SEANCE DU 23 OCTOBRE 2002


M. le président. « Art. 3. - Le V de l'article 5 de la loi n° 2000-37 du 19 janvier 2000 précitée est complété par un 2° ainsi rédigé :
« 2° Dans l'attente de l'accord de branche étendu mentionné au I de l'article L. 212-5 du code du travail ou au I de l'article L. 713-6 du code rural, le taux de majoration des quatre premières heures supplémentaires applicables aux entreprises de vingt salariés au plus reste fixé à 10 % au plus tard jusqu'au 31 décembre 2005. »
Je suis saisi de six amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L'amendement n° 63 est présenté par MM. Chabroux, Godefroy, Weber et Domeizel, Mmes San Vicente, Printz et les membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée.
L'amendement n° 103 est présenté par M. Muzeau, Mme Demessine, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
« Supprimer cet article. »
L'amendement n° 7, présenté par M. Souvet, au nom de la commission, est ainsi libellé :
« Au début du texte proposé par cet article pour compléter le V de l'article 5 de la loi n° 2000-37 du 19 janvier 2000, après les mots : "l'attente de", insérer les mots : "la convention ou de". »
L'amendement n° 122, présenté par M. Gournac, est ainsi libellé :
« Compléter le texte proposé par cet article pour le 2 du V de l'article 5 de la loi n° 2000-37 du 19 janvier 2000 par un alinéa ainsi rédigé :
« Les voyageurs, représentants ou placiers relevant des articles L. 751-1 et suivants du titre V du livre VII du code du travail ne sont pas pris en compte pour la détermination de l'effectif de vingt salariés visé ci-dessus. »
L'amendement n° 121, présenté par M. Gournac, est ainsi libellé :
« A. - Compléter, in fine , cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
« ... - Le VIII du même article est ainsi rédigé :
« VIII. - Pour les entreprises pour lesquelles la durée légale du travail est de 35 heures à compter du 1er janvier 2002, le seuil défini au troisième alinéa de l'article L. 212-6 du code du travail est fixé à 37 heures en 2002, et à 36 heures en 2003 et 2004.
« B. - En conséquence, faire précéder le début de cet article par la mention : "I. - ". »
L'amendement n° 24, présenté par M. Joly, est ainsi libellé :
« I. Compléter in fine cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
« I...Dans la troisième phrase du VIII dudit article, les mots : "respectivement en 2002 et en 2003" sont remplacés par les mots : "respectivement en 2002, 2003, 2004 et en 2005". »
« II. - En conséquence, faire précéder le début de cet article de la mention : ". - " .»
La parole est à M. Gilbert Chabroux pour défendre l'amendement n° 63.
M. Gilbert Chabroux. Il s'agit aussi d'un amendement de suppression.
L'article 3 prévoit de prolonger la durée d'application des dispositions spécifiques aux entreprises de vingt salariés au plus jusqu'au 31 décembre 2005.
La loi du 19 janvier 2000 a prévu une période d'adaptation d'un an pour les petites entreprises. Ce délai est vite apparu insuffisant. C'est pourquoi, sans remanier le texte de loi, le gouvernement précédent a décidé, par décret du 15 octobre 2001 et par circulaire du 17 octobre 2001, de mettre en place un dispositif d'accompagnement renforcé en direction de ces entreprises.
Pour l'essentiel, ce dispositif a consisté à fixer un contingent transitoire de 180 heures supplémentaires, majorées de 10 % en 2002, et à renforcer l'appui conseil aux entreprises.
L'article 3 du projet de loi que nous examinons prévoit une prolongation de la majoration des heures supplémentaires de 10 % jusqu'au 31 décembre 2005 pour les entreprise de vingt salariés ou plus. Ce faisant, il crée une inégalité durable entre les salariés selon la taille de leur entreprise, mais aussi entre les entreprises, qui n'auront pas la même attractivité pour les salariés.
Cela risque de poser problème dans les secteurs artisanaux où sont déjà apparues des difficultés de recrutement en raison des horaires démentiels imposés par les employeurs. Cet effet pervers du texte est d'ailleurs souligné par les représentants de l'Union professionnelle artisanale, l'UPA, et de la Confédération de l'artisanat et des petites entreprises du bâtiment, la CAPEB, dans leurs publications professionnelles.
C'est une forme de distorsion de concurrence, puisque ces entreprises risquent de voir leur échapper certains marchés ou de ne pas parvenir à assurer des commandes en raison d'une pénurie aggravée de personnel.
Nous demandons donc la suppression de l'article 3.
M. le président. La parole est à M. Guy Fischer pour présenter l'amendement n° 103.
M. Guy Fischer. Nous sommes opposés au maintien jusqu'au 31 décembre 2005 du taux transitoire de majoration des heures supplémentaires de 10 % pour les entreprises de vingt salariés et moins. Il existe deux raisons à cela : la perte nette de pouvoir d'achat pour ceux qui font des heures supplémentaires dans les PME, d'une part, et l'accentuation des différences de traitement entre salariés de petites structures et salariés de grandes entreprises, d'autre part.
M. le Premier ministre a lui-même expliqué que c'était un moyen pour les PME de ne pas passer aux 35 heures. Je l'ai dit hier, c'est une façon d'enterrer les 35 heures, puisque la majoration de 10 % des quatre premières heures supplémentaires conduit en définitive à revenir aux 39 heures, et la combinaison des dispositions de l'article 3 avec celles de l'article 6, qui vise à déconnecter les allégements de cotisations des négociations sur la réduction du temps de travail, le confirme.
Ces dispositions révèlent aussi qu'il ne s'agit pas de prolonger la période d'adaptation, puisqu'il n'y a plus d'incitation à la réduction du temps de travail, mais bel et bien d'institutionnaliser un système dérogatoire en matière de rémunération des heures supplémentaires.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour présenter l'amendement n° 7.
M. Louis Souvet, rapporteur. C'est un amendement de coordination.
M. le président. Les amendements n°s 122 et 121 ne sont pas soutenus.
La parole est à M. Bernard Joly pour présenter l'amendement n° 24.
M. Bernard Joly. Cet amendement a pour objet de maintenir la capacité productive des entreprises de vingt salariés et moins. Celles-ci bénéficient d'une période transitoire de deux ans pour appliquer strictement la durée légale de 35 heures hebdomadaires : les heures supplémentaires ne s'imputent sur le contingent qu'au-delà de 37 heures par semaine en 2002 et, en 2003, qu'au-delà de 36 heures par semaine.
Cette période transitoire est trop courte pour ces entreprises. Elle devrait être prolongée de deux ans, comme cela est d'ores et déjà prévu par le projet de loi pour ce qui concerne la majoration de 10 % des quatre premières heures supplémentaires.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Louis Souvet, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable sur les amendements identiques n°s 63 et 103.
S'agissant de l'amendement n° 24, le projet de loi prévoit une prolongation de la période de transition pour la majoration des heures supplémentaires. L'amendement proposé tend à maintenir le seuil de déclenchement du contingent d'heures supplémentaires à 37 heures en 2003 et en 2004, à 36 heures en 2005. La commission craint que ce seuil ne soit un peu trop élevé et elle demande donc le retrait de l'amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. François Fillon, ministre. Le Gouvernement n'est pas favorable aux amendements identiques n°s 63 et 103.
Il souhaite, en effet, que la période transitoire ménagée pour les entreprises de moins de vingt salariés soit prolongée.
J'attire l'attention du Sénat, en particulier celle des auteurs de ces amendements, sur deux points.
Premièrement, cette mesure ne s'applique, évidemment, qu'en l'absence d'accords de branche étendus ; les partenaires sociaux ont donc la possibilité de conclure des accords plus favorables avant le 31 décembre 2005.
Deuxièmement, rien n'empêche les responsables des petites et moyennes entreprises éventuellement menacées par une pénurie de personnel de rémunérer les heures supplémentaires à un taux plus élevé que celui qui est fixé par le présent texte.
M. Guy Fischer. C'est bien sûr ce qu'ils vont faire !
M. François Fillon, ministre. Si, dans quelques mois ou dans quelques années, l'évolution du marché du travail rendait le recrutement difficile pour des petites entreprises, elles seraient naturellement conduites à mettre en oeuvre des conditions de rémunération et d'organisation du travail plus favorables. Le projet de loi n'empêche évidemment pas les chefs d'entreprise de pratiquer des conditions plus avantageuses que les conditions légales !
Le Gouvernement est favorable à l'amendement n° 7.
Il n'est en revanche pas favorable à l'amendement n° 24 parce qu'il considère que les dérogations dont la durée d'application est prolongée de trois ans qui sont accordées aux entreprises de moins de vingt salariés sont déjà très importantes. De plus, le contingent d'heures supplémentaires ne leur sera intégralement imputé qu'à compter du 1er janvier 2004, ce qui leur donne en réalité la possibilité d'obtenir une franchise de deux heures hebdomadaires pour l'année 2002 et d'une heure pour l'année 2003.
Il est bien entendu nécessaire de tenir compte des spécificités des petites et moyennes entreprises et de la difficulté qu'elles rencontrent à mettre en oeuvre la réduction du temps de travail, mais il ne faut pas non plus creuser entre elles et les grandes entreprises un écart qui rendrait ensuite particulièrement difficile leur rapprochement.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques n°s 63 et 103.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 7.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Monsieur Joly, l'amendement n° 24 est-il maintenu ?
M. Bernard Joly. Cet amendement vise à faciliter la vie des petites et moyennes entreprises, dont le taux de « mortalité » est très élevé. Cependant, j'accepte, après les explications de la commission et du Gouvernement, de le retirer.
M. le président. L'amendement n° 24 est retiré.
Je mets aux voix l'article 3, modifié.

(L'article 3 est adopté.)
M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.
La séance est suspendue.