pénale, y compris dans sa rédaction
applicable avant la loi n° 96-647 du 22 juillet 1996 tendant à renforcer la
répression du terrorisme, et même lorsque les faits sont antérieurs à l'entrée
en vigueur de la loi n° 86-1020 du 9 septembre 1986 relative à la lutte contre
le terrorisme ;
« 2° Délits de discrimination prévus par les articles 225-1 à 225-3 et 432-7
du code pénal et L. 123-1, L. 412-2 et L. 413-2 du code du travail ;
« 3° Atteintes volontaires à l'intégrité physique ou psychique d'un mineur de
quinze ans prévues par le 1° des articles 222-8, 222-10, 222-12, 222-13 et par
l'article 222-14 du code pénal ;
« 4° Délits de concussion, de prise illégale d'intérêts et de favoritisme,
ainsi que de corruption et de trafic d'influence, y compris en matière
européenne ou internationale, prévus par les articles 432-10 à 432-14, 433-1,
433-2, 433-3, 434-9, 435-1 à 435-4 et 441-8 du code pénal ainsi que les délits
de faux prévus par les articles 441-1 à 441-4, 441-9 et 441-12 du code pénal
;
« 4°
bis
Délits d'abus de biens sociaux prévus par les articles L.
241-3, L. 242-6, L. 242-30, L. 243-1, L. 244-1 et L. 247-8 du code de commerce
ainsi que les articles L. 231-11 du code monétaire et financier pour les
sociétés civiles faisant appel public à l'épargne, L. 328-3 du code des
assurances pour les entreprises d'assurance, 22 de la loi n° 83-557 du 1er
juillet 1983 portant réforme des caisses d'épargne et de prévoyance pour les
caisses d'épargne, 26 de la loi n° 47-1775 du 10 septembre 1947 portant statut
de la coopération pour les coopératives, L. 313-32 du code de la construction
et de l'habitation pour les organismes de collecte de la participation des
employeurs à l'effort de construction et L. 241-6 du code de la construction et
de l'habitation pour les sociétés de construction, ainsi que les délits de
banqueroute par détournement d'actifs prévus par les articles L. 626-1 à L.
626-5 du code de commerce, le recel d'actifs détournés prévu par les articles
L. 626-10 et L. 626-12 du code de commerce et les délits d'abus de confiance
simple ou aggravé prévus par les articles 314-1 à 314-12 du code pénal ;
« 5° Délits d'abandon de famille prévus par les articles 227-3 et 227-4 du
code pénal ;
« 6° Sous réserve des dispositions du 2° de l'article 3, infractions prévues
par les articles L. 335-2 à L. 335-5, L. 521-4, L. 521-6, L. 615-12 à L.
615-16, L. 623-32, L. 623-34, L. 623-35, L. 716-9 à L. 716-11 et L. 716-12 du
code de la propriété intellectuelle ;
« 7° Infractions prévues par les articles L. 86 à L. 88, L. 91 à L. 109, L.
111, L. 113 et aux premier et deuxième alinéas de l'article L. 116 du code
électoral ;
« 8° Lorsqu'elles sont commises à l'occasion de la conduite d'un véhicule,
infractions d'atteintes involontaires à la vie ou à l'intégrité de la personne
et de risques causés à autrui prévues par les articles 221-6, 222-19, 222-20,
223-1, R. 625-2 et R. 625-3 du code pénal ;
« 9° Délits et contraventions des cinquième, quatrième et troisième classes
prévus par le code de la route, y compris le délit de fuite ; contraventions de
la deuxième classe du code de la route relatives à la conduite ou à
l'équipement des véhicules ; contraventions de la deuxième classe réprimant
l'arrêt ou le stationnement gênant prévues par les troisième à sixième alinéas
(1° à 4°), huitième et neuvième alinéas (6° et 7°) et douzième alinéa (2°) de
l'article R. 37-1, le troisième alinéa de l'article R. 43-6 et les quatrième et
sixième alinéas de l'article R. 233-1 du code de la route dans leur rédaction
applicable avant l'entrée en vigueur du décret n° 2001-250 du 22 mars 2001
relatif à la partie Réglementaire du code de la route, et par les 1° à 4° et 6°
à 9° du II et 2° du III de l'article R. 417-10 du code de la route ;
« 10° Délits de harcèlement sexuel et de harcèlement moral prévus par les
articles 222-33 et 222-33-2 du code pénal ;
« 11° Infractions en matière de trafic de stupéfiants prévues par les articles
222-34 à 222-40 du code pénal ;
« 12° Infractions à la législation et à la réglementation en matières
douanière, fiscale et de relations financières avec l'étranger ;
« 13° Infractions prévues par les articles 19, 21 et 27 de l'ordonnance n°
45-2658 du 2 novembre 1945 relative aux conditions d'entrée et de séjour des
étrangers en France ;
« 14° Délits relatifs au marchandage, au travail dissimulé, à l'introduction
ou à l'emploi de main-d'oeuvre étrangère et à l'obstacle à l'accomplissement
des devoirs d'un inspecteur ou d'un contrôleur du travail prévus par les
articles L. 125-1, L. 125-3, L. 152-3, L. 324-9, L. 362-3, L. 364-1 à L. 364-6,
L. 631-1 et L. 631-2 du code du travail ;
« 14°
bis
Infractions d'atteinte à l'exercice du droit syndical prévues
par l'article L. 481-2 du code du travail ;
« 14°
ter
Infractions d'atteinte à la législation et à la
réglementation en matière d'institutions représentatives du personnel dans les
entreprises, prévues par les articles L. 482-1 et L. 483-1 et suivants du code
du travail ;
« 14°
quater
Infractions d'atteinte à la législation et à la
réglementation en matière de comités d'hygiène, de sécurité et des conditions
de travail, prévues par l'article L. 263-2-2 du code du travail ;
« 15° Infractions aux règlements (CEE) n° 3820/85 du Conseil du 20 décembre
1985 relatif à l'harmonisation de certaines dispositions en matière sociale
dans le domaine des transports par route et n° 3821/85 du Conseil du 20
décembre 1985 concernant l'appareil de contrôle dans le domaine des transports
par route, au décret n° 86-1130 du 17 octobre 1986 et à l'ordonnance n° 58-1310
du 23 décembre 1958 concernant les conditions de travail dans les transports
routiers publics et privés en vue d'assurer la sécurité de la circulation
routière ;
« 16° Délits d'apologie des crimes de guerre, des crimes contre l'humanité et
des crimes et délits de collaboration avec l'ennemi prévus par le cinquième
alinéa de l'article 24 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse
ainsi que les délits prévus par le sixième alinéa et par le huitième alinéa du
même article, par l'article 24
bis,
par le deuxième alinéa de l'article
32 et par le troisième alinéa de l'article 33 de ladite loi ;
« 17° Délits de violation de sépulture prévus par les articles 225-17 et
225-18 du code pénal, ainsi que les infractions constituées par la dégradation
de monuments élevés à la mémoire des combattants, fusillés, déportés et
victimes de guerre ;
« 18° Délits d'usurpation d'identité prévus par l'article 434-23 du code pénal
et délits d'usurpation de titres prévus par l'article 433-17 du code pénal ;
« 19° Infractions d'exercice illégal de certaines professions de santé ou
d'usurpation de titre concernant ces professions prévues aux articles L. 376,
L. 378, L. 483-1, L. 501, L. 504-11, L. 504-15, L. 514-2 et L. 517 du code de
la santé publique dans leur rédaction applicable avant l'entrée en vigueur de
l'ordonnance n° 2000-548 du 15 juin 2000 relative à la partie Législative du
code de la santé publique, et aux articles L. 4161-5, L. 4162-1, L. 4162-2, L.
4223-2, L. 4314-4, L. 4323-4, L. 4334-1, L. 4353-1 et L. 4223-1 du code de la
santé publique ;
« 20° Délits en matière de patrimoine prévus par la loi du 31 décembre 1913
sur les monuments historiques ou définis par les articles L. 313-1 à L. 313-3
du code de l'urbanisme et réprimés par les articles L. 313-11 et L. 480-4 de ce
code ;
« 21° Délits prévus par le code de l'environnement ainsi que par les
dispositions législatives applicables avant l'entrée en vigueur de l'ordonnance
n° 2000-914 du 18 septembre 2000 relative à la partie Législative du code de
l'environnement et qui ont été reprises dans ce code à compter de cette date
;
« 22° Délits prévus par les articles 17 et 31 de l'ordonnance n° 86-1243 du
1er décembre 1986 relative à la liberté des prix et de la concurrence dans leur
rédaction applicable avant l'entrée en vigueur de l'ordonnance n° 2000-912 du
18 septembre 2000 relative à la partie Législative du code de commerce et par
les articles L. 420-6, L. 441-3 et L. 441-4 du code de commerce ;
« 23° Délits prévus par les articles 10-1 et 10-3 de l'ordonnance n° 67-833 du
28 septembre 1967 instituant une commission des opérations de bourse et
relative à l'information des porteurs de valeurs mobilières et à la publicité
de certaines opérations de bourse dans leur rédaction applicable avant l'entrée
en vigueur de l'ordonnance n° 2000-1223 du 14 décembre 2000 relative à la
partie Législative du code monétaire et financier et par les articles L. 465-1
et L. 465-2 de ce code ;
« 24° Délits d'entrave à l'interruption volontaire de grossesse et
d'interruption illégale de la grossesse prévus par les articles L. 162-15 et L.
647 du code de la santé publique dans leur rédaction applicable avant l'entrée
en vigueur de l'ordonnance n° 2000-548 du 15 juin 2000 précitée et par les
articles L. 2222-2, L. 2222-4 et L. 2223-2 du code de la santé publique ainsi
que les articles 223-10 à 223-12 du code pénal ;
« 25° Délits de violences, d'outrage, de rébellion, de diffamation et
d'injures commises à l'encontre d'une personne dépositaire de l'autorité
publique ou chargée d'une mission de service public, prévus par le 4° des
articles 222-8, 222-10, 222-12, 222-13, par les articles 433-5 à 433-8 et
434-24 du code pénal, par l'article 30, par le premier alinéa des articles 31
et 33 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse et par les
articles 25 et 26 de la loi du 15 juillet 1845 sur la police des chemins de fer
;
« 26° Délit de discrédit porté sur une décision judiciaire prévu par l'article
434-25 du code pénal ;
« 27° Infractions de nature sexuelle ou commises contre des mineurs
mentionnées à l'article 706-47 du code de procédure pénale ;
« 28° Délits d'abus frauduleux de l'état d'ignorance ou de faiblesse prévus
par l'article 223-15-2 du code pénal ;
« 28°
bis
Délits constitués par une atteinte aux droits des personnes
résultant de la constitution de fichiers ou de l'utilisation de traitements
informatiques, prévus par les articles 226-16 à 226-23 du code pénal ;
« 29° Lorsqu'elles sont commises par un employeur ou son représentant en
raison de manquements aux obligations qui lui incombent en application des
dispositions de la législation et de la réglementation du travail en matière de
santé et de sécurité des travailleurs, infractions d'atteintes involontaires à
la vie ou à l'intégrité de la personne et de risques causés à autrui prévues
par les articles 221-6, 222-19, 222-20, 223-1, R. 625-2 et R. 625-3 du code
pénal, ainsi que le délit prévu par l'article L. 263-2 du code du travail ;
« 30° Délits de recours à la prostitution d'un mineur prévus par les articles
225-12-1 et 225-12-2 du code pénal ;
« 31° Délits de destructions, dégradations ou détériorations aggravées prévus
par les articles 322-2 et 322-3 du code pénal et délits prévus par l'article 21
de la loi du 15 juillet 1845 sur la police des chemins de fer et par l'article
73 du décret n° 42-730 du 22 mars 1942 portant règlement d'administration
publique sur la police, la sûreté et l'exploitation des voies ferrées d'intérêt
général et d'intérêt local ;
« 32° Délits de défaut habituel de titre de transport prévus par l'article
24-1 de la loi du 15 juillet 1845 sur la police des chemins de fer ;
« 33° Délits d'association de malfaiteurs prévus par l'article 450-1 du code
pénal ;
« 33°
bis
Délits de blanchiment prévus par les articles 324-1 à 324-6
du code pénal ;
« 34° Délits de proxénétisme prévus par les articles 225-5 à 225-11 du code
pénal ;
« 34°
bis
Délits aggravés de soustraction d'enfants prévus par
l'article 227-9 du code pénal ;
« 35° Infractions en matière de fausse monnaie prévues par les articles 442-1
à 442-8 du code pénal ;
« 36° Infractions prévues par le décret du 18 avril 1939 fixant le régime des
matériels de guerre, armes et munitions ;
« 37° Contraventions de police ayant fait l'objet de la procédure de
l'opposition au transfert du certificat d'immatriculation prévue à l'article L.
27-4 du code de la route, dans sa rédaction applicable avant l'entrée en
vigueur de l'ordonnance n° 2000-930 du 22 septembre 2000 relative à la partie
Législative du code de la route et à l'article L. 322-1 de ce code ;
« 38° Infractions portant atteinte à la sécurité des manifestations sportives
mentionnées aux articles 42-4 à 42-10 de la loi n° 84-610 du 16 juillet 1984
relative à l'organisation et à la promotion des activités physiques et
sportives ;
« 39° Délits en matière de produits dopants prévus par l'article 27 de la loi
n° 99-223 du 23 mars 1999 relative à la protection de la santé des sportifs et
à la lutte contre le dopage et par les articles L. 3633-2 à L. 3633-4 du code
de la santé publique ;
« 40° Délits et contraventions de la cinquième classe commis en état de
récidive légale ;
« 41° Faits ayant donné lieu ou qui donneront lieu à des sanctions
disciplinaires ou professionnelles prononcées par la Commission bancaire, la
Commission des opérations de bourse, le Conseil des marchés financiers, le
Conseil de discipline de la gestion financière, la Commission de contrôle des
assurances et la Commission de contrôle des mutuelles et des institutions de
prévoyance ;
« 42° Sévices graves ou acte de cruauté envers un animal prévus à l'article
521-1 du code pénal. »
L'amendement n° 8, présenté par M. Lanier, au nom de la commission, est ainsi
libellé :
« Au quatrième alinéa (3°) de l'article 13, remplacer les mots : "prévues par
les 1° » par les mots : "ou d'une personne particulièrement vulnérable prévues
par les 1° et 2°." »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Lucien Lanier,
rapporteur.
La commission vous propose ici un amendement qu'elle avait
déjà présenté lors de l'examen de la loi d'amnistie de 1995. J'étais d'ailleurs
particulièrement attaché à cet amendement.
Il s'agit d'exclure du bénéfice de l'amnistie non seulement les atteintes
volontaires à l'intégrité physique ou psychique des mineurs de quinze ans, mais
aussi les atteintes à l'intégrité physique ou psychique des personnes
particulièrement vulnérables, telles les personnes âgées, les personnes
handicapées, les femmes enceintes, etc.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Dominique Perben,
garde des sceaux.
Favorable.
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° 8.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
L'amendement n° 9, présenté par M. Lanier, au nom de la commission, est ainsi
libellé :
« Au quatrième alinéa (3°) de l'article 13, remplacer les mots : "par
l'article 222-14" par les mots : "par les articles 222-14 et 222-15". »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Lucien Lanier,
rapporteur.
Le quatrième alinéa de l'article 13 exclut de l'amnistie les
atteintes à l'intégrité physique ou psychique des mineurs de quinze ans ainsi
que, grâce à l'adoption d'un amendement de la commission, des personnes
particulièrement vulnérables. Dans un souci de cohérence, il convient, nous
semble-t-il, de viser également l'administration de substances nuisibles à ces
mêmes catégories de personnes.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Dominique Perben,
garde des sceaux.
Favorable.
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° 9.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
L'amendement n° 10, présenté par M. Lanier, au nom de la commission, est ainsi
libellé :
« A la fin du cinquième alinéa (4°) de l'article 13, remplacer les mots :
"441-4, 441-9 et 441-12 du code pénal" par les mots : "441-4 et 441-9 du code
pénal". »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Lucien Lanier,
rapporteur.
La commission propose la suppression d'une référence inutile
: l'amnistie des personnes morales étant prévue par l'article 1er du projet de
loi, il ne nous semble pas qu'il y ait lieu, au 4° de l'article 13, de faire
référence à l'article 441-12 du code pénal, qui définit la responsabilité
pénale des personnes morales en matière de délits de faux et usage de faux.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Dominique Perben,
garde des sceaux.
Favorable.
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° 10.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Il me semble, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur,
que vous souhaitez que le Sénat interrompe maintenant ses travaux.
M. René Garrec,
président de la commission des lois.
En effet, monsieur le président.
J'ai convoqué la commission à huit heures demain matin, et il paraît donc
souhaitable de ne pas trop prolonger nos débats ce soir.
M. le président.
Il reste trente-huit amendements à étudier ; nous devrions pouvoir achever
demain sans trop de difficulté l'examen de ce texte.
La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.
12
DÉPÔT D'UNE PROPOSITION DE LOI
M. le président.
J'ai reçu de M. Christian Cointat une proposition de loi relative aux jardins
familiaux et aux jardins d'insertion.
La proposition de loi sera imprimée sous le n° 368, distribuée et renvoyée à
la commission des affaires économiques et du Plan, sous réserve de la
constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues
par le règlement.
13
RENVOI POUR AVIS
M. le président.
J'informe le Sénat que le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale
après déclaration d'urgence (n° 365, 2001-2002), d'orientation et de
programmation pour la sécurité intérieure, dont la commission des lois
constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et
d'administration générale est saisie au fond est renvoyé pour avis, à leur
demande et sur décision de la conférence des présidents, à la commission des
affaires étrangères, de la défense et des forces armées et à la commission des
finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation.
14
TEXTES SOUMIS AU SÉNAT
EN APPLICATION DE L'ARTICLE 88-4
DE LA CONSTITUTION
M. le président.
J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le
Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
Communication du Royaume de Danemark : initiative du Royaume de Danemark en
vue de l'adoption par le Conseil d'un projet de décision-cadre relative à la
lutte contre la corruption dans le secteur privé : note de transmission de M.P.
Skytte Christoffersen, ambassadeur, représentant permanent en date du 13 juin
2002 à M. Javier Solana, secrétaire général/haut représentant de l'Union
européenne.
Ce texte sera imprimé sous le numéro E-2058 et distribué.
J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le
Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
Communication du Royaume de Danemark : initiative du Royaume de Danemark en
vue de l'adoption par le Conseil d'un projet de décision-cadre relative à
l'exécution dans l'Union européenne des décisions de confiscation : note de
transmission de M.P. Skytte Christoffersen, ambassadeur, représentant permanent
en date du 13 juin 2002 à M. Javier Solana, secrétaire général/haut
représentant de l'Union européenne.
Ce texte sera imprimé sous le numéro E-2059 et distribué.
J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le
Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
Communication du Royaume de Danemark : initiative du Royaume de Danemark en
vue de l'adoption par le Conseil d'un projet de décision-cadre relative à la
confiscation des produits des instruments et des biens du crime : note de
transmission de M.P. Skytte Christoffersen, ambassadeur, représentant permanent
en date du 13 juin 2002 à M. Javier Solana, secrétaire général/haut
représentant de l'Union européenne.
Ce texte sera imprimé sous le numéro E-2060 et distribué.
J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le
Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
Proposition de règlement du Conseil portant règlement financier applicable au
9e Fonds européen de développement.
Ce texte sera imprimé sous le numéro E-2061 et distribué.
15
DÉPÔTS RATTACHÉS POUR ORDRE
AU PROCÈS-VERBAL DE LA SÉANCE
DU 17 JUILLET 2002
DÉPÔT DE PROJETS DE LOI
M. le président.
M. le président du Sénat a reçu le 18 juillet 2002 de M. le Premier ministre
un projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, après déclaration
d'urgence, d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure.
Ce projet de loi sera imprimé sous le numéro 365, distribué et renvoyé à la
commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel,
du règlement et d'administration générale, sous réserve de la constitution
éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le
règlement.
M. le président du Sénat a reçu le 19 juillet 2002 de M. le Premier ministre
un projet de loi de finances rectificative pour 2002, adopté par l'Assemblée
nationale.
Ce projet de loi sera imprimé sous le numéro 367, distribué et renvoyé à la
commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de
la nation, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale
dans les conditions prévues par le règlement.
TEXTES SOUMIS EN APPLICATION DE L'ARTICLE 88-4
DE LA CONSTITUTION
M. le président.
M. le président du Sénat a reçu le 19 juillet 2002 de M. le Premier ministre
le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de
l'article 88-4 de la Constitution :
- proposition de directive du Parlement européen et du Conseil concernant
certains aspects de l'aménagement du temps de travail.
Ce texte sera imprimé sous le numéro E-2056 et distribué.
M. le président du Sénat a reçu le 19 juillet 2002 de M. le Premier ministre
le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de
l'article 88-4 de la Constitution :
- communication de la Commission. Le dialogue social européen, force de
modernisation et de changement. Proposition de décision du Conseil créant un
sommet social tripartite pour la croissance et l'emploi.
Ce texte sera imprimé sous le numéro E-2057 et distribué.
DÉPÔT D'UN RAPPORT D'INFORMATION
M. le président.
M. le président du Sénat a reçu le 18 juillet 2002 de M. Francis Grignon un
rapport d'information fait au nom de la commission des affaires économiques et
du Plan par la mission d'information sur la liaison fluviale à grand gabarit
Saône-Rhin.
Ce rapport d'information sera imprimé sous le numéro 366 et distribué.
16
ORDRE DU JOUR
M. le président.
Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment
fixée au mercredi 24 juillet 2002, à quinze heures :
Suite de la discussion du projet de loi (n° 355, 2001-2002), adopté par
l'Assemblée nationale, après déclaration d'urgence, portant amnistie.
Rapport (n° 358, 2001-2002) de M. Lanier, fait au nom de la commission des
lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et
d'administration générale.
Le délai limite pour le dépôt des amendements est expiré.
Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale et pour le dépôt des amendements
Projet de loi d'orientation et de programmation pour la justice (n° 362,
2001-2002) :
Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale :
mercredi 24 juillet 2002, à dix-sept heures.
Délai limite pour le dépôt des amendements : ouverture de la discussion
générale.
Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, de finances rectificative
pour 2002 (n° 367, 2001-2002) :
Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale :
vendredi 26 juillet 2002, à seize heures.
Délai limite pour le dépôt des amendements : vendredi 26 juillet 2002, à seize
heures.
Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence,
d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure (n° 365,
2001-2002) :
Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale :
lundi 29 juillet 2002, à dix-sept heures.
Délai limite pour le dépôt des amendements : lundi 29 juillet 2002, à dix-sept
heures.
Personne ne demande la parole ?...
La séance est levée.
(La séance est levée à vingt-trois heures trente.)
Le Directeur
du service du compte rendu intégral,
MONIQUE MUYARD
ORGANISMES EXTRAPARLEMENTAIRES
Conseil d'administration de la société Réseau France outre-mer :
En application de l'article 47-1 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986
modifiée, le Sénat a désigné, lors de sa séance du 23 juillet 2002, M. Philippe
Nogrix pour siéger au conseil d'administration de la société Réseau France
outre-mer, en remplacement de M. Philippe Richert.
Agence de prévention et de surveillance des risques miniers :
En application de l'article 5 du décret n° 2002-353 du 25 mars 2002, le
Sénat a désigné, lors de sa séance du 23 juillet 2002, MM. Daniel Reiner et
Jean-Louis Masson pour siéger à l'Agence de prévention et de surveillance des
risques miniers.
Commission nationale pour l'éducation, la science et la culture :
En application de l'article 2 du décret n° 96-826 du 19 septembre 1996, le
Sénat a désigné, lors de sa séance du 23 juillet 2002, M. Pierre Martin pour
siéger à la Commission nationale pour l'éducation, la science et la culture, en
remplacement de M. Xavier Darcos, nommé membre du Gouvernement.
PRÉSIDENCE D'UN GROUPE POLITIQUE
M. Xavier de Villepin a été élu le 17 juillet 2002 président du groupe de l'Union centriste.
CESSATION DU MANDAT SÉNATORIAL
D'UN MEMBRE DU GOUVERNEMENT
Vu l'article 23 de la Constitution ;
Vu l'ordonnance n° 58-1099 du 17 novembre 1958 portant loi organique pour
l'application de l'article 23 de la Constitution, et notamment son article 1er
;
Vu le décret du 17 juin 2002, publié au
Journal officiel
du 18 juin
2002, portant nomination des membres du Gouvernement,
M. le président du Sénat a pris acte de la cessation, à la date du 17 juillet
2002, à minuit, du mandat sénatorial de M. Hubert Falco (Var), secrétaire
d'Etat aux personnes âgées.
REMPLACEMENT D'UN SÉNATEUR
Conformément aux articles LO 325 et LO 179 du code électoral, M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales a fait connaître à M. le président du Sénat qu'en application de l'article LO 319 du code électoral M. André Geoffroy est appelé à remplacer, à compter du 18 juillet 2002, en qualité de sénateur du Var, M. Hubert Falco, nommé secrétaire d'Etat aux personnes âgées le 17 juin 2002.
MODIFICATIONS AUX LISTES
DES MEMBRES DES GROUPES
Groupe des Républicains et Indépendants
(38 membres au lieu de 39) :
Supprimer le nom de M. Hubert Falco.
Réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun
groupe
(7 au lieu de 6) :
Ajouter le nom de M. André Geoffroy.
NOMINATIONS DE RAPPORTEURS
Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées
:
M. Philippe François a été nommé rapporteur pour avis du projet de loi n° 365
(2001-2002), adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence,
d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure, dont la
commission des lois est saisie au fond.
Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques
de la nation :
M. Aymeri de Montesquiou a été nommé rapporteur pour avis du projet de loi n°
365 (2001-2002), adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence,
d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure, dont la
commission des lois est saisie au fond.
Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage
universel, du règlement et d'administration générale :
M. Jean-Patrick Courtois a été nommé rapporteur du projet de loi n° 365
(2001-2002), adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence,
d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure, dont la
commission des lois est saisie au fond.