SEANCE DU 8 OCTOBRE 2002
SOMMAIRE
PRÉSIDENCE DE M. JEAN-CLAUDE GAUDIN
1.
Procès-verbal
(p.
0
).
2.
Modification de l'ordre du jour
(p.
1
).
3.
Organismes extraparlementaires
(p.
2
).
4.
Dépôt de rapports du Gouvernement
(p.
3
).
5.
Démission d'un membre d'une commission etcandidatures
(p.
4
).
6.
Questions orales
(p.
5
).
sort des familles des victimes
de l'attentat de karachi (p.
6
)
Question de M. Jean-Pierre Godefroy. - Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de la
défense ; M. Jean-Pierre Godefroy.
7.
Souhaits de bienvenue à une délégation parlementaire ouzbeke
(p.
7
).
8.
Questions orales
(
suite
)
(p.
8
).
effectifs des enseignants
en loire-atlantique (p.
9
)
Question de M. Charles Gautier. - M. Xavier Darcos, ministre délégué à l'enseignement scolaire.
effets pervers de la législation
sur le développement
de l'immigration clandestine (p.
10
)
Question de M. Jean-Patrick Courtois. - MM. Patrick Devedjian, ministre délégué aux libertés locales ; Jean-Patrick Courtois.
dotation globale de fonctionnement (p. 11 )
Question de M. Claude Biwer. - MM. Patrick Devedjian, ministre délégué aux libertés locales ; Claude Biwer.
droit de vote (p. 12 )
Question de M. André Rouvière. - MM. Patrick Devedjian, ministre délégué aux libertés locales ; André Rouvière.
réalisation de la ligne ferroviaire
paris-orléans-limoges-toulouse (polt) (p.
13
)
Question de Jean-Pierre Demerliat. - MM. Léon Bertrand, secrétaire d'Etat au
tourisme ; Jean-Pierre Demerliat.
9.
Souhaits de bienvenue à une délégation parlementaire centrafricaine
(p.
14
).
10.
Questions orales
(
suite
)
(p.
15
).
révision de la politique agricole commune (p. 16 )
Question de Mme Brigitte Luypaert. - M. Hervé Gaymard, ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales ; Mme Brigitte Luypaert.
projet de réorganisation des structures
de l'onf (p.
17
)
Question de M. Roland Courteau. - MM. Hervé Gaymard, ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales ; Roland Courteau.
désengagement de l'état
dans les contrats de ville (p.
18
)
Question de M. Didier Boulaud. - MM. Jean-Louis Borloo, ministre délégué à la ville et à la rénovation urbaine ; Didier Boulaud.
situation financière
d'électricité de france (p.
19
)
Question de M. Philippe Marini. - Mme Nicole Fontaine, ministre déléguée à l'industrie ; M. Philippe Marini.
avenir des centres de tri du courrier (p. 20 )
Question de Mme Marie-Claude Beaudeau. - Mmes Nicole Fontaine, ministre déléguée à l'industrie ; Marie-Claude Beaudeau.
réglementation applicable aux loteries
organisées par des associations (p.
21
)
Question de M. Jean-Claude Carle. - Mme Nicole Fontaine, ministre déléguée à l'industrie ; M. Jean-Claude Carle.
ressources des centres techniques corem (p. 22 )
Question de M. André Vantomme. - Mme Nicole Fontaine, ministre déléguée à l'industrie ; M. André Vantomme.
coût de l'entretien des routes communales (p. 23 )
Question de M. Bernard Piras. - Mme Nicole Fontaine, ministre déléguée à l'industrie ; M. Bernard Piras.
reconduction du mécanisme de tva réduite
sur les travaux d'entretien
et d'amélioration des logements (p.
24
)
Question de M. Dominique Mortemousque. - Mme Nicole Fontaine, ministre déléguée à l'industrie ; M. Dominique Mortemousque.
gestion par les collectivités départementales
du dispositif d'aide aux personnes âgées (p.
25
)
Question de M. Jean-Pierre Vial. - MM. Hubert Falco, secrétaire d'Etat aux personnes âgées ; Jean-Pierre Vial.
difficultés de mise en oeuvre
de l'allocation personnalisée d'autonomie (p.
26
)
Question de M. Bernard Cazeau. - MM. Hubert Falco, secrétaire d'Etat aux personnes âgées ; Bernard Cazeau.
renforcement des moyens du service de gériatrie
de l'hôpital de tulle (p.
27
)
Question de M. Georges Mouly. - MM. Christian Jacob, ministre délégué à la
famille ; Georges Mouly.
11.
Nomination de membres de commissions
(p.
28
).
Suspension et reprise de la séance (p. 29 )
PRÉSIDENCE DE M. DANIEL HOEFFEL
12.
Message de sympathie au maire de Paris
(p.
30
).
MM. le président, Claude Estier, Jack Ralite.
13.
Souhaits de bienvenue à une délégation parlementaire du Japon
(p.
31
).
14.
Rémunération au titre du prêt en bibliothèque.
- Discussion d'un projet de loi (p.
32
).
Discussion générale : MM. Jean-Jacques Aillagon, ministre de la culture et de
la communication ; Daniel Eckenspieller, rapporteur de la commission des
affaires culturelles ; Mme Danièle Pourtaud, MM. Ivan Renar, Yann Gaillard,
Philippe Richert.
Clôture de la discussion générale.
15.
Communication du Médiateur de la République
(p.
33
).
MM. le président, Bernard Stasi, Médiateur de la République ; René Garrec,
président de la commission des lois.
16.
Rémunération au titre du prêt en bibliothèque.
- Suite de la discussion et adoption d'un projet de loi (p.
34
).
M. Jean-Jacques Aillagon, ministre de la culture et de la communication.
Article 1er (p. 35 )
Amendement n° 1 de la commission. - MM. Daniel Eckenspieller, rapporteur de la commission des affaires culturelles ; le ministre. - Adoption.
Article L. 351-1 du code de la propriété intellectuelle (p. 36 )
Amendements n°s 2 rectifié de la commission et 28 de M. Ivan Renar. - MM. le rapporteur, Ivan Renar, le ministre, Mme Danièle Pourtaud. - Retrait de l'amendement n° 28 ; adoption de l'amendement n° 2 rectifié rédigeant l'article du code.
Article L. 351-2 du code de la propriété intellectuelle (p. 37 )
Amendements n°s 3 de la commission et 29 de M. Ivan Renar. - MM. le rapporteur, le ministre, Michel Charasse. - Retrait de l'amendement n° 29 ; adoption de l'amendement n° 3 rédigeant l'article du code.
Article L. 351-3 du code de la propriété intellectuelle (p. 38 )
Amendement n° 4 de la commission. - Adoption.
Amendement n° 5 de la commission. - Adoption.
Amendement n° 6 de la commission et sous-amendement n° 26 rectifié de Mme
Danièle Pourtaud. - MM. le rapporteur, Jean-Marc Todeschini, le ministre. -
Retrait du sous-amendement ; adoption de l'amendement.
Amendement n° 7 de la commission et sous-amendement n° 37 du Gouvernement. -
MM. le rapporteur, le ministre, Mme Danièle Pourtaud. - Adoption du
sous-amendement et de l'amendement modifié.
Amendement n° 30 de M. Ivan Renar. - MM. Ivan Renar, le rapporteur, le
ministre. - Retrait.
Amendement n° 31 de M. Ivan Renar. - MM. Ivan Renar, le rapporteur, le
ministre, Michel Charasse. - Rejet.
Adoption de l'article du code, modifié.
Article L. 351-4 du code de la propriété intellectuelle (p. 39 )
Amendements n°s 8 de la commission, 32 et 33 de M. Ivan Renar. - MM. le
rapporteur, Ivan Renar, le ministre. - Retrait de l'amendement n° 33 ; adoption
de l'amendement n° 8 rédigeant l'article du code, l'amendement n° 32 devenant
sans objet.
Amendements n°s 9 de la commission, 34 et 35 de M. Ivan Renar. - MM. le
rapporteur, Ivan Renar, le ministre. - Retrait de l'amendement n° 35 ; adoption
de l'amendement n° 9, l'amendement n° 34 devenant sans objet.
Amendement n° 10 de la commission. - MM. le rapporteur, le ministre. -
Adoption.
Amendements n°s 15 à 24 de M. Michel Charasse. - MM. Michel Charasse, le
rapporteur, le ministre. - Retrait des dix amendements.
M. Yann Gaillard.
Adoption de l'article 1er modifié.
Article 2 (p. 40 )
Amendement n° 11 de la commission. - MM. le rapporteur, le ministre. -
Adoption.
Adoption de l'article modifié.
Article 3 (p. 41 )
Amendement n° 12 de la commission. - Adoption.
Adoption de l'article modifié.
Article 4 (p. 42 )
Amendement n° 13 de la commission. - MM. le rapporteur, le ministre. -
Adoption.
Adoption de l'article modifié.
Articles additionnels après l'article 4 (p. 43 )
Amendement n° 25 de M. Michel Charasse. - Retrait.
Amendements n°s 27 rectifié
bis
de Mme Danièle Pourtaud et 36 rectifié
de M. Ivan Renar. - Mme Danièle Pourtaud, MM. Ivan Renar, le rapporteur, le
ministre. - Retrait de l'amendement n° 36 rectifié ; adoption de l'amendement
n° 27 rectifié
bis
insérant un article additionnel.
Article 5 (p. 44 )
Amendement n° 14 de la commission. - MM. le rapporteur, le ministre. - Adoption de l'amendement rédigeant l'article.
Vote sur l'ensemble (p. 45 )
M. Jack Ralite, Mme Françoise Férat, MM. Pierre Laffitte, Jacques Valade,
président de la commission des affaires culturelles ; le ministre.
Adoption du projet de loi.
17.
Déclaration de l'urgence d'un projet de loi
(p.
46
).
18.
Transmission d'une proposition de loi
(p.
47
).
19.
Textes soumis au Sénat en application de l'article 88-4 de la Constitution
(p.
48
).
20.
Dépôt d'un rapport
(p.
49
).
21.
Ordre du jour
(p.
50
).
COMPTE RENDU INTÉGRAL
PRÉSIDENCE DE M. JEAN-CLAUDE GAUDIN
vice-président
M. le président.
La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à neuf heures trente.)
1
PROCÈS-VERBAL
M. le président.
Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ?...
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.
2
MODIFICATION DE L'ORDRE DU JOUR
M. le président.
Je rappelle que demain, mercredi 9 octobre, l'après-midi, est inscrite à
l'ordre du jour du Sénat une déclaration du Gouvernement, suivie d'un débat,
sur la question de l'Irak.
D'après nos informations, M. Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre, viendra
personnellement présenter au Sénat la position française sur cette importante
question, en compagnie de M. Dominique de Villepin, ministre des affaires
étrangères.
M. le Premier ministre sera cependant retenu à l'Assemblée nationale en début
d'après-midi pour la séance de questions. La déclaration du Gouvernement au
Sénat, initialement prévue demain, à quinze heures, est donc reportée à seize
heures quinze, et le débat sur cette déclaration se poursuivra éventuellement
en séance du soir.
3
ORGANISMES EXTRAPARLEMENTAIRES
M. le président.
J'informe le Sénat que M. le Premier ministre a demandé au Sénat de bien
vouloir procéder à la désignation des sénateurs appelés à siéger au sein du
conseil d'administration du Fonds pour le développement de l'intermodalité dans
les transports et du conseil national du tourisme.
Conformément à l'article 9 du règlement, j'invite la commission des affaires
économiques, la commission des finances et la commission des affaires
étrangères à présenter des candidatures.
Les nominations au sein de ces organismes extraparlementaires auront lieu
ultérieurement, dans les conditions prévues par l'article 9 du règlement.
4
DÉPÔT DE RAPPORTS DU GOUVERNEMENT
M. le président.
M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre :
- le rapport annuel pour 2001-2002 de l'Observatoire national de la pauvreté
et de l'exclusion sociale, établi en application de l'article L. 144-1 du code
de l'action sociale et des familles,
- et le rapport annuel de l'Office national des forêts pour l'exercice 2001,
établi en application de l'article L. 124-2 du code forestier.
Acte est donné du dépôt de ces rapports.
5
DÉMISSION D'UN MEMBRE
D'UNE COMMISSION ET CANDIDATURES
M. le président.
J'ai reçu avis de la démission de M. Serge Mathieu comme membre de la
commission des affaires sociales.
Le groupe intéressé a fait connaître à la présidence le nom du candidat
proposé en remplacement.
Cette candidature va être affichée et la nomination aura lieu conformément à
l'article 8 du règlement.
J'informe le Sénat que le groupe des Républicains et Indépendants a fait
connaître à la présidence le nom du candidat qu'il propose pour siéger à la
commission des affaires économiques et du Plan, en remplacement de M. André
Ferrand.
Cette candidature va être affichée et la nomination aura lieu conformément à
l'article 8 du règlement.
Je rappelle au Sénat que le groupe des Républicains et Indépendants a présenté
une candidature pour la commission des affaires sociales et une candidature
pour la commission des affaires économiques et du Plan.
Le délai prévu par l'article 8 du règlement est expiré.
La présidence n'a reçu aucune opposition.
En conséquence, je déclare ces candidatures ratifiées et je proclame :
- M. André Geoffroy membre de la commission des affaires sociales, en
remplacement de M. Serge Mathieu, démissionnaire ;
- M. Serge Mathieu membre de la commission des affaires économiques et du
Plan, en remplacement de M. André Ferrand.
6
questions orales
M. le président. L'ordre du jour appelle les réponses à des questions orales.
SORT DES FAMILLES DES VICTIMES
DE L'ATTENTAT DE KARACHI
M. le président.
La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy, auteur de la question n° 27, adressée
à M. le Premier ministre.
M. Jean-Pierre Godefroy.
Madame la ministre, à la suite de l'attentat de Karachi, qui a coûté la vie à
onze de nos compatriotes salariés de DCN ou de sous-traitants, je vous faisais
part, dans une question écrite, le 30 mai puis le 11 juillet, de mon inquiétude
quant à l'avenir des familles des victimes.
Je me permets aujourd'hui de renouveler cette question, madame la ministre,
dans la mesure où ces familles m'ont fait savoir qu'elles rencontraient des
difficultés pour l'obtention de leur droit à réparation et concernant les
réponses sur l'avenir de leurs enfants.
Lors de l'hommage qui a été rendu à Cherbourg, le Président de la République
et le Gouvernement avaient exprimé leur solidarité avec les familles touchées.
La cellule de soutien aux familles des victimes ainsi que la direction de DCN
ont alors mis en oeuvre toutes les mesures réglementaires à leur disposition
dans le cadre de la loi du 23 janvier 1990. Cependant, il apparaît aujourd'hui
que ces mesures sont loin de couvrir les besoins et de répondre aux inquiétudes
des familles. En effet, si celles-ci ont bien perçu la rente accident du
travail et la pension de réversion, seules deux familles bénéficient du fonds
national de garantie, et les services de l'action sociale des armées ont
attribué 200 euros à une seule famille, comme secours d'urgence.
Aujourd'hui, les moyens dont disposent les familles des victimes pour vivre
accusent donc une très forte diminution, passant, en moyenne, de 2 200 euros à
1 100 euros par mois. La Légion d'honneur, qui a été attribuée à titre posthume
aux victimes, donne à leurs familles l'accès à l'association d'entraide des
membres de la Légion d'honneur, donc à une formation dans ses écoles pour les
filles, ainsi qu'à la fondation De-Lattre ; mais ce sont des aides multiples
que les familles connaissent mal, qu'elles doivent solliciter et qui sont
aléatoires et conditionnées.
Si DCN applique parfaitement la législation et la réglementation en vigueur,
des mesures dérogatoires doivent être prises pour permettre à ces familles de
retrouver des moyens d'existence à la hauteur de ceux dont elles disposaient
précédemment, et ce au moins jusqu'à l'âge prévu de la retraite des victimes.
En effet, toutes les mesures susceptibles d'être aujourd'hui mises en oeuvre
sont plafonnées.
Il serait souhaitable, par ailleurs, que les veuves soient considérées comme
veuves de guerre. Il faut rappeler, à cet égard, que cette procédure fut
appliquée lors de l'explosion, le 30 avril 1997, de la gabarre
La
Fidèle,
au large de Cherbourg, qui avait fait cinq victimes.
Concernant les enfants - il y a vingt-sept orphelins, dont des enfants en très
bas âge - quelles garanties peuvent être données aux familles pour leur
scolarité ? A quoi le titre de « pupilles de la nation » donne-t-il droit
exactement ? Couvrira-t-il les frais de la scolarité de ces enfants, quels
qu'en soient le niveau et la durée ?
Quant aux enfants aujourd'hui majeurs, deux ont reçu des propositions
d'emploi, dont un récemment comme ouvrier chaudronnier à statut d'Etat, ce qui
est une avancée remarquable.
Pour les épouses, j'avais suggéré dans ma question écrite, madame la ministre,
que des emplois pérennes au sein des services de l'Etat leur soient proposés,
afin de leur garantir une sécurité sur le long terme. Aujourd'hui, une seule
proposition a pu être acceptée, ce qui est déjà bien, mais, de manière
générale, les emplois sont proposés au titre de contrats à durée déterminée ;
ce sont des heures de ménage dans des entreprises de sous-traitance de DCN, tôt
le matin et tard le soir, soit des horaires difficilement compatibles avec la
prise en charge psychologique d'enfants qui sont déjà privés de leur père.
Je ne doute pas de la volonté du Gouvernement, madame la ministre, mais je
pense qu'un traitement plus spécifique, rapide et individualisé de ces cas, est
indispensable. Faut-il envisager plutôt la déclaration de « faute inexcusable
de l'entreprise », ce qui serait de nature à régler toutes les difficultés dont
je viens de faire état ?
Je vous remercie, madame la ministre, de l'attention que vous portez à ce
dossier et, comme les familles, j'attends beaucoup de votre réponse.
M. le président.
La parole est à Mme la ministre.
Mme Michèle Alliot-Marie,
ministre de la défense.
Monsieur le sénateur, nous avons tous été
effectivement très touchés par l'attentat de Karachi. Je me souviens que la
Haute Assemblée elle-même a rendu hommage aux victimes et a exprimé sa
compassion aux familles.
Comme vous l'avez souligné, le Gouvernement, dès l'annonce de l'attentat,
s'est préoccupé d'apporter toute l'aide possible aux familles et aux blessés.
Un accompagnement social et psychologique adapté à chacun a, tout d'abord, été
mis en place. Les blessés en avaient besoin, car, comme j'ai pu le constater
sur place, puis au cours des entretiens téléphoniques que j'ai eus, à plusieurs
reprises, certains d'entre eux étaient très choqués.
Ces blessés, qui sont toujours suivis par les services médicaux et de
rééducation, continuent, comme il est normal, à percevoir leurs
rémunérations.
En ce qui concerne les familles des victimes, il faut distinguer les problèmes
généraux qu'elles rencontrent de ceux, plus spécifiques, des veuves et des
enfants.
Les familles ayant des enfants à charge n'ont pas connu de rupture dans leurs
ressources. Les pensions de réversion comme les rentes allouées en cas
d'accident du travail ont été versées dès la fin du mois d'août. La procédure a
donc été relativement rapide, compte tenu des lenteurs administratives. Le
capital décès a été versé, selon les cas, au mois de juin ou au mois de
juillet, et le bénéfice du fonds de garantie a été attribué à l'ensemble des
familles. Ces mesures, importantes, étaient destinées à assurer à chacune des
familles un minimum de ressources, ce qu'elles ne contestent d'ailleurs pas.
Concernant les veuves, j'ai demandé à DCN de proposer aux veuves qui le
souhaitent des emplois pérennes - non pas des contrats à durée déterminée mais
bien, au moins, des contrats à durée indéterminée. Trois de ces veuves sont
actuellement concernées. L'une d'elles est en cours d'embauche, et j'ai demandé
qu'un effort particulier soit fait pour les autres. Il me paraît tout à fait
normal de leur offrir cette faculté d'embauche.
Vous le voyez, monsieur le sénateur, en la matière, toutes les formules
légales et réglementaires ont été appliquées, sans toutefois, il est vrai,
couvrir la totalité des situations. M. le Premier ministre a reçu, voilà
quelques semaines, à l'hôtel de Brienne, un certain nombre de ces familles.
Nous les avons écoutées longuement et nous veillerons, en recherchant toutes
les solutions possibles, à ce que chacune d'entre elles obtienne la meilleure
indemnisation possible. Aujourd'hui, toutes les voies réglementaires normales
ont été épuisées. Je ne vais pas vous répondre sur la formule qui sera
finalement retenue, mais sachez, monsieur le sénateur, que notre préoccupation,
sur le fond, est bien celle-là.
En ce qui concerne maintenant les enfants, ce drame a laissé vingt-sept
orphelins, dont dix mineurs. Les onze enfants de moins de vingt et un ans ont
été adoptés par la nation comme pupilles de la nation, ce qui leur ouvre un
certain nombre de possibilités et les fait bénéficier de la protection et du
soutien, tant matériel que moral, de l'Etat. Il s'agit, notamment, de
subventions pour faire face à la vie courante, d'aides pour les études, pour la
recherche du premier emploi ou encore de prêts pour l'installation
professionnelle, donc de toute une série de facilités.
En ce qui concerne les enfants majeurs, dont nous avions dit qu'ils devraient
pouvoir être embauchés, nous avons constaté certaines lenteurs et des
complications.
J'ai donc renouvelé fermement mes instructions. L'un de ces jeunes majeurs est
aujourd'hui en cours d'embauche comme ouvrier d'Etat à DCN. Evidemment, nous
sommes obligés de vérifier qu'il existe des emplois correspondant à la
qualification ou aux compétences des intéressés, et c'est sur ce point que
peuvent apparaître quelques difficultés.
En tout état de cause, monsieur le sénateur, les conséquences individuelles
d'un tel drame ne sauraient être appréhendées globalement : il faut faire du «
sur-mesure », en sachant écouter et trouver les solutions les plus adaptées à
chacun. Tel est bien le sens de mon action.
7
SOUHAITS DE BIENVENUE À
UNE DÉLÉGATION PARLEMENTAIRE OUZBEKE
M. le président.
Mes chers collègues, je suis heureux de saluer la présence, dans la tribune
officielle, d'une délégation ouzbeke, conduite par M. Ismailov, président du
comité des lois et de l'organisation judiciaire du Parlement d'Ouzbékistan.
Je forme des voeux pour que l'opération de coopération interparlementaire qui
les amène en France leur soit profitable pour la mise en place, dans les années
à venir, d'institutions bicamérales dans leur pays.
Leur visite au Sénat leur aura également, je l'espère, apporté un témoignage
sur la vitalité de la démocratie locale dans notre pays, autre thème de leur
voyage d'études.
(Mme et MM. les ministres, Mmes et MM. les sénateurs se
lèvent et applaudissent.)
8
QUESTIONS ORALES (suite)
M. le président. Nous reprenons les réponses à des questions orales.
EFFECTIFS DES ENSEIGNANTS EN LOIRE-ATLANTIQUE
M. le président.
La parole est à M. Charles Gautier, auteur de la question n° 33, adressée à M.
le ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche.
M. Charles Gautier.
Monsieur le ministre délégué à l'enseignement scolaire, en début d'année, la
Loire-Atlantique a connu une forte mobilisation des enseignants du premier
degré de l'enseignement public, appuyés par les parents d'élèves. Ce mouvement
avait pour origine les créations de postes pour la rentrée 2002.
En effet, le taux d'encadrement en Loire-Atlantique est l'un des plus bas de
France et la création de 96 postes envisagée n'aurait pas permis de résorber
les besoins dus, notamment, à l'essor démographique de notre département.
Les parlementaires socialistes de la Loire-Atlantique avaient conjointement
interpellé le ministre de l'éducation nationale d'alors, M. Jack Lang, afin que
des moyens supplémentaires à la hauteur des besoins puissent être dégagés.
Notre action a permis l'affectation de 150 postes à la Loire-Atlantique pour
la rentrée 2002 et l'élaboration d'un plan de rattrapage. Ainsi, pour 2002,
2003 et 2004, la dotation devait s'élever à 420 postes au moins et pouvait être
révisée à la hausse si l'accroissement démographique dépassait les
prévisions.
Or, vos déclarations, monsieur le ministre, lors de la rentrée scolaire 2002,
affirmant que l'objectif du Gouvernement était de diminer les effectifs de
l'éducation nationale, m'inquiètent au regard des engagements qui ont été pris
par le précédent gouvernement pour le département de la Loire-Atlantique. Cette
inquiétude est renforcée par la baisse du budget de l'éducation envisagée par
votre gouvernement.
C'est pourquoi je vous demande de bien vouloir me confirmer que les
engagements qui ont été pris antérieurement pour répondre aux réels besoins de
la Loire-Atlantique seront respectés par le présent gouvernement.
Monsieur le ministre, je vous remercie par avance de votre réponse.
M. le président.
La parole est à M. le ministre délégué.
M. Xavier Darcos,
ministre délégué à l'enseignement scolaire.
Monsieur le sénateur, le
département de la Loire-Atlantique a connu l'hiver dernier un mouvement de
contestation important, qui se fondait sur une situation délicate, puisque le
taux d'encadrement, c'est-à-dire le nombre de professeurs par élève, n'était
pas satisfaisant : 4,88 pour 100 élèves.
Je souligne que, malgré ces tensions, les résultats scolaires de la
Loire-Atlantique sont supérieurs à la moyenne nationale dans tous les domaines,
qu'il s'agisse des mathématiques ou du français dans les classes de CE 2 et de
sixième.
J'indique également que la situation que vous décrivez résultait d'une
décélération démographique importante, le département de la Loire-Atlantique
ayant perdu 2 500 élèves entre 1990 et 1996. Ce n'est qu'à partir de 1997 que
la croissance a repris et, entre 1997 et 2001, l'augmentation a été de 4 040
élèves.
De fait, l'attribution des moyens n'a pas suivi cette évolution. Le taux
d'encadrement n'a que faiblement progressé. Les parents et les enseignants,
très attachés au maintien de la réussite des écoles du département, ont donc
éprouvé un sentiment d'injustice, en particulier dans les secteurs en forte
croissance démographique, le long de l'axe Nantes-Saint-Nazaire.
Les opérations de préparation de la carte scolaire 2002 ont été l'occasion
d'un vaste mouvement de contestation qui a gagné toute la communauté éducative.
Aux classes à effectifs chargés, s'ajoutaient l'incapacité de faire face aux
besoins de remplacement et le recul de la scolarisation des enfants de deux
ans.
L'attribution de 54 postes, décidée précipitamment, loin d'apaiser les
esprits, fut même considérée comme une provocation. Plus de 21 journées de
grève ont ponctué les mois de janvier, février et mars, deux manifestations ont
rassemblé près de 10 000 personnes, sans compter les multiples occupations
d'école.
Le ministère précédent a géré le conflit en direct. Des délégations ont été
reçues à Paris. Parents, enseignants et élus exigeaient l'attribution immédiate
de 500 postes, comme vous venez de le confirmer, monsieur le sénateur. Dans un
souci d'apaisement et de conciliation, fut diligentée une mission d'inspection
générale, qui, dans un rapport présenté le 4 mars 2002, a souligné, les retards
quantitatifs et qualitatifs du département de la Loire-Atlantique.
Trois mesures ont été proposées, dont je puis vous confirmer, monsieur le
sénateur, qu'elles seront suivies d'effet : améliorer les procédures de
prévision et de concertation ; créer 150 postes dans l'immédiat et 420 emplois
pour les rentrées 2002, 2003 et 2004 ; enfin, répondre d'urgence aux besoins de
remplacement et de recrutement des maîtres du premier degré.
Le ministère s'est engagé à mettre en oeuvre ces mesures.
La création immédiate de 150 emplois a permis, comme vous le soulignez,
monsieur le sénateur, d'effectuer la rentrée 2002 dans de bonnes conditions. Le
ratio professeurs-élèves s'est amélioré, puisqu'il est passé à 4,98, ce qui est
une amélioration très sensible, je peux vous le confirmer.
Les effectifs scolarisés continuent à augmenter : 450 élèves de plus à la
rentrée 1998, 623 à la rentrée 1999, 1 420 à la rentrée 2000, 1 542 à la
rentrée 2001.
Cette augmentation continue nous obligera à tenir les engagements qui ont été
pris en 2002, je vous en donne l'assurance, monsieur le sénateur, de façon à ne
pas avoir à réajuster ultérieurement le nombre d'enseignants en cas de
dépassement des prévisions d'effectifs.
Je veux enfin vous rassurer, monsieur le sénateur, sur le budget de
l'éducation nationale. Il n'est pas envisagé de supprimer des postes
d'enseignants. Bien mieux, alors que le plan pluriannuel pour l'emploi prévu
par M. Jack Lang comptait 800 créations d'emplois dans le premier degré, nous
avons inscrit dans le projet de loi de finances 1 000 postes nouveaux pour le
premier degré, soit 200 de plus que prévu. Le budget de l'éducation nationale
n'est pas en recul non plus puisque, l'an prochain, il augmentera de 2,2 %, ce
qui continue à le placer, et de très loin, en tête des budgets de la
nation.
EFFETS PERVERS DE LA LÉGISLATION
SUR LE DÉVELOPPEMENT
DE L'IMMIGRATION CLANDESTINE
M. le président.
La parole est à M. Jean-Patrick Courtois, auteur de la question n° 2, adressée
à M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés
locales.
M. Jean-Patrick Courtois.
Monsieur le ministre, je me permets d'appeler votre attention sur certaines
conséquences de la loi n° 98-349 du 11 mai 1998 relative à l'entrée et au
séjour des étrangers en France.
En vertu de cette loi, il est demandé au maire de signer des attestations
d'accueil sans qu'il ait la réelle possibilité d'apprécier la justesse de son
avis, ce qui le contraint à tout accepter. En effet, la législation ne confère
aucune compétence au maire pour apprécier l'opportunité de l'accueil d'un
étranger par le demandeur de l'attestation d'accueil.
Cette législation a donc pour conséquence de favoriser largement la mise en
place de systèmes d'immigration clandestine, que le maire ne peut que constater
mais sur lesquels il n'existe aucun contrôle.
Surpris par cette situation, j'avais déjà posé une question orale sur le même
thème à votre prédécesseur. Cependant, la réponse que j'ai obtenue n'est pas
satisfaisante puisqu'on constate de nombreux débordements. Un même hébergeant
atteste parfois de « pouvoir accueillir », pendant la même période, un nombre
de personnes excessif au regard de sa capacité à les héberger. Les attestations
d'accueil multiples sont utilisées par l'hébergeant dans l'unique but de
faciliter l'entrée sur le territoire d'étrangers qu'il n'a ni l'intention ni
d'ailleurs la possibilité matérielle d'accueillir. Ainsi, la quasi-totalité des
demandeurs habitent en logement HLM dont le nombre de pièces correspond à la
situation familiale normale de sorte que tout accueil complémentaire est
incompatible avec une existence normale. En outre, lors de la conférence
annuelle des ambassadeurs de France qui s'est tenue le 28 août 2001, les
ambassadeurs ont appelé l'attention du ministre de l'intérieur sur les
nombreuses tentatives de fraudes par le biais des attestations d'accueil dans
le cadre de la délivrance des visas.
La législation relative à la délivrance des attestations d'accueil possède de
véritables effets pervers, puisqu'elle favorise le développement de
l'immigration clandestine. Il n'existe aucune vérification de l'opportunité de
l'accueil d'un étranger par le demandeur de l'attestation d'accueil ni aucun
contrôle de la personne accueillie.
En conséquence, je vous serais reconnaissant de bien vouloir m'indiquer les
dispositions que vous entendrez prendre pour modifier la législation en matière
d'attestation d'accueil afin de permettre de contrôler des situations
constatées mais non maîtrisées.
M. le président.
La parole est à M. le ministre délégué.
M. Patrick Devedjian
ministre délégué aux libertés locales.
Monsieur le sénateur, votre
question est tout à fait pertinente et touche à un sujet délicat.
Les ressortissants français, tout comme les ressortissants étrangers qui
résident régulièrement sur le territoire national, peuvent recevoir librement
chez eux des étrangers. Il s'agit du domaine de la vie privée qui ne peut faire
l'objet de contrôles tatillons.
Toutefois, les autorités publiques doivent pouvoir vérifier que le système des
attestations d'accueil ne permet pas la mise en place de filières d'immigration
clandestine. Or, comme vous l'avez souligné, monsieur le sénateur, la
suppression en 1998 du contrôle des certificats d'hébergement au profit de la
procédure très allégée des attestations d'accueil a considérablement réduit le
contrôle qui est exercé.
L'augmentation considérable des attestations d'accueil ces dernières années ne
s'explique pas seulement par l'attribution de visas supplémentaires.
En effet, vous l'avez rappelé, monsieur le sénateur, les maires ont pu
constater des fraudes à plusieurs reprises. Certaines familles prétendent tout
simplement héberger au même moment plusieurs ressortissants étrangers, alors
même que leur appartement ne s'y prête pas, de toute évidence.
Nos postes consulaires à l'étranger ont également relevé un certain nombre de
fraudes.
Je rappelle que les autorités concernées peuvent refuser la délivrance de
l'attestation d'accueil en l'absence de pièces justificatives - mais en général
cette formalité est respectée - ou si elles ont la certitude de l'existence
d'une fraude. Il n'en reste pas moins que cette procédure des attestations
d'accueil doit faire l'objet très rapidement de réformes. Le Gouvernement s'est
penché sur ce problème. L'idée qui a été retenue jusqu'à maintenant et sur
laquelle il travaille serait de rétablir le contrôle des attestations d'accueil
par l'Office des migrations internationales.
Tels sont les éléments de réponse que je peux vous apporter, monsieur le
sénateur. Soyez assuré que le Gouvernement est très conscient de cette
difficulté que vous avez soulignée à juste titre.
(Applaudissements sur les
travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union
centriste.)
M. le président.
La parole est à M. Jean-Patrick Courtois.
M. Jean-Patrick Courtois.
Je veux remercier M. le ministre de sa proposition et lui dire qu'elle répond
aux attentes des maires, qu'il connaît bien, étant maire lui-même.
DOTATION GLOBALE DE FONCTIONNEMENT
M. le président.
La parole est à M. Claude Biwer, auteur de la question n° 5, adressée à M. le
ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.
M. Claude Biwer.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, votre
prédécesseur a adressé au Parlement, courant mars 2002, un volumineux rapport
sur les finances locales qui examine et analyse les différentes options
envisageables en matière de réforme des finances des collectivités locales.
Son diagnostic est sans appel : il met l'accent sur les très fortes disparités
qui existent entre les collectivités en matière de répartition des bases de
fiscalité locale ; il constate que les dotations de l'Etat aux collectivités
locales ne rééquilibrent que très imparfaitement cette situation puisqu'elles
ne réduisent les inégalités entre collectivités qu'à hauteur de 30 %... il
souligne également la très faible lisibilité et la complexité du dispositif des
dotations de l'Etat et la nécessité de revoir les règles de répartition de la
dotation globale de fonctionnement, la DGF.
Ce document corrobore les chiffres délivrés par un rapport antérieur du
commissariat général du Plan suivant lequel la France détenait le record
d'Europe des disparités de richesse entre les communes, qui peuvent varier à
l'extrême de 1 à 900.
Qu'y a-t-il de commun, en effet, entre la richesse presque insolente d'une
ville qui peut se payer le luxe de dépenser 10 millions de francs pour aménager
provisoirement une plage et telle commune rurale de la Meuse, mon département,
dont le budget atteint à peine 100 000 francs ?
Comment en est-on arrivé là ? On peut apporter deux explications à ces
inégalités de richesse : la concentration de la taxe professionnelle et une
péréquation très insuffisante sur le plan national, un peu meilleure sur le
plan départemental ; un mode de calcul de la DGF, notamment de la dotation
forfaitaire, qui ne contribue, en réalité, qu'à la moitié de la réduction des
inégalités et dont le pouvoir péréquateur diminue d'année en année.
Il est vrai que le calcul de cette dotation forfaitaire s'inspire encore très
largement de celui de l'ancien VRTS, le versement représentatif de la taxe sur
les salaires, qui a lui-même remplacé en 1968 la taxe sur le chiffre
d'affaires.
En d'autres termes, l'essentiel de la DGF versée en 2002 répond à des critères
fixés en fonction de la richesse des communes à la fin des années 1960.
Cette situation absurde n'est pas sans conséquence sur la répartition actuelle
de la DGF : grâce au mécanisme de la dotation de progression minimale, les
villes qui étaient riches en 1968, et qui le sont souvent encore aujourd'hui,
continuent à percevoir un montant de dotation forfaitaire sans commune mesure
avec ce qu'elles devraient percevoir réellement. Les communes pauvres,
notamment les communes rurales, sont, de leur côté, réduites à la portion
congrue.
Dans le rapport remis au Parlement, il est suggéré, pour atténuer ces
disparités, de remplacer l'actuelle dotation forfaitaire par une dotation de
base strictement proportionnelle à la seule population, un coefficient
croissant en fonction de celle-ci pouvant éventuellement être utilisé pour
tenir compte du fait que les études économétriques semblent démontrer que les
charges par habitant augmentent avec la population.
Il est également suggéré de consacrer une part de l'actuelle dotation
forfaitaire à l'abondement de la dotation d'intercommunalité, dans la mesure où
le poids financier de celle-ci a connu une croissance exponentielle ces
dernières années.
Je suis, pour ma part, tout à fait favorable à ces deux mesures, car une
solution au problème du financement de l'intercommunalité devra être trouvée à
très court terme. Il est en effet inconcevable que la DGF des communautés de
communes baisse année après année, alors que les communautés d'agglomération et
les communautés urbaines bénéficient de dotations garanties.
Quant à la dotation de base répartie
per capita,
il ne me semble pas
utile d'appliquer un coefficient multiplicateur en fonction de la population.
En effet, les charges de « centralité », qui sont réelles, sont désormais
réparties entre toutes les communes suburbaines membres des communautés
d'agglomération et des communautés urbaines.
En revanche, les communes rurales, à défaut d'avoir une population nombreuse,
ont très souvent de très larges espaces à entretenir, ce qu'elles ne peuvent
faire correctement avec les maigres ressources dont elles disposent.
Dans ces conditions, je crois qu'il conviendrait de réserver le coefficient
multiplicateur aux communes de moins de 2 000 habitants afin de leur donner les
moyens d'entretenir correctement le patrimoine communal et d'offrir à leurs
habitants le minimum de services auxquels ils peuvent prétendre.
Les villes disposant d'une importante taxe professionnelle et d'une DGF
abondante ont souvent des impôts-ménages très faibles. Les communes rurales, ne
disposant d'aucune ressource de taxe professionnelle et ne percevant qu'une DGF
très faible, sont, quant à elles, soit dans la quasi-impossibilité d'entretenir
leur patrimoine et d'investir, soit dans l'obligation de majorer
substantiellement leurs impôts locaux.
Le seul critère de la population est trop souvent retenu, y compris pour les
répartitions à l'échelle des régions. C'est pourquoi il m'apparaît utile de
moderniser les bases et les méthodes et d'appliquer des règles permettant un
véritable aménagement du territoire par une réforme de nos finances locales.
Monsieur le ministre, je compte beaucoup sur vous pour mettre fin à ces
injustices criantes de plus en plus insupportables et pour aboutir enfin à une
répartition plus équitable de la DGF et à un calcul plus juste des bases des
différentes dotations.
M. le président.
La parole est à M. le ministre délégué.
M. Patrick Devedjian,
ministre délégué aux libertés locales.
Monsieur le sénateur, la question
lancinante de la DGF, qui se caractérise à la fois par son opacité et par sa
complexité, trouvera certainement un début de réponse dans la réforme de la
décentralisation qui est actuellement en cours.
En particulier, le principe de péréquation est inscrit dans le projet de loi
et le sera donc dans la Constitution. Il conduira nécessairement à réformer les
mécanismes en place.
Par ailleurs, les principes d'autonomie financière et de garantie financière,
qui seront également inscrits dans la Constitution, auront des conséquences.
C'est dans ce contexte que la réforme des finances locales doit être reliée au
mouvement de décentralisation.
Vous avez rappelé de manière pertinente qu'un rapport sur les finances locales
avait été présenté au Parlement par le précédent gouvernement en mars 2002. Ce
rapport a le mérite de faire l'état des lieux, de dresser un bilan, et il
constitue à ce titre un élément de la réflexion, même si ce n'est qu'un élément
parmi d'autres, car la situation est très complexe.
Le Gouvernement a d'abord le souci de préserver l'autonomie financière des
collectivités territoriales.
La réforme de la fiscalité locale de France Télécom, qui est prévue dans le
projet de loi de finances pour 2003, ira dans ce sens, puisqu'elle consiste à
attribuer aux collectivités locales les bases des établissements de France
Télécom au titre de la taxe professionnelle et de la taxe foncière. Auparavant,
ceux-ci étaient taxés par l'Etat pour son propre compte ou pour celui du fonds
national de péréquation de la taxe professionnelle. Désormais, les
collectivités locales bénéficieront du produit fiscal afférent à ces
établissements, et, si cette réforme sera neutre la première année, elle
produira son plein effet l'année suivante.
De même, l'inscription dans le projet de loi de finances du principe de
l'assouplissement de la règle du lien entre les taux sera un facteur de
l'amélioration de l'autonomie financière des collectivités allant dans le sens
de la réforme.
Concernant plus particulièrement les dotations de l'Etat aux collectivités
locales, leur réforme dépendra en grande partie des mesures relatives aux
transferts de compétence et à la fiscalité locale. Cela étant dit, cette
réforme devra, en tout état de cause et surtout, viser à simplifier les
dotations et à renforcer la péréquation, qui, vous l'avez souligné, est très
souvent inégalitaire et anarchique.
Quant à la simplification des dotations, elle pourrait être obtenue par leur
globalisation, qu'il s'agisse de dotations de fonctionnement ou
d'investissement.
L'intérêt de la globalisation des concours de l'Etat en dotations homogènes,
de fonctionnement et d'investissement, est double. D'une part, elle serait de
nature à améliorer enfin la lisibilité des concours de l'Etat autour
d'objectifs clairement définis. D'autre part, elle permettrait de dégager des
marges de manoeuvre substantielles pour accroître - c'est indispensable - les
ressources en faveur de la péréquation.
L'intégration au sein de la DGF d'un certain nombre de dotations aujourd'hui
autonomes pourrait ainsi recouvrir la compensation de la suppression de la part
salaire de la taxe professionnelle, dont l'intégration dans la DGF est, vous le
savez, prévue à partir de 2004, la dotation de compensation de la taxe
professionnelle, les compensations des pertes de dotations compensatrices de
taxes professionnelles attribuées depuis 1999 aux communes et aux groupements
défavorisés, ainsi que les compensations fiscales versées aux régions en
contrepartie de la suppression de la part régionale des droits de mutation et
de la taxe d'habitation.
Le renforcement de la péréquation pourrait passer tant par une restructuration
interne des masses de la DGF allouées aux communes, aux groupements et aux
départements afin de dégager des marges de manoeuvre plus importantes - je l'ai
dit, c'est indispensable - que par une rénovation des formules et des critères
de la répartition des dotations de péréquation pour la rendre plus efficace
qu'elle ne l'est aujourd'hui.
Telles sont, monsieur le sénateur, les pistes sur lesquelles le Gouvernement a
conduit sa réflexion et souhaite s'engager. Cependant, je le répète, la réforme
de la DGF, indispensable pour des raisons démocratiques, sera inévitablement la
conséquence des lois de décentralisation qui seront inscrites dans la
Constitution.
(M. Jacques Oudin applaudit.)
M. le président.
La parole est à M. Claude Biwer.
M. Claude Biwer.
Monsieur le ministre, je tiens à vous remercier des précisions que vous avez
bien voulu m'apporter.
J'apprécie votre volonté de réforme, réforme qui devrait nous conduire à un
assouplissement du calcul de la DGF et sans doute - je l'espère en tout cas -
des futures dotations.
On s'est trop souvent référé au passé pour préparer, dans des termes presque
identiques, l'avenir. Or, au moment où les villes se gonflent d'une population
nombreuse, l'espace rural se vide. Pour compenser ce mouvement, les communes
rurales doivent avoir la possibilité d'aligner la vie de tous les jours de
leurs habitants sur celle des urbains, ce qui implique qu'elles en aient les
moyens.
DROIT DE VOTE
M. le président.
La parole est à M. André Rouvière, auteur de la question n° 13, adressée à M.
le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés
locales.
M. André Rouvière.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, il arrive
parfois que des électeurs soient interdits de vote à la suite d'une révision,
fondée ou non, des listes électorales. C'est ce qui s'est produit dans une
petite commune du Gard.
Des personnes, dont certaines votaient depuis plusieurs décennies dans cette
commune - laquelle, c'est vrai, n'était pas le lieu de leur résidence
principale -, ont été rayées des listes électorales contre leur gré. Elles ont
été des abstentionnistes involontaires pour les élections présidentielles et
législatives de 2002, le tribunal qu'elles ont saisi n'ayant examiné leur
recours que le 22 janvier 2002. Déboutées, elles n'ont même pas eu la
possibilité de s'inscrire dans leur commune de résidence.
Il me paraît cependant facile de trouver une solution permettant à chacune et
à chacun d'exercer son droit de vote.
Monsieur le ministre, autorisez-moi à formuler quelques suggestions dont la
finalité est de permettre à quiconque d'être inscrit sur la liste électorale de
sa commune de résidence, soit sur décision d'office du tribunal se prononçant
après le 31 décembre de l'année précédant une élection, soit par inscription
sur la liste complémentaire de la commune de résidence, soit en fixant la
clôture administrative et judiciaire des exclusions d'une liste électorale au
30 novembre de l'année précédant une élection.
D'autres solutions sont certainement envisageables, et je souhaiterais,
monsieur le ministre, connaître votre opinion.
M. le président.
La parole est à M. le ministre délégué.
M. Patrick Devedjian,
ministre délégué aux libertés locales.
Monsieur le sénateur, les
radiations appellent de ma part quatre observations.
Première observation, il est normal que les opérations de révision des listes
électorales se traduisent, non seulement par des inscriptions sur les listes
électorales, mais également par des radiations.
Les radiations dites d'office sont effectuées par les commissions
administratives chargées de réviser les listes électorales, entre septembre et
décembre de chaque année, lorsqu'elles constatent que des électeurs ne
remplissent pas les conditions de domicile, de résidence de six mois au moins
ou d'inscription au rôle des contributions directes depuis au moins cinq
ans.
Deuxième observation, ces opérations de radiation s'opèrent, en principe, dans
le respect des droits des électeurs.
L'administration communale doit leur notifier les décisions de radiation. Les
électeurs radiés disposent alors de vingt-quatre heures - certes, ce n'est pas
beaucoup - pour présenter leurs observations, à la vue desquelles les
commissions prennent une décision définitive, qui est, à son tour, notifiée à
l'intéressé.
Troisième observation, si, en dépit de cette procédure contradictoire, des
radiations sont prononcées à tort, deux voies de recours restent ouvertes aux
électeurs.
L'électeur radié à tort peut tout d'abord contester le tableau comportant les
nouvelles inscriptions et les radiations qui est affiché en mairie le 10
janvier et jusqu'au 20 janvier. Il dispose alors de ces dix jours pour
s'adresser au tribunal d'instance, tribunal compétent pour le rétablissement
des inscriptions.
Il peut par ailleurs saisir le juge du tribunal d'instance jusqu'au jour du
scrutin. A l'expiration du délai de dix jours, il a donc encore la possibilité
d'engager une action auprès du tribunal d'instance, qui l'inscrira sur les
listes s'il est établi qu'une erreur matérielle a été commise ou que la
procédure contradictoire n'a pas été respectée.
Cela arrive à l'occasion de chaque scrutin. Généralement, le tribunal
d'instance incite les électeurs intéressés à s'inscrire au bureau numéro un, et
il n'y a donc pas lieu de les inscrire sur des listes complémentaires.
Enfin, ma quatrième observation vise les électeurs qui, radiés à bon droit
d'une liste électorale, ont omis de s'inscrire dans les délais sur la liste
électorale de leur nouvelle commune de résidence. Ce cas représente, à mon
avis, la vraie difficulté.
Il n'est pas possible de les inscrire d'office sur une liste spécifique dans
leur nouvelle commune de résidence, car il faudrait que les maires aient
connaissance de toutes les arrivées sur le territoire de leur commune -
s'agissant du problème qui nous occupe, c'est le cas le plus fréquent - or il
n'en est pas ainsi. Il faudrait, en outre, qu'ils sachent si ces nouveaux
résidants ont été ou non radiés de la liste électorale de leur commune
d'origine. On voit bien, par conséquent, que le maire de la commune d'arrivée
ne peut pas établir une telle liste spécifique.
A court terme, la solution passe sans doute par une meilleure information des
citoyens sur l'obligation qui leur incombe de s'inscrire sur les listes de leur
nouvelle commune de résidence à la suite d'un déménagement. En effet, nombre
d'entre eux ne considèrent pas que cette démarche soit une priorité. De telles
campagnes d'information sont entreprises chaque année, mais peut-être
devraient-elles être un peu plus fréquentes.
A moyen terme, c'est l'ensemble de la procédure de gestion des listes
électorales qui doit, à mon sens, être modernisé. Je pense, par exemple, aux
recoupements avec les données de l'INSEE, qui sont souvent opérés avec une
lenteur particulière, conduisant finalement les électeurs à ne pas prendre la
mesure des difficultés auxquelles ils sont confrontés. C'est par cette révision
globale de notre procédure que l'on parviendra peut-être à résoudre un problème
qui est réel, certes, mais qui trouve quand même son origine dans une erreur
d'appréciation de l'électeur.
M. le président.
Monsieur Rouvière, vous avez la parole, mais je ne crois pas qu'un rappel
historique de ce qu'avait fait Mme le maire de la commune d'Aimargues, voilà
quelques décennies, soit utile. Elle ne s'était pas embarrassée de tant de
procédures !
(Sourires.)
M. André Rouvière.
Ce n'était pas à cette commune que je pensais, monsieur le président !
Je voudrais revenir, monsieur le ministre, sur le dernier cas que vous avez
évoqué, c'est-à-dire celui de l'électeur qui, ayant été débouté après le 31
décembre d'une année précédant des élections, n'a plus la possibilité de
s'inscrire sur aucune liste électorale.
Vous avez indiqué que l'intéressé devait s'inscrire avant cette date dans sa
commune de résidence, mais il y aurait contradiction à interjeter appel d'une
radiation tout en demandant son inscription sur la liste électorale de sa
commune de résidence. Si l'on interjette appel, c'est que l'on pense être dans
son droit, à tort ou à raison.
L'objet de ma question était donc de permettre à des personnes ayant interjeté
appel et n'ayant connaissance du résultat de leur démarche qu'après le 31
décembre d'être inscrites, en dernier lieu, sur la liste électorale de leur
commune de résidence, en l'occurrence sur la liste complémentaire, puisque
celle-ci existe dans toutes les communes.
RÉALISATION DE LA LIGNE FERROVIAIRE
PARIS-ORLÉANS-LIMOGES-TOULOUSE (POLT)
M. le président.
La parole est à M. Jean-Pierre Demerliat, auteur de la question n° 16,
adressée à M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du
tourisme et de la mer.
M. Jean-Pierre Demerliat.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, je
souhaiterais évoquer ici, une fois encore, le devenir du projet de TGV
pendulaire entre Paris et Toulouse via Orléans et Limoges, dit projet POLT.
La création d'une telle liaison est inscrite depuis 1991 au schéma directeur
national des liaisons ferroviaires à grande vitesse, adopté lors du comité
interministériel pour l'aménagement du territoire, le CIAT, du 12 mai de cette
même année, et confirmé par le comité interministériel pour l'aménagement et le
développement du territoire, le CIADT, du 9 juillet 2001.
Cette liaison permettra de désenclaver l'ouest du Massif central, et plus
précisément les bassins de Limoges, de Brive, de Cahors et de Montauban.
Permettez-moi, monsieur le secrétaire d'Etat, de procéder à un bref rappel.
Pour relier Brive et Limoges à Paris, deux hypothèses avaient été initialement
envisagées : celle d'une ligne directe par le train pendulaire et celle d'un
raccordement au TGV Atlantique par une liaison TGV entre Limoges et Poitiers,
le « barreau Limoges-Poitiers ».
Dès 1996, cette seconde possibilité a été abandonnée, et les études de la SNCF
ne portent plus désormais que sur le POLT. Les premiers essais de TGV
pendulaire sur la ligne datent de février 1997, et sa mise en service effective
était prévue pour 2004.
Par courrier du 23 juin 2000, M. Lionel Jospin, Premier ministre, précisait
les contours financiers de l'opération aux présidents des régions Centre,
Limousin et Midi-Pyrénées, qui signaient, le 13 novembre 2001, la
convention-cadre financière avec l'Etat, Réseau ferré de France et la SNCF.
Le POLT semble donc apparemment complètement sur les rails, si vous me
permettez cette expression...
Pourtant, un léger doute plane de nouveau sur sa réalisation.
En effet, l'audit portant sur les infrastructures de transport qu'il est prévu
de réaliser inclut le POLT. J'aimerais, monsieur le secrétaire d'Etat, pouvoir
vous persuader de l'intérêt du POLT par rapport au barreau passant par
Poitiers.
Sur le plan technique, les délais de réalisation du POLT, qui sont de quatre
ans, et le coût de celle-ci, qui atteindra 244 millions d'euros, sont
préférables aux vingt ans - j'insiste sur ce chiffre - et au milliard et demi
d'euros nécessaire pour la création du barreau Limoges-Poitiers. De plus, le
temps de parcours par Poitiers ne serait pas inférieur à celui que permettra le
POLT, et se poseraient les problèmes de la saturation de l'axe atlantique et de
l'engorgement de la gare Montparnasse, ce qui induirait, à court terme, une
offre d'horaires peu satisfaisante.
En outre, le barreau Limoges-Poitiers ferait de Limoges un cul-de-sac et
nuirait aux communications vers le Sud. Le détournement par Poitiers et
Bordeaux des voyageurs vers la région Midi-Pyrénées entraînerait le déclin des
petites lignes transversales, l'asphyxie des gares, la fuite des emplois. Les
dix-huit départements desservis par l'axe direct en souffriraient fortement.
Il est donc évident qu'une ligne à grande vitesse directe constitue la seule
chance de développement économique et démographique des départements irrigués.
Se contenter de relier Limoges à Paris n'est pas une solution suffisante ni
satisfaisante.
Enfin, au-delà du territoire français, le POLT serait un excellent outil
d'aménagement du territoire européen, car il serait l'élément essentiel de
l'axe Paris-Saragosse-Madrid.
J'espère, monsieur le secrétaire d'Etat, avoir convaincu le Gouvernement de la
nécessité de mener à bien, et dans les meilleurs délais, la réalisation du
projet POLT. Le Centre, le Limousin et la région Midi-Pyrénées ne peuvent
attendre encore vingt ans ou plus.
Monsieur le secrétaire d'Etat, l'immense majorité des élus et de la population
des régions concernées demandent la confirmation de l'abandon définitif de
l'hypothèse dite du « barreau par Poitiers » et donc la mise en service la plus
rapide possible du TGV pendulaire Paris-Orléans-Limoges-Toulouse. Pouvez-vous
apporter aux régions concernées des précisions, et surtout des assurances ?
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Léon Bertrand,
secrétaire d'Etat au tourisme.
Monsieur le sénateur, vous avez attiré mon
attention sur le projet de liaison ferroviaire entre Paris, Orléans, Limoges et
Toulouse, dit projet POLT.
Cette opération devrait permettre un gain de temps de vingt minutes pour les
liaisons entre Paris et Limoges, et d'environ trente minutes pour les liaisons
entre Paris et la région Midi-Pyrénées. La desserte ferroviaire des régions
concernées serait donc, comme vous venez de le souligner, considérablement
améliorée.
Les études d'avant-projet détaillé concernant, notamment, les suppressions de
passages à niveau et les aménagements liés à l'exploitation ainsi que le
matériel roulant sont en cours. Une réunion du comité de pilotage du projet se
tiendra le 11 octobre, c'est-à-dire vendredi prochain. A cette occasion, le
point sera fait sur la mise en oeuvre du projet, dont il m'a été signalé
qu'elles s'avérait malgré tout délicate.
Par ailleurs, ce projet est naturellement concerné, comme vous l'avez indiqué,
monsieur le sénateur, par l'audit sur les grandes infrastructures lancé par le
Gouvernement et confié au Conseil général des ponts et chaussées et à
l'Inspection générale des finances. Le Gouvernement attendra le résultat de cet
audit, ainsi que le débat parlementaire qui suivra, pour préciser les modalités
- je dis bien : « les modalités » - de la poursuite de la mise en oeuvre du
projet.
Telles sont les indications que je peux vous apporter ce jour, monsieur le
sénateur.
M. le président.
La parole est à M. Jean-Pierre Demerliat.
M. Jean-Pierre Demerliat.
Monsieur le secrétaire d'Etat, j'ai pris bonne note que la réflexion du
Gouvernement ne porte que sur les modalités de réalisation du POLT, et non
point sur cette réalisation elle-même, ce qui nous rassure beaucoup.
Je précise que ma question n'avait rien de politicien, puisque l'ensemble des
élus concernés par l'axe Paris-Orléans-Limoges-Toulouse souhaitent ardemment
que ce projet soit mené à bien. Notre excellent collègue Bernard Murat, maire
de Brive, a d'ailleurs récemment fait adopter, en conseil municipal, une
résolution allant en ce sens.
L'économie de temps n'est pas seule en jeu, monsieur le secrétaire d'Etat. La
ligne actuelle Paris-Limoges-Brive-Toulouse est d'un inconfort total : la
vitesse de pointe n'est pas excessive, mais elle l'est sans doute pour le
matériel utilisé, si bien que les voitures bougent trop, rendant la lecture,
l'écriture et l'utilisation d'un ordinateur quasiment impossibles.
Par ailleurs, le projet POLT est le moins onéreux de ceux qui seront soumis à
l'audit. Il faut bien, de surcroît, que l'Etat, dans sa continuité, tienne ses
engagements, et - dernier argument en faveur de ce projet - il convient
d'assurer à chacun un égal accès à tous les points du territoire. J'ai, en tout
cas, pris bonne note que ce projet était maintenu.
M. Didier Boulaud.
Très bien !
9
SOUHAITS DE BIENVENUE
À UNE DÉLÉGATION PARLEMENTAIRE
CENTRAFRICAINE
M. le président.
Mes chers collègues, je voudrais saluer, en votre nom, la présence dans notre
tribune officielle d'une délégation de cinq députés de l'Assemblée nationale de
la République centrafricaine, conduite par son président, M. Luc Apollinaire
Dondon Konamabaye.
Cette délégation, qui vient d'être reçue en audience par le président
Christian Poncelet, séjourne en France à l'invitation du groupe d'amitié
France-Afrique centrale du Sénat, présidé par notre collègue Jean-Pierre
Cantegrit.
Au nom du Sénat tout entier, je souhaite la bienvenue à nos collègues
parlementaires. Je forme des voeux pour que leur séjour dans notre pays soit
fructueux et qu'il contribue à conforter les liens d'amitié traditionnels qui
nous unissent au continent africain.
Je leur confirme l'attention vigilante que la France porte à l'enracinement du
processus démocratique dans leur pays.
(MM. les membres du Gouvernement,
Mmes et MM. les sénateurs se lèvent et applaudissent.)
10
QUESTIONS ORALES (suite)
M. le président. Nous reprenons les réponses à des questions orales.
RÉVISION DE LA POLITIQUE AGRICOLE COMMUNE
M. le président.
La parole est à Mme Brigitte Luypaert, auteur de la question n° 14, adressée à
M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires
rurales.
Mme Brigitte Luypaert.
Monsieur le ministre, le 10 juillet dernier, le commissaire européen à
l'agriculture a présenté un certain nombre de propositions sur « la révision à
mi-parcours de la politique agricole commune », qui ont provoqué une vive
inquiétude chez un très grand nombre d'agriculteurs français.
Cette initiative pose en tout premier lieu un problème de fond : faut-il
modifier le cadre défini en 1999 à Berlin pour la période 2000-2006 s'agissant
de la politique agricole commune ?
Pour ma part - et je crois que le Gouvernement est également sur cette ligne -
je pense qu'il serait souhaitable que les engagements pris par les Etats
membres de l'Union européenne soient observés jusqu'à leur terme, c'est-à-dire
jusqu'en 2006.
D'aucuns semblent néanmoins prétendre que, à cette date, la France pourrait se
retrouver bien seule pour défendre ses spécificités, alors qu'aujourd'hui elle
dispose encore d'un certain nombre d'alliés : ce risque, s'il existe et s'il
s'avère très important, mériterait d'être pris en considération !
Certaines propositions formulées par le commissaire européen paraissent, en
l'état, inacceptables. Je pense notamment à l'instauration d'une aide unique
par exploitation déconnectée du système de production et fondée sur des
références historiques. Cette idée me paraît dangereuse et sa mise en oeuvre
entraînerait de grandes disparités : ainsi, les exploitations bénéficiant de
bonnes références percevraient ce que l'on peut appeler « une rente de
situation », alors que les autres seraient très largement perdantes. A terme,
où se situerait l'équité entre exploitations et quelles seraient les
conséquences de cette réforme pour l'image de l'agriculture ?
Je pense aussi à la baisse des prix de certaines productions. Ainsi, une
baisse de 5 % du prix garanti interviendrait pour le blé, le maïs et l'orge,
dont le prix a déjà été réduit de 15 % sur deux ans.
Je pense ensuite à l'« éco-conditionnalité » des aides : un audit des
exploitations touchant plus de 5 000 euros d'aides serait réalisé et, en cas de
non-respect du principe d'« éco-conditionnalité », les paiements directs
seraient réduits, voire supprimés ! Inutile de dire qu'il s'agirait là d'une
nouvelle construction technocratique. Or, à l'heure où le nombre d'emplois
directement liés à la production est en diminution constante, comment
pourrions-nous accepter une augmentation permanente des emplois administratifs
en charge du contrôle ?
Je pense, enfin, à la modulation des aides. Ainsi, à partir de 2004, une
réduction annuelle de 3 % serait appliquée aux paiements pendant cinq ans. Les
moyens ainsi dégagés seraient utilisés afin de favoriser le développement
rural, c'est-à-dire des modes d'exploitation moins intensifs. Alors que la
France sous-consomme les aides du deuxième pilier de la PAC, pourquoi accepter
un prélèvement sur le premier pilier ?
Toutes ces mesures, si elles étaient mises en oeuvre, entraîneraient
de
facto
une baisse sensible du revenu des producteurs et des éleveurs
français, alors que beaucoup d'entre eux sont d'ores et déjà dans une situation
plus que préoccupante. Quant à la baisse des aides au revenu, elle entraînerait
ni plus ni moins la disparition de plusieurs dizaines de milliers
d'exploitations agricoles !
Je crois sincèrement, comme l'a fort judicieusement précisé la mission
d'information du Sénat sur la PAC, qu'il faudrait réfléchir à une réforme en
vue d'aboutir à une politique agricole profondément remaniée, visant à assurer
un revenu décent à l'ensemble des producteurs agricoles à travers une
revalorisation des prix.
Les agriculteurs français ne sont pas très heureux d'avoir été transformés, au
fil des ans, en quémandeurs de subventions européennes : ils préféreraient, et
de très loin, pouvoir bénéficier de prix rémunérateurs pour leurs productions.
Cela paraît possible. Ainsi, au 1er octobre, le blé d'export américain est 36 %
plus cher que le blé français : 160 euros la tonne contre 117,50 euros la
tonne.
Nous comptons beaucoup sur vous, monsieur le ministre, et sur l'ensemble du
Gouvernement pour que, à l'instar de ce qui vient d'être décidé aux Etats-Unis
à travers le
farm bill,
soit préservée l'intégrité du premier pilier de
la PAC qui, en soutenant la production et en régulant les marchés, est seul à
même de garantir la compétitivité de l'agriculture européenne. Dans cet esprit,
il convient de refuser la réduction des aides directes et la réduction des prix
d'intervention sur certaines productions suggérées par la Commission
européenne. Il convient aussi d'éviter de transformer l'agriculture européenne,
qui doit être productive et rentable, en simple agriculture de services chargée
d'entretenir le territoire.
Il faut redonner confiance et espoir à tous les agents économiques du monde
agricole et agroalimentaire, et notamment aux producteurs français : ils
comptent beaucoup sur nous et sur vous ; il s'agit de ne pas les décevoir.
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Hervé Gaymard,
ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires
rurales.
Madame le sénateur, je vous remercie de votre question très
argumentée. L'avenir de la politique agricole commune est effectivement d'une
importance majeure pour l'Europe, notamment pour la France.
Dès sa mise en place en 1962, la politique agricole commune a été critiquée.
Qui veut noyer son chien l'accuse de la rage... Les procès d'intention qui sont
faits à la politique agricole commune sont injustifiés. C'est d'ailleurs la
raison pour laquelle six ministres européens de l'agriculture et moi-même avons
publié, voilà deux semaines, dans vingt quotidiens européens en même temps, une
défense et illustration d'une PAC d'avenir.
En effet, s'agissant de la politique agricole commune, on entend beaucoup de
bêtises.
(M. Didier Boulaud s'exclame.)
Ainsi, elle serait trop
coûteuse. Or, elle représente 1 % de la richesse nationale des pays européens,
contre 1,5 % aux Etats-Unis. Elle serait productiviste, et en cela on se réfère
aux montagnes de beurre ou de poudre de lait des années soixante-dix et
quatre-vingt. Ce n'est heureusement plus le cas aujourd'hui. On accuse aussi la
PAC d'avoir provoqué la crise de la vache folle.
MM. Jean-Pierre Demerliat et Didier Boulaud.
Mme Thatcher !
M. Hervé Gaymard,
ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires
rurales.
Or, c'est l'absence de politique européenne suffisante en matière
de sécurité sanitaire qui en est à l'origine.
Nous n'avons donc aucune honte à avoir à défendre et à promouvoir une
politique agricole européenne ambitieuse, car il en va de notre indépendance
alimentaire. Chacun sait bien que l'arme agricole et l'arme alimentaire sont
des facteurs constitutifs de la puissance. Il n'y a aucune raison que l'Europe
abandonne aux Etats-Unis ou au groupe de Cairns la puissance économique
agricole et alimentaire.
Voilà trois ans, à Berlin, les pays européens se sont entendus sur un « paquet
» global, sur les fonds structurels, les fonds régionaux, sur la baisse de la
contribution britannique et sur l'agriculture.
S'agissant de l'agriculture, il a été décidé d'instituer une enveloppe
budgétaire valable jusqu'en 2006. Il a été ensuite décidé, à partir de 2002, de
revoir la PAC à mi-parcours. Il a été décidé, enfin, qu'il n'y aurait pas de
lien entre l'élargissement et cette revue à mi-parcours. C'est la raison pour
laquelle la France a défendu une revue ambitieuse à mi-parcours. En effet,
comme vous l'avez dit, madame le sénateur, des choses ne vont pas dans la
politique agricole européenne telle qu'elle est menée actuellement. Des
filières ne fonctionnent pas, des organisations communes des marchés sont
déficientes et le deuxième pilier, dont la France est également l'avocat,
fonctionne mal.
L'année dernière, notre ministère de l'agriculture a été condamné à payer une
amende de 21 millions d'euros pour non-consommation de crédits sur le deuxième
pilier. Cela montre bien que ce deuxième pilier tel qu'il est conçu
actuellement ne fonctionne pas.
La position française, par rapport à cette revue à mi-parcours, est simple :
premièrement, faisons une véritable revue à mi-parcours pour modifier ce qui ne
fonctionne pas dans la PAC ; deuxièmement, respectons l'accord de Berlin, car
il n'y a aucune raison de ne pas respecter un accord qui a été conclu voilà
trois ans, d'autant plus que l'enveloppe budgétaire est tenue. Travaillons pour
une nouvelle politique agricole européenne à partir de 2007. Nous nous mettrons
au travail à partir de 2004 pour bâtir cette nouvelle politique agricole
européenne. Dans l'intervalle, ne transformons pas cette revue à mi-parcours en
une réforme anticipée de la PAC, menée à la va-vite, en prenant en otage les
Etats qui vont nous rejoindre.
C'est pourquoi, lors du conseil des ministres du 15 juillet dernier à
Bruxelles, j'ai exposé la position de la France. Sur de nombreux points, elle
rejoint celle que vous avez exprimée.
Tout d'abord, on ne voit par pour quelle raison on diminuerait les prix
d'intervention, alors même que les prix sont déjà à un niveau historiquement
bas et que l'on demande aux agriculteurs toujours plus de traçabilité et de
mise en conformité aux normes européennes. Ensuite, s'agissant du « découplage
», il nous paraît un peu surprenant que la Commission propose cette solution
sans une étude d'impact environnemental, économique, financier et territorial.
Enfin, nous sommes bien évidemment d'accord pour débureaucratiser cette
politique agricole commune, qui n'est que trop complexe. De ce point de vue,
l'écoconditionnalité ne doit pas être un facteur de complication
supplémentaire.
Telle est, madame le sénateur, la position de la France. Je terminerai en
précisant que, contrairement à ce qui avait été dit au début du mois de
juillet, la France n'est pas isolée, puisque sept pays ont signé le document et
dix pays sur quinze ont refusé le découplage.
M. le président.
La parole est à Mme Brigitte Luypaert.
Mme Brigitte Luypaert.
Je remercie M. le ministre de sa réponse très complète.
S'agissant des effets de cette révision, dans mon département l'impact a été
mesuré, même si tous les éléments n'ont pas encore été pris en compte. Or
l'impact est très important : pour certaines exploitations, on aboutit à des
revenus négatifs !
Je fais confiance au Gouvernement et à M. le ministre pour défendre les
intérêts et la spécificité de l'agriculture française.
PROJET DE RÉORGANISATION
DES STRUCTURES DE L'ONF
M. le président.
La parole est à M. Roland Courteau, auteur de la question n° 24, adressée à M.
le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires
rurales.
M. Roland Courteau.
Monsieur le ministre, je souhaite exprimer, comme je l'avais fait devant votre
prédécesseur, les fortes inquiétudes tant des personnels que des maires
concernés à la suite de la réorganisation des structures de l'Office national
des forêts, l'ONF.
La mise en oeuvre de cette réorganisation ne semble pas apporter une solution
au problème de fond. En revanche, elle met en péril la force principale de
l'ONF, c'est-à-dire les moyens humains.
Je vais être plus précis.
Les personnels et les maires des communes forestières redoutent l'effet d'une
telle réorganisation sur le devenir du patrimoine forestier ou sur les actions
de développement local dont l'ONF est l'un des acteurs essentiels.
Les organisations syndicales craignent « que les notions de gestion durable et
de pérennité d'un patrimoine forestier exceptionnel ne soit appelées à
disparaître ». Elles affirment aussi « qu'il est inconcevable que l'office ne
soit plus un acteur incontournable dans la gestion de l'environnement, du
développement durable et des espaces naturels ».
Enfin, tous redoutent que, par manque de moyens, ils ne soient dans
l'impossibilité d'assurer les missions de service public qui leur sont
dévolues.
Or, nous en sommes tous convaincus ici, la forêt est une chance pour la
France. Ainsi, dans le département de l'Aude, la forêt publique gérée par l'ONF
représente plus de 78 000 hectares, dont 65 % de forêts appartenant à des
collectivités. Actuellement, l'organisation de l'ONF assure un maillage complet
du territoire, en parfaite adéquation avec les missions qui sont les siennes.
Qu'en sera-t-il demain, dans le cadre de cette réorganisation ? La suppression
de dix-neuf postes de forestiers d'ici à 2006 représente, pour l'Aude, une
diminution de 31 % des effectifs, et de 42 % si je prends en compte la
non-compensation de la réduction du temps de travail.
Chacun peut donc aisément comprendre qu'une telle amputation du maillage
territorial est loin d'être neutre. D'où l'inquiétude des maires, qui
souhaitent le maintien d'une présence forte à leurs côtés. A quoi bon se battre
au quotidien, comme ils le font inlassablement, en matière de développement
local pour revitaliser l'espace rural si, dans le même temps, les services
publics tirent leur révérence. Sur le plan national, 11 % des effectifs sont
appelés à disparaître d'ici à 2006, soit 700 à 800 postes.
Pour conclure, je préciserai que les personnels ne sont nullement opposés à
toute évolution des structures, mais sous réserve d'une large concertation et
de la préservation de la qualité essentielle d'un service public auquel ils
sont particulièrement attachés. Il m'a d'ailleurs été indiqué que ces
personnels ont formulé des propositions visant à moderniser les structures et
le mode de financement de l'établissement.
Telles sont, monsieur le ministre, quelques-unes des raisons qui m'incitent à
réitérer devant vous la mise en place d'un moratoire afin que cette question
soit réexaminée et qu'elle fasse l'objet d'une large concertation.
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Hervé Gaymard,
ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires
rurales.
Monsieur le sénateur, à la demande du précédent gouvernement,
l'Etat et l'Office national des forêts ont signé, le 22 octobre 2001, un
contrat d'objectifs pour la période 2001-2006.
L'objet principal de ce contrat est de permettre à l'Office national des
forêts de mieux répondre aux attentes des collectivités et de la société dans
son ensemble, tout en confortant sa situation financière, fragilisée par les
tempêtes de la fin de l'année 1999, auxquelles s'ajoutent d'ailleurs, depuis
quelques semaines, les conséquences de la crise des feuillus.
Pour atteindre ces objectifs, le précédent gouvernement a demandé la mise en
oeuvre d'une refonte de l'organisation de l'établissement. Cette
réorganisation, qui a mobilisé les services de l'Office en 2002, s'est traduite
par une réduction, comme l'on dit, de la ligne hiérarchique : une dizaine de
directions régionales ou interrégionales à effectifs renforcés assurent les
fonctions de management et de gestion par objectif. Sur le terrain, elle a
privilégié la polyvalence en créant des équipes de gestion assurant, à la fois,
les fonctions de support technique, de commercialisation et de soutien
administratif et des équipes d'agents comportant une répartition fonctionnelle
par spécialité, tout en maintenant des équipes d'ouvriers plus autonomes.
Cette réorganisation, associée à un renforcement des compétences et des
qualifications des agents, doit permettre, d'ici à 2006, à volume global
d'activité inchangé, d'alléger les effectifs de fonctionnaires de 430 emplois
par une compensation partielle des départs à la retraite.
J'insiste sur le fait que l'évolution des effectifs est prévue par la
direction à volume global d'activité inchangé et que le développement de
nouvelles missions ou de nouvelles prestations répondant à des demandes de
partenaires publics ou privés serait de nature à l'infléchir.
Dans votre département de l'Aude, monsieur le sénateur, l'ONF compte 87,5
postes de fonctionnaire, auxquels s'ajoutent 31 ouvriers forestiers de droit
privé. Les agents fonctionnaires regroupent un chef d'agence, 55 agents
territoriaux et chefs de groupes techniques, 9 techniciens spécialistes, en
aménagement par exemple, et 12 agents administratifs. Les agents affectés aux
deux unités spécialisées créées lors de la réorganisation, dont les sièges sont
à Thézan-des-Corbières et à Carcassonne, exercent leurs activités sur le
terrain et continuent à être logés dans les maisons forestières.
A l'horizon 2006, une réduction de sept agents est prévue, soit une diminution
de 8 % des effectifs, pour un niveau d'activité conventionnelle identique à
celui de 2002. Cette prévision serait bien entendu revue si les collectivités
territoriales venaient à conclure des marchés de travaux supplémentaires avec
l'ONF. Il va de soi que l'établissement dégagerait les moyens humains et
matériels supplémentaires nécessaires à leur réalisation.
Sur le plan social, la direction générale de l'établissement s'est engagée, à
ma demande, à n'imposer aucune mobilité géographique hors promotion et à s'en
tenir à des mobilités fonctionnelles.
Conscient que le maillage de proximité est un de ses principaux atouts, je
veux que l'ONF veille à ne pas provoquer de déséquilibre dans l'aménagement du
territoire aux niveaux tant régional que départemental.
La réorganisation de l'ONF n'entraînera donc pas un désengagement dans
certaines parties du territoire : elle doit permettre, au contraire, une
mobilisation accrue de ses personnels.
Comme vous l'avez vous-même indiqué, monsieur le sénateur, l'ONF est un
établissement extrêmement prestigieux, qui assure une mission de service public
irremplaçable, dont nous devons assurer la pérennité. Il est vrai que cet
organisme rencontre, notamment à cause de la tempête, d'importantes difficultés
depuis quelques années. Ces difficultés conjoncturelles sont venues s'ajouter à
un moment où une réforme apparaissait nécessaire, réforme que personne ne
conteste d'ailleurs, étant donné l'ancienneté, voire l'archaïsme de certaines
structures ou modes d'organisation.
Je sais également, comme vous-même, monsieur le sénateur, que le personnel est
à la fois préoccupé de la réorganisation en cours, tout en souhaitant ardemment
qu'une véritable réforme de notre Office national des forêts ait lieu.
C'est la raison pour laquelle, dès mon arrivée au ministère, j'ai demandé au
directeur général de l'ONF, M. Goury, au nouveau président du conseil
d'administration, qui vient d'être nommé, M. Michel Blangy, d'agir dans le
cadre d'une étroite concertation afin que les évolutions nécessaires de l'ONF
se fassent dans le respect des principes d'écoute, de dialogue et de
participation.
M. le président.
La parole est à M. Roland Courteau.
M. Roland Courteau.
Monsieur le ministre, il n'y aura donc pas de moratoire, comme je le
souhaitais.
Vous devez bien comprendre pourtant l'angoisse des élus locaux et des
populations face aux atteintes des services publics qui ont lieu, d'une façon
générale, en milieu rural.
M. Philippe Marini.
Il ne faut rien exagérer !
M. Roland Courteau.
Aujourd'hui sont touchés l'ONF, La Poste, EDF, le Trésor public, les
gendarmeries, les commissariats... C'est à se demander si le mot « solidarité »
a encore un sens !
M. Philippe Marini.
N'exagérons rien !
M. Roland Courteau.
Mon cher collègue, vous êtes dans un milieu urbain, pensez un peu aux zones
rurales !
M. Philippe Marini.
Venez dans mon département. Vous verrez qu'il est très rural et que l'ONF y
est bien représenté !
M. Roland Courteau.
Laissez-moi parler ! Je ne vous ai pas interrompu, je ne vous interromps
d'ailleurs jamais, mon cher collègue !
Que valent, dans ces conditions, les discours sur le nécessaire aménagement
équilibré de l'espace, sur l'égalité des chances entre les territoires ? Je
crois qu'il est impératif, s'agissant des services publics en général, et plus
particulièrement des services publics en milieu rural, d'empêcher la saignée
que l'on connaît, si l'on ne veut pas rendre exangues certains territoires et
désespérer les populations concernées, ainsi que les élus locaux qui s'échinent
à contrecarrer - mais pour combien de temps ? - les effets dévastateurs d'une
sorte de politique de la terre brûlée. Comment ces élus parviendront-ils, en
effet, à inverser certaines tendances à la dévitalisation dans les secteurs les
plus fragiles s'ils sont privés de l'ossature indispensable des services
publics ?
(Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe communiste
républicain et citoyen et sur les travées socialistes.)
DÉSENGAGEMENT DE L'ÉTAT
DANS LES CONTRATS DE VILLE
M. le président.
La parole est à M. Didier Boulaud, auteur de la question n° 28, adressée à M.
le ministre délégué à la ville et à la rénovation urbaine.
M. Didier Boulaud.
Monsieur le ministre, dans le cadre d'une politique nationale et globale de
prévention de la délinquance et de soutien aux quartiers défavorisés, de
nombreuses villes, dont Nevers, que j'ai l'honneur d'administrer, ont signé des
contrats de ville avec l'Etat.
Comme vous ne pouvez manquer de le savoir, ces contrats sont, en règle
générale, signés pour une durée de six ans durant laquelle l'Etat s'engage
financièrement.
Ces actions de prévention reposent en partie sur les moyens financiers mis à
disposition, comprenant, d'une part, les crédits contractualisés dégagés au
titre des contrats de plan Etat-région, d'autre part, des crédits de droit
commun, certes non contractualisés, mais qui sont reconduits chaque année au
titre d'une réelle volonté de lutte et de prévention de la délinquance.
En 2002, la mise à disposition par l'Etat des crédits de contrats de ville,
notamment les crédits du Fonds interministériel à la ville, a été suspendu
temporairement - c'est la raison d'être de ma question - en raison de la
période électorale.
Or il semble qu'à ce jour le processus de soutien financier à la politique de
la ville n'ait pas été réenclenché et que les crédits de droit commun ne soient
pas, pour l'instant, reconduits.
A Nevers, par exemple, ces crédits étaient affectés en priorité à la politique
d'insertion par l'emploi. Ce sont donc, pour l'instant, essentiellement des
postes d'encadrement dans des structures d'insertion qui sont menacés de
disparition.
Doit-on envisager qu'à terme toutes les structures engagées dans ces pojets de
prévention de la délinquance seront menacées dans leur fonctionnement et dans
leur existence même par ces réductions budgétaires ?
Doit-on en déduire, monsieur le ministre, que l'Etat se désengage des contrats
de ville et qu'en conséquence vous abandonnez une politique de prévention de la
délinquance et de soutien aux quartiers défavorisés ? Serait-ce qu'à l'avenir
vous ne soutiendrez plus que des actions de sanction renonçant aux actions de
prévention ?
Bref, monsieur le ministre, je m'inquiète du retrait progressif mais effectif
de l'Etat dans les contrats de ville. J'en suis d'autant plus étonné quand je
lis les propos louangeurs que la presse vous a consacrés ces derniers jours à
l'occasion du congrès HLM et qui évoquaient un « Chevalier blanc » et des «
lendemains qui chantent » !
Je vous demande donc concrètement quelles mesures vous comptez prendre pour
que l'engagement de l'Etat en matière de politique de la ville soit
effectivement respecté.
M. le président.
La parole est à M. le ministre délégué.
M. Jean-Louis Borloo,
ministre délégué à la ville et à la rénovation urbaine.
Monsieur le
sénateur, tout d'abord, je tiens à vous assurer que dans leur intégralité, les
engagements de mon prédécesseur, Claude Bartolone, seront respectés, et ce à
bonne date. A la suite du « gel républicain », la machine s'est remise en
route.
Vous savez, par le préfet de la Nièvre, que tous les crédits correspondants
aux engagements contractuels ont été libérés et sont aujourd'hui mandatés ; ils
sont cette semaine même à la disposition des différents partenaires, notamment
de la commune de Nevers.
J'en viens maintenant à un point qui vous tient à coeur : la convention de
l'opération de renouvellement urbain de la ville de Nevers, sur laquelle mon
prédécesseur s'était engagé voilà dix-huit mois et pour l'application de
laquelle un comité de pilotage a été mis en place. Je peux vous affirmer que
nous soutiendrons et que nous amplifierons, si nécessaire, cette opération.
Nous souhaitons par ailleurs que le conseil régional s'y associe dans le cadre
du GIP que vous avez bien voulu instituer.
Je réponds ainsi à l'inquiétude tout à fait légitime que vous éprouvez à
propos de l'incertitude du financement.
S'agissant du fonctionnement, nous proposions à un certain nombre de villes -
Nevers pourrait être intéressée - d'éviter que les financements ne soient
décalés en fin d'année du fait de la complexité de la procédure. Si le préfet
ou le sous-préfet concerné et le maire de la ville-centre ou le président de
l'agglomération pouvaient se mettre d'accord à la fin du dernier trimestre
précédant l'action, l'intégralité du financement pourrait être attribué
directement à la ville, donc, éventuellement, à la ville de Nevers, pour qu'il
soit « packagé » dans son budget général, de façon qu'elle puisse mener plus
librement ses actions. Si vous le souhaitez, vous pourrez répondre positivement
à cette proposition qui vous sera faite par courrier et qui me semble de nature
à éviter l'inquiétude, l'anxiété qui peuvent accompagner la réalisation
d'actions qui s'inscrive dans la durée et qui exigent constance, prévision,
visibilité.
Finalement, monsieur le sénateur, à la fois sur le fonctionnement et sur la
prévention, vous pouvez être totalement rassuré. Il en est de même pour l'ORU,
qui me donnera l'occasion de me rendre sur place dans les mois qui viennent,
puisque nous devons signer ensemble la convention.
M. le président.
La parole est à M. Didier Boulaud.
M. Didier Boulaud.
Monsieur le ministre, je vous remercie des informations que vous venez de me
fournir. Je vois que vous prenez en compte les difficultés de ces structures
qui, souvent, sont liées à l'emploi et qui concernent, en particulier, des
personnes en difficulté. C'est le cas d'une régie inter-quartier où nous avons
60 à 70 emplois occupés par des personnes qui avaient complètement perdu le
chemin du travail. Je dois dire que, chaque année, nous sommes obligés de nous
livrer à des opérations de funambules pour arriver à boucler les budgets.
Nous éprouvions cette année de grandes inquiétudes pour ce qui concerne
notamment l'une de ces structures, Solidarité 58, dans la mesure où la
direction départementale du travail, de l'emploi et de la formation
professionnelle nous avait laissé entendre que, au-delà du gel républicain
traditionnel, les crédits ne seraient pas débloqués. Si vous me dites qu'ils le
seront, je vous en remercie, monsieur le ministre.
SITUATION FINANCIÈRE D'ÉLECTRICITÉ DE FRANCE
M. le président.
La parole est à M. Philippe Marini, auteur de la question n° 30, adressée à M.
le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
M. Philippe Marini.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, ma question
fait écho aux problèmes que rencontre de façon persistante l'Etat
actionnaire.
Dans un monde que nous savons semé d'incertitudes, c'est très soucieux que
nous observons l'évolution de la situation financière de certains grands
groupes publics, tout particulièrement Electricité de France.
Le président de ce groupe a récemment été auditionné par nos collègues de la
commission des finances de l'Assemblée nationale. Or, bien que j'aie étudié
avec la plus grande attention les réponses qu'il a, postérieurement à la
rédaction de ma question, fournies à nos collègues, je n'y ai pas trouvé tous
les éléments d'information que, à un moment ou à un autre, il faudra bien
communiquer au Parlement pour que celui-ci soit en mesure d'assumer les
responsabilités qui sont les siennes en la matière : nous devons, pour ce
faire, avoir une vision précise de l'évolution du patrimoine public et des
risques que cette évolution recèle.
Dans ma question, telle que je l'avais rédigée à l'origine, j'interrogeais en
particulier M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie sur
certains aspects liés aux participations internationales d'Electricité de
France et, de façon encore plus spécifique, sur les engagements qui, à en
croire certaines informations de presse, auraient été pris à l'égard de
partenaires dans le cadre de l'acquisition d'une fraction du capital de
l'ensemble Italenergia-Montedison. Si de tels engagements hors bilan existent,
ils devront bien entendu apparaître aussi dans les documents d'information
publics d'Electricité de France.
Cette interrogation me parassait singulièrement justifiée au regard de la
transparence qu'exigent aujourd'hui de plus en plus les marchés, les
investisseurs et l'opinion publique. Car l'opinion publique sera bien un
paramètre essentiel lorsqu'il faudra prendre des décisions stratégiques afin
d'accompagner le développement, voire le redéploiement de cette très grande
entreprise nationale qu'est Electricité de France.
M. le président.
La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Nicole Fontaine,
ministre déléguée à l'industrie.
Monsieur le sénateur, vos légitimes
inquiétudes s'inscrivant dans un contexte international marqué par des
faillites importantes, touchant en particulier de grands groupes du secteur
énergétique, comme Enron, aux Etats-Unis.
Il ne m'appartient évidemment pas d'apprécier la qualité des réponses que M.
le président d'EDF a fournies à vos collègues de l'Assemblée nationale. Je
dirai seulement que l'information financière et les documents publics diffusés
par EDF me paraissent de bonne qualité.
Des progrès dans ce domaine sont, bien entendu, toujours possibles et
souhaitables, notamment en allant dans le sens d'un plus grand degré de détail
quant aux informations fournies dans l'annexe des comptes. Ces améliorations
iront d'ailleurs de pair avec l'évolution de l'entreprise et l'ouverture de son
capital.
Les pouvoirs publics sont naturellement très attentifs à la qualité et à
l'exhaustivité des informations financières fournies par l'entreprise, en
particulier quant aux engagements hors bilan, et ils veillent à leur
amélioration.
En ce qui concerne la dégradation en 2001 du résultat courant social d'EDF
international, c'est-à-dire avant impôt et résultat exceptionnel, celle-ci
résulte essentiellement d'événements exceptionnels survenus en Amérique
latine.
Au Brésil, la crise de change, conjuguée à une période de rationnement de la
consommation électrique, a contraint EDF à passer en 2001 une provision de 900
millions d'euros pour dépréciation des titres.
Parallèlement, la grave crise économique et financière que connaît
actuellement l'Argentine a fortement affecté les industries locales dont
l'endettement était en devises. EDF, présent de manière significative,
notamment avec sa filiale Edenor, a été conduit, comme la plupart des autres
groupes présents en Argentine, à passer des provisions significatives pour
dépréciation afin de tenir compte de la situation économique et financière du
pays. La provision pour dépréciation des titres de participation Edenor s'est
élevée en 2001 à 217 millions d'euros.
Ces deux postes expliquent à eux seuls la perte d'EDF international, que nous
déplorons autant que vous, monsieur le sénateur.
Enfin, en ce qui concerne les prévisions pour 2002 et 2003, le Gouvernement
est évidemment disposé à ce qu'un point précis soit fait devant les commissions
des finances des deux assemblées dès que les informations nécessaires à cet
effet seront disponibles et suffisamment fiables.
M. le président.
La parole est à M. Philippe Marini.
M. Philippe Marini.
Je vous remercie, madame la ministre, de la réponse très précise que vous
m'avez apportée. Elle témoigne de la grande vigilance du Gouvernement ainsi que
de celle de vos services à l'égard de la situation financière et patrimoniale
d'EDF.
J'ai été très sensible à l'intention que vous avez affirmée en conclusion de
permettre aux commissions des finances des deux assemblées de jouer pleinement
leur rôle. Pour ce qui concerne la commission des finances du Sénat, je puis
vous assurer qu'elle sera amenée, dans les semaines qui viennent, à demander
des informations de manière à être bien éclairée sur cette question
particulièrement complexe.
Il y va de la connaissance des risques et des atouts du patrimoine public. Il
y va aussi de la connaissance des procédures selon lesquelles l'Etat
actionnaire est en mesure d'assumer ses missions. Il y va enfin, tout
simplement, de la stratégie d'une très grande entreprise française qui est un
champion mondial et qui doit, comme toutes les autres entreprises de cette
taille, sur un océan tumultueux, naviguer au milieu des périls.
La commission des finances du Sénat sera donc attentive à l'évolution de ce
dossier, mais elle ne souhaite à aucun prix prendre des initiatives de nature à
brider une entreprise qui doit demeurer réactive et prendre toutes les
décisions qu'imposent les évolutions du marché.
Dès lors que le secteur public continue de représenter une part significative
de l'économie nationale, il est à nos yeux essentiel de faire en sorte que
l'opinion publique bénéficie de toutes les informations auxquelles elle a droit
en la matière.
AVENIR DES CENTRES DE TRI DU COURRIER
M. le président.
La parole est à Mme Marie-Claude Beaudeau, auteur de la question n° 23,
adressée à Mme la ministre déléguée à l'industrie.
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Madame la ministre, ma question porte sur l'avenir des centres de tri du
courrier, qui constituent une pièce maîtresse du service public de La Poste.
Au nombre de 104 dans tout le pays, soit donc environ un par département, ils
seraient l'objet d'un vaste mouvement de concentration qui pourrait impliquer,
à terme, une très forte diminution de l'activité des deux tiers d'entre eux,
voire leur suppression pure et simple : ils seraient alors supplantés par de
gros établissements régionaux hautement automatisés.
Pour le moment, cette perspective ne fait l'objet que d'une rumeur, puisque le
nouveau schéma directeur de traitement et de transport du courrier établi par
la direction de La Poste n'a toujours pas été communiqué. Cependant, les
restructurations en cours entrent clairement dans une telle perspective : des
transferts de trafic sont organisés de centres départementaux vers des centres
à vocation régionale, comme de Mâcon vers Saint-Priest, ou de Blois -
l'activité « écoplis » - vers Clermont-Ferrand.
De façon plus évidente encore, la délégation régionale de La Poste
d'Ile-de-France a annoncé, au début de l'été, la suppression du traitement du
courrier dans cinq des huit centres de tri de Paris
intra muros
- Paris
VIIIe, Paris XIe, Paris XVIIe, Paris XVIIIe et Paris XXe - remplacés, d'ici à
la fin de 2004 ou au début de 2005, par un nouveau centre qui serait construit
à Gonesse, en banlieue nord, sans même, d'ailleurs, que la municipalité en ait
été informée.
L'achat de quatre-vingts nouvelles machines de tri adaptées à ce type de
nouveau centre a été voté par le conseil d'administration en début d'année :
cela confirme le sens des restructurations en cours de l'ensemble du traitement
du courrier national, sans parler de la restructuration radicale des centres de
tri internationaux, puisqu'il n'en resterait qu'un seul, implanté à Roissy.
Madame la ministre, quels sont exactement les plans actuellement retenus par
la direction de La Poste et par le Gouvernement concernant l'avenir du
traitement du courrier sur le territoire national ? Reconnaissez-le, il est
anormal que la parlementaire que je suis soit informée de toutes ces questions
uniquement par les organisations syndicales.
Le nouveau contrat de plan conclu entre l'Etat et La Poste est en pleine
élaboration. Est-il conforme à votre conception du dialogue social d'en tenir
éloignés les salariés de La Poste et leurs organisations syndicales ? J'espère
que non !
« Le progrès ne vaut que s'il est partagé par tous », affirmait le slogan
d'une autre entreprise publique. La concentration des centres de traitement du
courrier et leur automatisation à outrance sont loin de correspondre, je le
crains, à une amélioration de la qualité du service rendu pour tous les
usagers, à une amélioration de l'emploi et des conditions de travail des
personnels et au renforcement du service public.
Ce mouvement de concentration ne va-t-il pas, d'abord, à rebours de l'objectif
de décentralisation, si largement affiché par le Gouvernement, mais dont serait
exclue La Poste ? Il entraînerait en tout cas une forte augmentation - bien peu
écologique et qui ne serait guère synonyme de gain de temps - du transport du
courrier, désormais effectué uniquement par camions privés. Songeons à
l'exemple des centres du nord de Paris : habitant Sarcelles, près de Gonesse,
je connais biens les temps de transport nécessaires pour rejoindre ou quitter
Paris. Trouvez-vous logique, madame la ministre, qu'une lettre postée dans le
XVIIe arrondissement à destination du XIe arrondissement transite par Gonesse
et que son acheminement subisse les embouteillages ?
L'annonce de la suppression des centres de Paris a coïncidé avec le lancement
par La Poste de sa nouvelle gamme d'offre spécifique dénommée « Tem'post », en
direction de ses plus gros clients. Je pense que ce n'est pas un hasard et que
la nouvelle conception du traitement du courrier correspond à la priorité
donnée, dans une perspective concurrentielle, au courrier industriel, qui
représente déjà près de 30 % du chiffre d'affaires de l'activité, avec des
marges bénéficiaires très importantes, de l'ordre de 20 % !
Avec Tem'post, les gros clients - facturiers, banques, assurances, vépécistes,
routeurs, publiposteurs, etc. - bénéficient d'un tarif attractif et de
garanties de délais de deux à sept jours, sous peine de remboursement partiel
par La Poste. Ce système établit ainsi la priorité de traitement pour ce
courrier industriel sur le courrier prioritaire et même Cedex, pourtant destiné
à être délivré le lendemain, selon la norme J + 1.
Les centres de tri régionaux et les machines dont ils seront dotés seront
adaptés sur mesure à ce courrier industriel, souvent préconditionné dans les
cellules « courrier » de ces entreprises ou par des sous-traitants, totalement
privés et employant du personnel précaire.
Ne pensez-vous pas, madame la ministre, que cette évolution va à l'encontre
des principes même du service public : égalité de traitement, péréquation
tarifaire, qualité de service pour tous ?
Enfin, concernant l'emploi et les conditions de travail, les organisations
syndicales estiment que la concentration envisagée des centres de tri
aboutirait à la suppression de 4 000 à 7 500 emplois et à l'extension, à
l'intérieur et en dehors de La Poste, de la précarité. Je souligne que, bien
que l'activité courrier soit toujours en croissance - l'Union postale
universelle vient de prévoir un accroissement annuel moyen de 3 % pour les
années à venir -, la situation de l'emploi s'est fortement dégradée ces
dernières années, avec un recours croissant à des personnels contractuels : 6
500 sur 33 000. Les rémunérations sont faibles et certains contrats de travail
sont proprement scandaleux : je pense, par exemple, à ces étudiants qu'on
emploie quatre heures par jour, de dix-huit heures à vingt-deux heures, pour
450 euros par mois.
Un tiers des personnels fonctionnaires des centres de tri doit partir en
retraite d'ici à 2005. Je vous pose donc la question, madame la ministre :
combien d'emplois de fonctionnaires comptez-vous créer pour les remplacer ?
Combien de contractuels envisagez-vous de titulariser ?
Madame la ministre, les salariés de La Poste et leurs organisations syndicales
font des propositions pour moderniser tous les centres de tri en développant
l'emploi stable et en améliorant la qualité du service rendu pour renforcer,
par exemple, la norme J + 1, voire pour passer dans les villes à des courriers
distribués dans la journée. Des mouvements de revendications, vous le savez,
madame la ministre, sont prévus dans les semaines qui viennent. Les
entendrez-vous ?
M. le président.
La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Nicole Fontaine,
ministre déléguée à l'industrie.
Madame la sénatrice, La Poste est un
service public auquel les Français et le Gouvernement sont très attachés.
Cette entreprise se modernise constamment pour offrir un service de qualité à
tous ses utilisateurs, dans les meilleures conditions de coût. La Poste doit en
effet répondre aux demandes de ses clients, qui sont, vous le savez, madame la
sénatrice, de plus en plus diverses. Il s'agit de satisfaire les besoins
exprimés par les particuliers pour leur correspondance, mais aussi ceux - et il
sont de plus en plus importants - qui sont exprimés par les entreprises du
secteur de la vente par correspondance, par exemple, qui expédient tous les
jours des dizaines de milliers de messages commerciaux, ou encore par les
petites et moyennes entreprises, pour qui le courrier est un vecteur tout à
fait essentiel de développement.
Je puis vous dire, madame la sénatrice, que le Gouvernement veille à
l'amélioration constante de cette qualité. A cet égard, vous le savez, un
nouveau président a récemment été nommé à la tête de l'entreprise et j'ai eu
l'occasion de le rencontrer très longuement hier. Nous avons parlé de l'avenir
et j'ai pu constater que nous partagions la même ambition, qui est de faire en
sorte que La Poste conserve sa vocation de service public.
A cette fin, nous formulerons très prochainement des propositions concrètes,
et le Parlement sera, bien évidemment, très étroitement associé à toutes les
évolutions que nous envisageons. De même, le dialogue social devra être mené
avec une particulière attention.
Vous avez posé une question plus précise sur le projet de réorganisation du
traitement du courrier à Paris. Ainsi, cinq centres parisiens seront regroupés
dans un centre de tri de nouvelle génération, celui de Paris-Nord, situé à
Gonesse, dans le département du Val-d'Oise.
Ce projet de réorganisation s'inscrit dans la perspective d'une modernisation
absolument indispensable des organisations et des techniques, dont les
modalités font aujourd'hui l'objet d'une très large concertation : aucune
décision n'a encore été prise, des chantiers de travail ont été proposés sur
divers thèmes, parmi lesquels figurent les conditions de travail, la prévention
des accidents, les plans de formation.
J'ajoute que le nouveau centre de traitement du courrier de Paris-Nord,
essentiel pour l'avenir de La Poste à Paris et en Ile-de-France, sera le plus
important de France et le plus moderne d'Europe. Il entrera en activité au
début de 2004, lorsque nous aurons achevé la concertation actuellement en
cours. Il contribuera ainsi à réduire la quantité de camions circulant en
centre-ville, participant ainsi à l'amélioration du trafic dans certains
quartiers de la capitale. Il présente donc un certain nombre d'avantages
réels.
Je vous demande, madame la sénatrice, de faire confiance à ceux qui ont conçu
ce plan. Je vous confirme qu'ils souhaitent le mener à bien dans l'intérêt du
plus grand nombre, dans celui des usagers comme dans celui de l'ensemble du
secteur de La Poste.
M. le président.
La parole est à Mme Marie-Claude Beaudeau.
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Madame la ministre, je vous remercie de votre réponse. Cependant, je considère
que vous n'avez défini clairement ni les objectifs du schéma directeur ni la
place de La Poste dans le prochain contrat de plan.
Vous dites que le Gouvernement est, comme l'ensemble des Français, très
attaché au service public de La Poste, le courrier jouant un grand rôle dans la
vie quotidienne de chacun, et vous exprimez le souhait d'une modernisation de
ce service.
Nous ne refusons pas la modernisation dès lors qu'elle peut soulager le
travail accompli journellement par les postiers, mais nous ne croyons pas que
celle que vous nous proposez ira dans le sens d'une amélioration du service
public. En effet, vous vous préparez à livrer La Poste au secteur privé, à la
concurrence, et cela nous inquiète beaucoup.
Nous estimons que cette politique affaiblira La Poste en supprimant des
milliers d'agents pourtant très compétents et dévoués, d'agents qui s'honorent
d'être postiers. En livrant ce service au secteur privé, vous allez satisfaire
les concurrents de La Poste, qui se préparent à engranger de gros profits.
Je ne suis pas certaine, madame la ministre, que les postiers vont rester
longtemps des forces dociles. Vous le savez, des réactions très fortes se
préparent parce que, contrairement à ce que vous nous avez laissé entendre,
aucune concertation n'a été organisée entre la direction de La Poste et les
organisations syndicales.
RÉGLEMENTATION APPLICABLE AUX LOTERIES
ORGANISÉES PAR DES ASSOCIATIONS
M. le président.
La parole est à M. Jean-Claude Carle, auteur de la question n° 38, adressée à
M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire.
M. Jean-Claude Carle.
Ma question, qui s'adresse au ministre délégué au budget et à la réforme
budgétaire, elle concerne le contrôle du financement des associations par
l'administration.
Imaginez, mes chers collègues, dans votre département, une association qui
organiserait son loto annuel pour financer ses activités. Ce loto serait
composé d'une vingtaine de parties et proposerait environ soixante-dix lots,
d'une valeur moyenne de 90 euros.
Jusqu'ici, rien que de très normal. Là où les choses se corsent, c'est lorsque
ladite association propose deux ou trois lots d'une certaine valeur : si vous
êtes le président de cette association, vous avez alors la désagréable surprise
de recevoir une lettre de la direction départementale de la concurrence, de la
consommation et de la répression des fraudes invoquant une loi du 21 mai 1836 -
je n'invente rien ! - qui interdit le principe des loteries et soumet à
dérogation deux types d'opérations.
La première dérogation concerne les loteries exclusivement destinées à des
actes de bienfaisance, à l'encouragement des arts et au financement d'activités
sportives à but non lucratif. Dans ce cas, la loterie doit être expressément
autorisée par le préfet, qui peut subordonner son accord à la présentation de
certaines justifications quant à l'utilisation des fonds recueillis. C'est bien
normal !
La deuxième dérogation a trait aux lotos traditionnels à but social, culturel,
scientifique, éducatif, sportif ou d'animation locale organisés dans un cercle
restreint offrant des lots dont la valeur marchande n'excède pas 400 euros.
Et, pour faire bonne mesure, le bienveillant directeur de la concurrence de
rappeler au président de cette association qu'il est pénalement responsable des
infractions susceptibles d'être relevées et peut se voir infliger une peine
d'amende de 30 000 euros et/ou une peine d'emprisonnement de deux ans, avec, à
la clé, la menace de saisir l'autorité judiciaire en cas de nouveau
manquement.
L'exemple que je viens de vous citer n'est pas puisé dans l'univers de Kafka,
il existe bel et bien et il s'est produit à plusieurs reprises dans mon
département.
Je passe, madame la ministre, sur l'image tatillonne que cette pratique peut
donner de l'administration. Après tout, celle-ci ne fait qu'appliquer les lois
de la République, et ces lois, c'est le Parlement - c'est-à-dire nous - qui a
le pouvoir de les faire ou de les modifier...
Non, ce qui m'inquiète, madame la ministre, c'est de penser que la loi peut
méconnaître à ce point la réalité du bénévolat. On connaissait déjà le
précédent des buvettes qui permettent aux associations sportives de se procurer
quelques ressources, on connaît maintenant celui des lotos.
En l'occurrence, nous savons bien que l'on ne fait pas participer des gens à
un loto en proposant seulement des filets garnis !
Les recettes en jeu sont modestes, mais elles permettent aux associations,
tels les amicales de sapeurs-pompiers, les clubs sportifs ou les associations
de parents d'élèves de pouvoir vivre. Or des recettes propres en moins, ce sont
autant de subventions en plus à leur verser.
Ce que je regrette, c'est de voir l'administration, sur le terrain, se montrer
pointilleuse avec les associations et ne pas faire preuve, par exemple, du même
zèle avec les gens du voyage, auxquels on ne demande pas de justifier leurs
ressources.
Ma question, madame la ministre, est donc très simple.
L'an dernier, nous avons fêté le bicentenaire de la loi sur les associations
et salué le rôle essentiel des bénévoles. Ne les décourageons pas : 1836-2002,
cela me paraît une période d'expérimentation suffisante ! Etes-vous disposée,
madame la ministre, à réactualiser la loi et la réglementation de façon à
préserver la vie associative, tout en maintenant, bien sûr, des garde-fous ?
Ne pourrait-on limiter la valeur globale du loto ou la valeur moyenne des lots
plutôt que la valeur d'un lot mis en jeu ? Le plafond actuel de 400 euros est
ridicule !
Je vous remercie par avance des précisions que vous pourrez nous apporter,
afin de rassurer les associations et leur permettre d'organiser leur loto en
toute sérénité.
M. le président.
La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Nicole Fontaine
ministre déléguée à l'industrie.
Vous m'interrogez, monsieur le sénateur,
sur un aspect bien particulier de la loi de 1836, loi de portée générale et
d'ordre public qui pose le principe de la prohibition générale des loteries.
Bien qu'inchangée depuis plus d'un siècle et demi, cette loi, dans la mesure
où elle permet de couvrir un champ très large, a toujours démontré son
efficacité dans le cadre de la protection des consommateurs au fur et à mesure
de l'évolution et de la complexification des marchés et des formes de la
société.
Elle a également permis de conserver, dans certaines régions, des traditions
bien ancrées et au service de tous, dont je conviens volontiers avec vous
qu'elles ne doivent pas être remises en cause.
Elle comporte des exceptions en vue d'objectifs bien précis et c'est sur ce
point, monsieur le sénateur, que porte votre interrogation aujourd'hui.
Comme vous le rappelez très justement, les articles 5 et 6 de la loi du 21 mai
1836 créent une exception à la prohibition des loteries pour permettre
l'organisation de loteries et de lotos associatifs qui contribuent au
financement de nombreuses associations à but non lucratif.
Il en résulte que la régularité du financement des associations dépend de la
destination des fonds collectés. Ceux-ci ne peuvent être destinés qu'à des
actes de bienfaisance, à l'encouragement des arts ou au financement d'activités
sportives.
Pour permettre aux associations de continuer à bénéficier de ce type de
financement, il convient en priorité d'être attentif au respect des
dispositions précitées. Tout détournement de cette source de financement doit
impérativement être évité. Seules les associations à but réellement non
lucratif doivent pouvoir y prétendre.
Le décret n° 87-430 du 19 juin 1987 fixe les conditions dans lesquelles les
dérogations prévues aux articles 5 et 6 de la loi précitée sont accordées.
Il s'agit notamment de la condition impérative d'employer la totalité des
fonds recueillis à la stricte destination pour laquelle sont organisés la
loterie ou le loto associatifs. Une loterie ou un loto dont une partie
seulement des fonds irait au but assigné tomberait sous le coup de
l'interdiction générale des loteries.
Ces dérogations ne relèvent pas, pour ce qui est de leur application, d'une
autorité administrative centralisée, mais de l'autorité départementale en la
personne du préfet. Celui-ci peut apprécier la régularité de l'organisation des
lotos associatifs en tenant compte du contexte local et de l'affectation des
sommes recueillies. Cette appréciation au niveau départemental, cette
appréciation décentralisée, nous semble être le gage d'une certaine souplesse
qui ne peut que profiter aux associations, dans un souci de totale
transparence.
Pour compléter la lettre et l'esprit de ce dispositif et afin d'éviter tout
détournement de l'objet de ce type de loterie ou loto, la valeur autorisée des
lots a été volontairement plafonnée, par arrêté du ministre de l'intérieur et
du ministre chargé du budget, à 400 euros et les lots ne peuvent ni consister
en des sommes d'argent ni être remboursés.
Dans ce contexte, l'intervention du directeur départemental de la concurrence,
de la consommation et de la répression des fraudes de Haute-Savoie a eu pour
finalité d'attirer l'attention des associations sur le remploi des fonds dans
des achats ou des offres d'un montant manifestement disproportionné qui excède
très largement le plafond autorisé.
Il s'agit donc non pas de mettre brutalement un terme à ces réunions, mais de
ramener les enjeux à des proportions plus raisonnables.
Vous l'avez bien compris, monsieur le sénateur, le Gouvernement ne souhaite
pas modifier le dispositif actuel. Sa vocation première et essentielle est de
favoriser la réunion, dans un cercle restreint qui correspond à un cadre
d'animation, de convivialité et de solidarité purement locales, des personnes
ayant le plaisir de jouer ensemble pour apporter leur contribution volontaire à
des oeuvres telles que celles que j'ai mentionnées précédemment.
J'ajoute que vous me trouverez à vos côtés pour encourager le secteur
associatif et pour favoriser tout ce que vous entreprendrez, tout ce que nous
entreprendrons ensemble.
M. le président.
La parole est à M. Jean-Claude Carle.
M. Jean-Claude Carle.
Madame la ministre, je vous remercie des précisions que vous avez bien voulu
apporter et, surtout, de votre conclusion.
Je comprends que vous ne puissiez aujourd'hui donner une réponse complète et
définitive à un problème extrêmement complexe, j'en conviens. Une solution
rapide aurait néanmoins pu être trouvée en remontant le plafond par décret
conjoint du ministre de l'intérieur et du ministre chargé du budget.
Une telle démarche aurait eu le mérite de la rapidité, et peut-être
faudra-t-il y recourir, mais, c'est tout à fait vrai, elle n'aurait pas réglé
le problème de manière satisfaisante. Il me semble aujourd'hui préférable
d'agir sur le montant global des sommes mises en jeu, de façon, vous l'avez
dit, à éviter tout débordement, voire tout dévoiement.
Si vous n'apportez pas aujourd'hui de réponse juridique aux associations, je
me réjouis que vous les assuriez d'une plus grande sécurité morale. Je souhaite
donc que le message que vous venez de délivrer soit bien compris par
l'administration compétente et que celle-ci s'en tienne au respect de l'esprit
de la loi, réservant peut-être, si vous m'autorisez le terme, son «
pointillisme », voire sa maladresse, à des domaines qui l'exigent, et qu'elle
laisse les associations, qui sont le pilier du fonctionnement de notre
démocratie, de cette « France d'en bas », organiser en toute sérénité ces
manifestations.
Madame la ministre, je serai moi aussi très vigilant, et je ne manquerai pas,
si besoin était, de vous le rappeler, de le rappeler aux ministres
concernés.
RESSOURCES DES CENTRES TECHNIQUES COREM
M. le président.
La parole est à M. André Vantomme, auteur de la question n° 19, adressée à M.
le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
M. André Vantomme.
Madame la ministre, j'appelle votre attention sur les ressources des centres
techniques membres du Comité de coordination des centres de recherche en
mécanique, le COREM.
La loi organique n° 2001-692 relative aux lois de finances adoptée le 28 juin
2001 et réformant la procédure budgétaire, régie jusqu'alors par l'ordonnance
de 1959, vient mettre un terme programmé à l'existence des taxes parafiscales.
Ces taxes parafiscales représentent une part importante dans les ressources des
organismes qui en sont bénéficiaires.
Les centres de recherche collective ont pour activité principale la recherche
appliquée et la diffusion des techniques : assistance technique, documentation.
Ce sont des agents actifs de la politique de normalisation et d'amélioration de
la qualité des produits. Leur rôle dans les actions de formation et dans
l'ouverture internationale est important.
Ces centres techniques industriels représentent environ 1 700 emplois, en
grande partie d'ingénieurs et de techniciens supérieurs qui se consacrent à un
tissu de plus de 10 000 PME et PMI.
Je souhaiterais, madame la ministre, que vous puissiez me préciser les
dispositions envisagées pour maintenir ces centres en activité en leur assurant
les ressources nécessaires à leurs missions dans les délais envisagés, au plus
tard au terme prévu par la loi organique du 28 juin 2001.
M. le président.
La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Nicole Fontaine,
ministre déléguée à l'industrie.
Monsieur le sénateur, la loi organique
du 1er août 2001 relative aux lois de finances a supprimé les taxes
parafiscales instaurées par l'ordonnance organique du 2 janvier 1959 tout en
autorisant la perception des taxes existantes jusqu'au 31 décembre 2003.
De nombreux organismes sont concernés par cette échéance ; il existe, en
effet, encore environ une quarantaine de taxes parafiscales.
S'agissant des centres techniques du secteur de la mécanique, puisque votre
question porte sur ce point précis, je puis vous dire très sincèrement que le
Gouvernement est pleinement conscient de l'importance des actions collectives
dont ils ont la charge ainsi que des retombées positives pour une importante
partie du tissu économique.
Les centres techniques du groupement de la mécanique sont dans une situation
intermédiaire, puisqu'ils sont financés à concurrence de 65 % par taxe
parafiscale et de 35 % par une dotation budgétaire.
Si le financement par des contributions volontaires paraît aléatoire, il
faudra bien évidemment choisir entre l'instauration d'une taxe affectée et le
financement intégral sur dotations budgétaires.
Je puis vous dire, monsieur le sénateur, qu'à ce stade le Gouvernement
poursuit ses consultations et n'a pas encore arrêté sa position. Son objectif,
sous le contrôle du Parlement, est de garantir la pérennité des ressources de
ces centres et l'efficacité de leur action. Comme vous l'imaginez, j'ai porté
un intérêt particulier à vos propos.
M. le président.
La parole est à M. André Vantomme.
M. André Vantomme.
Je souhaite simplement remercier madame la ministre de l'attention qu'elle a
déjà manifestée et qu'elle réservera à cette question.
COÛT DE L'ENTRETIEN DES ROUTES COMMUNALES
M. le président.
La parole est à M. Bernard Piras, auteur de la question n° 31, adressée à M.
le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
M. Bernard Piras.
Madame la ministre déléguée à l'industrie, je souhaite attirer votre attention
sur les conséquences budgétaires pour les communes de l'entretien des routes
communales.
En effet, les travaux d'entretien de la voirie sont classés en grande partie
en dépenses de fonctionnement et, à ce titre, soumis à la taxe sur la valeur
ajoutée, sans récupération possible. Cette procédure augmente notablement leur
coût.
Certains de ces travaux, tels que, par exemple, le renouvellement des
revêtements de bitume, sont effectués tous les huit à dix ans, et sont pourtant
considérés comme des travaux de fonctionnement.
Cette incohérence est fortement préjudiciable pour les communes, notamment
celles de petite taille, qui possèdent par ailleurs un réseau communal de
voirie important à entretenir.
La récupération de la TVA soulagerait fortement les budgets communaux dont
l'équilibre est de plus en plus difficile à trouver.
J'aimerais donc savoir si vous envisagez de modifier rapidement la
réglementation applicable en la matière, les élus locaux étant très préoccupés
par ce dossier.
M. le président.
La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Nicole Fontaine,
ministre déléguée à l'industrie.
Monsieur le sénateur, votre
préoccupation est tout à fait compréhensible.
Je rappelle que, en matière de TVA, seule est déductible la taxe qui grève les
dépenses exposées par un assujetti pour les besoins de ses activités imposables
à cet impôt. Aucun droit à déduction ne peut donc être reconnu à une commune au
titre de la taxe afférente aux dépenses qu'elle supporte pour l'entretien de la
voirie publique, puisque ces dépenses ne concourent pas à la réalisation d'une
activité entrant dans le champ d'application de la TVA.
Les travaux de réfection de la voirie publique ne sont pas non plus éligibles
au fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée, le FCTVA, qui
concerne les seules dépenses d'investissement.
En effet, ces travaux, dans la mesure où ils ne modifient pas les tracés ou
les profils de la chaussée, ont pour seul objet de maintenir ou de rétablir la
qualité superficielle de la voirie et relèvent donc de la section de
fonctionnement.
Le Gouvernement n'envisage pas de modifier la réglementation en vigueur sur ce
point, qui aboutit à exclure du FCTVA, par principe, les dépenses concernant
cette dernière section, notamment en ce qui concerne les travaux de réfection
et de renforcement des revêtements de la voirie.
Cela étant, les concours de l'Etat aux collectivités locales doivent
permettre, en particulier aux plus petites d'entre elles, de faire face à leurs
dépenses de fonctionnement, notamment dans le domaine de l'entretien du domaine
communal qui représente habituellement, vous le savez, un poste de dépenses,
qui est très important.
L'effort financier global de l'Etat en faveur des collectivités locales a
ainsi progressé de 6,5 %, à périmètre constant, en 2002. Dans ce cadre, la
progression de la fraction forfaitaire de la dotation globale de fonctionnement
et de la dotation de solidarité rurale de l'Etat reste dynamique, avec
respectivement 2,4 % et 6,1 % en 2002.
M. le président.
La parole est à M. Bernard Piras.
M. Bernard Piras.
Madame la ministre, vous serez interpellée fréquemment, vous et vos collègues,
sur ce sujet.
Vous soulignez l'effort que l'Etat a consenti ces derniers temps, mais il
couvre l'augmentation du coût de la vie.
C'est à effort constant que vous avez raisonné, mais je souhaiterais que l'on
prenne réellement en compte ce qui relève de l'entretien, du fonctionnement et
de l'investissement car, à mon sens, refaire une voirie tous les huit ans ne
constitue pas de l'entretien et devrait être considéré comme des travaux
d'investissement.
Je vous demande donc d'étudier cette réglementation et d'essayer de convaincre
vos collègues de la modifier, parce que nous vous interpellerons fréquemment
sur ce point.
RECONDUCTION DU MÉCANISME DE TVA RÉDUITE
SUR LES TRAVAUX D'ENTRETIEN
ET D'AMÉLIORATION DES LOGEMENTS
M. le président.
La parole est à M. Dominique Mortemousque, auteur de la question n° 7,
adressée à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
M. Dominique Mortemousque.
Madame la ministre, je souhaite appeler votre attention sur une question à
laquelle j'attache une importance particulière, à savoir le taux de la TVA qui
s'applique aux travaux d'entretien et d'amélioration des logements de plus de
deux ans. Les baisses de la pression fiscale et des prélèvements obligatoires
sont des priorités que M. le Président de la République et le Gouvernement se
sont fixées comme objectifs pour les cinq prochaines années.
Dans le contexte économique et social actuel, il s'agit d'une décision
courageuse mais nécessaire, notamment en ce qui concerne la réduction du taux
de la TVA à 5,5 % pour les travaux d'entretien et d'amélioration des
logements.
Le département de la Dordogne à une vocation touristique dispose d'un parc
immobilier important et ancien dont la rénovation s'impose.
En septembre 1999, la France avait été autorisée par l'Union européenne à
appliquer un taux réduit de TVA pour les travaux de rénovation du bâtiment sur
une période expérimentale de trois ans, afin de stimuler la création d'emplois
et de lutter contre le travail clandestin. A ce jour, l'objet est atteint,
puisque les statistiques ont démontré que cette diminution de la TVA avait
permis une forte croissance de l'activité du bâtiment : création de 60 000
emplois, diminution du travail non déclaré, augmentation des rentrées fiscales
et sociales de 5 milliards d'euros.
Pour le département de la Dordogne, les activités d'entretien et
d'amélioration du logement représentent 71 % du chiffre d'affaires de
l'artisanat.
Dans le projet de loi de finances pour 2003, le Gouvernement a proposé -
j'appuie entièrement cette démarche - de proroger le taux réduit de 5,5%
applicable aux services d'aide à la personne et aux travaux portant sur les
logements. La Commission européenne envisageant de faire une proposition en ce
sens, je souhaiterais savoir, madame la ministre, si les négociations
communautaires en cours permettent de considérer comme acquise cette diminution
du taux de TVA réclamée unanimement par les professionnels de l'artisanat du
bâtiment, non seulement dans mon département, mais aussi dans de nombreux
départements français, si j'en juge par les nombreuses questions dont le
Gouvernement est régulièrement saisi sur ce sujet.
Je me permets d'insister sur ce volet, madame la ministre, car il s'agit, je
crois, d'une opération doublement intéressante. D'abord, elle est importante
pour les secteurs que je viens d'évoquer et, ensuite, elle permettrait de
rassurer tous ceux qui sont aujourd'hui perplexes face à la ligne engagée par
le Premier ministre, M. Raffarin, en matière de réduction de la fiscalité pour
relancer l'économie de notre pays.
Plusieurs sénateurs du RPR.
Très bien !
M. le président.
La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Nicole Fontaine,
ministre déléguée à l'industrie.
Monsieur le sénateur, comme vous l'avez
fort bien rappelé, la directive communautaire du 22 octobre 1999 autorise les
Etats membres à appliquer, à titre expérimental, pour une durée de trois ans,
un taux réduit de TVA à certains services à forte intensité de main-d'oeuvre.
Cette expérimentation devrait se prolonger jusqu'au 31 décembre prochain.
La France a décidé d'appliquer le taux réduit de la TVA, d'une part, aux
travaux de réparation, d'amélioration, de transformation, d'aménagement et
d'entretien portant sur les locaux à usage d'habitation achevés depuis plus de
deux ans et, d'autre part, aux services d'aide à la personne, y compris le
nettoyage de logements privés, fournis par des entreprises agréées.
La directive de 1999 prévoit que les Etats membres établiront, avant le 1er
octobre 2002, un rapport détaillé portant sur une évaluation globale de
l'efficacité de cette mesure, notamment en termes de créations d'emplois et
d'efficience.
Dans le cadre de la préparation de ce rapport, une large concertation,
notamment auprès des organisations professionnelles, a été réalisée. Les
premières études confirment, comme vous l'avez souligné, que la mesure a eu des
effets très bénéfiques sur l'emploi et la lutte contre l'économie souterraine.
Le bilan est donc largement positif - j'avais eu l'occasion de le constater en
rencontrant dans une « autre vie professionnelle »
(Sourires.)
,
c'est-à-dire au Parlement européen, les professionnels des secteurs concernés -
et je suis favorable à la reconduction de ce taux réduit de TVA.
La Commission a indiqué que la pérennisation de la mesure n'est toutefois pas
possible avant la fin de l'expérience en cours, compte tenu du délai nécessaire
pour examiner les résultats obtenus par les différents Etats membres.
En attendant, conformément à ce qu'elle a annoncé dans son rapport du 22
octobre 2001 sur les taux réduits de TVA, la Commission a présenté le 25
septembre 2002 une proposition de directive permettant une prorogation d'un an
de la directive telle qu'elle s'applique actuellement.
La question de la pérennisation de la mesure sera, quant à elle, discutée dans
le cadre des négociations qui interviendront en 2003 sur le champ d'application
du taux réduit, selon le calendrier retenu par la Commission. Je puis vous
affirmer qu'en tout état de cause le Gouvernement mettra tout en oeuvre pour
obtenir sa reconduction.
M. Jean-Claude Carle.
Très bien !
M. le président.
La parole est à M. Dominique Mortemousque.
M. Dominique Mortemousque.
Je vous remercie, madame la ministre, d'avoir pris en compte cette
requête.
Permettez-moi d'insister sur l'intérêt qu'il y a à communiquer, car beaucoup
de Français sont aujourd'hui perplexes sur un certain nombre d'orientations.
J'ai entendu, ici ou là, que, pour régler tel ou tel problème difficile, ce
n'était pas compliqué ; il suffisait d'augmenter d'un point la TVA pour faire
rentrer dans les caisses tant de milliards d'euros. Céder à cette facilité me
paraît dangereux pour notre économie. Il faut refuser une telle solution, d'où
l'importance, je tenais à le dire, de communiquer sur ces sujets.
GESTION PAR LES COLLECTIVITÉS DÉPARTEMENTALES
DU DISPOSITIF D'AIDE AUX PERSONNES ÂGÉES
M. le président.
La parole est à M. Jean-Pierre Vial, auteur de la question n° 18, adressée à
M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité.
M. Jean-Pierre Vial.
Monsieur le secrétaire d'Etat aux personnes âgées, je voudrais attirer votre
attention sur la situation particulièrement complexe que rencontrent les
collectivités départementales, qui ont à gérer les besoins spécifiques des
personnes âgées.
En effet, l'année 2002 est marquée pour les départements, par l'entrée en
vigueur de la loi du 20 juillet 2001 relative à la prise en charge de la perte
d'autonomie des personnes âgées et à l'allocation personnalisée d'autonomie,
l'APA.
Cette allocation se substitue, en élargissant le champ des bénéficiaires, à la
prestation spécifique dépendance, la PSD.
Son coût a été estimé à 2,530 milliards d'euros et sa gestion est assurée par
les départements.
La contribution de l'Etat, s'élève à 930 millions d'euros. La part laissée à
la charge des départements aurait dû être de 1,6 milliard d'euros dont 1,1
milliard d'euros correspondant à différentes réaffectations de dépenses
consacrées antérieurement à la PSD notamment.
Le surcoût net pour les départements aurait dû être de 500 millions d'euros.
L'étude des budgets primitifs 2002 montre que les dépenses d'aide sociale des
départements seraient en croissance de 10,5 % en moyenne par rapport à celle de
2001.
L'APA constitue une réelle reconnaissance par notre société de la dépendance
et de ses conséquences humaines pour les 800 000 personnes âgées concernées et
leurs familles, et l'on ne peut que se féliciter de la solidarité nationale qui
s'est instaurée à l'égard de nos aînés en difficulté.
Toutefois, dans la pratique, de nombreuses exigences se font jour pour les
collectivités qui ont à mettre en oeuvre le dispositif.
En tant que président du conseil général de la Savoie, je suis tout à faire
solidaire de la motion récemment adoptée à ce sujet par l'Assemblée des
départements de France.
En Savoie, le coût pour le département va, au minimum, quintupler par rapport
à la PSD. Ainsi, alors qu'en 2001 le nombre de bénéficiaires était de 800 pour
un coût de 5 millions d'euros, il sera de 5 900 en 2002 et de 6 000 en 2003
pour un coût, à cette date, de 27 millions d'euros.
Avec une contribution de l'Etat de seulement 3 millions d'euros en 2002 pour
un coût de 18,5 millions d'euros, le montant à la charge du département sera de
15 millions d'euros, cela sans tenir compte des dépenses supplémentaires
nécessitées par l'embauche des équipes médico-sociales chargées des traitements
et de l'évolution des besoins.
Monsieur le secrétaire d'Etat, les choses sont simples : l'augmentation de la
fiscalité du 9,9 % à laquelle nous avons procédé à l'occasion du vote de notre
budget primitif, est déjà intégralement absorbée à ce jour par la mise en
oeuvre de l'APA !
Pour une large part, se sont spécialisés dans ce domaine les associations et
services d'aide à domicile comme l'association d'aide à domicile en milieu
rural - l'ADMR -, les centres communaux d'action sociale - les CCAS - et les
centres intercommunaux d'action sociale - les CIAS. Ils interviendront sur le
terrain pour répondre aux besoins croissants des populations âgées et pour que
soient respectés les principes de solidarité et de qualité des soins qui ont
conduit à la mise en place de cette oeuvre généreuse.
La mise en oeuvre des plans d'aide se heurte malheureusement au problème de la
pénurie des aides à domicile. Malgré les efforts déployés dans ce secteur,
notamment pour sa professionnalisation prévue par le décret du 26 mars 2002,
des difficultés apparaissent pour maintenir en poste un personnel de qualité en
raison d'un salaire proposé au SMIC et considéré comme peu attractif, notamment
dans les régions touristiques. C'est pourquoi les professionnels des
associations concernées demandent que la convention collective unique, sur
laquelle un accord avec les partenaires sociaux est intervenu le 21 mars
dernier, soit agréée par le ministère.
Par ailleurs, il semble urgent de s'interroger sur la revalorisation du taux
horaire journalier de 13,61 euros qui est actuellement applicable, celui-ci
s'avérant inférieur au prix de revient.
En outre, bien que les demandes exprimées en matière de rémunération par les
acteurs de terrain ne soient pas sans fondement, les mesures sont coûteuses et
ont une incidence financière très lourde sur les budgets départementaux,
pouvant même conduire les conseils généraux à faire des choix drastiques pour
honorer leur obligation de mettre en oeuvre l'APA.
Dans ce contexte particulier, quels soutiens le Gouvernement compte-t-il
apporter aux départements, qui oeuvrent avec ténacité pour relever le défi
social créé par une politique ambitieuse et humaniste, à laquelle une grande
majorité de nos concitoyens aspirent et ont souscrit ?
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Hubert Falco,
secrétaire d'Etat aux personnes âgées.
Monsieur le sénateur, je vous
remercie de me poser cette question qui est d'actualité.
L'allocation personnalisée d'autonomie est une bonne mesure, mais elle a été
mise en place, selon moi, avec beaucoup de légèreté. En effet, comme vous
l'avez souligné, monsieur le sénateur, mon prédécesseur avait prévu que 800 000
dossiers seraient déposés d'ici à 2004, voire à 2005. Or, à la fin de l'année
2002, ce sont 800 000 dossiers qui l'ont été dans mon département. Cela a une
conséquence financière importante. Le précédent gouvernement avait budgété 2,5
milliards d'euros pour financer l'APA mais, pour l'année 2003, il va manquer
1,2 milliard d'euros. En réalité, l'APA coûtera 4 milliards d'euros en année
pleine.
Nous allons conserver cette mesure qui, je le répète, est bonne, ainsi que son
caractère universel, qui est son fondement. Nous nous rapprochons des
départements qui sont les principaux financeurs de cette mesure, puisqu'ils
prennent en charge les deux tiers des frais, le tiers restant étant versé par
l'Etat grâce au fonds de financement de l'allocation personnalisée d'autonomie,
le FAPA.
Nous nous concertons avec les départements - à midi, je rencontre d'ailleurs
une nouvelle fois les représentants de l'Assemblée des départements de France -
pour envisager les différentes hypothèses permettant la mise en place des
leviers de compensation financière indispensables pour financer l'APA dans le
respect des finances départementales. Nous allons très rapidement proposer des
solutions.
L'APA en établissement a provoqué - vous le savez - bon nombre de problèmes.
Le passage de la PSD à l'APA a un coût qui était fort injustement supporté par
les personnes âgées, alors que la loi prévoyait, la première année, une
compensation de l'Etat en faveur des départements qui, eux-mêmes, devaient
assurer une compensation aux établissements.
Dans le courant de l'été, nous avons trouvé les 36 millions d'euros
nécessaires pour la compensation aux départements la première année, et nous
leur avons fait savoir. Nous sommes très sensibles au poids de l'APA sur leurs
finances.
Monsieur le sénateur, loin des effets d'annonce de nos prédécesseurs sur ce
sujet, nous privilégions, nous, l'action dans la concertation : en parfait
partenariat avec les départements, nous allons donc très rapidement proposer
des solutions de financement.
J'en viens à la seconde partie de votre question.
L'APA entraîne une nécessaire revalorisation des métiers de l'aide à domicile,
puisqu'elle nécessite plus de médicalisation, plus de professionnalisation. Il
s'agit en effet d'un service supplémentaire rendu à la personne âgée à
domicile. Ce sont 100 000 personnes qui travaillent dans des conditions
difficiles à temps partiel. Il faut les former et revaloriser leurs salaires.
Nous prévoyons la création de 400 000 emplois supplémentaires pour accompagner
l'APA à domicile. L'accord de branche signé par la profession va dans ce sens.
J'ai d'ailleurs, dès le 27 septembre, cosigné avec M. Fillon, ministre des
affaires sociales, du travail et de la solidarité, un courrier destiné à faire
part de notre adhésion à cette démarche. Toutefois, vous le comprenez en tant
que président du conseil général, il était essentiel que, préalablement à
l'agrément, un dialogue soit engagé avec les financeurs que sont les présidents
de conseil général et les caisses de retraite.
Nous avons prévu une revalorisation de l'ordre de 25 %, étalée sur trois ans,
des salaires des acteurs de l'APA à domicile. Telle est, monsieur le sénateur,
la réponse que je suis en mesure de vous faire sur ce dossier important que
nous aurons à traiter ensemble dans le courant de l'année.
M. le président.
La parole est à M. Jean-Pierre Vial.
M. Jean-Pierre Vial.
Monsieur le secrétaire d'Etat, je vous remercie des précisions que vous nous
avez apportées sur ce dossier complexe qui comporte plusieurs facettes, ainsi
que des informations et des orientations relatives à l'aspect financier du
dispositif. C'est effectivement sur ce point que se manifeste la première
inquiétude des départements, car l'absence de compensations pèse fortement sur
leur budget.
J'ai bien compris, monsieur le secrétaire d'Etat, qu'il n'était pas envisagé
de remettre en cause l'APA, qui est considérée comme une bonne mesure. Il en
résulte deux conséquences. Tout d'abord, en ce qui concerne le recrutement du
personnel - vous l'avez indiqué, monsieur le secrétaire d'Etat - l'instauration
de cette disposition requiert un personnel plus qualifié. Le problème qui se
pose aujourd'hui en matière de rémunération sera donc récurrent. Nous attendons
avec impatience les mesures qui seront prises à cet égard.
Ensuite, nous avons bien noté que la mise en oeuvre de cette disposition
nécessitait l'accompagnement et l'accord de l'ensemble des partenaires, qui
sont également des contributeurs.
Je formulerai d'autant plus volontiers ma dernière observation que vous nous
avez précisé que vous allez rencontrer les représentants de l'ADF à midi.
Soyons clairs : l'APA est une bonne mesure. Vous avez dit qu'elle avait été
prévue avec légèreté. Deux « cliquets », si vous me permettez l'expression,
auraient dû accompagner l'application de cette loi : le plafond des ressources
et le recours sur succession.
En ce qui concerne le plafond des ressources, il semble aujourd'hui
inacceptable de mettre à la charge des collectivités la prise en compte
intégrale d'un service qui pourrait être supporté partiellement par le
bénéficiaire.
Quant au recours sur succession, un excellent article paru dans
Le
Monde,
voilà quelques semaines, a montré que ce qui était important,
c'était moins les effets du recours que l'autodiscipline que cela engendrait de
la part des bénéficiaires qui, pour certains, s'autocontrôlaient. C'est
peut-être la raison pour laquelle nous assistons aujourd'hui à une explosion du
nombre des demandes.
Dans mon département, j'ai engagé la visite de tous les territoires sociaux
pour examiner avec les élus, les représentants des centres communaux d'action
sociale, des centres intercommunaux d'action sociale et des organismes
mandataires, les solutions possibles à ce problème d'éclatement et de mise en
oeuvre des services. Dès la deuxième réunion, j'ai été très étonné de constater
qu'il existe déjà, sur le territoire, des sociétés privées qui offrent ce
service au coût réel. J'ai également constaté, avec stupéfaction, que ces
sociétés privées n'ont aucune difficulté à faire payer la surfacturation -
elles ont même des listes d'attente - pour pouvoir satisfaire leurs clients.
Cela signifie qu'aujourd'hui la surfacturation peut être prise en charge par
une partie des bénéficiaires de la prestation qui disposent de revenus
suffisants. Par conséquent, nous pourrions régler 60 à 70 % des problèmes des
organismes prestataires simplement en faisant prendre en compte la
surfacturation par le bénéficiaire.
Quid,
me direz-vous, des personnes
qui se trouvent dans une situation difficile ? La solution est simple : il faut
revenir à la prise en compte de la surfacturation par l'aide sociale. Dès lors,
il suffirait que l'aide sociale ouvre le droit au recours sur succession pour
que l'on puisse retrouver les deux dispositifs d'encadrement qui ont fait
défaut au moment de la mise en place de cette allocation personnalisée
d'autonomie.
Je tenais à vous livrer cette expérience, monsieur le secrétaire d'Etat, car
je suis convaincu que, sans toucher à l'APA, nous pouvons, s'agissant de la
surfacturation et de sa prise en compte, trouver les mesures d'accompagnement
nécessaires.
DIFFICULTÉS DE MISE EN OEUVRE
DE L'ALLOCATION PERSONNALISÉE D'AUTONOMIE
M. le président.
La parole est à M. Bernard Cazeau, auteur de la question n° 10, adressée à M.
le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité.
M. Bernard Cazeau.
Monsieur le ministre, je souhaite attirer votre attention sur les difficultés
de mise en oeuvre de l'allocation personnalisée d'autonomie pour les personnes
âgées dépendantes qui ont procédé à une donation-partage comptant une clause de
soins en contrepartie d'un avantage successoral majoré.
En effet, les contrats conclus au sein des familles ayant valeur de loi, l'APA
octroyée par le président du conseil général peut-elle, de fait, rendre
caduques ou modifier sensiblement les conditions de successions anticipées et
engagements pris par les donataires ? C'est en effet un point sur lequel la loi
ne nous a pas totalement éclairés.
Nous souhaiterions connaître les éléments de réponse à cette question.
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Hubert Falco,
secrétaire d'Etat aux personnes âgées.
Monsieur le sénateur,
permettez-moi de saisir l'opportunité de votre question pour confirmer en
premier lieu à cette assemblée une disposition fiscale importante du projet de
loi de finances pour 2003 concernant les donations-partages, dont vous aurez
prochainement à débattre.
La donation consentie par chacun des grands-parents à chacun de ses
petits-enfants ouvre droit actuellement à un abattement de 15 000 euros sur
chacune des parts pour le calcul des droits de mutation. Le bénéfice, vous le
savez, de cet abattement est renouvelable tous les dix ans. Ainsi,
quatre-vingt-seize donations entre grands-parents et petits-enfants ont été
consenties en 2000 pour un montant moyen de 18 000 euros.
Afin de renforcer la solidarité entre les générations - c'est un débat que
nous aurons -, il est urgent de prendre conscience de ce phénomène qu'est le
vieillissement, si l'on ne veut pas accroître dans notre pays le clivage entre
les jeunes et les vieux, et d'encourager les transmissions anticipées de
patrimoine en faveur des jeunes générations, dont les besoins sont
particulièrement importants, notamment lors de l'entrée dans la vie active. Il
vous sera donc proposé de doubler le montant de l'abattement à compter du 1er
janvier 2003 et de le porter à 30 000 euros.
En ce qui concerne plus précisément votre question, monsieur le sénateur, je
souligne qu'un département ne saurait valablement refuser l'APA ou une
prestation d'aide sociale au motif qu'il existe une clause de soins ou
d'entretien dans un acte de donation consenti par un demandeur.
Je précise également qu'une jurisprudence ancienne et constante de la
commission centrale d'aide sociale existe et que mes services se tiennent à
votre disposition pour vous le confirmer.
Seul le juge judiciaire peut décider des charges qui incombent aux
bénéficiaires d'une dotation au titre d'un acte notarié. Un conseil général
peut donc saisir le juge d'instance pour obtenir une interprétation de l'acte
et atténuer, le cas échéant, les charges qu'il définit.
M. le président.
La parole est à M. Bernard Cazeau.
M. Bernard Cazeau.
La réponse de M. le secrétaire d'Etat a l'avantage d'être claire. Elle recoupe
à peu près l'idée que je me faisais du recours au juge.
Par ailleurs, la disposition qui figure dans le prochain projet de loi de
finances devra être étudiée avec beaucoup d'intérêt par les uns et les
autres.
RENFORCEMENT DES MOYENS DU SERVICE
DE GÉRIATRIE DE L'HÔPITAL DE TULLE
M. le président.
La parole est à M. Georges Mouly, auteur de la question n° 8, adressée à M. le
ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées.
M. Georges Mouly.
Je souhaite dire, en préliminaire, que je partage tout à fait les
préoccupations exprimées par mes collègues MM. Vial et Cazeau. J'ai posé
moi-même ces questions, au moins partiellement, dans le cadre de questions
écrites, notamment en ce qui concerne le plafond des ressources. J'ai
d'ailleurs apprécié la proposition de notre collègue M. Vial à cet égard, ainsi
que les réponses précises et circonstanciées de M. le secrétaire d'Etat.
Ma question porte sur un point précis. Dans mon département, zone rurale à la
population âgée, des dispositifs gérontologiques maillent le territoire,
s'appuyant sur une démarche de proximité. Je suis moi-même président d'une
association intercantonale au service des personnes âgées pour favoriser le
maintien à domicile.
Avec les différentes mesures mises en oeuvre par le précédent gouvernement,
nous nous sommes efforcés, sur le secteur qui nous concerne - élus locaux et
responsables associatifs - de coordonner au mieux tous ces dispositifs.
L'association que je préside est d'ailleurs labellisée « CLIC » - centre local
d'information et de coordination. Dans mon département il y a deux
associations, dont celle que je préside.
L'APA, c'est bien connu, a généré une inflation de la demande relative au
maintien à domicile et il est très important aujourd'hui que soient confortées
les relations « ville-hôpital ». Nous nous y employons avec détermination et ce
travail partenarial mené par l'association « CLIC » est déjà bien concret.
Néanmoins, ce qui concerne le bassin de Tulle, chef-lieu de département, le
centre hospitalier, pièce maîtresse d'une politique harmonieuse pour le
maintien à domicile des personnes âgées, souffre d'un manque patent de moyens.
Son service de gériatrie s'est, depuis de longues années, engagé dans une
démarche, tant qualitative que quantitative, de coordination intrahospitalière
et extrahospitalière.
L'attribution de crédits supplémentaires pour doter ce service d'un médecin
gériatre et de temps de coordination permettrait de renforcer cette action.
Je me permets donc de vous demander, monsieur le ministre, d'une part, si
cette perspective est envisageable et, d'autre part, si vous entendez
poursuivre l'engagement du précédent gouvernement quant à la réalisation d'un
plan de gériatrie pluriannuel en complément de l'APA et du « plan Alzheimer
».
M. le président.
La parole est à M. le ministre délégué.
M. Christian Jacob,
ministre délégué à la famille.
Monsieur le président, mesdames, messieurs
les sénateurs, je voudrais tout d'abord vous présenter les excuses de M.
Jean-François Mattei, qui aurait souhaité vous répondre personnellement mais
qui est malheureusement retenu loin de votre hémicycle aujourd'hui.
Monsieur le sénateur, l'unité de soins de longue durée du centre hospitalier
de Tulle bénéficie d'une excellent ratio d'encadrement en personnel. Avec 0,58
agent par lit, c'est, me dit-on, le ratio plus élevé de la Corrèze et l'un des
meilleurs du Limousin.
Néanmoins, au titre de l'exercice 2000, un crédit de remplacement
supplémentaire de plus de 93 000 francs avait été accordé afin de renforcer
encore les moyens de cette unité. L'effort a été poursuivi en 2001-2002 à
hauteur de 28 000 euros. De plus, pour 2002, une subvention du Fonds
d'investissement et de modernisation des hôpitaux, le FIMHO, a été accordée,
pour un montant de 1 million d'euros.
Au total, depuis 2000, ce sont donc environ 1,1 million d'euros qui ont été
alloués à l'hôpital de Tulle, contribuant ainsi, à divers titres, à améliorer
la prise en charge des personnes âgées.
S'agissant plus particulièrement de la filière de prise en charge des
personnes âgées, les trois autorités compétentes que sont l'agence régionale de
l'hospitalisation, le conseil général et le préfet ont décidé d'accompagner le
projet de gériatrie en prenant un certain nombre de mesures. Il s'agit de la
création d'un poste d'assistant généraliste/médecine polyvalente gériatrique et
de la transformation d'un poste d'assistant et d'un poste à temps partiel en
poste de praticien hospitalier à temps plein.
Les dotations budgétaires de l'hôpital sont donc bonnes.
Néanmoins, compte tenu de la fermeture prochaine de la clinique Saint-Damien,
il est prévu l'installation d'un centre de médecine physique de quarante-cinq
lits supplémentaires, dont trente lits de rééducation fonctionnelle et quinze
lits de soins de suite. Le surcoût de financement, je m'empresse de l'ajouter,
monsieur le sénateur, sera assuré.
J'espère, monsieur le sénateur, que cette réponse vous satisfait, vous qui
vous vous préoccupez d'améliorer la prise en charge des personnes âgées.
M. le président.
La parole est à M. Georges Mouly.
M. Georges Mouly.
Monsieur le ministre, avec 1,1 million d'euros attribués à l'hôpital de Tulle,
avec les décisions de l'ARH, du conseil général et du préfet pour accompagner
le projet de gériatrie ainsi que les mesures prises pour tenir compte de la
fermeture de la clinique, nous ne pouvons qu'être satisfaits sur le fond. Soyez
donc remercié de cette réponse.
11
NOMINATION DE MEMBRES
DE COMMISSIONS
M. le président.
Je rappelle au Sénat que le groupe des Républicains et Indépendants a présenté
une candidature pour la commission des affaires sociales et une candidature
pour la commission des affaires économiques et du Plan.
Le délai prévu par l'article 8 du règlement est expiré.
La présidence n'a reçu aucune opposition.
En conséquence, je déclare ces candidatures ratifiées et je proclame :
- M. André Geoffroy membre de la commission des affaires sociales, en
remplacement de M. Serge Mathieu, démissionnaire ;
- M. Serge Mathieu membre de la commission des affaires économiques et du
Plan, en remplacement de M. André Ferrand.
Mes chers collègues, l'ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons
maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à seize heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à douze heures quinze, est reprise à seize heures cinq,
sous la présidence de M. Daniel Hoeffel.)
PRÉSIDENCE DE M. DANIEL HOEFFEL
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
12
MESSAGE DE SYMPATHIE
AU MAIRE DE PARIS
M. le président.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, je tiens à exprimer, au nom du
Sénat tout entier, notre émotion et notre indignation face à l'agression dont a
été victime, dans la nuit de samedi à dimanche, à l'hôtel de ville de Paris, M.
Bertrand Delanoë.
M. le président du Sénat a d'ores et déjà envoyé un message d'amicale
sympathie au maire de Paris.
En notre nom à tous, j'exprime à notre ancien collègue notre profonde émotion
et notre entière solidarité. Nous lui souhaitons un prompt rétablissement.
(Très bien ! et applaudissements sur les travées socialistes, celles du groupe
communiste républicain et citoyen, ainsi que sur celles du RDSE.)
La parole est à M. Claude Estier.
M. Claude Estier.
Monsieur le président, je tiens à vous remercier de vos propos qui soulignent
la gravité de l'agression qu'a subie notre ami Bertrand Delanoë dans la nuit de
samedi à dimanche, à l'hôtel de ville, alors que se déroulait une fête qui a
réuni des centaines de milliers de Parisiens. Cette agression met l'accent, une
fois de plus, sur les risques que courent les hommes politiques, à l'instar de
Bertrand Delanoë, lorsqu'ils refusent toute protection. Je ne suis pas sûr
d'ailleurs qu'une protection quelconque aurait empêché une telle agression.
Vous vous êtes exprimé, monsieur le président, au nom du Sénat tout entier,
bien que je constate plutôt l'absence de nos collègues sur les travées de la
majorité du Sénat. Mais peu importe, et je sais gré à M. le président du Sénat
de son message d'amitié.
(Applaudissements sur les travées socialistes, sur celles du groupe communiste
républicain et citoyen, du RDSE et de l'Union centriste.)
M. le président.
Monsieur Estier, nous partageons tous les préoccupations d'ordre général que
vous venez d'exprimer à propos de la protection des élus.
En cet instant, je tiens à vous assurer que, même si l'hémicycle est
inégalement rempli, les sentiments que M. le président du Sénat a exprimés sont
unanimement partagés par le Sénat de la République française.
(Applaudissements.)
M. Michel Charasse.
Et de président de l'Association des maires de France !
M. le président.
Mon cher collègue, il était de mon devoir, et je l'ai fait spontanément dès
dimanche matin, d'adresser ce même message de solidarité et mes voeux de prompt
rétablissement, au nom de tous les maires de France, à notre ancien collègue,
M. Bertrand Delanoë. C'était là certes mon devoir mais je l'ai fait aussi avec
toute la conviction dont, en des instants pareils, nous sommes capables.
(Applaudissements.)
La parole est à M. Jack Ralite.
M. Jack Ralite.
Je veux m'associer au message de sympathie que M. le président vient
d'adresser au groupe socialiste et dire à ce dernier combien nous-mêmes,
membres du groupe communiste républicain et citoyen, avons été émus lorsque
nous avons appris, dans la nuit, que le maire de Paris avait été victime d'un
coup de couteau qui visait - il faut dire les choses telles qu'elles sont - à
le tuer.
Je lui ai adressé un message par l'intermédiaire de sa secrétaire. Mais
au-delà de l'amitié et de la solidarité, si nécessaires dans de telles
circonstances, ne devrions-nous pas réfléchir à la signification de tels
événements ? Après les huits morts à Nanterre, la tentative de tirer sur le
Président de la République le 14 juillet dernier et, aujourd'hui, la tentative
d'assassinat du maire de la capitale, il me paraîtrait insuffisant de se
limiter à une réflexion sur une meilleure protection des élus, ou de se limiter
à une compassion et d'ajouter, dans le cas de Nanterre, « le tueur est un fou
», et pour M. Bertrand Delanoë « l'agresseur est un homophobe ».
Raisonner ainsi revient à clore le débat. Or il s'agit d'un immense problème
politique qui interpelle la nation tout entière et nous devons le traiter comme
tel. Notre assemblée, dont M. Bertrand Delanoë a été membre, n'est-elle pas
naturellement désignée pour mener une réflexion en commun sur cette question,
sous une forme qui reste à définir ?
Je pense au livre
Temps Machine
, de François Bon, où je lis : « La
maladie qui gagne, c'est celle de notre vengeance de mains noires parce qu'ils
ne savent plus quoi faire de nous. » Nous côtoyons des personnes qui ne vivent
plus comme nous, qui n'ont plus aucune perspective et qui, victimes de
défaillances dues par exemple à la folie, peuvent se livrer à des actes
extrêmement violents. Mais, comme l'écrivait Antonin Artaud, « un fou, c'est
aussi quelqu'un qui dit des vérités que la société ne veut pas entendre ».
Nous devrions analyser cette question en profondeur, auditionner des
psychiatres. Je dirais par exemple qu'il y a une confusion entre élus et
citoyens en désarroi, une déresponsabilisation...
Je traduis là quelque chose de très profond dans mon coeur et dans mon
corps.
Je pense aussi au film d'Ingmar Bergman, intitulé
L'OEuf du serpent
et
que cela soit dit sans aucune comparaison avec la période de 1930. Mais dans ce
film Berlin était en fête et « M. le Maudit » était en marche. Je dis bien
qu'il n'y a aucune comparaison, sauf celle que la fiction peut nous
suggérer.
Nous nous devons de travailler sur cette question. Nous nous montrerions des
élus de haut niveau de civilisation si, à l'occasion de ce drame qui frappe un
homme et notre capitale, nous allions plus loin que la si légitime solidarité -
et je partage vos propos, monsieur le président - avec Bertrand Delanoë.
(Applaudissements.)
M. le président.
Mes chers collègues, l'heure est à l'émotion et à la solidarité. Elle ne nous
dispensera pas d'engager une réflexion.
13
SOUHAITS DE BIENVENUE
À UNE DÉLÉGATION PARLEMENTAIRE
DU JAPON
M. le président.
Mes chers collègues, j'ai le plaisir de saluer la présence dans notre tribune
officielle d'une délégation de la Chambre des conseillers du Japon, conduite
par M. Soichiro Matsutani, qui séjourne en France à l'invitation du groupe
d'amitié France-Japon du Sénat, présidé par notre éminent collègue Jacques
Valade, président de la commission des affaires culturelles.
Cette visite, qui fait suite à celle du président Christian Poncelet au Japon
en janvier 2002 et à celle d'une délégation de la commission spéciale chargée
de vérifier et d'apurer les comptes, conduite par le président Jacques Oudin,
au mois de septembre, atteste des relations étroites qui unissent nos
assemblées.
Au nom du Sénat, je souhaite la bienvenue à la délégation et forme le voeu que
son séjour en France renforce encore les liens d'amitié entre nos deux pays.
(M. le ministre, Mmes et MM. les sénateurs se lèvent et applaudissent.)
14
RÉMUNÉRATION AU TITRE
DU PRÊT EN BIBLIOTHÈQUE
Discussion d'un projet de loi
M. le président.
L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi (n° 271, 2001-2002)
relatif à la rémunération au titre du prêt en bibliothèque et renforçant la
protection sociale des auteurs. [Rapport n° 1 (2002-2003).]
Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.
M. Jean-Jacques Aillagon,
ministre de la culture et de la communication.
Monsieur le président,
mesdames, messieurs les sénateurs, permettez-moi tout d'abord de m'associer au
message que votre assemblée adresse au maire de Paris.
J'ai eu en d'autres temps l'honneur de servir la ville de Paris, à laquelle je
suis toujours attaché, et je connais depuis longtemps Bertrand Delanoë. Je
forme à son égard des voeux amicaux de prompt rétablissement.
J'en viens au projet de loi que je vous présente aujourd'hui.
La mise en oeuvre d'un droit de prêt en bibliothèque a soulevé un large débat
dans l'opinion publique et parmi les professionnels du livre. Au bout de
longues concertations, nous avons pu réduire les antagonismes et bâtir un
compromis auquel se sont ralliés non seulement les auteurs, les
bibliothécaires, les éditeurs, les libraires mais également les représentants
des élus locaux.
Il s'agit d'une question de toute première importance pour les politiques
culturelles, au règlement de laquelle les précédents ministres de la culture
ont oeuvré avec un souci d'équilibre identique à celui qui m'anime aujourd'hui.
C'est pourquoi le Gouvernement a repris à son compte le texte tel qu'il a été
déposé sur le bureau du Sénat avant les élections législatives.
Les politiques conduites par l'Etat et les collectivités locales au cours des
vingt dernières années ont permis un important développement de la lecture
publique dans notre pays. En vingt ans, le nombre de bibliothèques a ainsi été
multiplié par quatre, le nombre d'inscrits et le nombre de prêts par trois. En
2000, le nombre de prêts atteignait plus de 157 millions pour les bibliothèques
publiques et près de 13 millions pour les bibliothèques universitaires. Ces
chiffres posent avec de plus en plus d'acuité la question de la rémunération
des auteurs pour ce mode de diffusion de leurs oeuvres.
Cette question a atteint son paroxysme au cours de l'année 2000 lorsque
certains auteurs ont menacé, en l'absence d'une telle rémunération, d'interdire
le prêt de leurs livres en vertu du droit dont ils disposent sur l'utilisation
de leurs oeuvres. Ce principe du droit exclusif de l'auteur est inscrit dans
notre législation depuis 1957. Il a été renforcé par la directive communautaire
du 19 novembre 1992 relative au droit de location et de prêt.
Afin de sortir de cette situation de blocage, le Gouvernement a souhaité
mettre à profit la possibilité ouverte par la directive de 1992 de déroger au
droit exclusif de l'auteur en lui garantissant, en contrepartie, une
rémunération pour le prêt de ses livres en bibliothèques.
Ce faisant, le Gouvernement s'est fixé trois objectifs principaux : mettre en
oeuvre le droit des auteurs à une légitime rémunération au titre du prêt ;
consolider l'action des bibliothèques pour favoriser l'accès du plus grand
nombre au livre et à la lecture ; associer le droit de prêt aux équilibres de
la chaîne économique du livre et tout particulièrement à l'amélioration de la
situation des librairies.
Le Gouvernement a écarté l'idée d'un paiement à l'acte d'emprunt dont la
charge aurait pesé directement sur l'usager, risquant ainsi de remettre en
cause le formidable succès de nos bibliothèques et l'esprit de service public
qui les anime. En cela, le Gouvernement a été attentif aux craintes exprimées
par de nombreux maires et conseils généraux.
Pour autant, il a eu le souci de ne pas faire porter aux seules collectivités
territoriales la charge de la rémunération au titre du prêt en bibliothèque. En
effet, s'il s'agit en quelque sorte d'une compensation due aux auteurs pour
l'exploitation de leurs oeuvres dans des bibliothèques, qui relèvent en grande
partie de ces collectivités, il en va également d'un renforcement général de la
politique nationale en faveur du livre et de la lecture. C'est pourquoi l'Etat
a choisi d'être aux côtés des collectivités en assumant la moitié du coût
global de ces mesures.
Le projet de loi reflète ces objectifs. Il s'articule en cinq points.
Premier point, il assure une sécurité juridique aux auteurs, à travers une
rémunération, et aux bibliothèques, en garantissant leur droit de prêter, droit
qui avait été compromis par la menace de certains auteurs d'interdire le prêt
de leurs oeuvres.
Deuxième point, ayant exclu le prêt payant à l'acte par l'usager, le projet de
loi instaure un « prêt payé » d'avance, en amont de l'emprunt, assumé
conjointement par l'Etat et les collectivités locales.
Troisième point, deux sources de financement seront mobilisées à cette fin :
d'abord, 6 % du prix public hors taxe des ouvrages vendus aux établissements de
prêt seront versés par les fournisseurs à l'organisme chargé de la gestion
collective de ce droit de prêt ; ensuite, un droit de prêt forfaitaire sera
payé annuellement par l'Etat, à raison de 1,5 euro par inscrit en bibliothèque
de lecture publique et de 1 euro par inscrit dans les bibliothèques de
l'enseignement supérieur. Le système serait mis en oeuvre en deux paliers - en
2003 et en 2004 - afin de rendre progressif l'effort de l'Etat et des
collectivités.
Quatrième point, afin de renforcer la librairie, élément structurant de
l'animation et du développement culturel local, le projet de loi élargit le
champ de la loi du 10 août 1981 relative au prix du livre.
Cinquième point, les ressources dégagées, évaluées à 22 millions d'euros, soit
146 millions de francs, feront l'objet d'une double affectation : en premier
lieu, un versement aux ayants droit ; en second lieu, le financement d'un
régime de retraite complémentaire pour les écrivains professionnels.
Permettez-moi de m'arrêter sur chacun de ces deux derniers points, et d'abord
sur l'élargissement de la loi du 10 août 1981 relative au prix du livre.
A un moment où la lecture publique accusait un grand retard, la loi de 1981 a
incontestablement apporté un soutien non négligeable aux collectivités locales
en leur permettant de bénéficier de rabais dérogatoires pour développer les
achats de leurs bibliothèques.
Aujourd'hui, alors que l'objectif de mise à niveau de nos bibliothèques est
atteint sur la majeure partie du territoire, l'arrivée de plus en plus massive
de grossistes sur ce marché pénalise gravement les librairies de proximité, en
les obligeant à consentir des rabais qui mettent en péril leur situation
financière ou en les contraignant à abandonner ces marchés et à perdre ainsi
une part essentielle de leur chiffre d'affaires. Rappelons que les rabais
octroyés par les librairies pour les achats de livres par les bibliothèques
sont passés, en moins de dix ans, de 15 à 20 %, alors que les rabais moyens
octroyés par les grossistes sont aujourd'hui d'environ 27 %.
Afin de freiner cette surenchère, le présent texte vise à rapprocher les
achats des collectivités du régime commun de la loi du 10 août 1981 en
plafonnant les rabais à 12 % la première année, puis à 9 % à partir de la
deuxième année.
Je sais que certains d'entre vous ont exprimé des craintes quant à l'avantage
que les grossistes pourraient retirer de ce dispositif. Je suis, pour ma part,
persuadé que les libraires en seront les principaux bénéficiaires.
En effet, tout comme la loi Lang n'a pas fait disparaître le livre des rayons
des grandes surfaces, le plafonnement des rabais n'a pas pour objectif
d'interdire aux grossistes l'accès aux marchés des bibliothèques.
Le plafonnement doit toutefois donner aux libraires la possibilité de faire
valoir leurs atouts : le service, la proximité, le conseil, la connaissance des
fonds ainsi que l'engagement en faveur des animations culturelles.
La concurrence entre fournisseurs est maintenue, mais elle s'exerce sur des
critères de « mieux-disant » et non plus uniquement de « moins-disant ».
Le plafonnement des rabais va permettre de rénover le dialogue entre les
bibliothèques et leurs fournisseurs autour de l'essentiel, la qualité de
l'offre et de celle du service rendu au public. Je fais le pari que les
libraires sauront, dans ce dialogue, tenir toute leur place et que les
bibliothécaires et les élus reconnaîtront la plus-value qu'ils sont en mesure
d'apporter à la lecture publique.
Bien entendu, le plafonnement des rabais représentera pour les collectivités
un coût supplémentaire dont je ne néglige pas l'impact. N'oublions pas
cependant que cette charge supplémentaire sera partagée avec l'Etat, qui
assumera la moitié du financement du dispositif, ce qui amplifiera son soutien
à la lecture publique dans notre pays.
Enfin, cette solidarité entre collectivités publiques concernera en priorité
les communes les plus importantes qui bénéficient aujourd'hui des crédits
d'acquisition et des taux de rabais les plus élevés.
Pour les bibliothèques des communes de moins de 20 000 habitants, qui
représentent 86 % des communes disposant d'une bibliothèque, l'effort maximal,
à volume d'acquisition constant, sera, en moyenne sur les deux premières
années, de 600 euros uniquement, soit 5 % de leur budget d'acquisition.
J'en viens maintenant au cinquième point évoqué plus haut : la double
affectation des recettes.
La principale affectation sera le versement de droits d'auteur en fonction des
exemplaires achetés pour les bibliothèques - et non du nombre de prêts pour
chaque titre - afin d'encourager la diversité des fonds et donc la diversité de
la production éditoriale.
Dans le projet du Gouvernement, ces droits d'auteur sont répartis à parts
égales entre les auteurs et leurs éditeurs. Cette répartition correspond aux
règles de la profession ; elle est garante de l'efficacité du dispositif. Par
ailleurs, si l'auteur est au centre de nos préoccupations, comme il est aussi,
je le sais, au centre des vôtres, ce n'est pas par opposition à son éditeur
mais, tout au contraire, c'est à ses côtés : sans auteur, l'oeuvre n'existe pas
; sans éditeur, le livre n'existe pas.
Les discussions avec votre commission des affaires culturelles m'ont montré
combien le Sénat est soucieux de voir l'auteur tenir la place centrale dans ce
projet de loi.
Ce souci est également le mien. Toutefois, je suis persuadé que le fait de
soumettre la répartition de leurs droits à une négociation avec leurs éditeurs
n'est pas forcément un service à rendre aux auteurs, tout simplement parce que
le rapport de forces ne joue pas systématiquement en leur faveur.
C'est pour cette raison que le Gouvernement a tenu, à la demande des auteurs
eux-mêmes, à fixer dans son projet de loi une clé de répartition qui
corresponde par ailleurs aux usages de la profession, soit 50/50.
Le seconde affectation de la rémunération au titre du droit de prêt sera le
financement d'un régime de retraite complémentaire au bénéfice des écrivains
et, j'y insiste, des traducteurs, qui sont les seuls parmi les créateurs à ne
pas en bénéficier à ce jour.
Serait ainsi créé un système de mutualisation et de solidarité grâce aux
ressources dégagées par le droit de prêt. Cet effort spécifique en faveur des 2
300 écrivains et traducteurs qui vivent principalement de leur plume est très
largement soutenu, y compris par les auteurs qui ont déjà, au titre d'une autre
activité, une retraite complémentaire. Ceux-ci consentent, par esprit de
solidarité, à voir la nouvelle rémunération qui leur est destinée au titre du
droit de prêt légèrement réduite en faveur du financement du régime de retraite
complémentaire au bénéfice de ceux qui vivent essentiellement de leur activité
d'auteur et qui ne disposeraient pas encore d'une retraite complémentaire.
En permettant aux 2 300 auteurs qui ne vivent que de leur plume d'être mieux
protégés, ce dispositif répond à un objectif de politique culturelle et
sociale. Il faut en effet avoir à l'esprit que près de la moitié de ces
écrivains et de ces traducteurs ont un revenu inférieur au SMIC. Les trois
quarts d'entre eux pourraient, à terme, percevoir une retraite de tout au plus
900 euros par mois, soit à peine 6 000 francs. Dans ces conditions, la
possibilité de bénéficier d'un complément de revenu significatif grâce à la
retraite complémentaire contribuerait réellement à améliorer leurs conditions
de vie.
Par ailleurs, les ressources dégagées grâce au droit de prêt devraient en
principe permettre de prendre en compte les écrivains et les traducteurs qui
sont déjà à la retraite en les faisant bénéficier d'une validation gratuite
d'un certain nombre d'années de cotisation.
Face aux incertitudes que font peser l'internationalisation et
l'homogénéisation des productions culturelles, face à l'influence de plus en
plus exclusive de l'image de divertissement, la défense et la promotion de la
création constituent notre combat quotidien. Nous parlons en effet beaucoup, et
à juste titre, de diversité culturelle ; nous avons aujourd'hui l'occasion
d'apporter une pierre supplémentaire à son édification et de donner un sens à
la mission de régulation qui incombe à la puissance publique. C'est, du reste,
animé de la même volonté que je reviendrai devant vous dans quelques mois, sans
doute au début de l'année prochaine, pour présenter un projet de loi
transposant la directive communautaire du 22 mai 2001 sur le droit d'auteur
dans la société de l'information.
La consolidation du droit des auteurs, l'amélioration de leurs conditions
d'existence et, par conséquent, de leur capacité de créer des oeuvres
nouvelles, le rétablissement d'équilibres au profit de l'indispensable réseau
de librairies grâce auquel la diversité de la diffusion répond à la diversité
de la création : voilà autant d'avancées concrètes en faveur de la diversité
culturelle, voilà les objectifs que nous nous proposons d'atteindre au moyen du
projet de loi qui est aujourd'hui soumis à votre examen.
(Applaudissements
sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union
centriste, ainsi que sur certaines travées du groupe communiste républicain et
citoyen.)
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Daniel Eckenspieller,
rapporteur de la commission des affaires culturelles.
Monsieur le
président, monsieur le ministre, mes chers collègues, quelques semaines après
les dernières élections municipales, je suis allé à la rencontre des élus d'un
groupement de petites communes nichées au fond d'une vallée vosgienne.
Après qu'ils eurent évoqué des problèmes de voirie, de réseaux et de gestion
forestière, l'un d'entre eux a dit, traduisant de toute évidence l'opinion
générale : « Mais le plus urgent et le plus important, c'est de créer une
bibliothèque. »
Ce témoignage, même s'il est marquant, n'est pas pour autant exceptionnel. Il
souligne bien la foi avec laquelle oeuvrent toutes celles et tous ceux qui
pensent que l'accès au livre constitue un outil essentiel au service de la
formation, de la culture, de l'esprit critique, de la citoyenneté.
Comment, dès lors, ne pas se réjouir du développement considérable du marché
du livre et de la fréquentation des bibliothèques de prêt, et ce malgré la part
de plus en plus prégnante des nouveaux modes de communication ?
Près de treize millions de nos concitoyens étaient inscrits, en 1998, dans une
bibliothèque de prêt. Parmi ceux-ci, les jeunes âgés de quinze à dix-neuf ans
étaient quatre fois plus nombreux que les personnes âgées de plus de
cinquante-cinq ans.
Les acquisitions faites par les bibliothèques sont passées, entre 1980 et
1998, de trois millions à huit millions de volumes par an, sans compter les
bibliothèques de l'enseignement supérieur, pour lesquelles les achats ont été
multipliés par six pendant la même période, pour atteindre un chiffre annuel
d'environ 800 000 volumes.
La multiplication des prêts n'a pas été sans soulever, d'une manière
récurrente, le problème de la rémunération des auteurs, au titre de leurs
droits de propriété intellectuelle, notamment depuis que l'article 2 de la
directive communautaire du 19 novembre 1992 dispose que le droit d'autoriser ou
d'interdire le prêt constitue un droit exclusif de l'auteur.
Sur ce point, la directive ne dit rien d'autre que le droit français. En
effet, à travers le droit de destination, l'interprétation jurisprudentielle
des dispositions du code de la propriété intellectuelle, en particulier de son
article L. 113-3, reconnaît à l'auteur un droit de regard sur l'usage qui est
fait des exemplaires de son oeuvre.
En fait, ce droit n'est pas exercé et ne donne lieu, à ce jour, à aucune
rémunération, alors que nombre de pays européens appliquent, sous des formes
certes variables, le droit de prêt. Comment, dès lors, concilier la volonté de
favoriser la lecture publique et la nécessité de donner une réalité au droit de
prêt ?
Ce débat, engagé dans un climat passionnel voilà quatre ans, a fini par
aboutir à un consensus, ce qui est d'autant plus méritoire que l'on a cherché à
régler par le même texte, outre le problème premier, qui est celui de la
rémunération des auteurs et la question connexe de la répartition du produit de
cette rémunération entre auteurs et éditeurs, celui du renforcement de la
protection sociale des auteurs et celui de l'accroissement du réseau des
librairies, qui jouent, sur tout le territoire national, un rôle essentiel dans
la diffusion du livre.
Comme tout compromis, celui que traduit le projet de loi soumis à notre
réflexion présente un certain nombre d'imperfections et ne manque pas de
complexité ; il est à craindre que les résultats concrets que peuvent en
attendre les auteurs restent plus modestes que les uns et les autres ne
l'eussent souhaité.
Le projet de loi apporte, cependant, une réponse qui ne manque pas
d'ingéniosité à certains problèmes récurrents, souvent douloureux, tels que
celui de la précarité de la situation matérielle d'un grand nombre
d'auteurs.
Il donne, par ailleurs, une réalité concrète à un droit dont disposent les
auteurs, tout en visant à rééquilibrer le marché du livre au travers de mesures
destinées à soutenir les librairies des bourgs et des quartiers.
La commission des affaires culturelles n'a, par conséquent, pas souhaité
mettre en cause l'économie générale du projet de loi.
Elle a jugé utile, toutefois, dans un souci de précision, de reprendre un
certain nombre de formulations, afin que la loi puisse s'appliquer d'une
manière aussi simple et aussi claire que possible.
C'est dans cette perspective que j'aurai l'occasion, lors de la discussion des
articles, de présenter un certain nombre d'amendements répondant à ce souci de
clarification.
Sur un autre point, qui lui paraît important tant sur le plan du droit que sur
celui des principes, la commission proposera au Sénat de modifier le texte du
projet de loi.
Celui-ci prévoit en effet que « le prêt ouvre droit à rémunération au profit
de l'auteur et de l'éditeur ayant droit de l'auteur », disposition à laquelle
fait écho la précision selon laquelle la part de la rémunération restant après
prélèvement au titre des cotisations de retraite complémentaire est répartie à
parts égales entre les auteurs et les éditeurs ayants droit des auteurs.
Ce partage entre auteurs et éditeurs de la rémunération est un des fondements
du consensus sur lequel est bâti le texte. Il traduit le compromis auquel sont
parvenus, après de longues discussions, auteurs et éditeurs, compromis auquel
les uns et les autres - ils nous l'ont confirmé avec force - sont très
attachés.
Nous ne souhaitons en aucun cas, je l'affirme ici très solennellement, le
remettre en cause. Au contraire, nous nous félicitons de ce que le débat sur le
droit de prêt ait été l'occasion, pour les auteurs et les éditeurs, de prendre
conscience de l'existence d'intérêts communs. A cet égard, la création d'une
société de gestion au sein de laquelle auteurs et éditeurs sont représentés
d'une manière paritaire constitue une avancée très positive.
L'oeuvre n'existerait pas si elle n'avait été conçue et rédigée par l'auteur,
mais elle ne serait pas lue si un éditeur n'avait pris le risque économique de
la faire imprimer et diffuser. Le livre, vendu ou prêté, est le fruit de ces
efforts partagés. Nul ne peut le contester.
Pour ces raisons, et aussi compte tenu des risques financiers qu'il lui
incombe d'assumer, la vocation de l'éditeur à bénéficier d'une partie de la
rémunération perçue au titre du droit de prêt nous apparaît incontestable.
Mais ce n'est pas parce qu'il y a eu consensus qu'il faut se départir du souci
de rigueur devant présider à l'élaboration de la loi.
Or, en reconnaissant à égalité à l'auteur et à l'éditeur un droit à
rémunération, le projet de loi comporte une ambiguïté fâcheuse, qui pourrait
laisser à penser qu'est reconnu à l'éditeur un droit voisin, ce qui ne
correspond aux intentions ni des rédacteurs du texte ni des éditeurs.
Afin d'écarter cette ambiguïté, il convient de rappeler que l'auteur, et lui
seul, détient un droit à rémunération, ce qui est parfaitement logique dans la
mesure où c'est l'auteur et lui seul qui détient le droit de prêt.
En conséquence, le partage de la rémunération entre auteurs et éditeurs ne
peut s'effectuer que dans le cadre de conventions passées entre les auteurs et
les éditeurs.
Le mécanisme que propose la commission aboutit au même résultat que celui qui
est prévu par le projet de loi, dans la mesure où, en pratique, une clause sera
introduite dans le contrat type de l'édition et où, vraisemblablement, cette
clause retiendra la répartition à parts égales présentée par le texte qui nous
est soumis.
S'agissant à présent des ressources qui permettront de donner une réalité
concrète à la rémunération des auteurs, le débat a inévitablement porté, dans
un premier temps, sur la question de définir si c'est à l'usager ou au
contribuable d'en supporter la charge : c'est un débat que l'on retrouve à
propos de nombreux sujets.
S'il en est un, cependant, où la notion de service public prend toute sa
dimension, c'est bien celui de l'accès au livre.
Dès lors que la légitimité de la rémunération est reconnue, et dès lors qu'est
abandonnée l'idée de rendre payant le prêt des livres en bibliothèques, il ne
reste plus que la solution du recours au financement public.
L'Etat y contribue, pour une première part, au travers d'une dotation assise
sur le nombre des abonnés inscrits dans les différentes bibliothèques publiques
ou privées, dotation qui avoisinera, une fois l'année de transition passée,
12,6 millions d'euros.
La seconde part de la rémunération est versée par les fournisseurs de ces
bibliothèques. Elle est assise sur un prélèvement de 6 % sur le prix public des
livres destinés au prêt, la consultation sur place n'entrant pas, je le
précise, dans le champ d'application de la loi.
Ce prélèvement, dont le produit devrait avoisiner 9,8 millions d'euros, est,
en apparence, à la charge des fournisseurs, alors qu'en fait il se substitue
pour eux, en très grande partie, à une part de la remise précédemment consentie
aux bibliothèques pour les acquisitions.
En effet, le projet de loi prévoit de plafonner, à hauteur de 9 % du prix de
vente au public, les remises que les fournisseurs peuvent accorder sur les
ventes faites à certaines collectivités et aux bibliothèques accueillant du
public. Cette mesure est destinée à permettre aux libraires indépendants de
retrouver une place dans un marché de plus en plus largement accaparé par des
grossistes qui consentent actuellement des remises se situant entre 25 % et 28
%.
Tous les fournisseurs devraient ainsi percevoir pour leurs ventes aux
bibliothèques 85 % du prix public, compte tenu de la remise de 9 % et du
versement de 6 % au titre du droit de prêt.
Cette disposition du projet de loi ne peut, dans son principe, que rencontrer
une très large adhésion, tant il est vrai que les libraires, disséminés à
travers le territoire national, restent le vecteur essentiel de l'accès à la
lecture. La pérennité de leur activité constitue un enjeu d'importance. Il ne
faut pas se cacher, cependant, que, dans un contexte de prix unique, où les
marchés publics conduiront à retenir le mieux-disant plutôt que le
moins-disant, les libraires indépendants ne sont peut-être pas les mieux armés
pour concurrencer les grossistes, qui pourront tirer parti de l'accroissement
de leur marge pour améliorer la qualité de leur offre. Il faut néanmoins
espérer que la mesure prévue par le projet de loi se révélera effectivement
positive pour le réseau des libraires indépendants.
Par ailleurs, le plafonnement des remises se traduira, pour les acquéreurs,
par un renchérissement des livres. On estime ce surcoût à 22,5 millions
d'euros, dont près de 17 millions d'euros pour les seules collectivités
territoriales.
Ces dernières se trouveront dès lors confrontées au dilemme suivant : soit
abonder les crédits destinés aux bibliothèques, soit réduire le volume des
acquisitions afin de respecter les budgets initialement envisagés.
Si l'on tient compte de la dotation de l'Etat, assise sur le nombre d'abonnés
en bibliothèque, et du surcoût que ce dernier aura à supporter pour ses propres
acquisitions, la charge financière des dispositions prévues par le projet de
loi se répartit à parts à peu près équivalentes entre l'Etat et les
collectivités territoriales.
Il y a là, certes, de quoi nourrir un débat. Compte tenu de l'enjeu que
représente l'accès du plus grand nombre au livre, il nous semble cependant que
ce partage de charges nouvelles n'est pas inacceptable.
S'agissant à présent de l'affectation des sommes collectées au titre du droit
de prêt, une partie d'entre elles servira à alimenter un régime de retraite
complémentaire pour les écrivains et traducteurs affiliés jusqu'à ce jour au
seul régime général et qui connaissent, pour nombre d'entre eux, des conditions
d'existence très précaires. Il est à noter que les auteurs n'exerçant pas
l'activité d'écriture à titre principal, ainsi que certaines catégories
d'auteurs - illustrateurs ou photographes - qui sont déjà affiliés à un régime
de retraite complémentaire, contribueront à ce régime sans en bénéficier.
Néanmoins, des mécanismes de solidarité analogues existent dans bien d'autres
domaines. Il n'y a donc pas lieu, nous semble-t-il, de considérer comme
rédhibitoires les dispositions envisagées.
Les montants collectés au titre du droit de prêt, minorés du prélèvement
affecté au régime de retraite complémentaire, sont répartis entre les auteurs
et les éditeurs des ouvrages achetés par les bibliothèques, sans qu'il soit
tenu compte ni du prix du livre ni du nombre de fois qu'il aura été prêté.
Ce critère de répartition simplifiera grandement la procédure de déclaration,
dont la responsabilité incombera aux bibliothécaires ; cette forme de
mutualisation permettra de rémunérer, dans les mêmes conditions, l'auteur d'un
ouvrage destiné à un public restreint, mais dont la présence en bibliothèque
revêt un intérêt évident, et l'auteur d'une oeuvre déjà largement vendue en
librairie. Le soutien à la création littéraire et à la lecture publique semble
justifier cet écart par rapport à la rémunération proportionnelle appliquée
usuellement en matière de droit d'auteur.
La discussion des articles nous permettra de revenir sur un certain nombre de
dispositions prévues par le projet de loi qui nous paraissent devoir être
clarifiées. Il ne me semble donc pas utile de les évoquer en cet instant.
Le texte qui nous est soumis pèche sans doute par une certaine complexité,
notamment parce qu'il a pour objet de régler simultanément plusieurs problèmes
restés en suspens jusque-là.
Il nous semble cependant présenter deux mérites importants : il fait l'objet
d'un consensus entre les différents acteurs du secteur du livre que sont les
auteurs, les éditeurs, les libraires et les bibliothécaires ; par ailleurs, il
constitue une avancée positive en tendant à remédier à une singularité
française qui consistait à reconnaître aux auteurs un droit qui, en fait,
restait lettre morte.
La commission des affaires culturelles vous proposera par conséquent, mes
chers collègues, de le voter, sous réserve de l'adoption d'un certain nombre
d'amendements destinés à en rendre l'application plus claire et plus simple.
(Applaudissements sur les travées du RPR, de l'Union centriste et des
Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à Mme Danièle Pourtaud.
Mme Danièle Pourtaud.
« Pour pouvoir créer, encore faut-il préalablement dîner », disait
Beaumarchais.
Il s'agit, aujourd'hui, de la transposition, avec beaucoup de retard, d'une
directive qui remonte déjà à dix ans, très attendue par les auteurs et dans le
milieu de l'édition. C'est tout de même un comble pour la France, pionnière en
matière de droit d'auteur ! Rappelons qu'en 1777, sous l'impulsion de
Beaumarchais, les auteurs s'organisèrent pour défendre leurs droits et qu'en
1791 a été élaborée la première loi sur le droit d'auteur. Une cinquantaine
d'années après, Lamartine proposait une réglementation internationale, calquée
sur la loi française.
Après les dernières avancées françaises, sous les ministères de M. Jack Lang
et de Mme Catherine Tasca, il était indispensable de compléter notre
dispositif, pour octroyer aux auteurs et à leurs ayants droit un droit à
rémunération au titre du prêt en bibliothèque.
A la suite du rapport Borzeix, remis en juillet 1998 à Mme Catherine
Trautmann, le présent projet de loi résulte du travail de concertation mené par
le précédent gouvernement, pour appréhender l'ensemble des problèmes liés aux
circuits d'approvisionnement des bibliothèques et à la situation sociale des
auteurs.
Je me félicite de ce que cette concertation ait permis d'aboutir à un texte
qui satisfait l'ensemble des parties concernées : auteurs, éditeurs,
bibliothécaires, grossistes et libraires.
La lecture publique a connu, depuis une vingtaine d'années, un essor
formidable. Dans son rapport, M. Jean-Marie Borzeix indiquait que le nombre de
bibliothèques municipales était passé de 980 en 1980 à 2 486 en 1996 grâce à
l'effort d'équipement des collectivités locales. Dans le même temps, le nombre
d'imprimés disponibles en bibliothèque était passé de 45,2 millions à 89,7
millions. Vous avez rappelé ces chiffres tout à l'heure, monsieur le
rapporteur.
Cet essor traduit un élargissement du public des bibliothèques à des personnes
qui n'avaient auparavant jamais fréquenté ces lieux de culture et qui se sont
ainsi familiarisées avec la lecture. C'est, me semble-t-il, un pas important
pour la démocratisation de la culture, dont nous ne pouvons que nous
féliciter.
Mais, évidemment, la conséquence de cet engouement, c'est, sinon la chute
brutale, du moins la stagnation des ventes de livres : 321 millions d'ouvrages
ont été vendus en 1996, contre 329 millions en 1986.
Nous le savons tous, le travail d'un auteur mérite une rémunération, et c'est
un droit incontestable. Il en bénéficie aujourd'hui au titre du contrat
d'édition de ses oeuvres, en vertu des articles L. 131-4 et L. 132-6 du code de
la propriété intellectuelle, ainsi que, depuis peu, au titre de la copie
privée, conformément à l'article L. 311-1 dudit code, grâce à une proposition
de loi que j'avais eu l'honneur de présenter au Sénat et que celui-ci avait
adoptée.
Avec l'explosion de la lecture publique et aux termes du présent projet de
loi, une rémunération sera attribuée aux auteurs au titre du prêt en
bibliothèque ; les éditeurs en bénéficieront également.
Ce choix du législateur, qui n'était pas imposé par la directive, distinct de
celui qui a été fait par nos voisins européens, se justifie au regard de la
conception juridique française : l'oeuvre de l'esprit d'un auteur n'ouvre droit
à rémunération que parce qu'elle a été éditée et qu'elle peut ainsi être
commercialisée. D'ailleurs, le code de la propriété intellectuelle aborde le
contrat d'édition.
Une partie des sommes collectées au titre du prêt en bibliothèque permettra
donc de rémunérer les auteurs et les éditeurs. L'autre partie de cette somme
abondera les fonds d'une caisse de retraite complémentaire pour les auteurs.
Nous ne pouvons que nous en réjouir. Cela constitue, en effet, un progrès
social considérable. Il faut savoir que, à l'heure actuelle, pour bénéficier
d'une maigre retraite de 900 euros, un auteur doit avoir cotisé auprès de
l'Association pour la gestion de la sécurité sociale des auteurs, l'AGESSA,
pendant quarante ans, à raison d'environ 2 300 euros de droits mensuels ! Or,
il est impossible d'y parvenir puisque la caisse n'existe que depuis une
vingtaine d'années !
Un complément de retraite était donc une nécessité pour l'ensemble des
auteurs, et je vous ai entendu avec intérêt, monsieur le ministre, affirmer
dans votre intervention liminaire que les auteurs pourraient racheter des
années complémentaires. Néanmoins, une question demeure : les auteurs qui
n'exercent pas cette profession au titre de leur activité principale
pourront-ils bénéficier de cette caisse de retraite complémentaire ? Peut-être
pourrez-vous, dans la suite du débat, nous apporter des précisions à cet
égard.
Je ne reviendrai pas sur le principe de la gestion collective obligatoire,
qui, dans notre pays, constitue la règle en matière de perception et de gestion
des droits d'auteurs. S'agissant des critères d'octroi de l'agrément des
sociétés de gestion, la rédaction proposée par M. le rapporteur constitue une
garantie pour les auteurs quant à leur légitimité et leur compétence à gérer
les droits perçus au titre du prêt public des oeuvres de l'esprit.
J'en viens à un autre aspect abordé dans le projet de loi, la question, plus
globale, de l'extension du prix unique du livre, sous certaines conditions, à
l'approvisionnement des bibliothèques.
Le gouvernement de M. Lionel Jospin avait souhaité procéder à l'extension d'un
texte emblématique dans le secteur culturel, la loi du 10 août 1981 relative au
prix du livre, dû à l'initiative de François Mitterrand et de M. Jack Lang,
pour moraliser les ventes de livres au public et, surtout, pour redynamiser les
petites librairies.
Actuellement, les ventes réalisées au profit des bibliothèques et les ventes
de livres scolaires par l'intermédiaire des associations de parents d'élèves
échappent au plafond de 5 % de la réduction pratiquée par les libraires ou par
les grossistes.
Ainsi, les réductions moyennes sur le prix des ouvrages consenties par les
fournisseurs aux bibliothèques s'élèvent en moyenne à 15 % ou 20 % et peuvent
même, à Paris, dans des cas exceptionnels, atteindre 40 % ! Les grossistes sont
les seuls bénéficiaires de ce dispositif, les petites librairies se trouvant
de facto
exclues de la majeure partie de ce marché.
Le projet de loi prévoit de plafonner à 9 % la réduction maximale qui pourra
être consentie aux bibliothèques pour l'achat de leurs livres. Le marché des
bibliothèques deviendra ainsi accessible à l'ensemble des fournisseurs, en
particulier aux petites librairies.
Quant aux grossistes, ils ne seront taxés que de 15 % du prix de vente des
ouvrages, c'est-à-dire 9 % de remise auxquels s'ajoutent 6 % au titre de la
participation à la rémunération que nous évoquions à l'instant. Ils pourront
développer des services annexes grâce au solde dégagé par rapport à leurs
marges antérieures.
S'agit-il d'un tableau idyllique ? Non ! Je préfère ne pas être candide. Les
bibliothèques et les collectivités territoriales redoutent, en effet, une
baisse de leur capacité d'achat. Certains élus de mon groupe m'ont fait part
des inquiétudes de leurs services : ceux-ci estiment que la diminution du
pouvoir d'achat des bibliothèques, liée au plafonnement des réductions
accordées, sera de 10 % à 15 %.
Il n'en demeure pas moins que nous sommes strictement tenus par la directive
européenne et que nous devons donc prévoir un droit à rémunération pour les
auteurs au titre du prêt en bibliothèque. Certains Etats, faisant preuve d'une
grande liberté d'interprétation de l'article 5 de cette directive, ont opté
pour une application restrictive qui, dans certains cas, va jusqu'à dispenser
l'ensemble des bibliothèques publiques de ce versement.
Dans un rapport du 12 septembre dernier, la Commission européenne exprime ses
doutes sur l'application effective de la directrice dans ces cas-là : « Il
n'est donc pas certain que tous les Etats membres aient satisfait aux exigences
minimales visées à l'article 5, concernant en particulier l'octroi d'une
rémunération au moins aux auteurs, pour le prêt d'oeuvres par certains
établissements publics. »
La France a, pour sa part, choisi une voie plus réaliste en faisant porter la
rémunération pour prêt en bibliothèque sur l'ensemble des acteurs
institutionnels concernés. Grâce à la longue concertation menée par les deux
précédentes ministres de la culture, nous avons ainsi échappé à ce qui aurait
été un retour en arrière dans notre pays : le prêt payant pour chaque livre
emprunté.
La solution du prêt payé « forfaitaire » et « à l'achat » retenue par Mme
Catherine Tasca convient, comme je le disais en introduction de mon propos, à
l'ensemble des parties que nous avons rencontrées ou entendue. Les auteurs et
les éditeurs, forts de la tradition française, ont souhaité un partage
équitable de la rémunération entre eux, contrairement à ce qui prévaut dans de
nombreux Etats voisins. Les fournisseurs se sont entendus pour que la réforme
constitue à la fois une opération blanche pour les grossistes et une
amélioration de la condition des libraires. Les conservateurs des bibliothèques
eux-mêmes se disent satisfaits de ce projet de loi car ils redoutaient, plus
que tout, un paiement à l'acte supporté par l'usager.
Les sénateurs socialistes proposeront néanmoins deux amendements pour être
sûrs que les collectivités territoriales ne soient pas trop pénalisées
financièrement et ne voient pas la capacité d'achat de leurs bibliothèques
diminuer de façon importante. Le premier amendement vise à instaurer des
garanties en termes de délais quant à l'engagement effectif de l'Etat à payer
sa part forfaitaire. Le second amendement prévoit un rapport de bilan très
détaillé, dans deux ans, afin de bien cerner les conséquences financières de la
réforme pour l'ensemble des parties concernées, et plus particulièrement pour
les collectivités territoriales, qui sont principalement impliquées dans le
nouveau dispositif, même si elles ne sont pas expressément visées par le texte.
Nous reviendrons sur ces deux points lors de la discussion des articles.
Quoi qu'il en soit, nous ferons, j'en suis certaine, oeuvre utile en
contribuant à défendre l'écrit, constamment menacé par la prépondérance, voire
par la dictature, de l'audiovisuel. Je me réjouis, monsieur le ministre, que, à
travers ce projet de loi, le Gouvernement actuel ait su reconnaître la qualité
du travail de Mme Catherine Tasca et que le premier texte que vous défendiez,
qui sera sans doute voté à l'unanimité dans notre Haute Assemblée, soit issu
des travaux du précédent gouvernement. Le groupe socialiste votera donc bien
volontiers le présent projet de loi.
(Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe
communiste républicain et citoyen.)
M. le président.
La parole et à M. Ivan Renar.
M. Ivan Renar.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la question
du droit de prêt dans les bibliothèques publiques a, voilà un peu plus de deux
ans, suscité de très vifs débats et polémiques entre les différents
professionnels de la chaîne du livre, une véritable nouvelle bataille d'Hernani
de la lecture, d'autant plus vive que chacun avait à la fois tort et raison.
J'ai craint, à maintes occasions, que ne soient remis en cause plus de deux
décennies d'efforts en faveur de la lecture publique et le rôle de l'écrit, qui
demeure indispensable dans une politique démocratique de la culture.
En effet, le livre, donc l'écrit, est loin d'être dépassé. L'écrit a une
fonction irremplaçable : il autorise la réflexion, améliore la
conceptualisation de la pensée et permet de prendre le recul nécessaire à
l'approche de telle ou telle situation. Il est le moyen essentiel de
transmission de la connaissance et de la culture. C'est tellement vrai qu'il
est la première victime de tous les totalitarismes, de toutes les intolérances,
de tous les intégrismes, par la censure, voire l'autodafé. Et je vous sais gré,
monsieur le ministre, d'avoir été très clair sur ce point, ces jours derniers
encore.
Avant tout, j'exprimerai une pétition de principe. Selon moi, la rémunération
des droits d'auteurs ne prête ni à discussion ni à contradiction. Permettre aux
auteurs et aux créateurs de percevoir les droits qui leur reviennent
légitimement n'est absolument pas contestable. Nous avions la responsabilité de
le faire, directive européenne ou non, compte tenu de la situation précaire de
nombre d'entre eux.
Mais reconnaissons que les bibliothèques, donc la politique de lecture
publique au coeur de laquelle figure le prêt gratuit des livres, ont été, à
cette occasion, une cible toute trouvée, puisqu'elles étaient censées être
responsables des difficultés que traverse l'édition dans notre pays.
Au-delà de la question légitime des droits d'auteur, on a bien vu apparaître
deux conceptions fort différentes du livre et de la lecture. L'une considère le
livre sous le seul angle de sa valeur marchande et la lecture publique gratuite
comme un précepte certes généreux mais dépassé. L'autre, que je partage,
considère, au contraire, le livre non pas comme un objet identique à un autre,
mais comme un bien culturel essentiel pour l'accès à la connaissance, à
l'ensemble du patrimoine de la pensée, de la recherche et de la création.
L'existence du prêt gratuit, c'est-à-dire du droit pour chacun, quelle que
soit son origine, d'accéder au livre apparaît donc comme un acte démocratique
fondamental de notre République.
Quelque 6 600 000 lecteurs sont inscrits en bibliothèque et 190 millions de
prêts ont été effectués en 2001. Je conçois parfaitement qu'il s'agisse d'un
manque à gagner important pour les ayants droit, mais je suis convaincu que
c'est encore et toujours insuffisant sur le plan du développement de la lecture
publique et de ce qu'elle implique.
Savez-vous que 50 % des Français ne lisent jamais un livre ? Je ne peux me
satisfaire de ce chiffre, ni de la situation actuelle du livre et de la
lecture, caractérisée, outre par cette insuffisance du lectorat, par une vie
créative difficile pour les auteurs, ni par l'état d'un marché de l'édition,
rythmé par une logique marchande qui autorise peu la découverte d'auteurs
nouveaux.
Ce constat renforce la nécessité de faire vivre et développer la lecture
publique et les bibliothèques car, si le livre et la lecture se portent plutôt
mal, ils se portent souvent mieux là où est développée une audacieuse politique
en faveur de la lecture. L'on sait toute l'importance du rôle que peuvent avoir
les collectivités locales dans ce domaine.
La lecture est un plaisir personnel - on est toujours seul avec son livre -,
mais il y a une éducation, un apprentissage à la lecture, et les professionnels
des bibliothèques sont des guides précieux.
Une bibliothèque, c'est un espace de choix, de découverte offert à la
population, qui peut se familiariser avec le livre ; c'est un lieu de
dépassement des barrières sociales qui entravent l'accès à la culture, car le
livre est encore trop souvent le premier objet dont on se passe quand il faut
économiser.
Je considère pour ma part que le droit à la lecture ne doit pas être
conditionné à la faculté de payer. L'enjeu n'est donc pas d'ajouter de nouveaux
obstacles sociaux ; il est bien d'améliorer l'accès au service public.
Une bibliothèque, c'est aussi un espace de liberté et d'expression pour les
auteurs dont les oeuvres peuvent, hors de toute contrainte commerciale,
rencontrer le public dans la durée ; c'est encore un espace de confrontation
d'idées, de pluralisme, de rencontres. C'est un lieu vivant.
Cela est plus vrai encore quand elle devient médiathèque et qu'elle intègre
les progrès offerts par les nouvelles technologies. En effet, si le livre est
l'outil de communication essentiel entre les hommes - il a même pendant
longtemps été le seul - il est confronté aujourd'hui à une concurrence
importante, celle des nouvelles technologies.
Je suis de ceux qui refusent l'idée réductrice selon laquelle les modes de
communication moderne tueraient le livre. Je dois dire que les bibliothèques
ont su relever le défi.
C'est en définitive par l'attrait, l'envie de la lecture, de la découverte
d'ouvrages qu'elle suscite que la bibliothèque constitue un formidable soutien
à la création et à l'édition.
Ce plaidoyer pour la lecture publique revient à dire que toute solution juste
ne peut être trouvée que dans des cohérences, des coopérations et une
solidarité entre toutes les composantes de la chaîne du livre, de l'auteur au
lecteur, en passant par l'éditeur et le libraire ; M. le rapporteur l'a bien
souligné.
La bonne santé de la lecture publique conditionne la bonne santé du livre en
général. Plus il y aura de livres lus, plus il y aura de livres vendus.
Aucune étude sérieuse et précise ne peut en effet affirmer que l'augmentation
importante du nombre de prêts a engendré une baisse des ventes.
Je me félicite donc qu'un terrain d'entente ait pu être trouvé, symbolisé par
le projet de loi dont nous avons à débattre aujourd'hui.
C'est un texte imparfait, certes - sa complexité a été relevée, - mais c'est
un texte d'équilibre qui va dans le bon sens, en prenant en compte le fait que,
si les auteurs ont des droits, les lecteurs aussi ont des droits.
Le projet de loi consacre la rémunération des droits pour les auteurs et
éditeurs sur les prêts en bibliothèques publiques tout en instaurant pour les
auteurs et traducteurs un financement de retraite complémentaire, jusqu'alors
inexistant, et en améliorant leur statut.
Mais, plus important, ce progrès social est rendu possible, tout en
pérennisant la gratuité du prêt des livres pour l'usager, en substituant au
prêt payant initialement prévu un prêt payé faisant intervenir financièrement
les différents acteurs et partenaires de la lecture publique : Etat,
collectivités locales, comités d'entreprises, établissements d'enseignement.
Je prends acte des avancées importantes que cela constitue par rapport aux
dispositions tour à tour envisagées. A cet égard, il n'est pas inutile de
rappeler que, déjà, le rapport Borzeix, en 1998, préconisait l'instauration
d'un prêt payé par l'usager d'un montant de cinq francs par livre emprunté !
Cette disposition fut reprise un temps dans les premières ébauches de ce projet
de loi, puisqu'a été envisagé également un prêt payé forfaitaire de dix francs
par lecteur et par an, payé par les seules collectivités territoriales. Ont
également été écartées les idées de rémunération sur les reproductions et la
consultation sur place des ouvrages.
On mesure là le chemin parcouru, et je crois, monsieur le ministre, que vous
avez bien fait de reprendre le projet de loi de Mme Tasca.
Les conditions particulières réservées aux bibliothèques scolaires et
universitaires me semblent également aller dans le bon sens compte tenu des
difficultés que connaissent ces établissements et des missions propres qu'ils
assument même si, faute de moyens, les bibliothèques universitaires françaises
achètent dix fois moins de livres que les autres bibliothèques universitaires
européennes.
Le droit de prêter, enfin, est juridiquement et légalement reconnu, confortant
le rôle et les missions de service public des bibliothèques. La directive
européenne de 1992, tout comme la réglementation française, permet en effet aux
auteurs d'interdire le prêt de leur oeuvre. Le droit de prêt devient un droit
formel. C'est une avancée importante, car elle induit, dans ce domaine, la
primauté du service public.
Ce projet de loi, en revanche, suscite un certain nombre de craintes en ce qui
concerne les budgets et les capacités d'acquisition des bibliothèques.
Le financement proposé pour la rémunération des droits repose sur deux
sources. La première, forfaitaire, payée par l'Etat, est calculée sur la base
du nombre d'inscrits dans les bibliothèques publiques. La seconde, le prêt payé
à l'achat, consiste en un versement de 6 % du prix public des ouvrages aux
sociétés de gestion collective. Ce système s'accompagne d'une limitation à 9 %
maximum des remises accordées aux collectivités lors de l'achat d'ouvrages pour
les bibliothèques publiques.
Ce système va inévitablement entraîner une charge supplémentaire importante
pour les collectivités et les personnes morales dont dépendent les
bibliothèques, charge qui risque fort de se répercuter sur les budgets et les
politiques d'achat. Moins d'argent, c'est moins de livres, moins d'animations
autour de la lecture, ce qui, en définitive, serait contradictoire avec
l'esprit de démocratisation de l'accès aux oeuvres.
Les collectivités locales sont au coeur de tout le système de lecture publique
de notre pays. Les efforts qu'elles consentent sont déjà très importants,
puisqu'elles participent pour 96 % au budget des bibliothèques. Est-ce à elles
d'en fournir davantage ? La question mérite d'être posée.
La loi du 10 août 1981 relative au prix unique du livre avait fort justement
exclu de son champ d'application les achats de livres par les collectivités
afin de rattraper les retards importants en matière de diffusion du livre et de
lecture.
Les résultats sont là : le nombre de livres empruntés a triplé en vingt ans.
La conjoncture actuelle nous permet-elle de revenir, même partiellement, sur ce
qui a porté ses fruits ?
Le réseau des bibliothèques publiques reste très fragile ; c'est encore plus
vrai pour les bibliothèques universitaires. Leurs moyens sont insuffisants et
un nombre de plus en plus important de nos concitoyens connaissent, à des
degrés divers, des difficultés avec l'écrit.
On peut regretter que d'autres moyens de financement n'aient été choisis. Je
suis pour que les librairies prospèrent dans nos villes et dans nos quartiers ;
ce sont aussi des éléments de civilisation. Mais il faut encore plus aider nos
communes. On ne peut pas tout faire peser sur les collectivités ; il y va de la
responsabilité nationale. C'est le même combat que celui qui est mené contre
l'illettrisme.
Je comprends bien le souci de réintroduire, grâce à cette mesure, les
librairies dans le réseau des ventes aux bibliothèques. Les rabais importants
des grossistes les en excluent. Ce mécanisme y parviendra-t-il ? Les doutes
sont permis en l'absence de mesures spécifiques propres à soutenir l'édition et
les librairies. Evidemment, cet aspect dépasse le cadre strict de cette loi,
mais il fait partie du même grand débat.
Je ne saurais, monsieur le ministre, aborder le sujet de l'édition sans
évoquer l'avenir du pôle édition de Vivendi Universal.
La crise profonde que connaît le groupe Vivendi Universal et le démantèlement
progressif qu'il subit - 10 milliards d'euros d'actifs vont être cédés dans les
deux années à venir - touchent particulièrement le secteur culturel du groupe :
l'audiovisuel, le cinéma, la musique et l'édition. Vivendi Universal, c'est
deux tiers de l'édition française, des noms et des maisons prestigieuses !
D'après les informations qui sont aujourd'hui disponibles, aucune reprise ne
serait possible par le monde de l'édition française. Ainsi, l'un des fleurons
de l'édition française risque d'être happé par un consortium financier
constitué de capitaux internationaux.
Nous ne pouvons laisser faire sans réagir. La responsabilité publique est
engagée pour la préservation de notre patrimoine culturel. Il n'est pas
possible que l'Etat reste sur une ligne de conduite interdisant l'intervention
dans une entreprise privée. En effet, la concentration au sein de Vivendi
Universal d'une part considérable de l'édition française implique de fait
l'idée de mission de service public. D'ailleurs, dans toutes ses activités,
Vivendi Universal s'est construite sur l'intérêt général.
Je serai attentif, monsieur le ministre, aux réponses que vous apporterez à ce
sujet. Je profite de l'occasion pour réitérer publiquement notre demande de
création d'une commission d'enquête sur l'utilisation des fonds publics par le
groupe Vivendi Universal et sur le devenir de ses entreprises exerçant des
missions de service public.
Le dernier aspect que je souhaite aborder m'amène à formuler un regret, celui
que les formes nouvelles de supports de l'écrit ne soient pas traitées dans ce
projet.
Loin d'annoncer la mort du livre, les nouveaux supports technologiques
renforcent toujours plus la place de la lecture, comme de l'écriture, dans
notre vie de tous les jours. Les nouvelles technologies bouleversent les
différentes sphères de l'économie du livre, transforment la chaîne du livre,
qui va de l'auteur au lecteur. De nouvelles problématiques surgissent : statut
et droits des auteurs, avenir de l'édition, accès démocratique pour tous aux
nouveaux moyens d'information et de communication et rôle des bibliothèques
dans ce domaine. Il est nécessaire de répondre à ces nouveaux défis tout comme
reste nécessairement posée cette exigence forte de nouvelles mesures
législatives en faveur de la lecture publique, des bibliothèques - je pense à
leurs statuts, à la définition de leurs missions - mais aussi en faveur de
l'édition.
Ce texte constitue un premier pas positif, même si des interrogations
subsistent. Il a le mérite, ce n'est pas rien, de concilier divers intérêts,
diverses positions que nous avons pu craindre, un temps, définitivement
opposés. Le consensus, même s'il est difficile à réaliser, existe entre
professionnels du livre ; c'est essentiel pour le développement de toute la
chaîne du livre.
Monsieur le ministre, ce matin dans le train, je lisais ce que Prévert
écrivait de Picasso dans un livre pour enfants, qui n'est plus disponible en
librairie, mais que j'ai emprunté à la bibliothèque municipale pour préparer un
exposé à l'occasion d'une remise de médailles. Je cite : « Le chapeau melon
enfoncé sur la tête, Picasso, maître de la peinture comme Fantômas de
l'épouvante, un pied sur la rive droite, un pied sur la rive gauche et le
troisième au derrière des imbéciles, regarde couler la Seine, qui prend sa
source au Mont Gerbier-de-Jonc, quand l'envie lui vient de visiter les châteaux
de la Loire. » Cela m'a rappelé l'armoire de bibliothèque de la coopérative
scolaire que mon instituteur ouvrait chaque samedi. Pour moi, et je pense qu'il
en fut ainsi en d'autres lieux pour nombre de mes collègues, les livres «
magiques » de cette armoire ont été mes premiers « châteaux de la Loire » !
C'est pourquoi, avec le groupe communiste républicain et citoyen, j'approuve
le projet de loi qui nous est proposé, même si le chantier n'est pas encore
achevé.
(Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen,
sur les travées socialistes, ainsi que sur certaines travées du RPR et des
Républicains et Indépendants.)
M. le président.
La parole est à M. Yann Gaillard.
M. Yann Gaillard.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, comme
l'orateur qui m'a précédé, notre collègue Ivan Renar, je m'évaderai un petit
peu à la fin de mon intervention et m'éloignerai de l'objet même du projet de
loi.
Notre pays a toujours été en pointe - en tout cas à toujours cherché à l'être
- dans la défense des droits des créateurs, que ce soit dans les domaines
littéraire, musical, audiovisuel ou de la plastique ; je pense au célèbre «
droit de suite » sur les ventes d'oeuvres d'art que nous avons tant de peine à
imposer à nos voisins.
Nous sommes saisis aujourd'hui d'un texte apparemment consensuel, qui reprend
le projet du précédent gouvernement, après les nombreuses négociations menées
par Mmes Trautmann et Tasca.
Ce texte règle le problème du droit de prêt en bibliothèque, s'agissant d'un
objet bien précis, le livre, qu'on retienne la formulation proposée par le
Gouvernement, « oeuvre de l'esprit imprimée sur papier et publiée », ou celle
que lui préfère la commission, oeuvre ayant fait l'objet d'un contrat d'édition
« en vue de sa diffusion sous forme de livre ». L'objet du projet de loi est
donc précis, et même un peu limité, j'y reviendrai.
Comme le souligne le fort intéressant rapport de notre collègue Daniel
Eckenspieller, il contient essentiellement deux mesures.
Il tend, tout d'abord, à créer un régime de licence légale faisant exception,
au bénéfice des bibliothèques publiques, du droit exclusif de l'auteur à
autoriser ou à refuser un prêt.
Il prévoit ensuite un financement. Est écarté le système du prêt payant au
profit d'un système de « prêt payé », reposant sur l'Etat, d'une part, et sur
les collectivités locales, d'autre part, puisque les rabais qui sont consentis
à celles-ci seront plafonnés, afin qu'un prélèvement puisse être opéré sur les
bénéfices des fournisseurs des bibliothèques. Ainsi les communes sont bien dans
la ligne de mire, ce dont je m'étais déjà inquiété le 10 octobre 2000 dans une
question orale adressée à Mme Tasca. Mais enfin, tout le monde s'accorde sur
cette espèce de « fifty-fifty » auquel on est parvenu !
Cette « manne » sera gérée par la SOFIA, société française des intérêts des
auteurs de l'écrit, créée en 1999 et agréée par votre ministère, petite soeur
de sociétés d'auteurs bien connues comme la SACEM pour la musique, la PROCIREP
pour l'audiovisuel, la SACD pour les auteurs-compositeurs dramatiques, la SLAM
pour les auteurs multimédias, et j'en passe...
C'est la SOFIA qui procédera à la répartition des sommes collectées entre,
d'une part, la rémunération des auteurs et des éditeurs et, d'autre part, la
prise en charge d'une partie des cotisations au régime de retraite
complémentaire.
Toutes ces mesures ont fait l'objet d'un grand consensus et tout le monde a
rendu hommage, monsieur le ministre, à votre fair-play, à votre refus de
remettre sur le métier un ouvrage qui était achevé.
Je formulerai tout de même un regret, en souhaitant qu'il soit provisoire :
qu'on se limite au livre, car, comme l'a souligné M. Renar, il existe d'autres
modes de transmission de la pensée et de l'écrit.
Rappelez-vous, monsieur le ministre : en 1992, le pavillon français de
l'exposition universelle de Séville - vous l'avez sûrement visité - présentait
les différentes étapes de la transmission de la pensée, mises en rapport à
titre symbolique avec les maquettes des monuments de Paris, construites
d'ailleurs par un homme que vous connaissez bien puisque vous venez de le
nommer à la tête de la Villa Médicis, à savoir M. Richard Peduzzi.
Se pose aussi le problème de la copie privée. L'oeuvre de Quignard nous a
montré que, du
volumen
que l'on déroulait jusqu'au
codex
et au
CD-rom, les modes par lesquels s'exprime la pensée se sont transformés de même
qu'ont changé les modes d'écriture, depuis l'incunable jusqu'à l'informatique.
Or tout ce qui est maintenant disponible rend la copie privée beaucoup plus
facile. Elle était encore limitée au temps de l'analogique ; elle ne le sera
plus au temps du numérique.
C'est la SOFIA elle-même qui le prouve en se dotant d'emblée de deux
compétences : la gestion du droit de prêt en bibliothèque et la rémunération
pour copie privée numérique.
Cette question désormais brûlante a fait l'objet de travaux remarquables au
cours de la précédente législature. Puisque nous sommes dans le consensus
général, je rappellerai que M. Migaud avait présenté un excellent rapport à
l'Assemblée nationale et que notre collègue Mme Pourtaud a fait voter par le
Sénat en première lecture une proposition de loi ayant pour objet d'étendre la
rémunération de la copie privée à des oeuvres autres que musicales ou
audiovisuelles.
C'est bien sur le nouvel article 311-4 du code de la propriété intellectuelle
que s'appuie la SOFIA pour réclamer la compétence en matière de rémunération
des auteurs et des éditeurs d'oeuvres fixées sur un support d'enregistrement
numérique.
Non, cher collègue Renar, le livre n'est pas dépassé, mais il va être entouré
par bien d'autres supports et peut-être même, pour certains amateurs, éclipsé.
Mais ce qui compte, c'est tout de même la pensée qui est exprimée, quel que
soit le support matériel.
Voilà donc ouvert un très difficile chantier. Vous allez devoir vous y
atteler, monsieur le ministre, alors que vous sortez tout juste de celui des
bibliothèques. Mais je suis convaincu que vous le ferez avec l'énergie,
l'enthousiasme et la largeur d'esprit que l'on vous connaît.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants
et de l'Union centriste.)
M. le président.
La parole est à M. Philippe Richert.
M. Philippe Richert.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de
loi qui nous est présenté aujourd'hui met fin à de longues années de débats,
parfois orageux, entre, d'un côté, les partisans de la gratuité du prêt en
bibliothèque et, de l'autre, les défenseurs des droits d'auteur.
Depuis l'annonce de l'instauration du prêt payant en bibliothèque, les
discussions entre professionnels concernés n'avaient pas, jusqu'à présent,
permis d'obtenir une solution acceptée par tous.
Pour mémoire, on peut rappeler qu'en février 2000, sur l'initiative de la
Société des gens de lettres et du Syndicat national de l'édition, 300 écrivains
avaient signé une pétition pour exiger des bibliothèques une rémunération. Un
véritable tremblement de terre s'annonçait ! Parallèlement, d'autres écrivains,
soutenant les bibliothécaires, ont défendu fermement la gratuité du prêt. Les
écrivains français, toujours alertes et présents pour ce type de débat, se sont
affrontés, parfois violemment, sur la question.
Deux notions fondamentales constitutives de l'histoire culturelle française se
trouvent opposées dans un tel débat : les droits d'auteur et le droit à la
culture pour tous.
En effet, la reconnaissance du droit d'auteur s'est imposée voilà plus d'un
siècle. Cependant, dans le même temps, d'importants efforts ont été accomplis
pour encourager la démocratisation de l'accès à la lecture. Il faut donc
tenter, autant que faire se peut, d'aboutir à un respect de ces deux exigences
et à un équilibre entre elles.
Sur le plan européen, la France se trouve dans une situation unique. La loi
française reconnaît depuis 1957 un droit exclusif de l'auteur à prêter son
oeuvre. Ce droit est également inscrit dans une directive du 19 novembre 1992,
directive qui permet néanmoins de déroger à ce droit exclusif en garantissant,
en contrepartie, une rémunération aux écrivains.
Appliquée aux Pays-Bas, en Allemagne et en Grande-Bretagne, cette directive
n'a jamais été mise en oeuvre en France, où l'avantage a été donné à la lecture
publique.
Aujourd'hui, le projet de loi crée un mécanisme de licence légale dont le
principe est que l'auteur ne peut s'opposer au droit de prêt en contrepartie
d'une rémunération. Cette solution, âprement négociée, reçoit l'assentiment
d'une grande partie des professionnels du livre : auteurs, éditeurs, libraires
et bibliothécaires s'y sont ralliés. Le présent dispositif se justifie donc.
J'aborderai trois points particuliers.
Tout d'abord, une partie de la rémunération permet de renforcer la protection
sociale des écrivains et des traducteurs qui, aujourd'hui, ne bénéficient
d'aucun régime d'assurance vieillesse complémentaire spécifique. Compte tenu de
la précarité de leur situation sociale, il me paraît tout à fait nécessaire de
légiférer sur ce point.
Des accords prévus par la loi du 31 décembre 1975 devaient instituer un régime
complémentaire de retraite spécifique pour les auteurs exerçant leur art à
temps plein. Cependant, faute d'entente entre les organisations syndicales et
professionnelles représentatives, les écrivains n'entraient dans le champ
d'aucun régime d'assurance vieillesse.
Le dispositif proposé permet donc de remédier à cette situation et donne de
nouvelles perspectives à nos créateurs. Grâce au financement d'une partie de
leurs cotisations, le coût de l'affiliation, qui pouvait paraître exorbitant à
certains, ne sera pas supporté entièrement par les auteurs et les
traducteurs.
Par ailleurs, l'abandon du principe de la gratuité peut être considéré comme
contraire à l'égal accès de tous à la culture. En effet, depuis vingt ans, dans
notre pays, on constate un accroissement de la fréquentation des bibliothèques
et le nombre de livres empruntés a triplé. Il ne faudrait pas rompre avec cette
démocratisation de la culture de laquelle participe la gratuité du prêt.
A cet égard, je voudrais souligner les efforts considérables entrepris depuis
vingt ans par les collectivités locales en faveur de la culture en général et,
plus particulièrement, dans le domaine de la lecture publique, qu'il s'agisse
d'investissements immobiliers, d'achats de livres ou de services offerts.
Dans le Bas-Rhin, au cours des vingt années écoulées, la politique du conseil
général a permis de créer 200 bibliothèques communales, qui s'appuient sur la
bibliothèque départementale et ses trois antennes afin d'irriguer l'ensemble du
territoire départemental. Ces pôles de rayonnement culturel, souvent situés en
milieu rural, connaissent une fréquentation permanente, d'un niveau inespéré,
presque incroyable, tant de la part des jeunes que des adultes. Il s'agit de
l'une des plus belles réussites de la décentralisation !
On ne le dit pas assez souvent : aujourd'hui, dans certains villages de 1 000
habitants, ce sont plus de 10 000 documents qui sont prêtés chaque année ! Cela
prouve que la mort régulièrement annoncée du livre ou de l'édition n'est pas
encore à l'ordre du jour.
Cet aspect de la décentralisation de la politique culturelle est donc devenu
une réalité. Aussi, je me demande si le dispositif prévu, qui impose aux
collectivités - villes et conseils généraux - une participation financière
nouvelle, ne va pas freiner cet élan culturel. La quantité de livres achetés ne
va-t-elle pas fatalement baisser ?
Bien sûr, la solution préconisée évite que les seuls usagers s'acquittent du
droit de prêt, ce qui remettrait en cause l'égalité de l'accès de tous à la
culture.
Je reconnais que l'équilibre n'était pas facile à trouver, car l'accès à la
culture est un droit, un principe fondamental qui doit être protégé au maximum,
tout comme le principe du respect des droits des écrivains, principe qui a
contribué à fonder les bases de la politique culturelle de la France. On peut
donc estimer qu'il est anormal que les auteurs doivent autoriser le prêt de
leurs livres sans une juste contrepartie.
La solution élaborée dans ce projet de loi, monsieur le ministre, permet de
concilier ces deux impératifs. De plus, elle est assez équilibrée et recueille
l'adhésion de l'ensemble des parties.
Enfin, le plafonnement à 9 % des rabais accordés aux bibliothèques et aux
collectivités locales permet de mieux répartir le surcoût engendré par cette
licence légale. Mais ne nous leurrons pas : cela risque d'être parfois un frein
pour les bibliothèques, les commerçants ou les dépôts qui avaient été
particulièrement dynamiques et qui avaient su, par le passé, négocier
habilement des rabais importants.
Comme vous l'avez souligné, monsieur le ministre, les libraires devraient être
les principaux bénéficiaires de ce plafonnement. Cette mesure, si elle entraîne
des frais supplémentaires pour les collectivités locales, est un signe
d'encouragement pour les commerçants de proximité, qui ne peuvent rivaliser
avec les gros distributeurs.
Néanmoins, on peut se demander si ce plafonnement ne va pas permettre d'abord
à certains grossistes de récupérer le montant du prélèvement par le jeu de
l'accroissement de leur marge bénéficiaire.
Comme vous l'avez souligné, monsieur le rapporteur, le projet de loi semble
parfois complexe, difficile à mettre en oeuvre, et le coût de cette mesure ne
semble pas encore évalué dans toutes ses dimensions.
Toutefois, le groupe de l'Union centriste se félicite de cette réelle avancée
qui, si elle ne donne pas satisfaction totale à chacun - c'est le propre des
compromis - constitue néanmoins, j'en suis persuadé, un réel acte fondateur.
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des
Républicains et Indépendants.)
M. le président.
Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Mes chers collègues, avant de passer à la discussion des articles, nous allons interrompre l'examen de ce projet de loi pour recevoir M. le Médiateur de la République.15
COMMUNICATION DU MÉDIATEUR
DE LA RÉPUBLIQUE
M. le président.
L'ordre du jour appelle la communication du Médiateur de la République sur son
rapport annuel.
Huissiers, veuillez introduire M. le Médiateur de la République.
(M. le
Médiateur de la République est introduit avec le cérémonial d'usage.)
Permettez-moi, monsieur le Médiateur de la République, de vous souhaiter, au
nom du Sénat tout entier, une cordiale bienvenue.
Pour la deuxième année consécutive, vous venez présenter dans cet hémicycle
votre bilan, les perspectives de votre action et les modifications législatives
qui vous paraissent opportunes. Le rapport que vous avez remis la semaine
dernière, en particulier, au président du Sénat montre que le Médiateur est
devenu une véritable « institution de proximité », ce dont nous nous
réjouissons.
La parole est à M. Bernard Stasi, Médiateur de la République.
M. Bernard Stasi,
Médiateur de la République.
Monsieur le président, mesdames les
sénatrices, messieurs les sénateurs, c'est pour moi un honneur de me trouver
devant vous en ce début de session afin de vous présenter le rapport d'activité
du Médiateur de la République pour l'année 2001.
Permettez-moi toutefois, monsieur le président, cher ami, de vous remercier au
préalable de vos paroles de bienvenue, auxquelles j'ai été, croyez-le bien,
très sensible.
C'est également avec plaisir que je viens vous rendre compte directement, sous
le regard bienveillant de mon prédécesseur, M. Jacques Pelletier, que je salue
amicalement, des activités d'une institution dans le fonctionnement de laquelle
vous jouez, mesdames, messieurs les sénateurs, un rôle essentiel. Vous êtes, en
effet, les partenaires du Médiateur de la République, relais de la saisine de
l'institution et des réformes que je propose.
Je me félicite d'ailleurs que le dialogue permanent que j'entretiens avec vous
se fonde, dans le respect des valeurs républicaines, sur une relation de
confiance mutuelle. Dans un esprit constructif, je m'efforce de servir nos
concitoyens et de renforcer l'Etat de droit.
Lieu de concertation et de réconciliation, l'institution du Médiateur de la
République est aussi un des observatoires privilégiés de la société française.
Et la société française est perturbée !
Je suis fondé à parler de ce constat. Quotidiennement, je traite de
réclamations toujours plus nombreuses et, quotidiennement, à travers elles, je
constate la multiplication des sources de litige, je perçois les besoins qui
émergent, j'entends les revendications qui s'expriment.
Trop nombreux sont encore ceux de nos concitoyens qui se trouvent dans
l'incapacité d'affronter le maquis juridique que constitue notre droit. Trop
nombreux sont ceux qui, plus généralement, se sentent démunis, désarmés,
abandonnés.
Ce sentiment s'est révélé dans sa dimension la plus inquiétante lors de la
longue et troublante période électorale que nous avons vécue au printemps
dernier, période pendant laquelle tant de citoyens, se sentant incompris, voire
rejetés, se sont désintéressés de la chose publique.
Pourtant, les Français sont attachés aux principes d'un Etat de droit ainsi
qu'à notre Etat républicain, qui constitue, en France, le fondement de la
cohésion nationale.
Cette inflation et cette instabilité des normes juridiques, conjuguées parfois
à une certaine opacité de la répartition des compétences entre les très
nombreux acteurs du service public, s'accompagnent d'une montée des situations
conflictuelles, source de difficultés auxquelles je tente de remédier avec mes
collaborateurs, que ce soit au siège parisien, rue d'Iéna, ou dans les
départements.
Chargé d'aider les administrés à résoudre à l'amiable les conflits qu'ils
peuvent connaître avec les services publics, je ne suis cependant ni l'avocat
du citoyen ni le procureur de l'administration.
Institution indépendante, le Médiateur de la République tient une place unique
dans le champ de la médiation. Il n'est pas inutile de le rappeler à l'heure où
se multiplient toutes sortes de médiateurs, où chaque entreprise, privée ou
publique, où chaque administration se dote de son médiateur interne. Comment
reconnaître alors au Médiateur de la République son originalité et sa
spécificité ?
Si je me réjouis de l'évolution de notre société, parfois trop rigide, vers ce
que j'appellerai une « culture de compromis », je regrette la confusion qui en
résulte et suis inquiet de voir le mot « médiateur » ainsi banalisé et parfois
galvaudé.
(M. Patrice Gélard applaudit.)
Le Médiateur de la République est l'un des symboles forts de la vitalité
démocratique de la France et il sert très souvent de modèle à la création
d'institutions similaires à l'étranger. Pourtant, contrairement à la plupart
des médiateurs ou
Ombudsmen
du monde, son existence n'est pas prévue
constitutionnellement et n'est pas garantie par la Constitution.
Je soumets donc la question du statut constitutionnel du Médiateur de la
République à votre réflexion, mesdames, messieurs les sénateurs !
Plus concrètement, je me suis attaché, en 2001, à poursuivre trois fortes
ambitions : rapprocher davantage encore l'institution de nos concitoyens,
notamment des plus démunis d'entre eux, dans la volonté de remailler le lien
social ; utiliser pleinement le pouvoir de proposition de réforme dévolu à
l'institution dans la volonté d'accompagner la modernisation de l'Etat ; enfin,
développer l'action européenne, francophone et internationale du Médiateur,
dans la volonté de contribuer à l'évolution d'une mondialisation qui, au lieu
d'aboutir, comme on pourrait le craindre, à la domination dans tous les
domaines de l'injustice et de l'arbitraire, c'est-à-dire à la loi du plus fort,
doit au contraire permettre le renforcement à travers le monde des droits des
citoyens.
Au cours de l'année 2001, plus de 58 000 citoyens ont fait appel aux services
du Médiateur de la République, soit 8,3% de plus par rapport à l'année
précédente.
Cette augmentation ne signifie en aucune manière que l'administration
fonctionne de plus en plus mal et commet de plus en plus d'erreurs. Je tiens
ici devant vous, mesdames, messieurs les sénateurs, à rendre hommage à la
compétence et au dévouement de la très grande majorité des fonctionnaires de
notre pays avec lesquels - je m'en félicite - l'institution entretient des
relations de confiance réciproque.
Cette augmentation est significative de l'importance des difficultés
rencontrées par nombre de nos concitoyens dans leur vie quotidienne et dans
leurs relations avec les services publics, qu'il s'agisse de la lenteur ou de
la complexité des procédures administratives, de l'incompréhension de certaines
décisions ou de certains agissements des services de l'Etat, des collectivités
territoriales, des établissements publics ou de tout autre organisme investi
d'une mission de service public.
Sur ces 58 000 affaires, près de 5 000 ont été traitées par le siège et, dans
huit cas sur dix, ont connu une issue favorable. Le mérite de ce succès revient
surtout à mes collaborateurs du siège, dont les compétences juridiques, la
parfaite connaissance des rouages de l'administration et le sens de la
négociation permettent d'instruire les dossiers les plus complexes. Que leur
travail soit ici reconnu et salué.
Par ailleurs, plus de 53 000 demandes ont été directement traitées par les 232
délégués qui, en 2001, m'ont représenté sur l'ensemble du territoire. Ils sont
aujourd'hui 258, preuve, s'il en est, de la nécessaire proximité qu'attendent
nos concitoyens afin que se rétablisse le lien de confiance avec les services
publics ; preuve, également, du succès du programme de développement
territorial que j'ai mis en oeuvre au sein des quartiers difficiles, afin de
permettre au plus large public d'accéder aux possibilités ouvertes par la loi
du 3 janvier 1973 et afin de contribuer à la mise en oeuvre des priorités
nationales que sont le rapprochement des services publics de la population,
l'élargissement de l'accès au droit et la lutte contre les exclusions. Il
s'agit, par là même, de toujours mieux prendre en compte les besoins, les
attentes et les revendications des plus démunis.
Si l'année 2000 avait été marquée par la mise en place du développement
territorial et par l'augmentation significative du nombre de délégués du
Médiateur de la République - puisque plus de 100 nouveaux délégués avaient été
recrutés -, l'année 2001 a été l'année de la première évaluation concrète du
programme. A cette fin, j'ai créé à mes côtés, au siège, une direction du
développement territorial chargée tout à la fois d'adapter les outils
nécessaires au bon exercice de la fonction de délégué, de remodeler le cadre
d'action des délégués et d'assurer une coordination globale du réseau avec tous
nos interlocuteurs, au premier rang desquels vous figurez, mesdames, messieurs
les parlementaires.
En outre, compte tenu de l'importance du nombre de délégués désormais présents
sur l'ensemble du territoire, j'ai décidé de créer au niveau local une nouvelle
fonction de « coordonnateur départemental », afin de disposer, dans les
départements où le nombre des délégués le justifie, d'un interlocuteur
privilégié et de dynamiser ainsi l'animation du réseau et le relais des
informations.
Ces 232 délégués, qui constituent l'échelon de proximité de l'institution, ont
traité les réclamations des citoyens directement, sur leurs lieux de permanence
situés dans les chefs-lieux des départements, à la préfecture ou au coeur des
quartiers en difficulté, dans des structures faciles d'accès telles que les
maisons de la justice et du droit, les maisons de services publics ou encore
les centres sociaux, structures présentant l'avantage de réunir un réseau
d'acteurs complémentaires et d'offrir des conditions satisfaisantes d'accueil
des publics.
Il convient de noter que l'augmentation du nombre de délégués au sein des
quartiers difficiles, ajoutée à l'accroissement de leur activité, a élargi leur
sphère d'action. En effet, les délégués du Médiateur de la République,
représentants d'une institution indépendante, apparaissent de plus en plus
comme des interlocuteurs privilégiés, notamment aux yeux de nos concitoyens en
situation difficile, qui espèrent trouver auprès d'eux une aide à la solution
de leurs problèmes, quelle qu'en soit la nature.
Aussi, au-delà du traitement purement juridique des réclamations qui relèvent
de la compétence de l'institution, les délégués ont largement développé leur
rôle pédagogique d'écoute, d'information et d'orientation dans des domaines qui
ne relevaient pas strictement des compétences dévolues à l'institution par la
loi du 3 janvier 1973.
Mais, si mes délégués peuvent être sollicités pour des questions de toute
nature, la médiation institutionnelle ne peut se réduire à l'écoute, même
bienveillante. Sa crédibilité et sa force s'appuient sur la sûreté juridique de
l'action de ses délégués et sur une attitude conforme aux principes fondateurs
de l'institution : l'indépendance et l'autorité morale.
C'est d'ailleurs pour aider mes délégués à faire face à la diversité des
publics qu'ils rencontrent et des demandes qui leur sont faites que j'ai
développé, en 2001, leur formation initiale, notamment en matière d'accueil des
publics en difficulté.
Pour ma part, j'ai décidé de poursuivre ce programme de développement
territorial, qui concerne aujourd'hui, au titre de la politique de la ville,
trente-deux départements, mais qui devrait toucher près d'une trentaine
d'autres. Les zones rurales les plus fragiles ont, elles aussi, des besoins qui
mériteraient d'être pris en considération !
Mais je ne pourrai le faire sans votre concours, l'expérience révélant
certaines difficultés qui doivent être surmontées avant d'aller plus loin. Je
ne mentionnerai aujourd'hui que la principale d'entre elles, qui concerne la
nécessaire clarification de la situation juridique des délégués du Médiateur de
la République.
Dans les faits, ceux-ci agissent dans un esprit qui est celui du bénévolat.
C'est ainsi que le public perçoit leur intervention et c'est aussi de cette
façon que je conçois leur mission, comme tous mes prédécesseurs avant moi.
Mais il se trouve que cette conception consensuelle n'a pas encore trouvé sa
traduction dans un texte, ce qui crée aujourd'hui de sérieuses difficultés pour
les délégués en fonction et risque de réduire les possibilités de
recrutement.
C'est pourquoi je souhaite, dans l'intérêt du public comme dans celui des
délégués, que puisse vous être soumis dès que possible un texte qui viendrait
compléter l'article 6-1 de la loi du 3 janvier 1973 en précisant que la
fonction de délégué est exercée à titre bénévole. Je serai naturellement prêt,
le moment venu, à exposer cette question de façon détaillée devant votre
commission spécialisée.
Face à ce que j'appellerai le sentiment « d'insécurité administrative »
qu'éprouvent les plus fragiles de nos concitoyens, il est indispensable de
simplifier les relations avec les administrations, d'améliorer la qualité du
service rendu, de rendre adaptés et plus accessibles les normes et les textes.
Comment, en effet, assurer le respect du droit s'il n'est pas compris par
chacun ?
Cette modernisation de l'administration s'inscrit dans le cadre, plus large,
de la nécessaire réforme de l'Etat, à laquelle les citoyens aspirent et à
laquelle nous devons ensemble oeuvrer.
En effet, en tant que Médiateur de la République, je suis habilité par la loi
à proposer des réformes et à participer activement à l'amélioration des textes
et à la modernisation de l'administration. Aussi, j'aborderai maintenant le
volet préventif de mon action.
L'année 2001 fut, là encore, une année d'évaluation après que la loi du 12
avril 2000, relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les
administrations, a élargi mon champ d'action et a permis d'inscrire le
développement de cette mission réformatrice parmi mes objectifs
prioritaires.
L'attention et l'intérêt que vous portez, mesdames, messieurs les sénateurs,
aux suggestions de réforme du Médiateur de la République sont un encouragement
à la poursuite du renforcement des relations de travail entre nos deux
institutions dans ce domaine. Je tiens à vous en remercier.
Afin que nos concitoyens retrouvent confiance dans la capacité de l'Etat à
évoluer, et fort de mon pouvoir d'auto-saisine, j'ai décidé de mettre en
chantier des réformes susceptibles d'avoir un plus grand retentissement dans le
champ social, en travaillant plus particulièrement sur le thème de la place des
handicapés dans notre société.
L'année 2001 a également été marquée par la satisfaction de quinze de mes
propositions de réforme qui, bien que caractérisées par leur aspect plus
technique, n'en demeurent pas moins importantes aux yeux des catégories de
citoyens qu'elles concernent. Je citerai, par exemple, l'assouplissement des
conditions de validation des périodes de service militaire légal par le régime
d'assurance vieillesse et les régimes alignés, l'assouplissement des règles de
remboursement des aides aux jeunes agriculteurs et la possibilité, pour les
agents en activité et pour les retraités de la fonction publique des
départements d'outre-mer, de percevoir l'allocation de logement familial.
Si, par les missions qui lui sont dévolues et par son pouvoir de proposition
de réforme, le Médiateur de la République est un des symboles de la démocratie
française, son action ne peut se limiter aux frontières de notre pays et
j'évoquerai, pour terminer, les activités internationales de l'institution,
domaine dans lequel j'ai suivi l'action engagée par mon prédécesseur, M.
Jacques Pelletier.
Tout d'abord, il faut noter que, sous l'effet de l'élargissement de la liberté
de circulation des personnes et des biens sur le territoire de l'Union
européenne, l'année 2001 a été marquée par une augmentation sensible du nombre
de dossiers relevant de la compétence de différents médiateurs de l'Union et de
l'application du droit communautaire. Cet état de fait m'a conduit à collaborer
encore plus étroitement avec mes collègues européens ainsiqu'avec le Médiateur
de l'Union européenne.
Par ailleurs, dans le cadre du pacte de stabilité et en liaison avec le
Conseil de l'Europe, j'ai aidé à la création d'instances de médiation dans
différents pays de notre continent, notamment en Albanie, en
Bosnie-Herzégovine, au Kosovo et en Ukraine.
Au-delà de l'Europe, l'action internationale du Médiateur de la République
s'est poursuivie, en 2001, dans de nombreux pays qui, engagés dans un processus
de démocratisation ou désireux de renforcer l'Etat de droit, ont décidé de
créer une institution indépendante ayant pour vocation de régler les conflits
entre les citoyens et l'administration. La collaboration du Médiateur de la
République a été notamment sollicitée par le Bénin, le Liban et le Maroc.
Je me réjouis de la création de ces ombudsmans ou médiateurs, que je considère
comme une étape essentielle en même temps qu'un signal fort dans la voie de la
construction ou de la consolidation d'un Etat démocratique. Je me réjouis
également de constater que, très souvent, le modèle français est pris comme
référence.
Dans ce contexte, je n'ai cessé, tout au long de l'année écoulée, de
développer mon action internationale, notamment dans le cadre de la
francophonie, ayant été élu, en octobre 2001, président de l'Association des
ombudsmen et médiateurs de la francophonie, qui regroupe quarante-quatre
institutions appartenant à vingt-neuf pays différents.
Certes, la vitalité et le rayonnement de la francophonie, l'aide aux pays en
voie de démocratisation, la défense des droits de l'homme dans le monde, la
construction d'une Europe fondée sur l'Etat de droit, ne relèvent pas
explicitement du domaine de compétence du Médiateur de la République. Mais il
est, j'en suis convaincu, conforme à l'esprit de notre République et aux
exigences de notre temps qu'une institution comme celle dont j'ai la charge,
tout en accomplissant du mieux possible la mission qui est sa raison d'être,
apporte sa contribution à l'action internationale de la France dans les
domaines qui concernent les droits des citoyens.
Je voudrais dire enfin que, si le gouvernement précédent a accordé son soutien
au Médiateur de la République, notamment en l'aidant à mettre en place le
réseau des délégués et en lui permettant de renforcer les effectifs de ses
collaborateurs au siège de l'institution, je me réjouis d'avoir rapidement créé
les conditions d'une confiante collaboration avec les nouveaux responsables
gouvernementaux, particulièrement avec ceux qui ont en charge la réforme de
l'Etat, la décentralisation et la politique de la ville.
Cette continuité dans la coopération entre les hautes autorités de l'Etat et
le Médiateur de la République témoigne, s'il en était besoin, que le droit de
l'administré à être, en toutes circonstances, considéré et respecté comme un
citoyen à part entière dans ses relations avec les services publics est une de
ces valeurs de la République qui transcendent les clivages politiques.
Cette conviction, mesdames, messieurs les sénateurs, ne peut que renforcer ma
volonté et celle de mes collaborateurs de tout mettre en oeuvre pour répondre
aux attentes de nos concitoyens et aussi, sans jamais mettre en cause
l'indépendance qui est l'essence même de l'institution, pour être dignes de la
confiance des élus de la nation et des responsables de l'Etat.
(Applaudissements.)
M. le président.
Le Sénat vous donne acte de cette communication, monsieur le Médiateur de la
République.
La parole est à M. le président de la commission des lois.
M. René Garrec,
président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du
suffrage universel, du règlement et d'administration générale.
Monsieur le
président, mes chers collègues, il convient tout d'abord de saluer la
présentation qui nous a été faite aujourd'hui, et pour la deuxième année
consécutive, par le Médiateur de la République, M. Bernard Stasi, de son
rapport annuel.
Je rappellerai que la loi de 1973 eut pour origine un texte de notre excellent
collègue, de mon prédécesseur, M. Jacques Larché, à la demande du Premier
ministre, Pierre Mesmer, qui souhaitait adapter l'ombudsman institué en Suède
en 1809.
Les raisons à l'origine d'une telle création sont plus que jamais d'actualité
: nos concitoyens n'acceptent plus d'être confrontés à certaines situations, de
se heurter à des refus, justifiés parfois dans la perspective d'une stricte
application du droit, alors qu'ils ont le sentiment profond qu'une
interprétation des faits et des textes peut conduire à des solutions plus
équitables. Le besoin de justice et de proximité est très grand, comme le
montre la création des juges de proximité, dont notre assemblée débattait la
semaine dernière.
La procédure qui se déroule en cet instant s'inspire de celle qui est suivie
pour la présentation du rapport annuel de la Cour des comptes et doit permettre
de renforcer l'impact de ce rapport du Médiateur en lui donnant une plus grande
solennité.
Le Médiateur peut ainsi attirer directement l'attention des deux assemblées
sur les dysfonctionnements relevés et, le cas échéant, demander les
modifications législatives qui lui paraissent opportunes.
Vous l'avez dit, monsieur le Médiateur, le nombre de réclamations reçues
chaque année a crû de façon très sensible. Il est ainsi passé de 1 773 en 1973
à plus de 58 000 aujourd'hui.
L'activité du Médiateur a d'ailleurs encore connu une progression de 8,3 %
cette année, comme vous venez de le dire.
Dans le même temps, votre institution a connu une mutation profonde. En effet,
qui désormais s'adresse à vous ? Des citoyens souvent déboussolés par
l'évolution rapide de l'économie et par l'instabilité des normes juridiques,
qui se sentent abandonnés et risquent donc de se marginaliser. Vous les aidez à
combattre l'anonymat, l'indifférence et la précarité, vous contribuez au
remaillage du tissu social, notamment en faveur des personnes les plus
vulnérables.
Ainsi, pour mieux remplir votre mission, vous vous êtes décentralisé, puisque
vous êtes désormais assisté de 232 délégués départementaux, dans tous les
départements, dont près de la moitié sont installés dans les quartiers
difficiles afin de rétablir le dialogue entre les citoyens et l'administration.
Par ce mouvement qui vous rapproche des citoyens et de leurs problèmes, vous
apportez la preuve qu'un Etat ou qu'une institution ne peuvent normalement
accomplir leur mission qu'en se rapprochant des hommes, de leurs problèmes
quotidiens. Vous contribuez donc activement à réformer l'Etat.
Cependant, au-delà de cette première mission de traitement des réclamations
individuelles, vous vous êtes également affirmé en développant une fonction de
proposition.
Ce pouvoir de proposition constitue le complément logique de la fonction
d'intercession entre les citoyens et l'administration. Il a d'ailleurs connu un
développement significatif.
La faculté d'auto-saisine qui vous a été reconnue par la loi relative aux
droits des citoyens dans leurs relations avec l'administration en 2000, et que
le Sénat avait d'ailleurs fermement soutenue, vous a ouvert de nouvelles
perspectives.
On compte ainsi une trentaine de propositions de réforme par an, dont plus de
80 % donnent lieu à des modifications de textes législatifs ou réglementaires,
les autres étant rendues publiques après un délai fixé par vous-même.
Parmi ces propositions de réforme ayant abouti, je pense plus particulièrement
à l'indemnisation des atteintes corporelles pour les victimes d'attentats,
reprise par la loi du 6 septembre 1986 relative à la lutte contre le
terrorisme, mais aussi à l'obligation pour le parent divorcé ou séparé ayant la
garde des enfants de notifier son changement d'adresse à l'autre parent de
manière à préserver la relation de l'enfant à ses deux parents, ainsi que le
droit reconnu dans la loi portant sur la lutte contre les exclusions du 29
juillet 1998 aux personnes sans domicile fixe d'être inscrites sur les listes
électorales et d'ouvrir un compte bancaire ou postal.
Encore récemment, certaines de vos propositions ont été retenues par la loi
relative aux droits des malades de mars 2002, notamment en matière
d'indemnisation des victimes de contamination par le virus de l'hépatite C,
ainsi que de celle des accidents causés par une vaccination obligatoire des
personnels hospitaliers.
S'agissant plus particulièrement des réformes législatives introduites par le
Sénat à votre demande, je pense notamment à la disposition de la loi du 26
janvier 1984 sur l'enseignement supérieur relative aux chargés d'enseignement
venant de perdre leur emploi, à une disposition de la loi du 18 décembre 1998
relative à l'accès au droit et à la résolution amiable des conflits accordant
de plein droit le bénéfice de l'aide juridictionnelle aux anciens combattants
pour les instances portées devant les juridictions compétentes en matière de
pensions militaires.
Votre intervention, en octobre 2001, devant la délégation du Sénat aux droits
des femmes et à l'égalité entre hommes et femmes lors de l'examen du projet de
loi relatif à l'accès aux origines des personnes adoptées et des pupilles de
l'Etat a d'ailleurs bien montré votre efficacité.
Il y aurait encore bien d'autres exemples à relever.
Sans doute vos suggestions récentes, telles que l'établissement d'une peine de
travail d'intérêt général pour réprimer le défaut de permis de conduire ou
d'assurance pour les personnes peu solvables ou la réduction du montant de la
redevance de l'audiovisuel au profit des sourds et des malentendants
feront-elles prochainement l'objet d'un débat devant notre assemblée.
Nous comptons d'ailleurs sur nos bancs votre prédécesseur, notre excellent
collègue M. Jacques Pelletier, en qui vous trouvez toujours un ardent défenseur
des propositions de la Médiature et que je voulais à mon tour saluer.
Vous avez développé une activité internationale très importante, ce qui ne
manquera pas de satisfaire les Français installés à l'étranger, dont vous savez
qu'ils sont représentés au Sénat.
Le Parlement et la Médiature entretiennent des liens étroits qui ne peuvent
que se renforcer car les propositions de la Médiature constituent en définitive
une nouvelle source d'initiatives législatives qui ne peut que se développer
utilement.
Médiateur et parlementaires, il s'établit entre nous une forme de
connivence.
Les uns et les autres, nous sommes au contact de nos concitoyens. Dans la
collaboration qui s'établit entre nous, en déclenchant votre intervention, nous
agissons ensemble dans l'intérêt commun.
Je dois dire que je vous écris souvent, monsieur le Médiateur et que je dois
me féliciter de la rapidité et de l'efficacité des réponses. J'ai encore trois
courriers sur mon bureau qui attendent d'être transmis aux personnes
concernées. Par conséquent, en quelque sorte, je contribue à votre malheur !
En un peu plus d'un quart de siècle, le Médiateur est devenu une pièce
essentielle de notre vie administrative et de notre vie sociale, alors même
qu'il avait été accueilli - pourquoi ne pas le dire ? - avec scepticisme, voire
avec une certaine méfiance.
Son action a démontré qu'en respectant les prérogatives de chacun et les
équilibres nécessaires à notre organisation administrative, il permettait en
définitive à l'ensemble des citoyens de mieux voir reconnaître leurs droits et
de se défaire de ce sentiment d'isolement et de solitude qui était trop souvent
le leur.
Je ne peux à cet égard que saluer l'action de tous vos délégués, qui ont
inventé une nouvelle mission pour votre institution : l'explication pédagogique
des normes juridiques et l'orientation des citoyens, que leurs demandes
relèvent ou non de vos compétences.
Pour cela, vous me permettrez, monsieur le Médiateur, de vous remercier
personnellement, comme notre président l'a fait au nom du Sénat, et au nom de
tous mes collègues.
M. le président.
Huissiers, veuillez raccompagner M. le Médiateur de la République.
(M. le Médiateur quitte l'hémicycle.)
16
RÉMUNÉRATION AU TITRE DU PRÊT
EN BIBLIOTHÈQUE
Suite de la discussion et adoption d'un projet de loi
M. le président.
Nous reprenons la discussion du projet de loi relatif à la rémunération au
titre du prêt en bibliothèque et renforçant la protection sociale des auteurs
(n°s 271, 2001-2002).
[Rapport n° 1 (2002-2003) de M. Daniel Eckenspieller, fait au nom de la
commission des affaires culturelles.]
La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Jacques Aillagon,
ministre de la culture et de la communication.
Monsieur le président,
mesdames, messieurs les sénateurs, je voudrais simplement vous dire que j'ai
été naturellement attentif à vos interventions et que je suis très sensible au
soutien que vous avez apporté, les uns et les autres, à ce texte.
C'est un texte de continuité qui a été élaboré par le précédent ministre de la
culture s'inspirant d'une épître de saint Paul : « Examinez toutes choses,
retenez ce qui est bon », j'ai estimé que c'était un bon texte et qu'il fallait
en poursuivre l'élaboration et le défendre devant le Parlement.
C'est aussi un texte de pacification et, pour reprendre une métaphore
religieuse, je dirai que c'est quasiment comme un édit de tolérance pendant les
guerres de religion puisque ce texte tente de mettre fin à de vaines querelles
entre les éditeurs, les auteurs et les bibliothécaires, comme si les intérêts
de la lecture publique étaient antagonistes de ceux de la librairie et de
l'édition.
C'est également un texte qui marque une véritable vision des engagements
nécessaires en matière de politique culturelle puisqu'il souligne l'importance
que les bibliothèques jouent dans le dispositif culturel de notre pays.
Les bibliothèques sont parmi les plus anciennes expressions du service public
de la culture en France. Les collectivités publiques ont souhaité mettre le
savoir, l'intelligence, la connaissance, et donc l'esprit critique, à la
disposition du plus grand nombre. Elles l'ont fait en créant des bibliothèques,
qui, vous le savez, sont aujourd'hui fréquentées par un très grand nombre de
nos concitoyens.
Les bibliothèques sont des lieux de culture, mais elles sont aussi, dans une
société troublée, des lieux de sociabilité.
Ce texte traduit l'attention du Gouvernement à l'égard des auteurs et des
éditeurs dont les intérêts sont conjoints. Nous l'avons dit les uns et les
autres, il n'y a pas de création sans auteurs ni de livres sans éditeurs. Ceux
qui ont été nos interlocuteurs et nos partenaires dans l'élaboration de ce
texte en sont tout à fait conscients.
Ce texte reflète la perception très subtile de l'importance de la librairie
dans notre pays. Librairies et bibliothèques ne sont pas antagonistes. En
effet, surtout dans les villes de taille moyenne, les librairies qui subsistent
sont des lieux qui contribuent non seulement à la diffusion de la culture, de
la littérature, mais aussi à la pérennité d'une véritable vie à la fois
économique et sociale, et cela est vrai qu'il s'agisse d'une localité, d'une
commune ou d'une agglomération.
Comme je l'ai dit voilà quelques jours devant la commission des affaires
culturelles de votre assemblée, lorsque je me suis rendu dans la région
Midi-Pyrénées, dans le Rouergue très précisément, pour y rencontrer des
éditeurs et des libraires, ces derniers, ainsi que les élus, m'ont rappelé à
quel point les librairies jouaient un rôle structurant dans le développement,
dans la pérennité de la vie culturelle des régions, des départements et des
communes de notre pays.
Ce texte équilibré qui, de façon tout à fait originale, a été élaboré en
concertation avec toutes les parties prenantes, établit parfois des équilibres
impératifs, comme ceux que vous avez rappelés s'agissant de la répartition des
recettes liées à la mise en place du droit de prêt dans les bibliothèques. Mais
j'observe que, si cette répartition est aussi précise, c'est parce qu'elle
répond très profondément aux voeux des futurs bénéficiaires.
Ce texte, je le sais, ne règle pas tout. Plusieurs d'entre vous ont rappelé
des problèmes encore pendants. M. Gaillard nous l'a dit, si le texte traite du
livre, d'autres supports de diffusion du savoir, de la connaissance, des images
ne sont pas formellement concernés, mais nous en débattrons prochainement à
l'occasion de la présentation du projet de loi relatif à la transcription de la
directive du 22 mai 2001 sur le droit d'auteur dans la société de
l'information. L'année à venir sera donc riche de réflexions et de discussions
sur les droits des créateurs, des auteurs, sans oublier tous les ayants droit
dans la chaîne de production et de diffusion des oeuvres de l'esprit et de
l'art.
M. le président.
Je rappelle que la discussion générale a été close.
Nous passons à la discussion des articles.
Article 1er
M. le président.
« Art.1er. - Le code de la propriété intellectuelle est modifié ainsi qu'il
suit :
« I. - Il est ajouté au livre III un titre V ainsi rédigé :
« TITRE V
« RÉMUNÉRATION AU TITRE DU PRÊT
EN BIBLIOTHÈQUE
« Art. L. 351-1. - L'auteur d'une oeuvre de l'esprit, telle qu'elle est définie par le 1° de l'article L. 112-2, imprimée sur papier et publiée, ne peut s'opposer au prêt d'exemplaires de cette oeuvre.
« Le prêt s'entend de la mise à disposition, sans finalité lucrative et pour
un temps limité, d'une oeuvre figurant dans les collections d'une bibliothèque
recevant du public ; il exclut la consultation sur place.
« Le prêt ouvre droit à rémunération au profit de l'auteur et de l'éditeur
ayant droit de l'auteur.
« Art. L. 351-2. -
La rémunération prévue au troisième alinéa de
l'article L. 351-1 est perçue, pour le compte des auteurs et des éditeurs ayant
droit des auteurs, par une ou plusieurs des sociétés régies par le titre II du
livre III, agréées à cet effet dans des conditions définies par décret en
Conseil d'Etat et qui pourront justifier, outre des exigences requises par
l'article L. 122-12, d'une représentation équitable des auteurs et des éditeurs
parmi leurs associés et dans leurs organes dirigeants.
« Art. L. 351-3. - La rémunération prévue au troisième alinéa de l'article L. 351-1 comprend deux parts.
« La première part, assise sur le nombre d'usagers inscrits dans les
bibliothèques accueillant du public pour le prêt, à l'exception des
bibliothèques scolaires, est à la charge de l'Etat. Son mode de calcul,
forfaitaire, est fixé par décret et peut-être différent selon que l'usager est
inscrit dans une bibliothèque universitaire ou dans une autre bibliothèque.
« La seconde part est assise sur le prix public de vente des livres achetés,
pour leurs bibliothèques accueillant du public pour le prêt, par les personnes
mentionnées au
b
de l'article 3 de la loi n° 81-766 du 10 août 1981
relative au prix du livre ; elle est versée par les fournisseurs qui réalisent
ces ventes. Le taux de cette rémunération est de 6 % du prix public de
vente.
« Art. L. 351-4. -
La rémunération au titre du prêt en bibliothèque
contribue à renforcer la protection sociale des auteurs. Elle est répartie dans
les conditions suivantes :
« 1° Une première part, qui ne peut-être inférieure à la moitié du total, est
répartie à parts égales entre les auteurs et les éditeurs ayants droit des
auteurs à raison du nombre des exemplaires de chaque ouvrage achetés chaque
année, pour leurs bibliothèques accueillant du public pour le prêt, par les
personnes mentionnées au
b
de l'article 3 de la loi n° 81-766 du 10 août
1981 relative au prix du livre ;
« 2° Une seconde part est affectée à la prise en charge d'une fraction des
cotisations dues au titre de la retraite complémentaire par les auteurs d'une
oeuvre de l'esprit définie au 1° de l'article L. 112-2 du code de la propriété
intellectuelle, affiliés au régime général en application de l'article L. 382-1
du code de la sécurité sociale. Cette fraction ne pourra excéder la moitié des
cotisations dues en application de l'article L. 382-12 du code de la sécurité
sociale. »
« II. - L'article L. 335-4 est complété par les dispositions suivantes :
« Est puni d'une peine d'amende de 100 000 EUR le fait de ne pas verser la
rémunération due à l'auteur et à l'éditeur ayant droit de l'auteur au titre du
prêt en bibliothèque et prévue au troisième alinéa de l'article L. 351-3. »
« III. - L'article L. 811-1 est remplacé par les dispositions suivantes :
«
Art. L. 811-1. -
Les dispositions du présent code sont applicables à
Mayotte à l'exception du quatrième alinéa de l'article L. 335-4 et des articles
L. 351-1 à L. 351-4 et sous réserve des adaptations prévues aux articles
suivants. Sous la même réserve, elles sont applicables en Polynésie française,
dans les îles Wallis et Futuna, dans les terres Australes et Antarctiques
françaises et en Nouvelle-Calédonie à l'exception du quatrième alinéa de
l'article L. 335-4 et des articles L. 351-1 à L. 351-4, L. 421-1 à L. 422-10 et
L. 423-2. »
L'amendement n° 1, présenté par M. Eckenspieller, au nom de la commission, est
ainsi libellé :
« Rédiger ainsi les trois premiers alinéas du I de cet article :
« Le titre III du livre Ier est complété par un chapitre III ainsi rédigé :
« Chapitre III
« Rémunération au titre du prêt en bibliothèque. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Daniel Eckenspieller,
rapporteur de la commission des affaires culturelles.
Le projet de loi
vise à insérer le dispositif relatif au droit de prêt au sein du livre III du
code de la propriété intellectuelle. Ce livre comporte des dispositions
communes au droit d'auteur et aux droits voisins auxquelles ont été ajoutées,
en 1998, celles qui sont relatives aux droits des producteurs de bases de
données.
Aucun argument ne justifie cette insertion alors que le dispositif relatif au
droit de prêt est relatif aux conditions d'exercice d'un droit d'auteur et ne
concerne en aucun cas les droits voisins. Je vous propose donc d'insérer ce
dispositif au sein du livre premier du code consacré au droit d'auteur sous la
forme d'un chapitre nouveau qui viendra compléter le titre III relatif à
l'exploitation des droits.
L'adoption de cet amendement entraînera une modification de la numérotation
des articles que le projet de loi vise à insérer dans le code.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Jacques Aillagon,
ministre.
Favorable.
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° 1.
(L'amendement est adopté.)
ARTICLE L. 351-1
DU CODE DE LA PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE
M. le président.
Je suis saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion
commune.
L'amendement n° 2 rectifié, présenté par M. Eckenspieller, au nom de la
commission, est ainsi libellé :
« Rédiger ainsi le texte proposé par le I de cet article pour l'article L.
351-1 du code de la propriété intellectuelle :
«
Art. L. 133-1. -
Lorsqu'une oeuvre a fait l'objet d'un contrat
d'édition en vue de sa publication et de sa diffusion sous forme de livre,
l'auteur ne peut s'opposer au prêt d'exemplaires de cette édition par une
bibliothèque accueillant du public.
« Ce prêt ouvre droit à rémunération au profit de l'auteur. Les conventions
relatives au partage de cette rémunération entre l'auteur et l'éditeur ne
peuvent prévoir d'attribuer à l'éditeur une part excédant la moitié du montant
visé au deuxième alinéa (1°) de l'article L. 133-4. »
L'amendement n° 28, présenté par MM. Renar et Ralite, Mme David, M. Autain et
les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
« Dans le dernier alinéa du texte proposé par le I de cet article pour
l'article L. 351-1 du code de la propriété intellectuelle, après les mots : "de
l'auteur", insérer les mots : ", du traducteur". »
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 2 rectifié.
M. Daniel Eckenspieller,
rapporteur.
Outre des précisions rédactionnelles, cette nouvelle
rédaction a deux objectifs : d'une part, préciser le champ d'application de la
licence légale et, d'autre part, dissiper l'ambiguïté que laisse subsister le
projet de loi sur l'identité du titulaire du droit à rémunération.
En effet, le projet de loi définit le champ de la licence légale par référence
aux oeuvres visées par le 2° de l'article L. 112-2 du code de la propriété
intellectuelle, c'est-à-dire « les livres, brochures, et autres écrits
littéraires, artistiques et scientifiques ».
Cette référence est à la fois source d'incertitude, notamment en ce qui
concerne le régime applicable à la presse et aux revues, et trop limitative en
excluant des oeuvres qui, bien que mentionnées dans d'autres alinéas de cet
article, telles les oeuvres photographiques, peuvent être imprimées et publiées
sous forme de livres.
Je vous proposerai donc de viser les oeuvres ayant fait l'objet d'un contrat
d'édition en vue de leur publication et de leur diffusion sous forme de livre,
ce qui a le mérite de la clarté et écarte l'édition de presse du champ de la
licence légale.
En prévoyant que « le prêt ouvre droit à rémunération au profit de l'auteur et
de l'éditeur ayant droit de l'auteur », le projet de loi introduit une
confusion à deux titres.
Il laisse à penser que l'auteur pourrait céder son droit de prêt à l'éditeur,
ce qui est exclu dans un mécanisme de licence légale qui prive l'auteur de
l'usage du droit exclusif.
Par ailleurs, il pourrait être interprété comme reconnaissant un droit propre
à l'éditeur, ce qui n'entre dans les intentions ni des rédacteurs du projet de
loi ni des éditeurs.
Afin de dissiper ces ambiguïtés, je vous proposerai donc d'affirmer que le
droit à la rémunération est reconnu au bénéfice du seul auteur. Il ne peut en
être autrement dans la mesure où la rémunération vient compenser
l'impossibilité pour l'auteur d'exercer son droit exclusif.
Pour autant, la commission des affaires culturelles n'a pas contesté la
légitimité d'un partage de la rémunération entre l'auteur et l'éditeur.
Simplement ce partage ne peut s'effectuer que dans le cadre conventionnel, en
pratique dans celui du contrat d'édition.
Dans le souci de garantir les droits des auteurs dans une négociation où les
rapports de force peuvent jouer à leur désavantage, il semble préférable de
prévoir que la part revenant à l'éditeur ne peut excéder la moitié du montant
total perçu par l'auteur.
En pratique, le mécanisme que je vous propose aboutira au même résultat que
celui qui est prévu par le projet de loi.
En effet, il est vraisemblable qu'une clause sera introduite dans le contrat
type de l'édition afin de prévoir un partage de la rémunération dont les
conditions ne seront probablement pas différentes de celles qui sont prévues
par le texte qui nous est soumis.
La rédaction proposée par l'amendement a le mérite, me semble-t-il, d'être en
cohérence avec les dispositions du code de la propriété intellectuelle
relatives au droit d'auteur. Par ailleurs, elle s'avère plus protectrice pour
les auteurs, car l'éditeur ne pourra exiger, dans le cadre du contrat
d'édition, que l'auteur lui rétrocède sa part de rémunération.
Enfin, je relève que cette rédaction ne reprend pas la définition du prêt
empruntée à la directive du 19 novembre 1992 dans la mesure où le code civil
suffit à le distinguer d'autres formes d'usage.
M. le président.
La parole est à M. Ivan Renar, pour présenter l'amendement n° 28.
M. Ivan Renar.
En fait, pour ne pas abuser de la patience de mes collègues, je défendrai les
trois amendements relatifs aux traducteurs, même s'ils concernent différents
articles du code de la propriété intellectuelle.
Les traducteurs sont considérés comme les auteurs de la traduction et je pense
à la Société des gens de lettres. Les discussions que nous avons pu avoir avec
les traducteurs, qu'ils fassent partie de l'Association des traducteurs
littéraires de France, de la Société française des traducteurs, ou d'autres
encore, ou qu'ils ne soient pas organisés, nous ont fait prendre conscience de
la particularité de ces auteurs de textes écrits et de leur difficulté à faire
entendre, reconnaître et exécuter leurs droits auprès des éditeurs en
particulier. Comprenez-le bien, il s'agit non pas ici de revenir sur le
consensus auquel est parvenu le Gouvernement pour élaborer ce projet de loi,
mais de faire apparaître clairement un des acteurs fort de la circulation de
l'écrit dans la chaîne du livre.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Daniel Eckenspieller,
rapporteur.
L'amendement n° 28 est incompatible avec l'amendement n° 2
rectifié de la commission.
Je ferai toutefois observer que les traducteurs ont incontestablement la
qualité d'auteur, de même que les illustrateurs ou encore les commentateurs
qui, si l'amendement était adopté, se trouveraient exclus du bénéfice du
dispositif proposé dans le projet de loi.
La préoccupation des auteurs de l'amendement est en fait satisfaite par la
rédaction de l'amendement de la commission, lequel vise toutes les catégories
d'auteur. A la page 16 de mon rapport, je me réfère de manière explicite aux
traducteurs pour distinguer leur situation de celle des illustrateurs et des
photographes qui disposent déjà d'un régime de retraite complémentaire.
Enfin, l'amendement n° 3 de la commission, qui vise à exiger pour l'agrément
des sociétés de perception et de répartition des droits que soit respectée la
diversité des associés, répond précisément au souci de voir représentées les
différentes catégories d'auteurs, traducteurs compris.
Par conséquent, la commission émettrait un avis défavorable à l'amendement n°
28 si M. Renar ne le retirait pas.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Jacques Aillagon,
ministre.
L'amendement n° 2 rectifié améliore la rédaction du projet de
loi, notamment en ce qui concerne la définition du type d'oeuvres ouvrant droit
à rémunération et l'articulation avec la notion de livre en tant que support
servant d'assiette à cette rémunération.
Le Gouvernement considère que, dans cette définition, la notion de livre
recoupe celle de la loi du 10 août 1981 relative au prix du livre. Néanmoins,
la définition du prêt figurant au deuxième alinéa du texte du Gouvernement, si
elle n'est pas strictement nécessaire à l'application de cette loi, permet de
mieux encadrer l'activité des bibliothèques.
Par ailleurs, l'amendement n° 2 rectifié touche à des points essentiels à
l'équilibre du projet de loi, à savoir la répartition de la rémunération entre
auteurs et éditeurs et le versement d'une partie de la rémunération aux
éditeurs, versement justifié par le risque économique qu'ils assument et par
les usages en cours dans la profession, qui les font bénéficier de la moitié
des droits dérivés de l'exploitation de l'oeuvre. En fixant par la loi une clé
de répartition, l'intention du Gouvernement, en accord avec les auteurs
eux-mêmes, était d'éviter des négociations, sans doute longues et difficiles,
avec les éditeurs, qui pourraient conduire à bloquer ou ralentir le versement
effectif des droits.
Ayant appelé votre attention sur les difficultés que suscite cette rédaction,
le Gouvernement s'en remet toutefois, à ce stade de l'examen du projet de loi,
à la sagesse du Sénat.
Sur l'amendement n° 28, je me range à l'analyse de M. le rapporteur. Les
traducteurs, qui, étant des auteurs à part entière, font l'objet de la plus
grande attention de la part du ministère de la culture, sont concernés par ce
projet de loi. Il n'y a donc pas lieu de prévoir d'aménagement particulier en
leur faveur, leurs droits étant totalement pris en compte et défendus.
M. le président.
La parole est à Mme Danièle Pourtaud contre l'amendement n° 2 rectifié.
Mme Danièle Pourtaud.
Malgré les explications de M. le rapporteur, je continue à craindre que la
rédaction qu'il propose ne remette en cause le principe de la licence légale ou
qu'elle ne fasse cohabiter deux régimes - d'un côté licence légale, de l'autre
côté convention, contrat d'édition - qui ne pourront que difficilement
coexister.
Par ailleurs, je demande à M. le rapporteur ce qu'il adviendra des contrats
d'édition déjà signés, déjà en cours, s'il n'y a plus de licence légale. Je
crains qu'un tel dispositif n'affaiblisse la portée juridique du projet de loi.
C'est la raison pour laquelle il est préférable, me semble-t-il, de s'en tenir
à la rédaction initiale.
M. le président.
La parole est à Ivan Renar.
M. Ivan Renar.
Je vais me rendre aux arguments développés avec une patience inlassable par M.
le rapporteur. Il a tout fait pour m'expliquer que j'avais tort, mais il a bien
compris que l'amendement n° 28 était un texte de témoignage, en quelque sorte,
pour les traducteurs. Je ne veux pas prendre le risque de rouvrir un débat
complexe. Par conséquent, je voterai l'amendement n° 2 rectifié présenté par la
commission et je retire les amendements n°s 28 et 29.
M. le président.
L'amendement n° 28 est retiré.
Je mets aux voix l'amendement n° 2 rectifié.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, le texte proposé pour l'article L. 351-1 du code de la
propriété intellectuelle est ainsi rédigé.
ARTICLE L. 351-2
DU CODE DE LA PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE
M. le président.
Je suis saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion
commune.
L'amendement n° 3, présenté par M. Eckenspieller, au nom de la commission, est
ainsi libellé :
« Rédiger ainsi le texte proposé par le I de cet article pour l'article L.
351-2 du code de la propriété intellectuelle :
«
Art. L. 133-2
. - La rémunération prévue par l'article L. 133-1 est
perçue par une ou plusieurs des sociétés de perception et de répartition des
droits régies par le titre II du livre III et agréées à cet effet par le
ministre chargé de la culture.
« L'agrément prévu au premier alinéa est délivré en considération :
« - de la diversité des associés ;
« - de la qualification professionnelle des dirigeants ;
« - des moyens que la société propose de mettre en oeuvre pour assurer la
perception et la répartition de la rémunération au titre du prêt en
bibliothèque ;
« - de la représentation équitable des auteurs et des éditeurs parmi ses
associés et au sein de ses organes dirigeants.
« Un décret en Conseil d'Etat fixe les conditions de délivrance et de retrait
de cet agrément. »
L'amendement n° 29, présenté par MM. Renar et Ralite, Mme David, M. Autain et
les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
« I. - Dans le texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 351-2
du code de la propriété intellectuelle, après les mots : "pour le compte des
auteurs", insérer les mots : "des traducteurs".
« II. - Dans le même texte, après les mots : "équitable des auteurs", insérer
les mots : "des traducteurs". »
Je rappelle que l'amendement n° 29 a été précédemment retiré par son
auteur.
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l'amendement n° 3.
M. Daniel Eckenspieller,
rapporteur.
Cet amendement tend à préciser les critères d'octroi de
l'agrément des sociétés appelées à percevoir et à répartir la rémunération au
titre du droit de prêt. En effet, la référence faite par le projet de loi aux
exigences requises par l'article L. 122-12 du code de la propriété
intellectuelle n'est pas pertinente dans la mesure où certaines d'entre elles
sont propres au droit de reproduction par reprographie.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Jacques Aillagon,
ministre.
Favorable.
M. le président.
La parole est à M. Michel Charasse, pour explication de vote.
M. Michel Charasse.
Sauf erreur de ma part, pour la première fois, on voit apparaître, en ce qui
concerne les sociétés de perception, un régime d'agrément. C'est une grande
nouveauté, monsieur le rapporteur ! En effet, jusqu'à présent, le ministre
était plutôt muet à cet égard : on lui envoyait les documents et il en prenait
acte, sans plus.
La commission que nous avons créée ici - le texte a été définitivement adopté
en 2000 - qui est en place et qui est présidée par un magistrat de la Cour des
comptes qui contrôle les sociétés de droit, aura compétence pour contrôler les
sociétés qui sont visées dans le présent texte.
Certes, j'aurais pu proposer un sous-amendement, mais je ne veux pas encombrer
le débat. L'amendement n° 3 de notre rapporteur prévoit
in fine
qu'un
décret en Conseil d'Etat fixe les conditions de délivrance et de retrait de cet
agrément. Dès lors, est-il impensable d'imaginer qu'avant d'accorder l'agrément
on puisse consulter le dernier rapport de la commission dont je parlais il y a
un instant ou la commission elle-même en ce qui concerne la gestion de la
société, même si ce cela ne figure pas dans la loi ? Si, véritablement, sa
gestion financière fait l'objet de critiques lourdes, ce pourrait être un motif
de ne pas accorder l'agrément. Rien, me semble-t-il, n'interdit de prévoir dans
le décret la consultation de cette commission.
M. le président.
Sauf avis contraire, on peut estimer que l'interprétation donnée par M.
Charasse est à considérer comme applicable.
Je mets aux voix l'amendement n° 3.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, le texte proposé pour l'article L. 351-2 du code de la
propriété intellectuelle est ainsi rédigé.
ARTICLE L. 351-3
DU CODE DE LA PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE
M. le président.
L'amendement n° 4, présenté par M. Eckenspieller, au nom de la commission, est
ainsi libellé :
« Au début du huitième alinéa du I de cet article, remplacer la référence :
"L. 351-3" par la référence : "L. 133-3". »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Daniel Eckenspieller,
rapporteur.
Il s'agit d'un amendement de conséquence.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Jacques Aillagon,
ministre.
Favorable.
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° 4.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
L'amendement n° 5, présenté par M. Eckenspieller, au nom de la commission, est
ainsi libellé :
« Au premier alinéa du texte proposé par le I de cet article pour l'article L.
351-3 du code de la propriété intellectuelle, remplacer les mots : "au
troisième alinéa de l'article L. 351-1" par les mots : "au second alinéa de
l'article L. 133-1" ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Daniel Eckenspieller,
rapporteur.
C'est un amendement de coordination.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Jacques Aillagon,
ministre.
Favorable.
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° 5.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
L'amendement n° 6, présenté par M. Eckenspieller, au nom de la commission, est
ainsi libellé :
« Rédiger ainsi le deuxième alinéa du texte proposé par le I de cet article
pour l'article L. 351-3 du code de la propriété intellectuelle :
« La première part, à la charge de l'Etat, est assise sur une contribution
forfaitaire par usager inscrit dans les bibliothèques accueillant du public
pour le prêt, à l'exception des bibliothèques scolaires. Un décret fixe le
montant de cette contribution, qui peut être différent pour les bibliothèques
des établissements d'enseignement supérieur, ainsi que les modalités de
détermination du nombre d'usagers inscrits à prendre en compte pour le calcul
de cette part. »
Le sous-amendement n° 26 rectifié, présenté par Mmes Pourtaud et Blandin, MM.
Dauge, Godefroy, Lagauche, Todeschini, Weber et les membres du groupe
socialiste et apparenté, est ainsi libellé :
« Compléter le texte proposé par l'amendement n° 6 pour le deuxième alinéa du
texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 351-3 du code de la
propriété intellectuelle par la phrase suivante : "Ce décret s'appliquera au
premier jour du deuxième mois suivant la publication de la présente loi au
Journal officiel
." »
La parole et à M. le rapporteur, pour présenter l'amendement n° 6.
M. Daniel Eckenspieller,
rapporteur.
Cet amendement tend à préciser la rédaction des dispositions
relatives aux modalités de calcul de la part de la rémunération à la charge de
l'Etat qui sera versée chaque année sur la base d'une contribution forfaitaire
par usager inscrit dans les bibliothèques accueillant du public pour le prêt.
C'est non pas le calcul qui est forfaitaire, mais la dotation annuelle par
abonné.
M. le président.
La parole est à M. Jean-Marc Todeschini, pour présenter le sous-amendement n°
26 rectifié.
M. Jean-Marc Todeschini.
Le projet de loi prévoit une rémunération des auteurs et éditeurs pour le prêt
en bibliothèque de leurs oeuvres. Il prévoit également d'affecter une partie
des fonds ainsi dégagés pour abonder les cotisations dues au titre de la
retraite complémentaire des auteurs.
Le législateur a souhaité que le prêt soit payé selon deux sources : d'abord,
une taxe de 6 % assise sur le prix des ventes des ouvrages aux bibliothèques et
versée par les grossistes et les libraires ; ensuite, une part forfaitaire
versée par l'Etat qui sera fonction chaque année du nombre d'usagers des
bibliothèques et pourra varier selon qu'il s'agit d'une bibliothèque
universitaire ou non.
Le dernier article de la loi prévoit une application quasi immédiate du
dispositif, tempérée par notre rapporteur : il a préféré, par réalisme,
différer l'entrée en vigueur des dispositions au premier jour du deuxième mois
suivant la publication de la loi au
Journal officiel.
Des fonds permettant de fournir une rémunération et une retraite
complémentaire aux auteurs - et éditeurs, dans le premier cas - devraient donc
être très rapidement dégagés au titre du prêt en bibliothèque, du moins pour ce
qui concerne la part à la charge des fournisseurs.
La part de l'Etat n'est, pour le moment, que posée dans son principe par le
projet de loi. En effet, c'est un décret d'application qui, aux termes de
l'article L. 351-3, fixera son mode de calcul et ses modalités de versement. Je
ne veux pas présupposer de la mauvaise volonté du pouvoir réglementaire, mais
vous savez tout aussi bien que moi que les décrets d'application des lois
mettent souvent des mois, voire des années, à être pris, quand ils le sont !
Seule la part à la charge des fournisseurs sera immédiatement applicable. Elle
ne permettra pas de fournir, à elle seule, une rémunération satisfaisante aux
bénéficiaires de ce droit.
De plus, sera ainsi créée une inégalité, même momentanée, entre les deux
parties au « prêt payé » et par rapport aux personnes morales gérant des
bibliothèques, qui se verront immédiatement appliquer un plafonnement - certes
progressif la première année - des réductions consenties pour l'acquisition des
ouvrages destinés au prêt.
Notre amendement tend donc à prévoir que le décret précisant les modalités de
calcul et de versement de la part de l'Etat sera pris dans les meilleurs
délais, c'est-à-dire à la même date que celle qui est prévue pour l'entrée en
vigueur des dispositions de la loi ne nécessitant pas d'intervention du pouvoir
réglementaire pour être applicables.
Pour toutes ces raisons, je vous demande de bien vouloir adopter le présent
sous-amendement.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Daniel Eckenspieller,
rapporteur.
Le fonds qui servira à alimenter la rémunération des auteurs
est abondé par deux sources : une dotation de l'Etat et une participation de 6
% des fournisseurs. La participation des fournisseurs entrera automatiquement
en application par la promulgation de la loi, alors que la dotation de l'Etat
dépendra de la publication d'un décret.
Les auteurs du sous-amendement n° 26 rectifié semblent craindre que le décret
qui fixe le montant et les modalités de la part de la rémunération incombant à
l'Etat ne soit jamais publié ou que sa publication ne soit différée et qu'en
conséquence la charge du droit de prêt ne repose sur le seul prélèvelement de 6
% versé par les fournisseurs.
Cette crainte paraît très largement infondée et l'on sait déjà que le projet
de loi de finances prévoit des mesures nouvelles destinées à tenir compte du
coût que doit assumer l'Etat au titre de la contribution forfaitaire.
Par ailleurs, la disposition prévue dans ce sous-amendement constitue une
injonction et ne relève donc pas de la compétence législative.
Je pense que les uns et les autres souhaitent simplement que M. le ministre
nous apporte l'assurance que le décret sera signé dans des délais convenables
et que, par voie de conséquence, la loi pourra entrer en application dans sa
totalité dans les délais les plus brefs possibles.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Jacques Aillagon,
ministre.
En ce qui concerne le sous-amendement n° 26 rectifié, j'observe
que la dissymétrie, en termes de calendrier, entre les deux modes de
financement du droit de prêt n'est qu'apparente. Le plafonnement des rabais
s'applique, certes, dès l'entrée en vigueur de la loi, mais il ne produit ses
effets pour les établissements acquéreurs qu'au fur et à mesure de l'expiration
des marchés en cours.
De même, l'Etat, quelle que soit la date de parution du décret fixant le mode
de calcul de sa contribution, ne pourra verser cette dernière qu'à la première
échéance.
En revanche, le calcul de la contribution de l'Etat partira bien du jour de
l'entrée en vigueur de la loi, comme le rend d'ailleurs possible la mesure
nouvelle prévue dans le projet de loi de finances pour 2003, tant au budget du
ministère de la culture et de la communication pour les bibliothèques de prêt,
qu'au budget du ministère de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la
recherche pour les bibliothèques univesitaires.
Le sous-amendement n° 26 rectifié me paraît donc inopérant pour accélérer le
versement à la charge de l'Etat qui, en tout état de cause, pourra intervenir
avant la mise en oeuvre complète du prêt payé à l'achat par les
fournisseurs.
J'émets donc un avis défavorable sur ce sous-amendement.
Le Gouvernement est favorable à l'amendement n° 6. La rédaction proposée est
en effet plus simple que celle qui figure dans le projet de loi et je remercie
la commission de sa contribution à la clarification du texte.
M. le président.
Monsieur Todeschini, le sous-amendement n° 26 rectifié est-il maintenu ?
M. Jean-Marc Todeschini.
A la suite des précisions apportées par M. le ministre, nous retirons ce
sous-amendement.
M. le président.
Le sous-amendement n° 26 rectifié est retiré.
Je mets aux voix l'amendement n° 6.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
L'amendement n° 7, présenté par M. Eckenspieller, au nom de la commission, est
ainsi libellé :
« Rédiger ainsi le début de la première phrase du troisième alinéa du texte
proposé par le I de cet article pour l'article L. 351-3 du code de la propriété
intellectuelle :
« La seconde part est assise sur le prix public de vente des livres achetés
pour être prêtés par les personnes morales mentionnées au troisième alinéa (2°)
de l'article 3 de la loi n° 81-766 du 10 août 1981 relative au prix du livre ;
elle est versée... »
Le sous-amendement n° 37, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
« Dans le texte proposé par l'amendement n° 7, après les mots : "sur le prix
public de vente", insérer les mots : "hors taxes". »
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l'amendement n° 7.
M. Daniel Eckenspieller,
rapporteur.
Il s'agit d'un amendement de clarification.
La formulation retenue par le projet de loi risque d'exclure du champ du
prélèvement certaines bibliothèques, en particulier les bibliothèques de
fondations, ce qui ne semble pas justifié au regard des intentions des
rédacteurs du texte.
La rédaction proposée permet de viser toutes les bibliothèques accueillant du
public qui achètent des livres pour les prêter, quel que soit leur statut. Elle
tient compte de la nouvelle rédaction que je vous proposerai à l'article 4 du
projet de loi pour l'article 3 de la loi du 10 août 1981.
M. le président.
La parole est à M. le ministre, pour présenter le sous-amendement n° 37 et
pour donner l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 7.
M. Jean-Jacques Aillagon,
ministre.
Il convient de préciser, au niveau de la loi, la situation de
la rémunération assise sur le prix public de vente des livres achetés pour le
prêt à l'égard de la TVA. En effet, le dispositif ne doit pas léser les
fournisseurs. C'est la raison pour laquelle le versement, par ces derniers, de
6 % du prix public doit être calculé sur une base hors taxe. A défaut, les
fournisseurs acquitteraient une TVA sur un prix public taxe comprise sur lequel
la TVA a déjà été prélevée. Tel est l'objet du sous-amendement n° 37.
Par ailleurs, le Gouvernement est favorable à l'amendement n° 7.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Daniel Eckenspieller,
rapporteur.
Il apporte une précision utile. Par conséquent, la commission
émet un avis favorable.
M. le président.
Je mets aux voix le sous-amendement n° 37.
(Le sous-amendement est adopté.)
M. le président.
La parole est à Mme Danièle Pourtaud, pour explication de vote, sur
l'amendement n° 7.
Mme Danièle Pourtaud.
En fait, je ne suis pas certaine que l'amendement n° 7 soit d'une mise en
oeuvre très aisée. Si effectivement les bibliothèques achètent principalement
des livres pour les prêter, il leur est tout à fait habituel d'acheter des
livres destinés à être consultés sur place. Aussi, limiter le champ
d'application de la loi aux livres achetés pour être prêtés risque d'aboutir à
un véritable casse-tête pour ceux qui auront à trier les livres selon qu'ils
supporteront ou non la taxe. Par conséquent, nous sommes plutôt contre cet
amendement.
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° 7, modifié.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
L'amendement n° 30, présenté par MM. Renar et Ralite, Mme David, M. Autain et
les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
« Dans la première phrase du dernier alinéa du texte proposé par le I de cet
article pour l'article L. 351-3 du code de la propriété intellectuelle, après
les mots : "elle est versée par", insérer les mots : "les distributeurs et
par". »
La parole est à M. Ivan Renar.
M. Ivan Renar.
Le distributeur est le professionnel du livre qui passe contrat avec l'éditeur
pour diffuser les stocks imprimés dans les réseaux dont il a la maîtrise et
avec lesquels il a passé des accords, en particulier les libraires.
La chaîne du livre est devenue plus complexe pour ce qui est de
l'approvisionnement des points de vente ou d'exploitation du livre. Les
distributeurs doivent donc figurer, au même titre que les fournisseurs et les
grossistes.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Daniel Eckenspieller,
rapporteur.
L'amendement ne correspond pas à l'objectif fixé, à savoir la
compensation du coût du plafonnement des rabais pour les collectivités rurales.
En effet, le montant du prélèvement n'est pas modifié - il reste fixé à 6 % -,
l'amendement précisant seulement qu'il est assuré, certes par les fournisseurs,
mais également par les distributeurs - catégorie dont on ne voit pas très
exactement ce qu'elle recouvre - et d'ailleurs selon des modalités qui ne sont
pas précisées.
La commission, qui s'est interrogée sur la portée exacte du dispositif
proposé, a demandé aux auteurs de bien vouloir retirer leur amendement sur
lequel, à défaut, elle ne pourra pas émettre un avis favorable.
M. le président.
Monsieur Renar, l'amendement n° 30 est-il maintenu ?
M. Ivan Renar.
Je dois faire amende honorable, monsieur le président ; je préfère en rire
puisque, vous le savez, je suis du parti d'en rire avant tout.
(Rires.)
J'avais, en effet, promis à mes collègues, ce matin, lorsque nous avons examiné
cet amendement en commission, que je le retirerais. Toutefois, perdu dans mon
aventure de porteur de banderole, je l'avais maintenu. Je le retire donc
maintenant.
M. le président.
Une promesse est donc ainsi tenue !
(Sourires.)
L'amendement n° 30 est retiré.
L'amendement n° 31, présenté par MM. Renar et Ralite, Mme David, M. Autain et
les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
« I. - Compléter le texte proposé par le I de cet article pour l'article L.
351-3 du code de la propriété intellectuelle par l'alinéa suivant :
« Les collectivités locales recevront de l'Etat une compensation budgétaire
équivalant aux investissements nécessaires.
« II. - Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
« ... - Le droit de timbre sur les opérateurs en bourse est augmenté à due
concurrence de la compensation budgétaire prévue à l'article L. 351-3 du code
de la propriété intellectuelle. »
La parole est à M. Ivan Renar.
M. Ivan Renar.
Tout à l'heure, dans la discussion générale, j'ai plaidé pour les
collectivités territoriales, en particulier les municipalités, qui consacrent
une part substantielle de leur budget, tant en investissement qu'en
fonctionnement, à la bonne marche des bibliothèques et au développement de la
lecture publique. Le plafonnement prévu du rabais doit entraîner des dépenses
nouvelles. Or il a toujours été compris que l'Etat devait assurer la cohérence
territoriale et le développement des réseaux de lecture publique. Il serait
donc bon que les collectivités locales soient soulagées de ces nouvelles
charges, et ce n'est pas notre président de séance, par ailleurs également
président de l'Association des maires de France, qui me contredira.
M. le président.
Vous me prenez par les sentiments, monsieur Renar !
M. Ivan Renar.
Vous aurez remarqué que j'ai gagé cet amendement sur la spéculation en bourse
!
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Daniel Eckenspieller,
rapporteur.
Nous tous ici, élus locaux, partageons les mêmes
préoccupations. L'amendement n° 31 prévoit un mécanisme de compensation, pour
les collectivités locales, du coût du plafonnement des rabais.
Sur le principe de la compensation, j'observe que le projet de loi repose sur
un équilibre, créant, pour les différents acteurs concernés à la fois des
droits, s'agissant des auteurs, des éditeurs, des libraires et, bien sûr, des
usagers des bibliothèques, mais également des obligations, pour l'Etat et pour
les collectivités territoriales.
Nous avons accepté cet équilibre. Les charges incombant aux collectivités ne
résultent pas, en l'occurrence, d'un transfert de compétences, mais sont la
conséquence de la compétence qu'elles détiennent dans le domaine de la lecture
publique.
S'agissant du dispositif lui-même, on peut s'interroger sur sa recevabilité
comme, d'ailleurs, sur les modalités de calcul des sommes ouvrant droit à
compensation.
Enfin, je note, accessoirement, que les achats de livres constituent non pas
une dépense d'investissement mais une dépense de fonctionnement.
Donc, tout en prenant acte du souci louable des auteurs de l'amendement -
souci qui est, d'ailleurs, partagé -, la commission a, pour des raisons que
j'ai indiquées, donné un avis défavorable.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Jacques Aillagon,
ministre.
L'Etat, pour sa part, assume l'intégralité du prêt payé
forfaitaire, et l'ensemble des collectivités et organismes dont relèvent les
établissements acquéreurs se partagent la charge du prêt payé à l'achat, y
compris l'Etat lui-même pour ses propres bibliothèques. Il m'aurait été
infiniment agréable de faire plaisir à votre collègue Ivan Renar, mais j'ai le
grand regret de devoir me ranger à l'avis de la commission.
Je le disais tout à l'heure, ce projet de loi est un texte d'équilibre, jusque
dans le partage, entre les collectivités publiques, de la charge de la mise en
place du droit de prêt dans les bibliothèques. L'Etat y contribue, les
collectivités locales également et les fournisseurs sont, eux aussi, mis à
contribution. Il convient donc de ne pas compromettre cet équilibre, qui me
semble, au demeurant, aussi légitime que judicieux.
M. le président.
La parole est à M. Michel Charasse pour explication de vote.
M. Michel Charasse.
Monsieur le président, je profite d'une façon un peu coquine de ce que le
président de l'Association des maires de France est muet, lui qui, en cet
instant, occupe le fauteuil de la présidence
(Sourires)
pour dire à
notre collègue et ami rapporteur que les achats de livres ne sont pas un
investissement, sauf le premier achat, lors de la création de la bibliothèque.
Dans ce cas, au départ, la bibliothèque comporte forcément une dotation de
livres que nous avons toujours admise au titre du fonds de compensation pour la
TVA.
Je ne voulais pas laisser subsister cette ambiguïté. Le rapporteur le sait,
naturellement, mais il vaut mieux que les choses soient dites plus
clairement.
M. Daniel Eckenspieller,
rapporteur.
Merci, mon cher collègue.
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° 31.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
Je mets aux voix, modifié, le texte proposé pour l'article L. 351-3 du code de
la propriété intellectuelle.
(Ce texte est adopté.)
ARTICLE L. 351-4
DU CODE DE LA PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE
M. le président.
Je suis saisi de trois amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion
commune.
L'amendement n° 8, présenté par M. Eckenspieller, au nom de la commission, est
ainsi libellé :
« Rédiger ainsi le texte proposé par le I de cet article pour l'article L.
351-4 du code de la propriété intellectuelle :
«
Art. L. 133-4. -
La rémunération au titre du prêt en bibliothèque est
répartie dans les conditions suivantes :
« 1° Une première part est répartie entre les auteurs et, le cas échéant, les
éditeurs de leurs oeuvres conformément aux conventions visées au second alinéa
de l'article L. 133-1 et à raison du nombre d'exemplaires de ces oeuvres
achetés chaque année pour le prêt par les personnes morales visées au troisième
alinéa (2°) de l'article 3 de la loi n° 81-766 du 10 août 1981 précitée,
déterminé sur la base des informations qu'elles fournissent à la ou aux
sociétés mentionnées à l'article L. 133-2 ;
« 2° Une seconde part, qui ne peut excéder la moitié du total, est affectée à
la prise en charge d'une fraction des cotisations dues au titre de la retraite
complémentaire par les personnes visées au second alinéa de l'article L. 382-12
du code de la sécurité sociale. »
L'amendement n° 32, présenté par MM. Renar et Ralite, Mme David, M. Autain et
les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
« Dans le deuxième alinéa (1°) du texte proposé par le I de cet article pour
l'article L. 351-4 du code de la propriété intellectuelle, remplacer les mots :
"à parts égales" par les mots : "à 75 % et 25 %". »
L'amendement n° 33, présenté par MM. Renar et Ralite, Mme David, M. Autain et
les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
« Dans le deuxième alinéa (1°) du texte proposé par le I de cet article pour
l'article L. 351-4 du code de la propriété intellectuelle, après les mots :
"entre les auteurs", insérer les mots : "les traducteurs,". »
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l'amendement n° 8.
M. Daniel Eckenspieller,
rapporteur.
Cet amendement prévoit une nouvelle rédaction pour les
dispositions relatives à la répartition des sommes perçues au titre du droit de
prêt. Il précise que la répartition de la première part de la rémunération
s'effectue entre auteurs et éditeurs conformément aux conventions passées à
cette fin et sur la base des informations fournies par les bibliothèques à la
ou aux sociétés de perception et de répartition agréées.
Cette rédaction ne reprend pas la précision selon laquelle la fraction des
cotisations financée par le droit de prêt ne peut excéder 50 % du montant total
de ces dernières, disposition qui trouve mieux sa place à l'article L. 382-12
du code de la sécurité sociale.
M. le président.
La parole est à M. Ivan Renar, pour présenter les amendements n°s 32 et 33.
M. Ivan Renar.
Les droits des auteurs doivent être mis arithmétiquement en valeur sans qu'ils
ne soient jamais plus considérés comme les vassaux des droits de l'éditeur.
Qu'un auteur cède un certain pourcentage de ses droits à l'éditeur ne fait pas
de ce dernier un auteur : l'éditeur reste le maillon financier moteur de la
chaîne du livre, certes, et c'est déjà beaucoup, mais cela ne suffit pas pour
qu'il soit traité à égalité avec l'auteur. L'auteur doit enfin obtenir une
reconnaissance réelle à part entière.
Après cet hymne à l'auteur, le dispositif de l'amendement paraît bien sec,
puisqu'il s'agit tout simplement du rapport 75 %-25 % !
M. le rapporteur a manifesté une certaine inquiétude. Je pense, quant à moi,
que nous pourrons tout de même trouver un terrain d'entente sur cette question,
tout en préservant les droits des auteurs - et sans tuer les éditeurs !
Quant à l'amendement n° 33, je le retire.
M. le président.
L'amendement n° 33 est retiré.
Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 32 ?
M. Daniel Eckenspieller,
rapporteur.
L'amendement n° 32 est incompatible avec l'amendement n° 8 de
la commission.
Nous avons retenu un dispositif qui renvoie la détermination des modalités du
partage de la rémunération aux conventions passées entre les auteurs et les
éditeurs. Si nous avons pu entériner le rapport 50 %-50 %, ce n'est pas pour
opter maintenant pour un 75 %-25 % ! Je remarque, d'ailleurs, que, si le
partage du droit de prêt se fait effectivement à hauteur de 50 %-50 % il faut
toutefois ajouter, pour les auteurs, la part prise en compte pour les
cotisations de leurs régimes de retraite complémentaire, estimée, pour la
première année, à environ 22 % du montant collecté. Dans les faits, pour les
auteurs, nous ne serons guère éloignés du pourcentage que vous proposez, mon
cher collègue !
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Jacques Aillagon,
ministre.
En ce qui concerne l'amendement n° 8, je m'en remets à la
sagesse du Sénat, pour les mêmes raisons que celles que j'ai développées au
moment de la présentation de l'amendement n° 2.
S'agissant de l'amendement n° 32, je rappelle que l'équilibre qui nous est
proposé a été négocié, de façon cordiale, d'ailleurs, avec les éditeurs et les
auteurs. Je précise, à ce propos, que l'ensemble du combat pour la mise en
place du droit de prêt dans les bibliothèques a été mené solidairement par
l'édition et par les auteurs ; le regretté Jérôme Lindon, président des
Editions de Minuit, a joué un rôle prépondérant dans la reconnaissance de ce
droit et dans l'élaboration de ce texte.
Pour ces raisons, là encore avec regret, monsieur Renar, je me range à l'avis
de la commission.
M. le président.
La parole est à Mme Danièle Pourtaud contre l'amendement.
Mme Danièle Pourtaud.
Je trouve dommage de remettre en cause l'équilibre qui avait été trouvé, après
des mois, des années, même, de négociations entre les différentes parties. Un
tel équilibre, inscrit dans la loi, constituait effectivement une garantie pour
les auteurs. Nous préférions le texte initial.
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° 8.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, le texte proposé pour l'article L. 351-4 du code de la
propriété intellectuelle est ainsi rédigé et l'amendement n° 32 n'a plus
d'objet.
Je suis saisi de trois amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion
commune.
L'amendement n° 9, présenté par M. Eckenspieller, au nom de la commission, est
ainsi libellé :
« Rédiger ainsi le texte proposé par le II de cet article pour compléter
l'article L. 335-4 du code de la propriété intellectuelle :
« Est puni de la peine d'amende prévue au premier alinéa le défaut de
versement du prélèvement mentionné au troisième alinéa de l'article L. 133-3.
»
L'amendement n° 34, présenté par MM. Renar et Ralite, Mme David, M. Autain et
les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
« Dans le texte proposé par le II de cet article pour compléter l'article L.
335-4 du code de la propriété intellectuelle, après les mots : "peine
d'amende", insérer les mots : ", suite au contrôle de l'administration
fiscale,". »
L'amendement n° 35, présenté par MM. Renar et Ralite, Mme David, M. Autain et
les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
« Dans le texte proposé par le II de cet article pour compléter l'article L.
335-4 du code de la propriété intellectuelle, après les mots : "due à
l'auteur,", insérer les mots : "au traducteur,". »
Cet amendement a été retiré.
La parole est à M. le rapporteur pour défendre l'amendement n° 9.
M. Daniel Eckenspieller,
rapporteur.
Il s'agit d'un amendement de précision.
Il nous semble préférable de ne pas faire mention de l'auteur et de l'éditeur
dans cet article, puisque la rémunération profite également aux régimes de
retraite complémentaire prévus à l'article 2.
Par ailleurs, il convient, me semble-t-il, de prévoir, pour cette infraction,
la même peine d'amende, soit 150 000 euros - un million de francs -, que celle
prévue par l'article L. 335-4 du code de la propriété intellectuelle pour les
autres infractions qu'il vise, à savoir le défaut de versement de la
rémunération prévue dans le cadre de la licence légale des phonogrammes du
commerce et de la rémunération au titre de la copie privée.
M. le président.
La parole est à M. Ivan Renar, pour présenter l'amendement n° 34.
M. Ivan Renar.
Il s'agit d'un amendement de bon sens. Il nous paraît nécessaire de préciser
puisqu'il y a amende qu'un contrôle préalable concernant le versement des
rémunérations régulières sera exercé. L'administration fiscale nous paraît la
mieux à même d'assurer ces contrôles et de rester en liaison avec le ou les
organismes collecteurs.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Daniel Eckenspieller,
rapporteur.
La peine d'amende sera prononcée par la juridiction pénale.
L'administration fiscale n'est pas compétente pour connaître de ces
infractions, le prélèvement de 6 % n'ayant pas le caractère d'un impôt.
Comment les choses se passeront-elles concrètement ? La déclaration des
montants à payer est faite par les acheteurs, c'est-à-dire par les responsables
des bibliothèques. Il faut distinguer ceux qui font la déclaration et ceux qui
sont redevables des 6 %. Autrement dit, la société de perception reçoit une
déclaration indiquant le montant que lui doit un fournisseur donné. Il lui
appartient ensuite de réclamer les sommes dues et de mettre en oeuvre les
moyens nécessaires à leur recouvrement. Si ces sommes ne lui sont pas versées,
la société de perception peut user de tous les moyens de droit, à la fois pour
recouvrer sa créance et pour faire sanctionner les contrevenants.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Jacques Aillagon,
ministre.
Le Gouvernement est favorable à l'amendement n° 9 et, comme la
commission, défavorable à l'amendement n° 34.
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° 9.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, l'amendement n° 34 n'a plus d'objet.
L'amendement n° 10, présenté par M. Eckenspieller, au nom de la commission,
est ainsi libellé :
« I. - Dans la première phrase du texte proposé par le III de cet article pour
l'article L. 811-1 du code de la propriété intellectuelle, remplacer les
références : "L. 351-1 à L. 351-4" par les références : "L. 133-1 à L. 133-4".
»
La parole est à M. le rapporteur.
M. Daniel Eckenspieller,
rapporteur.
C'est un amendement de conséquence.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Jacques Aillagon,
ministre.
Favorable.
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° 10.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Je suis saisi de dix amendements présentés par M. Charasse.
L'amendement n° 15 est ainsi libellé :
« Compléter
in fine
l'article 1er par un paragraphe ainsi rédigé :
« ... - A. - Le premier alinéa de l'article L. 132-25 est complété par la
phrase suivante : "Son montant est révisé tous les sept ans".
« B. - Le second alinéa de l'article L. 212-4 est complété par les
dispositions suivantes : ", dont le montant est révisé tous les sept ans. La
révision de la fraction de cette rémunération définie à l'article L. 212-6 est
négociée individuellement entre l'artiste-interprète et le producteur. »
L'amendement n° 16 est ainsi libellé :
« Compléter
in fine
cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
« ... - A. - La dernière phrase de l'article L. 212-7 est supprimée.
« B. Les dispositions de l'article L. 212-7 du code de la propriété
intellectuelle :
« 1° Ne sont pas applicables aux actes d'exploitation de l'interprétation d'un
artiste-interprète décédé antérieurs à la date d'entrée en vigueur de la
présente loi ;
« 2° Ne sont pas opposables à l'exploitation des oeuvres, fixations ou
programmes en vue de la réalisation desquels les actes d'exploitation
mentionnés au 1° ont été autorisés. »
L'amendement n° 17 est ainsi libellé :
« Compléter
in fine
cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
« ... - L'article L. 311-5 est ainsi rédigé :
«
Art L. 311-5.
- Les types de supports, les taux de rémunération et
les modalités de versement de celle-ci sont déterminés par décret après avis
d'une commission composée, pour moitié, de personnes désignées par les
organisations représentant les bénéficiaires du droit à rémunération, pour un
quart, de personnes désignées par les organisations représentant les personnes
mentionnées au premier alinéa de l'article L. 311-4 et, pour un quart, de
personnes désignées par les personnes représentant les consommateurs. »
L'amendement n° 18 est ainsi libellé :
« Compléter
in fine
cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
« ... - L'article L. 321-1 est complété par les dispositions suivantes :
« Les produits financiers des droits perçus bénéficient dans leur intégralité
aux titulaires de ces droits.
« Les droits prescrits en application du troisième alinéa et les droits qui
n'ont pu être versés à leurs titulaires en application des conventions
internationales auxquelles la France est partie, ainsi que les produits
financiers de ces droits, sont ajoutés, à la fin de chaque exercice, aux droits
perçus pendant cet exercice. »
L'amendement n° 19 est ainsi libellé :
« Compléter
in fine
cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
« ... - Dans le premier alinéa de l'article L. 321-3, les mots : "sont
adressés au ministre" sont remplacés par les mots : "sont soumis à l'agrément
du ministre". »
L'amendement n° 20 est ainsi libellé :
« Compléter
in fine
cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
« ... - L'article L. 321-5 est ainsi rédigé :
«
Art. L. 321-5.
- L'information des associés est assurée dans les
conditions prévues par l'article 1855 du code civil, aucun associé ne pouvant
toutefois obtenir communication du montant des droits répartis individuellement
à tout autre ayant droit que lui-même. »
L'amendement n° 21 est ainsi libellé :
« Compléter
in fine
cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
« ... - Les quatre premiers alinéas de l'article L. 321-9 sont remplacés par
un alinéa ainsi rédigé : « Ces sociétés utilisent à des actions d'aide à la
création, à la diffusion du spectacle vivant et à des actions de formation des
artistes 5 % des sommes provenant de la rémunération pour copie privée. »
L'amendement n° 22 est ainsi libellé :
« Compléter
in fine
cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
« ... - Il est inséré, après l'article L. 321-9, un article additionnel ainsi
rédigé :
«
Art. L. ... -
Les actions mentionnées au premier alinéa de l'article
L. 321-9 s'entendent :
« 1° Pour l'aide à la création, des concours apportés à la création d'une
oeuvre, à son interprétation, à la première fixation d'une oeuvre ou d'une
interprétation sur un phonogramme ou un vidéogramme ;
« 2° Pour l'aide à la diffusion du spectacle vivant, des concours apportés à
la production, à la représentation et à la promotion des spectacles vivants
;
« 3° Pour l'aide à la formation, des concours apportés à des actions de
formation d'auteurs ou d'artistes-interprètes. »
L'amendement n° 23 est ainsi libellé :
« Compléter
in fine
cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
« ... - A. - Avant le premier alinéa de l'article L. 321-12, il est inséré un
paragraphe ainsi rédigé :
« I. - Sont soumis à l'agrément du ministre chargé de la culture :
«
a)
Les modifications des statuts de la société de perception et de
répartition des droits ;
«
b)
Tout projet d'opération immobilière ;
«
c)
Tout placement financier dont le montant excède 5 % des droits
encaissés pendant l'année précédente. »
« B). - En conséquence, le premier alinéa de cet article est précédé de la
mention : "II. - ". »
L'amendement n° 24 est ainsi libellé :
« Compléter
in fine
cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
« ... - Il est inséré, après l'article L. 321-12, un article additionnel ainsi
rédigé :
«
Art. L. ... -
Les sociétés de perception et de répartition des droits
constituent, pour mener les actions de prévoyance, de solidarité et d'entraide
bénéficiant à leurs associés ou à leurs ayants droit, des personnes morales de
droit privé régies par les dispositions du code de la mutualité. »
La parole est à M. Michel Charasse, pour présenter les amendements n°s 15 à
24.
M. Michel Charasse.
Mes chers collègues, je suis l'auteur d'une série d'amendements numérotés de
15 à 24, que nous examinons maintenant, d'un amendement n° 25, qui sera appelé
ultérieurement. En ce qui concerne ce dernier amendement, je voudrais préciser
d'ores et déjà que je le retire puisqu'il concerne l'avenir de la redevance
audiovisuelle et qu'il sera mieux placé dans le projet de loi de finances pour
2003.
M. le président.
L'amendement n° 25 est retiré.
Veuillez poursuivre, monsieur Charasse.
M. Michel Charasse.
Dans le souci de ne pas encombrer excessivement les travaux du Sénat, je
souhaite présenter en bloc, si le président en est d'accord, l'ensemble de ces
amendements, afin que les choses soient bien cadrées.
M. le président.
Le procédé bénéficie d'un préjugé très favorable !
M. Michel Charasse
Nous débattons d'un texte qui concerne le prêt du livre, mais aussi les droits
d'auteur. J'ai donc décidé de profiter de ce projet de loi pour signaler par
amendements certains autres points touchant aux droits d'auteur qu'il faut
régler à un moment ou à un autre.
Ces points sont, pour l'essentiel, le résultat de mes réflexions anciennes sur
certains sujets, mais aussi et surtout de la lecture du prérapport de la
commission de contrôle des sociétés d'auteurs instituée par la loi du 2 août
2000, et siégant aujourd'hui à la Cour des comptes. La commission est
maintenant constituée et a entamé son travail l'année dernière. Elle a diffusé
un premier prérapport qui n'est pas encore rendu public, mais qui circule sous
le manteau. Je l'ai trouvé un matin dans mon casier postal, je vous le
garantis, sans source d'origine. Il révèle un certain nombre de pratiques
auxquelles le législateur ne peut pas être indifférent, dans la mesure où elles
empêchent les auteurs de disposer de l'intégralité des droits qui leur sont
légalement dus.
J'ai entendu les propos que M. le ministre a tenus tout à l'heure à la fin de
sa réponse aux orateurs, en émettant le souhait que nos discussions s'en
tiennent aujourd'hui au prêt du livre, mais en annonçant que nous aurions
bientôt l'occasion de revenir à ces sujets. Je me contenterai donc d'un très
bref survol.
L'amendement n° 15 prévoit d'instituer une révision plus régulière des
contrats de cession de droits compte tenu de l'exploitation qui est tous les
jours nouvelle quant aux techniques mises en oeuvre et que les auteurs qui ont
cédé leurs droits ne pouvaient prévoir voilà dix, quinze ou vingt ans,
lorsqu'ils ont signé la cession de droits.
C'est un vrai problème et les exploitations d'aujourd'hui sont beaucoup plus
lucratives que les intéressés n'auraient pu l'imaginer à l'époque.
L'amendement n° 16 concerne le problème des héritiers qui ont été spoliés par
la loi de 1985. J'y reviendrai à la fin de mon intervention.
Dans l'amendement n° 17, je propose une nouvelle formule pour la composition,
très critiquée, de la commission Brun-Buisson.
L'amendement n° 18 est directement extrait du rapport que nous allons recevoir
de la commission de contrôle. Il vise les pratiques peu convenables des
sociétés de gestion des droits d'auteur qui encaissent des droits en début
d'année, mais ne les versent aux auteurs qu'en fin d'année, ce qui leur permet
de les garder en caisse. Ces droits génèrent des produits financiers qui ne
sont jamais distribués au auteurs. Je pense, pour ma part, que ces produits
font partie du patrimoine des auteurs et que leur rétention relève de
l'escroquerie ou de l'abus de bien social. Par conséquent, il faudra bien un
jour aborder et régler ce point.
S'agissant de l'amendement n° 19, je propose que les rapports entre le
ministère de la culture et les sociétés de gestion de droits d'auteur soient
modifiés et qu'il faille désormais l'agrément du ministre pour les statuts, et,
non plus seulement sa simple information. A l'heure actuelle, le ministre
reçoit les statuts, mais il n'a aucun pouvoir d'approbation ou de rejet. Et
s'il s'avise de faire des observations, comme Mme Tasca l'a fait voilà quelques
années pour la société des auteurs, compositeurs, éditeurs de musique, la
SACEM, il se fait rabrouer et humilier en assemblée générale des sociétés,
alors même que les dispositions en question peuvent être parfaitement illégales
au regard du droit des sociétés, du droit commercial ou du droit de
propriété.
Par l'amendement n° 20, je souhaite rappeler que nous avions beaucoup insisté
dans cette enceinte pour que les auteurs bénéficient des mêmes droits de
communication des documents que ceux qui existent dans les sociétés
commerciales, dans les conditions prévues par l'article 1855 du code civil. Or
les sociétés de gestion des droits d'auteur ont refusé d'appliquer les
dispositions de l'article 1855 - qui ont été votées par le Parlement à
l'unanimité - et Mme Tasca a cédé en prenant un décret illégal ! Ces sociétés
refusent donc pour l'instant de donner aux auteurs un certain nombre
d'informations sur leur gestion et sur la gestion de l'argent des auteurs. Il
faut dire qu'à la lecture du rapport de la commission de contrôle installée
auprès de la Cour des comptes on comprendra pourquoi !
Mais il n'empêche que cette pratique et le décret ne sont pas conformes à la
loi et le Conseil d'Etat risque de les annuler dans les prochains jours s'il
suit les conclusions de son commissaire du Gouvernement sur le recours dirigé
contre le décret Tasca.
L'amendement n° 21 tend à mieux cadrer les conditions dans lesquelles les
sociétés de droits peuvent extraire des droits d'auteur un certain nombre de
sommes, afin de contribuer, paraît-il, à la création, à la formation, à
l'animation et au spectacle, puisque le décret relatif aux modalités
d'intervention des sociétés de droits a été annulé par le Conseil d'Etat.
C'est également l'objet de l'amendement n° 22. Monsieur le ministre, votre
prédécesseur, Mme Tasca, a déféré aux pressions des sociétés et a immédiatement
repris un nouveau décret quasiment identique au précédent.
J'ai entendu dire qu'il risquait d'être lui aussi annulé d'ici à quelques mois
par le Conseil d'Etat, la violation de la loi et le détournement des fonds
revenant aux auteurs étant évidents.
L'amendement n° 23 porte également sur la nécessité de recueillir l'agrément
du ministre pour la modification des statuts, alors qu'il est seulement informé
aujourd'hui, ainsi que son agrément pour toutes les grosses opérations
immobilières.
Enfin, l'amendement n° 24 vise les sociétés de perception qui retiennent sur
les droits d'auteur une partie des fonds revenant aux auteurs pour financer les
oeuvres sociales collectives. Je pense que la moindre des choses serait que
cette action ait un caractère mutualiste et soit soumise au même contrôle que
les opérations des mutuelles, conformément aux dispositions du code de la
mutualité.
J'en reviens à l'amendement n° 16. Si les sujets que j'ai évoqués peuvent
toujours donner lieu à une réflexion, en revanche, l'amendement n° 16 me paraît
beaucoup plus urgent ; c'est pourquoi je termine sur ce point.
Il s'agit d'un vieux débat qui a eu lieu dans cette enceinte à plusieurs
reprises et je dois dire que j'avais obtenu à l'époque le soutien plus que
moral, si je puis dire, du Sénat. Il s'agit d'une disposition de la loi de
1985, dite « loi Lang », disposant que les héritiers des artistes décédés sont
déshérités et perdent donc les droits patrimoniaux venant de leur père ou de
leur mère.
Cette spoliation de l'héritage est absolument contraire à la directive
européenne sur les droits d'auteur. Mme Tasca, votre prédécesseur, monsieur le
ministre, m'avait indiqué qu'elle avait créé le Conseil supérieur de la
propriété intellectuelle et qu'elle allait lui demander d'examiner cette
question en priorité. Le Conseil supérieur a donc été saisi de ce sujet.
C'était d'ailleurs la première question qui lui a été soumise. Il a consulté le
professeur Lucas, éminent spécialiste des droits d'auteur, qui a rédigé un
rapport ne laissant aucun doute. Cette disposition est non seulement injuste et
inéquitable, mais de surcroît totalement contraire à la directive européenne
93-98 et au droit de propriété.
J'ai résumé le plus brièvement possible l'objet de mes amendements. Je
souhaiterais entendre M. le rapporteur et M. le ministre. Pour ma part, je suis
prêt à faire preuve d'une certaine bienveillance s'ils sont eux-mêmes partisans
d'un minimum d'ouverture, selon le principe du « donnant donnant ».
(Sourires.)
En effet, ce ne sont pas là des problèmes négligeables. Lors de la prochaine
publication du rapport de la commission de contrôle des sociétés, il faudra
bien que le Gouvernement et le Parlement prennent leurs responsabilités pour
tirer les conséquences d'un certain nombre d'analyses. Nous sommes là dans le
domaine des droits d'auteur. Il s'agit du salaire de ceux qui travaillent et
qui vivent des droits qu'ils perçoivent. Nous n'avons pas le droit de les
spolier de leur rémunération.
Nous avons été très attentifs depuis le début de ce débat à bien préserver les
droits des auteurs du livre de façon à recadrer le texte qui nous est soumis,
comme la commission l'a proposé à plusieurs reprises d'ailleurs, pour clarifier
les choses et éviter les pertes en ligne. Je pense que nous ne devons pas en
rester là.
Le problème des héritiers est vraiment urgent. On ne peut continuer à spolier
les enfants de Claude François, de Joe Dassin, de Coluche, et de quelques
autres qui sont privés de tout droit sur les oeuvres de leur père, tout
simplement parce que le législateur a décidé, aux termes de la « loi Lang » de
1985, que ces droits bénéficieraient à 100 % aux producteurs.
Je n'ai pas recherché les motifs qui ont présidé à cette disposition. Je
suppose qu'il y en avait de sérieux et de légitimes, mais on ne voit pas
lesquels ! En tout cas, quels qu'ils soient, il s'agit bien d'une
expropriation. Si la loi de 1985 avait été soumise au Conseil constitutionnel,
à mon avis, elle aurait été censurée sur ce point puisque, jusqu'à nouvel
ordre, le droit républicain en France comporte aussi le droit de propriété !
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Daniel Eckenspieller,
rapporteur.
Mon cher collègue, on a trop souvent reproché au législateur
de faire des lois complexes et peu lisibles et d'introduire, à travers des
amendements sans rapport direct avec le texte mis en débat, des dispositions
n'ayant pas fait l'objet d'une concertation préalable suffisamment
approfondie.
Tel est le cas pour les amendements déposés par notre éminent collègue, Michel
Charasse, que nous savons inspiré par le souci constant et parfaitement louable
de défendre les droits et les intérêts des créateurs, quels qu'ils soient.
Au demeurant, les problèmes auxquels il entend apporter des réponses méritent
en effet un véritable débat de fond et, sans nul doute, un certain nombre de
dispositions législatives nouvelles.
Aussi n'est-il pas inopportun que ces problèmes soient évoqués dans cette
enceinte, sans qu'il nous paraisse cependant possible de les régler dans le
cadre de la discussion du projet de loi sur le droit de prêt en bibliothèque.
Le projet de loi relatif aux droits d'auteur dans la société de l'information
devrait ouvrir dans cette perspective des possibilités plus adéquates.
Par ailleurs, sur divers points soulevés par notre collègue, la commission de
contrôle permanente créée sur son initiative en 2000, devrait remettre
incessamment son premier rapport au Parlement. Il paraîtrait judicieux d'en
connaître les conclusions avant toute nouvelle initiative législative.
En conséquence, je saurais gré à notre collègue de bien vouloir retirer ses
amendements au bénéfice des assurances que M. le ministre saura lui apporter,
en particulier sur les droits des héritiers, problème auquel nous sommes
également très sensibles.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Jacques Aillagon,
ministre.
Je sais, et je partage, l'intérêt de M. Charasse pour la
gestion des sociétés de perception et de répartition des droits et, au-delà de
ces sociétés, pour la défense des droits des auteurs et des ayants droits de
ces derniers.
Comme je l'ai dit tout à l'heure, monsieur Charasse, je suis très attaché à ce
que le texte sur lequel nous avons travaillé ne soit pas alourdi par des
amendements qui l'éloigneraient de sa cohérence et de son objet. Il est vrai
que les points que vous soulevez ne sont pas totalement étrangers au domaine
que nous avons abordé ; cependant, ils ne le recouvrent pas non plus
totalement. Dans la mesure où nous aurons à délibérer dans quelques mois de
l'application au droit français de la directive du 22 mai 2001 sur le droit des
auteurs dans la société de l'information, je préférerais que nous puissions
traiter de façon systématique, globale et cohérente, tous ces sujets importants
qui me préoccupent également.
Au risque de vous décevoir, monsieur le sénateur, et quels que soient mon
intérêt pour vos propositions et mon adhésion à l'esprit qui anime plusieurs
d'entre elles, je rejoins donc la commission et j'émets un avis défavorable
afin d'éviter que le présent texte ne s'égare trop loin de son objet
principal.
Je veux néanmoins vous donner l'assurance que le ministère de la culture -
comme le ministre lui-même - est à votre disposition, ainsi qu'à celle, bien
sûr, de la commission, pour discuter de ces sujets qui vous tiennent à coeur.
M. le président.
La parole est à M. Michel Charasse.
M. Michel Charasse.
Je dirai amicalement à notre rapporteur et à M. le ministre que ces
amendements traitent du droit d'auteur et ne sont pas sans lien direct, au sens
de la jurisprudence du Conseil constitutionnel, avec le présent texte. Certes,
ce dernier concerne le livre, mais il concerne aussi le droit d'auteur, et le
droit d'auteur, c'est le droit d'auteur ! Je ne pense donc pas qu'il s'agisse
de « cavaliers » - sinon, on l'aurait dit - au sens constitutionnel du
terme.
Cependant, s'il est bien entendu que ces amendements ne seront pas à nouveau
considérés comme des « cavaliers » en janvier lorsque nous procéderons à la
transposition en droit français de la directive européenne sur le droit
d'auteur, je veux bien faire un geste.
Monsieur le ministre, je vous en ai parlé en privé, je vous le redis, je
souhaiterais vivement entendre de votre bouche qu'il est de votre intention de
mettre fin à la situation scandaleuse faite aux héritiers des artistes disparus
avant le terme de leurs droits par la loi de 1985.
Il n'est pas normal que ces héritiers, qui étaient des gamins à l'époque, qui
ont grandi, mais qui vivent toujours, aient été spoliés des droits revenant à
leur père ou à leur mère décédés au profit des producteurs. Si vous me dites,
monsieur le ministre, que vous avez l'intention de régler cette question au
mois de janvier dans la foulée de la transposition, je n'insisterai pas
davantage aujourd'hui, mais vous comprendrez que je veuille en savoir en peu
plus !
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Jacques Aillagon,
ministre.
Monsieur le sénateur, je vous ai indiqué à quel point j'étais
attaché à ce que, dans toutes les situations, les droits des auteurs, de leurs
ayants droit, ainsi que des producteurs, puisqu'il s'agit de droits consécutifs
à la mise en oeuvre matérielle du droit des auteurs, soient pris en compte et
honorés, et, à cet égard, la situation que vous dénoncez est en effet
anormale.
Chaque auteur « distille » des droits dans la production de son oeuvre, une
partie de ces droits, les droits moraux, étant immatériels, d'autres étant
matériels. Ces droits sont des droits patrimoniaux dont les héritiers de
l'auteur doivent pouvoir jouir de la façon la plus normale possible.
Je m'engage donc, monsieur le sénateur, à ce que les questions que vous avez
soulevées fassent l'objet d'un examen en collaboration avec la commission des
affaires culturelles de votre assemblée et avec vous, puisque vous le
souhaitez, et je m'engage à ce que la transposition de la directive du 22 mai
2001 en droit français soit l'occasion d'un vaste « balayage » de toutes les
questions ayant trait au droit des auteurs et à son respect.
M. le président.
La parole est à M. Michel Charasse ?
M. Michel Charasse.
Je retire d'emblée les amendements n°s 15, 17, 18, 19, 20, 21, 22, 23 et 24,
mais je veux ajouter un commentaire sur l'amendement n° 16.
Monsieur le ministre, le conseil supérieur de la propriété littéraire et
artistique a confirmé que la situation des héritiers des artistes disparus
avant le terme de leurs droits était contraire au droit européen. Si la
Commission européenne est saisie, elle ne pourra donc que condamner la France -
ce qui ne serait pas très drôle - et la mettre en demeure de mettre son droit
interne en conformité avec le droit européen. Cependant, dans cette hypothèse,
la modification sera rétroactive et les producteurs seront obligés de
rembourser les droits qu'il touchent depuis l'entrée en vigueur de la loi de
1985 !
C'est cette situation que mon amendement n° 16 visait à éviter puisque la
précaution était prise de préciser que le rétablissement des héritiers dans
leurs droits ne concernerait pas le passé !
Il y a donc deux solutions et, pour ma part, je préférerais que le problème
soit réglé par le législateur français ! En d'autres termes, cela me
chagrinerait de devoir un jour prendre la plume pour appeler l'attention de la
Commission européenne sur ce point. Je n'aime pas beaucoup que mon pays soit
condamné par ces organismes internationaux,...
M. Emmanuel Hamel.
Très bien !
M. Michel Charasse.
... même si je suis par ailleurs assez européen.
Monsieur le ministre, je ne vous connais pas encore ; je sais que nous avons
beaucoup d'amis communs et l'on me dit du bien de vous dans beaucoup de milieux
amicaux que nous fréquentons vous et moi. Je vous fais donc confiance - et je
retire aussi l'amendement n° 16 -, mais j'espère que cette confiance ne sera
pas déçue.
Le problème est réel, il faut le régler. Votre ministère a trop longtemps
semblé être - et plus encore ! - le défenseur systématique des pratiques les
plus contestables des sociétés d'auteurs pour ne pas devenir enfin, sous votre
magistère, le défenseur des droits des auteurs.
M. Jacques Chaumont.
Très bien !
M. le président.
Les amendements n°s 15 à 24 sont retirés.
M. le président.
La parole est à M. Yann Gaillard.
M. Yann Gaillard.
Je m'étonne de ce que nous ayons reçu en séance, juste avant la discussion,
une véritable philippique signée par l'ensemble des sociétés d'auteurs contre
les amendements que M. Charasse vient de retirer et dont l'examen est reporté.
Cette pression en séance me paraît quelque peu excessive et cela ne fait que me
rendre plus sympathique l'initiative de notre collègue.
M. Michel Charasse.
Merci !
M. le président.
Je mets aux voix l'ensemble de l'article 1er, modifié.
(L'article 1er est adopté.)
Article 2
M. le président.
« Art. 2. - Le code de la sécurité sociale est modifié ainsi qu'il suit :
« I. - Les articles L. 382-11 et L. 382-13 sont abrogés.
« II. - L'article L. 382-12 est remplacé par les dispositions suivantes :
«
Art. L. 382-12.
- Les personnes affiliées au régime général en
application de l'article L. 382-1 relèvent des régimes complémentaires
d'assurance vieillesse institués en application de l'article L. 644-1.
« Pour les auteurs d'une oeuvre de l'esprit définie au 1° de l'article L.
112-1 du code de la propriété intellectuelle, affiliés au régime général en
application de l'article L. 382-1, un décret désigne le régime complémentaire
d'assurance vieillesse applicable. Il détermine chaque année la part mentionnée
au 2° de l'article L. 351-4 du code de la propriété intellectuelle ainsi que
les modalités de recouvrement des sommes correspondant à cette part et des
cotisations des affiliés. »
L'amendement n° 11, présenté par M. Eckenspieller, au nom de la commission,
est ainsi libellé :
« Rédiger ainsi le second alinéa du texte proposé par le II de cet article
pour l'article L. 382-12 du code de la sécurité sociale :
« Pour les catégories de personnes mentionnées au premier alinéa qui, à la
date d'entrée en vigueur de la loi n° du , n'entrent pas dans le champ
d'application de ces régimes, un décret désigne le régime complémentaire
d'assurance vieillesse applicable. Il détermine chaque année la part de la
rémunération perçue en application de l'article L. 133-3 du code de la
propriété intellectuelle qui est affectée à la prise en charge d'une fraction
des cotisations dues par ces affilés ; cette part ne peut toutefois excéder la
moitié de leur montant total. Il fixe également les modalités de recouvrement
des sommes correspondant à cette part et des cotisations des affiliés. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Daniel Eckenspieller,
rapporteur.
Cet amendement précise les catégories de personnes qui
bénéficieront de la mesure de rattachement à un régime complémentaire de
retraite existant. En effet, la référence aux auteurs d'oeuvres mentionnées au
1° de l'article 112-2 du code de la propriété intellectuelle n'est pas
pertinente, dans la mesure où certains de ces auteurs, tels les illustrateurs
ou les photographes, bénéficient d'ores et déjà d'un régime de retraite
complémentaire aux termes de l'article L. 644-1 du code de la sécurité
sociale.
Par ailleurs, l'amendement reprend la précision selon laquelle la fraction des
cotisations financée par le droit de prêt ne peut excéder la moitié de leur
montant.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Jacques Aillagon,
ministre.
Le Gouvernement émet un avis favorable.
Je précise toutefois que seront bien publiés, d'une part, un décret
déterminant le rattachement du régime de retraite complémentaire des auteurs à
un régime existant et, d'autre part, un décret annuel qui fixera la part de la
rémunération perçue par le régime.
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° 11.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Je mets aux voix l'article 2, modifié.
(L'article 2 est adopté.)
Article 3
M. le président.
« Art. 3. - Il est ajouté à l'article 6 de l'ordonnance n° 98-731 du 20 août
1998 portant adaptation aux départements d'outre-mer, à la Nouvelle-Calédonie
et à la collectivité territoriale de Saint-Pierre-et-Miquelon de diverses
dispositions relatives aux affaires sanitaires et sociales un VI ainsi rédigé
:
« VI. - Les dispositions de l'article L. 382-12 du code de la sécurité sociale
sont applicables aux personnes affiliées au régime d'assurance vieillesse de
base de Saint-Pierre-et-Miquelon qui exercent une activité d'auteur d'oeuvres
de l'esprit telles que définies au 1° de l'article L. 112-2 du code de la
propriété intellectuelle lorsque cette activité, si elle était exercée en
métropole ou dans un département d'outre-mer, emporterait leur affiliation au
régime général en application de l'article L. 382-1 du code de la sécurité
sociale. »
L'amendement n° 12, présenté par M. Eckenspieller, au nom de la commission,
est ainsi libellé :
« Rédiger ainsi le texte proposé par cet article pour le VI de l'article 6 de
l'ordonnance n° 98-731 du 20 août 1998 portant adaptation aux départements
d'outre-mer, à la Nouvelle-Calédonie et à la collectivité territoriale de
Saint-Pierre-et-Miquelon de diverses dispositions relatives aux affaires
sanitaires et sociales :
« VI. - Les dispositions de l'article L. 382-12 du code de la sécurité sociale
sont applicables aux personnes affiliées au régime d'assurance vieillesse de
base de Saint-Pierre-et-Miquelon qui exercent une activité d'artiste auteur
lorsque cette activité, si elle était exercée en métropole ou dans un
département d'outre-mer, emporterait leur affiliation au régime général en
application de l'article L. 382-1 du code de la sécurité sociale. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Daniel Eckenspieller,
rapporteur.
C'est un amendement de conséquence.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Jacques Aillagon,
ministre.
Favorable.
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° 12.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Je mets aux voix l'article 3, modifié.
(L'article 3 est adopté.)
Article 4
M. le président.
« Art. 4. - L'article 3 de la loi n° 81-766 du 10 août 1981 relative au prix
du livre est remplacé par les dispositions suivantes :
« Art. 3.
- Par dérogation aux dispositions du quatrième alinéa de
l'article 1er :
« a)
Pour les livres scolaires, le prix effectif de vente au public est
fixé librement lorsque l'acquéreur est une association facilitant l'acquisition
de livres pour ses membres ou lorsque l'achat est effectué par l'Etat, une
collectivité locale ou un établissement d'enseignement, pour ses besoins
propres excluant la revente ;
« b)
Pour les autres livres, le prix effectif de vente peut être
compris entre 91 et 100 % du prix de vente au public fixé par l'éditeur ou
l'importateur, pour les livres facturés pour leurs besoins propres, excluant la
revente, à l'Etat, aux collectivités locales, aux établissements
d'enseignement, de formation professionnelle ou de recherche, aux syndicats
représentatifs, aux comités d'entreprise et aux bibliothèques accueillant du
public pour la lecture ou pour le prêt, notamment celles des associations
régies par la loi du 1er juillet 1901. Ce prix effectif inclut le montant de la
rémunération au titre du prêt assise sur le prix public de vente des livres
prévue au troisième alinéa de l'article L. 351-3 du code de la propriété
intellectuelle. »
L'amendement n° 13, présenté par M. Eckenspieller, au nom de la commission,
est ainsi libellé :
« Rédiger ainsi le texte proposé par cet article pour l'article 3 de la loi n°
81-766 du 10 août 1981 relative au prix du livre :
« Art. 3.
- Par dérogation aux dispositions du quatrième alinéa de
l'article 1er et sous réserve des dispositions du dernier alinéa, le prix
effectif de vente des livres peut être compris entre 91 et 100 % du prix de
vente au public lorsque l'achat est réalisé :
« 1° Pour leurs besoins propres, excluant la revente, par l'Etat, les
collectivités territoriales, les établissements d'enseignement, de formation
professionnelle ou de recherche, les syndicats représentatifs ou les comités
d'entreprise ;
« 2° Pour l'enrichissement des collections des bibliothèques accueillant du
public, par les personnes morales gérant ces bibliothèques. Le prix effectif
inclut le montant de la rémunération au titre du prêt en bibliothèque assise
sur le prix public de vente des livres prévue à l'article L. 133-3 du code de
la propriété intellectuelle.
« Le prix effectif de vente des livres scolaires peut être fixé librement dès
lors que l'achat est effectué par une association facilitant l'acquisition de
livres scolaires par ses membres ou, pour leurs besoins propres, excluant la
revente, par l'Etat, une collectivité territoriale ou un établissement
d'enseignement. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Daniel Eckenspieller,
rapporteur.
Il s'agit de clarifier - sans en modifier le contenu - la
rédaction proposée par le projet de loi pour l'article 3 de la loi du 10 août
1981 relative au prix du livre.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Jacques Aillagon,
ministre.
Favorable.
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° 13.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Je mets aux voix l'article n° 4, modifié.
(L'article 4 est adopté.)
Articles additionnels après l'article 4
M. le président.
L'amendement n° 25, présenté par M. Charasse, est ainsi libellé :
« Après l'article 4, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« Le Gouvernement présente au Parlement, avant la fin du premier semestre de
l'année 2003, un rapport sur le devenir et sur les modalités de recouvrement de
la taxe mentionnée au III de l'article 53 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre
1986 relative à la liberté de communication. »
Cet amendement a été retiré.
Je suis saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion
commune.
L'amendement n° 27 rectifié
bis,
présenté par Mmes Pourtaud et Blandin,
MM. Dauge, Godefroy, Lagauche, Todeschini, Weber et les membres du groupe
socialiste et apparenté, est ainsi libellé :
« Après l'article 4, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« Deux ans après l'entrée en vigueur de la présente loi, le Gouvernement
dépose conjointement sur le bureau des deux assemblées un rapport sur
l'exécution des dispositions de celle-ci qui fait l'objet d'une présentation
devant les commissions compétentes.
« Ce rapport dresse, plus particulièrement, un bilan :
« - de la perception effective de la rémunération due au titre du prêt en
bibliothèque par les auteurs et les éditeurs,
« - des fonds perçus au titre de la prise en charge des cotisations dues au
titre de la retraite complémentaire des auteurs,
« - du coût de la réforme pour les personnes morales gérant une bibliothèque
accueillant du public et plus particulièrement de la modification éventuelle de
leur capacité d'achat d'ouvrages du fait de l'application des dispositions de
l'article 3 de la loi n° 81-766 du 10 août 1981 relative au prix du livre,
« - de son incidence financière pour les libraires réalisant des ventes
conformément à l'article 3 de la loi n° 81-766 du 10 août 1981 précitée. »
L'amendement n° 36 rectifié, présenté par MM. Renar et Ralite, Mme David, M.
Autin et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi
libellé :
« Après l'article 4, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« Le Gouvernement présentera au Parlement deux ans à compter de la date
d'entrée en vigueur de la présente loi un rapport de bilan d'application de la
loi. »
La parole est à Mme Danièle Pourtaud pour présenter l'amendement n° 27
rectifié
bis.
Mme Danièle Pourtaud.
Nous souhaitons qu'un bilan gouvernemental soit présenté au Parlement au bout
de deux ans d'application de la loi afin de bien mettre en lumière les
incidences financières pour l'ensemble des acteurs concernés par le projet de
loi.
Ceux-ci sont nombreux ; ils ont réussi à se mettre d'accord sur les termes de
la transposition de la directive, après une longue période de concertation
voulue par Catherine Trautmann et Catherine Tasca, et sur l'extension des
dispositions de la loi relative au prix du livre au marché destiné aux
bibliothèques publiques de prêt.
Je n'y reviendrai pas. Les sénateurs socialistes craignent néanmoins un
surcoût de charges pour les collectivités territoriales, principales concernées
par la gestion de bibliothèques publiques de prêt. Il a souvent été fait état,
dans des notes de projection fournies localement par les conservateurs et
responsables de bibliothèques, du risque de perdre 10 % à 15 % de la capacité
d'achat de livres de ces établissements.
Par ailleurs, il serait opportun de savoir si la rémunération des auteurs et
éditeurs et si la retraite complémentaire des premiers se trouveront
substantiellement améliorées grâce à l'application de la loi dont nous
débattons ce soir.
Enfin, on sait que le circuit des petites librairies a pu être préservé grâce
à la loi Lang de 1981. Il sera du plus grand intérêt de savoir si la
modification de ce même texte, afin de plafonner les réductions sur les
ouvrages acquis pour être prêtés en bibliothèques, permettra à ces mêmes
librairies de pénétrer un marché qui leur était, jusqu'à présent, souvent
fermé, celles-ci étant dans l'impossibilité de pratiquer des réductions
comparables à celles que proposent les grossistes.
M. le président.
La parole est à M. Ivan Renar pour défendre l'amendement n° 36 rectifié.
M. Ivan Renar.
Cet amendement va dans le même sens que celui de nos collègues du groupe
socialiste. Comme eux, nous estimons nécessaire de vérifier après deux années
d'application la validité du présent dispositif.
L'amendement n° 27 rectifié
bis
est toutefois plus précis que le
nôtre, qu'il satisfait et que je retire donc avec d'autant moins de regret
qu'il « tomberait » en cas d'adoption du précédent.
M. le président.
L'amendement n° 36 rectifié est retiré.
Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 27 rectifié
bis
?
M. Daniel Eckenspieller,
rapporteur.
Cet amendement est pertinent : il fait écho à une proposition
que la commission approuve, à savoir l'évaluation de l'impact de la loi sur les
différents acteurs de la chaîne du livre, auteurs, bibliothécaires et
libraires.
La commission a donc émis un avis favorable à l'adoption de l'amendement n° 27
rectifié
bis.
L'objet de l'amendement n° 36 rectifié était identique et la commission
souhaite donc aussi associer M. Renar à cette démarche.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Jacques Aillagon,
ministre.
J'avais indiqué, lors de mon audition par la commission, que
j'étais favorable au principe d'une évaluation régulière de l'application de la
loi. En outre, la périodicité proposée me paraît judicieuse. Les statistiques
annuelles gérées par les ministères de la culture et de la communication et de
l'éducation nationale permettront déjà, en tout état de cause, de suivre
l'évolution des pratiques d'acquisition des bibliothèques.
J'observe d'ailleurs que, aujourd'hui, ce sont les bibliothèques des petites
communes, celles qui ont la capacité d'acquisition la plus faible, qui
bénéficient déjà des rabais les moins importants. En effet, ce sont, en
général, les bibliothèques relevant des services publics des grandes villes qui
obtiennent les réductions les plus massives, tout en disposant de la capacité
d'intervention budgétaire la plus forte.
De plus, l'Etat prend souvent à sa charge, dans ces grandes villes,
particulièrement à Paris, une grande partie de l'effort consenti en faveur de
la lecture publique. Que serait, madame le sénateur, la lecture publique à
Paris sans la Bibliothèque publique d'information, financée à 100 % par l'Etat,
ou le haut-de-jardin de la Bibliothèque nationale de France ?
Par conséquent, la charge est vraiment bien répartie, et même de façon très
favorable, en l'occurrence, pour la ville de Paris.
Enfin, l'énumération des points devant faire l'objet d'un bilan, ainsi que la
mention d'un débat en séance publique dans les deux assemblées, ne relèvent
peut-être pas de la loi. Pour cette raison, je préférais, à vrai dire,
l'amendement présenté par M. Renar. Néanmoins, je m'en remettrai, sur ce point,
à la sagesse du Sénat.
M. le président.
La parole est à Mme Danièle Pourtaud, pour explication de vote.
Mme Danièle Pourtaud.
Je voudrais en fait dire respectueusement à M. le ministre que la sénatrice de
Paris que je suis s'intéresse également aux bibliothèques municipales des
collectivités des « régions », comme on dit !
(Exclamations amusées sur les
travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° 27 rectifié
bis.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet
de loi, après l'article 4.
Article 5
M. le président.
« Art. 5. - La présente loi entrera en vigueur le premier jour du premier mois
suivant sa publication au
Journal officiel
et au plus tôt le 1er janvier
2003.
« Pour l'année 2003, le taux de la rémunération prévue au troisième alinéa de
l'article L. 351-3 du code de la propriété intellectuelle est fixé à 3 % du
prix public de vente.
« Pour la même année, le prix effectif de vente mentionné au
b
de
l'article 3 de la loi n° 81-766 du 10 août 1981 peut être compris entre 88 et
100 % du prix de vente au public fixé par l'éditeur ou l'importateur. »
L'amendement n° 14, présenté par M. Eckenspieller, au nom de la commission,
est ainsi libellé :
« Rédiger ainsi cet article :
« La présente loi entre en vigueur le premier jour du deuxième mois suivant sa
publication au
Journal officiel.
« Jusqu'à l'expiration d'un délai d'un an à compter de la date d'entrée en
vigueur de la présente loi, le taux de la rémunération prévue au troisième
alinéa de l'article L. 133-3 du code de la propriété intellectuelle est fixé à
3 %. Durant ce délai, le prix effectif de vente mentionné au premier alinéa de
l'article 3 de la loi n° 81-766 du 10 août 1981 relative au prix du livre peut
ête compris entre 88 % et 100 % du prix de vente au public fixé par l'éditeur
ou l'importateur.
« Un décret en Conseil d'Etat fixe en tant que de besoin les conditions
d'application de la présente loi. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Daniel Eckenspieller,
rapporteur.
Cet amendement vise à tirer les conséquences du calendrier
d'adoption probable de la présente loi pour les modalités d'entrée en vigueur
de celle-ci.
Dans l'esprit des rédacteurs du projet de loi, le texte devait être adopté
avant le 31 décembre 2002, l'année civile 2003 en constituant la première année
d'application.
Afin de tenir compte des délais probables d'examen de ce texte et d'éviter,
pour des motifs techniques, une entrée en vigueur immédiate de la loi, qui
poserait des problèmes dans les relations entre les fournisseurs en matière de
facturation, dus au versement du prélèvement de 6 %, je propose une nouvelle
rédaction de l'article 5 prévoyant que la loi entrera en vigueur le premier
jour du deuxième mois suivant sa publication au
Journal officiel,
ce qui
laissera le temps aux acteurs de s'organiser, et que le dispositif transitoire
s'appliquera dans un délai d'un an à compter de la date d'entrée en vigueur de
la présente loi. Cela était déjà prévu, mais on pensait qu'il s'agirait d'une
année pleine.
Enfin, il semble utile de prévoir qu'un décret en Conseil d'Etat déterminera
les conditions d'application de la loi.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Jacques Aillagon,
ministre.
Favorable.
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° 14.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, l'article 5 est ainsi rédigé.
Vote sur l'ensemble
M. le président.
Avant de mettre aux voix l'ensemble du projet de loi, je donne la parole à M.
Jack Ralite, pour explication de vote.
M. Jack Ralite.
Mon collègue Ivan Renar a précisé, au terme de son intervention, que nous
allions voter ce projet de loi. Je le confirme, mais je voudrais formuler
quelques remarques.
En effet, tout le monde aura noté qu'il a fallu beaucoup de temps pour aboutir
au texte qui nous est soumis aujourd'hui. S'il en a été ainsi, c'est parce que
les acteurs étaient multiples, mais c'est aussi parce qu'il s'agit du livre, de
l'écrit, de la langue, de la création littéraire. C'est même le fond du sujet
!
Le projet de loi que nous allons voter met donc en rapport l'écrit, la langue
et la diversité de la société. Or le lien entre la société et l'écrit est
assuré par l'édition, qui doit être pluraliste. A cet égard, comme l'a déjà
souligné Ivan Renar, nous sommes actuellement confrontés à ce que j'appellerai
un séisme culturel, économique, financier et social, dû aux conséquences de
l'affaire Vivendi.
J'interviens souvent sur ce sujet, je le reconnais, mais je continuerai de le
faire, car on ne peut pas tenir les propos si chaleureux que nous avons tous
tenus sur l'édition, le livre et la langue tout en refusant, dans le même
temps, que cette question soit abordée au Sénat ou à l'Assemblée nationale.
L'Edition sans éditeurs
, d'André Schiffrin, petit livre que nombre
d'entre vous connaissent, mes chers collègues, raconte ce qui est arrivé, aux
Etats-Unis, à un éditeur de taille moyenne mais très riche d'imagination, à
savoir Pantheon, après son absorption par un groupe international, Bertelsmann.
Dans un premier temps, ce groupe acheteur a publié une déclaration
enthousiaste, faisant l'éloge de la société achetée, promettant de maintenir
ses glorieuses traditions et assurant qu'aucun changement majeur
n'interviendrait et que, dans la mesure du possible, il ne serait procédé à
aucun licenciement. Dans la suite du livre, cet éditeur américain décrit ce
qu'il a vécu en réalité, et je me dis alors, en lisant l'histoire de cet homme
qui n'est pourtant pas de mon bord, que nous pensons la même chose ! Il n'est
pas inintéressant de le souligner...
Nous sommes nous aussi confrontés à de telles situations. Ainsi, M. Fourtou,
après avoir, pendant des années, voté, sans exprimer de nuances ni soulevé
d'objections, les décisions de M. Messier a décidé récemment, afin de trouver
l'argent dont il a besoin pour rétablir l'équilibre financier de Vivendi
Universal, de vendre le secteur « édition » du groupe. Une telle attitude
mérite réflexion, à mon avis, et exige la prise de décisions qui ne peuvent
relever du seul secteur privé. Ce dernier a d'ailleurs déjà été évoqué au cours
de nos débats, notamment quand il s'est agi de favoriser les petits libraires
face aux grands groupes comme la FNAC ! Ce n'est pas désolant, nous avons des
responsabilités publiques à assumer !
Je me référerai, à cet instant, à M. le ministre de la culture et de la
communication, non pas pour le contrarier, mais pour montrer qu'il est sensible
à ces questions ; je sais sa crainte devant la présence de « dépeceurs » ou de
« désosseurs » d'entreprises.
Que va-t-il se passer ? Plusieurs solutions existent actuellement s'agissant
de la reprise des activités de Vivendi Universal dans l'édition.
En premier lieu, une proposition émane de trois fonds d'investissement. On
sait très bien que ce serait alors la porte ouverte à la recherche de
plus-values et à la revente ultérieure « par appartements ». On sait ce que
l'on quitte, on ne sait pas où l'on va !
En deuxième lieu, Hachette est sur les rangs. J'ai noté, à cet égard, que
Le Figaro
,
Libération
,
Le Point
et
Le Monde
se sont
fait largement l'écho de cette option. C'est d'ailleurs le droit des auteurs
des articles auxquels je fais ici allusion, mais j'ai tout de même relevé des
inexactitudes.
Ainsi, M. Durand, par ailleurs remarquable éditeur, affirme que, finalement,
le groupe Hachette contrôlera à hauteur de 25 % ou de 26 % le secteur de
l'édition. C'est faux ! Le pourcentage sera au moins de 40 %, et on ne nous
précise pas qu'Hachette assurera 80 % de la distribution ! Cela est si vrai que
tous les libraires ont reçu une lettre d'Hachette sur le thème : « on est
beaux, on est gentils, soyez contents » ! Mais ces libraires ont une expérience
de la diffusion par Hachette ; un risque existe.
En troisième lieu, un article d'un monsieur que je ne connais pas mais que je
vais rencontrer, Pierre Cohen-Tanugi, a paru dans
Le Monde
. Il évoque
l'avenir du livre et propose : « faisons un rêve ». Puisque l'Etat intervient
dans certaines ventes aux enchères au nom de l'intérêt général, ne pourrait-on
invoquer un droit de préemption dans cette affaire ? Je ne relirai pas son
argumentation, car ce serait trop long, mais il ajoute qu'il ne s'agirait pas
du tout, pour l'Etat, de créer un domaine public particulier, mais d'assumer
ses responsabilités. En matière d'achat des livres scolaires, l'argent provient
bien, pour une grande part, des collectivités publiques ! De même, presque
toutes les villes de France achètent des dictionnaires pour les remettre aux
enfants en guise de prix.
Certes, je sais qu'il est difficile de trancher. Des débats se tiennent au
sein des syndicats, chez les éditeurs, dans la presse, mais il serait
judicieux, à mon sens, que M. le ministre de la culture organise une table
ronde au ministère sur l'état actuel de l'édition française.
Mme Danièle Pourtaud.
Très bien !
M. Jack Ralite.
Un tel échange de vues, mené dans l'esprit qui anime notre débat
d'aujourd'hui, permettrait de faire un pas en avant. Nombre d'inquiétudes
seraient alors légitimement apaisées ! Un débat « à la messier » serait le
bienvenu : non pas « à la Messier J6M.com », mais « à la messier » selon la
définition du
Robert
, pour lequel le messier est le « gardien des
moissons, des récoltes », c'est-à-dire, en l'occurrence, du pluralisme de
l'édition française.
(Applaudissements sur les travées du groupe communiste
républicain et citoyen et sur les travées socialistes.)
M. le président.
La parole est à Mme Françoise Férat, pour explication de vote.
Mme Françoise Férat.
Le groupe de l'Union centriste se félicite des améliorations au texte que la
discussion a pu apporter.
Sur le fond, le présent projet de loi permet de mettre fin à de longues années
de débat où partisans du droit d'auteur et défenseurs de la gratuité du prêt se
combattaient par le biais de pétitions ou de prises de parole.
Aujourd'hui, le dispositif a atteint un certain équilibre : d'une part, les
auteurs perdent leur droit exclusif en contrepartie d'une rémunération ;
d'autre part, le choix du prêt payé, préféré au prêt payant, garantit le
respect de l'égal accès de tous à la culture. De plus, l'instauration du droit
de prêt permet de régler la situation sociale des auteurs, ce dont on ne peut
que se réjouir.
Pour ces raisons, le groupe de l'Union centriste votera le texte ainsi amendé.
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste.)
M. le président.
La parole est à M. Pierre Laffitte, pour explication de vote.
M. Pierre Laffitte.
Je souhaite indiquer brièvement que ce texte, après un examen relativement
rapide par la commission et une présentation non moins rapide par M. le
ministre, sera une bonne loi. Mon groupe le votera donc avec satisfaction.
M. le président.
La parole est à M. le président de la commission.
M. Jacques Valade,
président de la commission des affaires culturelles.
Monsieur le
président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je voudrais tout d'abord
saluer le fringant cavalier qu'est Jack Ralite !
(Sourires.)
Tout au long de cette discussion, nous avions pourtant évité, monsieur le
rapporteur, les « cavaliers », quels que soient leur origine et leurs
inspirateurs. Mais voilà que, au détour d'une explication de vote, M. Ralite,
poursuivant sa croisade sur son fringant destrier, nanti de son armure, a de
nouveau évoqué un sujet de préoccupation qui lui tient à coeur et dont il nous
avait déjà fait part à diverses reprises, oralement, au sein de la commission,
mais aussi par écrit. En effet, j'ai reçu plusieurs lettres de sa part voilà
quelque temps, un certain nombre de ses collègues ici présents se joignant dans
une seconde phase à sa démarche, puis il a écrit au Premier ministre, en ayant
la gentillesse de me faire tenir cette correspondance.
Il a repris un dossier qui nous mobilise tous. Les problèmes qu'il évoque
doivent bien sûr retenir votre attention, monsieur le ministre, et celle du
Gouvernement. Ces problèmes mobilisent et rassemblent tous les parlementaires
qui sont conscients du risque que la culture française peut courir à travers
ses différentes expressions.
Ce dossier comporte deux aspects. D'une part, il y a l'aspect national,
culturel, au sens le plus noble du terme. Il ne concerne pas uniquement la
France. En effet chaque pays peut se trouver dans cette situation et subir la
loi de groupes financiers. D'autre part, il y a l'aspect misérablement
réglementaire. Lorsque M. Jack Ralite nous écrit pour demander la réunion dans
des formes particulières de telle commission, voire de telle assemblée, nous
devons lui répondre que, sur le plan juridique, c'est impossible si nous
souhaitons respecter les textes en vigueur.
Il a suggéré de réunir une table ronde. Mon cher collègue, j'espère que vous
m'en donnerez acte, j'avais déjà émis modestement ce souhait au sein de notre
commission. Je parle sous le contrôle des nombreux membres de la commission des
affaires culturelles qui sont présents dans cet hémicycle, et je les en
remercie.
Monsieur le ministre, vous avez le choix des armes. Au niveau de votre
ministère, sous des formes diverses, un tel débat peut être envisagé, sous
réserve, bien sûr, qu'il soit bien ciblé et que l'on ne fasse le procès ni
d'un homme, ni d'une équipe, ni d'un système. Disant cela, je ne les défends
pas. Ce qui nous importe, c'est le maintien de notre production, notamment
littéraire, et la sauvegarde des auteurs, des producteurs, de tous ceux qui
concourent au développement de la culture, à laquelle nous sommes attachés, et
tout particulièrement de la culture française.
Donc, je donne acte au fringant cavalier de son habileté et de sa fougue.
(Sourires.)
Monsieur le ministre, je vous remercie d'avoir pris le risque - et tout à
l'heure des revendications en paternité ont été exprimées par certains ou par
certaines - de nous présenter ce texte en le conservant tel qu'il avait été
déposé par le gouvernement précédent, qui en reste signataire. Comme cela a été
rappelé à plusieurs reprises, ce texte assure une continuité, même si nous
déplorons le délai qui s'est écoulé entre l'élaboration de ce texte et son
examen par la représentation nationale.
Vous aurez eu le mérite d'avoir présenté ce texte au Parlement, tout d'abord
au Sénat, et nous y sommes sensibles. Nous nous sommes efforcés de l'améliorer
et de le modifier, en parfaite coopération avec vous-même et vos
collaborateurs.
Je remercie tout particulièrement M. le rapporteur. Il a consacré beaucoup de
temps à ce texte, a procédé aux auditions nécessaires et a approfondi tous les
aspects de la question. Nous avons beaucoup apprécié son engagement dans ce
domaine. D'ailleurs, il était soutenu par la logistique de notre commission et
par nos administrateurs, qui nous ont beaucoup aidés pour mettre en forme ce
texte et les amendements y afférent.
La commission ira, bien sûr, dans le sens indiqué par M. le rapporteur au fur
et à mesure des amendements présentés.
Par ailleurs, aucun membre du groupe du RPR ne s'est exprimé. Aussi, au nom de
mes collègues de ce groupe - je ne sais d'ailleurs plus ce qu'il faut dire
s'agissant de la dénomination du groupe
(Sourires)
- je précise que,
bien entendu, nous voterons ce texte avec enthousiasme.
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Jacques Aillagon,
ministre.
Monsieur le président, permettez-moi tout d'abord de faire part
de mon émotion à l'ensemble du Sénat. C'est la première fois qu'il m'était
donné de défendre un texte devant le Parlement. J'ai mis beaucoup de soin à
préparer cette épreuve, que j'appréhendais. J'en sors rasséréné.
J'ai beaucoup apprécié le travail de la commission dans son ensemble. J'en
remercie notamment son président et son rapporteur. J'ai également été très
sensible à la qualité des amendements, même s'il m'est arrivé d'émettre un avis
défavorable à l'encontre de certains d'entre eux. En tout cas, l'addition de
ces amendements témoigne de la qualité du travail législatif qui est fait au
sein de cette grande assemblée.
J'ai le sentiment que nous sommes tous attachés à mener à bien la première
étape de ce texte. Comme je l'ai indiqué, il s'agit d'un texte de continuité.
En effet, ceux qui m'ont précédé, notamment Mme Catherine Tasca, y ont pris une
part importante.
Ce texte a permis une très large convergence de points de vue. Il permettra,
je puis vous l'assurer, de développer dans notre pays la lecture publique et la
librairie, tout en assurant aux auteurs la reconnaissance de leurs droits
légitimes, que l'on ne pouvait méconnaître plus longtemps. Je vous en
remercie.
Je souhaite réagir à l'idée lancée par M. Jack Ralite d'engager un débat sur
l'avenir de l'édition en France.
Il s'agit d'une question très délicate. En effet, il est aujourd'hui évident,
bien que je ne sois pas dans le secret des affaires, que la branche « édition »
de Vivendi Universal, qui porte la dénomination très française de Vivendi
Universal Publishing
(Sourires)
sera vendue. Cela est nécessaire pour
tenter de rétablir les équilibres financiers de Vivendi Universal.
Certes, il n'appartient pas au Gouvernement de dicter aux responsables de ce
groupe le choix de ceux à qui ils céderont Vivendi Universal Publishing.
Cependant, il lui appartient d'affirmer auprès des responsables dudit groupe
notre préoccupation en ce qui concerne certains objectifs et le respect d'un
certain nombre d'intérêts. En effet, ce groupe possède plusieurs grandes
maisons d'édition qui font partie du coeur même du dispositif éditorial
français. Je pense notamment à Larousse, dont on célèbre cette année le 150e
anniversaire. Il va de soi que le sort de cette maison d'édition ne peut nous
laisser indifférents.
Nous avons indiqué aux responsables de Vivendi Universal à quel point nous
étions attachés à ce que ces maisons d'édition restent dans le giron du
patrimoine industriel, éditorial et culturel français, car elles représentent
une part importante de notre mémoire et de notre partrimoine éditorial. Nous
leur avons également dit que nous souhaitions que la France conserve, sur la
scène internationale, une capacité stratégique en matière d'édition. Il ne
s'agit pas non plus de faire preuve d'étroitesse d'esprit, de rester entre
Français, entre nous, et de se priver de toute capacité d'intervention ou
d'action sur la scène internationale.
Dans l'histoire culturelle de l'Europe, notre pays a été un grand pays
d'édition. Il doit le rester. Il nous appartient bien sûr de faire valoir ces
objectifs généraux en des termes compatibles avec la responsabilité financière
et industrielle de ceux qui ont désormais la responsabilité de diriger Vivendi
Universal.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi.
(Le projet de loi est adopté.)
M. le président.
Je constate que ce texte a été adopté à l'unanimité.
(Applaudissements.)
Ce débat était empreint d'une grande sérénité, grâce à vous, monsieur le
ministre, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, et à
vous tous, mes chers collègues.
17
DÉCLARATION DE L'URGENCE
D'UN PROJET DE LOI
M. le président. M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre la lettre suivante :
« Paris, le 8 octobre 2002.
« Monsieur le président,
« J'ai l'honneur de vous faire connaître qu'en application de l'article 45,
alinéa 2, de la Constitution le Gouvernement déclare l'urgence du projet de loi
relatif aux marchés énergétiques, déposé sur le bureau du Sénat le 25 septembre
2002.
« Veuillez agréer, monsieur le président, l'assurance de ma haute
considération.
« Signé : « Jean-Pierre RAFFARIN »
Acte est donné de cette communication.
18
TRANSMISSION D'UNE PROPOSITION DE LOI
M. le président.
J'ai reçu de M. le président de l'Assemblée nationale une proposition de loi,
adoptée par l'Assemblée nationale, relative à la conduite sous l'influence de
substances ou plantes classées comme stupéfiants.
La proposition de loi sera imprimée sous le n° 11, distribuée et renvoyée à la
commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel,
du règlement et d'administration générale, sous réserve de la constitution
éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le
règlement.
19
TEXTES SOUMIS AU SÉNAT EN APPLICATION DE L'ARTICLE 88-4 DE LA CONSTITUTION
M. le président.
J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le
Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative à
l'harmonisation des dispositions législatives, réglementaires et
administratives des Etats membres en matière de crédit aux consommateurs.
Ce texte sera imprimé sous le n° E-2103 et distribué.
J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le
Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Proposition de règlement du Conseil concernant la contribution financière de
la Communauté au Fonds international pour l'Irlande (2003-2004).
Ce texte sera imprimé sous le n° E-2104 et distribué.
J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le
Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Proposition de décision du Conseil concernant la signature et la conclusion
d'un accord entre la Communauté européenne et la Turquie relatif aux
précurseurs et aux substances chimiques utilisés fréquemment pour la
fabrication illicite de drogues ou de substances psychotropes.
Ce texte sera imprimé sous le n° E-2105 et distribué.
J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par la
Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Proposition de décision du Conseil relative à la signature, au nom de la
Communauté européenne, d'un accord sous forme de protocole d'accord entre la
Communauté européenne et la République fédérative du Brésil concernant des
arrangements dans le domaine de l'accès au marché des produits textiles et
d'habillement, et autorisant son application provisoire.
Ce texte sera imprimé sous le n° E-2106 et distribué.
J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le
Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Projet de la commission portant modalités d'exécution du règlement (CE) n°
... du Conseil portant règlement financier applicable au budget général des
Communautés européennes.
Ce texte sera imprimé sous le n° E-2107 et distribué.
20
DÉPÔT D'UN RAPPORT
M. le président.
J'ai reçu de M. Philippe Marini, rapporteur général, un rapport fait au nom de
la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques
de la nation sur le projet de loi adopté par l'Assemblée nationale portant
règlement définitif du budget de 2001 (n° 8, 2002-2003).
Le rapport sera imprimé sous le n° 12 et distribué.
21
ORDRE DU JOUR
M. le président.
Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment
fixée au mercredi 9 octobre 2002, à seize heures quinze et, éventuellement, le
soir :
1. Nomination des membres de la commission spéciale chargée de vérifier et
d'apurer les comptes du Sénat.
2. Déclaration du Gouvernement, suivie d'un débat, sur la question de
l'Irak.
Aucune inscription de parole dans le débat n'est plus recevable.
Délais limites pour les inscriptions de parole
et pour le dépôt des amendements
Question orale avec débat (n° 2) de M. Christian Poncelet sur la situation de
l'industrie textile en France à Mme la ministre déléguée à l'industrie :
Délai limite pour les inscriptions de parole dans le débat : mercredi 9
octobre 2002, à dix-sept heures.
Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, portant règlement définitif
du budget de 2001 (n° 8, 2002-2003) :
Délai limite pour le dépôt des amendements : mercredi 9 octobre 2002, à
dix-sept heures.
Proposition de loi modifiant certaines dispositions du code de commerce
relatives aux mandats sociaux (n° 7, 2002-2003) :
Délai limite pour le dépôt des amendements : lundi 14 octobre 2002, à dix-sept
heures.
Projet de loi relatif aux marchés énergétiques (n° 406, 2001-2002) :
Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale :
lundi 14 octobre 2002, à dix-sept heures ;
Délai limite pour le dépôt des amendements : lundi 14 octobre 2002, à dix-sept
heures.
Personne ne demande la parole ?...
La séance est levée.
(La séance est levée à dix-neuf heures quarante.)
Le Directeur
du service du compte rendu intégral,
MONIQUE MUYARD
NOMINATIONS DE MEMBRES
DE COMMISSIONS PERMANENTES
Dans sa séance du mardi 8 octobre 2002, le Sénat a nommé :
M. André Geoffroy membre de la commission des affaires sociales, en
remplacement de M. Serge Mathieu, démissionnaire ;
M. Serge Mathieu membre de la commission des affaires économiques et du Plan,
en remplacement de M. André Ferrand.
Le Directeur du service du compte rendu intégral, DOMINIQUE PLANCHON QUESTIONS ORALES REMISES À LA PRÉSIDENCE DU SÉNAT (Application des articles 76 à 78 du réglement)
Modalités de calcul des pensions de réversion en cas de cumul
avec des avantages personnels de vieillesse
49.
- 4 octobre 2002. -
M. Philippe Arnaud
attire l'attention de
M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité
sur les modalités de liquidation en usage pour les pensions de réversion en cas
de cumul avec des avantages personnels de vieillesse. Il lui rappelle en effet
que l'interprétation selon laquelle, en cas de pluralité de régimes débiteurs
d'un droit à réversion, la limite forfaitaire doit être divisée par le nombre
de ces régimes, a été, à plusieurs reprises depuis cinq ans, remise en cause
par la Cour de cassation. Or, en dépit de cette jurisprudence constante, cette
pratique de la division de la limite forfaitaire par le nombre de régimes
débiteurs d'un avantage de réversion continue à être systématiquement appliquée
; ce n'est que si l'assuré exerce son droit de recours, à condition bien
entendu qu'il connaisse la position de la Cour de cassation, qu'il pourra
bénéficier du mode de calcul plus favorable édicté par cette juridiction. Une
telle situation, parfaitement illégale, ne pouvant perdurer, il lui demande si
le gouvernement entend mettre fin à de tels errements afin que les règles de
calcul rappelées par la Cour de cassation en la matière soient respectées.
Réglementation du prix de l'eau
50.
- 4 octobre 2002. -
M. Jean-Claude Carle
attire l'attention de
Mme la ministre de l'écologie et du développement durable
sur la réglementation actuelle fixant le prix de l'eau. En effet, la
facturation est fonction de la consommation effectuée. Cette mesure, basée sur
le principe d'égalité de tous les usagers, s'avère particulièrement inéquitable
dans nombre de communes touristiques. Ces dernières doivent faire face à des
investissements surdimensionnés pour répondre aux besoins des résidences
secondaires. Compte tenu de la réglementation en vigueur, ce sont donc les
habitants permanents qui assument la plus grosse partie de la charge de ces
surplus d'investissements. Plusieurs communes, dans un souci d'équité, ont mis
en place une part fixe. Elles se sont vues déboutées par les tribunaux
compétents. Il lui demande quelles mesures spécifiques elle compte prendre
vis-à-vis de ces communes à l'heure où celles-ci doivent faire face à des
investissements énormes comme la reconstruction de leur station d'épuration
(STEP). Ces mesures sont urgentes et indispensables, faute de quoi les communes
seront dans l'incapacité de réaliser ces mises aux normes.
Avenir de la haute couture et du prêt-à-porter
51.
- 4 octobre 2002. -
Mme Nicole Borvo
attire l'attention de
M. le ministre de la culture et de la communication
sur la situation des salariés de Cerruti et celle de la haute couture et du
prêt-à-porter en France. Sacrifiés sur l'autel de la productivité et de la
rentabilité financière, ils se battent pour défendre leurs droits et leur
dignité ainsi que pour préserver l'avenir de la haute couture et du
prêt-à-porter à Paris et ailleurs. La haute couture et le prêt-à-porter sont
des oeuvres culturelles qui font partie de l'exception culturelle et
contribuent grandement au prestige de la France et de sa capitale dans le
monde. Les faire passer sous les fourches caudines des logiques de rentabilité
financière ne peut qu'avoir des conséquences désastreuses du point de vue
économique, social et culturel. L'Etat doit au contraire affirmer la dimension
culturelle de la mode en tant que patrimoine vivant qu'il convient d'enrichir
et, dans une conjoncture difficile, de sauvegarder. Dans ce cadre, il devrait
contribuer à relancer une véritable politique d'apprentissage, des
transmissions de savoir et des compétences dans ce secteur, ce qui
constituerait une des garanties pour assurer l'avenir de cette branche
prestigieuse. Par ailleurs ne s'agirait-il pas de créer un fonds d'aide à la
création comme cela existe pour le cinéma et la chanson ? Car si aujourd'hui il
y a encore un cinéma d'auteur en France, on le doit à ce système. Peut-on faire
moins pour la création dans la haute couture et dans la mode ? Il serait
également souhaitable que la tutelle gouvernementale de la mode en tant
qu'industrie culturelle se rééquilibre en faveur du ministère de la culture. Ce
rééquilibrage constituerait un premier pas vers la véritable reconnaissance que
celle-ci est partie intégrante de l'exception culturelle. Pour toutes ces
raisons, elle lui demande que le gouvernement accueille favorablement la
proposition de créer une commission d'enquête parlementaire sur l'activité
haute couture et prêt-à-porter parisienne et nationale. Dans l'immédiat, toutes
les mesures pour sauver l'emploi et l'avenir de cette branche doivent être
prises.
Assurances et responsabilité civile des hôpitaux
52.
- 7 octobre 2002. -
M. Jean-Louis Lorrain
appelle l'attention de
M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées
sur les difficultés rencontrées par les cliniques et les hôpitaux du secteur
privé en raison du retrait des compagnies d'assurances du marché de la
responsabilité civile médicale. Il lui rappelle, en effet, que la loi n°
2002-303 du 4 mars 2002 sur les droits des malades et la qualité du système de
santé, notamment l'article relatif aux infections nosocomiales, provoque une
inquiétude grandissante de la part des sociétés d'assurances concernant la
couverture des risques liés à l'activité médicale. Il lui indique que selon une
enquête menée en juillet dernier par la Fédération de l'hospitalisation privée,
700 à 900 établissements privés risquent de se retrouver sans assurance d'ici à
la fin de cette année, et que cela va entraîner de fait leur fermeture. Il lui
demande, en conséquence, si des discussions sont actuellement en cours entre
son ministère et les représentants des assureurs, et s'il envisage de saisir le
Parlement d'une modification de cette loi.
Retards récurrents des rectorats dans les paiements
des traitements des enseignants
53.
- 7 octobre 2002. -
M. Bernard Fournier
appelle l'attention de
M. le ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche
sur un problème récurrent de l'administration des rectorats en matière de
paiement des traitements des enseignants. Les modalités de règlement des
émoluments des maîtres auxiliaires et des professeurs sont loin d'être
satisfaisantes et génèrent des problèmes de trésorerie extrêmement graves pour
les jeunes qui ont choisi ce métier. Tous l'ont adopté par vocation, certains
doivent le quitter par nécessité, conséquence d'une administration « mauvaise
payeuse ». La lenteur dans le règlement des sommes dues atteint des délais que
le secteur privé ne saurait admettre : ainsi, lors de chaque changement de
poste, il faut plus de trois mois pour un maître auxiliaire pour percevoir son
traitement, mais ce retard atteint parfois six ou huit mois. Pour un changement
indiciaire, certains professeurs ont dû atteindre quatorze mois afin que le
nouvel échelon soit appliqué. Pour les enseignants non titulaires qui doivent
attendre les indemnités chômage, la moyenne est de huit mois avant que
celles-ci ne soient versées. De tels délais sont incompatibles avec la bonne
administration du service public. La jurisprudence du Conseil d'Etat signale
que la responsabilité de l'Etat est clairement engagée. Aussi, il le remercie
de bien vouloir lui indiquer s'il entend rompre avec ces pratiques, et quelles
sont les mesures qui pourraient être prises afin que les traitements des
fonctionnaires de l'éducation nationale et de l'éducation privée sous contrat
avec l'Etat soient versés effectivement et normalement à la fin du mois, après
service fait.
Traitements des boues des stations d'épuration
54.
- 8 octobre 2002. -
Mme Josette Durrieu
attire l'attention de
Mme la ministre de l'écologie et du développement durable
sur la législation en matière de traitement des boues et des stations
d'épuration. En effet, la loi n° 99-586 du 12 juillet 1999 relative au
renforcement et à la simplification de la coopération intercommunale permet de
scinder en deux la compétence du service public d'élimination des déchets
ménagers et assimilés. Ainsi, il existe, d'une part, la collecte dont les
déchetteries font partie et, d'autre part, le traitement qui comprend le
transfert, le transport, le tri, la valorisation énergétique et/ou la mise en
décharge de déchets ultimes. Ce partage des compétences permet de mettre en
oeuvre des organisations de traitement mieux à même de maîtriser les coûts
d'équipement et de neutraliser les coûts de fonctionnement. Or, au sens de la
loi n° 75-633 du 15 juillet 1975 relative à l'élimination des déchets et à la
récupération des matériaux, les boues de stations d'épuration constituent un
déchet. Leur traitement s'inscrivant dans le cadre du service d'assainissement
est lié à l'exploitation des stations d'épuration. Les producteurs de boues
sont donc responsables de leur élimination. En conséquence, elle lui demande de
bien vouloir lui indiquer si elle entend faire évoluer la loi, afin de faire
bénéficier les services publics d'assainissement des mêmes possibilités
d'organisation que celles prévues pour le service public d'élimination des
déchets ménagers et assimilés.
Avenir des phares
55.
- 8 octobre 2002. -
M. Pierre-Yvon Trémiel
attire l'attention de
M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de
la mer
sur l'avenir des phares. Outre leur rôle en matière de navigation, et malgré
l'existence d'autres systèmes de signalisation sonore ou lumineuse, les phares
constituent un ensemble de patrimoines bâtis tout à fait remarquable et
précieux. La préservation et la mise en valeur des phares est une nécessité :
au regard des générations futures, nous avons aujourd'hui le devoir de
préserver ces monuments irremplaçables. Dans le cadre du plan de modernisation
des phares, le précédent gouvernement avait attribué des dotations spécifiques
pour la remise à niveau d'un certain nombre d'établissements de signalisation
maritime. En 2000, il avait également lancé des études à propos du patrimoine
des phares et des instruments de signalisation maritime, et avait par ailleurs
confié une mission à l'Ecole nationale des ponts et chaussées devant déboucher
sur un rapport d'étape, fin 2001. Les résultats de ces différentes études
devaient permettre d'en dresser l'état des lieux, et de définir une politique
adaptée et ambitieuse de protection et de mise en valeur de ce patrimoine tout
à fait remarquable. Ils devaient également conduire à mener une réflexion sur
le système de gestion à adopter, sans doute en collaboration avec les
collectivités locales, afin de préserver les phares et de les rendre
accessibles à tous, au même titre que tout monument historique. Aussi, il lui
demande de bien vouloir l'informer des résultats et analyses des études
conduites par le ministère et par l'Ecole nationale des pont et chaussées, et
de lui indiquer les orientations qu'il entend prendre sur l'ensemble de ce
dossier.
Avenir des pays
56.
- 8 octobre 2002. -
M. Daniel Goulet
souhaite interroger
M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés
locales
sur l'avenir des pays. Cette entité s'est développée, en France, avec les lois
n° 95-115 du 4 janvier 1995 d'orientation pour l'aménagement et le
développement du territoire et n° 99-553 du 25 juin 1999. Très souvent cette
structure s'est purement et simplement superposée à celles bien nombreuses qui
existent déjà, contribuant par là même à une croissance exponentielle des frais
de fonctionnement. Les élus locaux s'interrogent sur le bien-fondé de cette
structure et certains souhaitent que les lois concernants les pays soient
remises en cause par la majorité nouvelle. Il lui demande quelle est sa
position sur ce sujet et quel avenir il destine aux pays et notamment à ceux
dont le fonctionnement est le moins opérationnel ?