SEANCE DU 8 OCTOBRE 2002
M. le président.
La parole est à M. Jean-Pierre Vial, auteur de la question n° 18, adressée à
M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité.
M. Jean-Pierre Vial.
Monsieur le secrétaire d'Etat aux personnes âgées, je voudrais attirer votre
attention sur la situation particulièrement complexe que rencontrent les
collectivités départementales, qui ont à gérer les besoins spécifiques des
personnes âgées.
En effet, l'année 2002 est marquée pour les départements, par l'entrée en
vigueur de la loi du 20 juillet 2001 relative à la prise en charge de la perte
d'autonomie des personnes âgées et à l'allocation personnalisée d'autonomie,
l'APA.
Cette allocation se substitue, en élargissant le champ des bénéficiaires, à la
prestation spécifique dépendance, la PSD.
Son coût a été estimé à 2,530 milliards d'euros et sa gestion est assurée par
les départements.
La contribution de l'Etat, s'élève à 930 millions d'euros. La part laissée à
la charge des départements aurait dû être de 1,6 milliard d'euros dont 1,1
milliard d'euros correspondant à différentes réaffectations de dépenses
consacrées antérieurement à la PSD notamment.
Le surcoût net pour les départements aurait dû être de 500 millions d'euros.
L'étude des budgets primitifs 2002 montre que les dépenses d'aide sociale des
départements seraient en croissance de 10,5 % en moyenne par rapport à celle de
2001.
L'APA constitue une réelle reconnaissance par notre société de la dépendance
et de ses conséquences humaines pour les 800 000 personnes âgées concernées et
leurs familles, et l'on ne peut que se féliciter de la solidarité nationale qui
s'est instaurée à l'égard de nos aînés en difficulté.
Toutefois, dans la pratique, de nombreuses exigences se font jour pour les
collectivités qui ont à mettre en oeuvre le dispositif.
En tant que président du conseil général de la Savoie, je suis tout à faire
solidaire de la motion récemment adoptée à ce sujet par l'Assemblée des
départements de France.
En Savoie, le coût pour le département va, au minimum, quintupler par rapport
à la PSD. Ainsi, alors qu'en 2001 le nombre de bénéficiaires était de 800 pour
un coût de 5 millions d'euros, il sera de 5 900 en 2002 et de 6 000 en 2003
pour un coût, à cette date, de 27 millions d'euros.
Avec une contribution de l'Etat de seulement 3 millions d'euros en 2002 pour
un coût de 18,5 millions d'euros, le montant à la charge du département sera de
15 millions d'euros, cela sans tenir compte des dépenses supplémentaires
nécessitées par l'embauche des équipes médico-sociales chargées des traitements
et de l'évolution des besoins.
Monsieur le secrétaire d'Etat, les choses sont simples : l'augmentation de la
fiscalité du 9,9 % à laquelle nous avons procédé à l'occasion du vote de notre
budget primitif, est déjà intégralement absorbée à ce jour par la mise en
oeuvre de l'APA !
Pour une large part, se sont spécialisés dans ce domaine les associations et
services d'aide à domicile comme l'association d'aide à domicile en milieu
rural - l'ADMR -, les centres communaux d'action sociale - les CCAS - et les
centres intercommunaux d'action sociale - les CIAS. Ils interviendront sur le
terrain pour répondre aux besoins croissants des populations âgées et pour que
soient respectés les principes de solidarité et de qualité des soins qui ont
conduit à la mise en place de cette oeuvre généreuse.
La mise en oeuvre des plans d'aide se heurte malheureusement au problème de la
pénurie des aides à domicile. Malgré les efforts déployés dans ce secteur,
notamment pour sa professionnalisation prévue par le décret du 26 mars 2002,
des difficultés apparaissent pour maintenir en poste un personnel de qualité en
raison d'un salaire proposé au SMIC et considéré comme peu attractif, notamment
dans les régions touristiques. C'est pourquoi les professionnels des
associations concernées demandent que la convention collective unique, sur
laquelle un accord avec les partenaires sociaux est intervenu le 21 mars
dernier, soit agréée par le ministère.
Par ailleurs, il semble urgent de s'interroger sur la revalorisation du taux
horaire journalier de 13,61 euros qui est actuellement applicable, celui-ci
s'avérant inférieur au prix de revient.
En outre, bien que les demandes exprimées en matière de rémunération par les
acteurs de terrain ne soient pas sans fondement, les mesures sont coûteuses et
ont une incidence financière très lourde sur les budgets départementaux,
pouvant même conduire les conseils généraux à faire des choix drastiques pour
honorer leur obligation de mettre en oeuvre l'APA.
Dans ce contexte particulier, quels soutiens le Gouvernement compte-t-il
apporter aux départements, qui oeuvrent avec ténacité pour relever le défi
social créé par une politique ambitieuse et humaniste, à laquelle une grande
majorité de nos concitoyens aspirent et ont souscrit ?
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Hubert Falco,
secrétaire d'Etat aux personnes âgées.
Monsieur le sénateur, je vous
remercie de me poser cette question qui est d'actualité.
L'allocation personnalisée d'autonomie est une bonne mesure, mais elle a été
mise en place, selon moi, avec beaucoup de légèreté. En effet, comme vous
l'avez souligné, monsieur le sénateur, mon prédécesseur avait prévu que 800 000
dossiers seraient déposés d'ici à 2004, voire à 2005. Or, à la fin de l'année
2002, ce sont 800 000 dossiers qui l'ont été dans mon département. Cela a une
conséquence financière importante. Le précédent gouvernement avait budgété 2,5
milliards d'euros pour financer l'APA mais, pour l'année 2003, il va manquer
1,2 milliard d'euros. En réalité, l'APA coûtera 4 milliards d'euros en année
pleine.
Nous allons conserver cette mesure qui, je le répète, est bonne, ainsi que son
caractère universel, qui est son fondement. Nous nous rapprochons des
départements qui sont les principaux financeurs de cette mesure, puisqu'ils
prennent en charge les deux tiers des frais, le tiers restant étant versé par
l'Etat grâce au fonds de financement de l'allocation personnalisée d'autonomie,
le FAPA.
Nous nous concertons avec les départements - à midi, je rencontre d'ailleurs
une nouvelle fois les représentants de l'Assemblée des départements de France -
pour envisager les différentes hypothèses permettant la mise en place des
leviers de compensation financière indispensables pour financer l'APA dans le
respect des finances départementales. Nous allons très rapidement proposer des
solutions.
L'APA en établissement a provoqué - vous le savez - bon nombre de problèmes.
Le passage de la PSD à l'APA a un coût qui était fort injustement supporté par
les personnes âgées, alors que la loi prévoyait, la première année, une
compensation de l'Etat en faveur des départements qui, eux-mêmes, devaient
assurer une compensation aux établissements.
Dans le courant de l'été, nous avons trouvé les 36 millions d'euros
nécessaires pour la compensation aux départements la première année, et nous
leur avons fait savoir. Nous sommes très sensibles au poids de l'APA sur leurs
finances.
Monsieur le sénateur, loin des effets d'annonce de nos prédécesseurs sur ce
sujet, nous privilégions, nous, l'action dans la concertation : en parfait
partenariat avec les départements, nous allons donc très rapidement proposer
des solutions de financement.
J'en viens à la seconde partie de votre question.
L'APA entraîne une nécessaire revalorisation des métiers de l'aide à domicile,
puisqu'elle nécessite plus de médicalisation, plus de professionnalisation. Il
s'agit en effet d'un service supplémentaire rendu à la personne âgée à
domicile. Ce sont 100 000 personnes qui travaillent dans des conditions
difficiles à temps partiel. Il faut les former et revaloriser leurs salaires.
Nous prévoyons la création de 400 000 emplois supplémentaires pour accompagner
l'APA à domicile. L'accord de branche signé par la profession va dans ce sens.
J'ai d'ailleurs, dès le 27 septembre, cosigné avec M. Fillon, ministre des
affaires sociales, du travail et de la solidarité, un courrier destiné à faire
part de notre adhésion à cette démarche. Toutefois, vous le comprenez en tant
que président du conseil général, il était essentiel que, préalablement à
l'agrément, un dialogue soit engagé avec les financeurs que sont les présidents
de conseil général et les caisses de retraite.
Nous avons prévu une revalorisation de l'ordre de 25 %, étalée sur trois ans,
des salaires des acteurs de l'APA à domicile. Telle est, monsieur le sénateur,
la réponse que je suis en mesure de vous faire sur ce dossier important que
nous aurons à traiter ensemble dans le courant de l'année.
M. le président.
La parole est à M. Jean-Pierre Vial.
M. Jean-Pierre Vial.
Monsieur le secrétaire d'Etat, je vous remercie des précisions que vous nous
avez apportées sur ce dossier complexe qui comporte plusieurs facettes, ainsi
que des informations et des orientations relatives à l'aspect financier du
dispositif. C'est effectivement sur ce point que se manifeste la première
inquiétude des départements, car l'absence de compensations pèse fortement sur
leur budget.
J'ai bien compris, monsieur le secrétaire d'Etat, qu'il n'était pas envisagé
de remettre en cause l'APA, qui est considérée comme une bonne mesure. Il en
résulte deux conséquences. Tout d'abord, en ce qui concerne le recrutement du
personnel - vous l'avez indiqué, monsieur le secrétaire d'Etat - l'instauration
de cette disposition requiert un personnel plus qualifié. Le problème qui se
pose aujourd'hui en matière de rémunération sera donc récurrent. Nous attendons
avec impatience les mesures qui seront prises à cet égard.
Ensuite, nous avons bien noté que la mise en oeuvre de cette disposition
nécessitait l'accompagnement et l'accord de l'ensemble des partenaires, qui
sont également des contributeurs.
Je formulerai d'autant plus volontiers ma dernière observation que vous nous
avez précisé que vous allez rencontrer les représentants de l'ADF à midi.
Soyons clairs : l'APA est une bonne mesure. Vous avez dit qu'elle avait été
prévue avec légèreté. Deux « cliquets », si vous me permettez l'expression,
auraient dû accompagner l'application de cette loi : le plafond des ressources
et le recours sur succession.
En ce qui concerne le plafond des ressources, il semble aujourd'hui
inacceptable de mettre à la charge des collectivités la prise en compte
intégrale d'un service qui pourrait être supporté partiellement par le
bénéficiaire.
Quant au recours sur succession, un excellent article paru dans
Le
Monde,
voilà quelques semaines, a montré que ce qui était important,
c'était moins les effets du recours que l'autodiscipline que cela engendrait de
la part des bénéficiaires qui, pour certains, s'autocontrôlaient. C'est
peut-être la raison pour laquelle nous assistons aujourd'hui à une explosion du
nombre des demandes.
Dans mon département, j'ai engagé la visite de tous les territoires sociaux
pour examiner avec les élus, les représentants des centres communaux d'action
sociale, des centres intercommunaux d'action sociale et des organismes
mandataires, les solutions possibles à ce problème d'éclatement et de mise en
oeuvre des services. Dès la deuxième réunion, j'ai été très étonné de constater
qu'il existe déjà, sur le territoire, des sociétés privées qui offrent ce
service au coût réel. J'ai également constaté, avec stupéfaction, que ces
sociétés privées n'ont aucune difficulté à faire payer la surfacturation -
elles ont même des listes d'attente - pour pouvoir satisfaire leurs clients.
Cela signifie qu'aujourd'hui la surfacturation peut être prise en charge par
une partie des bénéficiaires de la prestation qui disposent de revenus
suffisants. Par conséquent, nous pourrions régler 60 à 70 % des problèmes des
organismes prestataires simplement en faisant prendre en compte la
surfacturation par le bénéficiaire.
Quid,
me direz-vous, des personnes
qui se trouvent dans une situation difficile ? La solution est simple : il faut
revenir à la prise en compte de la surfacturation par l'aide sociale. Dès lors,
il suffirait que l'aide sociale ouvre le droit au recours sur succession pour
que l'on puisse retrouver les deux dispositifs d'encadrement qui ont fait
défaut au moment de la mise en place de cette allocation personnalisée
d'autonomie.
Je tenais à vous livrer cette expérience, monsieur le secrétaire d'Etat, car
je suis convaincu que, sans toucher à l'APA, nous pouvons, s'agissant de la
surfacturation et de sa prise en compte, trouver les mesures d'accompagnement
nécessaires.
DIFFICULTÉS DE MISE EN OEUVRE
DE L'ALLOCATION PERSONNALISÉE D'AUTONOMIE