SEANCE DU 30 JUILLET 2002
SOMMAIRE
PRÉSIDENCE DE M. CHRISTIAN PONCELET
1.
Procès-verbal
(p.
0
).
2.
Candidatures à deux commissions mixtes paritaires
(p.
1
).
3.
Souhaits de bienvenue à un nouveau ministre
(p.
2
).
4.
Orientation et programmation pour la sécurité intérieure.
- Discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence (p.
3
).
Discussion générale : MM. Nicolas Sarkozy, ministre de l'intérieur, de la
sécurité intérieure et des libertés locales ; Jean-Patrick Courtois, rapporteur
de la commission des lois ; Philippe François, rapporteur pour avis de la
commission des affaires étrangères ; Aymeri de Montesquiou, rapporteur pour
avis de la commission des finances ; Bernard Plasait.
PRÉSIDENCE DE M. SERGE VINÇON
MM. Gilbert Barbier, Roger Karoutchi, Pierre Hérisson, Robert Bret, Jean-Claude
Peyronnet, Philippe Adnot, Jean-Claude Carle.
5.
Démission d'un membre d'une commission et candidature
(p.
4
).
Suspension et reprise de la séance
6.
Nomination de membres de deux commissions mixtes paritaires
(p.
5
).
7.
Nomination d'un membre d'une commission
(p.
6
).
8.
Orientation et programmation pour la sécurité intérieure.
- Suite de la discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence (p.
7
).
Discussion générale
(suite)
: MM. Gérard Delfau, Louis de Broissia,
Jean-Paul Virapoullé, André Rouvière, Alex Türk, Paul Girod, Christian
Demuynck, Mme Marie-Christine Blandin, MM. Daniel Goulet, Jacques Peyrat.
Clôture de la discussion générale.
M. le ministre.
Question préalable (p. 8 )
Motion n° 9 de Mme Nicole Borvo. - Mme Nicole Borvo, MM. Patrice Gélard, le rapporteur. - Rejet par scrutin public.
Article 1er (et annexe I) (p. 9 )
MM. Dominique Braye, Francis Girod, Mme Hélène Luc.
Amendements identiques n°s 15 de M. Robert Bret et 26 de M. Jean-Claude
Peyronnet. - Mme Josiane Mathon, MM. Jean-Claude Peyronnet, le rapporteur, le
ministre, Jean-Pierre Sueur. - Rejet des deux amendements.
Renvoi de la suite de la discussion.
9.
Dépôt d'une proposition de loi constitutionnelle
(p.
10
).
10.
Dépôt d'une proposition de loi organique
(p.
11
).
11.
Dépôt d'une proposition de loi
(p.
12
).
12.
Textes soumis au Sénat en application de l'article 88-4 de la Constitution
(p.
13
).
13.
Ordre du jour
(p.
14
).
COMPTE RENDU INTÉGRAL
PRÉSIDENCE DE M. CHRISTIAN PONCELET
M. le président.
La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à seize heures cinq.)
1
PROCÈS-VERBAL
M. le président.
Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ?...
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.
2
CANDIDATURES À DEUX COMMISSIONS
MIXTES PARITAIRES
M. le président.
J'informe le Sénat que la commission des affaires sociales m'a fait connaître
qu'elle a procédé à la désignation des candidats à une éventuelle commission
mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en
discussion du projet de loi portant création d'un dispositif de soutien à
l'emploi des jeunes en entreprises.
Cette liste a été affichée conformément à l'article 12, alinéa 4, du règlement
et sera ratifiée si aucune opposition n'est faite dans le délai d'une heure.
J'informe le Sénat que la commission des lois constitutionnelles, de
législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale
m'a fait connaître qu'elle a procédé à la désignation des candidats à une
éventuelle commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les
dispositions restant en discussion du projet de loi d'orientation et de
programmation pour la justice.
Cette liste a été affichée conformément à l'article 12, alinéa 4, du règlement
et sera ratifiée si aucune opposition n'est faite dans le délai d'une heure.
3
SOUHAITS DE BIENVENUE
À UN NOUVEAU MINISTRE
M. le président.
Je salue la présence au banc du Gouvernement de M. Nicolas Sarkozy, ministre
de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Il connaît
bien notre maison, et nous sommes heureux de le retrouver.
Permettez-moi, monsieur le ministre, de vous renouveler, en notre nom à tous,
nos souhaits de cordiale bienvenue.
Vous allez avoir la lourde tâche de nous présenter un projet de loi qui porte
sur un sujet de la première importance pour nos concitoyens, à savoir la
sécurité publique, qui est la première des libertés, et même le fondement de
toutes les libertés.
En cet instant, je forme le voeu que votre contribution à notre débat de ce
jour marque les prémices d'une étroite et fructueuse collaboration avec le
Sénat, animée en particulier par le souci constant d'une amélioration de la
qualité des textes législatifs et de leur lisibilité par les fonctionnaires
chargés de les appliquer et, surtout, par nos concitoyens.
Tous nos voeux vous accompagnent, monsieur le ministre !
(« Très bien ! » et applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains
et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du
RDSE.)
4
ORIENTATION ET PROGRAMMATION
POUR LA SÉCURITÉ INTÉRIEURE
Discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence
M. le président.
L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi (n° 365, 2001-2002),
adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, d'orientation et
de programmation pour la sécurité intérieure. [Rapport n° 371 (2001-2002) ;
avis n°s 373 et 375 (2001-2002).]
Monsieur le ministre, nous admettons exceptionnellement l'urgence que vous
avez déclarée sur ce texte, mais nous vous remercions par avance de ne pas trop
souvent recourir à cette procédure !
(Sourires.)
Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et
de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Nicolas Sarkozy,
ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés
locales.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, dans le
projet de loi qui nous rassemble aujourd'hui vous est proposée la politique de
sécurité intérieure à conduire pour les cinq ans à venir. Ce texte est
fondateur, car il est un projet et d'orientations et de programmation :
orientations sur l'organisation et les objectifs de sécurité intérieure, et
programmation des moyens indispensables pour la mener.
Je remercie les commissions des lois, des finances, des affaires étrangères,
de la défense et des forces armées, leurs présidents, leurs rapporteurs et tous
leurs membres de la qualité du travail effectué.
Les Français nous l'ont dit tout au long de ces derniers mois : la sécurité
est bel et bien leur première préoccupation. Le 16 juin, ils ont voulu, en
donnant une nouvelle majorité à l'Assemblée nationale, un gouvernement qui
applique une politique nouvelle. Ils ont voulu en fait une majorité et un
gouvernement qui prennent en compte la réalité de leur vie.
La délinquance n'est pas un fait nouveau ; elle a progressé de 40 % en vingt
ans et de 16 % encore depuis cinq ans.
Plus inquiétant, la délinquance qui a connu la progression la plus rapide est
la plus violente, la plus traumatisante, celle qui est dirigée contre les
personnes. Depuis cinq ans, les crimes et les délits contre les personnes ont
augmenté de 30 %.
Ce sont des faits, et ces faits, dans leur crudité, dans leur brutalité,
doivent renforcer l'attention que nous portons aux victimes. Toute notre action
doit être tournée vers elles, et je souhaite que le Sénat, si attentif aux
réalités locales, à la vie des citoyens, nous soutienne dans cette
entreprise.
J'espère que vous serez sensibles, mesdames, messieurs les sénateurs, à la
cohérence et à l'équilibre de notre démarche. Je sais que, dans ce débat, la
caricature, qui est si facile, si répandue, sur des sujets pourtant si graves,
ne sera pas de mise ici.
Je résumerai notre approche de la sécurité de la façon suivante : nous avons
pris la mesure du phénomène de la délinquance en constatant qu'aujourd'hui elle
n'épargne plus une seule personne, plus une seule région de France, plus une
seule catégorie de la population. Tous nos concitoyens, où qu'ils habitent,
sont concernés. C'est la confiance même des Français, dans la vie de tous les
jours, dans la capacité des institutions à répondre à leurs inquiétudes, dans
les valeurs de leur pays, qui est entamée. Nous sommes tous interpellés par ce
désarroi. Nos compatriotes nous demandent d'intervenir face à la montée de la
violence et de la délinquance.
Notre objectif est simple. Nous ne voulons ni ralentir ni accompagner la
progression de la délinquance, nous voulons la casser et faire reculer
l'insécurité jusqu'à ce que les Français retrouvent confiance.
C'est pour nos concitoyens les plus modestes, les plus fragiles qu'en tout
premier lieu nous devons agir. C'est d'abord pour eux qu'il est nécessaire que
l'Etat retrouve sa place et joue son rôle. Si l'Etat ne joue pas son rôle, qui
les défendra, qui parlera en leur nom ? Et comment leur rendre confiance ?
La politique du Gouvernement s'adresse d'abord à celles et à ceux de nos
concitoyens qui habitent dans des quartiers où plus personne ne veut habiter,
qui prennent les transports en commun à des heures où plus personne ne veut les
prendre et qui doivent scolariser leurs enfants dans des établissements où plus
personne ne veut scolariser ses enfants.
C'est pour eux d'abord que l'Etat doit agir, car, si l'Etat est défaillant,
ces Français les plus modestes n'ont personne pour les défendre. Voilà le coeur
de la politique du Gouvernement.
(« Très bien ! » et applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains
et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du
RDSE.)
Le Gouvernement veut donc entendre l'appel des Français, le seul qui nous
intéresse. L'Etat protégera donc les citoyens, comme nous nous y sommes
engagés. C'est le choix des Français, c'est leur message, il a été compris, et
il sera donc respecté.
Pour agir en profondeur et dans la durée, nous avons besoin de votre soutien ;
nous vous proposons de mobiliser des moyens sans précédent, s'élevant à 5,6
milliards d'euros sur cinq ans.
Ma conviction, c'est que les Français ne comprendraient pas que nous laissions
tranquillement passer les vacances d'été avant d'agir. Les Français ne peuvent
plus se contenter d'une parole publique sans lendemain, d'une action publique
dénuée du moindre souci des résultats. Voilà pourquoi nous vous proposons
d'agir sans tarder. A l'automne, nous soumettrons à votre examen d'autres
textes pour accompagner le projet de loi d'orientation et de programmation.
Avant de vous présenter le contenu de ce dernier, je veux revenir un instant
sur la méthode.
Nous avons voulu donner un coup d'arrêt à l'impunité, et manifester notre
volonté d'inscrire notre action en profondeur.
Nous avons donc fait nôtre une véritable culture des résultats au sein des
forces de sécurité. Les moyens importants que nous mobilisons pour les forces
de l'ordre doivent avoir comme contrepartie l'engagement sans faille de chacun.
Qui comprendrait que nous sollicitions les finances publiques à cette hauteur,
sans exiger en contrepartie un engagement, une mobilisation personnelle à la
même hauteur ?
Je me suis rendu à maintes reprises sur le terrain et je voudrais témoigner de
l'état d'esprit de nos forces de sécurité : elles attendent votre soutien,
elles attendent notre soutien, celui de la nation.
Elles attendent aussi des moyens supplémentaires. A Corbeil-Essonnes, dans la
cité des Tarterêts, j'ai pu constater que des policiers de proximité étaient
attaqués, non pas seulement à coup de pierres, mais avec des blocs de parpaing
de plusieurs kilos, qui pouvaient tuer. J'ai donc décidé que désormais les
flash-balls
seraient embarqués dans les véhicules, et les vitres de
ceux-ci recouverts de films protecteurs, s'agissant des policiers de proximité
patrouillant dans les quartiers sensibles. C'est la moindre des choses que de
vouloir protéger la vie de nos policiers et de nos gendarmes, en leur
permettant de proportionner la riposte.
(Applaudissements sur les travées du
RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur
certaines travées du RDSE.)
Mesdames, messieurs les sénateurs, il était temps de doter les membres des
forces de l'ordre d'armes dont ils ont le droit de se servir...
M. Joseph Ostermann.
Tout à fait !
M. Jean-Claude Gaudin.
Absolument !
M. Louis de Broissia.
Evidemment !
M. Nicolas Sarkozy,
ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés
locales.
... pour adapter leur riposte, pour protéger leur vie, car eux
aussi, policiers et gendarmes, ont des familles et des enfants qui les aiment
et qui s'inquiètent pour eux !
(Nouveaux applaudissements sur les mêmes
travées.)
Quand le ministre donne un ordre, il est normal de fournir les
moyens à ceux qui l'ont reçu d'exécuter leur mission.
Les mesures figurant dans le volet de programmation sont toutes inspirées par
un souci de pragmatisme et de bon sens. Depuis trop longtemps, dans notre pays,
on refuse de débattre de sujets qui empoisonnent la vie de nos concitoyens. On
les considère comme tabous ! On n'en parle pas ici, mais on en parle en France,
et, parce que les républicains de tous bords n'ont pas eu le courage de les
aborder, ceux qui n'étaient pas des républicains ont pu abuser cinq millions de
nos concitoyens.
(« Très bien ! » et applaudissements sur les travées du
RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur
certaines travées du RDSE.)
Voilà la vérité ! Quand les républicains n'ont pas un discours fort, les
ennemis de la République s'appuient sur la lâcheté de ceux qui n'osent pas
évoquer les problèmes quotidiens des Français.
Un sénateur du RPR.
Très bien !
M. Nicolas Sarkozy,
ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés
locales.
L'immigration clandestine, l'installation sauvage des gens du
voyage,...
Mme Brigitte Luypaert.
Tout à fait !
M. Nicolas Sarkozy,
ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés
locales.
... la drogue, la prostitution et la mendicité agressive sont des
sujets qui ont été exclus du débat depuis de trop nombreuses années, au grand
dam de nos compatriotes, désespérés de se sentir abandonnés !
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants
et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Dominique Braye.
Absolument !
M. Nicolas Sarkozy,
ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés
locales.
Le résultat, c'est le vote des Français le 21 avril dernier. En
effet, n'en déplaise à certains beaux esprits, tous les phénomènes que je viens
d'évoquer existent, et ils ne disparaîtront pas si nous nous dérobons.
Il est aussi inutile qu'absurde d'opposer la répression à la prévention. Les
deux sont nécessaires, même indissociables, complémentaires pour peu que l'on
veuille bien comprendre que le sentiment d'impunité est un puissant facteur
d'encouragement à la délinquance et que, à l'inverse, la crainte de
l'application juste et ferme de la loi est la plus utile des préventions. Je
veux rendre hommage à tous ces acteurs admirables qui, au quotidien, se donnent
tant de mal pour que nos villes et nos quartiers ne sombrent pas. Mais eux
aussi, et peut-être eux d'abord, ont besoin, pour agir, du rétablissement de la
sécurité sur tout notre territoire, car sans sécurité il n'y a pas de
liberté.
Le projet de loi qui est présenté au Sénat est sous-tendu par l'ambition de
tracer un chemin vers cet objectif. La voie que nous avons choisie est celle de
la cohérence : il ne peut être question de répondre à un phénomène aussi
multiforme que celui de la délinquance en augmentant simplement les effectifs
des forces de sécurité. C'est évidemment nécessaire, mais ce n'est pas
suffisant.
Nous vous proposons, mesdames, messieurs les sénateurs, une nouvelle
architecture des forces de sécurité, mobilisant au plus haut niveau tout le
pays.
C'est d'abord le Président de la République qui s'engage en dirigeant le
conseil de sécurité intérieure. Il met en jeu tout son prestige, tout son
pouvoir et toute son expérience pour mobiliser l'ensemble de nos forces de
l'ordre au service du rétablissement de la sécurité de nos concitoyens. Une
grande innovation tient au fait que gendarmes et policiers seront placés sous
une même autorité, celle du ministère de l'intérieur. En effet, la délinquance
est la même que ce soit dans les villes ou dans les campagnes : comment
gendarmes et policiers ne dépendraient-ils pas, dans l'exécution de leur
mission, de la même administration ?
Il nous a paru également indispensable de créer de nouveaux moyens
opérationnels à l'échelon national, de renforcer les offices centraux de police
judiciaire existants et de mettre en place un office central chargé de la
recherche des malfaiteurs en fuite. Au mois de mai 2002, on dénombrait 4 000
délinquants en fuite dans notre pays, sans que personne se préoccupe de leur
recherche. Dans beaucoup d'autres démocraties européennes, il existe un office
pour la recherche des personnes en fuite : ce projet de loi prévoit la création
d'un tel outil.
La politique de sécurité est ensuite déclinée au plan local, avec la
conférence départementale de sécurité, présidée conjointement par le préfet et
le procureur, qui doivent travailler main dans la main. Le temps où la Place
Vendôme et la Place Beauvau se querellaient doit appartenir à un passé
révolu,...
M. Gérard Braun.
Très bien !
M. Nicolas Sarkozy,
ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés
locales.
... car policiers, gendarmes et magistrats relèvent d'une même
chaîne : la chaîne pénale. On ne peut concevoir une action efficace dans
l'opposition stérile des uns et des autres.
M. Pierre Laffitte.
Très bien !
M. Nicolas Sarkozy,
ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés
locales.
J'insisterai sur deux réformes.
Tout d'abord, les groupes d'intervention régionaux, les GIR, sont la réponse
aux réseaux de l'économie souterraine. Ils permettent aux policiers, aux
gendarmes, aux douaniers, aux agents des services fiscaux et aux fonctionnaires
de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la
répression des fraudes de travailler ensemble pour combattre celle-ci.
Mesdames, messieurs les sénateurs, c'est une injure à la République que des
individus n'ayant jamais travaillé de leur vie puissent se pavaner dans des
véhicules de prix : que voulez-vous qu'en pense un Français qui ne pourra
jamais se payer une telle voiture alors qu'il se lève tôt le matin pour assurer
la subsistance de sa famille ?
(« Très bien ! » et applaudissements sur les
travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi
que sur certaines travées du RDSE.)
Les GIR permettront d'aller interroger des hommes et des femmes qui ne peuvent
continuer à jouir de cette impunité. Comment, dans certains quartiers, élever
ses enfants en leur inculquant l'amour du travail, de la récompense et de
l'effort si, en bas de l'immeuble, se trouve un individu qui n'a jamais
travaillé de sa vie et qui roule carrosse sans que personne ne vienne lui
demander à qui il a acheté son véhicule et comment il l'a payé ? Les GIR sont
un instrument qui nous permet d'agir avant même que les délinquants ne passent
à l'action, pour demander des comptes et se pencher sur l'économie
souterraine.
Un premier bilan a été dressé. Certaines opérations, dont celle qui a été
menée dans le Nord, ont été couronnées de succès ; d'autres ont été plus
décevantes en termes de police judiciaire, mais partout la population a réservé
le meilleur accueil aux GIR, car ils ont permis à la police et à la gendarmerie
d'aller dans des quartiers où l'on n'entrait plus depuis bien longtemps. Même
quand les résultats judiciaires étaient décevants, leur action a permis à
nombre d'hommes et de femmes vivant dans des quartiers où ils se sentaient
abandonnés de l'Etat de revoir la puissance publique faire son travail. Les GIR
sont un instrument essentiel au service de l'efficacité de l'Etat. Il me faut
aussi évoquer la place des maires dans le dispositif de sécurité. Des conseils
locaux de sécurité et de prévention de la délinquance, présidés par les maires,
seront créés sur leur initiative. Leur installation mettra un terme à la
superposition des comités locaux de prévention et des comités de pilotage des
contrats locaux de sécurité. Ils comprendront, de droit, le préfet et le
procureur de la République, et seront l'instance de coordination et de
concertation pour tous les acteurs.
Ce conseil permettra au maire de disposer de droits nouveaux.
Le premier d'entre eux sera le droit à l'information. En effet, le commissaire
de police ou le commandant de brigade aura le devoir de communiquer au maire
les chiffres de la délinquance et de l'informer en temps réel lorsqu'un
incident grave surviendra sur le territoire de sa commune.
M. Jean-Pierre Schosteck.
Très bien !
M. Pierre Hérisson.
Enfin !
M. Nicolas Sarkozy,
ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés
locales.
La circulation de l'information dépendra donc non plus de la
qualité des rapports personnels entre un maire et un commissaire de police,
mais de la loi. Il était profondément choquant qu'un maire découvre, en lisant
le journal, que des faits de délinquance étaient survenus la veille sur le
territoire de sa commune !
(Vifs applaudissements sur les travées du RPR,
des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur
certaines travées du RDSE.)
M. Jean-Claude Carle.
Très bien !
M. Nicolas Sarkozy,
ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés
locales.
Il était profondément scandaleux que le localier soit mieux
informé que le maire.
Mais nous allons au-delà du devoir d'information, car, désormais, le
commissaire de police, comme le commandant de brigade, devra donner au maire
des informations sur les moyens en effectifs et en matériel mis par l'Etat à
disposition de la communauté de brigades ou du commissariat de police. Les
maires seront désormais informés, ce qui n'était pas le cas auparavant.
Un autre objectif sera de consacrer l'action menée par les maires en matière
de prévention. Là encore, la proximité est déterminante, comme l'est l'attente
de nos concitoyens. J'ajoute que des conventions de coopération entre le maire
et le préfet seront prévues : elles concerneront l'organisation de la
complémentarité des rapports entre la police et la gendarmerie, d'une part, et
les polices municipales et les gardes champêtres, d'autre part, afin de
reconnaître le travail des policiers municipaux. Mais il faut également changer
les méthodes. A cet égard, plusieurs actions concrètes seront engagées.
La première concerne les 30 000 agents des forces mobiles de sécurité : je
pense ici aux gendarmes mobiles et aux membres des compagnies républicaines de
sécurité, les CRS. Le temps est venu de passer d'une police de l'ordre public à
une police de sécurité publique. CRS et gendarmes mobiles seront redéployés au
service de la police et de la gendarmerie. Nous avons bien sûr besoin d'une
police de l'ordre public, mais laisser 30 000 agents des forces mobiles
attendre dans des casernes ou dans des cars la survenue de troubles à l'ordre
public n'était plus acceptable à l'heure où nous connaissons un tel déficit
d'effectifs.
J'ai moi-même examiné quel avait été le nombre de jours de déplacements d'une
certaine compagnie de gendarmes mobiles : celle-ci avait passé deux cent dix
jours en déplacement !
Par ailleurs, m'étant rendu une nuit dans le quartier des Halles, à Paris,
j'ai rencontré une compagnie de CRS venue de Toulouse. Je me suis demandé
pourquoi on faisait venir de Toulouse une compagnie de CRS pour renforcer la
sécurité dans le quartier des Halles, alors que celui du Mirail a besoin, lui
aussi, d'être sécurisé.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Ils sont mobiles !
M. Nicolas Sarkozy,
ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés
locales.
Mobilité ne veut pas dire perte d'efficacité !
La nouvelle doctrine d'emploi des forces mobiles sera une doctrine de sécurité
publique et non pas simplement d'ordre public.
Il faut également rétablir l'équilibre entre la police de proximité et la
police judiciaire : mesdames, messieurs les sénateurs, la police de proximité a
été mise en place au détriment de la police nocturne et de la police
judiciaire.
M. Jacques Peyrat.
Eh oui !
M. Nicolas Sarkozy,
ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés
locales.
Nous n'avons plus assez de policiers et de gendarmes présents sur
le terrain la nuit, et nous n'avons plus assez de policiers et de gendarmes mis
au service de l'action judiciaire.
M. Jacques Peyrat.
Très bien !
M. Nicolas Sarkozy,
ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés
locales.
Or, la première mission de la police et de la gendarmerie, c'est
d'aller chercher les délinquants où ils se trouvent, de les interpeller et de
les mettre à la disposition de la justice, et pas simplement d'assurer une
présence conviviale dans les rues de nos villes et de nos villages.
M. Jean-Claude Gaudin.
Très bien !
M. Nicolas Sarkozy,
ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés
locales.
S'agissant d'ailleurs des capacités d'action judiciaire, nous
augmenterons le nombre des officiers de police judiciaire ; nous revaloriserons
cette compétence en la prenant en compte dans le traitement indemnitaire et
dans la progression de carrière ; enfin, nous étendrons au département la
compétence territoriale des officiers de police judiciaire, parce qu'il est un
comble que les barrières administratives soient un obstacle pour les policiers
et pour les gendarmes et ne le soient plus, depuis bien longtemps, pour les
délinquants de toutes sortes.
M. Jean-Claude Carle.
Très bien !
M. Nicolas Sarkozy,
ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés
locales.
Cela me conduira à restructurer les services territoriaux de la
police judiciaire, en créant des directions interrégionales qui aient un
périmètre d'action suffisant pour nous permettre de nous attaquer à la
délinquance itinérante.
Nous rechercherons également une délimitation plus rationnelle des zones de
compétence de la police et de la gendarmerie, en supprimant les protocoles qui
existent aujourd'hui. Chacun doit s'occuper de sa zone, en être maître, s'en
sentir responsable et être comptable des résultats qu'il y obtient. Au sein de
ces zones, il faut revoir le maillage de la gendarmerie, qui date de 1850 : 152
ans, alors que la délinquance a tellement changé ! Le service doit désormais
s'organiser autour de communautés de brigades. Cette mise en oeuvre ira de pair
avec l'établissement d'une « charte de qualité » qui permettra de resserrer le
lien de proximité avec la population.
Je veux préciser, devant la Haute Assemblée, que ces communautés de brigades
ne seront pas des jumelages, comme nous les connaissons déjà : elles seront non
pas une juxtaposition d'unités mais une mise en commun déterminée de moyens sur
un territoire répondant à une logique géographique et humaine. La communauté
sera commandée par un chef unique, gradé supérieur d'expérience, qui dirigera
le service pour l'ensemble des unités. Cette disposition permettra d'optimiser
l'emploi des moyens humains et aura des effets positifs sur la présence des
gendarmes, notamment la présence nocturne.
On ne fermera pas de brigades. Les gendarmes continueront d'habiter au lieu où
ils sont, mais l'organisation de leur commandement, le rythme de leurs
patrouilles et la présence nocturne seront fixés et déterminés au niveau de la
communauté de brigades.
Nous nous donnons deux atouts pour réussir là où tout a échoué. Le premier
atout, c'est que nous refusons un schéma national préétabli. La France est un
territoire divers. Il faut non pas nier cette diversité mais, au contraire, en
prendre acte pour adapter les stratégies nationales. Le second atout, ce sont
les moyens que nous dégageons. Réformer le maillage territorial de la
gendarmerie en créant 7 000 postes de gendarme de plus permet de rompre avec la
gestion de la pénurie.
Entre 1997 et 2001, 4 000 postes de gendarme ont été supprimés. Voilà la
raison de l'échec de la réorganisation de la gendarmerie. Voilà, en partie, ce
qui a conduit les gendarmes à descendre dans la rue devant des Français
stupéfaits de voir ces gendarmes, dont chacun connaît la compétence et le sens
du service public, être à ce point poussés au désespoir qu'ils ont dû
manifester dans la rue pour pouvoir faire leur travail dans de bonnes
conditions.
Nous réorganiserons le maillage territorial en créant 7 000 emplois de
gendarme, là où nos prédécesseurs en avaient supprimé 4 000. La différence est
de taille !
(Applaudissements sur les travées du RPR, de l'Union centriste
et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du
RDSE.)
Je souhaite également qu'un terme soit mis à l'emploi des policiers et des
gendarmes dans des fonctions qui ne sont pas strictement liées à la sécurité :
je veux parler des gardes statiques et du transfert des personnes détenues, qui
est un sujet difficile.
M. Jean-Pierre Schosteck.
En effet !
M. Nicolas Sarkozy,
ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés
locales.
Le Premier ministre a rendu un arbitrage précisant qu'avant la
fin de l'année des propositions devront lui être faites par M. le garde des
sceaux et par moi-même. Actuellement, 4 000 gendarmes et policiers sont
affectés au transfert des détenus.
Je connais nombre de villes de province qui, lorsqu'un transfert de détenu est
organisé, n'ont plus un seul policier ou un seul gendarme disponible. Je
connais de nombreux départements où une centaine de policiers ou de gendarmes
se consacrent à cette tâche.
Mme Hélène Luc.
Il y a longtemps que cela existe !
M. Nicolas Sarkozy,
ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés
locales.
C'est précisément parce que cette situation dure depuis longtemps
qu'il n'est que temps d'agir et de décider !
Un grand nombre de solutions doivent être explorées. Je souhaite que l'on
réfléchisse au transfert de ces charges à l'administration pénitentiaire, avec
les créations d'emploi correspondant à la construction d'établissements à
proximité des juridictions, au développement de salles de visioconférence dans
les prisons et les tribunaux, à la création d'enceintes judiciaires nouvelles
dans certains lieux - je pense notamment aux aéroports où sont retenues ou
détenues un grand nombre de personnes, en particulier des clandestins,
susceptibles d'être présentées à un magistrat.
Mesdames, messieurs les sénateurs, quand il s'agit de transporter des
individus particulièrement dangereux, ce n'est porter atteinte à personne que
de se demander qui doit se déplacer : le détenu ou le magistrat qui doit
entendre ce détenu ?
(« Très bien ! » et applaudissements sur plusieurs
travées du RPR, de l'Union centriste, des Républicains et Indépendants et du
RDSE.)
M. Henri de Raincourt.
C'est le bon sens !
M. Nicolas Sarkozy,
ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés
locales.
Bien sûr, la noblesse du rôle de magistrat doit conduire à rendre
la justice dans des lieux prévus à cet effet. Mais je pose la question : qu'en
est-il dans les aéroports, lorsqu'on doit statuer ? Plusieurs dizaines de
policiers sont bloqués rien que pour Roissy-en-France. Chacun sait, notamment
M. Peyrat, ce qui est arrivé à Nice, avec un détenu particulièrement dangereux.
N'est-il pas temps de réfléchir, pour nos centres hospitaliers régionaux, à la
nécessité de disposer de chambres installées et prévues à cet effet pour des
détenus malades ?
M. Jacques Peyrat.
Bien sûr !
M. Nicolas Sarkozy,
ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés
locales.
Ce n'est ni aux infirmières ni aux autres personnels de santé
d'encourir chaque jour des risques avec le transfert de ces détenus.
M. Jacques Peyrat.
En effet !
M. Nicolas Sarkozy,
ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés
locales.
Nous pouvons réfléchir aux visioconférences : franchement, les
droits de la personne sont-ils mis en cause si, pour des audiences de simple
procédure, chacun peut exprimer sa position par visioconférence ? Le
transfèrement des détenus mobilise 4 000 personnes : il est désormais temps de
prendre des décisions !
M. Josselin de Rohan.
Très bien !
M. Nicolas Sarkozy,
ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés
locales.
La seconde partie de l'annexe, ce sont les nouveaux moyens
juridiques qui feront l'objet du projet de loi que vous examinerez à
l'automne.
Notre idée, c'est de restaurer l'autorité des agents de l'Etat et de renforcer
leur efficacité. Nous voulons mettre un terme, un coup d'arrêt, à l'explosion
de nouveaux types de délinquance. Il en est ainsi du vol des téléphones
portables. Les agresseurs devront vite savoir que ces vols deviennent inutiles,
parce que nous nous emploierons à faire bloquer l'usage des téléphones volés.
Cela peut paraître anecdotique, mesdames, messieurs les sénateurs, mais le vol
d'un téléphone portable s'accompagne souvent, pour arracher ce téléphone, de
violences particulièrement traumatisantes pour les victimes, qu'il s'agisse des
jeunes, des femmes ou des personnes âgées.
M. Jean-Pierre Schosteck.
En effet !
M. Nicolas Sarkozy,
ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés
locales.
Il en va également de même des vols de voitures, qui augmentent
dans des proportions particulièrement préoccupantes, et contre lesquels nous
voulons mettre enfin en place un dispositif efficace de localisation des
véhicules volés.
Des événements récents, notamment le drame de Nanterre, ont appelé l'attention
de nos concitoyens sur la prolifération des armes en France, qui entretient par
elle-même un climat de violence propice à l'insécurité.
J'ai demandé à mes services d'entreprendre rapidement une réforme de la
législation et de son application, qui vous sera présentée à l'automne. En
premier lieu, le classement des armes entre les différentes catégories sera
revu. En deuxième lieu, aucune arme à feu susceptible de causer la mort ou des
blessures invalidantes ne pourra plus être achetée ni détenue sans un contrôle
a priori
de l'autorité administrative.
M. Henri de Raincourt.
Très bien !
M. Nicolas Sarkozy,
ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés
locales.
Le contrôle portera sur les antécédents judiciaires du demandeur
et sur son état de santé.
M. Jean-Claude Gaudin.
Très bien !
M. Nicolas Sarkozy,
ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés
locales.
Le contrôle
a posteriori,
que nous connaissons, est
inadmissible. Seuls les honnêtes gens s'y soumettent !
En troisième lieu, les moyens seront donnés aux préfectures pour appliquer la
législation de manière beaucoup plus vigilante. Enfin, après concertation avec
les tireurs sportifs et les chasseurs, nous créerons les conditions d'une
réduction significative de la prolifération des armes sans nuire à ceux qui
utilisent pacifiquement celles-ci. Le temps de l'action est largement venu.
Je voudrais également aborder la problème de la prostitution. Il faut lutter
activement contre le proxénétisme, qui est alimenté pour près de 60 % par des
réseaux criminels étrangers. C'est un sujet très difficile.
Mais ce n'est pas parce qu'il est difficile qu'il faut s'abstenir d'en parler.
Je ne veux écarter aucune piste de travail et je souhaite prendre le temps de
la réflexion et de la concertation. Toutefois, dans le même temps, je n'ai pas
le droit de laisser se développer plus longtemps la prostitution dans nos
villes, sur la voie publique, dans les conditions que nous subissons
actuellement. A quoi sert-il de mobiliser, à juste titre, autant de moyens
contre le sida qui provoque tant de douleurs et de drames si on laisse
proliférer la prostitution dans nos villes, avec les conséquences sanitaires
que nous connaissons, et ce au vu et au su de tout le monde, sans que personne
ne réagisse, à l'exception notable des riverains qui n'en peuvent plus ?
J'entends rapidement vous proposer trois mesures.
En premier lieu, nos forces de sécurité recevront comme instruction d'utiliser
de manière systématique le dispositif répressif actuel. On n'utilise pas assez
ce qui existe. De ce point de vue, je me suis réjoui des peines sévères qui ont
été prononcées à l'endroit de deux personnes qui, porte Dauphine, livraient des
mineurs à la prostitution.
Mme Nicole Borvo.
Sanctions sévères prononcées grâce à une loi récente !
M. Nicolas Sarkozy,
ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés
locales.
Il est venu le temps de ne plus tolérer de tels comportements.
Le délit d'exhibitionnisme peut également être retenu. Des consignes seront
données.
En deuxième lieu, je vous proposerai de vous prononcer sur l'opportunité de
recréer l'incrimination de racolage passif. Le racolage actif est punissable.
Ne pensez-vous pas qu'il y a quelque hypocrisie à faire une différence entre le
racolage actif et le racolage passif, comme si le vrai délit, c'était la
manière dont se présentait la prostitution ? C'est une hypocrisie qu'il
conviendra de lever.
Je n'ignore pas qu'en Grande-Bretagne la prostitution n'est tolérée que si
elle est le fait d'une personne indépendante, non soumise à un proxénète et
sans manifestation visible.
En troisième lieu, les prostituées étrangères en situation irrégulière seront
systématiquement éloignées, même si chaque situation individuelle devra être
traitée avec humanité. Mesdames, messieurs les sénateurs, cette mesure est
impérative si nous voulons tarir la source même d'enrichissement des réseaux
internationaux de proxénétisme. Parallèlement, les moyens de l'Office central
pour la répression de la traite des êtres humains seront renforcés. Leurs
efforts seront réorientés vers la prostitution en lieux fermés et les réseaux
de l'internet. Des officiers de liaison anti-prostitution seront implantés dans
les pays sources, notamment dans un certain nombre de pays de l'Est.
D'autres phénomènes perturbent gravement la vie sociale : je pense ainsi à la
mendicité agressive. La mendicité doit être réprimée quand elle intervient dans
un contexte menaçant, par exemple quand elle est le fait de plusieurs individus
ou lorsqu'elle s'accompagne de l'utilisation d'animaux agressifs. De même,
devra être sanctionné le comportement de ceux qui n'hésitent pas à livrer des
enfants à la mendicité. Comment ne pas être profondément bouleversé de voir des
enfants dans nos rues exploités dans ces conditions en 2002 ? Ce n'est pas
acceptable pour la République française !
M. Daniel Goulet.
Très bien !
M. Nicolas Sarkozy,
ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés
locales.
Dans ces phénomènes nouveaux, j'inclus les réseaux mafieux, qui
exploitent la mendicité des plus pauvres ou des plus affligés en les faisant
venir dans notre pays. Tel a été l'objet de la réunion de travail que j'ai
tenue pas plus tard qu'hier avec le ministre de l'intérieur roumain. Dans notre
pays, la délinquance d'origine roumaine représente environ 5 % de la
délinquance. Je me rendrai le 30 août prochain à Bucarest et, ensemble, nous
allons lutter contre ce phénomène. Chacun comprend qu'on ne peut pas agir
simplement à partir de notre pays, qu'il faut aller à la source pour essayer de
comprendre et d'éradiquer. J'ajoute que, s'agissant du phénomène si préoccupant
des mineurs livrés à la mendicité et à la prostitution, il faut un accord entre
nos deux gouvernements pour que l'effort de réinsertion en France soit
poursuivi en Roumanie et pour que les jeunes interpellés en France puissent,
après leur renvoi en Roumanie, être réinsérés dans des familles d'accueil
prévues à cet effet.
Les réseaux mafieux, ces nouveaux esclavagistes - car il s'agit bien de cela !
-, devront être sanctionnés, très sévèrement, éloignés du territoire lorsqu'ils
sont étrangers. S'agissant de la délinquance d'origine roumaine, bien des
roumains qui se sont installés dans notre pays - je pense notamment à
Choisy-le-Roi - exploitent une véritable mafia. Nous n'avons pas à tolérer de
tels comportements sur le territoire national. Le ministre de l'intérieur
roumain m'a indiqué sa volonté de donner au gouvernement français autant de
visas consulaires qu'il le faudra pour renvoyer en Roumanie des délinquants
roumains qui n'ont rien à faire sur le territoire national.
M. Daniel Goulet.
Très bien !
M. Nicolas Sarkozy,
ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés
locales.
Je conduirai la même opération avec d'autres pays. Je pense
notamment, pour Sangatte, à la question des Afghans, mais il y en a bien
d'autres.
D'autres comportements, parfois quotidiens, constituent, en eux-mêmes, un
facteur d'insécurité. Il en va ainsi des occupations des parties communes des
immeubles à usage d'habitation et, plus particulièrement des halls d'entrée par
des groupes d'individus faisant obstacle, délibérément, à la libre circulation
des occupants, ce qui constitue pour la population un élément déterminant
d'insécurité. M. Schosteck, en son temps, avait fait un travail tout à fait
remarquable à ce propos.
Récemment, dans le XVIIIe arrondissement de Paris, un homme à la retraite m'a
dit : « Croyez-vous, monsieur Sarkozy, qu'il soit amusant de devoir baisser la
tête lorsque je rentre chez moi parce qu'il se trouve dans le hall de mon
immeuble des individus qui ne travaillent pas et dont la seule occupation est
de rendre la vie impossible à tous les honnêtes gens qui ont travaillé toute
leur vie ? Et lorsqu'on appelle la police, celle-ci n'a aucun élément pour
incriminer pénalement ce genre de comportements. »
Mme Nelly Olin.
Tout à fait !
M. Nicolas Sarkozy,
ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés
locales.
Nos compatriotes les plus modestes ont le droit de voir leurs
halls d'immeubles laissés libres et ne pas être envahis pas des bandes de
délinquants ou de prédélinquants qui rendent la vie impossible à des citoyens
qui ne demandent qu'une chose : pouvoir vivre tranquillement !
M. Jean-Pierre Schosteck.
Oui !
M. Nicolas Sarkozy,
ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés
locales.
C'est cela aussi que l'on attend de nous ; c'est cela aussi la
lutte contre l'insécurité au quotidien.
(« Très bien ! » et applaudissements
sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union
centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Je n'ignore pas que l'article 52 de la loi du 15 novembre 2001 relative à la
sécurité quotidienne prévoit que les propriétaires de ces immeubles ou leurs
représentants peuvent faire appel à la police ou à la gendarmerie pour rétablir
la jouissance paisible des lieux.
Mme Hélène Luc.
Mais oui !
M. Nicolas Sarkozy,
ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés
locales.
Cependant, ce texte reste très largement inopérant dans la mesure
où aucune sanction pénale n'est prévue à l'encontre des auteurs de ces
rassemblements.
La police ne se déplace plus, car elle ne peut tout simplement que demander
poliment qu'on libère le hall d'immeuble. Et, compte tenu de la population qui
s'y trouve, la politesse n'est en général pas suffisante !
M. Dominique Braye.
Très bien !
M. Nicolas Sarkozy,
ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés
locales.
Voilà l'évaluation à laquelle il convenait de se livrer.
M. Claude Estier.
Comment allez-vous faire, vous ?
M. Nicolas Sarkozy,
ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés
locales.
Les services de police et de gendarmerie doivent pouvoir relever
les identités des occupants et les contraindre à quitter les lieux.
Enfin, je voudrais aborder la question de l'installation des gens du
voyage...
M. Charles Ceccaldi-Raynaud.
Ah !
M. Nicolas Sarkozy,
ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés
locales.
... contre le souhait des propriétaires publics et privés. C'est
un problème que vous connaissez bien, mesdames, messieurs les sénateurs,
quelles que soient les travées sur lesquelles vous siégiez.
A cet égard, je suis parfois étonné de la différence qui existe entre
certaines pétitions de principe émises à l'échelon national et la réalité des
contacts personnels que j'ai avec tel ou tel d'entre vous.
(Applaudissements
sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union
centriste.)
En effet, lorsqu'une caravane ou un rassemblement de caravanes empoisonnent la
vie d'un village ou d'un quartier, il n'y a aucune différence entre la réaction
d'un sénateur communiste, d'un sénateur socialiste ou d'un sénateur UMP.
(Nouveaux applaudissements sur les mêmes travées.)
En fait, il y a, d'un
côté, ce que l'on dit et, de l'autre, ce que l'on fait.
(« Bravo ! » et vifs
applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de
l'Union centriste.)
Je tiens à la disposition de tous ceux qui le souhaitent la liste nombreuse
des lettres indignées d'élus communistes, socialistes ou appartenant à d'autres
groupes me demandant d'envoyer des compagnies de CRS pour faire cesser le
scandale que constitue un rassemblement qui trouble l'ordre public.
Si vous voulez que je sois efficace, il faudra que, dès le mois de septembre,
vous votiez tous les textes que je vais vous proposer, au nom du Gouvernement ;
je compte sur vous.
(Vifs applaudissements sur les travées du RPR, des
Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines
travées du RDSE.)
A l'intention de ceux qui voudront s'installer contre le souhait des
propriétaires, publics et privés, nous mettrons en oeuvre des sanctions ;
ainsi, nous prendrons des sanctions contre les contraventions telles que les
branchements sauvages sur les circuits d'eau ou d'électricité.
Toutefois, je souhaite que l'on aille plus loin et que soit créée une
infraction de violation de la propriété, qu'elle soit publique ou privée,...
M. Dominique Braye.
Très bien !
M. Jean-Claude Carle.
Excellent !
M. Nicolas Sarkozy,
ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés
locales.
... car une telle violation constitue en elle-même une violence
pénale et non pas civile. Cette infraction concernerait tant l'installation
sauvage des gens du voyage que les squats d'immeubles en ville.
MM. Patrick Lassourd et Jacques Valade.
Très bien !
M. Nicolas Sarkozy,
ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés
locales.
Elle répondrait à cette nouvelle forme de violence qu'est le
non-respect de la propriété d'autrui.
Pour lutter contre toutes ces formes nouvelles de délinquance, des mesures
appropriées, concrètes, figureront dans le projet de loi qui sera déposé à
l'automne.
Mesdames, messieurs les sénateurs, nous vous proposerons également de
sanctionner plus sévèrement les violences, menaces, outrages à l'endroit des
forces de l'ordre.
J'ai rendu visite avant-hier, à la Salpêtrière, pour lui transmettre le
soutien de la représentation nationale, à cette jeune fonctionnaire de police
récemment agressée, qui souffre d'une triple fracture de la mâchoire, après
avoir été frappée par des voyous. Je dis bien « voyou » car, lorsque l'on
frappe une femme de vingt-cinq ans à terre avec une telle violence, on n'est ni
jeune, ni vieux, ni blanc, ni noir, on n'est qu'un voyou ! Son nom, son prénom,
sa profession ou son absence de profession, son passé ne font rien à l'affaire
!
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants
et de l'Union centriste.)
M. Dominique Leclerc.
Voilà !
M. Christian Demuynck.
Très bien !
M. Nicolas Sarkozy,
ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés
locales.
Les mots ont un sens ; il convient désormais qu'ils soient
utilisés à bon escient. Je suis toujours blessé pour les jeunes qui ont à subir
des amalgames. Je le répète, ce ne sont pas des jeunes qui ont fait cela, ce
sont des voyous !
Violer au cours d'une « tournante » une jeune femme ou une jeune fille, ce
n'est pas l'oeuvre de jeunes désoeuvrés, c'est l'oeuvre de « barbares ». Le mot
doit être utilisé au service de la sanction.
(« Bravo ! » et
applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants,
ainsi que sur certaines travées de l'Union centriste.)
Mesdames, messieurs les sénateurs, utilisons désormais le bon vocabulaire !
Mettons-le au service des idées justes ! Mettons aussi au service de ces idées
justes l'action appropriée, et vous verrez que les Français retrouveront
tranquillement l'envie de vivre ensemble,...
M. Dominique Leclerc.
Enfin !
M. Nicolas Sarkozy,
ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés
locales.
... dans la paix publique, dans l'ordre républicain et qu'ils
retrouveront le chemin des urnes, car ils comprendront qu'ils ne sont plus
abandonnés devant des phénomènes qu'ils ne tolèrent plus.
Ainsi, nous vous demanderons d'accorder à la police de nouveaux moyens, pour
permettre, notamment, la surveillance permanente par caméra vidéo de certaines
zones, de façon qu'il n'y ait plus de contestations possibles entre les thèses
des uns et des autres. Je le répète, les honnêtes gens n'ont rien à craindre de
cette surveillance.
Je vous demanderai également que l'on puisse assurer la sécurité des témoins
avant et après le procès.
M. Jacques Peyrat.
Eh oui !
M. Nicolas Sarkozy,
ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés
locales.
J'ai reçu, après l'affaire des Tarterêts, les six responsables
d'associations de jeunes qui, de façon admirable, s'occupent de ce quartier.
Est-il normal que, trois jours après, le frère de l'un d'entre eux se soit
retrouvé à l'hôpital parce qu'un certain nombre de voyous l'attendaient, pour
la seule raison que son frère s'était entretenu avec moi ?
Nous avons besoin des témoins : ils doivent être défendus, protégés,
accompagnés.
Que signifie l'Etat de droit quand quelqu'un a peur de dire la vérité car il
pense que les voyous sont plus forts que l'Etat ?
(Applaudissements sur les
travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
C'est à cela aussi qu'il convient de mettre un terme.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je n'ai pas peur : nous serons compris par
les Français,...
M. Dominique Braye.
Vous l'êtes déjà !
M. Jean-Claude Gaudin.
Et tant pis pour la presse !
M. Nicolas Sarkozy,
ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés
locales.
... car c'est le langage qu'ils attendent de nous depuis bien
longtemps.
S'agissant des moyens supplémentaires, j'ai déjà parlé des effectifs mais il
faut également évoquer les moyens immobiliers.
Ainsi, nous ne pouvons plus laisser vivre nos gendarmes dans des casernements
indignes. Pour un gendarme, le logement de fonction n'est pas un luxe ; c'est
un élément d'exercice du service public.
De même, comment voulez-vous que nos policiers puissent faire un travail
efficace dans des locaux d'un autre âge, délabrés, qui ne sont plus entretenus
depuis bien longtemps ?
Je dois dire au Sénat que, dans le budget de la gendarmerie que j'ai trouvé,
il y avait de quoi payer la location des locaux jusqu'à la fin du mois d'août.
Rien n'était prévu pour les mois de septembre, octobre, novembre et décembre !
(Exclamations sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de
l'Union centriste.)
Telle est la situation qui nous a été laissée en
héritage.
(Vives protestations sur les travées socialistes, ainsi que sur
celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. Paul Raoult.
Démago !
M. Dominique Braye.
C'est la vérité !
M. Jean-Philippe Lachenaud.
Vous avez mal !
M. Paul Raoult.
N'importe quoi ! C'est indigne !
M. Nicolas Sarkozy,
ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés
locales.
Si tel ou tel détient une information contraire ou est capable de
m'apporter la contradiction sur ce sujet, je suis à sa disposition, où il veut
et quand il veut.
Je regrette que, manifestement, certains sénateurs, au moment de voter le
budget de la gendarmerie, n'aient pas vu ce qu'il y avait dans ce bugdet... ou
plutôt, hélas, ce qu'il n'y avait pas !
M. Eric Doligé.
C'est de la cavalerie !
M. Jean Chérioux.
C'est dur, la vérité !
M. Paul Raoult.
Démago !
M. Nicolas Sarkozy,
ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés
locales.
S'agissant des moyens matériels, pour la police, nous dépenserons
100 % de crédits supplémentaires et, pour la gendarmerie, 81 % de crédits
supplémentaires.
En ce qui concerne le parc automobile, il est un département d'Ile-de-France,
l'Essonne, où, sur 250 véhicules, près de 70 sont en réparation. Franchement,
est-ce le rôle des policiers que d'être mécaniciens automobiles ? Ne peut-on
externaliser l'ensemble de ces tâches pour que les véhicules de police soient
entretenus dans les conditions de rapidité indispensables à l'efficacité de nos
forces de l'ordre ?
Pour terminer, je souhaite insister sur l'évaluation.
Vous aurez à pratiquer cette évaluation selon des modalités dont nous
parlerons tout au long du débat. Mais je souhaitais dès maintenant faire part
de la volonté du Gouvernement de publier des résultats tous les mois. Il y
aurait en effet contradiction à dire que l'insécurité est la première
préoccupation des Français et ne publier les chiffres de l'insécurité qu'une
fois par an. Qui accepterait que les chiffres du chômage ne soient publiés
qu'une fois par an ? Nous publierons donc tous les mois les chiffres de
l'insécurité et les chiffres de l'activité de la police et de la gendarmerie...
(Protestations sur les travées socialistes et sur celles du groupe
communiste républicain et citoyen.)
Mme Nicole Borvo.
Quels chiffres ?
M. Nicolas Sarkozy,
ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés
locales.
... pour que chaque Français sache quelle est la réalité de notre
travail et que nous soyons jugés non pas simplement sur nos intentions, mais
aussi sur les résultats. Ces résultats, vous les aurez dans chaque département,
mesdames, messieurs les sénateurs, et dans chaque « jaune », pour que vous
puissiez répondre aux interrogations de nos concitoyens.
Mme Monique Cerisier-ben Guiga.
Toutes les semaines, tous les jours !
M. Nicolas Sarkozy,
ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés
locales.
Il y a ceux, madame, qui ont compris le message des Français et
ceux qui n'ont rien compris à ce message !
(Vifs applaudissements sur les
travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi
que sur certaines travées du RDSE. - Protestations sur les travées socialistes
et sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
Et vous, vous n'avez rien compris au message des Français !
M. André Rouvière.
Un peu de modestie !
M. Nicolas Sarkozy,
ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés
locales.
Cinq ans à faire preuve de naïveté ! Cinq ans à ne rien
comprendre ! Et au bout des cinq ans : 5 millions de votes pour le Front
national !
(Protestations continues sur les travées socialistes et sur celles
du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. André Rouvière.
C'est de la provocation !
M. Patrick Lassourd.
Ça leur fait mal !
M. Bernard Piras.
Et Chirac, il n'a eu que 19 % !
M. Paul Raoult.
Et l'impunité de Chirac ?
Mme Nelly Olin.
Cela suffit !
M. le président.
Un peu de silence, mes chers collègues !
M. Nicolas Sarkozy,
ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés
locales.
Nous mettrons un soin particulier à ne pas nous contenter des
chiffres de la délinquance, nous fournirons également des éléments concrets et
précis sur l'activité des services de police et de gendarmerie, sur le nombre
de personnes interpellées, sur le nombre de personnes gardées à vue, sur le
nombre de faits élucidés. Nous ne pouvons pas vous demander des moyens
supplémentaires pour les forces de l'ordre et ne pas nous engager à vous
communiquer les résultats de notre action.
M. Dominique Braye.
Très bien !
M. Nicolas Sarkozy,
ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés
locales.
Enfin, parce que nous soutenons les forces de l'ordre, nous
serons intransigeants sur le respect des valeurs républicaines et de l'éthique
républicaine imposées à ces forces de l'ordre.
M. Jean-Pierre Masseret.
Ah !
Mme Nicole Borvo.
Enfin !
M. Nicolas Sarkozy,
ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés
locales.
C'est parce que nous soutenons nos policiers et nos gendarmes,
qui en ont bien besoin, que nous exigerons d'eux le respect scrupuleux de
l'éthique et des valeurs qui sont celles de notre République.
M. Jean-Claude Gaudin.
Très bien !
M. Nicolas Sarkozy,
ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés
locales.
Qu'il me soit permis de dire que c'est parce que l'on soutient
les policiers et les gendarmes que l'on peut être exigeant avec eux.
M. Jean-Claude Gaudin.
Tout à fait !
M. Nicolas Sarkozy,
ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés
locales.
Quand on ne les soutient pas...
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Vous avez déjà vu un ministre de l'intérieur qui ne les soutient pas ?
M. Nicolas Sarkozy,
ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés
locales.
... on ne peut pas leur demander de faire plus que ce que,
simplement, ils ont le devoir de faire.
M. Paul Raoult.
Démago !
M. Nicolas Sarkozy,
ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés
locales.
Mesdames, messieurs les sénateurs, vous l'avez compris : la
volonté du Gouvernement, c'est de rétablir la tranquillité publique dans notre
pays.
(Mmes et MM. les sénateurs du RPR, du groupe des Républicains et
Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que certains sénateurs du RDSE se
lèvent et applaudissent longuement.)
M. Eric Doligé.
Enfin la République !
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
(« Bravo ! » et applaudissements sur les
travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. Jean-Patrick Courtois,
rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du
suffrage universel, du règlement et d'administration générale.
Monsieur le
président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les résultats au soir du
21 avril dernier, du premier tour de l'élection présidentielle, demeurent
présents à nos esprits et résonnent encore comme un coup de tonnerre. Nos
concitoyens nous ont adressé un message sans équivoque : « L'insécurité a
atteint dans notre pays un niveau insupportable. Après plusieurs années
d'atermoiements, il est temps de mener une politique volontariste. »
Ceux qui, par angélisme ou « naïveté », ont voulu faire croire que
l'insécurité était, au mieux, un « sentiment », au pis, un « fantasme » ont
payé ce soir-là chèrement le refus systématique et idéologique d'appréhender la
réalité sociale et l'insécurité quotidienne que subissent tous les Français.
(M. Dominique Braye applaudit.)
Le constat, en effet, mes chers collègues, est accablant. Alors que la
criminalité et la délinquance avaient régressé de manière permanente et
significative de 1993 à 1997, ces phénomènes ont connu une augmentation
exponentielle et sans précédent au cours des cinq dernières années.
En cinq ans, la délinquance n'a pas seulement crû de manière permanente,
jusqu'à dépasser pour la première fois le seuil symbolique des 4 millions
d'infractions constatées, elle a aussi muté, présentant désormais de nouvelles
caractéristiques particulièrement inquiétantes.
Cette délinquance est de plus en plus violente. Et c'est cela qui, au-delà
même des chiffres, inquiète les Français dans leur vie quotidienne. Au sein de
la délinquance de voie publique, les coups et blessures volontaires et les vols
avec violence ont connu une croissance constante, allant jusqu'à augmenter
repsectivement en 2001 de près de 10 % et de plus de 23 %.
Plus violente, cette délinquance implique en outre un nombre croissant de
mineurs. La part des mineurs dans le total des mises en cause s'est élevée
ainsi à plus de 21 % en 2001, alors qu'elle n'était que de 13 % il y a
seulement dix ans.
Cette implication des mineurs est encore plus importante pour les faits de
délinquance de voie publique, celle qui sensibilise justement le plus nos
concitoyens et qui a concerné, en 2001, plus de 36 % des personnes mises en
cause.
La troisième mutation de la délinquance concerne son extension à l'ensemble du
territoire. Longtemps cantonnée dans les zones urbaines, elle se diffuse
désormais dans nos campagnes du fait d'une mobilité accrue des délinquants.
Cette croissance de la délinquance en zone rurale peut être estimée à plus de
10 % pour la seule année 2001.
Le plus grave est sans doute le « sentiment d'impunité », bien réel celui-là,
des délinquants. Malgré l'abnégation des services de sécurité dans l'exercice
de leurs fonctions, le taux d'élucidation est en baisse constante. Et ce sont
les infractions subies le plus couramment par nos concitoyens qui, noyées dans
la masse, ont le moins de chances d'être élucidées. Moins d'un crime ou délit
sur quatre a été élucidé en 2001. Et, malgré ce chiffre déjà très bas, une
affaire élucidée sur trois sera classée sans suite du fait de l'encombrement
des juridictions.
« Il n'y a pas de fatalité à l'explosion de l'insécurité », avez-vous déclaré
vous-même, monsieur le ministre. S'il n'y a pas de fatalité, et nous en
convenons volontiers, c'est qu'il y a des causes et des solutions.
L'insécurité est la conséquence logique d'un laxisme dont les manifestations
résident dans la peur de punir et la faiblesse de l'autorité : peur de punir
qu'atteste cette emblématique circulaire de l'éducation nationale qui demandait
aux directeurs d'établissement d'éviter les sanctions ; faiblesse de
l'autorité, lorsque les objectifs d'investissement fixés par la loi
d'orientation et de programmation de 1995 ont été abandonnés, lorsque la
progression de l'agrégat « police » a stagné de 1997 à 2000 et que, dans le
même temps, les crédits d'équipement de la gendarmerie ont diminué en valeur
réelle ; faiblesse de l'autorité également lorsque la politique de proximité
n'a pu être mise en place sur le terrain faute des moyens matériels et humains
nécessaires à son application.
S'il y a des causes, et vous les avez identifiées, alors, il y des solutions.
Difficiles à mettre en oeuvre, nous n'en doutons pas, ces solutions reposent
sur un principe simple : le volontarisme.
Il ne suffit pas d'énoncer péremptoirement quelques principes. Encore faut-il
savoir s'y tenir. C'est la raison pour laquelle nous vous sommes
reconnaissants, monsieur le ministre, de venir si tôt devant notre assemblée
pour défendre ce projet de loi qui met en oeuvre les engagements pris par le
Président de la République durant la campagne électorale.
Le temps de l'action qu'appelait le Président de la République de ses voeux
est venu, et le projet de loi que vous nous soumettez tient toutes ses
promesses. Ce texte est tout à la fois ambitieux et réaliste.
Je ne reviendrai pas sur son architecture, que vous venez de développer avec
conviction et précision. Il ne se contente pas de prévoir l'allocation des
moyens humains et financiers supplémentaires aux forces de sécurité : il donne
des orientations de nature à permettre de mieux utiliser les moyens existants
et, surtout, il entre dans une logique novatrice d'évaluation de la performance
de l'action conduite.
Ainsi, le conseil de sécurité intérieure, sous l'autorité du Président de la
République, donnera les orientations au niveau national, et les conférences
départementales de sécurité déclineront au plus près des réalités du terrain
ces mêmes orientations avec, pour seule fin, l'efficacité.
Les sénateurs que nous sommes ne peuvent que souligner avec la plus grande
satisfaction l'association des élus locaux aux différents aspects de la
politique de sécurité.
Tout d'abord, les maires présideront les conseils locaux de sécurité et de
prévention de la délinquance. Cela permettra de faciliter l'échange
d'informations et de favoriser la coopération des divers intervenants locaux,
notamment dans le domaine de la prévention.
Mais, surtout, un véritable droit à l'information des maires est enfin
reconnu. La semaine dernière, lors de l'examen du projet de loi d'orientation
et de programmation pour la justice, la majorité sénatoriale rappelait avec
force les dispositions que la Haute Assemblée avait adoptées l'année dernière
afin d'instaurer ce droit des maires à l'information en matière
d'infractions.
Nous avions en effet considéré comme anormal que le maire apprenne dans la
presse certains événements survenus dans sa commune. Ainsi, votre texte
organise une information périodique sur la délinquance dans la commune au sein
du conseil local de sécurité et de prévention de la délinquance. Ces
dispositions se conjugueront avec votre décret du 17 juillet dernier, qui
oblige désormais commissaires et officiers de gendarmerie à communiquer en
temps réel au maire les actes graves de délinquance commis sur sa commune.
Sur le plan opérationnel, la réunion des policiers et des gendarmes sous
l'autorité d'un grand ministère de la sécurité intérieure, conformément aux
engagements pris pendant la campagne présidentielle, laisse augurer le meilleur
de cette association.
D'autant que les vingt-huit groupes d'intervention régionaux créés dès le 22
mai dernier pour lutter contre l'économie souterraine et composés de policiers,
de gendarmes, d'agents des douanes et des services fiscaux ont déjà prouvé, par
leur rapide mise en oeuvre, l'efficacité, la bonne volonté et le dévouement des
1 600 agents volontaires concernés. S'il n'en fallait qu'une preuve, je
rappellerais le coup de filet spectaculaire du GIR de Lille, qui a démantelé un
important réseau international de trafic de voitures volées, n'en déplaise aux
esprits chagrins qui doutaient de la capacité des différentes forces à
coordonner leurs efforts et leurs compétences.
Concernant les GIR, ne pensez-vous pas, monsieur le ministre, que tous les
officiers de police judiciaire affectés dans les services spécialisés
d'investigation que sont les services régionaux de police judiciaire ou les
sections de recherche de la gendarmerie devraient bénéficier d'une habilitation
couvrant l'ensemble de la zone de défense ? Une telle mesure permettrait de
régler les difficultés apparues sur le terrain, s'agissant de l'habilitation
judiciaire des agents affectés dans les GIR, et correspondrait parfaitement à
votre volonté d'accroître la zone de compétences des officiers de police
judiciaire.
Dans le même esprit de coordination des savoirs, la possibilité de rapprocher
les réseaux de transmissions ACROPOL pour la police et RUBIS pour la
gendarmerie rationalisera les enquêtes judiciaires. A cet égard, ne pensez-vous
pas qu'il faille envisager, à terme, la constitution d'un réseau unique qui
intégrerait également ceux des services d'incendie et de secours ?
Aussi surprenant que cela puisse paraître, les fichiers cryptés de deux forces
ne sont pas compatibles. Au sein même des fichiers de police, les fichiers
STIC, ou système de traitement de l'information criminelle, et JUDEX, ou
fichier de rapprochement judiciaire, sont gérés distinctement par la police et
la gendarmerie sans que les agents de chaque institution aient juridiquement
accès aux fichiers de l'autre.
N'est-il pas temps de mettre fin à cette situation kafkaïenne en prévoyant la
fusion des fichiers et en y donnant accès aux agents de chaque institution ?
Le texte qui nous est soumis permettra également - c'est une de ses grandes
forces - de mieux utiliser les moyens existants en garantissant le recentrage
des personnels actifs sur leurs missions. Pour ce faire - cela répond à une
grande attente des effectifs concernés - le nombre d'emplois administratifs
sera augmenté et les tâches improductives, telles que les gardes statiques et
le transfert des détenus, seront limitées.
Par aileurs, le choix de la confiance est fait envers ceux qui veulent
prolonger leur activité. De la sorte, les gendarmes atteignant la limite d'âge
de leur grade pourront prolonger leur activité d'un an. Ainsi, leur départ en
retraite ne bouleversera pas la vie de leur brigade. Sans priver celle-ci de
leur expérience, ils pourront transmettre leurs compétences aux nouveaux
personnels.
Ce projet de loi ouvre enfin la voie d'une logique novatrice d'évaluation de
la performance de l'action conduite. Ainsi, les objectifs de performance fixés
par le Gouvernement dans la loi de finances initiale seront évalués chaque
année par un organisme extérieur et un rapport sur l'application du présent
projet de loi sera remis chaque année au Parlement.
Comme je viens de l'indiquer, les orientations de ce projet de loi donnent à
l'opinion pubique un signal fort de la volonté réformatrice de ce gouvernement,
comme de sa détermination à agir rapidement et avec efficacité.
Cela dit, je souhaite profiter de cette tribune, monsieur le ministre, pour
obtenir certaines assurances sur quelques points qui retiennent
particulièrement l'attention des membres de la Haute Assemblée, représentants
constitutionnels des collectivités locales.
Concernant la rationalisation de la répartition des zones de compétences entre
la police et la gendarmerie, la commission des lois a considéré qu'elles
permettrait de tirer le meilleur profit des moyens existants.
Pour autant, la modification de l'implantation des effectifs à l'intérieur des
zones de compétence de chaque force suscite l'inquiétude de nombreux élus
locaux. Ils souhaiteraient être assurés que la réforme ne se fera ni au
détriment de la proximité, à laquelle nos concitoyens sont attachés, ni au
détriment de l'efficacité des forces de sécurité.
S'agissant de la gendarmerie en zone rurale, des expériences de « jumelage »
de brigades ont déjà eu lieu par le passé sans donner les résultats escomptés.
Elles ont désorienté les citoyens pendant que les délinquants venus des zones
urbaines mettaient à profit les failles du système.
Pensez-vous donc, monsieur le ministre, que les communautés de brigades que
vous proposez pour mutualiser sous un même commandement les moyens de plusieurs
brigades ne provoqueront pas les mêmes effets ni n'entraîneront à terme la
disparition de casernes dans les zones de faible densité démographique et,
surtout, qu'elles permettront de maintenir la tranquillité de nos zones rurales
?
Enfin, pouvez-vous nous confirmer que ces communautés de brigades seront
créées après consultation des élus locaux et ne seront pas imposées par une
directive nationale ?
Les élus locaux s'indignent également du stationnement illégal, de plus en
plus insupportable, des gens du voyage De nombreuses communes sont confrontées
à leur stationnement hors des aires pourtant prévues à cet effet par la loi.
Trop fréquemment, et en dépit d'un arrêté d'interdiction du maire pris
conformément à la loi Besson, arrêté qui était le pendant de l'aménagement
d'aires d'accueil aux frais des contribuables locaux, les gens du voyage
refusent de stationner sur ces aires aménagées à leur intention.
Nos concitoyens vivent cette situation comme une véritable insulte aux efforts
financiers qu'ils ont consentis, sans compter que ce stationnement illégal
s'accompagne bien trop souvent de déprédations des propriétés publiques ou
privées. Il est temps de lutter contre ce fléau qui laisse les maires et chacun
d'entre nous totalement démunis.
Le projet de loi prévoit que des mesures seront prises en la matière.
L'Assemblée nationale a, en outre, prévu la saisie des véhicules en cas de
refus d'obtempérer.
Mais la véritable faille du système réside dans la longueur de la procédure
d'expulsion : il convient de l'accélérer. Les maires qui ont aménagé une aire
d'accueil ou qui ont participé au financement d'une telle aire doivent pouvoir
obtenir de manière urgente et automatique l'expulsion des gens du voyage
installés illégalement sur d'autres terrains publics ou privés situés sur le
ressort de leur commune.
Le recours à un huissier est obligatoire et la décision judiciaire est prise
contradictoirement en la forme des référés, souvent de nombreux jours après
l'installation illégale. Une fois la décision de justice prononcée, le préfet
accorde rarement l'emploi de la force publique pour procéder à l'exécution de
cette décision. Et lorsque la procédure arrive enfin à son terme, le plus
souvent, les gens du voyage sont déjà sur le départ ou partis vers un nouveau
site, où le nouveau maire concerné recommencera une procédure au point de
départ, tandis que, dans le même temps, un autre groupement s'installera sur le
terrain à peine libéré.
Ne vous semblerait-il pas souhaitable de pouvoir obtenir en urgence une
ordonnance sur requête afin d'accélérer la procédure ? Ne pensez-vous pas que
des consignes strictes devraient être données aux préfets pour que les
décisions de justice en la matière soient systématiquement et promptement mises
à exécution et pour que les forces de l'ordre soient mises automatiquement à
disposition ?
Quant au nouveau dispositif de financement et de réalisation des opérations
immobilières, il ne manquera pas d'accélérer la réalisation des opérations afin
de rattraper le retard accumulé en la matière et, surtout, il favorisera les
partenariats avec les collectivités locales.
Encore faut-il garantir fermement qu'il ne s'agit pas d'un transfert de
compétences déguisé vers les collectivités locales. Il s'agit d'une compétence
régalienne de l'Etat ! Un transfert de compétences pur et simple créerait une
inacceptable inégalité entre les collectivités les plus riches, qui seules
auraient la possibilité de financer les équipements nécessaires, et les autres,
qui se retrouveraient marginalisées alors même que celles-ci sont souvent les
plus frappées par l'insécurité quotidienne.
Par ailleurs, les communes bénéficiant actuellement de subventions pour
construire des brigades de gendarmerie afin de les mettre à la disposition de
l'Etat moyennant un loyer s'inquiètent de savoir si ce dispositif ne remettrait
pas en cause la distribution de ces subventions. Enfin, les communes qui
profiteraient des attributions du fonds de compensation pour la TVA, le FCTVA,
pourraient-elles également bénéficier de subventions ?
En outre, je me ferai l'écho, dans ma dernière question, des interrogations de
certains de mes collègues qui, plusieurs fois, se sont inquiétés de la question
de l'extraction et du transfert des détenus ainsi que de la garde des détenus
hospitalisés. Le président Henri de Raincourt, Aymeri de Montesquiou, notre
rapporteur pour avis de la commission des finances, nos collègues Christian
Cointat et Laurent Béteille ont successivement soulevé cette épineuse question,
la semaine passée, à l'occasion de l'examen du projet de loi d'orientation et
de programmation pour la justice.
L'équivalent temps plein de 4 000 policiers et gendarmes est mobilisé par ces
tâches indues. Les services des petites villes dotées de prisons sont
entièrement désorganisées par leur accomplissement.
Si les policiers et les gendarmes devaient être déchargés de cette mission,
accorderait-on des moyens supplémentaires à l'administration pénitentiaire ou
aurait-on recours à des services de sécurité privé ?
Envisagera-t-on, dans des cas très spécifiques, le déplacement de magistrats,
notamment pour les zones de rétention administrative comme celle de Roissy, par
exemple ?
Enfin, pourquoi ne pas vivre avec son temps et réfléchir à l'utilisation des
nouvelles technologies qui permettraient, par exemple, d'envisager la
vidéo-conférence pour les auditions ? A n'en pas douter, les investissements
nécessaires seraient rapidement amortis compte tenu de l'économie de moyens
humains et matériels réalisée.
En ce sens, je me permettrai de citer l'exemple de notre collègue Jean-Jacques
Hyest, qui rappelait, en 1998, dans son rapport, le cas d'un prisonnier
transféré sept fois en quatorze semaines de Fleury-Mérogis à Bordeaux, chacun
de ces transfèrements coûtant près de 70 000 francs à la collectivité.
M. Jean-Jacques Hyest.
Et voilà !
M. Jean-Patrick Courtois,
rapporteur.
Je vous remercie, monsieur le ministre, des réponses que vous
apporterez à ces différentes interrogations de notre assemblée. Elles ne
manqueront pas d'assurer pleinement notre conviction que la voie tracée est la
bonne.
Ces orientations, combinées à celles qui, relatives à la délinquance des
mineurs, figurent dans le projet de loi d'orientation et de programmation pour
la justice que le Sénat, première assemblée saisie, a adopté en première
lecture vendredi dernier, constituent des engagements forts pris devant la
représentation nationale.
Elles sont de nature à mobiliser les énergies afin de garantir à nos
concitoyens le rétablissement de notre sécurité. Et nous ne rappellerons jamais
assez qu'il s'agit là de la première de nos libertés.
En conséquence, dans l'attente du dépôt du projet de loi traduisant les
orientations législatives retracées dans le présent projet de loi ainsi,
naturellement, que de la présentation du projet de loi de finances pour 2003,
qui commencera à mettre en oeuvre l'augmentation des moyens programmée, parce
que ce texte reprend un grand nombre des propositions de notre assemblée, la
commission des lois et son rapporteur, mes chers collègues, vous proposent
d'adopter ce projet de loi sans modification.
M. le président.
La parole est à M. Philippe François, rapporteur pour avis.
M. Philippe François,
rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense
et des forces armées.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes
chers collègues, le rapprochement de la gendarmerie nationale et de la police
nationale, est à mon avis, au coeur du dispositif du projet de loi
d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure que nous
examinons aujourd'hui. Il définit, en effet, le cadre juridique dans lequel les
forces de sécurité intérieure devront désormais travailler, animées par une
autorité commune, le ministre de la sécurité intérieure, réorganisées et dotées
de moyens nouveaux.
C'est la raison pour laquelle la commission des affaires étrangères, de la
défense et des forces armées a décidé de se saisir pour avis de ce projet de
loi.
Analysons, par conséquent, les modalités du rapprochement police-gendarmerie
et ses conséquences sur leur organisation territoriale respective. Essayons
également de déterminer l'impact des moyens dégagés en faveur de la
gendarmerie, tant sur la plan des effectifs que sur celui des équipements.
Félicitons-nous, mes chers collègues, de ce que la nouvelle architecture
institutionnelle de la sécurité intérieure ait pour maîtres mots la cohérence
et l'efficacité, mots fréquemment prononcés par M. le ministre lui-même.
Le rapprochement de la police et de la gendarmerie était attendu sur le
terrain depuis de nombreuses années. En le réalisant enfin, le Gouvernement a
tenu les engagements qu'il avait pris devant les Français et il répond ainsi à
leur exigence de sécurité.
Par le décret du 15 mai 2002, qui confie l'emploi et l'organisation de la
gendarmerie, pour ses missions de sécurité intérieure, au ministre de
l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales - en
concertation avec le ministre chargé de la défense, qui en conserve la
responsabilité organique et l'emploi pour les missions militaires -, le
Gouvernement a ainsi précisé et infléchi une pratique républicaine définie par
le décret du 20 mai 1903 permettant au ministre de l'intérieur de « donner des
ordres » à la gendarmerie. Désormais, celui-ci en aura plus directement encore
la responsabilité afin d'organiser une meilleure collaboration avec la police
et de mieux assurer la sécurité de nos concitoyens.
La commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées,
monsieur le ministre, est très attachée à ce que la spécificité de la
gendarmerie soit respectée et préservée dans le travail au quotidien avec la
police. Les personnels de la gendarmerie, force de police à statut militaire,
sont, comme tous les militaires, soumis à des obligations particulières : ils
sont tout d'abord astreints à un devoir de réserve, qui limite leur expression
personnelle et collective ; ils sont ensuite soumis à une obligation de «
disponibilité en tout temps et en tout lieu », dont les élus locaux connaissent
l'importance concrète. Cette obligation va d'ailleurs de pair avec celle de
loger en caserne, de telle sorte que les obligations personnelles du militaire
sont en partie partagées par sa famille.
Vous vous êtes engagé, monsieur le ministre, à ce que le rapprochement avec la
police s'effectue sur une base paritaire valorisant les compétences respectives
et respectant les différences. C'est une très bonne décision, et je m'en
félicite.
La commission des affaires étrangères restera également attentive à ce que la
priorité donnée à la lutte contre l'insécurité n'occulte pas la place de la
gendarmerie au sein des forces armées et n'obère pas ses missions de prévôté,
de police militaire et, en cas de menace interne ou externe, de défense du
territoire. Sa capacité d'action en opérations extérieures, unanimement
reconnue comme en Bosnie ou au Kosovo, devra également être confortée. Il sera,
par conséquent, souhaitable de préserver des modalités de recrutement et de
formation purement militaires et communes aux autres armées.
Le second point de satisfaction, mes chers collègues, est que, sur le terrain,
la coordination des forces de sécurité puisse être significativement
améliorée.
La répartition des zones de compétence entre la gendarmerie nationale et la
police nationale sera réexaminée localement de manière pragmatique - vous avez
fréquemment employé ce qualificatif, monsieur le ministre - pour trouver une
meilleure cohérence opérationnelle, afin de supprimer les chevauchements. Ces
échanges de territoires entre police et gendarmerie se feront de manière
équilibrée et concertée avec les élus locaux, vous l'avez indiqué tout à
l'heure.
L'interopérabilité et la complémentarité des moyens des deux forces seront
améliorées, notamment dans les domaines des transmissions et de la police
scientifique.
En matière de transmissions, pour pallier la non-interopérabilité des systèmes
de communication de la gendarmerie et de la police, les échelons de
commandement et les unités travaillant ensemble seront dotés en priorité de «
mallettes de connexion » - terme technique dont je ne connais pas la définition
- dans l'attente d'un système unique.
En matière de police scientifique, il faudra bien, monsieur le ministre,
résoudre l'actuel dédoublement des moyens, chaque force possédant son propre
laboratoire.
Enfin, à travers la participation accrue des gendarmes aux offices centraux
et, surtout, grâce aux groupes d'intervention régionaux, une habitude de
travail en commun se développera. Ces GIR, forces d'intervention
interministérielles, symbolisent parfaitement la volonté résolue du
Gouvernement de reconquérir des zones du territoire qui sont devenues des zones
de non-droit. Nous souhaitons qu'après de premières opérations prometteuses ils
puissent devenir les fers de lance d'une lutte en profondeur contre les trafics
et la délinquance.
Outre ce nouveau dispositif institutionnel, le projet de loi d'orientation et
de programmation vise à doter les forces de sécurité de nouveaux moyens humains
et matériels au cours des cinq prochaines années. Deux chiffres marquent cette
volonté pour la gendarmerie : la création de 7 000 emplois et le déblocage de
2,85 milliards d'euros supplémentaires par rapport à 2002 sur la durée de la
loi. Au cours des cinq prochaines années, 4 800 postes seront attribués aux
missions de sécurité de proximité, 400 à la lutte contre la délinquance, 700 à
la sécurité routière, 300 à la lutte contre le terrorisme et 800 au soutien des
unités. Les 7 000 postes créés sont des postes de gendarmes de plein
exercice.
En revanche, le projet de loi ne prévoit pas d'augmenter le nombre d'emplois
budgétaires de gendarmes adjoints volontaires, même si, en mettant fin au gel
de 1 400 postes opérés par le gouvernement précédent pour financer les mesures
décidées à la hâte et dans l'urgence, fin 2001, il permettra la progression de
leur nombre sur le terrain.
Je crois opportun, à cet égard, que leur statut juridique évolue pour qu'il se
rapproche de celui des gendarmes en matière de police judiciaire. Cette
évolution ne pourrait-elle se réaliser au travers du rétablissement d'un corps
d'hommes du rang dans la gendarmerie, comme c'était le cas autrefois ?
La commission des affaires étrangères estime aussi très positive la volonté
d'accroître les effectifs sur le terrain grâce à la réduction des gardes
statiques et des transfèrements ainsi qu'à la simplification d'un certain
nombre de procédures.
Elle s'est interrogée à cet égard sur la possibilité de recourir à plus de
personnels civils pour prendre en charge diverses tâches administratives. Je me
permets de vous inviter, monsieur le ministre, à faire procéder rapidement à
une réflexion sur le sujet. Nous nous tenons à votre disposition.
Une simple augmentation des effectifs ne permettant pas à elle seule de lutter
contre l'insécurité, il est particulièrement bienvenu que le projet de loi
prévoie une évolution significative de l'emploi des forces.
Les brigades territoriales de petite taille, par groupes de deux ou trois,
passeront sous commandement unique et mutualiseront leurs moyens dans le cadre
de communautés de brigades. Ce nouveau dispositif préservera le maillage
territorial de la gendarmerie tout en améliorant sensiblement les services
apportés à la population. En effet, trop de brigades n'ont pas les effectifs
suffisants pour mener des patrouilles de jour et, surtout, de nuit et pour
avoir une réactivité satisfaisante, tout en ménageant les temps de repos des
personnels.
De plus, les 17 000 hommes des escadrons de gendarmerie mobile seront employés
plus systématiquement pour des missions de sécurité publique en soutien des
brigades territoriales dans leur zone de défense de résidence. Leurs
déplacements seront sensiblement réduits, même si, pour les missions de
maintien de l'ordre, le principe qui veut que l'on ne fasse pas du maintien de
l'ordre « chez soi » sera maintenu mais on évitera ainsi d'aller de Toulouse à
Tours, par exemple.
Enfin, l'effort fait en matière d'effectifs s'accompagne d'un effort
budgétaire tout aussi important en matière de moyens matériels.
C'est ainsi que 200 millions d'euros environ seront débloqués pour
l'équipement des personnels. Un effort équivalent sera accompli pour les
véhicules, qu'il s'agisse des véhicules des brigades, des cars des escadrons de
gendarmerie mobile ou des véhicules blindés à roue de la gendarmerie. Pour ces
derniers, vieux de plus de vingt-cinq ans, l'effort est spectaculaire. La loi
de programmation militaire présentée en conseil des ministres en 2001 n'en
prévoyait que quatre sur six ans ; les crédits dégagés par le présent projet de
loi permettront l'achat de 118 véhicules supplémentaires.
L'informatique, la bureautique et la modernisation des services en général
sera un autre axe d'effort. Il paraît inconcevable que les brigades
territoriales ne disposent ni d'Intranet ni d'internet aujourd'hui, et 150
millions d'euros supplémentaires y seront consacrés.
L'effort financier le plus important - 475 millions d'euros sur cinq ans, soit
presque la moitié des crédits d'investissement supplémentaires - sera consenti
pour le logement des gendarmes. Cela équivaut à un quasi-doublement de l'effort
financier atteint jusqu'à présent. Cet effort financier devrait permettre de
rénover 3 500 unités de logement et d'en construire 4 000 nouvelles sur cinq
ans. Il s'accompagne également d'un « rebasage » des crédits de fonctionnement
de la gendarmerie permettant de mettre fin au problème des loyers impayés que
nous, élus locaux, connaissons si bien.
Pour conclure, monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers
collègues, je dirai qu'il me semble que ce projet de loi d'orientation et de
programmation était un projet très attendu.
Il confirme la réorganisation des forces de sécurité intérieure pour les
rendre plus cohérentes et plus efficaces. Il s'accompagne de moyens humains et
financiers nouveaux, permettant véritablement aux forces de sécurité
d'accomplir leurs missions. L'emploi de ces forces sera lui-même modifié pour
augmenter, sur le terrain, le nombre de policiers et de gendarmes
disponibles.
Enfin, ce projet de loi s'inscrit dans une logique de résultat en soumettant
la politique suivie à une évaluation régulière, que vous avez dit mensuelle,
monsieur le ministre.
C'est pourquoi, mes chers collègues, au nom de la commission des affaires
étrangères, de la défense et des forces armées, je vous invite à émettre un
avis favorable sur ce présent projet de loi.
(Applaudissements sur les
travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi
que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Aymeri de Montesquiou, rapporteur pour avis.
M. Aymeri de Montesquiou,
rapporteur pour avis de la commission des finances, du contrôle budgétaire et
des comptes économiques de la nation.
Monsieur le président, monsieur le
ministre, mes chers collègues, nous devons circonscrire le feu de l'insécurité
et l'éteindre. Il faut agir rapidement, marquer une rupture avec les méthodes
et la culture du gouvernement précédent.
M. Eric Doligé.
Très bien !
M. Aymeri de Montesquiou,
rapporteur pour avis.
De fait, monsieur le ministre, avec détermination
et sans perdre un jour, vous avez mobilisé les 2 000 commissaires de police,
organisé les forces de l'ordre en groupes d'intervention régionaux, mis au
travail le nouveau conseil de sécurité intérieure.
De ce fait, le message que vous adresserez à nos concitoyens et aux forces de
police et de gendarmerie est clair. Vous exigez et vous obtiendrez des
résultats.
(Exclamations sur les travées socialistes.)
M. Roger Karoutchi.
Très bien !
M. Aymeri de Montesquiou,
rapporteur pour avis.
Pour la première fois depuis 1995, le Gouvernement
propose un débat sur les orientations et les moyens de la sécurité intérieure.
Ce projet de LOPSI, si vous me permettez d'entrée de jeu cet acronyme, entraîne
l'adhésion et redonne confiance.
C'est une réponse éloquente aux inquiétudes manifestées par nos concitoyens
lors des dernières élections. Le sentiment de peur et d'insécurité n'est pas un
fantasme réveillé par les médias à l'occasion des récentes campagnes
électorales : c'est la réalité quotidienne de trop nombreux citoyens. Or le
sentiment d'insécurité qui se diffuse dans notre société accroît la méfiance de
chacun à l'égard de l'autre et conduit souvent au racisme. C'est bien le lien
social qui est détruit par l'explosion de la délinquance.
L'insécurité n'est pas un phénomène nouveau, mais son développement récent est
inquiétant. Je reprendrai cette litanie pour souligner la gravité de la
situation :
Les délinquants sont de plus en plus jeunes et de plus en plus violents.
Les zones rurales ne sont plus épargnées. L'augmentation de la criminalité est
forte en zone « gendarmerie » : 20 % dans la Creuse entre 2000 et 2001, 17 % en
Haute-Savoie, près de 17 % dans mon département du Gers qui se rêvait à l'abri
!
Certains quartiers sont, depuis plusieurs années, de véritables zones de
non-droit. Il n'est pas acceptable que, dans notre République, des policiers en
uniforme ne puissent plus s'y rendre sans être agressés, que pompiers, médecins
et ambulanciers ne puissent plus y pénétrer sans être pris à partie par des
bandes, parfois armées, toujours agressives. Ce qui est arrivé à de jeunes
policiers, à Pantin, il y a quelques jours, en est un exemple tragique et
honteux.
Mettons-nous à la place des habitants de ces quartiers, imaginons leur vie
quotidienne. Nous ne pouvons débattre sentencieusement et ne rien faire ; nous
devons absolument agir. Il est d'autant plus urgent que ces zones soient
qualifiées de zones d'action prioritaire ou ZAP. L'action de nos forces de
sécurité s'y concentrera, avec, pour objectif, l'éradication des zones de
non-droit d'ici à cinq ans.
Aujourd'hui, tous ensemble, nous avons l'obligation absolue de rétablir l'Etat
de droit sur chaque parcelle du territoire, et ce avec une détermination sans
faille. La sécurité est la condition même de l'exercice des droits de l'homme.
« La première liberté, c'est la sécurité », rappelait le Premier ministre lors
de sa déclaration de politique générale, le 3 juillet dernier. Aujourd'hui,
l'insécurité est devenue un véritable défi pour l'Etat.
Au sentiment d'abandon que ressentent aujourd'hui nos concitoyens s'est ajouté
celui de nos forces de sécurité.
Elles ne se sentaient plus reconnues et surtout soutenues par le monde
politique. Elles avaient le sentiment que leur action était de plus en plus
entravée et vaine, alors même qu'elles travaillaient dans des conditions de
plus en plus ingrates : lenteur et complexité des procédures, trop nombreuses
affaires classées sans suite, caractère parfois symbolique des sanctions
infligées aux délinquants, autant de facteurs qui alimentaient leur sentiment
d'incompréhension, de découragement et d'exaspération. On m'a parlé dans les
commissariats de récidivistes recommençant dix, cinquante, soixante fois.
Trop souvent, les délinquants interpellés par la police étaient immédiatement
relâchés et jouissaient d'un sentiment d'impunité, faisant alors les
fiers-à-bras. Cela enlevait tout caractère dissuasif à l'arrestation. Tout le
monde connaissait cette situation mais acceptait le renoncement.
Les forces de sécurité intérieure se sentaient inutiles : il est impossible de
faire respecter le loi lorsqu'on a le sentiment de ne pas être considéré. Lors
d'une tournée avec la brigade anti-criminalité, j'ai constaté avec effarement
que des consignes étaient données pour que les barrages de police soient levés
afin d'éviter qu'un criminel en fuite ne se blesse, ce qui pourrait provoquer
des remous voire des émeutes ! Désormais, les forces de sécurité savent que le
pouvoir politique fera front.
(Exclamations sur les travées du groupe
socialiste.)
Cette inversion des valeurs est non seulement malsaine, mais destructrice pour
notre société. En conséquence, après une lancinante exaspération très longtemps
contenue, l'automne dernier a vu naître le mouvement revendicatif de policiers
le plus important depuis plus de vingt ans. Pour la première fois dans
l'histoire, des gendarmes ont défilé en uniformes, bravant ouvertement leur
obligation de réserve.
Ces messages de découragement, d'exaspération, presque de révolte, adressés
par nos concitoyens et par les forces de sécurité, appelaient un changement
radical de politique, un esprit nouveau et des résultats rapides. Il n'est plus
temps de tergiverser, l'action forte s'impose.
La lutte contre l'insécurité nécessite une volonté politique ferme, exprimée
par une majorité unie. Monsieur le ministre, les membres du Gouvernement sont
unanimement solidaires de ce projet de LOPSI, ils parlent d'une même voix et
assument pleinement les nouvelles options. C'est un gage de réussite pour faire
respecter cette politique par nos concitoyens et par les forces de police et de
gendarmerie, une réponse à la hauteur des enjeux.
La LOPSI prévoit une augmentation réelle et sans précédent des moyens de nos
forces de sécurité. Elle s'accompagne, comme le soulignait le Premier ministre,
d'une « volonté affirmée de faciliter le travail des policiers et des gendarmes
».
C'est un point essentiel, qui tranche avec la politique antérieure.
(M.
Raymond Courrière s'exclame.)
Nos forces de sécurité disposent, enfin, d'un
soutien moral et politique ! C'est la fin de la culture de « l'excuse » pour
les délinquants, au profit de celle de la juste sanction.
En particulier, il est essentiel de s'attaquer à ceux qui étalent, de manière
provocatrice, des signes de richesse acquises grâce aux revenus d'activités
délictueuses, tel le recel ou le trafic de drogue. Ces délinquants deviennent
une forme de « modèle » dont l'effet est particulièrement néfaste sur les plus
jeunes, fascinés par ces billets agités sous leurs yeux et dont l'origine n'est
pas condamnée par la société.
Or comment inciter un jeune à poursuivre des études quand on lui assène
l'exemple d'une vie si facile et opulente ? Comment le convaincre de se battre
pour entrer sur le marché de l'emploi, sachant qu'il risque de faire l'objet de
discriminations en raison de son lieu de résidence ? Les actions régulières et
dissuasives des groupes d'intervention régionaux permettront, sans aucun doute,
de mieux mobiliser les services de l'Etat et de lutter sans états d'âme contre
ces situations inacceptables qui rendent dérisoire toute initiation au
civisme.
Cette lutte sans merci qui est menée sur le terrain doit s'accompagner de la
simplification, de la modernisation des procédures et de la gestion du
ministère chargé de la sécurité intérieure. Pour que le service rendu à nos
concitoyens soit optimal, la sécurité doit constituer le domaine privilégié de
la mise en oeuvre du triptyque « expérimentation, évaluation, généralisation
».
La méthode pragmatique qui a été retenue par le Gouvernement pour mener à bien
les réformes structurelles des forces de sécurité est la bonne. Elle privilégie
le dialogue et la concertation locale, elle n'impose pas de grands schémas
nationaux, qui sont d'ailleurs toujours inadaptés aux réalités du terrain. Dans
ce dispositif, les élus locaux sont enfin associés.
M. le rapporteur de la commission des lois saisie au fond ayant détaillé les
dispositions de ce texte, je serai bref sur l'examen des articles qui nous sont
soumis et je concentrerai mon propos sur les dispositions de nature budgétaire.
Pour plus de détails, mes chers collègues, je vous invite à lire le rapport
écrit de la commission des finances.
L'article 1er approuve les orientations de la nouvelle politique de sécurité
intérieure qui sont définies dans l'annexe I. La LOPSI diffère d'autant plus
des deux précédentes lois de programmation en la matière, la loi Joxe de 1985
et la loi Pasqua de 1995, que son horizon coïncide avec celui de la
législature. L'annexe I constitue ainsi un véritable programme de gouvernement
en matière de sécurité intérieure.
En effet, elle améliore considérablement la répartition, l'organisation et la
gestion des forces de sécurité intérieure. La coordination de la police et de
la gendarmerie sous une même tutelle opérationnelle en constitue la mesure
emblématique. Cette innovation signifie-t-elle que l'imagination est enfin au
pouvoir ?
Chaque corps conservera son identité, mais cette nouvelle coordination
permettra de maintenir une extrême complémentarité, une émulation positive et
une efficacité renforcée. Ainsi, la création des communautés de brigade,
renforcera les capacités opérationnelles de la gendarmerie dans les zones
rurales, qui étaient jusqu'à présent désorganisées par les redéploiements
successifs.
Quant à l'article 2, il fixe à 5,6 milliards d'euros le montant global des
crédits supplémentaires qui sont attribués à la sécurité intérieure pour la
période 2003-2007. Le Gouvernement ne cherche pas à faire mieux avec moins de
crédits ou autant, ce qui supposerait à nouveau un simple redéploiement, il
veut faire beaucoup mieux et plus, avec beaucoup plus de crédits.
Cette programmation n'est pas détaillée année par année pour la période
2003-2007. Par une globalisation qui apporte un élément de souplesse évident,
elle optimise la répartition annuelle des crédits supplémentaires en fonction
de l'avancement concret des projets. Cette globalisation des crédits est déjà
une méthode de gestion employée avec succès par le ministère de l'intérieur
pour les dépenses immobilières des préfectures. Elle a été engagée par le
précédent gouvernement.
Ces crédits pallieront les carences actuelles de nos forces de sécurité,
s'agissant de l'insuffisance des personnels administratifs dans la police, de
la rotation trop rapide des forces de police dans les zones sensibles, de la
remise à niveau du budget de la gendarmerie, des besoins de rénovation du parc
immobilier et de renouvellement du parc automobile ou encore des besoins de
modernisation des systèmes d'information et de communication. Monsieur le
ministre, les policiers sont exaspérés que leurs communications soient
décryptées par les délinquants et que leurs voitures ne leur permettent pas de
les poursuivre.
Le projet de loi prévoit également la création de 13 500 emplois
supplémentaires dans la police et la gendarmerie. J'ai cru comprendre, monsieur
le ministre, que ces emplois ne se substitueront pas à ceux des adjoints de
sécurité et des gendarmes auxiliaires, dont l'apport sera maintenu sous une
forme ou sous une autre. Pouvez-vous nous préciser les modalités concrètes à la
fois de la création de ces nouveaux emplois et du maintien des adjoints de
sécurité et des gendarmes auxiliaires ?
Ces emplois et ces crédits supplémentaires contribueront à restaurer les
capacités opérationnelles de nos forces, mises à mal ces dernières années pour
trois raisons.
Des crédits d'investissement et de maintenance, qui servaient de variable
d'ajustement, ont été sacrifiés.
La structure des personnels a évolué au profit des moins qualifiés, provoquant
une baisse de leur qualité opérationnelle, quelle que soit la bonne volonté des
emplois jeunes.
Enfin, et surtout, les modalités de mise en oeuvre des 35 heures, conduisaient
mécaniquement, pour la seule police nationale, à une perte équivalente à 8 000
emplois équivalent-temps plein. En effet, le précédent gouvernement avait
commencé, dans un mouvement totalement absurde, comparable à celui des
Shadocks, à racheter aux policiers les jours de congés supplémentaires qu'il
leur avait donnés, et ce à un coût supérieur !
La LOPSI tranche ainsi avec ce que j'avais qualifié, à l'automne dernier, de «
paradoxe Vaillant », c'est-à-dire plus de crédits, mais, finalement, moins de
policiers sur le terrain !
J'en viens à l'article 3, qui s'inscrit dans le prolongement des efforts
budgétaires prévus pour remettre à niveau des bâtiments de la police et de la
gendarmerie. Le recours accru aux financements des collectivités locales, sur
la base du volontariat, s'inspire du dispositif mis en place en 1990 pour
l'enseignement supérieur dans la cadre du plan Université 2000. La prise en
charge directe par les collectivités locales vaut, hélas ! reconnaissance
implicite de l'incapacité de l'Etat à assumer son devoir de financement d'un
service public régalien.
Mais, pour cuisant qu'il soit, cet aveu est courageux, nécessaire, et ouvre
une possibilité supplémentaire pour changer la situation. Il faut souligner que
la collectivité pourra récupérer la TVA et bénéficier de subventions.
J'avais été particulièrement choqué par l'état de délabrement de certains
commissariats que j'ai visités en tant que rapporteur spécial des crédits de la
sécurité. Mes chers collègues, soyons donc lucides et pragmatiques ! Donnons
des conditions de travail satisfaisantes à nos forces de sécurité et des
conditions d'accueil décentes aux victimes. L'image de ces bâtiments, c'est
l'image de l'Etat. Si nous voulons que celui-ci soit respecté, l'apparence de
ces bâtiments doit être respectable.
Enfin, l'article 5 porte sur l'évaluation. Il a été entièrement réécrit par
l'Assemblée nationale, sur l'initiative de notre ancien collègue Alain
Joyandet, rapporteur pour avis de la commission des finances. Il prévoit
désormais trois mesures bien articulées qui anticipent sur la mise en oeuvre de
la loi organique relative aux lois de finances : définition des objectifs,
évaluation des résultats, rapport annuel présenté au Parlement.
Ce dispositif est novateur et ambitieux, mais son dernier volet me semble
devoir être complété. C'est l'un des apports notables de notre commission des
finances. En effet, il est indispensable que l'évaluation annuelle de la mise
en oeuvre de la LOPSI s'appuie sur un point de départ incontestable : comment
apprécier les évolutions sur la période 2003-2007 si l'on ne dispose pas d'une
connaissance précise de la situation de départ ? C'est pourquoi nous avons
souhaité la réalisation, d'ici au premier semestre 2003, d'un audit du
fonctionnement et de l'organisation de nos forces de sécurité intérieure en
2002. C'est une mesure indispensable pour que nos fonctionnaires puissent
exprimer au mieux leurs capacités et organiser leur travail de façon optimale.
Je vous soumettrai, pour cette raison, deux amendements sur cet article.
En conclusion, ce projet de LOPSI traduit une prise de conscience - hélas
tardive ! - du niveau d'insécurité dans notre pays. Mais elle souligne surtout
la volonté incoercible du Gouvernement de donner aux forces de l'ordre les
moyens de faire appliquer la loi. Cette volonté s'inscrit dans une nouvelle
culture administrative. C'est un texte fondateur.
Conviction, bon sens, action, lisibilité, résultats sont les mots qui restent
à l'esprit après l'analyse de ce projet de loi de programmation. Vous mobilisez
les moyens nécessaires pour que les attentes de nos concitoyens et de nos
forces de sécurité ne soient pas une nouvelle fois déçues. Monsieur le
ministre, la commission des finances sera, bien sûr, particulièrement attentive
à ce que cet effort budgétaire sans précédent de la nation soit utilisé au
mieux, mais sachez que nous soutenons pleinement vos options et votre action,
déterminantes pour l'avenir de notre pays, et pas seulement pour sa sécurité
intérieure !
(« Très bien ! » et applaudissements sur les travées du RDSE,
de l'Union centriste, du RPR, ainsi que sur celles des Républicains et
Indépendants.)
M. Nicolas Sarkozy,
ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés
locales.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Nicolas Sarkozy,
ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés
locales.
Monsieur le président, je répondrai, bien sûr, à chacun des
orateurs qui sont intervenus dans la discussion générale, mais permettez-moi de
remercier les rapporteurs pour leurs propos extrêmement positifs et très précis
sur le projet de loi.
Monsieur Courtois, je partage pleinement, bien sûr, votre analyse de la
situation. Vous l'avez compris, nous voulons donner des pouvoirs importants aux
maires en matière d'information.
Pourquoi nous focalisons-nous sur le problème de l'information ? Pour deux
raisons. Tout d'abord, celui qui a l'information peut porter un jugement précis
et mieux orienter son action. Sans l'information, le maire est démuni face à la
réalité de l'insécurité. Ensuite, nous n'envisageons pas de municipaliser la
police ou la gendarmerie, car les maires, dans leur grande majorité, ne le
demandent pas. Ce qu'ils souhaitent, c'est être informés de ce qui se passe,
afin d'orienter leur politique de prévention et non conduire opérationnellement
les forces de police ou de gendarmerie. C'est pour ces raisons que nous nous
orientons dans cette direction.
L'habilitation des officiers de police judiciaire sur la zone défense - les
propos que vous avez tenus sur ce point font écho à ceux de M. Philippe
François - est nécessaire. Nous vous le proposerons d'ailleurs dans un projet
de loi à l'automne.
S'agissant du rapprochement des réseaux ACROPOL pour la police et RUBIS pour
la gendarmerie, qui peut trouver normal que nos deux forces de l'ordre aient
deux réseaux de communication qui ne communiquent pas ? La seule description de
cette situation conclut à l'étrangeté de notre organisation ! Comment
allons-nous résoudre ce problème, monsieur Courtois ? Nous allons, à court et à
moyen terme, favoriser une interconnexion dite utile, assurée par des valises
d'interconnexion et complétée par une connexion Intranet entre les centres
opérationnels de la gendarmerie et les salles de commandement de la police.
Il faut en effet que ces deux réseaux soient interopérables ; il y va de la
sécurité de nos forces de police et de gendarmerie.
Monsieur le rapporteur, vous avez évoqué la question de la sécurité civile. Il
va de soi que les 240 000 pompiers concernés doivent, à l'avenir, pouvoir
également se brancher sur le même réseau.
Les fichiers de la police et de la gendarmerie sont pour la plupart communs,
notamment ceux qui recensent les personnes recherchées et les véhicules volés.
Le rapprochement des fichiers d'information criminelle STIC et JUDEX est
nécessaire. Nous aurons besoin d'une base législative pour ce faire.
Par ailleurs, il n'est pas normal qu'un certain nombre de délinquants sexuels
n'apparaissent pas sur le fichier des délinquants sexuels, pour des raisons qui
s'apparenteraient, nous dit-on, à la protection des droits individuels. Il faut
se poser la question de l'efficacité de ce fichier quand on sait qu'en matière
de délinquance sexuelle la récidive est, hélas ! quasiment de 100 %, compte
tenu de la faiblesse des traitements en la matière. Tous ces problèmes de
fichiers sont à étudier très précisément.
En outre, je n'ai toujours pas compris pourquoi le fait, pour un policier et
un gendarme, de demander l'ouverture du coffre d'une voiture serait
attentatoire aux libertés individuelles.
(Applaudissements sur les travées
du RPR, de l'Union centriste et des Républicains et Indépendants.)
M. Jean-Pierre Vial.
Très bien !
M. Nicolas Sarkozy,
ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés
locales.
C'est d'autant plus étrange que, lorsque cela concerne un
douanier,...
MM. Louis de Broissia et Pierre Hérisson.
Ou un garde-chasse !
M. Nicolas Sarkozy,
ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés
locales.
... ce n'est pas attentatoire !
S'agissant de la rationalisation des zones de compétence respectives de la
police et de la gendarmerie, elle se fera par le biais d'échanges compensés,
afin qu'aucune zone ne soit sacrifiée. Je rappelle à ce titre que la zone de la
gendarmerie concerne 95 % de la superficie du territoire national.
S'agissant du problème des gens du voyage, il était censé être traité par la
loi Besson. Dans les faits, il n'en est rien !
(Marques d'approbation sur
certaines travées du RPR, de l'Union centriste et des Républicains et
Indépendants. - Protestations sur les travées socialistes et sur celles du
groupe communiste républicain et citoyen.)
J'en appelle au témoignage de
tous les élus. Je connais des communes où, les élus ayant appliqué
rigoureusement et rapidement la loi, des terrains parfaitement aménagés
existent,...
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
A Neuilly ?
M. Nicolas Sarkozy,
ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés
locales.
... mais les gens du voyage ne veulent pas venir s'y
installer,...
M. Francis Giraud.
Absolument !
M. Serge Vinçon.
Très bien !
M. Paul Raoult.
Ce n'est pas vrai !
M. Nicolas Sarkozy,
ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés
locales.
... cela pour une raison très simple : c'est payant ; or ils ne
veulent pas payer !
M. Robert Bret.
Ce n'est pas une règle générale !
M. Eric Doligé.
Bien sûr que si !
M. Nicolas Sarkozy,
ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés
locales.
Ils s'installent donc de manière sauvage, en se branchant sur des
réseaux. Il n'est pas normal que l'on pénalise les communes qui ont fait des
efforts pour respecter la loi.
M. Pierre Hérisson.
Très bien !
M. Nicolas Sarkozy,
ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés
locales.
Il me semble que nous pouvons dégager un consensus pour remédier
à ce qui n'est ni plus ni moins qu'une injustice.
Il ne me paraît pas normal non plus que les schémas concernés soient élaborés
contre l'avis même des élus, sans qu'on les consulte.
M. Pierre Hérisson.
Très bien !
M. Nicolas Sarkozy,
ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés
locales.
Quand on agit par la contrainte à ce point, il ne faut pas
s'étonner que cela ne marche pas !
M. Louis de Broissia.
Très bien !
M. Nicolas Sarkozy,
ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés
locales.
Le moins que l'on puisse dire, c'est que si une telle méthode
marchait, cela se saurait et qu'il n'y aurait pas autant de plaintes !
Ne pas agir favoriserait un ostracisme et un amalgame qui se développent dans
des conditions spectaculaires.
Je tiens à rendre hommage à nos concitoyens, notamment à ceux qui vivent à
Sangatte, qui voient depuis trois ans et demi de très nombreux groupes de
plusieurs centaines de Kurdes et d'Afghans ne parlant pas un mot de français.
La faiblesse des réactions xénophobes prouve que nos compatriotes sont vraiment
patients ! Quels sont ceux, ici, qui pourraient dire qu'à leur place ils ne se
considéreraient pas, eux aussi, abandonnés ?
Le problème - vous l'avez compris, monsieur Courtois, c'est que - pour réagir
à l'occupation sauvage de terrains, il faut attendre une réaction de l'autorité
administrative et civile. Or la procédure est si longue que le maire a le temps
de dépenser des fortunes ! Qui plus est, quand il obtient un titre pour faire
partir les gens du voyage, ces derniers ont déjà quitté les lieux, et tout cela
n'a servi à rien ! Un maire qui avait engagé dix-neuf procédures en une seule
année m'écrit pour me demander de payer les frais de justice, estimant, non
sans quelque raison, que c'est l'Etat qui était défaillant et certainement pas
les services municipaux !
Enfin, monsieur Courtois, la création d'une incrimination pénale permettra
d'agir plus vite et plus fort.
S'agissant de l'extraction des détenus, j'ai indiqué au garde des sceaux que
j'étais prêt à mettre à la disposition de la Chancellerie les enceintes de
Coquelles, près de Sangatte, et de Roissy, cela pour permettre aux magistrats
de sièger sur place et d'éviter des transfers incessants et extrêmement coûteux
en termes de forces de sécurité. Rien que pour la ville de Marseille, il faut
cent fonctionnaires par jour ! Qui peut trouver cela raisonnable ?
Monsieur François, je vous remercie de la compétence avec laquelle vous avez
parlé de ces sujets.
Le prisme gendarmique est effectivement une bonne clé de lecture. La
gendarmerie est spécifique, et l'on ne touchera pas à l'identité de ces deux
forces que sont la police et la gendarmerie car, dans notre esprit, l'une n'est
pas supplétive de l'autre. Elles doivent donc être traitées à égalité.
Prenons l'exemple des
flash-balls
: est-il normal que les gendarmes
n'en aient pas un seul, alors que la police dispose de 1 200
flash-balls
? Mon prédécesseur lui-même en avait acquis 460. Pourquoi les gendarmes ne
peuvent-ils disposer, pour se protéger, d'une arme proportionnée à la riposte,
comme les policiers ? Pourquoi les uns ont-ils un tonfa et les autres un bâton
télescopique ?
M. Dominique Braye.
Très bien !
M. Nicolas Sarkozy,
ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés
locales.
L'harmonisation des matériels et le respect de l'identité de la
police et de la gendarmerie sont des points importants.
La participation des gendarmes aux offices centraux a fait l'objet d'une
protestation de la part d'un syndicat de policiers. Mais à partir du moment où
la délinquance est la même dans les zones de la gendarmerie et dans les zones
de la police, il est normal que les gendarmes bénéficient des informations des
offices centraux dirigés par les policiers et que, de la même manière, les
policiers soient associés à la cellule interministérielle de lutte contre la
délinquance itinérante, qui est tenue par des gendarmes. Il est absurde, vous
avez parfaitement raison, de priver les uns et les autres de renseignements.
S'agissant des gendarmes adjoints volontaires, ceux-ci ne sauraient remplacer,
sur le plan qualitatif, les personnels professionnels de plein exercice. Il
n'est pas souhaitable d'étendre encore leurs prérogatives. Naturellement, les
créations d'emplois viennent en sus des postes de gendarmes adjoints. Il n'est
pas indifférent que ce soit la majorité de droite et du centre qui propose à la
représentation nationale de créer des emplois de militaires de plein exercice
ou des emplois de fonctionnaires de plein exercice, et non pas des emplois de
fonctionnaires au rabais, sous la forme des adjoints de sécurité ou des
gendarmes adjoints.
(« Très bien ! » et vifs applaudissements sur les
travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi
que sur certaines travées du RDSE.)
Car nous pensons aussi aux effectifs de
ces personnels !
Là encore, je tiens à le souligner, il y a loin du discours aux faits. Pour
notre part, nous proposons, je le répète, de créer de vrais emplois de
militaires, de vrais emplois de fonctionnaires, et non pas des emplois de
fonctionnaires au rabais. Ce n'est pas que la qualité des adjoints de sécurité
ou des gendarmes adjoints ne soit pas en tous points excellente. C'est leur
statut qui ne l'est pas !
M. Pierre Hérisson.
Exact !
M. Nicolas Sarkozy,
ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés
locales.
Il n'est pas indifférent que ce soit la gauche qui ait proposé un
statut de demi-fonctionnaires et que ce soit la droite qui suggère la création
de vrais postes de fonctionnaires.
(« Bravo ! » et vifs applaudissements sur
les mêmes travées.)
C'est là aussi, me semble-t-il, une réalité qu'il
convient de prendre en compte.
Par conséquent, pour répondre à votre question sans tabou, monsieur François,
je dirai que nous respectons suffisamment le monde de la fonction publique pour
créer des emplois de plein exercice, de plein salaire et de plein statut. Ne
comptez pas sur nous pour paupériser la fonction publique et encore moins la
fonction militaire. Je vous remercie de m'avoir permis de préciser cette utile
vérité.
(« Bravo ! » et vifs applaudissements sur les travées du RPR, des
Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines
travées du RDSE.)
M. Roland Courteau.
On verra !
M. Nicolas Sarkozy,
ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés
locales.
Monsieur de Montesquiou, je vous remercie également de bien
distinguer, d'une part, les moyens, et, d'autre part, la réforme.
Jusqu'à présent, mesdames, messieurs les sénateurs, la réforme échouait parce
que les moyens y afférents n'étaient pas prévus ou que les moyens étaient
prévus et la réforme pas entreprise. Monsieur de Montesquiou, nous pourrions
citer des exemples où nombre d'emplois ont été créés sans amélioration du
service public. Vous avez très justement noté qu'avec nous c'est la réforme et
les emplois, les emplois et la réforme, pas l'un sans l'autre. Il s'agit de
l'argent du contribuable, et il est temps de procéder à des évaluations et
d'obtenir des résultats.
M. Roland Courteau.
On verra !
M. Nicolas Sarkozy,
ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés
locales.
Qu'il me soit permis de dire que la performance existe aussi dans
la fonction publique et que nous en avons plus qu'assez de n'entendre parler de
performance et de récompense que dans le secteur privé.
M. Dominique Braye.
Très bien !
M. Nicolas Sarkozy,
ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés
locales.
Le secteur public compte des hommes et des femmes qui font plus
que les autres. Il est donc normal de les rémunérer plus que les autres.
(« Bravo ! » et vifs applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains
et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du
RDSE.)
C'est la considération pour le travail qui est réalisé !
Avec cette culture de l'évaluation et de la réforme, nous reconnaissons la
compétence et le travail du fonctionnaire. Le nivellement par le bas ne fait
pas partie de la politique du gouvernement de Jean-Pierre Raffarin.
(Nouveaux applaudissements sur les mêmes travées.)
Je vous remercie de
m'avoir donné l'occasion de le préciser devant la Haute Assemblée.
Les emplois prévus seront donc pérennisés.
J'aborderai brièvement la question de la construction des gendarmeries et des
commissariats. La dotation annuelle des crédits immobiliers augmentera de 90 %
pour la police et de 80 % pour la gendarmerie.
La loi ouvrira aux collectivités qui le souhaiteront la possibilité de prendre
en charge la maîtrise d'ouvrage de certaines opérations. Cela s'accompagnera
d'une aide initiale de l'Etat, qui pourra être plus importante que dans le
système actuel, lequel est ouvert aux seules casernes de gendarmerie, aux
termes du décret de janvier 1993 : là, les commissariats seront également
concernés.
Les collectivités qui choisiront de prendre en charge la maîtrise d'ouvrage
pour aller plus vite pourront bénéficier de deux avantages.
Tout d'abord, pour accélérer le processus, la TVA versée sur ces opérations
sera remboursée en cas de commencement d'exécution avant le 31 décembre 2007,
et ce par une attribution du fonds de compensation pour la taxe sur la valeur
ajoutée.
Ensuite, la participation de l'Etat à la construction sera soumise aux règles
générales du décret de 1999 sur les subventions, et non pas aux règles plus
rigoureuses du décret de 1993. Dans le décret de 1993, la subvention est
limitée, vous le savez, à 18 % ou 20 % du coût de l'opération, alors que le
décret de 1999 permet d'aller beaucoup plus loin. Par conséquent, monsieur
deMontesquiou, la situation sera plus favorable.
Nous avons pris ces mesures pour une raison très simple. Par exemple, pour le
commissariat de Saint-Ouen que j'ai visité, voilà sept ans que les crédits ont
été votés. Du fait de ma venue, les travaux vont peut-être commencer à la fin
de cette année. Comme deux années de travaux sont nécessaires, il aura fallu
attendre neuf ans pour que ce commissariat de police soit rénové.
Je vous le dis très simplement, mesdames, messieurs les sénateurs, quelles que
soient les travées sur lesquelles vous siégez : personne ne peut accepter que
des crédits votés ne soient pas utilisés parce que les procédures en vigueur
empêchent de prendre des risques et des initiatives et que l'on confond la
transparence et la concurrence nécessaires avec le juridisme, les mesures
tatillonnes et l'inefficacité administrative.
(« Bravo ! » et vifs applaudissements sur les mêmes travées.)
C'est bien
de cela qu'il s'agit ! Je le dis avec la plus grande force : je suis
parfaitement convaincu de la nécessité de la concurrence. Mais nous avons été
beaucoup trop loin.
M. Dominique Braye.
Et voilà !
M. Nicolas Sarkozy,
ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés
locales.
Chacun craint que le ciel ne lui tombe sur la tête. Résultat : il
n'y a plus de problème puisqu'il n'y a plus d'initiative.
(M. Michel Dreyfus-Schmidt s'exclame.)
Certains quartiers doivent devenir des zones prioritaires, vous avez raison.
Tel est le rôle non seulement des GIR, mais aussi des conférences
départementales de sécurité présidées par le préfet et le procureur de la
République. Pas un centimètre carré de la République ne doit être étranger aux
forces de l'ordre.
M. Dominique Braye.
Très bien !
M. Nicolas Sarkozy,
ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés
locales.
Dans chaque département, dans chaque ville, les forces de
l'ordre, police et gendarmerie, doivent pouvoir accomplir leur tâche. Si des
problèmes se posent, elles doivent retourner sur le terrain jusqu'à ce qu'ils
soient résolus.
(« Bravo ! » et vifs applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains
et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du
RDSE.)
M. le président.
J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la
conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour
cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République, 44 minutes ;
Groupe socialiste, 40 minutes ;
Groupe de l'Union centriste, 29 minutes ;
Groupe des Républicains et Indépendants, 25 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 18 minutes ;
Groupe du Rassemblement démocratique et social européen, 17 minutes ;
Réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe,
7 minutes.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Bernard
Plasait.
M. Bernard Plasait.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, aux termes
de l'article II de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, la
sûreté constitue un droit naturel et imprescriptible de l'homme. C'est une
affirmation fondamentale avec laquelle tous les républicains sont d'accord.
C'est malheureusement à peu près la dernière fois qu'ils le sont. Dès qu'il
s'agit de faire vivre à la fois démocratie et sécurité, les pratiques
politiques diffèrent, parce que les philosophies qui les inspirent sont en
opposition. C'est ce que montre l'histoire de l'insécurité en France depuis
trente ans.
Si la sécurité s'est imposée dans le débat politique, c'est d'abord parce que
le sentiment d'insécurité se fonde sur une réalité dramatique - le seuil des
quatre millions de faits constatés a été franchi en 2001 - qui est bien pire
que les chiffres officiels, comme le montrent les enquêtes de « victimisation
». Ainsi, au cours des années 1997-1998, 16,8 millions d'infractions auraient
été commises, contre seulement 3,408 millions enregistrées par la police sur
l'état 4001.
Les victimes s'abstiennent souvent de déclaration. Expression de la peur des
représailles ou traduction du sentiment d'inutilité du dépôt de plainte, ce
chiffre noir donne néanmoins une certaine idée de la réalité de la délinquance
dans notre pays et permet de comprendre que le sentiment d'insécurité,
décidément, n'est pas un fantasme.
La raison principale de l'exigence sécuritaire des Français, manifestée par
leur exaspération à l'occasion des dernières élections, c'est que les années
passées n'ont apporté aucune réponse politique à leur angoisse.
M. Louis de Broissia.
Eh oui !
M. Bernard Plasait.
La coupe est pleine pour tous les Français.
Le citoyen a le sentiment que la justice n'est pas juste, qu'elle est dure au
faible et faible au voyou. Il constate que la victime est moins bien traitée
que le délinquant...
M. Louis de Broissia.
Absolument !
M. Bernard Plasait.
... et que le délinquant est encouragé par le sentiment d'impunité. Au vrai,
le citoyen se sent abandonné.
Le policier ne supporte plus d'être nargué l'après-midi par le voyou qu'il a
arrêté le matin, d'être humilié par les insultes, quand il n'est pas attiré
dans un guet-apens où il est tiré comme un lapin.
Le juge n'en peut plus du grand embouteillage de la justice, qui lui fait une
réputation de laxisme.
Oui, la coupe est pleine parce qu'il n'y avait ni volonté politique ni réelle
politique de sécurité conciliant démocratie et sécurité, et s'appuyant sur le
principe de réalité pour agir avec efficacité. « Des villes sûres pour des
citoyens libres », nous avait dit excellemment la gauche en 1997 dans son titre
du colloque de Villepinte sur la sécurité. Ceux qui en avaient déduit la
conversion de la gauche ont été déçus. Le vrai-faux virage idéologique du
gouvernement précédent s'est abîmé dans le déni du réel. C'est en effet une
maladie française que de ne pas vouloir savoir.
Selon le sociologue Sébastian Roché, « l'insécurité est traitée comme une
question d'idéologie, alors qu'il s'agit pour les citoyens de leur qualité de
vie ».
Certes, la gauche a pris conscience de la réalité. Les prises de position
courageuses ont été nombreuses,...
M. Roland Courteau.
Quand même !
M. Bernard Plasait.
... mais on a assisté à une politique du discours.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Que faisons-nous depuis une heure ?
M. Patrick Lassourd.
Oui, mais vous l'avez fait pendant cinq ans !
M. Bernard Plasait.
Le ministre prononçait le mot pour ne pas avoir à faire la chose. La posture
était martiale, mais la fermeté virtuelle. Au vrai, s'il y a eu prise de
conscience de la réalité, il n'y a pas eu de révolution culturelle. Et la
culture de l'excuse domine toujours. « C'est la société qui est violente »,
nous dit Lionel Jospin. C'est donc la faute de la société, du déracinement, du
chômage, jamais de l'individu.
Mme Monique Cerisier-ben Guiga.
Il n'a jamais dit cela !
M. Bernard Plasait.
« Quand on attrape un délinquant, on est malheureux », avouait Hervé
Algalarondo. En fait, le fond de l'idéologie demeure : on veut éviter d'avoir à
punir. D'où le choix des mots : incivilité, sauvageons, jeunes... Cette «
dévaluation sémantique », c'est aussi parler délinquance quand il s'agit de
crime. Un voyou qui massacre un innocent à coups de pied, de brique, de
gourdin, ce n'est pas un jeune délinquant à sermonner, c'est un criminel qu'il
faut sanctionner sans faiblesse, comme le prévoit d'ailleurs le nouveau code
pénal.
La délinquance des mineurs est d'ailleurs ce qu'il y a de plus préoccupant.
Notre assemblée a constitué une commission d'enquête, dont vous me permettrez
de saluer la qualité des travaux conduits par nos excellents collègues
Jean-Pierre Schosteck et Jean-Claude Carle. Cette réflexion était d'autant plus
nécessaire que, de 1991 à 2001, le nombre de mineurs mis en cause dans les
crimes et délits a augmenté de plus de 73 %. En 2001, plus de 177 000 mineurs
ont été inquiétés par la police et la gendarmerie nationales.
Les conclusions de cette commission d'enquête, d'ailleurs saluées par les
commissaires de gauche, sont limpides : ce sont non pas les qualités des hommes
et des femmes, le plus souvent compétents, généreux, dévoués, qui sont en
cause, mais les systèmes, une justice erratique, une protection judiciaire de
la jeunesse sans pilote, une police bafouée. Un bel exemple d'un système fou
qui exaspère les citoyens nous est fourni par Olivier Foll : « Un mineur
multiréitérant - trente-quatre fois - pour des faits distincts n'a été déféré
que deux fois devant un magistrat, sans véritable sanction. Il a seize ans.
»
Ce mineur approche de la majorité. Un jour prochain, ses sursis tomberont, et
il connaîtra, sans doute durablement, la prison. Voilà pourquoi il n'est sans
doute pas inutile de laisser au juge la possibilité de « donner un bon coup de
pied aux fesses » à un gamin de quatorze ans pour lui éviter d'aller en prison
à dix-huit ans. Tout le monde est d'accord pour dire que, la prison, c'est ce
qu'il faut éviter. C'est pourquoi la commission d'enquête propose un parcours
éducatif qui permette de suivre sans rupture un enfant en difficulté, de la
maternelle - si c'est nécessaire - à l'âge adulte.
Mais, il faut, d'abord, revenir aux fondamentaux et retrouver le courage de
punir. « Ça commence au jardin d'enfants », disait la chanson... Dans notre
tradition, le gamin pris le doigt dans le pot de confiture recevait une tape
sur la main.
M. Roland Courteau.
Ah !
M. Bernard Plasait.
« La certitude d'être pris fait plus que la rigueur de la peine », disait
Montesquieu. Revenir à ces fondamentaux, c'est redonner ces repères que, trop
souvent, ne donnent plus ni la famille, ni l'école, ni même la rue, comme elle
le faisait dans nos villages. C'est donc mettre de la sanction dans
l'éducation, comme le préconise le rapport Carle, qui recommande aussi de
mettre de l'éducation dans la sanction. Et c'est là, monsieur le ministre, mes
chers collègues, que je voudrais vous dire mon indignation devant la mauvaise
foi...
M. Henri de Raincourt.
Ah !
M. Bernard Plasait.
... de certains responsables de gauche dans leurs critiques du projet de loi
de M. Perben que nous avons discuté ici la semaine passée.
M. Henri de Raincourt.
Ah oui !
M. Bernard Plasait.
Nous voilà revenus au débat idiot prévention contre répression. Si l'on
propose une dose de répression quand la prévention a échoué, on est aussitôt
accusé de verser dans le « tout répressif » ! Caricature, disiez-vous...
Je crois à la prévention d'abord, qui, d'ailleurs, doit intégrer la notion de
sanction. Et il est vrai que l'importance de la délinquance des mineurs est un
peu le miroir de nos échecs, malgré les milliards dépensés, et montre qu'il
faut enfin, pour l'avenir, trouver les voies et moyens d'une véritable
prévention.
Mais il est des cas - ils correspondent à ce que certains appellent les «
noyaux durs » ou les « prédateurs violents » - dans lesquels l'enfermement est
nécessaire pour protéger le mineur délinquant contre lui-même, et pour protéger
la société. Dans ces cas-là, aujourd'hui, on envoie en prison. Il y a
actuellement plus de neuf cents mineurs en prison. Ce que suggèrent les auteurs
du rapport de la commission d'enquête, avec ces centres fermés inclus dans le
parcours éducatif, et que propose le projet de loi de M. Perben, c'est une
alternative à la prison qui permettrait, pour ces cas exceptionnels, de
contraindre ceux qui refusent les dispositifs existants à se soumettre tout de
même à l'autorité et à bénéficier d'une resocialisation, en leur évitant
précisément la prison.
Refuser cette évolution au motif que l'on ne peut pas envoyer des gamins en
prison, c'est vraiment le comble de l'hypocrisie et de la mauvaise foi !
Monsieur le ministre, je me suis laissé aller à ces considérations pour redire
une fois encore l'importance et l'urgence qu'il y a à mettre fin à cette panne
de l'Etat dans la production de sécurité dont souffrent les Français.
Le risque est grand pour la démocratie d'une dérive anarchiste désespérée vers
l'autodéfense et de comportements inciviques de la part d'honnêtes gens. C'est
pourquoi je salue avec enthousiasme le projet de loi que vous nous présentez,
et qui s'inscrit dans le droit-fil des engagements du Président de la
République et du Premier ministre : c'est l'instrument d'une politique de
sécurité cohérente et responsable qui concilie démocratie et sécurité.
Régulièrement, les tenants de la citadelle des droits de l'homme exercent leur
terrorisme intellectuel pour réduire toute disposition en faveur de la sécurité
aux dimensions d'une mesure liberticide. A l'automne dernier, la discussion du
projet de loi relatif à la sécurité quotidienne leur donna l'occasion de
pousser les hauts cris, au point, d'ailleurs, que votre prédécesseur, monsieur
le ministre, fut obligé de suggérer qu'il n'était peut-être pas « attentatoire
aux libertés de lutter contre le terrorisme ». Notre éminent collègue Robert
Badinter, quant à lui, reconnut ici même que l'Etat de droit n'était quand même
pas l'état de faiblesse.
Alors, non, mes chers collègues, une loi pour la sécurité n'est pas une loi
liberticide ; c'est une loi de restauration de la démocratie.
Telle est la volonté que vous affirmez, monsieur le ministre, et nous la
partageons. A charge, bien évidemment, de nous en donner collectivement les
moyens : ils conditionnent l'efficacité de l'action à mener.
Je ne reprendrai pas le détail des mesures nouvelles contenues dans ce projet
de loi ; elles ont été brillamment exposées par MM. les rapporteurs.
MM. Jean-Claude Carle et Henri de Raincourt.
C'est vrai !
M. Bernard Plasait.
Je retiens tout de même que, d'ici à 2007, 7 000 emplois seront créés dans la
gendarmerie nationale et 6 500 dans la police.
Vous proposez également, monsieur le ministre, de modifier la doctrine
d'emploi des forces mobiles, ce qui correspond à la nécessaire évolution des
besoins en faveur de la sécurité quotidienne.
Enfin, vous vous engagez à reprendre la démarche introduite par la loi du 21
janvier 1995 en faveur de la réduction des tâches administratives.
Policiers et gendarmes doivent êtres bien formés et pourvus des équipements
matériels indispensables à l'efficacité de leur action. Sur les cinq prochaines
années, 2,2 milliards d'euros supplémentaires seront consacrés à cette action.
Il importe en particulier que le parc automobile soit renouvelé.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
C'est un minimum !
M. Bernard Plasait.
Dans le même esprit, les équipements immobiliers professionnels, tout comme
les logements de personnels, doivent désormais être à la hauteur des besoins
constatés.
Enfin, vous nous proposez de déployer et de mettre en cohérence les systèmes
de transmission et de moderniser les services au moyen d'une meilleure
utilisation des technologies de traitement de l'information.
Vous l'avez dit, monsieur le ministre, tous les maillons de la chaîne de
production de sécurité ont leur importance. Il en est ainsi du couple
police-justice, bien sûr ! Mais, surtout, il est essentiel qu'après avoir
enregistré les infractions les services de sécurité puissent mener des
investigations, identifier les auteurs, les appréhender et les déférer à la
justice. Pour améliorer le taux d'élucidation, véritable baromètre de
l'efficacité policière, il est indispensable de fixer une nouvelle architecture
institutionnelle de la sécurité intérieure et d'accorder des prérogatives
juridiques plus étendues aux agents.
Aussi la nouvelle architecture institutionnelle que vous nous proposez,
monsieur le ministre, s'articule-t-elle autour du conseil de sécurité
intérieure, de conférences départementales de sécurité et de conseils locaux de
sécurité et de prévention de la délinquance. Nous accueillons ces nouvelles
structures avec une grande satisfaction. Je comprends qu'elles donneront aux
maires un rôle de coordonnateurs de la prévention. Tous les acteurs de la
sécurité auront désormais le devoir d'informer les maires.
Par ailleurs, vous proposez une évaluation annuelle, par une instance
extérieure aux services concernés, pour mesurer les résultats obtenus par la
police et la gendarmerie.
Cela étant, la situation que nous connaissons nous oblige à restaurer
l'autorité et la capacité à agir des agents de l'Etat, ce qui implique la
dévolution de nouvelles prérogatives juridiques. Il faut, en particulier,
renforcer l'efficacité des investigations policières, ce qui, corrélativement,
obligera à intensifier la formation juridique des agents.
Et je tiens à rendre hommage aux quinze policiers et aux quatre gendarmes tués
en service en 2001, ainsi qu'à leurs 9 097 collègues blessés. Au quotidien,
trop nombreux sont les agents qui subissent provocations, insultes et
outrages.
Comment ne pas pleurer devant la sauvagerie de Pantin, où une jeune policière
qui ne faisait que son devoir a été matraquée et défigurée ? Nous avons pour
elle une pensée émue.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
L'auteur avait quinze ans, et non pas onze !
M. Bernard Plasait.
Monsieur le ministre, il n'y a pas de démocratie réelle sans sécurité ; il n'y
a pas non plus de sécurité acceptable sans respect des règles de la démocratie.
Le souci de chacun doit être de renforcer la répression des violences contre
les personnes.
Le discours de compréhension ne doit pas déboucher sur la faiblesse, car,
comme le disait Michel Debré, « la faiblesse attire la foudre ».
La sécurité, hélas ! est devenue l'enjeu public numéro un. Vous répondez à ce
défi en ministre responsable qui sait que l'Etat est là pour faire respecter le
pacte social, lequel consiste à protéger les honnêtes gens. Monsieur le
ministre, bravo et merci !
(Applaudissements sur les travées des
Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste, ainsi que sur
certaines travées du RDSE.)
(M. Serge Vinçon remplace M. Christian Poncelet au fauteuil de la
présidence.)
PRÉSIDENCE DE M. SERGE VINÇON
vice-président
M. le président.
La parole est à M. Gilbert Barbier.
M. Gilbert Barbier.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le constat
est malheureusement bien général : la sécurité n'est plus assurée dans beaucoup
de lieux, non seulement dans les grandes agglomérations, mais aussi dans les
villes moyennes, voire dans les bourgs et dans les campagnes.
Les actes de délinquance, les vols, les agressions, les fameuses « incivilités
» se multiplient et se banalisent dans les établissements scolaires, dans les
transports, dans la rue, dans les grands magasins. Se crée ainsi un climat
propice à toutes les démagogies et à toutes les surenchères.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
C'est bien vrai !
M. Gilbert Barbier.
En 2001, plus de quatre millions de crimes et délits ont été recensés par
l'administration. Encore ne s'agit-il que de la délinquance apparente,
c'est-à-dire celle qui a engendré plaintes et dénonciations auprès des
autorités de police et de gendarmerie. Or nous savons que la réalité est pire,
ainsi que l'a rappelé l'orateur précédent.
Tous nos concitoyens éprouvent un sentiment d'impuissance et de lassitude en
constatant l'absence de suites judiciaires à leurs démarches.
Pour être plus concret, je citerai quelques chiffres concernant la ville que
j'administre depuis vingt ans, Dole, sous-préfecture du Jura qui compte 26 000
habitants.
M. Louis de Broissia.
Très belle ville !
M. Gilbert Barbier.
Ainsi, en 2001, 2 487 faits ont été constatés - un pour dix habitants - contre
2 119 en 2000, soit une augmentation de 17,36 % en un an ! Plus précisément,
les vols à la roulotte augmentent de 32,68 %, les vols de véhicules, de 61,53
%, et les dégradations, de 39,17 %
Quant à la toxicomanie, dont on a peu parlé mais qui est une priorité retenue
au plan local, les résultats obtenus sont décevants : 25 affaires traitées
contre 67 l'année dernière.
Concernant les interpellations, sur les 435 mises en cause, on enregistre
seulement 4 écrous et 60 gardes à vue, au lieu de 93 en 2000, du fait de la loi
nouvelle, qui n'est d'ailleurs plus appliquée et qui, du reste, est
difficilement applicable. Ces faits ne font malheureusement l'objet que d'un
faible taux d'élucidation - 20,4 % - et les trois quarts ne relèvent pas de la
délinquance qui nous préoccupe.
Tels sont les chiffres ramenés à la dimension d'une commune moyenne, qui sont
peut-être plus évidents que de grandes statistiques nationales. Monsieur le
ministre, bien d'autres maires pourraient évoquer à peu de choses près les
mêmes.
Ce dossier a été au centre des campagnes électorales du printemps dernier, et
nos citoyens souhaitent ne pas être déçus. Vous l'abordez avec beaucoup
d'énergie et de pragmatisme, et je tiens à saluer votre fermeté et votre
détermination.
Monsieur le ministre, votre texte vise à accroître les effectifs et les moyens
matériels de la gendarmerie et de la police nationales. Il définit une nouvelle
architecture institutionnelle pour la sécurité intérieure. Il procède à une
réforme de la doctrine d'emploi des forces disponibles, centrée sur la
complémentarité des services, la recherche de synergies et le renforcement des
prérogatives des policiers et des gendarmes. Ainsi, votre projet de loi tend, à
répondre à une évolution préoccupante de la situation et, pourtant, à l'attente
des Français.
En effet, comment peut-on sérieusement lutter contre la délinquance lorsque
les moyens humains et matériels ne sont pas à la hauteur des besoins et lorsque
nos forces sont aussi dispersées et cloisonnées ?
Les mesures quantitatives sont, certes, importantes et primordiales, mais,
disons-le tout net, il faudra aussi améliorer le qualitatif, en assurant une
meilleure écoute des plaignants. Il arrive quelquefois que ceux-ci soient
accueillis avec une certaine nonchalance, quand ce n'est pas de l'ironie, ce
que l'on apprécie fort peu lorsque l'on vient de se faire voler ses papiers ou
sa voiture. Il ne faut pas nécessairement les décourager de porter plainte,
malgré le faible taux d'élucidation. Cette remobilisation des fonctionnaires
dans leur tâche doit faire partie du plan d'action que vous mettez en
oeuvre.
Bien entendu, j'approuve les orientations et la programmation proposées dans
les annexes. Cependant, permettez-moi, monsieur le ministre, d'exprimer une
déception. Alors que l'actuelle majorité a appelé de ses voeux, et depuis des
années, un renforcement des pouvoirs des maires dans le dispositif de lutte
contre l'insécurité, votre projet de loi reste timide ou ambigu sur ce
point.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Absolument !
M. Gilbert Barbier.
Certes, les conseils locaux de sécurité et de prévention de la délinquance
leur permettront d'être informés régulièrement des indicateurs de la
délinquance et de l'ensemble des moyens mis en oeuvre, donc d'être associés à
la définition d'une politique de prévention. Certes, l'Etat veillera à ce
qu'ils exercent leurs fonctions dans un cadre qui organise la complémentarité
avec les services de l'Etat. Mais on est bien loin des propositions qui avaient
été faites lors de l'examen du projet de loi relatif à la sécurité quotidienne,
adopté en mai 2001, on est bien loin du droit à l'expérimentation dans le
partage de cette compétence ou de l'institution d'une police territoriale
placée sous l'autorité du maire.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Il a remarqué !
M. Gilbert Barbier.
De nombreux élus étaient, tout comme moi, favorables à ces orientations.
L'Assemblée nationale a permis d'aller plus loin en ce sens, notamment en
adoptant des amendements concernant le développement des polices municipales et
la complémentarité de leurs actions avec celles des forces nationales de
sécurité. Je m'en réjouis.
Sans doute me direz-vous, monsieur le ministre, que je suis impatient et qu'il
ne s'agit aujourd'hui que de fixer des orientations qui trouveront leur
traduction dans un projet de loi à venir plus audacieux.
Cette impatience résulte essentiellement d'un sentiment d'impuissance.
Le maire se trouve en effet confronté quotidiennement au désarroi et aux
attentes de ses concitoyens. L'hôtel de ville tend à devenir le château de
jadis, à l'abri duquel venaient se placer les populations menacées par les
invasions ou par les raids des pillards. Hélas ! Le maire n'est pas le seigneur
guerrier, il n'a pas les moyens de faire face. Malgré ses pouvoirs nominaux, il
est surtout un spectateur engagé. Pourtant, son bilan sera en partie jugé sur
l'état de la sécurité dans sa commune ; même s'il n'est pas responsable en
droit, il sera sanctionné en cas d'échec.
L'ancien gouvernement s'est toujours montré hostile au renforcement des
pouvoirs du maire dans le domaine de la sécurité. Monsieur le ministre, je
souhaiterais simplement que vous me confirmiez la volonté de votre gouvernement
de le placer au coeur des actions de prévention de la délinquance et de lutte
contre l'insécurité.
(Applaudissements sur les travées du RDSE, ainsi que
sur certaines travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président.
La parole est à M. Roger Karoutchi.
M. Roger Karoutchi.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, peu après
son arrivée au pouvoir en 1997, Lionel Jospin annonçait que la sécurité serait,
après l'emploi, sa deuxième priorité.
M. Eric Doligé.
Loupé !
M. Roger Karoutchi.
Nous savons tous ce qu'il en est advenu.
La période récente s'est caractérisée par une très nette accélération de la
hausse de la délinquance, laquelle avait globalement augmenté de 40 % dans les
vingt dernières années, entre 1981 et 2001, et de 17 % entre 1997 et 2001.
Au-delà des chiffres - froids - et des statistiques, parfois glacées sinon
glaçantes, il y a surtout des évolutions palpables, quotidiennes, qui marquent
l'esprit de nos concitoyens et créent ce climat d'insécurité qui n'est ni un
phénomène électoral ni un phénomène médiatique, mais qui traduit plutôt un
sentiment de lassitude, voire d'exaspération, de la part de la population.
Nous avons assisté, tous ensemble, à l'émergence de nouvelles formes de
délinquance, avec l'incroyable explosion des violences physiques, allant des
humiliations, assimilées par certains à des incivilités commises par des «
sauvageons », aux « tournantes », terme curieux, nouveau,...
Mme Nicole Borvo.
Non ! Ce n'est pas nouveau !
M. Roger Karoutchi.
... ne recouvrant rien d'autre que des viols à répétition commis, souvent en
bandes, par des « barbares », ainsi que vous l'avez justement souligné,
monsieur le ministre.
Les agressions se sont en fait multipliées, en même temps que s'étendaient les
zones de non-droit où dominent des gangs, le racket et l'économie souterraine,
souvent liée à de multiples trafics, dont celui de la drogue. Là se multiplient
les réseaux mafieux, là s'organisent des caches d'armes pour des réseaux
extrémistes ou intégristes, pour des réseaux extrémistes et intégristes.
Les agressions se sont aussi multipliées dans des secteurs jusqu'ici
paisibles, dans les zones périurbaines, dans les zones rurales. On a dû alors,
encore une fois, inventer une expression nouvelle : « la rurbanisation de la
délinquance ». Triste dictionnaire actuel !
Un autre phénomène a beaucoup marqué les Français : je veux évidemment parler
de la hausse de la part des mineurs, souvent très jeunes, dans des actes d'une
extrême violence ; on en a eu une nouvelle illustration encore récemment, -
vous le rappeliez, monsieur le ministre - avec le tabassage de trois policiers
à Pantin.
Cette augmentation de la délinquance des jeunes est plus qu'un choc : c'est
une crise, une crise de société, à laquelle nous sommes tous confrontés.
(«
Ah ! » sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
Mme Nicole Borvo.
C'est bien vrai !
M. Robert Bret.
Sur ce point, nous sommes d'accord !
M. Roger Karoutchi.
Alors, bien sûr, personne ne veut faire « la guerre aux jeunes », comme
certains l'écrivent, ni traiter tous les jeunes comme des délinquants.
La jeunesse est à notre image, elle est notre reflet. Mais elle est aussi le
ferment de la transformation positive de notre monde, et c'est pour cela que
nous devons bouger et refuser l'immobilisme, pour ne pas être un jour amenés à
prendre conscience que l'inaction a conduit à la dérive globale d'un monde déjà
difficile vers une société de violence banalisée et normalisée. Sans angélisme
ni diabolisation, il s'agit simplement de séparer le bon grain de l'ivraie,
comme on le disait autrefois, quand tous ces termes nouveaux n'existaient pas,
il s'agit d'aider certains jeunes en difficulté, de faire confiance à la
jeunesse dans son ensemble.
Alors, oui, la sécurité est devenue une priorité absolue, et elle l'a été
pendant les dernières campagnes électorales - pour les candidats de toutes les
sensibilités politiques d'ailleurs - , parce que les Français l'attendaient, le
voulaient, l'exigeaient.
Le Président de la République a voulu lui donner du corps en créant un
ministère chargé de la sécurité intérieure qui donne à l'Etat des moyens
d'action nouveaux. C'est donc à vous, monsieur le ministre, qu'il revient
d'incarner cette vision, cette réalité d'une France plus sûre et plus humaine,
d'une France plus sereine.
Vous avez écouté, beaucoup ; entendu, beaucoup ; et vous avez décidé et porté
ce projet de loi d'orientation et de programmation pour la sécurité
intérieure.
Je ne rappellerai pas les différentes dispositions du texte, car les orateurs
précédents l'ont déjà fait.
Je retiens cependant qu'une dotation de 5,6 milliards d'euros s'ajoute, pour
la période 2003-2007, aux crédits ordinaires, et que 13 500 emplois nouveaux
seront créés, dans la même période, au sein de la police nationale et de la
gendarmerie, dont la moitié pour la police de proximité, dont on faisait tant
cas ! Voilà du concret, avec des moyens nouveaux, avec des postes
supplémentaires.
On nous dit : affichage ! communication ! Vous répondez - et vous avez raison,
monsieur le ministre - par du concret, par un véritable effort, tangible,
visible par tous nos concitoyens dans leur quotidien.
Le Gouvernement cherche, en parallèle, à améliorer l'efficacité de l'ensemble
des forces de sécurité. Vous avez regroupé sous votre autorité, monsieur le
ministre, la gendarmerie et la police ; vous travaillez à une répartition plus
rationnelle des zones de compétence de la police et de la gendarmerie ; vous
avez créé les groupes d'intervention régionaux, les déjà fameux GIR, qui
regroupent tous les moyens nécessaires aux interventions ciblées dans les zones
sensibles, notamment dans ces fameuses zones de non-droit. Et il ne s'agit pas,
comme on peut trop souvent le lire, de créer des brigades incontrôlées !
Certains médias - ce n'étaient sans doute pas les meilleurs - ont même écrit
que l'on était en train de créer des brigades à la manière des escadrons
brésiliens. Pitié ! Où sommes-nous ? Qui sont-ils pour écrire cela ?
(Applaudissements sur certaines travées du RPR.)
M. Louis de Broissia.
Bravo !
M. Roger Karoutchi.
Il ne s'agit pas de cela : il s'agit simplement de faire confiance aux hommes
et aux femmes qui servent ce pays dans la police, la gendarmerie, les douanes,
les services fiscaux, la justice, afin de coordonner leurs efforts pour le
mieux-vivre de tous ceux, notamment des plus déshérités, qui habitent dans
cessecteurs.
Dans le même temps, la nouvelle structuration autour des conférences
départementales de sécurité et des conseils locaux de sécurité et de prévention
de la délinquance permettra aux élus locaux, notamment aux maires, de jouer un
rôle plus actif et de participer à l'action globale de sécurité, qui est aussi
un facteur de démocratie locale, et, pour le dire clairement, un facteur de
démocratie.
Alors, monsieur le ministre, vous l'avez dit : oui, les collectivités locales
seront appelées à participer à cet effort ! Je le crois, parce qu'elles le font
déjà souvent d'elles-mêmes. Elles participeront à l'effort de sécurité
nationale, et elles en auront d'autant plus de retour que, grâce à vous, elles
seront enfin éligibles au fonds de compensation de la TVA, ce qui semble tout
de même être la moindre des choses pour des collectivités locales qui
s'impliquent ; il me paraît en effet tout à fait normal, classique - j'aurai
peut-être l'occasion d'y revenir tout à l'heure - qu'elles participent à la
construction des commissariats, des antennes de police, voire des logements.
Monsieur le ministre, nous ne pouvons qu'approuver la création d'une réserve
civile de la police, signe fort que le départ à la retraite n'est pas synonyme
de désengagement de leurs missions pour ceux qui y ont consacré, avec
dévouement, toute leur vie.
Je tiens aussi à vous féliciter sur un point qui correspond à votre devise :
l'action, et l'action transformée. J'en veux pour preuve, notamment - et il
s'agit là non de discours, mais de réalités -, la création, quelques jours
après votre nomination Place Beauvau, d'une police régionale des transports en
Ile-de-France. Ici même, sur mon interpellation, votre prédécesseur, M. Daniel
Vaillant, avait affirmé qu'elle était strictement impossible, qu'elle
nécessitait plusieurs étapes, qu'il fallait compter entre trois et cinq ans...
Même si, dans son for intérieur, il y était favorable, il m'avouait qu'il
n'était pas possible, pour le moment, de la mettre en place.
(M. Jean-Claude
Peyronnet proteste.)
Les Franciliens, qui ont subi, ne serait-ce que sur le réseau SNCF de la
banlieue, une augmentation des infractions et de la délinquance de 150 % entre
1996 et 2001, ont apprécié que vous ayez créé immédiatement cette police
régionale des transports et que les forces de sécurité enfin réunifiées
puissent agir sur la totalité du réseau régional.
Je n'insisterai pas sur chacun de vos efforts en matière de modernisation,
d'équipements individuels de protection, de promotion pour l'ensemble de celles
et de ceux qui participent, souvent au péril de leur vie, à l'effort de
sécurité. Je suis certain que toutes et tous sur ces travées, mes chers
collègues, quelle que soit votre couleur politique, vous vous associez aux
remerciements, aux félicitations qu'ont adressés à l'ensemble des personnels de
sécurité tous les orateurs précédents.
Votre projet de loi est donc finalement, monsieur le ministre, un texte qui va
évidemment dans le bon sens, avec équilibre, avec humanité, avec raison.
Et pourtant ! Quelle déferlante dans le propos outrancier de certains, de ceux
qui rêvent tout haut de dérapages, de ceux qui n'ont toujours pas compris, ni
rien appris. Ainsi - je me contenterai de citer quelques extraits éloquents -,
l'auteur de l'exception d'irrecevabilité à l'Assemblée nationale affirme que «
nous n'avons pas besoin de shérifs, ni de bravaches » ; que « le signal est
donc clair pour les forces de police : ils peuvent y aller, l'Etat couvrira
leurs bavures » ; que ce projet « consacre l'omnipotence de la police et fait
de tous les pauvres des délinquants ».
Ce flot de contrevérités, d'effets de manche provocateurs, pour ne pas dire
insensés, atteint l'inacceptable lorsque le même affirme, à propos de votre
projet de loi, monsieur le ministre, du texte que vous avez sous les yeux, mes
chers collègues : « En ce soixantième anniversaire de la rafle du Vél d'Hiv,
[...] nous devrions méditer sur ce à quoi peut aboutir l'arbitraire. » Voilà où
nous en sommes !
M. Dominique Braye.
C'est scandaleux !
Mme Nelly Olin.
C'est une honte !
M. Gérard Braun.
Quelle ignominie !
M. Roger Karoutchi.
Il est vrai que le même considère que l'insécurité a été amplifiée par des «
médias complaisants »...
Un sénateur du RPR.
Tout à fait !
M. Roger Karoutchi.
... et qu'il se défausse de toute responsabilité en affirmant que le reste de
la gauche n'a pas écouté ses injonctions dans les années antérieures. Comme
quoi la pluralité est parfois difficile !
M. Gérard Delfau.
Vous en savez quelque chose !
M. André Rouvière.
Nous attendons pour voir !
M. Roger Karoutchi.
A gauche, on ne sait plus vraiment.
Dans les mois qui ont précédé l'élection présidentielle, on avait l'impression
que certains, du ministre de l'intérieur lui-même, Daniel Vaillant, jusqu'à
Julien Dray, poussaient pour que leur parti, leur candidat en fassent plus pour
la sécurité.
Voici quelques autres extraits des interventions de ces dirigeants de la
gauche : « Toute la gauche a parfaitement compris les enjeux de la sécurité » ;
« Il faut sortir d'un angélisme dangereux, voire suicidaire en matière de
sécurité. »
M. Dominique Braye.
Ils sont morts !
M. Roger Karoutchi.
Et le candidat Premier ministre de s'empresser de suivre et d'annoncer dans
son programme officiel la création de centres fermés pour les mineurs, des
dispositions de comparution immédiate, l'augmentation des effectifs et des
moyens de la police nationale, la réorganisation des forces de sécurité...
Bref, plus sécuritaire que le candidat Premier ministre, tu meurs !
Pendant la campagne, les orateurs de gauche se bousculaient pour affirmer que
la droite n'avait pas l'apanage du discours sur la sécurité et que, avec la
gauche, un véritable effort serait accompli, qu'on y mettrait les moyens, qu'on
en finirait avec les malandrins !... Aujourd'hui, les mêmes qui, dans les
réunions de gauche, voilà deux ou trois mois, prônaient plus de sécurité
désignent ceux d'entre eux qui émettaient des propositions en ce sens comme
ceux qui ont fait perdre le candidat. Parler de sécurité, c'est « perdre son
âme », paraît-il !
M. Dominique Braye.
Qu'ils continuent de parler ainsi !
M. Eric Doligé.
On voit où l'on en est !
M. Roger Karoutchi.
Allez comprendre !
Faut-il revenir à une conception de la sécurité que l'on croyait dépassée et
qui faisait de la société en général la responsable de tous les maux, le seul
moyen pour elle de se faire pardonner étant de comprendre et d'expliquer, sans
prendre la moindre mesure concrète ?
Oh, je voudrais rassurer nos amis de gauche sur leurs amis de gauche ! Ils
font des efforts dans les discours, mais peu en actes !
Ainsi, le conseil régional d'Ile-de-France a voté, en 1998, sur notre
initiative, la création d'un chapitre « sécurité ». Je vous rassure : pour
l'année 2002 - il est vrai que le vice-président chargé de la sécurité n'est
autre que Julien Dray -, nous n'avons pas dépensé 20 % des crédits affectés à
ce chapitre, car chaque fois que nous faisons une demande, elle paraît
excessive. En la matière, mieux valent les discours !
En fait, la différence véritable devrait résider non pas entre la gauche et la
droite, mais dans l'analyse de la société réelle, dans le rapport avec elle. Je
n'oublie pas, personne n'oublie que nous avons connu de très grands ministres
socialistes de l'intérieur. Sans parler de sécurité ou de pratiques
sécuritaires, c'est un socialiste, Jules Moch, qui, en 1947, créa ce qui devait
devenir les CRS.
Mme Nicole Borvo.
Excellent ! Très bonne source !
M. Dominique Braye.
C'était il y a bien longtemps !
M. Roger Karoutchi.
Il était socialiste !
M. Dominique Braye.
Ils sont morts, ceux-là !
M. Roger Karoutchi.
C'est bien la preuve que, parfois, même dans ce camp-là, le réalisme peut
l'emporter ! Il n'y a pas, d'un côté, ceux qui seraient favorables au «
tout-prévention » et, de l'autre, ceux qui seraient favorables au «
tout-répression ». La coupure véritable sépare ceux qui voient le monde et la
société tels qu'ils sont - même s'ils rêvent de les transformer - et ceux qui
les voient au travers de prismes philosophiques ou de valeurs politiques sans
lien avec la réalité.
Monsieur le ministre, le projet de loi que vous nous présentez ne relève
d'aucune idéologie partisane. Il est la réponse claire et sereine aux
aspirations et aux attentes légitimes des Français.
Mme Hélène Luc.
Ah bon ?
M. Roger Karoutchi.
Parce que nous sommes républicains, parce que nous sommes pragmatiques, parce
que nous sommes réalistes et parce que nous croyons en la démocratie, nous
voterons ce texte.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et
de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Pierre Hérisson.
M. Pierre Hérisson.
Monsieur le ministre, je souhaite centrer mon propos sur un problème de
sécurité quotidienne d'une grande importance, que l'on évoque fréquemment
depuis quelques années et que vous avez vous-même évoqué dans votre
intervention, mais qui n'en est pas moins trop souvent occulté.
Je veux parler du stationnement illégal des gens du voyage, du contrôle de
leurs activités et du contrôle de l'immigration clandestine, sujet qui, jusqu'à
présent, n'a pas été pris suffisamment au sérieux.
Ne croyez pas, monsieur le ministre, mes chers collègues, que je fais une «
fixation » sur ce problème ; je veux simplement rapporter ici ce que, en tant
que vice-président de l'Association des maires de France en charge de ce
dossier, j'ai pu constater et entendre auprès des 36 700 maires de France, qui,
pour bon nombre d'entre eux, y sont confrontés au quotidien.
M. Jean-Patrick Courtois,
rapporteur.
Tout à fait !
M. Pierre Hérisson.
Il faut se rendre à l'évidence, l'exaspération des maires et des citoyens ne
relève pas du sentiment ou du fantasme. La loi Besson du 5 juillet 2000
relative à l'accueil et à l'habitat des gens du voyage n'est manifestement pas
à la hauteur du phénomène de l'itinérance, lequel s'amplifie de jour en jour,
en grande partie à cause de la précarité croissante et de la venue incontrôlée
d'étrangers provenant en particulier des pays de l'Est.
L'exaspération, monsieur le ministre, tient aussi beaucoup au comportement des
gens du voyage. Certes, la dégradation de la situation n'est pas générale, mais
il n'empêche qu'une mauvaise image colle aujourd'hui à la peau de l'ensemble de
cette population, qui a choisi de vivre en déplacement sur notre territoire et
qui compte plus de 400 000 personnes. Cette mauvaise image s'est généralisée
parmi nos concitoyens.
C'est pourquoi, monsieur le ministre, votre projet de coopérer avec votre
homologue roumain pour mettre en place des mesures qui permettront d'enrayer
l'exode ne peut que me satisfaire et satisfaire les maires de France.
C'est le devoir de l'Etat, mais aussi de l'Europe, de réfléchir au problème de
l'itinérance, en coopération non seulement avec la Roumanie, mais aussi avec
l'ensemble des pays concernés, notamment avec les pays d'Europe centrale et
orientale, tant dans le cadre de l'Union européenne que dans celui de
l'Association européenne de libre-échange.
Une évidence s'impose : les schémas départementaux doivent être élaborés en
étroite collaboration avec les élus locaux. Vous avez bien voulu le rappeler
tout à l'heure, monsieur le ministre, mais beaucoup d'élus locaux vous diront
qu'il n'en a rien été dans nombre de départements.
On s'aperçoit à l'expérience que les élus locaux qui règlent le problème dans
le cadre de l'intercommunalité rencontrent un peu de moins de difficultés que
les autres. Il conviendrait donc de préciser les règles relatives aux
transferts des compétences et des moyens en la matière entre les communes et
l'intercommunalité : la notion d'intercommunalité doit être intégrée dans
l'aménagement du territoire.
Nous devons aussi nous tourner vers les instances européennes, pour que des
aides soient rapidement débloquées afin d'améliorer les conditions de vie de
ces populations sur leur territoire d'origine avant qu'elles ne se lancent dans
l'itinérance sur le territoire européen.
M. Jean-Paul Delevoye, alors président de l'Association des maires de France,
et moi-même avions rencontré le commissaire européen Michel Barnier. Ce dernier
avait sur le sujet des idées qu'il serait intéressant de reprendre pour
améliorer la situation des itinérants à la source, pays par pays.
Un des premiers problèmes à régler est l'exploitation de la misère, sujet
important que j'évoquerai brièvement.
L'exploitation de la misère par des clans mafieux qui envoient en France des
enfants, des handicapés, des femmes qu'ils obligent à mendier ou à se
prostituer pour s'enrichir doit nous faire réagir et amener l'Europe à trouver
des solutions humanitaires respectueuses de la dignité des femmes et des hommes
vivant dans l'espace européen.
On ne peut laisser perdurer cette exploitation. Il faut engager des actions
fortement répressives en direction de ceux qui la pratiquent.
Les responsabilités que j'exerce au sein de l'Association des maires de France
m'ont amené à me rendre à deux reprises en Roumanie et à prendre la mesure
d'une situation que vous allez également découvrir, monsieur le ministre. Les
tziganes ne sont pas traités en Roumanie comme des citoyens à part entière et
les conditions de vie qu'ils découvrent chez nous les font passer du Moyen-Age
au xxie siècle du jour au lendemain. Il ne faut donc pas s'étonner que le
dossier soit si difficile à traiter.
Comme tout citoyen, les gens du voyage doivent faire preuve de transparence et
respecter les lois dans des domaines comme la fiscalité, l'origine des revenus
ou l'éducation des enfants, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui pour une partie
d'entre eux. Certains ne semblent pas du tout enclins à participer à la dépense
publique, sur les aires d'accueil, par exemple, et à payer leur contribution.
Ils préfèrent stationner en dehors des aires pourtant construites pour les
accueillir. La loi Besson est alors mise en échec, car ces populations se
déplacent de plus en plus nombreuses, dépassant ainsi les capacités d'accueil
acceptables.
Vous avez bien voulu souligner tout à l'heure, monsieur le ministre, que
certains maires avaient immédiatement mis en oeuvre la loi Besson. Ils se
trouvent aujourd'hui un peu démunis face à des évolutions qu'il n'est pas
possible de contrôler.
Pour dire les choses simplement, sur les emplacements prévus pour vingt
caravanes, on assiste à des regroupements de quarante caravanes, sur les
emplacements prévus pour quarante caravanes, on assiste à des regroupements de
cent caravanes, et ainsi de suite ! C'est la preuve manifeste d'un refus
d'accepter les règles d'organisation prévues par la loi Besson.
La volonté de se marginaliser de certains fait malheureusement naître des
incidents, parfois graves, entre, d'une part, les élus, la population locale,
les forces de police et de gendarmerie, et, d'autre part, les gens du
voyage.
L'arrivée d'immigrants des pays de l'Est accentue une tendance au rejet déjà
présente. Parmi ces personnes, certaines sont dans une situation de grande
précarité, ce qui a, hélas ! souvent pour conséquence un développement de la
délinquance.
L'itinérance en tout point du territoire national et européen facilite ces
agissements, le fait que crimes et délits soient commis dans divers secteurs de
compétence géographique - de gendarmerie, de police, de juridictions -
compliquant tant la poursuite que la condamnation des délinquants, sans même
parler de l'exécution des peines.
Il est grand temps d'enrayer l'escalade et de prévoir des actions coordonnées
des forces de police, de gendarmerie, des douanes, des services fiscaux et des
tribunaux. Vous avez largement évoqué cet aspect tout à l'heure, monsieur le
ministre, et je vous en remercie.
A cet égard, je me réjouis de l'adoption par l'Assemblée nationale de
l'amendement de Mme Christine Boutin qui précise que les groupes d'intervention
régionaux sont compétents pour traiter des délits commis par les gens du
voyage. Il s'agit d'une avancée très importante dans la lutte contre ce type de
délinquance.
L'activité des gens du voyage doit être contrôlée, comme peut l'être celle de
chacun de nos concitoyens, ni plus, ni moins. Ils ne sont pas en dehors des
lois de la République et doivent de ce fait bénéficier de droits, certes, mais
aussi accepter les devoirs qu'imposent la loi républicaine de notre pays.
Le livret de circulation doit être repensé, le rattachement à une commune doit
être exigé, au même titre sans doute que la possession d'un compte bancaire
pour assurer les versements des prestations familiales et sociales.
La cellule interministérielle de liaison sur la délinquance itinérante mise en
place en 1997 au sein de la Direction générale de la gendarmerie nationale doit
être renforcée et transformée en véritable office de répression de la
délinquance itinérante et s'ouvrir à d'autres institutions, comme les diverses
associations d'élus locaux.
Nous devons nous donner les moyens d'éradiquer cette délinquance qui ternit
l'image des gens du voyage et qui rend impossible la mission confiée par la loi
dans ce domaine aux élus locaux. Nombre d'entre eux sont désemparés, voire
découragés, car ils se sentent abandonnés.
Le projet de loi d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure
donne, grâce à un amendement de M. Alain Joyandet, des moyens juridiques
d'action supplémentaires pour faire face aux problèmes posés, notamment en
renforçant les sanctions financières et en prévoyant la possibilité de
confisquer les véhicules en cas de flagrant délit.
Je tiens à dire que, si le temps n'est pas exclusivement à la réflexion, il
n'est plus exclusivement à la répression : il faut sortir de la réflexion pour
aller vers l'action concrète sur le terrain.
L'exaspération des élus locaux est à son comble, celle de la population
également. Il faut que le Gouvernement réagisse avec vigueur.
La création d'une commission d'enquête ou d'une mission d'information sur les
gens du voyage ne me paraît plus d'actualité, monsieur le ministre. Le problème
est largemement connu, et les associations d'élus locaux sont à votre
disposition pour vous dire ce qu'il en est sur le terrain.
Les commissions d'enquête - le rapport qui vient d'être rendu par la
commission d'enquête sur la délinquance des mineurs le prouve - peuvent
apporter une contribution importante à la résolution des problèmes du moment,
mais, en l'occurrence, point n'est besoin d'une commission d'enquête pour
savoir comment traiter le problème des gens du voyage. Nous connaissons
parfaitement la situation et nous sommes à votre disposition pour apporter
notre contribution.
Vous avez annoncé, monsieur le ministre, un texte équilibré pour l'automne sur
le problème général de l'itinérance, qui va au-delà des seuls gens du voyage.
Nous seront vigilants quant au respect de cette échéance, car, pour nos
concitoyens et pour les 500 000 élus locaux de notre pays, il y a une véritable
urgence.
Par ailleurs, en réponse à M. Philippe François, vous avez apporté tout à
l'heure des précisions tant sur le financement des casernes de gendarmerie et
des équipements que sur le fonds de compensation de la TVA. Je vous en
remercie. Reste peut-être à préciser les modalités du recours aux solutions
nouvelles que sont le crédit-bail et le crédit emphytéotique. Nous attendons en
effet quelques précisions pour engager, toujours avec le même souci de
l'efficacité, les collectivités locales dans cette direction.
Soucieux de mener à vos côtés la lutte contre toutes les formes d'insécurité,
le groupe de l'Union centriste apportera son soutien plein et entier au
Gouvernement. Il votera le présent projet de loi, monsieur le ministre : les
forces de police et de gendarmerie comme tous les fonctionnaires concernés
peuvent compter sur les élus de la nation que nous sommes pour les soutenir et
les aider dans leurs action au quotidien, action indispensable au bon
fonctionnement de notre République.
(« Très bien ! » et applaudissements sur
les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants,
ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Robert Bret.
M. Robert Bret.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nul ne
conteste aujourd'hui le fait que l'insécurité, qui, je le précise, concerne au
premier chef les populations les plus démunies et aggrave leurs difficultés,
est une priorité qu'il convient de prendre au sérieux parce que le droit à la
sécurité des biens et des personnes est un droit fondamental garanti par la
République française.
Mais s'occuper de la sécurité nécessite une démarche politique démocratique
sur le long terme. Or, jusqu'à présent, force est de constater que les
gouvernements qui se sont succédé ont, chaque fois, pris des mesures à court
terme. Je le dis d'autant plus aisément que les sénateurs communistes,
lorsqu'ils appartenaient à la majorité gouvernementale, ont voté contre la loi
relative à la sécurité quotidienne, ce qui montre une réelle cohérence avec
leur attitude d'aujourd'hui.
A ce propos, plutôt que de légiférer dans la précipitation, n'aurait-il pas
été plus judicieux, monsieur le ministre, de procéder à une évaluation précise
des incidences de la loi relative à la sécurité quotidienne entrée en vigueur
le 15 novembre 2001 ? Je vous ai entendu, lors de votre audition, prôner la
pratique des évaluations. Je pense qu'il aurait fallu y recourir.
Le projet de loi permettra-t-il de préserver le caractère de service public de
la police nationale et de mettre en place une politique alliant la prévention,
la dissuasion et la répression, en prenant le problème de l'insécurité en amont
? Pour ma part, je suis loin de le penser.
En effet, il axe ses dispositions uniquement sur la répression, sans réflexion
de fond ni traitement social des causes de la délinquance. Or la répression, ce
n'est pas nouveau, nous connaissons ; nous savons parfaitement que ça ne
fonctionne pas.
Notre code pénal est loin d'être laxiste.
M. Dominique Braye.
Mais son application l'est !
M. Robert Bret.
N'oublions pas, en effet, qu'à l'occasion de la réforme dont il a fait l'objet
en 1992 les sanctions pénales ont été revues à la hausse. Il n'est donc nul
besoin d'en rajouter en l'espèce. Il suffit simplement d'appliquer la loi en
vigueur et de donner à la justice les moyens d'accomplir son travail. Rappelons
tout de même qu'un vol simple est puni de trois ans de prison, et le vol
aggravé de dix ans !
En revanche, donner les moyens pour une véritable politique, d'une part, de
prévention de la délinquance et de la récidive et, d'autre part, de dissuasion
nécessite des moyens humains, matériels et financiers inédits...
M. Dominique Braye.
Qu'avez-vous fait pendant cinq ans ?
M. Robert Bret.
... dans les domaines aussi variés que l'éducation nationale, la formation,
l'emploi, la politique économique, la politique de la ville, la santé et la
jeunesse, qui sont des secteurs résolument tournés vers l'avenir.
Vous le voyez, monsieur le ministre, contrairement à vous, j'ai la faiblesse
de penser que la répression n'est pas la meilleure des préventions.
M. Eric Doligé.
Vous vous y connaissez !
M. Robert Bret.
Si tel était le cas, mes chers collègues, nous le saurions depuis un moment,
et vous aussi.
(M. Dominique Braye s'exclame.)
Au mieux, la répression
éloigne momentanément les individus indésirables et fait baisser provisoirement
la délinquance et la criminalité. Au pire, elle constitue une véritable bombe à
retardement.
La France est l'un des pays européens qui compte le plus de policiers et de
gendarmes par habitant : 394 policiers ou gendarmes pour 100 000 habitants,
même si dans plusieurs pays européens, certaines missions sont confiées au
secteur privé. On voit bien qu'il s'agit moins d'un problème de moyens que
d'orientations. Vous le savez, monsieur le ministre, vous qui, voilà un an,
dénonciez les sureffectifs à l'occasion de l'annonce par Matignon de l'embauche
de 3 000 policiers pour 2002.
(Mme Monique Cerisier-ben Guiga
applaudit.)
Force est de constater que l'orientation d'aujourd'hui ne
change toujours pas, elle va vers plus de répression sans s'attaquer aux
racines de la délinquance.
Je tiens à préciser dès à présent que je réfute l'idée sans cesse avancée
selon laquelle, puisque nous tenons de tels propos, nous serions laxistes en
matière de sécurité.
M. Dominique Braye.
Discours ringard !
M. Robert Bret.
Je rappelle, à ce propos, qu'en 1989 le groupe des sénateurs communistes et
apparenté, soucieux de s'attaquer à l'une des manifestations de la crise qu'est
l'insécurité, avait déposé sur le bureau du Sénat une proposition de loi-cadre
tendant à l'utilisation démocratique de la force publique et instituant des
dispositions déontologiques applicables aux fonctionnaires de police.
M. Dominique Braye.
En transformant les policiers en animateurs !
M. Robert Bret.
Toutefois, il est vrai que je ne suis pas prêt, au nom de la luttre contre
l'insécurité, à accepter l'inacceptable, c'est-à-dire un quelconque glissement
vers un régime policier liberticide.
(Exclamations sur plusieurs travées du
RPR.)
M. Dominique Braye.
Ça démarre !
M. Robert Bret.
Une politique sécuritaire n'a jamais fait une politique de sécurité, chers
collègues. Rien ne justifie, pas même l'exigence de sécurité, l'instauration
durable d'un appareil répressif.
M. Eric Doligé.
Voyez où vous nous avez conduits !
M. Robert Bret.
Vous nous demandez d'adopter en urgence, à l'occasion d'une session
extraordinaire qui se déroule en plein coeur de l'été,...
M. Dominique Braye.
Ce sont les Français qui le demandent !
M. Robert Bret.
... une loi d'orientation et de programmation en matière de sécurité
intérieure qui va engager le pays pour les cinq prochaines années.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Mais non !
M. Robert Bret.
Or on sait que les mesures annoncées ne seront opérationnelles que beaucoup
plus tard, puisqu'elles devront faire l'objet de projets de loi au plus tôt à
la session d'automne.
Aujourd'hui, il nous est donc proposé d'entériner des orientations figurant
dans des annexes qui n'ont aucune valeur normative, qui ne sont que de simples
déclarations d'intention.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Voilà !
M. Robert Bret.
Et pour couronner le tout, la commission des lois préconise d'adopter le texte
conforme pour éviter une commission mixte paritaire,...
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Eh oui !
M. Robert Bret.
... alors que le projet de loi a été aggravé par les députés.
Quelle image donnons-nous du Sénat en le transformant en simple chambre
d'enregistrement ?
(Applaudissements sur les travées du groupe communiste
républicain et citoyen et sur les travées socialistes. - Protestations sur les
travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Très bien !
M. Dominique Braye.
C'est vous qui avez déclaré l'urgence sur les textes pendant cinq ans !
Pendant cinq ans, vous n'avez fait que cela !
M. Robert Bret.
Cela vous fait peut-être mal, cher collègue Braye, mais c'est la réalité !
(M. Dominique Braye s'exclame.)
M. Pierre Hérisson.
Vous avez la mémoire courte, monsieur Bret !
M. Robert Bret.
Certes, les moyens financiers et humains débloqués sont conséquents, monsieur
le ministre, mais notons qu'ils sont prévus sur cinq ans. S'agissant, en
l'occurrence, d'une programmation quinquennale, qui nous assure aujourd'hui que
les moyens annoncés trouveront chaque année une traduction budgétaire dans la
loi de finances ? A cet égard, l'exemple de la loi de 1995 d'orientation et de
programmation relative à la sécurité, la LOPS, doit nous inciter à une certaine
prudence. En effet, alors qu'était prévue la création de 5 000 emplois
administratifs et techniques supplémentaires en cinq ans, ces derniers n'ont,
finalement, jamais été budgétisés. Vous le savez parfaitement, monsieur le
ministre, puisque, à l'époque, vous étiez ministre des finances.
M. Nicolas Sarkozy,
ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés
locales.
Pas en 1995 !
M. Robert Bret.
Par ailleurs, vous le savez, les emplois créés en 2003-2004 ne seront pas
opérationnels tout de suite.
M. Eric Doligé.
Alors, il ne faut rien faire ?
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Laissez-le parler !
M. Philippe François.
C'est de la provocation !
M. Robert Bret.
Combleront-ils seulement les nombreux départs à la retraite qui se profilent
?
Le présent projet d'orientation et de programmation pèche aussi par l'absence
de réponses aux revendications des policiers : rien sur les revalorisations
salariales pour motiver les policiers à qui l'on va demander encore plus ; le
rachat des jours de RTT est plus qu'incertain.
M. Eric Doligé.
Il n'y a pas que ça dans la vie !
M. Robert Bret.
De surcroît, les policiers craignent que la réserve civile ne soit un moyen de
remettre en question le droit à la retraite. Monsieur le ministre, n'est-ce pas
également un moyen pour jouer sur les effectifs des policiers et des gendarmes
?
Outre le problème des sources de financement de l'effort, se pose surtout la
question de savoir à quelles fins ces fonds seront dégagés.
Selon moi, le problème réside moins dans l'augmentation de la délinquance que
dans les difficultés rencontrées par la police nationale pour accomplir ses
missions.
La police nationale n'est plus aujourd'hui en mesure de remplir ses missions,
et donc d'endiguer l'insécurité.
M. Dominique Braye.
A qui la faute ?
M. Robert Bret.
On a progressivement glissé d'une police de proximité vers une police
d'interpellation, qui n'intervient qu'en bout de course, c'est-à-dire
uniquement sous l'angle de la répression.
Mme Nelly Olin.
Il faut avoir les pieds sur terre, quand même !
M. Robert Bret.
Quant à la gendarmerie, comme l'indique le rapport de la commission des lois,
elle a connu ces dernières années une relative stabilité de ses effectifs sans
pouvoir bénéficier des réformes structurelles qui lui sont pourtant
indispensables, et ce à un moment où la délinquance a augmenté dans les
secteurs géographiques placés sous son contrôle, notamment dans les zones
périurbaines.
M. Dominique Braye.
Qu'avez-vous fait pendant cinq ans ?
M. Robert Bret.
Pour autant, la réorganisation territoriale que vous envisagez, monsieur le
ministre, avec votre concept de communauté de brigades qui doit permettre de
mutualiser les moyens de plusieurs brigades, n'est-elle pas une autre façon
d'en rester au
statu quo
en termes d'effectifs ?
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Très bien !
M. Robert Bret.
Si, dès la fin des années soixante-dix, tous les gouvernements ont préconisé
diverses réformes, force est de constater, aujourd'hui, qu'aucune n'est
parvenue à enrayer les phénomènes d'insécurité, qu'il s'agisse de l'institution
de la parité police-gendarmerie en 1977, du plan de modernisation sociale de
1985 qui a ouvert la voie aux emplois précaires dans la police nationale avec
l'emploi des appelés du contingent, de la mise en place de la police
territoriale en 1991, de la loi de 1995 d'orientation et de programmation sur
la sécurité qui a modifié en profondeur les structures de la police nationale,
la conception de ses missions et réformé les corps et les carrières des
policiers.
Pour autant, chers collègues, peut-on dire que ces réformes ont répondu, à un
moment ou à un autre, aux besoins des citoyens en matière de sécurité et à
l'attente des personnels des forces de l'ordre ? Une réponse négative
s'impose.
En généralisant la qualité d'officier de police judiciaire, la loi de 1995 n'a
fait que contribuer à briser les compétences des services et à tirer la police
vers le bas. La loi de 1995 d'orientation et de programmation sur la sécurité,
de M. Pasqua, a cassé la capacité d'investigation de la police judiciaire.
Il est vrai que les enquêtes d'investigation - qui, à terme, donnent de bons
résultats - prennent du temps.
La police d'investigation est surtout bien moins spectaculaire que vos GIR,
monsieur le ministre, dont la légalité - tout comme leurs résultats rapportés
aux forces déployées - est plus que douteuse.
De plus, à qui ferez-vous croire que c'est grâce à l'intervention
providentielle des GIR que des saisines de stupéfiants sont réalisées alors que
l'on sait pertinemment que ce genre d'action a nécessité de longs mois
d'enquête de la part des directions spécialisées ?
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Absolument !
M. Jean-Pierre Sueur.
Très bien !
M. Robert Bret.
Il ne faut pas dénaturer l'action des policiers de terrain et reléguer ceux-ci
au second plan.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Très bien !
M. Robert Bret.
Mais il est vrai que ce qui vous importe avant tout, monsieur le ministre,
c'est la visibilité immédiate de vos actions, qui sont, électoralement parlant,
plus rentables.
Or on ne s'attaque pas à un problème de société sérieux avec des
flash-balls. (Mme Nelly Olin s'exclame.)
En précisant dans l'annexe I du projet de loi que les responsables locaux de
la police judiciaire et de la gendarmerie rendront compte des résultats qu'ils
auront obtenus en matière de lutte contre l'insécurité et qu'il en sera tenu
compte pour la progression de leur carrière, vous importez en France, monsieur
le ministre, le modèle américain, avec la responsabilisation des commissaires
ou des commandants de brigade de gendarmerie, et la culture du résultat.
C'est très dangereux, car les forces de l'ordre sont incitées à faire du
chiffre, comme s'il s'agissait d'atteindre de simples objectifs commerciaux,
alors que ce sont les libertés individuelles et publiques qui sont en jeu !
(« Très bien ! » sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen,
ainsi que sur les travées socialistes.)
M. Pierre Hérisson.
Caricature !
M. Robert Bret.
On verra sur la distance !
L'objectif réel que vous visez relève par ailleurs plus de la stigmatisation,
de l'affichage politique, voire de la politique à grand spectacle en vue de
rassurer les Français, que d'une réelle volonté de s'attaquer de manière
efficace et en profondeur aux causes de la délinquance.
En réalité, monsieur le ministre, vous surfez sur la vague du 21 avril
dernier, dans la perspective des prochaines échéances électorales de 2004.
(Exclamations sur les travées du RPR, de l'Union centriste et des
Républicains et Indépendants.)
S'il n'y avait pas eu ce 21 avril, qui
restera gravé dans les mémoires, serions-nous en ce moment même en train de
légiférer en toute hâte sur des problèmes aussi cruciaux que la sécurité et,
hier, la justice ?
Mme Nelly Olin.
Il faut venir dans les banlieues !
M. Robert Bret.
Vous souhaitez, avec un tel projet, ramener vers vous une partie de
l'électorat de M. Le Pen. Mais prenez garde, monsieur le ministre ! A chasser
sur les terres de l'extrême droite, vous faites le lit du Front national.
(Marques d'approbation sur les travées du groupe communiste républicain et
citoyen. - Vives protestations sur les travées du RPR, de l'Union centriste et
des Républicains et Indépendants.)
Mme Nelly Olin.
C'est tout de suite l'amalgame !
M. Pierre Hérisson.
Vous n'avez pas honte ?
M. Louis de Broissia.
Vous n'avez toujours rien compris !
M. Jean-Patrick Courtois,
rapporteur.
Le Front, c'est Mitterrand qui l'a créé !
M. Robert Bret.
Non seulement votre projet de loi, monsieur le ministre, ne rompt pas avec les
politiques menées depuis vingt ans en France, politiques qui, je l'ai dit, ont
toutes échoué, mais il va encore plus loin dans l'escalade répressive.
Avec votre projet de loi, indissociable de celui qu'a présenté votre collègue
de la Place Vendôme - il ne propose, pour sa part, que d'enfermer nos jeunes et
de relancer la construction de prisons nouvelles - ...
M. Jean-Claude Carle.
Vous savez que ce n'est pas vrai !
M. Roger Karoutchi.
C'est caricatural !
M. Robert Bret.
... se dessine, mes chers collègues, un bien triste projet de société pour
l'avenir. En effet, c'est une véritable politique de répression, d'enfermement
et d'exclusion qui se profile !
M. Dominique Braye.
Ça va être les camps d'internement en Sibérie !
Mme Nicole Borvo.
Enfin, la Sibérie ! Bravo, il ne manquait plus que ça !
(Rires sur
plusieurs travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. Dominique Braye.
Et les hôpitaux psychiatriques aussi ! On ne rit pas, madame Borvo, lorsqu'il
s'agit de millions de morts !
Mme Nicole Borvo.
Ça va, monsieur Braye !
M. Robert Bret.
La réalité, c'est que la délinquance, ne vous en déplaise, chers collègues de
la majorité sénatoriale, prend racine dans l'aggravation des inégalités
sociales : d'un côté la marginalisation, la précarisation, la dégradation de
l'habitat, l'échec scolaire et la mal-vie, de l'autre, l'accumulation des
richesses.
La société produit de plus en plus d'inégalités et d'exclusion, qui vont
s'accentuer encore avec les projets que vous réservez aux Français :
privatisations, diminution de postes dans la fonction publique, licenciements,
stagnation du SMIC, hausse des prix, les retraites, les contrats-jeunes.
M. Philippe François.
Tout va craquer, ne vous inquiétez pas !
M. Robert Bret.
Dans ces conditions, la répression se révèle comme le corollaire indispensable
de votre politique ultralibérale.
Mme Nelly Olin.
C'est affligeant !
M. Robert Bret.
Ce projet de loi va vous permettre de taper encore plus sur ceux qui subissent
déjà de plein fouet l'exclusion, les inégalités et les violences sociales et
économiques, qui sont réelles mais rarement évoquées.
M. Dominique Braye.
Avec de tels discours, ils feront 1,5 % aux prochaines élections !
M. Louis de Broissia.
Et encore, c'est optimiste !
M. Robert Bret.
Ma collègue Nicole Borvo développera davantage ce thème tout à l'heure
lorsqu'elle présentera la motion tendant à opposer la question préalable.
C'est ainsi que votre projet de loi stigmatise toute une partie de la
population : gens du voyage, SDF, prostituées étrangères, jeunes issus des
milieux défavorisés, parents d'enfants en rupture scolaire...
Votre projet de loi est dangereux, car il vise à réprimer non plus des crimes
ou des délits, voire des incivilités, mais « des comportements qui affectent
particulièrement la vie quotidienne de nos concitoyens...
Mme Nelly Olin.
C'est bien hypocrite de dire cela !
M. Robert Bret.
... et qui se sont multipliés au cours de ces dernières années »,...
M. Patrice Gélard.
Depuis 1997 !
M. Robert Bret.
... comme cela est écrit si pudiquement dans l'annexe.
L'insécurité a-t-elle pris une dimension si considérable qu'il soit nécessaire
de prendre des mesures aussi sécuritaires ?
M. Dominique Braye.
On ne vit pas dans le même monde ! Ecoutez les Français !
M. Robert Bret.
Je pense, au contraire, qu'il convient de replacer les questions sécuritaires
à leur juste place dans l'échelle des problèmes de notre société, notamment
derrière le chômage et les inégalités sociales.
M. Dominique Braye.
Sortez de l'immeuble de la place du Colonel-Fabien !
M. Robert Bret.
Par ailleurs, je m'interroge sur l'utilité de mettre l'accent sur la
répression des petits délinquants, qui encourent en réalité, et vous le savez
pertinemment, de petites peines de prison se révélant inutiles pour la société
comme pour l'intéressé.
Dans ces cas-là, mieux vaut mettre en pratique les peines alternatives plutôt
que l'incarcération, qui constitue une véritable école de la récidive et du
caïdat.
MM. Dominique Braye et Eric Doligé.
Al-Qaida !
M. Robert Bret.
Cela figurait dans les conclusions du rapport de la commission d'enquête
sénatoriale sur les conditions de détention dans les prisons, mais vous l'avez
oublié !
A cet égard, votre projet de loi, tout comme celui de votre collègue M.
Perben, nie en bloc le travail sérieux effectué par les députés et les
sénateurs, toutes tendances politiques confondues, sur les prisons et qui
arrivait à la conclusion, aujourd'hui vite oubliée, qu'il fallait « incarcérer
moins pour incarcérer mieux », de même qu'il contredit les conclusions
équilibrées auxquelles est parvenue la commission d'enquête sénatoriale sur la
délinquance des mineurs.
Parallèlement, la délinquance financière, dite en « col blanc », continue. Il
est vrai qu'elle se voit moins et qu'elle est moins gênante pour le commun des
mortels même si, au bout du compte, elle coûte cher à la collectivité !
Les gros trafiquants d'armes et de drogues peuvent dormir tranquilles puisque
vous préférez vous attaquer à ceux qui se trouvent au bout de la chaîne de la
délinquance mais qui sont, il est vrai, les plus voyants.
Mme Nelly Olin.
Oh !
M. Eric Doligé.
C'est vraiment honteux !
M. Robert Bret.
Je pense aux petits dealers, aux prostituées étrangères, etc.
N'est-il pas, sur le plan statistique, plus rentable d'arrêter plusieurs
petits dealers qu'un gros trafiquant de drogue ou encore dix prostituées plutôt
qu'un seul proxénète ?
Dans ces conditions, vous comprendrez qu'il nous soit impossible de voter un
tel projet de loi qui a été, de surcroît, aggravé par les députés de la
majorité présidentielle.
Outre la motion tendant à opposer la question préalable qui sera défendue par
Mme Nicole Borvo, les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen
proposeront la suppression de l'article 1er du texte qui renvoie les
orientations politiques du Gouvernement en matière de sécurité intérieure à une
annexe « fourre-tout » qui, comme je l'ai indiqué, n'a aucune valeur normative
et dont le détail, de surcroît, ne sera précisé qu'à l'automne.
Adopter un tel article serait donner un chèque en blanc au Gouvernement, ce
que nous refusons fermement.
Nous serons, le moment venu, particulièrement vigilants, monsieur le ministre,
quant au contenu du futur projet de loi qui devra notamment comprendre le volet
répressif annoncé dans l'annexe. Nous combattrons avec force toute disposition
renforçant le caractère d'ores et déjà répressif et discriminatoire de la
politique que vous prônez, à tort, en matière de sécurité.
(« Très bien ! »
et applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen
et sur les travées socialistes, ainsi que sur certaines travées du
RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Jean-Claude Peyronnet.
M. Jean-Claude Peyronnet.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, M. Karoutchi
me permettra de corriger une petite erreur historique. En effet, c'est bien un
socialiste qui a créé les CRS, mais ce n'est pas Jules Moch, c'est un ministre
de l'intérieur qui s'appelait Adrien Tixier, qui est mort en fonction et qui
était président du conseil général de la Haute-Vienne.
M. Roger Karoutchi.
Non !
M. Dominique Braye.
Ce n'est pas la peine de se battre pour un ministre socialiste !
M. Jean-Claude Peyronnet.
Au demeurant, ce n'est pas bien grave, nous en reparlerons tout à l'heure.
J'en viens à mon propos.
La campagne électorale de la droite se termine cette semaine avec l'examen de
la loi d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure.
(Exclamations sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
Ne vous offusquez pas de ces paroles, mes chers collègues. En vérité, que
vous appliquiez votre discours répété depuis des mois, c'est tout à fait
légitime !
M. Dominique Braye.
Nous, nous entendons les Français !
M. Jean-Claude Peyronnet.
Je dis cela sans esprit polémique, de façon posée et réfléchie, mais avec
conviction, au vu du texte de loi qui nous est présenté et qui est
essentiellement un catalogue d'intentions.
Vous êtes encouragé à ce discours de propagande, monsieur le ministre, par le
genre particulier que constituent les lois de programmation, dont vous n'êtes
pas les inventeurs et que je ne renie pas toujours car elles peuvent avoir au
moins l'intérêt de nourrir le débat, surtout lorsque l'urgence n'est pas
déclarée, ce qui, hélas ! n'est pas le cas aujourd'hui. Mais il vaudrait mieux
en rester à l'orientation, même au simple débat d'orientation puisque aucun des
votes que nous allons émettre n'aura d'autre valeur que déclarative et que vous
renvoyez à l'automne le vote de textes normatifs qui constitueront
l'essentiel.
Par-delà la forme que présente ce projet de loi avec ses six courts articles
et ses deux longues annexes, on peut distinguer ce qui ressort de la
programmation et ce qui relève de l'orientation.
L'orientation, c'est précisément la poursuite du discours de dramatisation de
l'insécurité, dont nous ne nions pas l'existence, mais auquel vous continuez à
donner une tonalité effroyable et, géographiquement comme socialement,
universelle.
Cette présentation est excessive. Certes, elle offre le double avantage à la
fois de permettre ultérieurement de mieux valoriser les résultats que vous
obtiendrez - et je souhaite tout à fait sincèrement, monsieur le ministre, que
vous obteniez de bons résultats - et de donner l'impression qu'avant vous rien
ne s'était fait et qu'en particulier le gouvernement de la gauche plurielle
avait été d'une totale incurie, ce qui est vraiment faux ; j'essaierai de le
démontrer très rapidement tout à l'heure.
(Exclamations sur les travées du
RPR et des Républicains et Indépendants.)
La programmation, c'est l'annonce de deux grands chiffres sur lesquels je ne
reviens pas puisqu'ils ont été cités à plusieurs reprises. Vous savez mieux que
quiconque, monsieur le ministre, qu'il s'agit d'un effet d'annonce qui n'aura
de concrétisation qu'avec le vote des lois de finances successives, comme
l'avait excellemment fait remarquer M. Monory à propos d'une autre loi,
lorsqu'il avait dit : « Vous légiférez à crédit », formule que rappelait voilà
peu mon ami Michel Dreyfus-Schmidt.
Autrement dit, cette prétendue programmation ne nous permet pas d'y voir plus
clair, car on ne sait rien de ce qui se passera en termes budgétaires, alors
même que se prépare le projet de budget pour 2003.
En fait, cette partie de la loi, associée à quelques opérations à grand
spectacle, a surtout un intérêt politique, celui de faire accroire que ce que
l'on annonce est déjà réalisé.
Or nous avons des précédents fâcheux. Vous faites souvent référence à la loi
d'orientation et de programmation relative à la sécurité de janvier 1995. Or,
pendant les deux années qui ont suivi, donc avant la dissolution, cette loi n'a
pas connu un début d'exécution. En 1997, les crédits de la police ont diminué
de 300 millions de francs sous M. Debré, après avoir augmenté faiblemement de 1
milliard de francs en 1996.
Ces considérations rendent d'autant plus difficile à accepter les accusations
d'incurie que vous portez sur le gouvernement précédent alors même, pour ne
citer qu'un chiffre, que les effectifs de la police nationale ont augmenté de
11 % de 1997 à 2002 et que tous les départs à la retraite ont été compensés, ce
qui n'avait pas été le cas au cours de la période précédente.
En ce qui concerne la gendarmerie, monsieur le ministre, je ne comprends pas
d'où vous tirez les chiffres que vous citez. J'ai lu les trois rapports de MM.
François, de Montesquiou et Courtois, et les chiffres que j'y ai trouvés
indiquent non pas une baisse du nombre des effectifs de la gendarmerie, mais,
au contraire, une hausse. Il y aurait non pas 4 000 gendarmes en moins, mais 5
000 en plus !
(Applaudissements sur les travées socialistes.)
J'attends
une explication à cet égard, car nous avons besoin d'y voir un peu plus
clair.
Dans ces conditions, monsieur le ministre, nous voterons contre votre texte
alors même que nous en approuvons les objectifs, même si la France est déjà
bien placée dans le peloton de tête, proche du record d'Europe en termes
d'effectifs policiers, comme le relève
La Tribune,
n'étant devancée que
par l'Espagne et l'Italie.
Il serait donc préférable d'utiliser mieux les forces de l'ordre, ce que vous
tentez d'ailleurs de faire, je le reconnais, que d'en créer de nouvelles. Mais,
va pour le développement des moyens si vous croyez que cela est nécessaire pour
atteindre l'objectif que vous vous êtes fixé et auquel nous souscrivons !
Le problème, c'est que vous serez incapable de l'atteindre. Je ne parle pas de
la rigueur budgétaire de Bercy. Je sais que, par votre persuasion et votre
efficacité, vous parviendrez à surmonter ce genre de difficultés.
Je pense à la difficulté technique : créer des postes, ce serait bien, mais
les pourvoir et former, c'est une autre affaire !
Or cette gauche, dont vous nous dites qu'elle n'a rien fait, elle a, en tout
cas, rempli les écoles et les centres de formation, désormais surchargés.
Comment allez-vous recruter, comment allez-vous former ? Combien de centres,
combien d'écoles allez-vous mettre en place dans les années à venir ? Autant de
questions simples sur lesquelles on aimerait obtenir des réponses précises.
Vous n'acceptez pas facilement l'idée que, sur un certain nombre d'objectifs,
nous pouvons nous rejoindre ; vous n'admettez pas aisément que, par bien des
côtés, vous poursuivez l'oeuvre de votre prédécesseur.
(M. François fait un
signe de protestation.)
Et ce n'est qu'au détour d'un paragraphe, en catimini, avec des pincettes,
dirait-on, que vous annoncez la poursuite de la politique de proximité initiée,
c'est vrai, par M. Pasqua, mais effectivement mise en place et considérablement
développée par ses successeurs. C'est la grande réforme de la législature
précédente en ce domaine.
Certes, cette politique monte en puissance progressivement, mais elle donne de
bons résultats ; d'ailleurs, vous la conservez. Elle est le contraire de la
politique spectaculaire, des coups médiatiques sans lendemain. Elle est à la
base de cette coproduction de sécurité qui associe tous les acteurs
susceptibles de contribuer à la lutte contre l'insécurité : la police, la
justice, les agents sociaux, l'école, le milieu associatif..., en un mot, tous
ceux qui peuvent mener une action efficace et suivie dans la politique de
prévention associée à la répression. Une des principales raisons de notre
réserve à l'égard de ce projet de loi réside dans sa tonalité par trop
exclusivement répressive.
Et que l'on ne nous accuse pas d'angélisme ! Nous ne sommes pas contre la
répression lorsqu'elle est nécessaire. Mais comment accepter cet amalgame entre
racket, drogue, nomades, prostituées - en précisant bien « prostituées
étrangères » ? Stigmatiser ainsi certaines catégories de populations n'est pas
convenable ; c'est en tout cas tout à fait inacceptable dans la loi.
Je le répète, nous ne nions pas les ravages causés par l'insécurité, notamment
parmi les plus faibles et les plus démunis. Nous affirmons - sans doute avec
vous - que la lutte contre cette insécurité est une condition de la réduction
des inégalités et que le moyen premier pour y arriver reste cette coproduction
de sécurité que j'évoquais tout à l'heure.
Quoi qu'il en soit, en aucun cas, la sécurité ne doit devenir un enjeu de
polémique politicienne. N'oublions pas, en outre, que votre politique est
indissociable des mesures que vous envisagez pour la justice, notamment à
l'intention des mineurs. Notre porte-parole a dit combien nous pensions que
vous faites fausse route, sur le plan moral sans doute, mais aussi sur le plan
de l'efficacité.
Voilà toutes les raisons pour lesquelles nous ne voterons pas ce texte même
si, je le répète, nous ne nous opposerons pas à ce que soient dégagés les
moyens que vous souhaitez mettre en oeuvre.
Nous commencerons par proposer la suppression de l'article 1er. Si, par un
hasard extrême, nous n'étions pas suivis
(Sourires sur les travées du RPR,
de l'Union centriste, des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines
travées du RDSE),
nous proposerions quelques amendements subsidiaires.
Permettez-moi maintenant, monsieur le ministre, de formuler quelques
commentaires sur des sujets précis et de vous poser quelques questions tout à
fait précises.
Nombre des dispositions que vous nous soumettez sont d'ordre réglementaire,
voire de simple organisation opérationnelle. Je pense aux GIR, dont nous dirons
à l'occasion qu'ils sont la suite formalisée d'une coopération déjà existante ;
je pense à l'organisation de la gendarmerie en communautés de brigades, dont
nous doutons qu'elles aient l'efficacité et l'aspect positif que vous
prétendez.
Mais il y a beaucoup plus préoccupant en ce qui concerne les moyens juridiques
destinés à parachever, comme le dit M. Courtois, la loi de 1995, à renforcer
l'efficacité des investigations policières, à mieux prendre en compte les
formes de nouvelles criminalités, etc.
Sur bien des points de la deuxième partie des annexes, nous serons très
circonspects. En effet, les textes normatifs que vous nous proposez devront,
certes, fournir les moyens pour atteindre les objectifs, mais ils devront le
faire dans le respect scrupuleux des libertés individuelles ; nous y serons
très attentifs.
Enfin - je ne prétends pas à l'exhaustivité - une autre question nous
préoccupe, sur laquelle, nous l'espérons, les débats nous rassureront. Il
s'agit des règles nouvelles introduites à l'article 3 pour la construction et
la gestion des casernes affectées aux forces de l'ordre.
Je me félicite de ce que vous avez dit verbalement sur les nouveaux moyens en
subventions que vous allez accorder aux collectivités, ainsi que sur la
récupération de TVA ; tout cela est positif. Mais nous ne voyons pas très bien
ce qu'il y a lieu de changer dans les procédures qui fonctionnent déjà, en
concertation entre les communes et l'Etat, et qui ne prennent du retard que par
l'incurie financière de l'Etat. Si vraiment vous arrivez à inscrire les
financements que vous annoncez, il n'y aura plus aucun problème et les
collectivités locales pourront réaliser les casernements nécessaires sans la
moindre difficulté.
Nous nous inquiétons, peut-être à tort, des possibilités d'affranchissement de
certaines règles de passation des marchés publics alors que l'Etat est si
attentif au respect de ces règles par les collectivités. Nous nous inquiétons
également des conséquences que cela pourrait avoir sur les règles de la libre
concurrence. Nous nous inquiétons du risque qu'il y a à masquer temporairement
une charge qui devra bien un jour finir par apparaître dans les budgets. Nous
nous inquiétons, peut-être à tort enfin, des similitudes que l'on croit déceler
avec les marchés d'entreprise de travaux publics, les METP, dont le conseiller
d'Etat Daniel Chabanol, dans un article paru en 1999, disait dans sa conclusion
: « C'est coûteux et dangereux » !
Pour terminer, monsieur le ministre, voici trois questions : l'une est
adressée au ministre de l'intérieur, au sens strict, les deux autres l'étant au
numéro deux du Gouvernement, qui a une vue globale des perspectives du budget
de la France.
Première question : je vois bien l'intérêt de certaines opérations
spectaculaires menées à grand renfort de moyens, en présence de caméras de
télévision éventuellement,...
M. Jean-Claude Carle.
Le champion, c'était M. Kouchner !
M. Jean-Claude Peyronnet.
... même si les résultats sont quelquefois médiocres.
Je vois bien l'intérêt de se montrer pour rassurer les braves gens et pour
inquiéter les autres. Je vois bien l'intérêt de montrer ses muscles ; mais
cela, même répété, est-ce suffisant ?
Que se passera-t-il à long terme ? Comment assurerez-vous une présence
quotidienne efficace dans ces quartiers difficiles ?
Par ailleurs, vous nous annoncez, monsieur le ministre, des chiffres
importants en matière de création d'emplois et d'augmentation des crédits dans
les cinq ans à venir. Selon vous, quelle devra être la croissance de notre
économie pour que ces objectifs soient atteints ?
Vous annoncez, pour votre part, la création de 13 500 postes. Votre collègue
ministre de la justice en annonce 10 680 en équivalent temps plein. Vous devez
en outre financer en année pleine les 42 000 postes de personnels soignants que
le précédent gouvernement a créés, et le ministre de la santé affirme qu'ils
sont en nombre insuffisant. Mais, dans le même temps, certains ministres - et
non des moindres : le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie,
le ministre délégué au budget, entre autres - ne cachent pas leur volonté de
réduire les dépenses publiques par une diminution du nombre des
fonctionnaires.
Ma troisième question est donc toute simple : sur quelles catégories ces
réductions d'effectifs vont-elles porter ?
Monsieur le ministre, nous ne nions pas l'augmentation de la délinquance,
surtout sous ses nouvelles formes. Nous ne nions pas non plus la nécessité
d'agir avec force, même si nos méthodes seraient probablement différentes des
vôtres. Nous souhaitons vivement que vous réussissiez. Veillez toutefois à ne
pas faire de promesses excessives... Attention aux rodomontades ! Il ne faudra
pas, après toutes ces promesses, décevoir la population.
(Applaudissements
sur les travées socialistes et sur celles du groupe communiste républicain et
citoyen, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Philippe Adnot.
M. Philippe Adnot.
Monsieur le ministre, je dispose de trois minutes : c'est peu et c'est
beaucoup ! C'est en tout cas suffisant pour vous dire que j'approuve sans
réserve votre politique, que je salue vos efforts pour redonner de l'espoir à
notre pays, qui en a bien besoin.
Est-il nécessaire de rappeler qu'il n'existe pas de liberté réelle sans un
minimum de sécurité ?
Je voudrais cependant souligner, monsieur le ministre, qu'il ne saurait y
avoir une amélioration réelle dans le fonctionnement de notre société sans un
changement des mentalités. Il ne saurait y avoir une politique de sécurité sans
un développement de l'esprit de responsabilité.
Oui, les parents sont responsables de leurs enfants.
Oui, les enseignants sont responsables de l'instruction et du sens civique de
ces mêmes enfants.
Oui, nous devons substituer à une société d'assistanat une société de
responsabilité.
Concrètement, cela signifie que plus personne ne doit recevoir d'aide de la
collectivité sans contrepartie pour cette dernière. J'illustrerai mon propos en
prenant l'exemple du revenu minimum d'insertion.
S'il est nécessaire que des
minima
sociaux existent - et je suis
partisan de leur réévaluation - cela ne doit pas conduire à une démobilisation
de nos concitoyens, démobilisation que risque de produire une différence
insuffisante entre les revenus des actifs et ceux des inactifs.
C'est pourquoi je crois nécessaire de revaloriser l'acte de travail.
M. Gérard Le Cam.
Et donc le SMIC !
M. Philippe Adnot.
Les mesures préconisées par M. Fillon en faveur de l'emploi des jeunes non
diplômés vont dans le bon sens : tous les ministres doivent concourir à la
qualité de votre action en la confortant pour l'avenir.
La dernière minute qui me reste, monsieur le ministre, je souhaite la
consacrer au problème des gens du voyage.
Un sénateur socialiste.
Encore !
M. Philippe Adnot.
Je n'ignore rien du travail excellent déjà effectué par notre ancien collègue
Alain Joyandet ; je n'insisterai donc pas sur les différentes mesures déjà
proposées, que j'approuve.
Je souhaite simplement que nous réfléchissions sur tout ce qui concourt au
développement de rassemblements de plus en plus massifs de gens du voyage.
On peut, on doit faire mieux appliquer les ordres d'expulsion, mais - nous le
savons tous - cela reporte le problème chez les voisins. La politique des aires
aménagées était généreuse mais complètement illusoire ! Elles sont vandalisées
avant d'être ouvertes, trop petites quoi qu'il arrive.
La vérité, c'est qu'il faut s'interroger sur les raisons qui conduisent à ce
qu'il y ait de plus en plus de monde pour choisir ce mode de vie. Soyons clairs
: l'importance des rassemblements garantit l'impunité, l'incapacité d'agir des
représentants de la loi : pour déloger 200 ou 300 caravanes, il faut un
escadron ; comme il n'est pas toujours possible d'en mobiliser un,
l'intervention n'a tout simplement pas lieu.
Par exemple, aujourd'hui, dans notre pays, il est loisible aux personnes ainsi
rassemblées de prélever l'eau et l'électricité devant une gendarmerie, et ce
sans aucune crainte d'être inquiétées par quiconque. Par ailleurs, la technique
de célébration des mariages - laquelle peut durer près d'une semaine - sur ces
aires empêche l'application de toute mesure d'expulsion par les représentants
de l'Etat : même s'il y a un jugement, ils ne peuvent faire déplacer ces gens
puisqu'il s'agit d'un mariage ! La fraude est pourtant évidente.
On est également frappé par la qualité des matériels : marques de véhicules,
équipement télévisuel. Que pense le citoyen qui, lui, gagne le SMIC, paie son
camping, son eau et son électricité ? Nous savons tous que les revenus procurés
par le RMI ou certaines activités traditionnelles ne peuvent expliquer la
valeur des biens observés lors de ces rassemblements. C'est une question de bon
sens !
Monsieur le ministre, ces observations n'ont d'autre objet que de vous dire
combien nous apprécions votre combat quotidien, mené dans l'urgence,...
M. Pierre Hérisson.
Très bien !
M. Philippe Adnot.
... mais aussi combien nous souhaitons que, après avoir endigué les effets,
vous vous intéressiez aux causes.
Pour cela, il faut s'attaquer aux grands rassemblements des gens du voyage en
les rendant illégaux, sauf dérogation particulière obéissant à des critères
précis ; je pense, par exemple, à la célébration de fêtes telles que celle des
Saintes-Maries-de-la-Mer.
Il faut systématiquement rechercher l'origine des fonds qui permettent de
s'équiper luxueusement sans disposer manifestement des revenus légaux
adéquats.
Il faut non pas seulement penser à reporter sur le voisin ce qui nous gêne,
mais réduire un phénomène qui n'a rien de naturel. Un rassemblement de 100
caravanes se maîtrise ; un de 200, non !
Monsieur le ministre, si nous approuvons votre politique, nous souhaitons que
l'on traite les problèmes à leur source. Nous voulons participer avec vous au
changement de mentalité qui s'impose à notre pays.
(Applaudissements sur les
travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union
centriste.)
M. le président.
La parole est à M. Jean-Claude Carle.
M. Jean-Claude Carle.
Je veux à mon tour saluer la démarche du Gouvernement, votre démarche,
monsieur le ministre. Avec votre texte, les engagements du Président de la
République sont tenus. C'est simple, c'est lisible, c'est efficace.
J'entends certains esprit chagrins nous dire que tant les initiatives prises
sur le terrain depuis votre arrivée Place Beauvau que les mesures proposées
dans ce projet de loi auraient valeur de symbole ou ne seraient qu'affichage.
Ceux-là oublient que la politique, c'est l'expression tout à la fois de
valeurs, d'une vision et d'une volonté.
Les valeurs que nous défendons sont celles de la liberté et de la
responsabilité ; pour nous, il ne saurait y avoir des droits sans devoirs.
Notre vision, c'est non celle d'une France individualiste, explosée en de
multiples ghettos, communautés et corporations, mais celle d'une communauté de
destins, d'une France où vivent l'ensemble des femmes et des hommes différents,
dans le respect des autres, sans qu'aucun ne renonce à son identité.
La volonté, c'est celle du peuple, exprimée avec force le 21 avril, le 5 mai,
le 9 juin et le 16 juin : cette volonté que vous-même, monsieur le ministre,
incarnez par la vigueur de votre discours et la fermeté de vos actes, à savoir
la volonté non seulement d'agir, mais aussi de vous en donner les moyens.
Symboliques, les 13 500 emplois nouveaux ? Symbolique, le rapprochement de la
police et de la gendarmerie ? Symbolique, la cohérence revendiquée entre la
sécurité et la justice ? Pour la première fois, ces mesures sont chiffrées et
budgétées dans la durée. Pour la première fois également, les politiques sont
concertées, à l'exemple des projets de loi relatifs à la sécurité et à la
justice. Pour la première fois, enfin, ces politiques feront l'objet d'une
évaluation et le Gouvernement rendra compte chaque année des résultats de son
action.
Vous-même, monsieur le ministre, donnez l'exemple en publiant chaque mois les
statistiques de la délinquance et en fixant des objectifs concrets, quantifiés,
aux policiers et aux gendarmes.
M. Emmanuel Hamel.
Grand et bel exemple !
M. Jean-Claude Carle.
Voilà un discours auquel l'Etat ne nous avait pas habitués.
Reste la question de la place des élus et des collectivités locales dans la
nouvelle architecture que vous nous présentez.
Certes, les maires sont les premiers agents de l'Etat sur le territoire.
Certes, ils ont qualité d'officier de police judiciaire. Certes, la loi leur
confère des pouvoirs de police. Mais de la théorie à la pratique, il y a un
fossé !
C'est tout juste si les maires n'apprennent pas par la presse locale les
infractions, délits et crimes commis sur le territoire de leur commune, alors
que leurs prérogatives justifieraient une information en temps réel par le
procureur de la République ou par son substitut.
Contrairement à ce qui a été avancé, les maires n'ont pas vocation à devenir
des shérifs. Cependant, ils sont confrontés tous les jours à une demande
croissante de sécurité qu'ils ne sont pas en mesure de satisfaire.
Je prendrai l'exemple de l'accueil des gens du voyage, problème qu'a évoqué
avec une grande compétence mon collègue et ami Pierre Hérisson. Le gouvernement
précédent est parti de l'idée selon laquelle les élus ne voulaient pas
appliquer la loi dans ce domaine. D'où le caractère contraignant de la loi
Besson et l'omniprésence du représentant de l'Etat dans la procédure, au point
qu'on finit par se demander pourquoi l'Etat ne réalise pas directement les
aires d'accueil et ne fait pas respecter lui-même la loi.
Lors de l'examen de ce texte, j'avais mis en garde le gouvernement précédent
et exprimé mes doutes, d'une part, sur l'insuffisance des règles, d'autre part,
sur la capacité de l'Etat à faire appliquer celles qu'il a lui-même édictées.
La réalité, depuis, m'a donné raison.
J'en veux pour prendre l'exemple suivant : dans l'Essonne, des gens du voyage
se sont installés au début de l'année aux abords d'un établissement, sur un
site classé « Point et réseau sensibles ». Le sous-préfet et le préfet, pas
plus que le général de corps d'armée du commandement de la force logistique
terrestre, n'en avaient eu connaissance. Dix jours plus tard, une dizaine de
caravanes supplémentaires s'étaient installées, alors qu'une demande en référé
avait été déposée par l'établissement concerné.
A Grenoble, ce sont 150 caravanes qui ont squatté le campus de l'université
pendant près d'un an.
Dans les Yvelines, c'est un maire qui, ayant interdit l'accès à un terrain,
voit des gens du voyage foncer sur lui avec une pelleteuse qu'ils avaient
louée. La commune a dû attendre cinq semaines pour obtenir l'arrêt d'expulsion
!
En Haute-Savoie, c'est le maire de Ville-la-Grand qui est pris à partie alors
qu'il fait respecter la loi en lieu et place de l'Etat. Frappé au visage avec
une arme de poing, cet élu y a perdu partiellement l'usage d'un oeil. De même,
le maire de Thonon-les-Bains, dans des circonstances quasi analogues, a failli
être renversé par une voiture.
Quelque temps plus tard, c'est un chef d'entreprise qui a été agressé à l'arme
blanche, toujours en tentant de s'interposer.
Face à la loi du plus fort, que valent les pouvoirs de police du maire ?
Voyons la réalité telle qu'elle est : cette année, tous les schémas
départementaux auraient dû être signés. Actuellement, seuls dix-sept
départements en ont signé un, et cinquante-six en sont encore à la phase
d'élaboration. C'est d'autant plus ennuyeux que les mesures de lutte contre le
stationnement sauvage, les interdictions ou les évacuations sont conditionnées
par la mise en place de ces schémas.
Le temps de mener l'action de justice en cas d'occupation illégale et de
mobiliser l'Etat, les gens du voyage se sont déplacés de quelques centaines de
mètres et le problème n'est toujours pas réglé ! Sans compter le coût des
dégradations, à la charge des communes, et bien d'autres charges, comme le
branchement direct sur les réseaux d'eau et d'électricité communaux.
Non seulement la répétition des procédures judiciaires liées à la fréquence
des infractions se révèle coûteuse pour le budget communal mais, dans les
faits, l'intervention de la force publique a rarement lieu.
Voilà pourquoi, monsieur le ministre, je voudrais mettre à profit l'examen du
projet de loi d'orientation et de programmation sur la sécurité intérieure pour
vous demander un nouveau débat tirant les conséquences des carences de la loi
Besson, qui aborde certes le problème de l'accueil des gens du voyage, mais
reste muette sur le contrôle financier des personnes dont le train de vie
affiché ne semble pas compatible avec leurs activités professionnelles
déclarées. J'ai bien noté que les groupes d'intervention régionaux, destinés à
lutter en particulier contre les trafics illicites et l'économie souterraine,
allaient prendre en charge les délits commis par les gens du voyage lorsqu'ils
présenteraient les caractéristiques justifiant l'intervention de plusieurs
administrations, notamment de l'administration fiscale.
Nous avons également relevé que, dans le cadre de la lutte contre les
activités lucratives non déclarées portant atteinte à l'ordre public et à la
sécurité publique, les agents des douanes, des impôts, de la concurrence et de
la répression des fraudes devraient répondre aux demandes formulées par les
officiers et agents de police judiciaire pour les renseignements de nature
financière, fiscale ou douanière sans que le secret puisse leur être opposé.
Pour faire face, notamment, aux difficultés liées à l'accueil des gens du
voyage et afin de mieux protéger la propriété privée, le Gouvernement propose
enfin de sanctionner plus efficacement le refus d'obtempérer aux injonctions
formulées à l'encontre de groupes de personnes occupant illégalement la
propriété d'autrui, qu'elle soit publique ou privée. Outre des sanctions
financières, la confiscation des véhicules ayant servi à commettre l'infraction
pourra être décidée.
Ce sont là des acquis qu'il convient de saluer. Il reste cependant des
améliorations à apporter à la loi.
Je pense notamment à l'occupation illégale de terrain, qui n'est appréhendée
aujourd'hui que sous l'angle du stationnement irrégulier et qui relève de la
compétence des tribunaux civils alors qu'elle devrait faire l'objet de
sanctions pénales.
Je pense aussi à la protection juridique des maires quand ils interviennent en
qualité d'officier de police judiciaire garant du respect de la loi sur le
territoire de la commune.
Je pense également à la simplification et à l'accélération de la procédure
d'expulsion en cas d'occupation illégale constatée,
a fortiori
lorsque
existe une aire d'accueil à proximité.
Je pense enfin à la nécessité d'être d'une sévérité exemplaire avec ceux qui
utilisent des mineurs pour commettre des délits, car ils savent que les peines
encourues par ces derniers sont plus légères. C'est d'ailleurs l'objet de
l'amendement que le Sénat a adopté, sur ma proposition, lors du débat sur le
projet de loi d'orientation et de programmation pour la justice. Cela est
particulièrement vrai dans certaines communautés de nomades qui incitent ou
contraignent leurs enfants à voler ou à mendier.
Dans cette perspective, la rencontre avec votre homologue roumain va dans le
bon sens, car elle pemet de s'attaquer au problème à la source et d'apporter
des solutions à l'immigration clandestine à l'échelle européenne.
Il ne s'agit pas de tomber dans l'amalgame, comme on a pu nous le reprocher,
d'autant que, sur 300 000 à 350 000 gens du voyage, 100 000 sont des manouches
quasiment tous de nationalité française. Il est donc nullement question de
xénophobie.
Mme Nicole Borvo.
Vous faites bien de le préciser !
M. Jean-Claude Carle.
Il s'agit de faire en sorte que la loi soit la même pour tous, y compris pour
ceux qui résident momentanément sur notre territoire. Comme l'a très bien dit
M. Hérisson : « La loi, ni plus ni moins ».
Il faut en effet se mettre à la place de nos concitoyens : allez leur faire
admettre qu'il leur faut payer des frais d'huissier pour récupérer la
jouissance de leur bien, sans parler du coût probable des détériorations qu'il
aura subies !
Je vous remercie, monsieur le ministre de bien vouloir prendre en compte cette
exigence et de nous dire, durant ce débat, quelles dispositions vous envisagez
de prendre pour qu'il en soit ainsi.
Permettez-moi enfin d'évoquer brièvement les mesures que le Gouvernement veut
mettre en place pour permettre à l'éducation nationale de veiller à un contrôle
renforcé du respect de l'obligation de scolarisation. Cela va dans le sens des
propositions de la commission d'enquête du Sénat sur la délinquance des
mineurs, dont j'ai eu l'honneur d'être le rapporteur.
J'y ajouterai deux suggestions afin d'améliorer le délai de réponse aux actes
délictueux commis par des mineurs.
Ainsi, ne pourrait-on étendre les prérogatives des brigades de prévention de
la délinquance juvénile de la gendarmerie en conférant à leurs représentants la
qualité d'officier de police judiciaire dont ils sont actuellement
dépourvus?
Par ailleurs, je suggère de réduire le délai lorsqu'on interroge le fichier
central des empreintes digitales, car ce délai peut atteindre plusieurs
semaines, voire plusieurs mois, laissant aux jeunes une longue période pour
commettre de nouveaux délits.
Derrière ma demande, il n'y a pas l'expression de je ne sais quelle dérive
sécuritaire. Au demeurant, souvent, ceux qui dénoncent cette dérive sont
ceux-là mêmes qui nous expliquaient en 1968 qu'il était « interdit d'interdire
». On en voit aujourd'hui le résultat !
Non, mes chers collègues, dans la demande de plus de sécurité et de
responsabilité, il y a simplement cette exigence, fondement de notre République
: que la loi soit la même pour tous.
Monsieur le ministre, le groupe des Républicains et Indépendants votera ce
projet de loi, qui vise à ce que chaque Française et chaque Français, en
particulier les plus modestes, puissent jouir de la première des libertés, à
savoir la sécurité.
(Applaudissements sur les travées des Républicains et
Indépendants, du RPR et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées
du RDSE.)
5
DÉMISSION D'UN MEMBRE
D'UNE COMMISSION ET CANDIDATURE
M. le président.
J'ai reçu avis de la démission de M. André Ferrand, comme membre de la
commission des affaires économiques et du Plan.
J'informe le Sénat que le groupe des Républicains et Indépendants a fait
connaître à la présidence le nom du candidat qu'il propose pour siéger à la
commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, à la
place laissée vacante par M. Hubert Falco, dont le mandat de sénateur a
cessé.
Cette candidature va être affichée et la nomination aura lieu conformément à
l'article 8 du règlement.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les
reprendrons à vingt-deux heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures quarante-cinq, est reprise à
vingt-deux heures.)
M. le président.
La séance est reprise.
6
NOMINATION DE MEMBRES
DE DEUX COMMISSIONS MIXTES PARITAIRES
M. le président.
Pour le cas où le Gouvernement déciderait de provoquer la réunion d'une
commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions
restant en discussion du projet de loi portant création d'un dispositif de
soutien à l'emploi des jeunes en entreprises, il va être procédé à la
nomination des membres de cette commission mixte paritaire.
La liste des candidats a été affichée ; je n'ai reçu aucune opposition dans le
délai d'une heure prévu par l'article 12 du règlement.
En conséquence, cette liste est ratifiée et je proclame représentants du Sénat
à cette éventuelle commission mixte paritaire :
Titulaires : MM. Nicolas About, Louis Souvet, Paul Blanc, Jean-Louis Lorrain,
Jean-Pierre Fourcade, Gilbert Chabroux et Roland Muzeau.
Suppléants : Mme Annick Bocandé, MM. Jean Chérioux, Guy Fischer, Jean-Pierre
Godefroy, Mme Valérie Létard, M. Georges Mouly et Mme Janine Rozier.
Cette nomination prendra effet si M. le Premier ministre décide de provoquer
la réunion de cette commission mixte paritaire et dès que M. le président du
Sénat en aura été informé.
Pour le cas où le Gouvernement déciderait de provoquer la réunion d'une
commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions
restant en discussion du projet de loi d'orientation et de programmation pour
la justice, il va être procédé à la nomination des membres de cette commission
mixte paritaire.
La liste des candidats a été affichée ; je n'ai reçu aucune opposition dans le
délai d'une heure prévu par l'article 12 du règlement.
En conséquence, cette liste est ratifiée et je proclame représentants du Sénat
à cette éventuelle commission mixte paritaire :
Titulaires : MM. René Garrec, Jean-Pierre Schosteck, Patrice Gélard, Pierre
Fauchon, Georges Othily, Robert Badinter et Mme Nicole Borvo.
Suppléants : MM. Jean-Claude Frécon, Charles Gautier, Paul Girod, Hubert
Haenel, Lucien Lanier, Bernard Saugey et François Zocchetto.
Cette nomination prendra effet si M. le Premier ministre décide de provoquer
la réunion de cette commission mixte paritaire et dès que M. le président du
Sénat en aura été informé.
7
nomination d'un membre
d'une commission
M. le président.
Je rappelle au Sénat que le groupe des Républicains et Indépendants a présenté
une candidature pour la commission des affaires étrangères, de la défense et
des forces armées.
Le délai prévu par l'article 8 du règlement est expiré.
La présidence n'a reçu aucune opposition.
En conséquence, je déclare cette candidature ratifiée et je proclame M. André
Ferrand membre de la commission des affaires étrangères, de la défense et des
forces armées à la place laissée vacante par M. Hubert Falco, dont le mandat de
sénateur a cessé.
8
ORIENTATION ET PROGRAMMATION
POUR LA SÉCURITÉ INTÉRIEURE
Suite de la discussion d'un projet de loi
déclaré d'urgence
M. le président.
Nous reprenons la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée
nationale après déclaration d'urgence, d'orientation et de programmation pour
la sécurité intérieure.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Gérard Delfau.
(Applaudissements sur certaines travées socialistes.)
M. Gérard Delfau.
En cette fin de session extraordinaire, trop chargée et trop tardive eu égard
à l'importance des thèmes débattus, vous nous présentez, monsieur le ministre,
le projet de loi d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure.
Il s'agit du principal sujet de préoccupation des Français.
En effet, depuis une trentaine d'années, notre pays connaît une augmentation
continue de la délinquance, tandis que, heureusement, les crimes de sang
restent au même niveau. Incivilités, violences de toutes sortes, y compris
sexuelles, trafics de stupéfiants, petits vols et cambriolages gâchent le
quotidien de nos concitoyens, quand ils ne mettent pas en danger leur intégrité
physique ou psychologique.
Le constat est commun à toute l'Europe, comme aux Etats-Unis. Il est ancien,
si bien que les gouvernements successifs ont multiplié les mesures, sans
enrayer la progression du mal, il faut le reconnaître. De ce point de vue, le
vote massif pour l'extrême droite au premier tour de l'élection présidentielle
a sonné comme un avertissement. C'est dans ce contexte que chaque parlementaire
doit se prononcer.
Il s'agit d'une loi d'orientation et de programmation ; c'est l'intérêt de ce
texte, et ses limites. Il montre une perspective, mais nous n'avons aucune
assurance que les moyens financiers et humains seront effectivement financés,
comme prévu, entre 2002 et 2007. Il y a, avec la loi Toubon de 1995, un fâcheux
précédent. Le Premier ministre et vous-même jouez votre crédibilité dans
l'adéquation des lois de finances successives avec les engagements aujourd'hui.
La nation tout entière sera attentive, soyez en sûrs !
Je voudrais faire une deuxième remarque préalable : il est peut-être habile
que les rapports annexés au projet de loi reprennent une partie des
orientations des conseils de sécurité intérieure présidés par M. Jospin, quand
il était Premier ministre, et les présentent comme des nouveautés. Mais c'est
aussi la reconnaissance implicite de la nécessaire continuité de l'Etat en la
matière. Cela vous conduit même à un tour de passe-passe, quand vous attribuez
à M. Pasqua la création effective de la police de proximité qui fut la
mesure-phare du précédent gouvernement. Pourquoi en faire trop ? Tenez vos
engagements lors de la prochaine loi de finances, obtenez des résultats sur le
terrain, et nos concitoyens sauront évaluer les effets de votre action.
Au fond, tout votre projet de loi se résume en un chiffre : 13 500 créations
d'emplois dans la police et la gendarmerie en cinq ans. Ce n'est pas rien, même
si, là encore, ces recrutements s'inscrivent dans la continuité d'un
renforcement constant des forces de sécurité depuis les années
quatre-vingt-dix. Dont acte !
Il est un autre élément positif : le rapprochement de la police et de la
gendarmerie grâce à la mise en commun des fichiers même s'il faudra y consacrer
du temps et beaucoup d'argent.
Un commandement opérationnel unique, dont les GIR sont le prototype, devrait
également être efficace. Mais que de chemin à parcourir et que de questions à
résoudre pour atteindre cet objectif.
Le statut des gendarmes, le maintien de leur rattachement au ministère de la
défense, leur enracinement sur le territoire, leur culture même ne les
préparent pas à une cogestion de la sécurité avec leurs collègues de la police
nationale. Et vice versa, évidemment ! Gagner ce pari suppose du doigté, de la
constance et du temps.
Permettez-moi, monsieur le ministre, une suggestion : aidez-vous, vous-même,
en ne multipliant pas à l'excès les démonstrations spectaculaires et
l'affichage au détriment du travail de fond.
Vous voulez rééquilibrer la police d'intervention, ainsi que la police
judiciaire, avec la police de proximité. Fort bien ! Mais l'une ne va pas sans
l'autre, si l'on veut obtenir des résultats à moyen terme.
Vous annoncez un nouveau découpage entre zones de police et zones de
gendarmerie, et, au sein de ces dernières, un redéploiement des brigades.
L'échec de vos prédécesseurs en la matière ne doit pas décourager cette
réorganisation indispensable. Mais, prenez garde à ne pas dégarnir les zones
rurales au profit des zones urbaines.
La police gère la densité de population ; la gendarmerie est gardienne de
l'espace. L'une et l'autre missions doivent se conjuguer harmonieusement,
d'autant que la délinquance est mobile et que nos villages sont gagnés eux
aussi par l'insécurité.
Le commissariat ou la brigade fermés la nuit concourent au sentiment
d'impunité des délinquants et d'abandon des citoyens. Les recrutements et les
redéploiements prévus suffiront-ils à cette renconquête de la paix civile, si
ardemment souhaitée par la population ?
Contestable, en revanche, est l'article 3 du projet de loi, qui, derrière la
technicité des alinéas, ouvre la porte aux opérateurs privés dans la
construction de gendarmeries et de commissariats et qui envisage même de
confier à des communes volontaires cette charge, moyennant le paiement d'un
loyer, évidemment !
Ainsi, se met en place un nouveau facteur d'inégalité, puisque les communes
riches auront un net avantage quand l'Etat décidera d'implanter un tel
équipement. Nous attendons des précisions et des garanties, monsieur le
ministre. Quelle influence, notamment, cette disposition aura-t-elle sur le
choix de créer une gendarmerie dans une zone péri-urbaine à forte croissance
démographique ? Cela ne s'appelle-t-il pas un transfert de charges, mes chers
collèges, bête noire du Sénat ?
Il y a aussi les lacunes : l'articulation entre la police ou la gendarmerie et
la police municipale demeure toujours aussi floue, d'autant que persiste
l'impossibilité pour le maire de signer une convention avec la gendarmerie, si
l'effectif de ses agents est inférieur à cinq. C'est là une source permanente
de récrimination dans nos communes !
Puisque je parle des maires, comment s'effectuera la mise en place des futurs
conseils locaux de sécurité et de prévention de la délinquance en dehors des
zones sensibles ? Le périurbain aura-t-il droit, enfin, à l'attention des
procureurs et à la mobilisation des services préfectoraux ?
Qu'en est-il, enfin - ce sera ma dernière question -, de l'affectation des 30
000 agents des forces mobiles qui seront mis à la disposition des services
locaux ? Pouvez-vous nous donner un premier bilan des expériences de «
fidélisation » de la gendarmerie et de l'affectation des unités de CRS à des
tâches de proximité ? L'enjeu est considérable et il ne serait pas bon
d'entretenir des illusions à ce sujet.
C'est au vu de vos réponses à ces questions, monsieur le ministre, et du
contenu du débat que je prendrai position sur votre projet de loi. Une
interrogation demeure pourtant, à laquelle seul l'avenir répondra : les 13 500
postes promis seront-ils au rendez-vous en 2007 ?
(Applaudissements sur les
travées socialistes.)
M. le président.
La parole est à M. Louis de Broissia.
M. Louis de Broissia.
Qu'il me soit permis tout d'abord, monsieur le ministre, de vous dire, à titre
personnel - après tout, c'est la première fois que j'ai l'occasion de parler
devant vous - ma grande joie de voir devant moi le ministre de l'intérieur, de
la sécurité intérieure et des libertés locales, d'accueillir le numéro 1 du
Gouvernement, après le Premier ministre, un homme politique pour lequel nous
sommes très nombreux, sur toutes les travées de cet hémicycle, à avoir beaucoup
de considération parce qu'il a le sens de l'Etat, un talent reconnu de tous et
le sens de l'efficacité et de la proximité.
Je tiens à le dire très simplement, parce que nous nous connaissons depuis
lontemps.
(M. Gérard Delfau s'exclame.)
Mais je ne le ferai pas tous les
jours !
L'élection du Président de la République d'abord, celle des 577 députés de
l'Assemblée nationale ensuite, ont mis en exergue, mes chers collègues, la
nécessité vitale et républicaine de rétablir la sécurité pour tous. Après les
cinq années que j'ai passées à l'Assemblée nationale et au Sénat - que mes
collègues sénateurs ne m'en veuillent point de ce court passage à l'Assemblée
nationale -, après cinq années de parlotte parlementaire, d'agitation verbale
(M. Gérard Delfau rit) -
c'est comme cela que je l'ai vécu - nous voici
au travail concret, rapide et voulu.
Ce texte mérite que le Gouvernement ait voulu qu'il soit examiné en urgence.
Ce n'était pas le cas, en revanche, de tous les textes dont les gouvernements
précédents nous ont imposé la discussion en urgence.
M. Gérard Delfau.
Cela n'a rien de manichéen !
M. Louis de Broissia.
Cher collègue, je reprendrai une partie de votre intervention tout à l'heure,
ne vous inquiétez pas !
Nous avons la conviction que, par ce texte, de façon immédiate, rapide, vous
prenez en compte, monsieur le ministre, ce que nous considérons, nous, les
élus, comme la première des libertés de nos concitoyens : la liberté de
circuler, de vivre, de recevoir, d'ouvrir sa maison ou son appartement, de ne
pas le fermer toujours à double tour, la liberté de permettre à nos enfants, et
même à nos parents, de vivre de façon isolée.
Pourtant, depuis cinq ans, monsieur le ministre, dans les deux assemblées,
alors même que nous débattions avec votre prédécesseur, ou dans mon assemblée
départementale, chaque fois que j'abordais la question du sentiment
d'insécurité, on me disait : « Stop ! Cela n'existe pas ! »
Il ne fallait pas parler de sentiment d'insécurité. Souvenez-vous, mes chers
collègues, on acceptait même,
nolens volens
, des zones de non-droit. On
considérait que c'était admissible ; on faisait un « apartheid français ». On
trouvait naturel, chaque soir, de voir à la télévision les brigades
anti-criminalité éviter de se faire simplement démolir dans des zones
sensibles. En Côte-d'Or, on me refusait l'accès aux chiffres de la délinquance
des mineurs !
Monsieur le ministre, ce projet de loi arrive au bon moment, et votre action a
été immédiatement perçue sur le terrain non seulement par les forces de
l'ordre, mais aussi par ceux qui sont les plus fragiles, comme une action
déterminée et déterminante.
Ironie politique du moment, j'ai entendu, voilà quelques jours, votre
prédécesseur, sur une radio dite périphérique, expliquer qu'il avait « failli
le faire » ! Que ne l'a-t-il fait, mes chers collègues !
Avec ce texte, nous avons la conviction que, à côté de l'intelligence des
décisions - je pense aux groupes d'intervention régionaux, les GIR, ou au
conseil de sécurité intérieure -, à côté de la cohérence des actions menées
pour souder les forces et ne pas opposer les policiers aux gendarmes, les
douaniers aux gendarmes ou les policiers aux douaniers, il faut des moyens
clairs pour affirmer des ambitions. Ces moyens, nous les voterons, sans états
d'âme ni arrière-pensée, monsieur le ministre.
Je terminerai en vous posant quelques questions sur les notions, très à la
mode, de prévention, de coproduction de sécurité - évoquées longuement ici par
votre prédécesseur et par notre collègue Jean-Claude Peyronnet tout à l'heure -
et, enfin, de sécurité des territoires, qui est chère aux sénateurs.
Notre conviction est qu'il fallait agir vite et clairement, et que votre
perception rejoint celle de nos compatriotes, aux côtés desquels nous
vivons.
Tout comme l'arbre de la liberté se juge en fruits de la liberté, l'arbre de
la sécurité se juge indéniablement aux fruits de la sécurité, à savoir que les
Français pourront, un jour, dormir tranquilles, se déplacer rassurés, vivre
apaisés. C'est - et je m'en réjouis - un phénomène quantifiable, avec la
publication mensuelle des chiffres relatifs à la sécurité, et observable par
les 60 millions de Français, chacun pouvant dire s'il se sent ou non en
sécurité.
L'insécurité - cela a été dit sur toutes les travées du Sénat - se jauge à la
peur, à l'inquiétude, surtout dans les zones fragiles que sont les zones
urbaines ainsi que dans les zones rurales quelque peu abandonnées.
Mes chers collègues, l'épouvantail médiatique de la sécurité a-t-il fait les
élections présidentielles et législatives, comme s'en est expliqué, à longueur
de colonnes, Julien Dray dans un quotidien du soir ? J'aimerais que vous nous
donniez votre sentiment sur ce point, monsieur le ministre. Beaucoup de
dignitaires socialistes y voient la cause de leur échec, lit-on dans les
quotidiens et les hebdomadaires.
Personnellement, je pense que, contrairement à ce qui a été écrit ici ou là,
cet échec est dû non pas à cette machination médiatique, mais à un vrai
problème qui méritait une vraie loi.
Monsieur le ministre, les moyens que vous nous demandez d'approuver pour
mettre en place votre politique sont considérables, au bon sens du terme. Nous
percevons ces nouvelles lignes budgétaires comme la traduction forte et claire
de votre volonté, car la politique ne se juge pas simplement aux moyens
budgétaires ; elle se juge surtout, et vous êtes bien placé pour le savoir, à
la volonté de les mettre en oeuvre.
Je suis sensible - nous le sommes tous - à votre souci de cohérence, de
regroupement, de complémentarité, sans esprit de chapelle. Nous avons trop
longtemps constaté, sur le terrain, que l'on montait les uns contre les autres.
Aussi serons-nous sensibles aux instructions que vous donnerez pour une
meilleure efficacité des forces.
Par souci de cohérence - mais vous l'avez laissé entendre tout à l'heure en
répondant aux rapporteurs -, proposerez-vous au fil des différents projets que
vous nous soumettrez des procédures simplifiées, en particulier sur ces
stupides affaires d'ouverture de coffres de voitures, ouvertures qui - n'est-ce
pas, cher Michel Dreyfus-Schmidt ? - seraient attentatoires à une liberté
constitutionnelle lorsqu'elles sont le fait d'un gendarme, mais pas lorsque
c'est un garde-chasse ou un douanier qui s'en charge !
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
C'est infliger un démenti au président Poher !
M. Louis de Broissia.
Il est vrai que je n'ai pas fait de très longues études juridiques, mais je
n'ai toujours pas compris la différence !
Par conséquent, monsieur le ministre, envisagez-vous de prendre des mesures de
simplification afin que les Français comprennent la politique menée en matière
de sécurité ?
Après vous avoir renouvelé, comme d'autres membres du RPR ou de l'UMP, notre
engagement à soutenir votre projet de loi, j'en viens à ce que votre
prédécesseur a appelé la « coproduction » de sécurité, sujet sur lequel M.
Peyronnet est revenu tout à l'heure.
Bien que l'expression soit à la mode, je ne l'ai toujours pas très bien
comprise, je vous l'avoue en toute simplicité. Il semble qu'il s'agisse d'une
coproduction avec les élus de proximité - élus municipaux, élus départementaux
également, dont je fais partie. Je préfère, pour ma part - je ne le cache pas -
le terme d'« accompagnement »,
(M. Gérard Delfau approuve)
car je
considère que la sécurité est une politique régalienne et non une
coproduction.
En matière de prévention, nous sommes nombreux à nous être engagés - c'est un
exemple - auprès des mineurs à protéger d'eux-mêmes ou de leurs prédateurs.
Les présidents de conseil général - n'oubliez pas que j'ai moi-même la
responsabilité d'une assemblée départementale - le savent, nous faisons des
efforts pour pourchasser les pédophiles, pour protéger les délinquants mineurs
potentiels. Comptez-vous promouvoir cette aide que nous apportons, en
particulier aux forces de police, en matière de pédopsychiatrie, d'aide à la
surveillance des psychotiques, qui sont souvent emprisonnés ? Nous voulons,
dans nos départements, poursuivre nos efforts.
Avez-vous l'intention d'associer les collectivités locales, monsieur le
ministre ? Vous ne devez pas exclure - mais je sais que tel n'est pas le cas -
les conseils généraux, qui ont des responsabilités de par les textes de loi et
qui peuvent contribuer à la réussite de cette LOPSI, pour reprendre le sigle à
la mode, en particulier en matière de sécurité des établissements scolaires.
Nous sommes en effet fortement engagés dans ce domaine. La prévention s'apprend
à l'école, tout comme la sécurité. Nous sommes également engagés en matière de
sécurité des transports scolaires et collectifs, de sécurité routière - je sais
qu'un prochain projet de loi devrait nous impliquer davantage, nous l'avons
évoqué brièvement tout à l'heure - et de protection sociale.
Nous ne souhaitons pas, nous, collectivités locales, baisser la garde dans le
domaine de la prévention en accompagnement de votre politique de sécurité.
C'était le thème de ma première question.
Ma deuxième question concerne le patrimoine immobilier pour la sécurité. Je ne
suis pas tout à fait d'accord avec mon collègue M. Delfau, mais je le rassure :
les conseils généraux - je le dis très clairement - sont prêts à mieux loger
les gendarmes.
M. Gérard Delfau.
Ce n'est pas ce que j'ai dit !
M. Louis de Broissia.
Ne vous inquiétez pas : nous sommes prêts, nous, à assumer pour les communes
!
En la matière, les procédures sont très longues et très concentrées.
Comptez-vous les raccourcir, les rendre plus opérationnelles ? Pour obtenir la
reconstruction de la caserne de mon canton, la plus vieille du département -
elle date de deux siècles - il a fallu que le dossier remonte à la direction
générale de la gendarmerie !
Ma troisième et dernière question concerne la sécurité des territoires. Je
suis sensible à votre discours - nous le serons toujours au Sénat - parce que
je pense qu'il faut garantir non seulement la sécurité des hommes et des
femmes, des jeunes et des moins jeunes, des urbains et des ruraux, mais aussi
celle des Français où qu'ils soient, c'est-à-dire la sécurité de leurs
déplacements. Malheureusement, les malandrins se déplacent tout autant que les
honnêtes gens, et il nous faut une sécurité dans les territoires.
J'apprécie, comme bien d'autres de mes collègues, l'assurance que vous donnez
quant au maintien des brigades de gendarmerie, ainsi que la formule des
communautés de brigades que nous avons expérimentée avec succès en Côte-d'Or
sous forme de « binômage » et de « trinômage ». Cher Michel Dreyfus-Schmidt, je
vous invite, quand vous voulez, à venir le constater.
J'attire votre attention, monsieur le ministre - et ce sera le dernier point
de mon intervention - sur les méfaits de la délinquance itinérante, très
organisée, très spécialisée et très mobile. J'avais remis au gouvernement
précédent un rapport sur ce sujet, mais il l'a quasiment oublié, ce que je
trouve regrettable. Cette délinquance, très interrégionalisée, très européenne
et de plus en plus violente, se joue des frontières européennes, en particulier
pour les recels.
Nous ne souhaitons pas, monsieur le ministre, comme paraissait s'y résoudre
votre prédécesseur, que des territoires se vident des forces de police et de
gendarmerie. Plutôt que la suppression ou la concentration, nous préférons ici
l'adaptation et la spécialisation. Quand un peloton de surveillance et
d'intervention de gendarmerie est mis en place hors zone fortement urbaine, ce
PSIG crée un sentiment de sécurité évident.
Monsieur le ministre, nous qui sommes élus nationaux, départementaux,
régionaux, communaux ou intercommunaux, nous qui rencontrons nos concitoyens,
nous ne voulons plus de paroles, nous voulons des actes. Or, si j'en juge par
votre projet de loi, votre programme est un programme d'action. Nous le
soutiendrons résolument, car nous pensons qu'il nous permettra de sauvegarder
la démocratie !
(Vifs applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et
Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président.
La parole est à M. Jean-Paul Virapoullé.
M. Jean-Paul Virapoullé.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, si j'ai fait
le voyage hier soir pour être ici aujourd'hui, c'est parce que, comme des
millions de Français qui se sont exprimés au mois d'avril et au mois de juin,
je considère qu'il était de notre premier devoir de traiter de la sécurité des
biens et des personnes, notamment des citoyens les plus pauvres, ceux qui
habitent des quartiers où nous n'habiterions pas nous-mêmes, qui envoient leurs
enfants dans des écoles où nous n'enverrions pas les nôtres, qui prennent des
transports publics que nous aurions du mal à prendre.
(Murmures sur les
travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
Mme Nicole Borvo.
Quand même !
M. Jean-Paul Virapoullé.
Cela ne doit susciter ni passion, ni ironie, ni critiques.
J'ai envie de dédier cette modeste intervention à toutes ces mères et à tous
ces pères de famille qui ont été massacrés dans leur quartier sans que nous
soyons intervenus pour leur porter secours, à tous ces policiers qui sont morts
au champ d'honneur au service de la République, à tous ces gendarmes blessés,
aux policiers de Pantin, à celui qui a reçu un pied-de-biche alors qu'il
voulait arrêter un délinquant.
Cette intervention ne prête pas à sourire. Elle doit nous inciter à
réfléchir, à agir, à réagir rapidement, mais graduellement, pour aller jusqu'au
bout et trouver de vraies solutions à ce problème extrêmement difficile auquel
le Gouvernement a décidé, à la demande du Chef de l'Etat, de s'attaquer après
l'échec des gouvernements précédents. C'est parce que le Président de la
République et le Gouvernement ont décidé de démarrer un processus visant à
résoudre ce problème que notre groupe vient ici, monsieur le ministre, vous
apporter son soutiens.
Nous le ferons parce que nous avons constaté, aux dernières élections, que le
Front national, qui avait progressé de 200 000 voix entre 1988 et 1995, a gagné
900 000 voix entre 1995 et 2002.
Nous le ferons parce que nous constatons que, dans les quartiers les plus en
difficulté, la population a lancé un véritable SOS pour que nous ne restions
pas, les bras croisés, à faire notre
mea culpa
, mais que, plutôt que de
nous apitoyer sur le sort des voyous, nous fassions respecter la loi de la
République pour les citoyens qui, eux, la respectent !
(Applaudissements sur
les travées de l'Union centriste, du RPR, des Républicains et Indépendants,
ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
D'ailleurs, pour vous montrer la
dégradation de la situation - vous savez que l'on compte beaucoup de policiers
réunionnais ou antillais en métropole et, par affinité, j'ai discuté avec un
certain nombre d'entre eux - je vous donnerai lecture de quelques lignes d'une
lettre que j'ai reçue d'un policier affecté à la cité des 4 000 logements de La
Courneuve : « parfois, pour de simples missions, il fallait avoir l'appui et
l'assurance que les autres patrouilles des autres secteurs (...) étaient prêtes
à porter secours à ceux qui interviennent ». Et lorsqu'ils appréhendent un
voyou, s'il n'y a pas de patrouilles, ils ne peuvent pas rester plus de cinq
minutes : ils sont obligés de relâcher le voyou, faute de quoi c'est eux qui
reçoivent des plaques d'égout sur la tête.
Dans une République qui se dit nation des droits de l'homme, lorsque les
forces de l'ordre ne sont plus capables de faire respecter la légalité
républicaine, ce sont les fondements de la République qui s'effondrent face à
notre passivité.
(« Très bien ! » et applaudissements sur les travées de l'Union centriste et
du RPR.)
Je le dis sans passion, mais avec beaucoup de respect pour nos concitoyens :
nous ne sommes là ni pour donner des leçons, ni pour réprimer, ni encore pour
tenir des discours hypocrites. Nous avons reçu des Françaises et des Français
un ordre de mission pour faire respecter la légalité républicaine. Nous le
ferons avec courage, avec détermination, de telle sorte que, progressivement,
on puisse vivre librement dans ce pays, quelles que soient ses conditions
sociales et quel que soit le quartier où l'on réside.
Regardons le diagnostic de l'évolution de la délinquance ! Si les délits,
depuis vingt ans, s'étaient contentés d'augmenter, le phénomène pourrait être
supportable. Mais l'évolution est également « qualitative » : les délits ont
changé de nature.
Mme Hélène Luc.
Effectivement !
M. Jean-Paul Virapoullé.
Aujourd'hui, nous ne sommes plus en présence de délinquants ! Lorsqu'on
s'attaque à des commissariats et que les policiers sont obligés de se réfugier
à l'intérieur de leur commissariat, lorsque l'un des prétendus gens du voyage
est arrêté et que ceux-ci envahissent la gendarmerie, si bien que les gendarmes
ne peuvent plus en sortir, il s'agit non plus de délinquance, mais d'une
situation insurrectionnelle contre les représentants de l'Etat et de la
République.
Face à une insurrection qui se manifeste par des armes, par des fusils, par
des bazookas, par la prostitution, par la drogue, par la puissance de l'argent
sale,...
Mme Hélène Luc.
Ah !
M. Jean-Paul Virapoullé.
... on ne peut pas dire que ce projet de loi est répressif : il apporte des
réponses graduées à une délinquance qui est inadmissible sur le territoire
national.
(« Très bien ! » et applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du
RPR et des Républicains et Indépendants.)
C'est la raison pour laquelle nous vous reconnaissons, monsieur le ministre,
le mérite de remettre en action la chaîne de la justice : elle était bloquée,
voire cassée ; les maillons ne fonctionnaient plus, et certains avaient même
disparu. C'était la guerre, avez-vous dit tout à l'heure, entre la Place
Beauvau et la Place Vendôme. Si les voyous font la guerre à la population et si
les ministres se font la guerre à Paris, cela n'arrange pas les affaires de la
République ! Nous avons donc l'impératif devoir d'assurer de nouveau le
fonctionnement de la justice, et je me permettrai de faire quelques suggestions
en la matière.
Nous devons d'abord procéder à un changement de mentalité.
Mme Hélène Luc.
Ah !
M. Jean-Paul Virapoullé.
J'ai rencontré des agents de la force public. Un policier gagne entre 8 000 et
9 000 francs par mois. C'est un père de famille qui a des enfants ; il habite
une HLM et ne détient ni actions ni
stock-options.
Mme Hélène Luc.
C'est vrai ! Ce n'est pas pour lui !
M. Jean-Paul Virapoullé.
Il faut respecter ce brave type ! Lorsqu'il se rend dans un quartier et qu'il
reçoit une balle dans la tête, on pleure, on décore son cercueil. Mais, après,
la veuve se débrouille toute seule.
Monsieur le ministre, vous avez raison de défendre les policiers, mais il faut
aller jusqu'au bout du système. Lorsque nous, représentation nationale, nous
mandatons le Gouvernement pour envoyer ces policiers dans des endroits
difficiles, il nous revient de les protéger.
Et pour que le Gouvernement puisse redonner confiance à la police et à la
gendarmerie, les projets de loi qui viendront en discussion à l'automne devant
le Parlement devront prévoir une aggravation des peines encourues par tout
voyou qui s'attaque aux représentants des forces de l'ordre. Il faut mettre en
place un système répressif, avec des peines incompressibles pour quelqu'un qui
tue ou rend infirme un agent des forces de l'ordre.
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR, et des
Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Le voyou qui a frappé récemment une jeune policière s'en tirera avec trois
ans d'emprisonnement seulement grâce au bon avocat dont il pourra s'offrir les
services avec l'argent de la drogue ; mais la pauvre policière, elle, restera
infirme et défigurée pour toute sa vie.
M. Dominique Braye.
Eh oui !
M. Jean-Paul Virapoullé.
Il faut que les gendarmes et les policiers sachent que nous sommes non pas
hypocrites, mais solidaires. Nous n'allons pas les envoyer « casser du voyou ».
Mais nous allons dire aux voyous : désormais, si vous vous attaquez à ceux qui
sont mandatés pour faire respecter la loi républicaine, si vous les blessez, si
vous les rendez infirmes ou si vous les tuez, vous serez sanctionnés gravement
par la loi, et les peines seront incompressibles.
La peur de la sanction est le début de la sagesse et du respect de la loi.
C'est parce qu'il y a eu laxisme, c'est parce que l'on a trop pleuré sur leur
sort que les voyous ont envahi les quartiers et ne respectent plus les lois.
(« Très bien ! » et applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains
et Indépendants et de l'Union centriste.)
J'en arrive à ma deuxième suggestion. J'ai créé, dans la ville dont je suis
maire, un conseil local de sécurité et de prévention de la délinquance.
Mme Hélène Luc.
Ils sont supprimés !
M. Jean-Paul Virapoullé.
Non, ils sont renforcés !
M. Nicolas Sarkozy,
ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés
locales.
Exactement !
M. Jean-Paul Virapoullé.
Je propose que l'on aille plus loin, progressivement, et que le ministre, le
maire, le procureur, le préfet et les représentants des forces de l'ordre
définissent annuellement les objectifs de ce comité et, tous les trimestres,
évaluent la progression de notre action en fonction de ces objectifs. Moi qui
ai restructuré la police municipale de ma ville - j'ai en effet signé la
convention avec la police d'Etat et la gendarmerie - j'aimerais que les maires
qui ont accompli cet effort puissent travailler avec les forces de l'ordre à
une réelle coordination de ces forces : police municipale, police d'Etat et
gendarmerie. Ce n'est pas le cas : aujourd'hui nous apportons notre concours,
mais nous ne sommes pas acteurs de la coordination. Si nous l'étions, nous
pourrions mieux servir la population, car nous sommes sur le terrain.
Enfin, je terminerai par l'outre-mer, puisque j'en suis issu. L'Etat va
consentir un effort considérable pour augmenter les effectifs de police,
encourager les communes à construire des commissariats, voire à conclure des
baux pour loger des gendarmes. Je prendrai l'exemple de ma ville, où j'ai
construit un commissariat voilà quinze ans : j'ai édifié le pont, mais je vois
pas la rivière arriver ! Le commissariat existe, mais il est ouvert seulement
pendant la journée, monsieur le ministre : voilà quinze ans que, dans une ville
de 43 000 habitants, dont la moitié dépend du secteur de la gendarmerie et
l'autre moitié du secteur de la police - la situation est identique dans la
ville de Saint-Louis et dans celle du Port -, nous n'avons pas de policier la
nuit dans le commissariat. Au moment où les voyous sévissent, le commissariat
est fermé ! C'est, me semble-t-il, une façon d'encourager le vice.
Un effort particulier doit être accompli en faveur des départements
d'outre-mer, parce qu'ils sont éloignés, isolés, et que la moitié de leur
population a moins de vingt-cinq ans. Ces départements ne connaissent pas, il
est vrai, certaines formes de banditisme qui existent en métropole, parce
qu'ils ne sont pas, et c'est heureux, contaminés par certains milieux. Mais ils
doivent régler divers problèmes graves. Ils comptent donc sur votre solidarité
et sur l'efficacité de votre action, monsieur le ministre, pour améliorer la
situation.
En conclusion, j'ai pris la parole à la demande de mon groupe pour vous dire
ceci : ayons ensemble le courage, la modestie, mais aussi l'honneur d'agir pour
défendre nos concitoyens. Ne les laissons pas se jeter dans les bras de
l'extrémisme, qui serait, pour notre pays, la pire des choses. Nous disposons
de cinq ans pour travailler : donnons des signes clairs, forts et efficaces,
qui rétablissent les valeurs de la République !
(« Très bien ! » et applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du
RPR et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du
RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. André Rouvière.
M. André Rouvière.
Le groupe socialiste a examiné sans
a priori
, monsieur le ministre, le
présent projet de loi. Il lui est vite apparu qu'il est difficile de le
qualifier de « modeste ». En effet, 5,6 milliards d'euros sont prévus sur cinq
ans en plus des programmations déjà inscrites.
Par ses ambitions, son ampleur et les crédits annoncés, ce projet de loi est
réellement exceptionnel. Cependant, il n'échappe pas à quelques interrogations
et à quelques remarques, que je souhaite formuler.
Je m'attarderai sur le volet « gendarmerie ».
La gendarmerie doit bénéficier de 7 000 emplois nouveaux, pour un montant de
226 millions d'euros par an. A cela s'ajoute la modernisation et l'acquisition
d'équipements collectifs et personnels. Les logements seront améliorés et leur
nombre sera accru. L'aide aux familles portera notamment sur les crèches, le
soutien psychologique et l'aide à la recherche d'emploi pour le conjoint.
J'arrête là mon énumération, mais je pourrais éventuellement la prolonger.
Aucun de vos prédecesseurs, monsieur le ministre, n'a fait autant de promesses
en une seule fois. Ce n'est pas une critique, c'est simplement un constat.
Aucun syndicat - dans d'autres domaines, bien sûr - n'a été aussi hardi. Vous
donnez là un exemple qui risque d'être repris, imité et - pourquoi pas ? -
dépassé.
Mais, monsieur le ministre, pourrez-vous tenir toutes ces promesses ? C'est
ma première interrogation. Je connais, bien sûr, votre réponse : oui,
évidemment ! Mais mon scepticisme n'en est pas pour autant ébranlé. En effet,
au-delà des coûts, difficiles à inclure dans les budgets à venir, il est des
contraintes quasiment impossibles, me semble-t-il, à surmonter en cinq ans.
Je citerai, par exemple, la formation des gendarmes et des policiers recrutés.
Les écoles actuelles sont-elles suffisantes pour les accueillir ? Comment
envisagez-vous cette formation, monsieur le ministre ? En avez-vous estimé le
coût ? Car, malgré l'importance des crédits prévus, je me demande si vous
n'avez rien oublié dans vos évaluations. En effet, l'amélioration de 3 500
unités logement et la création de 4 000 équivalents unités logement, même
confiées à des tiers, à des communes ou à des départements, comme cela existe
déjà, ou à des particuliers, comme cela s'est également fait, se traduiront par
de sérieures augmentations du budget « loyers ».
Quel budget prévoyez-vous, monsieur le ministre, pour le soutien médical, le
soutien psychologique, les crèches ? Combien et comment seront retribués les
personnels, les organismes chargés de remplacer les policiers et les gendarmes
dans les tâches autres que celles qui sont directement liées à la sécurité ?
Autrement dit, comment et par qui seront assurés les fonctions administratives,
les gardes statiques et les transferts de détenus ? Avez-vous chiffré le coût
de ces mutations vraiment importantes ? Je n'ai trouvé cette précision nulle
part.
Il apparaît donc clairement que les crédits prévus, bien qu'exceptionnellement
importants, seront insuffisants. En toute objectivité, monsieur le ministre,
cela nuit à la crédibilité de votre initiative.
Vous allez loin, très loin, peut-être même trop loin dans l'annonce de crédits
à venir, et vous allez encore plus loin dans l'annonce de programmes et de
mesures à concrétiser. Vous prévoyez quasiment tout ce que l'on peut souhaiter.
(Exclamations amusées sur les travées du RPR.)
M. Nicolas Sarkozy,
ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés
locales.
Eh oui !
M. Philippe François.
C'est l'objectif !
M. André Rouvière.
Rien ne paraît échapper au flot stupéfiant de vos promesses, à cette réserve
près que vous passez sous silence la façon dont vous les financerez ! Est-ce
par les privatisations, monsieur le ministre ? Je souhaiterais que vous le
précisiez.
La raison, le bon sens, le réalisme, l'expérience, aussi, m'obligent à penser
que vous allez trop loin et trop vite.
M. Charles Ceccaldi-Raynaud.
Vous, vous êtes allés doucement !
M. André Rouvière.
Bien évidemment, tout ce que vous proposez est souhaitable,...
M. Jean-Patrick Courtois,
rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du
suffrage universel, du règlement et d'administration générale.
Quand même
!
M. André Rouvière.
... mais vous semblez confondre le souhaitable et le possible.
M. Jean-Pierre Sueur.
C'est vrai !
M. Dominique Braye.
Pas du tout !
Mme Paulette Brisepierre.
Quand on veut, on peut !
M. Roger Karoutchi.
Oui !
M. André Rouvière.
Vous ne faites aucune différence entre vouloir faire et pouvoir faire. Vos
promesses surabondantes portent en elles, je le crains, le germe de grandes
désillusions et de dangereuses frustrations.
M. Dominique Braye.
C'est la volonté qui vous gêne ?
M. André Rouvière.
Sous le gouvernement de M. Jospin, nous avons, malgré ce que vous avez affirmé
tout à l'heure, beaucoup oeuvré contre l'insécurité,...
M. Jean-Patrick Courtois,
rapporteur.
Oh !
M. André Rouvière.
... en ne perdant jamais de vue l'indispensable équilibre entre le souhaitable
et le possible.
Deux autres interrogations m'incitent à la prudence.
Tout d'abord, vous voulez associer davantage les maires à la lutte contre
l'insécurité. Jusqu'où voulez-vous aller, monsieur le ministre ? Quel rôle
nouveau vont, par exemple, assumer les polices municipales ? De quelles
responsabilités et charges nouvelles vont hériter les maires ?
Ensuite, s'agissant des petites brigades rurales, le projet de loi me semble
receler deux types de menaces.
Je traiterai, en premier lieu, des communautés de brigades. La comparaison
avec les communautés de communes me paraît excessive. En effet, ces
communautés-là ont des élus - je ne vous apprends rien - pour défendre les
intérêts des communes adhérentes. En revanche, les brigades membres d'une
communauté de brigades vont perdre leur défenseur naturel, à savoir le
commandant de brigade. Le chef de la communauté de brigades sera tenté, et
c'est bien normal, de regrouper les hommes et les moyens en un même lieu.
Ailleurs, il ne restera que des coquilles vides, c'est-à-dire des casernes
vides ! Ce phénomène sera aggravé par votre volonté, qui figure en toutes
lettres dans le projet de loi, de « remodeler le maillage territorial » en
fonction de l'évolution tant de la population que de l'insécurité.
Les brigades rurales, par leur seule présence, assurent généralement une
prévention réelle, constatée. La tentation sera donc grande de supprimer la
brigade là où ni la délinquance ni la population ne progressent.
Votre texte ne laisse aucune place à la prévention. Il est une préparation, un
préalable au renforcement des interventions, c'est-à-dire de la répression.
Nous, socialistes, nous pensons que la prévention doit occuper une place
importante dans la lutte contre l'insécurité.
M. Jean-Pierre Sueur.
C'est vrai !
M. André Rouvière.
Or votre projet de loi fait l'impasse sur ce sujet.
M. Dominique Braye.
Pas du tout !
M. André Rouvière.
Pis encore, il aggrave la situation existante dans la mesure où il menace la
pérennité des petites brigades rurales.
(Exclamations sur les travées du
RPR.)
Nous condamnons d'autant plus une telle lacune qu'elle n'est en rien
comblée par le projet de loi de M. Perben qui, lui aussi, ne mise que sur la
répression.
Vous voulez développer un partenariat entre la police, la gendarmerie, les
douanes et la justice. Il est regrettable que le secteur éducatif n'y soit pas
associé. Votre texte rejette la prévention.
M. Roger Karoutchi.
En quoi ?
M. André Rouvière.
Il a été élaboré dans la précipitation,...
M. Dominique Braye.
Pas du tout !
M. André Rouvière.
... sans véritable concertation.
M. Roger Karoutchi.
Avec qui ?
M. André Rouvière.
Avez-vous seulement consulté les représentants syndicaux de la police, de la
magistrature et de l'éducation, monsieur le ministre ?
M. Nicolas Sarkozy,
ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés
locales.
Justement, oui ! Lisez leurs communiqués !
M. André Rouvière.
Ce n'est pas ce qu'ils nous ont dit !
M. Dominique Braye.
Vous êtes mal informé !
M. André Rouvière.
Si vous l'aviez fait, monsieur le ministre, ils vous auraient certainement
rappelé qu'en matière de sécurité, quels que soient l'époque et le lieu, le «
tout répressif » a toujours échoué.
M. Gérard Delfau.
Eh oui !
M. Jean-Pierre Sueur.
Très bien !
M. André Rouvière.
Pour toutes ces raisons, c'est-à-dire pour le caractère flou du texte, pour
les incertitudes qui demeurent sur le financement, pour l'impasse volontaire
sur la prévention et pour les menaces qui pèsent sur les brigades
rurales,...
M. Dominique Braye.
Caricature !
M. André Rouvière.
... le groupe socialiste ne vous suivra pas.
M. Dominique Braye.
C'est une surprise !
M. André Rouvière.
Nous tenons à rendre hommage à l'ensemble des forces de l'ordre et à rappeler
notre volonté et notre détermination à lutter contre l'insécurité.
(Rires sur les travées du RPR.)
M. Dominique Braye.
Comme vous l'avez fait ! Nous n'avons pas les mêmes moyens !
M. André Rouvière.
Mais nous restons persuadés que la prévention ne doit pas et ne peut pas être
remplacée par la seule répression.
M. Charles Ceccaldi-Raynaud.
Vous avez peut-être des leçons à donner, vous !
M. André Rouvière.
De plus, nous vous redisons à vous, monsieur le ministre, ainsi qu'à vos
supporters de droite que les contraintes financières, les contraintes
matérielles...
M. Charles Ceccaldi-Raynaud.
C'est du Rousseau !
M. Roger Karoutchi.
Même pas !
M. Charles Ceccaldi-Raynaud.
Du mauvais Rousseau !
M. Philippe François.
De toute façon, Rousseau était mauvais !
M. André Rouvière.
... les contraintes humaines ne s'effacent pas par la seule volonté de les
ignorer.
M. Philippe François.
Pur angélisme !
M. André Rouvière.
Le réveil, je le crains, sera dramatique !
M. Dominique Braye.
Vous osez dire une chose pareille ? C'est aujourd'hui que c'est dramatique
!
M. André Rouvière.
Nous voterons contre ce texte.
(Applaudissements sur les travées
socialistes.)
M. le président.
La parole est à M. Alex Türk.
M. Alex Turk.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ne disposant
que de quelques minutes et de nombreux points ayant été abordés, je me
contenterai d'une remarque d'ordre général et d'un commentaire sur un sujet
spécifique.
A titre de remarque générale, je relève que le projet que vous nous présentez,
monsieur le ministre, a pour première qualité de tenir à distance les deux
idéologies qui se sont exprimées durant ces derniers mois : l'idéologie du
laxisme ou de la permissivité, qui a été écartée au premier tour de l'élection
présidentielle, et l'idéologie sécuritaire, qui a été écartée au second tour de
l'élection présidentielle. De ce point de vue, votre projet s'inscrit dans une
belle lignée, puisque notre pays, depuis plus d'un siècle, s'efforce, dans une
conception toute française, de conjuguer les impératifs de l'ordre public et
ceux de la liberté individuelle.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Comme la loi Sécurité et liberté !
M. Alex Türk.
Vous avez fixé le cadre institutionnel et procédural qui garantit la liberté,
et il vous appartient maintenant, à l'intérieur de ce cadre, de déterminer les
instruments spécifiques liés à la diversité que vous pouvez rencontrer sur le
terrain, instrument d'efficacité pour lutter contre l'insécurité. De ce point
de vue, le maître mot que j'ai pu relever après d'autres, ici et à l'Assemblée
nationale, me paraît être celui de « coordination ».
Le temps me manque pour développer, mais, pour connaître un peu mieux ce
sujet-là, je sais que, s'agissant, par exemple, des attachés de police, un
travail considérable reste à faire. En effet, c'est souvent en se déplaçant à
l'extérieur du pays que l'on peut juguler un certain nombre de problèmes de
sécurité à l'intérieur, ce qui suppose aussi d'améliorer la formation et la
préparation de nos attachés de police.
Etant élu du département du Nord, j'attache également une importance extrême
au développement de la coopération transfrontalière, qui a déjà réussi sur un
certain nombre de points. Vous savez que les habitants de ce département sont
très sensibles à cette question. Là encore, il s'agit d'un problème de
coordination. Vous avez d'ailleurs déjà lancé l'opération entre la Belgique et
la France.
On pourrait aussi évoquer - mais ce serait trop long à développer - le
problème d'Europol, qui mériterait à lui seul un débat, puisque c'est un
instrument essentiel de coopération dans la lutte contre le terrorisme, le
blanchiment de l'argent, la traite des êtres humains, à l'échelle européenne.
Je sais qu'il y a quelque grippage auquel il conviendrait de remédier.
Enfin, je m'arrêterai un instant sur les fichiers. On en a parlé en termes
risibles et dérisoires à l'Assemblée nationale : les propos de M. Mamère,
notamment, étaient surréalistes. Il faudrait lui conseiller de lire, une fois
dans sa vie, la loi de 1978...
Premièrement, il y a des précédents en la matière, et l'on ne part pas dans le
brouillard ; certains fichiers sont déjà communs, comme le FPR, le fichier des
personnes recherchées, de même que le FVV, le fichier des véhicules volés, et
d'autres encore, concernant les empreintes génétiques, ou les permis de
conduire. On ne part donc pas sans balises ni repères.
Deuxièmement, l'interconnexion des fichiers est parfaitement encadrée par les
textes et aussi, bien entendu, par la jurisprudence de la Commission nationale
de l'informatique et des libertés qui a notamment dégagé un principe
fondamental, celui de la finalité. C'est au regard de ce principe que l'on
détermine quelles sont les informations qui peuvent figurer dans les fichiers,
quels sont les organismes qui peuvent y accéder, le tout étant de veiller à ce
que l'on ne puisse pas utiliser des informations pour une finalité autre que
celle pour laquelle les informations ont été collectées et réunies dans le
fichier informatisé.
Ici, soyons concrets, il s'agit de fichiers bien connus, les fichiers STIC, ou
système de traitement de l'information criminelle, et JUDEX, ou fichier de
rapprochement judiciaire. Or ces deux fichiers sont extrêmement proches l'un de
l'autre, pour ne pas dire totalement superposables. Ils ont, en effet, la même
finalité - la collecte de documentations et d'informations aux fins de
recherches criminelles -, ils enregistrent les mêmes données et ils concernent
les mêmes personnes, c'est-à-dire les personnes mises en cause ainsi que les
victimes.
En fait, il s'agit d'interconnecter des fichiers qui, de toute façon, sont
quasiment semblables. Autrement dit, il n'y a pas, dès lors, cette synergie
dangereuse pour les libertés que l'on pourrait craindre si, par exemple, il
vous arrivait d'avoir l'idée saugrenue de fusionner le fichier fiscal, le
fichier d'immatriculation de la sécurité sociale et un fichier de police. Nous
serions alors, évidemment, tous vent debout contre vous, mais tel n'est pas le
cas.
Dans le cas qui nous occupe, il s'agit non seulement d'améliorer l'usage du
fichier, mais probablement aussi - je crois pouvoir l'affirmer sans être
démenti par mes collègues de la CNIL - d'améliorer le contrôle sur l'usage qui
sera fait des fichiers, tant il est vrai qu'il est plus facile de contrôler un
fichier commun que des fichiers séparés. J'insiste sur ce point, extrêmement
important à mes yeux, compte tenu de tout ce qui a pu être dit par ailleurs :
il s'agit de coordonner les efforts de la gendarmerie et de la police qui
disposent, chacune de leur côté, d'informations quasiment identiques. Le bon
sens exigeait effectivement de les regrouper, et c'est ce que vous avez
décidé.
Nous nous retrouvons - et c'est ainsi que la boucle s'achève - dans le cas de
figure que j'évoquais tout à l'heure, c'est-à-dire que, une fois de plus, il
vous appartient de conjuguer les impératifs de la sécurité publique et ceux de
la liberté individuelle, monsieur le ministre. C'est à vous qu'il appartient
d'amener le curseur au point d'équilibre précis correspondant à nos aspirations
démocratiques. Et nous avons confiance, car nous savons qu'à ce moment-là votre
main ne tremblera pas !
(Applaudissements sur les travées du RPR, des
Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines
travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Paul Girod.
M. Paul Girod.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, chacun peut
avoir son interprétation des événements électoraux que notre pays a connus au
printemps dernier. Je vais humblement vous donner la mienne.
Le 23 avril, j'étais aux Etats-Unis, arrivant à Washington, encore sous le
choc du résultat du premier tour de l'élection présidentielle. Mais le choc
était mondial, il faut le savoir. Car, mes chers collègues, la France était
regardée bien curieusement. Si je suis de ceux qui se sont réjouis du second
tour de l'élection présidentielle, je suis également de ceux qui ont observé
que l'extrémisme avait résisté entre le premier tour et le second tour de cette
élection. L'événement est survenu entre le second tour de l'élection
présidentielle et le premier tour des élections législatives : 38 % de
l'électorat d'extrême droite a renoncé au message fou qu'il avait adressé pour
entrer dans la normalité républicaine, nous disant : « Nous avons envoyé un
message, à vous de le comprendre ! »
D'où vient cette perte d'influence de l'extrême droite que certains ont
alimentée comme on lance un
boomerang ?
A mon sens, c'est parce le
Premier ministre avait un langage franc, direct et compréhensible ; c'est parce
que vous-même, monsieur le ministre, aviez commencé à répondre aux Français sur
leur inquiétude profonde. C'est de là, je crois, que découle tout ce qui vient
maintenant.
Ce qui vient maintenant, c'est le projet de loi que vous nous soumettez, que
certains décrient sous prétexte qu'il ne serait pas suffisamment normatif. Mais
depuis quand un gouvernement doit-il s'interdire d'associer le Parlement aux
orientations qu'il fixe à son action pour les années à venir ? Qu'est-ce qui le
lui interdit ? Dieu sait que nous avons voté, ici, sous l'impulsion des uns ou
des autres, des textes qui n'étaient pas plus normatifs ! Quelquefois, ils
étaient même purement incantatoires !
Aujourd'hui, il s'agit de l'approbation, par la représentation nationale, d'un
certain nombre de grandes directions qui me semblent, pour ma part, fort
utiles.
D'abord, on nous propose ici la stabilisation, pour cinq ans, d'une
organisation générale de la sécurité dans laquelle le Président de la
République comme le Gouvernement se réorganisent avec leurs conseils, les
maires retrouvant une place dont on n'aurait jamais dû les priver - et Dieu
sait que, pendant longtemps, ils ont été tenus éloignés par les uns et par les
autres de ce qui se passait sur le territoire de leur propre commune.
Je relève encore dans ce texte le retour d'une notion trop décriée dans notre
pays, me semble-t-il, celle du commandement. On peut tout obtenir des hommes
quand ils se sentent respectés, soutenus et commandés.
M. Jacques Peyrat.
Bravo !
M. Paul Girod.
J'ai le sentiment que c'est cela le tremblement de terre qui se produit depuis
quelques semaines au sein des forces de l'ordre et que c'est en grande partie
votre attitude à l'égard de ces hommes qui leur a permis de retrouver la fierté
de servir et de se savoir commandés, appuyés et respectés.
Est-ce un phénomène nouveau ? En tout cas, un ministre de l'intérieur se doit
d'être auprès des policiers dans leur travail au quotidien, et pas seulement
lorsqu'il s'agit d'épingler des médailles sur des cercueils.
Le projet de loi prévoit des moyens - dans des dispositions qui ne sont pas
toutes normatives, mais, je le redis, pourquoi pas ? - dont certains sont
spectaculaires : 13 500 emplois, 5,6 milliards d'euros... C'est ce qui se voit
et, je l'espère, ce qui se concrétisera. Comme d'autres, j'entends d'ailleurs
être dans les années qui viennent un observateur attentif et critique,
rappelant au besoin les engagements qui ont été pris au moment où notre pays a
hésité sur son destin.
D'autres moyens sont moins spectaculaires, mais ils sont probablement aussi
efficaces ; quelques-uns sont astucieux, certains anecdotiques.
Ainsi, la confiscation des voitures rapides pour les mettre à la disposition
de la police - mesure qui, si j'ai bien compris, va de pair avec
l'externalisation de l'entretien des véhicules, car la flotte sera trop
disparate pour être entretenue par les services administratifs - renforcera
considérablement les moyens d'action de nos forces de l'ordre : ce ne sera plus
la 2 CV après la Ferrari, mais la Ferrari après la Ferrari, et j'espère qu'on
en rattrapera quelques-unes !
Quant au commandement des communautés de brigades, on a, certes, déjà essayé
des formules de substitution qui se sont révélées aléatoires, mais il n'est
absolument pas certain que les concentrations de moyens ne donneront pas un
jour des résultats.
La levée du secret entre certaines administrations, l'harmonisation des
fichiers sont apparemment des mesures de détail, mais c'est par ce biais que
l'on parviendra à une efficacité plus grande.
Bref, c'est par des mesures - qui disait cela ? - « saines et pratiques » que
l'on fait marcher les systèmes, et les systèmes de sécurité ne font pas
exception. Je me réjouis donc de constater que vous envisagez ce type de mesure
avec faveur.
Assouplir les règles de construction quand il y a urgence, pourquoi pas ?
Après tout, comment les régions sont-elles parvenues, lorsque les lycées leur
ont été transférés, à pallier la fantastique gabegie de l'Etat et son inaction
passée si ce n'est en construisant rapidement des bâtiments supplémentaires
?
Tout cela me semble aller dans le bon sens, monsieur le ministre, et je ne
vous surprendrai pas en vous disant que je vous apporterai mon soutien, même
si, par instant, je m'inquiète de voir les collectivités locales à nouveau
sollicitées un peu trop souvent.
M. Gérard Delfau.
Tout de même !
M. Paul Girod.
Cependant, sur un sujet aussi sérieux et aussi important pour nos concitoyens,
je pense qu'il n'y aura pas de réticences excessives de leur part.
M. Robert Bret.
Il y en aura d'autres !
M. Paul Girod.
J'ai cru entendre tout à l'heure un président de conseil général éminent nous
dire qu'il était prêt à appuyer en ce sens.
M. Maurice Ulrich.
Il est riche, lui !
M. Paul Girod.
Monsieur le ministre, je disais tout à l'heure m'être rendu aux Etats-Unis le
23 avril dernier. J'ajoute que je m'y étais déjà rendu en 1994, époque à
laquelle la situation criminelle de ce grand pays était extrêmement
préoccupante - on n'osait pas marcher à Broadway la nuit. Les méthodes
employées pour régler cette situation ont été autrement brutales que celles que
vous nous proposez.
M. Christian Demuynck.
Absolument !
M. Paul Girod.
Je ne souhaite pas que l'on en vienne là, mais je suis sûr que vous avez
raison de redresser la barre de la fermeté et du commandement. Encore une fois,
je vous apporterai mon soutien.
Puis-je encore me permettre deux digressions ?
C'est d'abord le rapporteur de trois statuts pour la Corse qui vous remercie
de ce qui s'est passé dans les dernières quarante-huit heures. Vous avez
rappelé à nos compatriotes de Corse une vérité simple : le bruit ne fait pas de
bien et le bien se fait sans bruit !
Nous devons tous méditer les événements survenus au cours des mois derniers à
la lumière de cette vérité.
C'est ensuite le président du Haut Comité français pour la défense civile qui
attire votre attention sur le fait que tout notre système est orienté vers la
réponse aux menaces d'aujourd'hui ; mais nous sentons bien que d'autres menaces
se lèvent. Au-delà de votre ministère, une coordination gouvernementale
renforcée devra se mettre en place. Il est au sein des ministères des hauts
fonctionnaires de défense civile. Dans le vôtre siège le directeur de la
défense et de la sécurité civiles - c'est assez normal -, mais les autres sont
un peu « en l'air », parfois privés de moyens et souvent d'influence.
Puis-je me permettre de vous demander, à vous qui avez la responsabilité de
veiller sur nos concitoyens, de faire valoir lors des délibérations
gouvernementales cette notion de défense civile - qui dépasse celle de sécurité
pour aller vers la prévention, vers la préparation, vers l'éducation de nos
concitoyens contre les éventuelles menaces de demain - avec vigueur et surtout
avec opiniâtreté, avec modestie, certes, mais en même temps avec fermeté.
Monsieur le ministre, vous nous avez montré des pistes qui nous plaisent. Je
vous soutiendrai aussi longtemps que vous les suivrez.
(Applaudissements sur
les travées du RDSE, de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et
Indépendants.)
M. le président.
La parole est à M. Christian Demuynck.
M. Christian Demuynck.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, enfin un
ministre de l'intérieur qui nous expose une politique de lutte contre
l'insécurité ambitieuse, concrète, volontariste, et qui a les moyens financiers
de l'appliquer !
Il était temps, car nous sortons de cinq années où l'idéologie majoritaire de
la gauche plurielle amenait les délinquants à être excusés et les victimes
oubliées.
Durant ces longues années, nos forces de l'ordre se sont senties dévalorisées,
dénigrées et surtout esseulées dans leur effort. Elles n'avaient le soutien ni
des élus de la majorité de l'époque, ni de certains magistrats. Un des
syndicats de magistrats déclarait ainsi récemment : « Les policiers créent plus
de désordre qu'autre chose. »
La suite, vous la connaissez : ce que certains condamnent comme une dérive
sécuritaire des Français n'est que l'expression d'un « ras-le-bol » maintes
fois exprimé mais superbement ignoré, et ce n'est pas faute d'avoir tiré la
sonnette d'alarme, ici même notamment.
Monsieur le ministre, votre projet de loi vise à répondre à la première
exigence des Français : le droit d'être libre, le droit à la sécurité.
Je veux tout d'abord vous féliciter de votre courage.
Merci, monsieur le ministre, de parler de guerre contre l'insécurité quand il
s'agit de lutter contre des bandes armées de fusils d'assaut ! Merci d'affirmer
que « pas un seul centimètre carré de la République ne doit pouvoir être
considéré comme une zone de non-droit » ! Merci de refuser la chape de plomb du
laisser-faire et de l'impuissance. Merci de parler de la peur exprimée par les
Français.
Comme vous, monsieur le ministre, je refuse cette situation qui conduit tant
de nos concitoyens - ce n'est ni un fantasme, ni une idée, ni un sentiment - à
avoir peur de prendre les transports en commun, peur d'apprendre que leur
enfant est victime du racket, peur de se faire voler leur téléphone mobile,
leur carte bleue ou leur voiture, peur de se faire insulter, quand ce n'est pas
de se faire rouer de coups.
Que dire de toutes ces professions placées en première ligne ? Je veux parler
des commerçants qui ne peuvent même plus se faire assurer, de ces chauffeurs de
bus agressés, de ces enseignants en proie à une violence juvénile inouïe dès
l'école élémentaire, ou encore de ces animateurs bénévoles, confrontés à la
violence dans les stades.
Que dire, enfin, des véritables attaques subies par les facteurs, les
médecins, les pompiers et, bien sûr, les policiers, accueillis ici ou là par
des jets de pierres ou, comme ce fut récemment le cas à Pantin, dans mon
département, victimes de véritables lynchages ? En l'occurrence, les
délinquants, dont un mineur, étaient tous multirécidivistes, ultra-violents et
connus de tous.
Cette situation est intolérable et inacceptable. Vous avez raison de vouloir y
mettre fin avec force et détermination.
Je reviens au drame de Pantin. J'espère que la justice condamnera sévèrement
et sans état d'âme ces délinquants. A ce propos, je souhaiterais, monsieur le
ministre, que vous soyez attentif à ce que ces agents, notamment la jeune
stagiaire qui a été la plus touchée semble-t-il, soient soutenus et suivis par
leur administration durant toute leur carrière pour que cette épreuve ne leur
porte pas, de surcroît, préjudice dans leur vie professionnelle.
J'en profite pour rendre hommage aux forces de l'ordre dans leur ensemble et
plus particulièrement à celles de mon département, la Seine-Saint-Denis :
malgré ce qu'elles subissent, elles assurent avec détermination et courage leur
mission.
Vous avez d'ailleurs pu vous en rendre compte puisque vous vous êtes déplacé
sur le terrain. Vous êtes allé à leur rencontre sans prévenir leur hiérarchie,
ce que la police « d'en bas » a particulièrement apprécié.
Enfin, voilà un projet qui prévoit des moyens sans précédent et qui recueille
même le soutien de plusieurs parlementaires de gauche assez honnêtes pour
reconnaître le bien-fondé de vos propositions, contrairement à certains élus,
adeptes de la naïveté et de l'opposition systématique, voyant dans la
prévention l'unique remède miracle pour cette France malade de l'insécurité.
Si la prévention est, certes, indispensable, il faut en évaluer rapidement les
effets. Cela n'a jamais été fait jusqu'à présent. Or les budgets concernés sont
considérables pour un résultat qui, je le crains, est calamiteux.
Votre projet résoudra aussi, je l'espère, le problème crucial des effectifs,
sur l'ensemble de notre territoire et plus particulièrement en
Seine-Saint-Denis, l'un des départements les plus criminogènes de France. On y
déplore un manque de 500 fonctionnaires, dont 150 à 200 brigadiers-chefs, sans
parler, bien sûr, des fonctionnaires qui partent en retraite ou sont mutés. Le
moins que l'on puisse dire, c'est qu'ils ne sont pas remplacés avec
rapidité.
Il est de plus extrêmement difficile de fidéliser les policiers expérimentés.
Nous sommes donc toujours confrontés au problème de l'affectation de jeune,
pleins de bonne volonté mais sans expérience. Ne pourrait-on pas, monsieur le
ministre, encourager des fonctionnaires expérimentés à rester dans les secteurs
difficiles en leur attribuant des primes plus avantageuses ? On favoriserait
ainsi l'encadrement des plus jeunes.
Dans la même optique, l'application réelle d'un décret de 1995 visant à
accélérer l'avancement des policiers affectés dans un même quartier urbain
serait « un plus ».
Enfin, il existe un réel problème de logement. Les services préfectoraux ne
pourraient-ils pas réserver des appartements pour les fonctionnaires de police
- bien sûr, hors des zones sensibles où ils interviennent - et ne serait-il pas
possible de les aider à accéder à la propriété grâce à des prêts à taux plus
intéressants ?
Quant aux moyens, là encore, nous sommes les parents pauvres de
l'Ile-de-France. Prenons l'état du parc automobile, dont plus de 40 % est
immobilisé, parfois pendant plus de six mois. Je partage votre point de vue
selon lequel les policiers ne sont pas des mécaniciens : votre idée de confier
une partie de l'entretien à des entreprises est une bonne solution.
De même, votre projet de remettre à niveau le parc actuel est bienvenu, à
condition que l'on en profite pour acquérir des véhicules permettant
l'interpellation d'individus roulant souvent dans de grosses cylindrées.
Il en va de même en matière de communication avec ACROPOL, pour lequel vous
prévoyez des moyens supplémentaires afin d'étendre les zones de couverture.
Aujourd'hui, de nombreux fonctionnaires pallient les carences du réseau en
usant de leurs téléphones portables personnels.
Enfin, monsieur le ministre, je tiens à vous rendre hommage pour avoir pris en
compte l'expérience des maires dans la conduite de la politique de sécurité sur
leurs communes.
Le maire est toujours en première ligne. Il se voit confier la présidence des
conseils de sécurité. Ainsi, il sera informé en temps réel de la délinquance
sur le territoire communal, ce qui lui permettra de répondre plus efficacement
aux attentes de ses concitoyens, sans aller, comme vous le disiez tout à
l'heure, « à la pêche aux informations ».
En conclusion, monsieur le ministre, toutes ces mesures vont dans le bon sens
et sont bien accueillies par une population qui espère que les choses vont
changer. Elle voit d'ailleurs les prémices du changement dans les résultats
obtenus par les groupements d'interventions régionaux.
Le respect des lois républicaines, garant des valeurs de liberté, d'égalité,
de tolérance et d'intégration, ne peut souffrir de laxisme et de faiblesse.
Vous l'avez compris, monsieur le ministre. C'est pourquoi je soutiens fermement
votre action.
(Applaudissements sur les travées du RPR, de l'Union centriste
et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du
RDSE.)
M. le président.
La parole est à Mme Marie-Christine Blandin.
Mme Marie-Christine Blandin.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, après le
projet de loi d'amnistie, doux pour les automobilistes et pour les chefs
d'entreprise, mais dur pour les usagers des transports collectifs et pour les
syndicalistes, après un projet de loi confondant proximité de la justice et
juges de proximité, fonction publique au rabais, texte qui prévoit d'enfermer
des jeunes, et même des petits, nous sommes saisis d'un projet de loi «
sécurité » qui préfigure les moyens.
Le texte est bref, ramassé, à l'opposé des larges portes qu'il ouvre à la
privatisation, aux transferts de charge et à la répression.
J'évoquerai tout d'abord le bâti. Nous connaissions la mondialisation et le
marché qui rognent les marges de manoeuvre de l'Etat. Voici la loi et la
commande d'Etat, qui tordent les règles classiques des marchés publics. Où sont
la vraie concurrence et la transparence ? N'y aura-t-il pas des liens
privilégiés entre les mêmes entreprises de conception, de construction,
d'entretien et de maintenance et le politique ?
Mais ce sont les annexes qui sont le plus révélatrices. Alors que rôde un
sentiment réel d'insécurité, elles désignent d'emblée comme des coupables
potentiels des groupes d'êtres humains : les racoleuses qui viennent
d'ailleurs, les mendiants qui insistent et les gens du voyage qui
s'installent.
On ne s'interroge pas sur les conditions qui ont amené des hommes et des
femmes à vendre leur corps. Et bizarrement, en toute tranquillité, on voit
toujours des proxénètes surveiller les trottoirs depuis des véhicules aux
immatriculations remarquables, complaisamment délivrées par les préfectures.
M. Dominique Braye.
C'est n'importe quoi !
Un sénateur du RPR.
C'est nul !
M. Charles Ceccaldi-Raynaud.
Qu'est-ce que cela signifie ?
Mme Marie-Christine Blandin.
Je ne parle pas des élus, monsieur le sénateur, rassurez-vous !
On ne conditionne pas la sanction des gens du voyage à l'existence ou non de
places réelles dans un terrain conforme à la loi Besson. On punit sans
distinction la culture du voyage, les miséreux Roumains et les trafiquants de
handicapés. Mme Boutin leur envoie les GIR. Au fond, on voudrait que les gens
du voyage ne fassent que voyager, mais, dans le même temps, M. Joyandet veut
qu'on leur prenne leur seul bien, leur véhicule ! Soyons sérieux : dites-nous
quel est l'avenir des gens du voyage en France ?
M. Dominique Braye.
Dans le Nord, chez Mme Blandin !
(Sourires.)
M. Louis de Broissia.
La légalité !
Mme Marie-Christine Blandin.
Mendiants victimes de rejets successifs de notre société, sans-papiers rejetés
d'une planète de plus en plus féroce, comme à Sangatte, sont-ils promis les uns
à la prison, les autres à la frontière, avec, sur proposition de M. Mariani, un
renforcement des moyens de reconduite ?
Nous ne nous reconnaissons pas dans ce projet de loi qui diabolise
a
priori,
punit sans perspectives et par lequel le Gouvernement ne semble pas
pressé de s'atteler à ses devoirs.
M. Dominique Braye.
C'est une caricature de discours de gauche !
Mme Marie-Christine Blandin.
Vous écrivez : « Le présent programme vise à mieux garantir le droit des
citoyens à la sécurité en faisant reculer la délinquance. Tous les moyens
humains et matériels nécessaires seront mis en oeuvre. »
M. Charles Ceccaldi-Raynaud.
C'est très bien !
Mme Marie-Christine Blandin.
Mais vous n'en tirez pas toutes les conséquences. Les moyens, c'est aussi la
politique de la ville - nous n'avons entendu aucun projet à cet égard - et ce
sont des moyens pour les quartiers, comme l'avait évalué notre collègue M.
Jean-Pierre Sueur dans un excellent rapport.
M. Dominique Braye.
Avez-vous lu le rapport de la Cour des comptes sur la politique de la ville
?
M. Jean-Claude Carle.
Excellent rapport !
Mme Marie-Christine Blandin.
Je vous prierai de ne pas m'interrompre, mes chers collègues !
Le rapport de la Cour des comptes sur la politique de la ville dans la région
Nord - Pas-de-Calais, et en particulier à Roubaix, est excellent !
Les moyens, c'est aussi la justice sociale, sur laquelle le Gouvernement fait
silence. En effet, l'insécurité des gens, c'est aussi ce que vivent des
salariés, tels ceux de la filature Mosseley, près de Lille, qui ont été
licenciés, ont obtenu à l'arraché un juste plan social et n'ont jamais été
payés par le chef d'entreprise, au point que la Région a dû voler à leur
secours.
Vous évoquez aussi la prévention : « qui recouvre l'ensemble des mesures
d'urbanisme, d'architecture ou technique ». Vous ajoutez : « il est désormais
admis que certains types de réalisations urbaines ou d'activités économiques
peuvent se révéler criminogènes ».
Encore un petit effort et vous pourrez nous proposer des projets contre la
double, la triple ou la quadruple peine qui frappe les plus pauvres : le
chômage, le bruit du périphérique, l'insécurité alimentaire et, en plus, pour
certains, le délit de faciès.
M. Dominique Braye.
Vous avez effectivement laissé de côté les plus pauvres !
M. Charles Ceccaldi-Raynaud.
C'est votre bilan !
M. Dominique Braye.
C'est en effet votre bilan !
Mme Marie-Christine Blandin.
Toutefois, vous en êtes très loin, puisque votre rédacteur s'est même laissé
aller à condamner « les regroupements dans les parties communes des immeubles
»,...
M. Charles Ceccaldi-Raynaud.
Et alors ?
Mme Marie-Christine Blandin.
... sans autre commentaire ! J'en ai parlé aux concierges ; elles devront
faire attention.
M. Charles Ceccaldi-Raynaud.
Attention à qui ?
Mme Marie-Christine Blandin.
Quant aux drogués, bien sûr, point de pardon, pas d'appui, point de médication
: c'est l'abstention ou la prison.
M. Charles Ceccaldi-Raynaud.
Heureusement !
Mme Marie-Christine Blandin.
C'est votre point de vue. Ce n'est pas le mien, car la vente clandestine - que
vous n'arrêterez pas - et l'interdiction sans distinction amorcent, hélas ! le
lien précoce entre jeunes et dealers.
Je ne vous convaincrai pas.
M. Charles Ceccaldi-Raynaud.
Ah ça non !
M. Dominique Braye.
Elle caricature dans l'espoir de nous convaincre !
Mme Marie-Christine Blandin.
Je vous demande seulement de réfléchir : ceux d'entre vous, mes chers
collègues, qui fument du tabac, dont la nocivité est incontestable, n'ont qu'à
s'imaginer que, pour leur bien, pour leur santé, demain, un gouvernement leur
propose une seule alternative : l'arrêt immédiat ou la prison.
M. Charles Ceccaldi-Raynaud.
Ça, c'est Staline !
Mme Marie-Christine Blandin.
Je reviens au ton général de ce projet de loi : il ne répond pas à temps à
l'inflation d'interpellations qu'entraîneront vos choix. Il ne prévoit pas
l'accueil qualitatif des victimes. Il punira sans donner à la population le
nécessaire respect pour un Etat qui la respecterait. Oui, l'attente existe
d'une société réconciliée, apaisée.
M. Charles Ceccaldi-Raynaud.
Apaisée ?
Mme Marie-Christine Blandin.
Oui, il faut enrayer les incivilités et punir les coupables.
M. Charles Ceccaldi-Raynaud.
Seulement les incivilités ?
Mme Marie-Christine Blandin.
Non, la solution n'est pas de sévir dans l'urgence, quitte à cibler des boucs
émissaires.
M. Dominique Braye.
Vous n'avez pas compris que l'angélisme, c'est terminé !
Mme Marie-Christine Blandin.
Ce n'est pas ainsi que se tariront les sources de la délinquance dont, hélas !
votre injustice préparera la relève, contrairement aux légitimes aspirations
des Français.
(Applaudissements sur les travées des socialistes, ainsi que
sur certaines travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. Dominique Braye.
L'angélisme, c'est fini !
M. le président.
La parole est à M. Daniel Goulet.
M. Daniel Goulet.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, depuis ma
première élection en ma qualité de député de l'Orne, en 1973, j'ai rencontré
bien des ministres de l'intérieur.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
M. Pasqua, M. Debré !
M. Daniel Goulet.
Aucun d'entre eux n'a suscité autant d'attente et d'espoir que vous, monsieur
le ministre.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Ce n'est pas gentil pour MM. Pasqua et Debré !
M. Daniel Goulet.
Est-ce en raison de la montée exceptionnelle de l'insécurité ? Est-ce en
raison d'une dégradation générale de nos institutions scolaires ? Est-ce en
raison de la montée des incivilités ?
Pour toutes ces raisons, et pour bien d'autres, nos compatriotes attendent
beaucoup de votre action.
D'ailleurs, il s'agit non pas d'une attente suspicieuse ou défiante, mais
d'une attente positive, confortée par les moyens financiers mis à votre
disposition par le projet de loi dont nous sommes saisis aujourd'hui et par la
farouche détermination dont vous avez, avec le Président de la République et
l'ensemble du Gouvernement, fait montre.
Je sais que vous ne pourrez pas ouvrir tous les chantiers en même temps et
revoir tous les textes qui, à ce jour, ne donnent pas satisfaction.
Je sais également qu'une avalanche d'amendements, dont vous pourriez être
assailli, n'a jamais fait une législation cohérente. M. le président de la
commission des lois ne me démentira sans doute pas, car il partage, je crois,
mon avis.
Aussi, je vous proposerai seulement deux thèmes de réflexion - ils ont
d'ailleurs été souvent évoqués aujourd'hui - qui touchent plus particulièrement
les élus ruraux, dont je m'honore de faire partie et dont je voudrais, une fois
encore, me faire le porte-parole. Il s'agit de l'accueil - j'allais dire
l'écueil - des gens du voyage et de l'insécurité en zone rurale.
D'abord, en ce qui concerne l'accueil des gens du voyage, on constate
quotidiennement que la législation actuelle ne permet pas de mettre un terme
aux stationnements sauvages, et ne donne aux maires et aux élus locaux aucune
sécurité juridique. Il faut savoir, mais vous le savez, qu'en France on compte
chaque jour 27 000 stationnements irréguliers, dont moins d'un tiers sont
sanctionnés. Dans la loi Besson, le Sénat avait proposé le recensement des gens
du voyage de nationalité française. Cette démarche s'est révélée vaine ! Les
schémas départementaux n'ont jamais été opérationnels. D'ailleurs, en
existe-t-il ?
Si nous n'y prenons garde, nous serons confrontés à une déferlante étrangère
provenant des pays de l'Est, que nous pourrions évaluer à plusieurs millions de
personnes. Il est donc urgent d'agir.
Bien entendu, la loi du 5 juillet 2000 a facilité les procédures, mais
celles-ci sont, pour la plupart, inapplicables.
C'est pourquoi je suivrai nos collègues députés, qui ont amendé votre projet
de loi dans un sens plus répressif, mais j'attendrai le projet de loi global
que vous vous êtes engagé à nous présenter en septembre, pour vous faire des
propositions, le cas échéant.
S'il faut accentuer le pouvoir des maires, il faut aussi moderniser une
législation qui articulera la politique de la ville et celle qui concerne les
gens du voyage, en y intégrant un volet social et économique. Il existe de
nombreuses expériences dans ce domaine. Elles sont en voie de réussite pour peu
que l'on veuille bien les reconnaître et les encourager davantage.
En effet, la question des gens du voyage ne peut pas se réduire, par angélisme
ou par faiblesse, pour ne pas dire par lâcheté, à une simple question de
stationnement de véhicules.
Une révision et une modernisation du livret de circulation s'impose. Il faut
une coopération interrégionale accrue pour une meilleure organisation et une
mutualisation des risques et des coûts. Il faut une législation efficace,
enfin, applicable par les élus locaux, seuls, en la circonstance, face à leurs
administrés légitimement exigeants et parfois exaspérés.
Ce sujet me conduit directement au second point que je souhaitais aborder : la
sécurité des biens et des personnes en milieu rural. Elle est primordiale non
seulement si nous voulons conserver l'équilibre entre nos territoires, mais
aussi pour éviter que ne se produise cette explosion que nous redoutons
tous.
La délinquance n'a pas seulement envahi nos villes, elle touche aussi les
campagnes, jadis épargnées.
Nos élus ruraux sont désarmés au sens propre comme au sens figuré : crainte
permanente de la fermeture des gendarmeries, insuffisance des effectifs de
police et - on l'a dit maintes fois - départementalisation des services
d'urgence. Bref, les élus ruraux ne peuvent plus assurer la sécurité et la
sauvegarde des biens de leurs administrés.
Dans le cadre de la grande réforme sécuritaire que vous entreprenez, monsieur
le ministre, les zones rurales ne devront pas, une fois de plus, être laissées
pour compte - mais vous l'aurez compris à la lumière des nombreuses
interventions que nous avons entendues cet après-midi.
Pouvez-vous vous engager, tant que n'auront pas été épuisées toutes les
formules appropriées d'actions, à ne fermer aucune gendarmerie en zone rurale
et à augmenter les effectifs dans ces zones déjà très défavorisées ? En zone
rurale, le gendarme est, effectivement, juste après le facteur, l'ami public
numéro un.
Les polices et les gendarmeries sont en effet, dans certaines zones rurales,
le seul signe de la présence de l'Etat, puisque, bien souvent, les autres
services publics ont déjà fermé leur porte pour des motifs de rentabilité.
M. Gérard Delfau.
Hélas !
M. Daniel Goulet.
En matière de sécurité des biens et des personnes, il ne faut à aucun prix
appliquer ce critère maudit de rentabilité.
L'ordre républicain doit être garanti sur l'ensemble du territoire, y compris
dans les zones rurales. Votre proposition de communautés de brigades pose un
certain nombre de questions. A travers la notion de communauté de gendarmeries,
vous voulez procéder, semble-t-il, à une réforme en profondeur des brigades
territoriales. Votre proposition ne risque-t-elle pas d'affaiblir le rôle du
chef de brigade, ce dernier étant subordonné au responsable de la communauté de
brigades, alors qu'il est l'interlocuteur privilégié des maires ?
A terme, cette concentration ne risque-t-elle pas d'entraîner la fermeture de
lieux d'accueil, celui-ci étant aujourd'hui assuré dans chaque gendarmerie ?
Cette concentration rampante serait contraire à l'intérêt des administrés. Si
elle peut se concevoir en zone urbaine, n'est-elle pas inadéquate en zone
rurale ? Là encore, il ne faut pas donner l'image d'une France à deux vitesses.
Mais peut-être nous apporterez-vous - je crois, d'ailleurs, que vous l'avez
déjà fait - des réponses rassurantes.
Pour ce faire, il faudra veiller non seulement à une bonne répartition des
effectifs mais aussi à utiliser à bon escient les moyens humains dont nous
disposons déjà, ici ou là.
Cela m'amène à parler des gardes champêtres.
Ils sont plus de 3 000 en France. Nos collègues députés du Haut-Rhin ont eu
raison de faire adopter un amendement qui permettra aux maires de s'appuyer sur
les gardes champêtres, qui sont des assistants efficaces de la police mais qui,
également, dans le cadre de la justice de proximité et de la surveillance
permanente de nos campagnes, seront de très précieux auxiliaires.
Il nous faut donc recenser les textes applicables aux gardes champêtres, les
compléter de dispositions nouvelles et originales permettant une meilleure
intégration et un recrutement plus facile de façon à codifier cette profession
qui peut paraître désuète aux yeux de certains élus urbains. Il faut rendre
hommage à la fédération nationale des gardes champêtres qui travaille sans
relâche pour promouvoir une meilleure reconnaissance de cette profession.
Si je m'autorise à donner un avis sur cette question, c'est que je conserve un
souvenir et un attachement particuliers pour ces missions de proximité,
efficaces et d'ailleurs très respectées de tous, que remplissait mon père, qui
a exercé cette fonction pendant de longues années dans mon village du
Perche.
Monsieur le ministre, à propos de proximité, nous apprécions le fait qu'avant
de proposer et d'arrêter des actions fortes et déterminées vous saisissiez
toutes les opportunités de vous rendre sur place afin d'établir par vous-même
un état objectif des lieux et des situations.
Je vous invite, à mon tour, à vous rendre dans un département rural comme
celui de l'Orne et, plus particulièrement, au Mêle-sur-Sarthe, premier SIVOM
créé en France voilà plus de trente-cinq ans, pour y rencontrer des élus,
pionniers en matière d'intercommunalité, qui, confrontés, chaque jour, aux
problèmes que vous souhaitez résoudre, pourront vous exposer quelques-unes de
leurs expériences réussies.
C'est donc de façon très officielle que je vous lance cette invitation en ne
doutant pas que vous trouverez dans votre agenda, pourtant très chargé, le
temps d'y répondre favorablement.
En conclusion, monsieur le ministre, j'indique que je soutiens énergiquement
votre action et celle du Gouvernement en vous rappelant que les zones rurales
doivent jouir de la même considération et de la même attention que les zones
urbaines, même si la délinquance y est moins médiatique quoique tout autant
exaspérante pour les victimes et pour les élus.
(Applaudissements sur les
travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union
centriste.)
M. le président.
La parole est à M. Jacques Peyrat.
M. Jacques Peyrat.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, c'est
vraiment la valse à quatre temps !
Le premier temps est celui des chiffres, terrifiants, de la délinquance. Vous
nous avez dit, monsieur le rapporteur, qu'en treize ans les coups et blessures
avaient progressé de 174 %, les vols avec violence de 188 %. Vous nous avez dit
également, si ce n'est vous c'est l'un de nos collègues, que la part des jeunes
délinquants est en augmentation constante, pour atteindre 38 %. Parallèlement,
un délit ou un crime sur quatre est élucidé et le nombre des victimes a, en
trois ans, augmenté de près de 480 000, soit l'équivalent de la ville de
Lyon.
Le deuxième temps de la valse, monsieur le ministre, mes chers collègues,
c'est celui des articles de presse et des images médiatiques, qui nous
présentent, depuis des années, des exemples atterrants. Je pense à ce vieillard
agressé, passé à tabac, dans son cabanon incendié et détruit pour rire, à ce
vigile brûlé au cocktail Molotov, à ce père tué à coup de batte de base-ball
parce qu'il défendait son enfant, et vous avez parlé tout à l'heure de cette
jeune fille à la mâchoire broyée. C'est la valse des images, monsieur le
ministre !
Le troisième temps de la valse, c'est celui des chiffres non plus de la
délinquance mais de la pulsion du peuple de France. Rappelons-nous cette
journée où, chacun dans notre camp, nous comptions les voix des uns et des
autres, où nous voyions que les chiffres du Président de la République sortant
oscillaient au point d'être presque rattrapés par ceux de M. le Pen, qui, au
passage, avaient dépassé le score de M. Jospin. Ce fut la stupeur, le choc,
l'effarement, la catastrophe ; les mots les plus terribles furent prononcés,
comme Paul Girod le rappelait tout à l'heure. C'était à peine il y a deux mois.
Ne s'en souviendrait-on pas maintenant que les choses sont apaisées ?
Puis, le quatrième temps de la valse, celui de l'apaisement, est venu, celui
de l'élection du Président de la République, de l'élection d'une nouvelle
Assemblée nationale, de la nomination d'un nouveau gouvernement, dont vous
faites partie. Et le temps de l'action, nous a-t-on dit, est venu.
Vous avez décidé, monsieur le ministre, comme M. le Premier ministre, comme le
Président de la République, de mener cette action sans arrêt, sur tous les
terrains. Il y a quelques jours, ici même, on nous a proposé de renforcer les
moyens de la justice, notamment grâce aux juges de proximité. Il est vrai que
le toilettage de l'ordonnance de 1945 ne plaisait pas à tout le monde. Mais
c'était sa dix-septième toilette en 53 ans !
Nous voici maintenant en face de vous.
Que vous reproche-t-on exactement ? Je n'ai pas encore très bien compris.
Vous reprocherait-on d'avoir, avec le ministre des finances, dégagé plus de
5,2 milliards d'euros sur le budget de la nation pour assurer sa sécurité ?
Vous reprocherait-on d'avoir fait ce que nous, les maires, demandons depuis
tellement de temps, à savoir augmenter les effectifs de la police nationale et
de la gendarmerie ?
Vous reprocherait-on d'avoir pensé qu'il était temps - enfin ! - de faire en
sorte que ces services prestigieux travaillent ensemble ?
Vous reprocherait-on d'avoir créé des brigades dans lesquelles seraient
associés, aux gendarmes et aux policiers, d'autres grands corps de l'Etat comme
les services des douanes ou la direction générale des impôts, dont les agents
traquent les fraudes ?
Vous reprocherait-on, par hasard, d'avoir souhaité impliquer les élus dans la
vie quotidienne de leur commune, des villes qu'ils administrent alors qu'ils
peuvent intervenir dans tous les domaines sauf dans celui de la sécurité parce
qu'on ne les a pas jugés suffisamment intelligents ou compétents pour agir sans
le sceau du procureur de la République ou sans les feuilles de chêne de la
police nationale ?
Vous reprocherait-on la responsabilisation des services ?
Vous reprocherait-on de vouloir lutter contre la prostitution - prostitution
des femmes, prostitution des hommes, prostitution des enfants - de vouloir
traquer la drogue partout où elle se cache à l'échelle nationale et
internationale, en développant les moyens de coopération avec les autres
polices frontalières ?
Est-ce tout cela que l'on vous reproche ?
En fait, monsieur le ministre, ce que l'on vous reproche, si j'ai bien
compris, c'est de « bâcler », de « faire trop vite ». Faire trop vite ! Mais il
y a des années que l'on piétine !
(Vifs applaudissements sur les travées du
RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
Il y a des années que je sais, moi, ce qu'il faut faire, il y a des années que
je crie partout ce qu'il fallait faire. Croyez-vous que le maire de la ville
que j'administre peut se satisfaire de voir les consuls des Etats-Unis
d'Amérique, de Russie, de Grande-Bretagne, d'Italie ou d'Espagne donner cette
consigne à leurs concitoyens : « Quand vous venez sur la côte d'Azur, faites
attention, premièrement à votre sac, deuxièmement à votre femme, troisièmement
à votre fille, quatrièmement à votre petit garçon. »
(Protestations sur les
travées socialistes, ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et
citoyen.)
Ne pensez-vous pas que le maire d'une grande ville, d'une petite ville ou d'un
village peut éprouver une honte légitime en pensant qu'il en est ainsi ?
Monsieur le ministre, vous êtes maire de Neuilly...
M. Nicolas Sarkozy,
ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés
locales.
Je l'étais.
Mme Hélène Luc.
Il n'est plus maire, il est ministre !
M. Jacques Peyrat.
En tout cas, vous avez été maire, et je souhaite que vous le redeveniez plus
tard. Vous connaissez donc nos matins de maires, lorsque la lecture du journal
nous apprend, si le téléphone n'a pas sonné durant la nuit, une agression, un
assassinat, un incendie volontaire, un drame survenu dans le service des
urgences. Vous avez cité Nice, où un forcené, conduit pour être soigné aux
urgences, s'est emparé de l'arme du policier qui le surveillait pour tirer sur
le médecin en le blessant, sur l'infirmière en la blessant, sur le brancardier
en le blessant, sur le policier qui est encore, au moment où je parle, entre la
vie et la mort. Devons-nous tolérer tout cela indéfiniment ?
Je vais vous dire mon sentiment, monsieur le ministre, sentiment qui est
partagé par l'ensemble des concitoyens qui me parlent. Je me dis parfois que
ces concitoyens ne sont peut-être pas les mêmes que ceux qui parlent à
d'autres, ou bien que ces derniers ne les entendent pas.
En tout cas, il était temps ! La France était au seuil des ténèbres.
(Rires
sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
Les hommes,
les femmes, dans les villes ou dans les villages, avaient peur : l'homme de
travailler la terre quand il était agriculteur, l'homme de travailler dans les
services de soins à la population, le policier d'assurer la sécurité, l'avocat,
quelquefois, de défendre ! Il était temps que vous arriviez, avec ce
gouvernement, pour annoncer le temps de l'espérance, cette espérance grâce à
laquelle nous allons peut-être mieux vivre ensemble.
M. Robert Bret.
Merci Nicolas !
(Sourires.)
M. Jean-Claude Peyronnet.
Avec Le Pen, cela aurait été encore mieux !
M. Jacques Peyrat.
J'attire toutefois votre attention, monsieur le ministre, sur l'existence
d'une vieille loi, datant du temps de l'armée, il est vrai, qui veut qu'à tout
canon on oppose une cuirasse. Vient ensuite un plus gros canon pour enfoncer la
cuirasse. Puis, on construit une plus grosse cuirasse pour résister aux canons
et ainsi de suite.
Aussi, monsieur le ministre, pour bien connaître les délinquants, pour en
avoir défendu pendant quarante ans de ma vie, je crois qu'ils trouveront la
parade à l'organisation que vous êtes en train de mettre en place. Alors tenez
bon ! Nous sommes à vos côtés !
(Rires sur les travées du groupe communiste
républicain et citoyen.)
Cela fait rire la gauche, je me demande pourquoi.
Quoi qu'il en soit, le temps de l'espérance est arrivé. Avec vous, ensemble,
nous la ferons survivre en France !
(« Bravo ! » et applaudissements sur les
travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi
que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
M. Nicolas Sarkozy,
ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés
locales.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Nicolas Sarkozy,
ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés
locales.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je vais
bien sûr essayer de répondre, brièvement, à chacun des orateurs.
Monsieur Bernard Plasait, si les chiffres officiels sous-estiment la réalité
de la délinquance, c'est parce que nombre de nos concitoyens ne déposent pas
plainte, découragés qu'ils sont, à l'avance, à l'idée que le responsable de
l'ordre public ne prêtera pas une grande attention à la détresse de la
victime.
Je n'ai pas voulu changer le système de calcul car j'ai considéré qu'on ne
pouvait le changer qu'au terme d'un travail consensuel. Que n'aurait-on dit si
je l'avais fait et quel aurait été le jugement porté sur les chiffres publiés !
Sans doute ce travail devra-t-il être fait un jour. Mais il ne pourra l'être
que si toutes les forces politiques y sont associées pour que, ensemble, on
trouve une meilleure solution.
Oui, monsieur Plasait, la culture de l'excuse a fait des ravages. A force de
chercher des causes, à force d'expliquer l'inexplicable, on finit par excuser
l'inexcusable. Face à un certain nombre de faits, il n'y a pas d'explication à
chercher, il y a une réponse à apporter, et la réponse, c'est la sanction.
Je vous remercie, par ailleurs, de l'hommage que vous avez rendu aux
policiers. Croyez bien qu'ils sont plus attentifs qu'on ne le croit souvent aux
débats que nous avons. Forces syndicales, policiers et gendarmes suivent avec
beaucoup d'attention les déclarations des responsables politiques et des
parlementaires, j'en ai de multiples témoignages. Si vous saviez combien un mot
peut blesser, combien un certain discours peut être perçu comme ignorant de la
réalité et combien, à l'inverse, une parole de soutien est vécue comme un geste
de considération !
Monsieur Barbier, la situation à Dole est effectivement préoccupante. Mais
elle l'est partout en France ! Je ne connais pas une ville, une région, un
quartier où l'on puisse dire sérieusement que la délinquance n'est pas un
problème. Et c'est là une nouveauté des dix dernières années.
Il y a dix ans, la délinquance épargnait certaines régions. Aujourd'hui,
aucune région n'est épargnée. En homme de terrain, vous en portez justement
témoignage.
Vous me dites qu'il faut une meilleure écoute du plaignant. Sans doute
savez-vous que nous venons de prendre une décision très importante : j'ai
signé, voilà trois semaines, une circulaire demandant que, dans tous les
commissariats de police, dans toutes les gendarmeries, le fonctionnaire ou le
militaire qui reçoit la victime soit désormais obligé de donner son nom pour
que cette victime sache qui l'a reçue et qui assure le suivi de sa plainte.
Mesdames, messieurs les sénateurs, vous êtes souvent des élus locaux,
notamment des maires : lequel de vos collaborateurs dans vos mairies
accepterait ce que j'ai demandé aux policiers et aux gendarmes ? Pas une seule
organisation syndicale de policiers n'a protesté ! C'est une marque de
responsabilité à laquelle je tiens à rendre hommage.
Désormais, tout plaignant a le droit de connaître le nom du fonctionnaire qui
le reçoit et qui suit sa plainte. C'est là un élément considérable pour le
confort du plaignant et pour l'attention que nous devons aux victimes.
Timide, monsieur Barbier, le projet de loi en ce qui concerne les maires ?
Peut-être. Mais je veux dire clairement devant la Haute Assemblée que, pour ma
part, je n'accepterai jamais la municipalisation de la police nationale.
J'ajoute que, dans un pays où il y a 36 500 communes, il me paraît difficile
d'envisager de confier des responsabilités opérationnelles aux maires. Car il
ne faut pas songer uniquement aux maires des grandes villes ; il faut aussi
penser aux autres maires. Comment imaginer qu'il puisse y avoir des « maires à
deux vitesses », ceux qui auraient des responsabilités opérationnelles et ceux
qui en seraient dépourvus ? Et puis que signifie la responsabilité
opérationnelle d'un maire s'il n'est pas en même temps responsable du
recrutement, de la rémunération et de la formation des personnels ?
Confier aux maires la responsabilité opérationnelle reviendrait en fait à les
désigner à l'opinion publique.
M. Jean-Claude Peyronnet.
Oui !
M. Nicolas Sarkozy,
ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés
locales.
Elle les considérerait comme responsables, précisément, de la
sécurité, alors qu'ils seraient en réalité dépourvus des moyens leur permettant
d'exercer véritablement cette responsabilité.
M. Dominique Braye.
Très juste !
M. Nicolas Sarkozy,
ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés
locales.
Il faut donc avancer très prudemment sur ces questions. Non que
M. Barbier ait, à mes yeux, fait preuve d'imprudence ! Je dis simplement que,
si l'on devait aller plus loin dans la recherche d'un consensus entre nous,
tous les arguments devraient être mis sur la table, et il me semble que celui
que j'avance a un certain poids.
Ce dont je suis pleinement convaincu, c'est que le maire doit être au coeur de
la prévention, parce que le maire connaît mieux que d'autres la réalité du
terrain.
Roger Karoutchi, merci pour ce discours en tous points excellent, qui a été
salué d'ailleurs par un silence très attentif de la Haute Assemblée.
Oui, la délinquance marque une crise de la société. Au demeurant, j'ai noté,
quand Roger Karoutchi a dit cela, des marques d'approbation sur toutes les
travées du Sénat.
J'ajoute - mais il aurait pu le dire lui-même - que ce n'est pas parce que
c'est une crise de société qu'il faut se contenter de la regarder béatement,
les bras ballants, et décider de l'organisation d'un colloque chargé de
réfléchir au pourquoi de cette crise de société !
Ce n'est pas parce que c'est une crise de société qu'il ne faut pas agir.
C'est justement parce que la crise est profonde qu'il n'est que temps d'agir
!
Merci aussi de votre soutien sur la réserve civile, monsieur Karoutchi.
Mesdames, messieurs les sénateurs, le service militaire n'existe plus.
Mmes Nicole Borvo et Hélène Luc.
C'est dommage !
M. Nicolas Sarkozy,
ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés
locales.
Il est donc indispensable de créer les conditions d'une réserve
pour la défense civile ; j'aurai l'occasion d'y revenir en répondant à M. Paul
Girod, qui connaît parfaitement ces sujets.
Si, demain, notre pays est victime d'une série d'attentats exigeant, par
exemple, que nous assurions la sécurité renforcée de toutes nos centrales
nucléaires, nous serons bien contents d'avoir une réserve civile mobilisable
!
M. Paul Girod.
Très bien!
M. Nicolas Sarkozy,
ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés
locales.
De même, si demain se produit une catastrophe, quelle qu'elle
soit, qui implique la mobilisation de 3 000, 4 000 ou 5 000 personnels
supplémentaires, nous seront bien contents d'avoir une réserve civile de la
police nationale !
Je ne vois pas en quoi la création de cette réserve civile pourrait inquiéter
qui que ce soit. Il est même plutôt rassurant qu'un gouvernement se dise : cela
ne va pas trop mal en ce moment, mais, si cela allait plus mal, il faudrait que
nous puissions mobiliser du monde. Je crois que nous sommes vraiment dans notre
rôle en pensant cela.
M. Dominique Braye.
Très bien!
M. Nicolas Sarkozy,
ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés
locales.
Quant à la police régionale des transports, monsieur Karoutchi,
je n'oublie pas qu'elle vous doit beaucoup !
Savez-vous, mesdames, messieurs les sénateurs, que 6 millions de Franciliens
prennent chaque jour le RER, le métro ou le train de banlieue ? Et combien y
avait-il de millions de personnes qui, chaque jour, avaient peur en pensant que
leur femme ou leurs enfants rentraient chez eux le soir par les transports en
commun ? Nous avons créé la police des transports, et cela a constitué un
changement considérable !
Avant la création de cette police des transports, la police devait descendre
du RER, du métro ou du train de banlieue après le franchissement de la
frontière administrative de Paris, moyennant quoi les bouts de ligne n'étaient
jamais sécurisés, car ce n'était pas la même équipe qui devait s'en occuper.
J'ai créé cette police des transports à la demande des élus franciliens, avec
Roger Karoutchi au premier rang. Dorénavant, une équipe qui monte sur une rame
va jusqu'au bout de la ligne, la sécurise du point de départ au point
d'arrivée.
La sécurité dans les transports en commun a fait, depuis, des progrès
considérables. Il en reste bien d'autres à accomplir. C'est une illustration
parmi tant d'autres de la nécessité de mettre nos forces sous commandement
commun parce que, actuellement, les frontières ne résistent qu'aux forces de
police, parce que les circonscriptions administratives ne concernent que les
forces de l'ordre.
S'agissant de votre discours sur le malaise d'une certaine gauche face à la
sécurité, monsieur Karoutchi, je dirai simplement qu'il était succulent ! Je
n'ai aucun commentaire à y apporter: il était en soi suffisamment cruel pour
qu'on se contente de le déguster tel quel !
(Rires sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union
centriste.)
M. Jean-Pierre Sueur.
Quel mépris !
M. Nicolas Sarkozy,
ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés
locales.
Oui, Pierre Hérisson, le stationnement des gens du voyage et
l'immigration clandestine méritent des solutions urgentes.
L'immigration clandestine, pourquoi ne pas en parler ? Le mot est-il grossier
?
Parler d'immigration est-il en soi l'expression du racisme ? Ne comprenez-vous
pas, les uns et les autres, qu'à force d'avoir nié ces problèmes, d'avoir
refusé d'en parler, refusé de prononcer les mots, nous avons ouvert un
boulevard à ceux qui n'avaient pas nos idées - je m'adresse là à l'ensemble de
cette assemblée - et qui en ont profité parce que les républicains étaient
absents. Ceux qui ne sont pas des républicains se sont emparés du thème avec
des idées qui n'étaient pas les nôtres. La France est le seul pays où l'on ne
peut pas parler tranquillement de la question de l'immigration.
Je n'ai jamais plaidé pour l'« immigration zéro », car je la considère comme
irresponsable et contraire à la tradition de la France, qui s'est construite
sur la diversité. Mais, à l'inverse, je souhaite que nous choisissions de
maîtriser notre immigration. Dire cela, c'est parler avec calme, pondération et
bon sens. C'est surtout éviter l'amalgame dont sont victimes, de par la lâcheté
de ceux qui refusent d'en parler, tous ces étrangers qui vivent sur notre
territoire et qui méritent notre respect parce qu'ils respectent nos lois.
Merci, Pierre Hérisson, de nous avoir fait partager votre expérience.
Oui, l'activité des gens du voyage doit être contrôlée.
Mais enfin, est-ce que, sous prétexte qu'on fait partie des gens du voyage, on
devrait être au-dessus des lois ? Il ne s'agit pas de les mettre en dessous des
lois. Mais j'aimerais que l'on me dise au nom de quoi, parce que c'est une
délinquance itinérante, on n'aurait pas le droit de la contrôler, de la
poursuivre et de la châtier chaque fois qu'il le faut !
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et
de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Naturellement, je ne désigne aucune population, et rien ne m'est plus
étranger que le racisme et la xénophobie. Je n'oublie pas mes origines !
M. Christian Poncelet.
Très bien!
M. Nicolas Sarkozy,
ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés
locales.
Mais c'est aussi une forme de racisme que de refuser de dire
qu'il y a de la délinquance chez les gens du voyage simplement parce que ce
sont des gens du voyage. Ce n'est pas parce que ce sont des gens du voyage
qu'ils ont moins de droits que les autres, bien sûr, mais ils n'en ont pas
davantage. Eux aussi doivent respecter la loi !
Chaque élu local, sur quelque travée qu'il siège dans cette assemblée, sait
parfaitement qu'il nous arrive de constater des évolutions de la délinquance à
la suite de certains attroupements. C'est clair ! Vous me l'écrivez à longueur
de journée, quelle que soit votre orientation politique. Nier cette réalité,
c'est nier la réalité que vivent les Français.
Oui, il faut travailler avec les associations d'élus locaux, et point n'est
besoin de créer une commission. On en sait déjà beaucoup et, comme l'a dit
Jacques Peyrat il y a quelques instants, après le temps de la réflexion, après
toutes ces années d'immobilisme, les Français attendent que nous inaugurions le
temps de l'action.
M. Dominique Braye.
Très bien !
M. Nicolas Sarkozy,
ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés
locales.
Je souhaite également dire à M. Robert Bret que je respecte ses
convictions. Nous ne sommes pas d'accord : il est communiste, je n'ai jamais
songé à l'être. Il l'est malgré les enseignements de l'histoire. C'est
respectable.
(M. Dominique Braye rit.)
Mais franchement, pourquoi une telle caricature ? Ai-je, à un quelconque
moment de mon propos, caricaturé l'engagement des uns ou des autres ? Jamais !
Alors, de grâce, ne nous donnez pas de leçon sur ce sujet car, la leçon, elle
risquerait de se retourner violemment contre vous ! Nous n'avons pas de leçon à
donner, mais nous n'en avons aucune à recevoir.
C'est une forme d'insulte pour les élus de la majorité que nous sommes que
d'estimer que, parce que nous voulons garantir la tranquillité de nos
concitoyens, nous aurions moins la considération des pauvres, des modestes, des
sans-grade, de ceux qui souffrent. Vous n'avez aucun monopole !
Vous avez soutenu un gouvernement qui, peut-être avec bonne foi, a essayé de
faire quelque chose, mais qui a échoué, en tout cas au regard des Français.
Deux mois et demi après, c'est peut-être un peu tôt pour que vous donniez des
leçons à qui que ce soit !
(Applaudissements sur les travées du RPR, des
Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
Nous ne vous faisons pas le reproche d'avoir soutenu un gouvernement qui a si
manifestement échoué, mais nous vous demandons au moins d'attendre un peu plus
de deux mois et demi pour monter à cette tribune et prononcer un discours
définitif désignant ici les mauvais et là les bons.
M. Robert Bret.
Vous, c'est un discours à votre propre gloire que vous prononcez !
M. Nicolas Sarkozy,
ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés
locales.
Un peu de modestie ne messied pas forcément au parti communiste
français face à un problème de cette gravité !
(Applaudissements sur les mêmes travées.)
Monsieur Bret, j'apprécie le talent, j'ai de la considération pour les
militants quels qu'ils soient et je respecte l'engagement politique. Mais, de
temps en temps, lorsqu'on a été à ce point désavoué par les électeurs,
peut-être convient-il de se demander pourquoi les Français n'ont plus voulu de
vous, de se demander également si l'on ne pourrait pas faire un bout de chemin
avec ce gouvernement qui essaie de trouver une autre voie pour répondre à une
angoisse des Français, qu'ils soient de gauche ou de droite.
(Applaudissements sur les mêmes travées.)
Il se trouve que, nous aussi, nous avons été battus. Personnellement, j'ai
connu l'échec, au moins à deux reprises, un échec personnel et un échec
spectaculaire. Eh bien, voyez-vous, monsieur Bret, la différence entre nous,
c'est peut-être que, moi, je ne considère pas que c'est le peuple qui se
trompe. Je sais que chaque fois qu'un homme politique veut changer le peuple,
cela se termine mal. Le peuple vous a adressé un message. Peut-être
devriez-vous le méditer, et le méditer avec respect.
M. Robert Bret.
Je dis que ce sont vos orientations qui sont dangereuses !
M. Nicolas Sarkozy,
ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés
locales.
Méditer le message des Français, c'est ce que nous avons fait
dans le passé. Cela ne nous a pas si mal réussi.
Mais après tout, j'ai bien tort de m'inquiéter pour vous ! Restez dans le même
état d'esprit : la majorité pourrait y trouver son compte.
(Rires sur les travées du RPR, de l'Union centriste et des Républicains et
Indépendants.)
M. Robert Bret.
Nous verrons ce que nous réserve l'avenir !
M. Nicolas Sarkozy,
ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés
locales.
Monsieur Peyronnet, je vous ai écouté avec attention. Vous dites
: « Aucune des mesures que vous proposez n'aura d'effet. Tout est du vent, tout
est du médiatique ! » Et vous en tirez immédiatement la conclusion que mon
texte est liberticide.
Soit il est creux et, dans ce cas là, il ne présente pas de danger. Soit il
est dangereux, mais alors il n'est pas creux. Choisissez une thèse ! Il n'est
pas interdit, là aussi, de faire preuve de cohérence.
Avez-vous lu ce que Daniel Vaillant, ce ministre de l'intérieur que vous avez
soutenu avec beaucoup de fidélité - et c'est à votre honneur - a déclaré au
Nouvel Observateur
la semaine dernière ? Le titre de l'entretien était
très intéressant : « Daniel Vaillant : Sarkozy me copie » !
Si vous écoutez Daniel Vaillant, si vous l'appréciez, suivez-le ! Puisque je
copie Daniel Vaillant, vous êtes condamné à voter mon texte !
(Rires sur les
travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union
centriste.)
Là encore, monsieur Peyronnet, quelle remarquable intuition ! Si j'ai bien
compris, dans un élan spectaculaire, avec un certain talent - car il en faut
pour défendre cette thèse - vous vous apprêtez à défendre un amendement tendant
à supprimer l'article 1er qui fixe les orientations de la politique de sécurité
du Gouvernement, puis, avec une intelligence stupéfiante, après avoir proposé
la suppression de la politique, vous allez m'en autoriser tous les moyens en
votant l'article 2...
J'ajoute que, si vous vous laissez aller - j'en serais honoré - à voter les
moyens sans voter les orientations, je crains de considérer qu'il ne s'agisse
d'un blanc-seing...
M. Jean-Claude Peyronnet.
Vous m'avez mal écouté !
M. Nicolas Sarkozy,
ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés
locales.
M. Adnot ne disposait que de trois minutes. C'est peu, mais,
comme elles marquaient un total accord entre nous, j'avoue que c'était
savoureux.
Monsieur Carle, merci de dire qu'il y a des droits et des devoirs ! Où en
sommes-nous, mesdames, messieurs les sénateurs, pour que, quand un responsable
politique utilise le mot « responsabilité » ou le mot « devoir », le silence se
fasse ? Faut-il que nous ayons oublié bien des valeurs qui, pour être
anciennes, n'en sont pas pour autant démodées ? La citoyenneté, ce sont les
droits et les devoirs. Or on parle beaucoup des droits, mais jamais des
devoirs, et nous en payons le prix.
Les violences à l'endroit des élus sont inadmissibles ! Les GIR s'occuperont
des rassemblements que vous avez évoqués, et le Gouvernement étudiera avec
beaucoup d'intérêt vos propositions.
Monsieur Delfau, oui, le vote de l'extrême droite est un avertissement, mais
pas simplement pour la gauche : pour nous aussi, pour chacune et chacun d'entre
nous, il a résonné comme une sanction, car cinq millions de Français se sont
dit qu'il fallait voter pour l'extrémisme. Mais qu'il me soit permis de vous
indiquer que ce n'est pas la montée de la peste brune ! La France de 2002, ce
n'est pas l'Allemagne de 1932 ! Ce sont simplement des hommes et des femmes qui
crient au secours, qui se tournent vers vous, parlementaires, comme vers nous,
membres du Gouvernement, pour savoir si, cette fois-ci, nous allons agir.
Vont-ils réussir, se demandent-ils ? Que vont-ils faire ? Vont-ils, enfin,
tenir compte de ce qu'on leur dit ?
Eh bien, je vous le dis de la manière la plus solennelle, nous n'avons pas
oublié le message des électeurs. Croyez-moi, ce message, nous l'avons bien
présent à l'esprit, parce que nous savons une chose : quand on ne met pas en
oeuvre la politique pour laquelle on a été élu, on perd tous ses amis sans
gagner un seul de ses adversaires !
Mme Paulette Brisepierre.
Absolument !
M. Nicolas Sarkozy,
ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés
locales.
Nous avons connu cela dans le passé, nous ne sommes pas près de
recommencer la même erreur !
Vous me dites que je joue ma crédibilité, mais croyez-vous que j'en doute ?
Croyez-vous que je pense que l'on m'a mis là parce que c'est facile ?
Pensez-vous que, chaque minute où je suis ministre de l'intérieur, depuis deux
mois et demi, je me dis : mon Dieu, comme c'est facile, quel chemin tranquille
! Croyez-vous que je sois là pour faire de la figuration, pour me faire plaisir
? Je suis là pour obtenir des résultats, et je me battrai pour cela !
Monsieur Delfau, croyez en tout cas que, si jamais je pouvais obtenir ces
résultats au sein du gouvernement de M. Raffarin, chacun d'entre nous, sur
toutes ces travées, en profiterait, parce que c'est de nouveau la République
qui aurait démontré qu'elle peut être efficace.
M. Christian Poncelet.
Très bien !
M. Nicolas Sarkozy,
ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés
locales.
Je vous remercie en tout cas de me conseiller de ne pas en faire
trop ! Cela me fait plaisir car, chaque soir, lorsque je me couche, je me dis
que je n'en ai pas assez fait. Vous trouvez donc que j'en fais trop ? La vérité
doit se situer au juste équilibre entre nous, et cela me permet d'être conforté
dans mon action.
Quoi qu'il en soit, où avez-vous vu que les policiers et les gendarmes ne
voulaient pas travailler ensemble ? Quel exemple pouvez-vous me citer ?
M. Gérard Delfau.
Je n'ai pas dit cela !
M. Nicolas Sarkozy,
ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés
locales.
C'est encore une vieille histoire ! Moi, je les vois travailler
ensemble et je constate qu'ils ont envie de travailler ensemble et d'obtenir
des résultats ! Ils ont envie d'être efficaces ! La France que vous regardez,
c'est une France ancienne ! Celle d'aujourd'hui, elle est faite d'hommes et de
femmes qui sont fiers de leur métier et de leur engagement.
Dans les GIR, policiers et gendarmes travaillent bien ensemble ; dans nos
départements, ils travaillent bien ensemble ! Je n'ai jamais eu - jamais ! - au
niveau de la base et du terrain, à me plaindre de la collaboration entre les
policiers et les gendarmes. Oh, certes, il y a eu cette petite déclaration d'un
petit syndicat : alors que j'avais eu l'idée de mettre un gendarme devant le
ministère de l'intérieur au côté du policier, pour marquer spectaculairement
que, désormais, policiers et gendarmes obéissaient au même commandement, le
communiqué est tombé. J'ai appelé le responsable syndical pour lui dire que,
s'il continuait, ce n'est pas un gendarme qui serait posté devant le ministère,
mais deux ! Il n'y a plus eu de communiqué ! Et il n'y a pas d'autre exemple de
dysfonctionnement : croyez-moi, ils sont plus intelligents qu'on ne l'imagine
parfois, et ils ont le sens du service public.
Quant au scepticisme, monsieur Delfau, je le respecte, mais, moi, je suis payé
non pour être sceptique, mais pour être volontariste : si, moi, je n'y crois
pas, comment voulez-vous que qui que ce soit y croie ? Et, si la Haute
Assemblée se laissait guider ou tenter par le scepticisme, que penseraient les
Français eux-mêmes, selon vous ?
Oui, il faut croire à la force de la volonté, au poids de la conviction, au
rôle des hommes, parce que, monsieur Delfau, les hommes ont aussi une capacité
d'influence sur les événements.
Pardon de parler avec une telle force, mais, si je ne croyais pas que c'était
utile, j'aurais depuis bien longtemps renoncé à mon engagement politique.
Monsieur de Broissia, merci pour votre amitié : venant d'un homme compétent,
expérimenté, elle a son prix.
Oui, vous avez raison : tout cela s'explique d'abord par une formidable
erreur. Ils ont d'abord dit que l'insécurité était un sentiment. Mon Dieu, quel
mépris pour les Français ! Mais le sentiment d'insécurité, selon eux, c'était :
« Vous n'avez pas peur, vous croyez avoir peur ; vous n'avez pas mal, vous
croyez avoir mal »,...
Mme Nicole Borvo.
Vous croyez être chômeur, vous n'êtes pas chômeur !
M. Nicolas Sarkozy,
ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés
locales.
... et chacun de se rassurer, parlant sous le manteau de ces 60
millions de Français qui, décidément, n'y comprenaient rien.
Puis, après, quand l'insécurité est devenue une preuve vivante, on a compris
où était l'ennemi : l'ennemi, c'étaient les médias, la télévision. Tout était
créé, rien n'était réel. Heureusement, monsieur de Brossia, il y a les
élections qui révèlent ce qui est vrai et ce qui est faux. Pour nous, ce fut un
rêve...
Mme Nicole Borvo.
Ça alors ! Quel rêve !
M. Nicolas Sarkozy,
ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés
locales.
... tandis que, pour d'autres, ce fut un cauchemar.
En matière de sécurité et de prévention, vous avez raison : les départements -
je ne voudrais pas qu'on laisse à penser qu'il n'y a que les mairies - jouent
un rôle irremplaçable. Dans les conseils départementaux, ils auront toute leur
place, et je vous ferai un certain nombre de propositions sur la prévention.
Il est par ailleurs un sujet dont nous n'avons pas le temps de traiter ce
soir, mais qui est très important à mes yeux : je veux parler de la question du
culte musulman, de sa représentation, de la place de la communauté musulmane.
Je le dis, je n'accepterai aucun amalgame, mon idée est de créer les conditions
de l'expression d'un Islam de France et non d'un Islam en France. Je voudrais
que l'Islam sorte de la clandestinité, s'assoie à la table de la République,
sans que jamais le fondamentalisme ait le droit d'y siéger. Cette question est
essentielle, et j'aurai là aussi l'occasion, au mois de septembre, de vous
faire un certain nombre de propositions qui iront, d'ailleurs, bien au-delà,
parce que, selon moi, une vraie réflexion doit être menée sur la place des
religions dans les débats de société, sur le sens que l'on donne à la laïcité.
Ce sont des sujets extrêmement importants qui n'ont pas été débattus depuis
trop longtemps dans notre pays.
Oui, je ferai des propositions sur la question de l'ouverture des coffres de
voitures.
Oui, les établissements scolaires doivent être protégés en priorité de la
violence ; oui, il faut les « sanctuariser ».
En ce qui concerne la délinquance itinérante, nous transformerons la mission
en office, ce qui permettra de donner une compétence aux officiers de police
judiciaire sur tout le territoire national. De surcroît, la délinquance
itinérante, au lieu d'être uniquement l'affaire des gendarmes, deviendra
également l'affaire des policiers.
J'en viens à Jean-Paul Virapoullé : l'expression talentueuse à l'état pur !
Quand il parle de ce département de la Réunion, si français par le coeur, qui
connaît de si près la pauvreté et où l'insécurité frappe d'abord les plus
pauvres qui nous lancent un véritable SOS, il a raison.
Peut-être serions-nous inspirés, de temps en temps - je le dis également à la
gauche - de savoir nous rassembler sur certains textes. C'est justement parce
qu'il s'agit de nos compatriotes les plus faibles que les conditions du
consensus devraient être rassemblées ! Quand Jean-Paul Virapoullé dit avec ses
mots, qui sont les mots de tous les jours, que nous devons nous préoccuper plus
des victimes que des voyous, il le dit à sa manière, mais cette manière,
monsieur Virapoullé, ce sera aussi la mienne. Parce qu'il faut appeler les
choses par leur nom, parce que la sémantique a un sens, le vocabulaire qui est
le vôtre ne choque que ceux qui ne vont jamais sur le terrain.
Bien sûr, il ne faudra pas oublier nos départements et territoires
d'outre-mer, qui rencontrent des problèmes de répartition d'effectifs. J'ai
bien reçu votre message particulier sur l'ouverture des commissariats la nuit.
Oui, il s'agit d'un problème de coordination, notamment dans vos départements,
entre les forces de l'ordre et la police municipale. Il faut reconnaître aux
policiers municipaux la tâche ingrate qui est souvent la leur. Mais cette tâche
est bien utile, parce que, si les policiers municipaux, les gardes champêtres,
et même les agents de circulation n'étaient pas là, les policiers nationaux
devraient accomplir des tâches supplémentaires, à Paris ou à Nice comme
ailleurs.
Monsieur Rouvière, j'avoue que je ne vous ai pas compris. Mon texte est-il
exceptionnel parce qu'il vous plaît ou parce que vous le craignez ?
(Sourires.)
Votre propos était si balancé, si mesuré, si intelligent, que certaines
subtilités ne me sont pas apparues immédiatement. A un moment, je me suis
laissé aller à penser que vous aviez vraiment envie de soutenir mon texte. Puis
j'ai vu que la main devenait plus lourde à la fin du discours, lorsque
l'orateur du parti socialiste a dû se souvenir que, ces quelques minutes, c'est
le parti qui les lui avait données.
M. André Rouvière.
N'exagérez pas !
M. Nicolas Sarkozy,
ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés
locales.
Allons, monsieur Rouvière : quand c'est l'homme qui parlait, il
était brillant, utile et pragmatique ; quand l'orateur du groupe a pris le
dessus, c'est devenu plus lourd, à la limite du « bourratif ». Je ne vous ai
pas reconnu dans la conclusion. Je ne retiendrai donc que le corps du discours,
mais, celui-là, il était bon, notamment lorsque vous avez dit : « Voilà un
projet d'exception, au sens exceptionnel ! » Merci, monsieur Rouvière, j'en
resterai là. C'est ma façon à moi de garder le meilleur souvenir de votre
intervention.
Pourrai-je tenir toutes mes promesses ? Mais, monsieur Rouvière, ne vous
trompez pas sur moi : si je ne réussis pas, je partirai ! Il est venu le temps
de dire que, lorsqu'on est un responsable politique, on doit accepter de se
soumettre au jugement des résultats ! Croyez-moi, je suis bien de ceux qui
pensent que la performance n'est pas l'apanage du privé. Nous nous engageons
sur une politique, et cette politique doit produire des résultats.
Ai-je consulté les représentants syndicaux ? C'est une plaisanterie ! Trois
réunions plénières ont été organisées, et je dois dire que les réactions des
participants m'ont fait très plaisir. Et, puisque vous n'avez pas eu le compte
rendu de ces réunions, je le porterai à votre connaissance ! Ces syndicats,
souvent réputés de gauche, ont dit du bien de l'action que je menais. Cela me
fera très plaisir de vous informer, car je n'aurais pas osé le faire de peur de
rougir.
Vous dites que mon réveil sera dramatique. Comment pouvez-vous dire cela ? Le
vôtre et celui de vos amis furent-ils si douloureux que vous m'avertissez déjà,
au bout de deux mois et demi ? Nous avons cinq ans, ne l'oubliez pas, monsieur
Rouvière ! Cinq ans, cela passe vite, mais nous n'avons pas l'intention de
faire les mêmes erreurs que celles qui vous ont conduits là où vous êtes
aujourd'hui.
Monsieur Alex Türk, vous avez parfaitement raison de démythifier le problème
des fichiers. Oui, je tiens à distance le laxisme et l'extrémiste, et
permettez-moi de dire que je sais où se trouvent ceux qui ont combattu
l'extrémisme dans les faits ! De ce point de vue, le Président de la République
a toujours joué un rôle irremplaçable pour l'équilibre de notre société en
menant un combat déterminé en la matière.
M. Christian Poncelet.
Très bien !
M. Nicolas Sarkozy,
ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés
locales.
C'est parce que la droite républicaine a tenu avec courage
qu'aujourd'hui non seulement nous pouvons, mais nous devons parler sans
complexes.
(Applaudissements sur les travées du RPR.)
M. Dominique Braye.
Très bien !
M. Nicolas Sarkozy,
ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés
locales.
C'est justement parce que nous ne sommes pas suspects d'une
quelconque complicité que nous pouvons nous tenir si éloignés du laxisme, de...
comment dit-on ?... de la naïveté qui a été si violemment condamnée par nos
concitoyens.
M. Dominique Braye.
De l'angélisme !
M. Nicolas Sarkozy,
ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés
locales.
Quel est notre maître mot ? Coopération ! Ainsi, la coopération
franco-belge a été réalisée, avec l'ouverture du centre de Tournai. Voilà un an
et demi que nos amis belges nous demandaient l'ouverture de ce centre. En un
mois, nous l'avons ouvert.
Par ailleurs, le GIR du Nord a accompli un travail exceptionnel la semaine
dernière en démantelant un réseau de trafic de voitures volées et de braquages,
grâce à une compétence exceptionnelle.
Je vous remercie de votre confiance, monsieur Türk !
Monsieur Girod, je partage votre analyse sur le recul du Front national :
entre le deuxième tour de l'élection présidentielle et le premier tour des
élections législatives, ce parti a perdu un million de suffrages.
M. Christian Poncelet.
C'est formidable !
M. Nicolas Sarkozy,
ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés
locales.
Laissez-moi penser que le réveil de la droite républicaine, d'une
droite républicaine osant enfin s'assumer telle qu'elle est et telle qu'elle
n'aurait jamais dû cesser d'être, et l'amorce d'un travail gouvernemental ont
permis à un certain nombre d'électeurs qui ne demandaient que cela de revenir
vers nous.
Ce n'est pas par plaisir que les électeurs sont partis au Front national. Ce
n'est pas par plaisir qu'ils se sont « extrémisés ». C'est par désespoir ! Au
moment où ils ont vu que nous étions décidés à nous réveiller et à défendre
leurs idées, une grande partie d'entre eux est revenue. Il faut que cela
continue, et je partage pleinement votre analyse, monsieur Girod.
A propos du commandement, je dirai que je ne suis pas là pour subir, je suis
là pour agir. Le rôle d'un responsable politique n'est pas de suivre
benoîtement ce que les technocrates de son ministère lui proposent à tout bout
de champ.
On me dit : « Rien n'est possible puisque tout a été tenté. Il suffit de
suivre au fil de l'eau. On ne change personne. On ne dit rien. On ne gêne
personne. » Si on écoute ces propos, un jour, on est mis dehors et on ne s'est
même pas rendu compte que l'on n'était plus ministre ! Voilà la triste histoire
de ceux qui acceptent de subir.
Eh bien ! nous, nous voulons changer les choses. Le politique doit avoir une
influence sur les faits. S'il n'en n'est pas capable, alors il n'a pas de
légitimité.
(« Très bien ! » et applaudissements sur les travées du RPR, des
Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines
travées du RDSE.)
.
Nous ne sommes pas là simplement pour gérer, pour commenter, pour subir, pour
refaire ce qui a été fait, pour dire : « je n'y peux rien, c'est difficile,
excusez-moi ! » Nous sommes là pour agir et pour obtenir des résultats. C'est
sans doute ce que vous appelez le commandement, monsieur Girod.
J'en viens à l'utilisation des voitures des délinquants. Pour une fois,
l'histoire des gendarmes et des voleurs se terminera bien !
(Sourires.)
Oui ! le fait d'avoir dirigé la douane pendant deux ans m'a donné des idées.
La douane se paie sur la bête ! Lorsqu'elle saisit des biens, elle les garde.
Je souhaite donc que les policiers et les gendarmes, lorsqu'ils saisissent des
véhicules qui roulent à très grande vitesse, puissent utiliser ceux-ci comme
bon leur semble.
La morale sera sauve. Bien mal acquis ne profite jamais ! Et les gendarmes et
les policiers auront ainsi les moyens de leur politique.
(Applaudissements
sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union
centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
La défense civile, je vous ai déjà dit ce que j'en pensais.
Je remercie M. Demuynck de son soutien. Venant d'un élu d'un département qui
souffre beaucoup de la délinquance, son attitude est méritoire et exprime le
sentiment du terrain.
Oui ! les forces de l'ordre se sentaient démobilisées. Il ne s'agit pas d'un
jugement. A-t-on déjà oublié que les policiers et les gendarmes sont récemment
descendus dans la rue non pas pour lutter contre des délinquants, mais pour
protester contre le Gouvernement ? Je ne porte atteinte à la mémoire de
quiconque en rappelant ces faits.
La crise de la gendarmerie et de la police a atteint des proportions jamais
vues. J'ai été de ceux qui, à l'époque, ont condamné les manifestations de
gendarmes en uniforme. Elles ne sont pas compatibles avec le sentiment que j'ai
de la République.
Mais qui les avait conduits dans cette situation ? Ce n'est tout de même pas
l'opposition de l'époque. On ne va quand même pas porter le péché de la
démobilisation des forces de l'ordre !
La réactivité des forces de l'ordre est formidable. Jugez-en ! Connaissez-vous
les causes de l'accident tragique de Pantin ? Voilà quelques mois, ces trois
jeunes fonctionnaires de police à vélo auraient contourné le problème. Cette
fois, ils ont été au coeur du problème. Ils ont procédé à un contrôle
d'identité parce qu'ils pensaient qu'il y avait de la drogue.
Les policiers et les gendarmes ont obéi aux consignes du Gouvernement : allez
au contact, traquez les délinquants, posez les questions, contrôlez les
identités ; vous n'êtes pas là pour assurer une simple présence conviviale
comme des agents d'ambiance dans la rue ; vous êtes la sécurité de nos
compatriotes.
Si j'ai voulu féliciter cette jeune femme sur son lit d'hôpital, c'est parce
qu'elle a fait son devoir, parce qu'elle est allée au contact des délinquants,
alors que tant d'autres auraient éludé le problème.
Il est très facile, quand on est à vélo, de ne pas avoir de problème. Il
suffit de le contourner ! Ces trois fonctionnaires ne l'ont pas fait, et cela
s'est mal passé. Les conséquences auraient d'ailleurs pu être encore beaucoup
plus dramatiques. Ils avaient la volonté d'aller au fond du problème, et
personne ne peut le leur reprocher.
J'ai lu qu'il existait deux thèses sur cet événement. Permettez-moi de vous
dire que, pour moi, il n'y en a qu'une : une jeune femme a eu la mâchoire
broyée et a été matraquée alors qu'elle était à terre ; or rien ne peut
justifier un acte de cette nature, et certainement pas un contrôle
d'identité.
Monsieur Demuynck, encore trop souvent, nos compatriotes ont peur. C'est
exact, et ce n'est pas dire un gros mot que de l'affirmer. Lequel parmi nous ne
s'est d'ailleurs pas inquiété pour ses enfants sur le chemin de l'école ou dans
un train à une heure tardive ? Lequel d'entre nous n'a pas éprouvé cette
crainte pour ceux qu'il aime ?
Pourquoi voulez-vous que nos compatriotes, qu'ils soient de gauche ou de
droite, aient un sentiment différent ? Ce n'est pas une honte de dire qu'il
arrive aux Français d'avoir peur. C'est la réalité de tous les jours.
En décrivant cette réalité telle qu'elle est, vous n'entretenez pas un
sentiment d'insécurité, vous prenez au contraire la vie telle qu'elle est et
vous rassurez nos concitoyens qui se disent : « décidément on peut être
sénateur, député, ministre, et connaître la réalité de la vie ».
Madame Blandin, je ne veux pas faire de polémique avec vous, car vous êtes
certainement de bonne foi. Mais, franchement, après tout ce qui s'est passé,
dire : « il rode un sentiment d'insécurité » me pousse à vous répondre : «
heureusement que vous le dites ici ! ».
Quand on habite l'un de ces quartiers et qu'on entend un élu dire : « il rode
un sentiment d'insécurité », d'aucuns pourraient s'exaspérer que vous n'ayez
décidément pas compris la leçon des dernières élections !
La vie, madame Blandin, n'est pas faite de colloques, de préjugés, de
mondanités, de présupposés, de grandes déclarations déconnectées des réalités.
Vous n'aidez pas les plus pauvres à vivre en niant ce qu'ils vivent.
Vous vous excusez en permanence de ne pas vouloir agir au service de nos
compatriotes les plus menacés. Pourquoi ces complexes ? Pourquoi serait-il mal
que la sécurité que l'on connaît dans certains de nos quartiers bourgeois ne
règne pas dans certains de nos quartiers les plus pauvres ? Pourquoi refuser à
nos compatriotes les plus faibles, les plus exposés, les mêmes droits que ceux
qui peuvent s'abriter derrière les hauts murs de propriétés calfeutrées ?
Enfin, trente-quatre ans après mai 1968, il est peut-être temps, madame
Blandin, de se réveiller. Le monde a changé !
(Rires et applaudissements sur
les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste,
ainsi que sur certaines travées du RDSE).
Vous aviez tort il y a si longtemps. Pourquoi ne pas comprendre ? Ce n'est pas
vous renier que de prendre en compte la réalité.
Je ne dis pas qu'en mai 1968 il n'y a pas eu des choses intéressantes. Mais,
depuis, que d'eau a passé !
Etes-vous autiste au point de ne pas comprendre l'appel de nos compatriotes
?
Vous parlez de Sangatte ! Combien de fois vous y êtes-vous rendu ?
Qu'avez-vous fait, vous et vos amis ? Mme Voynet s'est-elle rendue à Sangatte ?
Mme Guigou a certes participé à beaucoup plus de colloques sur les droits de
l'homme que moi, mais elle n'a jamais mis les pieds à Sangatte ! Mme Aubry aime
beaucoup parler de l'étranger dont elle déclare qu'il a toute sa place à la
table de la République, mais elle n'a jamais mis les pieds à Sangatte ! Pendant
trois ans, 1 800 personnes ont croupi dans des conditions inadmissibles sous un
hangar ! Est-ce que cela vous permet, vous qui êtes une élue de la région, de
nous donner des leçons, de me donner une leçon à moi qui essaie de répondre à
cette question ?
(« Bravo ! » et vifs applaudissements sur les travées du
RPR, de l'Union centriste et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur
certaines travées du RDSE.)
Croyez-vous, madame Blandin, que je vais m'abstenir de répondre parce que vous
êtes quelqu'un que je respecte, parce que vous êtes écologiste, parce que vous
êtes une femme ? Est-ce que je dois, moi aussi, ne pas dire ce que je pense,
uniquement parce qu'il y aurait un tabou ?
J'ai été à Sangatte, j'essaie de résoudre ce problème. Je ne dis pas que je
vais réussir. Mais, au moins, personne ne pourra dire que je n'ai pas essayé,
avec le Gouvernement, de trouver une réponse humaine.
Les Britanniques étaient bloqués sur une position, nous les avons amenés à
l'infléchir, et je retournerai à Sangatte en septembre, avec David Blunket, le
ministre de l'intérieur anglais.
Je sais bien qu'une certaine presse observe et qu'elle se frottera les mains
si nous échouons. Au moins, nous aurons tenté quelque chose !...
Tous ceux qui attendaient que ces malheureux fassent une grève de la faim
pensent-ils que cela aurait amélioré leur situation ? Qui a proposé une
solution crédible autre que d'inciter les Afghans à trouver un avenir en
Afghanistan sachant que leur avenir n'est, j'en suis désolé, ni en
Grande-Bretagne, qui ne les veut pas, ni en France, où ils ne demandent pas à
rester, et encore moins à Sangatte sous un hangar surchauffé ?
C'est cela la réalité ! La différence entre nous - et je ne mets en cause ni
vos bons sentiments ni votre honnêteté intellectuelle - c'est que vous, vous
regardez, vous théorisez alors que nous, nous essayons d'agir. Je ne dis pas
que nous agissons bien. Mais la différence entre nous, c'est au moins notre
volonté de l'action.
Enfin, je remercie Daniel Goulet pour son message d'espoir. Je sais que l'on
attend beaucoup de nous, et je mesure le poids de cette responsabilité.
J'entends dans la rue ce que les gens disent, et je vois bien l'espérance
monter. Pour autant, cela ne m'inquiète pas.
Que voulez-vous : s'il n'y avait pas d'espérance trois mois après l'élection
du Président de la République, ce serait à désespérer de tout ! Cette espérance
doit être un moteur pour l'action et certainement pas une peur d'agir.
Sur la gendarmerie, vous avez émis des réserves ou des craintes, monsieur le
sénateur. Je veux vous dire que mon objectif n'est pas de supprimer les
brigades. Je souhaite que l'on conserve au moins une brigade par canton.
J'ai vu un canton qui en comptait trois. Je ne suis pas persuadé qu'il les
conservera toutes ; mais dans l'immense majorité des cas, il n'y aura pas de
fermeture de brigade, tout simplement parce que cela ne s'inscrit pas dans la
politique qui est la nôtre. S'agissant de la législation sur les gens du
voyage, je ne manquerai pas, bien sûr, de vous demander conseil, car je connais
votre expérience.
M. Jacques Peyrat, enfin, dans un discours qui fut un feu d'artifice, a dit
que l'augmentation de la délinquance était terrifiante. Il a raison ! Si nous
n'étions pas terrifiés par cela, par quoi le serions-nous ?
Mais, monsieur Peyrat, il y a autre chose : savez-vous que, de tous les pays
d'Europe, la France est le seul à connaître une telle explosion ? Je suis prêt
à mettre les chiffres sur la table. Lors des dix dernières années, la
délinquance a reculé en Allemagne, elle a reculé en Grande-Bretagne, elle a
reculé en Espagne, elle a reculé en Italie, elle a reculé dans les démocraties
du Nord. Notre pays est le seul, en Europe, à être confronté à une telle
explosion, terrifiante, avez-vous dit ; j'ajoute qu'elle est consternante.
Non, je n'accorde aucune attention aux reproches de ceux qui se sont tellement
trompés, parce que le gouvernement de M. Jean-Pierre Raffarin conduit une
politique pour les Français, non pour tels ou tels observateurs, éternels
sceptiques, éternels immobiles, éternels donneurs de leçons !
Ils se sont exprimés pendant si longtemps au nom des Français, sans les
comprendre, sans les connaître, sans savoir ce qu'ils veulent. Ce gouvernement,
au contraire, a décidé de gouverner pour les Français. C'est pour cela que ces
reproches ne m'impressionnent pas.
On n'aime pas que j'appelle un chat un chat ! Monsieur Peyrat, il faudra s'y
habituer, parce que, moi, je n'ai pas l'intention de changer !
(« Bravo ! »
et applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et
de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Question préalable
M. le président.
Je suis saisi par Mme Borvo, M. Bret, Mmes Mathon, Beaudeau, Beaufils et
Bidard-Reydet, M. Coquelle, Mmes David, Demessine et Didier, MM. Fischer,
Foucaud et Le Cam, Mme Luc, MM. Muzeau, Ralite et Renar et Mme Terrade d'une
motion n° 9 tendant à opposer la question préalable.
Cette motion est ainsi rédigée :
« En application de l'article 44, alinéa 3, du règlement, le Sénat décide
qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi, adopté
par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, d'orientation et de
programmation pour la sécurité intérieure (n° 36, 2001-2002). »
Je rappelle que, en application du dernier alinéa de l'article 44 du règlement
du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l'auteur de l'initiative
ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d'opinion contraire, pour
quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie
au fond et le Gouvernement.
En outre, la parole peut être accordée pour explication de vote, pour une
durée n'excédant pas cinq minutes, à un représentant de chaque groupe.
La parole est à Mme Nicole Borvo, auteur de la motion.
Mme Nicole Borvo.
Vous nous avez tenu, monsieur le ministre, à seize heures, un discours de
meeting électoral.
M. Jean-Patrick Courtois,
rapporteur.
Ah bon ?
Mme Nicole Borvo.
Votre ton, bien loin de la modestie prônée par le Premier ministre, n'y change
rien : votre projet est critiquable, et vous n'avez pas dissuadé les sénateurs
communistes de défendre une motion tendant à opposer la question préalable.
Le vote en urgence qui nous est imposé avec un travail parlementaire réduit à
sa plus simple expression est bien peu propice à un débat de fond sur les
réponses à apporter aux attentes des Français en matière de tranquillité
publique.
L'architecture du texte le confirme : il renvoie à un autre texte, au vote
d'un projet de loi sur des mesures précises pour l'automne. On nous demande
d'approuver dès maintenant les orientations figurant en annexe.
Pourquoi cette précipitation ? Vous n'avez pas donné la réponse. Votre souci,
c'est l'affichage, c'est certain. Mais ni l'étendue ni le contenu des annexes
ne nous permettent d'expédier la discussion en quatre jours, deux à l'Assemblée
nationale et deux au Sénat.
Votre loi de programmation étant la jumelle de celle de la justice - ce n'est
pas moi qui l'ai dit -, je me permets de reprendre les mêmes arguments !
Vous légitimez votre projet - et l'urgence - par le vote des Français et leurs
attentes en matière de sécurité.
D'emblée, je tiens à préciser que nul ici n'ignore la réalité de notre pays,
la mal-vie dans les quartiers difficiles, la violence, l'insécurité.
M. Dominique Braye.
Il ne suffit pas de le dire !
Mme Nicole Borvo.
Cette remarque est particulièrement fondée pour les élus communistes, élus le
plus souvent de quartiers populaires.
M. Dominique Braye.
Vous diminuez de jour en jour !
Mme Nicole Borvo.
Depuis des décennies, nous sommes aux premières loges de la détérioration du
tissu social.
A l'évidence, nos concitoyens aspirent à une vie meilleure, à l'emploi, à de
meilleurs salaires, à la tranquillité, au respect. De ce point de vue,
gouvernement et majorité précédents ne les ont pas convaincus, c'est un fait.
(Exclamations sur certaines travées du RPR et des Républicains et
Indépendants.)
M. Dominique Braye.
Vous en faisiez partie !
Mme Nicole Borvo.
Mais il n'en est pas moins vrai qu'il n'y eut pas réellement de débat de fond
sur les réponses à apporter et sur les choix à faire pour s'attaquer
durablement aux phénomènes de violence et d'insécurité au cours de la longue
période électorale que nous avons connue.
Le discours sur l'insécurité et la délinquance a envahi...
M. Dominique Braye.
La vie des Français !
Mme Nicole Borvo.
... le champ politique et médiatique à partir de l'été 2001. Le Président de
la République - alors futur candidat - a donné le « la » le 14 juillet 2001 et
la « déferlante » a couvert tout autre débat.
Les médias, notamment la radio et la télévision, ont adopté une attitude qui
mérite pour le moins réflexion.
La violence, qui est réelle et qui concerne toute la société, et la détresse
des victimes permettaient sans doute de faire de l'Audimat. Les présenter de
manière brute, sans analyse ni confrontation d'idées, fut un choix trop facile.
Cet étalage médiatique, le martèlement des ténors de la campagne de la future
majorité ont dévié le sens de la campagne électorale. Le débat de fond sur le
choix de société a été éludé.
Le résultat ne s'est pas fait attendre. Les intentions de vote pour le Front
national ont suivi la courbe de l'intonation des discours sécuritaires ; Le Pen
dépassa la barre des 16 % le 21 avril dernier et fut présent au second tour des
élections présidentielles. Cette réalité fait réfléchir. Il me semble qu'elle
fait même réfléchir tout le monde. Pourtant, vous continuez dans la même
voie.
Il y a une autre réalité, c'est la réaction aux résultats du 21 avril qui se
produisit le 1er mai : un million de personnes dans les rues de Paris, des
centaines de milliers dans toute la France. Ce fut un 1er mai de la tolérance,
de la République, d'une jeunesse que vous n'écoutez guère, monsieur le
ministre. Bien au contraire, vous la montrez souvent du doigt.
Cette vague a porté le Président de la République au pouvoir avec le résultat
que l'on connaît, non pas sur un fond de peur ou de haine, mais sur une
certaine idée de la liberté, de l'égalité et de la fraternité.
C'est à cette réalité que vous devriez réfléchir avant de vous empresser de
poursuivre dans la même voie. Le candidat Jacques Chirac semblait plus prudent
lorsqu'il déclarait, le 19 février 2002 : « Lorsqu'on évoque la sécurité, on
pense bien souvent que seuls la police et la justice sont en cause, mais en
réalité, la sécurité est l'affaire de tous. L'affaire des familles, de l'école,
des communes. [...] La famille qui doit être mieux aidée à assumer sa fonction
éducative [...] les municipalités et les associations devront être encouragées
à développer l'accueil des enfants avant et après l'école pour leur donner
aides aux devoirs et l'accès aux sports et à la culture ».
M. Dominique Braye.
C'est du baratin, cela !
Mme Nicole Borvo.
C'est du Jacques Chirac ! J'espère que vous ne considérez pas que c'est du
baratin !
M. Dominique Braye.
On le connaît par coeur !
Mme Nicole Borvo.
Bien sûr, mais je vous le rappelle !
Certes, monsieur le ministre, vous ne manquez pas d'évoquer quelques autres
objectifs du Gouvernement, notamment la politique de la ville, l'insertion, la
formation, l'emploi, ou encore l'intégration. Mais permettez-moi de souligner
quelques contradictions.
Pacte de stabilité oblige, choix libéral oblige, vous annoncez la limitation
des dépenses publiques. L'effort que vous programmez en matière de sécurité
sera payé par des restrictions ailleurs.
Nous sommes favorables - je le souligne - au fait de donner à la police les
moyens d'agir, mais nous verrons si le projet de loi de finances le permettra.
Il y a surtout un effet d'affichage, comme pour la justice.
Où sont les orientations d'une politique globale ? La prévention est traitée
très vaguement en une demi-page. Il en est de même pour le projet de loi
d'orientation et de programmation pour la justice, qui, ne traitait pas non
plus de réinsertion. Vous remettez à plus tard, comme vous nous l'avez dit ce
soir, monsieur le ministre. Quel dommage !
Reste la répression, présente dans les deux textes. Les intentions sont en
deçà de celles que M. Pasqua, qui, en 1994, alors qu'il présentait la
précédente loi d'orientation et de programmation, disait que la police ne
pouvait pas être la voiture balai de la société. Il ajoutait : « L'insécurité
est pour une large part le reflet des dysfonctionnements de la société, le
fruit des difficultés économiques ».
Traiteriez-vous M. Pasqua de laxiste ou d'idéologue ? Vous-même, lorsque vous
étiez en charge du budget, souteniez qu'il ne s'agissait pas tant de moyens que
d'orientation. D'ailleurs, à ce moment-là, les effectifs de la police étaient
en baisse !
Certes, votre texte concerne la police, pas les autres responsabilités de
l'Etat. Mais, hélas ! il y a un contenu.
Vous jetez l'opprobre sur les quartiers difficiles, sur les pauvres, les
jeunes.
(Murmures sur les travées du RPR.)
Vous ignorez superbement que,
si ces quartiers sont difficiles, c'est le fait d'une crise économique et
sociale qui dure depuis maintenant près de trente ans, déstructurant
profondément les rapports sociaux et précarisant la vie des habitants de ces
lieux où la pauvreté sévit, où l'on constate le délabrement de l'environnement,
des services publics, et où tous les maux sont ghettoïsés. Vous êtes si hostile
à la mixité sociale !
Quel est l'ordonnancement des préoccupations des Français ? Les études
d'opinion très changeantes en la matière peuvent parfois surprendre.
En 1999 - ce n'est pas si loin - un sondage du ministère de la ville montrait
la montée du sentiment réel de l'insécurité ressentie. Mais la montée de la
violence était due, pour 62 % des sondés, au chômage des jeunes, pour 37 % aux
conditions de vie dans les quartiers populaires, pour 28 % au manque de fermeté
des propos et pour 25 % seulement à l'insuffisance des effectifs de la police
!
Quant aux actions à mener, il fallait, pour 65 % d'entre eux, insérer les
jeunes dans le monde du travail, pour 64 % aider les parents en matière
éducative et, pour 34 %, renforcer la présence de la police.
Les acteurs les plus importants étaient pour 71 % les parents, pour 50 % les
éducateurs, pour 37 % les enseignants et pour 21 % les policiers.
Ces constats sont de bon sens. Et ce n'est pas être laxiste que d'exiger une
évolution profonde de notre société pour faire face à l'insécurité.
Une lutte efficace contre la violence exigerait une rupture claire avec des
choix qui privilégient la rentabilité financière à l'épanouissement humain.
Alors que tant de moyens sont nécessaires pour développer l'éducation, assurer
la santé et les retraites, construire des logements, améliorer le cadre de vie,
pourquoi faire à ceux qui n'en ont pas besoin des cadeaux tels que la baisse de
l'impôt sur le revenu ? Nous ne reprochons pas à un gouvernement d'agir, mais
dans quel sens ?
J'aurais souhaité, monsieur le ministre, vous entendre nous expliquer la
réalité de l'insécurité, chiffres à l'appui, sa diversité et ses différents
aspects. Cette analyse doit être faite pour déterminer les modalités de
traitement de la délinquance.
Vous nous répondez qu'il y a, d'un côté, ceux qui font des discours et, de
l'autre, ceux qui agissent. Nos concitoyens veulent que l'Etat agisse, c'est
certain, mais dans tous les domaines qui contribuent à leur mal-vie. De ce
point de vue, votre discours est éloquent.
En effet, vous affirmez que vous voulez développer une culture du résultat
fondée sur des indicateurs précis. Or, pour cela, comme l'a montré la
commission Pandraud-Caresche, il faudrait des statistiques plus fiables. Vous
avez dit ne pas vouloir la changer maintenant, mais il faudrait pourtant
distinguer incivilités, dégradations, injures, vols, agressions, viols et
meurtres !
A vous entendre, et certains ici, les meurtriers et les violeurs ne sont pas
punis par la loi ni poursuivis par la police ! C'est tout de même incroyable !
Pourtant, tout le monde ici connaît le code pénal. Savez-vous que le nombre de
personnes en prison ne cesse d'augmenter ces dernières années ?
Grande et petite délinquance, incivilités, injures, agressions, meurtres et
viols ne peuvent se traiter de la même manière. Prenons l'exemple des GIR.
Sont-ils vraiment adaptés pour traiter les problèmes de la violence dans le
métro ? Pour les professionnels eux-mêmes, cette structure est adaptée pour
combattre le crime organisé. Mais là n'est pas la source de l'exaspération
populaire ! En revanche, elle s'avère inadaptée pour réagir aux incivilités et
aux délits plus modestes. L'opération démesurée dans le quartier Picasso, à
Nanterre, l'atteste.
Je regrette au passage, monsieur le ministre, que les quartiers populaires
soient les seuls objets de votre attention.
Les grands délinquants, ceux qui vivent du trafic et du blanchiment de
l'argent sale, résident, eux, ailleurs que dans les quartiers populaires. Ils
résident dans des villes comme la vôtre ou à Paris, et plutôt dans le XVIe que
dans le XVIIIe arrondissement ! Ce sont bien eux qui organisent les trafics, et
leurs « petites mains » roulent en Mercedes !
Votre action doit porter non seulement sur les biens, mais aussi sur les
paradis fiscaux, qui reçoivent le fruit des pratiques illicites !
Sur le projet de loi lui-même, je souhaite, sans revenir sur les propos de mon
collègue Robert Bret, m'interroger sur la pratique des annexes.
Le Parlement ne devrait pas, selon moi, accepter de légiférer de la sorte. Les
annexes, comme cela a été dit, n'ont aucune valeur normative. Elles constituent
de simples déclarations d'intention. Preuve que la précipitation n'est pas
bonne conseillère. Certains de la majorité ont ici, en d'autres temps, critiqué
cette méthode des annexes.
Les effets d'annonce de votre première annexe n'en sont pas moins inquiétants.
Lorsque, dans un seul élan, y sont évoqués pêle-mêle, l'absentéisme scolaire,
l'immigration clandestine, la mendicité, les gens du voyage, les prostituées et
les trafiquants de stupéfiants, je crains de voir se profiler à nouveau une
politique du bouc émissaire et un amalgame dangereux pour les libertés
publiques, comme en témoignent la généralisation de la vidéo-surveillance, les
fichiers, etc.
Prenons l'exemple des gens du voyage, souvent cités ce soir. Pourquoi
confondre les ressortissants français et, par exemple, les citoyens roumains,
qui vivent une situation très difficile chez eux et provoquent des désordres du
fait de l'absence de coordination et de réflexion de nos autorités ?
Vous allez rencontrer le ministre roumain de l'intérieur. Tant mieux ! Mais
alors, pourquoi faire l'amalgame entre tous les gens du voyage ?
L'absentéisme scolaire est, vous le savez, sanctionné par les caisses
d'allocations familiales. Pourquoi ne pas se préoccuper de mieux prévenir les
caisses et d'entendre les responsables d'associations familiales qui ont engagé
une réflexion sur la responsabilité des parents, notamment à partir des
exemples de réussite ? Car il y en a dans les quartiers populaires !
Vous indiquez clairement vouloir légaliser les arrêtés municipaux bien connus,
comme ceux qui instituent les couvre-feux, qui interdisent la présence des
jeunes dans les cages d'escaliers, ou encore les arrêtés anti-mendicité...
Vous voulez même créer une infraction particulière concernant les prostituées
étrangères. J'avais pourtant cru comprendre que la nécessité de combattre, sous
toutes ses formes, l'esclavage dont sont victimes, quelle que soit leur
nationalité, les êtres humains - femmes et enfants - faisait l'objet d'un
consensus dans notre pays !
Vos effets d'annonce sont-ils efficaces ? Permettez-moi d'en douter. En tout
état de cause, il y a loin de vos annonces au traitement en profondeur des
problèmes !
Je me suis laissée dire que nombre d'hommes politiques français avaient rendu
visite à l'ancien maire de New York, M. Guiliani, qui a « nettoyé » la ville.
La délinquance a-t-elle diminué outre-Atlantique ? La société américaine
est-elle moins violente ? Là encore, au vu des faits divers, nous pouvons en
douter.
Une vaste concertation avec tous les acteurs sans exception devrait être
menée. Il faut tourner le dos aux discours de ces derniers mois qui, en
focalisant le débat sur les quartiers les plus pauvres et sur les jeunes,
pousse à la confrontation sociale. C'est indispensable pour apporter des
réponses durables, susceptibles de mobiliser l'ensemble de la société.
Tel est l'objet de la question préalable que nous vous proposons d'adopter.
(Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et
citoyen, ainsi que sur les travées socialistes.)
M. le président.
La parole est à M. Patrice Gélard, contre la motion.
M. Patrice Gélard.
Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, j'ai été frappé,
en écoutant très attentivement notre collègue Mme Borvo, de constater à quel
point son discours était sécuritaire !
En effet, elle a regetté que nous ne prenions pas plus de mesures pour mener à
bien une politique qui aboutirait à une sécurisation totale.
J'ai eu aussi l'impression qu'elle se trompait de ministre, et qu'elle
s'adressait non pas au ministre de l'intérieur, mais à un ministre qui serait
en charge, en plus de l'intérieur, des affaires sociales, de l'éducation, de la
santé publique et de la ville !
Mme Hélène Luc.
Mais la sécurité, c'est tout cela !
M. Patrice Gélard.
En réalité, Mme Borvo a répété ce qu'elle avait déjà dit lors du discours de
politique générale du Premier ministre, et j'ai cru que, ce soir, elle s'était
trompée et qu'elle avait pris Nicolas Sarkozy pour le Premier ministre.
(Rires.)
M. Robert Bret.
Ne rouvrez pas ce dossier !
Mme Hélène Luc.
Pourquoi pas !
M. Patrice Gélard.
En effet, dans l'exposé des motifs de la motion tendant à opposer la question
préalable, on met en cause l'école, la formation professionnelle, le droit à
l'emploi, la lutte contre la précarité, le logement, la restructuration urgente
de l'urbanisme. Ce sont effectivement des problèmes importants, dont les autres
ministres viendront discuter devant nous. Mais, ce soir, nous parlons
simplement de la nécessité d'adopter des mesures pour assurer la première des
libertés des citoyens : la sécurité, et rien d'autre ! Il n'y a pas de liberté
possible sans sécurité !
Mme Hélène Luc.
Vous n'êtes pas d'accord avec ce qu'a dit le Président de la République !
M. Patrice Gélard.
Et, pour assurer cette sécurité, le texte qui nous est proposé aujourd'hui
comporte six articles, plus deux qui ont été insérés par l'Assemblée nationale.
Je ne vois pas, dans ces articles, le « tout répressif » que l'on a mentionné
ici ou là.
L'article 1er prévoit des orientations : celles que le Gouvernement, le
Premier ministre et le Président de la République ont défendues devant nos
concitoyens.
Vous n'avez peut-être pas eu de réunions électorales comme nous en avons tous
eu au cours des deux dernières campagnes électorales, madame Borvo. Il fallait
écouter nos concitoyens dans ces réunions publiques : leurs questions
concernaient presque uniquement la sécurité. Encore maintenant, dans nos
comités de quartier, dans nos villes, quels sont les problèmes qui agitent nos
concitoyens jour après jour si ce n'est ceux de la sécurité quotidienne ?
M. Dominique Braye.
Absolument !
M. Patrice Gélard.
Les comités de quartier sont présents non seulement dans les quartiers
bourgeois, mais également dans les quartiers difficiles, madame Borvo, ces
quartiers que vous nous accusez de méconnaître ou de mésestimer. Ce sont
justement ceux-là qui mobilisent en permanence les maires, les comités de
quartier, les conseils généraux. Ce ne sont pas les quartiers bourgeois qui
nous posent des problèmes !
M. le ministre nous propose de respecter l'engagement solennel du Gouvernement
et de concrétiser les promesses pour lesquelles nous avons été élus. Parmi ces
engagements figure l'action. Croyez-vous que les électeurs auraient accepté
qu'une fois élus les députés partent en vacances jusqu'au mois de septembre
sans légiférer...
Mme Hélène Luc.
Le problème n'est pas là ! On est prêts à travailler !
M. Patrice Gélard.
... et que l'on dise que la situaton s'améliorera toute seule simplement parce
que l'on a un bon ministre capable de bien gérer les choses ? Non, il fallait
d'ores et déjà montrer à quel point nous avions l'intention d'agir. Or,
précisément, nous ne pouvions le faire qu'à partir d'orientations. Nous
verrons, dans les années à venir, mois après mois, se bâtir l'édifice qui
permettra de faire en sorte que la sécurité devienne une réalité pour nos
concitoyens.
S'agissant des autres articles du projet de loi, l'article 2 relatif aux
crédits, est un bon article. D'ailleurs, nos collègues socialistes en sont
convenus. Comment peut-on être contre l'augmentation des crédits de la police,
de la gendarmerie et des moyens permettant d'assurer la sécurité de nos
concitoyens ?
Attention, la sécurité, ce n'est pas la répression ! Il ne faut pas confondre
! La sécurité consiste à assurer au quotidien la défense des droits et des
libertés des citoyens et à faire en sorte que la liberté s'arrête là où
commence celle des autres, ce qu'on a trop souvent oublié.
L'article 3 concerne la maîtrise d'ouvrage publique. Personnellement, cet
article me donne entière satisfaction : il permettra de construire des
gendarmeries et des commissariats en deux ans, contre cinq ans actuellement,
quand on arrive à les construire.
Pour ce qui est de l'article 4 relatif à la limite d'âge des gendarmes,
augmenter d'un an la possibilité pour un gendarme de rester en exercice
constituerait une atteinte répressive indiscutable ; ce serait dramatique...
Et ne parlons pas des articles 4
bis
et 4
ter
ajoutés par
l'Assemblée nationale, qui, en fin de compte, ne représentent que des mesures
de détail, mais urgentes, qu'il fallait adopter.
L'article 5 relatif à l'évaluation des résultats obtenus au regard des
objectifs fixés serait répressif... Monsieur le ministre, je crains que ces
évaluations, qui seront soumises au Parlement, ne soient très « répressives » à
votre égard.
(M. le ministre sourit.)
Mais tant mieux ! Au moins, le
Parlement sera associé à votre action, ce dont nul ne pourra se plaindre.
Enfin, l'article 6 concerne l'application de la loi à la Nouvelle-Calédonie, à
la Polynésie française, à Wallis-et-Futuna et à Saint-Pierre-et-Miquelon. Là
encore, je me demande où se trouve la répression !
En fait, madame Borvo, vous avez simplement établi un diagnostic, qui est à
peu près conforme au nôtre : nous aussi nous estimons que l'insécurité est
grandissante. D'ailleurs, vous appelez cela non pas « insécurité », mais «
atteinte à la tranquillité publique ». Je crois que l'on a un peu dépassé ce
stade ! Le diagnostic a été fait. Dès lors, il faut préciser quels sont les
symptômes de la maladie. Or vous refusez de dire là où cela fait mal : la
drogue, la prostitution, les émigrés clandestins. C'est tout de même là que se
trouvent les causes de l'insécurité ! Il ne faut pas fermer les yeux ! En
réalité, vous avez des lunettes déformantes, lesquelles peuvent parfois - et
c'est grave - conduire à la cécité.
Mme Nicole Borvo.
On voit quand même !
M. Patrice Gélard.
Car la thérapeutique que vous nous proposez avec la question préalable est
toute simple : elle consiste à renvoyer le problème à plus tard et à ne rien
faire ! Voilà ce que vous nous proposez !
Mme Hélène Luc.
Ce que vous dites est inexact !
M. Patrice Gélard.
En réalité, vous tenez le même discours que celui que nous avons entendu
pendant cinq ans : cela va mal, mais il ne faut citer personne, aucune
catégorie, parce que l'on aboutirait à des exclusions. Mais une fois le
discours prononcé, on n'agit plus. Eh bien ! telle n'est pas notre méthode !
Nous allons donc suivre le ministre et repousser cette motion tendant à
opposer la question préalable.
(« Très bien ! » et applaudissements sur les
travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi
que sur certaines travées du RDSE.)
M. Jean-Patrick Courtois,
rapporteur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Patrick Courtois,
rapporteur.
La commission a considéré que les Françaises et les Français
nous avaient adressé deux messages à l'occasion des dernières élections :
l'insécurité est leur principale préoccupation ; le Gouvernement doit agir et
apporter des réponses à cette insécurité.
Aujourd'hui, vous nous présentez, monsieur le ministre, un texte ambitieux,
mais réaliste qui répond en tous points à l'attente des Français. La commission
des lois a donc considéré qu'il devait être adopté conforme.
Dès lors, il va sans dire que la commission des lois invite le Sénat à rejeter
la motion tendant à opposer la question préalable.
(« Très bien ! » et
applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de
l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix la motion n° 9, tendant à opposer la question préalable.
Je rappelle que l'adoption de cette motion entraînerait le rejet du projet de
loi.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe communiste
républicain et citoyen.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions réglementaires.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président.
Personne ne demande plus à voter ? ...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
Nombre de votants | 317 |
Nombre de suffrages exprimés | 315 |
Majorité absolue des suffrages | 158 |
Pour l'adoption | 107 |
Contre | 208 |
Le Sénat n'a pas adopté.
En conséquence, nous passons à la discussion des articles.
Article 1er et annexe I
M. le président.
« Art. 1er. - Les orientations de la politique de sécurité intérieure figurant
à l'annexe I sont approuvées. »
Je donne lecture de l'annexe I :
« ANNEXE I
« Rapport sur les orientations de la politique
de sécurité intérieure
« La sécurité est un droit fondamental et l'une des conditions de l'exercice
des libertés individuelles et collectives.
« L'Etat a le devoir d'assurer la sécurité en veillant sur l'ensemble du
territoire de la République à la défense des institutions et des intérêts
nationaux, au respect des lois, au maintien de la paix et de l'ordre public, à
la protection des personnes et des biens.
« Or, de 1981 à 2001, l'ensemble des faits constatés par la police nationale
et la gendarmerie nationale ont augmenté de 40 % et, pour la première fois, la
barre des quatre millions de crimes et de délits a été franchie en 2001.
« Deux tendances se dégagent de cette période de vingt ans :
« - l'une quantitative, l'augmentation exponentielle de la délinquance, que
les chiffres illustrent de manière éloquente ;
« - l'autre qualitative, l'importance prise par les violences contre les
personnes, qui ne sont pas seulement liées à la classique délinquance
d'appropriation mais qui prennent de plus en plus la forme de violences
gratuites, voire de violences d'humiliation.
« Cette situation qui frappe particulièrement les personnes les plus faibles
porte atteinte aux principes fondamentaux de liberté, d'égalité et de
fraternité et constitue une menace pour la cohésion nationale.
« Ce constat de la réalité quotidienne doit conduire à la définition de
priorités opérationnelles s'agissant notamment de :
« - la montée de l'insécurité hors des grandes agglomérations. C'est
l'indication nette que certains malfaiteurs n'hésitent pas à frapper loin de
leurs bases en tirant profit de l'amélioration des réseaux de transport. C'est
surtout le signe que de nouvelles catégories de la population ont basculé dans
la délinquance et que des comportements délictuels qui se manifestaient presque
exclusivement en milieu très urbanisé ont gagné les petites villes, voire les
zones rurales. Ceci constitue une situation nouvelle à laquelle notre pays est
confronté. Elle impose de revoir la répartition des zones de compétences entre
les forces de sécurité intérieure et d'adapter l'organisation ainsi que les
modes de fonctionnement des services ;
« - la multiplication des zones où l'Etat n'exerce plus de façon suffisante la
protection à laquelle nos concitoyens ont droit. L'éradication des zones de non
droit livrées à l'économie souterraine et à la loi des bandes constitue un
devoir prioritaire ;
« - la montée de la délinquance des mineurs, dont la part dans la délinquance
de voie publique est passée de 28 % en 1995 à 36 % en 2001. Cette délinquance
dont les auteurs sont de plus en plus jeunes et de plus en plus violents est
encouragée par la relative impunité dont ils bénéficient. Il importe de donner
aux services enquêteurs les moyens nécessaires pour mettre un terme à cette
situation inacceptable ;
« - le développement du trafic de drogues qui génère, en amont comme en aval,
de multiples formes de délinquance et constitue un fléau sanitaire qui frappe
en priorité les jeunes. Dans ce contexte, la nocivité de toutes les drogues
doit être reconnue et la dépénalisation de l'usage de certains produits
stupéfiants doit être rejetée.
« Derrière les faits constatés de criminalité et de délinquance, il y a
d'abord des victimes. Lorsqu'on indique que les faits constatés ont globalement
progressé de 13,92 % entre 1998 et 2001, cela signifie qu'il y a eu 487 267
victimes supplémentaires, soit plus que la population de la ville de Lyon. La
prise en compte par l'Etat de cette dimension humaine de la délinquance, à tous
les stades de la procédure, est aussi un devoir. L'accueil, l'information et
l'aide aux victimes sont donc pour les services de sécurité intérieure une
priorité. Le rôle de l'Etat étant de restituer la justice et non de prodiguer
la consolation, il convient de reconnaître à la victime un véritable statut lui
garantissant une réponse systématique et homogène, une réponse rapide, adaptée
et lisible non seulement de la part de la justice mais également des forces de
sécurité qui, parce qu'elles sont souvent les premières averties, doivent
s'acquitter de leur devoir de conseil en adressant les victimes à l'organisme
approprié ou à la maison de justice et du droit la plus proche ; ils doivent en
outre être en mesure de recueillir avec soin à tout moment les plaintes des
victimes. Une "charte de qualité" en fixant les modalités sera établie pour la
police nationale et pour la gendarmerie nationale.
« La loi d'orientation et de programmation relative à la sécurité du 21
janvier 1995 a, pour la première fois, posé les principes et les orientations
permanents de la politique de sécurité.
« Ces principes et ces orientations constituent des acquis, sur le fondement
desquels une nouvelle étape doit être franchie.
« En effet, la création, voulue par le Président de la République, d'un
ministère en charge de la sécurité intérieure donne à l'Etat des moyens
d'action nouveaux dont il importe de tirer les conséquences.
« Pour exercer sa mission de sécurité intérieure, l'Etat dispose, à titre
principal, d'une part de la police nationale et d'autre part de la gendarmerie
nationale dont les personnels ont le statut militaire et qui conserve son
rattachement organique au ministère de la défense.
« Cette spécificité permet à la gendarmerie nationale de constituer, au sein
des forces de sécurité intérieure, un élément de continuité de l'action de
l'Etat avec le domaine de la défense.
« Le ministre en charge de la sécurité intérieure bénéficie du concours
d'autres services de l'Etat, notamment de la direction générale des douanes et
droits indirects, de la direction générale des impôts et de la direction
générale de la concurrence et de la consommation.
« Les orientations qui sont présentées ci après constituent le programme
d'action en matière de sécurité intérieure que le Gouvernement se propose, avec
le concours du Parlement, de mettre en oeuvre dans les cinq prochaines
années.
« Il s'articule autour de deux objectifs principaux :
« - celui de fixer la nouvelle architecture institutionnelle de la sécurité
intérieure et d'en tirer les conséquences sur les missions et l'organisation
des forces de sécurité intérieure et le rôle des autres acteurs publics ou
privés ;
« - celui de donner aux services de sécurité intérieure un cadre juridique
rénové leur permettant de lutter plus efficacement contre certaines formes de
criminalité et de délinquance. Certaines des dispositions correspondant à cet
objectif figurent dans la loi d'orientation et de programmation pour la
justice.
« Un code de la sécurité intérieure regroupant l'ensemble des textes qui
intéressent la sécurité publique et la sécurité civile sera préparé.
« PREMIÈRE PARTIE
« PRINCIPES GÉNÉRAUX
« I. -
Fixer la nouvelle architecture institutionnelle
de la sécurité intérieure
« Les orientations présentées ci après fixent la nouvelle architecture
institutionnelle de la sécurité intérieure.
« Au niveau national, le Conseil de sécurité intérieure, présidé par le
Président de la République, détermine les orientations générales de la
politique menée dans le domaine de la sécurité intérieure et fixe les grandes
priorités.
« Les objectifs nationaux, approuvés par le Gouvernement, sont définis et mis
en oeuvre par le ministre en charge de la sécurité intérieure.
« Cette organisation nationale est transposée au niveau départemental où le
préfet assure la coordination de l'ensemble du dispositif de sécurité
intérieure, sans préjudice des compétences de l'autorité judiciaire.
« Les objectifs nationaux sont déclinés par les conférences départementales de
sécurité coprésidées par le préfet et le procureur de la République, en tenant
compte des caractéristiques de chaque département.
« Ces conférences publient une fois par an un rapport faisant état de la
situation de la sécurité dans le département. Ce rapport est communiqué, pour
information, aux parlementaires, au président du conseil général et aux maires
du département.
« Une politique de gestion par objectifs sera instaurée. Les résultats obtenus
en matière de lutte contre l'insécurité seront régulièrement évalués et
comparés aux objectifs fixés. Les responsables locaux de la police et de la
gendarmerie rendront compte de ces résultats, chacun pour ce qui les concerne,
et il en sera tenu compte dans leur progression de carrière.
« Enfin, l'ancrage des forces de sécurité intérieure dans la démocratie locale
sera assuré grâce à la mise en place de conseils locaux de sécurité et de
prévention de la délinquance qui constituent l'instance de concertation sur les
priorités de la lutte contre l'insécurité. Informés régulièrement des
indicateurs de la délinquance et de l'ensemble des moyens mis en oeuvre par les
services de police et les unités de gendarmerie, ils seront en mesure
d'exprimer les attentes de la population en matière de sécurité de proximité.
En matière de prévention de la délinquance, cette action de proximité sera
conduite en coordination avec le conseil départemental de prévention.
« Les conseils locaux de sécurité et de prévention de la délinquance, présidés
par les maires, auront pour mission de répertorier les actions de prévention
existantes, de dégager une stratégie s'appuyant sur des objectifs déterminés et
d'animer une politique cohérente en fonction de ces objectifs.
« Ils s'appuieront sur toutes les compétences utiles, notamment celles des
services concernés de l'Etat et des collectivités locales, des acteurs sociaux,
du monde associatif, des bailleurs et des sociétés de transport collectif.
« Les résultats de cette politique seront appréciés à travers la publication
d'indicateurs, qui donneront lieu à un rapport annuel, soumis au conseil
départemental de prévention.
« Les conditions dans lesquelles les compétences des conseils locaux de
sécurité et de prévention de la délinquance pourront être étendues seront
examinées. Une mission de réflexion sera confiée à cet effet à un élu.
« Sur le plan opérationnel, l'accent sera mis sur les formes d'action
permettant d'associer tous les services de l'Etat concernés :
« - d'une part, au niveau national, par le renforcement des offices centraux
de police judiciaire déjà existants, chargés de lutter contre les formes
spécialisées de délinquance, et par la création d'un nouvel office central
chargé de la recherche des malfaiteurs en fuite, ainsi que la transformation de
la cellule interministérielle de lutte contre la délinquance itinérante (CILDI)
en office central ;
« - d'autre part, au niveau local, grâce aux groupes d'intervention régionaux
(GIR), destinés à lutter contre la délinquance violente, les trafics illicites
et l'économie souterraine, en particulier dans les zones sensibles. Ces groupes
seront associés à la lutte intérieure contre les réseaux d'immigration
clandestine. Ils permettront de conjuguer l'action des services de police et de
gendarmerie avec celle des douanes, des services fiscaux et des services de la
concurrence et de la répression des fraudes ainsi que des directions du travail
et de l'emploi. Les groupes d'intervention régionaux prendront en charge les
délits commis par les gens du voyage lorsqu'ils présenteront les
caractéristiques justifiant l'intervention de plusieurs administrations,
notamment fiscale.
« Par ailleurs, il appartient aussi à l'Etat de veiller à ce que les maires et
leurs services exercent leurs fonctions dans un cadre qui organise la
complémentarité avec les services de l'Etat. Les maires pourront prendre
l'initiative de faire des suggestions au préfet ou au procureur de la
République qui coprésident la conférence départementale de sécurité et qui
déterminent également les priorités d'action des GIR.
« La conclusion de conventions de coopération entre le représentant de l'Etat
et le maire au sujet des rapports entre les services de la police nationale et
les unités de la gendarmerie nationale, d'une part, et les polices municipales
et les gardes champêtres, d'autre part, sera encouragée.
« En Polynésie française, les agents de la police municipale feront l'objet
d'un agrément conjoint du haut commissaire et du procureur de la République et
seront assermentés pour exercer leurs fonctions d'agent de police
judiciaire.
« De manière plus générale, les moyens de renforcer l'action des polices
municipales seront recherchés.
« Enfin, l'Etat veillera à ce que les autres acteurs de la sécurité que sont
les professions de sécurité exercent leurs activités dans des conditions qui
permettent les complémentarités. C'est ainsi que la loi du 12 juillet 1983
réglementant les activités privées de surveillance, de gardiennage et de
transport de fonds sera étendue à la collectivité départementale de Mayotte.
« Il incombe également à l'Etat de veiller à ce que les différentes
réglementations en vigueur incluent la dimension relative à la sécurité. Dans
ce domaine, seront proposées notamment, dans le respect des normes européennes,
des dispositions prévoyant la neutralisation des téléphones portables volés
ainsi que l'immobilisation automatique des véhicules pour faire obstacle aux
vols.
« II. -
Utiliser de manière plus cohérente et efficace les forces de
sécurité intérieure pour faire face aux nouvelles exigences de la
sécurité
« Le présent programme d'action gouvernementale vise à mieux garantir le droit
des citoyens à la sécurité en faisant reculer la délinquance. Tous les moyens
humains et matériels nécessaires seront mis en oeuvre pour faire disparaître
les zones de non droit du territoire français.
« A. -
Définir la nouvelle doctrine d'emploi
des forces mobiles
« Les forces mobiles ont été créées dans un contexte historique particulier
marqué par des périodes d'émeutes et de troubles collectifs.
« La démocratie apaisée que notre pays connaît depuis de nombreuses années
permet aujourd'hui un changement radical de la doctrine d'emploi des forces
mobiles.
« Cette politique systématique rompant avec la priorité de l'ordre public
permet de mettre les 30 000 hommes qui constituent aujourd'hui les forces
mobiles au service de la sécurité quotidienne.
« Les orientations présentées prévoient que, sans rien perdre de leur
identité, ni de leur spécialisation dans le maintien de l'ordre, la plus grande
partie des forces mobiles, compagnies républicaines de sécurité (CRS) et
escadrons de gendarmerie mobile (EGM), sera employée en appui des missions de
la direction centrale de la sécurité publique et de la gendarmerie
départementale, dans leurs régions d'implantation. Les CRS et EGM seront
prioritairement déployés dans les zones de compétence respective des deux
forces.
« Ces forces supplémentaires seront mises à la disposition des services
locaux, pendant toute la durée nécessaire, afin de leur permettre d'effectuer
les opérations de sécurisation que la situation impose.
« La vocation de ces forces à intervenir pour les besoins de l'ordre public,
ainsi que le régime indemnitaire spécifique lié à cette spécialisation, seront
naturellement préservés sous réserve des ajustements éventuellement
nécessaires.
« B. -
Parvenir à un redéploiement rationnel et équilibré, d'une part,
entre les zones de compétence de la police nationale et de la gendarmerie
nationale, d'autre part, au sein même de celles-ci
« Une répartition plus rationnelle sera recherchée entre les zones de
compétence de la police nationale et de la gendarmerie nationale. Il conviendra
ainsi de corriger, par le biais d'échanges compensés, les situations qui
présentent au plan local un manque de logique opérationnelle. Chaque force
devra s'organiser pour prendre effectivement en charge les missions de sécurité
publique dans l'ensemble de la zone de responsabilité qui lui est confiée.
« Au sein même des zones attribuées à chaque force, la répartition des
effectifs devra tenir compte de la réalité des besoins de sécurité. Dans la
zone de gendarmerie, le maillage territorial, confirmé dans son principe,
pourra toutefois faire l'objet d'adaptations locales afin d'optimiser l'offre
de sécurité au regard de l'évolution de la démographie et de la délinquance.
Afin de mieux mutualiser les moyens, l'organisation du service sera développée
autour du concept de communauté de brigades.
« Cet effort de rationalisation aura pour objectifs d'assurer une meilleure
qualité du service offert à la population et d'améliorer les performances des
deux forces, notamment s'agissant du taux d'élucidation des crimes et
délits.
« C. -
Mettre un terme à l'emploi des policiers et des gendarmes dans
des fonctions qui ne sont pas strictement liées à la sécurité
« L'efficacité des forces de gendarmerie et de police impose qu'elles se
consacrent à leurs métiers et ne soient pas immobilisées par des tâches
administratives. Les dispositions nécessaires seront prises pour que les tâches
administratives et techniques actuellement remplies par des policiers et des
gendarmes soient confiées à des agents relevant d'autres statuts. Certaines de
ces tâches techniques, telles que l'entretien du parc automobile, seront, à
chaque fois que possible, transférées au secteur privé.
« Dans le même esprit, les gardes statiques confiées aux policiers et
gendarmes seront réduites au strict minimum. Il sera plus largement fait appel
à l'externalisation de cette mission et aux moyens techniques de
surveillance.
« Une réflexion sera lancée sur les moyens de transférer à l'administration
pénitentiaire la charge des extractions et transfèrements de détenus ainsi que
la surveillance des détenus hospitalisés. Des premières propositions devront
être faites dans le délai de six mois à compter de la promulgation de la
présente loi.
« III. -
Mieux équilibrer la police de proximité
et l'action judiciaire des forces de sécurité intérieure
« A. -
Consolider la police de proximité
« L'objectif d'instaurer une police de proximité, initialement fixé par la loi
d'orientation pour la sécurité du 21 janvier 1995, sera maintenu. Cependant, sa
mise en oeuvre ne doit pas se faire au détriment des capacités d'action
judiciaire et de la présence nocturne des forces. Ces capacités, affaiblies au
cours des dernières années, doivent être remises à niveau.
« De même, la doctrine d'emploi de la gendarmerie nationale restera marquée
par l'importance de la proximité mais sera adaptée en tant que de besoin.
« B. - Développer l'action judiciaire
« Une présence accrue sur la voie publique n'a de sens que si elle est
prolongée par la recherche active et systématique des auteurs d'infractions
afin qu'ils soient, dans les meilleurs délais, interpellés et mis à disposition
de l'autorité judiciaire.
« Les capacités d'action de la police nationale et de la gendarmerie nationale
dans le domaine judiciaire doivent donc être développées.
« a)
Augmenter le nombre des officiers de police judiciaire et revaloriser
cette compétence
« Le nombre des agents ayant la qualification d'officier de police judiciaire
sera sensiblement augmenté sur la durée de la loi de programmation, notamment
dans le corps de maîtrise et d'application de la police nationale. A cet effet,
le dispositif de formation à la qualification d'officier de police judiciaire
sera rénové. Cette qualification sera mieux prise en compte dans la progression
de carrière. Dans les deux corps, les indemnités liées à cette qualification
seront revalorisées.
« b)
Etendre la compétence territoriale des officiers de police
judiciaire
« La compétence territoriale des officiers de police judiciaire sera étendue.
Les officiers de police judiciaire en fonction dans les circonscriptions de
sécurité publique de la police nationale et les brigades de la gendarmerie
nationale verront leurs compétences élargies à l'ensemble du département dans
lequel ils exercent leurs attributions.
« Pour certains agents et militaires spécialisés dans des missions de police
judiciaire particulières, cette compétence pourra être étendue à la zone de
défense.
« L'exercice permanent des attributions d'agent de police judiciaire sera
redonné aux gendarmes mobiles et CRS pour valoriser leur emploi dans les
missions de sécurisation.
« Les fonctionnaires affectés au service de sécurité des transports de la
région d'Ile de France recevront une habilitation correspondant à la compétence
géographique de leur service.
« c)
Développer les moyens de la police technique et scientifique
« Les moyens de la police technique et scientifique seront renforcés. Le
développement d'outils d'investigation performants sera poursuivi afin
d'obtenir, par la généralisation de nouveaux modes d'administration de la
preuve, une amélioration du taux d'élucidation des faits constatés.
« L'utilisation, l'alimentation et le rapprochement des grands fichiers de
police technique et scientifique seront développés.
« L'efficacité du fichier national automatisé des empreintes génétiques
(FNAEG) sera renforcée par une accélération de la mise en place des équipements
des laboratoires, qui conditionne l'extension du champ d'application de la
prise d'empreintes à de nouvelles infractions ou à de nouveaux stades de
l'enquête judiciaire.
« Le rapprochement des grands fichiers de police criminelle de la police et de
la gendarmerie nationale (STIC, JUDEX) sera favorisé, au besoin en conférant
une base législative aux échanges d'informations indispensables à l'efficacité
des enquêtes judiciaires.
« Les données doivent être inscrites aux fichiers dans un délai très
sensiblement réduit.
« Le système de traitement uniformisé des produits stupéfiants (fichier STUP)
fera l'objet d'un rapprochement entre les bases de données de la police, de la
gendarmerie et des douanes sous la forme d'une mise en réseau des informations
détenues par ces trois services.
« Pour faciliter le déroulement des investigations, une architecture intégrée
des fichiers informatiques de la sécurité intérieure sera mise en place. Les
fichiers de la police nationale et de la gendarmerie nationale seront mis en
cohérence. A terme, tous les agents de la sécurité intérieure habilités devront
avoir accès à toutes les bases documentaires de recherches criminelles liées à
la sécurité intérieure.
« Une meilleure complémentarité des installations de police technique et
scientifique, et notamment des laboratoires, des deux forces sera
recherchée.
« d)
Adapter l'organisation des services de la gendarmerie nationale à
l'exigence judiciaire
« Les moyens des sections de recherches seront accrus.
« Des brigades de recherches seront constituées dans chaque compagnie de
gendarmerie et des plates formes judiciaires dans chaque groupement. Dans
chaque région seront développées des capacités d'appui aux unités de recherches
et notamment à la section de recherches, spécialisée dans la lutte contre la
moyenne et la grande délinquance.
« IV. -
Adapter l'organisation, l'administration
et la gestion aux nouveaux enjeux de la sécurité
« L'organisation administrative des services sera modernisée.
« a)
Restructuration des services relevant de la direction centrale de la
police judiciaire
« L'adaptation du maillage territorial des services relevant de la direction
centrale de la police judiciaire par le regroupement des dix neuf services
régionaux de police judiciaire existants autour de neuf directions
interrégionales permettra d'élargir la compétence territoriale des enquêteurs,
de répondre aux défis de la coopération transfrontalière, et par la
mutualisation de certains effectifs et équipements, d'accroître le potentiel
opérationnel à la disposition des enquêteurs.
« b)
Réorganisation de la gendarmerie en zone périurbaine
« Un renforcement et une réorganisation des unités de gendarmerie situées en
zone périphérique des agglomérations seront mis en oeuvre afin de permettre à
ces unités d'adapter leurs structures et leurs modes de fonctionnement aux
attentes spécifiques de la population ainsi qu'à l'évolution de la délinquance
et de l'urbanisation.
« c)
Nouvelle organisation de la gendarmerie dans les zones rurales
« La où, du fait des évolutions du territoire, les brigades de gendarmerie ne
disposent plus de moyens leur permettant de fonctionner de façon autonome, il
sera possible de les regrouper en communautés de brigades dotées d'un
commandement unique agissant sur une circonscription cohérente. Comme en zone
périurbaine, sans sacrifier la proximité avec la population qui, où qu'elle
habite, a droit à une présence active des forces de sécurité, il convient que
celles ci disposent d'une véritable capacité opérationnelle à la mesure des
besoins.
« d)
Mise en commun de moyens
« L'efficacité de la police nationale et de la gendarmerie sera renforcée par
des dispositions leur permettant de mettre en commun certains moyens, sous
réserve des contraintes liées au déploiement territorial particulier de la
gendarmerie nationale et à ses missions militaires : fonctions logistiques
(passation de marchés publics, utilisation réciproque des moyens d'entretien
automobile) et actions de formation, de recherche et d'information. Les gains
d'efficacité qui en résulteront traduiront de manière concrète les avantages
qui découlent de la création d'un ministère unique chargé de la sécurité
intérieure.
« e)
Adaptation et modernisation de la formation des personnels
« La formation, tant initiale que continue, constitue un outil de management
indispensable dans toute organisation moderne, d'autant plus que les
technologies progressent à une vitesse sans précédent. C'est pourquoi la
formation devra constamment évoluer et s'adapter aux nécessités
opérationnelles.
« Les règles de déontologie, le perfectionnement des connaissances en matière
de droit et de procédure, les techniques d'intervention dans les quartiers
sensibles, le renseignement, les technologies nouvelles ainsi que la gestion
des ressources humaines et budgétaires constituent les grands axes de cette
action de formation.
« f)
Déconcentration des pouvoirs de gestion
« Des pouvoirs de gestion accrus seront transférés aux gestionnaires
déconcentrés, soit à titre expérimental, soit à titre définitif. Ils
s'appuieront, notamment, sur une plus grande globalisation de leurs moyens. Par
exemple, pour la police nationale, les achats de véhicules légers pourront être
intégrés dans la dotation globale déconcentrée des services et, au moins dans
certains départements, l'affectation des effectifs au sein du département
pourra être effectuée par le préfet.
« Ces nouveaux pouvoirs de gestion s'accompagneront d'une responsabilisation
accrue des gestionnaires : à ce titre, le dialogue de gestion sera rénové entre
le niveau central et les niveaux déconcentrés et des outils de contrôle de
gestion seront mis en place.
« La déconcentration de gestion déjà entreprise au sein de la gendarmerie
nationale sera développée.
« Dans les deux services, l'accent sera mis sur un management des ressources
humaines qui engage fortement la hiérarchie, en permettant la participation des
agents à la détermination des objectifs comme aux méthodes de travail.
« Seront recherchées les modalités d'une meilleure adéquation du code des
marchés publics avec les impératifs de déconcentration de la gestion et
d'externalisation de certaines tâches.
« g)
Organisation du travail
« Les effectifs de sécurité publique doivent être organisés et répartis de
façon à correspondre aux zones et aux heures de délinquance.
« V. -
Donner à la France un rôle moteur dans la coopération européenne
et internationale en matière de sécurité intérieure
« Dans le cadre des orientations politiques fixées par le Gouvernement et
particulièrement le ministre des affaires étrangères, et sous réserve des
compétences spécifiques du ministre de l'économie, des finances et de
l'industrie, le ministre en charge de la sécurité intérieure coordonne les
actions de coopération européenne et internationale en matière de sécurité
intérieure.
« Il dispose à cette fin d'une ligne budgétaire spécifique et des emplois de
policiers et de gendarmes seront créés pour être spécialement dédiés aux
actions extérieures de la France en matière de sécurité intérieure.
« Le terrorisme, le crime organisé et le blanchiment, les filières criminelles
et les réseaux de proxénétisme qui exploitent les candidats à l'immigration
clandestine sont par nature des phénomènes transnationaux contre lesquels on ne
peut lutter efficacement que grâce à la coopération entre les Etats.
« La lutte contre ces phénomènes constitue une priorité qui implique le
renforcement de la coopération européenne et internationale en matière de
sécurité intérieure.
« Le réseau des attachés de sécurité intérieure à l'étranger, formé de
policiers et de gendarmes, sera développé.
« La France doit tout particulièrement jouer un rôle moteur dans la création
et la mise en place de l'espace européen de sécurité, de liberté et de
justice.
« Elle prendra des initiatives pour parvenir à l'adoption de règles communes
aux Quinze en matière d'immigration et d'asile et participera activement au
développement des autres réalisations de l'Union européenne telles qu'Europol,
la composante police de gestion civile des crises, le collège européen de
police, la gestion intégrée des frontières extérieures, les accords de
coopération transfrontalière créant les centres de coopération policière et
douanière et la future police européenne aux frontières.
« Au plan national, les différents canaux de coopération opérationnelle de
police (Interpol, Schengen, Europol, officiers de liaison bilatéraux, centres
de coopération policière et douanière) seront mis en synergie au profit de
l'ensemble des services de sécurité intérieure.
« VI. - Créer une réserve civile de la police
« A l'occasion d'événements exceptionnels ou de situations de crise, l'Etat
doit pouvoir faire appel à des réservistes si les forces de sécurité intérieure
s'avèrent insuffisantes.
« Ce concept existe déjà dans les forces armées et donc dans la gendarmerie
nationale.
« Les orientations présentées ci après serviront de base à la création de la
réserve civile de la police nationale qui sera financée sur les moyens dégagés
au titre de la présente loi.
« Pendant les cinq années suivant leur départ à la retraite, les
fonctionnaires actifs de la police nationale sont susceptibles d'être appelés,
si les circonstances l'exigent, pour venir renforcer les forces de sécurité
intérieure en activité.
« Ce dispositif de réserve civile de la police nationale constitue l'un des
éléments de la défense civile de notre pays.
« Les missions confiées aux réservistes de la police nationale tiennent compte
des compétences acquises par les fonctionnaires concernés pendant leur période
d'activité. Elles consistent en des tâches de soutien aux forces de sécurité
intérieure en activité.
« Pendant le temps de réserve de cinq ans, les fonctionnaires actifs de la
police nationale peuvent également participer, sur la base du volontariat, à
des missions de solidarité relevant :
« - soit du soutien social de proximité en assurant une permanence dans des
services, notamment pour faciliter l'insertion locale de leurs collègues,
particulièrement les plus jeunes ;
« - soit de la transmission des connaissances, lorsque les fonctionnaires ont
acquis pendant leur activité une technicité particulière ;
« - soit de la médiation, notamment en direction des jeunes en difficulté.
« Un texte réglementaire précisera les modalités d'organisation et de mise en
oeuvre de la réserve civile de la police nationale.
« VII. -
Développer l'accompagnement social
au sein de la police et la gendarmerie
« Il convient d'assurer aux forces de police et de gendarmerie la
reconnaissance et le soutien dont elles ont besoin en tenant compte de la
pénibilité des métiers.
« La gestion des ressources humaines sera améliorée par un renforcement de
l'accompagnement social, médical et psychologique des personnels.
« Une attention particulière sera portée à l'amélioration des conditions de
logement des agents confrontés à des difficultés dans ce domaine. Un plan
d'amélioration de la qualité des hébergements sera lancé dans la gendarmerie
nationale. Pour la police nationale, les moyens destinés aux réservations de
logements, en particulier pour les personnels affectés dans les grandes
agglomérations, seront renforcés.
« Des mesures d'accompagnement seront par ailleurs prévues en direction des
familles (crèches, aide à l'emploi des conjoints...) pour tenir compte des
obligations liées aux contraintes professionnelles.
« L'efficacité des forces de sécurité intérieure exige que les personnels
affectés dans les zones sensibles y restent assez longtemps pour acquérir les
compétences spécifiques permettant de lutter contre une délinquance
particulièrement difficile. Des mesures incitatives seront prévues pour
prolonger la durée en poste des agents affectés dans ces zones. De la même
façon, des mesures analogues s'appliqueront aux personnels dans les secteurs
défavorisés en raison de l'environnement géographique ou humain.
« Au sein de chaque force, les structures chargées de cet accompagnement
social seront développées et modernisées.
« VIII. - Mieux lutter contre l'insécurité routière
« Avec près de 8 500 morts et plus 150 000 blessés par an, les accidents de la
route constituent un véritable fléau national.
« Si les défaillances des véhicules et les défectuosités des infrastructures
routières peuvent être à l'origine de certains accidents, dans la plupart des
cas c'est le comportement de l'automobiliste qui est en cause.
« Malgré de multiples campagnes d'information et de prévention, aucune baisse
significative du nombre de victimes n'a pu être obtenue durablement dans la
période récente.
« Dans ce contexte, le rôle des services de police et de gendarmerie prend
toute son importance.
« Dans un souci d'efficacité, le ministère de l'intérieur, dont relève
l'ensemble des forces chargées des contrôles et de la constatation des
infractions, doit renforcer la politique qui est la sienne dans ce domaine.
« En complément de l'action sur le terrain des agents des forces de sécurité
intérieure, des mesures seront prises pour inciter les gestionnaires publics et
privés du réseau routier à implanter de manière permanente des équipements de
constatation automatique des infractions.
« IX. - Renforcer la prévention et l'insertion sociale
« La politique de sécurité intérieure doit être appréhendée dans sa globalité
et ne se limite pas à la seule action des forces de l'ordre.
« Si les forces de sécurité intérieure n'ont pas à se substituer aux services
sociaux, en revanche, elles ont la légitimité pour intervenir dans le champ de
la prévention en particulier en milieu scolaire.
« Les forces de sécurité interviennent en amont de la commission de
l'infraction dans le cadre de l'action préventive. L'augmentation de la
délinquance et notamment celle des mineurs, constatée au cours des vingt
dernières années, a justifié la mise en place de dispositifs institutionnels
adaptés à la prévention des conduites déviantes et à la montée des
incivilités.
« La prévention situationnelle qui recouvre l'ensemble des mesures
d'urbanisme, d'architecture ou techniques visant à prévenir la commission
d'actes délictueux, ou à les rendre moins profitables, a déjà connu une large
application pratique dans de nombreux pays européens. Il est, en effet,
désormais admis que certains types de réalisations urbaines ou d'activités
économiques peuvent se révéler criminogènes et qu'il est possible d'y prévenir
ou d'y réduire les sources d'insécurité en agissant sur l'architecture et
l'aménagement de l'espace urbain.
« En liaison avec les autorités organisatrices de transports et les
entreprises exploitantes, un effort particulier devra être entrepris pour
renforcer les dispositifs d'humanisation des réseaux et développer la mise en
place d'équipements de sécurité.
« Depuis de nombreuses années, la police nationale comme la gendarmerie
nationale ont réalisé de multiples actions de prévention tout particulièrement
en direction des jeunes.
« Le dialogue entre les travailleurs sociaux et les forces de l'ordre demeure
essentiel dans un souci d'approche globale et cohérente des problèmes de
prévention et d'insertion. Aussi est il nécessaire de renforcer au sein des
instances locales le partenariat initié au travers des contrats locaux de
sécurité.
« DEUXIÈME PARTIE
« MOYENS JURIDIQUES
« I. -
Achever la mise en application des dispositions de la loi
d'orientation et de programmation relative à la sécurité du 21 janvier
1995
« Un certain nombre de dispositions de la loi précitée, notamment parmi celles
relatives à la prévention de l'insécurité, n'ont toujours pas été mises en
oeuvre, faute de textes en précisant les modalités d'application.
« Il s'agit des articles suivants :
« - article 11 relatif aux études préalables à la réalisation des projets
d'aménagement des équipements collectifs et des programmes de construction ;
« - articles 14 et 15 relatifs aux dispositifs techniques de prévention et de
constatation des infractions au code de la route. S'agissant plus
particulièrement de l'article 15, la France prendra une initiative pour faire
aboutir ce dossier qui relève désormais de la réglementation européenne.
« Par ailleurs, les articles 1er et 23 1 de la loi du 21 janvier 1995 seront
rendus applicables en Nouvelle Calédonie, en Polynésie française, à
Wallis-et-Futuna et à Mayotte.
« II. -
Donner aux services de sécurité intérieure les moyens juridiques
nouveaux dont ils ont besoin pour lutter plus efficacement contre certaines
formes de criminalité et de délinquance
« Au cours des dernières années, la délinquance a augmenté d'une manière
inacceptable. Elle a également changé de nature en devenant toujours plus
violente, plus mobile, plus organisée. C'est ainsi que le droit élémentaire de
nos concitoyens à la sûreté est trop souvent bafoué.
« Le trafic de produits stupéfiants, quant à lui, a continué à se développer
et s'étendre à de nouvelles substances. Il a contribué à la montée en puissance
dans certains quartiers de l'économie souterraine, à l'exaspération de leurs
habitants et à un grand nombre de dommages sociaux et sanitaires.
« Enfin, l'implication de mineurs de plus en plus nombreux dans la commission
d'infractions graves ne peut qu'inquiéter.
« Sans préjudice des dispositions contenues dans la loi d'orientation et de
programmation pour la justice, les présentes orientations prévoient de mettre à
la disposition des forces de sécurité intérieure les nouveaux moyens juridiques
nécessaires à l'accomplissement de leur mission, à savoir rétablir et garantir
la sécurité des Français dans le respect des lois.
« Pour ce faire, les dispositions nouvelles permettront :
« 1° De rétablir l'autorité des agents de l'Etat dans l'exercice de leurs
missions et d'améliorer leur efficacité dans l'identification et
l'incrimination des auteurs des faits dont ils ont connaissance ;
« 2° De mieux assurer les devoirs que l'Etat a à l'égard de tous ceux qui
souhaitent apporter leur aide au travail des enquêteurs, en protégeant
notamment les témoins et victimes de tout risque de représailles ;
« 3° De moderniser notre droit afin de mieux appréhender certaines formes
nouvelles de délinquance, causes de graves dommages à notre société et mal
supportées par nos concitoyens.
« 1.
Mesures tendant à restaurer l'autorité et la capacité des agents de
l'Etat à agir
« L'Etat se doit de renforcer la protection et la crédibilité de ceux qui
travaillent dans des conditions souvent difficiles au service de la communauté.
L'importance de la mission assignée aux forces de sécurité suppose que celles
ci ne soient pas distraites de leur mission par d'autres tâches. Elle suppose
aussi que la protection de tous les personnels soit assurée plus efficacement
et en toute circonstance, notamment lorsque des agents doivent assurer la garde
de détenus présentant un caractère particulier de dangerosité.
« De trop nombreux délinquants sont recherchés sans succès dans le cadre d'une
enquête, d'une instruction ou pour exécuter une peine. Il paraît évident que la
crédibilité de notre système répressif dépend notamment de notre capacité à
faire exécuter ses décisions. C'est pourquoi la mission de rechercher
activement les criminels et délinquants en fuite sera confiée à un office
central. De nouvelles dispositions de procédure pénale seront mises en place
afin de lui permettre d'exécuter ses missions. De plus, les moyens consacrés à
l'exécution et au suivi des mesures de reconduite à la frontière seront
renforcés.
« Par ailleurs, le Gouvernement se fixe pour objectifs de faciliter et de
simplifier les modalités des enquêtes judiciaires, d'élargir la compétence
territoriale des officiers de police judiciaire et de sanctionner plus
sévèrement les violences, menaces et outrages envers les dépositaires de
l'autorité publique.
« Enfin, les sanctions pénales pour non respect des arrêtés municipaux seront
aggravées.
« 2.
Mesures tendant au renforcement de l'efficacité des investigations
policières
« L'augmentation de la délinquance comme son changement de nature nécessitent
d'alléger un certain nombre de contraintes procédurales. Afin de pouvoir réagir
dans les meilleurs délais et sur tout le territoire, face à une délinquance de
plus en plus violente et de plus en plus organisée, il convient d'étendre les
capacités d'action des fonctionnaires de police et des militaires de la
gendarmerie, de simplifier les procédures et de faciliter le travail des
enquêteurs.
«
a) Faciliter le travail des enquêteurs
« Les dispositions suivantes seront proposées :
« 1° Afin de faciliter la recherche de preuves en matière de violences
urbaines, des dotations de caméras vidéo seront prévues dans les zones
sensibles ;
« 2° Un trop grand nombre d'enquêtes judiciaires est paralysé par l'incapacité
des institutions publiques ou privées (établissements financiers, opérateurs de
téléphonie, administrations...) à répondre dans des délais raisonnables aux
réquisitions effectuées par les officiers de police judiciaire à la demande de
l'autorité judiciaire. Le plus souvent, la raison invoquée par les personnes
requises pour justifier ce retard est la difficulté d'extraire, de traiter et
de faire parvenir les renseignements demandés au service de police ou de
gendarmerie requérant. C'est pourquoi il sera élaboré un texte permettant aux
officiers de police judiciaire, agissant dans le cadre d'une enquête
judiciaire, sur autorisation d'un magistrat, d'accéder directement à des
fichiers informatiques et de saisir à distance par la voie télématique ou
informatique les renseignements qui paraîtraient nécessaires à la manifestation
de la vérité ;
« 3° Dans le but d'augmenter les moyens mis à disposition des services
d'enquête et d'éviter le gaspillage des deniers de l'Etat, un cadre juridique
permettant l'utilisation des biens saisis appartenant directement ou
indirectement aux auteurs de certaines infractions sera mis en place sous le
contrôle de l'autorité judiciaire qui pourra, en cas de condamnation
définitive, attribuer définitivement l'objet saisi à l'administration qui a
mené l'enquête ou, en cas de déclaration d'innocence, décider de procéder à la
restitution et à l'indemnisation du propriétaire.
« Par ailleurs, le Gouvernement se fixe pour objectif de donner plus
d'efficacité aux investigations des officiers de police judiciaire, notamment
pendant la phase de flagrant délit et d'enquête préliminaire.
«
b) Lutter contre les formes nouvelles de délinquance et améliorer le taux
d'élucidation des enquêtes
« Des dispositions seront proposées dans les domaines suivants :
« - les textes nécessaires seront adoptés dans le but d'autoriser sous
contrôle judiciaire l'emploi des techniques les plus modernes indispensables à
l'interception des messages et à la mise en place de dispositifs de
surveillance élaborés rendus nécessaires en raison du recours de plus en plus
systématique des délinquants aux possibilités de brouillage de leurs échanges
ou au camouflage de leurs rencontres ;
« - le rôle de la police technique et scientifique sera étendu et développé
notamment pour permettre de découvrir les responsables des faits de petite et
moyenne délinquance. C'est pourquoi, afin d'augmenter l'utilité du fichier
automatisé des empreintes digitales dans l'élucidation des enquêtes, celui ci
sera étendu aux empreintes palmaires ;
« - afin de favoriser l'échange de renseignements, les possibilités d'accès
réciproque des policiers et des gendarmes aux fichiers mis en place de manière
spécifique par le ministère de l'intérieur ou le ministère de la défense seront
améliorées ;
« - dans chaque département, des fonctionnaires de police et des militaires de
la gendarmerie seront désignés afin de veiller à ce que la sécurité des témoins
soit préservée avant et après le jugement des procédures dans lesquelles ils
seront intervenus.
« Par ailleurs, le Gouvernement se fixe pour objectif d'étendre le champ
d'application des livraisons surveillées et des infiltrations.
« 3.
Mesures tendant à mieux prendre en compte les formes nouvelles de
criminalité
« Certains types de comportements apparus depuis quelques années dans notre
pays sont de moins en moins supportés par nos concitoyens. Le développement de
l'utilisation des téléphones portables a entraîné une augmentation très
importante des vols dits "à l'arraché". L'ouverture de nos frontières a
facilité le vol de véhicules. L'utilisation d'enfants dans le cadre de la
mendicité, le racolage en nombre dans des lieux paisibles d'habitation, la
commission d'infractions sous l'emprise de la drogue ou de l'alcool se sont
malheureusement généralisés.
« La violence routière et ses conséquences dramatiques se développent
également à nouveau de manière inacceptable.
« Plusieurs moyens devront être développés afin d'enrayer la progression de
ces phénomènes.
« C'est ainsi que :
« - le développement de la téléphonie mobile a été assorti d'une augmentation
très importante du vol et du trafic de téléphones portables. Les discussions
entamées avec les opérateurs et les constructeurs n'ont pas permis en l'état
d'aboutir à la mise en place des dispositifs techniques permettant de bloquer
l'usage des téléphones volés. C'est pourquoi il appartiendra au Gouvernement de
prendre si besoin est les mesures nécessaires pour obtenir à bref délai ce
résultat ;
« - le dispositif permettant la localisation des véhicules volés reste une
nécessité du fait de l'augmentation de ce type de délinquance. Sa mise en place
sera opérée dans les meilleurs délais en partenariat avec les constructeurs,
les compagnies d'assurances ou les opérateurs conventionnés ;
« - les infractions commises avec l'utilisation d'armes se développent.
L'usage et la détention d'armes par des personnes malhonnêtes ou qui ne peuvent
pour diverses raisons en détenir favorisent le climat d'insécurité. C'est
pourquoi la législation actuelle, souvent obscure et ancienne, sera actualisée.
Un fichier national automatisé des personnes interdites d'acquisition ou de
détention d'armes sera mis en place. Des propositions d'amnistie seront faites
aux détenteurs irréguliers d'armes qui les remettront aux autorités. Une
obligation d'information sera expressément prévue afin de permettre aux
personnels soumis au secret professionnel d'informer les autorités qu'une
personne dangereuse pour elle-même ou la société détient une arme ;
« - l'explosion du trafic portant sur les drogues synthétiques demande une
adaptation de notre dispositif de lutte contre le trafic de stupéfiants. C'est
pourquoi les objectifs de la Mission nationale de contrôle des précurseurs
chimiques (MNCPC) seront précisés et étendus à la lutte contre le commerce
illicite des produits précurseurs des drogues ;
« - le développement de la violence routière relève d'un traitement
insuffisant et trop complexe de ce type de délinquance. L'amélioration du
dispositif réglementaire sera entreprise afin d'augmenter le déploiement des
moyens automatiques de constatation des infractions et d'accélérer leur
traitement pénal ;
« - l'abandon d'une politique dynamique de lutte contre l'usage de certaines
drogues a conduit à brouiller le message sur la nocivité de celles -ci. Une
politique ambitieuse de prévention sera menée dans ce domaine. Des actions
coordonnées avec l'autorité judiciaire seront par ailleurs menées notamment
pour enrayer l'usage de stupéfiants chez les mineurs ;
« - la délinquance des mineurs, outre une prise en compte judiciaire que le
Gouvernement veut plus rapide et plus effective, demande de nouvelles réponses
en termes de prévention et d'action. C'est pourquoi les permanences de nuit des
brigades des mineurs et de protection sociale de la police nationale seront
étendues dans les quartiers sensibles ;
« - afin de lutter contre l'absentéisme scolaire qui contribue à faciliter le
passage à la délinquance, les sanctions encourues par les parents qui ne
respectent pas l'obligation scolaire seront aggravées. Il en sera de même pour
les responsables de lieux publics qui accueillent les mineurs pendant les
horaires scolaires ou pour les personnes qui les emploient ou les rémunèrent
illégalement pendant ces mêmes horaires. A cet égard le partenariat entre les
services de l'éducation nationale, l'institution judiciaire et les forces
dépendant du ministère de la sécurité intérieure sera étendu et développé ;
« - afin de lutter contre la violence, sous toutes ses formes, qui se
développe de façon préoccupante en milieu scolaire, des dispositions devront
être prises.
« Il s'agira de mettre les établissements à l'abri des actes violents
perpétrés en leur sein, notamment par des individus extérieurs.
« A cette fin, lorsqu'il aura été constaté que la réalité ou le risque de
violences est avéré, les fonctionnaires de police et les militaires de la
gendarmerie recevront instruction d'être particulièrement disponibles aux
demandes des proviseurs et des principaux.
« Les maires et les préfets seront tenus informés de ces dispositions dont il
sera rendu compte aux autorités académiques.
« D'autre part, des directives précises seront adressées aux chefs
d'établissement, définissant le cadre nouveau dans lequel pourront s'inscrire
les règlements intérieurs aux fins de mieux prévenir et réprimer les dérives
multiquotidiennes du comportement de certains élèves qui nuisent gravement au
déroulement serein de la scolarité et à la meilleure réussite de tous les
élèves ;
« - afin de mieux protéger les femmes victimes de violences conjugales ainsi
que leurs enfants, les centres d'accueil seront développés ;
« - dans le cadre de la lutte contre le développement du proxénétisme, les
auteurs de racolage actif ou de racolage passif feront l'objet de mesures
systématiques d'éloignement et d'un retrait définitif de tout titre de séjour
lorsqu'ils seront de nationalité étrangère ;
« - dans le cadre de la lutte contre l'usage de drogues, les individus
coupables d'organiser ou de participer à l'organisation de trafics de drogues
feront 1'objet de mesures systématiques d'éloignement et d'un retrait définitif
de tout titre de séjour lorsqu'ils seront de nationalité étrangère ;
« - afin de stigmatiser leurs auteurs et d'indiquer clairement que la
consommation d'alcool ou de drogue ne peut en aucun cas être présentée comme
excuse par l'auteur d'une infraction, il sera proposé par le Gouvernement de
créer une circonstance aggravant la sanction pénale encourue chaque fois qu'une
infraction sera commise sous l'effet de l'alcool ou de produits stupéfiants.
« Pour faire face notamment aux difficultés liées à l'accueil des gens du
voyage et afin de mieux protéger la propriété de chacun, le Gouvernement
proposera de sanctionner plus efficacement le refus d'obtempérer aux
injonctions formulées à l'encontre de groupes de personnes occupant
illégalement la propriété d'autrui, qu'elle soit publique ou privée. Outre des
sanctions financières, il pourra être prévu, à titre complémentaire, la
confiscation des véhicules ayant servi à commettre l'infraction.
« Par ailleurs, le Gouvernement se fixe pour objectif de mieux réprimer des
comportements qui affectent particulièrement la vie quotidienne de nos
concitoyens et se sont multipliés au cours des dernières années, tels que la
mendicité agressive et les regroupements dans les parties communes des
immeubles ainsi que le défaut de permis de conduire et le refus
d'obtempérer.
« Enfin, le Gouvernement se fixe pour objectif de prévenir les nuisances liées
aux rave parties, en utilisant tous les moyens que lui offre l'arsenal légal,
afin que ne se renouvellent pas des comportements qui ont porté préjudice à
certaines zones rurales de notre pays.
« Un projet de loi traduisant les orientations mentionnées ci-dessus qui
nécessitent des dispositions d'ordre législatif sera déposé dès l'automne 2002.
»
La parole est à M. Dominique Braye.
M. Dominique Braye.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, jamais
l'insécurité, notamment celle des personnes, n'avait progressé dans notre pays
autant qu'au cours des cinq dernières années, devenant ainsi, hélas ! la
première des préoccupations de nos concitoyens. Il était grand temps que l'Etat
se décide enfin à réagir avec vigueur, pour endiguer ce fléau qui sape l'ordre
républicain et notre équilibre social.
Le nouveau gouvernement et vous-même, monsieur le ministre, avez parfaitement
compris cette priorité absolue, et c'est bien pourquoi l'urgence a été déclarée
sur le présent projet de loi.
Ceux qui contestent cette urgence, notamment dans cet hémicycle, sont
évidemment ceux - les mêmes - qui n'ont pas perçu, au cours de la dernière
législature, l'impérieuse nécessité de juguler la vertigineuse montée de
l'insécurité dont étaient victimes les Français. Il s'agit là d'un aveuglement
coupable, et je souhaite que notre pays sache à l'avenir en éviter les
désastreuses conséquences.
Le Gouvernement, lui, a parfaitement compris la nécessité de se doter de tous
les outils et moyens nécessaires pour engager une lutte sans précédent contre
la criminalité et la délinquance. Il nous soumet deux projets de loi qui
retracent les orientations et moyens qu'il entend consacrer à la sécurité
intérieure et à la justice.
Monsieur le ministre, dans l'exercice de vos lourdes responsabilités, vous
incarnez plus particulièrement, grâce à une énergie et à un enthousiasme
reconnus par tous, le retour en force de l'autorité de l'Etat et de l'ordre
républicain.
Vous redonnez l'espoir aux Français, notamment aux plus faibles et aux plus
fragiles d'entre eux, et vous rendez confiance et foi dans leur mission à des
forces de sécurité totalement démotivées par le laxisme qui a prévalu au cours
des cinq dernières années.
Vous nous invitez à soutenir un renforcement considérable des moyens
financiers, humains et matériels qui seront dévolus à la sécurité intérieure -
c'est le volet « programmation » du présent projet de loi -, ce que nous ferons
bien volontiers.
Mais ce nécessaire renforcement des moyens de la lutte contre l'insécurité ne
peut produire son plein effet si ces mêmes moyens ne sont pas coordonnés
efficacement et engagés à bon escient. C'est pourquoi l'article 1er, qui
concerne le volet « orientation » du projet de loi, est fondamental, car il
définit un nouveau cadre d'utilisation des forces de sécurité permettant
d'optimiser leur travail.
J'approuve, tout comme notre excellent rapporteur, M. Jean-Patrick Courtois,
le souci de pragmatisme et d'efficacité qui a inspiré cette rénovation conçue
selon trois grands axes : nouvelle articulation des échelons de responsabilité,
nouvelle doctrine d'engagement des forces de sécurité et nouveaux moyens
juridiques d'intervention.
Permettez-moi de reprendre chacun de ces trois axes.
La nouvelle articulation des échelons de responsabilité témoigne d'un
véritable souci de coordination entre les différents niveaux territoriaux et
les différents services de sécurité intérieure.
Ainsi, la nouvelle architecture institutionnelle prévue permettra de mieux
appréhender les exigences de la sécurité à chaque échelon territorial, tout en
les coordonnant entre eux au plan national avec, enfin, une véritable prise en
compte du terrain.
Au plan opérationnel national, la création de nouveaux offices centraux
spécialisés et le renforcement de ceux qui existent démontrent une volonté de
plus grande efficacité dans la lutte coordonnée contre toutes les formes de
délinquance.
Au plan opérationnel régional, les GIR, les groupes d'intervention régionaux
ont déjà fait la preuve de leur efficacité contre la délinquance violente, les
trafics illicites et l'économie souterraine, en ce qu'ils permettent la
coordination, pour la première fois, de tous les services de l'Etat concernés
par la sécurité intérieure.
Au plan municipal, enfin, cette même coordination sera organisée entre les
maires et les services de l'Etat, mais aussi entre polices municipales, d'une
part, et police nationale et gendarmerie, d'autre part.
La nouvelle doctrine d'engagement des forces de sécurité est motivée par un
souci d'efficacité pragmatique. Utilisation des forces mobiles en appui,
redéploiement des compétences entre la police et la gendarmerie, réduction des
tâches administratives, renforcement de la police de proximité ou développement
de l'action judiciaire, tout cela ne peut, en effet, que consolider une
efficacité fondée sur le bon sens.
Quant aux nouveaux moyens juridiques donnés aux forces de sécurité, il s'agit
là d'un véritable souci de pouvoir déférer à la justice des malfaiteurs qui
échappaient jusque-là trop souvent aux forces de sécurité ; c'est évidemment,
là encore, une initiative nécessaire et bienvenue.
En conclusion, monsieur le ministre, je souhaite rendre hommage au
Gouvernement, ainsi qu'à vous-même, pour avoir pris toute la mesure du problème
de l'insécurité et pour avoir commencé, en un temps record, à y répondre avec
pragmatisme, énergie et détermination.
Cela vous vaut, ce qui est important, notre soutien le plus déterminé mais
aussi, ce qui est encore plus important, l'adhésion enthousiaste d'une immense
majorité de nos concitoyens. Il faut reconnaître qu'ils attendaient cela depuis
si longtemps ! Au-delà des grands discours, c'est ainsi que l'on commence à
réconcilier, enfin, les Français avec la République et avec leurs élus.
Il n'en reste pas moins que la lutte contre l'insécurité sera un combat de
tous les instants, jamais gagné d'avance, comme le rappelait notre collègue M.
Jacques Peyrat, et qui nécessitera la détermination quotidienne des autorités
de l'Etat, des forces de sécurité mais aussi, ne l'oublions pas, de
l'institution judiciaire.
Pour ce qui relève de votre compétence, monsieur le ministre, nous savons
pouvoir compter sur votre énergie et votre volontarisme. Sachez que, en retour,
vous pouvez compter sur nous pour vous soutenir totalement dans votre action.
(Applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et
Indépendants.)
M. le président.
La parole est à M. Francis Giraud.
M. Francis Giraud.
Monsieur le ministre, depuis cet après-midi, vous répondez avec honnêteté et
franchise aux questions de chacun, sans tabou et, surtout, avec précision.
Permettez-moi de vous poser une question qui est très préoccupante, concernant
la lutte contre la délinquance en milieu hospitalier. Il s'agit en effet d'une
nouvelle forme de délinquance qui défraie depuis peu la chronique et remplit
les colonnes des faits divers.
A l'annexe I que nous examinons avec l'article 1er, vous proposez de lutter
plus intensément contre la délinquance en milieu scolaire, notamment parce que
les mineurs sont les premières victimes de l'insécurité quotidienne. Je
voudrais attirer l'attention de notre assemblée sur cette autre forme de
délinquance qui touche certains de nos concitoyens d'autant plus durement que,
du fait même des conditions de leur hospitalisation, ils se sentent démunis
face aux actes de délinquance dont ils deviennent en ces circonstances les
victimes. Au premier sentiment d'insécurité sanitaire ou médicale s'ajoute la
crainte de vols ou de violences au sein même des établissements
hospitaliers.
La volonté que vous avez affirmée tout au long de nos débats ne me fait pas
douter que vous n'avez pas attendu que la presse se saisisse de ces affaires
pour entreprendre d'apporter des réponses adaptées à cette nouvelle forme
d'insécurité.
Je souhaiterais savoir, monsieur le ministre, quelle mesure vous envisagez de
prendre tout à la fois pour rassurer les patients et les personnels de ces
établissements et pour tarir à la source ce nouveau fléau.
Voilà les observations que je voulais vous présenter et que je partage avec
mon collègue M. Jean-Claude Etienne.
M. le président.
La parole est à Mme Hélène Luc.
Mme Hélène Luc.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, j'ai
souhaité consacrer mon propos à l'école, un point particulier qui concerne le
projet de loi d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure.
Et, monsieur Gélard, ne me dites pas que nous ne sommes pas dans le sujet !
Dans le discours qu'il a prononcé le 19 février 2002 à Garges-lès-Gonesse, le
candidat Chirac, devenu aujourd'hui président, s'exprimait ainsi : « Nul ne
peut espérer venir à bout de l'insécurité sans prendre en compte le phénomène
dans toutes ses dimensions économique, sociale et éducative (...). La
République est d'autant plus légitime dans son exigence de fermeté et de
responsabilité qu'elle aura su donner à chacun un avenir. »
Or, dans le premier texte que vous nous présentez, monsieur le ministre,
l'éducation n'est pas traitée, vous n'abordez que l'absentéisme scolaire, et
sous l'angle de la sanction. D'ailleurs, nous ne sommes pas les seuls à vous
interpeller à ce sujet. M. Périssol l'a fait, lui aussi, à l'Assemblée
nationale. Nous voulons bien évidemment lutter contre l'insécurité et nous
donner les moyens en effectifs de police et de gendarmerie ainsi qu'en
matériels, comme Mme Nicole Borvo et M. Robert Bret l'ont fort bien
démontré.
Monsieur le ministre et vous aussi, mesdames, messieurs les sénateurs de la
majorité, vous n'avez pas le monopole de la sensibilité devant les actes odieux
commis par les délinquants. Vous n'avez pas le monopole du soutien des
policiers et des gendarmes dans leur mission. Les policers et leurs syndicats
savent bien, tout comme les gendarmes, que nous les défendons et que nous ne
cessons de demander à leurs côtés des effectifs supplémentaires. Nous
souffrons, comme vous, messieurs, et comme les citoyens de notre pays qu'il ne
faut pas oublier, lorsqu'un membre des forces de l'ordre trouve la mort. Les
maires, les conseillers généraux, les parlementaires communistes sont alors aux
côtés des familles.
Lorsque l'on se réfère, monsieur le ministre, à l'annexe I de votre texte, on
constate que, pour vous, absentéisme scolaire égale délinquance. Voilà une
formule rapide !
La mienne, celle du groupe communiste républicain et citoyen, est sans doute
plus complexe, car elle s'efforce de comprendre les causes de l'absentéisme et
de prévenir une éventuelle dérive du mineur vers la délinquance.
De ce point de vue, je m'inscris totalement dans la réflexion engagée par Mme
Nicole Prudhomme, présidente de la caisse nationale des allocations familiales,
qui, lors d'une audition de la commission d'enquête sur la délinquance des
mineurs, rappelait la nécessité, pour prévenir la délinquance, de traiter les
problèmes en amont, en relation avec l'ensemble des partenaires concernés.
Pourquoi un enfant sombre-t-il dans la délinquance ? Pourquoi des parents ne
sont-ils plus en mesure d'assurer leur rôle ? Comment faire pour que parents et
enfants se retrouvent enfin ? Comment faire pour que les enfants se
réconcilient avec l'école et les enseignants ? Surtout quelles sont les causes
de cette délinquance ? La pauvreté ? Sans aucun doute. L'exclusion ?
Assurément. Ce ne sont certainement pas les seules causes de la délinquance,
mais elles y contribuent pour une large part. C'est pourquoi il faut s'y
attaquer, en privilégiant le dialogue avec les parents, qui sont les premiers
inquiets. Pour m'occuper de très près des problèmes d'éducation, je le constate
chaque jour.
M. le Premier ministre avait demandé au ministre de l'éducation nationale et
de la jeunesse de prendre des mesures particulières pour la rentrée. C'était
aussi une urgence. Il ne l'a pas fait !
Diderot a écrit qu'une nation qui instruit est une nation qui se civilise ; il
faut plus que jamais garder cette formule présente à l'esprit.
M. Dominique Braye.
Alors, il ne faut pas d'absentéisme !
Mme Hélène Luc.
Il aurait été possible de souscrire aux paroles du Président de la République
si, parallèlement au dépôt du présent texte, M. le Premier ministre avait
demandé au ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche
de prendre des mesures particulières pour la rentrée. C'était aussi une
urgence. Il ne l'a pas fait ! Il faut, notamment, plus de formations, y compris
pour les jeunes sans diplôme. M. Fillon, parlant, ce matin, sur les ondes
d'Europe 1, a avoué - sans doute pour se dédouaner d'avoir refusé la formation
pour l'emploi que demandait, avec force, mon ami Guy Fischer - que, pour lui,
les jeunes ne veulent pas de formation. Comment peut-on l'imaginer un seul
instant, monsieur le ministre ? Comment peut-on le dire ?
M. Dominique Braye.
Vous n'allez pas dans les quartiers, vous !
M. Jacques Peyrat.
Ils ne connaissent pas les banlieues !
Mme Hélène Luc.
Dans leur détresse - elle peut se transformer en délinquance -, ce que
beaucoup de mineurs réclament, à leur façon, c'est de l'aide, des secours, et
non l'enfermement ou l'isolement. Il est donc nécessaire de prendre en compte
les modalités d'aide et de prévention existantes, de les évaluer et de voir
comment les améliorer, afin de permettre aux mineurs en difficulté ou en
rupture totale avec le système scolaire et la société de se réinsérer.
Monsieur le ministre, deux sortes de mesures - elles se rejoignent - doivent
être prises.
Premièrement, il faut que l'école permette aux élèves de réussir, et ce dès la
maternelle. C'est, en effet, dès la maternelle que se joue l'avenir des
enfants. Mais, avec des classes de trente élèves, hors zone d'éducation
prioritaire, s'agissant d'enfants de trois ans, c'est très difficile. Pourtant,
cette année encore, on s'apprête à fermer des centaines de classes à la
rentrée, soixante-dix pour le seul Val-de-Marne !
Deuxièmement, une aide précoce doit être apportée aux enfants en difficulté.
Dans les années soixante-dix, les groupes d'aide psychopédagogique, les GAPP,
suivaient les enfants de la maternelle à la sortie du collège. Ils détectaient
les difficultés précoces de ces enfants, car ils connaissaient toutes les
familles. Malheureusement, ces GAPP ont laissé place aux réseaux d'aides
spécialisées aux élèves en difficulté, les RASED, qui ont en charge,
écoutez-bien, mes chers collègues, 6 000 élèves ! Quelle aide peut-on apporter
aux élèves et aux familles dans de telles conditions ? Les enseignants, les
documentalistes, les conseillers d'éducation et tous les personnels doivent
certes, assumer leurs responsabilités, mais ils le feront d'autant mieux qu'ils
se sentiront soutenus.
Mais je sais, monsieur le ministre, par quelle question vous allez me répondre
: qu'a fait l'ancien gouvernement ?
M. Jacques Peyrat.
Rien !
Mme Hélène Luc.
Eh bien, il a voté d'importants crédits !
(Protestations sur certaines
travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
Il a pris des mesures en faveur des collèges, mais il ne nous a pas
suffisamment entendus sur le problème des effectifs et de l'aide aux élèves en
difficulté.
Pour finir, je soulignerai, la réelle contradiction qui existe entre, d'une
part, la volonté affichée par le Gouvernement de combattre l'insécurité avec
l'aide de l'ensemble des secteurs de la société et, d'autre part, les principes
posés par la politique européenne en matière de dépenses publiques, principes
que vous soutenez.
Cette contradiction ne saurait perdurer, car il faut aussi financer les
mesures nécessaires pour l'école, sans être obsédé par la réduction des
déficits publics.
Monsieur le ministre, je vous fais une proposition que, j'en suis sûre, vous
vous ferez un plaisir de transmettre à M. le Premier ministre : présentation à
la rentrée d'un budget supplémentaire pour l'école, afin que les filles et les
garçons de notre pays puissent vivre l'aventure que l'avancée des sciences et
des techniques permet au xxie siècle et pour que chaque jeune ait l'avenir
auquel il a droit et pour lequel il a le devoir de travailler, car il y a des
règles dans la société, et il faut apprendre à les respecter.
M. Dominique Braye.
Allez, ça suffit !
M. le président.
Veuillez conclure, madame Luc.
Mme Hélène Luc.
Je conclus, monsieur le président.
Claudie Haigneré, une cosmonaute, une femme, une scientifique, fait partie du
Gouvernement ; cela doit servir à pousser la jeunesse vers le haut pour donner
à chacune et à chacun un avenir. En tout cas, nous, sénateurs communistes, vous
le savez, nous oeuvrons en ce sens.
M. Jacques Peyrat.
C'est bien !
M. le président.
Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 15 est présenté par M. Bret, Mmes Borvo, Mathon, Beaudeau,
Beaufils et Bidard-Reydet, M. Coquelle, Mmes David, Demessine et Didier, MM.
Fischer, Foucaud et Le Cam, Mme Luc, MM. Muzeau, Ralite et Renar et Mme
Terrade.
L'amendement n° 26 est présenté par M. Peyronnet, Mmes André, Bergé-Lavigne,
Blandin et Cerisier-ben Guiga, MM. Boulaud, Charasse, Debarge, Dreyfus-Schmidt,
Frimat, Gautier, Lagauche, Mahéas, Masseret, Rouvière, Sueur et les membres du
groupe socialiste et apparentés.
Tous deux sont ainsi libellés :
« Supprimer l'article 1er. »
La parole est à Mme Josiane Mathon, pour défendre l'amendement n° 15.
Mme Josiane Mathon.
Nous proposons de supprimer l'article 1er.
Je vais m'attacher ici au fond, c'est-à-dire au contenu même de l'annexe I, ou
du moins, étant donné sa longueur, au contenu des alinéas qui, même s'ils sont
dépourvus de valeur normative, n'en demeurent pas moins inquiétants.
M. Michel Caldaguès.
Belle logique !
Mme Josiane Mathon.
Ils nous donnent un avant-goût plutôt amer des futurs débats que nous aurons à
l'automne, lors de la présentation au Parlement des « vrais » projets de loi en
matière de sécurité.
En traitant en vrac aussi bien des gens du voyage, des prostituées d'origine
étrangère, des SDF et des jeunes que de l'immigration clandestine et des
trafiquants de stupéfiants, l'annexe opère des amalgames pour le moins
dangereux et liberticides.
M. Michel Caldaguès.
Pour vous, ce n'est pas la délinquance qui est dangereuse, ce sont les
amalgames !
Mme Josiane Mathon.
Avec ce genre d'énoncé, il n'y a plus de différence entre les victimes des
trafics, leurs auteurs, voire leurs bénéficiaires.
Prenons à titre d'exemple la lutte contre le développement du proxénétisme.
Vous proposez de sanctionner les prostituées d'origine étrangère en prévoyant
de prendre à leur encontre des mesures systématiques d'expulsion.
Les députés de droite, ne souhaitant pas être en reste, ont cru bon de faire
de la surenchère en ajoutant le retrait définitif de tout titre de séjour.
Croyez-vous vraiment que ces mesures vont arrêter le développement du
proxénétisme et des réseaux mafieux ?
Il s'agit ici de filles de l'Est et d'Afrique qui sont avant tout victimes de
la traite des êtres humains. Vous les considérez comme des délinquantes, alors
qu'elles ont derrière elles une histoire trop souvent faite de violence,
d'esclavage, de privation de libertés.
M. Dominique Braye.
Absolument ! Vous avez raison !
M. Roger Karoutchi.
Notamment grâce au régime communiste !
Mme Josiane Mathon.
En Afrique ?
M. Louis de Broissia.
C'est vrai !
Mme Josiane Mathon.
C'est nouveau !
M. Dominique Braye.
Elles viennent de l'Est !
Mme Josiane Mathon.
Les expulser ou multiplier les arrêtés municipaux à leur encontre ne fera
qu'aggraver la situation en conduisant au renforcement de la clandestinité et
en rendant donc impossible aux associations qui leur viennent en aide d'assurer
tout suivi et toute prévention.
Aucune mesure n'est en revanche prévue pour porter assistance à ces femmes qui
ont plus besoin de soins, d'aide à la réinsertion, de papiers d'identité que de
sanctions et de rejet.
Il conviendrait de remettre au goût du jour une disposition adoptée par
l'Assemblée nationale sous l'ancienne majorité, disposition qui permet aux
personnes ayant porté plainte contre leur proxénète d'être mises en sécurité et
de bénéficier d'un statut spécifique de séjour.
Ce serait plus efficace, en termes de lutte contre le proxénétisme, que
l'expulsion.
Autre bel exemple de stigmatisation et de rejet de ceux qui ont choisi un
autre style de vie : les dispositions relatives aux gens du voyage.
M. Pierre Hérisson.
On ne les rejette pas du tout !
Mme Josiane Mathon.
Ils étaient déjà stigmatisés dans l'annexe I du projet de loi initial, mais
les députés de droite en ont encore « rajouté » !
C'est ainsi que, dans la version qui nous est soumise, les groupes
d'intervention régionaux, qui sont destinés à lutter contre la délinquance
violente, les trafics illicites et l'économie souterraine, notamment dans les
zones sensibles, ce qui est déjà fort critiquable, seront associés à la lutte
contre les réseaux d'immigration clandestine et prendront également en charge
les délits commis par les gens du voyage !
Que d'amalgames et de discriminations dans un seul paragraphe ! Mais nous ne
sommes pas au bout de notre consternation.
(« Ah ! » sur les travées du RPR
et des Républicains et Indépendants.)
Une disposition expressément ajoutée à l'intention des gens du voyage prévoit,
outre des sanctions financières et une sanction plus forte du refus
d'obtempérer, la confiscation des véhicules ayant servi à occuper illégalement
la propriété d'autrui.
On le voit, la question - qui soulève de réelles difficultés - de l'accueil
des gens du voyage n'est abordée que sous l'angle répressif.
Il n'y a aucune réflexion de fond sur les difficultés d'application de la loi
du 15 juillet 2000, laquelle a pour objet, je vous le rappelle, d'inciter les
maires à construire des aires d'accueil afin d'éviter les stationnements
sauvages.
Commençons donc, mes chers collègues, à faire en sorte que les lois que nous
votons soient effectivement appliquées.
M. Pierre Hérisson.
Bien sûr qu'elles sont appliquées !
Mme Josiane Mathon.
Il y a encore beaucoup à dire sur cette annexe.
M. Jacques Peyrat.
Pas vraiment...
Mme Josiane Mathon.
Mais, pour le moment, j'en reste là, et je vous demande, mes chers collègues
de bien vouloir adopter cet amendement de suppression.
M. le président.
La parole est à M. Jean-Claude Peyronnet, pour défendre l'amendement n° 26.
M. Jean-Claude Peyronnet.
Je serai bref, monsieur le président, car, dans la discussion générale, j'ai
très largement abordé le sujet en indiquant que l'absence de normes ainsi que
le renvoi à une annexe font de ce texte plus un programme électoral, plein de
bonnes intentions mais dépourvu de toute valeur juridique immédiate et
n'engageant d'ailleurs pas le Gouvernement, qu'un projet de loi d'orientation
et de programmation.
M. le ministre a de bonnes intentions mais, tous les ans, il faudra qu'il
défende, devant le ministre du budget et devant le Parlement, l'inscription
dans la loi de finances des crédits nécessaires à leur concrétisation.
Telles sont les raisons pour lesquelles j'ai proposé, au nom de mon groupe,
cet amendement de suppression.
M. le ministre a répondu à mon intervention et j'ai été surpris par sa
réponse. Je suis d'ailleurs surpris de façon générale par sa façon de répondre
: il n'écoute pas, contrairement à ce que vous dites les uns et les autres.
M. Jacques Peyrat.
Mais si !
M. Jean-Claude Peyronnet.
Il a une méthode de « vieux prof » que je connais bien : il suffit de prendre
une phrase dans un discours et de la stigmatiser. C'est très malin, et j'ai
peut-être eu moi-même recours à cette astuce dans certains cas...
(Rires sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
Mais, en réalité, M. le ministre n'écoute pas, il est sûr de lui et son
discours est arrogant.
(Protestations sur les mêmes travées.)
M. Jacques Peyrat.
Il a du talent, voilà tout !
M. Jean-Claude Peyronnet.
Je ne nie pas votre légitimité, pleine et entière, monsieur le ministre, mais,
parlant au nom du peuple français, je vous rappelle que le Président de la
République n'a obtenu que 19 % des voix au premier tour de l'élection
présidentielle.
M. Jean-Claude Carle.
Et M. Jospin ?
M. Jean-Claude Peyronnet.
M. Jospin était derrière, c'est vrai, mais pas très loin. Je crois que cela
doit inciter les uns et les autres à la modestie et à la prudence quant à la
façon d'exprimer leurs certitudes, dans ce domaine-là comme dans bien
d'autres.
Nous n'avons pas déposé de motion tendant à opposer la question préalable
comme l'a fait le groupe communiste républicain et citoyen.
Cet amendement de suppression y supplée puisque la structure du texte est
telle que demander la suppression de cet article 1er revient, en réalité, à
supprimer toutes les orientations de ce projet de loi et donc l'essentiel du
texte.
Telles sont les raisons qui nous ont conduits à voter, d'une part, avec le
groupe communiste républicain et citoyen et, d'autre part, à ne pas déposer
nous-mêmes de motion de procédure.
Pour le reste, nous formulons les mêmes critiques : la précipitation et
l'urgence.
M. le président Poncelet, critiquant l'ancien gouvernement, dénonçait la «
dérive » de l'urgence ; on confine désormais à l'abus puisque cinq textes
auront été examinés selon cette procédure au cours de la session extraordinaire
!
Le Conseil d'Etat, dans son rapport du 13 mars 2002, écrivait : « Les projets
soumis dans la précipitation sont souvent de facture médiocre. » Ce
qualificatif peut très bien s'appliquer au texte qui nous est soumis
aujourd'hui. Je vous demande donc, mes chers collègues, de voter l'amendement
de suppression de l'article 1er.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Claude Carle.
Défavorable, bien entendu !
M. Jean-Patrick Courtois,
rapporteur.
La commission a approuvé les orientations qui figurent dans
l'annexe I. Elle a donc émis un avis défavorable sur ces deux amendements.
(« Très bien ! » sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et
de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Nicolas Sarkozy,
ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés
locales.
Même avis défavorable !
M. le président.
Je vais mettre aux voix les amendements identiques n°s 15 et 26.
M. Jean-Pierre Sueur.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.
M. Jean-Pierre Sueur.
Monsieur le ministre, j'ai été très frappé par l'assurance avec laquelle vous
défendiez le texte en général et l'annexe I en particulier.
Bien sûr, figurent dans cette annexe des chiffres très concrets et des mesures
précises, mais, et j'en suis surpris, de très grandes imprécisions
subsistent.
Je ne prendrai qu'un seul exemple.
Vous avez dit que le rôle principal des maires dans le nouveau dispositif
serait la prévention. J'ai essayé de savoir en quoi consistait, d'après le
présent texte, leur rôle dans ce domaine.
J'ai lu, à la page 13, qu'ils allaient présider les conseils locaux de la
prévention. J'ai essayé de comprendre leur rôle : ils seront informés
régulièrement, ils seront en mesure d'exprimer les attentes de la population,
ils répertorieront les actions existantes, ils dégageront une stratégie et
définiront une politique cohérente...
Certes, tout cela n'est pas mal, mais c'est extrêmement creux, ne serait-ce
que parce que c'est en totale contradiction avec le fait qu'aux termes des
règles d'attribution des compétences la prévention spécialisée relève
exclusivement du département.
« L'éminente responsabilité des maires, c'est la prévention », affirme-t-on ;
mais, lorsqu'on cherche à savoir quels sont les pouvoirs des maires en la
matière, on ne trouve que des paroles un peu creuses.
Tout le monde le sait, la prévention relève des départements. Pour autant,
monsieur le ministre, vous ne prévoyez pas de transfert de compétence. C'est un
exemple parmi beaucoup d'autres...
J'ai omis de vous lire une phrase très importante pour définir la compétence
des maires, phrase qui est extraite à la page 14 : « Les maires pourront
prendre l'initiative de faire des suggestions aux préfets... »
(Sourires sur
les travées socialistes.)
J'insiste sur ce point : est-il nécessaire de voter un texte de loi, avec une
annexe, pour découvrir qu'en vertu de la loi de la République française « les
maires pourront prendre l'initiative de faire des suggestions aux préfets »
?
Mme Nicole Borvo.
Bravo !
M. Jean-Pierre Sueur.
J'ai une seule question à poser à M. le ministre. N'auriez-vous pas pu
libeller ainsi cette phrase : « Respectueusement, les maires pourront prendre
l'initiative de faire, respectueusement, des suggestions aux préfets... » ?
Si je vous dis tout cela, c'est parce qu'il y a de bonnes choses dans votre
texte et je regrette que d'autres soient imprécises ou creuses.
J'aimerais donc savoir si vous avez l'intention de transférer la compétence de
la prévention spécialisée des départements aux communes ou aux agglomérations.
Cela donnerait au moins un sens concret au texte !
(Applaudissements sur les
travées socialistes.)
M. Nicolas Sarkozy,
ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés
locales.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Nicolas Sarkozy,
ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés
locales.
Monsieur Sueur, je ne suis pas sûr que me solliciter soit une
très bonne idée
(Rires sur les travées du RPR et des Républicains et
Indépendants)
mais, puisque vous m'invitez à vous répondre, je vais le
faire.
Vous êtes surpris, dites-vous, que je croie à mon texte. Je suis surpris à mon
tour de votre surprise. Si je n'y croyais pas, pourquoi le présenterais-je ?
Deuxième remarque, monsieur Sueur : je revendique les annexes. Je vais même
vous donner un conseil.
C'est l'une des premières fois où nous disposons d'un texte que n'importe quel
citoyen peut lire et comprendre sans avoir besoin de cinquante codes et sans se
référer à quatre autres textes. C'est donc un texte lisible, et je vous
conseille de l'afficher dans votre permanence, de le montrer à vos électeurs ou
à ceux qui, un jour, pourraient le redevenir.
Chacun peut le comprendre : ce texte définit pour cinq ans les orientations du
Gouvernement en matière de sécurité. C'est un texte lisible et compréhensible
par tout le monde. Depuis quand les parlementaires devraient-ils être condamnés
à rédiger des textes que plus personne ne comprend ? Certes, des hommes et des
femmes parfaitement compétents, tel M. Patrice Gélard, siègent sur les travées
de cette assemblée. Mais ne vous a-t-on jamais fait le reproche de voter des
textes que même nous, nous ne comprenons pas, des textes qui sont devenus
illisibles ?
Ce texte est lisible, compréhensible, chacun peut le lire. Dans vos
permanences, vous n'aurez pas besoin de le traduire. Il sera là. Demandez à nos
compatriotes s'ils le comprennent.
Il me semble que ces annexes, dont vous vous gaussez depuis si longtemps,
sont, au contraire, un exemple d'une façon moderne de légiférer.
Monsieur Peyronnet, vous me dites : quelle suffisance ! Alors, si je comprends
bien, le jeu entre le Parlement et le Gouvernement devrait être le suivant : je
dois subir les interventions, accepter des attaques, courber l'échine devant
tant de suffisance de la part de ceux de vos amis qui ont été battus avec une
telle certitude,...
M. Christian Demuynck.
Très bien !
M. Nicolas Sarkozy,
ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés
locales.
... je dois ne pas répondre et considérer que les convictions ne
sont que d'un côté, et, moi, m'excuser d'avoir les convictions qui sont les
miennes !
M. Christian Demuynck.
Très bien !
M. Nicolas Sarkozy,
ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés
locales.
Monsieur Peyronnet, je respecte, pardonnez-moi de vous le
dire,...
M. Jean-Claude Peyronnet.
Vous n'avez pas répondu à la question !
M. Nicolas Sarkozy,
ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés
locales.
Monsieur Peyronnet, vous m'écoutez ? Je respecte tous les membres
de cette assemblée, quelles que soient les travées sur lesquelles ils siègent.
Cependant, permettez-moi de vous le dire, je n'accepte pas, quand je réponds
avec force sur les convictions de la majorité et du Gouvernement, que vous le
preniez comme des attaques personnelles. Je dois supporter d'être accusé de
mettre en cause les pauvres, les modestes, les gens du voyage ainsi que les
prostituées et d'être responsable de toute la misère du monde, et je dois dire
merci ? Vous vous trompez ! Le débat démocratique, ce n'est pas celui-ci !
J'ai apprécié l'intervention de Mme Borvo. Je n'ai pas ses convictions, et je
n'aurais pas voté la motion tendant à opposer la question préalable, mais, à
aucun moment, elle n'a reproché au Gouvernement de défendre les idées qui sont
les siennes. Monsieur Sueur, pourquoi notre démocratie est-elle malade depuis
si longtemps ?
M. Jean-Pierre Sueur.
J'ai posé une question précise !
M. Nicolas Sarkozy,
ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés
locales.
C'était votre question, c'est ma réponse !
M. Charles Gautier.
On a déjà entendu ça !
M. Nicolas Sarkozy,
ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés
locales.
Votre question, elle était libre, ma réponse l'est aussi. Depuis
très longtemps, la démocratie souffre de ne plus avoir de débat, de ne plus
oser la confrontation d'idées.
M. Dominique Braye.
Absolument !
M. Nicolas Sarkozy,
ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés
locales.
Chacun doit le savoir, monsieur Sueur, et vous aussi, monsieur
Peyronnet, qui s'y frotte s'y pique ! Vous parlez gentiment, la réponse sera
gentille ! Vous cherchez le Gouvernement, le Gouvernement répond !
M. Jean-Claude Peyronnet.
Il n'y a pas de réponse !
M. Nicolas Sarkozy,
ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés
locales.
Vous dites : il n'y a pas de précision. Avez-vous vu le décret
sur les conseils locaux de sécurité ?
M. Christian Demuynck.
Ils ne l'ont pas lu !
M. Nicolas Sarkozy,
ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés
locales.
Vous êtes-vous au moins donné la peine, monsieur Sueur, de lire
la circulaire qui a été publiée il y a quinze jours et le décret qui est paru
voilà huit jours ? Les avez-vous consultés ? Ils sont passés en conseil des
ministres. Ils précisent, comme le droit nous le permet, les compétences du
conseil local de sécurité. Vous venez de faire une intervention. Vous dites :
c'est creux. Vous n'avez lu ni le décret ni la circulaire !
M. Jean-Pierre Sueur.
J'ai posé une question sur les compétences ! Ce n'est tout de même pas
extraordinaire !
M. Nicolas Sarkozy,
ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés
locales.
Monsieur Sueur, ne protestez pas quand ça fait mal, sinon je vais
refaire mal !
(Sourires.)
Je vous les communiquerai, parce que, quand on
se noie, moi je porte toujours secours !
M. Christian Demuynck.
Bien !
M. Nicolas Sarkozy,
ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés
locales.
S'agissant des compétences entre les départements et les maires,
où est la contradiction, monsieur Sueur ? Il n'y en a aucune ! Les départements
jouent le rôle de prévention, M. Louis de Broissia l'a très bien rappelé. Il y
a les conseils départementaux de la sécurité. Les départements joueront tout
leur rôle. Et puis, il y a les maires, dans le cadre des conseils locaux de
sécurité. Où y a-t-il contradiction ? Les maires joueront le rôle de prévention
dans le cadre des communes ; les départements apporteront toute leur force dans
le cadre des départements. Où est la difficulté ? Où y a-t-il contradiction ?
Qui voit qu'il y ait la moindre difficulté à continuer à faire travailler
départements et mairies ?
J'en profite pour répondre à M. Francis Giraud, car, après tout, il n'y a pas
de raison que je ne réponde pas sur la sécurité dans les hôpitaux. Je
formulerai deux propositions.
La première : il faut prévoir des chambres sécurisées,...
M. Jacques Peyrat.
C'est vrai !
M. Nicolas Sarkozy,
ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés
locales.
... car les détenus ont besoin d'être soignés. On ne peut plus
mettre le personnel de santé en difficulté.
M. Jacques Peyrat.
Effectivement !
M. Nicolas Sarkozy,
ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés
locales.
Je souhaite que tous les centres hospitaliers régionaux aient une
ou deux chambres adaptées à cet effet.
Deuxième proposition : il faut que les directeurs des centres hospitaliers
fassent ce que les proviseurs ou les directeurs de collège ont fait et aient un
autre rapport avec la sécurité pour établir, notamment pour les urgentistes,
des processus de sécurisation, en prenant contact avec les commissariats de
police. Je signerai une circulaire pour que, systématiquement, les commissaires
de police prennent contact avec les directeurs d'hôpitaux, car la situation
dans les services des urgences est en tout point exécrable. La question de la
sécurité dans nos établissements hospitaliers est essentielle.
Enfin, je dis aux membres du groupe communiste républicain et citoyen : ne
m'en veuillez pas ! C'est très bien de dire que vous êtes du côté des
policiers. C'est très bien de dire que vous voulez des effectifs pour la
police. Aussi, permettez-moi de vous poser une question : pourquoi ne
votez-vous ceux-ci ?
M. Christian Demuynck.
Effectivement !
M. Nicolas Sarkozy,
ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés
locales.
Vous êtes pour une augmentation des effectifs de la police quand
ce sont d'autres que le Gouvernement qui la proposent ? Que reprochez-vous aux
13 500 emplois que nous voulons créer ?
M. Jean-Claude Peyronnet.
On verra !
M. Nicolas Sarkozy,
ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés
locales.
Faites un geste de bonne volonté : votez-les ! Est-ce parce que
c'est le Gouvernement qui les propose que vous ne les votez pas ? Pourtant, ces
effectifs, que ce soit un gouvernement de droite ou un gouvernement de gauche
qui les propose, ils seront affectés à la police et à la gendarmerie. Quelle
est la position du parti communiste ? Si vous soutenez les policiers et les
gendarmes, prouvez-le, en votant le texte qui prévoit de créer des emplois.
(« Très bien ! » et applaudissements sur les travées du RPR, de l'Union
centriste et des Républicains et Indépendants ainsi que sur certaines travées
du RDSE.)
Mme Nicole Borvo.
Nous verrons ce qu'il en sera dans le prochain projet de loi de finances !
M. le président.
Je mets aux voix les amendements identiques n°s 15 et 26.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président.
Le vote sur l'article 1er est réservé jusqu'après l'examen de l'annexe I.
La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.
9
DÉPÔT D'UNE PROPOSITION DE LOI
CONSTITUTIONNELLE
M. le président.
J'ai reçu de MM. Georges Othily et Rodolphe Désiré une proposition de loi
constitutionnelle tendant à modifier le premier alinéa de l'article 7 de la
Constitution.
La proposition de loi constitutionnelle sera imprimée sous le n° 379,
distribuée et renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de
législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale,
sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les
conditions prévues par le règlement.
10
DÉPÔT D'UNE PROPOSITION DE LOI
ORGANIQUE
M. le président.
J'ai reçu de MM. Georges Othily et Rodolphe Désiré une proposition de loi
organique tendant à modifier la loi n° 62-1292 du 6 novembre 1962 relative à
l'élection du Président de la République au suffrage universel.
La proposition de loi organique sera imprimée sous le n° 380, distribuée et
renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du
suffrage universel, du règlement et d'administration générale, sous réserve de
la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions
prévues par le règlement.
11
DÉPÔT D'UNE PROPOSITION DE LOI
M. le président.
J'ai reçu de MM. Georges Othily et Rodophe Désiré une proposition de loi
tendant à modifier certaines dispositions du code électoral.
La proposition de loi sera imprimée sous le n° 381, distribuée et renvoyée à
la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage
universel, du règlement et d'administration générale, sous réserve de la
constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues
par le règlement.
12
TEXTES SOUMIS AU SÉNAT EN APPLICATION
DE L'ARTICLE 88-4 DE LA CONSTITUTION
M. le président.
J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le
Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Initiative du Conseil relative à l'utilisation commune des officiers de
liaison détachés par les autorités répressives des Etats membres : actes
législatifs et autres instruments. Projet de décision du Conseil relatif à
l'utilisation commune des officiers de liaison.
Ce texte sera imprimé sous le n° E 2063 et distribué.
J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le
Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Initiative du Royaume du Danemark en vue de l'adoption d'un acte du Conseil
portant établissement, sur la base de l'article 43, paragraphe 1, de la
convention portant création d'un Office européen de police (convention
Europol), d'un protocole modifiant ladite convention.
Ce texte sera imprimé sous le n° E 2064 et distribué.
J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le
Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Communication du Royaume du Danemark. Initiative du Royaume du Danemark
visant à l'adoption par le Conseil d'un projet de décision du Conseil relative
au renforcement de la coopération entre les Etats membres de l'Union européenne
en ce qui concerne les décisions de déchéance de droits : note de transmission
de P. Skytte Christoffersen, ambassadeur, représentant permanent du 13 juin
2002 à Javier Solana, Secrétaire général Haut représentant de l'Union
européenne.
Ce texte sera imprimé sous le n° E 2065 et distribué.
Retrait de dix-neuf textes soumis en application
de l'article 88-4 de la Constitution
M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre une communication en
date du 30 juillet 2002 l'informant du retrait, par la Commission européenne le
11 décembre 2001, des dix-neuf textes soumis en application de l'article 88-4
de la Constitution suivants :
N° E 164. - Proposition de décision. Programme d'action à moyen terme de lutte
contre l'exclusion et de promotion de la solidarité : un nouveau programme de
soutien et de stimulation de l'innovation 1994-1999.
N° E 275. - Proposition de règlement du Conseil déterminant les cas dans
lesquels une franchise de droits à l'importation ou de droits à l'exportation
est accordée.
N° E 286. - Proposition de règlement du Conseil dans le domaine de création
d'emplois et du soutien aux petites et micro-entreprises dans les pays du
Maghreb.
N° E 306. - Proposition de directive du Conseil modifiant la directive
77/388/CEE et déterminant le champ d'application de son article 14, 1, point
d,
en ce qui concerne l'exonération de la TVA de certaines importations
définitives de biens.
N° E 493. - Proposition de directive du Conseil relative au droit des
ressortissants des pays tiers de voyager à l'intérieur de la Communauté.
N° E 510. - Proposition de directive du Conseil modifiant la directive
91/440/CEE relative au développement des chemins de fer communautaires.
N° E 582. - Proposition de règlement du Conseil modifiant en faveur des
travailleurs en chômage le règlement 1408/71 relatif à l'application des
régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés, aux travailleurs non
salariés et aux membres de leur famille qui se déplacent à l'intérieur de la CE
et le règlement 574/92 fixant les modalités d'application du règlement
1408/71.
N° E 583. - Proposition de règlement du Conseil modifiant en faveur des
titulaires de prestations de préretraite le règlement 1408/71 relatif à
l'application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés, aux
travailleurs non salariés et aux membres de leur famille qui se déplacent à
l'intérieur de la CE, et le règlement 574/72 fixant les modalités d'application
du règlement 1408/71 (préretraite).
N° E 639. - Proposition de directive du Conseil modifiant la directive
76/207/CEE relative à la mise en oeuvre du principe de l'égalité de traitement
entre hommes et femmes en ce qui concerne l'accès à l'emploi, à la formation et
à la promotion professionnelle, et les conditions de travail.
N° E 655. - Proposition de décision du Conseil et de la Commission relative à
la conclusion d'un protocole à l'accord de partenariat et de coopération entre
les CE et leurs Etats membres et la Fédération de Russie (à la suite de
l'adhésion de l'Autriche, de la Finlande et de la Suède).
N° E 792. - Proposition de décision du Conseil approuvant les échanges de
lettres entre la CE, d'une part, et la Bulgarie, la Hongrie, le Pologne, la
République tchèque, la République slovaque, la Roumanie, l'Estonie, la Lettonie
et la Lituanie, d'autre part, et concernant certaines dispositions applicables
aux bovins sur pied.
N° E 819. - Proposition de décision du Conseil instituant une procédure de
consultation en ce qui concerne les relations entre Etats membres et pays tiers
dans le domaine des transports maritimes ainsi que les actions relatives à ce
domaine au sein des organisations internationales et une procédure
d'autorisation pour des accords portant sur les transports maritimes. Relations
extérieures dans le domaine des transports maritimes : communication de la
Commission.
N° E 923. - Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil
modifiant la directive 93/74/CEE du Conseil concernant les aliments pour
animaux visant des objectifs nutritionnels particuliers.
N° E 967. - Proposition de décision du Conseil et de la Commission relative à
la conclusion de l'accord de partenariat et de coopération entre les CE et
leurs Etats membres, d'une part, et la Fédération de Russie, d'autre part ;
- Proposition de décision du Conseil et de la Commission relative à la
conclusion d'un protocole à l'accord de partenariat et de coopération entre les
CE et leurs Etats membres, d'une part, et la Fédération de Russie, d'autre
part.
N° E 1027. - Proposition de règlement (CE) du Conseil modifiant le règlement
(CEE) n° 295/91 établissant des règles communes relatives à un système de
compensation pour refus d'embarquement dans les transports aériens
réguliers.
N° E 1127. - Proposition de règlement (CE) du Conseil concernant le régime
tarifaire applicable à l'importation de certains types de compléments
alimentaires originaires de Suisse.
N° E 1140. - Proposition de directive du Conseil modifiant la directive
92/106/CEE du Conseil relative à l'établissement de règles communes pour
certains transports combinés de marchandises entre Etats membres ;
- Proposition de directive du Conseil modifiant la directive 96/53/CE du
Conseil fixant, pour certains véhicules routiers circulant dans la Communauté,
les dimensions maximales autorisées en trafic national et international et les
poids maximaux autorisés en trafic international.
N° E 1238. - Proposition de décision du Conseil concernant l'adoption, au nom
de la Communauté, des modifications aux annexes de la convention sur la
protection de l'environnement marin de la zone de la mer Baltique (Convention
de Helsinki).
N° E 1295. - Proposition de décision du Conseil autorisant le Portugal à
introduire ou à maintenir des réductions ou des exonérations des droits
d'accise sur certaines huiles minérales utilisées à des fins spécifiques, selon
la procédure prévue à l'article 8, paragraphe 4, de la directive 92/81/CEE.
13
ORDRE DU JOUR
M. le président.
Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment
fixée à aujourd'hui, mercredi 31 juillet 2002, à quinze heures et,
éventuellement, le soir :
Suite de la discussion du projet de loi (n° 365, 2001-2002), adopté par
l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, d'orientation et de
programmation pour la sécurité intérieure.
Rapport (n° 371, 2001-2002) de M. Jean-Patrick Courtois, fait au nom de la
commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel,
du règlement et d'administration générale.
Avis (n° 373, 2001-2002) de M. Philippe François, fait au nom de la commission
des affaires étrangères, de la défense et des forces armées.
Avis (n° 375, 2001-2002) de M. Aymeri deMontesquiou, fait au nom de la
commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de
la nation.
Le délai limite pour le dépôt des amendements est expiré.
Personne ne demande la parole ?...
La séance est levée.
(La séance est levée le mercredi 31 juillet 2002, à une heure
trente-cinq.)
Le Directeur
du service du compte rendu intégral,
MONIQUE MUYARD
NOMINATION D'UN MEMBRE
D'UNE COMMISSION PERMANENTE
Dans sa séance du mardi 30 juillet 2002, le Sénat a nommé M. André Ferrand, membre de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, à la place laissée vacante par M. Hubert Falco, dont le mandat de sénateur a cessé.
MODIFICATIONS AUX LISTES
DES MEMBRES DES GROUPES
Groupe des Républicains et Indépendants
(39 membres au lieu de 38) :
Ajouter le nom de M. André Geoffroy.
Réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun
groupe
(6 au lieu de 7) :
Supprimer le nom de M. André Geoffroy.
Le Directeur du service du compte rendu intégral, DOMINIQUE PLANCHON QUESTIONS ORALES REMISES À LA PRÉSIDENCE DU SÉNAT (Application des articles 76 à 78 du réglement)
Effets de la loi du 11 mai 1998 par rapport à l'asile territorial
17.
- 29 juillet 2002. -
M. Louis Souvet
attire l'attention de
M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés
locales
sur les dispositions relatives à l'asile territorial. Ce statut mis en place
par la loi n° 98-349 du 11 mai 1998 permet aux étrangers ne pouvant pas
prétendre à l'obtention du titre de réfugié politique de bénéficier d'une
procédure complémentaire. Cette complémentarité n'a pas échappé aux nouveaux
arrivants, conduisant ainsi à un engorgement des services devant traiter les
dossiers, d'où un allongement bien compréhensible des délais, paradoxalement
durant cette période relativement longue lorsque les intéressés n'ont pas le
droit de travailler. Ils font donc, ne pouvant subvenir à leurs besoins, appel
aux différents services sociaux tant départementaux que communaux. Il lui
demande quelles mesures il entend prendre pour stopper, d'une part, ce
processus inflationniste, d'autre part, permettre aux demandeurs d'asile
territorial de subvenir à leurs besoins, enfin, et ce compte tenu des effets
pervers du dispositif, s'il est prévu une réforme de ce système.
ANNEXES AU PROCÈS-VERBAL
de la séance
du mardi 30 juillet 2002
SCRUTIN (n° 70)
sur la motion n° 9 présentée par Mme Nicole Borvo et plusieurs de ses collègues
tendant à opposer la question préalable au projet de loi, adopté par
l'Assemblée nationale, après déclaration d'urgence, d'orientation et de
programmation pour la sécurité intérieure (urgence déclarée).
Nombre de votants : | 316 |
Nombre de suffrages exprimés : | 314 |
Pour : | 107 |
Contre : | 207 |
Le Sénat n'a pas adopté.
ANALYSE DU SCRUTIN
GROUPE COMMUNISTE RÉPUBLICAIN ET CITOYEN (23) :
Pour :
21.
N'ont pas pris part au vote :
2. _ MM. Jean-Yves Autexier et Paul
Loridant.
GROUPE DU RASSEMBLEMENT DÉMOCRATIQUE ET SOCIAL EUROPÉEN (20) :
Pour :
3. _ MM. Jean-Michel Baylet, Yvon Collin et François
Fortassin.
Contre :
15.
Abstentions :
2. _ MM. André Boyer et Gérard Delfau.
GROUPE DU RASSEMBLEMENT POUR LA RÉPUBLIQUE (93) :
Contre :
91.
N'ont pas pris part au vote :
2. _ MM. Christian Poncelet, président du
Sénat, et Serge Vinçon, qui présidait la séance.
GROUPE SOCIALISTE (83) :
Pour :
83.
GROUPE DE L'UNION CENTRISTE (54) :
Contre :
54.
GROUPE DES RÉPUBLICAINS ET INDÉPENDANTS (41) :
Contre :
41.
Sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe (6) :
Contre :
6.
Ont voté pour
Michèle André
Bernard Angels
Henri d'Attilio
Bertrand Auban
François Autain
Robert Badinter
Jean-Michel Baylet
Marie-Claude Beaudeau
Marie-France Beaufils
Jean-Pierre Bel
Jacques Bellanger
Maryse Bergé-Lavigne
Jean Besson
Pierre Biarnès
Danielle Bidard-Reydet
Marie-Christine Blandin
Nicole Borvo
Didier Boulaud
Yolande Boyer
Robert Bret
Claire-Lise Campion
Jean-Louis Carrère
Bernard Cazeau
Monique Cerisier-ben Guiga
Gilbert Chabroux
Michel Charasse
Yvon Collin
Gérard Collomb
Yves Coquelle
Raymond Courrière
Roland Courteau
Yves Dauge
Annie David
Marcel Debarge
Jean-Pierre Demerliat
Michelle Demessine
Evelyne Didier
Claude Domeizel
Michel Dreyfus-Schmidt
Josette Durrieu
Bernard Dussaut
Claude Estier
Guy Fischer
François Fortassin
Thierry Foucaud
Jean-Claude Frécon
Bernard Frimat
Charles Gautier
Jean-Pierre Godefroy
Jean-Noël Guérini
Claude Haut
Odette Herviaux
Alain Journet
André Labarrère
Philippe Labeyrie
Serge Lagauche
Roger Lagorsse
Dominique Larifla
Gérard Le Cam
André Lejeune
Louis Le Pensec
Claude Lise
Hélène Luc
Philippe Madrelle
Jacques Mahéas
Jean-Yves Mano
François Marc
Jean-Pierre Masseret
Marc Massion
Josiane Mathon
Pierre Mauroy
Louis Mermaz
Gérard Miquel
Michel Moreigne
Roland Muzeau
Jean-Marc Pastor
Guy Penne
Daniel Percheron
Jean-Claude Peyronnet
Jean-François Picheral
Bernard Piras
Jean-Pierre Plancade
Danièle Pourtaud
Gisèle Printz
Jack Ralite
Daniel Raoul
Paul Raoult
Daniel Reiner
Ivan Renar
Roger Rinchet
Gérard Roujas
André Rouvière
Michèle San Vicente
Claude Saunier
Michel Sergent
René-Pierre Signé
Jean-Pierre Sueur
Simon Sutour
Odette Terrade
Michel Teston
Jean-Marc Todeschini
Pierre-Yvon Tremel
André Vantomme
Paul Vergès
André Vezinhet
Marcel Vidal
Henri Weber
Ont voté contre
Nicolas About
Philippe Adnot
Jean-Paul Alduy
Nicolas Alfonsi
Jean-Paul Amoudry
Pierre André
Philippe Arnaud
Jean Arthuis
Denis Badré
Gérard Bailly
José Balarello
Gilbert Barbier
Bernard Barraux
Jacques Baudot
Michel Bécot
Claude Belot
Daniel Bernardet
Roger Besse
Laurent Béteille
Joël Billard
Claude Biwer
Jean Bizet
Jacques Blanc
Paul Blanc
Maurice Blin
Annick Bocandé
Didier Borotra
Joël Bourdin
Brigitte Bout
Jean Boyer
Jean-Guy Branger
Gérard Braun
Dominique Braye
Paulette Brisepierre
Louis de Broissia
Michel Caldaguès
Robert Calmejane
Jean-Pierre Cantegrit
Jean-Claude Carle
Auguste Cazalet
Charles Ceccaldi-Raynaud
Gérard César
Jacques Chaumont
Jean Chérioux
Marcel-Pierre Cleach
Jean Clouet
Christian Cointat
Gérard Cornu
Jean-Patrick Courtois
Philippe Darniche
Robert Del Picchia
Fernand Demilly
Christian Demuynck
Marcel Deneux
Gérard Dériot
Rodolphe Désiré
Sylvie Desmarescaux
Yves Détraigne
Eric Doligé
Jacques Dominati
Michel Doublet
Paul Dubrule
Alain Dufaut
André Dulait
Ambroise Dupont
Jean-Léonce Dupont
Hubert Durand-Chastel
Louis Duvernois
Daniel Eckenspieller
Jean-Paul Emin
Jean-Paul Emorine
Michel Esneu
Jean-Claude Etienne
Pierre Fauchon
Jean Faure
Françoise Férat
André Ferrand
Hilaire Flandre
Gaston Flosse
Alain Fouché
Jean-Pierre Fourcade
Bernard Fournier
Serge Franchis
Philippe François
Jean François-Poncet
Yves Fréville
Yann Gaillard
René Garrec
Christian Gaudin
Jean-Claude Gaudin
Philippe de Gaulle
Gisèle Gautier
Patrice Gélard
André Geoffroy
Alain Gérard
François Gerbaud
Charles Ginésy
Francis Giraud
Paul Girod
Daniel Goulet
Jacqueline Gourault
Alain Gournac
Adrien Gouteyron
Francis Grignon
Louis Grillot
Georges Gruillot
Charles Guené
Michel Guerry
Hubert Haenel
Emmanuel Hamel
Françoise Henneron
Marcel Henry
Pierre Hérisson
Daniel Hoeffel
Jean-François Humbert
Jean-Jacques Hyest
Pierre Jarlier
Bernard Joly
Jean-Marc Juilhard
Roger Karoutchi
Joseph Kerguéris
Christian de La Malène
Jean-Philippe Lachenaud
Pierre Laffitte
Lucien Lanier
Jacques Larché
Gérard Larcher
André Lardeux
Patrick Lassourd
Robert Laufoaulu
René-Georges Laurin
Jean-René Lecerf
Dominique Leclerc
Jacques Legendre
Jean-François Le Grand
Serge Lepeltier
Philippe Leroy
Marcel Lesbros
Valérie Létard
Gérard Longuet
Jean-Louis Lorrain
Simon Loueckhote
Roland du Luart
Brigitte Luypaert
Max Marest
Philippe Marini
Pierre Martin
Jean Louis Masson
Serge Mathieu
Michel Mercier
Lucette Michaux-Chevry
Jean-Luc Miraux
Louis Moinard
René Monory
Aymeri de Montesquiou
Dominique Mortemousque
Georges Mouly
Bernard Murat
Philippe Nachbar
Paul Natali
Philippe Nogrix
Nelly Olin
Joseph Ostermann
Georges Othily
Jacques Oudin
Monique Papon
Anne-Marie Payet
Michel Pelchat
Jacques Pelletier
Jean Pépin
Jacques Peyrat
Xavier Pintat
Bernard Plasait
Jean-Marie Poirier
Ladislas Poniatowski
André Pourny
Jean Puech
Henri de Raincourt
Victor Reux
Charles Revet
Henri Revol
Henri de Richemont
Philippe Richert
Yves Rispat
Josselin de Rohan
Janine Rozier
Bernard Saugey
Jean-Pierre Schosteck
Bernard Seillier
Bruno Sido
Daniel Soulage
Louis Souvet
Michel Thiollière
Henri Torre
René Trégouët
André Trillard
François Trucy
Alex Türk
Maurice Ulrich
Jacques Valade
André Vallet
Jean-Marie Vanlerenberghe
Alain Vasselle
Jean-Pierre Vial
Xavier de Villepin
Jean-Paul Virapoullé
François Zocchetto
Abstentions
MM. André Boyer et Gérard Delfau.
N'ont pas pris part au vote
MM. Jean-Yves Autexier et Paul Loridant.
N'ont pas pris part au vote
MM. Christian Poncelet, président du Sénat, et Serge Vinçon, qui présidait la
séance.
Les nombres annoncés en séance avaient été de :
Nombre de votants : | 317 |
Nombre des suffrages exprimés : | 315 |
Majorité absolue des suffrages exprimés : | 158 |
Pour : | 107 |
Contre : | 208 |
Mais, après vérification, ces nombres ont été rectifiés conformément à la liste ci-dessus.