SEANCE DU 8 OCTOBRE 2002
M. le président.
La parole est à M. Roland Courteau, auteur de la question n° 24, adressée à M.
le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires
rurales.
M. Roland Courteau.
Monsieur le ministre, je souhaite exprimer, comme je l'avais fait devant votre
prédécesseur, les fortes inquiétudes tant des personnels que des maires
concernés à la suite de la réorganisation des structures de l'Office national
des forêts, l'ONF.
La mise en oeuvre de cette réorganisation ne semble pas apporter une solution
au problème de fond. En revanche, elle met en péril la force principale de
l'ONF, c'est-à-dire les moyens humains.
Je vais être plus précis.
Les personnels et les maires des communes forestières redoutent l'effet d'une
telle réorganisation sur le devenir du patrimoine forestier ou sur les actions
de développement local dont l'ONF est l'un des acteurs essentiels.
Les organisations syndicales craignent « que les notions de gestion durable et
de pérennité d'un patrimoine forestier exceptionnel ne soit appelées à
disparaître ». Elles affirment aussi « qu'il est inconcevable que l'office ne
soit plus un acteur incontournable dans la gestion de l'environnement, du
développement durable et des espaces naturels ».
Enfin, tous redoutent que, par manque de moyens, ils ne soient dans
l'impossibilité d'assurer les missions de service public qui leur sont
dévolues.
Or, nous en sommes tous convaincus ici, la forêt est une chance pour la
France. Ainsi, dans le département de l'Aude, la forêt publique gérée par l'ONF
représente plus de 78 000 hectares, dont 65 % de forêts appartenant à des
collectivités. Actuellement, l'organisation de l'ONF assure un maillage complet
du territoire, en parfaite adéquation avec les missions qui sont les siennes.
Qu'en sera-t-il demain, dans le cadre de cette réorganisation ? La suppression
de dix-neuf postes de forestiers d'ici à 2006 représente, pour l'Aude, une
diminution de 31 % des effectifs, et de 42 % si je prends en compte la
non-compensation de la réduction du temps de travail.
Chacun peut donc aisément comprendre qu'une telle amputation du maillage
territorial est loin d'être neutre. D'où l'inquiétude des maires, qui
souhaitent le maintien d'une présence forte à leurs côtés. A quoi bon se battre
au quotidien, comme ils le font inlassablement, en matière de développement
local pour revitaliser l'espace rural si, dans le même temps, les services
publics tirent leur révérence. Sur le plan national, 11 % des effectifs sont
appelés à disparaître d'ici à 2006, soit 700 à 800 postes.
Pour conclure, je préciserai que les personnels ne sont nullement opposés à
toute évolution des structures, mais sous réserve d'une large concertation et
de la préservation de la qualité essentielle d'un service public auquel ils
sont particulièrement attachés. Il m'a d'ailleurs été indiqué que ces
personnels ont formulé des propositions visant à moderniser les structures et
le mode de financement de l'établissement.
Telles sont, monsieur le ministre, quelques-unes des raisons qui m'incitent à
réitérer devant vous la mise en place d'un moratoire afin que cette question
soit réexaminée et qu'elle fasse l'objet d'une large concertation.
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Hervé Gaymard,
ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires
rurales.
Monsieur le sénateur, à la demande du précédent gouvernement,
l'Etat et l'Office national des forêts ont signé, le 22 octobre 2001, un
contrat d'objectifs pour la période 2001-2006.
L'objet principal de ce contrat est de permettre à l'Office national des
forêts de mieux répondre aux attentes des collectivités et de la société dans
son ensemble, tout en confortant sa situation financière, fragilisée par les
tempêtes de la fin de l'année 1999, auxquelles s'ajoutent d'ailleurs, depuis
quelques semaines, les conséquences de la crise des feuillus.
Pour atteindre ces objectifs, le précédent gouvernement a demandé la mise en
oeuvre d'une refonte de l'organisation de l'établissement. Cette
réorganisation, qui a mobilisé les services de l'Office en 2002, s'est traduite
par une réduction, comme l'on dit, de la ligne hiérarchique : une dizaine de
directions régionales ou interrégionales à effectifs renforcés assurent les
fonctions de management et de gestion par objectif. Sur le terrain, elle a
privilégié la polyvalence en créant des équipes de gestion assurant, à la fois,
les fonctions de support technique, de commercialisation et de soutien
administratif et des équipes d'agents comportant une répartition fonctionnelle
par spécialité, tout en maintenant des équipes d'ouvriers plus autonomes.
Cette réorganisation, associée à un renforcement des compétences et des
qualifications des agents, doit permettre, d'ici à 2006, à volume global
d'activité inchangé, d'alléger les effectifs de fonctionnaires de 430 emplois
par une compensation partielle des départs à la retraite.
J'insiste sur le fait que l'évolution des effectifs est prévue par la
direction à volume global d'activité inchangé et que le développement de
nouvelles missions ou de nouvelles prestations répondant à des demandes de
partenaires publics ou privés serait de nature à l'infléchir.
Dans votre département de l'Aude, monsieur le sénateur, l'ONF compte 87,5
postes de fonctionnaire, auxquels s'ajoutent 31 ouvriers forestiers de droit
privé. Les agents fonctionnaires regroupent un chef d'agence, 55 agents
territoriaux et chefs de groupes techniques, 9 techniciens spécialistes, en
aménagement par exemple, et 12 agents administratifs. Les agents affectés aux
deux unités spécialisées créées lors de la réorganisation, dont les sièges sont
à Thézan-des-Corbières et à Carcassonne, exercent leurs activités sur le
terrain et continuent à être logés dans les maisons forestières.
A l'horizon 2006, une réduction de sept agents est prévue, soit une diminution
de 8 % des effectifs, pour un niveau d'activité conventionnelle identique à
celui de 2002. Cette prévision serait bien entendu revue si les collectivités
territoriales venaient à conclure des marchés de travaux supplémentaires avec
l'ONF. Il va de soi que l'établissement dégagerait les moyens humains et
matériels supplémentaires nécessaires à leur réalisation.
Sur le plan social, la direction générale de l'établissement s'est engagée, à
ma demande, à n'imposer aucune mobilité géographique hors promotion et à s'en
tenir à des mobilités fonctionnelles.
Conscient que le maillage de proximité est un de ses principaux atouts, je
veux que l'ONF veille à ne pas provoquer de déséquilibre dans l'aménagement du
territoire aux niveaux tant régional que départemental.
La réorganisation de l'ONF n'entraînera donc pas un désengagement dans
certaines parties du territoire : elle doit permettre, au contraire, une
mobilisation accrue de ses personnels.
Comme vous l'avez vous-même indiqué, monsieur le sénateur, l'ONF est un
établissement extrêmement prestigieux, qui assure une mission de service public
irremplaçable, dont nous devons assurer la pérennité. Il est vrai que cet
organisme rencontre, notamment à cause de la tempête, d'importantes difficultés
depuis quelques années. Ces difficultés conjoncturelles sont venues s'ajouter à
un moment où une réforme apparaissait nécessaire, réforme que personne ne
conteste d'ailleurs, étant donné l'ancienneté, voire l'archaïsme de certaines
structures ou modes d'organisation.
Je sais également, comme vous-même, monsieur le sénateur, que le personnel est
à la fois préoccupé de la réorganisation en cours, tout en souhaitant ardemment
qu'une véritable réforme de notre Office national des forêts ait lieu.
C'est la raison pour laquelle, dès mon arrivée au ministère, j'ai demandé au
directeur général de l'ONF, M. Goury, au nouveau président du conseil
d'administration, qui vient d'être nommé, M. Michel Blangy, d'agir dans le
cadre d'une étroite concertation afin que les évolutions nécessaires de l'ONF
se fassent dans le respect des principes d'écoute, de dialogue et de
participation.
M. le président.
La parole est à M. Roland Courteau.
M. Roland Courteau.
Monsieur le ministre, il n'y aura donc pas de moratoire, comme je le
souhaitais.
Vous devez bien comprendre pourtant l'angoisse des élus locaux et des
populations face aux atteintes des services publics qui ont lieu, d'une façon
générale, en milieu rural.
M. Philippe Marini.
Il ne faut rien exagérer !
M. Roland Courteau.
Aujourd'hui sont touchés l'ONF, La Poste, EDF, le Trésor public, les
gendarmeries, les commissariats... C'est à se demander si le mot « solidarité »
a encore un sens !
M. Philippe Marini.
N'exagérons rien !
M. Roland Courteau.
Mon cher collègue, vous êtes dans un milieu urbain, pensez un peu aux zones
rurales !
M. Philippe Marini.
Venez dans mon département. Vous verrez qu'il est très rural et que l'ONF y
est bien représenté !
M. Roland Courteau.
Laissez-moi parler ! Je ne vous ai pas interrompu, je ne vous interromps
d'ailleurs jamais, mon cher collègue !
Que valent, dans ces conditions, les discours sur le nécessaire aménagement
équilibré de l'espace, sur l'égalité des chances entre les territoires ? Je
crois qu'il est impératif, s'agissant des services publics en général, et plus
particulièrement des services publics en milieu rural, d'empêcher la saignée
que l'on connaît, si l'on ne veut pas rendre exangues certains territoires et
désespérer les populations concernées, ainsi que les élus locaux qui s'échinent
à contrecarrer - mais pour combien de temps ? - les effets dévastateurs d'une
sorte de politique de la terre brûlée. Comment ces élus parviendront-ils, en
effet, à inverser certaines tendances à la dévitalisation dans les secteurs les
plus fragiles s'ils sont privés de l'ossature indispensable des services
publics ?
(Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe communiste
républicain et citoyen et sur les travées socialistes.)
DÉSENGAGEMENT DE L'ÉTAT
DANS LES CONTRATS DE VILLE