SEANCE DU 22 OCTOBRE 2002
M. le président.
La parole est à M. Louis Souvet, auteur de la question n° 17, adressée à M. le
ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.
M. Louis Souvet.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le problème
que je souhaite soulever aujourd'hui est grave. En 1998, du fait des
contraintes générées par la géopolitique, il a fallu canaliser, légaliser une
pratique introduite par les instructions ministérielles, c'est-à-dire sans
caractère légal : je veux parler de l'asile territorial.
Nous étions confrontés, d'un côté, à l'afflux de réfugiés - issus par exemple
de l'ex-Yougoslavie ou de l'Algérie - et, de l'autre, à une référence très
stricte, à savoir la convention de Genève.
Face à cette inadéquation patente, il devenait urgent de trouver un moyen
terme, d'où les règles du jeu de l'asile territorial. Cela permettait de sortir
d'un flou artistique. Cependant, l'utilité
ab initio
a laissé place à
ce qu'il est convenu d'appeler - sans grossir le trait - des effets pervers.
Pourquoi ? Après quelque temps, les délais de procédure étant très longs du
fait du nombre de demandeurs, l'intéressé ne veut plus rester à la charge de la
structure familiale. Il se tourne alors obligatoirement vers les services
sociaux, l'interdiction lui étant faite de travailler. Ce processus favorise
l'assistanat, mais également le travail au noir.
De 1999 à 2000, le nombre des demandes d'asile territorial a été multiplié par
deux, passant, selon les chiffres officiels, de 6 984 à 11 810. Et encore, tous
les cas ne sont pas recensés du fait du caractère le plus souvent familial de
l'accueil. Selon des avis autorisés, ce nombre pourrait être multiplié par
trois pour correspondre à la réalité.
Quand une loi ne répond plus à son objectif, quelles que soient ses qualités
initiales, et lorsqu'elle produit plus d'effets négatifs qu'elle ne règle de
problèmes, il convient de s'interroger, monsieur le ministre, sur la nécessité
de la réformer.
Soulignons que le caractère familial de l'hébergement initial rend attractives
les régions fortement industrialisées où résident de nombreuses familles issues
d'une immigration plus ancienne.
Nous sommes en présence d'une triple problématique : d'abord, ne doit-on pas
autoriser ces demandeurs d'asile territorial à travailler durant l'instruction
de leur dossier, comme peut le faire le demandeur d'asile politique ? Ensuite,
comment éviter que la procédure d'asile territorial ne soit considérée - par le
demandeur, bien sûr - comme « un appel » de la décision négative rendue dans le
domaine de l'asile politique ? Enfin, comment mettre un terme à l'engorgement
des centres d'urgence ? Dans mon département, le Doubs, 550 places sont
disponibles pour 800 demandes !
Le cadre législatif initial, il est vrai, n'est pas seul en cause.
L'annulation par le Conseil d'Etat - par son arrêt du 26 janvier 2000,
Association France Terre d'Asile. Amnesty International
- d'un certain
nombre de dispositions de la circulaire du 25 juin 1998 n'a pas amélioré la
situation, bien au contraire. L'élargissement du champ d'application de l'asile
territorial a conduit aux effets précédemment énoncés.
Je me réjouis que le Gouvernement ait pris en compte l'ampleur du problème,
les demandes manifestement infondées n'étant plus filtrées par les autorités
françaises, comme le rappelait dans une note M. le directeur des Français à
l'étranger en France.
Je vous demande donc, monsieur le ministre, comment peut être évité
de
facto
l'enchaînement des procédures : asile conventionnel, puis asile
territorial - particularisme français, soit dit en passant.
M. le président.
La parole est à M. le ministre délégué.
M. Patrick Devedjian,
ministre délégué aux libertés locales.
Monsieur le sénateur, quelle est
tout d'abord la situation juridique ?
Juridiquement, la procédure de l'asile territorial dépend de la loi relative à
l'entrée et au séjour des étrangers en France et au droit d'asile, dite loi
RESEDA, du 11 mai 1998, dont l'objet est d'accorder un droit au séjour en
France d'une année, renouvelable, à un ressortissant étranger qui peut faire
état dans son pays d'origine de menaces sur sa liberté ou sur sa vie.
Il s'agit d'une protection complémentaire par rapport à celle qui est contenue
dans la convention de Genève de 1951.
Quelles sont, ensuite, les données chiffrées ? Elles sont encore plus
alarmantes que celles que vous avez citées puisqu'en 2001 plus de 30 000
personnes se sont présentées dans les préfectures pour entamer une procédure
d'asile territorial. Ce phénomène a évidemment entraîné des engorgements à tous
les niveaux.
Le situation du demandeur d'asile territorial n'est pas la même que celle du
demandeur d'asile conventionnel : il est exclu du dispositif d'accueil, car il
n'a pas, lui, le droit de bénéficier de conditions d'hébergement et de
prestations sociales spécifiques. Mais il peut accéder par ailleurs à des
prestations pour sa famille ou à la couverture maladie universelle, ce qui est
de nature à créer une situation largement incontrôlée.
Quelles sont, enfin, les initiatives que le Gouvernement a prises ?
Dès le 25 septembre dernier, le conseil des ministres a arrêté les plans d'une
réforme qui devra être totalement en vigueur au 1er janvier 2004 ; nous prenons
d'ores et déjà les mesures, mais il faut du temps.
Cette réforme, inspirée par la volonté d'accroître les moyens et de simplifier
un dispositif global passablement complexe, comporte plusieurs innovations :
l'OFPRA, l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, sera seul
compétent, non seulement en matière d'asile conventionnel, mais aussi d'asile
territorial.
Je réponds donc à votre demande : les deux procédures, celle de l'asile
conventionnel et celle de l'asile territorial, seront rassemblées au sein de la
même organisation, l'OFPRA.
Les préfectures continueront de délivrer des autorisations de séjour aux
demandeurs d'asile. L'OFPRA sera déconcentré dans les régions d'accueil des
demandeurs d'asile, en cohérence avec la pratique de nos partenaires européens.
La France élargira le statut de réfugié, mais l'origine étatique des
persécutions cessera d'être le critère automatique. Le corollaire de la mise en
oeuvre de cette réforme de l'asile sera la reconduite effective à la frontière
des étrangers déboutés dans des délais n'excédant pas deux mois, du moins
l'espérons-nous.
Cette réforme suppose une modification de la loi n° 52-893 du 25 juillet 1952
relative au droit d'asile et de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945
relative aux conditions d'entrée et de séjour en France des étrangers et
portant création de l'Office national d'immigration.
M. le président.
La parole est à M. Louis Souvet.
M. Louis Souvet.
Je vous remercie, monsieur le ministre, de la précision de vos propos. La
direction que vous nous avez donnée correspond certainement aux souhaits des
uns et des autres.
Cependant, vous ne m'avez pas répondu quant aux possibilités de faire
travailler les personnes qui attendent l'instruction de leur dossier. Mais, à
partir du moment où les délais seront considérablement raccourcis, je comprends
qu'on ne réponde pas à cette question.
AIDES FINANCIÈRES DE L'ÉTAT
EN FAVEUR DES DÉPARTEMENTS