SEANCE DU 26 JUILLET 2002
M. le président.
« Art. 15. - I. - Au troisième alinéa de l'article 8 de l'ordonnance du 2
février 1945 relative à l'enfance délinquante, les mots : "de l'article 11"
sont remplacés par les mots : "des articles 10-1 et 11".
« II. - Après l'article 10 de l'ordonnance précitée, il est inséré un article
10-1 ainsi rédigé :
«
Art. 10-1
. - I. - Les mineurs âgés de treize à dix-huit ans peuvent
être placés sous contrôle judiciaire dans les conditions prévues par le code de
procédure pénale, sous réserve des dispositions du présent article.
« II. - Le contrôle judiciaire est décidé par ordonnance motivée, prise, selon
les cas, par le juge des enfants, le juge d'instruction ou le juge des libertés
et de la détention. Ce magistrat doit notifier oralement au mineur les
obligations qui lui sont imposées, en présence de son avocat et de ses
représentants légaux ou ceux-ci dûment convoqués ; ce magistrat informe
également le mineur qu'en cas de non-respect de ces obligations, il pourra être
placé en détention provisoire ; ces formalités sont mentionnées par
procès-verbal, qui est signé par le magistrat et le mineur. Lorsque cette
décision accompagne une mise en liberté, l'avocat du mineur est convoqué par
tout moyen et sans délai, et les dispositions du deuxième alinéa de l'article
114 du code de procédure pénale ne sont pas applicables.
« Le contrôle judiciaire dont fait l'objet un mineur peut également comprendre
une ou plusieurs des obligations suivantes :
« 1° Se soumettre aux mesures de protection, d'assistance, de surveillance et
d'éducation confiées à un service de la protection judiciaire de la jeunesse ou
à un service habilité, mandaté à cette fin par le magistrat ;
« 2° Respecter les conditions d'un placement dans un centre éducatif de la
protection judiciaire de la jeunesse ou relevant d'un service habilité auquel
le mineur a été confié par le magistrat en application des dispositions de
l'article 10, et notamment dans un centre éducatif fermé prévu à l'article
33.
« Toutefois, les obligations prévues au 2° ne peuvent être ordonnées que pour
une durée de six mois et ne peuvent être renouvelées qu'une seule fois pour une
durée au plus égale à six mois. Elles font l'objet d'une ordonnance motivée.
« Le responsable des services ou centres désignés en application des 1° et 2°
ci-dessus doit faire rapport au juge des enfants ou au juge d'instruction en
cas de non-respect par le mineur des obligations qui lui ont été imposées ;
copie de ce rapport est adressée au procureur de la République par ce
magistrat.
« III. - En matière correctionnelle, les mineurs âgés de moins de seize ans ne
peuvent être placés sous contrôle judiciaire que lorsque la peine
d'emprisonnement encourue est supérieure ou égale à cinq ans et lorsque le
mineur a déjà fait l'objet d'une ou plusieurs mesures de placement prononcées
en application des dispositions des articles 8, 10, 15, 16 et 16
bis.
« Le contrôle judiciaire auquel peuvent être astreints en matière
correctionnelle les mineurs âgés de moins de seize ans ne peut comporter que
l'obligation de respecter les conditions d'un placement, conformément aux
dispositions du 2° du II ci-dessus. Le mineur est alors placé dans un centre
éducatif fermé prévu à l'article 33.
« Le juge des enfants, le juge d'instruction ou le juge des libertés et de la
détention statue sur le placement sous contrôle judiciaire en audience de
cabinet, après un débat contradictoire au cours duquel ce magistrat entend le
ministère public, qui développe ses réquisitions prises conformément aux
dispositions de l'article 137-2 du code de procédure pénale, puis les
observations du mineur ainsi que celles de son avocat. Le magistrat peut, le
cas échéant, recueillir au cours de ce débat les déclarations du représentant
du service qui suit le mineur. »
L'amendement n° 163, présenté par M. Estier et les membres du groupe
socialiste, apparentés et rattachée, est ainsi libellé :
« A la fin du quatrième alinéa (2°) du II du texte proposé par le II de
l'article 15 pour l'article 10-1 de l'ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945,
supprimer les mots : "et notamment dans un centre éducatif fermé prévu à
l'article 33." »
La parole est à M. Robert Badinter.
M. Robert Badinter.
Monsieur le président, je demande la réserve de cet amendement jusqu'après
l'examen de l'article 20.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission sur cette demande de réserve ?
M. Jean-Pierre Schosteck,
rapporteur.
Défavorable.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Dominique Perben
garde des sceaux.
Défavorable.
M. le président.
Je consulte le Sénat sur la demande de réserve formulée par M. Robert
Badinter.
La réserve n'est pas ordonnée.
La parole est donc à M. Jean-Pierre Sueur, pour défendre cet amendement n°
163.
M. Jean-Pierre Sueur.
Il s'agit d'un amendement de coordination avec des dispositions que nous
examinerons ultérieurement.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Pierre Schosteck,
rapporteur.
Puisqu'il s'agit de supprimer des mesures, la commission émet
un avis défavorable.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Dominique Perben,
garde des sceaux.
Défavorable.
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° 163.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
L'amendement n° 35, présenté par M. Schosteck, au nom de la commission des
lois, est ainsi libellé :
« Après les mots : "supérieure ou égale à cinq ans", supprimer la fin du
premier alinéa du III du texte proposé par le II de l'article 15 pour insérer
un article 10-1 dans l'ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945. »
La parole est à M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur.
M. Jean-Pierre Schosteck,
rapporteur.
Cet amendement tend à supprimer la condition selon laquelle
les mineurs âgés de treize à seize ans ne pourront être placés sous contrôle
judiciaire, en matière correctionnelle, que s'ils ont mis en échec un placement
précédent. Cette condition n'existe pas actuellement et elle risque de
restreindre le champ d'application de la mesure de contrôle judiciaire, alors
que celle-ci permet, justement, d'éviter la détention provisoire.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Dominique Perben,
garde des sceaux.
Sagesse.
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° 35.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Je suis saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion
commune.
L'amendement n° 36, présenté par M. Schosteck, au nom de la commission des
lois, est ainsi libellé :
« Supprimer l'avant-dernier alinéa du texte proposé par le II de l'article 15
pour insérer un article 10-1 dans l'ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945.
»
L'amendement n° 164, présenté par M. Estier et les membres du groupe
socialiste, apparentés et rattachée, est ainsi libellé :
« Supprimer la seconde phrase du deuxième alinéa du III du texte proposé par
le II de l'article 15 pour l'article 10-1 de l'ordonnance n° 45-174 du 2
février 1945. »
La parole est à M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur, pour défendre
l'amendement n° 36.
M. Jean-Pierre Schosteck,
rapporteur.
Il s'agit de supprimer la mention selon laquelle le contrôle
judiciaire des mineurs âgés de treize à seize ans en matière correctionnelle ne
pourrait s'exercer que dans un centre éducatif fermé.
Il convient, nous semble-t-il, de maintenir les autres modalités du contrôle
judiciaire, y compris les placements en foyers traditionnels, en centres
éducatifs renforcés et en centres de placement immédiat, qui sont aujourd'hui
des outils disponibles. En effet, les centres éducatifs fermés n'étant pas
encore créés, le contrôle judiciaire des mineurs âgés de treize à seize ans en
matière correctionnelle risquerait d'être inopérant.
Il convient également de rappeler que le contrôle judiciaire des mineurs âgés
de seize à dix-huit ans continuera de s'exercer dans les foyers classiques
comme les centres éducatifs renforcés, les centres de placement immédiat, voire
en l'absence de placement.
Cet amendement tend à reprendre l'une des propositions de la commission
sénatoriale d'enquête sur la délinquance des mineurs.
M. le président.
La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour défendre l'amendement n° 164.
M. Jean-Pierre Sueur.
Il s'agit d'un amendement de coordination.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 164 ?
M. Jean-Pierre Schosteck,
rapporteur.
Cet amendement nous paraît satisfait par l'amendement n°
36.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s 36 et 164 ?
M. Dominique Perben,
garde des sceaux.
Le Gouvernement est défavorable à l'amendement n° 36,
ce pour une raison très importante.
Actuellement, un mineur ne peut être placé sous contrôle judiciaire que si le
placement en détention provisoire est possible. Le contrôle judiciaire est donc
envisageable pour les mineurs âgés de seize à dix-huit ans en matière
criminelle et correctionnelle, et pour les mineurs âgés de treize à seize ans
uniquement en matière criminelle.
Si je suis favorable au renforcement des moyens d'intervention à l'égard des
mineurs âgés de treize à seize ans, je suis également attaché à l'idée de
progressivité dans les moyens employés. C'est pourquoi le présent projet de loi
permet, en matière délictuelle, le placement sous contrôle judiciaire des
mineurs âgés de treize à seize ans uniquement dans le cas d'un placement dans
un centre éducatif fermé. Prévoir un contrôle judiciaire dans tous les cas en
matière délictuelle, c'est aussi prévoir des possibilités plus larges de
placement en détention provisoire de ces mineurs. En cas de révocation de la
mesure, une telle solution serait trop sévère.
La possibilité de placer un mineur âgé de treize à seize ans en détention
provisoire en matière délictuelle doit être liée à la prise de mesures
éducatives réellement renforcées. La potentialité de l'incarcération sera la
mise en oeuvre de ces mesures éducatives renforcées.
Enfin, le Gouvernement est défavorable à l'amendement n° 164, pour les mêmes
raisons que celles qui ont prévalu pour l'amendement n° 163.
M. le président.
L'amendement n° 36 est-il maintenu, monsieur le rapporteur ?
M. Jean-Pierre Schosteck.
C'est un amendement de la commission. Je suis donc lié par la position qu'elle
a prise, même si, à titre personnel, j'ai bien entendu les arguments que vous
avez exposés, monsieur le garde des sceaux.
En tout cas, j'ai noté - je le dis avec un peu de malice - que votre position
était plus libérale que la nôtre, ce qui vous permet de répondre à certaines
objections. Il n'en demeure pas moins que nous nous trouvons dans une période
intermédiaire, qu'il vous appartient de gérer puisque vous représentez le
Gouvernement.
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° 36.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, l'amendement n° 164 n'a plus d'objet.
L'amendement n° 91, présenté par M. Charasse, est ainsi libellé :
«
In fine
du paragraphe III du texte proposé par le II de l'article 15
pour l'article 10-1 de l'ordonnance du 2 février 1945, ajouter un alinéa ainsi
rédigé :
« Lorsque les représentants légaux du mineur lui imposent des comportements
contraires aux règles du contrôle judiciaire, le juge ne peut sanctionner le
mineur pour non-respect du contrôle judiciaire et les représentants légaux de
l'intéressé sont passibles des peines prévues à l'article 227-5 du code pénal.
Toutefois, pour un motif grave, ils peuvent demander au juge de suspendre pour
une durée déterminée tout ou partie du contrôle judiciaire. »
La parole est à M. Michel Charasse.
M. Michel Charasse.
Il s'agit de la reprise d'une question que j'avais posée lors de la réunion
commune des commissions qui ont auditionné M. le garde des sceaux, question à
laquelle je n'ai pas véritablement obtenu de réponse précise. Ce n'est pas un
reproche à l'égard du garde des sceaux, qui a par ailleurs répondu à un très
grand nombre de questions.
Le mineur est placé sous l'autorité parentale. Que se passera-t-il s'il est
soumis à une règle de contrôle judiciaire ou à une mesure coercitive dans le
cadre des dispositions que nous votons et qu'il viole cette règle ou cette
mesure parce que ses parents l'ont incité à le faire ? Par exemple, il n'a pas
le droit de quitter la région parisienne et, un beau jour, la grand-mère dans
le Poitou décède et le père dit : « contrôle judiciaire ou pas, on va à
l'enterrement de la mémé ! »
(Sourires.)
Ce peut-être pour un autre
motif ! Le mineur n'a pas le droit de rencontrer la victime. Mais que se
passera-t-il si la victime est un « copain » de son père et vient prendre
l'apéritif tous les soirs ? On met le mineur dehors le temps des agapes ?
Je pense donc que si les mesures prescrites par le juge ne sont pas respectées
par le mineur du fait de l'exercice de l'autorité parentale, les sanctions
doivent être prises à l'encontre non pas du mineur, mais des parents. Il faut
quand même responsabiliser les parents, y compris dans ce cas !
J'aimerais obtenir une réponse claire de M. le garde des sceaux à la question
suivante : que se passera-t-il, en l'état actuel du texte non amendé, si un
mineur ne respecte pas le contrôle judiciaire du fait de l'exercice de
l'autorité parentale à laquelle il est soumis ?
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Pierre Schosteck,
rapporteur.
La commission est défavorable à cet amendement, qui tend à
interdire au juge la révocation du contrôle judiciaire d'un mineur dans le cas
où le non-respect des obligations du contrôle judiciaire par le mineur est le
fait de ses parents.
Cet amendement est en effet satisfait à la fois par le droit en vigueur et par
le présent projet de loi, puisque l'article 16 précise que la détention
provisoire du mineur n'intervient que ci celui-ci s'est « volontairement »
soustrait à ses obligations. A l'évidence, il appartiendra au juge d'apprécier
au cas par cas les raisons pour lesquelles le mineur n'a pas respecté les
obligations du contrôle judiciaire.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Dominique Perben,
garde des sceaux.
Le Gouvernement émet le même avis que la commission :
les textes en vigueur permettent d'atteindre les objectif fixés dans
l'amendement.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 91.
M. Michel Charasse.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Michel Charasse.
M. Michel Charasse.
Je ne suis qu'à moitié convaincu par ces explications. Le rapporteur, soutenu
par le ministre, nous dit que l'article 16 prévoit qu'un mineur ne peut être
sanctionné que s'il s'est « volontairement » soustrait aux obligations du
contrôle judiciaire et que, dans le cas contraire, il ne peut l'être. Mais les
parents, dans cette affaire ? Il ne se passe rien pour eux ? Une fois de plus,
l'exercice de l'autorité parentale, c'est bien agréable pour toucher les
allocations familiales, mais, quand il faut prendre ses responsabilités,
circulez, il n'y a plus personne !
Je ne souhaiterais pas que ce point soit évacué comme cela ! Je pose la
question : une violation des obligations du contrôle judiciaire, même si elle
n'est pas volontaire de la part du mineur, comme l'a dit M. Schosteck,
peut-elle donner lieu quand même à des poursuites diligentées par le juge
contre les parents sans qu'il y ait besoin de mon amendement ?
Je ne tiens pas à tout prix à introduire mon texte dans le projet de loi en
discussion ; je voudrais simplement savoir ce qu'il en est.
Mme Paulette Brisepierre.
C'est ce qu'on a demandé !
Plusieurs sénateurs du RPR.
Vous allez être considéré comme un réactionnaire !
M. Michel Charasse.
Monsieur le président, je peux retirer mon amendement si on me répond ; si on
ne me répond pas, je ne le retire pas !
M. le président.
Apparemment, personne ne veut vous répondre, monsieur Charasse !
(Rires.)
Je mets aux voix l'amendement n° 91.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. Michel Charasse.
Merci pour les parents qui s'en moquent, mais qui passent à la caisse !
M. le président.
Je mets aux voix l'article 15, modifié.
(L'article 15 est adopté.)
Articles additionnels après l'article 15